Mul - unesdoc - Unesco
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comme très positif l’effondrement des murs du<br />
site du patrimoine mondial du Grand Zimbabwe<br />
car cela prouve la volonté manifeste des esprits.<br />
Ce qui est important ici, c’est le fait que l’on ne<br />
peut interpréter le tangible qu’à travers I’intan-<br />
gible.<br />
L’authenticité de la conception<br />
D. Munjeri - Les notions d’intégrité et d’authenticité : les modèles émergents en Afrique<br />
Les valeurs résident dans les intentions initiales<br />
de l’architecte, de l’artiste, de l’ingénieur. Dans<br />
un certain nombre de cultures, ces intentions<br />
peuvent être mal déchiffrées ou mal interpré-<br />
tées. Les temples vaudous sont l’expression la<br />
plus tangible des pratiques religieuses tradition-<br />
nelles mais à Ouidah, les plus importantes pra-<br />
tiques du culte n’ont pas lieu dans les temples.<br />
Une pièce, un arbre ont plus de valeur dans la<br />
pratique religieuse que le temple lui-même qui<br />
représente le culte. Le délabrement du temple<br />
représente le message spirituel authentique,<br />
tandis que la finesse et le caractère majestueux<br />
du tissu physique évoquent la véritable déca-<br />
dence des valeurs culturelles et spirituelles.<br />
C’est le message qui prime et non les intentions<br />
(exprimées par la conception).<br />
L’authenticité de l’environnement (fidélité au<br />
contexte)<br />
Dans l’esprit de la Convention du patrimoine<br />
mondial, l’authenticité de l’environnement sou-<br />
ligne les relations entre le bien culturel et le<br />
contexte physique.<br />
Dans l’organisation spatiale des Shona, la faça-<br />
de d’une habitation est associée aux activités<br />
publiques et profanes, alors que l’arrière de I’ha-<br />
bitation constitue le domaine privé associé aux<br />
forces sacrées et vitales. Dans la tradition, le<br />
fidèle communique avec l’esprit de ses ancêtres<br />
(mudzimu) au fond de la cuisine de son épouse,<br />
sur une plate-forme (chikuva) où elle range ses<br />
pots. La chikuva devient le lien entre les vivants<br />
et les morts. Lorsque ce même fidèle s’installe à<br />
la ville, il pratique aussi bien ses rituels dans son<br />
salon meublé à l’occidentale. Les questions<br />
concernant l’environnement tournent invariable-<br />
ment en rond. Quel est le véritable domicile ou<br />
l’environnement du mudzim ?<br />
L’essence de la notion d’authenticité renforcerait<br />
donc la conclusion de la conférence de Nara sur<br />
l’authenticité selon laquelle cette notion est rela-<br />
tive. Dans les sociétés africaines traditionnelles,<br />
elle n’est pas fondée sur le culte des objets phy-<br />
- 15-<br />
siques, sur le tangible, et certainement pas sur<br />
l’état ou sur les valeurs esthétiques. Dans ces<br />
sociétés, l’interaction entre les valeurs sociolo-<br />
giques et religieuses prime dans la détermina-<br />
tion de la notion d’authenticité. Les conclusions<br />
de la réunion régionale de I’ICOMOS tenue le 14<br />
octobre 1995 à Harare restent encore un bon<br />
point de départ. « II faut tempérer l’approche<br />
scientifique du monde occidental fondée sur des<br />
faits bruts en y incluant les notions abstraites et<br />
métaphysiques des traditions africaines. En<br />
Afrique, parfois, l’esprit du site prédomine sur la<br />
substance. L’importance accordée à la rigueur<br />
analytique du classement, de la division et de la<br />
qualification doit être contrebalancée par des<br />
modes d’interprétation synthétiques d’intégration<br />
et d’association généralement préférés dans les<br />
traditions et cultures africaines ».<br />
L’intégrité<br />
Le concept d’intégrité insiste sur la « totalité », la<br />
« virtuosité » non entravées par des intrusions<br />
humaines et non humaines, organiques et inor-<br />
ganiques. Des considérations spatiales en gran-<br />
de partie de nature physique, déterminent les<br />
niveaux d’une telle intégrité. Un système d’inter-<br />
dictions et de tabous maintient cette intégrité.<br />
Comme l’a observé Léon Pressouyre, la notion<br />
consistait essentiellement à l’origine, à classer<br />
un ensemble de zones matérielles présentant le<br />
plus grand nombre possible de caractéristiques<br />
géologiques, climatiques et biologiques, existant<br />
en dehors de toutes les tentatives humaines<br />
connues comme nuisibles pour l’équilibre écolo-<br />
gique. Cela est très bien exprimé dans les<br />
termes de réserves naturelles et de parcs natio-<br />
naux, en particulier dans « l’apartheid écolo-<br />
gique ». Dans de telles situations, le bien-être<br />
écologique prime sur le bien-être humain. C’est<br />
un anathème pour les sociétés dont les ethno-<br />
systèmes s’appuient sur les écosystèmes car les<br />
cultures africaines ont évolué en relation avec la<br />
nature où elles puisent encore leur légitimité.<br />
Cette situation ne se limite pas nécessairement<br />
aux pays africains mais est largement répandue<br />
dans les sociétés « non-industrielles ». Les kun-<br />
winjku d’Australie en sont un exemple typique.<br />
Ils dépendent entièrement du cycle des saisons<br />
de la région de l’ouest de la Terre d’Arnhem.<br />
Alors que les Australiens non aborigènes ne<br />
reconnaissent que deux saisons, la saison des<br />
pluies et la saison sèche, les kunwinjla vivent<br />
depuis plus de mille ans selon la réalité de six