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Chapitre I : Épigraphe<br />

<strong>De</strong> <strong>la</strong> <strong>servitude</strong> <strong>moderne</strong><br />

« Mon optimisme est basé sur <strong>la</strong> certitude que cette civilisation va s’effondrer.<br />

Mon pessimisme sur tout ce qu’el<strong>le</strong> fait pour nous <strong>en</strong>traîner dans sa chute. »


Chapitre II : La <strong>servitude</strong> <strong>moderne</strong><br />

"Quel<strong>le</strong> époque terrib<strong>le</strong> que cel<strong>le</strong> où des idiots dirig<strong>en</strong>t des aveug<strong>le</strong>s."<br />

William Shakespeare<br />

La <strong>servitude</strong> <strong>moderne</strong> est une <strong>servitude</strong> volontaire, cons<strong>en</strong>tie par <strong>la</strong> fou<strong>le</strong> des<br />

esc<strong>la</strong>ves qui ramp<strong>en</strong>t à <strong>la</strong> surface de <strong>la</strong> Terre. Ils achèt<strong>en</strong>t eux-mêmes toutes <strong>le</strong>s<br />

marchandises qui <strong>le</strong>s asserviss<strong>en</strong>t toujours un peu plus. Ils cour<strong>en</strong>t eux-mêmes derrière un<br />

travail toujours plus aliénant, que l’on cons<strong>en</strong>t généreusem<strong>en</strong>t à <strong>le</strong>ur donner, s’ils sont<br />

suffisamm<strong>en</strong>t sages. Ils choisiss<strong>en</strong>t eux-mêmes <strong>le</strong>s maitres qu’ils devront servir. Pour que<br />

cette tragédie mêlée d’absurdité ait pu se mettre <strong>en</strong> p<strong>la</strong>ce, il a fallu tout d’abord ôter aux<br />

membres de cette c<strong>la</strong>sse toute consci<strong>en</strong>ce de son exploitation et de son aliénation. Voi<strong>la</strong><br />

bi<strong>en</strong> l’étrange modernité de notre époque. Contrairem<strong>en</strong>t aux esc<strong>la</strong>ves de l’Antiquité, aux<br />

serfs du Moy<strong>en</strong>-âge ou aux ouvriers des premières révolutions industriel<strong>le</strong>s, nous sommes<br />

aujourd’hui devant une c<strong>la</strong>sse tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t asservie mais qui ne <strong>le</strong> sait pas ou plutôt qui ne<br />

veut pas <strong>le</strong> savoir. Ils ignor<strong>en</strong>t par conséqu<strong>en</strong>t <strong>la</strong> révolte qui devrait être <strong>la</strong> seu<strong>le</strong> réaction<br />

légitime des exploités. Ils accept<strong>en</strong>t sans discuter <strong>la</strong> vie pitoyab<strong>le</strong> que l’on a construite pour<br />

eux. Le r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t et <strong>la</strong> résignation sont <strong>la</strong> source de <strong>le</strong>ur malheur.<br />

Voilà <strong>le</strong> mauvais rêve des esc<strong>la</strong>ves <strong>moderne</strong>s qui n’aspir<strong>en</strong>t fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t qu’à se<br />

<strong>la</strong>isser al<strong>le</strong>r dans <strong>la</strong> danse macabre du système de l’aliénation.<br />

L’oppression se modernise <strong>en</strong> ét<strong>en</strong>dant partout <strong>le</strong>s formes de mystification qui<br />

permett<strong>en</strong>t d’occulter notre condition d’esc<strong>la</strong>ve.<br />

Montrer <strong>la</strong> réalité tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> est vraim<strong>en</strong>t et non tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> est prés<strong>en</strong>tée par <strong>le</strong><br />

pouvoir constitue <strong>la</strong> subversion <strong>la</strong> plus auth<strong>en</strong>tique.<br />

Seu<strong>le</strong> <strong>la</strong> vérité est révolutionnaire.


Chapitre III : L’aménagem<strong>en</strong>t du territoire et l’habitat<br />

« L’urbanisme est cette prise de possession de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t naturel et humain par <strong>le</strong><br />

capitalisme qui, se développant logiquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> domination absolue, peut et doit<br />

maint<strong>en</strong>ant refaire <strong>la</strong> totalité de l’espace comme son propre décor. »<br />

La Société du Spectac<strong>le</strong>, Guy <strong>De</strong>bord.<br />

À mesure qu’ils construis<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur monde par <strong>la</strong> force de <strong>le</strong>ur travail aliéné, <strong>le</strong> décor<br />

de ce monde devi<strong>en</strong>t <strong>la</strong> prison dans <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> il <strong>le</strong>ur faudra vivre. Un monde sordide, sans<br />

saveur ni odeur, qui porte <strong>en</strong> lui <strong>la</strong> misère du mode de production dominant.<br />

Ce décor est <strong>en</strong> perpétuel construction. Ri<strong>en</strong> n’y est stab<strong>le</strong>. La réfection perman<strong>en</strong>te<br />

de l’espace qui nous <strong>en</strong>toure trouve sa justification dans l’amnésie généralisée et<br />

l’insécurité dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s doiv<strong>en</strong>t vivre ses habitants. Il s’agit de tout refaire à l’image du<br />

système : <strong>le</strong> monde devi<strong>en</strong>t tous <strong>le</strong>s jours un peu plus sa<strong>le</strong> et bruyant, comme une usine.<br />

Chaque parcel<strong>le</strong> de ce monde est <strong>la</strong> propriété d’un État ou d’un particulier. Ce vol<br />

social qu’est l’appropriation exclusive du sol se trouve matérialisé dans l’omniprés<strong>en</strong>ce des<br />

murs, des barreaux, des clôtures, des barrières et des frontières… ils sont <strong>la</strong> trace visib<strong>le</strong> de<br />

cette séparation qui <strong>en</strong>vahit tout.<br />

Mais parallè<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, l’unification de l’espace selon <strong>le</strong>s intérêts de <strong>la</strong> culture<br />

marchande est <strong>le</strong> grand objectif de notre triste époque. Le monde doit dev<strong>en</strong>ir une imm<strong>en</strong>se<br />

autoroute, rationnalisée à l’extrême, pour faciliter <strong>le</strong> transport des marchandises. Tout<br />

obstac<strong>le</strong>, naturel ou humain doit être détruit.<br />

L’habitat dans <strong>le</strong>quel s’<strong>en</strong>tasse cette masse servi<strong>le</strong> est à l’image de <strong>le</strong>ur vie : il<br />

ressemb<strong>le</strong> à des cages, à des prisons, à des cavernes. Mais contrairem<strong>en</strong>t aux esc<strong>la</strong>ves ou<br />

aux prisonniers, l’exploité des temps <strong>moderne</strong>s doit payer sa cage.<br />

« Car ce n’est pas l’homme mais <strong>le</strong> monde qui est dev<strong>en</strong>u un anormal. »<br />

Antonin Artaud


Chapitre IV : La marchandise<br />

« Une marchandise paraît au premier coup d'œil quelque chose de trivial et qui se<br />

compr<strong>en</strong>d de soi-même. Notre analyse a montré au contraire que c'est une chose très<br />

comp<strong>le</strong>xe, p<strong>le</strong>ine de subtilité métaphysique et d'arguties théologiques. »<br />

Le Capital, Karl Marx<br />

Et c’est dans ce logis étroit et lugubre qu’il <strong>en</strong>tasse <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s marchandises qui<br />

devrai<strong>en</strong>t, selon <strong>le</strong>s messages publicitaires omniprés<strong>en</strong>ts, lui apporter <strong>le</strong> bonheur et <strong>la</strong><br />

plénitude. Mais plus il accumu<strong>le</strong> des marchandises et plus <strong>la</strong> possibilité d’accéder un jour<br />

au bonheur s’éloigne de lui.<br />

« A quoi sert à un homme de tout posséder s’il perd son âme. »<br />

Marc 8 ; 36<br />

La marchandise, idéologique par ess<strong>en</strong>ce, dépossède de son travail celui qui <strong>la</strong><br />

produit et dépossède de sa vie celui qui <strong>la</strong> consomme. Dans <strong>le</strong> système économique<br />

dominant, ce n’est plus <strong>la</strong> demande qui conditionne l’offre mais l’offre qui détermine <strong>la</strong><br />

demande. C’est ainsi que de manière périodique, de nouveaux besoins sont créés qui sont<br />

vite considérés comme des besoins vitaux par l’imm<strong>en</strong>se majorité de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion : ce fut<br />

d’abord <strong>la</strong> radio, puis <strong>la</strong> voiture, <strong>la</strong> télévision, l’ordinateur et maint<strong>en</strong>ant <strong>le</strong> téléphone<br />

portab<strong>le</strong>.<br />

Toutes ces marchandises, distribuées massivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> un <strong>la</strong>pse de temps très limité,<br />

modifi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> profondeur <strong>le</strong>s re<strong>la</strong>tions humaines : el<strong>le</strong>s serv<strong>en</strong>t d’une part à iso<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s<br />

hommes un peu plus de <strong>le</strong>ur semb<strong>la</strong>b<strong>le</strong> et d’autre part à diffuser <strong>le</strong>s messages dominants du<br />

système. Les choses qu’on possède finiss<strong>en</strong>t par nous posséder.


Chapitre V : L’alim<strong>en</strong>tation<br />

« Ce qui est une nourriture pour l’un est un poison pour l’autre. »<br />

Paracelse<br />

Mais c’est <strong>en</strong>core lorsqu’il s’alim<strong>en</strong>te que l’esc<strong>la</strong>ve <strong>moderne</strong> illustre <strong>le</strong> mieux l’état<br />

de décrépitude dans <strong>le</strong>quel il se trouve. Disposant d’un temps toujours plus limité pour<br />

préparer <strong>la</strong> nourriture qu’il ingurgite, il <strong>en</strong> est réduit à consommer à <strong>la</strong> va-vite ce que<br />

l’industrie agro-chimique produit. Il erre dans <strong>le</strong>s supermarchés à <strong>la</strong> recherche des ersatz<br />

que <strong>la</strong> société de <strong>la</strong> fausse abondance cons<strong>en</strong>t à lui donner. Là <strong>en</strong>core, il n’a plus que<br />

l’illusion du choix. L’abondance des produits alim<strong>en</strong>taires ne dissimu<strong>le</strong> que <strong>le</strong>ur<br />

dégradation et <strong>le</strong>ur falsification. Il ne s’agit bi<strong>en</strong> notoirem<strong>en</strong>t que d’organismes<br />

génétiquem<strong>en</strong>t modifiés, d’un mé<strong>la</strong>nge de colorants et de conservateurs, de pesticides,<br />

d’hormones et autres inv<strong>en</strong>tions de <strong>la</strong> modernité. Le p<strong>la</strong>isir immédiat est <strong>la</strong> règ<strong>le</strong> du mode<br />

d’alim<strong>en</strong>tation dominant, de même qu’il est <strong>la</strong> règ<strong>le</strong> de toutes <strong>le</strong>s formes de consommation.<br />

Et <strong>le</strong>s conséqu<strong>en</strong>ces sont là qui illustr<strong>en</strong>t cette manière de s’alim<strong>en</strong>ter.<br />

Mais c’est face au dénuem<strong>en</strong>t du plus grand nombre que l’homme occid<strong>en</strong>tal se<br />

réjouit de sa position et de sa consommation frénétique. Pourtant, <strong>la</strong> misère est partout où<br />

règne <strong>la</strong> société totalitaire marchande. Le manque est <strong>le</strong> revers de <strong>la</strong> médail<strong>le</strong> de <strong>la</strong> fausse<br />

abondance. Et dans un système qui érige l’inégalité comme critère de progrès, même si <strong>la</strong><br />

production agro-chimique est suffisante pour nourrir <strong>la</strong> totalité de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion mondia<strong>le</strong>,<br />

<strong>la</strong> faim ne devra jamais disparaitre.<br />

« Ils se sont persuadés que l’homme, espèce pécheresse <strong>en</strong>tre toutes, domine <strong>la</strong> création.<br />

Toutes <strong>le</strong>s autres créatures n’aurai<strong>en</strong>t été créées que pour lui procurer de <strong>la</strong> nourriture,<br />

des fourrures, pour être martyrisées, exterminées. »<br />

Isaac Bashevis Singer<br />

L’autre conséqu<strong>en</strong>ce de <strong>la</strong> fausse abondance alim<strong>en</strong>taire est <strong>la</strong> généralisation des<br />

usines conc<strong>en</strong>trationnaires et l’extermination massive et barbare des espèces qui serv<strong>en</strong>t à<br />

nourrir <strong>le</strong>s esc<strong>la</strong>ves. Là se trouve l’ess<strong>en</strong>ce même du mode de production dominant. La vie<br />

et l’humanité ne résist<strong>en</strong>t pas face au désir de profit de quelques uns.


Chapitre VI : La destruction de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

« C’est une triste chose de songer que <strong>la</strong> nature par<strong>le</strong> et que <strong>le</strong> g<strong>en</strong>re humain ne l’écoute<br />

pas. »<br />

Victor Hugo<br />

Le pil<strong>la</strong>ge des ressources de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète, l’abondante production d’énergie ou de<br />

marchandises, <strong>le</strong>s rejets et autres déchets de <strong>la</strong> consommation ost<strong>en</strong>tatoire hypothèqu<strong>en</strong>t<br />

gravem<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s chances de survie de notre Terre et des espèces qui <strong>la</strong> peup<strong>le</strong>nt. Mais pour<br />

<strong>la</strong>isser libre court au capitalisme sauvage, <strong>la</strong> croissance ne doit jamais s’arrêter. Il faut<br />

produire, produire et reproduire <strong>en</strong>core.<br />

Et ce sont <strong>le</strong>s mêmes pollueurs qui se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t aujourd’hui comme <strong>le</strong>s sauveurs<br />

pot<strong>en</strong>tiels de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète. Ces imbéci<strong>le</strong>s du show business subv<strong>en</strong>tionnés par <strong>le</strong>s firmes<br />

multinationa<strong>le</strong>s essay<strong>en</strong>t de nous convaincre qu’un simp<strong>le</strong> changem<strong>en</strong>t de nos habitudes de<br />

vie suffirait à sauver <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète du désastre. Et p<strong>en</strong>dant qu’ils nous culpabilis<strong>en</strong>t, ils<br />

continu<strong>en</strong>t à polluer sans cesse notre <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t et notre esprit. Ces pauvres thèses<br />

pseudo-écologiques sont reprises <strong>en</strong> cœur par tous <strong>le</strong>s politici<strong>en</strong>s véreux à cours de slogan<br />

publicitaire. Mais ils se gard<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> de proposer un changem<strong>en</strong>t radical dans <strong>le</strong> système de<br />

production. Il s’agit comme toujours de changer quelques détails pour que tout puisse rester<br />

comme avant.


Chapitre VII : Le travail<br />

Travail, du <strong>la</strong>tin Tri Palium trois pieux, instrum<strong>en</strong>t de torture.<br />

Mais pour <strong>en</strong>trer dans <strong>la</strong> ronde de <strong>la</strong> consommation frénétique, il faut de l’arg<strong>en</strong>t et<br />

pour avoir de l’arg<strong>en</strong>t, il faut travail<strong>le</strong>r, c'est-à-dire se v<strong>en</strong>dre. Le système dominant a fait<br />

du travail sa principa<strong>le</strong> va<strong>le</strong>ur. Et <strong>le</strong>s esc<strong>la</strong>ves doiv<strong>en</strong>t travail<strong>le</strong>r toujours plus pour payer à<br />

crédit <strong>le</strong>ur vie misérab<strong>le</strong>. Ils s’épuis<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong> travail, perd<strong>en</strong>t <strong>la</strong> plus grande part de <strong>le</strong>ur<br />

force vita<strong>le</strong> et subiss<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s pires humiliations. Ils pass<strong>en</strong>t toute <strong>le</strong>ur vie à une activité<br />

fatigante et <strong>en</strong>nuyeuse pour <strong>le</strong> profit de quelques uns.<br />

L’inv<strong>en</strong>tion du chômage <strong>moderne</strong> est là pour <strong>le</strong>s effrayer et <strong>le</strong>s faire remercier sans<br />

cesse <strong>le</strong> pouvoir de se montrer généreux avec eux. Que pourrai<strong>en</strong>t-ils bi<strong>en</strong> faire sans cette<br />

torture qu’est <strong>le</strong> travail ? Et ce sont ces activités aliénantes que l’on prés<strong>en</strong>te comme une<br />

libération. Quel<strong>le</strong> déchéance et quel<strong>le</strong> misère !<br />

Toujours pressés par <strong>le</strong> chronomètre ou par <strong>le</strong> fouet, chaque geste des esc<strong>la</strong>ves est<br />

calculé afin d’augm<strong>en</strong>ter <strong>la</strong> productivité. L’organisation sci<strong>en</strong>tifique du travail constitue<br />

l’ess<strong>en</strong>ce même de <strong>la</strong> dépossession des travail<strong>le</strong>urs, à <strong>la</strong> fois du fruit de <strong>le</strong>ur travail mais<br />

aussi du temps qu’ils pass<strong>en</strong>t à <strong>la</strong> production automatique des marchandises ou des<br />

services. Le rô<strong>le</strong> du travail<strong>le</strong>ur se confond avec celui d’une machine dans <strong>le</strong>s usines, avec<br />

celui d’un ordinateur dans <strong>le</strong>s bureaux. Le temps payé ne revi<strong>en</strong>t plus.<br />

Ainsi, chaque travail<strong>le</strong>ur est assigné à une tache répétitive, qu’el<strong>le</strong> soit intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong><br />

ou physique. Il est spécialiste dans son domaine de production. Cette spécialisation se<br />

retrouve à l’échel<strong>le</strong> de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète dans <strong>le</strong> cadre de <strong>la</strong> division internationa<strong>le</strong> du travail. On<br />

conçoit <strong>en</strong> occid<strong>en</strong>t, on produit <strong>en</strong> Asie et l’on meurt <strong>en</strong> Afrique.


Chapitre VIII : La colonisation de tous <strong>le</strong>s secteurs de <strong>la</strong> vie<br />

« C’est l’homme tout <strong>en</strong>tier qui est conditionné au comportem<strong>en</strong>t productif par<br />

l’organisation du travail, et hors de l’usine il garde <strong>la</strong> même peau et <strong>la</strong> même tête. »<br />

Christophe <strong>De</strong>jours<br />

L’esc<strong>la</strong>ve <strong>moderne</strong> aurait pu se cont<strong>en</strong>ter de sa <strong>servitude</strong> au travail, mais à mesure<br />

que <strong>le</strong> système de production colonise tous <strong>le</strong>s secteurs de <strong>la</strong> vie, <strong>le</strong> dominé perd son temps<br />

dans <strong>le</strong>s loisirs, <strong>le</strong>s divertissem<strong>en</strong>ts et <strong>le</strong>s vacances organisées. Aucun mom<strong>en</strong>t de son<br />

quotidi<strong>en</strong> n’échappe à l’emprise du système. Chaque instant de sa vie a été <strong>en</strong>vahi. C’est un<br />

esc<strong>la</strong>ve à temps p<strong>le</strong>in.


Chapitre IX : La médecine marchande<br />

« La médecine fait mourir plus longtemps. »<br />

Plutarque<br />

La dégradation généralisée de son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t, de l’air qu’il respire et de <strong>la</strong><br />

nourriture qu’il consomme ; <strong>le</strong> stress de ses conditions de travail et de l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> de sa vie<br />

socia<strong>le</strong>, sont à l’origine des nouvel<strong>le</strong>s ma<strong>la</strong>dies de l’esc<strong>la</strong>ve <strong>moderne</strong>.<br />

Il est ma<strong>la</strong>de de sa condition servi<strong>le</strong> et aucune médecine ne pourra jamais remédier à ce<br />

mal. Seu<strong>le</strong> <strong>la</strong> libération <strong>la</strong> plus complète de <strong>la</strong> condition dans <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> il se trouve <strong>en</strong>fermé<br />

peut permettre à l’esc<strong>la</strong>ve <strong>moderne</strong> de se libérer de ses souffrances.<br />

La médecine occid<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> ne connaît qu’un remède face aux maux dont souffr<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s<br />

esc<strong>la</strong>ves <strong>moderne</strong>s : <strong>la</strong> muti<strong>la</strong>tion. C’est à base de chirurgie, d’antibiotique ou de<br />

chimiothérapie que l’on traite <strong>le</strong>s pati<strong>en</strong>ts de <strong>la</strong> médecine marchande. On s’attaque aux<br />

conséqu<strong>en</strong>ces du mal sans jamais <strong>en</strong> chercher <strong>la</strong> cause. Ce<strong>la</strong> se compr<strong>en</strong>d autant que ce<strong>la</strong><br />

s’explique : cette recherche nous conduirait inévitab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t vers une condamnation sans<br />

appel de l’organisation socia<strong>le</strong> dans son <strong>en</strong>semb<strong>le</strong>.<br />

<strong>De</strong> même qu’il a transformé tous <strong>le</strong>s détails de notre monde <strong>en</strong> simp<strong>le</strong> marchandise,<br />

<strong>le</strong> système prés<strong>en</strong>t a fait de notre corps une marchandise, un objet d’étude et d’expéri<strong>en</strong>ce<br />

livré aux appr<strong>en</strong>tis sorciers de <strong>la</strong> médecine marchande et de <strong>la</strong> biologie molécu<strong>la</strong>ire. Et <strong>le</strong>s<br />

maîtres du monde sont déjà prêts à breveter <strong>le</strong> vivant.<br />

Le séqu<strong>en</strong>çage comp<strong>le</strong>t de l’ADN du génome humain est <strong>le</strong> point de départ d’une nouvel<strong>le</strong><br />

stratégie mise <strong>en</strong> p<strong>la</strong>ce par <strong>le</strong> pouvoir. Le décodage génétique n’a d’autres buts que<br />

d’amplifier considérab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s formes de domination et de contrô<strong>le</strong>.<br />

Notre corps lui-aussi, après tant d’autres choses, nous a échappé.


Chapitre X : L’obéissance comme seconde nature<br />

« À force d’obéir, on obti<strong>en</strong>t des réf<strong>le</strong>xes de soumission. »<br />

Anonyme<br />

Le meil<strong>le</strong>ur de sa vie lui échappe mais il continue car il a l’habitude d’obéir depuis<br />

toujours. L’obéissance est dev<strong>en</strong>ue sa seconde nature. Il obéit sans savoir pourquoi,<br />

simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t parce qu’il sait qu’il doit obéir. Obéir, produire et consommer, voilà <strong>le</strong><br />

triptyque qui domine sa vie. Il obéit à ses par<strong>en</strong>ts, à ses professeurs, à ses patrons, à ses<br />

propriétaires, à ses marchands. Il obéit à <strong>la</strong> loi et aux forces de l’ordre. Il obéit à tous <strong>le</strong>s<br />

pouvoirs car il ne sait ri<strong>en</strong> faire d’autre. La désobéissance l’effraie plus que tout car <strong>la</strong><br />

désobéissance, c’est <strong>le</strong> risque, l’av<strong>en</strong>ture, <strong>le</strong> changem<strong>en</strong>t. Mais de même que l’<strong>en</strong>fant<br />

panique lorsqu’il perd de vue ses par<strong>en</strong>ts, l’esc<strong>la</strong>ve <strong>moderne</strong> est perdu sans <strong>le</strong> pouvoir qui<br />

l’a créé. Alors ils continu<strong>en</strong>t d’obéir.<br />

C’est <strong>la</strong> peur qui a fait de nous des esc<strong>la</strong>ves et qui nous mainti<strong>en</strong>t dans cette<br />

condition. Nous nous courbons devant <strong>le</strong>s maîtres du monde, nous acceptons cette vie<br />

d’humiliation et de misère par crainte.<br />

Nous disposons pourtant de <strong>la</strong> force du nombre face à cette minorité qui gouverne.<br />

Leur force à eux, ils ne <strong>la</strong> retir<strong>en</strong>t pas de <strong>le</strong>ur police mais bi<strong>en</strong> de notre cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t. Nous<br />

justifions notre lâcheté devant l’affrontem<strong>en</strong>t légitime contre <strong>le</strong>s forces qui nous opprim<strong>en</strong>t<br />

par un discours p<strong>le</strong>in d’humanisme moralisateur. Le refus de <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce révolutionnaire est<br />

ancré dans <strong>le</strong>s esprits de ceux qui s’oppos<strong>en</strong>t au système au nom des va<strong>le</strong>urs que ce système<br />

nous a lui-même <strong>en</strong>seignés.<br />

Mais <strong>le</strong> pouvoir, lui, n’hésite jamais à utiliser <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce quand il s’agit de<br />

conserver son hégémonie.


Chapitre XI : La répression et <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce<br />

« Sous un gouvernem<strong>en</strong>t qui emprisonne injustem<strong>en</strong>t, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de l’homme juste est aussi <strong>en</strong><br />

prison. »<br />

La désobéissance civi<strong>le</strong>, H<strong>en</strong>ry David Thoreau<br />

Pourtant, il y a <strong>en</strong>core des individus qui échapp<strong>en</strong>t au contrô<strong>le</strong> des consci<strong>en</strong>ces.<br />

Mais ils sont sous surveil<strong>la</strong>nce. Toute forme de rébellion ou de résistance est de fait<br />

assimilée à une activité déviante ou terroriste. La liberté n’existe que pour ceux qui<br />

déf<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s impératifs marchands. L’opposition réel<strong>le</strong> au système dominant est désormais<br />

tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t c<strong>la</strong>ndestine. Pour ces opposants, <strong>la</strong> répression est <strong>la</strong> règ<strong>le</strong> <strong>en</strong> usage. Et <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce<br />

de <strong>la</strong> majorité des esc<strong>la</strong>ves face à cette répression trouve sa justification dans l’aspiration<br />

médiatique et politique à nier <strong>le</strong> conflit qui existe dans <strong>la</strong> société réel<strong>le</strong>.


Chapitre XII : L’arg<strong>en</strong>t<br />

« Et ce que l’on faisait autrefois pour l’amour de Dieu, on <strong>le</strong> fait maint<strong>en</strong>ant pour l’amour<br />

de l’arg<strong>en</strong>t, c’est-à-dire pour l’amour de ce qui donne maint<strong>en</strong>ant <strong>le</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de<br />

puissance <strong>le</strong> plus é<strong>le</strong>vé et <strong>la</strong> bonne consci<strong>en</strong>ce.»<br />

Aurore, Nietzsche<br />

Comme tous <strong>le</strong>s êtres opprimés de l’Histoire, l’esc<strong>la</strong>ve <strong>moderne</strong> a besoin de sa<br />

mystique et de son dieu pour anesthésier <strong>le</strong> mal qui <strong>le</strong> tourm<strong>en</strong>te et <strong>la</strong> souffrance qui<br />

l’accab<strong>le</strong>. Mais ce nouveau dieu, auquel il a livré son âme, n’est ri<strong>en</strong> d’autre que <strong>le</strong> néant.<br />

Un bout de papier, un numéro qui n’a de s<strong>en</strong>s que parce que tout <strong>le</strong> monde a décidé de lui<br />

<strong>en</strong> donner. C’est pour ce nouveau dieu qu’il étudie, qu’il travail<strong>le</strong>, qu’il se bat et qu’il se<br />

v<strong>en</strong>d. C’est pour ce nouveau dieu qu’il a abandonné toute va<strong>le</strong>ur et qu’il est prêt à faire<br />

n’importe quoi. Il croit qu’<strong>en</strong> possédant beaucoup d’arg<strong>en</strong>t, il se libérera des contraintes<br />

dans <strong>le</strong>squels il se trouve <strong>en</strong>fermé. Comme si <strong>la</strong> possession al<strong>la</strong>it de paire avec <strong>la</strong> liberté. La<br />

libération est une ascèse qui provi<strong>en</strong>t de <strong>la</strong> maitrise de soi. El<strong>le</strong> est un désir et une volonté<br />

<strong>en</strong> actes. El<strong>le</strong> est dans l’être et non dans l’avoir. Mais <strong>en</strong>core faut-il être résolu à ne plus<br />

servir, à ne plus obéir. Encore faut-il être capab<strong>le</strong> de rompre avec une habitude que<br />

personne, semb<strong>le</strong>-t-il, n’ose remettre <strong>en</strong> cause.


Chapitre XIII : Pas d’alternative à l’organisation socia<strong>le</strong> dominante<br />

Acta est fabu<strong>la</strong><br />

La pièce est jouée<br />

Or l’esc<strong>la</strong>ve <strong>moderne</strong> est persuadé qu’il n’existe pas d’alternative à l’organisation<br />

du monde prés<strong>en</strong>t. Il s’est résigné à cette vie car il p<strong>en</strong>se qu’il ne peut y <strong>en</strong> avoir d’autres.<br />

Et c’est bi<strong>en</strong> là que se trouve <strong>la</strong> force de <strong>la</strong> domination prés<strong>en</strong>te : <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir l’illusion que ce<br />

système qui a colonisé toute <strong>la</strong> surface de <strong>la</strong> Terre est <strong>la</strong> fin de l’Histoire. Il a fait croire à <strong>la</strong><br />

c<strong>la</strong>sse dominée que s’adapter à son idéologie revi<strong>en</strong>t à s’adapter au monde tel qu’il est et tel<br />

qu’il a toujours été. Rêver d’un autre monde est dev<strong>en</strong>u un crime condamné unanimem<strong>en</strong>t<br />

par tous <strong>le</strong>s médias et tous <strong>le</strong>s pouvoirs. Le criminel est <strong>en</strong> réalité celui qui contribue,<br />

consciemm<strong>en</strong>t ou non, à <strong>la</strong> dém<strong>en</strong>ce de l’organisation socia<strong>le</strong> dominante. Il n’est pas de<br />

folie plus grande que cel<strong>le</strong> du système prés<strong>en</strong>t.


Chapitre XIV : L’image<br />

« Sinon, qu’il te soit fait connaitre, o roi, que tes dieux ne sont pas ceux que nous servons,<br />

et l’image d’or que tu as dressé, nous ne l’adorerons pas. »<br />

Anci<strong>en</strong> Testam<strong>en</strong>t, Daniel 3 :18<br />

<strong>De</strong>vant <strong>la</strong> déso<strong>la</strong>tion du monde réel, il s’agit pour <strong>le</strong> système de coloniser<br />

l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> de <strong>la</strong> consci<strong>en</strong>ce des esc<strong>la</strong>ves. C’est ainsi que dans <strong>le</strong> système dominant, <strong>le</strong>s<br />

forces de répression sont précédées par <strong>la</strong> dissuasion qui, dès <strong>la</strong> plus petite <strong>en</strong>fance,<br />

accomplit son œuvre de formation des esc<strong>la</strong>ves. Ils doiv<strong>en</strong>t oublier <strong>le</strong>ur condition servi<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong>ur prison et <strong>le</strong>ur vie misérab<strong>le</strong>. Il suffit de voir cette fou<strong>le</strong> hypnotique connectée devant<br />

tous <strong>le</strong>s écrans qui accompagn<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur vie quotidi<strong>en</strong>ne. Ils tromp<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur insatisfaction<br />

perman<strong>en</strong>te dans <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t manipulé d’une vie rêvée, faite d’arg<strong>en</strong>t, de gloire et d’av<strong>en</strong>ture.<br />

Mais <strong>le</strong>urs rêves sont tout aussi affligeants que <strong>le</strong>ur vie misérab<strong>le</strong>.<br />

Il existe des images pour tous et partout, el<strong>le</strong>s port<strong>en</strong>t <strong>en</strong> el<strong>le</strong> <strong>le</strong> message idéologique<br />

de <strong>la</strong> société <strong>moderne</strong> et serv<strong>en</strong>t d’instrum<strong>en</strong>t d’unification et de propagande. El<strong>le</strong>s<br />

croiss<strong>en</strong>t à mesure que l’homme est dépossédé de son monde et de sa vie. C’est l’<strong>en</strong>fant qui<br />

est <strong>la</strong> cib<strong>le</strong> première de ces images car il s’agit d’étouffer <strong>la</strong> liberté dans son berceau. Il faut<br />

<strong>le</strong>s r<strong>en</strong>dre stupides et <strong>le</strong>ur ôter toute forme de réf<strong>le</strong>xion et de critique. Tout ce<strong>la</strong> se fait bi<strong>en</strong><br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du avec <strong>la</strong> complicité déconcertante de <strong>le</strong>urs par<strong>en</strong>ts qui ne cherch<strong>en</strong>t même plus à<br />

résister face à <strong>la</strong> force de frappe cumulée de tous <strong>le</strong>s moy<strong>en</strong>s <strong>moderne</strong>s de communication.<br />

Ils achèt<strong>en</strong>t eux-mêmes toutes <strong>le</strong>s marchandises nécessaires à l’asservissem<strong>en</strong>t de <strong>le</strong>ur<br />

progéniture. Ils se dépossèd<strong>en</strong>t de l’éducation de <strong>le</strong>urs <strong>en</strong>fants et <strong>la</strong> <strong>livre</strong>nt <strong>en</strong> bloc au<br />

système de l’abrutissem<strong>en</strong>t et de <strong>la</strong> médiocrité.


Il y a des images pour tous <strong>le</strong>s âges et pour toutes <strong>le</strong>s c<strong>la</strong>sses socia<strong>le</strong>s. Et <strong>le</strong>s<br />

esc<strong>la</strong>ves <strong>moderne</strong>s confond<strong>en</strong>t ces images avec <strong>la</strong> culture et parfois même avec l’art. On<br />

fait appel aux instincts <strong>le</strong>s plus sordides pour écou<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s stocks de marchandises. Et c’est<br />

<strong>en</strong>core <strong>la</strong> femme, doub<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t esc<strong>la</strong>ve dans <strong>la</strong> société prés<strong>en</strong>te, qui <strong>en</strong> paye <strong>le</strong> prix fort. El<strong>le</strong><br />

<strong>en</strong> est réduite à être un simp<strong>le</strong> objet de consommation. La révolte el<strong>le</strong>-même est dev<strong>en</strong>ue<br />

une image que l’on v<strong>en</strong>d pour mieux <strong>en</strong> détruire <strong>le</strong> pot<strong>en</strong>tiel subversif. L’image est toujours<br />

aujourd’hui <strong>la</strong> forme de communication <strong>la</strong> plus simp<strong>le</strong> et <strong>la</strong> plus efficace. On construit des<br />

modè<strong>le</strong>s, on abrutit <strong>le</strong>s masses, on <strong>le</strong>ur m<strong>en</strong>t, on crée des frustrations. On diffuse l’idéologie<br />

marchande par l’image car il s’agit <strong>en</strong>core et toujours du même objectif : v<strong>en</strong>dre, des modes<br />

de vie ou des produits, des comportem<strong>en</strong>ts ou des marchandises, peu importe mais il faut<br />

v<strong>en</strong>dre.


Chapitre XV : Les divertissem<strong>en</strong>ts<br />

« La télévision ne r<strong>en</strong>d idiots que ceux<br />

qui <strong>la</strong> regard<strong>en</strong>t, pas ceux qui <strong>la</strong> font. »<br />

Patrick Poivre d’Arvor<br />

Ces pauvres hommes se divertiss<strong>en</strong>t, mais ce divertissem<strong>en</strong>t n’est là que pour faire<br />

diversion face au véritab<strong>le</strong> mal qui <strong>le</strong>s accab<strong>le</strong>. Ils ont <strong>la</strong>issé faire de <strong>le</strong>ur vie n’importe quoi<br />

et ils feign<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong> être fiers. Ils essay<strong>en</strong>t de montrer <strong>le</strong>ur satisfaction mais personne n’est<br />

dupe. Ils n’arriv<strong>en</strong>t même plus à se tromper eux-mêmes lorsqu’ils se retrouv<strong>en</strong>t face au<br />

ref<strong>le</strong>t g<strong>la</strong>cé du miroir. Ainsi ils perd<strong>en</strong>t <strong>le</strong>ur temps devant des imbéci<strong>le</strong>s s<strong>en</strong>sés <strong>le</strong>s faire rire<br />

ou <strong>le</strong>s faire chanter, <strong>le</strong>s faire rêver ou <strong>le</strong>s faire p<strong>le</strong>urer.<br />

On mime à travers <strong>le</strong> sport médiatique <strong>le</strong>s succès et <strong>le</strong>s échecs, <strong>le</strong>s forces et <strong>le</strong>s<br />

victoires que <strong>le</strong>s esc<strong>la</strong>ves <strong>moderne</strong>s ont cessé de vivre dans <strong>le</strong>ur propre quotidi<strong>en</strong>. Leur<br />

insatisfaction <strong>le</strong>s incite à vivre par procuration devant <strong>le</strong>ur poste de télévision. Tandis que<br />

<strong>le</strong>s empereurs de <strong>la</strong> Rome antique achetai<strong>en</strong>t <strong>la</strong> soumission du peup<strong>le</strong> avec du pain et <strong>le</strong>s<br />

jeux du cirque, aujourd’hui c’est avec <strong>le</strong>s divertissem<strong>en</strong>ts et <strong>la</strong> consommation du vide que<br />

l’on achète <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce des esc<strong>la</strong>ves.


Chapitre XVI : Le <strong>la</strong>ngage<br />

« On croit que l'on maîtrise <strong>le</strong>s mots, mais ce sont <strong>le</strong>s mots qui nous maîtris<strong>en</strong>t. »<br />

A<strong>la</strong>in Rey<br />

La domination sur <strong>le</strong>s consci<strong>en</strong>ces passe ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t par l’utilisation viciée du<br />

<strong>la</strong>ngage par <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse économiquem<strong>en</strong>t et socia<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t dominante. Étant dét<strong>en</strong>teur de<br />

l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> des moy<strong>en</strong>s de communication, <strong>le</strong> pouvoir diffuse l’idéologie marchande par <strong>la</strong><br />

définition figée, partiel<strong>le</strong> et partia<strong>le</strong> qu’il donne des mots.<br />

Les mots sont prés<strong>en</strong>tés comme neutres et <strong>le</strong>ur définition comme al<strong>la</strong>nt de soi. Mais<br />

sous <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> du pouvoir, <strong>le</strong> <strong>la</strong>ngage désigne toujours autre chose que <strong>la</strong> vie réel<strong>le</strong>.<br />

C’est avant tout un <strong>la</strong>ngage de <strong>la</strong> résignation et de l’impuissance, <strong>le</strong> <strong>la</strong>ngage de<br />

l’acceptation passive des choses tel<strong>le</strong>s qu’el<strong>le</strong>s sont et tel<strong>le</strong>s qu’el<strong>le</strong>s doiv<strong>en</strong>t demeurer. Les<br />

mots travail<strong>le</strong>nt pour <strong>le</strong> compte de l’organisation dominante de <strong>la</strong> vie et <strong>le</strong> fait même<br />

d’utiliser <strong>le</strong> <strong>la</strong>ngage du pouvoir nous condamne à l’impuissance.<br />

Le problème du <strong>la</strong>ngage est au c<strong>en</strong>tre du combat pour l’émancipation humaine. Il<br />

n’est pas une forme de domination qui se surajoute aux autres, il est <strong>le</strong> cœur même du<br />

projet d’asservissem<strong>en</strong>t du système totalitaire marchand.<br />

C’est par <strong>la</strong> réappropriation du <strong>la</strong>ngage et donc de <strong>la</strong> communication réel<strong>le</strong> <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s<br />

personnes que <strong>la</strong> possibilité d’un changem<strong>en</strong>t radical émerge de nouveau. C’est <strong>en</strong> ce<strong>la</strong> que<br />

<strong>le</strong> projet révolutionnaire rejoint <strong>le</strong> projet poétique. Dans l’effervesc<strong>en</strong>ce popu<strong>la</strong>ire, <strong>la</strong> paro<strong>le</strong><br />

est prise et réinv<strong>en</strong>tée par des groupes ét<strong>en</strong>dus. La spontanéité créatrice s’empare de chacun<br />

et nous rassemb<strong>le</strong> tous.


Chapitre XVII : L’illusion du vote et de <strong>la</strong> démocratie par<strong>le</strong>m<strong>en</strong>taire<br />

« Voter, c’est abdiquer. »<br />

Élisée Reclus<br />

Pourtant, <strong>le</strong>s esc<strong>la</strong>ves <strong>moderne</strong>s se p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t toujours citoy<strong>en</strong>s. Ils croi<strong>en</strong>t voter et<br />

décider librem<strong>en</strong>t qui doit conduire <strong>le</strong>urs affaires. Comme s’ils avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core <strong>le</strong> choix. Ils<br />

n’<strong>en</strong> ont conservé que l’illusion. Croyez-vous <strong>en</strong>core qu’il existe une différ<strong>en</strong>ce<br />

fondam<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> quant au choix de société dans <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> nous voulons vivre <strong>en</strong>tre <strong>le</strong> PS et<br />

l’UMP <strong>en</strong> France, <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s démocrates et <strong>le</strong>s républicains aux États-Unis, <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s<br />

travaillistes et <strong>le</strong>s conservateurs au Royaume-Uni ? Il n’existe pas d’opposition car <strong>le</strong>s<br />

partis politiques dominants sont d’accord sur l’ess<strong>en</strong>tiel qui est <strong>la</strong> conservation de <strong>la</strong><br />

prés<strong>en</strong>te société marchande. Il n’existe pas de partis politiques susceptib<strong>le</strong>s d’accéder au<br />

pouvoir qui remette <strong>en</strong> cause <strong>le</strong> dogme du marché. Et ce sont ces partis qui avec <strong>la</strong><br />

complicité médiatique monopolise l’appar<strong>en</strong>ce. Ils se chamail<strong>le</strong>nt sur des points de détails<br />

pourvu que tout reste <strong>en</strong> p<strong>la</strong>ce. Ils se disput<strong>en</strong>t pour savoir qui occupera <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>ces que <strong>le</strong>ur<br />

offre <strong>le</strong> par<strong>le</strong>m<strong>en</strong>tarisme marchand. Ces pauvres chamail<strong>le</strong>ries sont re<strong>la</strong>yées par tous <strong>le</strong>s<br />

médias dans <strong>le</strong> but d’occulter un véritab<strong>le</strong> débat sur <strong>le</strong> choix de société dans <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> nous<br />

souhaitons vivre. L’appar<strong>en</strong>ce et <strong>la</strong> futilité domin<strong>en</strong>t sur <strong>la</strong> profondeur de l’affrontem<strong>en</strong>t<br />

des idées. Tout ce<strong>la</strong> ne ressemb<strong>le</strong> <strong>en</strong> ri<strong>en</strong>, de près ou de loin à une démocratie.<br />

La démocratie réel<strong>le</strong> se définit d’abord et avant tout par <strong>la</strong> participation massive des<br />

citoy<strong>en</strong>s à <strong>la</strong> gestion des affaires de <strong>la</strong> cité. El<strong>le</strong> est directe et participative. El<strong>le</strong> trouve son<br />

expression <strong>la</strong> plus auth<strong>en</strong>tique dans l’assemblée popu<strong>la</strong>ire et <strong>le</strong> dialogue perman<strong>en</strong>t sur<br />

l’organisation de <strong>la</strong> vie <strong>en</strong> commun. La forme représ<strong>en</strong>tative et par<strong>le</strong>m<strong>en</strong>taire qui usurpe <strong>le</strong><br />

nom de démocratie limite <strong>le</strong> pouvoir des citoy<strong>en</strong>s au simp<strong>le</strong> droit de vote, c'est-à-dire au<br />

néant, tant il est vrai que <strong>le</strong> choix <strong>en</strong>tre gris c<strong>la</strong>ir et gris foncé n’est pas un choix véritab<strong>le</strong>.<br />

Les sièges par<strong>le</strong>m<strong>en</strong>taires sont occupés dans <strong>le</strong>ur imm<strong>en</strong>se majorité par <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse


économiquem<strong>en</strong>t dominante, qu’el<strong>le</strong> soit de droite ou de <strong>la</strong> prét<strong>en</strong>due gauche socialdémocrate.<br />

Le pouvoir n’est pas à conquérir, il est à détruire. Il est tyrannique par nature, qu’il<br />

soit exercé par un roi, un dictateur ou un présid<strong>en</strong>t élu. La seu<strong>le</strong> différ<strong>en</strong>ce dans <strong>le</strong> cas de <strong>la</strong><br />

« démocratie » par<strong>le</strong>m<strong>en</strong>taire, c’est que <strong>le</strong>s esc<strong>la</strong>ves ont l’illusion de choisir eux-mêmes <strong>le</strong><br />

maitre qu’ils devront servir. Le vote a fait d’eux <strong>le</strong>s complices de <strong>la</strong> tyrannie qui <strong>le</strong>s<br />

opprime. Ils ne sont pas esc<strong>la</strong>ves parce qu’il existe des maitres mais il existe des maitres<br />

parce qu’ils ont choisi de demeurer esc<strong>la</strong>ves.


Chapitre XVIII : Le système totalitaire marchand<br />

« La nature n’a créé ni maîtres ni esc<strong>la</strong>ves,<br />

Je ne veux ni donner ni recevoir de lois. »<br />

D<strong>en</strong>is Diderot<br />

Le système dominant se définit donc par l’omniprés<strong>en</strong>ce de son idéologie<br />

marchande. El<strong>le</strong> occupe à <strong>la</strong> fois tout l’espace et tous <strong>le</strong>s secteurs de <strong>la</strong> vie. El<strong>le</strong> ne dit ri<strong>en</strong><br />

de plus que : « Produisez, v<strong>en</strong>dez, consommez, accumu<strong>le</strong>z ! » El<strong>le</strong> a réduit l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> des<br />

rapports humains à des rapports marchands et considère notre p<strong>la</strong>nète comme une simp<strong>le</strong><br />

marchandise. Le devoir qu’el<strong>le</strong> nous impose est <strong>le</strong> travail servi<strong>le</strong>. Le seul droit qu’el<strong>le</strong><br />

reconnait est <strong>le</strong> droit à <strong>la</strong> propriété privée. Le seul dieu qu’el<strong>le</strong> arbore est l’arg<strong>en</strong>t.<br />

Le monopo<strong>le</strong> de l’appar<strong>en</strong>ce est total. Seuls paraiss<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s discours<br />

favorab<strong>le</strong>s à l’idéologie dominante. La critique de ce monde est noyée dans <strong>le</strong> flot<br />

médiatique qui détermine ce qui est bi<strong>en</strong> et ce qui est mal, ce que l’on peut voir et ce que<br />

l’on ne peut pas voir.<br />

Omniprés<strong>en</strong>ce de l’idéologie, culte de l’arg<strong>en</strong>t, monopo<strong>le</strong> de l’appar<strong>en</strong>ce, parti<br />

unique sous couvert du pluralisme par<strong>le</strong>m<strong>en</strong>taire, abs<strong>en</strong>ce d’une opposition visib<strong>le</strong>,<br />

répression sous toutes ses formes, volonté de transformer l’homme et <strong>le</strong> monde. Voi<strong>la</strong> <strong>le</strong><br />

visage réel du totalitarisme <strong>moderne</strong> que l’on appel<strong>le</strong> « démocratie libéra<strong>le</strong> » mais qu’il faut<br />

maint<strong>en</strong>ant appe<strong>le</strong>r par son nom véritab<strong>le</strong> : <strong>le</strong> système totalitaire marchand.<br />

L’homme, <strong>la</strong> société et l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> de notre p<strong>la</strong>nète sont au service de cette<br />

idéologie. Le système totalitaire marchand a donc réalisé ce qu’aucun totalitarisme n’avait<br />

pu faire avant lui : unifier <strong>le</strong> monde à son image. Aujourd’hui, il n’y a plus d’exil possib<strong>le</strong>.


Chapitre XIX : Perspectives<br />

A mesure que l’oppression s’ét<strong>en</strong>d à tous <strong>le</strong>s secteurs de <strong>la</strong> vie, <strong>la</strong> révolte pr<strong>en</strong>d<br />

l’allure d’une guerre socia<strong>le</strong>. Les émeutes r<strong>en</strong>aiss<strong>en</strong>t et annonc<strong>en</strong>t <strong>la</strong> révolution à v<strong>en</strong>ir.<br />

La destruction de <strong>la</strong> société totalitaire marchande n’est pas une affaire d’opinion.<br />

El<strong>le</strong> est une nécessité absolue dans un monde que l’on sait condamné. Puisque <strong>le</strong> pouvoir<br />

est partout, c’est partout et tout <strong>le</strong> temps qu’il faut <strong>le</strong> combattre.<br />

La réinv<strong>en</strong>tion du <strong>la</strong>ngage, <strong>le</strong> bou<strong>le</strong>versem<strong>en</strong>t perman<strong>en</strong>t de <strong>la</strong> vie quotidi<strong>en</strong>ne, <strong>la</strong><br />

désobéissance et <strong>la</strong> résistance sont <strong>le</strong>s maîtres mots de <strong>la</strong> révolte contre l’ordre établi.<br />

Mais pour que de cette révolte naisse une révolution, il faut rassemb<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s subjectivités<br />

dans un front commun.<br />

C’est à l’unité de toutes <strong>le</strong>s forces révolutionnaires qu’il faut œuvrer. Ce<strong>la</strong> ne peut<br />

se faire qu’à partir de <strong>la</strong> consci<strong>en</strong>ce de nos échecs passés : ni <strong>le</strong> réformisme stéri<strong>le</strong>, ni <strong>la</strong><br />

bureaucratie totalitaire ne peuv<strong>en</strong>t être une solution à notre insatisfaction. Il s’agit<br />

d’inv<strong>en</strong>ter de nouvel<strong>le</strong>s formes d’organisation et de lutte.<br />

L’autogestion dans <strong>le</strong>s <strong>en</strong>treprises et <strong>la</strong> démocratie directe à l’échel<strong>le</strong> des<br />

communes constitu<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s bases de cette nouvel<strong>le</strong> organisation qui doit être<br />

antihiérarchique dans <strong>la</strong> forme comme dans <strong>le</strong> cont<strong>en</strong>u.<br />

Le pouvoir n’est pas à conquérir, il est à détruire.


Chapitre XX : Épilogue<br />

« O G<strong>en</strong>tilshommes, <strong>la</strong> vie est courte… Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur <strong>la</strong><br />

tête des rois. »<br />

William Shakespeare

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