Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique

EMPAIN EMPAIN
s'épouvantent lorsque Louis Empain annonce
dans une interview qu'il se dirige vers la « socialisation
des affaires» en vertu des «rapports
humains à créer entre le monde financier et le
monde ouvrier». Louis Empain, conscient des
devoirs qui incombent aux entreprises, se
montre pointilleux dans le respect des lois
fiscales et demande une grande honnêteté à ses
comptables habitués à utiliser mille astuces pour
diminuer les impôts. De profondes divergences
opposent donc Louis Empain et l'entourage de
Jean Empain, ce qui conduira à la rupture entre
les deux frères qui, immédiatement après le
décès de leur père, s'étaient entendus pour
constituer en janvier 1930 le holding Electrorail
par fusion de trois sociétés analogues afin de
gérer au mieux leurs participations communes,
et siégeaient ensemble dans une cinquantaine
d'entreprises, reprenant les mandats laissés
vacants par le père, mais aussi par leur oncle
paternel, démissionnaire. Le holding pratiquera
un contrôle pyramidal sur les autres entreprises,
ces dernières entretenant de nombreuses participations
croisées permettant au groupe la
maîtrise d'un maximum d'entreprises avec un
minimum de capitaux. Si le conflit entre Louis
et son frère conduit le premier à se retirer de la
gestion des affaires communes, le second ne
peut cependant vendre aucun titre des sociétés
du groupe sans le préalable accord écrit du
cadet. Louis Empain ne s'efface donc pas
complètement et crée en 1934 la Banque belge
pour l'Industrie en vue de défendre ses intérêts
dans les entreprises dont il est actionnaire. René
Destrée, Alfred Franck, mais aussi Frédéric met
den Ancxt, le petit groupe d'hommes dont Louis
Empain s'est entouré, partageront les défis
diversifiés qu'il se lance alors.
C'est en effet dans la foulée de ces événements
que celui qui institue en 1934 la
Fondation pour favoriser l'Etude scientifique
des Parcs nationaux du Congo belge se tourne
vers l'étranger, non vers la colonie où le terrain
est déjà occupé par son frère, mais vers les
larges espaces canadiens, et ce alors que les
investissements belges y sont en net recul depuis
une vingtaine d'années. Prenant le contre-pied
de ce désintérêt passager et parce que la
situation économique du Canada s'améliore
nettement, Louis Empain y amorce en effet la
relance des activités belges. Marchant dans les
pas de son père qui avait érigé la ville
192
d'Héliopolis en plein désert égyptien, le jeune
homme, par ailleurs président de l'Ecole des
Cadets de la Marine et de la Ligue Maritime
Belge dont l'action en faveur de l'expansion
belge était reconnue, ambitionne de créer un
vaste complexe au cœur des forêts proches de
Montréal. En 1935 et 1936, il crée un réseau
d'entreprises québécoises contrôlées par le
holding Compagnie Belgo-Canadienne de
Crédit limité. Ce sont la Compagnie immobilière
pour favoriser l'Agriculture, la ferme
expérimentale de la Compagnie Hébécourt
Corporation, la Société Commerciale Belgo-
Canadienne qui s'occupe d'import et d'export,
la Compagnie Belgo-Canadienne de Prospection
minière, la Société Auxibel qui bâtit les
immeubles nécessaires et la Compagnie
Immobilière de Sainte-Marguerite qui crée le
domaine d'Estérel tourné vers l'offre de sports
d'hiver et d'été anticipant les clubs de vacances
d'aujourd'hui. Louis Empain déploie parallèlement
un large effort publicitaire autour de ses
activités, la presse canadienne se réjouissant de
l'arrivée de celui qu'elle présente comme le
troisième homme parmi les plus riches de la
planète. Il s'engage à fournir du travail aux
ouvriers locaux pour plusieurs années, ce qui lui
vaut une exemption de taxes de 75 % et recrute
par ailleurs des colons agricoles belges en leur
achetant les cinq premières années de leurs
récoltes. Le fondateur des Amitiés Belgo-
Canadiennes et de l'Association Belgique-
Canada créée en mars 1936 sous le patronage du
ministre belge des Affaires étrangères Paul van
Zeeland songe à s'installer définitivement avec
son épouse au Canada quand la Seconde Guerre
mondiale le rappelle sur le vieux continent, et...
que ses sociétés canadiennes sont mises sous
séquestre. Bien que le contrôleur du séquestre
choisi par les autorités n'est autre que son
propre homme de confiance, Louis Empain,
d'une susceptibilité fracassante, renonce immédiatement
à s'occuper encore à l'avenir de ces
sociétés et tourne définitivement la page canadienne
de son existence pour s'engager plus
avant dans d'autres projets.
Depuis plusieurs années déjà, le jeune homme
œuvre en effet à l'éducation de la jeunesse qu'il
juge le plus souvent d'un œil sévère peut-être
simplement car, enseigné par des précepteurs, il
n'a eu que peu de contacts avec ceux de sa génération.
Or, un événement capital est intervenu en