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Rolling Stone 09/2017

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ANNIVERSAIRE<br />

Chroniques sous influence<br />

e<br />

De l’apologie du psychédélisme aux enquêtes sur les abus de la lutte antidrogue,<br />

<strong>Rolling</strong> <strong>Stone</strong> aura étudié de nombreux aspects de la relation complexe<br />

que les États-Unis ont toujours entretenue avec les stupéfiants. Par DAVID BROWNE<br />

En octobre 1967, alors que le<br />

premier numéro de <strong>Rolling</strong><br />

<strong>Stone</strong> est sur le point de sortir,<br />

la petite équipe du magazine<br />

apprend une nouvelle incroyable<br />

: des membres du Grateful Dead<br />

viennent d’être arrêtés pour détention de<br />

marijuana dans la maison où ils habitent<br />

en communauté dans le quartier de<br />

Haight-Ashbury à San Francisco, à<br />

quelques kilomètres seulement des bureaux<br />

de la rédaction. “C’était vraiment<br />

bizarre”, se souvient le photographe en<br />

chef Baron Wolman. “Le bureau des cautions<br />

était juste à côté de nos locaux, alors<br />

j’y suis allé. Ils étaient en train de payer la<br />

leur.” Jann S. Wenner, fondateur et rédacteur<br />

en chef du magazine, demande alors<br />

à Wolman de pendre un cliché du groupe,<br />

qu’il accompagnera, pour le premier numéro,<br />

d’un article décrivant huit agents de<br />

la brigade des stupéfiants qui “n’avaient<br />

pas de mandat et sont entrés dans la maison<br />

par effraction alors qu’on leur en avait<br />

refusé l’accès.”<br />

À cette époque, cela fait déjà longtemps<br />

que le rock’n’roll et la drogue sont indissociables. Les Beatles et Bob<br />

Dylan parlent de la liberté créatrice que permet l’usage des drogues<br />

psychédéliques ; les fans se roulent des joints sur les pochettes<br />

d’albums et planent en écoutant Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club<br />

Band et Blonde on Blonde. Il n’y a donc rien d’étonnant au fait que,<br />

dès ses débuts, le magazine parle de drogue. “<strong>Rolling</strong> <strong>Stone</strong> était issu<br />

de la culture de la drogue, explique Wenner. En parler faisait partie<br />

de notre mission, qui consistait à couvrir tous les aspects de la culture<br />

de la génération des baby-boomers.” Un des premiers numéros promet<br />

“QUARANTE PAGES PLEINES DE DROGUES, DE SEXE ET<br />

DE SENSATIONS À PAS CHER”. Une rubrique “Came” propose des<br />

conseils et des infos, par exemple sur la tentative de légalisation de<br />

l’herbe au Canada. Le cinquième numéro du magazine s’accompagne<br />

d’un cadeau d’abonnement assez gonflé : une pince à joint (“Ce petit<br />

gadget bien pratique est à vous pour rien ! Profitez-en maintenant,<br />

avant que cette offre ne soit plus légale !”) Dans les pages du magazine,<br />

les rockers parlent librement de marijuana ou en fument<br />

pendant les interviews. “<strong>Rolling</strong> <strong>Stone</strong> a été l’un des premiers endroits<br />

où les gens ont avoué sans détour qu’ils fumaient de l’herbe”,<br />

raconte Robert Greenfield, alors correspondant du magazine à<br />

Londres, et qui réalisera un peu plus tard une interview du roi du<br />

LSD et technicien du son Owsley Stanley. “Les gens comme Timothy<br />

Leary se faisaient incarcérer parce qu’ils fumaient de l’herbe. Mais<br />

à <strong>Rolling</strong> <strong>Stone</strong>, il y avait des gens qui osaient parler de ce que c’était<br />

que planer, ce qui était assez courageux à l’époque.”<br />

Un drôle de trip<br />

À gauche : Les Grateful Dead et leurs amis devant leur maison<br />

de Haight-Ashbury juste après leur arrestation pour détention<br />

et usage de marijuana, en 1967. Le récit de l’arrestation, écrit<br />

par Jann Wenner, paraîtra dans le premier numéro du magazine.<br />

Ci-dessus : publicité de <strong>Rolling</strong> <strong>Stone</strong> en 1968 pour un porte-joint<br />

offert aux abonnés.<br />

Mais les articles sur la drogue ne sont pas toujours aussi légers. “Nous<br />

voulions en parler de manière responsable, explique Jann S. Wenner.<br />

Il fallait être honnête sur les aspects ludiques, mais également sur les<br />

dangers.” Basé sur des questionnaires fournis aux troupes américaines<br />

postées à travers le monde, l’article du journaliste Charles Perry “Estce<br />

bien ainsi qu’on doit faire marcher l’armée : défoncée ?”, qui paraît<br />

en 1968, explore l’utilisation de l’herbe par les soldats au Viêtnam.<br />

“L’armée a retiré des centaines de milliers d’étudiants de l’école pour<br />

les larguer dans ce qui ressemble au paradis de la marijuana, écrit<br />

alors Charles Perry. Au Viêtnam, on peut l’acheter déjà roulée sous<br />

forme de cigarette en paquet de dix (200 par cartouche) et le paquet<br />

coûte un dollar.”<br />

Au même moment, aux États-Unis, l’administration Nixon est sur le<br />

point de déclencher une autre guerre, cette fois contre ses propres<br />

concitoyens. En 1971, le président lance une “attaque à grande échelle<br />

contre le problème de la drogue en Amérique” en fondant la Drug<br />

Enforcement Administration (DEA, l’Agence américaine antidrogue).<br />

Dans un article en deux épisodes paru en 1972, intitulé “L’étrange<br />

affaire de la mafia hippie”, le journaliste Joe Eszterhas raconte comment<br />

la Fraternité de l’amour éternel, une communauté hippie installée<br />

en Californie, est harcelée par la justice locale, qui considère les<br />

© GETTY IMAGES. DR.<br />

32 | <strong>Rolling</strong> <strong>Stone</strong> | rollingstone.fr<br />

Septembre <strong>2017</strong>

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