SPECTRUM #5 2017
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UNIPOLITIQUE<br />
L’économie et la politique, intimement liées<br />
Durant les années d’école obligatoire jusqu’au collège, la politique était bannie de notre cursus<br />
scolaire. Les professeurs n’avaient alors aucun droit d’influencer notre vision politique à<br />
travers leurs cours. A l’université, cette règle ne semble pas toujours de mise.<br />
JULIE BRUELHART<br />
Si les cours de « citoyenneté » durant<br />
l’école obligatoire ont pour but d’informer<br />
les jeunes sur la politique, ceuxci<br />
sont souvent livrés à eux-mêmes pour<br />
se forger de réelles convictions. Influencés<br />
par le contexte familial et social, les<br />
jeunes restent politisés de manière très<br />
aléatoire, comme le montre leur faible<br />
taux de participation (32% en 2015 lors<br />
des élections au Conseil national par<br />
exemple). A l’Université de Fribourg, la<br />
commission UniPoko peine également<br />
à se faire connaître et à recruter des<br />
membres. Pourtant, l’Université, sans<br />
promouvoir la politique directement,<br />
touche à cette thématique à travers<br />
certains cours. Sergio Rossi, professeur<br />
de macroéconomie et de politique monétaire<br />
à l’université de Fribourg, est<br />
connu pour sa participation au débat<br />
politique, notamment lors de la votation<br />
sur le revenu de base inconditionnel en<br />
juin 2016.<br />
Devoir d’économiste<br />
Selon le professeur Rossi, il est nécessaire<br />
que les enseignants et les chercheurs en<br />
économie politique participent au débat<br />
politique : « Il est important de donner<br />
des outils d’analyse et de faire des<br />
propositions de politique économique<br />
basées sur une approche scientifique ».<br />
Après la crise financière de 2007, Sergio<br />
Rossi a été très souvent sollicité par<br />
différentes catégories d’acteurs afin de<br />
mettre ses connaissances au service de<br />
la société.<br />
Selon lui, chaque objet soumis au vote<br />
populaire touche à l’économie. Alors<br />
pourquoi les économistes peinent-ils à<br />
s’engager ? « Participer au débat politique<br />
signifie qu’on s’expose au risque d’être<br />
critiqué ». Selon Sergio Rossi, la majorité<br />
des professeurs en économie attachent<br />
trop d’importance à la recherche scientifique<br />
et donc à la publication de leurs<br />
travaux, négligeant de ce fait les autres<br />
tâches d’un enseignant-chercheur dans<br />
ce domaine. Interagir sur le plan politique<br />
est donc considéré comme une<br />
perte de temps pour leur carrière.<br />
Politisation ou non ?<br />
Ne se revendiquant d’aucun parti politique,<br />
le professeur d’origine tessinoise<br />
est pourtant souvent assimilé à<br />
la Gauche. « Je me reconnais davantage<br />
dans la vision de la Gauche en ce qui<br />
concerne les dysfonctionnements de<br />
notre société. Je suis également partisan<br />
de la théorie économique opposée au<br />
néolibéralisme dominant, qui est prôné<br />
par les partis de Droite ».<br />
Lorsqu’il s’engage dans le débat politique,<br />
c’est en répondant aux sollicitations<br />
des médias, des associations<br />
citoyennes ou des partis politiques qui<br />
l’interpellent, comme lorsqu’il intègre<br />
un collectif d’enseignants-chercheurs<br />
pour défendre le programme économique<br />
de Jean-Luc Mélenchon, chef du<br />
parti français Les Insoumis (La Liberté,<br />
20.04.<strong>2017</strong>). Sergio Rossi se désole cependant<br />
des étiquettes politiques attribuées<br />
souvent trop rapidement : « Certaines<br />
personnes n’écoutent même plus<br />
ce que vous avez à dire à cause de vos<br />
affinités politiques. C’est dommage ».<br />
Donner l’exemple aux étudiants<br />
Le Rectorat de l’Université de Fribourg<br />
ne donne pas de directives spéciales<br />
aux professeurs s’engageant dans la politique.<br />
Fabian Amschwand, secrétaire<br />
général du Rectorat, est d’avis qu’il faut<br />
distinguer l’activité scientifique dans le<br />
cadre de son engagement comme professeur,<br />
de son engagement à titre privé<br />
dans une campagne politique.<br />
Reste qu’il n’est pas facile pour un étudiant<br />
ne partageant pas les opinions politiques<br />
de son professeur de lui accorder<br />
toute son attention. Mais pour Sergio<br />
Rossi, les étudiants doivent voir l’implication<br />
politique de certains de leurs professeurs<br />
comme une chance et ne pas<br />
en être dérangés : « Je souhaite montrer<br />
aux étudiants que l’économie n’est pas<br />
seulement une discipline d’étude mais<br />
touche à la vie quotidienne ».<br />
© Illustration : Andréa Savoy<br />
6 11-12 / <strong>2017</strong>