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rapport pierre colliere - Chênes et Baobabs

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<strong>Chênes</strong> <strong>et</strong> <strong>Baobabs</strong><br />

Solidarité avec le Sénégal<br />

La forêt de <strong>Baobabs</strong> (Adansonia digitata L.) de Nguékokh (Sénégal) : analyse des causes de la<br />

dégradation de la forêt <strong>et</strong> recherche de solutions<br />

Résumé<br />

Rapport d'étude de la mission humanitaire réalisée au CIAF de Nguékokh<br />

du 27 juin au 21 août 2002 par Pierre Collière<br />

L'analyse comporte deux études préliminaires : la recherche d'éventuelles pathologies <strong>et</strong> une<br />

comparaison entre deux peuplements, l'un protégé <strong>et</strong> l'autre non, au niveau de la morphologie des<br />

paysages <strong>et</strong> des arbres <strong>et</strong> de la dendrométrie des peuplements.<br />

La première partie montre qu'aucune maladie ne semble affecter les arbres de manière conséquente<br />

pour l'avenir de la forêt.<br />

La deuxième étude montre l'absence de différence significative dans la structure des peuplements <strong>et</strong><br />

une différence flagrante d'état morphologique des arbres <strong>et</strong> des paysages témoignant des eff<strong>et</strong>s des<br />

traitements infligés par les activités humaines.<br />

L'ensemble de l'étude fait état de l'action de l'homme sur la forêt par ses activités forestières, agricoles<br />

<strong>et</strong> pastorales <strong>et</strong> mesure les conséquences sur l'évolution future du milieu. Des mesures d'amélioration<br />

de la gestion du site sont proposées.<br />

Remerciements<br />

Une mission en Afrique est une grande aventure. Elle n'a bien sûr pas pu se dérouler sans la<br />

contribution de nombreuses personnes qui m'ont aidé, soutenu <strong>et</strong> encouragé dans mon travail.<br />

Qu'elles en soient ici remerciées :<br />

Alain Bréant, président fondateur de l'association "<strong>Chênes</strong> <strong>et</strong> <strong>Baobabs</strong>" qui m'a donné sa confiance<br />

pour la réalisation de ce travail.<br />

Ismaila Diallo, chercheur en génétique forestière,<br />

Astou Sene, chercheuse en socio-économie agricole <strong>et</strong>


Mamadou Moctar Cissé, documentaliste, tous trois de l'ISRA-CNRF (Institut Sénégalais de la<br />

Recherche Agronomique) de Dakar ;<br />

Jacques Pe<strong>et</strong>ers, coopérant belge pour la direction des parcs nationaux du Sénégal à Dakar ;<br />

Pierre Soloviev, chercheur à la protection des végétaux de Dakar ;<br />

Aliou Diouf, du CSE (Centre de Suivi Ecologique) de Dakar ; pour leur aide scientifique <strong>et</strong> leurs<br />

conseils dans l'élaboration de mon étude <strong>et</strong> l'interprétation de mes résultats <strong>et</strong> observations.<br />

Moussa Seck, de la station ISRA de Bandia ;<br />

le Commandant Malang Kidiera, chef du service départemental des Eaux <strong>et</strong> Forêts de Mbour <strong>et</strong><br />

Mamadou Mbodj de la brigade forestière de Nguékokh ;<br />

pour leurs apports précieux dans la connaissance des forêts de Bandia <strong>et</strong> de Nguékokh.<br />

Les guides Ali <strong>et</strong> Eva de la réserve de Bandia.<br />

Assane Ndione <strong>et</strong> toute sa famille pour ses nombreux conseils.<br />

Anne Marie pour sa présence, son soutient <strong>et</strong> sa collaboration technique (malgré les épines d'acacia !)<br />

durant tout mon travail.<br />

Matthieu pour son apport technique dans la mise en forme de ce mémoire.<br />

Et tous les sénégalais, jamais avares de paroles (ni de Ti Bou Dien !), qui ne se sont jamais fait prier<br />

pour répondre à nos questions…<br />

SOMMAIRE<br />

INTRODUCTION<br />

I- ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE<br />

I-1 Présentation du baobab (Adansonia digitata L.)<br />

I-1.1 Taxinomie <strong>et</strong> caractères botaniques<br />

I-1.2 Habitat <strong>et</strong> répartition<br />

I-1.3 Station <strong>et</strong> climat<br />

I-1.4 Biologie<br />

I-2 Maladies, ravageurs <strong>et</strong> dégâts affectant les arbres<br />

I-3 Usages, multiplication, sylviculture<br />

I-4 Contexte écologique <strong>et</strong> environnemental<br />

I-4.1 Influences climatiques<br />

I-4.2 Influences anthropiques


I-4.3 Tentatives de reboisement <strong>et</strong> d'aménagement<br />

II- SITUATION GENERALE DU SITE ETUDIE<br />

II-1 Relief <strong>et</strong> sol<br />

II-2 Climat <strong>et</strong> végétation<br />

II-3 Atouts de la commune <strong>et</strong> problèmes rencontrés<br />

III- ANALYSE DES PATHOLOGIES DE CROISSANCE<br />

III-1 Observations d'affections au niveau des arbres<br />

III-1.1 Cicatrices de blessures<br />

III-1.2 Dessèchement de l'écorce<br />

III-1.3 Taches <strong>et</strong> auréoles<br />

III-1.4 Branches arrachées<br />

III-1.5 Arbres arrachés<br />

III-2 Interprétation <strong>et</strong> discussion<br />

IV- COMPARAISON DES DEUX PEUPLEMENTS DE BAOBABS : LA FORET<br />

DE NGUEKOKH ET LA FORET CLASSEE DE BANDIA.<br />

IV-1 Différences écologiques <strong>et</strong> morphologiques des deux peuplements<br />

IV-1.1 Richesse écologique <strong>et</strong> biodiversité<br />

IV-1.2 Morphologie des baobabs<br />

IV-2 Etude dendrométrique des deux peuplements<br />

IV-2.1 Matériel <strong>et</strong> méthodes<br />

IV-2.2 Résultats<br />

IV-2.3 Discussion<br />

IV-3 Conclusion sur l'évolution des deux forêts<br />

V- SYNTHESE : QUEL AVENIR POUR LA FORET DE BAOBABS ?<br />

V-1 A quoi la forêt est-elle exposée ?<br />

V-1.1 La surexploitation du bois pour l'industrie du charbon


V-1.2 L'allongement <strong>et</strong> l'intensification des périodes de sécheresse<br />

V-1.3 L'agriculture <strong>et</strong> le surpâturage<br />

V-1.4 Les feux de brousse<br />

V-1.5 Conclusion<br />

V-2 Quelles conséquences pour la forêt ?<br />

V-2.1 Déforestation <strong>et</strong> désertification<br />

V-2.2 Affaiblissement des suj<strong>et</strong>s<br />

V-2.3 Absence de régénération<br />

V-2.4 Conclusion<br />

V-3 Quelles possibilités pour l'avenir ?<br />

V-3.1 Exemple de la forêt de Bandia<br />

V-3.2 Sensibilisation <strong>et</strong> respect des réglementations<br />

V-3.3 Propositions pour la forêt de baobabs de Nguékokh<br />

CONCLUSION<br />

REFERENCES<br />

Annexes<br />

INTRODUCTION<br />

Le Baobab est au Sénégal omniprésent tant par sa présence dans une grande majorité des paysages<br />

du pays que par sa figuration emblématique dans la plupart des documents administratifs. De<br />

nombreux mythes <strong>et</strong> légendes qui hantent la société sénégalaise sacralisent le baobab. Respecté <strong>et</strong><br />

protégé, c'est un arbre qui symbolise le pays. La multiplicité de ses usages en fait l'une des espèces<br />

les plus utiles du Sahel.<br />

La forêt de baobabs de Nguékokh figure parmi les plus somptueuses du Sénégal. Située tout contre la<br />

forêt classée de Bandia, dans le département de Mbour, elle ne bénéficie pas de la protection de<br />

celle-ci <strong>et</strong> se trouve fortement dégradée depuis quelques dizaines d'années. La déforestation touche<br />

de nombreuses parties du pays qui se trouvent alors privées d'une ressource naturelle indispensable<br />

à la survie des populations. Dans bien des cas, la disparition de ces ressources n'est pas due<br />

principalement aux changements climatiques mais bien à l'action de l'homme qui, par sa mauvaise<br />

gestion des milieux naturels <strong>et</strong> par l'augmentation de son poids démographique, influe de façon<br />

néfaste voire catastrophique sur son environnement.<br />

Le présent travail vise à analyser les causes <strong>et</strong> les acteurs de c<strong>et</strong>te dégradation au niveau de la forêt<br />

de Nguékokh. La connaissance des causalités devrait perm<strong>et</strong>tre ensuite de proposer aux utilisateurs<br />

de la forêt des aménagements éventuels ou de meilleurs modes de gestion.<br />

La mission que nous avons effectuée durant deux mois au CIAF (Centre International d'Accueil <strong>et</strong> de<br />

Formation) de Nguékokh entre dans les activités humanitaires que mène l'association "<strong>Chênes</strong> <strong>et</strong>


<strong>Baobabs</strong> - solidarité Bourbonnais Sénégal". Notre action a été totalement bénévole au service du<br />

développement de la commune de Nguékokh <strong>et</strong> de l'Afrique en général. Le but de c<strong>et</strong>te mission n'a<br />

pas été de fournir une aide directe à la population sous forme de don de biens ou de services mais<br />

constitue une étude dont les résultats pourront favoriser le développement durable de la commune.<br />

I- ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE<br />

De la famille des Bombacaceae, le baobab possède d'innombrables dénominations (Booth <strong>et</strong><br />

Wickens, 1988) : plusieurs binômes latins lui ont été attribués successivement d'une part, de<br />

nombreux noms vernaculaires existent d'autre part dans les diverses langues <strong>et</strong>hniques du pays<br />

(Baumer, 1995) (Annexe 1). Le nom botanique officiel est Adansonia digitata L.<br />

C'est un arbre ayant un port très caractéristique à cause de son tronc énorme, souvent creux <strong>et</strong><br />

pouvant atteindre 7 m de diamètre qui présente des branches robustes <strong>et</strong> tortueuses (Arbonnier,<br />

2000). Sa hauteur est moyenne, de 25 à 30 m. Les jeunes suj<strong>et</strong>s ont un tout autre aspect : ils<br />

ressemblent à des bouteilles au somm<strong>et</strong> desquelles se trouvent les rameaux (Maydell, 1983).<br />

Les feuilles sont alternes, composées digitées, à 5 ou 7 folioles entières, sessiles ou presque,<br />

légèrement pétiolées.<br />

Habitat <strong>et</strong> répartition<br />

On trouve le baobab dans les zones sahélo-soudaniennes, comprises entre 600 <strong>et</strong> 900 mm de<br />

précipitations annuelles. En Afrique tropicale sèche, ce sont les régions sub-humides <strong>et</strong> semi-arides<br />

du Sud du Sahara allant du Sénégal au Soudan, <strong>et</strong> de l'Ethiopie au Mozambique <strong>et</strong> au Natal en<br />

Afrique orientale (figure 1). Les peuplements sont très communs <strong>et</strong> grégaires. Il ne pousse pas dans la<br />

forêt tropicale humide. Le genre compte huit espèces dont six à Madagascar. Les deux autres se<br />

trouvent en Australie pour l'une <strong>et</strong> en Afrique pour la dernière, la notre.<br />

Espèce semée <strong>et</strong> protégée par la population, sa présence est souvent liée à l'occupation humaine<br />

(Maydell, 1983). En brousse, elle signale notamment les villages disparus (Arbonnier, 2000). Certains<br />

villageois, à la frontière entre le Mali <strong>et</strong> le Burkina Faso, élèvent des jeunes baobabs pour les planter<br />

ensuite en bordure de leur champs (Sibidé, 1996). L'existence de tels peuplements anthropozoogènes<br />

laissent penser que l'espèce n'est pas originaire de l'Afrique occidentale, mais qu'elle aurait été<br />

disséminée peu à peu par l'homme <strong>et</strong> les animaux qui consomment les graines avec les restes de<br />

pulpe (Adam, 1962). L'action de l'homme est d'autant plus importante que l'espèce présente une<br />

régénération naturelle qui n'est satisfaisante que par la longévité des individus (Booth <strong>et</strong> Wickens,<br />

1988).<br />

Station <strong>et</strong> climat<br />

- Peut survivre à partir de 90 mm de précipitations annuelles <strong>et</strong> prospère entre 250 <strong>et</strong> 1000 à 1500<br />

mm (Wickens, 1982 ; Maydell, 1983). Le Houérou place pour sa part l'optimum écologique entre les<br />

isohyètes de 500 <strong>et</strong> 1000 mm (1980).<br />

- Accepte des sols aux qualités très variables mais pousse apparemment le mieux sur un substrat<br />

calcaire ou sur des sols profonds assez humides.<br />

- Températures moyennes annuelles : entre 20 <strong>et</strong> 30°C.<br />

- Altitude : du niveau de la mer à 1000 à 1500 m.<br />

Biologie


Le baobab est une essence de lumière comme la plupart des espèces des régions semi-arides <strong>et</strong> subhumides.<br />

Il possède une haute résistance au feu <strong>et</strong> à la sécheresse grâce à son tronc succulent<br />

(Maydell, 1983). Le bois est en eff<strong>et</strong> spongieux <strong>et</strong> stocke de grandes quantités d'eau.<br />

Les feuilles apparaissent irrégulièrement dans un peuplement, un peu avant la saison des pluies<br />

(Adam, 1962). L'arbre est complètement dénudé pendant la saison sèche <strong>et</strong> ne verdit que pendant<br />

l'hivernage à partir des mois de juin <strong>et</strong> juill<strong>et</strong>. Parfois certains suj<strong>et</strong>s, dans les lieux frais, restent<br />

feuillés presque toute l'année. La floraison commence en fin de saison sèche ou juste avant les<br />

premières pluies, souvent avant l'apparition des premières feuilles. Les fleurs (figure 2) s'ouvrent en<br />

soirée, sont butinées pendant la nuit par les chauve-souris qui se nourrissent du nectar <strong>et</strong> du pollen, <strong>et</strong><br />

tombent le lendemain à l'aube. Il ne semble pas que la présence des chauve-souris ou des insectes<br />

soit nécessaire pour assurer la fécondation. Les fruits, appelés pains de singe (figure 3), sont ainsi<br />

produits durant toute la saison des pluies. Il tombent de l'arbre à maturité, ce qui casse la coque <strong>et</strong><br />

perm<strong>et</strong> aux termites de manger la pulpe <strong>et</strong> de libérer les graines. Ces dernières sont dispersées,<br />

quand elles ne germent pas in situ, par des singes, rats, éléphants, élans, oiseaux ou enfin par<br />

l'homme qui est également un gros consommateur des fruits.<br />

Maladies, ravageurs <strong>et</strong> dégâts affectant les arbres<br />

On ne connaît aucune maladie ou dépérissement affectant le Baobab (Maydell, 1983 ; Peltier,<br />

communication personnelle). Toutefois, l'espèce n'ayant pas d'intérêt économique pouvant générer<br />

une activité industrielle, très peu de recherches ont été effectuées sur le suj<strong>et</strong>.<br />

Les arbres meurent généralement de vieillesse <strong>et</strong> s'écroulent tout seul lorsque leur tronc creux n'est<br />

plus assez robuste pour soutenir toute la ramure. Le feu, la foudre ou les tempêtes sont ainsi des<br />

causes de mortalité. D'autres sont plus anecdotiques : ils peuvent, en Afrique orientale, être<br />

endommagés par les éléphants qui cassent les branches (Maydell, 1983). Certains oiseaux qui<br />

nichent dans les creux du tronc, peuvent également, paraît-il, tuer un baobab en quelques années, à<br />

cause de leurs cris incessants qui résonnent dans les cavités du tronc.<br />

Les jeunes suj<strong>et</strong>s sont détruits par le bétail ou le feu <strong>et</strong> sont plus sensibles à la sécheresse. Le<br />

baobab a en eff<strong>et</strong> besoin de beaucoup d'eau pendant ses jeunes années le temps que son système<br />

racinaire s'installe en profondeur (Peltier, communication personnelle).<br />

Des études sur les ravageurs du cacao <strong>et</strong> du coton ont montré que le baobab pouvait être un hôte<br />

alternatif, bien qu'insignifiant, pour un certain nombre d'insectes (Booth <strong>et</strong> Wickens, 1988) :<br />

-vers des semences du cotonnier (cotton bollworms) : Heliothis armigera, Diparopsis castanea, Earias<br />

biplaga ;<br />

-punaises rouges du cotonnier (cotton-stainer bugs) : Dysdercus fasciatus, D. intermedius, D.<br />

nigrofasciatus, D. suberstitiosus, Odontopus exsanguinis, O. sexpunctatus, Oxycarenus albipennis ;<br />

-coléoptères (flea be<strong>et</strong>les) : Podagrich ssp. ;<br />

-mirides (cocoa capsid) : Distantiella theobroma ;<br />

-Analeptes trifasciata : scarabée longicorne qui peut attaquer <strong>et</strong> tuer les jeunes arbres ;<br />

-Gonimbrasia herlina (mopane worm) qui se nourrit des feuilles (Wickens , 1982).<br />

Certains champignons peuvent également être hébergés sans que l'on ait remarqué de réels dégâts :<br />

Daldinia concentrica, Coriolopsis stumosus, Tram<strong>et</strong>es socrotani.


La présence de Phyllosticta sp. ("leafspot") <strong>et</strong> d'un mildiou ("powdery mildew") Leveillula taurica est<br />

également mentionnée (Wickens, 1982).<br />

Il a également été découvert (Taylor <strong>et</strong> al., 1978 ; Coleman <strong>et</strong> al., 1991) que le baobab était un hôte<br />

pour certains nématodes comme Meloidogyne sp. <strong>et</strong> Rotylenchulus reniformis <strong>et</strong> constituait ainsi une<br />

source d'inoculum non négligeable de ces nématodes nuisibles pour l'agriculture. Là encore, le<br />

baobab ne semble pas être affecté par la présence de ces parasites.<br />

La sensibilité du baobab a été testée pour un certain nombre de virus, il est sensible à 4 d'entre eux<br />

(Brunt <strong>et</strong> al., 1996). Le CCSV (Cacao swollen shoot badnavirus) peut provoquer sur baobab des<br />

chloroses foliaires. Le baobab fait partie des hôtes naturels principaux du virus <strong>et</strong> contribue à sa<br />

conservation <strong>et</strong> à sa propagation. Il est également sensible au CYMV (Cacao yellow mosaic<br />

tymovirus), au CBSaV (Cassava brown streak-associated carlavirus) <strong>et</strong> au OkMV (Okra mosaic<br />

tymovirus ou virus de la mosaïque du Gombo).<br />

Usages, multiplication, sylviculture<br />

Le baobab ne génère certes aucune activité industrielle importante. C'est pourtant une des espèces<br />

les plus utiles du Sahel qui se classe parmi les arbres à usages multiples. Toutes les parties de l'arbre<br />

s'utilisent. On dit même qu'un sage qui voudrait se faire ermite à son ombre n'y manquerait presque<br />

de rien pour vivre (Adam, 1962). La liste des utilisations possibles est très longue <strong>et</strong> a fait l'obj<strong>et</strong> de<br />

nombreuses publications. Nous ne les détaillerons pas mais le lecteur doit r<strong>et</strong>enir que leur multiplicité<br />

fait du baobab un arbre symbolique très respecté en particulier au Sénégal.<br />

Les parties les plus exploitées sont les feuilles qui sont consommées pour le bétail <strong>et</strong>, avec les fruits,<br />

en complément de l'alimentation humaine (Anonyme, 1993). L'écorce sert à la fabrication de cordes<br />

tandis que les autres usages principaux sont médicinaux, en pharmacopée. C'est généralement pour<br />

récolter les fruits <strong>et</strong> les feuilles que l'espèce est cultivée.<br />

Une des origines présumées du mot baobab serait le terme arabe " bu hibab " signifiant "fruit à<br />

nombreuses graines". La production est en eff<strong>et</strong> importante : de l'ordre de 2000 à 3000 graines par kg<br />

(Maydell, 1983). En conditions normales, elles restent viables pendant des années. Les graines<br />

viables peuvent être séparée par un test de flottaison, les graines vides avortées flottant à la surface.<br />

Avant le semis, une cuisson dans l'eau bouillante pendant environ 5 à 7 min ou un traitement de 6 à<br />

12 h à l'acide sulfurique concentré aide à lever la dormance. Le taux de germination passe ainsi de 20<br />

à 90%. La scarification peut endommager l'embryon <strong>et</strong> est déconseillée (Danthu <strong>et</strong> al., 1995). Dans la<br />

nature, la dormance est levée par le transit dans le tube digestif des gros mammifères comme les<br />

éléphants. Les graines germent au bout d'environ 3 semaines (Anonyme <strong>et</strong> al., 1993). La plantation se<br />

fait pendant l'hivernage, lorsque le régime des pluies est bien installé. L'espacement optimum serait<br />

de 20 à 30 m (Booth <strong>et</strong> Wickens, 1988). Il est nécessaire de protéger les jeunes pousses contre le<br />

bétail qui les broute <strong>et</strong> de leur assurer une bonne alimentation hydrique le temps que le système<br />

racinaire se développe en profondeur jusqu'à la nappe phréatique.<br />

Sur un bon sol <strong>et</strong> avec une bonne préparation, la croissance peut-être assez rapide les premières<br />

années : jusqu'à 3 cm par an sur le diamètre. Les arbres peuvent atteindre 2 m en 2 ans, 15 m en 12<br />

ans (Maydell, 1983). La vitesse de croissance ralentie ensuite au cours de la vie de l'individu si bien<br />

qu'il est très difficile d'estimer l'âge d'un suj<strong>et</strong> à partir de la mesure du diamètre de son tronc (Adam,<br />

1962). L'espacement des arbres sera variable en fonction de l'utilisation que l'on veut faire du<br />

peuplement : pour de grand arbres destinés à embellir l'environnement <strong>et</strong> qui produiront feuilles <strong>et</strong><br />

fruits, une plantation à grand écartement est préférable. Il convient de ne pas récolter trop de feuilles


pendant une vingtaine d'années pour laisser l'arbre développer son fût (Anonyme, 1993). Par contre,<br />

pour une production à plus court terme, on peut envisager des plantations à faible écartement (tous<br />

les 2 m) sur des sols frais ou irrigués. La récolte des premières feuilles chaque année devra respecter<br />

les repousses pour assurer la survie de l'arbre. La production de feuilles sera exploitable à partir de 4<br />

ou 5 ans. Des cultures intercalaires peuvent être réalisées entre les arbres.<br />

Les fruits sont produits au bout de 8 à 23 ans. Toutefois l'entrée en production peut être avancée en<br />

greffant les suj<strong>et</strong>s avec des greffons issus d'arbres productifs (Diallo, communication personnelle).<br />

Les taux de reprise au greffage sont excellents <strong>et</strong> de façon générale le baobab se multiplie très bien<br />

par voie végétative. Ses capacité de régénération sont remarquables <strong>et</strong> il n'est pas rare de voir des<br />

rameaux se développer à partir du tronc couché d'un vieil arbre tombé pour redonner chacun de<br />

nouveaux individus supportés par ce tronc mort généralement creux. Toutefois, le baobab est une<br />

espèce, on l'a vu, à longue vie qui, passé la période juvénile, pousse lentement. Il nécessite donc<br />

probablement d'être protégé dans certaine zones (Sale, 1981).<br />

Il existe deux types de stratégies mises en œuvres pour l'exploitation de c<strong>et</strong>te espèce (Dupriez <strong>et</strong> de<br />

Leener, 1993) :<br />

- l'exploitation sur un cycle de trois ans consiste en une alternance de phases d'exploitation des<br />

feuilles <strong>et</strong> des fruits <strong>et</strong> de phases de reconstitution des organes végétaux. La première année est<br />

consacrée à la récolte des jeunes pousses <strong>et</strong> des feuilles <strong>et</strong> à l'exploitation de l'écorce à la base du<br />

tronc. Le feuillage <strong>et</strong> les branches fructifères se reconstituent au cours de la deuxième année, qui est<br />

l'année de repos. Les fleurs <strong>et</strong> les fruits sont récoltés pendant la troisième année.<br />

- l'exploitation polyvalente extensive consiste en un prélèvement constant mais modéré de tous les<br />

organes.<br />

Le baobab reste toutefois dans de nombreux cas intégré dans un environnement naturel même si sa<br />

présence est liée à des activités humaines antérieures. Il se trouve ainsi en peuplements purs ou<br />

mélangés. Dans tous les cas, il se trouve confronté aux problèmes écologiques du milieu ou il pousse.<br />

En particulier, le Sénégal est un pays sahélien qui n'échappe pas à la sécheresse chronique <strong>et</strong> aux<br />

problèmes de déforestation.<br />

Contexte écologique <strong>et</strong> environnemental<br />

Le Sénégal, comme tous les pays sahéliens, connaît une forte dégradation de ses ressources<br />

naturelles (USAID/CSE, 1996) tandis que le pays possède, avec plus de 2100 espèces végétales <strong>et</strong><br />

550 espèces animales, la plus grande diversité biologique de tout le Sahel (World directory of country<br />

environmental studies, 1989). La plupart des espèces animales sont menacées quand elles n'ont pas<br />

déjà disparues comme cela a été le cas pour les éléphants, les girafes ou les gazelles. Quant aux<br />

espèces végétales, elles subissent les conséquences d'une importante déforestation <strong>et</strong> désertification.<br />

Le Sénégal était considéré comme boisé à 70% en 1983 (PNUD/banque mondiale, 1983) <strong>et</strong> ce taux<br />

était en diminution de 1.2% par an ce qui correspond à une déforestation annuelle approximative de<br />

165 000 hectares (Ribot, 1990). Il y a à cela plusieurs raisons : des causes climatiques d'une part, se<br />

traduisant par une sécheresse accrue depuis plusieurs années, <strong>et</strong> des causes anthropiques d'autre<br />

part qui ne cessent de croître conjointement à la pression démographique.<br />

Influences climatiques<br />

La sécheresse qui s'accroît depuis une cinquantaine d'année <strong>et</strong> que l'on attribue parfois au<br />

réchauffement global de la planète, se traduit au niveau de l'Afrique du Nord par un déplacement vers<br />

le sud des isohyètes <strong>et</strong> par conséquent une diminution de la pluviométrie sur la zone concernée.<br />

Ainsi, la région de Dakar, qui se trouvait dans les années 50 entre les isohyètes 700 <strong>et</strong> 1000 mm<br />

(moyenne annuelle sur 10 ans), se trouve actuellement entre les isohyètes 200 <strong>et</strong> 400 mm (figure 4)


(USAID, 1996). Certaines sécheresses exceptionnelles en 1970 <strong>et</strong> 1973 ont provoqué dans<br />

l'ensemble du Sahel une mortalité moyenne de 40 à 50% dans le couvert ligneux (Le Houérou, 1980).<br />

Sur certaines zones limitées la mortalité a été quasi totale. Les aires de répartition de nombreuses<br />

espèces végétales régressent <strong>et</strong> les zones désertiques gagnent du terrain. Mais c<strong>et</strong>te avancée n'est<br />

pas due qu'au climat.<br />

Influences anthropiques<br />

En eff<strong>et</strong>, la pression démographique qui s'est fortement accrue depuis les années 50 (figure 5),<br />

s'exerce sur la nature de plusieurs manières <strong>et</strong> aboutie à la destruction des ressources forestières.<br />

L'extension des surfaces cultivées <strong>et</strong> la diminution de celles en jachère, le surpâturage ou les feux de<br />

brousse incontrôlés en sont des exemples. Il est difficile d'appréhender l'importance relative de ces<br />

différents facteurs mais le plus déterminant dans l'évolution négative des ressources forestières du<br />

pays, est l'exploitation du bois pour la production de bois de chauffe <strong>et</strong> de charbon de bois (Ribot,<br />

1990).<br />

L'homme a toujours eu tendance a puiser de façon inconsidérée dans les ressources que lui offrait la<br />

nature tant que celle-ci paraissait inépuisable. Toutefois, le mode de vie "au jour le jour" dans les pays<br />

en voie de développement semble freiner l'intégration du concept de gestion durable des ressources.<br />

C'est le cas, par exemple, des peuples nomades comme les peuls au Sénégal qui pratiquent l'élevage<br />

ou qui exploitent le bois pour le charbon. Les charbonniers n'ont aucun lien avec l'espace où ils<br />

interviennent. La forêt détruite, ils s'en vont ailleurs détruire une autre forêt (Berger<strong>et</strong>, 1990). Il en est<br />

de même pour les éleveurs qui vont chercher ailleurs de nouveaux pâturages Ils échappent ainsi<br />

complètement aux aléas climatiques ce qui ne plait guère aux paysans qui eux y sont soumis<br />

totalement. Ces comportements peuvent d'ailleurs être à l'origine de conflits <strong>et</strong> de règlements de<br />

compte qui provoquent parfois des feux de brousse. Techniquement, il est théoriquement très simple<br />

d'adapter la charge des pâturages ou la quantité des prélèvements de bois à la productivité à long<br />

terme des écosystèmes (Le Houérou, 1980). Mais une telle gestion implique la notion de<br />

responsabilité <strong>et</strong> la situation actuelle au Sahel se caractérise justement par une irresponsabilité<br />

généralisée au niveau de la gestion des ressources. Eau <strong>et</strong> pâturage sont des ressources communes<br />

utilisées de façon privée <strong>et</strong> individuelle. Le résultat est donc le pillage de ces ressources, donc de la<br />

collectivité à long terme au bénéfice immédiat de l'individu. Des réformes fondamentales sont<br />

nécessaires en matière d'usufruit des terres <strong>et</strong> de l'eau. L'équilibre entre les ressources <strong>et</strong> leur<br />

exploitation était jadis respecté grâce à des systèmes construits sur des bases collectives, mais avec<br />

des populations humaines <strong>et</strong> animales beaucoup moins nombreuses. Sans réformes sociopolitiques<br />

profondes perm<strong>et</strong>tant une gestion rationnelle des écosystèmes, il est évident que le Sahel court à une<br />

crise très grave, menaçant sa principale ressource actuelle.<br />

Tentatives de reboisement <strong>et</strong> d'aménagement<br />

Elles sont généralement difficiles <strong>et</strong> nombreuses sont celles qui ont échouées. Les problèmes, on l'a<br />

vu, ont des origines multiples <strong>et</strong> il faut donc tenir compte de tous les facteurs à la fois pour monter un<br />

proj<strong>et</strong> viable. Ainsi, une des grandes conclusions de tous les proj<strong>et</strong>s de reboisement qui on été tentés<br />

est que la lutte contre la désertification ne passe pas par la seule plantation d'arbres (Anonyme,<br />

1990). Les proj<strong>et</strong>s font maintenant appel non plus à des seuls forestiers, mais aussi à des agronomes,<br />

spécialistes du bétail, économistes, sociologues <strong>et</strong> agroforestiers. De nouvelles priorités apparaissent.<br />

Ainsi, si les mises en défens <strong>et</strong> les plantations sont toujours utiles, il est aussi primordial, dans le cas<br />

de l'élevage <strong>et</strong> du surpâturage, de limiter le nombre de bêtes : production animale <strong>et</strong> régénération<br />

végétale s'en trouvent toutes deux améliorées. Il est également indispensable de soigner les relations<br />

entre le personnel du proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> la population : beaucoup d'échecs ont été dus au fait que les<br />

responsables du proj<strong>et</strong>, les villageois <strong>et</strong> les autorités ne s'étaient quasiment jamais concertés. Les<br />

véritables utilisateurs de la forêt doivent être non seulement informés des décisions prises mais ces<br />

dernières doivent l'être en concertation avec ces utilisateurs. Enfin, lorsqu'on limite des prélèvements<br />

ou une production, des solutions de remplacement doivent être prévues. Ainsi, le développement de<br />

l'utilisation du gaz naturel comme combustible domestique a permis de limiter la consommation<br />

urbaine en charbon de bois.


II- SITUATION GENERALE DU SITE ETUDIE<br />

La forêt de Baobab de Nguékokh se trouve dans sa majeure partie sur le territoire de la commune de<br />

Nguékokh, située à 70 km de Dakar, dans le département de Mbour <strong>et</strong> dans la région de Thiès (figure<br />

6). C'est un peuplement quasiment pur de baobabs, peu dense, qui s'accompagne de quelques rares<br />

espèces d'acacia <strong>et</strong> autres épineux. De nombreuses haies d'euphorbes délimitent des parcelles de<br />

culture. La terre est en eff<strong>et</strong> utilisée pour l'agriculture ainsi que pour le pâturage du bétail (figure 7). Le<br />

fleuve Somone qui borde la commune de Nguékokh traverse la forêt.<br />

Les activités dominantes de la population (14 000 habitants en 1998) sont l'agriculture, l'élevage,<br />

l'artisanat <strong>et</strong> le commerce. Les cultures traditionnelles comme le mil <strong>et</strong> l'arachide sont majoritaires,<br />

l'arboriculture fruitière <strong>et</strong> le maraîchage tendent à se développer (ADM, 1998). Cultures <strong>et</strong> élevage<br />

sont pratiqués au sein même de la forêt dont la densité de peuplement est très faible <strong>et</strong> qui constitue<br />

donc un potentiel agricole important pour les habitants de la commune.<br />

Voici les caractéristiques générales du site naturel dans lequel se trouve la commune.<br />

II-1 Relief <strong>et</strong> sol<br />

La ville se situe dans une zone de la p<strong>et</strong>ite côte dont le relief est constitué par les dunes rouges de<br />

l'Ogolien. Le sol est de type ferrugineux tropical (sol à sesquioxydes) à gleys <strong>et</strong> pseudo gleys. Il est<br />

faiblement lessivé, constitué de sables siliceux <strong>et</strong> de terre Dior, favorable à la culture du mil <strong>et</strong> de<br />

l'arachide qui prédomine. On note également la présence de gîtes stratiformes de phosphates (ADM,<br />

1998).<br />

La nappe phréatique est assez proche de la surface : entre 4 <strong>et</strong> 10 m pour les puits que nous avons<br />

pu observer. De plus, aux dires des habitants, ce niveau est fixe tout au long de l'année, sauf lorsque<br />

les prélèvements effectués sont importants, lors de constructions urbaines par exemple.<br />

II-2 Climat <strong>et</strong> végétation<br />

L'année se compose de 2 saisons : une saison des pluies, appelée hivernage, de 4 mois environ, de<br />

juin à septembre, <strong>et</strong> une saison sèche, le reste de l'année. La moyenne annuelle des précipitations<br />

était de 445,1 mm entre 1981 <strong>et</strong> 1990 mais ces précipitations sont en n<strong>et</strong>te diminution depuis une<br />

cinquantaine d'années tout comme dans l'ensemble du Sahel <strong>et</strong> la commune, qui se trouvait dans les<br />

années cinquante entre les isohyètes 700 <strong>et</strong> 1000 mm, se trouve actuellement entre 200 <strong>et</strong> 400 mm<br />

(USAID, 1996) (figure 4). De plus on note une grande irrégularité de ces précipitations qui, ajoutée à<br />

la sécheresse générale, a des conséquences néfastes sur la végétation.<br />

Les principaux vents sont l'alizé, soufflant en bordure de mer, <strong>et</strong> l'harmattan, vent chaud <strong>et</strong> sec<br />

soufflant de l'intérieur du pays. Les températures sont assez basses sur la commune de Nguékokh en<br />

raison de l'influence des alizés maritimes.<br />

La végétation est constituée de savane arbustive dominée par des épineux <strong>et</strong> un tapis herbacé en<br />

période humide. Les espèces les plus rencontrées sont le baobab (Adansonia digitata), le kadd<br />

(Acacia albida) <strong>et</strong> le sourour (A. seyal). Toutefois, au niveau de la forêt étudiée, le baobab domine<br />

largement, les autres espèces étant aujourd'hui pratiquement inexistantes. Ces dernières sont<br />

beaucoup plus abondantes dans le périmètre protégé de la forêt classée de Bandia qui borde la forêt<br />

de Nguékokh.<br />

II-3 Atouts de la commune <strong>et</strong> problèmes rencontrés


Globalement, la commune présente de bonnes potentialités agricoles grâce à ses aptitudes<br />

pédologiques (bons sols) <strong>et</strong> à ses richesses pastorales avec une production moyenne de 4 ha/UBT<br />

(Unité de bovins tropicaux) en saison pluvieuse <strong>et</strong> de 5 à 6 ha/UBT en saison sèche. Les terres sont<br />

disponibles pour l'agriculture <strong>et</strong> l'eau se capte entre 15 <strong>et</strong> 200 m (ADM, 1998). Nous avons même pu<br />

observer un niveau piézométrique à 4 m sous la surface du sol dans certains puits.<br />

La région connaît malgré tout un important déficit pluviométrique caractérisé par l'étroitesse de<br />

l'hivernage, la mauvaise répartition <strong>et</strong> la faiblesse des hauteurs d'eau reçues (Ndiaye, 1997). De plus,<br />

on note d'importantes pertes d'eau de pluie par ruissellement vers la mer notamment par le fleuve<br />

Somone. L'agriculture comme l'élevage se pratiquent dans ces conditions de façon extensive <strong>et</strong><br />

donnent de mauvais rendements. Ceci se traduit fréquemment par des greniers vides <strong>et</strong> des<br />

pâturages pauvres. Enfin, la région connaît un important déboisement de la forêt pour des besoins de<br />

chauffe, d'habitat, de culture <strong>et</strong> de pâturage.<br />

III- ANALYSE DES PATHOLOGIES DE CROISSANCE<br />

Le premier travail à effectuer en découvrant le site était bien sûr de se rendre compte de visu de l'état<br />

de santé de la forêt <strong>et</strong> de l'état physiologique des arbres. Dans le cas d'arbres endommagés ou<br />

présentant des signes de mauvaise santé, nous avons recherché d'éventuels symptômes de<br />

maladies, qu'elles soient d'origine physiologique ou pathologique.<br />

Le baobab est une espèce assez mal connue, surtout en ce qui concerne ses pathologies. L'ensemble<br />

des maladies se révélant par des eff<strong>et</strong>s physiologiques assez récurrents <strong>et</strong> parfois comparables d'une<br />

espèce à une autre, la recherche de symptômes s'est faite sur la base de ceux connus habituellement<br />

sur les espèces forestières de nos régions tempérées. Notre mauvaise connaissance du baobab a<br />

toutefois rendu difficile l'interprétation des observations effectuées, certaines pouvant tour à tour être<br />

considérées comme normales ou au contraire signe d'une affection particulière.<br />

Une enquête auprès des populations locales <strong>et</strong> la rencontre de personnes confirmées est alors venue<br />

compléter ces observations. L'expérience acquise par les populations vivant en contact permanent<br />

avec la nature est souvent très précieuse <strong>et</strong> riche d'enseignements, surtout lorsque l'on effectue une<br />

étude sur une période très courte, huit semaines en l'occurrence, ne perm<strong>et</strong>tant pas de voir l'évolution<br />

des phénomènes.<br />

Les dires des villageois, s'ils sont très précieux, sont également assez délicats à interpréter. Les<br />

réponses que l'on obtient proviennent à la fois d'observations, d'expériences transmises plus ou moins<br />

exactement de générations en générations, ou de croyances <strong>et</strong> elles sont assez souvent<br />

contradictoires. Elles s'interpréteront différemment selon l'activité ou la position sociale de<br />

l'interlocuteur. Aussi, il convient d'interroger un grand nombre de personnes pour essayer de recouper<br />

les informations entre elles <strong>et</strong> ne garder que les plus plausibles. Un traitement statistique des<br />

réponses peut être effectué si elles sont suffisamment nombreuses.<br />

La mise en commun de toutes ces informations nous perm<strong>et</strong>tra d'établir un diagnostic sur l'état de<br />

santé du peuplement. Des études similaires sur des peuplements sahéliens confrontent également<br />

des données provenant de différentes sources obtenues à partir d'observations <strong>et</strong> d'interprétation de<br />

photos aériennes, mesures dendrométriques <strong>et</strong> résultats d'enquêtes (Gijsbers <strong>et</strong> al., 1994).<br />

III-1 Observations d'affections au niveau des arbres<br />

III-1.1 Cicatrices de blessures


L'écorce des troncs <strong>et</strong> des branches est très fréquemment voire systématiquement marquée de<br />

cicatrices qui se présentent sous diverses formes (figures 8 à 13).<br />

La base des troncs présente deux anneaux superposés d'environ 1m de hauteur chacun (figure 8), au<br />

niveau desquels l'écorce forme de nombreuses dépressions verticales. Ces anneaux sont séparés par<br />

des bourrel<strong>et</strong>s horizontaux entourant le tronc.<br />

Ceci correspond aux cicatrices laissées par des prélèvements antérieurs d'écorce, qui se reforme<br />

ensuite par dessus le bois laissé à nu. L'écorce très fibreuse du baobab est arrachée régulièrement en<br />

long filaments dans le but de confectionner des cordes. C<strong>et</strong>te pratique de l'écorçage semble se perdre<br />

avec l'utilisation de plus en plus répandue de cordes synthétiques. Toutefois, les populations les plus<br />

défavorisées ont encore recours à c<strong>et</strong>te ressource.<br />

L'arbre semble s'accommoder de ces blessures <strong>et</strong> l'écorce, bien que présentant une surface<br />

irrégulière, recouvrait, au moment de l'observation, le tronc des suj<strong>et</strong>s de façon continue sur toute sa<br />

surface avec une épaisseur de quelques cm.<br />

On trouve également sur les troncs des entailles <strong>et</strong> des trous qui apparaissent comme étant plus ou<br />

moins récents selon que l'écorce a plus ou moins gommé la marque en se reformant. Ces traces<br />

proviennent d'obj<strong>et</strong>s divers ayant été plantés dans l'écorce. Ce peut être des tiges métalliques (figure<br />

9) servant à faciliter l'ascension de l'arbre pour la récolte des feuilles, des lames de charrues usées<br />

devenues inutiles (figure 10) qui sont lancées sur les arbres bordant les champs dans le but de s'en<br />

débarrasser ou tout simplement par jeux. Certains arbres peuvent ainsi être fortement mutilés (figure<br />

11) mais ces blessures n'affectent généralement que l'écorce qui cicatrise visiblement assez<br />

facilement.<br />

Enfin, les branches présentent elles aussi de nombreuses entailles dues à des coups de mach<strong>et</strong>te (ou<br />

"coup-coup") lorsque le feuillage est récolté. L'émondage des arbres est une pratique très fréquente<br />

dans la forêt de Nguékokh, effectuée par les éleveurs pour nourrir le bétail (figure 12). Pendant<br />

l'hivernage 2002, durant lequel nous avons réalisé c<strong>et</strong>te étude, le feuillage des baobabs était<br />

quasiment la seule nourriture disponible pour les troupeaux, la pluie n'ayant commencé à tomber qu'à<br />

partir de la fin du mois d'août. La totalité des arbres de la forêt ont subi c<strong>et</strong> émondage au moins une<br />

fois, si ce n'est plusieurs, durant la saison. Même les jeunes suj<strong>et</strong>s ne sont pas épargnés <strong>et</strong><br />

présentent de nombreuses entailles (figure 13).<br />

III-1.2 Dessèchement de l'écorce<br />

Nous avons pu constater sur de nombreux arbres également un dessèchement de l'écorce,<br />

généralement cantonné à une zone bien délimitée, au niveau de la partie inférieure ou à l'aisselle des<br />

branches <strong>et</strong> donnant l'apparence d'un chancre (figure 14). L'écorce se craquelle alors <strong>et</strong> se détache<br />

par fragments qui tombent au sol.<br />

Parfois le dessèchement est moins prononcé <strong>et</strong> plus diffus : il peut affecter la totalité de la surface de<br />

l'arbre (figure 15).<br />

Lorsque l'on fait sauter volontairement à l'aide d'un couteau l'écorce morte, on atteint assez<br />

rapidement le bois sous-jacent. Par contre, dans les zones ou l'écorce tombe d'elle même, elle laisse<br />

apparaître une nouvelle écorce neuve <strong>et</strong> lisse parfaitement reformée. Des coupes transversales<br />

(figure 16) montrent que c<strong>et</strong>te nouvelle écorce située sous l'ancienne est d'une apparence similaire à<br />

celle normale <strong>et</strong> semble saine.<br />

On note parfois la présence de galeries dans l'épaisseur des tissus corticaux morts, probablement due<br />

à la présence antérieure d'insectes. Les termites peuvent être à l'origine de ces galeries, pas toujours<br />

dans de l'écorce morte d'ailleurs (figure 17) mais aucuns dégâts importants pour l'arbre n'en résulte<br />

(Seck, communication personnelle).


III-1.3 Taches <strong>et</strong> auréoles<br />

Un certain nombre de suj<strong>et</strong>s présentent des taches bleutées en forme d'auréole (figure 18). D'un<br />

diamètre de quelques dizaines de cm, elles peuvent recouvrir la totalité du tronc. On remarque parfois,<br />

chez les taches les plus prononcées, un début de craquellement de l'écorce au centre de la tache<br />

(figure 19).<br />

III-1.4 Branches arrachées<br />

Des branches sont souvent arrachées laissant apparaître l'intérieur creux de l'arbre (figure 20). La<br />

foudre ou le vent peuvent être à l'origine de ces dégâts. On remarque que ces derniers sont<br />

systématiquement accompagnés, à proximité de la cassure, du phénomène de dessèchement de<br />

l'écorce précédemment décrit.<br />

III-1.5 Arbres arrachés<br />

On trouve de temps en temps des arbres couchés au sol. C'est la fin normale de l'arbre qui meurt de<br />

vieillesse lorsque sont tronc creux est trop fragile pour résister à la foudre ou au vent. Toutefois, il<br />

semble que dans de nombreux cas, l'action de l'homme soit mise en cause. Les arbres peuvent par<br />

exemple être abattus pour libérer de la place sur un terrain à bâtir (figure 21). Par ailleurs, il existe des<br />

techniques pour faire mourir un baobab "discrètement". Il serait possible par exemple d'initier une<br />

pourriture du tronc en déposant ou en enterrant près de la souche de la viande pourrie.<br />

Enfin, un arbre qui s'écroule n'est pas forcément condamné <strong>et</strong> il n'est pas rare de voir de nouveaux<br />

rameaux se développer perpendiculairement à partir du tronc couché pour donner un nouveaux tronc<br />

parfois aussi gros que celui qui lui a donné naissance <strong>et</strong> sur lequel il repose (figures 22 à 24). On peut<br />

à ce propos remarquer les capacités remarquables du baobab à reformer de nouvelles tiges à partir<br />

du tronc ou d'une souche, ce qui lui confère de bonne aptitude à la multiplication végétative <strong>et</strong> au<br />

greffage. Les arbres qui ne survivent pas disparaissent pour leur part rapidement, le bois spongieux<br />

pourrissant très vite. Les fourmis <strong>et</strong> les termites se chargent également de faire disparaître le bois<br />

mort lorsqu'il n'a pas été brûlé par des cultivateurs soucieux de libérer la place encombrée par l'arbre<br />

couché.<br />

III-2 Interprétation <strong>et</strong> discussion<br />

Les baobabs de la forêt de Nguékokh subissent un nombre considérable d'agressions,<br />

essentiellement dues aux pratiques humaines associées pour la plupart aux multiples utilisations de<br />

l'arbre. Cela se résume à des blessures de l'écorce plus ou moins profondes. Physiologiquement,<br />

elles sont sans gravité car l'écorce se reforme rapidement <strong>et</strong> les entailles se cicatrisent très bien. Par<br />

contre, chaque blessure constitue une entrée potentielle pour des organismes pathogènes. De plus,<br />

l'utilisation d'outils comme les "coup-coups" sur plusieurs arbres à la suite peut propager<br />

systématiquement une maladie à partir d'un arbre atteint : l'outil souillé par ce premier individu<br />

contamine tous les suj<strong>et</strong>s sur lesquels il est utilisé ensuite.<br />

Mais existe-t-il réellement des maladies capables de se propager ainsi <strong>et</strong> de provoquer un<br />

dépérissement ? On sait que le baobab est un hôte potentiel pour un certain nombre de parasites <strong>et</strong><br />

de pathogènes de certaines cultures, comme le coton ou le cacao, sans toutefois que la maladie ne<br />

s'y développe. On ne connaît d'ailleurs aucunes maladies affectant le baobab. Pourtant, chaque<br />

espèce végétale possède toujours un cortège plus ou moins important de pathogènes, parasites ou<br />

ravageurs <strong>et</strong> il n'existe pas de plantes invulnérables.


Parmi toutes les observations que nous avons effectuées, il est possible de reconstituer une suite<br />

chronologique de symptômes qui pourraient être la manifestation d'une infection (figure 25a à 25e) :<br />

- (a) Apparition de taches auréolées correspondant au développement du pathogène dans les tissus<br />

corticaux. La forme <strong>et</strong> la taille des taches fait plutôt penser à une attaque de champignon, l'auréole de<br />

croissance correspondant au développement du mycélium.<br />

- (b) Apparition de craquelures de l'écorce au centre de la tache.<br />

- (c) Etendue de la zone craquelée <strong>et</strong> mort des tissus corticaux<br />

- (d) formation d'un chancre.<br />

- (e) Fragilisation du tronc ou du rameau jusqu'à la chute.<br />

Nous n'avons pu, en l'absence de laboratoire, essayer d'isoler <strong>et</strong> de réinoculer l'agent pathogène<br />

potentiellement responsable des phénomènes observés. C<strong>et</strong>te étape aurait pourtant été indispensable<br />

pour décider s'il y a une maladie ou pas.<br />

La séquence décrite ci-dessus semble cohérente, toutefois, les avis de nombreuses personnes y<br />

compris des spécialistes, sont assez partagés sur l'origine pathologique des phénomènes <strong>et</strong> de plus<br />

on peut également trouver une explication physiologique pour chaque étape. Pour certains villageois,<br />

il ne fait aucun doute que les arbres sont parfois malades mais ils sont rarement capables de décrire<br />

avec précision les symptômes de la maladie. Quant aux chercheurs de l'ISRA (Institut Sénégalais de<br />

la Recherche Agronomique) que nous avons rencontrés, leurs avis divergeaient également devant la<br />

description <strong>et</strong> les clichés des symptômes.<br />

Voici l'interprétation physiologique qu'il est possible de faire :<br />

- les taches pourraient être des auréoles d'humidité qui ressortirait au niveau de l'écorce du tronc<br />

lorsque l'arbre se trouve bien alimenté en eau. On sait par ailleurs que les tronc peuvent stocker des<br />

quantités d'eau très importantes pouvant atteindre les 120 000 litres. Ainsi, selon les dires de<br />

villageois, voir un arbre arborant ces taches serait signe que l'on se trouve sur un sol bien alimenté en<br />

eau. Aucune corrélation n'a pourtant pu être établie entre la présence de ces taches <strong>et</strong> la proximité au<br />

fleuve Somone qui traverse la forêt.<br />

- le craquellement de l'écorce au centre de la tache correspondrait à une rétraction des tissus<br />

corticaux suite à une période plus sèche que la précédente à l'origine de la tache d'humidité.<br />

- la formation de larges plaques où l'écorce se dessèche <strong>et</strong> tombe peut très bien être un<br />

renouvellement naturel des tissus. On a vu que dans certain cas, une écorce néoformée sous-jacente<br />

est prête à remplacer l'ancienne qui se desquame. De nombreuses espèces ligneuses tempérées ou<br />

tropicales font l'obj<strong>et</strong> d'une telle desquamation périodique de leur écorce.<br />

- le dessèchement de l'écorce ne serait pas à l'origine de la fragilisation des rameaux <strong>et</strong> c'est le<br />

contraire qui se produirait : l'écorce ne sèche qu'une fois que la branche <strong>et</strong> le bois sont morts suite à<br />

une cassure due aux intempéries. L'écorce morte peut alors se détacher ou être éliminée par des<br />

insectes tandis que le bois reste en place.<br />

Il semble difficile de trancher entre les deux hypothèses, l'une pathologique, l'autre physiologique. Des<br />

analyses manquent pour démontrer la présence ou l'absence d'agents pathogènes dans les tissus.<br />

Toutefois, les arbres présentant les symptômes les plus développés ne semblent pas être moins<br />

vigoureux que les autres. Des coupes pratiquées dans des zones saines <strong>et</strong> dans des zones


supposées malades ne montrent pas de différences entre elles <strong>et</strong> les tissus sous-jacents aux zones<br />

malades semblent parfaitement sains. Enfin, le phénomène n'est pas endémique : ni limité à une<br />

partie de la forêt ni même à une région particulière du Sénégal. Des peuplements autour de Dakar, de<br />

St Louis ou dans la région du Siné-Saloum présentent également le même syndrome.<br />

Ces derniers arguments plaident en faveur de l'hypothèse de phénomènes physiologiques a priori<br />

normaux mais quand bien même les arbres hébergeraient un organisme parasite, aucuns dégâts qui<br />

en seraient la conséquence ne semblent m<strong>et</strong>tre le devenir de la forêt en danger. On ne peut donc<br />

parler de réel dépérissement de la forêt de baobabs. Les inquiétudes, car il y en a, que l'on peut avoir<br />

pour l'avenir de la forêt ont de toutes autres causes. Nous avons vu en eff<strong>et</strong> que les prélèvements<br />

effectués par les éleveurs sur le feuillage pouvaient être importants. Nous allons maintenant analyser<br />

l'impact de c<strong>et</strong>te action de l'homme sur la forêt.<br />

IV- COMPARAISON DES DEUX PEUPLEMENTS DE BAOBABS : LA FORET DE NGUEKOKH ET LA<br />

FORET CLASSEE DE BANDIA<br />

La forêt de baobabs de Nguékokh constitue ce que l'on appelle un système agro-sylvo-pastoral, c'est<br />

à dire que plusieurs utilisateurs de la forêt opèrent sur le site.<br />

Il y a tout d'abord ceux qui exploitent les ressources forestières proprement dites, qui sont<br />

essentiellement le bois de feu <strong>et</strong> quelques plantes aux vertus nourricières ou médicinales. Le nombre<br />

<strong>et</strong> les eff<strong>et</strong>s de ces utilisateurs est parfaitement négligeable désormais étant donné que la forêt a déjà<br />

fourni tout ce qu'elle contenait <strong>et</strong> que les ressources ont été entièrement épuisées. Seul le baobab a<br />

survécu aux prélèvements immesurés des cinquante dernières années.<br />

Viennent ensuite les agriculteurs qui cultivent une bonne partie du terrain que couvre la forêt. La<br />

densité très faible du peuplement perm<strong>et</strong> tout à fait une utilisation extensive de la terre. Certains<br />

agriculteurs peuvent toutefois être tentés d'abattre quelques arbres pour étendre leur parcelle de<br />

culture. Bien que les pratiques culturales soient extrêmement réduites, le labour précédant le semis,<br />

aussi superficiel soit-il, empêche tout de même les jeunes pousses de baobab de se développer.<br />

Enfin, restent les éleveurs. Leurs troupeaux de zébus paissent dans toute la forêt. L'action des bêtes<br />

elles-mêmes sur la forêt est négligeable car il ne reste pas grand chose qui soit encore à leur portée.<br />

Seuls les agriculteurs peuvent se plaindre du piétinement de leur champs par les troupeaux. C'est<br />

justement parce qu'il n'y a pas d'herbe à brouter (hors saison des pluies) que les éleveurs se voient<br />

dans l'obligation d'aller couper le feuillage des arbres pour nourrir leurs bêtes. Et si la pratique de<br />

l'élevage est loin d'être intensive, l'émondage des baobab, lui, l'est. Il est difficile d'évaluer l'importance<br />

des prélèvements. A chacune de mes visites dans la forêt, il était systématique de voir à un moment<br />

donné des hommes, ou plus souvent des enfants, perchés dans les branches des baobabs, tranchant<br />

sans relâche à la mach<strong>et</strong>te la quasi-totalité du feuillage. On ne peut manquer de remarquer l'agilité de<br />

ces enfants à se déplacer de branches en branches, pieds nus <strong>et</strong> sans points d'attache, parfois<br />

jusqu'à plus de vingt mètres au dessus du sol (figure 26). De façon très approximative, si l'on estime<br />

que dans une journée 3 ou 4 troupeaux se trouvent dans la forêt <strong>et</strong> que leurs bergers émondent en<br />

moyenne 2 à 3 arbres, cela fait entre 6 <strong>et</strong> 12 suj<strong>et</strong>s par jour qui subissent une coupe drastique de leur<br />

feuillage, car aucunes branches ne sont généralement épargnées. Un même arbre peut ainsi subir<br />

l'émondage plusieurs fois dans la même saison.<br />

Tous ces utilisateurs ont de toute évidence une action non négligeable sur l'évolution de la forêt. Afin<br />

de comprendre comment l'homme influe sur c<strong>et</strong>te forêt <strong>et</strong> sur sa régénération, nous avons comparé la<br />

forêt de Nguékokh avec sa voisine, la forêt de Bandia, en tout point identique à la première, à la seule<br />

différence qu'elle est une forêt classée qui a donc été protégée depuis plusieurs dizaines d'années.<br />

De plus, nous avons considéré la partie de la forêt de Bandia située à l'intérieur de la réserve de faune


du même nom qui elle, bénéficie d'une protection totale par mise en défens depuis 12 ans. Aucun<br />

prélèvement n'y a donc été effectué pendant c<strong>et</strong>te période.<br />

Nous avons tout d'abord comparé l'aspect général des deux forêts d'un point de vue paysager <strong>et</strong><br />

écologique ainsi que la morphologie des arbres <strong>et</strong> des baobabs en particulier. Ensuite, nous avons<br />

effectué une étude dendrométrique basée sur des mesures de circonférence. On peut ainsi évaluer la<br />

répartition des classes d'âges à l'intérieur du peuplement. Le but de c<strong>et</strong>te comparaison est de voir si<br />

l'action de l'homme <strong>et</strong> des animaux domestiques a un eff<strong>et</strong> sur la structure du peuplement. Enfin une<br />

enquête nous a permis de mieux comprendre les différences d'évolution des deux forêts.<br />

IV-1 Différences écologiques <strong>et</strong> morphologiques des deux peuplements<br />

IV-1.1 Richesse écologique <strong>et</strong> biodiversité<br />

Les paysages qu'offrent chacun des deux sites sont radicalement différents. La forêt de Bandia<br />

possède une végétation beaucoup plus dense <strong>et</strong> riche que celle de Nguékokh (figure 27 <strong>et</strong> 28). La<br />

densité de baobabs est sensiblement la même dans les deux cas mais ceux de Bandia sont entourés<br />

d'un enchevêtrement plus ou moins dense d'arbustes épineux. Ce sont pour une grande part des<br />

acacias (A. albida, A. seyal, A. ataxacantha), ainsi que d'autres espèces comme Balanites aegyptiaca<br />

(le dattier du Sahel), Ficus sycomorus, F. iteophila, Lannea acida… Le jujubier <strong>et</strong> le quinquiliba sont<br />

également présents <strong>et</strong> utilisés pour leur bois. Enfin, l'eucalyptus a récemment été introduit. On a donc<br />

dans c<strong>et</strong>te forêt une plus grande quantité de végétation mais aussi une diversité biologique plus<br />

importante. Il va sans dire que c<strong>et</strong>te diversité concerne également le monde animal qui bénéficie de la<br />

protection de l'habitat qu'offre c<strong>et</strong>te savane arbustive.<br />

IV-1.2 Morphologie des baobabs<br />

La forme des baobabs est aussi différente (figures 27 <strong>et</strong> 29). A Nguékokh, ils sont trapus, leur<br />

branches sont courtes <strong>et</strong> épaisses, l'écorce donnant un aspect boudiné, <strong>et</strong> le volume de feuillage,<br />

assez réduit, ne cache pas les branches principales ce qui donne aux arbres le quasiment le même<br />

aspect qu'en saison sèche. Dans la forêt de Bandia, la ramure est beaucoup plus élancée, les<br />

branches plus longues <strong>et</strong> plus fines, <strong>et</strong> le volume de feuillage couvre généralement l'ensemble de la<br />

ramure.<br />

Les baobabs de Bandia sont plus vigoureux <strong>et</strong> portent pour certains de nombreux fruits, pratiquement<br />

inexistants sur ceux de Nguékokh.<br />

IV-2 Etude dendrométrique des deux peuplements<br />

Il est très difficile d'évaluer l'âge des baobabs <strong>et</strong> il semblerait que les arbres soient généralement plus<br />

jeunes qu'on ne le croit (Wilson, 1988). La mesure de la circonférence du tronc perm<strong>et</strong> d'estimer l'âge<br />

des arbres. On ne peut toutefois utiliser de relation linéaire entre âge <strong>et</strong> circonférence car la vitesse de<br />

croissance n'est pas constante au cours de la vie d'un individu. Elle serait assez rapide pour les<br />

jeunes suj<strong>et</strong>s, pouvant atteindre en moyenne 3 cm par an sur le diamètre, <strong>et</strong> beaucoup plus lente<br />

ensuite (Adam, 1962). Le tableau 1 indique l'âge <strong>et</strong> la circonférence de quelques jeunes suj<strong>et</strong>s ayant<br />

été mesurés pour la plupart au Sénégal. Pour des suj<strong>et</strong>s âgés, il est très difficile de connaître l'âge<br />

exact. En eff<strong>et</strong> la partie centrale du tronc se résorbant peu à peu avec l'âge, il est impossible de


compter le nombre de cernes. De plus, on ne dispose d'aucune donnée dendrochronologique sur<br />

c<strong>et</strong>te essence (Adam, 1962). Seul un suj<strong>et</strong> au Zambèze a été évalué par datation au carbone 14 à<br />

1010 ` 100 ans (Swart, 1963) (Tableau 1). Ces données nous perm<strong>et</strong>trons d'évaluer, toutefois avec<br />

prudence, l'âge des individus mesurés.<br />

IV-2.1 Matériel <strong>et</strong> méthodes<br />

Nous avons comparé les classes de circonférence pour des populations de baobabs provenant de<br />

trois sites différents. On peut les assimiler ces classes de taille à des classes d'âge en conservant à<br />

l'esprit la diminution de la vitesse de croissance au cours de la vie de l'arbre.<br />

Les trois sites étudiés sont très proches <strong>et</strong> se situent à moins de 2 km les uns des autres. Les deux<br />

premiers font partie de la forêt de Nguékokh : le premier, que nous avons appelé "Nguékokh", se<br />

trouve sur le territoire de la commune tandis que le deuxième se trouve de l'autre coté du fleuve<br />

Somone qui borde la commune <strong>et</strong> a été appelé "Somone". Ce dernier, séparé du village par le<br />

passage du cours d'eau, était moins fréquenté par les troupeaux au moment de l'observation. Les<br />

cultures de mil <strong>et</strong> d'arachide y sont par contre aussi développées que sur le site "Nguékokh". Le<br />

troisième site se trouve dans la réserve de Bandia où ni agriculture, ni pâturage n'y sont pratiqués<br />

depuis la mise en défens il y a 12 ans. Un certain nombre d'animaux sauvages, introduit par l'homme,<br />

y vivent tout de même. Les populations des trois sites font en fait partie d'un seul <strong>et</strong> même<br />

peuplement du point de vue historique (<strong>et</strong> donc de l'origine génétique des arbres) <strong>et</strong> des conditions<br />

pédo-climatiques qui sont rigoureusement les mêmes. On peut ainsi comparer la répartition des<br />

classes de circonférence, assimilées à des classes d'âge, entre ces populations. Elles ne diffèrent en<br />

fait que par les traitements d'origine anthropique qu'elles ont subis.<br />

La circonférence du tronc a été mesurée à environ 2 m du sol pour éviter l'empâtement <strong>et</strong> en essayant<br />

d'éviter les bourrel<strong>et</strong>s cicatriciels dus à l'écorçage. Il a également été tenu compte des branches<br />

basses qui rendent localement le tronc plus large. Enfin, lorsqu'un arbre était divisé en deux troncs<br />

dès sa base, chacun des troncs a été mesuré séparément mais n'a été comptabilisé au niveau de<br />

l'effectif que comme un demi individu. La forme contournée de certains suj<strong>et</strong>s âgés ne facilitait pas<br />

toujours la tache, pourtant simple a priori, de la mesure de la circonférence.<br />

IV-2.2 Résultats<br />

Il faut tout d'abord signaler l'effectif relativement faible des mesures effectuées (une cinquantaine<br />

d'individus environ pour chaque peuplement). Des mesures similaires effectuées dans d'autres pays<br />

d'Afrique (Wilson, 1988) utilisaient des échantillons de population de quelques centaines d'individus<br />

(figure 30).<br />

Les trois peuplements montrent une structure très similaire (figure 31). La distribution des classes<br />

d'âge montre clairement un manque de recrutement dans les classes les plus jeunes comprises entre<br />

1 <strong>et</strong> 5 m de circonférence. D'après le tableau 1, cela correspondrait à des individus d'un âge inférieur<br />

à 50 ans environ. Les classes les plus représentées sont celles des arbres ayant une circonférence<br />

comprise entre 6 <strong>et</strong> 8 m. Les classes supérieures ont tout naturellement ensuite un effectif de plus en<br />

plus restreint.<br />

IV-2.3 Discussion<br />

Il semble que les différentes conditions que l'homme a imposées aux trois sites soient sans influence<br />

sur la structure de nos trois populations. Si l'on se réfère aux exemples dont nous disposons (Tableau


1), on peut estimer de façon très approximative l'âge du peuplement à environ 500 ans, les individus<br />

les plus gros <strong>et</strong> les plus vieux pouvant probablement atteindre 1000 ans. Le manque de recrutement<br />

des jeunes arbres concerne les 50 dernières années. La mise en défens de la réserve de Bandia<br />

date, elle, de 12 ans seulement. Elle est donc trop récente pour qu'une différence significative<br />

apparaisse sur la structure de la population. Pourtant, la forêt de Bandia est classée, donc protégée<br />

un minimum, depuis 50 ans, <strong>et</strong> les classes correspondant à c<strong>et</strong>te période ne montrent pas non plus de<br />

différence avec celles des populations non protégées. Cela veut dire que l'action de l'homme a été la<br />

même dans les trois cas ou que ses eff<strong>et</strong>s ont été relativement réduits sur la structure démographique<br />

des trois populations. De plus, il n'est pas exclu que la réglementation forestière concernant la<br />

protection de la forêt classée de Bandia n'est pas toujours été respectée <strong>et</strong> enfin, la faune sauvage de<br />

la réserve peut avoir eu un même eff<strong>et</strong> de pâturage que sur les autres sites. Les contraintes subies<br />

par nos trois populations choisies n'ont donc peut-être pas été si différentes qu'on le supposait.<br />

Le manque d'effectif dans les classes jeunes concerne les 50 dernières années ce qui coïncide à la<br />

fois avec la période de forte sécheresse <strong>et</strong> avec la forte croissance démographique du pays. La<br />

conjugaison des deux phénomènes pourrait donc bien être à l'origine du manque de renouvellement<br />

de la population. D'autres peuplements africains de baobabs, en Zambie, Soudan, Mali <strong>et</strong> Kenya,<br />

montre la même structure de population (figure 30). L'auteur attribue le manque de jeunes recrues à<br />

des changements du climat <strong>et</strong> de l'utilisation du sol. Le Mali <strong>et</strong> le Soudan souffrent particulièrement de<br />

la longue sécheresse <strong>et</strong> de l'accroissement de la pression démographique qui se traduisent par une<br />

extension des surfaces cultivées <strong>et</strong> une intensification du pâturage. Il semblerait que le même schéma<br />

se produise dans la forêt de Nguékokh.<br />

IV-3 Conclusion sur l'évolution des deux forêts<br />

Lorsqu'on se place à l'échelle de temps de la vie d'un baobab, l'histoire des deux forêts n'a finalement<br />

divergé que très récemment. Les deux forêts ont subi le phénomène de déforestation de la même<br />

manière à partir d'une même forêt originelle. Ce sont essentiellement les coupes pour le bois de feu <strong>et</strong><br />

la production de charbon de bois qui sont à l'origine de la disparition de la plupart des espèces<br />

végétales présentent initialement. L'homme a exploité trop avidement les ressources dont il disposait<br />

sans prévoir son renouvellement. La sécheresse a par ailleurs empêché une régénération efficace des<br />

populations.<br />

Les directives nationales concernant les forêts classées n'ont pas suffit à préserver ces zones qui<br />

avaient pourtant été reconnues comme fragiles <strong>et</strong> méritant une protection. Dans la forêt classée de<br />

Bandia, il semble que les règles de protection n'aient pas été respectées, surtout dans ces dernières<br />

années. Après l'indépendance, les villageois n'osaient pas couper les arbres, puis leur comportement<br />

a été de plus en plus audacieux au fur <strong>et</strong> à mesure que l'autorité administrative, en particulier celle<br />

des eaux <strong>et</strong> forêts, n'était plus respectée (Seck, communication personnelle). L'exploitation de la forêt<br />

s'est faite d'une façon de plus en plus anarchique. Dès lors, les prélèvements ne servaient plus<br />

seulement à satisfaire les besoins vitaux mais perm<strong>et</strong>taient également de faire du commerce. Ils n'ont<br />

pas cessé d'augmenter pendant les cinquante dernières années.<br />

La mise en défens de la réserve de Bandia a permis depuis 12 ans de r<strong>et</strong>rouver un certain nombre<br />

des espèces qui avaient presque disparu. Pourtant, l'apparente richesse écologique actuelle n'est en<br />

fait que très limitée par <strong>rapport</strong> à ce qu'elle était avant la déforestation (Pe<strong>et</strong>ers, communication<br />

personnelle). Aucun reboisement n'a été entrepris dans la réserve <strong>et</strong> c'est uniquement la régénération<br />

naturelle qui a permis le renouveau de la végétation que l'on peut observer aujourd'hui. La population<br />

de baobabs semble elle avoir plus de mal à reprendre un peu de vigueur. La densité du peuplement<br />

serait même en diminution depuis les années 80, passant, selon les zones, de 70/90 pieds à 50/60<br />

par hectare (Seck, communication personnelle). Les espèces épineuses comme les acacias ont repris<br />

possession des 600 ha de la réserve avec plus de facilité.


C<strong>et</strong>te recolonisation de la réserve par la végétation montre que les conditions climatiques de la région<br />

perm<strong>et</strong>tent encore le développement d'un bon nombre d'espèces. L'action de l'homme dans la<br />

déforestation au niveau de la forêt de baobabs de Nguékokh est donc loin d'avoir été négligeable : la<br />

seule vue des paysages le prouve. Douze années seulement de protection contre la surexploitation <strong>et</strong><br />

la mauvaise gestion de la forêt par l'homme ont permis dans la forêt de Bandia un résultat somme<br />

toute encourageant, même si l'on est encore loin de la forêt originelle.<br />

V- SYNTHESE : QUEL AVENIR POUR LA FORET DE BAOBABS ?<br />

Les deux études précédentes nous ont permis d'analyser l'origine des causes de l'état dégradé de la<br />

forêt de Nguékokh. Nous allons essayer maintenant de dresser un bilan sur c<strong>et</strong>te forêt, à partir de<br />

toutes les informations que nous avons pu recueillir sur place. Nous commencerons par répertorier<br />

toutes les contraintes (environnementales ou anthropiques) <strong>et</strong> les traitements que la forêt, <strong>et</strong> plus<br />

particulièrement ses baobabs, a subis jusqu'à présent <strong>et</strong> ceux qu'elle subit encore aujourd'hui. Nous<br />

décrirons ensuite l'état de la forêt <strong>et</strong> les conséquences actuelles <strong>et</strong> futures des traitements subis.<br />

Enfin, nous réfléchirons aux possibilités d'aménagement <strong>et</strong> aux changements de mode de gestion qui<br />

pourrait engager une amélioration <strong>et</strong> un recouvrement au moins partiel des potentialités que la forêt<br />

détenait auparavant.<br />

V-1 A quoi la forêt est-elle exposée ?<br />

V-1.1 La surexploitation du bois pour l'industrie du charbon<br />

La demande en énergie des grandes villes est devenue très importante à partir des années cinquante.<br />

Le combustible domestique le plus utilisé a longtemps été le charbon de bois. Des hectares entiers de<br />

forêt ont ainsi été rasés, le bois étant une ressource immédiatement <strong>et</strong> gratuitement disponible pour<br />

l'homme. La pauvr<strong>et</strong>é est ainsi une des premières causes de la déforestation. La forêt de Nguékokh<br />

n'a pas échappé à c<strong>et</strong>te importante déforestation <strong>et</strong> seul le baobab, dont le bois est inutilisable, a été<br />

épargné.<br />

V-1.2 L'allongement <strong>et</strong> l'intensification des périodes de sécheresse<br />

Parallèlement aux coupes d'exploitation, le climat s'est modifié peu à peu, aggravant la régression de<br />

la végétation. C<strong>et</strong>te modification est un phénomène général qui ne concerne pas que le continent<br />

africain. Toutefois, en supprimant la végétation, l'homme participe aussi localement à la diminution<br />

des précipitations. La couverture végétale possède en eff<strong>et</strong> un rôle régulateur très important du<br />

régime des pluies <strong>et</strong> constitue surtout une source importante d'évaporation. Les aires de répartition<br />

d'un bon nombre d'espèces se rétrécissent <strong>et</strong> le phénomène continue de s'aggraver.<br />

V-1.3 L'agriculture <strong>et</strong> le surpâturage<br />

Les terres sont assez disponibles autour de la commune de Nguékokh <strong>et</strong> les sols sont propices aux<br />

cultures. L'augmentation de la population nécessite l'extension des zones cultivées ce qui se traduit<br />

par des défrichements. Actuellement, le phénomène reste peu important car la densité de peuplement<br />

de la forêt est devenu relativement faible <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> une utilisation du sol.<br />

Le terrain est aussi utilisé par les éleveurs qui font paître les troupeaux de zébus. La densité de bétail<br />

est aujourd'hui beaucoup trop forte suite à la descente depuis le nord du pays des éleveurs chassés<br />

par la sécheresse. Le feuillage des arbustes est ainsi consommé, le sol <strong>et</strong> les jeunes pousses sont


piétinés, <strong>et</strong> le feuillage des arbres, notamment celui des baobabs, est émondé également pour la<br />

consommation du bétail. Par ailleurs, d'autres animaux domestiques laissés en liberté comme les<br />

chèvres, les ânes ou encore les chevaux, broutent de façon importante à proximité des villages tous<br />

les végétaux qui se trouvent à leur portée.<br />

V-1.4 Les feux de brousse<br />

C'est un des rares phénomènes qui ne soit pas directement lié à la pression démographique. Leur<br />

apparition est tout de même souvent lié à la présence humaine. Ils sont déclenchés tantôt par des<br />

enfants qui grillent des graines d'arachide, tantôt par des mégots de cigar<strong>et</strong>te j<strong>et</strong>és négligemment ou<br />

encore par des feux de broussailles que les agriculteurs allument après les avoir coupées, pour faire<br />

de l'engrais dans les champs. Les chercheurs de miels qui enfument les troncs à la recherche<br />

d'essaims, les éleveurs qui campent dans la brousse durant la nuit ou encore des règlements de<br />

compte entre éleveurs <strong>et</strong> paysans, qui ne voient pas toujours d'un très bon œil le piétinement de leurs<br />

champs par les troupeaux, sont aussi des causes de départ de feux. Ces derniers peuvent prendre<br />

également de façon spontanée à cause de la foudre par exemple. On raconte aussi que les pains de<br />

singe peuvent, en se frottant <strong>et</strong> se cognant les uns contre les autres sous l'eff<strong>et</strong> du vent, ém<strong>et</strong>tre des<br />

étincelles <strong>et</strong> donner naissance à un feu. Enfin, le vent <strong>et</strong> les longues saisons sèches favorisent la<br />

propagation de ces feux. Ces derniers peuvent être de forte ampleur <strong>et</strong> ravager de grands espaces.<br />

C'est ainsi qu'en 2001, la totalité de la réserve naturelle de Popenguine, située à une quinzaine de<br />

kilomètres de Nguékokh, a été ravagée par les flammes.<br />

V-1.5 Conclusion<br />

La plupart des méfaits subis par la forêt sont d'origine anthropique <strong>et</strong> posent des problèmes du fait de<br />

la trop grande ampleur qu'ils prennent. L'homme a toujours vécu en utilisant toutes les ressources de<br />

la forêt sans que cela n'altère le fonctionnement de l'ensemble de l'écosystème. Le vrai problème<br />

actuel est l'accroissement démographique qui amplifie de façon considérable toutes les actions de<br />

l'homme qui jusqu'à présent étaient absorbées par les mécanismes de régulation naturelle, <strong>et</strong> qui<br />

perturbent <strong>et</strong> dégradent désormais l'environnement dont la fragilité se révèle brusquement. Il ne tient<br />

qu'à l'homme de réapprendre à se fondre dans son environnement natal.<br />

V-2 Quelles conséquences pour la forêt ?<br />

V-2.1 Déforestation <strong>et</strong> désertification<br />

La forêt s'est considérablement dégarnie <strong>et</strong> il ne reste désormais, on l'a vu, qu'un peuplement quasi<br />

pur de baobab. C'est à la fois le nombre d'espèces <strong>et</strong> la quantité de végétation qui diminuent ce qui se<br />

traduit par une perte de surfaces boisées, une forte réduction de la densité de la végétation <strong>et</strong> enfin<br />

une régression de la biodiversité. La disparition de certains habitats entraîne celle de la faune qui<br />

l'habitait.<br />

C<strong>et</strong>te perte écologique, plutôt d'ordre patrimoniale, s'accompagne de pertes économiques puisque la<br />

forêt ne peux plus être exploitée pour son bois. De plus, la réduction de la biodiversité constitue une<br />

perte importante pour la pharmacopée : la quasi totalité des espèces sahéliennes sont en eff<strong>et</strong><br />

utilisées pour leur vertus médicinales.<br />

Enfin, on observe une diminution de la densité du peuplement de baobabs, preuve qu'ils sont<br />

également, bien qu'indirectement, touchés par la déforestation. Il subissent les eff<strong>et</strong>s de la sécheresse<br />

générale <strong>et</strong> ne bénéficie plus du couvert végétal de la strate inférieure qui contribuait à maintenir<br />

l'humidité du sol.<br />

V-2.2 Affaiblissement des suj<strong>et</strong>s


C'est néanmoins l'émondage qui affecte le plus les baobabs. La période feuillée n'est déjà pas bien<br />

longue au cours d'une année (environ trois mois) <strong>et</strong>, régulièrement privé de ses feuilles pendant c<strong>et</strong>te<br />

période, le baobab voit sa photosynthèse fortement réduite. Par conséquent, la croissance de l'arbre<br />

ainsi que le stockage des réserves l'est aussi. Les prélèvements d'eau par les racines sont également<br />

limités par l'absence des feuilles qui, par évapotranspiration, sont le moteur de toute la circulation des<br />

sèves à l'intérieur de l'arbre. Les suj<strong>et</strong>s sont alors plus sensibles à la sécheresse <strong>et</strong> bien moins armés<br />

pour affronter la longue saison sèche. Les jeunes arbres sont à ce propos les plus sensibles.<br />

V-2.3 Absence de régénération<br />

Dans ces conditions, le baobab semble avoir toutes les difficultés pour sa régénération naturelle. On a<br />

remarqué que la présence du baobab dans le paysage est souvent liée à l'activité humaine <strong>et</strong> la<br />

présence de l'arbre indique souvent la position d'un ancien village. Les hommes consomment en eff<strong>et</strong><br />

la pulpe des fruits <strong>et</strong> rej<strong>et</strong>tent les graines. C'est ainsi que l'on peut voir de p<strong>et</strong>its baobabs pousser au<br />

milieu des décharges publiques par exemple. La totalité des fruits étant généralement récoltée, il est<br />

très rare de voir de jeunes pousses en forêt.<br />

Ces pratiques traditionnelles ne sont toutefois pas la seule cause de l'absence de jeunes<br />

régénérations au sein de la forêt. L'émondage relativement intensif empêche la reproduction sexuée<br />

car même quand l'arbre arrive à fleurir, les branches sont coupées bien avant que les fruits puissent<br />

arriver à maturité. Par ailleurs, lorsque des graines parviennent à germination, les jeunes pousses<br />

sont rapidement dévorées par tous les herbivores qui sillonnent la forêt.<br />

Ce manque de renouvellement de la population n'a cessé d'augmenter depuis environ cinquante ans<br />

comme l'a montré notre étude. Il est donc bien lié à la sécheresse <strong>et</strong> à l'augmentation de la pression<br />

démographique. Il se traduit finalement par un vieillissement du peuplement.<br />

V-2.4 Conclusion<br />

Concernant le baobab, on ne peut parler réellement de dépérissement : les suj<strong>et</strong>s sont dans un état<br />

sanitaire semble-t-il tout ce qu'il y a de plus correct <strong>et</strong> le peuplement se trouve dans des conditions<br />

pédoclimatiques qui lui conviennent, l'eau restant disponible dans le sous-sol. Toutefois, les arbres se<br />

trouvent affaiblis au moment d'entamer la saison sèche <strong>et</strong> surtout le peuplement ne se régénère plus.<br />

La situation générale continue de se dégrader : le peuplement de baobabs vieillit <strong>et</strong> la désertification<br />

continue. Les conséquences risquent d'être catastrophiques à la fois pour l'écosystème en lui même<br />

qui est tout simplement en train de disparaître <strong>et</strong> pour les habitants qui sont en train de perdre une<br />

des rares ressources naturelles dont ils disposent. Jusqu'à présent, lorsqu'une ressource s'épuisait,<br />

les populations se déplaçaient pour en trouver d'autres un peu plus loin mais bientôt ce ne sera plus<br />

possible car un peu plus loin, soit il n'y aura déjà plus rien, soit il y aura un autre village. Que peut-on<br />

faire pour amorcer une inversion de la tendance ?<br />

V-3 Quelles possibilités pour l'avenir ?<br />

Le premier objectif qui vient à l'esprit est de vouloir r<strong>et</strong>rouver la forêt originelle comme si rien ne s'était<br />

passé entre temps. Cela semble tout d'abord impossible <strong>et</strong> ce n'est pas forcement nécessaire. Il n'est<br />

pas utile en eff<strong>et</strong> d'avoir à disposition de grands arbres en limite de croissance. L'essentiel est<br />

d'essayer de r<strong>et</strong>rouver une biodiversité importante <strong>et</strong> surtout d'atteindre un stade d'exploitabilité (Seck,<br />

communication personelle). La forêt ne doit pas être un sanctuaire mais bien une ressource naturelle<br />

à exploiter <strong>et</strong> à gérer de façon durable. Examinons pour cela les tentatives d'aménagement qui ont<br />

déjà été réalisées.


V-3.1 Exemple de la forêt de Bandia<br />

Classée en 1954, c<strong>et</strong>te forêt a déjà fait l'obj<strong>et</strong> d'un plan d'aménagement. Elle a été divisée en 18<br />

parcelles, une seule étant coupée chaque année. On avait donc une rotation de 18 ans pour les<br />

prélèvements. Le potentiel de la forêt était alors de 400 ha par an à couper correspondant à la<br />

quantité maximale à ne pas dépasser pour perm<strong>et</strong>tre une régénération correcte après chaque coupe<br />

(Kidiera, communication personelle). Dans un premier temps, les utilisateurs s'en sont tenus aux<br />

droits d'usages qui leur étaient alloués. Puis les lobbies du charbon ont fait pression sur les instances<br />

politiques <strong>et</strong> ont obtenu de pouvoir couper 800 ha par an <strong>et</strong> de passer la rotation à 9 ans. Ce sacrifice<br />

d'exploitabilité aboutit à une situation où l'on coupe un produit non encore arrivé à maturité, ce qui de<br />

surcroît perturbe la forêt. Quelques dizaines d'années après, la région était fermée à l'exploitation du<br />

charbon.<br />

V-3.2 Sensibilisation <strong>et</strong> respect des réglementations<br />

C<strong>et</strong> exemple montre que la nature ne peut supporter l'exploitation avide que l'homme effectue à ses<br />

dépends. Il est absolument nécessaire de planifier un programme de gestion calculé en fonction des<br />

potentialités de la forêt <strong>et</strong> de s'y tenir. Le plus difficile en pratique est peut-être de faire respecter les<br />

mesures prises car les fraudeurs sont nombreux <strong>et</strong> peu de moyens sont alloués pour les contrôler.<br />

Pour exemple, il est interdit d'émonder ou d'abattre un baobab qui fait partie des espèces<br />

partiellement protégées au Sénégal. C<strong>et</strong>te loi est bien sur enfreinte en permanence dans la forêt de<br />

Nguékokh. Pour la contrôler : un seul l'homme, nommé Mamadou Mbodj, de la brigade des eaux <strong>et</strong><br />

forêts de Nguékokh. Il effectue régulièrement des rondes dans la forêt. Nous l'avons accompagné lors<br />

de l'une d'entre elle. Lorsqu'il repère un berger perché dans un arbre en train de jouer du coup-coup, il<br />

l'interpelle <strong>et</strong> lui ordonne de descendre. Le berger se contente généralement de monter un peu plus<br />

haut dans l'arbre, narguant le brigadier qui ne peux rarement verbaliser. Mais peut-on vraiment<br />

reprocher aux éleveurs de nourrir leur troupeaux avec la seule source de nourriture disponible pour<br />

eux ? C<strong>et</strong> exemple montre deux nouvelles choses essentielles :<br />

- les réglementations doivent tenir compte des besoins de la population si l'on veut qu'elles soient<br />

respectées. Les villageois ne respectent les lois que s'ils peuvent satisfaire leur besoins vitaux. Ils<br />

sont généralement très compréhensifs <strong>et</strong> prêt à collaborer si on leur propose des solutions de<br />

remplacement pour ces besoins.<br />

- les réglementations doivent être mises en place en concertation avec la population. Dans de<br />

nombreux cas, des enquêtes ont montré le manque de communication entre les autorités <strong>et</strong> les<br />

citoyens. Les moyens de communications sont peu développés dans les quartiers pauvres même si<br />

l'on voit des téléphones portables fleurir un peu partout. Il est encore de nombreuses personnes qui<br />

ne sont jamais sorties au delà de leur quartier. Des missions d'information <strong>et</strong> de sensibilisation sont<br />

donc indispensables à la mise en pratique de n'importe qu'elle directive si l'on veut qu'elle soit<br />

acceptée <strong>et</strong> effective.<br />

La réglementation sénégalaise dans le domaine de l'environnement <strong>et</strong> de la gestion des ressources<br />

naturelles <strong>et</strong> très structurée. Les compétences de chaque niveau hiérarchique sont parfaitement<br />

définies (ARD, Inc., 2001), notamment depuis la décentralisation. Mais la mise en pratique reste très


difficile, freinée justement par la complexité de la distribution des responsabilités. Théoriquement,<br />

région, communes <strong>et</strong> communautés rurales doivent agir de concert mais on s'aperçoit que les<br />

mécanismes de collaboration ne fonctionnent pas très bien.<br />

V-3.3 Propositions pour la forêt de baobabs de Nguékokh<br />

L'aménagement ou la gestion de la forêt relève des collectivités locales. Un proj<strong>et</strong>, mis en place par le<br />

secteur des eaux <strong>et</strong> forêts de Mbour, pour l'inventaire <strong>et</strong> l'immatriculation des arbres centenaires de la<br />

commune de Nguékokh, est d'ailleurs sur le point d'être accepté. C<strong>et</strong>te action associera le service<br />

forestier, la commune, la population, les associations de protection de la nature ainsi que des ONG.<br />

La collaboration de tous ces organismes ne peut qu'être bénéfique pour la dynamique du proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> sa<br />

pérennité auprès des populations. Le résultat attendu est la protection des arbres contre l'abattage <strong>et</strong><br />

l'émondage abusif des feuilles. Un tel inventaire donnera également une idée sur le potentiel de la<br />

forêt <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tra de m<strong>et</strong>tre en place un plan de gestion adapté. L'opération pourrait même déboucher<br />

sur l'attribution du titre de forêt classée. La forêt serait alors gérée par l'état par l'intermédiaire du<br />

service des eaux <strong>et</strong> forêts.<br />

Le plan de gestion en question serait la division en parcelles exploitées les unes après les autres avec<br />

une révolution proche d'une vingtaine d'années. L'organisation de ce système d'exploitation devra<br />

absolument être mis en place en concertation avec les autorités locales, les associations <strong>et</strong> surtout<br />

avec la population. Les droits d'usages devront être bien précisés <strong>et</strong> expliqués aux usagers dans un<br />

contexte de développement durable dont le concept nécessite d'être développé auprès de la<br />

population.<br />

Toutefois, avant de pouvoir exploiter la forêt, que se soit pour son bois ou ses ressources nutritives<br />

comme le feuillage des baobabs, il sera nécessaire de passer par une période de protection totale<br />

perm<strong>et</strong>tant à la forêt de se reconstituer jusqu'à un stade d'exploitabilité à partir duquel des<br />

prélèvements pourront être effectués selon des modalités bien précises. Celles-ci viseront à laisser<br />

évoluer la forêt tout en l'exploitant régulièrement <strong>et</strong> en veillant à pérenniser la régénération.<br />

La durée de c<strong>et</strong>te période de transition vers une phase d'exploitation peut-être longue, de l'ordre de la<br />

dizaine d'années. Une indisponibilité totale des ressources forestières pendant une aussi longue<br />

période n'est évidemment pas pensable pour les habitants. Plusieurs alternatives sont alors à<br />

envisager comme la mise en défens de seulement certaines parcelles. Mais cela risquerait d'allonger<br />

considérablement le délai d'atteinte du seuil d'exploitabilité <strong>et</strong> il n'y a guère de solutions pour<br />

perm<strong>et</strong>tre la repousse des espèces ligneuses. Heureusement, la recherche de bois de feu n'est pas le<br />

problème majeur sur Nguékokh. La majorité des entreprises charbonnières de la région ont déjà fermé<br />

faute de matière première <strong>et</strong> des combustibles de remplacement ont fait leur apparition avec<br />

notamment le développement du gaz naturel.<br />

La ressource qui reste indispensable, surtout en fin de saison sèche lorsque les pluies tardent à<br />

tomber comme c'était le cas c<strong>et</strong> été 2002, c'est le feuillage des baobabs. On ne peut interdire aux<br />

éleveurs l'accès à c<strong>et</strong>te nourriture pour leur bétail. Ce problème de l'élevage peut se traiter par<br />

l'accumulation de plusieurs mesures :<br />

- l'émondage partiel des arbres en prenant soin de conserver intacte une partie du feuillage de<br />

manière à ne pas dépouiller totalement les suj<strong>et</strong>s de leur machinerie photosynthétique <strong>et</strong> de perm<strong>et</strong>tre<br />

le déroulement compl<strong>et</strong> de la reproduction sexuée, depuis la floraison jusqu'à la dissémination des


graines après la chute du fruit mature. Peu importe finalement que l'exploitation des feuilles <strong>et</strong> des<br />

fruits se fasse par des rotations de plusieurs années ou bien par des prélèvements constants <strong>et</strong><br />

modérés, il suffit que les prélèvements soient partiels <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tent une bonne régénération tant au<br />

niveau du feuillage d'un individu qu'au niveau du peuplement entier.<br />

- l'utilisation d'autres formes de nourriture comme par exemple du fourrage à stocker. Il est possible<br />

d'aller récolter les herbes dans la forêt, de récupérer les résidus de récoltes, les pailles, ou enfin<br />

d'ach<strong>et</strong>er du fourrage par l'intermédiaire de coopératives d'éleveurs.<br />

- l'optimisation du pâturage : lorsque le bétail est en liberté <strong>et</strong> se nourrit de lui même, près de la moitié<br />

de l'herbe qu'il pourrait consommer est piétinée. L'intensification de l'élevage <strong>et</strong> la fourniture de<br />

fourrage déjà coupé perm<strong>et</strong>trait d'optimiser c<strong>et</strong>te source de nourriture.<br />

- la protection des jeunes pousses (de baobab ou d'autres espèces d'ailleurs) contre la préhension par<br />

les animaux herbivores <strong>et</strong> principalement par le bétail. L'interdiction de certaines parcelles au<br />

pâturage pendant plusieurs années peut être un meilleur moyen que la mise en place de protections<br />

individuelles à chaque jeune plant.<br />

- la mise en place d'un programme de plantation de jeunes pieds de baobab (ainsi que des autres<br />

espèces si la régénération naturelle tarde à venir). L'utilisation de plants greffés peut être intéressante<br />

: les récents essais effectués à l'ISRA de Dakar montre un très bon taux de reprise après la greffe qui,<br />

très aisée à réaliser, peut être effectué par les populations locales. L'utilisation de ces plants perm<strong>et</strong><br />

de raccourcir la période juvénile pendant laquelle le baobab ne fructifie pas. Elle est comprise entre 10<br />

<strong>et</strong> 20 ans pour le baobab en conditions naturelles contre 5 ans pour des plants greffés.<br />

- enfin, pour compenser les eff<strong>et</strong>s d'une interdiction d'utiliser certaines parties de la forêt, des mesures<br />

de remplacements doivent être mises en place. Ces nouvelles possibilités, appelées AGR (activités<br />

génératrices de revenus) par l'administration sénégalaise (Kidiera, communication personnelle),<br />

trouvent leur potentialités dans le tourisme pour l'essentiel. Ainsi de nombreux touristes en<br />

provenance des stations balnéaires de la p<strong>et</strong>ite côte traversent la commune de Nguékokh pour aller<br />

visiter la réserve de faune de Bandia. La forêt de baobabs mériterait aussi d'être visitée. Il existe<br />

d'ailleurs déjà un proj<strong>et</strong> de mise en valeur touristique d'une partie de la forêt de Nguékokh appelé "<br />

forêt bleue ".<br />

Toutes ces mesures, pour être effectives, devront être conseillées <strong>et</strong> expliquées aux éleveurs de<br />

façon à leur faire comprendre l'enjeu du problème <strong>et</strong> leur montrer l'intérêt qu'il y a pour eux <strong>et</strong> pour<br />

leurs descendants à changer leur mode de travail. Il faut à ce propos signaler la bonne volonté <strong>et</strong> le<br />

dynamisme que savent montrer les femmes dans les villages <strong>et</strong> qui sont les premières à se regrouper<br />

en association <strong>et</strong> à prendre des initiatives au sein des communautés. Des opérations de<br />

sensibilisation <strong>et</strong> de suivi devront être organisées. Déjà, le service des eaux <strong>et</strong> forêts de Mbour<br />

s'occupe du problème <strong>et</strong> envisage des actions de sensibilisation. Le suj<strong>et</strong> est traité dans la presse<br />

locale (Ba <strong>et</strong> Konte, 2002). C<strong>et</strong>te prise de conscience de la part des services spécialisés locaux est<br />

encourageante. Enfin, le proj<strong>et</strong> de création d'une coopérative d'éleveurs à Nguékokh, prévu pour<br />

l'automne 2002 en partenariat avec l'association " <strong>Chênes</strong> <strong>et</strong> <strong>Baobabs</strong> ", tombe à pic pour la mise en<br />

pratique.<br />

CONCLUSION<br />

Le cas de la forêt de baobabs de Nguékokh reflète assez bien la situation générale dans laquelle se<br />

trouve le Sénégal. Entre sécheresse <strong>et</strong> surexploitation, les ressources naturelles s'épuisent <strong>et</strong><br />

disparaissent peu à peu. Dans bien des cas, la disparition est irréversible <strong>et</strong> se traduit par la<br />

désertification. Dans d'autres cas, lorsque les sols sont épargnés par l'érosion, il est possible pour la<br />

végétation de regagner péniblement du terrain. C'est par exemple le cas de Nguékokh. Le<br />

reboisement peut se faire p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it grâce à une attention de tous les instants. Les règles


d'exploitation <strong>et</strong> de protection doivent être observées par tous, ce qui représente un engagement <strong>et</strong><br />

des efforts importants de la part de la population. Il est en eff<strong>et</strong> difficile d'accepter de faire des<br />

sacrifices pour une récompense qui ne sera obtenue que dans quelques dizaines d'années. Mais il<br />

n'existe pas de solution radicale pour résoudre les problèmes d'environnement. Cela nécessite au<br />

contraire une multitude de p<strong>et</strong>ites actions à différents niveaux <strong>et</strong> surtout de la persévérance. Enfin,<br />

c'est tout simplement le concept de développement durable qui doit être développé dans un pays ou<br />

l'on vit généralement au jour le jour. Léguer à ses enfants une planète aussi belle que celle que nos<br />

parents nous ont donnée, c'est certainement une des grandes idées du vingt <strong>et</strong> unième siècle. Elle ne<br />

concerne certainement pas que les pays sahéliens <strong>et</strong> l'Homme doit intégrer ce concept comme la<br />

condition sine qua none de sa survie sur la Terre.<br />

RÉFÉRENCES<br />

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ANNEXES<br />

Annexe I : Dénominations du Baobab<br />

Nom botanique : Adansonia digitata L. (Bombacaceae)<br />

Synonymes : Adansonia baobab Gaertn.<br />

Adansonia situla (Lour.) Spreng.


Adansonia integrifolia Raf.<br />

Adansonia sphaerocarpa A. Chev.<br />

Adansonia digitata L. var. congolensis A. Chev.<br />

Adansonia sulcata A. Chev.<br />

Adansonia somalensis Chiov.<br />

Noms vernaculaires :<br />

Français : Baobab, arbre aux calebasses, calebassier du Sénégal, arbre de mille ans<br />

Fruit : pain de singe<br />

Anglais : Baobab, monkey-bread tree, sour-gourd tree, cream of tartar tree<br />

Fruit : monkey bread, monkey fruit, cream of tartar fruit, Senegal calabash<br />

Arabe : tebeldi, hamaraya, hamao<br />

Fruit : gangoleis<br />

Wolof : goui, guy, gouye, gui<br />

Sérère : bâk<br />

Peuhl : bohi orohi, nemaari<br />

Moré : toega, toayga, twega<br />

Mossi : toeya<br />

Lobi : tine<br />

Gourmantché : bu tobu, bu tuobu<br />

Bissa : hor<br />

Bambara : sira<br />

Djerma : konian<br />

Manding : bok sito<br />

Fulani : boki<br />

Hausa : kuka<br />

Meru : murambu


Kamba : mwamba<br />

Masai : olimisera<br />

Swahili : mbuyu<br />

Baj : muru<br />

Manyika : mu Buyu<br />

Kalanga : mGuya<br />

Ndekele : umKomo<br />

Shona : muUyu, MuVuku, mu Mungu<br />

Zezuru : mu Wiyu<br />

Annexe 2 : communiqué de presse : La forêt de baobabs de Nguékokh menacée par Pierre Collière<br />

Etudiant français en mission humanitaire à Nguékokh, j'ai été chargé de réaliser une étude sur le<br />

problème du dépérissement de la forêt de baobabs. Voici l'analyse que j'ai pu faire après deux mois<br />

d'étude.<br />

La commune de Nguékokh, située à 70 km de Dakar sur la p<strong>et</strong>ite côte, possède une magnifique forêt<br />

de <strong>Baobabs</strong>, située en bordure de la forêt classée de Bandia. Elle est formée d'un peuplement<br />

quasiment pur de <strong>Baobabs</strong> qui s'étend jusqu'à La Somone <strong>et</strong> constitue une des attraction de la p<strong>et</strong>ite<br />

côte.<br />

Mais déjà, une ombre au tableau se dessine, car si le peuplement est pur, ce n'est pas parce que le<br />

Baobab y prospère <strong>et</strong> a pu coloniser tout le milieu, mais bien parce c'est la seule espèce qui ait été<br />

épargnée par l'homme. Le patrimoine forestier a en eff<strong>et</strong> été dilapidé depuis les 50 dernières années<br />

pour l'exploitation du bois de chauffage, <strong>et</strong>, la sécheresse aidant, il ne reste plus rien à part le baobab<br />

qui, n'ayant pas un bois exploitable, a été délaissé.<br />

C'est une chance pour lui me direz-vous ? Il n'est pourtant pas au bout de ces peines. Le baobab n'est<br />

pas l'emblème du Sénégal pour rien : c'est une des espèces végétales les plus utiles dans le pays. Il<br />

est notamment exploité pour son feuillage qui nourrit hommes <strong>et</strong> bétail. Les éleveurs de Nguékokh<br />

coupent sans relâche les rameaux des arbres pour nourrir leurs troupeaux, tant <strong>et</strong> si bien qu'en c<strong>et</strong>te<br />

fin de mois d'août 2002, les arbres sont dans le même état qu'au début de la période de feuillaison qui<br />

commence dès le mois de juin. J'ai eu l'occasion de voir d'autres peuplements de baobabs dans le<br />

pays : à Thiès, St Louis, dans la région de Dakar ou du Saloum, celui de Nguékokh est un spectacle<br />

de désolation en comparaison.<br />

Le problème n'est pas seulement esthétique, loin de là. Les arbres sont certes affaiblis par<br />

l'émondage intensif qui est pratiqué mais leur vie n'est pas en danger pour autant car le baobab<br />

possède des capacités de régénération assez exceptionnelles. C'est l'avenir de la forêt entière qui en<br />

danger : le peuplement vieillit d'années en années sans se régénérer. Les arbres n'ont en eff<strong>et</strong> pas le<br />

temps de fleurir <strong>et</strong> encore moins de fructifier. Résultat : aucunes jeunes pousses ne viennent<br />

remplacer les vieux individus qui meurent de vieillesse <strong>et</strong> finissent par s'écrouler. Je ne parle pas de<br />

ceux qui sont abattus discrètement la nuit pour pouvoir construire de nouvelles habitations, c'est un<br />

autre problème…


Pourtant, il existe une réglementation : le code forestier classe le Baobab parmi les espèces<br />

protégées <strong>et</strong> interdit l'abattage <strong>et</strong> l'émondage des arbres. Le respect de ces lois est plus aléatoire <strong>et</strong><br />

l'agent du service des eaux <strong>et</strong> forêts de Nguékokh, Mamadou Mbodj, a bien du mal à faire respecter<br />

les directives de protection de l'espèce Adansonia digitata. Mais alors qu'en c<strong>et</strong>te fin de mois d'Août<br />

les habitants attendent encore les premières pluies d'un hivernage qui ne veut pas arriver, peut-on<br />

réellement reprocher aux éleveurs de nourrir leurs troupeaux avec la seule ressource qui leur reste ?<br />

Ce problème, commun à tous les systèmes agro-sylvo-pastoraux des zones tropicales sèches semble<br />

insoluble <strong>et</strong> c'est l'avenir du patrimoine forestier qui est en jeu. Des efforts doivent être faits pour gérer<br />

la forêt de façon durable. Par exemple en délimitant des parcelles qui seront mises en défens pour dix<br />

à vingt ans, temps nécessaire pour obtenir un début de régénération, <strong>et</strong> qui se succéderont en<br />

rotations successives. Les éleveurs doivent être sensibilisés à ce problème pour qu'ils essayent de<br />

limiter leurs prélèvements <strong>et</strong> surtout d'épargner quelques rameaux fructifères lors de l'émondage.<br />

Enfin, essayer de trouver d'autres sources de nourriture. L'association "<strong>Chênes</strong> <strong>et</strong> <strong>Baobabs</strong>" prévoit<br />

d'ailleurs de monter une coopérative d'éleveurs pour, en particulier, l'achat de fourrage à bas prix.<br />

L'expérience a déjà été tenté avec succès <strong>et</strong> une telle organisation constitue un bon espoir pour<br />

structurer, raisonner <strong>et</strong> instaurer un développement durable de l'élevage sur la commune.

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