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Le drap escarlate au Moyen Age

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LE DRAP "ESCARLÂTE"<br />

AU MOYEN ÂGE<br />

ESSAI SUIt L ' I'IYM()lO(41E ET ILt SIGNIFICAlION DU Mer<br />

É C 111141 T E<br />

ET NOTES TECHNIQUES S UE LÀ<br />

FABIILCAHON 1W CE DRAP DE LAINE AU. MOYEN AGE<br />

b<br />

P Â R<br />

J.-B. WECKERLIN<br />

u<br />

LYON<br />

A. BEY & IMPBJMEUBS-ÉDVrEUBS DE LUNIVEBSITÉ<br />

4, BUE GENTIL, 4<br />

Document<br />

1111 If 11111111111 II IIl!lIIIf<br />

_q200005731596 -<br />

Oie<br />

.— I,<br />

- (Il


A MON ONCLE<br />

1.-B. WECKERLIN<br />

Bi blioU,dcaire <strong>au</strong> Conservatoire national de musique à Paris.<br />

.3. B. 'V.<br />

Lyon, le i er Janvier 7905.<br />

Hommage affectueux <strong>au</strong> vénéré<br />

doyen de la famille et à l'in fa-<br />

tigable travailleur Octogénaire.<br />

.1.13. WECiiERLIN


P R É F ACE<br />

L'histoire des corporations d'arts et métiers <strong>au</strong><br />

moyen 4ge est un thème qui occupe depuis longtemps<br />

leschercheurs et les savants de tous les pays. <strong>Le</strong>s<br />

études sorties de leur plume formeraient une bibliographie<br />

assez volumineuse et qui serait très instructive<br />

t• Depuis la publication du n livre des métiers<br />

d'Etienne Boile<strong>au</strong> » par G.-J3. Depping, ouvrage qui<br />

fut une véritable révélation, le sujet fait fortune. <strong>Le</strong>s<br />

corporations d'arts et métiers ont été examinées <strong>au</strong>x.<br />

peints de vue les plus différents . organisation des<br />

corporations, rôle religieux, politique, social, économique,<br />

etc., ctc, mais le côté industriel, la partie<br />

technique, moyens de production, outillage des artisans,<br />

procédés de fabrication n'ont fait, jusqu'à ce , jour,<br />

l'objet d'<strong>au</strong>cune étude approfondie.<br />

Pourquoi l'histoire technologique des arts et métiers<br />

<strong>au</strong> moyen.age, a-t-elle été négligée ?Jl serait cependant<br />

Nous n'oublions pas la bonne bibliographie des corporations<br />

ouvrières par H. Blanc, Paris, r885; mais cette publication embrasse<br />

une période très vaste; elle part de l'origine et va jusquli l'année<br />

1789. En outre, elle ne se rapporte qu'<strong>au</strong>x documents français ou<br />

écrits en langue française. Depuis Pannée de sa publication, les ouvrages<br />

nouve<strong>au</strong>x sur ce sujet sont fort nombreux.


LI<br />

—8---<br />

intéressant de connaitre les procédés de fabrication qui<br />

étaient employés par les humbles prédécesseurs de nos<br />

grands industriels modernes. Bien des inventions, <strong>au</strong>xquelles<br />

on assigne une date relativement récente, se<br />

retrouveraient à une époque qu'on qualifie encore assez<br />

volontiers d'obscure lorsqu'il s'agit de technologie. <strong>Le</strong><br />

chercheur patient ferait des trouvailles curieuses et il<br />

pourrait inscrire en tête de ses recherches « Nihil<br />

novi sui; soie! )<br />

Ii y a là un terrain très vaste qui est encore en friche,<br />

mais, hélas t il ne f<strong>au</strong>drait pas entreprendre ce<br />

dur labeur dans l'espoir d'un lucre, même modeste...<br />

Ceux qui devraient encourager particulièrement les<br />

études de ce genre, nos industriels, n'ont pas de temps<br />

â consacrer a la lecture de « vieux documents » qui ne<br />

leur rapporteraient <strong>au</strong>cun avantage matériel, <strong>au</strong>cun<br />

perfectionnement nouve<strong>au</strong>. Itç , ont dé» fort â faire<br />

pour, se tenir <strong>au</strong> courant des publications modernes,<br />

industrielles et scientifiques. La lutte pour l'existence,<br />

dans notre siècle de vapeur, d'éiebtricité (et d'argent),<br />

est tellement âpre qu'itsn'ont que faire des procédei<br />

de fabrication de leurs confrères des xii 0, XIu e et<br />

Niv e siècles, « requiescant in pace J<br />

Cc n'est donc pas à eux qu'il f<strong>au</strong>drait s'adresser<br />

pour rencontrer des sympathies et des encouragements.<br />

'C'est encore <strong>au</strong>près de l'historien, de l'économiste, de<br />

l'archéologue toujours heureux de voir un nouve<strong>au</strong><br />

rayon de lumière pénétrer dans l'histoire du moyen<br />

âge, que des études de ce genre trouveraient un accueil<br />

favorable.<br />

<strong>Le</strong>s motifs pour lesquels les qucstiôns technologi-


-9ques<br />

n'ont été qu'effleurées jusqu'à cejour peuvent se<br />

résume,' ainsi: <strong>Le</strong>s documents publiés renfermant des<br />

indications intéressant l'exécution du travail <strong>au</strong> moyen<br />

âge, les données réilement techniques, sont encore<br />

rares. C'est le travail de l'historien, du paléographe,<br />

de les mettre <strong>au</strong> jour. Une fois que ces documents<br />

seront accessibles, en grand nombre, <strong>au</strong> technicien<br />

préparé par des études approfondies à les comprendre,<br />

son éducation industrielle, technique, lui permettra de<br />

nous les expliquer.<br />

M. R. Pirenne, de l'Université de Cana', l'historien<br />

moderne de la Belgique, u compris le grand intérêt<br />

que présenteraient des recueils de documents de ce<br />

genre, et il nous prépare en collaboration avec M. Espizzas,<br />

de Paris, la publication de toutes les pièces,<br />

ordonnances, règlements, etc., concernant l'art de la<br />

<strong>drap</strong>erie dans les Flandres <strong>au</strong> moyen âge. Nui doute<br />

que ces documents, se rapportant à une époque où les.<br />

Flandres détenaient pour ainsi dire le monopole dela<br />

fabrication de labelle <strong>drap</strong>erie fine, ne nous révèlent<br />

une infinité de détails très intéressants pour les différentes<br />

phases de la fabrication des tissus de laine. Un.<br />

travail documentaire analogue se z'apportant <strong>au</strong>x républiques<br />

de l'Italie du Nord serait un digne pendant <strong>au</strong><br />

travail entrepris par M. Pirenne'.<br />

DODEN, dans sa belle et consciencieuse étude sur l'art de la <strong>drap</strong>erie<br />

ii Florence, que nous Aurons h citer souvent dans le cours de -<br />

notre travail, avoue lui-même avoir été obligé de négliger la partie<br />

technologique. Cependant, il nous donne quelques pièces intéressantes<br />

dans les documents justificatifs. Nous regrettons vivement<br />

que certaines pièces Uniques, par exemple celles concernant l'art de<br />

la teinture, n 'aient pas été publiées intégralement.


Pour la Frnce, en général, nouspqssédons le grand<br />

recueil classique des u Ordonnances des rois de France<br />

de la troisième race »parL<strong>au</strong>rière, Secousse, de Viller<strong>au</strong>lt,<br />

etc..., publié de 1723 â 1849. Cet ouvrage, <strong>au</strong><br />

point de vue des arts et métiers, donne un grand nombre<br />

de pièces intéressantes, niais il n'épuise nullement<br />

le sujet, car il ne contient que des ordonnances<br />

royales'.<br />

L'essai que nous donnons dans les quelques pages<br />

qui vont suivre, sur l'étymologie du mot écarlate et<br />

sur sa signification <strong>au</strong> moyen âge, a pour but de démontrer<br />

que la connaissance approfondie de l'histoire technologique<br />

des arts et métiers pourrait être d'un précieux<br />

concours pour l'explication de textes restés<br />

incompréhensibles et jeter également de la lumière<br />

sur l'étymologie de certains mots sur lesquels on n'a<br />

emisjusqua présent que des hypothèses. Dahs le cas<br />

particulier de l'art de la <strong>drap</strong>erie qui va nous occuper,<br />

cet essai laissera, nous l'espérons, l'impression que les<br />

<strong>drap</strong>s fins fabriqués <strong>au</strong> moyen âge n'étaient pas à coinparer<br />

<strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s grossiers que fabriquen (<strong>au</strong>jourd'hui<br />

encore nos montagnards pyrénéens et alpins, ou les<br />

habitants des steppes russes, comme l'ont prétendu<br />

certains <strong>au</strong>teurs, mais bien dés <strong>drap</strong>s d'une be<strong>au</strong>té et<br />

d'une finesse comparables <strong>au</strong>x plus be<strong>au</strong> produits de<br />

notre industrie moderne.<br />

Sans entrer dans d'<strong>au</strong>tres détails, nous tenons cependant à<br />

mentionner ici les Monuments inédits dA. Thierry, puis les Recueils<br />

de documents, publiés par M. Pagniez.


LE DRAP "ESCARLATE"<br />

AU MOYEN AGE<br />

Essai sur l'étymologie et ta signification du mot." Écarlate"<br />

et notes techniques sur la fabrication de ce <strong>drap</strong> de Laine <strong>au</strong> moyen âge<br />

I<br />

INTRODUCTION<br />

Une question . restée encore assez obscure, malgré<br />

le grand nombre de personnes, histoi'ieus, linguistes,<br />

archéologues, etc., qui s'en sont occupés, est celle de<br />

l'étymologie et de la véritable signification du mot<br />

<strong>escarlate</strong> n <strong>au</strong> moyen âge. De prime abord, la question<br />

semble très embrouillée, car nous trouvons des<br />

textes de la même époque, où écarlate est tantôt employée<br />

dans le sens de couleur rouge, tantôt dans le<br />

sens de qualité de <strong>drap</strong>, sans distinction de coloris.<br />

Véici deux exemples typiques o Item que nul dra-<br />

• pier, chapperonnier ne <strong>au</strong>tre, ne vende <strong>drap</strong> pour<br />

• escarlale, se il n'est tout pur de graine, sans <strong>au</strong>tre<br />

• mistion de tainture quelconque'....<br />

Aucun doute n'est possible; d'après cet exemple,<br />

écarlate désigne un <strong>drap</strong> rouge, teint en graine et est<br />

Règlement des <strong>drap</strong>iers de Paris de 1362, § 25. - <strong>Le</strong>spinasse,<br />

les Métiers et Corporations de Paris ) t. III, P 14.


- 12—<br />

nettement employé dans le sens de couleur. Autre<br />

exemple « De par la duchesse de Bourgogne. -<br />

• Baillif. - Nous vous prions tant acertes comme<br />

• plus poons et pour c<strong>au</strong>se qui moult touche :à notre<br />

• honneur et notre estat que vous nous envoiez dues<br />

esquallates blanches gontée de vermeil, une esquai-<br />

• late vermoule t mie <strong>au</strong>tre paoiace qui se traie <strong>au</strong>ssi<br />

• comme sur morey, c'est-à-dire qu'elle ait colour de<br />

• droite violete. Et toutes ces quatre esquallates soient<br />

u les meilleurs et les plus fins que l'on pourra recouo<br />

vrer, combien que .elles doient couster t .....n Ici,<br />

il s'agit de <strong>drap</strong>s fins et de différentes couleurs.<br />

<strong>Le</strong> sujet de cette étiide nous fut suggéré par un<br />

entretien que nous avons eu avec M. Pirenne, il y n<br />

environ deux ans, et où M. Pirehne émettait l'opinion<br />

que l'étymologie du mot écarlate pourrait bien être<br />

cherchée dans le mot flamand « scaerlaken '. « scarlaken<br />

n, <strong>drap</strong>-tondu. Nous préférons le sens de <strong>drap</strong> à<br />

tondre on à retondre. <strong>Le</strong>s raisons qui militent eu faveur<br />

de cette étymologie sont nombreuses, comme<br />

nous allons le voir dans la suite. <strong>Le</strong> mot « scarlakèn n<br />

a passé de bonne heure dans la basse latinité sans be<strong>au</strong>coup<br />

de changements, sous la forme de « scarlatum n.<br />

Nous le retrouvons en langue picarde orthographié<br />

escarlaken 2 n dans. De4aisne 3 à plusieurs endroits<br />

21 mai 3:-15. Extrait de Dehaisoc, Documents et extra ils divers concernant<br />

del 'Art dans laFlanrlre,elc., Lille, 1886 t. I, p. 3oo.<br />

Extrait d'uit compte dYpresde 1385: « item o luy piiLVi hochets<br />

LXII. Idem n Iuy pilit escarlaken sa ngwyn large i verd et i blanc.<br />

Société d'émulation pour l'étude rie l'histoire et des antiqu. de in<br />

Flandre, L. III, 2i série, P. .30.. . .<br />

Dcliii î sne, toc cil. r


- 13 -<br />

on trouve ce mot écrit u scarlate n. Il a également<br />

passé dans la langue anglaise sans modification essentielle<br />

sous la forme de « scarlet n.<br />

L'addition de la voyelle initiale e <strong>au</strong>x primitifs latins<br />

commençant par se est presque générale et de la même<br />

façonle se dans le mot flamand « scarlaken n s'est<br />

transformé en u escarlaken n et de là en u <strong>escarlate</strong> n.<br />

Nous avons retrouvé un exemple tout à fait analogue<br />

d'étymologie, en étudiant un acte notarié (le 1545<br />

<strong>au</strong>x archives d'Ypres'.<br />

A plusieurs reprises,nous avons rencontré le mot<br />

« geankelocne n qui, rie prime abord, nous était incompréhensible,<br />

mais qui ne pouvait logiquement, et<br />

dans tous les cas où nous l'avions trouvé, être traduit<br />

que par notre mot échantillon. Dans d'anciens<br />

textes nous retrouvons le mot orthographié « escantillon<br />

n et u eschantillon » dans la langue anglaise,<br />

nous retrouvons ce même mot sous la forme de « scantlon<br />

». D'un <strong>au</strong>tre côté, nos recherches faites en vue<br />

dé trouver une étymologie pl<strong>au</strong>sible du mot u échantilfon<br />

n sont restées infructuéuses. Avant de développerles<br />

arguments q.uiparlent en faveur de la dérivation<br />

du mot u <strong>escarlate</strong> n de u scar]a]


- 14 -<br />

logie que de la signification de ce mot, par différents<br />

<strong>au</strong>teurs et à différentes époques<br />

Du CANGE dit scarlalum, scarlata, squalata, coccus,<br />

val coccinus, vol pannus coccineus.....et, plus loin, il<br />

dit « latine vero grana tinctorum uncle Lingitur scarlalim.....Quidam<br />

ex Aiabico Yxquerlat, quod idem<br />

sonat deductam vocem volunt ».<strong>Le</strong>s exemples qu'il cite<br />

ne prouvent pas que le mot « scarlatuin » n'était employé<br />

que pour désigner un <strong>drap</strong> rouge teint en graine<br />

ou en kermès. Au mot « escallata » il cite des exemples<br />

qui contredisent l'opinion émise <strong>au</strong> mot « scarlatum<br />

>, par exemple « <strong>escarlate</strong> brune », niais il ajdute<br />

urpurani intelligo ».<br />

J4A CURNEDE SAINTE-PALAYE. « Escarlate , <strong>drap</strong> <strong>au</strong><br />

xii 0 siècle, il signifie étoffe de pourpre. Et comme<br />

preuve il cite un passage de Thomas de Cantorbéry<br />

« Donc devint li sainz boni plus vermeilz, quant ço<br />

vit, que nen est <strong>escarlate</strong> ». - Il est partisan de<br />

l'acception de <strong>drap</strong> invariablement roûge cependant<br />

son exemple n'est pas bien probant, car il a bien pu<br />

être dans l'esprit de l'<strong>au</strong>teur de dire : « que nen est<br />

« <strong>escarlate</strong> vermeilz », il n'a paê voulu - répéter deux<br />

fois ce mot. La Curne ajoute « A partir du xi'° siècle<br />

c'est une étoffe de couleur.5 diverses. »<br />

Voici l'avis de BECKMANN (le père de la technologie)<br />

((On appelait la marchandise teinte en kermès<br />

« scarlata, s4uarlata », etc... tout le monde trouvera<br />

que ces mots ont une analogie très grande avec notre<br />

Beckmann, Beytrage zur Geschichte der Erfindungen, 1. 111,<br />

<strong>Le</strong>ipzig, •.72, p.


Il<br />

- 15 -<br />

« Scharlach »., mais il n'est pas si facile de trouver la<br />

première étymologie de ce terme n..<br />

PEZU0N (P<strong>au</strong>l), dans les Antiquités de la nation et<br />

de la langue des Celtes 1, fait dériver écarlate de la<br />

la langue celtique et dit qu'il signifie <strong>au</strong>tant que .Gala-<br />

Lieus rubor (rouge g<strong>au</strong>lois). Littré est égalemeitt de<br />

cet avis.<br />

SPATEN Z dit que le mot « scharlach n est tout à fait<br />

allemand et est dérivé du mot « Schor» qui signifie le<br />

feu et u Laken n, <strong>drap</strong>. Drap de feu, <strong>drap</strong> vif, couleur<br />

de feu.<br />

D'<strong>au</strong>tres, d'après Beckmann veulent trouver une<br />

certaine analogie entre les mots, « quisquilium,<br />

euscuhum ou scolecium n employés par Pline et le mot<br />

« scarlalum n. Une <strong>au</strong>tre étymologie très ingénieuse,<br />

mais bien invraisemblable est celle cherchée dans le<br />

rapprochement des deux mots kermès et laque (lncIQÏ<br />

en supprimant la seconde syllabe de kermès et en<br />

mettant tin s <strong>au</strong> commencement, on obtient u skerlack »<br />

et l'<strong>au</strong>teur ajoute Si on admet la dérivation du mot<br />

arabe iaclt = rouge, cela signifierait u vermieulare<br />

rubrum (rouge de kermès). Si on admet la dérivation<br />

du mot flamand «laken n, cela signifierait u p<strong>au</strong>nus vermicularis<br />

n, <strong>drap</strong> teint en (kermès 3).<br />

REI5EL, dans ses remarques sur Constantini libr. de<br />

ceremoniis <strong>au</strong>be Byzantine 1 , dit vocabulum Scharal<br />

Paris, 1703.<br />

Spaten (SUler), der deutschen Spraehe Stamb<strong>au</strong>m, Nurnbcrg,<br />

1(191, in-4', S. 1062.<br />

' Beckrna on, loc. cit., t. III, P. 40.<br />

If, p. '370.


- l_G -<br />

quod coccineuin colorem notat in Galii <strong>Le</strong>xico non<br />

prostat; habetur [amen in Moallacah quinta. L'étymologie<br />

queileiske donne à la même occasion du mot<br />

charlaLan est pins intéressante, il croit que les acrobates,<br />

prestidigitateurs qui étaient <strong>au</strong> moyen âge<br />

habillés de rouge furent appelés u scarlatati o ou<br />

scarlatani », de là le mot charlatan. Mais la dérivation<br />

du mot u ciarlare o, bavarder, de là le mol italien<br />

« ciarlatano o, est tout <strong>au</strong>ssi acceptable.<br />

Li GRAND . D'AUSSY 1 également éprouve de l'embarras<br />

pour expliquer le sens du mot écarlate, il dit<br />

o Pour moi, sans vouloir entreprendre ici des discussions<br />

qui sont fort <strong>au</strong>-dessus de mes connaissances, je<br />

proposerai une conjecture c'est que pendant longtemps,<br />

l'écarlate et la pourpre ne s'étant employées à<br />

c<strong>au</strong>se de leur cherté que pour la teinture des <strong>drap</strong>s les<br />

pins fins, on donna par la suite le nom de pourpre et<br />

d'écarlate, non à la couleur, mais à l'étoffe elle-même,<br />

quelle que fût la couleur.<br />

VIOLLET-LE-DUC . Parmi ces étoffes de luxe et très<br />

probablement. de soie, il f<strong>au</strong>t citer la pourpre et l'écarlate.<br />

Il y en avaitde toutes couleurs, et ces désignations<br />

indiquaient une qualité, non point une nuance.<br />

CACHET interprète le moi écarlate par étoffe d'un<br />

rouge éclatant. Quand à l'explication des diverses<br />

nuances de l'étoffe qui portait ce nom, cet <strong>au</strong>teur dit<br />

t Note 3 <strong>au</strong> Lai de Lanval (Fabli<strong>au</strong> Ou contes), édit, de Renonard,<br />

t, 1, i. iSo.<br />

Dans le DieLion. du Mob. français. -<br />

Glossaire, p. 72:.


- 17 -<br />

« tout cela rappelle un peu l'extension que les Romains<br />

donnaient à leur mot pUrpUreUS<br />

GAILLAUD Euw. (Dans le glossaire flamand, faisant<br />

suite à l'inventaire des archives de Bruges de Gilliodis<br />

van-Severen). e Sorte d'étoffe de luxe qui se fabriquait<br />

en toutes nuances u, et, plus loin, il dit De plus<br />

« scoerlaken u présuppose une étoffe de luxe.<br />

'\Tlc Ton GAY. L'écarlate est une teinture de toutes<br />

couleurs et nuances vives <strong>au</strong>xquelles l'immersion dans<br />

un bain de kermès ajoutait lin éclat particulier .....La<br />

plupart des écarlates mentionnées clans les inventaires<br />

du xlvC siècle sontde couleur sanguine (rouge) rosée,vermeule,<br />

violette, plus rarement noire. (Cette opinion <strong>au</strong><br />

sujet d'un bain de teinture supplémentaire en kermès,<br />

pour donner un éclat particulier est évidemment f<strong>au</strong>sse.<br />

Pratiquement, ce genre de teinture serait complètement<br />

impossible, car il <strong>au</strong>rait pour résultat des nuances<br />

ternes, noirâtres, sans <strong>au</strong>cun éclat. Du reste, l'opinion<br />

de Gay n'est basée sur <strong>au</strong>cun texte, ni sur <strong>au</strong>cun<br />

règlement de teinture pouvant faire supposer une pratique<br />

semblable.)<br />

G0DEFROY Fit. . « Escarlate n, sorte de diap de<br />

Il n'y o <strong>au</strong>cune analogie entre ces deux cas; Purpureus appliqué<br />

en terthc de teinture, c'est-'a-dire à une fibre textile, désigne toujours<br />

une couleur rouge; niais ce mot s'appliquait également<br />

dans tout un <strong>au</strong>tre sens, lrnul' désigner la mobilité, la vivacité, la<br />

rapidité: ilomère l'applique <strong>au</strong>x vagues de la mer, Ilorace parle des<br />

ailes pourpres des cygnes qui trament le char de Vénus. Ou (rallye<br />

également l'épithète de purpureus appliquée à la neige, etc.., Voir,<br />

A ce sujet, l'intéressant travail du Dr A. Dedekind, Ein Beitraj zur<br />

Purpurkunde, Berlin, ' o• -<br />

Glossaire archéologique du moyen .1 ,rJe, 1882-1887.<br />

Dictionnaire de l'ancienne langue française, Paris, 188o-.9o2.


- 18 -<br />

qualité supérieure, dont la couleur variait be<strong>au</strong>coup<br />

(opinion qui est juste, mais pour une certaine époque<br />

seulement).<br />

ScIIMoLLEn. <strong>Le</strong> mot écarlate, « scarlatum », se rencontre<br />

dès le xi° siècle (il s'appuie sur l'<strong>au</strong>torité de<br />

Muratori, Antiqu., II, p. 415) il désigne des <strong>drap</strong>s fins<br />

d'un rouge éclatant,mais <strong>au</strong>ssi de eouleurbrune, verte,<br />

bleue et blanche.<br />

'FIIANGI5QUEMIcIIEL 2. Une pareille épithète à la suite<br />

d " escarla(e » vermeille), sans parler de l'espèce de<br />

synonymie qui semble établie ici entre ce mot et celui<br />

de pourpre, suffit déjà pour nous faire soupçonner que<br />

le premier de ces mots désignait, comme le second, une<br />

étoffe et non une couleur ce qui est parfaitement<br />

vrai pour toutes les époques du moyen âge.<br />

BOURQIJELOT 3 FÈL. L'écarlate. La couleur éclatante<br />

que recevait d'ordinaire cette étoffe de laine, riche et<br />

estimée entre toutes, s'obtenait jadis <strong>au</strong> moyen du kermès,<br />

petit insecte qui, desséché, a l'apparence d'une<br />

graine rouge et que pour cela on appelait graine d'écarlate,<br />

ou simplement graine.....Du reste, la teinte et<br />

même la couleur de l'écarlate pouvaient be<strong>au</strong>coup varier,<br />

' car on trouve des écarlates brunes, vermeilles,<br />

sanguines, pourprées, rosées, morées, violettes, paonaces;<br />

on en voit même de grises et de vertes. L'écarlate<br />

de Venise, celle de Gand, que désignent les proverbes<br />

Schmoiler, Die Strassburger Tucher-und Weberzunfl,Strassburg,<br />

1879, . 426.<br />

Recherches sur tes étoffes de soie d'or et d'argent pendant te<br />

moyen âge, p. 20.<br />

Etudes sur les foires de Champagne, i partie, i


- 19 -<br />

et dictons publiés par M. Crapelet, et, en général,<br />

l'écarlate de Flandre étaient en grande réputation <strong>au</strong><br />

moyen âge.....On se servait, pour tisser cette étoffe.<br />

des laines tes plus fines; et son prix était supérieur à<br />

celui des <strong>au</strong>tres <strong>drap</strong>s de laine.....<br />

CRAPELIr'. « Esquarlate n de Gand. Couleur et<br />

étoffe d'écarlate de Gand. On obtient la belle couleur<br />

d'écarlate <strong>au</strong> moyen du kermès. Dans nos fablihux,<br />

écarlate et pourpre sont synonymes mais ce mot écarlate<br />

désigne <strong>au</strong>jourd'hui la couleur rouge très vive de<br />

l'ancienne pourpre de Tyr, et le mot pourpre, une couleur<br />

rouge violette. Il y a différentes nuances de rouge<br />

pour la couleur pourpre; il n'y en a qu'une pour lécarlate.<br />

OTT ArmuÉ 2 fait dériver le mot « <strong>escarlate</strong> » du<br />

persan « Sakirlât 3 ». Il dit Y « Jusqu'à nouvel ordre<br />

et en dépit des difficultés qu'elle présente, celte étymologie<br />

semble la plus satisfaisante. Ecarlate ne se trouve<br />

Proverbes et dictons populaires, Paris, 1831, p. 5.<br />

2 L'Iodes sur les couleurs en vieux français, thèse présentée 'n la<br />

Faculté de Zurich, Paris, i8qg.<br />

Il nous semble plus probable que ce mot soit entré dans la<br />

langue persane, ainsi qu'il o dù entrer dans la langue arabe (voir<br />

Du Cange), par suite du grand trafic qui se faisait en Asie Mineure<br />

et dans les pays barbaresques avec les <strong>drap</strong>s écarlates, dès le commencement<br />

dû xii' 0 siècle (peut-être même bien avant). fleyd (Ceschichte<br />

des <strong>Le</strong>vante Handets, t. Il, p. 66) nous dit que les <strong>drap</strong>s<br />

arrivaient à Venise de toutes les villes industrielles de l'Angleterre,<br />

des Flandres, de la France et de l'Italie, pour être trafiqués dans les<br />

échelles du <strong>Le</strong>vant. <strong>Le</strong>s Florentins, eux seuls, fournirent <strong>au</strong>x<br />

bate<strong>au</strong>x vénitiens, en 1420 (avant qu'ils n'eussent leurs propres navires),<br />

16.000 <strong>drap</strong>s qui étaient conduits dans les échelles du <strong>Le</strong>vant; il<br />

ajoute que les <strong>drap</strong>s écarlates jouissaient d'une faveur spéciale <strong>au</strong>près<br />

des princes de l'Orient.


—20—<br />

pas en vieux français comme adjectif; comme sub-..<br />

stantif il signifie « étoffe flué d'un rouge vif » et o étoffe<br />

fine.)). Ecarlate a ainsi subi le sort des <strong>au</strong>tres noms<br />

d'étoffes désignant originairement une couleur. On peùt<br />

encore moins avancer que pour pourpre, que l'une de<br />

des significations se trouve clans des textes savants ou<br />

non savants, écarlate n'étant, pas d'origine latine. En<br />

ancien italien, par exemple, <strong>au</strong> xiii e sièclé u scarlatto u<br />

est adjectif et substantif, et ne désigne que « rouge vif »<br />

et u couleur rouge, étoffe rouge »; TI n'est pas cmprunté.<strong>au</strong><br />

français et prouve que la signification générale<br />

de u étoffe flue il propre à cette dernière langue.<br />

Quelle crue soit l'étymologie, soit originaire<br />

• doit avoir été celui de u rouge » .......ai été frappé de<br />

voir dans mes nombreuses lectures l'attribut rouge ou<br />

teint en rouge accompagner si fréquemment le mot<br />

écarlate; j'en conclurais volontiers à une légère réminiscence<br />

de l'ancienne et seule couleur que pouvait<br />

avoir ce vocable dans sa signification première ; h<br />

moins qu'on se contente d'y voir la préférence accordée<br />

à la culeur rouge1.<br />

Toutes, les étymologies du mot écarlate que nous<br />

venons de citer sont be<strong>au</strong>coup moins vraisemblables,. -<br />

I M. DREGER, dans un ouvrage sur le Lissage de la broderie réccinment<br />

publié par les soins de l'imprimerie impériale dé Vienne, dit,<br />

j. 144, note 2: « Escarlate ' soit dit eu passant, n'est pas une désignation<br />

de coloris; niais le nom d'un tissu de lin<br />

C'est la seule fois que nous ayons rencontré celle interprétation<br />

du mot « esearlate ». Il <strong>au</strong>rait été intéressant de savoir où M. Dreger<br />

s'est formé celte opinion. Moritz Dreger, ICI) ,,stlerische E<strong>au</strong> ickelunq<br />

der \-Veberei und S1icJe,'ei, Wien, 14J04, s vol. in-4.<br />

J. \Tpjj, E! yinologisch Woordenbœk de,: iVeddrlandsche ta,i!,<br />

fait également déi'ivcr le mot « Scharla'ken » du persan.


- 21 -<br />

même à première vue ci sans <strong>au</strong>tre examen, que celle<br />

donnée par M. Pirenne. En - outre, cette étymologie<br />

nous a mis sur la voie du véritable sens du mot écarlate<br />

<strong>au</strong> début. D'après nos recherches, que nous allons<br />

donner dans la suite, le mot écarlate lorsqu'il n passé<br />

clans la langue française (comme du reste clans be<strong>au</strong>coup<br />

d'<strong>au</strong>tres langues), servait à désigner non pas une<br />

seule qualité de <strong>drap</strong>, mais toute une catégorie de<br />

<strong>drap</strong>s fins, qui ne devenaient des écarlates qu'après<br />

avoir subi toute une série d'opérations d'apprêt dont<br />

la tonde souvent répétée formait la base. Ces opératiens<br />

de tondage <strong>au</strong> début ne se faisaient pas dans le<br />

pays de production même, par exemple en Flandre,<br />

mais étaient faites par des artisans spécialistes très<br />

experts dans ce genre de trav<strong>au</strong>x comme l'étaient par<br />

exemple les apprêteurs de la « Calimala n de Florence.<br />

<strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>s simplement foulés, c'est-à-dire sans lainage,<br />

tondage, ou teinture, les <strong>drap</strong>s « écrus (dénommés<br />

<strong>au</strong>ssi <strong>drap</strong>s blancs), <strong>drap</strong>s à tondre, (c scarlaken n,<br />

étaient vendus à des villes industrielles plusavancées<br />

dans l'art de donner les derniers apprêts <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s lins,<br />

fabriqués avec des laines fines (anglaises). Plus tard,<br />

les producteurs de <strong>drap</strong>s fins ayant appris à donner<br />

eux-mêmes ces apprêts, les écarlates se terminèrent<br />

dans le pays de fabrication. Mais ces opérations de<br />

tondage se faisaient par une corporation spébiale d'artisans,<br />

les tondeurs « à fin o, appelés dans les Flandres<br />

« droogscheerders o, et, par suite de ces apprêts et spécialement<br />

de ces tondes nombreuses données à cette<br />

catégorie de <strong>drap</strong>s fins, le nom de « scarlaken n était<br />

encore bien approprié. Ces <strong>drap</strong>s fins <strong>au</strong> moment où<br />

1. B. w. 2


- 22 -<br />

ils furent terminés complètement dans leur pays de<br />

fabrication avant (l'être livrés <strong>au</strong> commerce, avaient<br />

cependant encore besoin, d'être refondus une dernière<br />

fois, soit dans le pays de consommation, soit avant<br />

l'emballage définitif pour l'exportation dans les pays<br />

lointains, où le, relondeur de <strong>drap</strong>s n'existait pas.<br />

Encore une raison pour maintenir le terme de u scarlaken<br />

n (<strong>drap</strong> à refondre) pour cette catégorie de tissus.<br />

Nous <strong>au</strong>rons l'occasion (l'expliquer plus loin la<br />

raison pour laquelle les <strong>drap</strong>s fins à surface soyeuse<br />

avaient besoin de l'opération de retondage.<br />

<strong>Le</strong> goût S du moyen ûge étant <strong>au</strong>x couleurs vives,<br />

éclatantes, il est tout naturel qu'on appliqua de préférence<br />

sur les <strong>drap</strong>s de h<strong>au</strong>t prix, comme les écarlates,<br />

la teinture la plus vive et la plus solide qu'on était<br />

capable de produire. <strong>Le</strong> rouge <strong>au</strong> kermès ou à la graine<br />

répondait entièrément à ces exigences, et, dès lors, rien<br />

de surprenant qu'on rencontre les écarlates vermeilles,<br />

sanguines, be<strong>au</strong>coup plus souvent que les <strong>au</strong>tres<br />

nuances'.<br />

Dans un acte de donation de 1172, dc l'empereur Frédéric I <strong>au</strong><br />

comte de Gueldre, ayant trait à Nymêgue, il est dit : « Ut ipso et<br />

dus successores imperatori de codent telonio singulis annis tres<br />

pianos scarlacos, hene rubeos, anglicenses, ardentis coloris... assignnre<br />

dehent. » lei écarlate désigne bien la qualité du <strong>drap</strong>, Puisqu'il<br />

ajoute : bene rubeos, d'un bon rouge, de laine anglaise et de<br />

couleurs vives. Cette citation marque bien la préférence du moyen<br />

âge, dont nous parlions plus h<strong>au</strong>t. Déjà, <strong>au</strong> milieu dit xi° siècle,<br />

l'empereur Henri III avait fait don de Nymègue <strong>au</strong> comte de Clève,<br />

avec in même redevance, à savoir: la livraison de trois <strong>drap</strong>s écarlates<br />

de laine anglaise « ires panhlos scarlitinos anglicanes n, mais<br />

le texte ne porte pas encore de spécification de coloris comme celui<br />

de ita. .


-23-<br />

Outre le rouge très vif, on ne pouvait produire que<br />

duj<strong>au</strong>ne à la g<strong>au</strong>de pouvant se comparer, comme<br />

Éclat, <strong>au</strong> rouge à la graille, mais cette nuance n'était<br />

pas be<strong>au</strong>coup demandée. <strong>Le</strong>s bleus clairs, par exemple,<br />

faits à la cuve <strong>au</strong> guède (pastel) devaient paraître singulièrement<br />

gris et ternes comparés à l'éclat du rouge <strong>au</strong><br />

kermès. <strong>Le</strong> rouge.étant de plus en plus demandé sur<br />

ces <strong>drap</strong>s fins, il n'y arien d'étonnant que petit à.petit<br />

<strong>drap</strong> et couleur se confondent et que finalement «écarlate<br />

» ne signifie plus que <strong>drap</strong> fin teint en graine, et<br />

que la graine elle-même prenne la désignation de graine<br />

d'écarlate.<br />

Ce qui a induit en erreur presque tous ceux qui se<br />

sont occupés de cette question et qui prétendent que le<br />

mot écarlate désignait une couleur rouge <strong>au</strong> début et<br />

finalement un <strong>drap</strong> fin de toutes nuances, est lefait qu'ils<br />

n'ont pas fait remonter assez loin l'origine d'écarlate<br />

et que, d'un <strong>au</strong>tre côté, ils ont été déroutés par les<br />

citations d'écarlâtes de toutes nuances, trouvées dans<br />

les romans de chevalerie, fabli<strong>au</strong>x, chansons de geste,<br />

etc. Ces documents littéraires sont à peu près les seuls<br />

dans lesquels ils ont puisé.<br />

La tradition et le langage populaire, que parlaient<br />

également les trouvères et les poètes, avaient conservé<br />

jusqu'<strong>au</strong> commencement du xvi 0 siècle l'ancienne<br />

signification de <strong>drap</strong> fin <strong>au</strong> mot écarlate, tandis que les<br />

gens de métier, <strong>drap</strong>iers, teinturiers, apprêteurs en<br />

langage technique, ne connaissaient plus, sous la désignation<br />

d'écarlate, qu 'un <strong>drap</strong> fin rouge et teint exclusivement<br />

en graine.<br />

Nous avons, <strong>au</strong> cours de cette étude, acquis l'impres-


- 24 -.<br />

sien que le mot écarlate « scarlaken », <strong>au</strong> moment oit<br />

il apparaît, était plutôt une expression commerciale et<br />

populaire, appliquée à la catégorie des <strong>drap</strong>s fins, tondus,<br />

qui vont nous occuper. Chez les gens de méliers<br />

<strong>drap</strong>iers, teinturiers (dans les keures et ordonnances),<br />

le mot écarlate se trouve rarement.<br />

<strong>Le</strong>s commerçants, <strong>drap</strong>iers-marchands et les consommateurs<br />

se servent couramment de ce mot, <strong>au</strong>ssi,<br />

figure-t-il, dès le début, dans les droits de péages, tonlieus,<br />

etc... Chez l'artisan, nous ne rencontrons cette<br />

expression que plus tard et elle devient d'un usage fréquent,<br />

une fois que le mot a pris pour eux la signification<br />

de <strong>drap</strong> fin, teint en graine.<br />

Pour bien faire comprendre ce qu'était le scarlaken<br />

», l'écarlate, comparé à la <strong>drap</strong>erie commune,<br />

nous allons donner des détails techniques sur la fabrication<br />

du <strong>drap</strong>, et spécialement sur les <strong>drap</strong>s fins.<br />

Nous ne donnerons cependant qu'un aperçu schématique<br />

de la plupart des opérations, s<strong>au</strong>f pour le tondage<br />

et les différentes opérations d'apprêts (lainage, teinture)<br />

qui, pour la compréhension de noire sujet, nous<br />

ont semblé mériter une certaine extension. Nous nous<br />

réservons de traiter dans une <strong>au</strong>tre étude, plus longuement,<br />

la partie technique d l'art de la <strong>drap</strong>erie <strong>au</strong><br />

moyen âge.


II<br />

NOTES TECHNIQUES<br />

AU SUJET DE LA FABRICATION DU DRAP ÉCARLATE<br />

AU MOYEN AGE<br />

Au début de la fabrication des <strong>drap</strong>s écarlates que<br />

nous faisons remonter à 1111e époque plus reculée que<br />

celle où les laines anglaises étaient la seule matière<br />

première servant à la fabrication des <strong>drap</strong>s fins, ces<br />

tissus étaient faits avec des ]ainesindigènes, soigneusement<br />

triées. Dès le milieu du xi e siècle, comme règle<br />

générale, c'éiait la laine fine d'Angleterre qui servait<br />

à la fabrication des écarlates.<br />

Nous passons les différentes opérations de désuintage,<br />

triage, hallage, arçonliage', pour ne dire que quelques<br />

mots sur les premières opérations préparatoires de la<br />

filature, le peignage et le cardage. La laine bien ouverte<br />

par le battage était ensimée avec du beurre et du sain-<br />

L'arçonnage était une opération qui se faisait plus particulièrement<br />

en combinaison avec le cardage de la laine.<br />

DOUES, Die Florentiner Wollen(uchinduslr,e, Stuttgart, 190!, in-8,<br />

<strong>au</strong> chap. il , page 41, donne une bonne nomenclature des opération<br />

que subissait la Initie à Florence avant la filature, ira suivi les indications<br />

du e Codex Riccardia<strong>au</strong>s », n° 58o qui date du xve siècle<br />

nous renvoyons h ce travail.


- -<br />

doux, en somme, une graisse consistante. <strong>Le</strong> peignage<br />

fournissait les fibres les phis longues et susceptibles de<br />

former des fils be<strong>au</strong>coup plus fins que la laine travaillée<br />

à la carde. L& travail <strong>au</strong> peigne était très différent de<br />

celui à la carde; et le produit (lu cardage était toujours<br />

considéré comme une matière inférieure. <strong>Le</strong> fil de<br />

chaîne était toujours obtenu avec du peigné ; la trame,<br />

pour certaines qualités de <strong>drap</strong>s, pouvait être de laine<br />

cardée, rnaisjamais dans les <strong>drap</strong>s fins qui nous occupent,<br />

il n'entrait de la laine cardée. <strong>Le</strong>s écarlates étaient<br />

des tissus de peigné pur. On u tirait d'abord l'estain<br />

(la laine destinée à la chaîne en généial, et à la trame<br />

des tissus fins) à l'aide du peigne, puis les fibres plus<br />

courtes qui restaient étaient cardées, soit pour du fil<br />

de trame I destiné à des <strong>drap</strong>s moins fins, soit pour la<br />

fabrication des couvertures. La laine cardée servait<br />

également dans la fabrication des chape<strong>au</strong>x. D'une<br />

façon générale, on peut dire que la laine peignée jouait<br />

le plus grand rôle, la laine cardée étant relativement<br />

pin employée en <strong>drap</strong>erie, avant la fin du ne siècle;<br />

c'était un produit inférieur, dont l'emploi étailquelquefois<br />

même complètement interdit 2 Dans les keures et<br />

« Item <strong>au</strong>cune pigneresse ne doit tirer estain que ail tiers et<br />

« laisser pour la traime ]es deux pars, sinon par eongié. » Règlement<br />

pour les <strong>drap</strong>iers de Ch<strong>au</strong>ny, i4io. Revue des Soc. 5m,. des<br />

départements, tome VI, 186.<br />

2 ....... et <strong>au</strong>ssi que anciennement or' n'en n js acoustumé user en<br />

ladicte ville de Ti-oies, ne on n'en use pas h Ch<strong>au</strong>lons ne à Provins<br />

qui sont les plus prochaines villes où on <strong>drap</strong>pe, de ladite ville de<br />

Troies et est proufûtable chose que en ce cas l'une bonne ville se<br />

conforme h l'<strong>au</strong>tre, Nous avons ordené et defîendu, érdennons et<br />

defl'endons par la teneur de ees<strong>Le</strong>ttres, pour tousjours, mais perpétuelement,<br />

que dores-en-avant on ne ouvre ne use de cardes ou


-27 -<br />

ordonnances des villes <strong>drap</strong>ières, ayant de la renommée,<br />

' on rencontre rarement des dispositions concernanties<br />

« garcleresses u (Arras, règi. de. i3 77) de laine,<br />

mais presque toujours des prescriptions concernant les<br />

pineresses ou pigneresses. La distinction entre les deux<br />

métiers est très bien établie, ainsi que celle entre les<br />

faiseurs de peignes et les faiseurs de cardes. (A Paris,<br />

en 1377, nous trouvons un règlement por les faiseurs<br />

de cardes). -<br />

• L'opération du peignage se faisait-elle déjàà cette<br />

époque, avec des peignes ch<strong>au</strong>ffés, comme celae pratiquait<br />

pins tard? Nous n'avons trouvé <strong>au</strong>cun texte permettant<br />

• une semblable supposition. <strong>Le</strong>s règlements<br />

n'en parlent pas: Nous sommes de l'avis de M. Fagniez<br />

que le texte de A. Neckam est trop embrouillé pour<br />

permettre une pareille supposition'. Une heure dYpres<br />

de 1297 fait la distinction entre eanimigghe (pigne-<br />

Fesse) et• treckigglie (garderesse) 2• La laine une fois peignée<br />

(on cardée) était livrée <strong>au</strong>x fileuses (fileresses). La<br />

filature se faisait soit ait et à la quenouille, soit<br />

<strong>au</strong> rouet'. <strong>Le</strong> fil obtenu <strong>au</strong> fuse<strong>au</strong> était plus fin, plus<br />

Meslier de ladite Draperie en la ville de Troies.' » Règlement de<br />

Troyes de i36o. Secousse Ord, des Rois de Franco, tome III, p.46.<br />

En i63,,dans un nouve<strong>au</strong> règlement de la ville de Troyes, nouvelle<br />

défense de l'emploi des cardes sous peine de brûler les drops, laine<br />

cardée et les cardes.<br />

Fagniez, Etudes sur l'industrie et la classe industrielle à Paris<br />

<strong>au</strong> VIII" et <strong>au</strong> XI 17- siècle, Paris, 1877, page »'h.<br />

2 Archives de la ville d'Ypres. Premier livre clos Ideures de<br />

i8o-i3,o (c'est le livre de toutes les ICeures de la ville dYpres).<br />

3 La filature <strong>au</strong> rouet est très ancienne, Schmoller, Doren et<br />

Martin ont déjà fait remarquer l'erreur commise en donnant la filature<br />

<strong>au</strong> rouet comme une invention du xvi' siècle. La plus ancienne<br />

pièce connue, dans laquelle il est fait mention du rouet, est un


-28—<br />

régulier, plus lisse (sans noeuds 1) que le fil obtenu <strong>au</strong><br />

rouet. Aussi, presque tous les règlements que nous<br />

avons vus prescrivent-ils l'emploi du fil obtenu <strong>au</strong><br />

fuse<strong>au</strong> pour l'ourdissage de la chaîne, et ne permettent<br />

l'emploi du filé obtenu <strong>au</strong> rouet que comme fil de<br />

Par suite de la grande différence qui existait<br />

comme finesse entre le fil de chaîne et le fil de trame, il<br />

était défendu d'ourdir la chaîne avec du filé qui avait<br />

été fait comme trame (c'est-à-dire qui pouvait dans<br />

certains cas contenir de la laine cardée et qui avait<br />

été filé <strong>au</strong> rouet'). <strong>Le</strong> tisserand recevait du <strong>drap</strong>ier<br />

règlement pour la fabrication du <strong>drap</strong> de la ville de Spire et <strong>au</strong>quel<br />

Keutgen (Urkunden zur Staedlisc/zcn Yerfassungsgeschiclile, Berlin,<br />

1901) assigne la date de 1280. « Item curu rota Mari potest ed<br />

fila que fil<strong>au</strong>tur in rota nutlo modo in aliquo panno apponi debent<br />

Zetil (chaîne, le mot Zettel en langage technique en Allemagne est<br />

toujolkrseneore employé pour désigner la chaire); set Zetil totaliter<br />

Mari debet cria manu et fusa.<br />

En 188, on défend à Abbeville l'emploi du rouet, <strong>au</strong>tant pour la<br />

filature du lin que de la - laine. A. Thierry, Recueil de Mon. inéd.,<br />

tome IV, page à3.<br />

Max Ileiden dans son Han diooerlerbuch der Textilkr,nde aller<br />

Zeilen und Voclke,'. Stuttgart, 1 904, page 490, reproduit encore cette<br />

erreur <strong>au</strong> sujet de la filature <strong>au</strong> rouet.<br />

<strong>Le</strong> livre des métiers, dialogues français-flamands composés <strong>au</strong><br />

xlv' siècle par un m<strong>au</strong>re d'école de la ville de Bruges et publié par<br />

MICIIELANT, Paris, 185, nous explique clairement la différence entre<br />

les deux modes de filature « Cecile le fileresse Eu chi avoecluy.<br />

Et elle prisa moult vo file qui lu filé ale kenoulle; Mais le fil que<br />

on fila <strong>au</strong> rouwet a trop de nues (le texte flamand donhe Fleeft te<br />

vole knoepen). Et elle dist qu'elle ;vaingne Pluis à filer estain à le<br />

kenoulle, que à filer Traime nu rouwet ».<br />

« Sur fileresses.....Item, elles ne doivent point filer estairn'<strong>au</strong><br />

roet a painne d'amende à cellui qui le filera et fera filer. » Draperie<br />

do Ch<strong>au</strong>ny, t4io, loc, cil.<br />

Et qu'on ne puist pas ourdir traime pour . estain, sur XL sols<br />

d'amende (Règlement d'Amiens de a3oK, d'après . A. Thierry, Mon.<br />

014(1., tome I).


-29--<br />

(quelquefois il était lui-même entrepreneur) le fil pour<br />

la chaîne et pour la trame; il ourdissait sa chaîne 1,<br />

l'encollait, -la montait sur l'ensouple (tronc) du métier<br />

à tisser (hostile), rentrait les fils par les maillons des<br />

mailles qui se trouvaient disposées parallèlement sur<br />

les lisses 2, et correspondant <strong>au</strong> nombre des fils de<br />

chaîne, les passait ensuite par les dents du rot (peigne).<br />

Puis, il dévidait son fil de trame à l'aide d'un petit<br />

tour sur les fuse<strong>au</strong>x en bois', avec lesquels il garnissait<br />

ses navettes. - Ce bobinage de la trame se faisait par<br />

l'apprenti, qui était également chargé de rattacher. les<br />

fils de la chaîne qui venaient à se rompre pendant le<br />

cours du tissage. Généralement, il y avait deux tisserands<br />

pour desservir un métier (surtout lorsqu'il s'agissait<br />

de <strong>drap</strong>s de grande largeur) ; l'un lançait la navette<br />

par la droite du métier, l'<strong>au</strong>tre, posté à g<strong>au</strong>che, la recevait,<br />

puis, le coup de battant donné et le nouve<strong>au</strong> croisement<br />

des fils de chaîne produit, l'ouvrier d-e g<strong>au</strong>che<br />

lançait la navette à celui de droite, et ainsi de suite.<br />

L'armure du tissu était des plus élémentai}es ; c'était<br />

l'armure toile, taffetas. <strong>Le</strong>s fils de chaîne étaient montés<br />

L'ourdissage se faisait à l'aide d'un chevalet construit de gros<br />

madriers, muni de chevilles en bois. Cet ustensile était <strong>au</strong>ssi<br />

appelé cl<strong>au</strong>wière ou cloyière. Gomine documents figurés représentant<br />

cet outil, nous citerons une miniature du livre des keures de la ville<br />

d'Ypres et l'ourdissoir représenté sur mie verrière de l'église Saint-<br />

Etienne d'Elbeuf, qui date du xiv' siècle. L'ourdissage primitivement<br />

e faisait à l'aide de chevilles en bois qu'on fixait dans le mur d'un<br />

bâtiment. - -<br />

2 Ne pas confondre les lisses du métier à tisser avec les lices,<br />

rames ou poulies <strong>au</strong>xquelles on tendait le <strong>drap</strong> en plein air pour le<br />

sécher, et dont nous <strong>au</strong>rons l'occasion de parler dans la suite.<br />

Nommés Espoulins ou Espolins.


—'30 -<br />

sur deux lisses, plus rarement sur quatre. Il n'y avait<br />

donc que deux marches ait Cependant, nous<br />

avons trouvé des montages sur trois marches (armure<br />

sergé élémentaire) dans un règlement encore inédit de<br />

Ji ville de Reims du xirCsiècle, et celte disposition se<br />

rapportait à'la fabrication des « Dickedttnn n. Après<br />

tissage, la pièce était « cspincé n, « csbusquié n une<br />

première fois, c'est-à-dire que les noeuds, parties végé-<br />

tales, gratterons de la laine, qui avaient échappé <strong>au</strong><br />

peignage, et qui se trouvaient englobés dans le tissu,<br />

étaient éliminés à l'aide de petites pinces 2. Après cette<br />

opération se faisait la première visite du <strong>drap</strong> è la perche<br />

par des gardes jurés de la corporation des <strong>drap</strong>iers.<br />

'La première visite du <strong>drap</strong> à la perche après tissage et<br />

épincetage, était appelée en Flandre : visite de la<br />

'e R<strong>au</strong>we Paerdse n.<br />

• <strong>Le</strong>s préposés à la visite du <strong>drap</strong> à la perche, à n'im-<br />

porte quel moment de la fabrication, 'étaient désignés<br />

<strong>Le</strong>s monuments figurés représentant le métier 'a tisser du moyen<br />

âge sont assez nombreux. Malheureusement ces documents donnent<br />

peu de détails intéressants, car ils sont te plus souvent l'oeuvre de<br />

gens oyant eu peu de rapport avec les gens de métiers. Une reproduction<br />

du métier du'rnoyen <strong>Age</strong>, ayant de l'intérêt <strong>au</strong> point de vue<br />

des détails 'de construction et du fonctionnement, est une miniature<br />

du commencement du xIve siècle, du livre des Keures (le la ville<br />

d'Ypres que nous avons déjà cité ce métier représente le tissage<br />

'd'un '<strong>drap</strong> bleu (forcément teint en laine) et monté sur quatre lisses.<br />

2 Nous trouvons en flamand le mot « crayehecken » pour l'épincetoge<br />

(archives d'%pres), prohablenient parce que la petite pince dont<br />

on se servait affectait la forme du bec du corbe<strong>au</strong>.<br />

Nous ferons observer que l'exposé des diflérentes phases de la<br />

fabrication (les <strong>drap</strong>s que nous donnons s'applique à lafabricntion<br />

des <strong>drap</strong>s de bonne qualitéet est valable <strong>au</strong>tant pour les Flandres 'pie<br />

pour d 7<strong>au</strong>tres pays produisant,: à l'époque qui nous occupe, des <strong>drap</strong>s<br />

fins.


- 31 -<br />

Persenaers », percheurs de <strong>drap</strong>s. A Ypres nous trouvons<br />

la hooghe, raeuwe ende blaeuwe perssen. Ailleurs<br />

la division est encore <strong>au</strong>tre, nous trouvons par<br />

exemple la vullers Persse, Saypersse, etc., etc... Cette<br />

inspection du <strong>drap</strong> à la perche, en cours de fabrication,<br />

a souvent été confondue avec le pressage clii <strong>drap</strong>. Cette<br />

visite à la perche se faisait <strong>au</strong> moyen ûge exactement<br />

comme elle se fait encore <strong>au</strong>jourd'hui. Lorsqu'on veut<br />

bien se rendre compte d'un déf<strong>au</strong>t quelconque dans une<br />

pièce de <strong>drap</strong> on la « passe à la perche o. Cette perche<br />

est un roule<strong>au</strong> mobile appelé <strong>au</strong> moyen âge tronc (ou<br />

simplement une perche fixe), qui se trouve fixé vers le<br />

plafond du local où se fait la visite. II est un peu plus<br />

large que la pièce de <strong>drap</strong>, de façon à ce qu'on puisse<br />

faire passer le tissu bien <strong>au</strong> large, sans plis, devant les<br />

yeux des visiteurs. Sous cette perche se trouve une<br />

table et en face une grande fenêtre, de façon à ce que<br />

la pièce suspendue à la perche reçoive le grand jour.<br />

On fait passer le chef de la pièce par-dessus la perche.<br />

et on tire doucement le tissu par les lisières de façon à<br />

faire passer toute la pièce devant les yeux des visiteurs.<br />

-<br />

Après cette première visite, le <strong>drap</strong> trouvé conforme<br />

<strong>au</strong>x règlements recevait une première marque cl 'était<br />

livré <strong>au</strong> foulon. La première phase de la fabrication<br />

était terminée et le <strong>drap</strong> commençait à recevoir les apprêts.<br />

Avant de parler des opérations de foulage, il<br />

fïut que nous fassions observer que les <strong>drap</strong>s fins qui<br />

nous intéressent spécialement étaient des tissus de fil<br />

peigné pur; mais non des tissus peignés dans le sens que<br />

nous donnons <strong>au</strong>jourd'hui à ces lainages. Ce que nous


- 32 -<br />

entendons par <strong>drap</strong>erie peignée, <strong>au</strong>jourd'hui, ce sont<br />

des tissus qui, comme leurs semblables du moyen <strong>Age</strong>,<br />

sont faits avec des fils obtenus par les opérations du<br />

peignage ; fibres longues généralement, permettant un<br />

filature be<strong>au</strong>coup plus fine que la laine cardée, ayant<br />

comme les fils peignés du moyen âge be<strong>au</strong>coup plus de<br />

torsion que les fils cardés. Mais <strong>au</strong>jouid'liui la <strong>drap</strong>erie<br />

peignée n'est pas foulée, tandis qu'à l'époque qui<br />

nous occupe, tous les <strong>drap</strong>s de laine, peignés ou cardés,<br />

étaient foulés. Aujourd'hui le <strong>drap</strong> peigné a un<br />

grain, on voit les entrecroisements des fils de chaîne et<br />

de trame; ces entrecroisements forment quelquefois<br />

une armure, sergée par exemple comme les cheviots.<br />

En somme ces tissus sont simplement dégraissés, pour<br />

les débarrasser de l'encollage de la chaine et de l'ensimage,<br />

niais ils ne sont ni foulés ni lainés. <strong>Le</strong> tissu peigné<br />

du moyen âge <strong>au</strong> contraire est foulé, lainé, comme<br />

du reste tous les tissus de laine, il ne se distingue du<br />

tissu chaîne peigné trame cardée (le tissu en laine cardée<br />

pure n'existait pas) que pat' la finesse des fils, qui<br />

produisait un <strong>drap</strong> be<strong>au</strong>coup plus fin, plus soyeux que<br />

le tissu qui contenait du fil cardé comme trame. Nous<br />

ne trouvons <strong>au</strong> moyen <strong>Age</strong> que des <strong>drap</strong>s de laine à<br />

surface lisse, sans que les entre-croisements des fils de<br />

chaîne et de trame soient encore visibles. L'opération<br />

du foulage et ensuite celle du lainage ont complètement<br />

fait disparaître le grain du tissu. Au moyen âge<br />

les tissus variaient par la qualité (le la laine, finesse fie<br />

la filature, nombre de fils de chaîne (pour une même<br />

largeur); foulage plus ou moins énergique ils étaient<br />

ou teints en bourre (en laine) ou en pièce ; ils étaient<br />

N


- 33 -<br />

faits (le chaîne el de trame de même couleur, ou de<br />

chaîne de différentes couleurs, trames de couleurs<br />

différentes (rayés) oit chaînes et trames de deux ou plusieurs<br />

couleurs (probablement ce qu'on nommait « <strong>drap</strong><br />

marbré »). <strong>Le</strong>s tissus, selon les différentes qualités de<br />

laine qui les composaient, étaient surtout apprêtés différemment.<br />

<strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>s faits avec des laines grossières (indigènes)<br />

filés sans be<strong>au</strong>coup de torsion <strong>au</strong> rouet, avec<br />

une chaîne relativement peu fournie, ne permettaient<br />

pas des opérations de lainage et de tondage <strong>au</strong>ssi énergiques<br />

et <strong>au</strong>ssi souvent répétées que les <strong>drap</strong>s fins bien<br />

fournis en laine fine et foulés énergiquement.<br />

Précisémént ces opérations de lainage et de tondage<br />

souvent répétées donnaient un aspect brillant, satiné à<br />

la surface du <strong>drap</strong>, comme nous allons le voir dans la<br />

suite.<br />

Axant le foulage, le <strong>drap</strong> étai[ soumis à l'opération<br />

du dégraissage pour le débarrasser du corps gras employé<br />

pour l'ensimage et de l'encollage de la chaîne. A<br />

cet effet, on le traitait avec une terre smectique broyée<br />

finement avec de l'e<strong>au</strong> . Cette terre nommée terre à<br />

foulon avait un pouvoir absorbant très grand pour les<br />

corps gras, elle s'imbibait de graisse comme une<br />

L'eniploi d'<strong>au</strong>tres ingrédients, comme l'urine, le savon (qui<br />

facilitaient l'opération) était souvent très sévèrement puni, quelque-<br />

Lois même de prison. « Item, dût gheen voire enici, lnken erden<br />

moet met pisse nocli met zepen, ù1 iII lib. par. ende XIII nacht in<br />

de vacighenesse te liggiien. » Ordonnances des foulons de la ville<br />

d'Ypres, 1293.<br />

(14) item. On ne puet ne doit sur icelle peine, eseures nus foulons<br />

<strong>au</strong>cuns Draps à sain; mes que h la terre et à Venue ch<strong>au</strong>de tant<br />

seulement». (Règlement de Troyes, i36i. Ord. des Rois de ['rance,<br />

t. III).


- 34 -<br />

éponge s'imhibed'e<strong>au</strong>.<strong>Le</strong> <strong>drap</strong> était piétiné parl'ouvrier<br />

foulon dans la cuve à fouler' avec ce mélange de terre<br />

et d'e<strong>au</strong> juste assez pour bien faire pénétrer la<br />

terre dans le <strong>drap</strong>, puis il était empilé et laissé pendant<br />

un ou plusieurs jours, repiétiné quelquefois par<br />

intervalles, puis lorsque la terre avait absorbé le<br />

corps gras et que l'encollage de la chaîne était suffisamment<br />

ramolli, le <strong>drap</strong> était rincé à grande e<strong>au</strong>,<br />

dans une rivière. <strong>Le</strong> plus souvent, les fouleries étaient<br />

établies sur les cours d'e<strong>au</strong>, même dans les centres de<br />

fabrication où le foulage <strong>au</strong> moulin à fouler était interdit,<br />

car c'était une perte de temps considérable que de<br />

porter les <strong>drap</strong>s à la rivière et de les ramener à la foulerie<br />

2• <strong>Le</strong> foulage (les <strong>drap</strong>s fins se faisait presque tou-<br />

jours <strong>au</strong>x pieds ; encore à la fin du xv 0 siècle on trouve<br />

des règlements pour le foulage des <strong>drap</strong>s qui prescrivent,<br />

comme chef-d'oeuvre, le foulage d'un <strong>drap</strong> <strong>au</strong>x<br />

pieds 1 . <strong>Le</strong> moulin à fouler était connu dès la fin du xie<br />

siècle, niais dans les villes industrielles renommées<br />

Désignée le plus souvent de vaissel, en flamaiiddrogh, e L'ai'clic<br />

de tout » ou « archete de roi était un baquet qui servait à laver<br />

le linge dans les ménages.<br />

Dans certaines villes, il y avait une.corporat.ion de rinceurs de<br />

<strong>drap</strong>s (les Lakenspoelers d'Ypres, pat' exemple) qui était chargée du<br />

curage des <strong>drap</strong>s de la terre à foulon et qui lavait également les<br />

<strong>drap</strong>s <strong>au</strong> sortir de la teinture. Ce lavage se faisait en battant le <strong>drap</strong><br />

avec un battoir, on en le triturant avec les mains et les pieds, de<br />

façon ii bien éliminer la terre dont la moindre trace <strong>au</strong>rait été nuisible<br />

à un bon foulage. L'opération du terrage se faisaif quelquefois<br />

deux fois.<br />

3 Item, et le chief-d'oeuvre sera tel que de faire ung <strong>drap</strong> foulié <strong>au</strong><br />

pied et de tous poins avec douze cardons nmufz, (Nouve<strong>au</strong>x statuts<br />

des <strong>drap</strong>iers, et pareurs d'Amiens, 1 494, § 5. A. Thierry, loc. cil.,<br />

t. Il, P . 459).


— —<br />

pour leurs <strong>drap</strong>s, le foulage se faisait toujours <strong>au</strong>x<br />

pieds, parce que le résultat obtehu était bien supérieur<br />

à celui du moulin. Aux archives d'Ypres se trouve une<br />

sentence du s4oclobre 155i qui prouve qu'à cette<br />

époque on foulait encore exclusivement <strong>au</strong>x pieds dans<br />

cette ville. <strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>iers qui avaient be<strong>au</strong>coup de raisons<br />

de se plaindre du travail des foulonniers donnèrent<br />

leurs <strong>drap</strong>s ii fouler en dehors. de la ville et an<br />

moulin. <strong>Le</strong>s foulons de la ville d'Ypres exposèrent leurs<br />

doléances ait et disaient que ceux qui foulaient<br />

<strong>au</strong> moulin employaient des matières nuisibles<br />

comme l'urine, interdite par les keures des foulons...<br />

<strong>Le</strong> magistrat enjoignit l'ordre <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>iers Yprois,<br />

d'avoir à monter des moulins à fouler en tille dans<br />

l'espace de trois mois, qu'après ce délai ils ne pourraient<br />

plus faire fouler ait D'<strong>au</strong>tre part, le<br />

magistral engage les foulons à fournir clii bon travail<br />

<strong>au</strong>x <strong>drap</strong>iers, afin qu'ils n'aient plus de sujet de plainte<br />

quant <strong>au</strong>x tares et déf<strong>au</strong>ts que les <strong>drap</strong>iers reprochaient<strong>au</strong><br />

foulage <strong>au</strong>x pieds'. <strong>Le</strong> foulon, empilait sou<br />

<strong>drap</strong> dans la cuve à fouler, l'aspergeait d'e<strong>au</strong> de savon,<br />

le piétinait sans relâche de façon à produire par lac-<br />

M. Fagniez, Elu des s. lind. à Paris, lac, cil., p. 232, cite quelques<br />

exemples tirés des oS. des Rais de Franco qui démontrent la supériorité<br />

du foulage <strong>au</strong>x pieds.. que les <strong>drap</strong>s qui sont touiez par le<br />

moulin ne. doivent point être scellez», LX 54 7 . Dans les documents<br />

relatifs à l'histoire de l'industrie et du commerce en Fiance, du<br />

même <strong>au</strong>teur, t. Il, nous trouvons à la date de ,4o6 une ordonnance<br />

pour les foulons d'Orléans qui dit<br />

ci Croix qui sont fermiers des moulins - foulerez ne pourront<br />

tenir, foulerie à. Orliens durant la. terme desdiets moulins, .pource<br />

qu'ils pourraient fouler.<strong>au</strong>x diets moulins les <strong>drap</strong>s qui doivent être<br />

fouiéz n pié,.. qui seroit un grant lesion du peuple. »


- 343 -<br />

Lion mécanique et le concours du savon le feutrage<br />

de la laine. Lorsqu'il n'arrivait pas à éch<strong>au</strong>ffer assez<br />

rapidement la pièce, iLl'aspergeait d'e<strong>au</strong> ch<strong>au</strong>de pour<br />

faciliter le feutrage. L'emploi de l'urine putréfiée se<br />

trouve également le plus souvent prohibé dans le<br />

foulage du <strong>drap</strong>'. Selon la qualité des <strong>drap</strong>s, sa longueur<br />

et sa largeur, le foulage dure un, deux, trois ou<br />

quatre jours. <strong>Le</strong>s règlements prescrivent presque toujours<br />

la durée du foulage pour chaque qualité de <strong>drap</strong> 2;<br />

Généralement une pièce est foulée par un seul ouvrier.<br />

Après foulage, les pièces •sont de nouve<strong>au</strong> rincées,<br />

dégorgées pour les débarrasser du savon. Une fois<br />

égouttées, elles sont prêtes pour recevoir les opéra-<br />

Lions de lainage et de première tonde. Ces premiers apprêts,<br />

y compris le dégraissage et le foulage dont nous<br />

venons de parler, se faisait par la corporation des pareursde<br />

<strong>drap</strong>s (en allemand Tuchbereiter), ne sont pas<br />

partout les mêmes, mais on petit dire que généralement<br />

cette corporation d'artisans s'occupe de toutes les<br />

opérations que subit le <strong>drap</strong>, depuis le moment où il<br />

quitte le métier h tisser jusqu'à ce qu'il revienne la pre-<br />

• M. Fagniez, Etudes sur iIndust.rie, P . 232: se trompe en admettant<br />

que « 'e <strong>drap</strong> était foulé une seconde fois avec (le l'e<strong>au</strong> ch<strong>au</strong>de<br />

et de la glaise ». Déjà, la présence de la terre à foulon indique qu'il<br />

ne s'agit que d'un second terrage ou dégraissage. <strong>Le</strong> foulage, en<br />

présence de terre, est complètement impossible, car on engloberait<br />

de la terre dans le <strong>drap</strong> <strong>au</strong> moment du feutrage de la laine et cette<br />

terre ne pourrait plus être éliminée par <strong>au</strong>cun moyen.<br />

2 « Item aile brede lIawe ende ghemynghede diekedinne van III<br />

elle breet ant ree sal mea erden acliter tdaelnvercendec daer achter<br />

der up werken 1111 dàglie.<br />

« Rein een smal ivit dickedinne sal mea erdea enen dach enne<br />

3 daghe der Miter der up werken ». (Ordonnances des foulons de la<br />

ville d'Ypres.)


- 37t_.<br />

injère fois des ranies. La suhdivision en foulon (ne s'occupant<br />

que dû foulage), laineurs; Londeu's, rameurs<br />

(polieurs) de <strong>drap</strong>s ne se produit que plus tard et indique<br />

une industrie <strong>drap</strong>ière plus florisante et plus perfectionnée.<br />

Dans les Flandres, cette division du travail<br />

se produit dè bonne heure, elle existe à la fin du<br />

XIIj C siècle'. A Paris, <strong>au</strong> xiii 0 siècle, nous ne trouvons<br />

ni corporation ni règlement de tondeurs ou de pareurs<br />

de draj. La corporation des foulons fait toute les opérations<br />

de paragé. <strong>Le</strong> maître foulon devait certinement<br />

occuper des ouvriers qui s'étaient déjà spécialisés<br />

et chaque opération essentielle tic parage se faisait fort<br />

probablement par des ouvriers spécialistes, mais qui<br />

fâisaient partie de la corporation des foulons. A Paris,<br />

<strong>au</strong> xiii' siècle, o foulon » signifiait <strong>au</strong>tant que pareur<br />

de <strong>drap</strong>s. L'existence du spécialiste tondeur de <strong>drap</strong>s<br />

pour le xmt siècle est prouvée par le rôle de la taille de<br />

1292 où on trouve enregistré vingt iondéeurs 2. Ce qui<br />

prouve bien que la corporation des foulons ii Paris<br />

s'occupait de toutes les opérations de parage, est le paragraphe<br />

xiii de l'ordonnance des foulons qui dit Nullé<br />

fame ne peut ne ne doit mette main a <strong>drap</strong>, a chose qui<br />

apartiegne <strong>au</strong> mestier de Foulons, devant que li dras<br />

soit tonduz .<br />

A Ypres, par exemple, à la fudu x»'° siècle, flous trouvons une<br />

division du travail complète, il y a des règlements spéci<strong>au</strong>x pour les<br />

foulons, tondeurs, etc. <strong>Le</strong> même étatde choses existe h Bruges (Voir<br />

les règlements publiés par G,Lr,onTs -VAN -SEVEHEN dans l'Inveni<strong>au</strong>'c<br />

diplomatique des Arcit. de l'ancienne écule l3ogarde, Bruges,<br />

p. i53). I<br />

Paris sous Philippe le 13e!, par H. Gérand, Paris, %837, page 543.<br />

Livre des métiers, d'Etienne Boile<strong>au</strong>. F'agtiiez prefère lire tejidux<br />

<strong>au</strong> lieu de lonclux. -<br />

J. B. )1.<br />

3


- 38 -<br />

<strong>Le</strong> lainage du <strong>drap</strong> se faisait sur le <strong>drap</strong> encore<br />

mouillé ou tout <strong>au</strong> moins fortement humide; jamais sur<br />

dit<br />

sec,<br />

Pour faire celte opération on pasait le <strong>drap</strong> sur une<br />

perché (tout à fait analogùe à cellé que' nous avons<br />

décrite pour la visite du <strong>drap</strong>) où à l'àide de cardes<br />

(petits cadres en bois, dans lesquels étiejli 'englôbés<br />

des chardons) on lainait k <strong>drap</strong>.<br />

Par le foulage qui a fait subir un retrait considérable<br />

ait le-s fils (le laine sont feutrés, soudé, les uns<br />

dans les <strong>au</strong>tres. La surface du tissu est. déjà duveteuse,<br />

mais toutes les fibres sont enchevêtrées dans toua les<br />

sens. A l'aide de la carde le laineui' va <strong>au</strong>gmcntér sensiblement<br />

ce duvet en amenant le poil à la surface, niais<br />

il va <strong>au</strong>ssi disposer ce duvet dans Je même sens de<br />

poil, c'est-à-dire . que toutes ces fibres après le lainage<br />

vont être parallèles. L'ouvrier laineur appuie sa carde<br />

de la main droite sur l'endroit du tissu, et avec la main<br />

g<strong>au</strong>che il suit à l'envers du tissu le mouvement qu'il<br />

fait avec la main droite, niais avec na cadre qui est<br />

vide (qui ne con tient pas de chardons), il enserre une<br />

partie (lu <strong>drap</strong> entre les deux cardes, puis à Loup de<br />

bras il gratte, il laine la surface du tissu toujours dans<br />

le même sens, c'est-à- dire de h<strong>au</strong>t en has..Il donne 'un<br />

nombre de traits ait endroit, puis suivant de lisière<br />

à lisière il continue à lainer jusqu'à ce que la première<br />

largeur (lu <strong>drap</strong> soit complètement linée entre<br />

les deux lisières. <strong>Le</strong>s premiers traits de ce premier I iinagese<br />

donnent avec de vieux chardons 1 usés ait<br />

Item, qui lavera l'envers d'<strong>au</strong>cuns <strong>drap</strong>s (le nœufs cardons ne


vail du lainage, de façon à iie pas arracher brutalement<br />

la laine, iiiais de l'amener doucement à la surface. Une<br />

fois trois ou quatre traits donnés on prend des cardes mu:<br />

nies de chardons moins usés et ainsi de suite jusqu'à<br />

arriver <strong>au</strong>x chardons neufs à Id fin du lainage.<br />

Lorèque In' première longueur e siterminée, le lai:<br />

neifr tire le <strong>drap</strong> sur la perche de ftiçn à le faire avancer<br />

d'une nouvelle longueur et il recommence ainsi son<br />

opération, jusqu'à ce que tout le <strong>drap</strong> soit lainé.<br />

<strong>Le</strong> lainage d'un <strong>drap</strong> se i'aisaiL <strong>au</strong>ssi quelquefois par<br />

deux ouvriers la fois. Dans ce cas, chacun col1mençaii<br />

par une lisière et ils se rencontraint <strong>au</strong> milieu de<br />

In pièce. Otidonnait également <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s ans un ou<br />

cieux traits de lainage à contre-poil, de façon à bien dépouiller<br />

le tissu des fibres grossières (poils jarreux):<br />

Lorsque la pièce de <strong>drap</strong> était complètement lainée; la<br />

contexture du tissu avhit disparu, une couche laineuse<br />

recouvraill'entrecroisement des fils cl donnait à sa sur1<br />

face l'aspect d'une fourrure. La pièce était prête pour<br />

recevoir la première coupe (lu tondeur.<br />

Souvent le lainage et le tondage (du <strong>drap</strong> écru) se<br />

faisaientpar ic même artisan, et ce sont là deux opérations<br />

qui pour la perfection du travail devaient bien<br />

être 'exécutées par une seule et même-personne. Quelquefois<br />

<strong>au</strong>ssi ce sont deux métiers bien distincts. <strong>Le</strong><br />

tondeur qui donne les premières coupes (à partir dû<br />

momeiït où il devient métier indépendant du pareur)<br />

est souvent désigné tondeur o à fresque table' » (à<br />

les deux premiers trais de l'endroit, il paiera amende de V. S. à la<br />

ville... etc... (Draperie de Ch<strong>au</strong>ny).<br />

<strong>Le</strong>- tondeur ii table mouillée faisait un métier bien moins diffi-


-r-:- 40 -<br />

table mouillée) parce qu'il tond le <strong>drap</strong> mouillé. Nous<br />

venons de voir que depuis le dégraissage et le foulage<br />

u <strong>drap</strong>, il n'a pas encore été séché; il a été remis<br />

mouillé <strong>au</strong> laineur, qui le remet- de même <strong>au</strong> . tondeur.<br />

En opposition avec le tondeur à table mouillée, - nô us<br />

avons-le tondeur à table sèche; qui tond le <strong>drap</strong> à l'état<br />

sec après- qu'il a été teint et séché <strong>au</strong>x rames. Ce tondeur<br />

appelé <strong>au</strong>ssi-tondeur « à fin » donne les u coupes))<br />

(le dernier apprêt. A Paris, cette corporation a un premier<br />

règlementdalé-de i 384'.cltem, que <strong>au</strong>cun ouvrier<br />

dudit mestier ne puist ouvrer oudit mestiei que d'icelui<br />

mestier de tondre <strong>drap</strong> à table seiche sur ladite<br />

peine; mais il se pourra bien entre mectre de telle mar<br />

ch<strong>au</strong>dise ou de tel--office comme il- lui plaira, et les foukons<br />

pourront tondre leurs <strong>drap</strong>s ainsi qu'ils l'ont acousturné,<br />

pourvu qu'ils facent bon ouvrage et souflisant. u<br />

C'est-à-dire que les tondeurs à table sèche ne doivent<br />

tondre les <strong>drap</strong>s avant teinture et que les foulons peu -<br />

vent continuer leur métiér de tondeurs à table mouillée2<br />

elle que le tondeur a àfifin u 01' h table sèche; flous reviendrons sur<br />

cette différence; il lie donnait que des coupes rudimentaires <strong>au</strong><br />

<strong>drap</strong> et toujours en -maintenant le poil du tissu relativement h<strong>au</strong>t, il<br />

tond h<strong>au</strong>t son <strong>drap</strong>. Nous trouvons à Amiens, h la date de 1409<br />

(A. Thierry, tome il • page 52), un règlement spécial pour ce art i -<br />

sans : « Sachent tout cliii (lui cest eseript verront Ou errent que,<br />

par les maiia et esclievins de le cité d'Amiens, ii la requeste des<br />

gens- du mestier des tondeurs de <strong>drap</strong>s h fresque table (le la ville<br />

d'Amiens ...... etc---- - n. Nous trouvons une notre preuve que les<br />

premières coupes étaient considérées comme un travail élémentaire<br />

dans la disposition suivante du 1-églement de Ch<strong>au</strong>ny: « - Item les<br />

tondeurs ne devront tondre fors i• la clarté du jour, si non tant<br />

seulement enverser ou tondre la première voie pour mettre le <strong>drap</strong><br />

h la teinture, 410<br />

<strong>Le</strong>spinasse, Mc- cil., tome III, page ,o6. -<br />

- 2.-Voici na antre z-èglementde tondeurs h «Secque table »d'Amiens


- 41 -<br />

Un <strong>au</strong>tre règlement des <strong>drap</strong>iers dé Paris de 1407<br />

contient des dispositions intéressantes concernant les<br />

tondeurs « à fin Ces' artisans, dans certains centres<br />

industriels font également -office de retondeiirs de <strong>drap</strong>s.<br />

Nus tenons 'à établir, dès à présent, qu'on pet dis'<br />

tinguer trois catégories de tondeurs: -<strong>Le</strong>s tondeurs à<br />

table mouillée qui faisaient un travail simple faisaient<br />

partie, le plus souvent, de la corporation des jarenrs<br />

-1 4 64 .A , Thierry, tome Ii, page 279. s Savoir faisons que, <strong>au</strong>jourd'hui<br />

en reste esehevinage les -tondeurs de <strong>drap</strong>s à socque tablé de là<br />

dicte ville nous ont présenté leur requesto et supplication.....<br />

« Et premièrement, que d'ores e navant--nul ne puist lever, exercer<br />

ne soy entre mettre comme maistredurlit mestier de tondeur de<br />

grant Loches à socque table ais lad icte ville, (lue preni iérenie rit il<br />

n'ait fait ung chief ('oeuvre boit sourfissant, lequel soit visité par<br />

les eswars dudit mestier vielz et nouveùux.....<br />

- s Item que nuIz ire puist lever ledit mestier, que préalablement<br />

il n'ait esté apprentis d'icellui mestier en ]idiote ville ou <strong>au</strong>tre ville<br />

(le lov, par l'espace (le deux ans complet7., soulyz un.- des inaistres<br />

et compagnons dudit mestier de tondeur à socque table, qui ne s'en<br />

ti'emetle d'<strong>au</strong>tre niestier que de tondre A socque table, et non pas<br />

de laver et de fouler -<strong>drap</strong>s.<br />

s Item, que nul-z foulons, pareurs de <strong>drap</strong>a, ne se porront tarsier<br />

ne entremettre en ladite, ville, de bloissier ne tondre queeonques<br />

<strong>drap</strong>s, mais seulement tondre 'es envers ....." -<br />

Ce règlement se termine par « Toutes lesquelles choses nous<br />

avons accordé <strong>au</strong>x-dits tondeurs il socque table, en rostre voulenté<br />

et rappel ii. -<br />

<strong>Le</strong>spinasse, toc. rit, tome III, i59.<br />

« § so Item que tous <strong>drap</strong>s quelconques mailliez et tonduz (ce<br />

'mouillage n'a rien -ù voir avec l'opération du tondage dont il est<br />

question ici, on en trouvera l'explication plus loin) qui dores enavant<br />

'par les <strong>drap</strong>piers et <strong>au</strong>tres vendant <strong>drap</strong>s en la ville de Paris seront<br />

venduz on exposez an vente à détail ou <strong>au</strong>trement en ladite ville,<br />

'seront tondux affin en ceste manière; c'est assavoir s'ils sont gros et<br />

de petit pis, comme (le vint sols l'<strong>au</strong>lne et oudessoubz, ils seront<br />

'tbndu'z hanit fin; et s'il sont fins, deliez et de pins lr<strong>au</strong>lt pris, ils<br />

seront <strong>au</strong>ssi tonduz à fin en telle manière -qu'ils seront tous prestz


ce <strong>drap</strong>. II ne leur était pas permis detondre « à fin<br />

sa tif dans certains cas d0 tondre les « envers o du <strong>drap</strong><br />

terminé. <strong>Le</strong>s tondeurs à table sèche pu -u à fin qui S'OC:<br />

cupaienide donner les dernières coupes <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s après<br />

teinture et étendage <strong>au</strong>x rames; 'cemétier demandait<br />

plus d'expérience et plus d'habileté, 'cr il s'agissait de<br />

tondre ras, très prèsdu tissu; et finalement, nous signalerons<br />

les retoncleurs de <strong>drap</strong>. <strong>Le</strong>s retondeurs élàient<br />

chargés de refaire les derniers apprêts retondage, lustrage,<br />

pressage de <strong>drap</strong>', avant que le <strong>drap</strong> ne fêt con:<br />

fectionné par 'ç tailleur, c'est-à-dire le rendre « fous<br />

prestz pour . bouter le cizel o, ce qu'on allemand on<br />

appelait « Nadelfertigmachen.<br />

Ou bien ils retondaient les pièces entières avant<br />

qu'dllés ae fussent étalées <strong>au</strong>x halles ou eu foire pour<br />

y être vendues (vir plus loin la raison d'être des<br />

i'etoncleurs).<br />

POOL bouter 'e cizel, sans ce que jamais il soit nécessité que y-eeulx<br />

<strong>drap</strong>s soient retondu s (c'est-à-dire jie les <strong>drap</strong>s de bonne qualité<br />

seront tondus assez ras pour ne plus nécessiter - l'opération du<br />

reLondage avant la confection du vlernent). - -<br />

Dans l'inventaire de Il obinel de Foulville, tondeur de <strong>drap</strong>s, du<br />

28 juin 1363, on trouve-outre « une paire de forsses ii tondre <strong>drap</strong>s<br />

elle mestier sur quoy l'on toril les <strong>drap</strong>s ». « Ung. presseur ':t presser,<br />

<strong>drap</strong>s » (Bernard Prost, inventaires mobiliers des dires de Bourgagne,<br />

t. , p. 8, Paris, <strong>Le</strong>roux, [g02, n-8°).- . .<br />

Ordonnarcc du roi .[e<strong>au</strong> - Il pour les retondei,rs de Pai'is, ,35i<br />

(<strong>Le</strong>spinase, Mu. cii., t. 1,-p. 34). « Itèin ]es retordeurs de <strong>drap</strong>s<br />

« [)'<strong>au</strong>ront, ne ,rand ro, t pour retondre une <strong>au</strong>lne de ,'Oyé que<br />

4 deniers, et (l'un - marbré ou d'<strong>au</strong>tres <strong>drap</strong>s de xx <strong>au</strong>lnes; que<br />

« 4 deniers pour <strong>au</strong>lne, et d'un <strong>drap</strong> de XXIIII <strong>au</strong>lnes que V deniers<br />

pour <strong>au</strong>lnes, et d'une escarlale, que XII deniers de l'<strong>au</strong>lne et se<br />

s elle est retondue à.l'envers, que. XVIII deniers de l'<strong>au</strong>lne et non<br />

plus. <strong>Le</strong>s gros <strong>drap</strong>z pour varlctx cl laboureurs III deniers de<br />

l'<strong>au</strong>lne, et se plus cri prennent, ils lanienderoht comme dessus o


-- 43 .—<br />

<strong>Le</strong> tPav'ail du reionclèur dait senibIenn1 le même<br />

que celui des tondeurs à Un <strong>au</strong>siles deux métiers se<br />

confondent-ils quelquefois, c'est-à-diré qu ie le tondeur<br />

à fin s'occupe égaleninL de retondre des qudntités plus<br />

petiles' de <strong>drap</strong>s que lui remet le tailleur' ou: le particulier<br />

avant la confection du •véfemerii<br />

(à reinarqiiêr. le prix be<strong>au</strong>coup plus élevé pour le retondage de<br />

l'écarlate que pour les <strong>au</strong>tres tissus). -<br />

Tondeurs'de<strong>drap</strong> de Lyon, 17 mai ' 482; (il 's'agit évidemment des<br />

retondeuis). - -<br />

§ i 1 u Et pour obvier à aUCUnS moiiupolles.....est ordènné que la'<br />

u [endure des <strong>drap</strong>s..... est - t<strong>au</strong>xée.....pour- une ehasc'une <strong>au</strong>lne<br />

« d'<strong>escarlate</strong> trois s. quatre den. et pour une cha&ine <strong>au</strong>lne de <strong>drap</strong><br />

« de Rouen ring e. et huit dn. pour, l'<strong>au</strong>lne de <strong>drap</strong> de Bourges dix<br />

« don...,. l'<strong>au</strong>lne de <strong>drap</strong> de Languedoc huit den. tourn. et l'<strong>au</strong>lne<br />

il des <strong>au</strong>tres <strong>drap</strong>s de moindre pris' cinq de,]. et dei4 <strong>au</strong>tres à léqui<br />

« poilent. n (G. Fagniex. Documents relatifs, Mc. cil , tome II.) <strong>Le</strong><br />

retôialctir (le <strong>drap</strong> travaillait évidemment <strong>au</strong>ssi h table sêdic<br />

Beto,,deur, Amiens, 1308. A. Thierry, ilion. inéd., tonic L 142, Or<br />

dormances de l'échevinage sur la fabrication et ]a teinture des <strong>drap</strong>s<br />

Et que <strong>au</strong>lx retondours de <strong>drap</strong>s qui tieugne sceque t<strong>au</strong>le, - no<br />

1nist accatêr <strong>drap</strong> ne revendre pou, le souspechon qui y puet estre<br />

« de bangerle<strong>drap</strong> s'il v6ti hot, sur pairi e de quarante sols d'amende<br />

fletondeurs'de Paris. <strong>Le</strong>ttres patentes do F'rnnçois 1er, 1531 (<strong>Le</strong>spiiasse<br />

III, P. 1ii-i12). -<br />

Perce que par les dits statuz et ordonnances les apprentis<br />

doibvent clemourer en apprcntissaigo deux ans Ou plus, et que de<br />

préséut sont attraits îï, tondre en ladite ville tins est<strong>au</strong>ietz, erezez,<br />

endits, cordillatz, -fins <strong>drap</strong>s d'Angleterre, Carcassonne, Perpignan;<br />

fines serges, <strong>drap</strong>pris de Miilan, Venise et <strong>au</strong>tres, et que ïmpossible<br />

est de rendrê aprentifs souflisans oud:it mestier en si pou de temps<br />

de deux ans, dont se pourrdit ensuivie sandalle et diminution de<br />

bon bruyt et faine 'et estime dudit inestie....... et attendu les nouvelles<br />

inventions requises oudit- mestiér, ordonner ledit appi'entis'<br />

sâige de deux ans estie fus et ordonné à trois an.»<br />

« Pour, V <strong>au</strong>nes de brunette achetées à Arniens pour faire mi<br />

s corset polir Bohert. LX, S. Pour la relonture, XII dcii, » - il,<br />

- Richard J. M. Mahaot, cotbtess ' d'Artois et de Boûrgogno (1302i3sq).<br />

Pniris, 1887, page 38.<br />

u A fliohart de S. Aubin de Paris pour la rotouture de XIII escal-<br />

I


- 'l'! -<br />

• En Flandre nous avons la rnêine division dit<br />

<strong>Le</strong>s tondeurs, en général, sont appelés n Lakenseheer-<br />

•ders n ou simplement u Scheerders n, ils se subdivisent<br />

en « Ramscheerers n ou n Raeinsèheerderà n qui<br />

sont nos tondeurs à table mouillée. Ils tondent le <strong>drap</strong><br />

après foulon et lainage'. <strong>Le</strong>s (I Droogscheerders » sont<br />

lotos VIII s. lescallate (8 s. par pièce) valent CI III s. » 1317. -<br />

liichard, Mah<strong>au</strong>t, page 3 9 8, -<br />

1304-i 3o5,compte du bailliage dArtois,Dehaisne,toe. cit.,t.I,p. 161<br />

« A. Philippot, tailleur madame, pour XX <strong>au</strong>nes de tiretaine, à<br />

t raison de X sols l'<strong>au</strong>ne, X livres..... Item, , pour ledite tiretaine<br />

cc retondre V sols. -<br />

cc Audit Philippot, polir M. Robert de Bourgogne et pour Ostelin<br />

• (le Montbli<strong>au</strong>t XXVIII <strong>au</strong>nes et demie d'esquarate et de vert à<br />

• raison (le XX sols l'<strong>au</strong>ne XXVII! livres X sols; pour II <strong>au</strong>nes<br />

• de perspour candies XI, sols; pour ces dms retordre X sols. -<br />

cc (Même compte que ci-dessus).<br />

o Pour • <strong>escarlate</strong> tondre pour le cors de madame XX sols; item,<br />

« pour le dit <strong>drap</strong> .de camelin et pour un <strong>au</strong>tre tondre XX sols.<br />

o Même compte que ci-dessus Dehaisnc, page 1433•<br />

cc Ce sont les parties que Aalês la retonderresse a faites pour<br />

madame la Iloyne, puis le terme desus dit. Premièrement. Une<br />

« escarllate et i brussequin, chascun de 24 <strong>au</strong>nes, pris à Provins...<br />

• etc... .Donit-DArcq. Comptes de l'Argenterie, ,85i, page 29,<br />

t cc Item de lakens 'glievult zynde, zal men die bcwegliea leu<br />

• ]torse van den raemsclieerde. ...... » (Ordonn. du Magistrat de la<br />

ville de Bruges, 1548.)<br />

n Erst van eenem brugschen euerlakene van vulres comeade, w<br />

« zal mon nemen 12 gu'ooten. - .....item van eencn smallen.Brugschen<br />

lakene, dat van vulves comt cc..,<br />

Ils étaient nominés Raemsclieerders parce qu'ils tondaient le <strong>drap</strong><br />

avant l'opération de la mise <strong>au</strong>x raines; en outre, eux-mêmes mettaient<br />

<strong>au</strong>x rames les <strong>drap</strong>s qu'ils avaient tondus et les rames (à<br />

Bruges) semblent leur avoir appartenu. o Item ne glicôr!ooft glace-<br />

« nen raernscheerer met tueur 'amen te werkene danne met aclite<br />

« ende een bnlve,en(le an de voorseyde acide code een boIve ramen<br />

niet tracer lakeneii te slane danne zestien ....., etc. » (Ordonn. des<br />

foulons de Bruges s. d.xvmo siécle, voir Wiliems. 'collection des<br />

Xeuren ou statuts de tous les métiers de Bruges. Gond, 1842, p. 73).<br />

- il n'y et doute possible, le flaem ou Rama un rien û voir


- 45 -<br />

lés tondeurs à fin ou à table sèche 1 et les « Scepscheerers<br />

2 » sont nos retondeurs de <strong>drap</strong>.<br />

Ce que nous tenons surtout à faire ressortir, c'est que<br />

le premier tondage du <strong>drap</strong> qui se fait sur le tissu écru<br />

avec un chAssis sur lequel ils <strong>au</strong>raient pu étendre leurs <strong>drap</strong>s pendant<br />

l'opéràtion du tondage, comme le suppose Willéms, mais signifie<br />

bien les raines <strong>au</strong>xquelles on faisait- sécher les <strong>drap</strong>s. - Du reste, la<br />

même ordonnance porte: « Item zone gheoorlooft geenen meest-erte<br />

liebbene meer danne drie scheerdische. » - WilIlems, loc.ci/.p. M.<br />

Ces Raemscheersders, comme ils étaient possesseurs des lices,<br />

étendaient égalemen les <strong>drap</strong>s lorsqu'ils étaient teints, c'est-à-dire<br />

pour le dernier séchage. - Ils pouvaient également étendre <strong>au</strong>x<br />

lien les <strong>drap</strong>s (lu dehors qu'on faisait teindre et apprêter (ls la ville<br />

de Bruges.<br />

« Item van Dixmudsclie hm-eede lakenen, die mea anslnet X<br />

e grooten van chien sticke ..... Item van Dixmudselie smille lakenen<br />

« met dicke lysten mil men hehben8 grooten. - ele.»(Willern, Inc.<br />

cil., page 71).<br />

Et non pas tous les tondeurs indistinctement comme le suppose<br />

\Villems qui dit que la tonde dit <strong>drap</strong> devait toujours se foire à sec,<br />

même sur les <strong>drap</strong>s remis <strong>au</strong> tondeur par le foulon. - Nous ne<br />

trouvons pas pour Bruges une rêglenientation spéciale intéressant<br />

les droogseheerders, leurs attributions semblent se confondre avec<br />

celles des scepscheerers, comme, du reste, dans be<strong>au</strong>coup d'<strong>au</strong>tres<br />

centres industriels.<br />

2 Voir l'étymologie donnée de ce mot par I{iliaen et ce qu'en dit<br />

Gaillard, glossaire flamand, page 568.<br />

« Dit es de bon van den scepseheerers. Erst zullen zy nemen<br />

mi van courre Brugscher clac lakens twee ynghelclien. Item van<br />

« eenen hrceden Ghentschcn lakene, van elker elne onder balben<br />

e grooten... Item van eenen senerlakene 2 grooten van der elnc »<br />

tWillems, T' 72).<br />

Nous trouvons également dans cc règlement des scepscheerers<br />

des' dispositions concernant les derniers apprêts (les <strong>drap</strong>s, pressage,<br />

etc. Dans les grands centres de vente, et surtout lé, où il y<br />

avait des halles flux <strong>drap</strong>s de I'importahce de celle de Brugs, In<br />

retondeurs. tout comme les tondeurs à fin, étaient obligés d'être<br />

outillés pour ces trav<strong>au</strong>x. Nous insistons encore sur ce point 4ue<br />

polir Bruges la séparation des tondeurs ii fin et des .retordeurs est<br />

difficile h établir, 'nais, cependant, elle semble avoir existé h un


après foulage et premier lainage est une opération élé<br />

mentaire, pouvant <strong>au</strong> besoin se faire par un artisan<br />

.cum1llant p lus ieurs fonctions;comme.laineur, pouliêur,<br />

tandis que le tonda ge h fin esLune opération très dé]i<br />

cale pu demande be<strong>au</strong>coup d'expérience dans le maniement<br />

des grandes forces. -<br />

Hrnons à présent le <strong>drap</strong> après le lainage if est<br />

prêt pour le londage à table mouillée le tondeur étend<br />

son <strong>drap</strong> sur unç table (panne<strong>au</strong> en planches reposant<br />

•sui deux tréte<strong>au</strong>x et 'légèrement inclinée. Cettetahie<br />

est rembourrée avec des déchets de laine et p articu<br />

-lièrement, avec des tontisses de laine, de façon à être<br />

bombée en dos d'Ana, tuais pas trop accentué. Sur les<br />

deuxhords de celte table se trouvent de petites pointe<br />

ou des petits croc1ietsàl'aidedesquels le tondeur fixe<br />

]a partie de <strong>drap</strong> à tondre, par les lisières'. <strong>Le</strong>s lisières<br />

des <strong>drap</strong>s sont généralemeiil plus fortes (plus fournies<br />

en fils dé chaîne) que le corps de • la pièce;: c'est 'pour<br />

pouvoir résister à ces petits crochets ainsi qu'à ceux<br />

des ninlês, sanSseromprè par cette tension. <strong>Le</strong> tondeur<br />

onte suit un marchepied qui se trouve en face - de sa<br />

table cl il tond de lisière à lisière, c'est-à-dire qu'il-tient<br />

lés grandes forpe g parallèlement <strong>au</strong>x ! isièrès Avâni de<br />

commencer à couper le poil, il remet bien en ordre le<br />

,duvet de la pailie di, tissu (lui se trouve tendue devant<br />

lui à l'aide de vieilles cardes (chardons usés<br />

ait c opérai<br />

tiens du lainage); une fois toutes les petites fibres bielL<br />

certain marnent, puisque les deux expressions de draogsel.eevders<br />

et de sceptcheerer existent -.<br />

{, li fallait que In partie ii tdndie fûi bien plane, sans <strong>au</strong>ctin pli,<br />

cor, sous cela, ]s forces pinçaient le <strong>drap</strong> même, et proisaienL<br />

infaillibIment des coupuresdans le tissu. ...-.


-47 -<br />

disposées parallèlement, il les relève uniformément en<br />

passant sur le tissu à contre-poil, c'est-à-dire de bas<br />

en h<strong>au</strong>t, une lame de fer ou un morce<strong>au</strong> de bois bien<br />

di'oit. Il pose la lame inférieure de ses forces sur le<br />

<strong>drap</strong>. Celte lame est chargée d'un 'poids oids ielat.iveinent<br />

forc, de façon donner de la fixité <strong>au</strong>x forces, puis il<br />

ramène avec la main droite l'<strong>au</strong>tre lame supérieure<br />

vers la lamè inférieure. <strong>Le</strong>s deux lamés étant relies<br />

par un ressort, il suffit de làèher la lane supérieure et<br />

de reculer légèrement la lanie inférieuxe vers lalisière<br />

opposée, pour avoir entre les deux tranchants une novelle<br />

partie de <strong>drap</strong> à tondre. Il tond ainsi en taisant<br />

avancer ses îorcesd'une lisière à l'<strong>au</strong>tre.<br />

• La première tablée tondue, il rémetde nouve<strong>au</strong>le<br />

poil<br />

, daôs le'bon sens avec lesvieilles cardes; il décroche<br />

la partie tondue et .répare de nouve<strong>au</strong>' une nouvelle<br />

tablée'. Quelquefois •ce travail se fait' pal' deux artisans,<br />

(lui travaillent alors de façon àse rencontrer <strong>au</strong> milieu<br />

de la plèbe, • c'ésl-à-dire chabi n commence par une<br />

lisière. Parla première coupe, qui est toujours ((h<strong>au</strong>te)),<br />

on met à peu près , <strong>au</strong> même nive<strong>au</strong>, à' la même longueur,<br />

les 'libre amenés à la surface du <strong>drap</strong> par le<br />

lainage. Celte première opération de tonde se fait à<br />

l'aide de forces peu tranhantes 1 tandis que poui' les<br />

tondes suivantes, et surtout pour le. tondage à fin, il<br />

f<strong>au</strong>t des lames mieux aiguisées, plus u esmoullées ».<strong>Le</strong>s<br />

<strong>drap</strong>s ordinaires ne recevaient habituellement q;i'une<br />

coupe avant teinture. <strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>s plu fins recevaient jusqu'à<br />

trois ou quatre lainagés et trois ou quatre Coupes<br />

avant d'être mis en teinture. On se contentait de donnei<br />

une seule coupe, h<strong>au</strong>te, élémentaire, <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s de basse


- 48 -<br />

qualité, avant de les luire sécher <strong>au</strong>* rames, domine<br />

nous venons de le voir. Celle nlûme coupe se donnait<br />

également <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s fins qui, - <strong>au</strong> début de la fabrication<br />

des <strong>drap</strong>s écarlates, n'étaieht pas apprêtés plus Ioii<br />

dans leurpays d'origine (Flandres; France) maïs étaient<br />

vendus dans cet étàt à des étrangers, qui exportaient<br />

ce <strong>drap</strong>s et les faisaient relainer' et retendre par des<br />

spécialistes très experts'. De 1h, cette dénomination<br />

de <strong>drap</strong>s à tondre u scarlaken n Tous les <strong>drap</strong>s ne<br />

pouvaient pas être impunément tondus " et lainés à plusieurs<br />

reprises. Sur les <strong>drap</strong>s de hase qualité, faits avec<br />

des laines grossières (de pays) et tissés avec une chaîne<br />

relativement peu fournie en fils, le lainage et le tondage<br />

souvent répétés découvraient la corde du tissu, sans<br />

naturellement lui donner un aspect et un touché plus<br />

fins.. (Ce n'étaient pas des « scarlaken».) -<br />

Après ces premiers apprêts, n en écru ou en blanc»,<br />

es <strong>drap</strong>s étaient mis <strong>au</strong>x rames (appelées <strong>au</strong>ssi liches<br />

on poulies) pour être séchés une première fois'.<br />

'Pour la deuxième, troisième ou même quatrième coupe que<br />

recevaient les <strong>drap</strong>s fins avant la teinture, on intercalait naturellement<br />

entre chaque opération de tondage un nouve<strong>au</strong> lainage. -<strong>Le</strong><br />

deuxième lainage amenait des fibres plus fines ù la surface du <strong>drap</strong><br />

que la première opération, et le troisième lainage donnait un duvet<br />

encore plus fin que le deuxième et ainsi de suite. La deuxième coupe<br />

tondait le poil moins long que la première, c'est-à-dire qu'on coupait<br />

les fibres de plus en plusprès du tissu. Plus le t,Hvail avnnçdit, plus le<br />

tissu devenait fin et soyeux, l'entre-croisement des ils disparaissait<br />

complètement, l'armure n'était plus visible, la s corde o du tissu<br />

êtait,cachée par une nappe soyeuse, satinée.<br />

La rame se compose de madriers on pote<strong>au</strong>x en bois de eliène,<br />

carrés, plantés eu terre en ligne droite et à distances régulières les<br />

uns des <strong>au</strong>tres, percés de deux rangées sic trous en quinconce. Dans<br />

le lias, mais cependant à une certaine distance d,, sol, ces pote<strong>au</strong>x


I<br />

4g -<br />

Dans Presque, tous les pays on peuL encore retrouver<br />

ces engins. Ils sont toujours encore employés dans la.<br />

petite industrie <strong>drap</strong>ière et surtout dans des pays oit<br />

la clémence de la température permet un séchage assez<br />

rapide <strong>au</strong> grand air, comme, par exemple, dans le midi<br />

de la Franée, 6ù la grande industrie môme s'en sert<br />

encore. Ces rames n'ont subi <strong>au</strong>cune modification<br />

depuis le moyen âge.<br />

Nous devrions, à présent, parler de la teinture du<br />

<strong>drap</strong> qui se place ici, mais nous préférons en parier à la<br />

fin de ce chapitre, pour pouvoir continuer la description<br />

du tondage à fin, qui se fait après teinture et séchage<br />

du <strong>drap</strong>.<br />

• On remettait les <strong>drap</strong>s <strong>au</strong>x rames après teinture<br />

Peut- lessécher, et pendant que les <strong>drap</strong>s étaient<br />

étendus, les rameurs leur redonnaient un léger lainage<br />

pour remettre le poil dans le bon sens.<br />

Pour, les <strong>drap</strong>s fins, et spécialement pour les écarlates,<br />

il fallait, après le séchage du <strong>drap</strong> teint, l'intervention<br />

d'un nouvel artisan tondeur, pour donner toute<br />

leur valeur à ces tissus. <strong>Le</strong>s différentes tondes données<br />

sont reliés par des traverses rixes munies de petits crochets acm-<br />

Nobles à ceux qui se trouvent à la table du tondeur. Dans le h<strong>au</strong>t se<br />

trouvent des traverses semblables à celles du bas, mais mobiles et<br />

percées de trous <strong>au</strong>x endroits où elles se croisent avec les pote<strong>au</strong>x;<br />

ces traverses sont également munies de petits crochets. On coin<br />

mence à axer le <strong>drap</strong> par une lisière à la traverse du bas, puis on<br />

attache l'<strong>au</strong>tre lisière <strong>au</strong>x crochets des traverses du h<strong>au</strong>t, mais qui<br />

ne sont disposées qu'à ,,,i-h<strong>au</strong>teur et supportées par des 'elieviltese'i,<br />

bois ou 'des clous en fer, qui passent par les trous (les traverses et<br />

des pote<strong>au</strong>x. Une foià lés deux lisières fixées, o'n fait monter les traverses<br />

supérieures laide de cordes etde poulies, et lorsque le <strong>drap</strong><br />

est tendu à la largeur voulue, on fixe les traverses supérieures avec<br />

les chevilles en les passant par les trous des traverses et des pote<strong>au</strong>x


- 50 --<br />

avant teinture n'avaient pas encore atteint le fond du<br />

tissu, le duvet était encore trop long, la surface du tissu<br />

était encore ébouriffée;<br />

<strong>Le</strong> tondeur s à fin n va donner les dernières coupés et<br />

les derniers apprêts, c'est leiondenrà table sèche, pinsqu'il<br />

va opérer sur des <strong>drap</strong>s qui ont été séchés avant<br />

cette opération. Cependant, il humecte légèrement la<br />

surface du poil avec le plat de la main, qu'il trempe dan<br />

l'e<strong>au</strong>, pour faciliter la coupe le poil humide se coupe<br />

mieux que le poil sec et est plus facile à tenir dans une<br />

Même direction.<br />

<strong>Le</strong> tondeur à table sèche ne doit pas employer de<br />

corps gras pour faire cette opération. 11 donne <strong>au</strong>x<br />

<strong>drap</strong>s fins encore deux, trois ou même quatre coupes<br />

différentes 1 Plus le <strong>drap</strong> est de bonne qualité, plus il<br />

permet de tondes et plus il prend un aspect fin et<br />

soyeux 2• Cela s'explique facilement par ce phénomène<br />

- <strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>s plus ordinaires ne recevaient généralement, après<br />

teinture et comme derniers apprêts, qu'une coupe d'endroit et quelquefois<br />

encore une coupe d 'envers. <strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>s fins et spécialement<br />

les écarlates recevaient plusieurs tondes, même encore parle retondeur<br />

avant la confection du vêlement. -<br />

« Ce sont les parties que.Aalès la retonderresse a faites pour madame<br />

la novae ..... Item pour une escarllate de 24 <strong>au</strong>nes, tondue<br />

3 fois, pour Noël ..... s (Douêt-d'Arcq, Comptes de l'Argenterie, p. nq.)<br />

2 <strong>Le</strong>s monuments figurés représentant le tondeur de <strong>drap</strong> avec les<br />

grandes forces sont très nombreux, nous n'en citerons pie quelquesuns<br />

Cathédrale (le Rouen, vitrail du xlnC siècle donné probablement<br />

par la corporation des tondeurs, car, outre la représentation<br />

de ces artisans <strong>au</strong> travail, les grandes forces figurent dans un cartouche.<br />

Au musée lapidaire de Reims un Cippe funéraire galloromain.<br />

<strong>Le</strong> tondeur de <strong>drap</strong>s gallo-romain do n<strong>au</strong>sée de Sens. -<br />

Figure sur bois du xvi' siècle, dans Jost Amman s Stiinde nuit<br />

liandwerkcr «, mais donnant une idée absolument f<strong>au</strong>sse du tondage<br />

dii drop. Figure qui a été souvent reproduite.<br />

<strong>Le</strong>s grandes forces dont se servaient les tondeuts formaient nI\


- 51 -<br />

d'optique que plus mie fibre de laine est longue, plus<br />

elle n de tendance à se recroqueviller, et les .fibres ondulées<br />

ne produisent pas un aspect brillant, mais bien<br />

les fibreslisses, courtes et fines et bien parallèles<br />

(c'est-à-dire se trouvant dans un même axe optique).<br />

Dit tout k monde a fait l'expérience du chape<strong>au</strong><br />

de soie Plus n le brosse avec une brosse fine ou la<br />

patte de velours, plus le chape<strong>au</strong> devient brillant, par<br />

le fait qu'on dispose les fibres bien parallèlement, on<br />

les met dans le même axe optique. Pour maintenir le<br />

poil du tissu <strong>au</strong>tant que possible dans cette disposi-<br />

[ion, on le mettait en presse. <strong>Le</strong> pressage du <strong>drap</strong> est<br />

une opération trèsancienne qui se faisait déjà du temps<br />

des Romains (voir il sujet les peintu res dans l'établis<br />

sement d'un foulon à Pompéi, qui ont été reproduites<br />

dans toute une série d'ouvrages Ani. Biche, J. Over<br />

beck, H. 131fiinnr, etc.). Pour mettre la pièce de drali<br />

en presse, on mettait des planchettes bien lisses cuire<br />

chaque plis; plus lard, des cartons. <strong>Le</strong> moyen âge ne<br />

nous'a pas laissé be<strong>au</strong>coup de renseignements sur le<br />

pressage du <strong>drap</strong>. La presse à ch<strong>au</strong>d, qui atigmèute<br />

considérablement le lustre, ne fut employée que tard,<br />

quoique connue l'emploi de cette presse était considéré<br />

comme une fr<strong>au</strong>de et généralement prohibé •.<br />

article de commerce très important nu moyen ège. C'est spécialenient<br />

l'Alleinagnc qui les fabriquait. - Un tarif de Lonlien donné en<br />

1252 par la comtesse Marg. (le Flandre à Damme porte n Magna<br />

fdrfex tonsorum pannorum vendtn vet cd vendeuduni delata i d. »<br />

- K. J-Job Ibno ru FI an si scies Urk u ndenlyueb Ionie I, i86, page r<br />

A Bruges, <strong>au</strong> xve siècle, cette. pratique était connue et interditete<br />

par les Keures (Voir Willems, /oc. oit., p.<br />

Par contre, il était permis d'humecter le tissu en le mettant en


- 52 -<br />

En sortant clos presses, les <strong>drap</strong>s étaient prêts h<br />

être vendus, lorsqu'ils se vendaient sur place, mais<br />

lorsqu'on était obligé de les emballer en ballots (Loura<br />

sels ou toursées, voir Du Cange <strong>au</strong> mol Torsata) et de<br />

les faire voyager sur des voitures oit en bate<strong>au</strong>x, ils<br />

arrivaient <strong>au</strong> lieu de destination (halles ou foires) avec<br />

une surface ébouriffée par suite des frottements qu'ils<br />

avaient subis pendant le transport. <strong>Le</strong> <strong>drap</strong> avait besoin<br />

d'être retondu avant d'être exposé en vente, pour bien<br />

faire ressortir sa valeur <strong>au</strong> point de vue de sa finesse.<br />

C'est ici que la corporation des retondeurs de <strong>drap</strong>s<br />

entre entre enjeu.<br />

Cependant cette opération (le retondage se faisait<br />

<strong>au</strong>ssi . quelquefois après que le <strong>drap</strong> avait été vendu, et<br />

par l'acheteur. <strong>Le</strong> retondeur s'occupait encore, comme<br />

nous avons déjà eu l'occasion de le faire remarquer, de<br />

retondre des coupons de <strong>drap</strong>s de 3, 4., 5 <strong>au</strong>nes avant<br />

que le <strong>drap</strong> ne fût confectionné par le tailleur. Aussi,<br />

retrouvons-nous, dans les villes qui n'ont <strong>au</strong>cune industrie<br />

<strong>drap</strong>ière remarquable, des tarifs de retondeurs<br />

de <strong>drap</strong>s qui indiquent le prix de retondage des différentes<br />

qualités de <strong>drap</strong>s des villes <strong>drap</strong>ières les plus<br />

renommées 1.<br />

prese pont <strong>au</strong>gmenter le brillant. L'usage des corps gras était également<br />

interdit. - A Paris les presses à ch<strong>au</strong>d sont interdites par<br />

un règlement de Louis XII donné en r5o8. - L'emploi, en Fiance, en<br />

était encore détendu en 1669 par le règlement général des manufac-<br />

Lutes de laines élaboré par les soins de Colbert.<br />

Tarif des retondeurs de <strong>drap</strong>s de la ville de Cracovie, fia du<br />

xiv 0 siècle.<br />

\Vas miin den gewant Scherern exw loue geben zal<br />

« von dent Scherlon des , gew<strong>au</strong>des ist alzo beschlossfl, das dy<br />

« Scherer nicbt mer nemea zolIen von der elen


- 53 -<br />

Nous avons fait remarquer, lorsque nous avons parlé<br />

des différents métiers de tondeurs à l3rnges, que le<br />

relondeur de <strong>drap</strong> se confondait souvent avec le tondeur<br />

à fin et que clans bien des villes le tondeur à [able sèche<br />

011 à fin est également retondeur. Nous tenons cependant<br />

à faire observer que l'existence simultanée tics<br />

deux méliers peut être établie pour bien des villes à<br />

Paris, à la fin du XIII° siècle, on Irouvedans le rôle de<br />

la taille de l'année 1292, 9 e retondeurs n de <strong>drap</strong>s en<br />

même temps que 20 « tondeufs o dont , nous avons<br />

déjà parlé précédemment. A Bruges nous trouvons un<br />

règlement pour les retondeurs « Scepsheerers n avec<br />

un tarif de prix le retondage de toutes les qualités<br />

de <strong>drap</strong>s qui se vendaient à la halle de Bruges le<br />

règlement fixe également le prix pour.. les derniers<br />

apprêts que donnaient les retondeurs 1.<br />

« hrwkesch (de Bruges)<br />

« [lorenczesch (de Florence) 07w. XII. hum.<br />

« Eyprisch (d'Ypi'es)<br />

• meclilescli (de Maline)<br />

• bemnialescli (Herenthals, près d'Anvers) -<br />

Balba nu<br />

s GemiiV evpriseli (<strong>drap</strong> ordinaire d'Ypres)<br />

r Englesehi cm VI lichera cind vom Landtuch.<br />

« ezw six hctIeFiT von idem don und nicht anders. -<br />

(D'après Bocher Bruno. Die alten Zunft und Verkehrs-Ordnuricn<br />

der Stad! Krak<strong>au</strong>; j1_fO, Wien, 1889.)<br />

s Dit es de bon vail dcii scepselieciers<br />

r F:r,L zolien zy itemen van cenere l3rugscher ehnc ]akens I.wee<br />


Au sujet de ces derniers apprêts nous ajouterons encore<br />

un mot pour expliquer uneprescnpLion qu'on<br />

rencontre dans bon nombre de règlements se rapportant<br />

<strong>au</strong>x tondeurs u à fin ». ii est dit que nul tondeur<br />

ne doit tondre les <strong>drap</strong>s qu'on lui donnera qu'à condition<br />

qu'ils soient suffisamment e mouillés et retraits »<br />

voici l'explication de cette cl<strong>au</strong>se<br />

Après teinture lorsqu'on mettait le <strong>drap</strong> <strong>au</strong>x rames<br />

pour le dernier séchage, on pouvait le tendre outre<br />

mesure (à l'état humide le <strong>drap</strong> de laine est très élastique)<br />

on pouvait donc lui donner une lèze qu'en réalité<br />

il n'avait pas, on pouvait « le distendre <strong>au</strong>x rames u. En<br />

le laissant bien sécher à l'état tendu, le <strong>drap</strong> conser-<br />

•vait cette largeur factice, mais dès qu'on le remouillait<br />

(ou à la longue lorsque le <strong>drap</strong> avait repris de l'humidité),<br />

il se rétrécissait, il reprenait la lèze naturelle.<br />

Aussi le <strong>drap</strong> en revenant des rames devait-il être humecté<br />

de façon à ce qu'il reprenne sa largeur naturelle<br />

et qu'on puisse constater si réellement il avait la lèze<br />

prescrite par les règlements où s'il avait été trop tendu<br />

<strong>au</strong>x rames, pour masquer une infraction <strong>au</strong>x règlements.<br />

Ce n'est qu'une fois que le <strong>drap</strong> avait été soumis<br />

à cette épreuve qu'on pouvait entreprendre de le<br />

tondre, à fin . D't.in <strong>au</strong>tre côté, si un <strong>drap</strong> avait été<br />

•...... Item van eenen Scoerlakene If grooten van der cine.....<br />

Item van ecnen ouden clecde dat vervullet es r groote..<br />

« .. .. Item van cenen llrugschen lakene, dat mcii proust (ophlinkt.<br />

« opluistert) XII grooten. - Item van cenen breeden Yperschen<br />

« la kene dat fich piuus L XII grOO ten L.. etc., etc- n<br />

(Wiliems, toc. cil., page 72.)<br />

« Item que nul ne tondra <strong>drap</strong>s, s'il n'est mouliez et retraiz etpour<br />

u ce que promptement l'en ne connoist pas se <strong>drap</strong>s quant l'en les


- 55 -<br />

tondu avant qu'il ait repris sa largeur normale, tout<br />

l'effet du tondage devenait nul, lorsque le tissu se rétrécissait<br />

le <strong>drap</strong> reprenait un aspect ébouriffé.<br />

Nous allons abandonner ce sujet pour donner encore<br />

quelques indications sur la teinture du <strong>drap</strong> <strong>au</strong> moyen:<br />

âge nous avons cependant l'impression que l'exposé<br />

que nous venons de faire de la fabrication du <strong>drap</strong> est<br />

bien incomplet, nous <strong>au</strong>rons voulu faire mieux, mais<br />

lions <strong>au</strong>rions été obligé d'enLrer clans des questions<br />

de détail qui ne seraient pas ici à leur place. Nous espérons<br />

cependant qu'à l'aide de ces notes nous pourrons<br />

expliquer plus facilement ce que nous croyons être le<br />

<strong>drap</strong> écarlate; le plus fin ci le plus parfait comme apprêt<br />

de tous les <strong>drap</strong>s de laine qui se fabriquaient <strong>au</strong><br />

moyen âge . Ceux de nos lecteurs qui voudraient se<br />

renseigner plus amplement sur le lainage et la tonde du<br />

« vent faire tondre, sont assez retrait, lesdiz. tondeurs seront tenuz<br />

à enquerir par serment à ceulx qui leur apporteront y ceuix <strong>drap</strong>s,<br />

« se iii sont souffisenirnent mouliez et retraiz et se ils leur afferment,<br />

ils les pdurroot bien tondre, Statuts des tondeurs de<br />

<strong>drap</strong>s de Houen de 1402. - Ordoan. des Rois de Fronce, tome VIII,<br />

Page 508.<br />

« Jelian de Saint-Benoit et Estienne Marcel, pour 13 <strong>au</strong>nes d'un<br />

<strong>au</strong>tre royé de Gant. à mouler et tondre.... n. etc., 7 I. Ss. (Douétd'Areq,<br />

Comptes de t'Arqenlcrie, xiv' siècle, iSSi, p. 154.)<br />

4 Nous sommes tenté de comparer ce <strong>drap</strong> fin du moyen <strong>Age</strong> à la<br />

<strong>drap</strong>erie fine, façon rie Hollande, qui fut implantée en France sous<br />

Louis XIV par Van Robais, peut-être la continuation de la fabrication<br />

des <strong>drap</strong>s écarlates et (lui se propagea rapidement dans d'<strong>au</strong>tres<br />

centres manufacturiers. Sédan, spécialement, excella dans ces genres<br />

et cette belle industrie s'était maintenue durant presque tout le<br />

xix' siècle jusque vers 187080. - Aujourd'hui on ne fait plus, ces<br />

be<strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s satinés, inusables d'un brillant merveilleux, les vêtements<br />

confectionnés avec ces étoffes passaient d'une génération à<br />

l'<strong>au</strong>tre. <strong>Le</strong>ur procédé de fabrication ressemblait be<strong>au</strong>coup à ce que


<strong>drap</strong> trouveront des renseignements ti4s complets dans:<br />

l'Encyclopédie méthodique, manufactures et arts,<br />

tome T (par Roland de la Platière, 1784); dans la Description<br />

des arts et métiers, l'Art de la <strong>drap</strong>erie, par<br />

Duhamel du Monce<strong>au</strong>, in-f-, 1765 ; Beckmann, Beitriige,<br />

toc. cil., tome IV, page 38 ; J.-A. Laerzio,<br />

Jieschreibung des Tuck und Raschmacherhandwerlcs,<br />

[718, in- 12 0 ; P.-J. Marperger, Beschreibung des Tucit-<br />

,hacherhandwer/cs, <strong>Le</strong>ipzig, 1723, in-8 0 ; Eramus,<br />

von de,' Wolte und deren Manufakturverfassunj , Berlin,<br />

173!, in-4 0 ; J.-C.-G. Jacobson, Seli<strong>au</strong>plaiz der<br />

Zeugmanufakiuren in Teutschland, 4 vol., Berlin,<br />

1773-1776 G. von Jus", VolIstIIndige Ab/iandlung<br />

von den Manufaicturen und Fabrilcen, 2 vol. in-8°,<br />

Koppenhagen, 1767 ; Sprengels Handwerke und<br />

Kiinste, tomes i4 et 15, Berlin, 1776, in-8'; Scheihier,<br />

Griindlicite und praktischc A uweisung, feint<br />

woliene Tâcher zu fabriciren, Bresl<strong>au</strong>, i 8o6, in-80<br />

Mémoire sur les Manufactures de <strong>drap</strong>s et <strong>au</strong>tres<br />

étoffes de laine à Paris, 1764, innb, etc., etc.<br />

Teinture du <strong>drap</strong> ('tu moyen âge. Après le tondage<br />

en écru et séchage à la rame, le <strong>drap</strong>, après la<br />

visite, était remis <strong>au</strong> teinturier. Tous les <strong>drap</strong>s indistineiementde<br />

coloris étaient mordancés à l'alun •t cl <strong>au</strong><br />

tartre avant de rentrer dans le bain de teinture proprement<br />

dit. L'opération du mordançage avait non sen-<br />

nous venons de dire du scarlaken. Ces tissus, en qualité très fine, se<br />

- vendaient de o à 40 francs le mètre. — Aujourd'hui on fait à Sédan,<br />

en majeure partie, (le la <strong>drap</strong>erie h 2 fr. ao cl 3 francs ic mètre<br />

On connaissait l'alun de roche qu'on nommait également alun de<br />

glace à c<strong>au</strong>se, de sa transparence. L'alun de plume qui venait principalement<br />

de Bougie, etc.


- 57 -<br />

lement comme effet de e morclanèer b la laine, c'està-dire<br />

de la rendre apte à absorber le principe colorant<br />

du bain de teinture, mais en même temps de bien purger<br />

le <strong>drap</strong> de toutes les impuretés et corps gras qui<br />

étaient restés dedans, de façon à permettre ensuite<br />

d'obtenir des teintes unies. Ce morçandage se faisait <strong>au</strong><br />

grand bouillon et durait assez longtemps. Cette manutention<br />

se faisait dans certaines villes par une corporation<br />

spéciale qu'on appelait en Flandre les « lakenzeeders<br />

n. La quantité d'alun à mettre pour chaque<br />

qualité de <strong>drap</strong> était prescrite par des règlements'.<br />

Comme d'un bon mordançage dépendait la bonne<br />

réussite dé la nuance (unisson et vivacité) et, qu'<strong>au</strong><br />

moyen âge, le teinturier ne jouissait pas précisément<br />

de la meilleure réputation <strong>au</strong> point de vue de l'honnêteté<br />

(voyez ce que Crapelet 2 en dit sous « Mençonge<br />

de tainturier n). Celui p4 donnait les <strong>drap</strong>s à teindre<br />

fournissait également la quantité d'alun pour le bain<br />

de mordançage. Dans certains centres industriels, Iè<br />

propriétaire des <strong>drap</strong>s ou son délégué étaient <strong>au</strong>torisés<br />

« 5, 15. Et par c lie ste ordenanche doit chaseuns mareheans, ki Fait<br />

« taindre dt-aes, donner de ehasenne zode (bain de mordançage) de<br />

VI cirses XXITII livres de alun de Castilge <strong>au</strong> moins et X livres<br />

« <strong>au</strong>ssi d'alun de Glache <strong>au</strong> mains et tout en «ne zode de VI draes »<br />

(c'est-à-dire les deux qualités d'alun en même temps pour les<br />

6 diaps, dans le même bain de mordançage). « Ou de l'alun de<br />

.Bougies à une zode de 6 draes XX5V1 livres <strong>au</strong> mains. Et li niarchans<br />

ki mains en donroit serait h X livres. » (Archives dYpres, livre<br />

des ICeures T292-1309 ; di'est, des tainteuiérs à le c<strong>au</strong>diére.)<br />

« Rosse alludunum » alun rouge (lettres de Philippe V défendant<br />

l'exportation des choses nécessaires à la fabrique des <strong>drap</strong>s, de 1320,<br />

Ord. (les Hoisde France, t.X1, P . 479• L'alun rouge était un produit mipur<br />

contenant de l'oxyde de fer qui lui donnait une coloration rouge.<br />

Proverbes et dictons popul<strong>au</strong>es, Pâris, 'SBi.


- .58 —<br />

à assister <strong>au</strong> mordançage (pour pouvoir se rendre<br />

compte si réellement le teinturier mettait la quantité<br />

(l'alun qu 'on lui avait livrée l).<br />

La teinture en bleu à l'aide de la cuve dite « de fermentation<br />

» et dans laquelle il entrait, outre le pastel<br />

(guède ou vouède), du son, de la ch<strong>au</strong>x et des cendres 2,<br />

était très répandue, c'était exclusivement de celte façon<br />

qu'on produisait le bleu sur le <strong>drap</strong> de laine. L'indigo,<br />

quoiqu'on en <strong>au</strong>dit jusqu'à présent, n'était pas employé<br />

pour la teinture de la laine, bu dit diap de laine, <strong>au</strong><br />

moyen âge. Nous ne le rencontrons pas dans la <strong>Le</strong>inturc<br />

de la laine avant le commencement du xvi siècle 3.<br />

<strong>Le</strong> procédé de teinture connu an moyen âge pour<br />

l'indigo était la cuve à l'orpirnent; on l'employait pour<br />

la teinture des pe<strong>au</strong>x, du cuir, des crins, etc., rarement<br />

pour la soie, jamais pour la laine. Toujours par le<br />

procédé oriental, réduction par le sulfure d'arsenic<br />

(orpiment). En outre, l'indigo était employé comme<br />

L'alu,, de bouqu<strong>au</strong>z qu'on rencontre dans le livre des métiers<br />

d'Et. Boile<strong>au</strong> est un alun gAté (embouquiéz).<br />

Cette cuve encore en usagi <strong>au</strong>jourd'hui dans la teinture de la<br />

laine est restée presqu<strong>au</strong>ssi élémentaire qu'<strong>au</strong> moyen <strong>Age</strong>; l'indigo<br />

n simplement remplacé en majeure partie le pigment bleu du pastel.<br />

Ce fut Duni-le Barbosa, qui par la voie du cap de J3onuè .Espérance<br />

ramena en i5i6 la première cargaison importante d'indigo en<br />

Europe.<br />

<strong>Le</strong> bleu de cuve communique une odeur très caractéristique<br />

<strong>au</strong> tissu. <strong>Le</strong>s gens de la campagmae dans certaines contrées se rendent<br />

compte par l'odorat si la marchandise qu'on leur offre est bien<br />

teinte en cuve. Il semblerait, d'après un passage du premier Roman<br />

de la Rose (Guill<strong>au</strong>me de Dôle) qu'<strong>au</strong> moyeu fige on employait <strong>au</strong>ssi<br />

ce procédé: « Lorsque l3oidin prit congé, Guill<strong>au</strong>me lui bailla un surcot<br />

d'été si neuf, qu'il sentait euro 'e la teinture. s (Langlois, la<br />

Société française <strong>au</strong> xiii 0 siècle, in 80, Paris, 1904, page 75)


- ro<br />

couleur dans la peinture. La teinture des pe<strong>au</strong>x, os,<br />

crins, bois, était considérée comme faisant partie des<br />

sciences secrètes (alchimie); elle était très distincte de -<br />

la teinture industrielle, réglementée clans toutes les<br />

villes <strong>drap</strong>ières où cet art, <strong>au</strong> commencement du<br />

x"0 siècle, était déjà arrivé à un h<strong>au</strong>t degré de perfectionnement,<br />

comme nous le verrons dans la suite 1.<br />

<strong>Le</strong>s raisons pour lesquelles l'indigo n 'était pas employé<br />

dans la teinture de la laine <strong>au</strong> moyen ge sont les<br />

suivantes: On ne se doutait pas que la matière colorante<br />

de l'indigo fût semblable <strong>au</strong> pigment bleu contenu dans<br />

le pastel, car leurs procédés d'application, le premier<br />

par réduction à l'orpiment, l'<strong>au</strong>tre dans la cuve -a<br />

étaient trop différents pour permettre un<br />

tel rapprochement. <strong>Le</strong>s formes sous les jue1les les deux<br />

produits étaient vendus différaient trop l'une de l'<strong>au</strong>tre.<br />

<strong>Le</strong> guède, une plante desséchée', l'indigo, des petits<br />

<strong>Le</strong>s livres de secrets, les anciens manuscrits sur l'art de la peinture,<br />

préparations de couleurs, contiennent des formules plus ou<br />

moins compliquées se rapportant à la teinture de ces objets. A ce<br />

sujet, il est intéressant (le consulter le recueil donné par Mrs. Merrifleld,<br />

Original treatises dating frein tise XII ,Ii Io lise XVIII t]' crisfuries<br />

on tise ails cf paintaing, London, 1849. 2 vol. j_3o,<br />

•<strong>Le</strong> guède 'était vendu <strong>au</strong> début sous forme de plante simplement<br />

desséchée. Il serait intéressant de savoir à quel moment a pris naissance<br />

l'industrie de la préparation du guède fermenté sous forme<br />

de coques, pastilles, pastel. Nous avons rencontré la première fois<br />

le mot « postellum» dans une ordonnance de, 31 7 (Ordon. des rois de<br />

Fronce, tome XI, page 449. Du Cange cite Melendinum Pastelleriule,<br />

pestellerium, charte de 1361. ainsi que e Tin moulin û pasteiller,<br />

<strong>au</strong>trement dit inolin guedes », 1449.<br />

RUELLIUS, De isolera stirpium libri Ires, donne la préparation du<br />

pastel avec assez de détails-, mais cet <strong>au</strong>teur n'a écrit qu'<strong>au</strong> cominencernent<br />

du xv,' siècle. -<br />

Laos,,. FIJCE,S, dans : De historia stirpium, Lugduni, 1555, parle


MMUAIM<br />

blocs ressemblant à de petites briques, faisait plutôt<br />

supposer un produit (lu règne minéral, ce qui, du reste,<br />

était l'opinion généralement répandue, malgré ce qu'en<br />

avait dit Marco Polo. <strong>Le</strong> prix très élevé de l'indigo <strong>au</strong>ssi<br />

longtemps qu'on le recevait par la voie de terre, «<strong>au</strong>rail<br />

pas permis de l'employer en remplacement du'<br />

pastel pour la teinture en bleu de la laine. Du reste,<br />

dans <strong>au</strong>cun règlement de teinture du moyen âge il n'est<br />

fait mention d'indigo pour la teinture de la laine. La<br />

forée qu'on a souvent assimilée à une basse qualité d'indigo'<br />

et dont l'emploi était défendu presque partouf2en<br />

également de In préparation du pastel par fermentation. - GuREIITU5<br />

Ant. (Costaaijuris) cap. Il. 1561 donne également be<strong>au</strong>coup de détoits<br />

sur cette préparation.<br />

<strong>Le</strong>s Arabes ont connu la préparation du pastel avant les pays<br />

industriels de l'Europe centrale. C'est probablement des M<strong>au</strong>res<br />

d'Espagne que les chrétiens apprirent Cette préparation. IBN-AL-<br />

Aw&a,, dans son Livre de l'Agriculture coin posé <strong>au</strong> x,r' siècle, parle<br />

de cette préparation en invoquant l'<strong>au</strong>torité d'un <strong>au</strong>teur, « Ahoifi -<br />

Kbaïr, qui a écrit avant lui sur cette matière, il dit « Ensuite utiles<br />

« pile (feuilles du pastel) fortement sur une pierre lisse ou quelque<br />

« chose d'analogue, et on les fait pourrir de cette manière; on dépose<br />

« ces, feuilles pilées dans des cabas; on répand de l'e<strong>au</strong> dessus à<br />

« diverses reprises successives; on laisse en cet état pendant quatre<br />

« jours, puis, on divise la 'nasse avec des spatules de fer; on arrose<br />

cc ile nouve<strong>au</strong> constamment, jusqu'à ce que la décomposition soit<br />

« complète. En même temps, on foule avec les pieds pour agglutiner<br />

cc le tout ensemble; on en fait de petites houles qu'on fait sécher<br />

cc <strong>au</strong> soleil, et qui sont employées en teinture. u (D'après la traduction<br />

de Clén'ment-Multet, turne il, page 12e,, édition de Paris, 1864,<br />

G. Fagniez, EÙ des sur l'industrie à Paris, page 26.<br />

cc Il est ordeneit par Eschevins ke nus de clmel jour en avant venu<br />

die ne aportehe en la vile florie de waide sour X livres et le florie<br />

« pierdue. Et toute le fimie soit estée hors de le vile entre chi et le<br />

« quaremiel le premier 1(0 nous atenclons, sour X livres et le flâne<br />

pierdue. Che fu fai le mièrkedi devant le Purification Nostre


- 61 -<br />

teinture, était l'écume bleue que les teinturiers en<br />

guède recueillaient <strong>au</strong>-dessus de leurs cuves avant<br />

d'y plonger les <strong>drap</strong>s. Us enlevaient cette écume (c1lJi<br />

était la matière colorante pure et très semblable <strong>au</strong><br />

point de vue chimique h l'indigo) pour éviter qu'elle<br />

ne se colle sur les <strong>drap</strong>s et ne produise des tâches.<br />

Cette écume, fleur de la cuve oit forée, était séchée<br />

<strong>au</strong> soleil et vendue comme couleur pour la peinture<br />

« Daine en l'an quatre vins et d ijs ). (31 janvier 1291, n. st.) (Archives<br />

dYpres, livre des Keures « Che sont les Keures Ide le %varan.<br />

elle »).<br />

e A Jehan de Tourna pour une livre et demie de Ocrée XXX sols<br />

pour VI livres (le rouge tiere XII deniers, pour demie lihvre de<br />

« vermillon VI sols....etc... n Compte de Jean de Malines... d'après<br />

Dehnisne, toc. oit, tome H, page 714.<br />

Voir également ce que dit Olivier de Serres de la fiord; dans son<br />

T/,éûti'c d'Agriculture, sixième livre, page 428, tome H. de l'édition<br />

de iSo. -<br />

MATTHLOLE qui n écrit dans la première moitié du xvi1 siècle dit<br />

ait de la Ilorée dans ses commentaires sur Dioscoride « L'inde<br />

duquel les peintres usent et que les apoticaires vendent ordinaire-<br />

• nient, se fait es teintureries de l'excrement et écume du guesde,<br />

• quand les teinturiers en teignent les laines... (D'après la traduction<br />

de 3. des Moulins, Lyon, 1572, in-f-, page 719.)<br />

En admettant avec certains <strong>au</strong>teurs modernes que le pourpre (les<br />

anciens était obtenu sur un tond de bleu de cuve <strong>au</strong> pastel (voyez<br />

ce que nous en disons plus bas), il serait certain qu'ils <strong>au</strong>raient<br />

également connu la flot-de, car Pline <strong>au</strong> livre 35, chap. xxv,,, 'dit:<br />

« . - geints (iudico)ejus est in purpurariis officiais innatans<br />

cortinis et est pnrpurae spunla ),. -<br />

Ce qui n pu faire croire également tt un emploi de l'indigo dans In<br />

teinture du <strong>drap</strong> <strong>au</strong> moyen tige est le fait que le mot mdc ou ynde<br />

est souvent employé comme adjectif pour désigner Une coloration<br />

bleue intense; mais, il est fait allusion ii la coloration que présente<br />

l'indigo en morce<strong>au</strong>x, lorsqu'on le brise, et non à In coloration obtenue<br />

h l'aide de cette matière colorante<br />

• Que une colite toute blanche<br />

• Et les tressons yndcs ou vers »<br />

(Ronian de la Rose). -


D<br />

- 62 -<br />

<strong>Le</strong> vert, sur <strong>drap</strong> de laine, s'obtenait par superposition<br />

de la g<strong>au</strong>de sur du bleu de guède. L'oxyde d'alumine<br />

qui se trouvait sous le bleu et qui avait été déposé sur<br />

le <strong>drap</strong> par l'opération du « mordançage n ùl'alun<br />

entre ici en jeu et forme avec le principe colorant de la<br />

g<strong>au</strong>de une laque j<strong>au</strong>ne vive qui, en mélange avec le<br />

bleu, donne une couleur verte; La g<strong>au</strong>de et le guède<br />

ou pastel ont souvent été confondus; cette confusion<br />

provient de la similitude des mots waide, waisde et<br />

w<strong>au</strong>de on rencontre très rarement le mot w<strong>au</strong>de pour<br />

waide et on peut toujours l'interpréter comme f<strong>au</strong>te<br />

commise par un scribe, lorsque ce mot est employé<br />

dans le sens de couleur bleue 1. Nous venons de citer<br />

la g<strong>au</strong>de encore en usage <strong>au</strong>jourd'hui pour la teinture<br />

« Lérlit Prince pour 3 pkeesde cendal ynde..., etc. (Doui!t-d'Arcq.<br />

Comptes, toc. cil., page 143. -<br />

Il n'est également pas juste de parler de teinture à l'indigo lorsqu'on<br />

trouve, sur d'anciens vêtements de laine, un pigment bleu<br />

donnant les réactions caractéristiques de ce colorant. Il ne f<strong>au</strong>t pas<br />

oublier que les bleus obtenus sur la cuve <strong>au</strong> guède ou pastel donnent<br />

identiquement les mêmes réactions, car <strong>au</strong> point de vue chimique<br />

les deux produits se trouvant en fin de compte sur la fibre<br />

sont les mêmes. Nous avons des preuves de l'ancienneté de la cuve<br />

<strong>au</strong> vouède mais nous n'avons pas de documenis permettant de seul-<br />

])tables suppositions pour l'indigo, appliqué à la teinture dé la laine.<br />

Ainsi le vêtement pourpre du Ive siècle dans lequel fut inhumé<br />

saint Ambroise et anal ysé par Frapolli, <strong>Le</strong>petit et Pad ulli (CatcHa<br />

chunica, 1872, 11, 78) n'était certainement pas piété à la clive à<br />

l'indigo-orpiment, niais bien à la cuve <strong>au</strong> vouède par fermentation.<br />

• Gelliodts-van-Severen dans son invenLaire, toc. cil., tome Il, page<br />

ug6, note 15 confond la g<strong>au</strong>de avec le guéde.<br />

Voici quelques désignations que nous avons relevées dans d'anciejis<br />

textes et qui se ,apportent toutes <strong>au</strong> guède (issus (melons<br />

Linné).<br />

\Vaide (i335), waisde, waisda (langue picarde). Guaisdiurn, gaisdo,


- 63 -<br />

en j<strong>au</strong>ne (le certains <strong>drap</strong>s d'administration et , pour la<br />

soie dans quelques cas exceptionnels. Au moyen âge,<br />

c'était la seule matière colorante j<strong>au</strong>ne <strong>au</strong>torisée par les<br />

règlements. Comme rouge, ou employait le kermès et<br />

la graine et c'est spécialement les <strong>drap</strong>s fins dde prix<br />

qu'on teignait à l'aide de ces matières colorantes. <strong>Le</strong><br />

kermès était un produit de qualité supérieure et différent<br />

de la graine. A Florence, l'art de la teinture fait<br />

une différence entre le « chermisi n et la o grana o. <strong>Le</strong><br />

kermès 1 était la drogue venant de l'Orient, la graine<br />

guaisdo, guadus, guesdium (clans du Cange), wuyde (Be<strong>au</strong>vais, 1454)<br />

woyde, vveyde (environ i35o lions. Urkuncl. bueh, tome Il!, page<br />

474)-<br />

Vaidea, voilà (Hans. Urkund. buch, Glosa., tome III, p 58),<br />

\visde (35G lions. Urkund., tome 111 page 157). Guesde, àueide,<br />

guaide (xIJle siècle, Livre des métiers d'Et. Bouc<strong>au</strong>), weede, wede<br />

wet (flamand) dans un tarif de tonlieu du si'' siècle (i1.,. -6 7), 94<br />

l3igata wet 2 d. dans Giry, Histoire de la ville de Saint-Orner. Une<br />

traduction française de ce tonlieu de 1328 donne <strong>au</strong> § 4 a la chareté<br />

de waide », pastellum (13 17) wesde (milieu du 13e siècle arch. municip.<br />

de Douai).<br />

Solde (dictionnaire (Ia , Jean (le Garlamle fin du xi'). Note probablement<br />

aj outée par son commentateur du xiii'), voide (Rouen, 1378),<br />

weda... tarif de 1252 cité f<strong>au</strong>ssement par Gillliodts comme G<strong>au</strong>de,, la<br />

suite de ce tarif mentionne « centenuin garbarum gadildi ((uod est<br />

v<strong>au</strong>de », ici il s'agit indubitablement du j<strong>au</strong>ne de g<strong>au</strong>de.— Ghnide,<br />

gueide, gaida, gousde, voyde, ;vaisduni (capitulaires de Charlemagne).<br />

En latin glnstum, en italien guado. En anglais woad goud,<br />

'nais plus souventvoad. <strong>Le</strong> mot italien <strong>au</strong>rait également pu contribuer<br />

à la confusion dont nous venons de parler.<br />

La g<strong>au</strong>de (plante tinctoriale j<strong>au</strong>ne, reseda lut eola, Linné).<br />

Nous relevons G<strong>au</strong>da, g<strong>au</strong>duni, w<strong>au</strong>de, g<strong>au</strong>ch, g<strong>au</strong>lcie, gayda,<br />

v<strong>au</strong>de.<br />

<strong>Le</strong> kermès qui était employé 'en teinture pendant tout le moyen<br />

fige portait ta désignation de veriniculus, de 1h les <strong>drap</strong>s vermiculata,<br />

qui ne désignaient pas des <strong>drap</strong>s rayés, mais bien des <strong>drap</strong>s teints<br />

en vermillon. - Nous rencontrons <strong>au</strong>x mêmes époques le mot gra-


eprésentait le produit qui venait de l'Europe occiclendentale,<br />

spécialement de l'Espagne et du sud de la<br />

France. Dans la teinture de la soie on obtenait be<strong>au</strong>coup<br />

plus de vivacité avec le kermès qu'avec la graine:<br />

sur la laine, la différence de vivacité n'était pas <strong>au</strong>ssi<br />

grande. L'importation du kermès en Italie, <strong>au</strong> comniencernent<br />

du xiai e siècle, dut déjà être un article de commerce<br />

très important. Dans un traité de Gênes de 1236<br />

avec la Tripolitaine, il est stipulé qu'on n'extraira que<br />

cinq navires chargés de kermès annuellement de ce<br />

dernier pays<br />

Muratori, dans la seconde partie des Antiquités italiennes,<br />

p. 379, a publié un document qui semble être<br />

du if siècle et qui contient toute une série de recettes de<br />

teinture. On y trouve une « compositio vermiculi n<br />

pour teindre les <strong>drap</strong>s en rouge.<br />

Dans les capitulaires de Charlemagne, H est fait<br />

mention du kermès 2 . Du reste la leinture en kermès<br />

est fort ancienne, elle était connue des Hébreux, des<br />

nurn, et il est fort probable qu'on croyait les deux produits différents<br />

comme nature. L'un kermès = ver = venniculus indique qu'on connaissait<br />

sa véritable nature, tandis que granuni indiquait un produit<br />

d'origine végétale. Même ceux qui récoltaient la graille n'étaient pas<br />

bien fixés sur la nature du produit, car ils attribuaient l'éclosion<br />

des oeufs à une putréfaction de la graine. Pour éviter cet accident<br />

dans le commerce ils emballaient le produit clans des sacs en Cuir.<br />

• Manuscrit du P. Semini de 1798. - Conservé <strong>au</strong>x archives de<br />

Turin.<br />

Capitulare de villis cap. 43. e Ad genilia nostra... dure faci<strong>au</strong>t,<br />

Id est honni, lanam, ,vaisda, vermicula, varenh,a, pectins, etc... »<br />

ELuMICER (der friesisehe J'ac/ihandel) cite entre <strong>au</strong>tres cade<strong>au</strong>x<br />

que Charlemagne fit parvenir <strong>au</strong> calif llarun-al-Hascbicl.. e pallia<br />

Fresonica, alba. cana, vermiculata vel saphirina quo, in illis partibus<br />

rara et niultum cara comperit » (page 56).


-- (35 -<br />

Égyptiens, des Syriens. <strong>Le</strong>s Romains la pratiquaient<br />

à côté de la teinture en pourpre.<br />

Dans son Histoire naturelle, Pline la mentionne souvent<br />

u Coccum galatiae rubeus granum, <strong>au</strong>t circa<br />

Emeritam Lusitanine in maxima l<strong>au</strong>de est » (Histoire<br />

naturelle, IX, 45) il en parle également <strong>au</strong> livre XVI,<br />

chapitre XII.<br />

Comme <strong>au</strong>tres matières colorantes rouges et spécialement<br />

pour les <strong>drap</strong>s ordinaires, on employait la garance<br />

et Je brésil ou brisil 1 , celle dernière matière<br />

colorante servait surtout pour des nuançages.<br />

<strong>Le</strong>s noirs sobtehaient sur fond de bleu de cuve<br />

puis le tissu était remordancé en alun et reteint en<br />

garance avec addition de g<strong>au</strong>de 2 Avant le xiii 0 siècle,<br />

le brou de noix était également employé pour la<br />

teinture des <strong>drap</strong>s qui étaient vendus en dehors<br />

de leurs pays de production' ainsi que la . noix de<br />

Bois de lli'ésit (eaesalpina sappan). Déjà cité dans un tarif de<br />

douane de Lodi de L192. En italien verzino. Son étymologie<br />

probablement de biaise (brasa), à c<strong>au</strong>se de sa nuance rouge feu.<br />

Pegolotti signale plusieurs qualités de brésil. Voir ce que ileyd,<br />

<strong>Le</strong>aa,iteliandet, turne Il, page 5 7G, dit du brésil.<br />

2 C procédé pour teindre les noirs « grand teints » était encore<br />

prescrit par les règlements donnés <strong>au</strong>x teinturiers par Colbert en<br />

1G69. § IX. cc <strong>Le</strong>s noirs des étoffes de h<strong>au</strong>t prix serontde fort guesde<br />

d'un hie,, f brun nommé bleuf-pairs, pour la bonne qualité duquel il<br />

ne sera mêlé que six livres d'indigo tout aprêté avec cbacune balle<br />

de pastel, lors que la cuve sera adoux, c'est-à-dire quand le pastel<br />

commence à jetter une fleur hleud et salis qu'après l'assiete de<br />

ladite cuve, elle puisse être réch<strong>au</strong>ffée plus de deux fois, puis sera<br />

ensuite bouilly avec alun, tartre ou gravelle et après garencé avec<br />

garenee commune, ou crouste de belle gare&e... etc...<br />

<strong>Le</strong> brou de noix était employé pour la teintonS, en brun des<br />

<strong>drap</strong>s. GIJiLEMETH dans son Histoire d'Ei/ieuf, 1842, fait dériver le<br />

mot brunette de brou de noix. « l3runoixe, brunoicte, brunette


- GO -<br />

galle' mais lorsque la <strong>drap</strong>erie fui réglementée plus<br />

sévèrement <strong>au</strong> xii° siècle, ces ingrédients furent reconnus<br />

comme f<strong>au</strong>sses teintures et ne furent permis<br />

que pour les <strong>drap</strong>eries ordinaires de très bas prix. <strong>Le</strong>s<br />

bruns en bonne <strong>drap</strong>eries se faisaient alors sur mordant<br />

d'alun avec la garance et le brésil.<br />

page 318. (ainsi que l'antique nom de Briment,t, Elben Q . « La<br />

Il<br />

composition de ce mot n'est donc <strong>au</strong>tre chose encore<br />

Il fois que la réunion du mot brou ou brone, c'est-'a-dire écume<br />

Il avec le mot OUX 01' noix. <strong>Le</strong> brou de noix ayant toujours été chez<br />

Il Grecs chez les flomains, chez les G<strong>au</strong>lois, le principe impur-<br />

Il tant, la base essentielle de toute couleur brune, il est fort difficile<br />

e de pouvoir trouver une <strong>au</strong>tre étymologie raisonnable ' j page 364.<br />

La Brunette était une quali lé de <strong>drap</strong>, niais qui se teignait exclusivement<br />

en brui,. « Li moles choses apele il cols ki vesteux de déliée<br />

vesteure si coin est chainsilz, <strong>escarlate</strong>, hurinête, futile, samiz »<br />

(i t55 serai. de M<strong>au</strong>r. de Sully, d'après V. Gay. Gloss. archéoh).<br />

Brussequin, broissequin, on peuLdonner à ce mot la même étymologie<br />

(de lrou) que celle que nous venons Il indiquer pour brunette.<br />

Drap brui. uni on mélangé et de qualité inférieure, V. Gay dit: e On<br />

y employait des laines de petit teint, passées h l'écorce de noyer.<br />

« L'en fera brussequins de quoy la cliainne sera (le fil blanc teint en<br />

« êscorce de nouyer et la traimme sera de noirs agnelins ou de laine<br />

« tainte en lad. escorce » (Stat. des <strong>drap</strong>iers de Reims r34(., \uu,<br />

arc!i, de Reims). Mais son étymologie pourrait <strong>au</strong>ssi être cherchée<br />

dans <strong>drap</strong> de Bruges ou de Bruxelles, l)russelsch laken ou<br />

Brughslaken, Bruxschlaken.<br />

Il A Mannequin le ilameac, <strong>drap</strong>pier, pour S <strong>au</strong>lnes de marbré<br />

broussequin long de Broisselles, 'a faire cote hardie . n (134. Cpte<br />

roy. de Nic. Bracque f » 52 y0 d'après Gay Gloss.) Cependant nous<br />

préférons la première étymologie, surtout que brusscquin ôtait<br />

presque toujours un <strong>drap</strong> de couleur brune. -<br />

La noix de galle est déjà citée dans un tarif de 1140. Elle servait<br />

be<strong>au</strong>coup, ainsi que - l'alun, pour le tannage des pe<strong>au</strong>x. On l'employait<br />

également pour la teinture. du Galcbrun (Galabrunus du<br />

Gange) probablement en combinaison avec le sulfate ferreux et<br />

<strong>au</strong>tres mordants métalliques. <strong>Le</strong>s Cinllehruns se teignaient sur des<br />

<strong>drap</strong>s de qualité très ordinaire, e Dietuni fuit quod nichil actuni<br />

oral contra eonstitucionem predietam, quia gelebruna non sont


fr-<br />

-- 67<br />

Toute une série de matières tinctoriales et de mordants<br />

furent interdits • comme nuisibles, corrosifs et f<strong>au</strong>sse<br />

teinture '. Gomine-mordants <strong>au</strong>torisés, nous avonsoutre<br />

panai », etc.., Ohm, tome Il, .Philippe III, 12 76). « Nullus fratrum<br />

nostrorum pantois qui clicuntur Galabruni vel Isembruni vestiatur »<br />

(S. Bernard, rie Vita et morib, D'après du Cange).<br />

Isembrun, Ysanbrin. « Eisenl,ra,m » était probablement COITIIIIC<br />

l'indique le nom obtenu par un sel de fer en combinaison avec la<br />

galle ou le brou de noix. Du Cange cite plusieurs documents dans<br />

lesquels figurent ces <strong>drap</strong>s; entre <strong>au</strong>tres une charte (le Louis le<br />

Jeune, de l'année 1170).<br />

e (4) Item. Toutes denrées dudict mestier qui ne seront bonnes<br />

• et loy<strong>au</strong>lx, qui seront enihouquiés et ou, il <strong>au</strong>rait notable deŒ<strong>au</strong>lte,<br />

• comme de bouture, de couperos de taincture, (le fueil de fusteil<br />

• de taincture... pIastre (probablement ch<strong>au</strong>x), etc... »<br />

Confirmation des statuts des teinturie,-s de la ville de Bouen, 1385.<br />

Ordonn. des Rois de France, tome VII, page x,6.<br />

Couperose, il y avait probablement 2 sulfates portant ce nom.: la<br />

couperose verte ou sulfate ferreux, et la couperose bleue ou sulfate<br />

(le cuiv,'e.<br />

Bout,,re (bouture). D'après une note de Secousse: « lessive composée<br />

de plusieurs drogues dont on se servait <strong>au</strong>trefois dans les liostels<br />

des Monnayes etchez les orfèvres pour blanchir l'argent. iSavary<br />

Desbruslon, Dictionn. du commerce, <strong>au</strong> mot bouture: « C'est une<br />

lessive composée de lie de vin sèche, bien battue, de sel et de quelques<br />

<strong>au</strong>tres ingrédiens....» -<br />

Fueji de fu.teii. Dans le livre des métiers de Boile<strong>au</strong> nous relevons<br />

: « Nus tainturiers ne puet ne ne doit metre alun de houqu<strong>au</strong>z<br />

ne fuel defuelle (xni siècle). Fagniez, Etudes,loc. cil., admet (à la<br />

suite d'une note de 9322 qui se trouve en marge d'un manuscrit du<br />

Livre des métiers et qui dit « marchandise de prelle dont on fait le<br />

fuiel u) que le fuel ou fuiel était n matière colorante de l'orseille.<br />

Nous ne partageons pas cette opinion, car les propriétés tinctoriales<br />

des lichens du genre de l'orseille ne furent reconnues qu'en 13oo<br />

(le Livre de Boile<strong>au</strong> ne devrait donc pas en parler), et pendant plus<br />

d'un siècle cette exploitation était restée entre les mains des Italiens.<br />

Depping en citant le règlement des <strong>drap</strong>iers de Bouen de 1385 qui<br />

défend l'emploi de fueil de fusteil, na pas tort d'en déduire (r que<br />

la défense imposée <strong>au</strong>x teinturiers de Paris ait siècle portât<br />

également sur l'emploi de feuilles de fustel a. A moins qu 'on admette


- 38 -<br />

l'alun, le tar1r, crème de tartre, vinuni lapiduni<br />

(lapide vini 1278,Hans. Urk. hucli, vol. I, 278) winsten,<br />

(tarif de 1252) qui était un article de commerce très<br />

important, on l'employait généralement cii combinaison<br />

avec l'alun pour le mordançage. La cendre.elavelée<br />

nous semble être le produit obtenu par incinération'<br />

de la lie dd vin plutôt que le produit de la calcination<br />

du tartre, qui lui-même avait une trop grande valeur<br />

marchande pour le transformer en un produit d'une<br />

valeur bien inférieure. La « chendre floerecli, weedasschen<br />

ou waid-aschen n était une qualité de cendres<br />

spéciales qu'on employait pour le montage de la cuve<br />

du bleu de waide I; outre cela, on employait de la ch<strong>au</strong>x<br />

que dans le texte do 1385 il manque une virgule entre de fneil et de<br />

fusteil.<br />

Fusteil, fustet. Fustel ou fi.istie (lihus cotinus). Arbrisse<strong>au</strong> dont<br />

le bois donne un colorant j<strong>au</strong>ne.<br />

<strong>Le</strong>onh. Fuchs dans la première moitié du xvi 0 siècle fait la distinction<br />

entre deux sortes de queue de cheval « l'une est plus longue,.<br />

nommée d'<strong>au</strong>cuns herbiers Asprella etc. n (édition française, Paris,<br />

154g iii-ra, chap. 17»).<br />

Matthiole, toc. cil-(P. 55 7) cite également 4 espèces de prelle, (1u'i1<br />

nomme ((queue de cheval»; d'après les bonnes figures doinées par<br />

cet <strong>au</strong>teur il est facile de reconnaitre le prêle (Equissetum) un<br />

italien « ispere]la », mais <strong>au</strong>cune de ces plantes ne permet un rapprochenient<br />

avec l'orseille.<br />

Noir de ch<strong>au</strong>dière ou de n,oléc. Fagniez, Etudes, toc ' cil., page 237,<br />

cite plusieurs arrêts tirés des registres du Châtelet prononçant des<br />

condamnations pour emploi du noir de moulée prohibé. Il donne<br />

également une noie sur la composition du noir de moulée que nous<br />

reproduisons ici « Nota-, Du noir de ch<strong>au</strong>dière appelé molée qui se<br />

fait çlescoee (l'<strong>au</strong>lne et de lymon qui est en une meulle tout hoully<br />

ensemble et si y incitent de la limaille de fer on lieu de moItée<br />

Ioullu en vin aigre. » Livre du Chât, vert vieil. 2° 1°, XXI [I, y0.<br />

- Ces cendres étaient principalement fournies pu[- les pays du<br />

nord (Norvège) cl étaient obtenues par l'incinération du bois des<br />

pins. - -


- (iÇ) -<br />

vive (liii, en combinaison avec les cendres, donnait<br />

naissance à la soude ! c<strong>au</strong>stique employée dans la teinture<br />

de waide 1 . II était défendu de mettre ces deux<br />

ingrédients dans la cuve, pour éviter le précipité du<br />

carbonate (le ch<strong>au</strong>x dans les <strong>drap</strong>s, ce qui leur <strong>au</strong>rait<br />

donné un aspect poudreux, mais on n'ajoutait la lessive<br />

qu'une fois que le dépôt s'était fait. Cette préc<strong>au</strong>tion<br />

indique un état très avancé de l'art de la teinture et<br />

en effet l'art du teinturier rie se bornait pas à la production<br />

'de couleurs élémentaires comme vermeilles,<br />

sanguines, paonnaces, etc. on est vraiment étonné de<br />

rencontrer des dénominations de coloris comme, « appelhloesserne<br />

u laken, couleur de fleur de pommier,<br />

perkersbloesscme u, Ileurde pêcher', « rozeyd laken »<br />

<strong>drap</strong>s rosés°; outre, cela on rencontre des <strong>drap</strong>s gris<br />

clair ou gris foncé, gris couleur de u doz d'asne 4 u; du<br />

Item, ke Tins tainteniers la u on laint draes ne jeLèehe ne ne<br />

fache jeter candi en le c<strong>au</strong>dière descoupes (à la pelle), ne <strong>au</strong>trement.<br />

Mes s'il voelent avoir lissive il le pueent bien faire en une<br />

estande (cuve) estant d'en costé le e<strong>au</strong>dière. Et quant celle lissive est<br />

clère, de le clere pueen L il bien mettre en le c<strong>au</strong>dière sans fourfait-. ,,<br />

(2 mai '3og). Archives d'Ypres livre des Keures, cc Cli'est des tainteniers<br />

à le e<strong>au</strong>dière.» Nous trouvons une disposition analogue pour<br />

les teinturiers d'Arras, registre mémorial de la ville d'Arras, ,354 à<br />

'383.<br />

T « Item pour 2 <strong>au</strong>nes de fleur de pesehier, etc. » Compte de<br />

Geoffroi de Fleuri, dans Comptes de l'argenterie des rois de Fronce<br />

ni' xiv 0 siècle, par L. Douiit-d'Arcq, p. ï. Nous retrouvons encore<br />

les désignatiops de fleur de pommier et de pêcher <strong>au</strong> xvii' siècle dans<br />

les ordonnances concernant la teinture des <strong>drap</strong>s, du alois d'août,<br />

1669, 5, XXIII.<br />

Item une robe d'escnrllate rosée de à garnemena. Douct-d'Arcq,<br />

leu, cil., page 30.<br />

n <strong>Le</strong>dit Parceval, pour 7 <strong>au</strong>nes d'un gris de Broissclies coulen<br />

de doz d'asne Douet-riArcq, leu, cil., page 288.


- 70 -<br />

vert clair, vert gay, ou vert prairie (Licht groen), la<br />

désignation de liclit et doncker clair et foncé se trouve<br />

appliquée à tous les coloris.<br />

Nous ne pourrions affirmer que les teinturiers en<br />

<strong>drap</strong>s connaissaient déjà ]e tour ou tourniquet (haspe)<br />

placé <strong>au</strong>-dessus de la ch<strong>au</strong>dière et mû à]n'as d'hommes.<br />

Rien dans les textes que nous ,avons parcourus ne permet<br />

une semblable supposition. Nous pensons que le<br />

mouvement de la pièce dans le bain de teinture s'effectuait<br />

à l'aide de petits crochets (crampons) que le teinturier<br />

en bleu de cuve emploie encore <strong>au</strong>j ourd'hui et à<br />

l'aide desquels il tient la pièce <strong>au</strong> large par les lisières<br />

et la fait tourner sous le bain de teinture. Ceci se fait<br />

pour empêcher l'oxydation de l'air pendant la teinture<br />

à la cuve. <strong>Le</strong>sguédronsdu moyen âge étaient naturellement<br />

forcés d'opérer ainsi pour la teinture des bleus.,<br />

mais le faisaient-ils également pour les <strong>au</strong>tres nuances<br />

ne demandant pas ces préc<strong>au</strong>tions, c'est ce que nous<br />

n'avons pu éclaircir. <strong>Le</strong> premier document figuré représentant<br />

le tourniquet sur la ch<strong>au</strong>dière que nous<br />

ayons rencontré est une gravure sur bois de 15 4o,<br />

contenue dans le Plictho de liosetti 1.<br />

Après la teinture, les <strong>drap</strong>s étaient rincés à fond<br />

puis étendus <strong>au</strong>x rames pour étre séchés; après le<br />

séchage, ils étaient remis <strong>au</strong>x tondeurs «à lin o,<br />

1 Gioanventura Bosin'ri, I-Victho de tarte de (cabri cite tflser/fla<br />

(exiger panni belle J3anbasi et sede, etc. in Venetia pet' Francesco<br />

flampazetto, ' 540, petit in-4 0 . Cet opuscule est le premier ouvrage<br />

irnprilné j traitant de l'art de I a teinture.


J''<br />

EXPOSITION DE NOTRE SUJET<br />

L'carlate, le « scat'laken n, était un <strong>drap</strong> à tondre ou<br />

à retondre. Be<strong>au</strong>coup d'<strong>au</strong>teurs, <strong>au</strong>xquels nous nous<br />

joignons, ont émis l'avis qu'<strong>au</strong> moyen âge les <strong>drap</strong>s<br />

n'étaient pas terminés dans leur pa ys de fabrication,<br />

mais qu'ils étaient vendus dans les foires et <strong>au</strong>x halles<br />

<strong>au</strong>x marchands de toutes nations, qui les importaient<br />

dans leurs pays, où ils les faisaient teindre et apprêter<br />

selon le goût (le la population'. Nous trouvons, pour<br />

les xur ci xivt siècles, de nombreux documents qui nous<br />

confirment cet état de choses 2 . Mais ce n'est pas à cette<br />

Sehmoller, Sirassburqer Tucher, loc. cil,, page 4 '8 « La plus<br />

grande partie des <strong>drap</strong>s était anciennement mise sur le marché sans<br />

être tondue. - Doren, Die Floren(iner Wolleniuchindusirie, Stuttgart,<br />

1901, in-8, exprime également cet avis page 24. - Sehartz,<br />

Englischc ifandelspolitilc, page 184. - or A. Schulte, Ge:chichle<br />

des luit. Verkehrs, toc, cil., page 7 ol , dit qu'on tondait également E<br />

Milan les <strong>drap</strong>s ultramontains.<br />

2 M. ESPINAS cite des exemples de <strong>drap</strong>s écrus (hIanc) pour Douai<br />

(Jehan Boine Brohe, Vieri.e/jahrsc/srifi., Il. 2. page 228).<br />

Nous avons sous les yeux ou compte de vente de <strong>drap</strong>s (lui fut fait<br />

à là halle di'pres en x3o2. - La première pale de eu compte se<br />

rapporte 'n une vente de 278 <strong>drap</strong>s teints se montant û la somme de -<br />

28,8' livres 2 sols. -. Puis 3ei <strong>drap</strong>s blancs « àcliaté et sanirneleit


- 72 -<br />

époque seulement qu'il f<strong>au</strong>l faire remonter cette pratique,<br />

car, logiquement, elle est bien plus ancienne.<br />

Ce n'est pas <strong>au</strong> moment oh nous trouvons en Flandre<br />

tille industrie <strong>drap</strong>ière des plus développées et des plus<br />

florissantes, (les corporations de teinturiers et de ionfleurs<br />

de <strong>drap</strong>s qui produisent des <strong>drap</strong>s d'une extrême<br />

finesse. qu'il f<strong>au</strong>t placer le début de cet usage 1 . Au<br />

pour les arbalestriers u, ces <strong>drap</strong>s cou<strong>Le</strong>nt L51 4 livres 13 s. 7 d.<br />

puis ces <strong>drap</strong>s furent donnés h teindre h toute une série de teinturiers<br />

et comme ils devaient servir à habiller uniformément les arbalétriers<br />

le compte pour tous ces <strong>drap</strong>s mentionne la nuance « araigne<br />

n.<br />

s Pour VI dras à taindre araigne<br />

n Pour XII dras à taindre araigne -<br />

« Pour XVIII dras à tairidre araigne.....etc.....n<br />

ii Aroigne se rapporte prohahlemen t h nue nuance grise couleur<br />

d'araignée, h moins qu'oit ne veuille lire s araenge » (orange) couleur<br />

que nous trouvogdans le grand règlement de teinture d'Ypres<br />

donné de iaqz h I3o9,. 45.....« et pièche de draes et araenge et<br />

roi jet et garnies. ....etc. ,<br />

Nous ne pensons pas qu'il faille chercher ici une synonymie entre<br />

notre ulualiCe s araigne et la qualité de <strong>drap</strong> « Iraingue u qui se<br />

fabriquait <strong>au</strong> moyen ftge. Cependant l'éditeur de Lacurite ajoute<br />

« Yraingne etait un <strong>drap</strong> de luxe fabriqué ordinairement à Ypres,<br />

fort h la mode sous les trois premiers Valois. - La même pièce<br />

signale un deuxième, état de Si <strong>drap</strong>s blancs vendus pendant la<br />

même année à la lnille <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s; puis une troisième série de qi<br />

<strong>drap</strong>s blancs nu prix de 842 livres i sol. - Ce long roule<strong>au</strong> de par.<br />

ccheniiu, qui indique de qui chaque pièce n été achetée, semble être<br />

une partie d'un livre journal tenu à la halle <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s. - Malheureusement<br />

ce document ne contient <strong>au</strong>cune indication <strong>au</strong> sujet de la<br />

qualité des <strong>drap</strong>s. (Diegericls e analysé sommairement cette pièce dans<br />

son Inventaire des Chartes et documents de la ville d' Ypres, tome i,<br />

1853, page 182.)<br />

Noirs trouvons déjà dans le poème do moine 'le fleichennu « conflictus<br />

cris etlini u, qu'on place dans la première moitié du xi' siècle,<br />

les <strong>drap</strong>s bleus foncés et verts des Flandres énumérés comme<br />

destissus des plus Uns. - Un tonlieu du milieu du xii' siècle de la


-73-<br />

xiii 0 et <strong>au</strong> xivt siècle, on vend encore des <strong>drap</strong>s blancs<br />

(écrus) à côté de nombreux <strong>drap</strong>s teints. <strong>Le</strong>s ac1ietèurs<br />

pour des raisons économiques, ou tenant compte du<br />

goût de leurs consommateurs, ont conservé l'ancien<br />

usage. Mais très souvent ils font teindre ces <strong>drap</strong>s sur<br />

place même, avant de les expédier à leur clientèle. .11<br />

est difficile, d'<strong>au</strong>tre part, d'assigner une date approximative<br />

à l'origine de cet usage. Il est cependant admissible<br />

qu'avant le commencement du xi 0 siècle les habi<br />

tanis des républiques italiennes, bien plus experts dans<br />

l'artde la teinture cl de la tonde des <strong>drap</strong>s, venaient<br />

dans les Flandres et en France acheter des <strong>drap</strong>s écrus,<br />

des u scarlaken », <strong>drap</strong>s à tondre, <strong>au</strong>x foires de Saint-<br />

Denis, foires locales d'<strong>au</strong>tres villes de Flandre et du midi<br />

de la France. rance. <strong>Le</strong>s vendeurs de ces tissus, sachant qu'ils<br />

devaient être retondus ailleurs, ]es désignaient simplement<br />

de <strong>drap</strong>s à tondre. Fin du xii' siècle, ou <strong>au</strong> plus<br />

tard <strong>au</strong> commencement du xiii, nous nous trouvons, à<br />

Florence, en présence d'une corporation despécialistes<br />

apprêteurs, organisée ci très développée'. Ils achètent<br />

ville de Gênes signale déjà les u parmi (I\pre u, et ce n'étaient certainement<br />

pas des <strong>drap</strong>s blancs, car un ne les désignait pas par le<br />

,wni de la ville do t igine. - li s'agit bien là de <strong>drap</strong>s terminés à<br />

Ypres et qui avaientdéjà, à cette époque, de la répiztatiora (Mémoire<br />

sur le commerce de Gênes composé en 1798 par le P. S,ozu y i conservé<br />

en manuscrit <strong>au</strong>x archives de Turin.)<br />

Une immatriculation des membres de la Cali,nala (le n5 donne,<br />

pour cette année, plusde zoo boutiquiers exerçant cet art. (Archivio<br />

dette arti. Aric di Porta S<strong>au</strong>ta Afaria Traitato anlico dell'A rie delta<br />

scia, publié pal GÂI,OIOLLI, 868, pièces justif., n° VI, page 287.)<br />

PA0rCJ Nt Delta decinaa, te 'ne Il, page 104, dit de « l'Arte di En lin,<br />

nIa di panai F m'a ,ieeseh j et 01 trarnon tan i a, qu'en 1338 il y avait<br />

encore 20 ateliers qui faisaient venir la mille <strong>drap</strong>s par an dune<br />

valeur de 3oo.000 florins d'or. Ace moment, d'après le même <strong>au</strong>teur,


-74—<br />

les <strong>drap</strong>s écrus en Flandre et en France et les apprêtent<br />

et les teignent chez eux. Ces <strong>drap</strong>s, appropriés spécia-.<br />

lement <strong>au</strong>x goûts des nations d'Orient, sont exportés<br />

par l'entremise des Vénitiens. Mais mie partie de ces<br />

<strong>drap</strong>s revient cependant en France, en Angleterre et<br />

probablement encore dans d'<strong>au</strong>tres pays (le l'Europe<br />

centrale après finissage. Ce n'est que plus tard que se<br />

développe à Florence l'industrie <strong>drap</strong>ière, proprement<br />

dite u l'Arte della lana (voir n pte i, page 73-74). Nous<br />

trouvons également, à . Montpellier, vers la fin du<br />

xn° siècle, la teinture des <strong>drap</strong>s en rouge à l'aide de la<br />

graine, suffisamment développée pour motiver une<br />

interdiction <strong>au</strong>x étrangers de teindre en rouge du toute<br />

<strong>au</strong>tre couleur (Petit T/uila.mus, page 137). Il est bien<br />

probable que non seulement on teignait, id Montpellier,<br />

les <strong>drap</strong>s fabriqués dans la ville même, mais que des<br />

<strong>drap</strong>s du midi de la France y étaient expédiés u en<br />

blanc u, pour être teints et apprêtés. Marseille était<br />

également renommée pour la teinture des <strong>drap</strong>s en<br />

volige. (A Venise <strong>au</strong>ssi on teignait des <strong>drap</strong>s fins en<br />

kermès.) Cette industrie française d'apprêt semble<br />

cependant avoir été relativement peu importante en<br />

comparaison de la Calimala. L'exportation des <strong>drap</strong>s<br />

écrus, que les Florentins et les Vénitiens appelaient les<br />

o panni Franceschi o, était encore, <strong>au</strong> commencement<br />

il avaitdéjh 200 houtques de <strong>drap</strong>iers (faisani partie de l'A rte della<br />

loua, s'occupant de la fabrication complote des <strong>drap</strong>s de laine) qui<br />

produisaient annuellement 70 Ù So,000 pièces de <strong>drap</strong>s. - La Ç;d j -<br />

main était en décadende, t'est l'Arte della boa devenant de jour eu<br />

jour plus puissante qui faisait disparaître, petit à petit, cette corporatio,,<br />

d'apprêteurs qui avait joué un si grand rôle à la lin (lu<br />

xll Û et <strong>au</strong> commencement dt' xiI 1e siècle.


Jo -<br />

du x tve siècle, très importante, et les prud'hommes<br />

du métier de la <strong>drap</strong>erie jugeant qué le pays et les<br />

<strong>drap</strong>iers pouvaient retirer un intérêt bien plus grand<br />

en teignant et en apprêtant eux-mêmes ces <strong>drap</strong>s, Philippe<br />

V, dans la grande ordonnance sur la <strong>drap</strong>erie de<br />

Carcassone, Béziers et <strong>au</strong>tres localités ressortissant à<br />

la sénéch<strong>au</strong>ssée de Carcasson, interdit l'exportation<br />

de ces <strong>drap</strong>s et de tout ce qui pouvait intéresser l'art<br />

de la <strong>drap</strong>erie: matière première, drogues de teinture,<br />

ustensiles, etc., en février 13171 (13 18, n, st.).<br />

<strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>s blancs, écrus qui se trafiquaient ainsi, surtout<br />

<strong>au</strong> début, étaient simplement foulés et peut-être lainés<br />

et tondus en blancs, par le tondeur à table mouillée,<br />

c'est-à-dire après avoir reçu des apprêts tout à fait élémentaires.<br />

<strong>Le</strong> nom de o scarlaken «écarlate leur était<br />

resté même <strong>au</strong> xii 0 siècle où l'on commençait à teindre<br />

et à apprêter les <strong>drap</strong>s fins dans leur pays d'origine.<br />

Nous avons rencontré pour la première fois le mol<br />

écarlate dans l'acte de donation de l'empereur Henri III<br />

qui est du milieu du xr siècle 2 Puis, à peu près<br />

à la même époque, dans le dictionnaire de JEAN DE<br />

GARLANDE OU DE GALANDE (composé dans la seconde<br />

moitié du xP siècle 3).Au xu° siècle, dans Petrus M<strong>au</strong>ri-<br />

La même interdiction avait déjà été faite en 13o3 par Philippe<br />

le Bel en i3i5 cette interdiction fut levée et finalement remise en<br />

vigueur par lordonnance que nous venons de citer.<br />

2 Que nous avons cité page 22.<br />

Il dit <strong>au</strong> sujet des <strong>drap</strong>iers.- « Pannarii, mania cupiditate fat-<br />

]aces, venclunt pannas albos et nigros, camelinos ethiodios, brunetiras<br />

et virides et searlatieos, radiales et stanfordios a L'<strong>au</strong>teur cite<br />

pèle-môle des qualités de <strong>drap</strong>s et des coloris, de sorte qu'on ne peut<br />

dire dans quel sens l'<strong>au</strong>teur emploie ici le mot écarlate; nous citons<br />

cet exemple à c<strong>au</strong>se de sa date relativement reculée. - -


- 76 -<br />

tins • ( In OrL en 1157), puis on le rencontre fréquemment<br />

dans les inventaires, dans la littérature populaire, dans<br />

les ordonnances et dans les tarifs de tonlieu. Toutes<br />

ces citations que nous faisons suivre se rapportent à<br />

un tissu et non à une couleur 2<br />

In Statutis Clunioceusibus, cap. 18 « Siatu,n est ut nulles SCaN<br />

latas. ut barracanos vel pretiosos hurellos tintent t.. Il cite dés<br />

qualités de <strong>drap</strong>s sans indication de coloris, ni pour les uns m pour<br />

les <strong>au</strong>tres,<br />

• <strong>Le</strong> premier Roman de la Pose ou Guill<strong>au</strong>me de Dôle qui est de la<br />

fin du xl,' ou tout <strong>au</strong> moins du commencement du xiii' siècle Lait<br />

revêtir à son héros une magnifique robe « d'esearlate noire comme<br />

mûre». -<br />

« D'un mantel descariate gris.<br />

Est afublez é jenx vestes. s (Chron. des ducs de Normandie,<br />

tome I, p. 351).<br />

Vers 1281, dépenses Laites <strong>au</strong> sujet de ].a d'un enfant<br />

du comte de Flandre présents offerts à la comtesse par les villes de<br />

Flandre. (D'après Dehaisne, loc. cil-, tonte j, P. 7 5) .....<br />

« item les presens de le ville de Gand ..... quatre esearllates<br />

roiges, item quatre escarllates bruns sanguins s.<br />

« Pour Lourer la robe madame de eseallate noire du Noël s.<br />

(Mah<strong>au</strong>t, toc. cil., 1.314, P. '°)<br />

« Une escallate roue de Gand et destainte s. (Mab<strong>au</strong>t, i3z4, p ' 'p4).<br />

« A «La me Ysa bel du Tramblai pourr 1111 <strong>au</strong>nes d'escalla te roiée j,<br />

• Il files de soucié XXX S.l'<strong>au</strong>ne, et 1111 <strong>au</strong>nes et i quartier de fleur<br />

• de pesehter XXII S. l'<strong>au</strong>ne pour faire une robe extraordinaire pour<br />

• Robert Monsgr. X 1h Xlii S. VI d. (Mah<strong>au</strong>t, ,3t4).<br />

« Item V <strong>au</strong>nes de esearlate marbrée b faire c<strong>au</strong>ehes polir no dit<br />

• seigneur pour III j llw. » (Mah<strong>au</strong>t, t , p. 4t 3).<br />

Dans le livre de comptes de Johann Tôlner (i345-05e), publié<br />

pal' ICoppinanu, Rostock, 885 nous relevons pro 3 alois allai<br />

searlatiei...., » (page uC) et u pro 7 ulnis stripatiei searlatici.... »<br />

(page 5).<br />

Ordonnance de foire de Cologne, 136o .....(D'après Keutgen<br />

Urkunden zut' stiidtischeu Verfnssungsgesehichte, l3erlio, «go' (p' 327).<br />

4 . lad men sal nenien van deme ganzen scharlachen doiehe eyes<br />

nen hatveu Gulden, van de,nc langen «biche zwcne aIde groissen<br />

« md van deme kurteu eynen alden groissen ......3. Item van deme<br />

« stryfden eyheu li alven aldeu groissen md van dore sehar-


- 77 -<br />

• Nous venons de relever des écarlates de toutes nuances,<br />

des rayées et marbrées et en effet écarlate ne<br />

signifie pas une seule qualité de <strong>drap</strong>, mais bien une<br />

catégorie de <strong>drap</strong>s fins qui deviennent des écarlates<br />

comme l'indique notre étymologie, par les apprêts et<br />

spécialement le tondage'. Ce qui confirme encore notre<br />

opinion est le fait que nous avons parcouru un très<br />

grand nombre d'anciennes keures et règlements cil vue<br />

de retrouver des dispositions particulières, des règlements<br />

de fabrication pour les écarlates, mais nous<br />

n'en avons trouvé ni eu Flandre ni en France. Nous<br />

trouvons des indications pour le nombre de fils de<br />

cliaine, qualité des laines, durée du foulage pour les<br />

Estamfors, Afforchies, Derdeline, Dickedinn, Pifelars,<br />

Karsayes, etc., etc. Mais nulle part il n'est question<br />

d'une réglementation pour la fabrication des écarlates.<br />

Par contre, nous rencontrons des règlements pour la<br />

fabrication de <strong>drap</strong>s désignés simplement de t <strong>drap</strong>s<br />

fins o, <strong>drap</strong>s larges, etc. Sans <strong>au</strong>cun <strong>au</strong>tre qualificatif,<br />

ces <strong>drap</strong>s pouvaient devenir des . o écarlates n par le<br />

finissage. Dans la sentence rendue en 1270 pour les dra-<br />

lachen z'vene aide groissen md dit is ze verstan van doute<br />

• Gewa ide van Brabant i,id van Viand ren<br />

1.386 (Froissart, 1, 3 c eh. cxxxiv.) Li fut cejour le roy de Portugal<br />

• vestu de blanche écarlate à une vermeille croix de S. Georges n.<br />

« 1328. Item, onze <strong>au</strong>nes deseariate blanche, présié 13l. » (Inven-<br />

(aire de Clémence de Hongrie, Douét-d'Arcq, Nouve<strong>au</strong> recueil de<br />

comptes de l'Argenterie, Paris, i8-,4, page 72).<br />

• Nous en trouvons un exemple dans l'énumération des <strong>drap</strong>s<br />

saisis à Calais Comme appartenant ïï (les bourgeois de Saint-Orner<br />

lors des troubles de '3o6. <strong>Le</strong> bailli porte à lavoir de Gilles Alhere,<br />

écheviil de Saint-Orner; seize pièces de <strong>drap</strong> six <strong>drap</strong>s blancs<br />

e dont oit fait <strong>escarlate</strong> », pois (les écarlates sanguines, etc... (Mah<strong>au</strong>t,<br />

loc. cil., p iGS.)


piers rie Paris fixant les prix de façon des différentes<br />

qualités de <strong>drap</strong>s, il n 'est pas question d'écarlate cl<br />

pourtant on y trouve une énurnéralion•ti'ès étendue des<br />

qualités de <strong>drap</strong>s qui se fabriquaient à celle époque.<br />

On pourrait nous objecter que Paris n'était pas renommé<br />

pour la fabrication des écarlates cL que dès lors<br />

il n'y a rien d'étonnant à ne pas trouver rie réglementai<br />

on spéciale se rapportant à ces étoffes. Nous<br />

avons également parcouru minutieusement les règlements<br />

de la ville d'Ypres, qui produisait <strong>au</strong> moyen<br />

âge des écarlates renommées, ceux de Bruges et bien<br />

d'<strong>au</strong>tres. Gand qui était également renommée pour la<br />

fabrication de ses <strong>drap</strong>s écarlates a conservé très peu<br />

(le chose <strong>au</strong> sujet de ses anciennes ordonnances sur la<br />

fabrication des <strong>drap</strong>s <strong>au</strong> moyen âge.<br />

<strong>Le</strong>s écarlates étaient des tissus fins et de grande valeur1.<br />

Dans un ouvrage composé <strong>au</strong> commencement du<br />

nu° siècle (1211), Gervasius Tilberiensis e otio imperialia<br />

ad 011onem IV. » dit <strong>au</strong> chapitre III, 55. De<br />

vermiculo....o .Vermiculus Inc est, quo tingunlur<br />

Sehmoller,Sirassliurqer. toc, cil., p426, dit « A en juger, d'après<br />

le droit de tonlieu qui était, prélevé sur le <strong>drap</strong> écarlate, ce tissu<br />

avait une vateiir 20 fois plus grande que les <strong>drap</strong>s de Strasbourg.<br />

KOPPIANN. Tù'lne,', toc, cil , dit « Dans l'os villes de l'Allemagne<br />

du Nord l'écarlate était connue depuis longlernps <strong>au</strong> milieu du<br />

XIV' siècle, mais apparemment à c<strong>au</strong>se de son h<strong>au</strong>t prix, on ne a<br />

rencontrait pas fréquemment<br />

A Wismar. en i34, on ne permettait l'apport de <strong>drap</strong>s écarlates<br />

qu'il condition t i ti e la dot se montât à ioo mares d'argent « Item<br />

111111115 do hi t tain vol nepl i sue seha]'l aticu in pu nu '1m. n isi d cd erit<br />

sibi nomi lic doLalicii cejiltiin maltas argenti. (Koppmono, T6l,iei',<br />

P. xxxiv). -


- 79<br />

pretiosissilfli regum parmi, sive serici, ut examilii<br />

sive lanei ut scliarlata . Cet exemple nous. montre<br />

encore que le <strong>drap</strong> ne devenait pas un écarlate par<br />

suite de la teinture en graine, mais qu'on teignait<br />

également entre <strong>au</strong>tres qualités de <strong>drap</strong>s les écarlates<br />

en graine.<br />

Ces <strong>drap</strong>s de luxe étaient portés par des personnages<br />

de h<strong>au</strong>te lignée, par les.chevaliers et la riche bourgeoisie.<br />

<strong>Le</strong>s princes faisaient cade<strong>au</strong> de <strong>drap</strong>s écarlates à<br />

leurs vass<strong>au</strong>x. <strong>Le</strong>s villes <strong>drap</strong>ières offraient en cade<strong>au</strong><br />

des pièces de <strong>drap</strong> écarlate <strong>au</strong>x personnages de h<strong>au</strong>te<br />

noblesse, à leurs princes lorsqu'ils faisaient leur entrée<br />

solennelle.<br />

Douèt-d'Arcq dans sa , notice sur les Comptes .c/e'<br />

l'Argenterie, page xviii, dit <strong>au</strong> sujet de l'écarlate: « <strong>Le</strong>s<br />

• écarlates tiennent le premier rang parmi les étoffes<br />

• de laine. C'étaient les <strong>drap</strong>s les plus riches et les<br />

• plus estimés. On s'en parait dans les occasions so-<br />

« lennelles. C'est ainsi qu'<strong>au</strong>x réceptions de - la cheva-<br />

« lerie, les nouve<strong>au</strong>x chevaliers étaient presque ton-<br />

« jours revêtus de mante<strong>au</strong>x d'écarlate. <strong>Le</strong>s Flandres,<br />

u et surtout Bruxelles semblent avoir excellé dans la<br />

u fabrication des écarlates Si <strong>au</strong> début l'écarlate<br />

t Voici quelques exemples de la valeur des <strong>drap</strong>s écarlates<br />

Mah<strong>au</strong>t paie 45 livres polir « une eseallate noire achetée par Guill<strong>au</strong>nie<br />

de Neanhon pour faire une robe pour Madame, quant Robert<br />

Monsgr. fu mort ". (Mah<strong>au</strong>t, foc. cil., P. 184).<br />

« Authoinne Brun, <strong>drap</strong>ier, pour 2 escarlattes de ]3roixelles,<br />

s acha<strong>Le</strong>z de lui en février, et délivrés par la cédule du Boy, ren-<br />

« due à cour[, pour faire robes et mante<strong>au</strong>x <strong>au</strong> chancellier (le Fiance<br />

« et i'évesque de Choalons... Pour a<br />

1 escus, 12 S. la pièce, va -<br />

lent t s liv. 12 s... o (Douit.d'Areq. Comptes, p.<br />

« 5' D'eus (des tailleurs du roi) pour 20 paires de robes d'escarl-


- 80 -<br />

avait eu le sens de couleur rouge et non de <strong>drap</strong> comme<br />

l'ont avancé certains <strong>au</strong>teurs, nous devrions reirouver<br />

l'expression d'écarlate ppliquée à d'<strong>au</strong>tres textiles que<br />

la laine; à la soie par exemple ; il n'y a <strong>au</strong>cune raison<br />

pour que ce mol soit resté attaché <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s de laine<br />

soit pour désigner lin coloris, soit plus tard pour prendre<br />

le sens de tissu.<br />

<strong>Le</strong>s <strong>drap</strong>s de soie unis, les tissus avec fils d'or e<br />

d'argent, les velours ne portent à <strong>au</strong>cun moment la<br />

désignation d'écarlate, mais bien vermeil, cramoisy,<br />

sanguin, rouge, ou la désignation technique e teint en<br />

graine n. Aucun <strong>drap</strong> de soie n'était soumis à l'opération<br />

de la tonde, si le mot écarlate n'est pas appliqué<br />

<strong>au</strong>x tissus de soie, soit dans le sens de couleur, soit<br />

dans celui de tissu, cela serait un argumenl en faveur<br />

de notre étymologie. Dans les anciens romans de chevalerie,<br />

dans les fabli<strong>au</strong>x, chansons de gestes, nous ne<br />

pensons pas qu'on rencontre le mot écarlate comme<br />

« laie vermille pour chevaliers nonvi<strong>au</strong>s..., etc. n (Douit-cl'Arcq,<br />

P. io).<br />

Gaillard, dans son Glossaire flamand, p. 562, cite un extrait de la<br />

chronique de Despars qui établit une distinction formelle entre le<br />

scaeriaken et le <strong>drap</strong> ordinaire. Voici ce que nous lisons dans la<br />

description du cortège qui alla <strong>au</strong>-devant du duc, en 1440, ii son<br />

arrivée h Bruges -<br />

« Daer naer volehden C ende xxxvi cooplieden van der dtiytsclier<br />

hanse te peerde, al in rooden seharMkeue ghecleet... Die Milanesen<br />

waren al ghehabitueert (letton glietale van XI te peerde) in peersch<br />

seha,lak-ene cade haerlieder die nacra in pedrsch lakene.. Die van<br />

Catalongnen hadcle aile ghelijek violtette scharlakene habijten, maer<br />

liaeriieder ghesellen niet dan van violette lakene. » Cet extrait, à notre<br />

avis, démontre clairement que le. scarlakon était un <strong>drap</strong> de luxe et<br />

que ce mot n'avait <strong>au</strong>cun rapport avec le coloris, puisque nous trouvons<br />

les serviteurs ou valets habillés de même couleur que leurs<br />

mai tres, niais eu <strong>drap</strong> ordinaire (la ken) ci non en sen e rluk eu.


- 83 -<br />

gue liste des <strong>drap</strong>s de laine inventoriés sous -le Litre (le<br />

• Draps de laine cl <strong>au</strong>tres choses, estans es armaires<br />

• (le la dite Garde Robbe prisée par ledit Guillemin et<br />

• Andrieu Camp o, nous trouvons immédiatement en<br />

têle, toute une série d'écarlates de toutes provenances<br />

et, détail intéressant à noter, ces écarlates sont, presque<br />

toutes de couleur rouge , mais jamais le mot écarlate<br />

n'est employé comme qualificatif, toujours - comme<br />

substantif et dans le sens de <strong>drap</strong>s'.-<br />

Nous venons de parler des tissus de soie, mais également<br />

pour la désignation de coloris rouges dans d'ancien<br />

lies tapisserms, lernotécarlate n'est jam ais employé.<br />

<strong>Le</strong>s anciens recueils de secrets, concernant la tein -<br />

turc des 05., bois, crins, etc., préparations de couleurs<br />

pour la peinture, n'emploient jamais le mot écarlate.<br />

Si <strong>au</strong> début le mot écarlate avait eu conimc signiflcation<br />

<strong>drap</strong> teint en rouge de graine ou de kermès,<br />

tous ces <strong>drap</strong>s devraient èlre dsignés <strong>drap</strong>s écarlates<br />

or, nous pouvons établir d'une façon très nette la<br />

distinction entre le <strong>drap</strong> écarlate et le <strong>drap</strong> de laine<br />

teint en graine 2<br />

« Une escarlatte vermeille entière; item une pièce d'escarlatte<br />

• vermeille d'Engleterrc, «ne <strong>au</strong>be pièce d'esenrlatte vermeille de<br />

• Bi-ouxelles... une <strong>au</strong>tre pièce d'escnrlatte vermeille d'Ypres. ,,Nous<br />

relevons cependant une seule pièce d' o escarlalte violet cl'Ypres<br />

A Jchan le Charpentier pour un <strong>drap</strong> marbré de grayne acheté<br />

par ma main .....» (Mah<strong>au</strong>t, page 187).<br />

« Pour eue-même, la comtesse se fait confectionner Par Guillet<br />

Langlois une robe décarintte violette, présent de la ville de Saint-<br />

Orner, une <strong>au</strong>tre de saie (l'irlande teinte en graine. n Mah<strong>au</strong>t, i' i5.<br />

(<strong>Le</strong> tailleur pourdaniS existait, déjà <strong>au</strong> moyeu <strong>Age</strong>, nos Parisiennes<br />

n'ont donc lien innové sous ce rappori. <strong>Le</strong>s vêtemen ts, <strong>au</strong>tant des<br />

hommes que des femmes, se confectionnaient <strong>au</strong> moyen iàge par le


—M-<br />

Ce n'est donc pas par suite de la teinture en graine<br />

que le <strong>drap</strong> devenait forcément écarlate, mais bien par<br />

les apprêts spéci<strong>au</strong>x qu'on donnait à cette <strong>drap</strong>erie<br />

fine. Nous relevons, à côté des écarlates, (les expies<br />

sions comme « panus tinctus in grano, mixtus nom<br />

grano, ciras tains de graine n. La teinture en graine<br />

étant d'un prix relativement élevé, on ne la faisait que<br />

sur des <strong>drap</strong>s d'un certain prix, et, dans d'anciens, tonlieus<br />

on trouve des <strong>drap</strong>s teints en graine taxés,<br />

comme les <strong>drap</strong>s écarlates, niais la distinction entre<br />

les deux espèces de <strong>drap</strong>erie est très bien établie .<br />

Dans notre introduction, nous avons fait remarquer<br />

que les- écarlates étaient le plus souvent demandées<br />

tailleur; ce n'est qu'en u 75 que les femmes obtinrent le privilège<br />

de tailler et de coudre les vêtements.)<br />

« Pour V <strong>au</strong>nes de <strong>drap</strong> vermeil de graine dont on flst une Lunide<br />

destaint pour ilobert..... (Mah<strong>au</strong> t, 13 15, p. 33.)<br />

21 juillet 33 7 . Inventaire des meubles du sire de Nasle (daprês<br />

Dehaisne, L. I, p. 315) Item III pieches de dias de rouge grainue n,<br />

mai 1904. Inventaire de Philippe le Hardi, Debaisne, t. Il, 849.<br />

((-Item unelongue houpellande de camelot en graine n.<br />

t gG. Dans le testament dc Guill<strong>au</strong>me de Ilain<strong>au</strong>t, évêque de Cambrai,<br />

nous relevons « A le feme Jetant de Relenghes, no robe rouge<br />

de graine » (Dehaisne, t 1, p. 88):<br />

Dans un tarif douanier de ,3o3, donné par le Roi d'Angleterre,<br />

Edouard I -<strong>au</strong>x Allemands et <strong>au</strong>tres négociants étrangers, nous<br />

relevons -<br />

« item duos solidos de qualibet scanda et piano tincto<br />

« in grano, item decem et octo denarios de quolibet panna in quo<br />

pars grani fuerit intermixta, item duodecim denanios de quolibet<br />

« panno nlio sinègrano s (Hoelilb<strong>au</strong>m liansisclies Urkundenbueh,<br />

L U, p. 17), On fait payer le même tonlicu pour les <strong>drap</strong>s teints en<br />

graine pure que potin les écarlates.<br />

Van elkem laken ungegreynt (2 d., wat vul gegreni ys 2 5.<br />

s unde vat balf gagnent ys 18 d. ', (lCopp. Ilanserecesse a, p. 82.


- 85 -<br />

teintes en rouge à la graine, et les artisans prirent tIc<br />

bonne heure l'habitude de donner le nom d'écarlate <strong>au</strong>x<br />

<strong>drap</strong>s fins teints en graine, - l'exclusion des <strong>au</strong>tres<br />

nuances teintes sur ces <strong>drap</strong>s fins la graine elle-môme<br />

fut désignée graine d'écarlate. Cette confusion, de<br />

la pari de l'artisan (<strong>drap</strong>iers et teinturiers), si nous<br />

pouvons nous exprimer ainsi, fut faite de bonne heure;<br />

dès le commencement, du x t vC siècle strement, peutêtre<br />

même déjà fin du xl.11c<br />

<strong>Le</strong>s gens' de métier avaient-ils eu pour habitude,<br />

avant cette époque, de désigner le <strong>drap</strong> fin destiné à<br />

être tondit ou reto ndu par écarlate, ou cette expression<br />

n'était-elle pas courante ` en langage technique ?<br />

Comme nous l'avons déjà expliqué ailleurs, nous supposons<br />

que écarlate était une expression populaire et<br />

- commerciale pour désigner les <strong>drap</strong>s fins. <strong>Le</strong>s gens de<br />

métier ne devaient pas l'avoir employée comme terme<br />

d'atelier. Mais ce sont eux qui, à force de teindre toujours<br />

ces <strong>drap</strong>s fins en graille, en étaient arrivés, les•<br />

premiers, k ne désigner par écarlate que le <strong>drap</strong> fin<br />

teint en ronge de graine et môme de donner le qualifi-<br />

On trouve, dans l'ordonnance do 17 février 1350 (ne u y . st.), reinlive<br />

A un impôt pli doit, étre levé sur les habitants de Paris et des<br />

f<strong>au</strong>boni'gs, 1f, graine qualifiée de e graitie (l<strong>escarlate</strong> M. Ordonnances<br />

des rois de France, t. il, p. 3i8,<br />

- . .. et les <strong>drap</strong>s titans qui ontic coi-del (lisière) deden ï., doivent<br />

esire 1cm5 en mire graine d<strong>escarlate</strong> et non en <strong>au</strong>tre tainture.....<br />

(Règlement pour les <strong>drap</strong>iers de la ville (le Rouen, 13 7 8. Ordonn.<br />

des Buis de Fiance). .<br />

« Item à Girart Faridan de Pa pis et fi laque Féne, lombàrt de<br />

Saint-Mai-col, pour in teinture de graine desdis M (Iras tains en<br />

escallale vermeille, X\'[ll 1. la pièce, valent lic XVtIb. o (Compte<br />

(le IhôLci de là comtesse d'Artois, 1317. Mah<strong>au</strong>t, P . 3g6.)<br />

J,-II. %V. G


86 -<br />

catifd'éc4rlate à la ivance rouge sur laine en bourre,<br />

obtenne avec ou sans kermès 1 . L'extension encore plus<br />

grande du mot écarlate dans le sens de couleur rouge,<br />

appliqué à d'<strong>au</strong>tres fibres textiles, par exemple h la soie,<br />

Nous trouvons Florence, <strong>au</strong> commencement (lit XIV siècle, le<br />

mot « scarlatto , employé comme adjectif (par les gens de métier)<br />

et désignant la • couleur ronge. Dans un tarif de teinture (d'après<br />

Doren, Studien nus de, florentine;' Wirlschaftsgesc/iirJie, p. 5o8 et s.,<br />

Stuttgart, ioi). valable du fi novembre t333 <strong>au</strong> 1'r juillet i334,<br />

flous relevons les prix de teinture pour les u StameLti (probablement<br />

Estainfors) alla frnnceschan en différents coloris comme» paonazzi<br />

e sdarlattini di robhia.... prix li llw ii. Dans ou tarif pour la<br />

teinture de la laine en bourre de i 344/4. u I. Lana d'Ingbillerra ....<br />

« coloci scarlattini .....6s. il. Lune grosse da Viii .....Lune scarlat-<br />

« tine s. ,,. Dans 'in tarir de j38 s Panni scarla tini .....tu lhr. as.<br />

Tarif de .i 463 u Parmi scarlatini per fini con la lhr. d'a Ilume e<br />

20 lhr. di ciocelii .....to Dar o.<br />

L'opinion émise par Ott (Euude sur les couleurs, lue. cil., p. i 3o),<br />

qu'écarlate signifie également ((<strong>drap</strong> fin de couleur rouge)> n même<br />

temps que u <strong>drap</strong> fin de toutes nuances ,', semble surtout basée sur le<br />

fait qu'il a trouvé des textes italiens du zut' siècle, ou scarla Lb,<br />

scarlattino est employé comme adjectif et dans le gens de. couleur<br />

ouge. Wons n'avons pu contrôler la chose pour le xiii' siôcle, mais<br />

<strong>au</strong> commencement du xl r, nous rencontrons fréc1uemmeu t le lait<br />

non seulement en Italie, alois également ailleurs comme le prouvent<br />

les exemples que nous avons cités précédemment -pour la Fiance.<br />

Il n'y <strong>au</strong>rait rien d'étonnant que la confusion ou -le c)iangemen I. de<br />

signification du mot écarlate se sait produit en premier lieu dans<br />

l'Italie du Nord, pays qui teignait de très bonne heure les <strong>drap</strong>s fins<br />

écarlate et tout spécialement en rouge ii la graine, pour les exporter<br />

en Orient. Il est cependant intéressant de noter que, même ab<br />

xv' siècle et également è Florence lorsqu'il- s'agit de « <strong>drap</strong>pi »<br />

(tissus de soie) <strong>au</strong> de soie teinte en écheve<strong>au</strong>x, l'expressipn " searlatto<br />

o pour le rouge n 'est pas encore employée. Dans le s Tratiato<br />

dell'arte della seta «, foc. cil., cap. LXXIII (tarif), on cite u Velluti<br />

chermisi, Zetani eliermoisi, Paso chermisi, taffettà cherinisi, bnffettè<br />

di grana », etc., etc. Ce qui prouverait, que, même titi siècle plus tard,<br />

scarlatto ne s'était pas encore introduit dans l'industrie de la soie<br />

pour désigner le rouge teint en graine. A l'époque qui nous occupe,<br />

scarlatto était devenu 'nie désignation de coloris rouge, mais ne<br />

s'appliquait encore qui> la fibre de laine.


- 87 -<br />

est d'origine score be<strong>au</strong>coup plus récente. Par contre,<br />

jusqu'<strong>au</strong> commencement du xvi 0 siècle; le langage<br />

populaire, les poètes et trouvères main tien nent le sens<br />

de <strong>drap</strong> fin de toutes nuances <strong>au</strong> mot écarlate, ainsi que<br />

les commerçants qui sont en contact avec le consommateur<br />

habitué de longue date -à cet état de choses: C'est<br />

de là que provient le fait qu'àune même époque (à partir<br />

du XIVC siècle) ou peut rencontrer le mot écarlate<br />

employé dans le sens de <strong>drap</strong> fin de toutes couleurs, ou<br />

dans le sens de <strong>drap</strong> fin rouge teint en graine. Dans le<br />

premier cas, on se trouve toujours en présence d'un<br />

document littéraire ou commercial (tonlieu, inventaire,<br />

etc.), dans lc ,second. il s'agira d'une ordonnance concernant<br />

les <strong>drap</strong>iers on teinturiers (pièce technique) ou<br />

un document renfermant des termes de métier émanant<br />

d'un artisan lui-môme.<br />

Un <strong>au</strong>tre argument en faveur de l'acception de <strong>drap</strong><br />

fin, <strong>au</strong> début, est le fait que les premières ordonnances<br />

de teinture (documents techniques) que nous rencontrons<br />

ne parlent jamais d'écarlate. Si écarlate-avait eu<br />

la signification de couleur rouge nous devrions.cerlainement<br />

rencontrer celle expression dans des règlements<br />

de teinture comme ceux de Montpellier qui se<br />

rapportent d'une façon toute particulière à la teinture<br />

des <strong>drap</strong>s en graine. Nous avons déjà dit ailleurs que<br />

la teinture en rouge était très ancienne À Montpellier.<br />

Guillem VIII avait promulgué en ii 8i, un statut défendant<br />

<strong>au</strong>x étrangers de teindre hMontpeilier <strong>au</strong>cuns<br />

<strong>drap</strong>s de laine avec la graine' (Pe(it Thala.m., p. 137).<br />

Déjà Gui)Iem V, dans son testament de i l2, mentionne la


L<br />

- 88 -<br />

La grande charte du 15 août 1204, dans son article<br />

j tu, fait: la même défense', Cette ordonnance<br />

contient cil outre nue restriction intéressante, qui<br />

nous permet d'en déduire que les <strong>drap</strong>s qu'on teignaii<br />

en rouge. à Montpellier étaient des <strong>drap</strong>s fins,<br />

des écarlates, car elle défend d'employer, pour la teinture<br />

des <strong>drap</strong>s o blancs » en rouge, <strong>au</strong>tre chose que la<br />

graine. e Nullus pannus laneus albus, tingatur in<br />

'rogi, ita quod rernaneat ruheus. rnsisolum modo in<br />

glana. (Thalamus de Montpellier, § iii. page :48.)<br />

En majeure partie ces <strong>drap</strong>s rouges teints à Montpellier<br />

étaient exportés en Orient par l'entremise des<br />

Italiens.<br />

¼<br />

L'industrie des <strong>drap</strong>s fins, destinés à un trafic hors<br />

des pays de production ayant pris naissance à un<br />

moment où la teinture ù la graine était connue et<br />

pratiquée de longue date, il est naturel qu'on appliquât<br />

ce genre de teinture vive, solide et relativement coûteuse,<br />

à ces <strong>drap</strong>s fins de prix, de préférence à toute<br />

<strong>au</strong>tre couleur. -Cette pratique était d'<strong>au</strong>tant plus justifiée<br />

que le moyen- âge avait une préférence bien<br />

marquée pour la couleur rouge. Dans i'antiquité la<br />

couleur rouge avait été le symbole de la divinité et de<br />

la puissance des princes, le moyen àge avait conservé<br />

cette tradition. <strong>Le</strong>s artistes, dans, leurs oeuvres polychromes<br />

(miniatures, verrières, etc.), revêtent le<br />

Christ après la résurrection de vêtements rouges ou<br />

blancs <strong>Le</strong>s grands dignitaires de l'Eglise portaient des<br />

<strong>drap</strong>erie et la teinturerie de Montpellier, d'après A. Gx1,MMN, 11Mfoire<br />

du commerce de ifonf,dflier, t. 1, 86,, p. 25,<br />

A. Germain, bu. cil., t. f, . 20.


w<br />

- 89 -<br />

vêtements pourpres et qui devaient être teints d'après<br />

les anciens procédés. <strong>Le</strong> rouge <strong>au</strong> moyen âge était<br />

<strong>au</strong>ssi quelquefois de couleur mortuaire. L'Angleteri'e<br />

avait conservé bien longtemps cette ancienne tracli-<br />

Lion 1 . <strong>Le</strong>s princes du moyen âge, leurs vasse<strong>au</strong>x, les<br />

chevaliers, les riches bourgeois àvaientiineprédilection<br />

pbur la couleur rouge. Mais c'est surtout chez les<br />

peuples de l'Orient, pour lesquels l'Europe et spécialem6nt<br />

les Flandres fabriquaient les <strong>drap</strong>s fins, que la<br />

couleur rouge jouissait d'une faveur spéciale. Mourâdja<br />

d'Hosson. dit que Mahomet portait des robes<br />

rouges le vendredi et les fêtes du Beyram. <strong>Le</strong>s empe<br />

reurs byzantins portaient des vêtérnents de couleur<br />

rouge. Rien de surprenant dès lors que, presque dès le<br />

début de la fabrication de ces <strong>drap</strong>s, ils furent: teints<br />

pour la plus grande part en rouge à ta graine et que<br />

les artisans habitués à ce genre de teinture donnèrent<br />

de bonne heure la désignation d'écarlate à la <strong>drap</strong>erie<br />

lin; teints en graine. Il nous semble intéressant de<br />

noter en terminant les différentes expressions employées<br />

<strong>au</strong> moyen âge pour désigner cette teinture en<br />

graine. <strong>Le</strong>s termes latins sont très clairs, techniques<br />

lincto in grano, vermiculatus, coccinus, coccineus<br />

<strong>Le</strong> terme français dérivé de verrhiculatus, vermeil,<br />

est généraletnent appliqué <strong>au</strong>x <strong>drap</strong>s de laine et de soie<br />

teinl.s en graine, mais il est <strong>au</strong>ssi employé pour désigner<br />

n'importe quel rouge vif. <strong>Le</strong>s <strong>au</strong>tres désignations<br />

pour la couleur rouge comme rufin, roige, sanguin,<br />

Même lors de la mort de la reine Victoria on hésita un moment<br />

dans le choix de la couleur officielle de deuil, ou du rouge ou du noir.<br />

A


1k<br />

- 90 -<br />

carmin, etc., s'appliquent à tons les genres de teinturc<br />

en rouge. <strong>Le</strong> mot « brasa », qu'on rencontre<br />

qùelquefois, est emprunté <strong>au</strong> germanique.<br />

Si cette petite étude (qui n'est qu'une éb<strong>au</strong>che)<br />

pouvait foprnir quelques renseignements intéressants<br />

<strong>au</strong>x chercheurs engagés dans la même voie, nous<br />

serions heureux de leur avoir été utile. Puisse-1-elle<br />

également suggérer l'idée de recherches analogues <strong>au</strong>x<br />

collègues qui se trouvent en contact avec l'industrie<br />

textile.<br />

n

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