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HIVER - Le Poche

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18 OCTOBRE > 14 NOVEMBRE 2010 <strong>HIVER</strong><br />

AU-DELÀ DE L’<strong>HIVER</strong><br />

entretien avec Daniel Wolf réalisé par Julien Lambert<br />

L’Hiver de Jon Fosse, métaphore de la solitude humaine, se traverse au fil de trois<br />

rencontres entre un homme et une femme. Trois moments de non-dits, de bribes, de<br />

tentatives de dialogues... Entretien avec le metteur en scène, Daniel Wolf, l’un des<br />

premiers en Suisse romande à s’attaquer à cette écriture très contemporaine.<br />

<strong>Le</strong> texte de Jon Fosse est fait de phrases très brèves, tronquées, elliptiques... invite-t-il ainsi<br />

à une certaine abstraction, ou doit-on le considérer comme la face émergente de situations<br />

à reconstituer, au-delà des mots ?<br />

C’est une machine à jouer faite par un auteur qui connaît bien la vie, qui métaphorise<br />

l’expérience humaine dans une autre dimension. <strong>Le</strong> texte demande bien sûr à être<br />

« rempli », il suit un chemin rigoureux qui doit être reconstitué.<br />

Par son aspect lacunaire, il pose ainsi une énigme au metteur en scène...<br />

Oui. Fosse me fait paradoxalement penser à Marivaux, dans son rapport au temps. <strong>Le</strong>s<br />

personnages sont saisis dans ces moments cruciaux où leurs vies basculent. Fosse rentre<br />

dans le détail microscopique de ces moments où le destin, un trait de volonté ou de<br />

passivité, de vide, donne la petite chiquenaude nécessaire pour que tout bascule.<br />

Quelle philosophie de l’existence reflète ce rapport particulier au temps ?<br />

<strong>Le</strong> temps humain s’oppose à un autre temps, celui d’une mystique propre à l’auteur.<br />

L’« Hiver » du titre métaphorise l’isolement, la nuit dans laquelle est plongée l’humanité.<br />

Mais il existe un au-delà, un monde de fusion et de lumière que l’amour seul permet, peutêtre,<br />

de connaître et qu’il métaphorise en même temps. Il s’agit d’une recherche plus<br />

littéraire que philosophique, qui consiste à polariser l’ordinaire, les vicissitudes et<br />

contingences de ce monde et l’extraordinaire, la félicité, l’union qu’autorise l’autre.<br />

L’auteur y croit très sincèrement.<br />

Ces idées que les personnages peinent toujours à exprimer jusqu’au bout, cette écriture<br />

tronquée pourraient pourtant refléter un certain pessimisme...<br />

Si certaines pièces de Fosse se referment en effet sur une contingence infranchissable, j’ai<br />

choisi celle-ci car elle laisse la porte ouverte à une conciliation des deux personnages. Ce<br />

procédé littéraire minimaliste qui réduit le lexique à des notions basiques ne signifie pas<br />

que les personnages ne peuvent rien se dire. Au contraire : le sens passe tout autant par<br />

une culture du silence, un morcellement qui donne son poids à chaque mot. Fosse dit<br />

qu’avec l’écriture dramatique, il a fini par comprendre des choses qu’il n’arrivait pas à<br />

expliquer , des choses qui échappent à l’emprisonnement d’une certaine forme de parole.<br />

Désignés dans le texte comme « l’homme » et « la femme », les personnages sont-ils aussi<br />

anonymes que ces noms le suggèrent ?<br />

L’homme est un Monsieur tout-le-monde pourtant très défini dans ses obligations : il a un<br />

rendez-vous d’affaires, une épouse et des enfants l’attendent. En revanche la femme, dès<br />

son entrée « en tenue légère », en plein hiver dans un jardin public, s’annonce comme<br />

une énigme. C’est une apparition, une sorte d’ange venu de cet ailleurs dont je parlais. Elle

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