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Un recours inégal à l’interdiction des blagues sexistes<br />
Dans notre échantillon, on observe également qu’aucun<br />
code français n’interdit les blagues sexistes ou racistes, à<br />
la différence des codes américains. En revanche, un code<br />
(L’Oréal) prohibe l'homophobie et les blagues portant sur<br />
l'orientation sexuelle.<br />
Toutefois, deux codes interdisent les blagues dites<br />
« offensantes » sans préciser leur caractère. C’est le cas<br />
de l’entreprise CISCO, à travers un exemple : «Que faire si<br />
j’ai reçu un email que je n’étais pas censé recevoir et qui<br />
comprenait des blagues très offensantes? Si ce n’était pas<br />
à moi de le lire, est-ce du harcèlement ? ». La réponse<br />
apportée dans le code interdit clairement ce genre de<br />
pratiques: «Les blagues offensantes envoyées par messa -<br />
gerie de l'entreprise, indépendamment de leur destinataire,<br />
n’ont aucune place dans un milieu de travail qui valorise la<br />
dignité et le respect de chaque employé ». De même,<br />
McDonald’s interdit, par le biais d’un exemple les blagues<br />
dites de «mauvais goût», sans en préciser cependant la<br />
nature. «Plusieurs collègues font souvent des plaisanteries<br />
de mauvais goût, mais je n’ose pas leur dire que ces<br />
plaisanteries sont offensantes pour moi. Est-ce que<br />
McDonald’s autorise ce type de chose?».<br />
Quelques initiatives intégrant les relations<br />
femmes–hommes et le sexisme<br />
Citons à cet égard un exemple récent de charte adoptée<br />
par un réseau d’entrepreneurs, « la charte des bonnes<br />
relations humaines» initiée en 2009 167 avec le soutien du<br />
ministère du Travail, d’associations patronales et d’anciens<br />
élèves de Grandes Ecoles. Elle propose un ensemble<br />
d’attitudes à adopter au sein de l’entreprise par toutes les<br />
personnes qui y travaillent (vis-à-vis de soi et des autres),<br />
par les managers (vis-à-vis de leur équipe) et par le dirigeant<br />
(vis-à-vis de tous les collaborateurs de son entreprise) 168 ,<br />
lequel doit donner le ton: «Commençons par faire plus<br />
de place au féminin : c'est une des voies pour mieux<br />
accueillir les différences et éviter les modèles de domination<br />
et d'exclusion et les postures de toute puissance».<br />
L’avancée est notable mais l’ambigüité de l’expression<br />
«faire plus de place au féminin» de même que l’imprécision<br />
sur la question de la domination plaident pour que cet outil<br />
soit largement revu afin d’y inclure la question des relations<br />
entre les femmes et les hommes.<br />
C’est encore aux Etats-Unis que l’on peut trouver des<br />
exemples prenant en compte les relations femmes/hommes<br />
dans ce qui est appelé des «employees handbooks (manuel<br />
de l’employé)», sorte de document contractuel qui édicte<br />
des comportements à suivre et qui, soit coexistent aux<br />
côtés des codes d’éthique, soit sont publiés seuls, en<br />
l’absence de codes d’éthique. La liste des attitudes et<br />
comportements non désirés, au titre du harcèlement<br />
sexuel, peut être très fournie : épithètes, blagues ou<br />
commentaires offensants, stéréotypes négatifs, remarques<br />
ou avances sexuelles, invitations, commentaires, fait de<br />
montrer des photographies, posters, cartoons, dessins ou<br />
gestes à caractère sexuel, attouchements involontaires ou<br />
interférant avec le travail, fondés sur le sexe, race, ou sur<br />
un autre motif, fait de menacer et soumettre quelqu'un à<br />
des requêtes sexuelles 169 .<br />
Ainsi, ces codes et chartes éthiques constituent, sans nul<br />
doute, en raison de leur flexibilité, un outil précieux à même<br />
d’intégrer des éléments nouveaux de prise en compte du<br />
sexisme. Reste qu’ils posent toutefois un problème de<br />
droit au regard de leur statut et des prescriptions qu’ils<br />
émettent.<br />
d. Une valeur ambiguë accordée à ces codes par les<br />
entreprises : entre droit dur et droit mou ?<br />
Une grande similitude avec le règlement intérieur<br />
Les dispositions contenues dans ces codes semblent<br />
osciller entre ce que l’on peut appeler du droit dur (hard<br />
law) et du droit mou (soft law). L’éthique d’entreprise, qui<br />
se décline sous le volet de la responsabilité sociale, ne<br />
consiste pas seulement à exprimer des valeurs mais est<br />
devenue une source affichée de règles comportementales<br />
précises, qui concernent singulièrement les salarié-e-s et<br />
peuvent entraîner des sanctions disciplinaires. Unilatéra -<br />
lement déterminées par l’employeur, ces règles comportementales<br />
sont parfois suspectées de vouloir s’affranchir<br />
des dispositions légales relatives au pouvoir réglementaire<br />
du chef d’entreprise, tant est grande leur similarité avec<br />
les dispositions des règlements intérieurs.<br />
Ainsi se développe ce que Brigitte Pereira 170 appelle « le<br />
paradoxe éthique ». Les codes, en effet, intègrent de<br />
nouvelles obligations, parfois sous couvert de culture<br />
d’entreprise ou de communication externe. Or, toute<br />
167 - François Bouyer, fondateur de BeThe1 (cabinet de recrutement), Pierre Hurstel, auteur du livre L’entreprise réparatrice et Samuel Rouvillois, auteur de livre<br />
Le travail a visage humain<br />
168 - Plusieurs réseaux d’entrepreneurs ont souhaité soutenir et relayer cette charte aux côtés du ministère du Travail : Croissance Plus, le Centre des Jeunes<br />
Dirigeants d’entreprise (CJD), Entreprise et Progrès, la Fondation Ecophilos et la Commission Coaching et Networking de l’association française des anciens<br />
de Harvard Business School.<br />
169 - SODEXO employee handbook : I acknowledge that I have received a copy of the Sodexo Employee Handbook effective August 2013. I also agree that I have<br />
reviewed, understand and will follow the policies in this Handbook. I understand that this Handbook supersedes any previous handbooks and any previous<br />
policies or procedures on the subjects in this Handbook, if different, are replaced by the terms of this Handbook. Further, I acknowledge that this Employee<br />
Handbook is not a contract of employment, does not create any contractual commitment by the Company, and that the Company reserves the right in its<br />
discretion to modify or discontinue any of the provisions in this Employee Handbook or to decide that they do not apply, or how they may apply to a given case.<br />
170 - B. Pereira, Chartes et codes de conduite : le paradoxe éthique, Gérer et comprendre, décembre 2007, n°90.<br />
TROISIÈME PARTIE<br />
<strong>LE</strong>S INSTRUMENTS DE RÉGULATION MIS EN ŒUVRE<br />
AU SEIN DES ENTREPRISES :<br />
Insensibilité au Sexisme<br />
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