Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique

SUENENS SUENENS
régulation des naissances (rapport de juin 1966).
L'encyclique, ressentie comme anti-collégiale
par sa procédure, fut considérée comme une
dénégation du Concile et en condamnant la
contraception sous toutes ses formes, même
nouvelles, elle provoqua une profonde déception.
Cette prise de position du pape fut à l'origine
d'un raz-de-marée de contestation parmi les
laïcs, mais aussi parmi les évêques du monde
occidental. Dans les pays anglo-saxons, l'encyclique
provoqua une ligne de partage définitive.
Quelques mois avant la publication de
Humanae vitae, le cardinal Suenens avait
personnellement adjuré le pape, mais en vain, de
ne pas trancher la question épineuse du «birth
control » sans concertation avec les conférences
épiscopales. A cette même époque, sa publication
d'un ouvrage sur La coresponsabilité dans
l'Eglise d'aujourd'hui (1968) avait déjà été à
l'origine de vives tensions entre Suenens et Paul
VI. Le livre, qui traitait de manière concrète de
la collaboration entre le pape et les évêques,
restait par contre très discret quant au niveau
laïcs - hiérarchie. Un ouvrage plutôt incolore,
mais qui à Rome, fit scandale. Paul VI, dans un
entretien privé avec l'auteur, se plaignit de cette
publication qu'il estimait «explosive».
De nombreuses conférences épiscopales
consacrèrent des commentaires réticents ou
même critiques à Humanae vitae. On peut se
faire une idée du malaise qui régnait à l'époque
lorsqu'on sait que cinq cardinaux des plus
éminents d'Europe se concertèrent dans le plus
grand secret en un style inédit dans l'histoire de
l'Eglise catholique. Le rendez-vous eut lieu à
Essen, le 9 septembre 1968 et réunissait Suenens
(Malines-Bruxelles), Alfrink (Utrecht), Döpfner
(Munich), König (Vienne) et Heenan
(Westminster) : l'initiative étant due à ce
dernier.
Le tempérament de Suenens devant ces déceptions
allait l'inciter à passer à l'action. La
perspective d'un symposium des évêques
européens à Coire et la convocation d'un synode
episcopal à Rome rendaient cette action urgente.
Après une dernière audience infructueuse chez
le pape (mars 1969), au sujet de l'ordre du jour
de ce synode, Suenens décide d'en appeler à
l'opinion publique dans l'Eglise. Une interview
très élaborée qui paraît en français dans les
Informations Catholiques Internationales (15
mai 1969), et ailleurs dans les autres grandes
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langues, avait été préparée selon une stratégie
minutieuse. Ecrit dans un style direct et parfois
acéré, l'article développe quelques thèmes
sensibles : primauté et collégialité, l'évêque et
son peuple, le pape, la Curie et les nonces.
L'article éclata comme une bombe dans
l'opinion chrétienne, mais fit aussi la «une» de
la grande presse mondiale. Des porte-parole de
la Curie ripostèrent avec indignation (Tisserant,
Felici, Garrone, Villot), tandis que Paul VI luimême
se contenta d'une allusion tardive et très
discrète.
Le succès de l'interview fut immense dans
l'opinion anglo-saxonne, particulièrement aux
Etats-Unis, mais le «vedettariat» de l'archevêque
belge ne causa pas le même enthousiasme
ni parmi les autres évêques belges ni parmi ses
confrères du continent : un pareil appel à
l'opinion scandalisa particulièrement les
évêques français. Paul VI, parlant de Suenens à
Jean Guitton, remarque avec justesse : «Regardez
l'ironie des choses : lui qui a écrit en faveur
de la 'coresponsabilité' dans cette interview, il a
agi seul, sans parler au nom de l'épiscopat
belge» (dans J. Guitton, Paul VI secret,
Bruxelles, 1979, p. 114).
Pour Suenens, c'était un point de non-retour.
D'une part, il avait le sentiment que les résultats
tangibles de Vatican Π se trouvaient de plus en
plus mis en question, et, d'autre part, il lui
semblait que l'évolution de la société nécessitait
des réformes que le synode annoncé risquait de
négliger, entre autres à l'égard de l'obligation du
célibat des prêtres. Par son éclat de mai 1969,
l'archevêque de Malines-Bruxelles espérait
qu'une opinion latente allait se cristalliser, mais
la dispersion des évêques et leur isolement
vulnérable rendaient le processus souhaité peu
probable voire impossible. L'heure de grâce
d'un concile était passée.
Des tentatives semblables de Suenens furent
répétées par la suite mais sans avoir prise sur les
instances responsables de l'Eglise catholique.
C'est plus tard, à l'assemblée générale du
synode de 1971, que Suenens prit conscience du
fait qu'il avait cessé d'être persona grata dans le
milieu de ses confrères dans l'épiscopat. Six
mois plus tard, un Suenens repenti fut reçu par
Paul VI : ce fut la réconciliation et le retour
d'une amitié très ancienne. En adhérant peu
après au mouvement catholique charismatique
d'origine américaine, l'archevêque de Malines-