Paul Sylvestre
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passages<br />
passages<br />
Le Centre d’Art<br />
contemporain / Passages<br />
de Troyes<br />
***<br />
Quel meilleur substantif que celui de “passages”<br />
pour qualifier le centre d’art contemporain<br />
troyen ? Le terme évoque en effet les idées de<br />
circulation et de mouvement permanent qui<br />
irriguent l’ensemble des activités du centre<br />
d’art depuis sa création en 1982. De la relation<br />
aux artistes à l’accompagnement du public, des<br />
expositions aux publications ou aux résidences,<br />
toute l’activité de Passages est mue par une<br />
volonté affirmée de transmission, de mise en<br />
relation d’idées et de personnes, en plaçant<br />
bien évidemment les artistes au cœur du projet.<br />
Créé il y a maintenant plus de trente ans, à l’initiative<br />
d’un groupe d’artistes et agitateurs locaux désireux<br />
de dynamiser leur territoire et d’offrir de nouvelles<br />
propositions artistiques à la population, le centre<br />
d’art contemporain s’est par la suite institutionnalisé<br />
et professionnalisé, jusqu’à devenir aujourd’hui<br />
incontournable dans le paysage culturel régional.<br />
Toutefois, cette évolution logique n’a pas altéré<br />
l’énergie et la dynamique alternative des débuts de<br />
l’institution, puisque chaque nouveau projet envisagé<br />
implique d’acquérir de nouvelles compétences, une<br />
nouvelle manière de travailler… Une remise en<br />
question permanente – voire parfois une mise en<br />
danger – qui empêche l’immobilisme ou la lassitude,<br />
que ce soit dans le choix des artistes invités, dans<br />
les méthodes de médiation envisagées ou dans les<br />
partenariats développés depuis quelques années.<br />
Cette volonté de mouvement et d’ouverture s’incarne<br />
bien évidemment en premier lieu dans les expositions,<br />
où la part belle est donnée à de fiers représentants<br />
de la jeune scène hexagonale – Dominique Blais,<br />
Alexandre Joly, Sarah Fauguet et David Cousinard<br />
– invités à développer des projets inédits. Une<br />
manière d’instaurer un dialogue entre les artistes et<br />
l’équipe du centre d’art, avec la volonté de porter un<br />
projet commun qui s’adresse au plus grand nombre.<br />
Toutefois, loin de se cantonner uniquement à la<br />
présentation de cette scène émergente, l’équipe du<br />
centre d’art mène également un minutieux travail de<br />
prospection auprès d’artistes régionaux fraîchement<br />
diplômés d’écoles d’art, tels Manon Harrois ou Mehryl<br />
Levisse. Une initiative à souligner, car rares sont les<br />
lieux d’exposition de cette envergure à offrir leurs salles<br />
à des artistes si jeunes. L’on peut également noter le<br />
récent projet dédié à Eugène Van Lamsweerde, artiste<br />
néerlandais installé depuis de nombreuses années en<br />
Champagne-Ardenne, et qui n’avait jusqu’ici jamais<br />
fait l’objet d’une exposition rétrospective de cette<br />
envergure. Par ailleurs, faisant fi des barrières entre les<br />
disciplines, la designer Matali Crasset et les graphiste<br />
genevois Gavillet & Rust ont été invités à exposer. Une<br />
invitation qui fait suite à plusieurs projets antérieurs<br />
qui croisaient graphisme, design, art contemporain,<br />
et qui témoigne avant tout de la volonté d’ouverture à<br />
l’œuvre chaque jour dans ce lieu atypique.<br />
Parallèlement à son programme d’expositions, le centre<br />
d’art contemporain a mis en place depuis quelques<br />
années une ambitieuse politique de résidence, qui<br />
offre aux artistes la possibilité de travailler sur site, afin<br />
notamment de s’imprégner de cet endroit si particulier.<br />
Qu’elles donnent lieu à une présentation du travail ou<br />
offrent un temps propice à la réflexion, ces résidences<br />
permettent en tout cas de lier l’activité de production<br />
et d’exposition à la médiation, autre pierre angulaire<br />
du projet troyen. Il est en effet beaucoup plus aisé<br />
d’envisager ce travail de fond une fois l’artiste sur<br />
place : rencontres avec les scolaires, ateliers de pratique<br />
artistique et autres moments d’échange sont autant de<br />
possibilités pour le public d’appréhender différemment<br />
le travail d’un artiste. S’il est aujourd’hui entendu qu’il<br />
n’existe pas un discours unique sur l’œuvre, et que<br />
chacun peut appréhender celle-ci comme il l’entend,<br />
il n’en reste pas moins que les équipes du centre d’art,<br />
amenées à travailler au quotidien avec les artistes,<br />
bénéficient d’une expertise et d’une connaissance<br />
toutes particulières, et sont ainsi les mieux placées pour<br />
se faire le relais entre l’œuvre et le public, aussi divers<br />
soit-il. Cet indispensable travail de mise en relation<br />
et d’accompagnement se poursuivra d’ailleurs dans les<br />
prochains mois avec la création d’une résidence dédiée<br />
aux critiques d’art et aux écrivains. Une nouvelle piste<br />
à explorer pour Passages, afin de nourrir encore cette<br />
dynamique en construction et d’apporter un autre<br />
regard sur les différentes articulations que le centre<br />
d’art cherche à mettre en place depuis quelques années.<br />
Les partenariats, enfin, témoignent de la volonté<br />
d’ouverture affichée par le centre d’art depuis<br />
quelques années. En effet, Passages a su s’imposer ces<br />
dernières années comme un acteur incontournable<br />
sur le territoire champardennais, dans une réelle<br />
volonté de transversalité et de mise en réseau avec un<br />
ensemble de partenaires très divers. Du partenariat<br />
au long cours avec le Frac Champagne-Ardenne<br />
– invité à concevoir chaque année une exposition<br />
dans les murs du centre d’art – au travail régulier<br />
avec les établissements scolaires, en passant par<br />
la volonté de fédérer les différents lieux dédiés à<br />
la culture à Troyes – notamment sa médiathèque<br />
et ses musées –, nombreux sont les exemples qui<br />
permettent aujourd’hui d’affirmer l’inscription de<br />
manière pérenne du centre d’art contemporain dans<br />
la dynamique culturelle régionale. Le dernier de ces<br />
partenariats n’est pas le moins étonnant. Passages<br />
s’est en effet rapproché de l’Agence nationale pour la<br />
gestion des déchets radioactifs (Andra) afin de mettre<br />
en place une résidence d’artistes liée à la mémoire de<br />
ces centres de stockage. Après Veit Stratmann en 2011,<br />
c’est Julien Carreyn qui en 2012 a été retenu pour<br />
poser son regard décalé sur un univers qui lui était<br />
jusqu’alors totalement étranger. Un choix qui, s’il peut<br />
au départ surprendre, témoigne une nouvelle fois de<br />
cette volonté de ne pas céder à la facilité et d’offrir la<br />
possibilité aux artistes de se confronter à des thèmes<br />
ou à des sujets vers lesquels ils n’iraient pas forcément<br />
d’eux-mêmes. C’est cette audace qui donne toute sa<br />
spécificité au Centre d’art contemporain / Passages, et<br />
en fait aujourd’hui un site d’une richesse incroyable,<br />
pour les artistes comme pour le public. Un lieu de «<br />
passages » obligé, en somme !<br />
Antoine Marchand,<br />
chargé des expositions et des éditions<br />
au Frac Champagne-Ardenne<br />
26 | OCTOBRE 2015 | FECIT FECIT | OCTOBRE 2015 | 26