Discours de remise du prix des cadets 2012 - Ecoles de Saint-Cyr ...
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<strong>Discours</strong> <strong>de</strong> <strong>remise</strong> <strong>du</strong> <strong>prix</strong> <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>ts <strong>2012</strong><br />
par le Sous-lieutenant Henry Bataille-Dudoignon<br />
Mon Général,<br />
Mesdames, Mes<strong>de</strong>moiselles, Messieurs,<br />
En tant que prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> Prix <strong>de</strong>s Ca<strong>de</strong>ts <strong>du</strong> Festival international <strong>du</strong> livre militaire, il me<br />
revient aujourd’hui <strong>de</strong> remettre ce <strong>prix</strong>. Cependant, avant <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à cette <strong>remise</strong>,<br />
j’aimerais vous parler <strong>de</strong> ce <strong>prix</strong> et <strong>du</strong> sens qu’il revêt pour les membres <strong>du</strong> jury.<br />
Lors <strong>de</strong> la création <strong>du</strong> FILM il y a <strong>de</strong>ux ans par le Général BONNEMAISON, ici présent,<br />
il a aussi été décidé <strong>de</strong> créer un Prix <strong>de</strong>s Ca<strong>de</strong>ts, dont le but était <strong>de</strong> permettre aux élèves<br />
officiers et officiers élèves <strong>de</strong>s Écoles <strong>de</strong> <strong>Saint</strong>-<strong>Cyr</strong> Coëtquidan <strong>de</strong> remettre une distinction au<br />
livre portant sur la chose militaire qu’ils avaient préféré. Nous sommes plus <strong>de</strong> trente ca<strong>de</strong>ts à<br />
nous être porté volontaires pour participer à cette expérience culturelle et militaire cette<br />
année. Vers le début <strong>du</strong> mois <strong>de</strong> décembre, nous nous sommes réunis et avons sélectionnés, à<br />
partir d’une présélection d’une quarantaine d’ouvrages en rapport avec le chose militaire et<br />
publiés il y a mois <strong>de</strong> cinq ans, cinq ouvrages que nous nous sommes engagés à lire ; ces cinq<br />
ouvrages étaient :<br />
- L’Art français <strong>de</strong> la guerre d’Alexis JENNY, chez Gallimard ;<br />
- La Guerre <strong>de</strong> Sécession <strong>de</strong> John KEEGAN, chez Perrin ;<br />
- Task Force Tiger <strong>du</strong> colonel Nicolas LE NEN, chez Economica ;<br />
- Les Canonnières <strong>du</strong> Point-<strong>du</strong>-Jour <strong>du</strong> Général Pierre SAINT-MACARY, chez Atlantica ;<br />
- Journal d’un soldat français en Afghanistan <strong>du</strong> sergent Christophe TRAN VAN CAN,<br />
chez Plon.<br />
Vous pouvez remarquer la diversité <strong>de</strong> cette sélection, où nous retrouvons respectivement une<br />
réflexion romanesque sur l’art, la guerre et la violence, un essai historique sur le premier<br />
conflit mo<strong>de</strong>rne, un journal <strong>de</strong> marche d’un chef <strong>de</strong> corps, un roman historique ayant pour<br />
cadre la Commune <strong>de</strong> Paris et un journal intime d’un sous-officier engagé en Afghanistan.<br />
Cette diversité n’est pas un hasard et se retrouve année après année dans les sélections<br />
<strong>du</strong> Prix <strong>de</strong>s Ca<strong>de</strong>ts. C’est un témoignage à la fois <strong>de</strong> la pluralité <strong>du</strong> « livre militaire » que tente<br />
<strong>de</strong> rassembler le festival et <strong>de</strong> la curiosité <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>ts <strong>de</strong>s Écoles <strong>de</strong> Coëtquidan. Qu’est-ce que<br />
le « livre militaire » ? C’est une question qui animé notre débat <strong>de</strong> <strong>remise</strong> <strong>du</strong> <strong>prix</strong>. Le livre<br />
militaire, et tous les auteurs et éditeurs présents cette année peuvent le confirmer, c’est tout ce<br />
qui a trait à la chose militaire ; autrement dit, il s’agit <strong>de</strong> ces ouvrages qui abor<strong>de</strong>nt l’histoire<br />
militaire, la stratégie, la pensée militaire ou encore la politique <strong>de</strong> défense, mais ce sont aussi<br />
<strong>de</strong>s ouvrages plus abordables pour un grand public et qui semblent moins réservés à <strong>de</strong>s<br />
spécialistes : ce sont tous ces ouvrages qui racontent et illustrent, les romans, les témoignages<br />
ou autres retours d’expériences, les albums <strong>de</strong> photographies ou les ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssinées et autres<br />
ouvrages imagés.<br />
La curiosité <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>ts s’exprime dans le choix volontaire d’aller piocher dans toutes<br />
ces catégories, pour découvrir <strong>de</strong> nouvelles choses et pour varier les plaisirs. Les sujets étaient<br />
variés, les styles aussi. Tous les goûts étant dans la nature, la délibération finale n’en a été que<br />
plus difficile et savoureuse. Les débats ont été animés et les avis partagés. Aucun consensus<br />
ne s’est dégagé réellement <strong>de</strong>s débats, et le système <strong>de</strong> vote a seul permis <strong>de</strong> dégager un<br />
lauréat <strong>du</strong> Prix <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>ts.<br />
Après l’ouvrage <strong>de</strong> Méria<strong>de</strong>c RAFFRAY, Les Victoires oubliées <strong>de</strong> l’Armée rouge, essai<br />
sur la guerre menée en Afghanistan par les Soviétiques dans les années 1980, et après D-Day<br />
et la bataille <strong>de</strong> Normandie, étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Sir John KEEGAN retraçant les semaines qui ont suivi le<br />
débarquement <strong>de</strong> Normandie, les ca<strong>de</strong>ts ont décidé <strong>de</strong> remettre leur <strong>prix</strong> au Général SAINT-<br />
MACARY pour Les Canonnières <strong>du</strong> Point-<strong>du</strong>-Jour.
Mon Général, dans votre roman, vous nous racontez l’histoire <strong>de</strong> Paul Dorval, jeune<br />
officier sapeur qui, à la suite <strong>de</strong> la débâcle <strong>de</strong>s troupes françaises face aux armées prussiennes<br />
en août et septembre 1870, parvient à s’échapper <strong>de</strong> Metz encerclé pour rejoindre Paris et<br />
reprendre les armes contre l’envahisseur. Quelle déception pour ce jeune officier que<br />
d’apprendre la reddition <strong>de</strong>s armées françaises ! Les Parisiens, qui étaient prêts à combattre,<br />
sont sommés <strong>de</strong> déposer les armes. Pire ! on leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’accepter que les Prussiens<br />
défilent dans Paris en vainqueurs, alors qu’ils n’ont pas réussi à s’emparer <strong>de</strong> la capitale<br />
française.<br />
Au fil <strong>de</strong>s pages, mon Général, nous ressentons la déception <strong>du</strong> jeune héros et <strong>de</strong>s<br />
Parisiens et nous comprenons comment la lutte contre l’envahisseur, au fil <strong>de</strong>s trahisons et <strong>de</strong>s<br />
sentiments exacerbés, peut aboutir à une guerre civile, où les Parisiens se sentent obligés<br />
d’affronter leurs frères <strong>de</strong> sang français pour ne pas trahir leur honneur. La magie <strong>du</strong> roman<br />
est <strong>de</strong> faire sentir ce qui se joue dans les cœurs et les esprits <strong>de</strong>s hommes. Spécialiste <strong>de</strong> la<br />
Commune, vous auriez pu, mon Général, nous offrir une étu<strong>de</strong> historique précise et<br />
documentée, comme celles primées lors <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>ntes éditions <strong>de</strong> ce Festival <strong>du</strong> livre<br />
militaire. Or c’est le cœur qui parle ici, ce qui ne signifie pas que la vérité historique est<br />
absente <strong>de</strong> ces pages. Le cœur c’est celui <strong>de</strong> ce jeune officier qui n’accepte pas l’humiliation<br />
et la défaite. Officier <strong>du</strong> Génie, tout comme vous mon Général, il se donne entièrement et tout<br />
entier à la mission qui lui est confiée, quelle qu’elle soit : mettre en place un système défensif<br />
ou mener <strong>de</strong>s hommes à l’assaut. Sans cesse volontaire, il n’accepte pas l’immobilisme et il<br />
est prêt à aller jusqu’au bout pour les principes et les valeurs qui sont les siens. Cet homme<br />
que vous peignez, homme <strong>de</strong> don et d’abnégation, <strong>de</strong> courage et d’amour, est un modèle pour<br />
tous les jeunes officiers ici présents.<br />
Quant au cadre spatio-temporel <strong>de</strong> la Commune, il est particulier, mais propre aux<br />
dépassements et aux choix cornéliens. La Commune est une pério<strong>de</strong> méconnue, souvent<br />
oubliée ou effacée <strong>de</strong> la mémoire française, sauf dans quelques milieux qu’il est convenu <strong>de</strong><br />
classer sur la gauche <strong>de</strong> l’échiquier politique et qui ont récupéré l’image <strong>de</strong> la Commune dans<br />
un imaginaire <strong>du</strong> combat <strong>de</strong> l’ouvrier contre l’oppression bourgeoise. Fort heureusement,<br />
vous n’exploitez pas ces clichés faciles et ne participez pas à ces débats <strong>de</strong> partis. Vous vous<br />
intéressez aux évènements militaires et politiques, et aux choix <strong>de</strong>s personnes, pour recréer ce<br />
climat où il fallait choisir son camp. Faire le choix <strong>de</strong> la Commune signifie s’opposer à la<br />
naissance d’un nouveau régime ; accepter le nouveau régime c’est accepter la défaite face aux<br />
Prussiens. La Commune est éminemment politique, et nous pouvons nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si la<br />
République n’a pas eu tout intérêt à minimiser cet événement qui lui a permis, en matant une<br />
révolution, <strong>de</strong> construire ses fondations sur l’ordre, alors qu’elle était synonyme <strong>de</strong>puis la<br />
Révolution française <strong>de</strong> désordre. Votre héros, Paul, choisit l’honneur <strong>du</strong> pays plutôt que les<br />
jeux politiques.<br />
Un <strong>de</strong>s nos professeurs en cours <strong>de</strong> Géographie militaire, avec lequel nous étudions la<br />
Commune, nous donnait l’exemple d’un jeune officier saint-cyrien qui, après la défaite <strong>de</strong><br />
Sedan, avait rejoint la Commune <strong>de</strong> Paris ; et notre professeur <strong>de</strong> s’étonner qu’aucune<br />
promotion <strong>de</strong> la Spéciale n’ait encore ren<strong>du</strong> hommage à cet officier en le choisissant comme<br />
parrain <strong>de</strong> promotion. La Commune est marquée politiquement, notamment parce qu’elle a<br />
été rejetée par la République et monopolisée par l’extrême gauche ; il y a <strong>de</strong> quoi inquiéter<br />
bien plus d’un jeune saint-cyrien avec un nom <strong>de</strong> promotion. Pourtant, ne serait-il pas<br />
amusant <strong>de</strong> voir une promotion portant le nom d’un officier communard s’entrainer au défilé<br />
<strong>du</strong> 14 juillet sur le camp <strong>de</strong> Satory, comme certains <strong>de</strong>s membres <strong>du</strong> jury le faisaient la<br />
semaine <strong>de</strong>rnière, sur ce même plateau qui était le fief <strong>de</strong>s troupes versaillaises il y a 141<br />
ans ?<br />
Loin <strong>de</strong> la politique il y a le cœur, la persévérance et l’honneur <strong>de</strong> la France ; à défaut<br />
d’une Promotion baptisée <strong>du</strong> nom d’un officier communard, puisse ce Prix <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>ts honorer<br />
ceux qui se sont battus au nom <strong>de</strong> la France et <strong>du</strong> refus <strong>de</strong> la défaite ; et puisse <strong>prix</strong> couronner<br />
tous ces héros fictifs inspirés d’une réalité historique que vous nous avez donné <strong>de</strong> découvrir<br />
à travers les pages <strong>de</strong> votre roman.