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HARRIETLes trains de l’espoirRoman


CollectionDES HOMMES ET DES FEMMES EXTRAORDINAIRESsous la direction de Nicole LouvetLes romans de la collection « des hommes et des femmes extraordinaires »s’inspirent de la vie de personnages ayant réellement existé. Tous, à unmoment de leur vie, ont réalisé des actes héroïques qui ont bouleversé lemonde et notre vie. Leur condition ne les destinait pas à priori au destin qu’ilsont connu. Ils le doivent à leur courage, leur révolte contre l’injustice, leurincroyable générosité, à leur croyance en un monde meilleur.Tous nous inspirent, et nous amènent à réfléchir à notre rôle dans la société.Leur histoire, adaptée pour les besoins du roman, est complétée en find’ouvrage par un dossier qui restitue la réalité des événements.


Sophie SOCCARDHARRIETLes trains de l’espoiréditionsdusiamois


© Éditions du Siamois, 2015Site : www.editionsdusiamois.frISBN : 979-10-94454-03-9Imprimé en UE


Lettre à mes lecteursMes chers lecteurs,Le récit que vous allez découvrir n’est pas une histoire tout droitsortie de mon imagination. Certaines scènes sont souventincroyables, parfois violentes mais toujours authentiques. Je n’ai,hélas, pas exagéré les brutalités infligées au peuple des esclaves,qu’elles aient été verbales ou physiques.Par moments, j’ai eu la sensation qu’<strong>Harriet</strong> portait ma plumepour mieux témoigner des misères, souvent indicibles, faites à sescompagnons d’infortune et à elle-même. De cela je la remercie, carqui mieux qu’une ancienne esclave peut témoigner de ce quefurent vraiment ses conditions de vie, ses souffrances, ses espoirsaussi. Les traitements dégradants, le travail abrutissant,le maintien volontaire dans l’ignorance donnent à réfléchir, à nousautres, blottis dans le confort matériel, envoûtés par nos loisirs etparfois inconscients de l’immense chance que nous donne l’école.L’école fait de nous des êtres qui savent lire, écrire, compter. Plusencore, elle nous offre un cadeau que beaucoup auraient convoité,et qu’ils sont encore si nombreux à nous envier : la liberté. Libertéde s’exprimer, liberté de s’informer, liberté de penser.Libre à vous maintenant d’en prendre vraiment conscience etd’apprendre à utiliser vos talents pour construire un mondemeilleur !


PrologueLes yeux mi-clos, le visage balayé par les derniersrayons de l’automne, <strong>Harriet</strong> se balance doucement dansson rocking-chair. Elle tressaille un peu tandis qu’une mainamicale effleure délicatement son épaule. C’est Ted, le filsdu pasteur. Il est venu apporter à la vieille dame quelquesmuffins confectionnés par sa mère. Ted n’a que douze ans,et il sait déjà que la vie est un combat, une lutte dont onpeut choisir de sortir victorieux, même quand le destin achoisi de vous priver de tout, à commencer par la liberté. Ilsait déjà tout cela car il vient souvent après l’école, partagerson goûter avec <strong>Harriet</strong>. Il aime sa voix rauque et posée quidonne vie à ses incroyables récits.<strong>Harriet</strong> est une vieille dame de quatre-vingt-dix ans.Ses mains osseuses s’agrippent avec détermination auxmontants de son fauteuil. Lentement, elle redresse sonbuste frêle, enveloppé d’un vieux châle noir, et sourit aujeune garçon.— Assieds-toi mon petit, je pensais justement à la toutepremière fois où quelques esclaves ont pris le risque de meconfier leur vie.— Alors, raconte-moi, insiste Ted.9


— J’avais tout juste vingt-neuf ans. La vie venait dem’apporter un très beau cadeau que j’étais bien décidée àpartager : la liberté.» Cette nuit-là, la forêt était particulièrement sombre.Au loin, on entendait des hurlements. Des bêtes sauvages ?Non, des chiens ! Des molosses qui ouvraient la route auxchasseurs d’esclaves ! Ces hommes étaient commandés parun planteur furieux de constater qu’il lui manquait unesclave. Payés à la prise, les chasseurs d'esclaves étaientaussi excités que leurs chiens. Je connaissais bien cesgaillards à quatre pattes ; je les voyais déjà, ils n’étaient quedes chiots, confinés dans des cages et souvent nourris dusang d'autres animaux. Pas très grands, mais costaudscomme des taureaux ! Ils me faisaient peur, mais jamais augrand jamais, je ne l’ai montré ! Pour sûr, ils étaienttoujours affamés, on les nourrissait un jour sur deux, etencore ! Comme ça, une fois lâchée, la meute n’avaitqu’une envie : se ruer sur la trace des fugitifs, s’accrocher àleurs mollets terrifiés et sentir le sang sous les crocs acérés !» Cela faisait bientôt trois heures que nousprogressions dans le froid, dans l’obscurité ; nous nesavions même pas sur quoi nous posions les pieds. Lesnuages s’obstinaient à cacher la lune. Cela nous rendaitinvisibles aux yeux des chiens, pourtant ma mission s’entrouvait singulièrement compliquée. J’étais à la tête d’ungroupe de dix personnes et je m’évertuais à trouver monchemin dans les broussailles épaisses ! Ils étaient dix à mesuivre, dix à vouloir troquer leur misérable vie d’esclavecontre n’importe quelle autre existence, pourvu qu’ilssoient libres. Dix à me confier leur vie aussi, car s’ils étaient10


attrapés par les maîtres, ils seraient punis pour avoir fui laplantation, punis si fort que jamais plus ils ne pourraienttenter à nouveau de s’enfuir !» Soudain, le vent agita les branches hautes des arbres.On aurait dit les bras menaçants d’un géant. Celui-là, à magrande joie, chassait les nuages et découvrait la lune et lesétoiles. Très vite, j’ai repéré l’étoile du berger, celle qui nebouge jamais, celle qui montre sans frémir le chemin versle nord, vers la liberté.» Et puis, voilà, l’étoile disparut sous l’épaisse couverturenuageuse. Même sans lumière, je devais être sûre de garderle cap vers le nord. Alors, j’ai fermé les yeux et les paroles demon père ont envahi ma tête : « Araminta, les arbres onttoujours un peu de mousse sur le côté du tronc qui fait faceau nord ». À tâtons, j’ai fait courir mes doigts sur l’écorce d’unérable majestueux qui se dressait devant moi. Puis j’ai sentiquelque chose de doux et humide. Confiante, j’ai fait signeau groupe de me suivre, en obliquant vers la droite, et nousavons repris notre marche, légère et silencieuse.» Tu sais, Ted, la liberté emprunte des chemins terrifiants.Parfois, une simple lueur d’espoir, aussi faible soit-elle, suffità te donner la force de continuer.

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