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RAPPORT SUR <strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>MONDE</strong> <strong>DU</strong> <strong>TRAVAIL</strong><br />
ENTRE DÉNI ET RÉALITÉ<br />
b) La mise en visibilité d’une norme déjà existante<br />
en matière civile par le choix du terme «agissement<br />
sexiste»<br />
L’objectif du CSEP n’est pas, ici, de créer une norme<br />
nouvelle mais bien de codifier dans le Code du travail une<br />
norme déjà existante en droit français. Mais, alors que<br />
cette norme est sans doute la plus appropriée pour révéler,<br />
nommer et qualifier juridiquement les actes de sexisme<br />
ordinaire, elle n’est pas reproduite in extenso dans le Code<br />
du travail et est totalement invisible et, de ce fait, largement<br />
méconnue.<br />
Pourquoi renommer une norme déjà existante et recourir<br />
à la notion d’« agissement sexiste » ?<br />
Les directives européennes de 2002 et 2006 relatives à<br />
l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes<br />
posent le principe de l’interdiction du « harcèlement » à<br />
raison du sexe défini comme «la situation dans laquelle un<br />
comportement non désiré, lié au sexe d'une personne,<br />
survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à<br />
la dignité d'une personne et de créer un environnement<br />
intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».<br />
Si le mot «harcèlement» a été retenu par les directives, le<br />
mot «agissement » a été préféré par la France lors de la loi<br />
du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation<br />
au droit communautaire et transposant la directive suscitée:<br />
« tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au<br />
premier alinéa subi par une personne et ayant pour objet<br />
ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un<br />
environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou<br />
offensant ». Le motif du sexe est mentionné au premier<br />
alinéa de la loi du 27 mai 2008. Dans la langue française,<br />
le mot «harcèlement» suggère des actes répétés, ce qui<br />
ne correspond pas toujours aux diverses manifestations<br />
de sexisme. Le choix du terme «agissement » plutôt que<br />
celui de «harcèlement» permet donc plus facilement aux<br />
personnes de s’identifier et de se reconnaître dans cette<br />
qualification juridique.<br />
Par ailleurs, pour interpeler l’opinion, faire avancer les menta -<br />
lités dans l’ensemble de la société et permettre aussi aux<br />
femmes de s’approprier la norme juridique, il apparaît<br />
nécessaire de renommer l’«agissement à raison du sexe» en<br />
«agissement sexiste». De cette manière, la mise en visibilité<br />
de la norme existante sera symboliquement plus forte.<br />
c) Une place spécifique à donner à « l’agissement<br />
sexiste » dans le Code du travail, contrairement<br />
aux autres motifs de discrimination<br />
Comme l’a retenu la Belgique, le sexisme n’est pas une<br />
discrimination comme les autres.<br />
Ce sont d’abord des arguments sociétaux qui plaident<br />
pour cette mise en valeur particulière ; il s’agit de lutter<br />
contre l’invisibilité et le déni du sexisme au travail, et cela<br />
parce que les femmes et les hommes vivent ensemble tout<br />
le long du jour et pas seulement pendant les heures<br />
ouvrées, comme nous l’avons vu ci-dessus.<br />
Ce sont ensuite des arguments juridiques. La Constitution<br />
française accorde une place spécifique à l’égalité entre les<br />
femmes et les hommes. Depuis 1946, elle un principe<br />
constitutionnel: «la loi garantit à la femme, dans tous les<br />
domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.». L’alinéa 2<br />
de l’article 1 er de la Constitution dispose que «la loi favorise<br />
l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats<br />
électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités<br />
professionnelles et sociales ».<br />
Le droit du travail a également consacré un chapitre<br />
spécial à l’égalité entre les femmes et les hommes. Le<br />
chapitreII du TitreIV est consacré à l’égalité professionnelle<br />
entre les femmes et les hommes (article L. 1141-1 et<br />
suivants), et fait une large place aux dispositions relatives<br />
à l’interdiction des inégalités de traitement fondées le sexe.<br />
Par ailleurs, d’autres sections du Code du travail,<br />
notamment relatives à la négociation collective, accordent<br />
une place prépondérante à la question de l’égalité profes -<br />
sionnelle entre les femmes et les hommes.<br />
Rendre visible cette notion dans le Code du travail et<br />
communiquer sur son existence, c’est signifier clairement<br />
à tous les acteurs de l’entreprise que les agissements<br />
sexistes subis sur le lieu de travail en raison du sexe ne<br />
sont plus tolérés. Nommer ces agissements à travers un<br />
article spécifique du code du travail, c’est reconnaître<br />
l’existence du sexisme comme une réalité. C’est cesser<br />
de banaliser le sexisme qui fait l’objet d’une plus grande<br />
permissivité que le racisme ou l’homophobie parce que<br />
considérés comme relevant de simple tracas du quotidien<br />
des femmes.<br />
Rendre visible cette notion, c’est permettre aux femmes<br />
de se reconnaître dans certaines situations de travail<br />
qu’elles subissent, et qui ne leur apparaissent pas comme<br />
relevant du harcèlement sexuel. C’est aussi permettre à<br />
l’inspection du travail de recenser ses interventions sur ce<br />
champ et faire remonter des données pouvant servir à<br />
mesurer la fréquence du phénomène. C’est responsabiliser<br />
tous les acteurs de l’entreprise.<br />
En conséquence, et au vu des éléments précités, le CSEP<br />
considère qu’il est essentiel de faire figurer, de manière<br />
visible, la notion « d’agissement sexiste » dans la partie IV<br />
dédiée à l’égalité professionnelle entre les femmes et les<br />
hommes du Code du travail.<br />
Toutefois, deux organisations patronales considèrent qu’une<br />
telle codification n’est pas nécessaire. L’une d’elle souhaite<br />
s’en tenir, si tel est le cas, à la seule reprise à l’identique<br />
des dispositions du 1° de l’article 1er de la loi du 27 mai<br />
2008 visant tout agissement en raison d’un critère prohibé<br />
(sexe, origine, religion etc.).<br />
QUATRIIÈME PARTIE<br />
L’IMPENSÉ, L’INNOMMÉ, <strong>LE</strong> DENIÉ<br />
Reconnaître et conférer une existence légale au sexisme<br />
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