Le domaine public maritime de Dakar - Aide Transparence
Le domaine public maritime de Dakar - Aide Transparence
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Photo J. H. Sy<br />
<strong>Le</strong> <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>Dakar</strong> : élites, pouvoir et<br />
impunité<br />
sous la direction <strong>de</strong> Jacques Habib Sy, Ph.D<br />
Par Jacques Habib Sy, Mamadou Aliou Diallo et<br />
Papa Samba Kane<br />
Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong><br />
Une ONG régionale d’analyse <strong>de</strong>s politiques économiques et<br />
sociales, au service <strong>de</strong>s peuples africains<br />
Route <strong>de</strong> l’Aéroport Près <strong>de</strong> l’Agence <strong>de</strong> Voyages Relax * BP 5409 * <strong>Dakar</strong>-Fann<br />
Tel : 221 33 8203660 * Site web: http://www.aidtransparency.org
MAMADOU ALIOU DIALLO<br />
LISTE DES AUTEURS<br />
Specialiste <strong>de</strong> gestion du contentieux aérien et <strong>maritime</strong> et Charge <strong>de</strong> cours <strong>de</strong> droit <strong>public</strong> a<br />
la Faculte <strong>de</strong> Droit <strong>de</strong> l’Universite Cheikh Anta Diop. Titulaire d’un DEA <strong>de</strong> gestion intégrée<br />
<strong>de</strong>s zones côtières et <strong>de</strong>s petites iles et d’un DEA en droit <strong>public</strong>. Auteur <strong>de</strong> nombreuses<br />
<strong>public</strong>ations sur différents aspects du droit <strong>public</strong>.<br />
PAPA SAMBA KANE<br />
Reporter et chroniqueur au « Politicien ». Membre fondateur du « Cafard Libéré ». Grand<br />
reporter, rédacteur en chef, puis Directeur <strong>de</strong> la <strong>public</strong>ation et éditeur <strong>de</strong> plusieurs journaux<br />
quotidiens et périodiques. Auteur <strong>de</strong> centaines d’articles d’investigation et d’ouvrages dont<br />
« <strong>Le</strong>s années <strong>de</strong> braise/ L'envol d'un aigle (portrait satirique d'un prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République)<br />
(1992), « Mémoire corrective (recueil <strong>de</strong> portraits publiés au « Cafard Libéré ») et « Casinos<br />
et machines à sous au Sénégal ; le poker menteur <strong>de</strong>s hommes politiques » (2006).<br />
JACQUES HABIB SY<br />
Titulaire d’un Ph.D en Sciences <strong>de</strong> la Communication <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Howard<br />
(Washington, D.C.), d’une Maîtrise en Communications <strong>de</strong> Masse et Sciences <strong>de</strong><br />
l’Information <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Paris II, Sorbonne et d’un Diplôme <strong>de</strong> Journalisme du Centre<br />
d’Etu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s Sciences et Techniques <strong>de</strong> l’Information. Professeur associé dans plusieurs<br />
universités nord américaines et a dirigé <strong>de</strong>s thèses <strong>de</strong> mémoire et <strong>de</strong> doctorat. Journaliste,<br />
gestionnaire d’agence <strong>de</strong> presse et titulaire <strong>de</strong> plusieurs postes <strong>de</strong> direction et <strong>de</strong> gouvernance<br />
stratégique et programmatique dans <strong>de</strong>s agences régionales africaines, <strong>de</strong>s organisations<br />
internationales et <strong>de</strong>s organismes interétatiques. A participé a l’élaboration et la mise en<br />
œuvre <strong>de</strong> plusieurs initiatives d’intégration régionale et <strong>de</strong> promotion <strong>de</strong> la paix en Afrique.<br />
Membre <strong>de</strong> plusieurs organisations internationales <strong>de</strong> recherche en communication et<br />
expérience décennale en administration <strong>de</strong> la recherche scientifique et technologique aux<br />
plans africain et global. Présentement Directeur d’Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong>, une ONG panafricaine<br />
spécialisée dans l’analyse <strong>de</strong>s politiques économiques et sociales et <strong>de</strong> la gouvernance.<br />
Coordonateur <strong>de</strong> l’initiative africaine <strong>de</strong> protection et <strong>de</strong> promotion <strong>de</strong>s manuscrits anciens.<br />
Auteur <strong>de</strong> plusieurs ouvrages et articles scientifiques.<br />
Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong> tient à remercier les enquêteurs <strong>de</strong> terrain et plusieurs autres<br />
techniciens ou ingénieurs qui ont participé à la réalisation <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> dans <strong>de</strong>s délais<br />
très courts. <strong>Le</strong>ur i<strong>de</strong>ntité n’a pas été dévoilée pour éviter <strong>de</strong> leur porter préjudice dans le<br />
travail permanent <strong>de</strong> recueil et <strong>de</strong> déconstruction <strong>de</strong>s faits liés à la gouvernance<br />
démocratique au Sénégal qu’ils mènent <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années.
Amp Aire marine protégée<br />
LIST DES ACRONYMES<br />
Armp Agence pour la régulation <strong>de</strong>s marchés <strong>public</strong>s<br />
Anoci Agence nationale <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> la conférence islamique<br />
Apix Agence pour la promotion <strong>de</strong>s investissements<br />
Asecna Agence pour la sécurité <strong>de</strong> la navigation aérienne<br />
Cereeq Centre expérimental <strong>de</strong> recherches et d’étu<strong>de</strong>s pour l’équipement<br />
C<strong>de</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’eau<br />
C<strong>de</strong> Co<strong>de</strong> du <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> l’Etat<br />
Crd Comité <strong>de</strong> règlement <strong>de</strong>s différends<br />
Dna Deoxyribo Nucleic Acid<br />
Dpm Domaine <strong>public</strong> <strong>maritime</strong><br />
E.U. Etats-Unis<br />
Ifan Institut fondamental d’Afrique noire<br />
Oci Organisation <strong>de</strong> la conférence islamique<br />
Rdc République démocratique du Congo<br />
Sicap Société immobilière du Cap Vert<br />
Sapco Société d’aménagement <strong>de</strong> la petite côte<br />
Uemoa Union économique et monétaire ouest africaine<br />
Unesco Organisation <strong>de</strong>s Nations Unies pour l’éducation, les sciences et la culture<br />
Uicn Union Internationale <strong>de</strong> Conservation <strong>de</strong> la Nature
© Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong> – Aid Transparency<br />
Cette étu<strong>de</strong> peut être reproduite avec la permission expresse d’Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong>. Tous<br />
droits <strong>de</strong> propriété intellectuelle et <strong>de</strong> reproduction et <strong>de</strong> stockage sous quelque forme<br />
que ce soit réservés.<br />
Cette étu<strong>de</strong> a été rendue possible grâce à une subvention <strong>de</strong> Open Society Initiative in West<br />
Africa dans le cadre du programme d’Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong> sur la <strong>Transparence</strong> Budgétaire en<br />
Afrique <strong>de</strong> l’Ouest. Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong> remercie sincèrement OSIWA <strong>de</strong> son assistance<br />
généreuse.
LE DOMAINE PUBLIC MARITIME DE DAKAR :<br />
ELITES, POUVOIR ET IMPUNITE<br />
Une enquête <strong>de</strong> terrain d’Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong><br />
Sous la direction <strong>de</strong> Jacques Habib Sy
Table <strong>de</strong>s matières<br />
Avant propos 8<br />
Chapitre 1 : Introduction 10<br />
Chapitre 2 : Evolution du Dpm <strong>de</strong> la presqu’ile du Cap Vert 17<br />
Chapitre 3 : les chantiers <strong>de</strong> l’Anoci 32<br />
Chapitre 4 : Regards croisés <strong>de</strong>s experts sur le Dpm 40<br />
Chapitre 5 : Lignes <strong>de</strong> fracture environnementale dans la prise <strong>de</strong> décision<br />
Publique 44<br />
Chapitre 6 : Gestion juridique du Dpm 49<br />
Chapitre 7 : Analyse géo spatiale et statistique <strong>de</strong>s violations du Dpm 69<br />
Conclusion 89
Avant-propos<br />
L’objectif <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> est d’attirer l’attention générale sur la gravité <strong>de</strong>s assauts répétés que<br />
l’on a fait subir au <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> (Dpm) <strong>de</strong> la presqu’île du Cap-Vert génération<br />
après génération. Nous avons atteint la côte d’alerte <strong>de</strong>puis belle lurette. C’est pourquoi il<br />
était important qu’un exercice empirique, certes limité, se propose d’évaluer la profon<strong>de</strong>ur du<br />
mal et <strong>de</strong>s pistes <strong>de</strong> réflexion qui ne sont qu’un point <strong>de</strong> départ et non un aboutissement vers<br />
l’absolutisme administratif si caractéristique <strong>de</strong> la chefferie d’Etat sénégalaise.<br />
L’étu<strong>de</strong> a été menée au pas <strong>de</strong> charge, malgré une modicité <strong>de</strong> moyens financiers sans<br />
commune mesure avec les exigences logistiques et <strong>de</strong> pluridisciplinarité requis en la matière.<br />
Grâce à une équipe réduite composée d’un sociologue, d’un journaliste, d’un juriste et <strong>de</strong><br />
plusieurs enquêteurs chevronnés <strong>de</strong> terrain, nous avons pu observer tout le littoral <strong>de</strong> la<br />
presqu’île en l’espace <strong>de</strong> quatre mois et nous entretenir avec une kyrielle <strong>de</strong> personnes<br />
ressources et d’institutions, les unes consentantes, les autres réticentes voire défiantes. Nous<br />
ne nous sommes laissés gui<strong>de</strong>r que par la nécessité impérative <strong>de</strong> coller aux faits<br />
surdéterminants, <strong>de</strong> nous en tenir aux conclusions forcément limitées que nous permettent<br />
pour l’instant l’analyse <strong>de</strong>s données recueillies et <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s voies alternatives qui<br />
puissent tirer le Sénégal et sa fabuleuse presqu’île <strong>de</strong> la zone <strong>de</strong> laisser-aller et <strong>de</strong> laisser-faire<br />
qui l’ont transformée en quelques décennies en une aire marine agressée, en <strong>de</strong>rnier ressort,<br />
par l’égoïsme et la boulimie <strong>de</strong>structrice <strong>de</strong>s élites financières, politiques, intellectuelles et<br />
religieuses.<br />
Contrairement à <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes, souvent parcellaires et incomplètes, cette <strong>de</strong>rnière a<br />
procédé au relevé minutieux <strong>de</strong>s cas avérés <strong>de</strong> violations du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong>. <strong>Le</strong>s<br />
dysfonctionnements ainsi observés ont invariablement conduit quelque fonctionnaire à<br />
toujours fermer les yeux moyennant un bakchich à la mesure <strong>de</strong> l’infraction délibérément<br />
commise, ou tel administrateur, promoteur, élu local, agent technique, courtier, autorité<br />
coutumière, agent assermenté et intermédiaire douteux à passer à travers les mailles parfois<br />
trop larges d’un corpus juridique et réglementaire encore inadapté voire aveugle à la tyrannie<br />
d’une petite poignée d’apparatchiks souvent mus par <strong>de</strong>s instincts mal maîtrisés<br />
d’accumulation indue <strong>de</strong>s richesses foncières publiques ou <strong>de</strong> revenus illicites.<br />
Cette étu<strong>de</strong> ne participe donc pas <strong>de</strong> la coquetterie intellectuelle. Elle répond à une nécessité<br />
<strong>de</strong> l’heure. <strong>Le</strong> réformateur sénégalais, et plus particulièrement les gouvernements successifs,<br />
se sont engagés dans une série d’actions et ont posé <strong>de</strong>s actes sur lesquels nous avons cru<br />
<strong>de</strong>voir poser un regard luci<strong>de</strong>, celui <strong>de</strong> l’observateur impartial dont la distanciation avec<br />
l’objet même <strong>de</strong> son sujet, lui restitue la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’indépendance d’esprit face à la<br />
réification du vol comme moyen principal d’accumulation <strong>de</strong>s ressources foncières publiques.<br />
Comme dans toutes les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ce genre sur la gouvernance dans le contexte d’un système<br />
étatique entièrement concentré entre les mains d’un seul homme, tous les chemins mènent<br />
irrémédiablement au chef <strong>de</strong> l’Etat et à ses collaborateurs les plus directs. Il n’est pas facile <strong>de</strong><br />
disséquer les véritables mobiles qui instruisent la prise <strong>de</strong> décision dans le secret <strong>de</strong>s<br />
délibérations menées sous l’impulsion et l’autorité directes ou indirectes du premier magistrat<br />
<strong>de</strong> la nation. Mais, il n’est pas difficile <strong>de</strong> reconstituer le puzzle <strong>de</strong> contradictions et<br />
d’i<strong>de</strong>ntifier le fil conducteur <strong>de</strong>s décisions relatives aux violations du Dpm. Comme une sorte<br />
<strong>de</strong> DNA, les empreintes <strong>de</strong> ces violations sont inaltérables et laissent la nature et le volume
<strong>de</strong>s constructions entreprises sur le Dpm livrer les secrets <strong>de</strong>s crimes commis sur le Dpm<br />
contre la collectivité nationale.<br />
Nous n’avons pas hésités à i<strong>de</strong>ntifier, par <strong>de</strong>s enquêtes <strong>de</strong> terrain et <strong>de</strong>s recoupements<br />
minutieux, les propriétaires <strong>de</strong> terrains situés dans le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong>. Pour <strong>de</strong>s<br />
raisons évi<strong>de</strong>ntes, nous n’avons pas cru <strong>de</strong>voir violer le caractère confi<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong> certaines<br />
informations, notamment celles relatives à l’i<strong>de</strong>ntité véritable <strong>de</strong>s personnes incriminées en<br />
matière <strong>de</strong> violation du Dpm. D’abord, pour éviter le brouhaha habituel en pareille<br />
circonstance et qui risque <strong>de</strong> parasiter la véracité <strong>de</strong>s faits et leur caractère presque surréaliste,<br />
par endroits, compte tenu <strong>de</strong> l’énormité <strong>de</strong>s violations et <strong>de</strong> leur caractère criminogène<br />
marqué, avec <strong>de</strong>s conséquences incalculables sur la longue durée. Ensuite, il faudra bien, dans<br />
un second temps, que ceux qui sont responsables <strong>de</strong>s dérives que nous dénonçons ici puisse<br />
répondre <strong>de</strong> leurs actes lorsque la nation en aura saisi le bien-fondé.<br />
A la décharge du Chef <strong>de</strong> l’Etat, nous avons pris bonne note <strong>de</strong> son désir d’avoir <strong>de</strong>s données<br />
aussi exactes que possible sur tous les occupants du littoral atlantique <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> à Saint-Louis,<br />
à travers <strong>de</strong>s enquêtes <strong>de</strong> terrain menées, à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, par la Gendarmerie nationale. Nous<br />
avons également pris compte <strong>de</strong> ce que <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs et non <strong>de</strong>s moindres aient su tirer la<br />
sonnette d’alarme par moments, mais sans être entendus, dans <strong>de</strong>s contextes où le système<br />
politique et économique du moment ne laissait généralement aucune place à <strong>de</strong>s initiatives <strong>de</strong><br />
rupture avec l’ordre ancien d’aménagement du territoire, particulièrement du littoral, à <strong>de</strong>s<br />
fins souvent politiciennes voire clientélistes.<br />
Il appartiendra, en <strong>de</strong>rnier ressort, au grand <strong>public</strong>, aux citoyens et citoyennes <strong>de</strong> ce pays, aux<br />
déci<strong>de</strong>urs encore capables <strong>de</strong> discernement d’agir ici et maintenant sur le processus hyper<br />
centralisé <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> décision publique en matière <strong>de</strong> gestion du Dpm, <strong>de</strong> s’emparer du<br />
contenu <strong>de</strong> ce document, <strong>de</strong> le disséquer, mais surtout d’en transcen<strong>de</strong>r les limites à travers<br />
une action résolue <strong>de</strong> transformation sociale au bénéfice <strong>de</strong> tous.<br />
J.H.S.
Chapitre 1<br />
Introduction<br />
<strong>Le</strong> <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> (Dpm) rend compte <strong>de</strong>s mutations géophysiques et<br />
environnementales qui ont marqué d’une empreinte indélébile à la fois les hommes et les<br />
règnes animaux et végétaux <strong>de</strong> la zone côtière ouest africaine <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s temps immémoriaux.<br />
Cette zone qui fait vivre 6 personnes sur 10, abrite <strong>de</strong>s ressources halieutiques estimées à plus<br />
<strong>de</strong> 400 milliards <strong>de</strong> dollars E.U., <strong>de</strong>s populations riveraines qui vivent <strong>de</strong> la pêche et d’autres<br />
activités génératrices <strong>de</strong> revenus cependant que les Etats y ont édifié une industrie touristique<br />
qui, malgré son caractère relativement vétuste en plusieurs endroits, participe <strong>de</strong> manière<br />
décisive à la croissance et à la création d’emplois.<br />
Tout au long <strong>de</strong> cette côte qui a été le théâtre d’affrontements sanglants entre les populations<br />
autochtones et les hégémonismes européens <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s mercantiliste puis impérialiste, les<br />
Etats nouvellement indépendants ont créés <strong>de</strong>s Aires marines protégées (Amp) 1 pour<br />
préserver <strong>de</strong>s parties névralgiques du pillage effréné <strong>de</strong>s ressources littorales et promouvoir<br />
<strong>de</strong>s stratégies adéquates <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> la biodiversité et <strong>de</strong> maintien d’un équilibre<br />
satisfaisant entre les règnes humains, animaux et végétaux.<br />
Comme le montre la carte # 1 ci-<strong>de</strong>ssous, la côte ouest africaine présente une relative<br />
homogénéité à travers une écorégion que se partagent la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie, la<br />
Guinée Bissau, la Guinée et le Cap Vert sur une distance <strong>de</strong> 3 200 km à l’intérieur <strong>de</strong> laquelle<br />
cohabitent falaises rocheuses et plages sableuses au nord, vasières à mangroves au sud et<br />
archipel volcanique à l’ouest. L’Uicn suggère trois principaux types d’écosystèmes : le<br />
sénégalo-mauritanien à dominance d’upwelling, le capverdien rocheux insulaire et l’estuarienmangrovien<br />
pour la Guinée et la Guinée Bissau 2 . A cette unité éco systémique vient se<br />
superposer une unité pluriculturelle forgée à travers l’histoire et un même substrat social 3 .<br />
1 <strong>Le</strong>s Amp ont été définies comme les vecteurs <strong>de</strong> protection « <strong>de</strong>s habitats sensibles tels que les herbiers marins<br />
ou les mangroves » et qui « abritent en même temps <strong>de</strong>s populations qui ont développé au fil <strong>de</strong>s siècles, <strong>de</strong>s<br />
valeurs culturelles directement liées à l’environnement, qui s’avèrent précieuses pour la gestion actuelle et future<br />
<strong>de</strong>s Amp. Enfin, les Amp jouent un rôle vital dans la reproduction <strong>de</strong>s ressources côtières et marines, la<br />
conservation <strong>de</strong> la biodiversité à l’échelle nationale, régionale et mondiale et la pérennité <strong>de</strong>s cultures <strong>de</strong>s<br />
sociétés du littoral ». <strong>Le</strong> rapport cité <strong>de</strong> l’UICN ajoute : Parmi les 700 espèces <strong>de</strong> poissons recensées, plusieurs<br />
d’entre elles, et en particulier les espèces pélagiques qui vivent en bancs et en pleine eau, se déplacent le long du<br />
littoral en traversant les frontières. Ainsi, par exemple, les sardinelles et les chinchards, si importants pour la<br />
pêche artisanale et industrielle, effectuent <strong>de</strong>s migrations à travers toute la région, et ce sont les mêmes stocks<br />
qui sont partagés par les pêcheurs <strong>de</strong>s différents pays. De la même façon, oiseaux, tortues et mammifères marins<br />
ont <strong>de</strong>s aires <strong>de</strong> distribution qui dépassent largement les frontières nationales. <strong>Le</strong> suivi par satellite a permis par<br />
exemple <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce le schéma migratoire <strong>de</strong>s tortues marines : les milliers <strong>de</strong> femelles qui viennent<br />
pondre sur les plages sableuses <strong>de</strong> l’archipel <strong>de</strong>s Bijagos ou <strong>de</strong>s îles du CapVert se dirigent par la suite vers la<br />
Gambie, le Sénégal et la Mauritanie, où elles exploitent les milieux côtiers pour reconstituer leurs réserves ». Cf.<br />
UICN, « Stratégie régionale pour les aires marines protégées en Afrique <strong>de</strong> l’Ouest »,<br />
http://www.uicn.fr/IMG/pdf/STRATEGIE_REGIONALE_AMP_AFR_OUEST.pdf<br />
2 Voir document <strong>de</strong> l’UICN cité ci-<strong>de</strong>ssus.<br />
3 Voir à cet égard les travaux <strong>de</strong> Cheikh Anta Diop dans son Unité culturelle <strong>de</strong> l’Afrique noire (Paris : Présence<br />
Africaine) et Boubacar Barry à travers son plaidoyer sur l’unité <strong>de</strong> l’ensemble sénégambien s’étirant <strong>de</strong> la<br />
Mauritanie aux confins <strong>de</strong> la Guinée.
Mais le littoral ouest africain est avant tout un fabuleux conglomérat d’habitats dépositaires<br />
d’une biodiversité marine et biologique à la singularité marquée par les récifs coralliens du<br />
Cap Vert, les rarissimes phoques moines, <strong>de</strong>s cétacés <strong>de</strong> toutes sortes comprenant <strong>de</strong>s<br />
dauphins, <strong>de</strong>s orques, <strong>de</strong>s baleines, <strong>de</strong>s lamantins, <strong>de</strong>s hippopotames « marins», <strong>de</strong>s tortues<br />
marines menacées d’extinction, et les plus gran<strong>de</strong>s concentrations mondiales d’oiseaux d’eau,<br />
sans compter <strong>de</strong>s espèces particulières d’algues très riches en protéines, etc 4 .<br />
Carte # 1 : aires marines protégées d’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest<br />
Source : UICN, « Stratégie régionale pour les aires marines protégées en<br />
Afrique <strong>de</strong> l’Ouest », sans date ni lieu.<br />
C’est cette gran<strong>de</strong> diversité faunistique et florale qui est menacée par la pêche industrielle<br />
étrangère surtout qui a pillé outrageusement les ressources halieutiques <strong>de</strong>s pays côtiers mais<br />
aussi par l’absence <strong>de</strong> repos biologique <strong>de</strong>s espèces menacées (la Mauritanie faisant figure<br />
d’exception en ce <strong>domaine</strong>) et par la surexploitation économique qui en résulte. Il y a moins<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux décennies, <strong>de</strong> nombreuses ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> requins, <strong>de</strong> thons et <strong>de</strong> dauphins pouvaient être<br />
très facilement i<strong>de</strong>ntifiées à partir <strong>de</strong>s côtes (voir figure # 1) 5 .<br />
4 Ibid., p. 13.<br />
5 Sur cette question voir l’étu<strong>de</strong> édifiante <strong>de</strong> R. Duguy, Contribution à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mammifères <strong>de</strong> la côte nordouest<br />
africaine, Rev. Trav. Inst. Pêches marit., 39 (3), pp. 321-332. Il convient, par ailleurs, <strong>de</strong> noter qu’il y a<br />
une baisse remarquable <strong>de</strong>s prises démersales notamment, au point où l’approvisionnement du marché local en<br />
poissons <strong>de</strong> qualité et les activités d’exportation <strong>de</strong>s ressources halieutiques ont chuté <strong>de</strong> façon drastique, ce qui<br />
prive le Sénégal <strong>de</strong> sources importantes <strong>de</strong> <strong>de</strong>vises et <strong>de</strong> la contribution significative du secteur <strong>de</strong> la pêche au<br />
PIB total (2,5 %) et primaire (11 %). Cf. Direction <strong>de</strong>s pêches <strong>maritime</strong>s, « Plan stratégique national
Figure # 1 : Dauphins s’adonnant à leur sport favori au large du littoral yoffois<br />
La presqu’île du Cap Vert abrite une large gamme d’habitats et <strong>de</strong> paysages<br />
morphopédologiques qui comprennent <strong>de</strong>s dunes littorales avec steppe arbustive, <strong>de</strong>s dunes<br />
intérieures avec steppe arborée, la zone <strong>de</strong>s Niayes avec ses dépressions inter dunaires et sa<br />
ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> filaos qui s’étire du Lac Rose à Kambéréén, la forêt classée <strong>de</strong> MBaw et le plateau<br />
<strong>de</strong> Barñi, avec sa forêt <strong>de</strong> baobabs 6 (voir carte # 2 ci-<strong>de</strong>ssous). Parmi les facteurs<br />
environnementaux adverses figure la pression démographique très vive qui pèse sur la ville<br />
(environ ¼ <strong>de</strong> la population totale <strong>de</strong> 12 millions d’habitants vit à Dakaar). Des sources<br />
prédisent que si ces tendances haussières ne sont pas corrigées, il est probable qu’à l’horizon<br />
2015, 6 Sénégalais sur 10 habiteront la région <strong>de</strong> Dakaar 7 . Il y a une corrélation étroite entre<br />
l’intensité <strong>de</strong>s assauts subis par le littoral océanique capverdien et la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> population par<br />
département comme le montre la carte # 3 relative à l’évolution démographique en 2002<br />
(Dakaar : plus <strong>de</strong> 955 000 habitants ; Gédiawaay : plus <strong>de</strong> 258 000 habitants ; Pikin : plus <strong>de</strong><br />
768 000 habitants ; Rufisque : environ 284 000 habitants). Comme le souligne une récente<br />
étu<strong>de</strong> conduite sous la direction du Professeur Papa Goumbo Lo, le versant littoral occi<strong>de</strong>ntal<br />
se subdivise en plusieurs faça<strong>de</strong>s qui appartiennent à 7 régions administratives et 17<br />
départements administratifs (Saint-Louis, Dagana, Luga, Kébémer, Tiwawan, Tièss, MBuur,<br />
Dakaar, Pikin, Gédiawaay, Rufisque, Kawlak, Fatik, Fundiuñ, Sigicoor, Biñona et Usuy) 8 .<br />
Cette responsabilité éclatée <strong>de</strong> la gestion du littoral marin implique un niveau <strong>de</strong> coordination<br />
croisée et une fluidité <strong>de</strong> la concertation administrative et <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> décision au sujet<br />
duquel l’Etat du Sénégal n’a pas encore réagi avec la vigueur et l’efficacité requises.<br />
C’est dans le département <strong>de</strong> Dakaar qu’on observe les violations les plus flagrantes et les<br />
plus intenses du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong>. <strong>Le</strong>s raisons <strong>de</strong> cette fréquence alarmante <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong><br />
violation du Dpm à <strong>Dakar</strong> sont nombreuses. Au facteur démographique, il convient d’ajouter<br />
le fait que la quasi-totalité du tissu industriel, du réseau <strong>de</strong>s services, <strong>de</strong>s structures<br />
administratives, <strong>de</strong>s grands collèges, lycées et centres hospitaliers, sans compter le port en<br />
eaux profon<strong>de</strong>s, sont concentrés dans le département <strong>de</strong> Dakaar, ce qui occasionne un<br />
mouvement pendulaire <strong>de</strong> la mobilité urbaine entre le centre ville et les zones périurbaines et<br />
périphériques. Malgré le niveau excessif <strong>de</strong> ressources dévolues à l’amélioration <strong>de</strong> la<br />
d’immersion <strong>de</strong> récifs artificiels », <strong>Dakar</strong>, Juin 2006. Voir également l’étu<strong>de</strong> plus récente du ministère <strong>de</strong><br />
l’Environnement du Sénégal in Ministère <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong> la Protection <strong>de</strong> la Nature, « Rapport national<br />
sur l’état <strong>de</strong> l’environnement marin et côtier », <strong>Dakar</strong>, sans date, p. 14.<br />
6 APIX, « Projet d’autoroute <strong>Dakar</strong>-Diamniado ; évaluation environnementale et sociale du projet d’autoroute<br />
<strong>Dakar</strong>-Diamniado ; rapport final », <strong>Dakar</strong>, Juillet 2006, pp. 50-51.<br />
7 Ibid., p. 70. Sur l’évolution démographique et infrastructurelle <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, voir l’étu<strong>de</strong> détaillée d’Assane Seck,<br />
<strong>Dakar</strong>, métropole ouest-africaine, <strong>Dakar</strong> : IFAN, 1970.<br />
8 In Ministère <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong>s Etablissements Classés, « Formulation d’un programme national<br />
intégré <strong>de</strong> lutte contre l’érosion côtière ; résumé du rapport final », sous la direction du Professeur Papa Goumbo<br />
Lo, Directeur général du Centre Expérimental <strong>de</strong> Recherches et d’Etu<strong>de</strong>s pour l’Equipement (CEREEQ), <strong>Dakar</strong>,<br />
Avril 2008.
mobilité urbaine, notamment dans le cadre <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> l’Anoci, la tendance négative n’a<br />
pas été inversée puisque l’essentiel <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> production industrielle, <strong>de</strong> provision <strong>de</strong><br />
services, <strong>de</strong> commerce, <strong>de</strong> sante hospitalière, d’éducation et d’administration restent<br />
concentrées à Dakaar.<br />
A ces tendances lour<strong>de</strong>s, s’ajoute le facteur surdéterminant <strong>de</strong>s antagonismes <strong>de</strong> classe entre<br />
les élites politiques détentrices du pouvoir économique et d’Etat et la gran<strong>de</strong> masse <strong>de</strong>s<br />
populations pauvres<br />
Carte # 2 : écosystèmes marins et côtiers du Sénégal<br />
Source : Ministère <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong> la Protection <strong>de</strong> la Nature, « Rapport national sur<br />
l’état <strong>de</strong> l’environnement marin et côtier », <strong>Dakar</strong>, sans date, p. 14.
Carte # 3 : <strong>de</strong>nsité du peuplement humain dans la presqu’île du Cap Vert<br />
Source : APIX, « Projet d’autoroute <strong>Dakar</strong>-Diamniado ; évaluation environnementale et sociale du<br />
projet d’autoroute <strong>Dakar</strong>-Diamniado ; rapport final », <strong>Dakar</strong>, Juillet 2006<br />
et travailleuses surexploitées à travers les politiques économiques et sociales en cours 9 . <strong>Le</strong>s<br />
différents directoires politiques qui se sont succédés <strong>de</strong>puis 1960 à la tête <strong>de</strong> l’Etat sénégalais,<br />
n’ont pas manqué d’accaparer les ressources foncières du littoral océanique à leur seul profit<br />
en se taillant <strong>de</strong>s <strong>domaine</strong>s en moyenne 10 à 20 fois supérieurs en superficie aux lotissements<br />
<strong>de</strong> 75 à 150 mètres carrés observés dans les zones périurbaines à très haute <strong>de</strong>nsité humaine.<br />
La commune d’arrondissement <strong>de</strong>s Almadies, à l’exception <strong>de</strong> l’enclave historique <strong>de</strong> Ngoor,<br />
rend compte <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité humaine la moins élevée dans la zone étudiée (en 2002, la Direction<br />
<strong>de</strong> la prévision statistique fixe le nombre d’habitants au km2 <strong>de</strong>s zones dans l’emprise du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> à 2 343 à NGoor et, par contraste, à 21 701 dans la commune <strong>de</strong><br />
Kambéréén et 35 538 dans celle <strong>de</strong>s Parcelles Assainies) 10 . Ces disparités ne sont pas sans<br />
conséquence sur la pression qu’exercent les communautés et les groupes socioprofessionnels<br />
sur les équilibres socio environnementaux <strong>de</strong>s zones concernées.<br />
La quasi-totalité <strong>de</strong>s bâtiments visibles tout au long du littoral et plus particulièrement du<br />
Dpm ont été construits à partir du sable marin extrait <strong>de</strong>s plages ou <strong>de</strong> leur voisinage<br />
9 Cf. Jacques Habib Sy, Pauvreté et hégémonismes ; les sociétés civiles africaines face aux ajustements<br />
structurels <strong>de</strong> type nouveau, <strong>Dakar</strong> : Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong>, 2002, 333 pages.<br />
10 Cf., APIX, doc. cité, p. 72.
immédiat, ce qui a aggravé l’emprise <strong>de</strong> l’érosion sur l’ensemble <strong>de</strong>s côtes sénégalaises. Une<br />
étu<strong>de</strong> récente <strong>de</strong> la Baie <strong>de</strong> Gorée montre l’importance du mouvement <strong>de</strong> recul du trait <strong>de</strong> côte<br />
et le caractère décisif du facteur humain dans l’érosion littorale ainsi notée. L’étu<strong>de</strong> conclut<br />
l’évaluation <strong>de</strong> l’impact du facteur humain en ces termes :<br />
<strong>Le</strong>s hommes interviennent dans le système <strong>de</strong> façon chronique, sans<br />
lui permettre <strong>de</strong> réagir aux déséquilibres qu’ils déclenchent. <strong>Le</strong>s<br />
différentes activités (extractions massives <strong>de</strong> sables et <strong>de</strong> coquilles)<br />
et les constructions humaines (habitations trop près du rivage)<br />
interfèrent avec les processus côtiers, notamment en réduisant les<br />
apports sédimentaires au littoral et peut-être en modifiant les<br />
directions <strong>de</strong>s houles. <strong>Le</strong> facteur humain contribue à l’amplification<br />
<strong>de</strong>s phénomènes d’érosion côtière, augmentant à la fois l’aléa (recul<br />
du trait <strong>de</strong> côte) et l’enjeu (donc la vulnérabilité). <strong>Le</strong> risque connaît<br />
donc une croissance exponentielle basée sur la surenchère <strong>de</strong>s<br />
ouvrages <strong>de</strong> défense face à l’agressivité croissante <strong>de</strong>s agents<br />
naturels 11 .<br />
11<br />
Cf. Karine Guerin, « Dynamique du littoral sableux <strong>de</strong> Tiaroyes à Bargny(Baie <strong>de</strong> Gorée – Sénégal) »,<br />
Mémoire <strong>de</strong> Maîtrise, Université <strong>de</strong> Paris I, juin 2003.<br />
Ce phénomène <strong>de</strong> dégradation avancée du littoral et <strong>de</strong> ses causes a également été pris en charge à l’occasion du<br />
bilan présenté dans le cadre du Sommet <strong>de</strong> Johannesburg sur l’Agenda 21. <strong>Le</strong>s auteurs <strong>de</strong> l’évaluation<br />
soulignent, en effet, que « les <strong>de</strong>ux principales activités économiques côtières que constituent la pêche et le<br />
tourisme, dépen<strong>de</strong>nt étroitement <strong>de</strong> la préservation <strong>de</strong>s milieux naturels. On sait que les côtes sableuses tout<br />
comme les vasières à mangrove sont <strong>de</strong>s milieux fragiles. On sait également que dans les portions littorales les<br />
plus riches tout particulièrement la Petite Côte, le Saloum et la Casamance la <strong>de</strong>nsification <strong>de</strong> la population et<br />
<strong>de</strong>s activités consommatrices <strong>de</strong> ressources et d’espaces naturels qui l‘accompagne, ont <strong>de</strong>s effets induits<br />
préjudiciables à l’environnement ».<br />
L’étu<strong>de</strong> citée décline ainsi qu’il suit la gamme d’atteintes aux équilibres écologiques et environnementaux :<br />
pollutions industrielles et urbaines <strong>de</strong>s eaux côtières à <strong>Dakar</strong>, à Saint-Louis mais aussi tout au long <strong>de</strong> la Petite<br />
Côte, première zone <strong>de</strong> production ostréicole et halieutique du pays ; pollution <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> surface et <strong>de</strong>s nappes<br />
phréatiques sur toute la presqu’île du Cap Vert mais aussi dans toutes les concentrations urbaines (Saint-Louis,<br />
Kayaar, Rufisque, etc) ; extraction abusive <strong>de</strong> sable marin dont l’importance <strong>de</strong>s prélèvements est <strong>de</strong>venue<br />
supérieure aux apports par la mer ; modifications et recul du trait <strong>de</strong> côte, amincissement <strong>de</strong>s plages littorales,<br />
etc. ; exploitation abusive <strong>de</strong>s massifs forestiers côtiers et déforestation généralisée sur l’ensemble <strong>de</strong> la Petite<br />
Côte ; exploitation abusive <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> mangroves dans le Saloum et en Casamance ; multiplication <strong>de</strong>s dépôts<br />
d’ordure non contrôlés, tout particulièrement sur les bordures littorales et à proximité <strong>de</strong>s principaux centres <strong>de</strong><br />
pêche et <strong>de</strong> transformation du poisson ; constructions privatives sur la bordure littorale qui constitue pourtant un<br />
<strong>domaine</strong> imprescriptible <strong>de</strong> l’Etat sur 100 m <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur à partir du trait <strong>de</strong> côte, et modifications<br />
subséquentes <strong>de</strong>s dynamiques côtières (construction <strong>de</strong> murs, d’épis, d’installations portuaires maçonnées) ;<br />
utilisation et <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> sites protégés tels que les amas coquilliers du Saloum à <strong>de</strong>s fins industrielles<br />
(production <strong>de</strong> chaux, <strong>de</strong> ballast) ; fragmentation et <strong>de</strong>struction d’écosystèmes littoraux qui sont cause <strong>de</strong> la<br />
raréfaction, voire <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> la biodiversité végétale et animale, tout particulièrement dans le <strong>domaine</strong><br />
<strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> faune ; en milieux marin et estuarien, les ressources vivantes qui ont contribué au développement<br />
économique du Sénégal sont aujourd’hui menacées <strong>de</strong> raréfaction, voire <strong>de</strong> disparition, du fait d’exploitations<br />
excessives ou inadaptées. Atteintes aux espèces par le non respect <strong>de</strong> la réglementation en vigueur : capture<br />
d’individus trop petits ; pêche avec <strong>de</strong>s moyens inappropriés (mailles on réglementaires, explosif, chasse sousmarine<br />
avec bouteilles, utilisation <strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> palétuviers comme leurres par la pêche aux poulpes, confection<br />
<strong>de</strong> perches pour la pêche à partir <strong>de</strong> palétuviers…) ; gaspillage <strong>de</strong>s captures (rejet <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> faible valeur<br />
marchan<strong>de</strong>) ; exploitation excessive <strong>de</strong>s mollusques marins (cymbium) et estuaires (arches, huîtres) ;<br />
introduction d’espèces allochtones (crassostrea gigas) ; exploitation industrielle illégale (bateaux pirates) ;<br />
atteintes aux milieux benthiques par chalutage sur <strong>de</strong>s fonds interdits ; altération <strong>de</strong>s milieux côtiers par rejet <strong>de</strong><br />
sous-produits <strong>de</strong> transformation (écailles, coquille, poissons non commercialisables…). En 1997, à la suite d’un<br />
ensemble d’investigations menées sur l’ensemble du territoire sénégalais, un bilan effectué par le Ministère <strong>de</strong><br />
l’Economie, <strong>de</strong>s Finances et du Plan, constatait en matière <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s eaux et <strong>de</strong> conservation du littoral
Une évaluation plus récente <strong>de</strong>s causes et conséquences <strong>de</strong> l’érosion côtière indique les<br />
facteurs naturels et anthropiques suivants : « élévation du niveau marin, déficit sédimentaire,<br />
instabilité naturelle <strong>de</strong>s pentes, ruissellement superficiel, construction d’ouvrages<br />
perpendiculaires à la côte, construction <strong>de</strong> bâtiments sur les plages, prélèvements <strong>de</strong> sable <strong>de</strong><br />
plage ». Toutes les évaluations scientifiques convergent vers la même conclusion quant aux<br />
causes premières <strong>de</strong> l’érosion du littoral marin : les causes anthropiques, c’est-à-dire d’origine<br />
humaine priment, suivies par l’élévation du niveau marin (20 % <strong>de</strong> l’érosion côtière) 12 . <strong>Le</strong>s<br />
effets négatifs sont nombreux et inquiétants : disparition à terme <strong>de</strong>s plages, constructions et<br />
infrastructures littorales, chutes partielles <strong>de</strong> falaises ou agression <strong>de</strong> zones basses <strong>de</strong>s plages<br />
avec comme conséquence l’abandon <strong>de</strong> villages et sites touristiques, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s<br />
écosystèmes marins et côtiers. En outre, les effets induits <strong>de</strong>s gaz à effet <strong>de</strong> serre, notamment<br />
le réchauffement climatique pourraient conduire à une élévation accélérée du niveau marin<br />
dans une fourchette comprise entre 2 à 5 fois du niveau actuel 13 . Des simulations géo<br />
climatiques indiquent que, dans ces conditions, le Sénégal perdrait entre 55 et 86 km2 <strong>de</strong><br />
plages cependant que l’aggravation <strong>de</strong> l’érosion côtière qui s’ensuivrait sur 6 000 km2 <strong>de</strong><br />
zones basses estuariennes aboutirait à <strong>de</strong>s inondations dévastatrices qui concerneraient<br />
environ 150 000 habitants. La valeur <strong>de</strong>s pertes ainsi subies par le Sénégal pourrait se situer<br />
entre 500 à 700 milliards <strong>de</strong> dollars EU, soit l’équivalent <strong>de</strong> 12 à 17 % du PNB <strong>de</strong> 1990 14 . En<br />
novembre 2006, lors d’une conférence à Nairobi sur le réchauffement climatique, consacrée<br />
aux risques pour l’Afrique, le Programme <strong>de</strong>s Nations Unies pour l’environnement (Pnue)<br />
lançait un cri d’alarme, prévenant que, dans moins <strong>de</strong> 70 ans, les inondations pourraient<br />
causer la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> 30% <strong>de</strong>s infrastructures côtières en Afrique et provoquer <strong>de</strong>s<br />
déplacements massifs <strong>de</strong> populations 15 .<br />
A elles seules, ces menaces <strong>de</strong>vraient être suffisamment dissuasives pour amener les<br />
déci<strong>de</strong>urs <strong>public</strong>s, l’élite intellectuelle et politique, et la population dans son ensemble à<br />
placer la gestion du Dpm au rang <strong>de</strong> sur priorité nationale voire sous-régionale et régionale.<br />
un nombre impressionnant <strong>de</strong> dysfonctionnements tels qu’« une importante dispersion <strong>de</strong>s connaissances et <strong>de</strong>s<br />
responsabilités administratives en matière <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s eaux ; une législation et <strong>de</strong>s normes en<br />
<strong>de</strong>çà <strong>de</strong> la nécessité ; <strong>de</strong>s rejets industriels, urbains, et agricoles qui provoquent (…) la contamination <strong>de</strong> certains<br />
puits d’eau potable et l’insalubrité <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> baigna<strong>de</strong> sur tout le littoral (…) ; <strong>de</strong>s milieux naturels en danger<br />
(érosion <strong>de</strong>s côtes ; dégradation <strong>de</strong>s zones humi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s lacs côtiers ; fragilisation <strong>de</strong>s estuaires <strong>de</strong>s lagunes et<br />
<strong>de</strong> mangroves) ; (…) ». Ce premier bilan, sans concession pour les actions à entreprendre a permis au<br />
Gouvernement sénégalais d’envisager rapi<strong>de</strong>ment un certain nombre d’actions tant sur le plan juridique que sur<br />
la plan <strong>de</strong> la sensibilisation <strong>de</strong>s populations et <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> préservation, voire <strong>de</strong> réhabilitation ».<br />
In Nations Unies, Sommet <strong>de</strong> Johannesburg 2002, profil du Sénégal, New York : United Nations, 2002, pp. 79-<br />
80.<br />
12 Voir l’étu<strong>de</strong> du Ministère <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong>s Etablissements Classés, « Formulation d’un programme<br />
national intégré <strong>de</strong> lutte contre l’érosion côtière ; résumé du rapport final », sous la direction du Professeur Papa<br />
Goumbo Lo, Directeur général du Centre Expérimental <strong>de</strong> Recherches et d’Etu<strong>de</strong>s pour l’Equipement (Cereeq),<br />
<strong>Dakar</strong>, Avril 2008, p. 8.<br />
13 Ibid., p. 9<br />
14 Ibid., p. 9<br />
15 In Jeune Afrique du 19 au 25 novembre 2006.
Chapitre 2<br />
Evolution du Dpm <strong>de</strong> la presqu’île du Cap Vert<br />
<strong>Le</strong>s parties du littoral concernées par la notion <strong>de</strong> Dpm qui fait partie du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong><br />
naturel <strong>de</strong> l’Etat sont, contrairement aux affirmations souvent avancées, bien décrites par la<br />
loi : « …les rivages <strong>de</strong> la mer couverts et découverts lors <strong>de</strong>s plus faibles marées, ainsi qu’une<br />
zone <strong>de</strong> 100 mètres <strong>de</strong> large à partir <strong>de</strong> la limite atteinte par les plus faibles marées. » (Article<br />
2 <strong>de</strong> la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant Co<strong>de</strong> du Domaine <strong>de</strong> l’Etat). Cette définition a<br />
été héritée du droit français qui a lui-même été influencé par la définition que Colbert a donné<br />
<strong>de</strong> cette notion qui appartient à l’un <strong>de</strong>s <strong>domaine</strong>s <strong>de</strong> souveraineté les plus importants <strong>de</strong><br />
l’Etat. Il convient <strong>de</strong> reconnaître que l’évolution environnementale et éco systémique locale et<br />
globale est venue bousculer en quelque sorte les vieux dogmes relatifs aux limites<br />
intrinsèques du Dpm. <strong>Le</strong> lais et le relais sont, en effet, <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s notions difficiles à placer<br />
dans <strong>de</strong>s limites à l’exactitu<strong>de</strong> mathématique compte tenu <strong>de</strong> l’imbrication <strong>de</strong> plus en plus<br />
étroite <strong>de</strong>s facteurs anthropiques et naturels locaux et globaux dans le mouvement <strong>de</strong>s vagues<br />
et l’instabilité subséquente <strong>de</strong>s traits <strong>de</strong> côtes. Une doctrine plus récente suggère que le Dpm<br />
ait comme point <strong>de</strong> départ les routes qui bor<strong>de</strong>nt le littoral lorsqu’elles en épousent le contour<br />
et comme point d’aboutissement le trait <strong>de</strong> côte le plus stable 16 . Dans les zones surplombées<br />
par <strong>de</strong>s falaises plus ou moins hautes, la question reste malgré tout entière compte tenu <strong>de</strong>s<br />
dégradations significatives que peuvent faire encourir à l’évolution environnementale la<br />
construction <strong>de</strong> bâtiments en dur, la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> la circulation automobile et les vibrations ainsi<br />
occasionnées à travers la croûte terrestre adjacente aux corniches et une présence humaine<br />
marquée sur la longue durée.<br />
La délimitation du Dpm participe donc d’une exigence pressante au regard du droit <strong>de</strong> la mer<br />
et <strong>de</strong> la loi sur le Domaine national qui a connu <strong>de</strong>s remises en cause suffisamment sérieuses<br />
pour que le législateur sénégalais ait décidé <strong>de</strong> la revisiter et <strong>de</strong> proposer à la sanction <strong>de</strong><br />
l’Assemblée nationale et du peuple souverain le vote d’une nouvelle loi sur la gestion <strong>de</strong> la<br />
terre et <strong>de</strong>s eaux. Cette question est détaillée dans le chapitre suivant.<br />
A se promener sur le littoral, tout le mon<strong>de</strong> se rendra compte <strong>de</strong> l’occupation massive du Dpm<br />
le long <strong>de</strong>s côtes dans toute la presqu’île du Cap Vert. Ce phénomène s’est accéléré <strong>de</strong> façon<br />
remarquable <strong>de</strong>puis quelques années, et, est lié, à la boulimie foncière qui s’est emparée <strong>de</strong>s<br />
élites politiques, administratives et religieuses <strong>de</strong>puis un <strong>de</strong>mi-siècle.<br />
A partir <strong>de</strong> 2000, avec la chute <strong>de</strong> l’ancien régime et l’arrivée aux affaires du pouvoir libéral,<br />
les nouveaux conquérants du Dpm n’ont pas fait dans la <strong>de</strong>ntelle. Très vite, <strong>de</strong>s projets d’un<br />
gigantisme inapproprié sont sortis <strong>de</strong> terre et ont été imposés à <strong>de</strong>s fins d’ « embellissement »<br />
et <strong>de</strong> préservation <strong>de</strong> la mobilité urbaine, ce casse-tête quotidien <strong>de</strong>s automobilistes dakarois<br />
et <strong>de</strong> sa banlieue surpeuplée. <strong>Le</strong>s anciennes et nouvelles élites politiques et économiques<br />
particulièrement gourman<strong>de</strong>s <strong>de</strong> terres, encouragées dans leur boulimie foncière par un Etat<br />
16<br />
Ce point <strong>de</strong> vue a été avancé par Pierre Atepa Goudiaby, l’architecte conseil du Chef <strong>de</strong> l’Etat, au cours d’un<br />
entretien avec Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong>.
laxiste à souhait, se taillent rapi<strong>de</strong>ment, au cœur même <strong>de</strong>s zones les plus convoitées du Dpm<br />
dakarois, <strong>de</strong>s terrains <strong>de</strong> 1 000 m2 en moyenne et y érigent <strong>de</strong>s villas dignes <strong>de</strong> Saint Tropez<br />
ou <strong>de</strong> Beverley Hill.<br />
Cette ambiance <strong>de</strong> ruée vers l’or brun (le foncier <strong>maritime</strong>) n’est évi<strong>de</strong>mment pas propice au<br />
respect <strong>de</strong>s lois et règlements, et quasiment, toutes les occupations <strong>de</strong> terrains sur le Dpm<br />
occi<strong>de</strong>ntal et oriental sont sujettes à caution, notamment celles faites dans le sillage <strong>de</strong>s<br />
travaux <strong>de</strong> l’Agence nationale <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> la conférence islamique (Anoci).<br />
Apparemment, <strong>de</strong>s porteurs <strong>de</strong> projets ayant eu du mal, en <strong>de</strong>s circonstances normales, à<br />
trouver les autorisations nécessaires, se sont engouffrés dans la brèche <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong>s<br />
déci<strong>de</strong>urs <strong>public</strong>s pour obtenir les sésames nécessaires.<br />
Dans ces conditions, il y a lieu <strong>de</strong> s’inquiéter <strong>de</strong> la sécurité <strong>de</strong>s bâtiments et autres lieux<br />
d’habitations construits sur la faça<strong>de</strong> <strong>maritime</strong>, trop près <strong>de</strong> la mer, ainsi que celle <strong>de</strong>s<br />
personnes les occupant. Il faut compter parmi ces bâtiments, les infrastructures routières et les<br />
ouvrages fonctionnels, ainsi que les hôtels et cliniques, construits ou encore en construction<br />
dans le cadre <strong>de</strong> la tenue au Sénégal du sommet <strong>de</strong> l’Organisation <strong>de</strong> la conférence islamique<br />
(Oci), en avril 2008. « Ces périls qui frappent a nos portes » sont vieux comme <strong>Dakar</strong> 17 , et la<br />
presse locale a déjà mis l’accent sur les risques induits par l’avancée <strong>de</strong> la mer, les séismes,<br />
les glissements <strong>de</strong> terrain et le réchauffement climatique sur le littoral dakarois. Un tabloï<strong>de</strong><br />
souligne que l’urbanisation inconsidérée <strong>de</strong> cet espace est un facteur aggravant pour ces<br />
risques 18 . <strong>Le</strong>s mêmes craintes sont relayées dix ans après par <strong>de</strong>s architectes locaux qui<br />
soutiennent que les arguments selon lesquels ces constructions sur les falaises constitueraient<br />
<strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> stabilisation <strong>de</strong> la roche et contribueraient à stopper ou ralentir l’érosion <strong>de</strong>s<br />
côtes ne sont pas recevables. Ils les voient plutôt comme <strong>de</strong>s facteurs aggravants et invitent<br />
les autorités au réalisme en ayant recours aux techniques éprouvées en matière <strong>de</strong> protection<br />
côtière. Selon eux, les vibrations subies par les côtes du fait <strong>de</strong> la multiplication <strong>de</strong> gros<br />
17<br />
Interviews croisées <strong>de</strong> plusieurs architectes que nous avons préférés tenir dans l’anonymat, pour <strong>de</strong>s raisons<br />
évi<strong>de</strong>ntes.<br />
L’évolution du Dpm porte la marque indélébile laissée par l’histoire même <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> en tant que<br />
capitale administrative, politique et commerciale après l’abandon <strong>de</strong> Saint-Louis. La Médina adossée à la Porte<br />
du Millénaire a été créée par l’arrêté général du 24 juillet 1914 cependant que ses limites actuelles ont été fixées<br />
par l’arrêté local du 6 novembre 1916. Sur la base d’un principe <strong>de</strong> ségrégation déjà testé et appliqué au Congo,<br />
à Saint-Louis, dans les escales du Sénégal et les postes <strong>de</strong> la Côte d’Ivoire, l’administration coloniale française<br />
fait <strong>de</strong> la Médina une partie <strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> <strong>de</strong>stinée aux « indigènes » soumis à <strong>de</strong>s règles particulières<br />
<strong>de</strong> réglementations hygiénistes (Cf. Poinsot J. et al., <strong>Le</strong>s villes d’Afrique noire entre 1650 et 1960, Paris :<br />
Documentation Française, 1989, pp. 128-9). C’est en fonction <strong>de</strong> cette opération <strong>de</strong> lotissement urbain en<br />
direction <strong>de</strong>s indigènes établi sur une vaste plaine lotissée sous forme <strong>de</strong> damier, avec <strong>de</strong>s rues sommairement<br />
chiffrées en guise d’i<strong>de</strong>ntification, que sont érigés en bordure <strong>de</strong> mer les Abattoirs municipaux, l’ancien<br />
cimetière musulman, le Camp <strong>de</strong>s tirailleurs sur l’emplacement actuel <strong>de</strong> la Cité Police. <strong>Le</strong>s colons Français se<br />
réservent la part du lion sur le littoral en construisant <strong>de</strong>s villas rési<strong>de</strong>ntielles sur tout le côté ouest qui est balayé<br />
en permanence par les vents frais <strong>de</strong> mousson durant l’hivernage (« Ma<strong>de</strong>leine I » et « Ma<strong>de</strong>leine II » en face <strong>de</strong>s<br />
Iles Ma<strong>de</strong>leine), une Ecole <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine à la pointe extrême Est du Plateau et en construisant <strong>de</strong>s bâtisses en<br />
tuile rose tout au long <strong>de</strong>s principales artères du Plateau, du Cap Manuel et <strong>de</strong> la pointe <strong>de</strong>s Almadies. <strong>Le</strong> plan<br />
directeur <strong>de</strong> la presqu’île du Cap Vert élaboré par Pinet-Lapra<strong>de</strong> et réalisé entre 1946 et 1956 donne à <strong>Dakar</strong> la<br />
triple vocation <strong>de</strong> point d’appui militaire, <strong>de</strong> grand port et <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> ville « multiraciale ». L’ouvrage cité <strong>de</strong><br />
Poinsot suggère que « la ville est divisée en quatre zones disposant chacun d’un règlement particulier : 1/ une<br />
double zone rési<strong>de</strong>ntielle africaine et européenne dans la partie occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> ville, au nord <strong>de</strong> la vieille<br />
ville ; 2/ une zone commerciale et administrative centrée sur le quartier sud et en bordure du port <strong>de</strong> commerce ;<br />
3/ une zone industrielle avec quatre secteurs (industries normales, insalubres, <strong>de</strong> la pêche et secteur<br />
d’extension) ; 4 un ensemble <strong>de</strong> terrains réservés, comprenant les secteurs non aedificandi, les espaces libres, les<br />
secteurs <strong>de</strong> cultures, boisement, carrières et gisement » (Cf. Poinsot, Op. Cit., pp. 220-21).<br />
18<br />
Cf. le supplément <strong>de</strong> Sud Quotidien numéro 19 du 27 janvier 1999. Ces propos sont du Professeur Isabelle<br />
Niang Diop, Maître <strong>de</strong> conférence en Géologie côtière,
chantiers qui vont chercher <strong>de</strong>s emprises à <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs incertaines fragilisent la roche.<br />
<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux nouvelles voies <strong>de</strong> la Corniche où la circulation à gran<strong>de</strong> vitesse est <strong>de</strong>venue la<br />
norme ne contribuent pas non plus, <strong>de</strong> leur point <strong>de</strong> vue, à stabiliser les côtes. En tout état <strong>de</strong><br />
cause, ils en appellent au respect <strong>de</strong>s lois organisant l’occupation du Dpm 19 .<br />
L’occupation massive et illégale du littoral dans la presqu’île du Cap Vert, n’est pas une<br />
affaire nouvelle, mais elle a pris une tournure alarmante ces <strong>de</strong>rnières années avec<br />
l’avènement <strong>de</strong> nouvelles élites politiques, économiques et religieuses, ces trois catégories se<br />
retrouvant parfois à travers les mêmes personnes. La Corniche <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, qui bor<strong>de</strong> la ville<br />
d’est en ouest est le lieu privilégié <strong>de</strong> cette mainmise peu soucieuse <strong>de</strong> légalité, malgré tout un<br />
arsenal <strong>de</strong> co<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> lois, <strong>de</strong> plans d’aménagement et <strong>de</strong> directives superbement ignorées par<br />
ceux qui sont chargés <strong>de</strong> les faire respecter : les mêmes coteries, bien évi<strong>de</strong>mment, qui<br />
occupent ces espaces <strong>de</strong>stinés à une jouissance collective démocratique, respectueuse <strong>de</strong>s<br />
normes environnementales et <strong>de</strong>s consignes <strong>de</strong> sécurité.<br />
La décision prise par les autorités <strong>de</strong> l’Etat, à travers l’Anoci, d’embellir la corniche <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong><br />
et <strong>de</strong> construire <strong>de</strong> nouvelles infrastructures hôtelières sur cette faça<strong>de</strong> <strong>maritime</strong> <strong>de</strong> la capitale<br />
du Sénégal, a transformé cette précipitation, faite d’initiatives individuelles quelque peu<br />
mondaines, en une véritable industrie d’accaparement <strong>de</strong> cet espace <strong>public</strong> à <strong>de</strong>s fins privées.<br />
<strong>Le</strong> Dpm peut faire l’objet d’actes administratifs autorisant son occupation sous diverses<br />
formes (concession, bail, etc.), mais « à titre précaire et révocable », dit expressément<br />
l’article 13 du Co<strong>de</strong> du Domaine <strong>de</strong> l’Etat 20 (2). En principe donc, toute construction dans cet<br />
espace est soumise à <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> durée (avec les baux, par exemple) et obligations<br />
architecturales qui en garantissent la précarité, comme la construction sans emprises sur les<br />
sols. Or, avant les chantiers <strong>de</strong> l’Anoci, mais surtout pendant, on a vu s’ériger le long <strong>de</strong> la<br />
corniche, en contrebas <strong>de</strong>s falaises, sur les plages, taquinant l’eau, <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s bâtiments<br />
d’habitation ou <strong>de</strong>stinés à un usage <strong>public</strong> comme <strong>de</strong>s hôtels ou <strong>de</strong>s cliniques, et même <strong>de</strong>s<br />
écoles privées qui ont l’air <strong>de</strong> tout sauf <strong>de</strong> cabines démontables.<br />
Imposants et massifs, indifféremment construits en contrebas <strong>de</strong> la falaise ou au-<strong>de</strong>ssus d’elle,<br />
elles ont pour première particularité <strong>de</strong> montrer au passant l’opulence <strong>de</strong> leurs propriétaires<br />
pour les rési<strong>de</strong>nces individuelles hauts <strong>de</strong> gamme, les complexes rési<strong>de</strong>ntiels, les hôtels 5<br />
étoiles, les cliniques pour les grosses bourses, les parcs d’attractions et les clubs privés –<br />
certains <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers datant <strong>de</strong> l’époque coloniale ou étant <strong>de</strong>s survivances entretenues par<br />
l’ancien régime et ayant encore, apparemment, <strong>de</strong> beaux jours <strong>de</strong>vant eux.<br />
Secon<strong>de</strong> particularité <strong>de</strong> ces constructions, elles <strong>de</strong>nsifient, avec la nouvelle infrastructure<br />
routière et ses ouvrages lourds, le mur <strong>de</strong> béton entre l’océan et la ville, privant ainsi <strong>Dakar</strong>,<br />
une presqu’île étroite, <strong>de</strong>s vents marins qui l’empêchaient d’étouffer <strong>de</strong> chaleur.<br />
Une petite randonnée, étape après étape, <strong>de</strong> l’axe quittant le môle 1 du Port <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> pour<br />
s’engager dans la corniche Est jusqu’à Yoff Waraar sera instructive sur les violations<br />
19 Ces interviews d’architectes ont eu lieu en fin septembre 2008. <strong>Le</strong>s architectes en appellent aussi à l’éthique<br />
dans la distribution et l’occupation <strong>de</strong> ces espaces dont la jouissance revient <strong>de</strong> droit aux Sénégalais <strong>de</strong> toute<br />
condition. Ils regrettent qu’aujourd’hui les enfants <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> Plateau ne puissent, comme eux, à leur âge, se<br />
baigner dans toutes ces plages <strong>de</strong> la côte est <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> qui sont ou privatisées <strong>de</strong> fait ou polluées. <strong>Le</strong> phénomène<br />
n’est pas nouveau, admettent-ils, mais il a atteint <strong>de</strong> nos jours un niveau insupportable. « Aujourd’hui, il faut<br />
faire <strong>de</strong>s distances considérables pour trouver une plage fréquentable », concluent-ils, sous ce chapitre.<br />
20 Co<strong>de</strong> du Domaine <strong>de</strong> l’Etat, Livre II, titre V.
flagrantes <strong>de</strong>s dispositions juridiques sur le Dpm. De nombreux observateurs s’accor<strong>de</strong>nt sur<br />
le fait que 2000 est une année repère dans l’histoire <strong>de</strong>s violations du Dpm. Il y a comme une<br />
sorte <strong>de</strong> ruée sur les réserves foncières littorales <strong>de</strong> l’Etat par les mêmes classes dirigeantes, à<br />
travers les mêmes procédés, aux mêmes fins, ou pire. De fortes présomptions d’opérations<br />
financières frauduleuses, notamment <strong>de</strong> blanchiment d’argent, pèsent sur certaines <strong>de</strong>s<br />
constructions immobilières luxueuses qui poussent comme <strong>de</strong>s champignons dans <strong>Dakar</strong>, en<br />
contradiction flagrante avec l’état <strong>de</strong> pauvreté avancé du pays.<br />
Notre randonnée renseignera aussi sur le peu <strong>de</strong> cas fait du bien-être <strong>de</strong>s populations<br />
riveraines, et donc, forcément <strong>de</strong>s questions environnementales qui conditionnent tout<br />
développement durable.<br />
On n’aura pas parcouru cinq cents mètres que la vue sur l’île <strong>de</strong> Gorée est perdue, bouchée<br />
par « <strong>Le</strong> Lagon I » et « <strong>Le</strong> Lagon II », avec leurs entrées surélevées. <strong>Le</strong>s hôtels, eux, sont<br />
construits en contrebas <strong>de</strong> la falaise, avec restaurant sur un ponton s’enfonçant dans la mer 21 .<br />
Un mur <strong>de</strong> clôture allant au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s surfaces occupées par les bâtiments protège, et interdit<br />
au promeneur, l’accès <strong>de</strong> la plage jouxtant ces établissements qui datent du début <strong>de</strong>s années<br />
60. <strong>Le</strong> fait accompli fait, ici, office <strong>de</strong> loi. Avant la construction du mur, la plage dite « plage<br />
<strong>de</strong>s enfants » était timi<strong>de</strong>ment fréquentée par le <strong>public</strong>. Apres, même ceux qui, connaissant la<br />
réglementation, insistèrent un temps en passant par la berge, finirent par se lasser <strong>de</strong>s<br />
brima<strong>de</strong>s et autres remarques <strong>de</strong>s vigiles, sinon <strong>de</strong>s obstacles physiques érigés par les<br />
exploitants. Aujourd’hui, dans l’enten<strong>de</strong>ment populaire, cette plage est <strong>de</strong>venue « la plage du<br />
Lagon II ». Pourtant c’est l’une <strong>de</strong>s plages les moins dangereuses <strong>de</strong> la presqu’île puisque la<br />
Baie <strong>de</strong> Gorée est relativement bien protégée <strong>de</strong>s houles agressives et <strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong><br />
sable qui sont la marque distinctive <strong>de</strong> la ban<strong>de</strong> côtière qui s’étire <strong>de</strong> Yoff à l’estuaire <strong>de</strong><br />
Ndar.<br />
Un peu plus loin, le fantôme qu’est <strong>de</strong>venu le restaurant « <strong>Le</strong> Niani », ravagé par un incendie<br />
alors que <strong>de</strong>s bruits couraient sur sa convoitise par une autorité au plus haut sommet <strong>de</strong> l’Etat,<br />
interpelle. Cet établissement a aussi été autorisé par l’ancien régime socialiste et date <strong>de</strong>s<br />
années 70. Imposant et construit avec emprise sur le sol, ce restaurant va disparaître pour<br />
laisser la place, selon toute vraisemblance, a une structure paramédicale <strong>de</strong> luxe, une clinique<br />
<strong>de</strong> thalassothérapie, massage, kinésithérapie, et dont les promoteurs, <strong>de</strong>s Libanais, seraient<br />
proches <strong>de</strong> la famille prési<strong>de</strong>ntielle. La structure serait située juste <strong>de</strong>rrière les murs du palais<br />
<strong>de</strong> la République.<br />
Plus bas, peu avant la plage <strong>de</strong> l’anse Bernard (Téru Baay Sogi, <strong>de</strong> son nom traditionnel), les<br />
clubs quasi coloniaux, exclusivement réservés à une clientèle française (« L’Union amicale<br />
corse », le « Club <strong>de</strong> bridge », « Fédération sénégalaise (sic) <strong>de</strong> chasse et <strong>de</strong> tir », « <strong>Le</strong>s<br />
caïmans », Club multisports <strong>de</strong> rugby, <strong>de</strong> pétanque, <strong>de</strong> tennis, etc.) s’étirent le long <strong>de</strong> la<br />
corniche Est. Ils seront sûrement laissés à leurs usagers privilégiés qui, eux aussi, vont<br />
privatiser <strong>de</strong> façon tranchée leur part <strong>de</strong> plage.<br />
Ce qui ne va pas être le cas pour les pêcheurs et promeneurs <strong>de</strong> Téru Baay Sogi, plage <strong>de</strong><br />
débarquement pour la pêche artisanale, <strong>de</strong> baigna<strong>de</strong> et <strong>de</strong> villégiature pour nombre <strong>de</strong><br />
<strong>Dakar</strong>ois. Cette plage est âprement convoitée <strong>de</strong>puis toujours par <strong>de</strong>s promoteurs immobiliers<br />
et pourrait, prochainement, tomber dans l’escarcelle d’hommes d’affaires et <strong>de</strong> fonctionnaires<br />
peu scrupuleux.<br />
21 C’est le cas du Lagon I et <strong>de</strong> l’Hôtel Teranga dont l’Etat est le co-propriétaire.
Sur les rochers, peu avant la plage <strong>de</strong> sable, trône une villa léchée par les vagues. Elle<br />
appartenait à l’origine à la Société nationale <strong>de</strong>s eaux du Sénégal (Sones).<br />
A côté du site va être construit un hôtel, « L’hôtel <strong>de</strong>s Sirènes » dont le propriétaire serait le<br />
roi du Maroc, Mohamed VI 22 . Quoi qu’il en soit, le projet est connu qui va occuper toute cette<br />
plage, « pieds dans l’eau », et au-<strong>de</strong>là, vers les falaises argileuses et friables au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />
l’unique plage restante et encore accessible au <strong>public</strong> dans cette partie du littoral, <strong>de</strong>rrière<br />
l’hôpital principal et l’ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong> Bretagne, à quelques encablures <strong>de</strong> l’hôtel<br />
Savana.<br />
<strong>Le</strong> Savana, un vieil occupant, lui aussi pieds dans l’eau, interdit l’accès <strong>public</strong> à toutes les<br />
plages et criques plaisantes qu’il surplombe, ne se privant pas <strong>de</strong> poser <strong>de</strong>s murs où il faut,<br />
afin d’empêcher l’accès <strong>de</strong>s ces lieux par la berge. Or, l’aménagement <strong>de</strong> commodités pour un<br />
libre accès à la berge, au nom <strong>de</strong> l’intérêt général, est une condition à l’obtention <strong>de</strong><br />
concessions et baux pour l’exploitation <strong>de</strong> sites touristiques balnéaires. <strong>Le</strong> principe du libre<br />
accès au <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> intègre l’idée que les servitu<strong>de</strong>s d’utilité publique<br />
comprennent les servitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> passage, comme on peut le noter au niveau <strong>de</strong>s plages<br />
comprises entre Saly Portudal et la Somone. En réalité, aucun <strong>de</strong>s concessionnaires visités<br />
entre le restaurant « Terrou-bi » et l’hôtel restaurant « <strong>Le</strong> Virage » qui appartiennent tous<br />
<strong>de</strong>ux à <strong>de</strong>s Libanais 23 ne se prive d’interdire au <strong>public</strong> l’accès <strong>de</strong>s plages qu’il occupe, soit par<br />
22 La prodigalité du Chef <strong>de</strong> l’Etat sénégalais vis-à-vis <strong>de</strong> son homologue marocain est étonnante puisque M.<br />
Wa<strong>de</strong> aurait également fait don à Mohammed VI, roi du Maroc, d’un terrain adjacent à sa rési<strong>de</strong>nce secondaire<br />
<strong>de</strong> Poponguine.<br />
23 La communauté libanaise a été installée au Sénégal en 1883 par le colonialisme français qui l’a imposée<br />
comme une classe tampon pour barrer la route du commerce local aux populations indigènes. C’est ainsi qu’elle<br />
a largement bénéficié <strong>de</strong> facilités bancaires pour s’implanter et occuper presque majoritairement certains endroits<br />
du « Plateau » <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>. Sur cette question précise, voir Samir Amin, <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires sénégalais. <strong>Le</strong>s<br />
commerçants Libanais ont été <strong>de</strong> façon récurrente violemment pris à partie au cours <strong>de</strong> combats <strong>de</strong> rue et <strong>de</strong><br />
manifestations <strong>de</strong> masse qui ont eu lieu à <strong>Dakar</strong> en diverses pério<strong>de</strong>s. <strong>Le</strong> racisme légendaire <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong><br />
majorité <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> cette petite minorité dont certains sont <strong>de</strong>venus d’éminentes personnalités du dispositif<br />
institutionnel <strong>de</strong> gouvernance, du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires, <strong>de</strong> l’industrie sportive et même <strong>de</strong>s partis politiques du<br />
Sénégal pose, à l’évi<strong>de</strong>nce, un problème <strong>de</strong>s plus sérieux du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la question nationale.<br />
La double nationalité acquise par la plupart <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> cette minorité ethnique ne change rien aux données<br />
du problème, bien au contraire. Elle le complexifie puisqu’il y a au moins <strong>de</strong>ux à trois générations <strong>de</strong> Libanais<br />
d’origine qui sont nés au Sénégal, y ont fait souche, mais sont farouchement habités par un instinct grégaire et se<br />
sont très rarement mêlés aux populations indigènes, à quelques exceptions près, notamment à travers le mariage<br />
dans les <strong>de</strong>ux sens. <strong>Le</strong> même phénomène est observable sur toute la côte ouest africaine et dans <strong>de</strong>s pays<br />
enclavés <strong>de</strong> l’hinterland continental. En Afrique <strong>de</strong> l’Est, ce sont les <strong>de</strong>scendants <strong>de</strong>s ressortissants <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong><br />
introduits par le colon britannique pour construire les chemins <strong>de</strong> fer <strong>de</strong>s zones agricoles et minières les plus<br />
fertiles vers le port <strong>de</strong> Mombassa qui contrôlent très largement le commerce local. En Sierra <strong>Le</strong>one et au Libéria,<br />
ce sont les ressortissants Libanais, Israéliens ou <strong>de</strong>s Juifs <strong>de</strong> différentes nationalités qui exploitent <strong>de</strong> manière<br />
presque monopolistique, en tous cas oligopolistique dans <strong>de</strong>s secteurs précis, le commerce (légal et illégal) <strong>de</strong>s<br />
diamants, du riz et <strong>de</strong> l’électroménager. En Ethiopie, la brève occupation italienne a permis à <strong>de</strong>s Italiens<br />
d’installer <strong>de</strong>s restaurants chics et <strong>de</strong> monopoliser cette industrie bien après le départ <strong>de</strong> la soldatesque italienne.<br />
Au Rwanda et au Burundi, les Grecs ont été utilisés comme force tampon contre les intérêts commerciaux<br />
autochtones. En RDC, les Belges ont testé à une échelle jusque-là inconnue en Afrique, le développement séparé<br />
en tant que mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gouvernance sans parler <strong>de</strong> l’Afrique du Sud, <strong>de</strong>s anciennes colonies portugaises et<br />
espagnoles et, bien entendu, la Cote d’Ivoire où 30 à 50 000 Français et <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> Libanais monopolisaient<br />
presque entièrement jusqu'à une date récente l’industrie <strong>de</strong> substitution d’importation et le commerce local. Au<br />
Sénégal et à travers toute la côte ouest africaine, le même modèle prévaut encore aujourd’hui (sur ces questions,<br />
le lecteur voudra bien consulter l’abondante littérature qui existe et notamment l’ouvrage <strong>de</strong> Chancellor<br />
Williams, The Destruction of Black Civilization, Chicago : Third World Press, 1976, Thomas Pakenham, The
l’action <strong>de</strong> vigiles privés, soit en occupant les parties les plus prisées <strong>de</strong>s plages qui leur sont<br />
contiguës.<br />
Après le Savana, au premier virage vers le Cap Manuel, un projet sort <strong>de</strong> terre : l’hôtel Gorée,<br />
152 chambres qui seront construites quasiment sur l’eau. Comme le montre la maquette sur<br />
l’affiche géante annonçant le chantier, l’hôtel offrira à ses clients « une vue imprenable sur<br />
l’île <strong>de</strong> Gorée », écrivent les promoteurs, le groupe Mixta. Encore un hôtel prévu dans le<br />
cadre du sommet <strong>de</strong> l’Oci, aujourd’hui <strong>de</strong>rrière nous, mais toujours en construction, comme<br />
tous les autres prévus par les organisateurs, ainsi que les cliniques, eux aussi inscrits dans le<br />
même cadre et qui tar<strong>de</strong>nt à sortir <strong>de</strong> terre.<br />
Quand on contourne la pointe la plus avancée <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, le Cap Manuel où se situe le chantier<br />
du futur hôtel Gorée <strong>de</strong> Mixta, en contrebas <strong>de</strong>s rochers, et qui abrite sur ses hauteurs la<br />
rési<strong>de</strong>nce du représentant <strong>de</strong> l’Union européenne jusqu’ici seul face à l’île <strong>de</strong> Gorée, on tombe<br />
sur les chantiers d’une future clinique. Elle est située en haut <strong>de</strong> la falaise qui fait face aux îles<br />
<strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine, <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la route qui contourne l’imposant bâtiment <strong>de</strong> l’ancien<br />
tribunal <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, tombé en ruine, en attendant son accaparement (selon une rumeur<br />
persistante) à <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> spéculation immobilière. « La clinique <strong>de</strong> la vision », clinique<br />
ophtalmologique, propriété <strong>de</strong> la Sarl Lynn, appartiendrait à <strong>de</strong>s Libanais, ce que tend à<br />
confirmer le nom <strong>de</strong> l’architecte du projet, un certain Sleiman. Elle est <strong>de</strong>stinée à une clientèle<br />
à hauts revenus économiques comme toutes celles qui fonctionnent déjà ou vont fonctionner<br />
sur le littoral dans un proche avenir. <strong>Le</strong>urs propriétaires ont délimité leurs enclaves<br />
territoriales en violation <strong>de</strong> tel ou tel Co<strong>de</strong>, entre autres, ceux <strong>de</strong> l’Environnement, <strong>de</strong> l’Eau,<br />
<strong>de</strong> l’Hygiène, <strong>de</strong> l’Urbanisme, un arsenal juridique qu’on aura contourné ou interprété au<br />
bénéfice <strong>de</strong> promoteurs dont les préoccupations sont aux antipo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> la majorité <strong>de</strong><br />
la population.<br />
A moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents mètres du chantier <strong>de</strong> la future clinique, la « Clinique du Cap », elle<br />
aussi contrôlée par un groupe Libanais, fait face à la rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’ambassa<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> France,<br />
installée <strong>de</strong> l’autre coté du goudron. La clinique se tient à coté <strong>de</strong> sa voisine mitoyenne, la<br />
villa du défunt prési<strong>de</strong>nt du Cameroun, Ahmadou Ahidjo. La clinique comme la villa <strong>de</strong> l’ex<br />
prési<strong>de</strong>nt exilé au Sénégal avant sa mort sont en plein dans le Dpm. <strong>Le</strong>ur construction a été<br />
autorisée par l’ancien régime socialiste, apparemment dans les mêmes conditions rendues<br />
possibles par l’existence <strong>de</strong> passe-droits, les mêmes qu’aujourd’hui, sur le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>de</strong><br />
l’Etat. Ici cependant, les constructions n’empiètent pas sur les rivages, et, les rares<br />
promeneurs ou exploitants artisanaux <strong>de</strong> la mer encore tentés par les berges difficiles d’accès<br />
<strong>de</strong> cette zone ne rencontrent pas d’opposition à leurs activités.<br />
Plus bas, sont installés les monuments désormais « historiques » que sont l’Institut Pasteur,<br />
bâtisse coloniale à bonne distance <strong>de</strong> la mer et l’hôpital Aristi<strong>de</strong>s <strong>Le</strong> Dantec 24 , large <strong>domaine</strong><br />
Scramble for Africa, New York : Avon Books, 1991 et Walter Rodney, How Europe Un<strong>de</strong>r<strong>de</strong>veloped Africa,<br />
Washington, D.C.: Howard University Press, 1982).<br />
Il est donc temps que cette question du statut <strong>de</strong>s minorités étrangères installées en Afrique et qui participent le<br />
plus souvent outrageusement au pillage en règle <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong>s pays qui les accueillent soit revisitée par les<br />
Africains selon leurs intérêts propres et dans le respect <strong>de</strong>s droits reconnus aux minorités, mais sans qu’une telle<br />
reconnaissance ne conduise à <strong>de</strong>s abus <strong>de</strong> nature raciale, économique, financière ou commerciale, au détriment<br />
<strong>de</strong>s majorités autochtones, comme on le voit présentement partout en Afrique.<br />
24 Des rumeurs persistantes indiquent la volonté étatique <strong>de</strong> désengorger le centre-ville en construisant un grand<br />
hôpital à l’emplacement <strong>de</strong> l’ancien terrain <strong>de</strong> golfe utilisé jusque récemment par l’élite coloniale au « Terrain<br />
Golfe » contigu au carrefour menant aux « Hamos » <strong>de</strong> Gédiawaay. En récupérant les terrains <strong>de</strong> <strong>Le</strong> Dantec, du
hospitalier, qui respire grâce à sa proximité avec l’océan qu’il surplombe à distance<br />
respectueuse du Dpm. Plus loin, en bifurquant à gauche, le Camp Dial Diop, siège <strong>de</strong> l’Etat<br />
major <strong>de</strong> l’armée sénégalaise, puis le lycée Lamine Guèye (ex Van Vollenhoven) 25 .<br />
La prochaine étape <strong>de</strong> notre randonnée sur la corniche est le grand complexe hôtelier et <strong>de</strong><br />
loisir, le « Sakhamon », anciennement connu comme le « Club antillais ». On a déjà érigé en<br />
ces lieux un hôtel restaurant à la décoration intérieure naïvement baroque. De façon évi<strong>de</strong>nte,<br />
les propriétaires sont <strong>de</strong>s Libanais et participent activement à la gestion quotidienne <strong>de</strong><br />
l’établissement. <strong>Le</strong> périmètre hôtelier s’étend et s’agrandit sur le côté gauche, privant ainsi<br />
pour <strong>de</strong> bon à d’éventuels visiteurs l’accès à la pente rai<strong>de</strong> qui mène vers la plage en<br />
contrebas. <strong>Le</strong> gros chantier créé à l’occasion <strong>de</strong>s nouveaux travaux engagés <strong>de</strong>puis quelques<br />
temps a déjà causé <strong>de</strong>s dégâts visibles sur la chaussée dont le goudron est lézardé sinon<br />
crevassé par endroits en raison <strong>de</strong>s travaux d’excavation menés dans cette zone non<br />
aedificandi. Comme toutes ces immenses bâtisses qui colonisent le littoral, le complexe ajoute<br />
aux perturbations environnementales et augmente les risques <strong>de</strong> perturbations<br />
environnementales, en violation <strong>de</strong> toutes les dispositions légales. Construit avec <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s<br />
emprises sur le sol et la roche, il interdit l’accès <strong>de</strong> la berge à la collectivité. Ensuite, sa<br />
structure, surtout à hauteur du restaurant, plus élevée que celle <strong>de</strong> l’ex Club, obstrue la vue<br />
magnifique, <strong>de</strong>puis le rond point <strong>de</strong> la place Soweto, sur l’océan, avec en toile <strong>de</strong> fond les<br />
îlots Sarpan et un ciel fantastiquement beau au coucher du soleil.<br />
<strong>Le</strong>s promoteurs <strong>de</strong> ce complexe <strong>de</strong> loisirs qui seraient <strong>de</strong>s Libanais ont cependant <strong>de</strong> qui tenir.<br />
<strong>Le</strong>urs voisins immédiats, l’ambassa<strong>de</strong> d’Iran et la rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> feu Djily Mbaay (rachetée par<br />
une célèbre famille libanaise) sont également construits sur un terrain non aedificandi et leurs<br />
très hauts murs font plus qu’obstruer la vue sur l’océan : ils empêchent la brise marine <strong>de</strong><br />
souffler sur toute la zone <strong>de</strong>s ministères adjacents <strong>de</strong> l’Education nationale, du Tourisme et <strong>de</strong><br />
l’Economie et <strong>de</strong>s Finances…<br />
Entre ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers privilégiés installés par l’ancien régime, s’est niché un tout nouveau<br />
complexe rési<strong>de</strong>ntiel privé <strong>de</strong> luxe au nom évocateur d’« E<strong>de</strong>n Rock », lui aussi, construit sur<br />
les rochers, avec l’aval <strong>de</strong>s nouvelles autorités.<br />
Des qu’on s’engage sur l’avenue <strong>de</strong> la République, à hauteur du musée <strong>de</strong>s Armées, tout un<br />
ensemble <strong>de</strong> maisons, en face du tribunal du Bloc <strong>de</strong>s Ma<strong>de</strong>leines, appartiennent au<br />
Patrimoine bâti <strong>de</strong> l’Etat, dont l’ancienne rési<strong>de</strong>nce d’un ancien Premier ministre. Après, vient<br />
l’immeuble abritant une gran<strong>de</strong> société d’informatique et une ambassa<strong>de</strong> suivie par la villa <strong>de</strong><br />
l’une <strong>de</strong>s filles <strong>de</strong> l’ancien prési<strong>de</strong>nt Abdou Diouf, villa bien située sur le Dpm et dont la<br />
construction avait fait l’objet, à l’époque, <strong>de</strong> controverses médiatiques animées.<br />
Lycée Lamine Gueye, du marché Sandaga (bâtiment insalubre s’il en est, et au surplus en état <strong>de</strong> décrépitu<strong>de</strong><br />
extrêmement avancé) et du Building administratif qui sera remplacé dans l’emprise <strong>de</strong> l’aéroport L. S. Senghor<br />
par une Cité administrative à l’instar <strong>de</strong> celles d’Abidjan, construite <strong>de</strong>puis belle lurette, et <strong>de</strong> Bamako, en voie<br />
<strong>de</strong> finition, l’Etat compte diminuer le flux d’usagers <strong>de</strong>s axes principaux allant au centre ville et ainsi<br />
désengorger Dakaar.<br />
25 Selon <strong>de</strong>s informations données régulièrement par la presse <strong>de</strong>puis l’avènement du pouvoir libéral, et jamais<br />
démenties, l’hôpital, le camp Dial Diop, état-major <strong>de</strong> l’armée nationale et le lycée Lamine Guèye <strong>de</strong>vraient être<br />
délocalisés, parce qu’ils seraient dans le collimateur <strong>de</strong>s nouvelles autorités qui estiment que ces structures<br />
participent en très gran<strong>de</strong> partie au ralentissement <strong>de</strong> la mobilité urbaine. <strong>Le</strong>s autorités sont accusées par<br />
l’opposition <strong>de</strong> vouloir faire main basse sur les immenses réserves foncières que représentent les terrains sur<br />
lesquels trônent ces anciennes reliques du vieux <strong>Dakar</strong> quand il était encore modérément peuplé.
La zone du Dpm qui suit est presque déserte pour l’instant après avoir fait l’objet d’une<br />
gran<strong>de</strong> controverse lorsque l’ancien régime a voulu y ériger un immense mémorial sur la<br />
traite esclavagiste 26 . A un peu plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents mètres trônait jusque récemment une<br />
immense affiche <strong>de</strong> propagan<strong>de</strong> suffisamment ostentatoire vantant le dynamisme <strong>de</strong> l’équipe<br />
<strong>de</strong> l’Anoci entourant le Chef <strong>de</strong> l’Etat et son fils qui prési<strong>de</strong> aux <strong>de</strong>stinées <strong>de</strong> cette méga<br />
agence plantée au cœur du dispositif <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s investissements et <strong>de</strong>s grands chantiers du<br />
prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République. Et voici que surgit la porte du Millénaire, controversée mais<br />
néanmoins monument d’utilité collective. Son érection a été le prétexte à un affairisme<br />
inconséquent et précipité avec la construction d’un restaurant 27 en contrebas du monument<br />
qui défie le bon sens. <strong>Le</strong>s grosses vagues au cours <strong>de</strong>s marrées hautes ont commencé à en<br />
endommager la faça<strong>de</strong>, rendant ainsi nécessaire <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> renforcement. Toute cette<br />
partie a été réaménagée avec l’assistance <strong>de</strong> la coopération roumaine pour arrêter l’érosion<br />
extrêmement sévère <strong>de</strong> la falaise en cet endroit qui fait face à l’ancienne « Médina »<br />
« indigène » léguée par la colonisation française.<br />
A partir d’ici, la Corniche à <strong>de</strong>ux voies <strong>de</strong> l’Anoci avec son interminable ban<strong>de</strong> étroite <strong>de</strong><br />
béton dans l’axe médian <strong>de</strong> la route à double sens campe bien la relation conflictuelle entre<br />
les constructions sur le littoral et les exigences d’intégrité <strong>de</strong> l’environnement côtier.<br />
La plage <strong>de</strong> Sumbédjun qui suit remplit une fonction essentielle ; elle sert <strong>de</strong> quai <strong>de</strong> pêche<br />
aux embarcations parties <strong>de</strong> Gét Ndar, un quartier <strong>de</strong> pêcheurs situé à Saint Louis. C’est ainsi<br />
que la place a été baptisée « Téru Gét Ndar » 28 . Un peu plus loin, une autre communauté Lébu<br />
s’i<strong>de</strong>ntifie à travers la flottille <strong>de</strong> petites embarcations <strong>de</strong> ses membres qui se sont rassemblés<br />
dans la partie appelée « Lébu gi ». Chacun <strong>de</strong> ces groupes explique que sa présence sur les<br />
lieux remonte à un passé lointain. Mais l’harmonisation <strong>de</strong>s activités liées à la pêche<br />
artisanale fait singulièrement défaut dans ce réduit du Dpm. <strong>Le</strong>s activités s’entremêlent dans<br />
un désordre in<strong>de</strong>scriptible et en violation <strong>de</strong>s normes environnementales et d’hygiène<br />
publique. <strong>Le</strong>s marchands <strong>de</strong> poissons et produits divers <strong>de</strong> la mer posés sur <strong>de</strong>s étables en bois<br />
branlants et crasseux ou à même le sol côtoient les charpentiers spécialisés dans le rafistolage<br />
ou la construction <strong>de</strong> petites pirogues et les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> carburant gasoil installés dans une<br />
mini station <strong>de</strong> pompage où sont stockés <strong>de</strong>s fûts potentiellement dangereux pour la santé et la<br />
sécurité publiques. <strong>Le</strong>s activités <strong>de</strong> mareyage se mêlent <strong>de</strong> la partie et gênent<br />
considérablement la fluidité du trafic piéton sur ce petit bout du Dpm où foisonnent <strong>de</strong>s<br />
marchands ambulants spécialisés dans le bric à brac, les écailleuses <strong>de</strong> poissons, les ven<strong>de</strong>urs<br />
à la criée, les porteurs venant parfois <strong>de</strong> contrées aussi lointaines que le Burkina Faso ou le<br />
Mali voisin et, bien entendu, les inévitables racoleurs ou « coxeurs » travaillant pour le<br />
compte <strong>de</strong>s taxis stationnés le plus souvent en violation du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la route, malgré la<br />
présence d’un parking récemment construit par l’Anoci mais critiqué par les automobilistes<br />
pour son inaccessibilité et son agencement approximatif. En toile <strong>de</strong> fond, le spectacle qui<br />
s’offre à la vue est celui <strong>de</strong> pirogues aux couleurs bigarrées, amarrées dans l’anarchie la plus<br />
absolue et ballottées en permanence par la houle et les vents du large, ce qui accroît aux<br />
difficultés <strong>de</strong> leur accès ainsi qu’au débarquement à quai <strong>de</strong>s prises halieutiques journalières.<br />
Depuis la construction du « canal 4 » par les colons Français, canal <strong>de</strong>stiné au début à<br />
déverser directement dans la mer les eaux <strong>de</strong> surface et <strong>de</strong> ruissellement venus <strong>de</strong>s zones<br />
26<br />
<strong>Le</strong> Prési<strong>de</strong>nt Abdoulaye Wa<strong>de</strong> a abandonné ce vieux projet en le remplaçant par une énorme statue en bronze<br />
<strong>de</strong> plusieurs dizaines <strong>de</strong> mètres construite par <strong>de</strong>s Coréens et qui surplomberait toute la ville à partir <strong>de</strong>s<br />
Mamelles, en face <strong>de</strong> l’ancien Champ <strong>de</strong> tir militaire.<br />
27<br />
Ce restaurant construit sur le Dpm a réduit singulièrement la taille déjà chétive <strong>de</strong> la plage en cet endroit<br />
précis.<br />
28<br />
Littéralement, « quai <strong>de</strong> débarquement <strong>de</strong>s Gétdariens ».
légèrement plus hautes <strong>de</strong> la Gueule Tapée, <strong>de</strong>s quartiers populaires environnants <strong>de</strong> Fass,<br />
d’une partie du Point E et <strong>de</strong> la zone <strong>de</strong>s « Sicap » et même du « Grand <strong>Dakar</strong> », la baie <strong>de</strong><br />
Sumbédjun a progressivement été polluée dans une mesure qui s’est aggravée avec<br />
l’explosion démographique sans précé<strong>de</strong>nt et l’absence d’une véritable politique<br />
infrastructurelle d’assainissement et <strong>de</strong> viabilisation <strong>de</strong> très larges zones <strong>de</strong> la presqu’île, y<br />
compris le centre même <strong>de</strong> la ville qui cache, <strong>de</strong>rrière le lustre <strong>de</strong> buildings flambant neufs, un<br />
délabrement <strong>de</strong> l’habitat et une misère choquante.<br />
Il est étonnant que l’Anoci se soit échinée à construire une espèce <strong>de</strong> tunnel <strong>de</strong> cent mètres à 8<br />
milliards <strong>de</strong> francs Cfa, prolongement d’une route asphaltée construite à 4 milliards le<br />
kilomètre, et qu’il ait laissé entier l’assainissement <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Sumbédjun qui est tellement<br />
polluée que l’eau est <strong>de</strong>venue un liqui<strong>de</strong> saumâtre aux émanations pestilentielles. <strong>Le</strong>s passants<br />
et les habitués du « Sumbé » ont fini par s’habituer à cette o<strong>de</strong>ur nauséabon<strong>de</strong> qui vous colle<br />
aux narines et a chassé les usagers du Marché artisanal et notamment les touristes friands<br />
d’objets d’artisanat et <strong>de</strong> bijouterie locale.<br />
<strong>Le</strong> bar restaurant (« <strong>Le</strong> Sumbé ») et une boite <strong>de</strong> nuit ont été construits à quelques mètres du<br />
trait <strong>de</strong> côte et continuent d’attirer quelques noctambules impénitents malgré la pestilence <strong>de</strong>s<br />
lieux qui alourdit l’air et rend la respiration laborieuse.<br />
Entre les gargotes, les vespasiennes <strong>de</strong> fortune laissées à l’abandon et rongées par l’aci<strong>de</strong><br />
urinaire, les ateliers mécaniques et le semblant d’usine <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s produits halieutiques<br />
construite par la Ville <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, les quais <strong>de</strong> la baie ne payent pas vraiment <strong>de</strong> mine. Pour<br />
contrecarrer ce fléau, <strong>de</strong>s volontaires se sont organisés afin d’entretenir l’environnement qui<br />
présente un aspect <strong>de</strong>s plus répulsifs.<br />
A côté du bar restaurant « <strong>Le</strong> Sumbé », s’étire le « Village artisanal » dans un espace étriqué<br />
dont chaque mètre carré est occupé par une colonie imposante d’artisans (vanniers,<br />
couturières et tailleurs, bijoutiers, sculpteurs <strong>de</strong> bois, cordonniers, etc). La réorganisation<br />
supposée du Village entreprise par Landing Savané du temps où il était le ministre <strong>de</strong><br />
l’Industrie et <strong>de</strong> l’Artisanat le plus impopulaire du Sénégal a créé plus <strong>de</strong> problèmes qu’il n’en<br />
a résolu. <strong>Le</strong> tracé <strong>de</strong>s lots a été fait dans l’anarchie la plus totale cependant qu’aucun<br />
encadrement digne <strong>de</strong> ce nom n’a été offert aux artisans pour les rendre plus performants tant<br />
du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong> leurs échoppes qu’au plan <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> fabrication <strong>de</strong>s<br />
produits proposés à une clientèle qui s’est raréfiée en très gran<strong>de</strong> partie à cause <strong>de</strong>s difficultés<br />
quasi insurmontables d’accès au village, difficultés accentuées par les travaux mal pensés <strong>de</strong><br />
l’Anoci sur cette partie <strong>de</strong> la corniche. Des centaines <strong>de</strong> petits artisans ont ainsi vu leur<br />
clientèle s’évanouir du jour au len<strong>de</strong>main.<br />
<strong>Le</strong>s quartiers populaires <strong>de</strong> la Médina et <strong>de</strong> la Gueule tapée, avec leurs rues étroites et leurs<br />
populations <strong>de</strong>nses étaient déjà peu aérés. <strong>Le</strong>s nouvelles infrastructures sur la corniche,<br />
notamment le toboggan qui contourne en le surplombant le cimetière musulman <strong>de</strong>s<br />
« Abattoirs » et le tunnel qui longe et isole le village artisanal et le marché au poisson <strong>de</strong><br />
Sumbédjun, s’interposent désormais entre leurs maisons surpeuplées et la brise marine. Et<br />
elles constituent un obstacle physique à l’accès <strong>de</strong>s populations à la mer avec laquelle elles<br />
entretiennent <strong>de</strong>s liens quasi sacrés. A travers les âges, leurs habitants ont tissé avec l’océan<br />
atlantique <strong>de</strong>s relations étroites qui ont engendré toute une folk culture faite <strong>de</strong> métiers<br />
familiaux et claniques séculaires, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’exploitation économique <strong>de</strong> la mer, entre<br />
mé<strong>de</strong>cines ou religions traditionnelles et les besoins d’expression d’une<br />
cosmogonie empreinte <strong>de</strong> libations annuelles mémorables, <strong>de</strong> séances d’exorcisme avec rites
sacrificiels où bœufs et moutons étaient immolés par la communauté Lébu 29 précisément en<br />
cet endroit situé entre la Cour <strong>de</strong> Cassation et le parc d’attraction « Magic Land » dont les<br />
propriétaires sont <strong>de</strong>s Libanais.<br />
En plus <strong>de</strong> rendre difficile, voire impossible en certains endroits, l’accès <strong>de</strong> la mer aux<br />
populations pour sa jouissance plaisante ou utilitaire (pêche à la ligne <strong>de</strong> petits poissons <strong>de</strong>s<br />
rochers, cueillette d’oursins et <strong>de</strong> coquillages divers). les constructions sur le Dpm et les<br />
infrastructures hôtelières et routières sur la corniche constituent <strong>de</strong>s agressions culturelles qui<br />
auraient dû faire l’objet d’étu<strong>de</strong>s d’impact environnemental plus attentives aux questions<br />
humaines. En fermant l’accès <strong>de</strong> la Médina et <strong>de</strong> la Gueule Tapée aux véhicules engagés sur<br />
la Corniche, dans un sens ou dans un autre, ses concepteurs en interdisent virtuellement<br />
l’usage à leurs habitants. Revenant <strong>de</strong> la ville, pour aller à n’importe quel point <strong>de</strong> la Médina,<br />
tout automobiliste est obligé <strong>de</strong> bifurquer vers l’avenue Malick Sy pour prendre la rue 6, et<br />
ne pourra plus accé<strong>de</strong>r à la Corniche qu’après avoir traversé tout ce quartier et une bonne<br />
partie <strong>de</strong> la Gueule Tapée en ayant déambulé dans ses rues impraticables aux alentours du<br />
marché éponyme, sauf à prolonger la rue 6 (<strong>de</strong>venue rue 54 dans le quartier <strong>de</strong> la Gueule<br />
Tapée) jusqu’au lycée technique Delafosse par le Canal et ruser en empruntant l’université par<br />
la rue impraticable passant <strong>de</strong>vant la cité Clau<strong>de</strong>l.<br />
Dans le sens opposé, venant <strong>de</strong> Ngor ou Wakaam, les habitants <strong>de</strong> l’un ou l’autre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
quartiers, ne peut plus rallier sa maison en voiture à partir <strong>de</strong> l’avenue <strong>de</strong>s Ambassa<strong>de</strong>urs, à<br />
moins <strong>de</strong> renoncer aux joies <strong>de</strong> la conduite sur la Corniche et aller souffrir les embouteillages<br />
et imprévisibilités <strong>de</strong> l’avenue Cheikh Anta Diop, puis <strong>de</strong> l’avenue Blaise Diagne. La<br />
nouvelle Corniche s’impose dans une intimité envahissante aux habitants <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />
quartiers qu’elle longe sur <strong>de</strong>ux à trois kilomètres, sans que sa jouissance ne leur soit<br />
<strong>de</strong>stinée : toutes les rues perpendiculaires qui donnaient sur l’ancienne Corniche à partir<br />
<strong>de</strong>sdites localités ont été bouchées par la nouvelle infrastructure qui ne permet plus <strong>de</strong><br />
bifurquer à gauche vers la ville.<br />
<strong>Le</strong> cimetière <strong>de</strong> la Médina, véritable nécropole abritant la tombe <strong>de</strong> Cheikh Tourad, dignitaire<br />
<strong>de</strong> la confrérie Khadria, qui reçoit <strong>de</strong>s « pèlerins » <strong>de</strong> tout le pays et jusques <strong>de</strong> la Mauritanie,<br />
celles d’autres figures religieuses tout autant visitées, celles <strong>de</strong> Lamine Guèye et <strong>de</strong> Blaise<br />
Diagne, est un patrimoine historique, un lieu <strong>de</strong> prière, une manière <strong>de</strong> musée. Son accès est<br />
29 Une enquête socio anthropologique aurait vite exposé la profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> cette dimension cosmogonique qui lie<br />
les riverains médinois <strong>de</strong> Sumbédjun à l’océan Atlantique. Témoignages : Mme Anta Tëw n’habite plus la<br />
Médina où elle est née et a grandi à la rue 17. Elle raconte : « Aujourd’hui encore, il m’arrive, quand j’ai un<br />
souci qui me dépasse, ou quand je suis mala<strong>de</strong>, <strong>de</strong> quitter Gédiawaay pour aller là-bas, jeter quelques pièces <strong>de</strong><br />
monnaie et <strong>de</strong> la kola dans la mer. Ma mère qui habite encore ici nous y encourage, mes sœurs et moi ». Mme<br />
Anta Tëw n’est bien évi<strong>de</strong>mment pas la seule à sacrifier à ce type <strong>de</strong> rituel, seulement, les propriétaires du parc<br />
d’attraction ont commencé <strong>de</strong>puis longtemps à interdire l’accès <strong>de</strong> la crique, avant d’entreprendre d’y construire<br />
une structure encore inachevée.<br />
Cierno Ammaat, 56 ans, rue 11 x 16, se souvient <strong>de</strong> ses séjours méditatifs, avec une ban<strong>de</strong> d’amis, sur la tombe<br />
du musicien <strong>de</strong> légen<strong>de</strong>, le koriste Lalo Kééba Dramé, située au pied d’un gros figuier stérile ; après une<br />
baigna<strong>de</strong> dans l’une <strong>de</strong>s nombreuses criques rocheuses situées <strong>de</strong>rrière le cimetière.<br />
David Dium, 54 ans, ex-habitant <strong>de</strong> la rue 4 x 17, avec un grand sourire nostalgique n’arrive pas à se<br />
débarrasser, encore aujourd’hui, <strong>de</strong> son étonnement quand, pour guérir l’épidémie <strong>de</strong> coqueluche qui sévissait<br />
chez leurs petits frères et sœurs, leurs mamans leur <strong>de</strong>mandèrent, lui et sa ban<strong>de</strong> d’amis en vacance scolaire, <strong>de</strong><br />
ramener <strong>de</strong> leurs randonnées aux abords du cimetière, dans sa partie surplombant la mer, <strong>de</strong>s « batboteurs » -<br />
c’est ainsi qu’ils appelaient une espèce <strong>de</strong> lézard bleu et jaune. L’animal qu’ils s’amusaient à traquer pour le<br />
plaisir, sommairement cuisiné et donné à manger aux mala<strong>de</strong>s, les guérissait quasi instantanément.
<strong>de</strong>venu si difficile que ses visiteurs se font <strong>de</strong> plus en plus rares et que la foule d’humbles<br />
gens qui y venait les vendredis attendre leurs oboles a migré.<br />
Fann Hock, et une partie <strong>de</strong> Fann Rési<strong>de</strong>nce souffrent <strong>de</strong>s mêmes problèmes d’enclavement<br />
que la Gueule Tapée et Médine, mais en connaissent d’autres tenant à la santé <strong>de</strong> leurs<br />
habitants, notamment les insomnies et autres troubles liés aux nuisances sonores induites par<br />
les vrombissements <strong>de</strong>s voitures roulant à gran<strong>de</strong> vitesse sur cette Corniche naturellement<br />
dévolue à une allure <strong>de</strong> promena<strong>de</strong>. Personne ne respecte la consigne <strong>de</strong>s 60 Kms/heure<br />
réglementaires, difficilement applicable, et même paradoxale sur une infrastructure ayant pour<br />
justification <strong>de</strong> rendre facile et rapi<strong>de</strong> l’accès au centre-ville et <strong>de</strong> rendre flui<strong>de</strong> la circulation<br />
<strong>de</strong>s voitures sortant du plateau aux heures <strong>de</strong> pointe. La nuit, les <strong>de</strong>ux voies, avec leurs<br />
largeurs incitatives sont naturellement considérées par certains usagers comme <strong>de</strong>s circuits<br />
automobiles. Et ça vrombit dans les maisons que les trottoirs <strong>de</strong> la Corniche viennent<br />
taquiner, certaines se situant à moins <strong>de</strong> quatre mètres <strong>de</strong> la route qui est venue les trouver là.<br />
Cette veuve désirant gar<strong>de</strong>r l’anonymat trouve que « la façon dont ils ont traité les riverains<br />
que nous sommes prouve que ces gens n’ont aucun sens <strong>de</strong>s responsabilités. A qui on va se<br />
plaindre maintenant ? Et pourquoi ? Est-ce qu’ils vont mettre un agent <strong>de</strong>rrière chaque<br />
automobiliste ? ». Ses griefs ne portent pas seulement sur les bruits, mais aussi sur les<br />
émissions polluantes <strong>de</strong> gaz <strong>de</strong>s pots d’échappement « que les vents amènent jusqu'à nos<br />
chambres », se plaint-elle.<br />
Peu après Sumbédjun, le parc d’attraction « Magic Land », plus près <strong>de</strong> la mer que la Cour <strong>de</strong><br />
Cassation, a été autorisé par les socialistes au pouvoir. Aujourd’hui, couvé par les libéraux,<br />
les promoteurs Libanais <strong>de</strong> ce parc ont privatisé plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cent mètres <strong>de</strong> plages et criques,<br />
les soustrayant aux activités économiques, rituelles et <strong>de</strong> plaisance <strong>de</strong> populations riveraines<br />
n’ayant pas les moyens <strong>de</strong> se payer la piscine et les autres loisirs <strong>de</strong> son voisin, le « Terroubi<br />
».<br />
<strong>Le</strong>s Rahal, eux aussi <strong>de</strong>s Libanais, propriétaires du « Terrou-bi » (<strong>de</strong>ux restaurants, bars,<br />
night-club, piscine, casino et salle <strong>de</strong> machines à sous), sont en train d’étendre leurs activités à<br />
l’hôtellerie avec la bénédiction du pouvoir libéral, en faisant main basse sur un site stratégique<br />
<strong>de</strong>stiné à la surveillance et à la protection <strong>de</strong> la faune <strong>maritime</strong>, et par ricochet, sur une petite<br />
plage, aire marine protégée et zone <strong>de</strong> ponte pour une espèce protégée <strong>de</strong> tortue marine. Or,<br />
cet animal, déjà mis en danger pour les vertus curatives prêtées à sa chair, du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong><br />
la mé<strong>de</strong>cine traditionnelle, est menacé <strong>de</strong> disparition 30 .<br />
<strong>Le</strong>s gar<strong>de</strong>s forestiers que l’extension du « Terrou-bi » a contraints au déplacement avaient<br />
pourtant pu, grâce à leur voisinage avec les pêcheurs traditionnels, sensibiliser ces <strong>de</strong>rniers à<br />
la protection <strong>de</strong>s tortues <strong>de</strong> mer, notamment celle appelée mawo en wolof. Aujourd’hui,<br />
quand ils en prennent une au large, vers les îlots Sarpan, ils la remettent à la mer, en dépit <strong>de</strong><br />
sa réputation aphrodisiaque. On peut légitimement se poser la question <strong>de</strong> savoir qui a bien pu<br />
délivrer l’autorisation <strong>de</strong> construire cet ensemble hôtelier en plein centre d’une aire marine<br />
protégée. L’Anoci a été désignée du doigt, à tort ou à raison. Mais elle a certainement enfreint<br />
les règles <strong>de</strong> l’Eie en installant ses travaux ainsi que tout le personnel administratif ministériel<br />
et municipal dans l’urgence la plus absolue compte tenu <strong>de</strong>s délais insensés qu’elle s’était<br />
30 <strong>Le</strong>s causes <strong>de</strong> cette disparition rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette espèce protégée sont les suivantes : « l’abandon <strong>de</strong> grumes, et<br />
l’éclairage artificiel du littoral et en mer ; la pratique <strong>de</strong> certaines activités telles que les ports, l’exploitation<br />
minière, l’encombrement <strong>de</strong>s plages par les véhicules, le tourisme ; la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s habitats marins avec<br />
l’urbanisation littorale ». In Direction <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong>s Etablissements classés, « Rapport national sur<br />
l’état <strong>de</strong> l’environnement marin et côtier », <strong>Dakar</strong>, sans date.
fixée pour construire tous ces hôtels et ces villas <strong>de</strong> luxe qui <strong>de</strong>vaient accueillir les hôtes <strong>de</strong><br />
l’Oci. Nous verrons dans les chapitres suivants que l’Anoci a délibérément violé la loi relative<br />
aux marchés <strong>public</strong>s et transformé durablement le Dpm dakarois en une sorte <strong>de</strong> bombe<br />
écologique qui va plonger <strong>Dakar</strong> et ses habitants dans une impasse environnementale sans<br />
précé<strong>de</strong>nt dans quelques décennies.<br />
La plage « plongeoir » a été conjointement financée par le « Terrou bi » (90 %) et « Magic<br />
Land ». <strong>Le</strong> casino/night club du « terrou bi » a été financé à hauteur <strong>de</strong> 5 milliards <strong>de</strong> francs<br />
Cfa. Un comité <strong>de</strong> suivi et <strong>de</strong> gestion environnementale <strong>de</strong> la plage a été mis en place. Il est<br />
présidé par le sous-préfet <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>-Plateau. C’est dans cette perspective qu’un piège a été<br />
dressé à 100 m <strong>de</strong> la berge pour arrêter les galets qui envahissaient la plage. <strong>Le</strong>s terrains ont<br />
été affectés gracieusement en tant que contrepartie étatique à l’établissement hôtelier qui a<br />
lancé les travaux d’extension et emploierait pour l’instant près <strong>de</strong> 300 employés. Mais la<br />
création d’emplois mal rémunérés le plus souvent et fièrement brandie comme un leitmotiv<br />
dominant représente une maigre consolation par rapport au désastre environnemental que<br />
représente la construction <strong>de</strong> cet hôtel qui obstrue la vue <strong>de</strong> la mer aux passants, privatise <strong>de</strong><br />
facto la plage, met en péril <strong>de</strong>s espèces marines protégées, accélère la fragilité <strong>de</strong> la croûte<br />
terrestre contiguë à la mer et viole, sans l’ombre d’un doute, la loi sur le Dpm.<br />
Derrière le « Terrou bi », le C<strong>de</strong> a aménagé un dépôt <strong>de</strong> production <strong>de</strong> béton armé sur une<br />
superficie <strong>de</strong> plusieurs dizaines d’hectares et sur les berges <strong>de</strong> laquelle venaient pêcher les<br />
a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> la pêche à la ligne ou <strong>de</strong> la plongée sous-marine. L’endroit offrait aux promeneurs<br />
en automobile un site imprenable en face <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine et du centre-ville.<br />
Différents types <strong>de</strong> matériels jonchent le sol y compris le béton produit sur place. Ces<br />
matériaux sont utilisés dans le cadre <strong>de</strong> l’exécution du projet d’élargissement,<br />
d’embellissement et d’aménagement <strong>de</strong> la Corniche Ouest. Il s’agit d’un chantier <strong>de</strong> soutien<br />
aux efforts <strong>de</strong> construction entrepris par l’Anoci et qui sera là jusqu’à la fin <strong>de</strong>s travaux. Des<br />
bureaux provisoires ont également été implantés ici.<br />
Moins d’un kilomètre plus au Nord, le groupe Teylium construit carrément sur le bas <strong>de</strong> la<br />
falaise et sous la houlette <strong>de</strong> l’Anoci, un immense complexe immobilier.<br />
Juste après, la Place du souvenir, construite à coups <strong>de</strong> milliards alors que les populations sont<br />
frappées à hauteur <strong>de</strong> 60 % par une pauvreté <strong>de</strong>s plus abjectes, arbore une esplana<strong>de</strong> en forme<br />
<strong>de</strong> carte géographique <strong>de</strong> l’Afrique construite sur les rochers au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’océan. On a la<br />
très nette impression que cette plateforme, récemment achevée à la hâte, est déjà sous la<br />
menace <strong>de</strong> l’érosion, voire, plus sûrement d’une brutale poussée <strong>de</strong> vagues en marée haute, ou<br />
lors <strong>de</strong> ces montées d’eau imprévisibles que connaît la mer en ces endroits.<br />
A côté, un ensemble <strong>de</strong> villas luxueuses est en voie <strong>de</strong> finition. <strong>Le</strong>s villas sont vendues par un<br />
promoteur privé auquel <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> mètres carrés <strong>de</strong> plages sous les falaises ont été<br />
concédées dans le cadre <strong>de</strong>s travaux d’urgence entrepris par l’Anoci peu avant le Sommet <strong>de</strong><br />
l’Oci. <strong>Le</strong>s autorisations avaient été accordées pour loger les hôtes du Sommet. <strong>Le</strong>s travaux<br />
n’ont pu être finalisés à temps, tout comme ceux <strong>de</strong> l’hôtel le « Terrou-bi » supposé, lui aussi<br />
accueillir <strong>de</strong>s hôtes <strong>de</strong> marque <strong>de</strong> la Oumma islamique. <strong>Le</strong> fait qu’aucun <strong>de</strong>s constructeurs<br />
d’hôtel, <strong>de</strong> cliniques et <strong>de</strong> villas sur ces sites privilégiés n’ait pu achever son chantier à temps<br />
(aujourd’hui encore ils construisent ou semblent marquer le pas en plusieurs points du Dpm)<br />
peut légitimement faire penser à une tromperie délibérée sur les délais rendus <strong>public</strong>s par les<br />
responsables <strong>de</strong> l’Anoci, rien que pour légitimer les autorisations <strong>de</strong> construire qui ont été<br />
accordées dans le laxisme le plus navrant.
<strong>Le</strong>s terrains <strong>de</strong> Mermoz Est (10 hectares), allant <strong>de</strong> la trémie se trouvant à hauteur d’« Atépa<br />
Technologies » au prochain rond point aux <strong>de</strong>ux stèles recouvertes <strong>de</strong> céramique, et dont prés<br />
<strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong> la superficie était classées non aedificandi, sont aujourd’hui presque<br />
entièrement bâtis et vendus rubis sur l’ongle aux classes sociales hégémoniques 31 .<br />
Ici certaines villas, société immobilière, ou encore école sont à moins <strong>de</strong> trois ou même <strong>de</strong>ux<br />
mètres en certains endroits, <strong>de</strong> la chaussée en violation flagrante <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> l’article<br />
213 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’urbanisme stipulant que « l’autorisation <strong>de</strong> construire ne peut être accordée<br />
pour une construction <strong>de</strong>stinée à l’habitation, si elle est édifiée à moins <strong>de</strong> 25 mètres <strong>de</strong> part et<br />
d’autre <strong>de</strong> l’axe <strong>de</strong>s autoroutes et à 25 mètres <strong>de</strong> part et d’autre <strong>de</strong>s routes d’intérêt général ».<br />
Même en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> cet espace « Mermoz-Atépa », véritable cas d’école sur la violation <strong>de</strong>s<br />
lois régissant le Dpm, ailleurs sur la Corniche, très peu <strong>de</strong> constructions respectent ces<br />
dispositions. Circonstance atténuante ou carrément excuse pour beaucoup <strong>de</strong> ses riverains,<br />
c’est la nouvelle Corniche, route d’ « utilité publique » par excellence qui, en s’élargissant,<br />
serait venue à eux.<br />
Une petite pause promena<strong>de</strong> sur la plage <strong>de</strong> la Mosquée <strong>de</strong> la Divinité <strong>de</strong> Waakam permet<br />
d’avoir une vue saisissante <strong>de</strong> ce qu’une citée perchée dangereusement sur la falaise est en<br />
train <strong>de</strong> naître sur ce plateau stratégique. <strong>Le</strong>s contreforts <strong>de</strong> la falaise avant et après le petit<br />
embarcadère aménagé pour les pêcheurs <strong>de</strong> la communauté Lébu sont inlassablement assaillis<br />
par <strong>de</strong>s vagues <strong>de</strong> plusieurs mètres <strong>de</strong> haut qui induisent un niveau <strong>de</strong> perte du trait <strong>de</strong> côte à<br />
hauteur d’au moins 1 mètre par an, selon certaines estimations.<br />
Vers la zone <strong>de</strong>s Mamelles, encore <strong>de</strong>s projets ayant profité <strong>de</strong>s urgences du sommet <strong>de</strong> l’Oci<br />
et qui n’auront pas servi le sommet. Juste après la Clinique <strong>de</strong>s Mamelles, une construction en<br />
contrebas <strong>de</strong> la falaise. <strong>Le</strong> panneau indique la construction d’une « clinique ambulatoire »,<br />
vieux projet d’une dizaine d’années ayant commencé à voir le jour avec les travaux <strong>de</strong><br />
l’Anoci et qui avait aussi servi dans la communication <strong>de</strong>stinée à nous vendre les ambitions <strong>de</strong><br />
l’événement. Or, six mois après le sommet, ce projet porté par <strong>de</strong>s privés Sénégalais est<br />
encore en chantier.<br />
Tout à côté <strong>de</strong> la clinique, un autre projet inachevé lié à l’Oci est désigné par l’imagerie<br />
populaire comme « le projet <strong>de</strong>s Espagnols ». En fait, la construction <strong>de</strong> cet hôtel pieds dans<br />
l’eau viole une règle sur laquelle, semble-t-il, le pouvoir n’aurait pas voulu transiger. En tout<br />
cas, aujourd’hui, les bâtiments presque achevés sont à l’abandon 32 .<br />
31 Des architectes parfaitement au courant <strong>de</strong>s transactions immobilières sur cette partie du Dpm estiment qu’il y<br />
aurait <strong>de</strong>s tenants <strong>de</strong> villas disposant <strong>de</strong> titres fonciers dans cette zone non aedificandi. Cette frau<strong>de</strong> aurait été<br />
rendue possible grâce à <strong>de</strong>s complicités administratives sous l’ancien et le nouveau régimes, plus<br />
particulièrement durant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> transition électorale entre février et mars 2000. Une notabilité <strong>de</strong> l’ancien<br />
régime aurait disposé d’un permis d’occuper sur quelques milliers <strong>de</strong> mètres carrés <strong>de</strong> terrain non aedificandi<br />
qu’il a pu morceler, et, quelques années plus tard, transformer en titres fonciers en bonne et due forme.<br />
Au cours d’une promena<strong>de</strong> sur la Corniche, en 2002, bien avant que la construction <strong>de</strong> ces villas n’ait été<br />
entreprise, le prési<strong>de</strong>nt Abdoulaye Wa<strong>de</strong> prétendait avoir été choqué par les nombreux chantiers sur le Dpm à<br />
hauteur <strong>de</strong> Mermoz comme ailleurs, et avait ordonné l’arrêt <strong>de</strong> tous les travaux afin d’y « mettre <strong>de</strong> l’ordre ».<br />
Une Haute autorité <strong>de</strong> la Corniche avait alors été créée et dirigée par l’architecte conseil du Chef <strong>de</strong> l’Etat, M.<br />
Pierre Goudiaby Atépa qui a d’ailleurs, par la suite, abandonné cette structure. Cette <strong>de</strong>rnière n’avait pas réussi,<br />
en tout état <strong>de</strong> cause, à arrêter le mouvement frénétique d’occupation du Dpm <strong>de</strong> la presqu’île.
Après le projet espagnol mort-né une tourne à gauche mène vers l’ex Club Med installé là<br />
<strong>de</strong>puis quarante ans, dans une zone où poussent ici et là <strong>de</strong> nouveaux chantiers <strong>de</strong> villas <strong>de</strong><br />
luxe pieds dans l’eau ainsi que <strong>de</strong>s restaurants hôtels et rési<strong>de</strong>nces haut <strong>de</strong> gamme. Si<br />
certaines utilités et villas sont à bonne distance <strong>de</strong> la mer, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la route asphaltée, ici<br />
aussi s’est constituée au fil <strong>de</strong>s ans une véritable chaîne <strong>de</strong> béton faites <strong>de</strong> constructions<br />
diverses avec une emprise, n’ayant rien <strong>de</strong> « précaire et révocable » sur le Dpm. Ce sont<br />
l’hôtel « <strong>Le</strong>s Almadies » (ex Club Med, racheté par un groupe arc-en-ciel comprenant <strong>de</strong>s<br />
privés Sénégalais et étrangers), le Ngor-Diarama et l’Hôtel « <strong>Le</strong> Méridien » <strong>de</strong> Ngor (ancien<br />
Hôtel du Gouvernement général <strong>de</strong> l’Aof, tous rachetés par <strong>de</strong>s parties libanaises en même<br />
temps que le complexe hôtelier « <strong>Le</strong> Calao ») et « <strong>Le</strong> Méridien Prési<strong>de</strong>nt » mis récemment<br />
aux enchères par l’Etat, pour ne citer que les espaces touristiques et <strong>de</strong> plaisance les plus<br />
importants. Ils interdisent tous à la collectivité l’accès à <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> mètres <strong>de</strong> plages.<br />
<strong>Le</strong>s retombées économiques <strong>de</strong> tels établissements sur la communauté Lébu <strong>de</strong> Yoff, Ngor et<br />
Wakaam restent encore incertaines bien que <strong>de</strong>s dizaines d’emplois souvent instables aient été<br />
créés. Par contre, l’impact social <strong>de</strong> ces hôtels haut <strong>de</strong> gamme sur la jeunesse du triangle<br />
NGoor-Yoof-Waakaam est visible à travers la prostitution féminine et masculine qui se<br />
propage comme un cancer et à une vitesse directement proportionnelle à l’aggravation <strong>de</strong><br />
l’extrême pauvreté dans tout le pays. Cette zone touristique est <strong>de</strong>venue un pôle d’attraction<br />
(tout comme celui <strong>de</strong> la Petite côte, et plus particulièrement la station balnéaire <strong>de</strong> Saly<br />
Portudal) pour <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> jeunes désœuvrés qui viennent généralement habiter dans<br />
certains quartiers <strong>de</strong>s villages traditionnels Lébus non loin du « Casino » lui aussi appartenant<br />
à un groupe libanais. Une kyrielle <strong>de</strong> boîtes <strong>de</strong> nuit, <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> passe, <strong>de</strong> pizzerias et <strong>de</strong><br />
« karaokés » a brusquement fait son apparition dans toute la zone <strong>de</strong>s Almadies qui est<br />
<strong>de</strong>venue la plaque tournante <strong>de</strong> la prostitution haut et bas <strong>de</strong> gamme dans la presqu’île du Cap<br />
Vert.<br />
La zone <strong>de</strong>s Almadies a <strong>de</strong> tous temps été convoitée par les élites administratives, politiques<br />
et du secteur privé. Dès la fin <strong>de</strong>s années 1960, les autorités gouvernementales avaient<br />
envisagé d’en faire une zone rési<strong>de</strong>ntielle. Sous la magistrature du Prési<strong>de</strong>nt Abdou Diouf, les<br />
autorités gouvernementales déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à un remembrement <strong>de</strong>s terrains. Mais les<br />
Ngoorois se sont sentis lésés par l’opération. Rien n’a été fait pour réparer les injustices<br />
infligées à <strong>de</strong>s familles qui se sont senties grugées par la perte <strong>de</strong> terrains qu’ils ont défriché<br />
génération après génération mais sans prendre la précaution <strong>de</strong> les faire i<strong>de</strong>ntifier auprès <strong>de</strong>s<br />
autorités concernées. 2001, la ruée vers les terrains remembrés s’accélère. Partout <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong><br />
délimitation sont érigés suivis par <strong>de</strong>s villas. Au terme d’une tournée dans la zone, le<br />
Prési<strong>de</strong>nt nouvellement élu, M. Abdoulaye Wa<strong>de</strong>, aurait décidé <strong>de</strong> faire arrêter tous les<br />
travaux et la construction <strong>de</strong> nouvelles habitations. Selon divers témoignages, le Chef <strong>de</strong><br />
l’Etat aurait même fait détruire l’une <strong>de</strong>s maisons délinquantes construites sur le Dpm.
Carte montrant le remembrement <strong>de</strong> NGor-Almadies<br />
Par la suite, un brusque revirement <strong>de</strong> la part du Chef <strong>de</strong> l’Etat permet la redistribution <strong>de</strong>s<br />
terres tant convoitées. Il paraîtrait que c’est le Chef <strong>de</strong> l’Etat lui-même qui aurait avalisé la<br />
cession <strong>de</strong> ces terrains. Aucun témoignage précis n’est cependant venu corroborer cette<br />
allégation. Mais <strong>de</strong>s témoignages concordants permettent <strong>de</strong> savoir que <strong>de</strong>s dignitaires du<br />
parti libéral ainsi que <strong>de</strong>s chefs d’Etat étrangers, tous proches du Chef <strong>de</strong> l’Etat, auraient<br />
obtenu <strong>de</strong>s terrains <strong>de</strong> plusieurs milliers <strong>de</strong> mètres carrés. On cite pèle mêle les noms d’un<br />
chef d’Etat d’Afrique centrale, d’un autre du Maghreb (dont le nom est souvent revenu dans<br />
les cas <strong>de</strong> terrains situés sur les meilleures prises du Dpm et même à Popenguine dans un<br />
espace mitoyen à la rési<strong>de</strong>nce secondaire du Chef <strong>de</strong> l’Etat). On cite également les noms <strong>de</strong><br />
dignitaires du gouvernement et du parti dominant, ainsi que <strong>de</strong>s chantiers ouverts dans le<br />
cadre <strong>de</strong> l’Anoci pour y construire <strong>de</strong>s logements qui <strong>de</strong>vaient abriter les chefs d’Etat<br />
étrangers, hôtes <strong>de</strong> la Conférence islamique.
Cette statue géante <strong>de</strong> plusieurs dizaines <strong>de</strong> mètres trônera au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la capitale au prix ahurissant <strong>de</strong><br />
16 milliards <strong>de</strong> francs Cfa consentis par le Chef <strong>de</strong> l’Etat sénégalais au secteur privé coréen, au détriment<br />
<strong>de</strong>s sculpteurs locaux <strong>de</strong> rang mondial, et, notamment <strong>de</strong> M. Ousmane Sow, une sommité <strong>de</strong> la sculpture<br />
mo<strong>de</strong>rne, dont les œuvres ont longtemps été exposées <strong>de</strong>vant le parvis du Musée <strong>de</strong> l’Homme <strong>de</strong> Paris.<br />
Cette manne d’argent aurait pu entièrement remembrer les Almadies et équiper la corniche Ouest d’oasis,<br />
<strong>de</strong> jardins et <strong>de</strong> parcours sportifs tous ouverts au <strong>public</strong> et aux jeunes en particulier.<br />
Face à ces assauts répétés et considérables du patrimoine foncier <strong>public</strong> voire « traditionnel »,<br />
les mairies <strong>de</strong> Yooff, NGoor et Wakaam ainsi que les Jaraafs Lébus se sont concertés pour<br />
prendre la mesure <strong>de</strong>s choses et adopter une stratégie <strong>de</strong> riposte à la mesure <strong>de</strong>s enjeux liés au<br />
contrôle <strong>de</strong>s terres qui entourent ces communautés <strong>de</strong> pêcheurs-cultivateurs. <strong>Le</strong>s<br />
communautés Lébus se sentent, en effet, menacées par l’explosion démographique et la<br />
<strong>de</strong>nsité humaine au sein d’une presqu’île à laquelle tout les rattache, y compris leurs propres<br />
racines ancestrales, cosmogoniques et religieuses. En outre, les Lébus, ayant été expropriés<br />
une première fois par les colons Français –le terrain entourant l’aéroport a été réquisitionné<br />
pour faits <strong>de</strong> guerre en 1939 et les propriétaires <strong>de</strong> titres, tous Lébus avaient été expropriés. Ce<br />
sont ces mêmes terrains qui ont été cédés par l’administration, sans doute avec l’onction du<br />
pouvoir exécutif, à l’un <strong>de</strong> ses alliés politiques à la très modique somme <strong>de</strong> 4 000 francs Cfa<br />
le mètre carré 33 . L’Asecna s’est également récemment plainte <strong>de</strong> ce que le vaste terrain du<br />
Dpm situé non loin d’un sanctuaire religieux Lébu sur le littoral et qui aurait été cédé au<br />
Khalife général <strong>de</strong>s Tijaan, Serigne Mansour Sy, lui appartiendrait. Dans le périmètre <strong>de</strong>s<br />
Almadies, 140 terrains situés dans les zones d’extension <strong>de</strong>stinées aux Ngorois et<br />
abusivement attribuées à <strong>de</strong> tierces parties feraient l’objet <strong>de</strong> contestations qui doivent être<br />
portées <strong>de</strong>vant les juridictions compétentes. <strong>Le</strong>s milliers d’hectares <strong>de</strong> terrain <strong>de</strong> l’ancien Club<br />
Med auraient été cédés au prix symbolique <strong>de</strong> 200 francs le mètre carré à un consortium <strong>de</strong><br />
privés Sénégalais et étrangers dans <strong>de</strong>s conditions qui ne seraient pas entièrement conformes<br />
aux lois en vigueur. Une autre partie <strong>de</strong> ce site privilégié aurait été cédée à <strong>de</strong>s Américains.<br />
La majorité <strong>de</strong>s Ngorois interrogés estiment que le gouvernement a procédé au<br />
remembrement <strong>de</strong>s Almadies dans l’opacité et l’absence totale <strong>de</strong> transparence. Ils exigent un<br />
audit <strong>de</strong> l’opération surtout au vu <strong>de</strong> ce qu’il y a encore beaucoup d’espaces libres non<br />
occupés et laissés en friche à <strong>de</strong>s fins hautement spéculatives. <strong>Le</strong>s autorités municipales <strong>de</strong><br />
Ngoor pointent du doigt un certain A. D. qui serait l’auteur du remembrement. On lui<br />
reproche, d’avoir accaparé plusieurs terrains <strong>de</strong> 1 500 mètres carrés. D’autres noms sont cités,<br />
notamment ceux <strong>de</strong> O. K. D. et certains <strong>de</strong> ses enfants qui auraient acquis une partie <strong>de</strong> ces<br />
terrains contestés et y auraient construit chacun un immeuble <strong>de</strong> grand standing. <strong>Le</strong>s noms<br />
d’anciens dignitaires <strong>de</strong> l’appareil d’Etat dont un ancien Préfet sont également cités. Ils sont<br />
accusés d’avoir illégalement accaparé plusieurs parcelles alors qu’ils ne <strong>de</strong>vraient pas<br />
33 La presse a largement cite le nom <strong>de</strong> M. MBackiou Faye, un ancien dignitaire du Parti socialiste et maintenant<br />
membre du Parti démocratique senegalais, comme le bénéficiaire <strong>de</strong> cette opération foncière a très haut risque.
énéficier <strong>de</strong> ces terres. Selon les mêmes sources, un ministre d’Etat figure également sur une<br />
longue liste <strong>de</strong> propriétaires <strong>de</strong> terrains contestés par les Ngoorois. Un ancien Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
l’Assemblée nationale qui aurait, en son temps, bénéficié d’une autorisation <strong>de</strong> construire sur<br />
une parcelle <strong>de</strong> 2 000 mètres carrés a dû renoncer à son projet face à la détermination <strong>de</strong>s<br />
jeunes <strong>de</strong> Ngoor qui ont détruit les ouvrages <strong>de</strong> base qui commençaient à émerger.<br />
Dans l’île <strong>de</strong> Ngoor, un ministre d’Etat est accusé, à tort ou à raison, d’avoir mis le grappin<br />
sur un terrain stratégique <strong>de</strong> 1 000 mètres carrés qui appartenait au <strong>domaine</strong> militaire et situé<br />
sur les flancs d’une colline en face <strong>de</strong> la baie océanique alors que les constructions sur l’île<br />
sont interdites, en principe. Cette opération illégale à tous points <strong>de</strong> vue aurait pris place<br />
contre l’avis <strong>de</strong> l’Etat Major militaire. En outre, la loi n’autorise personne à édifier en dur sur<br />
l’Ile <strong>de</strong> Ngoor. On cite également le nom d’un dignitaire <strong>de</strong> l’ancien régime socialiste qui<br />
aurait acquis, en plus d’une villa située sur le Dpm en face <strong>de</strong> la zone Atepa où il habite<br />
présentement, un terrain dans l’Ile <strong>de</strong> Ngoor sur <strong>de</strong>s bases que <strong>de</strong>s dignitaires Ngoorois,<br />
interrogés, ont condamné et regretté.<br />
<strong>Le</strong>s mêmes récriminations sont revenues dans le cas d’un ancien transhumant du Parti<br />
socialiste maintenant membre du Pati démocratique sénégalais dont le terrain situé près du<br />
Méridien Prési<strong>de</strong>nt aurait été acquis dans <strong>de</strong>s conditions contestées par les Ngoorois. Derrière<br />
le Méridien Prési<strong>de</strong>nt, 9 hectares adossés au flanc oriental du village traditionnel <strong>de</strong> Ngoor ont<br />
été remblayés par l’Etat et distribués à <strong>de</strong>s affidés politiques. Dans ce cas-ci, le nom d’un<br />
ancien Premier ministre a été cité parmi les bénéficiaires, sans que nous puissions en apporter<br />
la preuve certaine. Mais les témoignages recueillis à Ngoor même auprès <strong>de</strong> notabilités<br />
locales interpellent l’opinion et méritent un examen attentif.<br />
En vérité, ces remembrements illégaux avaient commencé dès 1991, du temps où les<br />
Socialistes étaient aux affaires, lorsqu’un certain Marcel Prouvost, Français <strong>de</strong> souche établi<br />
au Sénégal, avait bénéficié d’un bail signé par le Gouverneur <strong>de</strong> l’époque qui aurait d’ailleurs,<br />
d’après <strong>de</strong>s témoignages recueillis sur place, acheté l’une <strong>de</strong>s maisons anciennement occupée<br />
par un colon Français. <strong>Le</strong> bail <strong>de</strong> M. Prouvost est scandaleux à tous égards puisqu’il porte sur<br />
un espace les pieds dans l’eau <strong>de</strong> plusieurs milliers <strong>de</strong> mètres carrés et dont le propriétaire ne<br />
s’est pas fait attendre pour initier <strong>de</strong>s travaux au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s hautes vagues, en déplaçant <strong>de</strong>s<br />
tonnes <strong>de</strong> gros rochers d’un point à un autre <strong>de</strong> la côte et en remblayant d’autres endroits <strong>de</strong> la<br />
plage, ce qui a abouti <strong>de</strong> facto à la privatisation <strong>de</strong> cette partie <strong>de</strong> la plage naguère utilisée par<br />
les Ngoorois et les jeunes <strong>Dakar</strong>ois en général qui ne disposent plus <strong>de</strong> l’espace vital dont ils<br />
ont besoin, face à un croît démographique sans précé<strong>de</strong>nt. Depuis lors, M. Prouvost serait en<br />
contentieux légal avec la Mairie <strong>de</strong> Ngoor pour déversement illégal <strong>de</strong> l’eau sale <strong>de</strong> ses égouts<br />
dans l’océan.<br />
La Mairie <strong>de</strong> Ngoor estime que toutes les zones où <strong>de</strong>vaient être édifiés <strong>de</strong>s équipements<br />
collectifs ont été pillées, à l’exception <strong>de</strong> l’école dont la moitié a été donnée à un privé qui<br />
serait porteur d’un projet <strong>de</strong> construction d’une école privée mais qui pourrait bien construire<br />
autre chose à la place. Sur d’autres terrains <strong>de</strong>stinés à <strong>de</strong>s équipements collectifs sanitaires,<br />
l’Etat a laissé construire <strong>de</strong>s villas <strong>de</strong> grand standing au détriment <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> base <strong>de</strong>s<br />
Ngoorois. En outre, la Mairie <strong>de</strong> Ngoor aurait souhaité construire tout au long du Dpm<br />
occi<strong>de</strong>ntal un parcours sportif agrémenté <strong>de</strong> mini restaurants qui ne bouchent pas la vue<br />
<strong>maritime</strong>, d’arbres et <strong>de</strong> jardins avec <strong>de</strong>s oasis tous les 100 mètres accessibles au grand <strong>public</strong>.<br />
Cette passe d’armes entre une mairie contrôlée par <strong>de</strong>s jeunes indépendants qui ont utilisé la<br />
bannière verte pour accé<strong>de</strong>r à la compétition électorale lors <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières municipales montre
ien qu’il y a un niveau croissant <strong>de</strong> contradictions entre les tendances centrifuges du pouvoir<br />
monopoliste d’Etat et les velléités d’indépendance et d’autonomie <strong>de</strong>s collectivités locales<br />
dont les compétences transférées sont un tonneau vi<strong>de</strong> qui ne leur laisse que <strong>de</strong>s marges <strong>de</strong><br />
manœuvre extrêmement réduites.<br />
Dans ce cas précis, normalement la Mairie <strong>de</strong> NGoor <strong>de</strong>vrait déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’affectation <strong>de</strong>s<br />
terres, comme c’est le cas en ce qui concerne les communautés rurales <strong>de</strong> la Petite Côte en<br />
particulier. Mais ici, l’Etat centralisateur réapparaît dans toute sa lai<strong>de</strong>ur à partir du moment<br />
où le pouvoir exécutif hyper centralisé donne le ton et déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> privatiser l’ancien champ <strong>de</strong><br />
tir libéré par l’armée d’occupation française tout récemment et, sans doute, bientôt, le camp<br />
Archinard abandonné <strong>de</strong>puis quelques temps par les militaires Français, ouvrant ainsi une<br />
compétition féroce entre divers prétendants à ce pactole foncier <strong>de</strong>s plus prometteurs.<br />
Selon plusieurs operateurs privés concernés par ces mouvements suspects dans le registre<br />
foncier, le Chef <strong>de</strong> l’Etat est largement responsable <strong>de</strong> cette situation <strong>de</strong> laisser-faire en ce qui<br />
concerne le mouvement accéléré d’accaparement <strong>de</strong>s terres du Dpm, puisque les terrains<br />
déclassés du Dpm et du patrimoine foncier <strong>de</strong> l’Etat feraient souvent l’objet <strong>de</strong> décrets qui<br />
sont rarement sinon jamais publiés au Journal Officiel, ce qui ajoute au désordre foncier<br />
ambiant déjà suffisamment ravageur.<br />
<strong>Le</strong> projet <strong>de</strong> construction d’une ville nouvelle entre le Lac Rose et l’océan Atlantique dans<br />
lequel serait impliqué l’architecte conseil du Chef <strong>de</strong> l’Etat, M. Pierre Goudiaby va sans doute<br />
soulever le même type <strong>de</strong> problèmes entre l’Etat et les communautés qui, <strong>de</strong>puis la nuit <strong>de</strong>s<br />
temps occupent ces espaces, les mettent plus ou moins en valeur avec les moyens archaïques<br />
dont ils disposent et se voient dépossédées du jour au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> ces terres et <strong>de</strong> ces<br />
espaces marins qui leur ont toujours procuré les moyens <strong>de</strong> survivre à la faim et aux besoins<br />
les plus pressants.<br />
Une vue du Lac Rose et <strong>de</strong> l’océan Atlantique. C’est dans cet espace que l’Etat va bientôt construire une<br />
nouvelle ville (projet Retba, du nom du lac) sans prendre en compte les intérêts vitaux <strong>de</strong>s communautés<br />
<strong>de</strong> pêcheurs et d’agriculteurs qui y sont installés <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles<br />
Dans le cadre <strong>de</strong> ce qu’on appelle le tourisme local, <strong>de</strong>s concessions sont données à <strong>de</strong>s<br />
opérateurs sur le Dpm selon les mêmes modalités maintenant connues d’occupation <strong>de</strong> cet<br />
espace. C’est le cas pour « <strong>Le</strong> Sunugal » l’auberge <strong>de</strong> M. Prouvost citée plus haut. C’est aussi
le cas du restaurant « <strong>Le</strong> Virage » appartenant à un Libanais et situé à l’intersection <strong>de</strong> la<br />
route du même nom menant à l’aéroport Léopold Sédar Senghor et <strong>de</strong> la piste conduisant vers<br />
Yoff Waraar, ce nouveau quartier rési<strong>de</strong>ntiel progressivement implanté sur le rivage, <strong>de</strong>rnière<br />
étape <strong>de</strong> notre randonnée.<br />
Ici, les premiers occupants se mor<strong>de</strong>nt le doigt d’avoir plus ou moins respecté les distances<br />
réglementaires avec la mer. Installés <strong>de</strong>puis trente à quinze ans, ils ont été envahis par <strong>de</strong>s<br />
nouveaux arrivants peu soucieux <strong>de</strong>s lois et <strong>de</strong>s précautions sécuritaires élémentaires. Tout le<br />
long du rivage, il y a dix ans seulement <strong>de</strong>s criques rocheuses disposées astucieusement par la<br />
nature offraient <strong>de</strong>s piscines naturelles aux baigneurs. Des villas <strong>de</strong> grand standing sont<br />
venues obstruer la vue <strong>de</strong> la mer aux anciens occupants <strong>de</strong> Yoff Waraar 34 et à ceux <strong>de</strong>s<br />
villages environnants <strong>de</strong> pêcheurs. Au surplus, les populations riveraines sont sevrées <strong>de</strong> la<br />
brise rafraîchissante venue du large, ce qui fait qu’elles sont étouffées par une chaleur d’étuve<br />
quasiment à longueur d’année. Naguère, cette zone alors aérée, laissait aux promeneurs à<br />
pieds ou en véhicule venus <strong>de</strong> partout <strong>de</strong>s voies d’accès à la mer. Aujourd’hui, elle n’offre<br />
plus que le spectacle d’un dédale <strong>de</strong> rues étroites, d’impasses et <strong>de</strong> chemins impraticables en<br />
voiture. Il est <strong>de</strong>venu presque impossible <strong>de</strong> contourner le quartier par la berge océane comme<br />
au bon vieux temps puisque les maisons privées ont chacune contribué, à quelques exceptions<br />
près, à privatiser les plages dans une mesure qui dépasse l’enten<strong>de</strong>ment.<br />
La question centrale que soulève la gestion du littoral océanique est <strong>de</strong> savoir comment en eston<br />
venu à cé<strong>de</strong>r, à travers <strong>de</strong>s pratiques illégales largement avérées, ce que <strong>Dakar</strong> compte <strong>de</strong><br />
plus précieux et vital à sa survie et son avenir : le Dpm qui la ceinture comme une perle<br />
argentée étincelante <strong>de</strong> beauté naturelle à travers le scintillement <strong>de</strong> ses vagues ondoyantes<br />
sous le ciel dégagé <strong>de</strong>s Tropiques. La prise <strong>de</strong> décision <strong>de</strong> 1960 à nos jours, et certainement<br />
durant la colonisation française, a conduit à <strong>de</strong>s erreurs <strong>de</strong> jugement et <strong>de</strong>s errements<br />
juridiques et économiques d’une gravité extrême qui vont avoir un impact sur les générations<br />
présentes et futures. C’est à l’examen du cadre juridique qui a permis ces dysfonctionnements<br />
que nous allons nous atteler dans le chapitre sur la gestion juridique du Dpm.<br />
Avant cela, le cas <strong>de</strong> l’Anoci mérite d’être examiné compte tenu <strong>de</strong> ce qu’il a induit <strong>de</strong>s<br />
dépenses à hauteur d’environ 385 milliards <strong>de</strong> francs Cfa et qu’il est au centre <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s<br />
controverses politico-financières les plus considérables <strong>de</strong>puis l’accès du Sénégal à la<br />
souveraineté internationale.<br />
34<br />
Une déformation linguistique typique <strong>de</strong> la colonisation française a transformé l’appellation Waraar en<br />
« Ranrhar ».
Chapitre 3<br />
<strong>Le</strong>s chantiers <strong>de</strong> l’Anoci<br />
L’Agence nationale <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> la conférence islamique (Anoci) a été créée à la<br />
veille du sommet <strong>de</strong> l’Organisation <strong>de</strong> la conférence islamique (Oci) par le Chef <strong>de</strong> l’Etat<br />
sénégalais 35 . Ce <strong>de</strong>rnier a placé son propre fils à la tête <strong>de</strong> cette agence contre l’avis <strong>de</strong><br />
nombreux Sénégalais et notamment <strong>de</strong> l’opposition sénégalaise qui voyait là un conflit<br />
d’intérêts manifeste mais surtout la porte ouverte à <strong>de</strong>s dérapages institutionnels et<br />
professionnels, M. Karim Wa<strong>de</strong> n’ayant pas nécessairement le meilleur profil pour trôner au<strong>de</strong>ssus<br />
d’une manne financière aussi importante avec <strong>de</strong>s implications non moins<br />
significatives aux plans diplomatique, architectural et <strong>de</strong> l’aménagement territorial.<br />
La mission <strong>de</strong> l’Anoci est d’ « organiser, construire et réaliser, mobiliser les financements et<br />
ressources nécessaires à l’organisation du 11ème sommet <strong>de</strong> l’Oci ; accompagner les plus<br />
démunis conformément aux enseignements du Coran ; renforcer la coopération et la solidarité<br />
entre les pays membres <strong>de</strong> l’Oci et le Sénégal 36 ».<br />
Cette mission taille à l’agence un manteau surdimensionné qui couvre les ministères <strong>de</strong><br />
l’Economie et <strong>de</strong>s Finances, <strong>de</strong>s Affaires Étrangères, <strong>de</strong> l’Urbanisme et <strong>de</strong> l’Aménagement du<br />
Territoire, du Patrimoine Bâti, <strong>de</strong> l’Habitat et <strong>de</strong> la Construction ainsi que tous les autres<br />
ministères parties prenantes du 11ème Sommet <strong>de</strong> l’Oci. Autant dire, que c’est tout le<br />
gouvernement qui est placé dans une position d’ouverture exceptionnelle aux <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rata <strong>de</strong> M.<br />
Karim Wa<strong>de</strong>.<br />
En outre, sous le prétexte <strong>de</strong> venir en ai<strong>de</strong> aux démunis, l’Anoci s’est livrée à une exploitation<br />
éhontée <strong>de</strong> la pauvreté extrême qui sévit au Sénégal à <strong>de</strong>s fins ouvertement politiques et<br />
hégémoniques. L’Islam, dans ces conditions, n’a été qu’un fonds <strong>de</strong> commerce pour placer<br />
sur une rampe <strong>de</strong> lancement que l’on croyait imparable le dauphin attitré du Chef <strong>de</strong> l’Etat. La<br />
récente radicalisation <strong>de</strong>s imams et <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s religieux <strong>de</strong> la zone périurbaine dakaroise, sans<br />
compter les hameaux religieux où le mécontentement social est la chose la mieux partagée,<br />
montre bien que l’entreprise <strong>de</strong> débauchage <strong>de</strong>s imams et <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong> minables sommes<br />
d’argent sous les projecteurs <strong>de</strong> la télévision nationale est vouée au départ à l’échec, car on ne<br />
peut pas corrompre tout un peuple tout le temps et espérer que ce <strong>de</strong>rnier ne finira pas par<br />
vous haïr et par faire valoir les arguments hautement dissuasifs <strong>de</strong> la rue.<br />
35 La création <strong>de</strong> l’agence a été contestée par l’opposition sénégalaise qui a rappelé en son temps que<br />
l’organisation <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s sommets <strong>de</strong> l’Oci qui revenait au Prési<strong>de</strong>nt Abdou Diouf n’avait pas nécessité la<br />
création d’une agence spéciale et s’était déroulée dans <strong>de</strong>s conditions jugées satisfaisantes. <strong>Le</strong> Chef <strong>de</strong> l’Etat<br />
sénégalais, M. Abdoulaye Wa<strong>de</strong>, a créé, en l’espace <strong>de</strong> quelques années seulement, 32 agences rattachées à la<br />
Prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la République avec un statut d’autonomie administrative et financière en contradiction flagrante<br />
avec les principes <strong>de</strong> la gouvernance démocratique et <strong>de</strong> gestion transparente <strong>de</strong>s <strong>de</strong>niers <strong>public</strong>s.<br />
36 Voir le site <strong>de</strong> l’Anoci : http://www.anoci.com
Dans le même temps, en raison <strong>de</strong> sa position privilégiée <strong>de</strong> Conseiller <strong>de</strong> rang exceptionnel<br />
<strong>de</strong> son père, Karim Wa<strong>de</strong> est délibérément et <strong>de</strong> facto placé au centre du dispositif <strong>de</strong> la prise<br />
<strong>de</strong> décision exécutive, ce dont la presse nationale et internationale, à l’unisson, s’est d’autant<br />
inquiétée, que l’Agence emploie une centaine <strong>de</strong> personnes venus d’horizons les plus divers, y<br />
compris <strong>de</strong>s milieux politiques, diplomatiques et maraboutiques. Dans le même temps, un<br />
mouvement politique dénommé la « Génération du concret » est créé pour soutenir Karim<br />
Wa<strong>de</strong> et le placer dans une position avantageuse sur l’échiquier politique, dans les<br />
mouvements <strong>de</strong> jeunes, les dahiras, les principaux khalifats islamiques du pays ainsi que la<br />
hiérarchie catholique et les différents ordres religieux installés au Sénégal. <strong>Le</strong> déploiement<br />
d’un tel dispositif a été l’objet d’une véritable levée <strong>de</strong> boucliers jusques et y compris au sein<br />
<strong>de</strong> l’appareil <strong>de</strong> direction du Parti démocratique sénégalais.<br />
Au plan institutionnel, l’Anoci est gérée par son Prési<strong>de</strong>nt Karim Wa<strong>de</strong>, son Directeur<br />
Exécutif, Abdoulaye Baldé 37 qui est sous la tutelle directe du Chef <strong>de</strong> l’Etat dans la<br />
nomenclature <strong>de</strong> gestion du gouvernement, et, d’un Conseil <strong>de</strong> surveillance comprenant, outre<br />
les ministres concernés du gouvernement, les Ambassa<strong>de</strong>urs <strong>de</strong>s pays qui ont financé l’Anoci,<br />
<strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> la société civile (Synpics, Cnp, Raddho, Forum civil), <strong>de</strong>s corps <strong>de</strong><br />
contrôle <strong>de</strong> l’Etat (contrôle financier, Dreat), du Conseil <strong>de</strong> la République, <strong>de</strong> l’Assemblée<br />
nationale et du ministre <strong>de</strong> l’Economie et <strong>de</strong>s Finances.<br />
Malgré toutes les garanties promises par l’Anoci en matière <strong>de</strong> transparence, <strong>de</strong> respect <strong>de</strong>s<br />
normes <strong>de</strong> gestion et du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s marchés <strong>public</strong>s et <strong>de</strong> « contrôle technique en temps réel <strong>de</strong><br />
l’exécution <strong>de</strong>s projets », <strong>de</strong>s inquiétu<strong>de</strong>s voire <strong>de</strong>s irrégularités ont été portées à l’attention<br />
générale par <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> la société civile et <strong>de</strong>s entreprises et architectes sénégalais.<br />
Dans un mémorandum rendu <strong>public</strong>, le Syndicat <strong>de</strong>s architectes du Sénégal a dénoncé la<br />
violation <strong>de</strong>s textes en vigueur qui obligent l’Etat à associer les architectes à la construction<br />
d’infrastructures d’envergure. <strong>Le</strong> Syndicat a également détaillé les irrégularités techniques et<br />
conceptuelles qui caractérisent les chantiers <strong>de</strong> l’Anoci qui n’ont d’ailleurs pu être livrés à<br />
temps, ce qui a occasionné à l’Etat plusieurs surcoûts budgétaires <strong>de</strong> plusieurs milliards <strong>de</strong><br />
francs Cfa. <strong>Le</strong> « tunnel » <strong>de</strong> Sumbédjun a largement été pointé du doigt puisqu’à peine<br />
achevé, il montrait <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> suintement <strong>de</strong> l’eau en plusieurs endroits <strong>de</strong> ses parois<br />
latérales.<br />
L’Entreprise Jean <strong>Le</strong>febvre (Ejl) dirigée par Bara Tall aurait été l’objet d’une cabale montée<br />
<strong>de</strong> toutes pièces, selon les témoignages abondamment fournis à la presse par ce <strong>de</strong>rnier. Ayant<br />
refusé les bases du chantage qui, selon ses propres termes, lui aurait été proposé par M.<br />
Abdoulaye Wa<strong>de</strong>, il est jeté en prison sans autre forme <strong>de</strong> procès. Il lui serait reproché d’avoir<br />
osé refuser <strong>de</strong> manigancer une parodie <strong>de</strong> surfacturation qui aurait permis <strong>de</strong> coincer M.<br />
Idrissa Seck dans une longue détention carcérale sur une base pénale contrefaite dans le cadre<br />
du canular que représente « le scandale <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong> Thiès » 38 .<br />
37 Depuis que ces lignes ont été écrites, le Chef <strong>de</strong> l’Etat a encore une fois changé le dispositif institutionnel et<br />
légal du Secrétariat général du gouvernement en le subdivisant en plusieurs enclaves principalement instruites<br />
par l’imperium politique permanent auquel M. Abdoulaye Wa<strong>de</strong> s’est exclusivement soumis <strong>de</strong>puis sa prise du<br />
pouvoir en 2000.<br />
38 <strong>Le</strong> lecteur voudra bien consulter l’enquête menée par Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong> sur cette question.
Or, malgré ses démêlés avec le Chef <strong>de</strong> l’Etat dans le cadre <strong>de</strong> l’affaire <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong><br />
Thiès 39 , Bara Tall, se positionne dans les appels d’offres <strong>de</strong> l’Anoci à <strong>de</strong>s prix nettement<br />
compétitifs. Ses propositions sont rejetées sans autre forme <strong>de</strong> procès par l’Anoci sur <strong>de</strong>s<br />
bases contestées par Ejl. L’Agence <strong>de</strong> Régulation <strong>de</strong>s Marchés Publics (Armp), à travers les<br />
arrêts rendus par son Comité <strong>de</strong> Règlement <strong>de</strong>s Différends, déboute Ejl et refuse à l’un <strong>de</strong>s<br />
Conseillers <strong>de</strong> l’Armp l’accès au fond <strong>de</strong> dossier et aux bases juridiques du différend qui a<br />
opposé Ejl à l’Anoci.<br />
D’après Ejl 40 , les prix qu’elle a proposés au sujet <strong>de</strong>s différents lots <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong> l’Anoci<br />
sont nettement plus avantageux comme le montre le tableau ci-<strong>de</strong>ssous. Malgré notre statut <strong>de</strong><br />
Conseiller <strong>de</strong> l’Armp nommé par décret prési<strong>de</strong>ntiel 41 , nous n’avons pu accé<strong>de</strong>r au dossier<br />
relatif a cette affaire sous le prétexte qu’il serait confi<strong>de</strong>ntiel. Malgré tout le bien que l’on<br />
pourrait penser <strong>de</strong> l’Armp et <strong>de</strong>s conseillers qui l’animent, il reste que cette organisation est<br />
encore trop proche <strong>de</strong> son parrain étatique, la Primature et le Ministère <strong>de</strong> l’Economie et <strong>de</strong>s<br />
finances, en l’occurrence, sans compter l’Inspection générale d’Etat placée sous l’autorité<br />
directe du Chef <strong>de</strong> l’Etat. Toutes ces structures y sont représentées et développent un point <strong>de</strong><br />
vue naturellement proche <strong>de</strong> leur direction <strong>de</strong> tutelle.<br />
39 Voir à cet égard, la seule étu<strong>de</strong> indépendante rendue publique sur cette sombre affaire par Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong><br />
in Chantiers <strong>de</strong> Thiès : les Faits, <strong>Dakar</strong>, AT, 2004.<br />
40 Cf. JLS, « JLS contre Etat du Sénégal ; Mémorandum <strong>de</strong> Réclamation », <strong>Dakar</strong>, sans date. Dans ce document<br />
rendu <strong>public</strong>, Jls entre en contentieux juridique ouvert avec l’Etat du Sénégal qu’il accuse <strong>de</strong> refuser<br />
systématiquement <strong>de</strong> lui verser la somme <strong>de</strong> Fcfa 7 022 251 034 pour « <strong>de</strong>s travaux exécutés et réceptionnés » et<br />
<strong>de</strong> l’avoir « privée, délibérément, <strong>de</strong> plusieurs marchés pour un montant cumulé <strong>de</strong> Fcfa 104 950 328 156 » alors<br />
que le groupe Talix auquel appartient Jls « était parti pour être un grand conglomérat employant plus <strong>de</strong> 5 000<br />
personnes dans divers <strong>domaine</strong>s d’activités », doc. cit., p. 8. Par ailleurs, dans une lettre adressée à l’Armp le 2<br />
avril 2008 qu’elle a bien voulu mettre à notre disposition, Jls conclut ses réclamations par une mise en gar<strong>de</strong><br />
solennelle « sur l’existence et la protection, par un habillage légal, d’un oligopole (monopole d’un groupe)<br />
constitué <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux et parfois trois entreprises que tout le mon<strong>de</strong> connaît et qui, par un jeu d’ententes totalement<br />
illicites, a fini <strong>de</strong> fausser complètement le jeu <strong>de</strong> la concurrence dans le secteur <strong>de</strong>s routes, tirant le niveau <strong>de</strong>s<br />
prix pratiqués à un niveau jamais égalé, irréaliste et sans commune mesure avec ce qui se fait ailleurs et avec les<br />
possibilités du Sénégal ». Cette accusation est suffisamment grave pour que la Cour <strong>de</strong>s comptes, l’Inspection<br />
générale d’Etat et toutes les structures plus ou moins fictives, en tous cas totalement inefficaces et liées à<br />
l’exécutif sénégalais, interviennent <strong>de</strong> toute urgence pour éluci<strong>de</strong>r cette affaire. Au lieu d’une action décisive,<br />
l’opinion a encore eu droit à la même attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> complicité active du Chef <strong>de</strong> l’Exécutif sénégalais.<br />
41 Dans une lettre <strong>de</strong> démission publique adressée le 28 août 2008 au Chef <strong>de</strong> l’Etat sénégalais, le Directeur<br />
Exécutif d’Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong> a formulé ses griefs vis-à-vis <strong>de</strong> l’Armp selon les termes suivants :<br />
« Monsieur le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République,<br />
« Par voie <strong>de</strong> décret, vous avez bien voulu me nommer, en même temps que d’autres personnalités, Conseiller <strong>de</strong><br />
l’Agence <strong>de</strong> Régulation <strong>de</strong>s Marchés Publics (ARMP).<br />
« Je vous prie <strong>de</strong> prendre acte <strong>de</strong> ma démission <strong>de</strong> cette structure à cette date.<br />
« <strong>Le</strong>s raisons <strong>de</strong> ma démission sont liées au fait qu’après quelques mois <strong>de</strong> compagnonnage avec l’Autorité, je<br />
n’ai pas le sentiment, en mon intime conviction, que l’ARMP peut s’acquitter <strong>de</strong> sa mission en toute<br />
indépendance, compte tenu <strong>de</strong>s liens presque ombilicaux qui la lient au Ministère <strong>de</strong> l’Economie et <strong>de</strong>s Finances,<br />
à la Primature, et, par ricochet, au pouvoir Exécutif dont vous êtes l’incarnation.<br />
« Je suis, par ailleurs, choqué par les développements récents en matière <strong>de</strong> gouvernance démocratique et<br />
financière qui installent le Sénégal, par votre faute et celle <strong>de</strong> votre gouvernement, dans une ère d’instabilité<br />
politique et d’injustice sociale marquées préjudiciables aux intérêts supérieurs <strong>de</strong> la Nation.<br />
« Soyez assuré, Monsieur le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République, <strong>de</strong> ma haute considération.<br />
Jacques Habib Sy ».
Tableau 1 : dépouillement <strong>de</strong>s appels d’offres relatifs aux chantiers <strong>de</strong> l’Anoci<br />
Source : Ejl<br />
Soseter<br />
C<strong>de</strong><br />
Entreprises Capacités<br />
financières<br />
Prix proposes<br />
HTVA<br />
Montants TTC<br />
Appel d’offres du 30/042007<br />
Travaux d'élargissement et d'aménagement <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> Wakaam a Dakaar<br />
Groupement<br />
Zakhem<br />
Construction &<br />
Sinco Spa<br />
Jls Sa<br />
Fougerolle<br />
Caution bancaire :<br />
400 millions<br />
Capacité<br />
financière : 5<br />
milliards<br />
Ligne <strong>de</strong> crédit : 1<br />
milliard Sgbs<br />
Caution bancaire :<br />
400 millions<br />
Ligne <strong>de</strong> crédit : 6,9<br />
milliards Bicis<br />
7,8 milliards Cls<br />
Caution bancaire :<br />
400 000 000 Banca<br />
Liverno<br />
Ligne <strong>de</strong> crédit : 3<br />
milliards Banca<br />
Liverno ; 2,5<br />
milliards Impreso ;<br />
10 milliards Cbao<br />
Caution bancaire :<br />
450 millions<br />
Ecobank<br />
Capacité<br />
financière : 10<br />
milliards Ecobank<br />
Ligne <strong>de</strong> crédit :<br />
3, 390 milliards Cls<br />
Caution bancaire :<br />
400 millions Sgbs<br />
Capacité<br />
financière :<br />
10 milliards<br />
20 072 343 372<br />
17 828 449 258 HT<br />
HD HTVA<br />
Impôts et taxes :<br />
742 852 052<br />
18 571 301 310<br />
HTVA<br />
18 822 196 841<br />
Délai : 06 mois si<br />
25 % <strong>de</strong> majoration<br />
23 527 746 051<br />
15 126 377 753<br />
23 685 365 179<br />
Délai : 12 mois<br />
21 914 135 546<br />
Délai : 08 mois<br />
22 765 447 079<br />
Délai : 08 mois<br />
17 849 125 749<br />
Délai : 08 mois<br />
25 766 498 580<br />
Délai : 08 mois<br />
Appel d’offres du 20/12/05<br />
Elargissement et aménagement <strong>de</strong> la Corniche Ouest.Stele Mermoz-Carrefour <strong>de</strong>s<br />
Ma<strong>de</strong>leines
Groupement C<strong>de</strong>-<br />
Kharafi<br />
20 % : Fcfa :<br />
18 903 615 627<br />
15 % : Euro :<br />
5 085 505 808<br />
Délai : 12 mois<br />
Groupement Jls-Sac 50 % : Fcfa :<br />
7 063 285 279<br />
50 % : Euro :<br />
10 767 909<br />
Délai : 12 mois<br />
Groupement Cse-<br />
Brouhan Int. Cc<br />
22 239 547 796<br />
16 669 353 257<br />
23 391 330 717<br />
Lot No 1 : élargissement <strong>de</strong> la Vdn en 2 x 3 voies + assainissement<br />
Lot No 2 : construction <strong>de</strong> 3 échangeurs aux carrefours<br />
Lot No 1 Lot No 2 Pièces manquantes<br />
C<strong>de</strong> 8 786 608 041 13 635 511 304 LT-Ipres<br />
Css- Quitus<br />
Attestation visite<br />
Fougerolle 8 388 406 774 9 870 550 870 Attestation visite<br />
Cse 8 126 838 287 11 829 965 462 Ipres-IT-Quitus<br />
Jls Sa 7 213 575 946 Voieries :<br />
2 602 684 361<br />
Echangeurs :<br />
9 724 279 846<br />
Quitus<br />
Source : lettre <strong>de</strong> réclamations <strong>de</strong> Ejl du 2 avril 2008 BT/BN/08-700 adressée au Prési<strong>de</strong>nt du Conseil <strong>de</strong><br />
régulation <strong>de</strong>s marchés <strong>public</strong>s fourni par Ejl<br />
D’après les témoignages épars recueillis auprès <strong>de</strong> sources informées du secteur privé<br />
national, les prix proposés par Ejl sont 50 % moins chers que ceux qui ont été adoptés pour ce<br />
qui concerne le tunnel <strong>de</strong> Sumbedjun (Ejl : 2,4 milliards ; Henan Chine : 2,5 milliards ; C<strong>de</strong> :<br />
marché adjugé à 5 milliards puis finalement à 10 milliards en raison <strong>de</strong> l’ « absence <strong>de</strong><br />
maitrise <strong>de</strong>s données conceptuelles et techniques » par l’Anoci, disent, à tort ou à raison,<br />
certains critiques <strong>de</strong> l’Anoci).<br />
<strong>Le</strong>s travaux d’élargissement <strong>de</strong> la corniche ouest ont été adjugés à 22 milliards contre 16<br />
milliards au départ puis finalement à 30 milliards proposés par Ejl et rejetés par l’Anoci au<br />
profit du C<strong>de</strong>. Or c’est ce même C<strong>de</strong> qui aurait, contre toute attente et en violation du Co<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s marchés <strong>public</strong>s, pris en charge l’élaboration <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s préalables qui auraient du être<br />
faites par l’Etat pour placer sur un même pied d’égalité toutes les parties prenantes dans cet<br />
appel <strong>public</strong> à manifestation d’intérêt.
Selon Ejl, les chantiers <strong>de</strong> l’Anoci affichent <strong>de</strong>s prix 50 % plus chers que les chantiers <strong>de</strong><br />
Thiès avec <strong>de</strong>s quantités supérieures et la latérite vendue à 1 800/2 000 francs Cfa par le C<strong>de</strong><br />
contre 1 200 francs Cfa par Ejl. La Vcn <strong>de</strong> Thiès longue <strong>de</strong> 10,9 kms a coûtée 7 milliards<br />
entièrement préfinancés alors que le marché <strong>de</strong> la Vdn élargie avec une route déjà existante et<br />
longue seulement <strong>de</strong> 7 kms aurait été scellée à 22 milliards <strong>de</strong> francs Cfa (soit plus <strong>de</strong> 3<br />
milliards <strong>de</strong> francs Cfa le kilomètre) selon les termes établis par le C<strong>de</strong>. Ce marché particulier,<br />
aurait donc été ficelé à hauteur <strong>de</strong> 22 milliards <strong>de</strong> francs Cfa alors que tout le marché <strong>de</strong>s<br />
chantiers <strong>de</strong> Thiès exécuté par Ejl n’a pas coûté plus <strong>de</strong> 17 milliards <strong>de</strong> francs Cfa entièrement<br />
préfinancés.<br />
L’Etat, et la Prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la République, ont répliqué les mêmes erreurs observées dans le<br />
scandale <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong> Thiès en installant tous les processus d’offres <strong>de</strong> marchés <strong>public</strong>s<br />
dans l’urgence la plus absolue, et, pour ce qui concerne certains lots, sans l’aval <strong>de</strong><br />
l’Assemblée nationale, en particulier, à travers une ou <strong>de</strong>s lois rectificatives <strong>de</strong>s finances. Au<br />
lieu <strong>de</strong> cela, nous avons assisté, estiment certains observateurs avertis du secteur <strong>de</strong>s BTP, a<br />
<strong>de</strong>s ententes préétablies entre certaines <strong>de</strong>s entreprises concurrentes, et, parfois en ayant<br />
recours à la conspiration pour maintenir en l’état une forme d’organisation oligopolistique<br />
informelle mais non moins effective.<br />
Selon <strong>de</strong>s témoins qui auraient participé aux négociations, la Prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la République<br />
aurait convoqué au départ les quatre entreprises les plus capables du secteur <strong>de</strong>s BTP (C<strong>de</strong>,<br />
Cse, Ejl et Fougeyrolles), en leur <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r aux étu<strong>de</strong>s préalables en trois<br />
semaines pour exécuter les différents lots du marché <strong>de</strong> l’Anoci. <strong>Le</strong>s dons consentis par le<br />
Koweït ren<strong>de</strong>nt obligatoire la participation d’entreprises du secteur privé <strong>de</strong> ce pays dans<br />
l’exécution <strong>de</strong>s marchés. <strong>Le</strong>s entreprises koweitiennes sélectionnées soutraitent par la suite<br />
avec les entreprises locales sur la base <strong>de</strong>s prix proposés dans les étu<strong>de</strong>s initiales. L’entreprise<br />
Zakhem, basée à Londres, et qui aurait <strong>de</strong>s accointances avec M. Karim Wa<strong>de</strong>, se serait<br />
intéressée avant les chantiers <strong>de</strong> l’Anoci, à la réalisation <strong>de</strong> l’Université du Futur Africain.<br />
L’affaire aurait tourné court en raison <strong>de</strong> ce que M. Karim Wa<strong>de</strong> aurait voulu prendre une<br />
participation majoritaire (51 %) dans les affaires <strong>de</strong> Zakhem qui aurait décliné l’offre. C’est<br />
dans ce contexte, que Zakhem se serait intéressé aux routes secondaires <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong><br />
l’Anoci, cependant qu’Ejl a jeté son dévolu sur la route allant <strong>de</strong> l’Aéroport Lss jusqu’aux<br />
Mamelles et au tronçon <strong>de</strong> route menant au Méridien Prési<strong>de</strong>nt. A cette haute époque du<br />
projet (février 2005), il était prévu <strong>de</strong> tenir la Conférence <strong>de</strong> l’Oci au Champ <strong>de</strong> Tir <strong>de</strong>s<br />
Mamelles ou <strong>de</strong>vait être construit le Centre <strong>de</strong> conférence <strong>de</strong> l’Oci dont la première pierre est<br />
pausée par l’Emir du Koweit. Ce centre international <strong>de</strong> conférences <strong>de</strong>vait comprendre, entre<br />
autres, la construction <strong>de</strong> 170 chambres d’hôtel et <strong>de</strong> 70 rési<strong>de</strong>nces privées pour abriter les<br />
Chefs d’Etat. Ce marché particulier aurait été entaché par une incompréhension qui se serait<br />
installée entre M. Karim Wa<strong>de</strong> et les Koweitiens qui réclamaient à ce <strong>de</strong>rnier le versement <strong>de</strong><br />
2 milliards avancés par les Koweitiens. C’est une péripétie <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong><br />
l’Anoci sur laquelle M. Karim Wa<strong>de</strong> tar<strong>de</strong> à s’expliquer, du moins publiquement, ou à travers<br />
une audit réellement indépendante rendue publique. Finalement, <strong>de</strong>vant le retard considérable<br />
enregistré dans la mise en œuvre <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> l’Anoci, et la tenue <strong>de</strong> la réunion <strong>de</strong> l’Oci<br />
maintes fois repoussée sur plusieurs années et pour la première fois dans l’histoire <strong>de</strong> cette<br />
institution, la conférence <strong>de</strong> l’Oci a finalement pris place dans le périmètre partiellement<br />
rénové du Méridien Prési<strong>de</strong>nt construit par le régime socialiste <strong>de</strong> M. Abdou Diouf à<br />
l’occasion d’un sommet antérieur <strong>de</strong> l’Oci cependant que certains <strong>de</strong>s hôtes <strong>de</strong> marque ont été<br />
logés dans un bateau <strong>de</strong> plaisance loué en la circonstance à hauteur <strong>de</strong> 6 à 8 milliards <strong>de</strong><br />
francs Cfa, selon <strong>de</strong>s comptes rendus <strong>de</strong> la presse..
Or, par suite <strong>de</strong> cet imbroglio opérationnel, pas une seule brique du centre <strong>de</strong> conférences<br />
dont la construction était projetée n’a été posée par l’Anoci. L’Anoci aurait d’abord préféré<br />
cé<strong>de</strong>r ce terrain à Kharafi, une entreprise koweitienne avalisée par le Fonds koweitien,<br />
entreprise qui aurait eu le privilège, avec le C<strong>de</strong>, <strong>de</strong> réaliser le lot pour l’élargissement et<br />
l’embellissement <strong>de</strong> la corniche ouest. Apres avoir pris un certain pourcentage sur le marché,<br />
l’entreprise Kharafi, composée d’une famille <strong>de</strong> notables koweïtiens, aurait finalement décidé<br />
<strong>de</strong> se retirer abruptement du marché. Par la suite, le terrain <strong>de</strong> plusieurs hectares situé sur le<br />
Dpm et où <strong>de</strong>vait être construit le centre <strong>de</strong> conférences et les villas prési<strong>de</strong>ntielles <strong>de</strong> luxe est<br />
ce<strong>de</strong> à une tierce partie privée sénégalaise 42 dans <strong>de</strong>s circonstances non encore élucidées.<br />
D’apres <strong>de</strong>s sources secondaires, cette opération <strong>de</strong>vrait permettre au Chef <strong>de</strong> l’Etat <strong>de</strong> payer<br />
à un cout défiant l’enten<strong>de</strong>ment la construction dans les fon<strong>de</strong>ries d’une entreprise coréenne<br />
d’une <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s statues du continent à hauteur <strong>de</strong> 16 milliards <strong>de</strong> francs Cfa en une<br />
pério<strong>de</strong> où <strong>de</strong>s émeutes quotidiennes rappellent aux preneurs <strong>de</strong> décision que la pauvreté<br />
s’amplifie <strong>de</strong> jour en jour et que l’on s’approche inexorablement <strong>de</strong> la violence comme seule<br />
arme pour se faire entendre. Cette folie dépensière rappelle <strong>de</strong> façon saisissante la<br />
construction <strong>de</strong> la réplique du Vatican à Yamoussoukro par le chef <strong>de</strong> l’Etat ivoirien<br />
aujourd’hui disparu.<br />
La réorientation <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> l’Anoci s’est poursuivie, par la suite, sur la base <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />
faites par les entreprises locales sollicitées en début 2005 et les <strong>de</strong>vis proposés à cet effet. <strong>Le</strong><br />
même modèle financier est également répliqué à travers le parrainage <strong>de</strong>s entreprises privées<br />
du Sénégal par les entreprises koweïtiennes chargées <strong>de</strong> soutraiter les marchés. <strong>Le</strong>s<br />
entreprises koweïtiennes adjudicataires <strong>de</strong>s différents marchés ont soumissionné leurs offres<br />
sur la base du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s marchés <strong>public</strong>s du Sénégal. C’est pour cette raison que chaque<br />
année, l’Anoci aurait du être auditée par les agences attitrées du Sénégal, l’Autorité <strong>de</strong><br />
régulation <strong>de</strong>s marchés <strong>public</strong>s (Armp) en tête, malgré sa création récente, et, bien entendu, la<br />
Cour <strong>de</strong>s Comptes et le Parlement, puisque <strong>de</strong>s fonds <strong>public</strong>s du budget national ont été<br />
consentis pour la réalisation <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong> l’Anoci à hauteur <strong>de</strong> plusieurs dizaines <strong>de</strong><br />
milliards. L’Anoci <strong>de</strong>vrait veiller à la reddition <strong>de</strong> ses comptes non seulement auprès <strong>de</strong><br />
l’Assemblée nationale mais aussi <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong>s Comptes et <strong>de</strong> l’Armp. Finalement, le<br />
mauvais prétexte choisi pour débarquer l’ancien Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Assemblée nationale et en<br />
installer un nouveau entièrement à la dévotion <strong>de</strong>s projets hégémoniques <strong>de</strong> l’Exécutif<br />
sénégalais a fini par édifier l’opinion nationale et internationale sur les intentions réelles du<br />
Chef <strong>de</strong> l’Etat quant à l’organisation <strong>de</strong> sa succession par son fils.<br />
L’une <strong>de</strong>s questions les plus épineuses qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait à être élucidée par le directoire <strong>de</strong><br />
l’Anoci a trait au cadre juridique le plus approprié pour ficeler les dons consentis par le<br />
Koweït mais impliquant <strong>de</strong>s entreprises koweïtiennes et sénégalaises ainsi que <strong>de</strong>s fonds<br />
<strong>public</strong>s sénégalais.<br />
Aurait-on <strong>de</strong>mandé aux entreprises sénégalaises <strong>de</strong> faire semblant <strong>de</strong> n’avoir pas été mis au<br />
courant <strong>de</strong>s ententes préalablement établies pour adjuger les différents lots du marché <strong>de</strong>s<br />
travaux <strong>de</strong> l’Anoci, sur la base <strong>de</strong> prix pré arrangés, en violation du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s marchés<br />
<strong>public</strong>s, comme le suggèrent certains hommes d’affaires du secteur <strong>de</strong>s BTP ?<br />
42 <strong>Le</strong> nom <strong>de</strong> M. MBackiou Faye a souvent été cité par la presse tabloï<strong>de</strong> privée sénégalaise sans que l’on sache<br />
les circonstances exactes <strong>de</strong> la cession <strong>de</strong> ce site stratégique du Dpm en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la thèse présentée par « <strong>Le</strong><br />
quotidien » et non encore formellement démentie dans ses colonnes à notre connaissance.
Cette question mérite une réponse dénuée d’ambiguïtés tant <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’Anoci que <strong>de</strong> la<br />
Prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la République et <strong>de</strong>s autorités gouvernementales concernées.<br />
L’exemple du marché auquel s’intéressait Ejl est édifiant à cet égard. Selon son propre<br />
témoignage, Ejl a refusé « <strong>de</strong> violer la loi en procédant à une soumission frauduleuse par<br />
entente avec les parties impliquées, ce qui est puni légalement par <strong>de</strong>s peines<br />
d’emprisonnement sévères et l’exclusion <strong>de</strong> tous les marchés <strong>public</strong>s pour une durée <strong>de</strong> temps<br />
prohibitive pour une entreprise ». Ejl a préféré attendre la veille <strong>de</strong> l’échéance pour présenter<br />
son offre selon les règles <strong>de</strong> l’art et en tournant le dos à toute possibilité d’une entente<br />
préétablie avec quelque partie que ce soit, compte tenu <strong>de</strong> son expérience traumatisante dans<br />
le cadre <strong>de</strong>s chantiers <strong>de</strong> Thiès. Ejl aurait fait, selon Bara Tall, « l’objet d’un intense lobbying<br />
<strong>de</strong> la part <strong>de</strong> hauts cadres <strong>de</strong> l’Anoci pour se caler dans les ententes préétablies et pré<br />
arrangées avec l’onction <strong>de</strong> l’Anoci ». Devant le refus sans équivoque <strong>de</strong> Bara Tall <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r à<br />
ces injonctions illégales, le sort d’Ejl aurait pratiquement été scellé dès ce moment. Ejl<br />
soumissionne malgré tout avec une entreprise koweïtienne, une offre <strong>de</strong> 16 milliards <strong>de</strong> francs<br />
Cfa pour la construction <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> l’Aéroport Lss au Méridien Prési<strong>de</strong>nt en passant par la<br />
route d’interconnexion du virage <strong>de</strong> Yoff et la corniche <strong>de</strong>s Almadies. L’offre est<br />
naturellement rejetée, malgré une intervention du Chef <strong>de</strong> l’Etat lui-même après la libération<br />
<strong>de</strong> prison <strong>de</strong> Bara Tall en février 2007. <strong>Le</strong>s circonstances du rejet du dossier d’Ejl dans cet<br />
appel d’offres particulier n’ont pas encore été élucidées par l’Anoci et l’Armp au moment où<br />
ces lignes sont écrites. Comment expliquer, par ailleurs, que cette entreprise, l’une <strong>de</strong>s plus<br />
florissantes et les plus compétitives du marché sénégalais du BTP, ait été exclu <strong>de</strong>puis avril<br />
2007 du pactole <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 107 milliards <strong>de</strong> francs Cfa <strong>de</strong> marchés <strong>public</strong>s engagés par<br />
l’Anoci ? Aurait-on tenté <strong>de</strong> punir Ejl pour avoir refusé l’entente directe illégale à laquelle on<br />
le conviait pour emporter l’un <strong>de</strong>s lots du marché et surtout pour avoir refusé <strong>de</strong> se soumettre<br />
au chantage ignoble auquel on voulait le soumettre en lui <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> faire un faux<br />
témoignage contre Idrissa Seck pour conforter la thèse <strong>de</strong>s surfacturations dont l’Inspection<br />
générale d’Etat peinait manifestement à prouver le bien-fondé ? Et aurait-on tenté d’asphyxier<br />
délibérément Ejl en refusant <strong>de</strong> lui payer les 7 milliards <strong>de</strong> francs Cfa <strong>de</strong> re<strong>de</strong>vances que lui<br />
doit l’Etat, forçant ainsi cette entreprise à délocaliser ses activités dans la Gambie voisine, en<br />
particulier ?<br />
L’arrêt rendu par le Comité <strong>de</strong> règlement <strong>de</strong>s différends <strong>de</strong> l’Armp aurait soutenu que la<br />
compagnie koweitienne Arabco avec laquelle Ejl avait soumissionné, ne ferait pas partie <strong>de</strong> la<br />
liste <strong>de</strong>s entreprises koweitiennes agréées. Cette assertion serait, selon Ejl, en flagrante<br />
contradiction avec le message téléfaxé aux entreprises soumissionnaires du lot incriminé <strong>de</strong><br />
l’appel d’offres <strong>de</strong> l’Anoci.<br />
Ce sont là <strong>de</strong>s questions très sérieuses et dont les implications judiciaires et politiques<br />
n’échappent à personne et <strong>de</strong>vraient être entièrement clarifiées par MM. Karim Wa<strong>de</strong> et<br />
Abdoulaye Wa<strong>de</strong>.
Chapitre 4<br />
Regards croisés <strong>de</strong>s experts sur le Dpm<br />
Cheikh Ngom et Annie Jouga ont en commun la passion pour un métier qui n’est pas à leurs<br />
yeux, autant qu’ils l’auraient souhaité, au centre <strong>de</strong>s préoccupations <strong>de</strong> la société, ni même<br />
<strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs. Ils portent ici un regard critique sur leur profession, les lois et règlements qui<br />
en dictent la marche ainsi que sur l’éthique et les règles <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> plus en plus négligées<br />
voire violées.<br />
Ils ont forcément à dire sur l’occupation du Dpm, avec ses villas construites sur l’eau, parfois<br />
avec une architecture ayant tout cédé à la mégalomanie <strong>de</strong>s propriétaires, au détriment <strong>de</strong><br />
l’esthétique, <strong>de</strong> la sécurité, <strong>de</strong> la loi, <strong>de</strong>s us et coutumes, <strong>de</strong> la culture.<br />
Bien sûr, il ne faut pas s’attendre <strong>de</strong> nos interlocuteurs à <strong>de</strong>s in<strong>de</strong>xations ciblées, mais le<br />
doyen Ngom se veut clair : « On ne peut aller construire n’importe où sans étudier la<br />
géomorphologie du terrain ». A l’appui <strong>de</strong> son argumentaire, il exhibe un plan, en surface<br />
comme en profon<strong>de</strong>ur, du terrain ayant servi à construire la cité dite « les immeubles roses » à<br />
Mermoz sur la route <strong>de</strong> Waakam, « il y a trente ans ». De son point <strong>de</strong> vue, il est inadmissible<br />
pour un architecte d’accepter un projet sans ce genre d’étu<strong>de</strong>s morphologiques et<br />
environnementales, ajoutant non sans malice : « <strong>Le</strong>s coûts sont bien évi<strong>de</strong>mment à la charge<br />
du promoteur, et certains collègues, pour ne pas paraître chers s’en passent souvent… ».<br />
Annie Jouga, elle, parle « d’éthique », un souci qui <strong>de</strong>vrait imprégner toute décision<br />
architecturale, y compris l’acceptation d’un projet. Elle déplore ce qui se fait aujourd’hui sur<br />
la Corniche avec l’occupation du Dpm par toute une série <strong>de</strong> « projets insensés » et in<strong>de</strong>xe la<br />
« responsabilité <strong>de</strong>s pouvoirs <strong>public</strong>s <strong>de</strong> l’ancien comme <strong>de</strong> l’actuel régime, qui sont les<br />
premiers à enfreindre les lois qu’ils ont eux-mêmes édictées ». Ce qui d’après elle n’absout<br />
absolument pas l’architecte <strong>de</strong> ses obligations diverses. Rejoignant son collègue, qui dit qu’un<br />
architecte doit « s’approprier intellectuellement un projet », elle soutient en avoir refusé un,<br />
tout simplement parce qu’il enfreignait <strong>de</strong> façon évi<strong>de</strong>nte les lois régissant l’occupation du<br />
littoral marin : « Un grand groupe français voulait un hôtel pied dans l’eau sur une plage <strong>de</strong> la<br />
Corniche Est. Aujourd’hui, il parait qu’un hôtel du même type va y être construit. Il a bien<br />
fallu qu’un architecte l’accepte ».<br />
Or, selon Cheikh Ngom, au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s questions techniques et juridiques, <strong>de</strong>s considérations<br />
culturelles plus profon<strong>de</strong>s doivent être prises en compte dans les projets architecturaux,<br />
surtout sur tout ce qui se fait sur le littoral, en bordure <strong>de</strong> mer : « Nous connaissons tous les<br />
rapports entre nos parents Lébus et la mer. On ne peut pas construire n’importe où, n’importe<br />
quoi, au risque d’agresser <strong>de</strong>s croyances <strong>de</strong> très gran<strong>de</strong> valeur culturelle ». Ensuite, il soutient<br />
que « l’architecte doit servir <strong>de</strong> conseiller à son client, aller plus loin que les aspects<br />
techniques, au besoin ».<br />
En racontant une anecdote concernant un <strong>de</strong> ses clients, bénéficiaire d’un titre foncier sur un<br />
terrain à l’ origine classé non aedificandi, Annie Jouga, elle, en rapport avec l’occupation du<br />
Dpm interpelle l’administration dont les acrobaties ne sont pas pour faciliter le travail <strong>de</strong>s
architectes. Elle soutient qu’il faut une nouvelle loi sur le <strong>domaine</strong> national et croit savoir<br />
« qu’une nouvelle loi existe effectivement mais est bloquée quelque part, on ne sait<br />
pourquoi ». Elle se montre particulièrement préoccupée par les constructions sur le littoral qui<br />
augmentent les risques d’érosion <strong>de</strong>s côtes : « Ce n’est pas parce qu’on construit qu’on<br />
sauvegar<strong>de</strong> la côte, même si c’est l’argument <strong>de</strong> certains architectes. »<br />
Pour Cheikh Ngom, la question <strong>de</strong>s constructions sur le Dpm <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong> la part <strong>de</strong><br />
l’architecte, une approche pluridisciplinaire et un maximum <strong>de</strong> souci pour la préservation du<br />
bien <strong>public</strong>. Il s’appuie sur un projet qu’il pilote, la Clinique ambulatoire au pied <strong>de</strong>s<br />
Mamelles : « Nous avons aménagé un chemin qui mène à la berge en contournant nos<br />
installations, et qui permet <strong>de</strong> rejoindre la petite plage où les femmes <strong>de</strong> Ngor se livrent à<br />
toutes sortes d’activités d’exploitation <strong>de</strong> l’océan ».<br />
Une goutte d’eau dans la mer si on considère que <strong>de</strong> tous les projets que l’on a vu il est sinon<br />
le seul, du moins l’un <strong>de</strong>s rares à se préoccuper <strong>de</strong> laisser la plage à son usage <strong>public</strong><br />
traditionnel.<br />
La bonne nouvelle c’est qu’on décèle, certes avec <strong>de</strong>s mots différents, une émotion différente,<br />
chez lui comme chez sa collègue plus jeune, les mêmes préoccupations pour une architecture<br />
responsable. Il n’y a pas ici <strong>de</strong> conflit <strong>de</strong> génération, quant au fond, face aux problématiques<br />
auxquelles l’architecture est confrontée. Cela fait croire qu’il n’y a pas à désespérer <strong>de</strong> voir un<br />
sursaut porté par les plus jeunes pour arrêter les tendances au laxisme et à l’affairisme notés<br />
ici ou là dans la profession.<br />
<strong>Le</strong> radon, un tueur silencieux et ignoré sur le Dpm<br />
D’après <strong>de</strong>s chercheurs Africains, dont l’un a publié une contribution alarmante sur le sujet 1 ,<br />
un gaz, le radon, résultat <strong>de</strong> la désagrégation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux minerais, le thorium et l’uranium,<br />
s’échapperait <strong>de</strong>s failles <strong>de</strong> la roche au niveau <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nces et hôtels en construction sur la<br />
Corniche Ouest, à hauteur <strong>de</strong> Fann-Rési<strong>de</strong>nce. Il s’agirait précisément <strong>de</strong>s sites où sont en<br />
construction les rési<strong>de</strong>nces « Waterfront » et l’hôtel « Sea Plaza ». Sans qu’il soit dit que ce<br />
sont les seuls endroits d’où fuserait ce gaz cancérigène s’attaquant spécifiquement aux<br />
poumons.<br />
Voici, avant que nous ayons posé la question aux fonctionnaires, ce qu’en dit un autre<br />
chercheur, le Pr. Adams Tidjani, <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong> Sciences et Techniques <strong>de</strong> l’Université<br />
Cheikh Anta Diop <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> (Ucad), et dont nous leur avons fait un résumé :<br />
« <strong>Le</strong>s <strong>Dakar</strong>ois ont pu constater qu’une mutation progressive et<br />
insidieuse <strong>de</strong> la corniche ouest avait été initiée par les autorités<br />
étatiques <strong>de</strong>puis quelques années. Cette belle corniche naturelle qui,<br />
jusqu’à une date récente, était classée dans le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong><br />
- non appropriée à la construction - avait vu pousser sur ses flancs <strong>de</strong>s<br />
édifices d’habitation. Par la suite, nous avons eu droit à la construction<br />
<strong>de</strong> la Porte du Millénaire qui, aujourd’hui, se trouve menacée<br />
d’affaissement si rien n’est fait pour stabiliser l’édifice (voir Walf du 18<br />
août 2005). Pour cela, l’Etat a été obligé, tout récemment, <strong>de</strong> faire appel<br />
à <strong>de</strong>s experts roumains pour venir à bout <strong>de</strong> ce danger. Dans la même<br />
1 Voir dans le quotidien « Wal Fadjri » du 18 août 2005.
pério<strong>de</strong>, le Parcours sportif a été «aménagé» au grand dam <strong>de</strong> ses<br />
usagers qui ont constaté impuissamment au remplacement du sable par<br />
du béton, ce qui n’est pas sans conséquences sur la santé articulaire <strong>de</strong><br />
ces <strong>de</strong>rniers.<br />
« Tout récemment, un projet nouveau <strong>de</strong> construction du Sea Plaza<br />
Hotel est apparu. L’endroit choisi pour ledit projet est inapproprié à<br />
plus d’un titre. En effet, une étu<strong>de</strong> effectuée par notre laboratoire a<br />
montré qu’une telle construction, à proximité <strong>de</strong> la mer et sur <strong>de</strong>s roches<br />
volcaniques pouvait comporter un risque <strong>de</strong> santé. Dans cette étu<strong>de</strong><br />
publiée dans une revue internationale Nuclear Tracks Radiations<br />
Measurements, Vol. 17, n° 4 (1990) pp. 491-495, 1990, il avait été<br />
montré que la concentration en radon, gaz provenant <strong>de</strong> la<br />
désintégration <strong>de</strong> l’uranium et du thorium, était plus importante en<br />
bordure <strong>de</strong> mer ; mais cette concentration diminuait rapi<strong>de</strong>ment au fur<br />
et à mesure que l’on s’en éloignait. Quand on sait que le radon, qui est<br />
un gaz radioactif d’origine naturelle, inodore, incolore et insipi<strong>de</strong><br />
émanant du sous-sol, dont la présence dans l’air expose les habitants à<br />
une irradiation interne pouvant mener à un risque accru <strong>de</strong> développer<br />
un cancer du poumon, on comprend les risques encourus. Signalons que<br />
le Centre international <strong>de</strong> recherche sur le cancer (Circ), qui dépend <strong>de</strong><br />
l’Organisation mondiale <strong>de</strong> la santé (Oms), a reconnu <strong>de</strong>puis 1987, le<br />
radon comme agent cancérigène. Ce risque est multiplié quand on sait<br />
que le projet <strong>de</strong> construction est à proximité d’une faille ouverte. Une<br />
faille est une cassure géologique à partir <strong>de</strong> laquelle s’échappe <strong>de</strong><br />
manière préférentielle le radon. <strong>Le</strong>s failles ont une influence très nocive<br />
sur les habitants, surtout quand elle est située dans la chambre à<br />
coucher sous un lit ou à l’emplacement <strong>de</strong> bureau par exemple. Pour<br />
preuve, dans une étu<strong>de</strong> effectuée en collaboration avec un laboratoire<br />
du Centre national <strong>de</strong> recherche scientifique (Cnrs) <strong>de</strong> France, nous<br />
avions localisé et délimité une faille sur laquelle avait été construit un<br />
hôpital pour tuberculeux [Pure and Applied Geophysics, Vol. 132, n° 3<br />
(1990) pp. 495-504] ; il est inutile <strong>de</strong> préciser que l’état <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s<br />
patients <strong>de</strong> cet hôpital empirait plutôt que <strong>de</strong> connaître une amélioration<br />
du fait <strong>de</strong> l’émanation préférentielle du radon <strong>de</strong> la faille ; ce qui a<br />
amené les autorités locales à fermer cette structure <strong>de</strong> santé ».<br />
Que dire, dans ces conditions, <strong>de</strong>s exigences relatives aux données <strong>de</strong> base sur l’eau, le sol, la<br />
flore et la faune, l’air, etc. ? Lorsque nous avons évoqué auprès <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong><br />
l’Environnement les risques réels d’émanation du radon, ce gaz cancérigène, dans certains<br />
sites en construction sur la Corniche, le chef <strong>de</strong> la Division Eie et une <strong>de</strong> ses collaboratrices<br />
nous ont renvoyés à Pape Goumbo Lo, chercheur et directeur du Cereq. Contacté par nos<br />
soins, ce <strong>de</strong>rnier nous a fait part <strong>de</strong> ses préoccupations pour regagner les plages perdues en<br />
raison <strong>de</strong> facteurs liés aux activités humaines et naturelles. Il en est à la phase <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong><br />
financements notamment auprès <strong>de</strong> l’Uemoa et d’autres sources. A terme, le projet porté par<br />
le Cereq va sans doute se trouver en position <strong>de</strong> compétition par rapport aux projets<br />
grandiloquents <strong>de</strong> l’Anoci. Lorsque l’Anoci aura fini <strong>de</strong> peupler d’hôtels cinq étoiles une<br />
capitale qui n’est plus que l’ombre d’elle-même, manque d’électricité et se révèle être l’une<br />
<strong>de</strong>s villes les plus sales <strong>de</strong> la région avec un système <strong>de</strong> transport <strong>public</strong> moyenâgeux, on<br />
pourra <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux Wa<strong>de</strong> où se trouve l’avantage comparatif du Sénégal en matière <strong>de</strong><br />
tourisme et d’organisation <strong>de</strong> conférences et, surtout, <strong>de</strong> quel droit empêchent-ils aux
générations présentes et futures d’accé<strong>de</strong>r à un <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> en voie <strong>de</strong><br />
privatisation quasi totale, et, en déstructurant les équilibres environnementaux <strong>de</strong> la presqu’île<br />
du Cap-Vert sur la longue durée.<br />
Il est simplement inquiétant <strong>de</strong> constater que l’Etat n’a pris aucune mesure conservatoire pour<br />
faire arrêter les travaux dans les sites contaminés au radon. Or la vie <strong>de</strong> centaines <strong>de</strong><br />
personnes pourrait être mise en danger par l’inertie administrative et politique.<br />
<strong>Le</strong> Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République est directement interpellé par cette question première <strong>de</strong> santé<br />
publique ainsi que les ministres <strong>de</strong> la Santé, <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong> l’Habitat dont les<br />
responsabilités pénales ne pourraient être éteintes après l’abandon <strong>de</strong> leurs fonctions<br />
respectives ou même pendant l’exercice <strong>de</strong> leur mandat gouvernemental puisque, dans le cas<br />
d’une catastrophe en série, ils ne pourraient se réfugier <strong>de</strong>rrière <strong>de</strong> prétendus privilèges<br />
d’immunité qui ten<strong>de</strong>nt, par les temps qui courent à être instrumentalisés dans une mesure qui<br />
frise l’indécence et l’irrespect <strong>de</strong> la loi fondamentale du pays.
Chapitre 5<br />
Lignes <strong>de</strong> fracture environnementale<br />
dans la décision publique<br />
L’impact <strong>de</strong>s infrastructures hôtelières sur le potentiel balnéaire et les mœurs sociales a été<br />
noté dans plusieurs étu<strong>de</strong>s. Une mission conjointe <strong>de</strong> terrain organisée par l’Unesco et<br />
l’Université Cheikh Anta Diop <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> note que les projets <strong>de</strong> la Société d’Aménagement <strong>de</strong><br />
la Petite Cote (Sapco) présentent <strong>de</strong>s avantages (place importante dans la formation du PIB et<br />
la création d’emplois) mais aussi <strong>de</strong>s inconvénients majeurs liés à la privatisation progressive<br />
<strong>de</strong>s espaces littoraux par les sociétés privées étrangères le plus souvent, notamment dans la<br />
zone <strong>de</strong> Sali, et, au développement <strong>de</strong> la prostitution <strong>de</strong> larges segments <strong>de</strong> la population<br />
féminine jeune venant <strong>de</strong> tous les coins du Sénégal 2 . En outre, les auteurs du rapport notent<br />
que « l'impact le plus visible est la consommation d'espace » et ajoutent :<br />
« Ces implantations hôtelières conduisent à une consommation considérable<br />
d'espace. Cette situation aboutit à une logique <strong>de</strong> conflit. Ainsi, la mise en<br />
place du complexe touristique <strong>de</strong> Saly a consacré la "spoliation" <strong>de</strong>s terres<br />
agricoles villageoises.<br />
« Dans cette consommation d'espace une part importante revient aux<br />
rési<strong>de</strong>nces secondaires. Par exemple à Somone, <strong>de</strong> part et d'autre <strong>de</strong> la route<br />
principale, ces rési<strong>de</strong>nces occupent <strong>de</strong> très vastes surfaces jadis utilisées pour<br />
<strong>de</strong>s activités agricoles. Par ailleurs, en jetant son dévolu sur l'espace littoral,<br />
le principal problème que pose le tourisme aux yeux <strong>de</strong>s autochtones est celui<br />
<strong>de</strong> l'accès à leur lieu <strong>de</strong> travail. Ces installations hôtelières qui ont élu<br />
domicile sur le littoral ont ainsi privatisé la plage: lieu d'embarquement et<br />
support <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> transformation <strong>de</strong>s nombreux pêcheurs qui habitent la<br />
Petite Côte ».<br />
Comme l’indique la carte ci-<strong>de</strong>ssous, le développement fulgurant <strong>de</strong> ces stations balnéaires a<br />
causé une déstructuration prononcée <strong>de</strong> l’espace traditionnellement utilisé par les<br />
communautés pour les besoins <strong>de</strong> la pêche artisanale. Elles ont également soustrait du<br />
patrimoine foncier <strong>de</strong>s collectivités locales <strong>de</strong>s centaines d’hectares <strong>de</strong> terres du meilleur cru<br />
propices à l’agriculture et au maraîchage. Un troisième inconvénient lié à la construction <strong>de</strong><br />
telles infrastructures est la privatisation progressive <strong>de</strong>s plages les plus attractives et l’érection<br />
<strong>de</strong> barrières qui empêchent la libre circulation notamment celle <strong>de</strong> riverains se rendant dans<br />
leurs lieux <strong>de</strong> travail 3 .<br />
2 Cf. http://www.unesco.org/csi/act/dakar/dakar1t<br />
3 Ibid., doc. Cit.
La situation <strong>de</strong> Sali est en tous points i<strong>de</strong>ntique à celle qui prévaut dans la presqu’île du Cap-<br />
Vert où se concentre un très grand nombre d’hôtels et <strong>de</strong> stations balnéaires presque tous<br />
contrôlés par le capital étranger, français et libanais en particulier.<br />
Un rapport <strong>de</strong>s Nations Unies présenté à l’occasion du Sommet <strong>de</strong> Johannesburg sur le<br />
Développement durable (2002) établit une nette corrélation entre les tendances contradictoires<br />
relatives aux activités économiques côtières que sont la pêche et le tourisme (et donc la<br />
préservation <strong>de</strong>s milieux naturels) et l’absence <strong>de</strong> planification et <strong>de</strong> mise en œuvre <strong>de</strong>s<br />
besoins <strong>de</strong> base <strong>de</strong>s populations riveraines du littoral et les tendances monopolistes <strong>de</strong><br />
l’aménagement <strong>de</strong>s zones côtières 4 .<br />
Carte # 4 : Hôtels et bungalows <strong>de</strong> week-end <strong>de</strong> la Petite Côte<br />
<strong>Le</strong>s nouvelles rési<strong>de</strong>nces et les hôtels en chantier qui foisonnent sur la Corniche disposent<br />
tous d’autorisations <strong>de</strong> construire délivrées en bonne et due forme par le Service régional<br />
d’Urbanisme <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>. Son chef est formel : «Sinon nous sanctionnons ». Que l’on ne se<br />
4 Voir Nations Unies, Sommet <strong>de</strong> Johannesburg 2002, Profil du Sénégal<br />
www.un.org/esa/agenda21/natlinfo/wssd/senegal.pdf
méprenne cependant pas, la sanction ne va presque jamais jusqu’à la démolition et ne<br />
concerne jamais les hôtels et complexes rési<strong>de</strong>ntiels qui, souvent, ont <strong>de</strong>s dossiers en béton<br />
ficelés avec l’appui <strong>de</strong> l’Agence pour la Promotion <strong>de</strong>s Investissements (Apix). Seuls <strong>de</strong>s<br />
projets <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce individuelle peuvent en souffrir, mais l’arrêt <strong>de</strong>s travaux imposé au<br />
contrevenant sera toujours levé « suite à la régularisation <strong>de</strong> la situation administrative du<br />
terrain ». Sauf si vous avez construit sur un terrain ne vous appartenant pas, il est rare que l’on<br />
arrive à la solution extrême <strong>de</strong> la démolition.<br />
Mieux, par le jeu <strong>de</strong>s déclassements, souvent abusifs, nombre <strong>de</strong> sites en construction sont<br />
aujourd’hui <strong>de</strong>s titres fonciers, dont certains ont évolué progressivement <strong>de</strong> leur statut initial<br />
d’autorisation d’occuper, en passant par un bail, avant <strong>de</strong> finir par un titre foncier monnayable<br />
et, surtout, pour les promoteurs immobiliers, constitutif d’une soli<strong>de</strong> garantie bancaire. Nous<br />
savons, par exemple, que le complexe rési<strong>de</strong>ntiel E<strong>de</strong>n Rock, voisin <strong>de</strong> la Rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong><br />
l’Ambassa<strong>de</strong>ur d’Iran est construit sur <strong>de</strong>ux titres fonciers. D’après une source administrative<br />
souhaitant gar<strong>de</strong>r l’anonymat, c’est le cas pour presque tous les grands projets émergeant sur<br />
la Corniche, « même si les grands groupes hôteliers n’ont pas souvent besoin <strong>de</strong> cela, il leur<br />
suffit d’une autorisation d’occuper ou d’un bail ».<br />
Une fois munis <strong>de</strong>s documents administratifs nécessaires, le promoteur qui se présente <strong>de</strong>vant<br />
le Service régional d’Urbanisme a toutes les chances d’obtenir son permis <strong>de</strong> construire.<br />
Cependant, cette légalité apparente ne doit pas abuser l’observateur attentif. <strong>Le</strong>s<br />
déclassements sont trop nombreux - suprême hérésie certains concernent <strong>de</strong>s terrains<br />
originellement classés non aedificandi - pour <strong>de</strong>s projets dont le caractère d’intérêt général ne<br />
saute pas aux yeux, mais cet aspect n’est pas du ressort du Service régional d’urbanisme.<br />
L’action croisée <strong>de</strong>s ministères <strong>de</strong> l’Environnement, <strong>de</strong> la Pêche et <strong>de</strong> l’Urbanisme pour éviter<br />
les errements et les atteintes aux différents co<strong>de</strong>s qui régissent l’occupation du littoral marin<br />
fait souvent défaut et ne semble pas en tous cas suffisamment huilée pour épingler tous ceux,<br />
et ils sont légion, qui seraient tentés par l’aventurisme et le poncepilatisme.<br />
Toutes ces préoccupations cependant, ont été prises en compte par la loi n° 2001-01 du 15<br />
janvier 2001 portant co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Environnement et son décret d’application, n° 2001-282 du 12<br />
avril 2001 qui sont venus combler une lacune injustifiable du régime socialiste qui, en 1985,<br />
avait fait voter une loi similaire qui n’avait pas fait l’objet d’un décret d’application jusqu’en<br />
2000.<br />
Apparemment le vote <strong>de</strong> cette loi a enthousiasmé les fonctionnaires <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong><br />
l’Environnement et <strong>de</strong>s Etablissements Classés (Deec) qui, avant elle, n’avaient pas leur mot à<br />
dire, ou si peu, sur <strong>de</strong>s constructions et installations aux inci<strong>de</strong>nces environnementales<br />
négatives certaines. En son article L 48, la nouvelle loi dit : « Tout projet <strong>de</strong> développement<br />
ou activité susceptible <strong>de</strong> porter atteinte à l’environnement et à la santé <strong>de</strong>s populations, <strong>de</strong><br />
même que les politiques, les plans et les programmes <strong>de</strong>vront faire l’objet d’une évaluation<br />
environnementale <strong>de</strong>s impacts potentiels avant leur mise en œuvre » 5 . La loi est complétée<br />
par le décret d’application, en son article R 38 : « La réalisation d’une étu<strong>de</strong> d’impact sur<br />
5 Cf. Circulaire n° 0001 PM/SP, du 22 mai 2007. Cette décision fait suite à un Conseil prési<strong>de</strong>ntiel tenu le 12<br />
avril <strong>de</strong> la même année. La circulaire convoque l’article L69 <strong>de</strong> la loi du quinze janvier 2001 : « l’autorisation<br />
d’occupation du Domaine <strong>public</strong> ne doit entraver ni le libre accès au Domaine <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> et fluvial, ni la<br />
libre circulation sur la grève, ni être source d’érosion ou <strong>de</strong> dégradation du site ». Et la circulaire d’en référer à la<br />
loi 76-66 du 2 juillet 1976 portant Co<strong>de</strong> du Domaine <strong>de</strong> l’Etat, en rappelant cette disposition portée sur tout acte<br />
administratif autorisant une occupation, sous quelque statut, du Dpm : «Seules sont autorisées sur les Domaines<br />
<strong>public</strong>s <strong>maritime</strong> et fluvial, à titre d’occupations privatives, les installations légères et démontables ».
l’environnement (Eie) est un préalable à toute autorisation administrative exigée pour la<br />
réalisation d’un projet envisagé » 6 . C’est ainsi que 68 rapports ont été publiés entre 2003 et<br />
2006 et ont concerné divers secteurs 7 . Ces statistiques trahissent l’insuffisance <strong>de</strong>s efforts<br />
consentis par l’Etat pour juguler le mal, surtout au vu <strong>de</strong> l’explosion du secteur immobilier et<br />
du Btp constaté à <strong>Dakar</strong>, et plus particulièrement autour <strong>de</strong> la ceinture foncière qui entoure le<br />
Dpm.<br />
Un an et <strong>de</strong>mi après la circulaire primatoriale <strong>de</strong> 2007, l’Eie est au cœur <strong>de</strong>s préoccupations<br />
<strong>de</strong>s fonctionnaires <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong> l’Environnement qui affirment que tous les projets sur la<br />
corniche ont fait l’objet d’une Eie, et, précise le Directeur adjoint <strong>de</strong> l’Environnement, « d’un<br />
Plan <strong>de</strong> gestion environnemental <strong>de</strong>stiné à réduire les risques sur l’environnement ou à les<br />
annihiler ». Il souligne que le Plan <strong>de</strong> Gestion environnemental ou Plan <strong>de</strong> Suivi<br />
environnemental est un moyen <strong>de</strong> sécuriser les projets, après que l’Eie en ait évalué les effets<br />
négatifs, les risques pour les hommes et « aussi les effets positifs sur l’environnement »,<br />
procédé à une audience publique pour recueillir l’avis <strong>de</strong>s populations touchées par le projet,<br />
produit un rapport validé par un comité technique, et donné une Attestation <strong>de</strong> Conformité<br />
environnementale au promoteur, si le projet est validé.<br />
Seulement, on l’a vu, en 2006, Tourisme et Urbanisme confondus, seuls dix projets<br />
susceptibles <strong>de</strong> toucher aux préoccupations soulevées ici, avec l’occupation apparemment<br />
anarchique du Dpm, avaient fait l’objet d’Eie. <strong>Le</strong> rush constaté aujourd’hui est suscité par une<br />
circulaire vieille <strong>de</strong> moins d’un an et <strong>de</strong>mi. Ce qui indique donc que, même si à la Direction<br />
<strong>de</strong> l’Environnement, notamment par la voix du Chef <strong>de</strong> la Division Pollution immédiate et<br />
Impact Environnemental, on affirme que « tous les projets sur la Corniche ont fait l’objet<br />
d’Eie », on peut raisonnablement penser que nombre <strong>de</strong> chantiers sur la Corniche, notamment<br />
ceux <strong>de</strong> l’Anoci, avaient déjà connu un état d’avancement <strong>de</strong>s travaux qui rendait les Eie,<br />
sinon aléatoires, du moins <strong>de</strong> peu d’effet sur la finalisation <strong>de</strong> ces chantiers, même lorsque le<br />
Directeur général adjoint <strong>de</strong> l’Environnement affirme avoir « fait arrêter <strong>de</strong>s chantiers qui<br />
n’avaient pas fait l’objet d’Eie, ou dont les promoteurs ne respectaient pas les<br />
recommandations du Plan <strong>de</strong> Gestion environnemental ».<br />
En tout état <strong>de</strong> cause, avec les nouvelles constructions sur la Corniche, il est difficile <strong>de</strong> croire<br />
que certains points centraux <strong>de</strong>s Termes <strong>de</strong> référence <strong>de</strong> l’Eie ont pu être respectés,<br />
notamment celui rendant obligatoire « une analyse <strong>de</strong> l’état initial du site et <strong>de</strong> son<br />
environnement : collecte <strong>de</strong> données <strong>de</strong> base sur l’eau, le sol, la flore, la faune, l’air, les<br />
conditions physico-chimiques, biologiques, socio-économiques et culturelles ». En outre,<br />
l’EIE indique clairement la voie à suivre durant la phase <strong>de</strong> pré construction puisque le<br />
promoteur est tenu <strong>de</strong> « soumettre un plan détaillé <strong>de</strong> PSE qui présentera l’évaluation du coût<br />
<strong>de</strong> toutes les mesures préconisées, leur échéancier d’exécution et les structures responsables<br />
en terme <strong>de</strong> suivi ». « Etat initial du site », « phase <strong>de</strong> pré construction », quels chantiers sur la<br />
Corniche auront pu être évalués à ces sta<strong>de</strong>s, à partir <strong>de</strong> fin mai 2007, quand certains travaux,<br />
notamment routiers, étaient quasiment achevés et que d’autres étaient très avancés ?<br />
Quelques Eie dont on semble fier à la direction <strong>de</strong> l’Environnement sont celles concernant les<br />
extensions du « Terrou bi », et <strong>de</strong> « Magic Land », entre autres. Ces <strong>de</strong>ux entités auraient eu<br />
leur quitus malgré le fait que le « Terrou bi », par exemple, a fait démolir un poste <strong>de</strong><br />
surveillance <strong>de</strong>s Eaux et Forets pour bâtir son hôtel sur le Dpm et a dû s’engager, en guise <strong>de</strong><br />
6<br />
Ibid.<br />
7<br />
<strong>Le</strong>s secteurs concernés sont l’Energie et les Mines (21 rapports), les Travaux routiers (17), le Tourisme (6) et<br />
l’Urbanisme (4).
compensation, à construire un nouveau poste, présentement en chantier, <strong>de</strong>rrière l’ex cour <strong>de</strong><br />
Cassation, et, à verser à l’association <strong>de</strong> jeunes <strong>de</strong>s quartiers riverains du « Terrou bi », dans<br />
<strong>de</strong>s conditions que nous n’avons pu éluci<strong>de</strong>r, une subvention s’élevant, paraîtrait-il, à <strong>de</strong>s<br />
dizaines <strong>de</strong> millions <strong>de</strong> francs.<br />
L’extension du « Terrou bi », et même le projet initial, qui aurait été autorisé par les<br />
Socialistes, jurent avec les objectifs <strong>de</strong> la Girmac (Gestion intégrée <strong>de</strong>s ressources <strong>maritime</strong>s<br />
et côtières), financée par la Banque mondiale, le Fonds pour l’Environnement mondial et le<br />
gouvernement du Sénégal. La privatisation <strong>de</strong> plages par le « Terrou bi » et par « Magic<br />
Land » contrevient aux dispositions <strong>de</strong> la loi <strong>de</strong> 2001 citée plus haut, notamment celles<br />
relatives à la libre circulation sur la grève. Or, les aménagements réalisés sur une distance <strong>de</strong><br />
plusieurs dizaines <strong>de</strong> mètres jusques dans la mer 8 , avec un port <strong>de</strong> plaisance pour les clients<br />
du « Terrou bi », sont une forme <strong>de</strong> privatisation à peine dissimulée mais consentie par les<br />
autorités étatiques et surtout les mairies <strong>de</strong>s arrondissements concernés contre le payement<br />
d’une re<strong>de</strong>vance ou d’une taxe.<br />
Ce qu’on peut espérer, c’est que tout cela et d’autres efforts encore qui sont en train d’être<br />
faits ne viennent pas confirmer cette réputation bien connue <strong>de</strong> notre pays qui dispose d’une<br />
inflation <strong>de</strong> textes qui ne font que très rarement l’objet d’une application stricte, comme le<br />
suggère l’ancienne Directrice <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong>s établissements classés qui estimait,<br />
il n’y a guère que « si on mettait en œuvre le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Environnement <strong>de</strong> la façon la plus<br />
stricte, beaucoup d’unités industrielles allaient fermer » 9 .<br />
8 Dans <strong>de</strong>s conditions similaires, le « Sunugal » logé en plein dans le Dpm <strong>de</strong>rrière « le Casino » a procédé à <strong>de</strong>s<br />
modifications importantes <strong>de</strong> la texture rocheuse <strong>de</strong> l’océan en aménageant un port <strong>de</strong> plaisance et <strong>de</strong>s piscines<br />
fermées à la libre circulation publique.<br />
9 Cf. Wal Fadjri, 18 août 2005.
Chapitre 6<br />
Gestion juridique du Dpm<br />
<strong>Le</strong> <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> est constitué par l’ensemble <strong>de</strong>s biens et droits mobiliers et immobiliers <strong>de</strong><br />
l’Etat et insusceptibles d’appropriation privée 10 . Parmi ces biens, ceux qui jouxtent le rivage,<br />
notamment la mer territoriale et les eaux intérieures, <strong>de</strong> même que la zone dite <strong>de</strong>s pas<br />
géométriques, constituent le Domaine <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> (Dpm).<br />
Il est <strong>de</strong> nos jours, l’objet d’une gran<strong>de</strong> convoitise au Sénégal en général et à <strong>Dakar</strong> en<br />
particulier. Sur une superficie représentant 0,25% du territoire sénégalais, la ville <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong><br />
concentre 25 à 35% <strong>de</strong> la population du pays et plus <strong>de</strong> 80% <strong>de</strong> l’industrie mo<strong>de</strong>rne, <strong>de</strong> la<br />
production et <strong>de</strong>s services.<br />
Ce phénomène a fait que <strong>de</strong>puis un peu plus d’une décennie le littoral a cessé progressivement<br />
d’apparaître seulement comme un milieu naturel généralement recherché pendant les pério<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> loisirs ; il est <strong>de</strong>venu corrélativement, en raison <strong>de</strong> ses seuls agréments et même en<br />
l’absence <strong>de</strong> justification d’ordre économique, un lieu privilégié <strong>de</strong> développement <strong>de</strong><br />
l’habitat permanent et <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> toutes natures. Ces mouvements <strong>de</strong> concentration<br />
touristique et d’urbanisation ten<strong>de</strong>nt d’ailleurs à se confondre et se conjuguent pour provoquer<br />
une transformation très rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s zones littorales sénégalaises (environ 700 km <strong>de</strong> côtes).<br />
Dans ces conditions, et en dépit <strong>de</strong> l’étendue remarquable <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> <strong>maritime</strong> du Sénégal,<br />
la zone littorale a <strong>de</strong> plus en plus le caractère d’un bien rare. Cette rareté alimente dans<br />
certaines régions, notamment à <strong>Dakar</strong>, une frénésie dans le désir <strong>de</strong> bénéficier <strong>de</strong> ces<br />
dépendances et engendre <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>s occupations illégales.<br />
Malgré l’existence <strong>de</strong> textes <strong>de</strong> loi sur le <strong>domaine</strong> national, le <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> l’Etat et <strong>de</strong>s textes<br />
spéciaux tels que les Co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’Eau, <strong>de</strong> l’Hygiène, <strong>de</strong> l’Environnement, et <strong>de</strong> l’Urbanisme,<br />
on recense <strong>de</strong>s violations fréquentes et <strong>de</strong> plus en plus graves du Dpm. Ce chapitre a pour<br />
objet <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong> ces illégalités, <strong>de</strong> montrer le caractère inefficace <strong>de</strong> la gestion du<br />
littoral dakarois, et <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s remè<strong>de</strong>s.<br />
Des occupations illégales<br />
Une <strong>de</strong>s particularités du Dpm est d’être peu extensible. C’est pour cette raison qu’il doit faire<br />
l’objet d’une utilisation pointilleuse. Son aménagement doit tenir compte <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux impératifs<br />
apparemment contradictoires : d’une part, une exploitation permettant une rentabilisation<br />
optimale <strong>de</strong>s recettes publiques 11 , et, d’autre part, une protection qui garantit efficacement sa<br />
10 Cf. Art. 2 <strong>de</strong> la loi n° 76 – 66 du 2 juillet 1976 portant Co<strong>de</strong> du Domaine <strong>de</strong> l’Etat.<br />
11 L’élargissement <strong>de</strong> l’assiette fiscale qui semble être <strong>de</strong>venu le leitmotiv existentiel <strong>de</strong> l’Etat, et, notamment du<br />
ministère <strong>de</strong> l’Economie et <strong>de</strong>s finances « qui dégaine et tire sur tout ce qui bouge », fiscalement s’entend,<br />
<strong>de</strong>vrait faire l’objet d’une concertation nationale parce que c’est une notion qui participe <strong>de</strong> la gouvernance<br />
démocratique. Elle a même <strong>de</strong>s prolongements constitutionnels qui participent <strong>de</strong>s droits et <strong>de</strong>voirs du citoyen
conservation contre la nature et contre l’homme, tout en le mettant au service <strong>de</strong>s objectifs<br />
généraux <strong>de</strong> l’aménagement du territoire. Ces <strong>de</strong>ux impératifs sont régulièrement chahutés par<br />
les classes aisées au sujet d’un espace où prévalent <strong>de</strong>s occupations sans titre et une impunité<br />
récurrente <strong>de</strong>s délinquants.<br />
Occupations sans titre<br />
L’occupant sans titre est d’abord celui qui n’a jamais bénéficié d’un titre <strong>de</strong> ce genre. Est<br />
également occupant sans titre, celui dont l’occupation a donné lieu à un titre qui, pour une<br />
raison quelconque a expiré 12 .<br />
Titres d’occupation inexistants<br />
Dans cette catégorie on classe <strong>de</strong>s titres qui ne correspon<strong>de</strong>nt pas à la nature <strong>de</strong>s occupations<br />
effectivement constatées sur le terrain. <strong>Le</strong>s différentes sortes <strong>de</strong> titres d’occupations privatives<br />
du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> sont énumérées à l’article 11 du Co<strong>de</strong> du <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> l’Etat (C<strong>de</strong>) qui<br />
stipule : « <strong>Le</strong> <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> peut faire l’objet <strong>de</strong> permissions <strong>de</strong> voirie, d’autorisations<br />
d’occuper, <strong>de</strong> concessions et d’autorisations d’exploitation…. ».<br />
A <strong>Dakar</strong>, sur la Corniche Ouest (Fenêtre Mermoz sur Mer), beaucoup <strong>de</strong> constructions à<br />
usage d’habitation ont été édifiées à hauteur <strong>de</strong> « Atepa Technologies ». Sur une superficie <strong>de</strong><br />
plus <strong>de</strong> 10 000 mètres carrés, <strong>de</strong>s maisons dont on peine à croire qu’elles peuvent appartenir à<br />
<strong>de</strong>s ressortissants <strong>de</strong> pays sous développés, sont construites par <strong>de</strong>s hommes politiques <strong>de</strong><br />
l’ancien et du nouveau régime et <strong>de</strong> riches hommes d’affaires sénégalais.<br />
Dans la même zone, figurent <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s surfaces abritant <strong>de</strong>s industries <strong>de</strong> plaisance (terrain<br />
<strong>de</strong> golf édifié au profit <strong>de</strong> puissantes communautés étrangères ; centre <strong>de</strong> thalassothérapie ;<br />
club athlétique ; etc). Ces édifices sont construits avec emprise sur le sol. Or, pour qu’il en<br />
soit ainsi, le titre d’occupation doit consister soit en une autorisation d’occuper, en une<br />
concession ou en une autorisation d’exploitation. En effet, l’autorisation d’occuper peut<br />
entraîner une modification <strong>de</strong> l’assiette du <strong>domaine</strong>, mais comme elle est accordée à titre<br />
précaire et révocable (article 13 du Co<strong>de</strong> du <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> l’Etat), il s’ensuit que le<br />
bénéficiaire ne peut y implanter <strong>de</strong>s édifices avec emprise sur le sol.<br />
Par conséquent, on est bien en présence <strong>de</strong> la forme d’occupation sans titre évoquée plus haut.<br />
mais aussi <strong>de</strong> la responsabilité <strong>de</strong> l’Etat <strong>de</strong> droit et du Chef <strong>de</strong> l’Etat dans un système prési<strong>de</strong>ntiel aussi concentré<br />
et centralisé que celui du Sénégal. Il n’est pas recevable que les plus pauvres paient davantage d’impôts, toutes<br />
choses étant par ailleurs égales, que les segments sociaux les plus riches et les sociétés transnationales étrangères<br />
auxquelles on donne <strong>de</strong>s terres du meilleur cru sur le Dpm, soit gratuitement ou au franc presque symbolique,<br />
cependant que les communautés extrêmement fragiles <strong>de</strong>s bas-fonds évoluent dans les marécages et <strong>de</strong>s zones<br />
inondées en permanence par <strong>de</strong>s eaux insalubres. Cette situation a été rendue possible par la gestion calamiteuse<br />
du Parti socialiste dans une fourchette temporelle quarantenaire, gestion qui est en train d’être rééditée <strong>de</strong> façon<br />
accélérée par le pouvoir libéral, en moins d’une décennie <strong>de</strong> parcours hachuré par <strong>de</strong>s scandales <strong>de</strong> toutes sortes<br />
et une tension sans précé<strong>de</strong>nt du jeu politique inter et intra partisan. <strong>Le</strong> projet <strong>de</strong> réforme <strong>de</strong> la loi en cours sur le<br />
<strong>domaine</strong> national engagé par le chef <strong>de</strong> l’Etat aurait dû commencer par <strong>de</strong>s consultations foraines et au sein <strong>de</strong><br />
toutes les composantes sociales sur l’ensemble du territoire national, au lieu d’être d’abord confiné dans les<br />
cercles étroits <strong>de</strong> spécialistes du droit, certes rompus à l’exercice et l’analyse <strong>de</strong> celui-ci, mais qui, laissés à euxmêmes,<br />
succombent invariablement aux <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rata politiques du commanditaire suprême <strong>de</strong> la nouvelle loi, et<br />
aussi, au caractère conservateur très marqué <strong>de</strong>s sciences juridiques, et, en particulier, du droit foncier et<br />
domanial.<br />
12 Voir à ce propos, M.Caverivire et M.Debene, « Droit foncier sénégalais » ; B. <strong>Le</strong>vrault, n°189
Quant aux concessions et autorisations d’exploitation, l’article 16 du même texte énonce<br />
qu’elles sont réservées aux installations ayant un caractère d’intérêt général, ce qui n’est pas<br />
le cas pour les édifices concernés qui ont, au contraire, un caractère d’intérêt particulier. Ici<br />
encore, on est en présence <strong>de</strong> cas d’occupation sans titre <strong>de</strong> la première catégorie. En<br />
définitive, que les bénéficiaires excipent d’une autorisation d’occuper, d’une concession ou<br />
d’une autorisation d’exploitation, ils restent toujours <strong>de</strong>s occupants sans titre au vu <strong>de</strong> la<br />
nature <strong>de</strong>s constructions qu’ils ont implantées.<br />
Titres d’occupations caducs<br />
La secon<strong>de</strong> forme d’occupation sans titre est constituée d’occupations sur la base <strong>de</strong> titres<br />
caducs. Il s’agit d’occupations prolongées au-<strong>de</strong>là du délai <strong>de</strong> jouissance autorisé.<br />
Sur les côtes <strong>de</strong>s communes urbaines, <strong>de</strong>s occupants sont installés sur les plages pendant <strong>de</strong>s<br />
temps anormalement longs. Il en est ainsi <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> loisirs tels que les « casinos »,<br />
restaurants et autres « auberges » que <strong>de</strong>s particuliers gèrent en y tirant <strong>de</strong>s profits personnels.<br />
Or, selon les articles 12 à 14 du C<strong>de</strong>, l’occupation du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong>, quelle que soit sa<br />
forme, est toujours précaire et révocable. Par conséquent, nul ne peut, en principe, être<br />
propriétaire du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> ou l’occuper pendant un délai excédant celui prescrit par le<br />
titre d’occupation. <strong>Le</strong> temps <strong>de</strong> jouissance <strong>de</strong> ces biens est donc limité.<br />
Pour le cas particulier <strong>de</strong>s concessions et autorisations d’exploitation, l’article 16 précité<br />
précise qu’elles peuvent être accordées pour une durée déterminée ou non.<br />
De telles occupations ne peuvent se justifier que par le biais <strong>de</strong> baux emphytéotiques dont la<br />
durée peut dépasser 25 ans, et selon le cas, le temps nécessaire pour amortir le coût <strong>de</strong>s biens<br />
nécessités par l’exploitation. Or <strong>de</strong> tels baux ne sont prévus que pour <strong>de</strong>s dépendances du<br />
<strong>domaine</strong> privé et ne sont pas encore admis pour le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong>. Certes, les biens du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>public</strong> artificiel ainsi que la zone <strong>de</strong>s pas géométriques peuvent subir une mutation<br />
entraînant leur incorporation au <strong>domaine</strong> privé. Il suffit pour cela qu’ils soient déclassés. Mais<br />
s’agissant <strong>de</strong> biens domaniaux leur vente ne peut avoir lieu que par autorisation législative.<br />
De telles autorisations n’existent pas encore et les occupations sont ainsi prolongées au mépris<br />
<strong>de</strong>s textes, notamment <strong>de</strong> l’article 12 du CDE.<br />
Cette situation est d’autant plus illégale que les autorisations d’occuper et les concessions ou<br />
autorisations d’exploitation du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> ne sont accordées que lorsqu’elles revêtent un<br />
caractère prédominant d’utilité publique ou d’intérêt économique et social (art.18 du C<strong>de</strong>). Au<br />
cas contraire, elles ne peuvent être octroyées à titre gratuit. Or, il est possible <strong>de</strong> constater que<br />
si pour les occupations telles que les concessions <strong>de</strong> plages privées et les restaurants, <strong>de</strong>s<br />
re<strong>de</strong>vances sont perçues, il n’en est pas <strong>de</strong> même pour les maisons à usage d’habitation (qui<br />
constituent l’exemple type d’occupation prolongée du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong>) et <strong>de</strong>s clubs<br />
sportifs tels que ceux édifiés par <strong>de</strong>s étrangers anglo-saxons sur la Corniche ouest, à hauteur<br />
<strong>de</strong> l’Ecole nationale d’économie appliquée.<br />
Enfin, ces installations offrent le plus souvent le spectacle <strong>de</strong> véritables ruptures d’urbanisme,<br />
car érigées sans tenir compte <strong>de</strong>s documents d’urbanisme <strong>de</strong>s zones occupées.<br />
En pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise <strong>de</strong> l’habitat cette situation aurait dû inciter les pouvoirs <strong>public</strong>s à insérer<br />
dans les éventuelles clauses ou conditions d’autorisation d’occuper le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong><br />
<strong>maritime</strong>, l’obligation non seulement <strong>de</strong> protéger les biens contre les dégradations, mais aussi,
<strong>de</strong> respecter les plans d’urbanisme existants. Dans les pays dotés d’un système <strong>de</strong><br />
gouvernance respectable, <strong>de</strong> telles conditions sont prévues et strictement contrôlées et leur<br />
violation sanctionnée. 13 .<br />
Une autre manifestation <strong>de</strong>s occupations illégales se trouve dans l’usage abusif <strong>de</strong>s titres par<br />
leurs titulaires.<br />
Un usage abusif <strong>de</strong>s titres consentis<br />
<strong>Le</strong>s droits que l’Etat consent aux titulaires <strong>de</strong> titre d’occupation privative sur le Dpm étant<br />
précaires et révocables, les édifices qui y sont installés doivent être légers et facilement<br />
démontables. Or, non seulement les installations qu’on y trouve sont loin d’être démontables,<br />
mais les bénéficiaires se méprennent sur la nature <strong>de</strong> leurs titres et s’adonnent parfois à <strong>de</strong>s<br />
cessions <strong>de</strong> ceux-ci. Parfois encore, on découvre <strong>de</strong>s bénéficiaires qui occupent <strong>de</strong>s surfaces<br />
plus « étendues » que celles qui leur ont été consenties.<br />
Edifices lourds et difficilement démontables dans <strong>de</strong>s zones non aedificandi<br />
L’article 12 du C<strong>de</strong> stipule : « les permissions <strong>de</strong> voirie sont délivrées à titre personnel<br />
essentiellement précaire et révocable. Elles n’autorisent que <strong>de</strong>s installations légères,<br />
démontables, ou mobiles n’emportant pas emprise importante du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> ou<br />
modification <strong>de</strong> son assiette ... ».<br />
Ainsi lorsque le titre n’octroie à son titulaire que le droit <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s « installations<br />
légères », l’étendue du droit ainsi reconnu est précisément limité. Ces installations ne peuvent<br />
avoir d’emprise sur le sous-sol, sans constituer un abus répréhensible <strong>de</strong> droit. Or il est facile<br />
<strong>de</strong> constater sur nos côtes, <strong>de</strong>s installations sur la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>s « pas géométriques », avec<br />
emprise. Il s’agit d’abord d’installations à usage d’habitation qui dans certaines zones<br />
constituent <strong>de</strong> véritables mitages. Il en est ainsi dans la Baie <strong>de</strong> Hann Yaraax, où les règles<br />
d’urbanisme sont ignorées.<br />
Aux abords <strong>de</strong> la Corniche Ouest et le long du littoral <strong>de</strong> Yoff et <strong>de</strong>s Almadies, ce sont <strong>de</strong>s<br />
projets immobiliers, initiés par <strong>de</strong>s sociétés privées dont les préoccupations <strong>de</strong> rente<br />
immédiate sont en contradiction flagrante avec les exigences d’équilibre social et<br />
environnemental qui servent d’alibi pour construire <strong>de</strong>s hôtels sur les plages ou dans <strong>de</strong>s<br />
zones d’habitation offertes à la vente. A ce titre, on peut citer le récent complexe immobilier<br />
<strong>de</strong> « Water Front » ou les édifices anciens <strong>de</strong> l’hôtel « Océan », du « Casino du Cap Vert », du<br />
Restaurant du « Virage » et <strong>de</strong>s installations à usage d’habitation <strong>de</strong> Yoff Waraar. Ces<br />
installations sont le fait d’hommes d’affaires proches <strong>de</strong> la classe politique dominante<br />
(ancienne et actuelle) et <strong>de</strong> lobbys libanais dont la particularité est <strong>de</strong> s’allier à toute majorité<br />
au pouvoir afin <strong>de</strong> préserver <strong>de</strong>s intérêts acquis par <strong>de</strong>s procédés obscurs.<br />
13 Par exemple, en France, un plan d’aménagement <strong>de</strong> zone pourtant approuvé par arrêté préfectoral et autorisant<br />
l’occupation d’un secteur proche <strong>de</strong> la mer a été annulé par le juge. Voir T.A <strong>de</strong> Nice, 04 Juillet, 1991, SOS<br />
Environnement n°87396.<br />
<strong>Le</strong> plan d’aménagement <strong>de</strong> la zone en question couvrait une superficie d’une centaine d’hectares située dans un<br />
espace naturel entre une ban<strong>de</strong> très urbanisée et une autre ban<strong>de</strong> urbanisée. <strong>Le</strong> juge a considéré qu’une telle<br />
opération couvrant une superficie <strong>de</strong> 105000 m 2 <strong>de</strong> surface hors œuvre nette, dont un <strong>de</strong>s secteurs proche <strong>de</strong> la<br />
mer, <strong>de</strong>stinée à <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nces hôtelières et <strong>de</strong> tourisme et à <strong>de</strong>s locaux commerciaux et <strong>de</strong> services, ne peut que<br />
dénaturer profondément la baie et participe d’une erreur manifeste.
Quant aux concessions récemment accordées dans la zone <strong>de</strong>s Almadies à <strong>de</strong>s hommes<br />
politiques d’envergure, à <strong>de</strong>s marabouts et à <strong>de</strong>s hommes d’affaires Libanais (encore eux),<br />
leur pertinence se pose pour <strong>de</strong>ux raisons essentielles. D’abord leur conformité à la<br />
<strong>de</strong>stination du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> (à savoir la satisfaction <strong>de</strong> l’intérêt général) est manifestement<br />
sujette à caution, car elles procurent plutôt <strong>de</strong>s profits à cette catégorie <strong>de</strong> citoyens à part dans<br />
<strong>de</strong>s conditions compromettant l’usage que chacun est en droit <strong>de</strong> s’attendre sur cette partie du<br />
<strong>domaine</strong>.<br />
Ensuite, leur affectation à l’utilité publique est contestable, car le montant <strong>de</strong>s recettes<br />
publiques que l’Etat en tire est dérisoire, voire ridicule (moins <strong>de</strong> 20 millions <strong>de</strong> francs Cfa<br />
dans le budget <strong>de</strong> 2007).<br />
Dans cette même catégorie <strong>de</strong> violations flagrantes du CDE, on classe également <strong>de</strong>s villas<br />
construites par la famille d’anciennes autorités politiques au sommet <strong>de</strong> l’Etat telles que celles<br />
qui trônent majestueusement aux abords <strong>de</strong> l’Ambassa<strong>de</strong> du Luxembourg ou encore <strong>de</strong> la<br />
« propriété » d’environ 6 000 mètres carrés à Yoff, propriété qui appartiendrait au Prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> la République qui avait promis d’en faire don à l’Etat. Malgré nos investigations<br />
persistantes dans le Journal officiel <strong>de</strong> la République du Sénégal, nous n’avons eu aucune<br />
confirmation que ces terres ont été versées au <strong>domaine</strong> <strong>public</strong>. Il convient <strong>de</strong> noter qu’en<br />
<strong>de</strong>hors du statut légal <strong>de</strong> ce terrain, le Chef <strong>de</strong> l’Etat a violé les dispositions pertinentes<br />
relatives au Dpm en érigeant un mur <strong>de</strong> clôture qui rend difficile la circulation dans cette<br />
partie <strong>de</strong> la baie océane.<br />
En <strong>de</strong>hors du Chef <strong>de</strong> l’Etat, il y a le cas préoccupant d’un building massif <strong>de</strong> plusieurs étages<br />
planté à quelques mètres seulement <strong>de</strong> la mer au pied <strong>de</strong>s Mamelles. Ce complexe<br />
architectural qui appartiendrait, selon <strong>de</strong>s rumeurs persistantes, au Prési<strong>de</strong>nt du Sénat et Maire<br />
<strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, M. Pape Diop, comporte plusieurs bâtiments qui ont été loués à <strong>de</strong>s organismes <strong>de</strong>s<br />
Nations Unies. Ces <strong>de</strong>ux cas particuliers <strong>de</strong> violation du Dpm sont préoccupants car ils<br />
impliqueraient, s’ils sont avérés, les <strong>de</strong>ux plus hautes autorités <strong>de</strong> ce pays.<br />
La caractéristique commune à toutes ces occupations, est que bien que les autorisations<br />
stipulent clairement le caractère précaire et révocable <strong>de</strong>s occupations, les projets présentés<br />
pour le bénéfice <strong>de</strong> titres d’exploitation privative contiennent l’édification d’installations<br />
durables sur les pas géométriques.<br />
Dans un passé récent, ces projets étaient le plus souvent relatifs à l’installation <strong>de</strong> tentes,<br />
chaises <strong>de</strong> plages dont certains prennent l’allure, le plus souvent, <strong>de</strong> véritables sites hôteliers<br />
avec emprise sur le sol. Il en était ainsi dans l’île <strong>de</strong> Ngor et dans le littoral <strong>de</strong> Yoff. De nos<br />
jours, ce sont véritablement <strong>de</strong>s maisons qui sont construites. On peut également noter le cas<br />
du <strong>domaine</strong> privé en construction sur la plage <strong>de</strong> l’ile <strong>de</strong> Ngor. <strong>Le</strong>s NGorois pointent du doigt<br />
le ministre <strong>de</strong> l’Economie et <strong>de</strong>s finances, Abdoulaye Diop, et seraient sur le point d’intenter<br />
une action pour protester contre cette violation du Dpm et exiger <strong>de</strong> l’Etat qu’il arrête <strong>de</strong><br />
spolier ainsi <strong>de</strong>s espaces qui appartiennent à la collectivité nationale. De telles occupations<br />
nécessitent une procédure spéciale d’autorisation (article16 du C<strong>de</strong>) qui est souvent occultée<br />
ou vidée <strong>de</strong> son sens. En effet, elles nécessitent l’intervention du service <strong>de</strong>s <strong>domaine</strong>s qui<br />
doit préciser le lotissement <strong>de</strong> la parcelle allouée, la superficie du <strong>domaine</strong> occupé, la durée <strong>de</strong><br />
l’occupation, la nature <strong>de</strong>s installations et <strong>de</strong>s activités à y exercer, le nom du bénéficiaire et<br />
le montant <strong>de</strong> la re<strong>de</strong>vance. L’autorisation, la plupart du temps, rappelle également certains<br />
principes <strong>de</strong> l’occupation, notamment sa précarité, son caractère personnel, l’obligation<br />
d’assumer les frais accessoires <strong>de</strong> timbre et d’enregistrement et celle <strong>de</strong> payer l’impôt foncier
correspondant à la surface occupée. Enfin, selon le cas, elle peut préciser que telle autorisation<br />
ne dispense pas le bénéficiaire <strong>de</strong> formuler les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d’autorisation préalables et d’obtenir<br />
le permis <strong>de</strong> construire, ou que les constructions doivent présenter du point <strong>de</strong> vue esthétique,<br />
un aspect satisfaisant.<br />
Il s’agit donc pratiquement d’un permis <strong>de</strong> stationnement (au lieu <strong>de</strong> permission <strong>de</strong> voirie<br />
comme le stipule l’article 12 du C<strong>de</strong>) ayant un caractère essentiellement révocable et pouvant,<br />
en France, par exemple, être retiré par l’administration pour la sauvegar<strong>de</strong> d’autres intérêts <strong>de</strong><br />
caractère général 14 .<br />
<strong>Le</strong> retrait <strong>de</strong> l’autorisation peut obliger le bénéficiaire évincé à enlever les installations qu’il<br />
avait précé<strong>de</strong>mment édifiées 15 . Cependant si l’administration n’exige pas cette démolition,<br />
elle conserve ces installations qui <strong>de</strong>viennent une dépendance du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> 16 . <strong>Le</strong> permis<br />
<strong>de</strong> stationnement est, en outre, précaire en ce sens que le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> ne doit pas être<br />
grevé <strong>de</strong> droits dont l’exercice serait <strong>de</strong> nature à entraver l’administration dans ses pouvoirs<br />
<strong>de</strong> gestion et d’aménagement. A cet effet, il peut toujours être retiré par l’administration et le<br />
permissionnaire ne peut évoquer un droit à son maintien 17 .<br />
Au Sénégal bien que la procédure d’octroi <strong>de</strong> permis <strong>de</strong> stationnement existe et coexiste avec<br />
celle <strong>de</strong>s permissions <strong>de</strong> voirie, leur application fait très souvent défaut. Ce qui explique en<br />
partie, l’absence <strong>de</strong> sanctions <strong>de</strong>s violations du C<strong>de</strong> qui reste en fait inappliqué. Mais ces<br />
violations ne sont pas les seules à expliquer les remises en cause du principe <strong>de</strong> l’inaliénabilité<br />
du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> : il en subsiste d’autres qui sont relatives au caractère personnel<br />
<strong>de</strong>s autorisations d’occuper et <strong>de</strong>s permissions <strong>de</strong> voirie.<br />
Ventes immobilières sur le Dpm<br />
Ici, la confusion dans la nature <strong>de</strong>s droits octroyés par les titres a engendré <strong>de</strong>s pratiques<br />
manifestement illégales. En effet, l’article 9 du C<strong>de</strong> pose la règle selon laquelle le <strong>domaine</strong><br />
<strong>public</strong> est inaliénable et imprescriptible. L’inaliénabilité est <strong>de</strong>stinée à protéger le <strong>domaine</strong>.<br />
Elle signifie que les bénéficiaires <strong>de</strong> titres d’occupation ne peuvent ni le vendre, ni y<br />
consentir <strong>de</strong>s baux commerciaux, ni y constituer <strong>de</strong>s droits réels. Tout au plus peut-on y<br />
tolérer <strong>de</strong>s droits réels au profit <strong>de</strong>s occupants bénéficiant d’une autorisation temporaire. Mais<br />
ces droits réels ne portent pas sur le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> lui-même, mais sur les réalisations qui y<br />
sont faites.<br />
Par conséquent, les ventes préconisées aussi bien par <strong>de</strong>s sociétés que par <strong>de</strong>s particuliers sont<br />
illégales. C’est dans ce cadre qu’il serait possible <strong>de</strong> ranger la société immobilière « Water<br />
Front » (citée plus haut) qui construit dans les « pas géométriques », sur une surface <strong>de</strong> plus<br />
<strong>de</strong> 1000 mètres carrés, <strong>de</strong>s villas pour les revendre.<br />
Dans la même zone, <strong>de</strong>s Européens et <strong>de</strong>s Libanais possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s villas à usage d’habitation<br />
ou <strong>de</strong>s écoles privées. Cependant, pour l’école située dans cette zone, son appartenance aux<br />
pas géométriques est approximative. Mais, il existe bien <strong>de</strong>s ventes pratiquées sur le Dpm,<br />
14 C.E 05 Nov. 1937 Société industrielle <strong>de</strong>s schistes, Rec. <strong>Le</strong>bon, p.897.<br />
15 C.E 23 Juin 1951, Société Anonyme <strong>de</strong> la nouvelle jetée promena<strong>de</strong> <strong>de</strong> Nice, Rec. <strong>Le</strong>bon, p. 405<br />
16 C.E 20 Mai 1927. Fabre, Rec. <strong>Le</strong>bon p.581<br />
17 Marcel Waline considère qu’il peut même y avoir obligation <strong>de</strong> retrait lorsque la permission s’avère<br />
inconciliable avec les droits d’usage du <strong>public</strong>, in RDP, 1963 p.1174. De même voir C.E, 26 Juin 1979 Dame<br />
Ca<strong>de</strong>t.
notamment sur les pas géométriques. Pour le cas particulier <strong>de</strong>s pas géométriques <strong>maritime</strong>s<br />
ces pratiques illicites sont constatées en zone urbaine ou en zone touristique. L’île <strong>de</strong> Gorée et<br />
les quartiers implantés sur le pourtour <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Hann à <strong>Dakar</strong> en constituent <strong>de</strong>s exemples<br />
frappants.<br />
Pour le cas particulier <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Hann, son occupation révèle, en plus <strong>de</strong>s irrégularités sus<br />
mentionnées, une violation à la fois du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Urbanisme, du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Eau, du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l’Hygiène et du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Environnement. Pour cette raison, nous lui consacrons ci-après, un<br />
paragraphe spécial.<br />
Pour ce qui concerne les illégalités relevant <strong>de</strong>s ventes <strong>de</strong> dépendances du Dpm dont il est<br />
question dans le présent paragraphe, il convient <strong>de</strong> noter que, certes, <strong>de</strong> nombreuses parcelles<br />
ont fait l’objet d’un déclassement et d’une immatriculation au profit <strong>de</strong> particuliers permettant<br />
alors à ceux-ci <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r les terrains leur appartenant ainsi en pleine propriété, mais il n’est pas<br />
rare que <strong>de</strong>s constructions soient édifiées sur le Dpm <strong>de</strong> façon illicite.<br />
En zone urbaine, il s’agit le plus souvent d’occupation partielle, le titulaire d’un titre foncier<br />
en lisière <strong>de</strong>s terrains domaniaux « annexant » quelques mètres <strong>de</strong> plage.<br />
En zone touristique, les emprises illicites sont plus évi<strong>de</strong>ntes, mais tout aussi mal maîtrisées<br />
qu’en zone urbaine. Nous avons signalé plus haut la pratique sur la côte au sud <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, où,<br />
à l’initiative d’Européens, et en accord avec les autorités coutumières locales, se sont<br />
multipliées les implantations <strong>de</strong> cabanons <strong>de</strong> week-end sur le Dpm. En imitant les Européens,<br />
la bourgeoisie politico bureaucratique sénégalaise s’est vu « octroyer » <strong>de</strong>s titres d’occupation<br />
privative qu’elle est amenée quelques fois à louer ou à vendre, après avoir transformé les<br />
anciennes cases <strong>de</strong> paille par <strong>de</strong> véritables maisons en dur se dressant au centre <strong>de</strong> terrains<br />
soigneusement clôturés.<br />
Ces ventes illicites sont favorisées par la confusion qui est faite entre les régimes <strong>de</strong>s biens du<br />
<strong>domaine</strong> national et du <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> l’Etat, notamment du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>de</strong> celui-ci. <strong>Le</strong>s<br />
occupants <strong>de</strong>s terrains du <strong>domaine</strong> national (tout comme ceux du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong>) n’ont pas<br />
<strong>de</strong> titre <strong>de</strong> propriété sur les parcelles occupées. Ils n’ont que <strong>de</strong>s titres d’habiter ou<br />
d’occuper 18 . Or le titulaire du permis d’occuper ou d’habiter une parcelle du <strong>domaine</strong><br />
national a <strong>de</strong>s droits réels sur celle-ci, du moins sur les ouvrages construits sur la parcelle<br />
considérée. En particulier, il a la possibilité <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r les « soins et peines » 19 qu’il y a<br />
consentis. Il n’en est pas <strong>de</strong> même <strong>de</strong> l’occupant <strong>de</strong>s dépendances du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong><br />
<strong>maritime</strong>. Celui-ci n’a sur la dépendance occupée qu’un droit d’usage personnel. Ce droit<br />
n’est pas transmissible 20 . Ce sont ces situations juridiques <strong>de</strong>s occupants <strong>de</strong>s <strong>domaine</strong>s <strong>public</strong><br />
et national qui sont ici confondues.<br />
18 Sur ces permis d’occuper ou d’habiter voir M. Caveriviere et M.Debene , Op.cit p 44.<br />
19 La notion <strong>de</strong> « peine » se rapproche <strong>de</strong> celle d’ « impense » c’est à dire <strong>de</strong>s améliorations apportées à un bien,<br />
mais elle englobe une réalité plus large et permet <strong>de</strong> qualifier le résultat <strong>de</strong> l’effort <strong>de</strong> mise en valeur du sol. Voir<br />
à ce propos M. Caverviere et M. Debene, ibid. p 20<br />
20 Sur les ouvrages construits par le bénéficiaire du titre d’occupation, la propriété <strong>de</strong> la personne publique<br />
concédante peut être établie dès le début <strong>de</strong> la concession. Ces ouvrages sont alors qualifiés <strong>de</strong> « biens <strong>de</strong><br />
retour ». La propriété du concessionnaire sur ces ouvrages peut être par contre établie par un contrat prévoyant<br />
une reprise facultative par le concédant. Tant que la reprise n’est pas effectuée les ouvrages <strong>de</strong>meurent la<br />
propriété du concessionnaire. Sur la distinction « biens <strong>de</strong> retour /biens <strong>de</strong> reprise », voir J.M. Auby et P. Bon<br />
Op.cit. p99.
Cette ignorance du droit positif confortée par les insuffisances <strong>de</strong> l’administration, a permis<br />
aux autorités coutumières mais aussi aux titulaires d’autorisations d’occuper le <strong>domaine</strong><br />
<strong>maritime</strong> <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s ventes illicites du <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> l’Etat. Des auteurs ont souvent qualifié<br />
ces opérations <strong>de</strong> « spéculations » ; il s’agit plutôt, <strong>de</strong> « pratiques tombant sous le coup <strong>de</strong> la<br />
loi pénale » 21 .<br />
Ces auteurs font remarquer : « certains bureaucrates, certaines autorités religieuses ou<br />
traditionnelles ont pu avoir, dans quelques hypothèses, un rôle ambigu, agissant parfois au<br />
mépris <strong>de</strong> la loi foncière mo<strong>de</strong>rne, soutenant au contraire, dans d’autres circonstances l’effort<br />
<strong>de</strong> l’Etat ». <strong>Le</strong> rôle ambigu joué par l’administration se manifeste parfois par le silence gardé<br />
en présence <strong>de</strong> ces pratiques. Parmi ces <strong>de</strong>rnières, on peut retenir la transmission <strong>de</strong>s biens du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> par la voie successorale. Mais celle-ci entre dans le cadre plus<br />
général <strong>de</strong> la méconnaissance du régime juridique du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong>.<br />
<strong>Le</strong> cas particulier <strong>de</strong> la Baie <strong>de</strong> Hann<br />
Située sur la faça<strong>de</strong> orientale <strong>de</strong> la presqu’île du Cap-Vert, la baie <strong>de</strong> Hann Yaraax s’étire<br />
<strong>de</strong>puis la pointe <strong>de</strong> Bel-Air jusqu’au village <strong>de</strong> Mbaw, sur environ 10 kilomètres. A cheval sur<br />
le département <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> et celui <strong>de</strong> Pikin Daagudaan, elle représente une zone favorable à<br />
l’habitat, aux installations industrielles, au maraîchage et au tourisme balnéaire. Du point <strong>de</strong><br />
vue <strong>de</strong> l’occupation spatiale, la baie est subdivisée en quatre zones: les zones habitées, les<br />
zones <strong>de</strong> culture, les zones <strong>de</strong> loisirs, et les zones industrielles. Son extension étant bloquée au<br />
sud par les installations industrielles, les réserves <strong>de</strong> stockage d’hydrocarbures <strong>de</strong> Shell et<br />
Mobil et les infrastructures touristiques et plaisancières, c’est par le nord-est qu’une telle<br />
perspective est envisageable, rendant ainsi la compétition (entre populations et industriels)<br />
pour l’occupation <strong>de</strong> l’espace très serrée.<br />
La « sur occupation » qui en a résulté, a accéléré la dégradation du milieu marquée par la<br />
pollution <strong>de</strong>s eaux, l’insalubrité <strong>de</strong> la plage, et la prolifération <strong>de</strong> certaines maladies, et s’est<br />
faite en méconnaissance <strong>de</strong>s textes relatifs à l’hygiène, à l’environnement, à l’eau et à<br />
l’urbanisme.<br />
Méconnaissance du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Hygiène<br />
<strong>Le</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Hygiène fait l’objet <strong>de</strong> la loi 83-71 du 23 juillet 1983 (J.O. du 5 juillet 1983). Il<br />
comprend 81 articles répartis en 13 chapitres dont quatre intéressent particulièrement la baie<br />
<strong>de</strong> Hann. Il s’agit <strong>de</strong>s chapitres 3 à 6 relatifs aux règles d’hygiène concernant respectivement<br />
l’habitation, les voies publiques, les plages et les installations industrielles. Mais ni les<br />
prescriptions relatives à l’hygiène dans les maisons (<strong>de</strong>s hameaux <strong>de</strong> pêcheurs insalubres), ni<br />
celles concernant les plages (avec le déversement <strong>de</strong>s eaux usées et/ou <strong>de</strong>s déchets fécaux) ne<br />
sont respectées. Cependant il convient <strong>de</strong> noter, pour le déplorer, que malgré ses nobles<br />
objectifs, cette loi souffre d’un déficit criard d’application. Ce déficit trouve son origine dans<br />
l’absence d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> milieu par <strong>de</strong>s sociologues avertis, capables d’évaluer les mentalités <strong>de</strong>s<br />
populations et les réalités du milieu. On pourrait également l’expliquer par l’absence<br />
d’infrastructures <strong>de</strong> base en matière d’assainissement dans cette zone et plus généralement<br />
dans toute la presqu’île du Cap-Vert.<br />
C’est ainsi que l’article L-17 qui stipule que « les matières usées liqui<strong>de</strong>s doivent être<br />
éliminées par <strong>de</strong>s systèmes d’assainissement et que les propriétaires d’immeubles sont tenus<br />
21 Op.cit. p. 272
<strong>de</strong> brancher leurs édifices sanitaires aux réseaux installés selon la distance réglementaire » est<br />
particulièrement inadapté aux habitations rudimentaires <strong>de</strong>s pêcheurs. De même, en<br />
interdisant toute installation d’urinoirs et <strong>de</strong> latrines dans les habitations non conformes aux<br />
normes prescrites, l’article 18 alinéa 5 « invite » implicitement à faire tous les besoins dans le<br />
rivage.<br />
Violation du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement<br />
Institué par la loi n° 2001 – 01 du 15 janvier 2001, ce co<strong>de</strong> dispose en son article L-9 que les<br />
usines, ateliers, dépôts, et d’une manière générale les installations présentant un danger pour<br />
la salubrité publique, l’agriculture et l’environnement, en général, sont régies par la présente<br />
loi. Par conséquent, toutes les industries installées à Hann sont concernées par ce texte.<br />
Malheureusement le déversement d’effluents par la Sotiba (textile), les ICS (chimie)<br />
contrevient quotidiennement aux dispositions du co<strong>de</strong>. Par ailleurs, l’approvisionnement en<br />
matières premières d’industries telles que Shell gaz, Total gaz, Senelec (avec ses <strong>de</strong>ux<br />
centrales <strong>de</strong> Bel-Air et du Cap <strong>de</strong>s Biches) et d’industries agro-alimentaires, pharmaceutiques,<br />
ou plastiques, accroît la <strong>de</strong>nsité du transport <strong>de</strong> matières dangereuses dans cette zone dans un<br />
périmètre étroit où se côtoient <strong>de</strong>s maisons à forte <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> population et <strong>de</strong>s nuisances <strong>de</strong><br />
toutes sortes. En effet, la forte concentration industrielle avec notamment <strong>de</strong>s réservoirs<br />
d’hydrocarbures et <strong>de</strong> gaz et <strong>de</strong> dépôts <strong>de</strong> produits tels que l’ammoniac entraîne <strong>de</strong>s risques<br />
d’acci<strong>de</strong>nts et <strong>de</strong> catastrophes élevés 22 .<br />
<strong>Le</strong>s ruptures <strong>de</strong> cuves ou la combustion <strong>de</strong> produits chimiques toxiques avec un important<br />
dégagement <strong>de</strong> gaz sont à l’origine <strong>de</strong> la pollution atmosphérique.<br />
On note dans la zone <strong>de</strong>s fuites d’ammoniac dans les poissonneries (qui rappellent l’acci<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> la Sonacos en 1992) et les rejets dans l’atmosphère <strong>de</strong> solvants d’impression par Carnaud à<br />
Hann Equip. On note également le déversement <strong>de</strong>s produits par la SAR dont les canalisations<br />
reliant les usines et les dépôts <strong>de</strong> Hann connaissent souvent <strong>de</strong>s fuites qui forment <strong>de</strong>s mares<br />
dans certaines concessions avec un risque d’incendie.<br />
Il est vrai que récemment, les jeunes <strong>de</strong>s communautés riveraines se sont investis<br />
sérieusement dans l’assainissement <strong>de</strong> la plage <strong>de</strong> Hann en obtenant <strong>de</strong>s résultats significatifs<br />
qui ont permis <strong>de</strong> mettre un terme aux déversements intempestifs dans la baie <strong>de</strong> produits<br />
chimiques nocifs et nauséabonds et aux jeunes <strong>de</strong> s’adonner au beach soccer. Mais combien<br />
<strong>de</strong> temps durera cette sorte <strong>de</strong> pax romana établie entre les jeunes <strong>de</strong> plus en plus directement<br />
concernés par la protection environnementale et les industries <strong>de</strong> substitution d’importation<br />
implantées ici <strong>de</strong>puis le début du siècle passé pour certains ?<br />
Méconnaissance du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Eau<br />
22 La gran<strong>de</strong> probabilité <strong>de</strong> tels risques est avérée par la catastrophe qui a provoqué la mort, en 1992, <strong>de</strong> plus <strong>de</strong><br />
350 victimes lorsque l’une <strong>de</strong>s usines <strong>de</strong> la Sonacos attenante au cimetière <strong>de</strong> Bel-Air a été le théâtre d’une<br />
explosion causée par l’ammoniaque qui s’est propagé à une vitesse foudroyante. Cette catastrophe a montré le<br />
caractère artificiel du Plan Orsec mis en place par le gouvernement dans <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> catastrophes qui menacent la<br />
vie <strong>de</strong> larges segments <strong>de</strong> la population. Il y a un tel délabrement <strong>de</strong>s équipements indispensables lors <strong>de</strong>s<br />
opérations <strong>de</strong> sauvetage à gran<strong>de</strong> échelle, en mer ou à terre, que l’Etat fait régulièrement appel, à travers le<br />
dispositif Orsec, aux équipements du secteur privé et <strong>de</strong> la base militaire française <strong>de</strong> Waakaam. Tout l’argent<br />
<strong>public</strong> gaspillé dans <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> prestige et dans le train <strong>de</strong> vie extravagant <strong>de</strong> la Prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la<br />
Republique aurait pu permettre <strong>de</strong> combler <strong>de</strong> telles lacunes qui sont l’un <strong>de</strong>s éléments clés <strong>de</strong> la sécurité<br />
nationale.
Faisant l’objet <strong>de</strong> la loi n° 81-13 du 4 mars 1981, il comprend 6 titres et 110 articles, mais<br />
seuls les titres II et V relatifs à la protection qualitative <strong>de</strong>s eaux et aux infractions et sanctions<br />
concernent principalement la baie <strong>de</strong> Hann. Son article 47 (titre II) réglemente la lutte contre<br />
la pollution <strong>de</strong>s eaux, notamment pour satisfaire les exigences <strong>de</strong> la vie biologique <strong>de</strong> la faune<br />
piscicole, <strong>de</strong>s loisirs, <strong>de</strong>s sports nautiques, etc .<br />
A Hann la qualité <strong>de</strong> l’eau s’est dégradée à un point tel que la faune marine y est <strong>de</strong>venue<br />
rare 23 et que les activités touristiques jadis florissantes, ne sont plus aujourd’hui qu’un vieux<br />
souvenir, et, cela, du fait <strong>de</strong>s populations peu respectueuses <strong>de</strong> normes minimales d’hygiène<br />
et du manque <strong>de</strong> volonté <strong>de</strong> l’administration pour y apporter <strong>de</strong>s solutions durables et<br />
appropriées.<br />
Méconnaissance du co<strong>de</strong> l’Urbanisme<br />
<strong>Le</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’urbanisme fait l’objet <strong>de</strong> la loi n° 88-05 du 20 juillet 1988 qui a repris, dans sa<br />
partie législative la loi 66-49 du 27 mai 1966. Ce texte prescrit le respect <strong>de</strong>s documents<br />
d’urbanisme tels que les plans directeurs d’urbanismes (documents <strong>de</strong> prévision à long terme<br />
permettant d’intégrer la politique d’urbanisme dans une politique générale <strong>de</strong> développement<br />
économique et <strong>de</strong> progrès social).<br />
Dans la zone <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Hann, l’étroitesse du territoire et la cohabitation d’habitations avec<br />
<strong>de</strong>s industries, <strong>de</strong>s activités agricoles, <strong>de</strong> loisirs et d’artisanat (avec une domination <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
premières) ont conduit à un véritable mitage <strong>de</strong> l’espace.<br />
L’habitat existant est surtout <strong>de</strong> type villageois, étendu <strong>de</strong> manière non contrôlée. On note<br />
souvent <strong>de</strong>s villas qui contrastent avec l’aspect dominant. L’une <strong>de</strong>s raisons explicatives <strong>de</strong> ce<br />
phénomène est l’ignorance <strong>de</strong>s habitants encore attachés au droit coutumier malgré<br />
l’existence <strong>de</strong>s lois sur le <strong>domaine</strong> national et sur le <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> l’Etat. <strong>Le</strong>s terres sont encore<br />
distribuées par les familles autochtones, en général Lébus. Ce sont d’ailleurs, ces populations<br />
qui ont vendu les terres aux exploitants industriels, commerçants et autres Libanais.<br />
Aucun lotissement n’est fait, aucun respect <strong>de</strong>s plans d’occupation <strong>de</strong>s sols n’est noté. Ainsi<br />
on observe une proximité dangereuse <strong>de</strong>s maisons avec <strong>de</strong>s unités industrielles. <strong>Le</strong> minimum<br />
vital imposé par les plans d’occupation <strong>de</strong>s sols est méconnu par les populations.<br />
Pour le cas particulier <strong>de</strong> la cohabitation contre nature, elle engendre souvent <strong>de</strong>s conflits<br />
entre habitants et industriels. Ainsi, <strong>de</strong>s industriels saisissent souvent les autorités<br />
administratives pour, d’une part, faire état <strong>de</strong> l’antériorité <strong>de</strong> leur implantation par rapport aux<br />
habitations, et, d’autre part, du non respect, par les habitants, <strong>de</strong> la distance <strong>de</strong> sécurité qui<br />
<strong>de</strong>vrait les séparer <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers.<br />
D’un autre côté, <strong>de</strong>s populations, regroupées en associations, se plaignent souvent <strong>de</strong>s risques<br />
potentiels et avérés que font courir les industries, avec l’encombrement <strong>de</strong>s voies, les<br />
pollutions sonores, le non respect <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong> conditionnement <strong>de</strong>s produits. <strong>Le</strong>s unités<br />
industrielles ciblées sont surtout: Carnaud Metalbox pour l’émission <strong>de</strong> fumée contenant <strong>de</strong><br />
23 Pourtant durant les années 1950 à 1970, cette baie était un havre <strong>de</strong> concor<strong>de</strong> environnementale entre les<br />
pêcheurs artisanaux et les jeunes qui venaient se baigner dans l’une <strong>de</strong>s eaux alors considérée comme la plus<br />
limpi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la presqu’île et ramasser toutes sortes <strong>de</strong> coquilles vivantes comme les buudj et les sébéét, cependant<br />
que le kannax pouvait être trouvé au large mais surtout dans les zones où foisonnent rochers basaltiques alvéolés<br />
ou épaves naturelles (Baie <strong>de</strong> Gorée, Anse Bernard et Ngor Almadies).
l’oxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> zinc provenant du vernis qu’elle utilise pour l’oxydation <strong>de</strong>s boîtes d’aluminium. Il<br />
y a également la Sosenap, souvent accusée d’émettre <strong>de</strong>s gaz toxiques et d’utiliser <strong>de</strong>s<br />
produits chimiques dangereux. Viennent ensuite la C<strong>de</strong>, Mobil, Shell, la Sotiba et la Seras.<br />
A ces types <strong>de</strong> conflits, il convient d’ajouter celui qui oppose périodiquement les riverains aux<br />
concessionnaires <strong>de</strong> plages privées. En effet, ces <strong>de</strong>rniers, du fait <strong>de</strong> la multiplicité <strong>de</strong>s plages<br />
privées, édifient <strong>de</strong>s barrières jusque dans l’eau; ce qui compromet l’accès <strong>de</strong>s populations<br />
dans certains endroits du littoral. L’autorité administrative qui <strong>de</strong>vrait arbitrer ces différents<br />
conflits n’inspire plus confiance aux populations qui voient en elle une complice en ce sens<br />
que c’est elle-même qui octroie les autorisations aux bénéficiaires <strong>de</strong> plages privées.<br />
Empiétements sur les dépendances du Dpm<br />
Des occupants, une fois installés sur la partie qui leur est attribuée arrivent, par endroits, à<br />
étendre frauduleusement la surface occupée. Cette « extension » se fait en plusieurs étapes.<br />
D’abord, on commence par clôturer la partie convoitée, contigüe à la partie déjà occupée.<br />
Puis, si pendant quelques années aucune autorité administrative ne se présente pour contrôler<br />
le respect <strong>de</strong>s plans d’occupation <strong>de</strong>s sols, on y édifie <strong>de</strong>s installations. Ces pratiques ont été<br />
notées dans l’île <strong>de</strong> Ngor, en particulier. Malgré l’ampleur <strong>de</strong>s infractions ainsi relatées, on<br />
constate que les auteurs ne sont pas sanctionnés ou qu’ils le sont insuffisamment.<br />
L’impunité <strong>de</strong>s auteurs<br />
<strong>Le</strong>s auteurs <strong>de</strong>s infractions relatées plus haut enfreignent le droit <strong>de</strong>s usagers, notamment<br />
l’accès aux plages, méconnaissent le caractère personnel <strong>de</strong>s titres d’occupation, et/ou<br />
s’adonnent à <strong>de</strong>s pratiques successorales inconnues en matière <strong>de</strong> domanialité publique. En ce<br />
sens, ils méconnaissent inconsciemment ou délibérément le régime juridique du <strong>domaine</strong><br />
<strong>public</strong> <strong>maritime</strong>.<br />
<strong>Le</strong> C<strong>de</strong> édicte à leur encontre <strong>de</strong>s sanctions qui se sont révélées inopérantes.<br />
Violations répétées du régime juridique du Dpm<br />
Un <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> la domanialité publique est que les dépendances qui en font partie sont<br />
affectées à l’utilité publique. Celle-ci s’entend, d’une part, <strong>de</strong> l’usage direct du <strong>public</strong> et,<br />
d’autre part, <strong>de</strong> l’affectation à un service <strong>public</strong>.<br />
L’usage direct du <strong>public</strong> signifie que les usagers ont le droit d’accé<strong>de</strong>r librement, c'est-à-dire<br />
sans entrave. Ce droit est remis en cause par certains bénéficiaires <strong>de</strong> titres d’occupation.<br />
Par ailleurs, les titres d’occupation sont octroyés à titre personnel, c'est-à-dire que son<br />
bénéficiaire ne peut le transmettre à ses ayant droit. Cette règle est, elle aussi constamment<br />
bafouée.<br />
Restrictions illicites au droit d’accès aux rivages<br />
Du fait <strong>de</strong> la multiplication <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nces secondaires le long du Dpm et <strong>de</strong> l’octroi généreux,<br />
par l’administration, d’autorisations privatives d’occupation du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> et<br />
consistant en implantation d’escaliers, terrasses, etc., il est <strong>de</strong>venu difficile voire impossible<br />
<strong>de</strong> cheminer librement le long du littoral dakarois. Il en est ainsi dans les plages existant à
côté <strong>de</strong> certains hôtels tels que le « Terrou Bi », le « Lagon I » et le « Lagon II » ou celle<br />
située sous le Phare <strong>de</strong>s Mamelles.<br />
Mais les obstacles au droit <strong>de</strong> circuler sur le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> et au droit d’accé<strong>de</strong>r à<br />
la plage quand <strong>de</strong>s propriétés privées en interdisent l’accès, ne sont pas exactement <strong>de</strong> même<br />
nature.<br />
<strong>Le</strong>s interdictions <strong>de</strong> circuler sur le Dpm affecté au <strong>public</strong><br />
La libre circulation <strong>de</strong>s personnes dans cette dépendance résulte d’une tradition sans<br />
fon<strong>de</strong>ment juridique véritable. En réalité aucun texte n’a institué une quelconque servitu<strong>de</strong> le<br />
long du littoral au profit du <strong>public</strong>.<br />
<strong>Le</strong> principe du libre accès au rivage n’est pas expressément proclamé per se. Il peut<br />
simplement être déduit <strong>de</strong> l’article 6-j du C<strong>de</strong> qui énumère les servitu<strong>de</strong>s d’utilité publique et<br />
précise que celles-ci comprennent les servitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> passage.<br />
Mais l’illégalité <strong>de</strong> telles restrictions peut également être déduite d’une lecture <strong>de</strong> l’article 20<br />
alinéa 1 du C<strong>de</strong> qui stipule : « Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l’autorité<br />
compétente, occuper ou exploiter une dépendance du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> ou l’utiliser dans <strong>de</strong>s<br />
limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous sur les parties <strong>de</strong> ce <strong>domaine</strong> affecté au<br />
<strong>public</strong> ». L’une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinations du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> étant son affectation à l’usage<br />
direct du <strong>public</strong>, toute entrave à l’exercice libre <strong>de</strong> cet usage direct du <strong>public</strong> constitue une<br />
illégalité.<br />
De façon générale, tous les concessionnaires <strong>de</strong> plages naturelles, notamment le « Terrou<br />
bi », méconnaissent cette liberté. Or, au Sénégal, contrairement à la France, le régime<br />
juridique <strong>de</strong>s plages est uniforme. Aussi bien la partie immergée par la marée que la partie<br />
supérieure 24 appartiennent au Dpm. A ce titre les plages, même concédées régulièrement par<br />
les autorités compétentes, doivent prévoir le libre accès à la mer et à la circulation le long du<br />
rivage. A défaut, les interdictions au libre accès à la mer et à la circulation le long du rivage<br />
tomberaient sous le coup <strong>de</strong> l’article 20 du CDE précité en ce qu’il prohibe l’utilisation d’une<br />
dépendance du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> dans <strong>de</strong>s limites excédant le droit d’usage appartenant à tous<br />
sur les parties <strong>de</strong> ce <strong>domaine</strong> affecté au <strong>public</strong>.<br />
<strong>Le</strong>s interdictions d’accès vers la plage<br />
Une autre forme d’entrave à l’usage direct du <strong>public</strong> se manifeste dans l’existence <strong>de</strong><br />
propriétés riveraines interdisant l’accès vers la plage. Il s’agit ici d’accès perpendiculaires au<br />
rivage, préalables à <strong>de</strong> véritables servitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> passage <strong>de</strong>s piétons le long du littoral. En<br />
édifiant <strong>de</strong> telles propriétés (elles sont nombreuses dans la zone <strong>de</strong> la Baie <strong>de</strong> Hann et <strong>de</strong> Yoff<br />
Waraar), l’existence <strong>de</strong> ces servitu<strong>de</strong>s est ainsi compromise. Certaines interdictions sont le<br />
fait d’installations dont rien ne justifie la proximité avec la mer. Il en est ainsi <strong>de</strong>s anciennes<br />
24 Cette partie supérieure est constituée par la zone <strong>de</strong> 100m <strong>de</strong> large à partir <strong>de</strong> la limite atteinte par les plus<br />
fortes marées (Art.5 al. 4 CDE). En France, par contre, cette partie supérieure relève, soit, du <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> la<br />
commune, soit, si elle est affectée à l’usage du <strong>public</strong> et fait l’objet d’un aménagement spécial, au <strong>domaine</strong><br />
<strong>public</strong> <strong>de</strong> celle-ci (C.E, 30 Mai 1975, Gozzoli ; A.J.D.A, 1975, p348), soit enfin, à <strong>de</strong>s personnes privées.
usines <strong>de</strong> la Sotiba, <strong>de</strong> la Sar, d’autres unités dispersées ou encore <strong>de</strong>s Ics à Mbaaw qui, en<br />
plus <strong>de</strong> cela, déversent <strong>de</strong>s effluents dans la mer.<br />
Des transmissions successorales <strong>de</strong>s titres d’occupation<br />
La conception traditionnelle qu’ont les populations du <strong>domaine</strong> survit aux lois mo<strong>de</strong>rnes<br />
« héritées » <strong>de</strong>s colonisateurs Européens. La terre, dans cette conception, était considérée<br />
comme une res nullius, à la merci du premier occupant. <strong>Le</strong>s premiers à s’installer sur les<br />
terres ont considéré celles-ci comme <strong>de</strong>s biens sur lesquels ils ont une propriété pleine et<br />
entière avec tous les attributs du droit <strong>de</strong> propriété qui en découlent : droits d’usage, <strong>de</strong><br />
percevoir <strong>de</strong>s fruits du bien et cession du bien. Avec l’avènement <strong>de</strong> la loi 64.46 du 17 juin<br />
1964 relative au <strong>domaine</strong> national, celles <strong>de</strong> ces terres qui ont été immatriculées au nom <strong>de</strong>s<br />
particuliers sont entrées dans le <strong>domaine</strong> <strong>de</strong> ceux-ci : le droit <strong>de</strong> propriété tacite a été ainsi<br />
expressément consacré par la loi.<br />
Ici aussi, l’ignorance <strong>de</strong>s populations et l’insuffisante <strong>public</strong>ité <strong>de</strong>s réformes contenues dans la<br />
loi 64.46 ont contribué à entretenir la confusion entre les droits <strong>de</strong> propriété <strong>de</strong>s occupants du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>de</strong>s particuliers et les droits précaires et révocables consentis par l’administration<br />
aux occupants du Dpm 25 .<br />
Ainsi, les populations se considérant toujours comme titulaires d’un droit <strong>de</strong> propriété sur les<br />
terres, y compris celles du Dpm, transmettent leurs « droits » à leurs <strong>de</strong>scendants. Ces<br />
transmissions sont même sinon effectuées avec le concours ou le « contrôle » <strong>de</strong>s autorités<br />
administratives, du moins font-elles l’objet d’actes dont la force probante est attestée par <strong>de</strong>s<br />
actes notariés !<br />
Il est vrai que les similitu<strong>de</strong>s entre les conséquences <strong>de</strong> l’affectation d’une parcelle du<br />
<strong>domaine</strong> national et celles résultant d’une autorisation accordée à un particulier d’occuper<br />
privativement une portion du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> peuvent amener les personnes les plus averties<br />
à considérer comme i<strong>de</strong>ntiques les droits <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux types d’occupation. En<br />
effet, tous les occupants se voient reconnaître (à titre personnel) 26 l’usage, dans un but<br />
d’exploitation, pour les uns du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> et, pour les autres, du <strong>domaine</strong> national. Par<br />
ailleurs, comme pour le <strong>domaine</strong> national, l’utilisation privative du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> peut, dans<br />
certaines hypothèses 27 , être accordée à titre gratuit. Si l’on ajoute à ces considérations qui<br />
ten<strong>de</strong>nt à assimiler les droits <strong>de</strong>s occupants du <strong>domaine</strong> national et ceux <strong>de</strong> l’occupant du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>public</strong>, l’aménagement <strong>de</strong> la réaffectation préférentielle aux héritiers du défunt<br />
affectataire <strong>de</strong> la dépendance du <strong>domaine</strong> national qu’il exploitait, on comprend mieux alors<br />
les illusions qui sous-ten<strong>de</strong>nt la transmission héréditaire <strong>de</strong>s titres d’occupation du Dpm.<br />
Ainsi, malgré la clarté <strong>de</strong>s textes sur l’intransmissibilité <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> l’occupant du<br />
Dpm 28 , <strong>de</strong>s cessions sont pratiquées sur les dépendances <strong>de</strong> ce <strong>domaine</strong>. Il en résulte une<br />
25 A ce propos M. Caveriviere et M .Debene notent : « Trop complexe, le régime juridique se heurte à<br />
l’incompréhension <strong>de</strong>s particuliers mal informés. Tandis que le droit positif est ignoré, c’est la coutume qui sert<br />
<strong>de</strong> référence voire le Co<strong>de</strong> civil ». Ibid., p. 266.<br />
26 Art.12 du CDE pour les permissions <strong>de</strong> voirie et art. 13 pour les autorisations d’occuper.<br />
27 Ces hypothèses sont, il est vrai restrictives et sont prévues à l’article 18 du C<strong>de</strong> qui suspend la gratuité au<br />
caractère prédominant d’utilité publique ou d’intérêt économique et social du projet à effectuer sur la<br />
dépendance.<br />
28 Quant au <strong>domaine</strong> national l’article 6 du décret 72-1188 du 27 oct. 1972 relatif aux conditions d’affectation et<br />
<strong>de</strong> désaffectation <strong>de</strong>s terres du Domaine National (J.O.R.S du 18 nov.1972, p.1894) modifié par le décret<br />
80.1058 du 14 oct. 1980 (J.O.R.S 8 nov. 1980 p.1298) lui même remplaçant le décret 64.573 du 30 juillet 1964
violation du caractère personnel <strong>de</strong>s titres d’occupation édictés pour garantir l’indisponibilité<br />
et, partant, l’inaliénabilité du Dpm.<br />
Si les inconvénients <strong>de</strong> ces violations illustratives <strong>de</strong> l’occupation anarchique du Dpm n’ont<br />
pu être évités par l’application <strong>de</strong>s règles préventives efficaces, il aurait été possible <strong>de</strong><br />
remédier au « mal déjà fait » par <strong>de</strong>s sanctions appropriées. Malheureusement ces règles ne<br />
sont jamais appliquées.<br />
Sanctions inopérantes<br />
Parmi les mesures administratives prévues figurent le paiement <strong>de</strong> re<strong>de</strong>vances et l’astreinte à<br />
l’amen<strong>de</strong> 29 . <strong>Le</strong>s premières sont inadaptées et la secon<strong>de</strong> inapte à faire cesser l’irrégularité.<br />
<strong>Le</strong> caractère inadapté <strong>de</strong>s re<strong>de</strong>vances<br />
<strong>Le</strong>s re<strong>de</strong>vances, comme moyen <strong>de</strong> lutte contre les irrégularités d’occupation constatées sur le<br />
Dpm, posent un double problème : elles apparaissent d’abord plus comme une contrepartie du<br />
droit d’occuper le <strong>domaine</strong> que comme une sanction <strong>de</strong> l’illégalité éventuelle <strong>de</strong> cette<br />
occupation. En ce sens, elles constituent <strong>de</strong>s mesures difficilement qualifiables <strong>de</strong> sanctions.<br />
Ensuite, l’effet recherché, c’est à dire l’exploitation rentable du <strong>domaine</strong>, n’est pas totalement<br />
atteint dans certains cas. <strong>Le</strong>s re<strong>de</strong>vances sont, à cet égard, inefficientes.<br />
Des mesures difficilement qualifiables <strong>de</strong> sanctions<br />
La re<strong>de</strong>vance est prévue à l’article 20 du C<strong>de</strong> comme sanction aux infractions constitutives<br />
d’occupation sans titre et d’abus <strong>de</strong> droits d’occupation. Cet article donne compétence aux<br />
agents <strong>de</strong> l’Etat ou les autres personnes habilitées à cet effet pour constater ces infractions afin<br />
<strong>de</strong> permettre le recouvrement <strong>de</strong>s in<strong>de</strong>mnités correspondant aux re<strong>de</strong>vances dont le Trésor<br />
serait frustré.<br />
Il ne s’agit pas alors d’une sanction aux infractions évoquées à l’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 20 qui<br />
parle d’« occupation sans titre » et d’utilisation « dans les limites excédant le droit d’usage<br />
qui appartient à tous ». La re<strong>de</strong>vance ainsi conçue apparaît alors comme le rétablissement du<br />
manquement aux conditions financières <strong>de</strong> l’occupation. Or, ces conditions qui figurent<br />
souvent dans un cahier <strong>de</strong>s charges, peuvent permettre à l’occupant <strong>de</strong> payer les in<strong>de</strong>mnités<br />
correspondant aux re<strong>de</strong>vances par tranches. Celles-ci ne constituent plus une sanction, mais<br />
une obligation résultant d’une clause figurant dans le cahier <strong>de</strong>s charges 30 .<br />
fixant les règles <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s terroirs (J.O.R.S du 29 août 1964, pp.1123 et s), confirme l’existence du droit <strong>de</strong><br />
préférence que l’article 22 du décret 64.573 avait organisé au profit <strong>de</strong>s héritiers. En outre la pratique a apporté<br />
<strong>de</strong>s assouplissements à la règle <strong>de</strong> l’intransmissibilité dans lesquels, pour la majorité <strong>de</strong>s cas, les héritiers se<br />
voient « transmettre » un « droit » qui n’existe pas et les autorités locales interviennent (rarement)<br />
pour harmoniser le fait et le droit.<br />
NB : le décret 80.1051 à son tour, a été modifié par le décret 86.445 du 10 Avril 1986 (J.O.R.S, 10 Mai<br />
1986, p.198).<br />
29 L’amen<strong>de</strong> peut, par ailleurs être considérée comme une sanction juridictionnelle en ce sens qu’elle peut être<br />
prononcée par le juge pénal. Elle constitue une mesure administrative lorsqu’elle est prononcée par <strong>de</strong>s autorités<br />
administratives telle que la douane, le service <strong>de</strong>s eaux et forêts, ou les agents <strong>de</strong> l’urbanisme.<br />
30 C.E., 03 Avril 1940, Compagnie du Gaz <strong>de</strong> Paris, Rec. <strong>Le</strong>bon, p. 117. Pour cette raison, certains auteurs<br />
refusent <strong>de</strong> considérer les re<strong>de</strong>vances comme une sanction administrative. Il s’agira plutôt d’acte <strong>de</strong> gestion ;<br />
voir à ce propos, Auby et Bon, op.cit. p.113. D’autres considèrent la re<strong>de</strong>vance comme l’objet <strong>de</strong> l’obligation<br />
d’une partie au contrat synallagmatique <strong>de</strong> concession. Cf. Dictionnaire <strong>de</strong> droit, Tome 1 : Concession<br />
administrative, n°10.
<strong>Le</strong>s infractions mentionnées à l’alinéa 1 <strong>de</strong> l’article 20 ne peuvent être sanctionnées par <strong>de</strong>s<br />
« in<strong>de</strong>mnités » dont le Trésor serait frustré. Cette incapacité illustre l’inefficience <strong>de</strong>s<br />
re<strong>de</strong>vances comme sanction.<br />
Des mesures inefficientes<br />
<strong>Le</strong> Dpm constitue une richesse <strong>de</strong>s collectivités publiques qui doivent assurer une meilleure<br />
utilisation <strong>de</strong> ses dépendances. Résultant <strong>de</strong> l’accent mis sur la fonction patrimoniale du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>public</strong>, cette conception permet à l’administration <strong>de</strong> se procurer <strong>de</strong>s recettes<br />
importantes provenant notamment <strong>de</strong>s re<strong>de</strong>vances dues à l’occasion d’occupations privatives.<br />
La re<strong>de</strong>vance exprime donc une opération <strong>de</strong> puissance publique dont la fixation du montant<br />
et le recouvrement incombent aux services <strong>de</strong>s Domaines.<br />
Il serait alors inapproprié <strong>de</strong> considérer les re<strong>de</strong>vances (forme <strong>de</strong> contribution indirecte),<br />
comme moyen <strong>de</strong> sanction <strong>de</strong> l’occupation sans titre (fait illégal). Une première raison tient<br />
au fait que le payement <strong>de</strong> la re<strong>de</strong>vance est dû, même en l’absence <strong>de</strong> cette illégalité. Une<br />
secon<strong>de</strong> raison peut être trouvée dans le fait que le paiement <strong>de</strong> la re<strong>de</strong>vance est sans<br />
inci<strong>de</strong>nce sur la commission <strong>de</strong> l’infraction ; autrement dit un occupant du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> à<br />
jour dans le paiement <strong>de</strong>s re<strong>de</strong>vances dues pour la location du <strong>domaine</strong> peut bien utiliser ce<br />
<strong>domaine</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s limites prévues, commettant ainsi une irrégularité que le paiement <strong>de</strong> la<br />
re<strong>de</strong>vance ne peut effacer.<br />
Aussi n’existe-t-il aucun lien entre les occupations irrégulières du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> et<br />
le paiement <strong>de</strong>s re<strong>de</strong>vances.<br />
Par ailleurs, le montant <strong>de</strong>s re<strong>de</strong>vances perçues au titre du <strong>domaine</strong> en général et du <strong>domaine</strong><br />
<strong>public</strong> <strong>maritime</strong> en particulier, est dérisoire. En témoigne le barème <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> concession<br />
<strong>de</strong>s terrains domaniaux. <strong>Le</strong> plus élevé concerne <strong>Dakar</strong> Plateau où le mètre carré est vendu à<br />
14.000 francs Cfa !<br />
Pour lutter contre les occupations irrégulières, <strong>de</strong>s mesures ont été préconisées. Mais elles<br />
s’avèrent inaptes à faire cesser les irrégularités.<br />
L’inaptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s amen<strong>de</strong>s à faire cesser les irrégularités<br />
A la différence <strong>de</strong>s re<strong>de</strong>vances, les amen<strong>de</strong>s constituent <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> lutte contre les<br />
illégalités. A ce titre, elles ont un rapport direct avec les occupations irrégulières qu’elles ont<br />
pour but <strong>de</strong> sanctionner.<br />
Mais, force est <strong>de</strong> constater que le paiement <strong>de</strong> l’amen<strong>de</strong> n’a pas pour conséquence <strong>de</strong> faire<br />
cesser l’occupation sans titre ; le paiement ne vaut pas titre d’occupation. De même, il<br />
sanctionne l’occupation prolongée au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> utilisée ou la cession du bien<br />
domanial (à titre onéreux ou par voie successorale), il ne rend ni vali<strong>de</strong> l’occupation extra<br />
tempora 31 , ni valable la transmission du bien. <strong>Le</strong> paiement <strong>de</strong> l’amen<strong>de</strong> ne régularise pas les<br />
abus <strong>de</strong> droit d’occupation.<br />
31 Il a été jugé que si le permissionnaire <strong>de</strong>meure dans les lieux à l’expiration <strong>de</strong> la permission ou du délai<br />
consenti par l’administration, il se trouve être un occupant sans titre et encourt alors une condamnation pénale<br />
pour contravention <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> voirie, C.E., 19 Juin 1964, Meneret, Rec <strong>Le</strong>bon, p.581.
L’inaptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s amen<strong>de</strong>s à faire cesser les occupations sans titre<br />
L’amen<strong>de</strong> est une sanction aux infractions commises sur le <strong>domaine</strong>. C’est une réaction à un<br />
acte illégal, préjudiciable. Il appartient à l’administration, victime du préjudice, <strong>de</strong> déclencher<br />
<strong>de</strong>s poursuites. <strong>Le</strong> juge répressif peut alors, en plus, condamner le contrevenant à une<br />
pénalité.<br />
Cette situation est prévue à l’alinéa 2 <strong>de</strong> l’article 20 du C<strong>de</strong> qui punit d’une amen<strong>de</strong> <strong>de</strong> 20 000<br />
francs Cfa à 2 millions <strong>de</strong> francs Cfa les manquements aux conditions d’occupation du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>public</strong>. Parmi ces manquements on peut raisonnablement placer les occupations sans<br />
titre.<br />
De telles sanctions sont prévues en France en matière <strong>de</strong> contraventions relatives au <strong>domaine</strong><br />
<strong>maritime</strong> par une loi du 19-22 juillet 1792, notamment, en matière d’extraction <strong>de</strong> sable sans<br />
autorisation, <strong>de</strong> dommages causés par les navires dans les ports, ou d’infractions à la police<br />
<strong>de</strong>s ports. Mais, comme elles ne peuvent être substitutives <strong>de</strong>s titres d’occupation et permettre<br />
alors le maintien <strong>de</strong> l’occupant dans la dépendance considérée, ni même faire cesser<br />
l’illégalité, l’administration peut alors recourir à l’exécution d’office, en cas d’urgence, ou<br />
lorsque l’y autorise un texte 32 , pour expulser le contrevenant.<br />
Au Sénégal, par contre, cette procédure n’est pas prévue dans le C<strong>de</strong> qui n’autorise, en plus<br />
du paiement <strong>de</strong>s amen<strong>de</strong>s , que la réparation <strong>de</strong>s dommages, ce qui n’est pas synonyme<br />
d’expulsion.<br />
Tout au plus, peut-on déduire <strong>de</strong> l’article L. 12 ancien du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Urbanisme qui autorise le<br />
tribunal, en cas <strong>de</strong> construction, en l’absence <strong>de</strong> permis <strong>de</strong> construire, <strong>de</strong> prescrire la<br />
démolition et la remise en l’état <strong>de</strong>s lieux, l’expulsion préalable <strong>de</strong> l’occupant.<br />
Malheureusement cet article L.12 n’est pas repris dans le nouveau Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong><br />
1988. Il en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong> l’article L.14 <strong>de</strong> l’ancien Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Urbanisme qui, en cas<br />
d’extrême urgence, permettrait à l’administration <strong>de</strong> prononcer avant toute intervention<br />
judiciaire, le déguerpissement <strong>de</strong>s constructions édifiées sur un terrain sans titre : cette<br />
disposition aussi ne fut pas reprise dans la loi <strong>de</strong> 1988.<br />
Enfin, une pratique <strong>de</strong> l’administration avait été tentée pour résoudre le problème général <strong>de</strong>s<br />
occupations irrégulières. Elle impliquait, lorsque les ouvrages construits étaient compatibles<br />
avec l’environnement, <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r une régularisation a posteriori en vue <strong>de</strong> délivrer à<br />
l’intéressé soit un titre d’occupation ou une autorisation <strong>de</strong> construire. Mais cette pratique<br />
était occasionnelle et n’a pas pu être généralisée car elle allait aboutir à priver d’effet l’Art.20<br />
du C<strong>de</strong>.<br />
En définitive, il apparaît qu’il n’existe pas <strong>de</strong> sanction complémentaire à l’amen<strong>de</strong> prévue à<br />
l’Article 20 pour contraindre l’occupant sans titre à quitter les lieux. Ainsi est-il possible<br />
d’affirmer que les amen<strong>de</strong>s prévues par le C<strong>de</strong> ne permettent pas <strong>de</strong> faire cesser l’occupation<br />
sans titre. Elles sont tout aussi inaptes à régulariser les abus <strong>de</strong> droit d’occupation.<br />
L’inaptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s amen<strong>de</strong>s à régulariser les abus <strong>de</strong> droit d’occupation<br />
32 Voir C.E., 8 avril 1961, Dame Klein,D. 1961, p.587,déjà cité.
<strong>Le</strong>s amen<strong>de</strong>s ne permettent ni <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r les occupations au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> fixée par le<br />
titre d’occupation, ni <strong>de</strong> rendre licite la cession <strong>de</strong> la dépendance domaniale occupée.<br />
L’une <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> la précarité <strong>de</strong>s titres d’occupation du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> est que<br />
l’autorité gestionnaire fixe une durée dans les autorisations d’occuper ou permissions <strong>de</strong><br />
voirie qu’elle délivre. <strong>Le</strong> bénéficiaire du titre d’occupation qui s’installerait dans la<br />
dépendance allouée au-<strong>de</strong>là du temps prescrit est passible d’une amen<strong>de</strong> prévue par l’Article<br />
20 du C<strong>de</strong>. Mais comme pour l’occupation sans titre, cette amen<strong>de</strong> ne fait pas disparaître<br />
l’infraction. Une solution plus hardie aurait consisté en un retrait du titre d’occupation.<br />
<strong>Le</strong> retrait est prévu par le C<strong>de</strong> (articles 12 et 13) mais dans une partie qui inciterait qu’on<br />
l’interprétât plus comme un acte <strong>de</strong> gestion que comme un acte <strong>de</strong> police.<br />
En effet, dans le Titre II du Livre II du Co<strong>de</strong>, intitulé « Gestion - Déclassement - Sanctions »,<br />
les articles 10 à 18 semblent viser spécialement la « gestion » du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong>. <strong>Le</strong>s articles<br />
11 à 18 apparaissent comme <strong>de</strong>s explicitations <strong>de</strong> l’article 10 qui commence par : « l’Etat<br />
assure la gestion du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> naturel... ». Quant à l’article 19, il réglemente<br />
essentiellement le « déclassement » <strong>de</strong>s dépendances du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong>. L’article 20, enfin,<br />
est réservé aux « sanctions » <strong>de</strong>s irrégularités constatées dans l’occupation et l’exploitation du<br />
<strong>domaine</strong> <strong>public</strong>, comme en témoigne du reste l’exposé <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong> la loi 76.66 qui titre :<br />
« b) Sanctions (art. 20) ».<br />
Or, en tant qu’acte <strong>de</strong> gestion, le retrait évoqué aux articles 12 et 13 exclut les sanctions aussi<br />
pénales qu’administratives, car il concerne uniquement les utilisations domaniales privatives.<br />
Ce n’est qu’en étant considéré comme peine complémentaire à la sanction pénale d’amen<strong>de</strong><br />
que le retrait pourrait se révéler un bon palliatif à la prolongation illégale <strong>de</strong> l’occupation.<br />
Cette interprétation ne saurait valoir cependant, le législateur ayant prévu que le retrait <strong>de</strong><br />
l’autorisation peut intervenir à tout moment sans in<strong>de</strong>mnité ; ce qui laisse supposer la<br />
possibilité <strong>de</strong> retrait même avant le terme fixé dans l’autorisation, c’est-à-dire sans occupation<br />
abusive.<br />
<strong>Le</strong> droit face aux violations du Dpm<br />
<strong>Le</strong>s irrégularités commises sur le Dpm au Sénégal sont nombreuses et variées. Elles sont dues<br />
à la négligence <strong>de</strong> l’administration qui est souvent con<strong>de</strong>scendante ou complice passive <strong>de</strong><br />
certains manquements. Elles sont accentuées par la lancinante question <strong>de</strong> l’accès au<br />
logement, notamment à <strong>Dakar</strong>, et la volonté <strong>de</strong> la nouvelle bourgeoisie politico<br />
bureaucratique <strong>de</strong> satisfaire <strong>de</strong>s besoins longtemps réprimés.<br />
Des titres d’occupation sont octroyés sans que les retombées financières que <strong>de</strong>vraient<br />
normalement en tirer les recettes publiques ne soient significatives.<br />
Plus fondamentalement, les violations du Dpm mettent en péril non seulement les intérêts <strong>de</strong>s<br />
générations présentes, mais aussi celles qui, dans un ou <strong>de</strong>ux siècles, se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ront<br />
comment nous avons pu leur léguer un Dpm aussi mal géré et fragilisé.<br />
<strong>Le</strong>s irrégularités sont également le fait <strong>de</strong>s populations elles-mêmes. En effet, à Hann, on a<br />
recensé, le déversement d’environ 15 000 mètres cubes d’eaux usées constituées<br />
essentiellement <strong>de</strong> matières organiques et <strong>de</strong> polluants chimiques. Ceci est dû au fait qu’au<br />
niveau <strong>de</strong> la baie, à l’exception <strong>de</strong> quelques cités nouvelles, c’est l’assainissement individuel<br />
qui prédomine. L’absence <strong>de</strong> réseau d’assainissement collectif est due, en partie, à la
typologie <strong>de</strong> l’habitat et à l’étroitesse <strong>de</strong>s parcelles. Cette situation amène les populations à<br />
déverser sur la plage ou dans la mer <strong>de</strong>s eaux usées. A cela s’ajoute les déversements <strong>de</strong>s eaux<br />
usées charriées par les canaux IV et Front <strong>de</strong> Terre, mais aussi les sachets en plastiques jetés<br />
inconsidérément dans la nature. Une autre attitu<strong>de</strong> regrettable <strong>de</strong>s populations est la<br />
<strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s panneaux indiquant les plages interdites à la baigna<strong>de</strong>, ce qui, au vu du danger<br />
qu’elles font courir aux baigneurs non avertis 33 , constitue non un délit, mais un crime.<br />
Malheureusement, les populations sont les premières victimes <strong>de</strong> cette situation. C’est ainsi<br />
que la propagation <strong>de</strong> maladies est facilitée dans les zones littorales. Des affections directes<br />
sont enregistrées soit par baigna<strong>de</strong> soit ingestion d’eau contaminée, alors que <strong>de</strong>s affections<br />
indirectes sont également signalées résultant <strong>de</strong> la consommation <strong>de</strong> produits halieutiques<br />
contaminés. Parmi les maladies enregistrées, on trouve la méningite et la tuberculose<br />
pulmonaire, <strong>de</strong>s parasitoses intestinales, la dysenterie, la diarrhée, les salmonelloses, les<br />
<strong>de</strong>rmatoses, le trachome, la bronchite, le paludisme ou encore la fièvre jaune. Une<br />
communication du mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> Hann a révélé que sur une population <strong>de</strong> 1330 adultes, on note<br />
40% <strong>de</strong> paludisme, 30% <strong>de</strong> rhinite, 10% <strong>de</strong> <strong>de</strong>rmatose et 15% <strong>de</strong> pneumopathie. Et sur une<br />
population <strong>de</strong> 991 enfants, la même autorité médicale fait ressortir 25% <strong>de</strong> maladies<br />
diarrhéiques, 19% <strong>de</strong> parasitose, 15% <strong>de</strong> pneumopathies, la gale et les autres infections<br />
cutanées 12%.<br />
Au vu <strong>de</strong> cette situation, il urge <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s mesures hardies tendant à faire cesser la<br />
violation <strong>de</strong>s droits que chaque citoyen a le droit <strong>de</strong> revendiquer sur cette fragile mais<br />
stratégique frange du territoire sénégalais.<br />
En ce qui concerne la défense <strong>de</strong>s côtes contre les actions conjuguées <strong>de</strong> la nature et <strong>de</strong><br />
l’homme, il convient <strong>de</strong> s’inspirer <strong>de</strong>s solutions qui ont fait leurs preuves ailleurs. A ce<br />
propos, les pouvoirs <strong>public</strong>s gagneraient à s’inspirer du gui<strong>de</strong> institué sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l’Unesco. En effet, lors <strong>de</strong> la Conférence générale <strong>de</strong> 1993, <strong>de</strong> la Commission scientifique <strong>de</strong><br />
l’Unesco, les prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s programmes scientifiques à savoir la Commission<br />
Océanographique Intergouvernementale (Coi), le Programme Intergouvernemental l’Homme<br />
et la Biosphère (Mab), le Programme d’Hydrologie Intergouvernemental (Phi) et le<br />
Programme International <strong>de</strong> Corrélation Géologique (Picg) décidèrent <strong>de</strong> lancer un projet<br />
commun qui porterait sur les zones côtières également appelées « Régions littorales ». A cet<br />
égard un groupe <strong>de</strong> travail fut constitué et conçut un gui<strong>de</strong> méthodologique d’ai<strong>de</strong> à la gestion<br />
<strong>de</strong> la zone côtière, afin <strong>de</strong> promouvoir l’application <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong>s recherches conduites<br />
dans ce <strong>domaine</strong> dans le cadre du développement durable <strong>de</strong> cet espace.<br />
Ce gui<strong>de</strong>, largement diffusé par l’Unesco en 1997 est avant tout pratique. Il ai<strong>de</strong> à construire<br />
un système d’information cohérent pour l’ai<strong>de</strong> à la décision capable <strong>de</strong> fournir aux déci<strong>de</strong>urs<br />
et aux aménageurs <strong>de</strong>s éléments objectifs <strong>de</strong> choix.<br />
Par ailleurs, en Afrique <strong>de</strong> l’Ouest existe la Convention relative à la coopération en matière <strong>de</strong><br />
protection et <strong>de</strong> mise en valeur du milieu <strong>de</strong>s zones côtières appelée Convention d’Abidjan du<br />
23 mars 1981 (ratifiée par le Sénégal le 5 août 1984). Il s’agit d’un accord cadre <strong>de</strong> caractère<br />
général qui a trait à la protection et à la gestion <strong>de</strong>s zones côtières et du milieu marin. Elle<br />
énumère les sources <strong>de</strong> pollution qui doivent être maîtrisées et définit les aspects <strong>de</strong> la gestion<br />
<strong>de</strong> l’environnement qui appellent <strong>de</strong>s efforts <strong>de</strong> coopération. Elle contient <strong>de</strong>s dispositions sur<br />
la coopération scientifique et technique, la responsabilité et la réparation <strong>de</strong>s dommages.<br />
33<br />
On a pu compter, en moyenne, jusqu’à une centaine <strong>de</strong> noya<strong>de</strong>s en l’espace <strong>de</strong> trois mois durant les vacances<br />
scolaires dans la presqu’île du Cap-Vert.
<strong>Le</strong>s recherches effectuées dans ce cadre ont permis <strong>de</strong> mieux connaître le profil <strong>de</strong><br />
l’environnement marin et une banque <strong>de</strong> données est disponible sur les problèmes d’érosion<br />
côtière, <strong>de</strong> pollution chimique, bactérienne et sur l’océanographie côtière. Elles ont permis<br />
également d’élaborer <strong>de</strong>s projets spécifiques d’évaluation et <strong>de</strong> protection du milieu marin,<br />
notamment le Projet d’Etu<strong>de</strong>, d’Aménagement et <strong>de</strong> Réhabilitation <strong>de</strong>s Baies <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> et le<br />
Plan d’Action pour la Protection <strong>de</strong>s Eaux et la Conservation du Littoral Sénégalais.<br />
La mise en œuvre <strong>de</strong> ces projets est actuellement paralysée par <strong>de</strong>s considérations politiques<br />
qui amènent le pouvoir en place à remettre en cause beaucoup d’acquis du régime précé<strong>de</strong>nt.<br />
Pour le cas particulier <strong>de</strong>s occupations illégales, il s’agit <strong>de</strong> s’inspirer du juge français qui fait<br />
souvent œuvre prétorienne en sanctionnant sans parcimonie les délinquants, en ordonnant <strong>de</strong>s<br />
déguerpissements <strong>de</strong>s lieux indûment occupés. Mais la récente suppression du Conseil d’Etat,<br />
juge <strong>de</strong> la domanialité publique en France (et à qui le législateur aurait plutôt conféré <strong>de</strong>s<br />
prérogatives en la matière), éloigne cette perspective dans un pays comme le Sénégal dont les<br />
textes fondateurs sur le plan juridique ont été directement puisés du droit français.<br />
La toute <strong>de</strong>rnière décision faisant <strong>de</strong> la gestion du Dpm une compétence transférée pourrait,<br />
dans un contexte caractérisé par une législation encore inachevée et en pleine mutation et une<br />
tendance lour<strong>de</strong> consistant à ne jamais punir les violations récurrentes du Dpm, contribuer à<br />
mettre l’huile sur le feu au niveau <strong>de</strong>s classes hégémoniques. <strong>Le</strong>s mairies, les préfectures et<br />
les sous-préfectures sont encore plus politisées que les ministères et ont une approche<br />
centralement inspirée par le clientélisme et les impératifs <strong>de</strong> survie politique <strong>de</strong>s apparatchiks<br />
du parti dominant. Cette décision ne dédouane pas pour autant le chef <strong>de</strong> l’Etat <strong>de</strong> la nécessité<br />
d’arrêter les constructions illégales sur le Dpm et <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s solutions équitables et justes<br />
pour tous les cas <strong>de</strong> violations du Dpm sur lesquels on ne doit pas laisser le vi<strong>de</strong> juridique<br />
s’éterniser à côté d’un poncepilatisme administratif à la limite du laxisme le plus criminel.<br />
<strong>Le</strong> premier magistrat <strong>de</strong> la nation est sommé d’agir sur tous les dysfonctionnements i<strong>de</strong>ntifiés.<br />
Et il doit inscrire son action dans l’urgence la plus absolue, une urgence tout à fait légitime en<br />
la circonstance.<br />
<strong>Le</strong> Chef <strong>de</strong> l’Etat est également directement interpelé par la nécessité <strong>de</strong> mettre un terme sans<br />
délai et même <strong>de</strong> réviser les décisions relatives aux déclassements précipités <strong>de</strong> plusieurs<br />
<strong>domaine</strong>s fonciers importants <strong>de</strong> la capitale, notamment les réserves et emprises <strong>de</strong> la Foire <strong>de</strong><br />
<strong>Dakar</strong>, <strong>de</strong> la Pyrotechnie, <strong>de</strong> la Voie <strong>de</strong> dégagement nord, du sta<strong>de</strong> Léopold Sédar Senghor,<br />
du camp militaire <strong>de</strong> Ciarooy, du centre émetteur <strong>de</strong> Yeumbel, du champ <strong>de</strong> tir <strong>de</strong> Waakaam<br />
et du camp militaire attenant à ce site, <strong>de</strong>s servitu<strong>de</strong>s aéronautiques autour <strong>de</strong> l'aéroport<br />
Léopold Sédar Senghor, du sta<strong>de</strong> Assane Diouf et <strong>de</strong> la zone <strong>de</strong> captage <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong><br />
ruissellement entre l'autoroute et la route du Front <strong>de</strong> terre 34 .<br />
En outre, l’Etat ne <strong>de</strong>vrait pas accé<strong>de</strong>r aux propositions scandaleuses <strong>de</strong> l’Apix cédant<br />
littéralement à <strong>de</strong>s parties privées internationales le <strong>de</strong>rnier poumon vert <strong>de</strong> la presqu’île, en<br />
l’occurrence, la forêt classée <strong>de</strong> MBaaw. L’étu<strong>de</strong> d’impact environnemental relatif à la<br />
34 Pour <strong>de</strong> plus amples détails, consulter « L'immobilier à <strong>Dakar</strong> dans une spirale inflationniste ; frénésie<br />
constructive », in http://www.reussir-sn.com/L-immobilier-a-<strong>Dakar</strong>-dans-une-spirale-inflationniste_a423.html
construction <strong>de</strong> l’autoroute à péage 35 montre bien que les émanations toxiques créées par les<br />
voitures et les camions gros porteurs auront un effet négatif à l’interieur d’un radius <strong>de</strong><br />
plusieurs centaines <strong>de</strong> mètres à la ron<strong>de</strong>, dans une zone à très forte <strong>de</strong>nsité démographique,<br />
notamment du côté <strong>de</strong> Dalifort et <strong>de</strong> Pikin Icotaf. Il est prévu dans cette <strong>de</strong>rnière zone <strong>de</strong><br />
« déguerpir » plus <strong>de</strong> 3 000 personnes dont la vie va basculer dans l’incertitu<strong>de</strong>, surtout les<br />
enfants fréquentant les écoles environnantes. Du côté <strong>de</strong> l’autre versant <strong>de</strong> l’autoroute à<br />
péage, les récentes pluies ont montré que les eaux <strong>de</strong> ruissellement n’ont plus d’exutoire et<br />
que <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> ménages sont menacés d’inondations et <strong>de</strong> dégradations <strong>de</strong> leurs<br />
propriétés.<br />
35 Voir APIX, « Projet d’autoroute <strong>Dakar</strong>-Diamniado ; évaluation environnementale et sociale du projet<br />
d’autoroute <strong>Dakar</strong>-Diamniado ; rapport final », <strong>Dakar</strong>, Juillet 2006
Chapitre 7<br />
Analyse géo spatiale et statistique <strong>de</strong>s violations du<br />
Dpm<br />
Cette partie du rapport est axée sur la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s zones enquêtées, la procédure<br />
d’acquisition <strong>de</strong>s terrains du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> et l’impact socio environnemental <strong>de</strong><br />
l’occupation du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong>. La valeur pécuniaire <strong>de</strong>s surfaces du Dpm<br />
i<strong>de</strong>ntifiées comme <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> la loi est évaluée en fonction <strong>de</strong>s cours du marché<br />
et <strong>de</strong>s superficies calculées sur la base d’un croisement <strong>de</strong>s cartes géo référencées les plus<br />
récentes du Sénégal.<br />
Tout le littoral du Cap-Vert <strong>de</strong> la clairière <strong>de</strong> filaos <strong>de</strong> Malika, en passant par les corniches<br />
ouest et est, jusqu’à l’usine <strong>de</strong> pêche <strong>de</strong> Yaraax a été parcouru à partir d’un véhicule tous<br />
terrains par une équipe composée d’un sociologue, d’un cartographe spécialiste <strong>de</strong>s systèmes<br />
d’information géographique et d’un assistant chargé <strong>de</strong> recueillir par écrit les données<br />
collectées sur le terrain (coordonnées <strong>de</strong>s bâtiments construits à moins <strong>de</strong> 100 mètres du point<br />
<strong>de</strong> finition <strong>de</strong>s vagues au moment où l’enquête était menée).<br />
La délimitation exacte <strong>de</strong>s terrains situés dans l’emprise du Dpm a été faite à l’ai<strong>de</strong> d’un<br />
appareil portable Gps (Global Positioning System) <strong>de</strong> type Garmin 12 XL.<br />
<strong>Le</strong> tracé <strong>de</strong> côte ainsi obtenu (voir la carte # 5 ci-<strong>de</strong>ssous) à l’ai<strong>de</strong> du Gps a été superposé sur<br />
<strong>de</strong>s photographies aériennes existantes les plus récentes prises par satellite. Ces photographies<br />
ont été préalablement digitalisées pour faciliter le géo référencement <strong>de</strong>s superficies du Dpm<br />
incriminées, superficies qui se sont généralement présentées sous la forme <strong>de</strong> polygones. Des<br />
valeurs relatives aux moyennes <strong>de</strong>s prix du mètre carré <strong>de</strong> terrain, dans les zones du Dpm<br />
subdivisées en segments suivant les tendances du marché <strong>de</strong> l’immobilier et du foncier en<br />
bordure <strong>de</strong> mer, ont été appliquées aux polygones obtenus à partir <strong>de</strong> la carte géo référencée<br />
(voir ci-<strong>de</strong>ssous, les différentes vues obtenues et segmentées en fonction <strong>de</strong>s zones A à H <strong>de</strong>s<br />
parties du Dpm ciblées par l’enquête) (voir cartes # 6 à 13).<br />
<strong>Le</strong>s données socio géographiques obtenues au cours <strong>de</strong> la mission <strong>de</strong> terrain ont été mises à<br />
l’épreuve <strong>de</strong> nouvelles enquêtes minutieuses <strong>de</strong> terrain menées par nos propres enquêteurs 1 .<br />
Carte # 5 : repérages préliminaires <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> violation du Dpm par GPS<br />
1 Il ne nous est malheureusement pas possible <strong>de</strong> les nommer pour protéger leur i<strong>de</strong>ntité et leur éviter<br />
d’éventuelles représailles.
Ces <strong>de</strong>rniers ont mené les enquêtes à partir <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> MARP qui leur a permis <strong>de</strong><br />
s’adjoindre la participation <strong>de</strong>s populations riveraines ou <strong>de</strong>s préposés à la sécurité ou au<br />
gardiennage trouvés sur place. <strong>Le</strong>s données ainsi recueillies ont été minutieusement vérifiées<br />
auprès <strong>de</strong> sources primaires tels les voisins ou les gens <strong>de</strong> maison, dans le cas <strong>de</strong>s villas déjà<br />
habitées, ou les agents voyers <strong>de</strong>s municipalités concernées. <strong>Le</strong>s attaches d’autorités<br />
municipales ont également été prises pour leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d’éluci<strong>de</strong>r certains points<br />
contentieux ou même <strong>de</strong> décrire avec exactitu<strong>de</strong> l’évolution sociologique et celle relative plus<br />
généralement à l’aménagement <strong>de</strong> l’espace, dans la zone sous leur juridiction.<br />
Typologie <strong>de</strong> l’habitat dans le Dpm<br />
Plusieurs types d’habitat coexistent dans le Dpm :<br />
• <strong>Le</strong>s villas déjà achevées qui appartiennent à <strong>de</strong>s personnes aisées qui recherchent la<br />
tranquillité, la qualité d’air pur qui fait défaut dans les quartiers surpeuplés <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong><br />
marqués par la pollution sonore et les déficiences notées dans le ramassage <strong>de</strong>s<br />
ordures, le nettoiement <strong>de</strong>s trottoirs et l’assainissement <strong>de</strong>s voiries et <strong>de</strong>s canalisations<br />
<strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> surface, même dans <strong>de</strong>s zones réputées « rési<strong>de</strong>ntielles » comme le<br />
« Point E », les « Almadies », etc. Ces villas appartiennent majoritairement à <strong>de</strong>s<br />
Sénégalais membres <strong>de</strong> la bourgeoisie politico bureaucratique <strong>de</strong> l’ancien comme du<br />
nouveau régime et <strong>de</strong>s milieux d’affaires. <strong>Le</strong>s membres <strong>de</strong> cette bourgeoisie locale<br />
appartenant à l’ancien régime paraissent plus nombreux sur le Dpm puisqu’ils ont été<br />
aux affaires pendant une pério<strong>de</strong> quarantenaire donc suffisamment longue pour avoir<br />
abrité au moins <strong>de</strong>ux générations <strong>de</strong> Sénégalais. Certaines <strong>de</strong> ces villas sont également<br />
occupées par <strong>de</strong>s Libanais et <strong>de</strong>s Français ainsi que d’autres nationalités (Maroc, etc).<br />
• <strong>Le</strong>s villas non encore achevées.<br />
• <strong>Le</strong>s villas dont seulement les fondations ont été creusées et coulées à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> béton<br />
armé ou dont le périmètre <strong>de</strong> construction est entouré <strong>de</strong> murs <strong>de</strong> protection en ciment<br />
ou pierres taillées.<br />
2
• <strong>Le</strong>s hôtels <strong>de</strong> luxe 2 construits pratiquement « les pieds dans l’eau » et privatisant <strong>de</strong><br />
facto, en maintes endroits du Dpm, les plages et la libre circulation sur les portions <strong>de</strong><br />
littoral situées en face <strong>de</strong> leurs établissements ; <strong>de</strong>s constructions avec une<br />
implantation définitive sur le Dpm sont entreprises à travers les piscines privées, les<br />
bar restaurants, les jetées océanes aménagées pour accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s voiliers <strong>de</strong> plaisance,<br />
les espaces avec roches alvéolaires utilisées pour la culture ostréicole ou d’espèces tels<br />
les oursins, les langoustes, les écrevisses, les seiches, les gambas géants et crevettes <strong>de</strong><br />
taille moyenne, etc.<br />
• <strong>Le</strong>s cliniques privées appartenant toutes à <strong>de</strong>s Libanais ou <strong>de</strong>s Etrangers.<br />
• <strong>Le</strong>s établissements cliniques hôteliers spécialisés dans la thalassothérapie pour classes<br />
aisées et touristes étrangers également majoritairement contrôlées par les Libanais.<br />
• <strong>Le</strong>s gargotes restaurants aménagés sommairement à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> bois et <strong>de</strong> chaume avec<br />
<strong>de</strong>s parties en dur abritant <strong>de</strong> véritables infrastructures souvent déversant directement<br />
dans la mer les eaux usées ou en provenance <strong>de</strong>s toilettes.<br />
• <strong>Le</strong>s étals servant à la vente d’objets d’art, <strong>de</strong> roches basaltiques sculptées, etc.<br />
• <strong>Le</strong>s cabanons attirant toute une foule <strong>de</strong> jeunes gens nationaux et étrangers aspirant à<br />
un peu <strong>de</strong> calme et <strong>de</strong> détente et parfois s’adonnant à la consommation d’alcool et <strong>de</strong><br />
drogues dures ou <strong>de</strong> yamba appelé aussi boon, en wolof, la langue véhiculaire du pays.<br />
Ces cabanons agressent le paysage tant du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la salubrité que sur le plan<br />
<strong>de</strong> l’esthétique et l’harmonisation architecturales <strong>de</strong> la presqu’île.<br />
• Des lieux <strong>de</strong> prière islamique sommairement construits par <strong>de</strong>s habitués du Dpm<br />
appartenant aux classes aisées.<br />
• <strong>Le</strong>s habitations anciennes exigües et occupées par <strong>de</strong>s familles nombreuses dans les<br />
villages traditionnels Lébu <strong>de</strong> Ngoor, Yoof et <strong>de</strong>s communautés éparses <strong>de</strong> Malika (où<br />
ont été édifiés <strong>de</strong>s « villages hôtels » <strong>de</strong> fortune qui perdurent et accueillent souvent<br />
<strong>de</strong>s couples clan<strong>de</strong>stins voire <strong>de</strong>s jeunes touristes étrangers en mal <strong>de</strong> sensations fortes<br />
et d’exotisme).<br />
• <strong>Le</strong>s habitations ceinturant toute l’île <strong>de</strong> Gorée mais qui n’entrent pas dans le champ <strong>de</strong><br />
cette étu<strong>de</strong>.<br />
• <strong>Le</strong>s sièges <strong>de</strong> juridiction (ancien siège <strong>de</strong> Mudra Afrique, une école <strong>de</strong> chorégraphie,<br />
<strong>de</strong>venue par la suite le Musée Dynamique, ensuite la Cour suprême et, à présent, la<br />
Cour <strong>de</strong> Cassation) ou démembrements <strong>de</strong> l’Etat (Direction <strong>de</strong> Surveillance <strong>de</strong>s Côtes<br />
au large <strong>de</strong> Mermoz ; sièges <strong>de</strong> l’Organisation internationale <strong>de</strong>s migrations et <strong>de</strong><br />
l’Unifem).<br />
• <strong>Le</strong> siège d’une organisation maçonnique (celle <strong>de</strong> la Rose Croix dont <strong>de</strong>s membres<br />
éminents feraient partie <strong>de</strong>s classes dirigeantes du pays).<br />
• Des complexes sportifs comme le « Club Olympique » (corniche Ouest) dont les<br />
propriétaires sont Libanais 3 ou la salle <strong>de</strong> musculation du « Lagon I » (corniche Est)<br />
appartenant à un Français.<br />
2 La présence <strong>de</strong>s sociétés suivantes a été enregistrée: C<strong>de</strong>, Cse, Simon et Christensen, etc. A côté <strong>de</strong> ces grosses<br />
pointures nous avons noté quelques initiatives moins prestigieuses, à l’instar <strong>de</strong> l’Espace <strong>de</strong> Création Cheikh<br />
Ibrahima Fall.<br />
3 Il n’est pas indifférent <strong>de</strong> noter que la libanisation progressive et presque inexorable <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> Plateau et <strong>de</strong><br />
parties prisées du Dpm participe d’une tendance lour<strong>de</strong> qui s’affirme non seulement au Sénégal, dans plusieurs<br />
villes, mais aussi sur toute la côte ouest africaine, et plus particulièrement en Côte d’Ivoire où les Libanais se<br />
sont rués sur les établissements et les villas laissés vacants par le départ massif <strong>de</strong>s Français durant la récente<br />
guerre civile doublée d’une crise franco-ivoirienne. <strong>Le</strong>s classes moyennes et pauvres africaines commencent à<br />
montrer <strong>de</strong>s signes d’impatience et <strong>de</strong> révolte, pour l’instant sour<strong>de</strong>s, par rapport à ce phénomène.<br />
3
• Un parc <strong>de</strong> jeux pour enfants doublé d’une boîte <strong>de</strong> nuit en construction et d’un<br />
podium pour les concerts musicaux (le « Magic Land » appartenant à <strong>de</strong>s Libanais).<br />
• Des parcours sportifs (corniche ouest, sur plus <strong>de</strong> 3 Kms cimenté récemment et<br />
argileux ou sablonneux par endroits, et Diamalaay) très fréquentés en toute pério<strong>de</strong>.<br />
• Des villages artisanaux (Sumbédjun) et corniche ouest 4 .<br />
• <strong>Le</strong>s chantiers <strong>de</strong> l’Anoci qui ont pris une place considérable dans le Dpm et qui sont<br />
au cœur <strong>de</strong> la compétition politique et médiatique qui entoure présentement la<br />
succession du chef <strong>de</strong> l’Etat.<br />
Typologie <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong>s terrains concernés<br />
<strong>Le</strong>s occupants du Dpm peuvent être classés en quatre catégories à prédominance largement<br />
masculine :<br />
• <strong>Le</strong>s couches moyennes <strong>de</strong> la petite bourgeoisie (cadres, chefs religieux, chefs<br />
d’entreprises, etc) : leur position financière et les allées et venues dans les hautes<br />
sphères <strong>de</strong> décision dont ils bénéficient <strong>de</strong>s largesses moyennant la métho<strong>de</strong> du<br />
bakchich leur permettent d’obtenir <strong>de</strong>s autorisations d’occuper sur le Dpm.<br />
• <strong>Le</strong>s habitants <strong>de</strong>s villages traditionnels (Lébus surtout) : ils invoquent l’argument<br />
selon lequel ce sont leurs ancêtres qui occupaient le Dpm et tout le territoire <strong>de</strong> la<br />
presqu’île et <strong>de</strong> la Petite Côte et affirment qu’ils ne quitteront jamais ces terres et<br />
qu’ils sont en droit <strong>de</strong> vendre les terrains dont ils ont « hérité ».<br />
• <strong>Le</strong>s tenanciers <strong>de</strong> petites échoppes : ce sont généralement <strong>de</strong>s artisans qui exposent<br />
leurs produits sur <strong>de</strong>s étals ou <strong>de</strong> petits commerçants qui gèrent <strong>de</strong>s gargotes ou <strong>de</strong>s<br />
buvettes.<br />
• <strong>Le</strong>s groupes financiers étrangers spécialisés dans l’hôtellerie ou les industries <strong>de</strong><br />
plaisance (libanais, marocains, français, etc).<br />
• <strong>Le</strong>s hommes d’affaires Libanais, Sénégalo Libanais et Sénégalais d’origine libanaise<br />
et les hommes d’affaires Français, Européens et Asiatiques (Chinois, plus récemment).<br />
Description <strong>de</strong>s lieux repérés du Dpm<br />
<strong>Le</strong> Dpm a été subdivisé en 9 parties pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> commodité dans la collecte et<br />
l’analyse <strong>de</strong> données. La segmentation va <strong>de</strong>s zones A à H, la zone du Port <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> ayant été<br />
ignorée puisque relevant d’un statut particulier.<br />
La zone A (Cambéréén/Plage BCEAO : 23,552 hectares) qui s’étend <strong>de</strong>s hameaux<br />
historiques Lébus à la plage <strong>de</strong> la BCEAO présente un Dpm qui commence à être envahi par<br />
les échoppes <strong>de</strong> fortune ou les cases <strong>de</strong> paille prisées <strong>de</strong>s jeunes baigneurs <strong>de</strong> cette zone qui<br />
attire beaucoup <strong>de</strong> gens, compte tenu <strong>de</strong> la beauté <strong>de</strong> ses plages et <strong>de</strong> la très bonne<br />
accessibilité <strong>de</strong> celles-ci. <strong>Le</strong>s populations viennent <strong>de</strong> partout, en famille, en groupe ou<br />
4 Près du « Club Olympique » a été créé l’Espace <strong>de</strong> Création Cheikh Ibrahima Fall (Eccif). C’est une réplique<br />
en miniature du village artisanal <strong>de</strong> Sumbédjun. Elle combine ateliers et galerie d’exposition en plein air. Il s’agit<br />
d’une association qui regroupe <strong>de</strong>s artisans et <strong>de</strong>s artistes. Divers corps <strong>de</strong> métiers y sont représentés (travail du<br />
bronze; différents types <strong>de</strong> sculptures ; sculptures thématisées et personnages sculptés <strong>de</strong> 2-3 mètres <strong>de</strong> haut ;<br />
portrait sur roche volcanique, basaltique et calcaire ; sculptures rocheuses en miniature ; art métallique ; fer<br />
forgé; lit et armoire en fer ; poterie en terra cota et latérite) ; etc.<br />
4
individuellement, pour accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s abris <strong>de</strong> paille et <strong>de</strong>s plages relativement bien tenues par<br />
les jeunes désœuvrés <strong>de</strong>s villages <strong>de</strong> Yoof, Kambéréén, Djammalaay, HLM Grand Médine et<br />
Parcelles Assainies. Malheureusement, les panneaux en béton mis en évi<strong>de</strong>nce pour i<strong>de</strong>ntifier<br />
ces plages comme étant dangereuses et impropres à la baigna<strong>de</strong>, ont été badigeonnées voire<br />
détruites par les tenanciers <strong>de</strong>s cases qui violent délibérément cet espace du Dpm, sous l’aile<br />
protectrice, le plus souvent, <strong>de</strong>s municipalités qui y puisent leur armée électorale, et, dans<br />
l’indifférence totale <strong>de</strong>s populations riveraines <strong>de</strong>s cités nouvellement implantées <strong>de</strong> Djily<br />
Mbaye, Djammalaay, Paaléén, Ouest Foire, Apecsy et Bceao Mer.<br />
<strong>Le</strong> niveau <strong>de</strong> violation du Dpm commence à <strong>de</strong>venir préoccupant surtout lorsqu’il se sol<strong>de</strong> par<br />
<strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> noya<strong>de</strong>s (entre 30 et 70 par an durant les années sombres) et que les drogues<br />
dures et « douces » y circulent sans entraves, cependant que l’alcool y coule à flots 5 . De<br />
jeunes prostitués <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sexes y sont régulièrement aperçus en compagnie <strong>de</strong> partenaires<br />
Tubaabs, touristes ou non, qui prisent les jeunes victimes généralement âgées entre 14 et 25<br />
ans. <strong>Le</strong>s associations <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> ces lieux pourtant habités par <strong>de</strong>s cadres <strong>de</strong> haut niveau<br />
et <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> professions libérales ainsi que <strong>de</strong>s entrepreneurs <strong>de</strong> petites et moyennes<br />
industries semblent, dans leur gran<strong>de</strong> majorité, totalement amorphes et parfois paralysés par<br />
<strong>de</strong>s divergences à caractère socio politique plus ou moins superficiels. <strong>Le</strong> Maire <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> est<br />
souvent venu battre campagne dans la cité Djily MBaye en faisant <strong>de</strong>s promesses rarement<br />
tenues mais suffisantes pour maintenir en l’état une clientèle politique suffisamment<br />
opportuniste pour tourner le dos aux impératifs <strong>de</strong> gestion participative d’une plage qui,<br />
laissée en l’état, risque <strong>de</strong> porter un préjudice très grave aux jeunes garçons et filles qui la<br />
fréquentent.<br />
Carte # 6 : vue satellitaire <strong>de</strong> la zone<br />
A (Cambérén/Plage BCEAO)<br />
La zone B (Yoff Waraar/Sumbédjun : 71,240 hectares) représente l’un <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong><br />
violation les plus préoccupants du Dpm.<br />
5 <strong>Le</strong> Khalifat Laayèn a souvent fustigé les comportements a-sociaux <strong>de</strong>s jeunes désaxés qui s’abandonnent à la<br />
drogue et à l’alcool dans cet espace pris en tenaille entre les lieux <strong>de</strong> prière et <strong>de</strong> commémoration les plus<br />
importants <strong>de</strong> la communauté Laayène.<br />
5
Carte # 7 : vue satellitaire <strong>de</strong> la<br />
Zone B (Yoff Waraar)<br />
<strong>Le</strong> projet d’aménagement <strong>de</strong> la Place du Souvenir Africain est aussi en chantier. Mais il est<br />
presque achevé; il y a <strong>de</strong>ux salles d’exposition parallèles baptisées les « 2 panthéons ».<br />
<strong>Le</strong> chantier d’un complexe hôtelier et d’un centre commercial « Sea Plazza » (Première Porte<br />
Mermoz) est en ébullition sous la houlette <strong>de</strong> la Cse et Simon et Christensen, un bureau<br />
d’étu<strong>de</strong> spécialisé dans le génie civil.<br />
La Fenêtre Mermoz sur/mer regroupe une dizaine <strong>de</strong> propriétés privées. Il s’agit en<br />
l’occurrence <strong>de</strong> l’Olympique Club sur la corniche Ouest, qui est un club <strong>de</strong> tennis. Un pâté <strong>de</strong><br />
villas rési<strong>de</strong>ntielles suit sur une longue distance dans le sens <strong>de</strong> la direction <strong>de</strong> la Mosquée <strong>de</strong><br />
la Divinité. Un autre complexe sportif surgit à mesure que nous progressons. C’est un terrain<br />
<strong>de</strong> baseball, <strong>de</strong> basket-ball et <strong>de</strong> soccer qui appartient à l’ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Etats-Unis. Une<br />
maison en baraque <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chambres se mêle au décor. Un terrain clôturé long <strong>de</strong> plusieurs<br />
centaines <strong>de</strong> mètres se situe entre cet habitat précaire et la Direction <strong>de</strong> la Protection et <strong>de</strong> la<br />
Surveillance <strong>de</strong>s pêches <strong>maritime</strong>s. Cet établissement faisant face au Club Atlantique<br />
américain est géré par l’état du Sénégal. A proximité, l’Association Culturelle Amorc <strong>de</strong><br />
l’ordre maçonnique <strong>de</strong> la Rose Croix semble n’être accessible qu’aux membres affiliés. Un<br />
autre terrain nu avec 2 containers servant <strong>de</strong> boutique en face <strong>de</strong> la Cité <strong>de</strong>s enseignants<br />
contraste avec le paysage. Toute juste après il y a une agence immobilière gérée par une<br />
professionnelle française.<br />
<strong>Le</strong> grand projet « Waterfront » qui concerne la construction <strong>de</strong> 149 logements en plus d’un<br />
complexe hôtelier serait dirigé par Yérim Sow, le fils <strong>de</strong> Aliou Sow, propriétaire <strong>de</strong> la Cse. Ce<br />
chantier qui est en cours d’exécution couvre une superficie importante. Dans les environs, une<br />
station <strong>de</strong> pompage <strong>de</strong>s eaux usées <strong>de</strong> l’Onas surplombe les 2 boutiques conteneurs. Ensuite,<br />
il y a une agence immobilière, une Ecole Bilingue et un autre pâté <strong>de</strong> maisons.<br />
La Mosquée <strong>de</strong> la Divinité a été construite en 1992. L’initiative est à mettre à l’actif <strong>de</strong>s<br />
fidèles rési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> Waakaam, Ngoor et Yoof 6 . Derrière la Mosquée <strong>de</strong> la Divinité, il y a une<br />
6<br />
Ce collectif, l’Union Musulmane Culturelle Educative Naby Allah, aurait été à la base <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong><br />
cette mosquée par l’architecte Cheikh NGom.<br />
6
aie qui sert <strong>de</strong> quai <strong>de</strong> débarquement aux pirogues <strong>de</strong> pêche qui essaiment sur la plage. En<br />
outre, il y a une station service pour le ravitaillement en carburant <strong>de</strong>s embarcations ainsi que<br />
<strong>de</strong>s bâtiments <strong>de</strong>stinés à conserver les matériels <strong>de</strong> pêches qui sont communément appelés <strong>de</strong>s<br />
« boxes ».<br />
La zone couverte par le quartier Fenêtre Mermoz « Deuxième Porte » est située à environ<br />
<strong>de</strong>ux kilomètres <strong>de</strong> la Mosquée <strong>de</strong> la Divinité. C’est une zone <strong>de</strong> falaises et <strong>de</strong> rochers. Il n’y<br />
a pratiquement pas <strong>de</strong> plage ici. <strong>Le</strong>s habitations construites sur le <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong><br />
sont situées en hauteur. Un Ambassa<strong>de</strong>ur et ancien ministre Sénégalais a commencé à y<br />
couler les fondations d’une villa.<br />
Plusieurs hauts dignitaires politiques possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> somptueuses rési<strong>de</strong>nces au Quartier <strong>de</strong><br />
Fann. D’éminentes personnalités étrangères et <strong>de</strong>s Libanais y ont acquis <strong>de</strong> belles propriétés.<br />
C’est une zone <strong>de</strong> falaises et <strong>de</strong> rochers et les rési<strong>de</strong>nces sont situées sur la partie haute du<br />
Dpm.<br />
La pression foncière a atteint une intensité sans commune mesure, dans la Corniche Ouest. <strong>Le</strong><br />
Dpm y est distribué à <strong>de</strong>s nantis à tours <strong>de</strong> bras. <strong>Le</strong>s constructions y poussent comme <strong>de</strong>s<br />
champignons. <strong>Le</strong>s autorisations <strong>de</strong> construire, qui <strong>de</strong>vraient constituer l’exception y sont<br />
<strong>de</strong>venues la règle. Alors que l’on aurait dû se trouver dans l’univers paisible <strong>de</strong>s rivages <strong>de</strong> la<br />
mer, on a l’impression d’être dans un <strong>domaine</strong> industriel tant les chantiers sont nombreux et<br />
en pleine expansion. Dans cette zone, il y’avait beaucoup <strong>de</strong> plages mais elle ont<br />
pratiquement disparu car elles ont été envahies par les chantiers : on peut citer le vaste<br />
complexe hôtelier dont les terrassements sont en train d’être coulés par un entrepreneur<br />
Espagnol à coté du village artisanal créé par <strong>de</strong>s Baay Faal. Suivent <strong>de</strong>ux lots qui<br />
appartiendraient à un expert en ingénierie financière proche du Chef <strong>de</strong> l’Etat. Une clinique<br />
(non encore fonctionnelle) appartenant à un Libanais est suivie par le complexe hôtelier « Sea<br />
Plaza » qui comprend <strong>de</strong>ux entités (le centre commercial Sea Plaza et le Radisson SA Hôtel).<br />
On attribue l’appartenance <strong>de</strong> ce vaste complexe situé en plein cœur du Dpm à <strong>de</strong> hauts<br />
dignitaires du régime. Suivent le Mémorial du Souvenir dédié au bateau « <strong>Le</strong> Joola », les <strong>de</strong>ux<br />
colonna<strong>de</strong>s couleur sable, vestiges <strong>de</strong> l’époque dioufienne semblent perdus dans ce vaste<br />
espace qui englobe un parcours sportif, l’hôtel « Terrou-Bi » et le « Magic Land ». Un peu en<br />
retrait, l’Anoci a entreposé dans un vaste terre plein ses matériaux <strong>de</strong> construction à côté <strong>de</strong> la<br />
future Briga<strong>de</strong> <strong>de</strong> Surveillance <strong>de</strong> l’Ile Ma<strong>de</strong>leine.<br />
Il y a enfin les pêcheurs traditionnels <strong>de</strong> Sumbédjun dans une Baie que se partagent un<br />
Marché aux Poissons, le Village Artisanal, une Ecole Primaire et le Cimetière <strong>de</strong>s Abattoirs.<br />
Ces installations, bien qu’anciennes, sont toutes situées sur le Dpm.<br />
La Zone C du Cap Manuel : 83, 245 hectares.<br />
Elle va <strong>de</strong> la Baie <strong>de</strong>s Ma<strong>de</strong>leines en passant par les Cap Manuel à la fin du premier tiers <strong>de</strong> la<br />
Corniche Est. Toutes les constructions <strong>de</strong> cette zone sont situées dans le Dpm mais sont en<br />
hauteur sur la falaise à une exception près, celle d’une habitation construite carrément sur une<br />
plage ouverte à la baigna<strong>de</strong>. Dans cette partie <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> la Corniche Est, il y a peu <strong>de</strong> villas.<br />
<strong>Le</strong>s bâtiments qui y prédominent sont <strong>de</strong>s hôtels, <strong>de</strong>s cliniques, un camp militaire, <strong>de</strong>s aires <strong>de</strong><br />
jeux et <strong>de</strong>s clubs socio sportifs appartenant à <strong>de</strong>s associations d’expatriés Français ou <strong>de</strong><br />
Libanais. <strong>Le</strong>s terrains qui appartiennent à cette catégorie du Dpm figurent parmi les plus<br />
prisés. « Elles n’ont pas <strong>de</strong> prix », nous dit un architecte expérimenté. Elles peuvent coûter<br />
jusqu’à 1,5 million <strong>de</strong> francs Cfa voire 2,5 millions <strong>de</strong> francs Cfa le mètre carré.<br />
7
Carte # 8 : image par satellite <strong>de</strong> la zone C du Cap Manuel<br />
La Zone D (2 e tiers <strong>de</strong> la Corniche Est) : 10,614 hectares est <strong>de</strong>venue très prisée et fait<br />
l’objet d’une convoitise ouverte par les quartiers d’affaires internationaux et étrangers<br />
implantés localement sur la longue durée.<br />
Carte # 9 : image satellitaire <strong>de</strong> la Corniche Est (Zone D)<br />
La Zone E (<strong>de</strong>rnier tiers <strong>de</strong> la Corniche Est) : 39,284 hectares. Cette zone peuplée <strong>de</strong><br />
restaurants, d’hotels et <strong>de</strong> clubs fermés reste l’une <strong>de</strong>s zones les plus chères <strong>de</strong> la capitale.<br />
La Zone F (Baie <strong>de</strong> Hann/Yaraax) : 602,917 hectares représente le niveau <strong>de</strong> violation du<br />
Dpm le plus massif et, sans doute, avec le plus <strong>de</strong> conséquences sur l’évolution<br />
environnementale et l’équilibre écologique <strong>de</strong> cette partie du littoral. La plupart <strong>de</strong>s maisons<br />
sont plantées à moins <strong>de</strong> 50 mètres <strong>de</strong>s plus hautes vagues, ce qui à terme va poser <strong>de</strong>s défis<br />
quasi insurmontables au cas où le niveau général <strong>de</strong>s océans s’élèverait par suite <strong>de</strong>s effets<br />
8
attendus du réchauffement <strong>de</strong> la planète et subséquemment <strong>de</strong>s fontes glaciaires en<br />
provenance <strong>de</strong>s pôles.<br />
Carte # 11 : Vue satellitaire <strong>de</strong> la zone F <strong>de</strong> Hann Yaraax<br />
<strong>Le</strong> littoral <strong>de</strong> Guédiawaay (zone G : 916 m2)) présente les caractéristiques d’un espace en<br />
pleine mutation, compte tenu <strong>de</strong> l’explosion démographique dont il est l’épicentre <strong>de</strong>puis<br />
quelques années, et, <strong>de</strong> l’ampleur <strong>de</strong>s inondations qui ont déstabilisé <strong>de</strong>s populations<br />
extrêmement pauvres persécutées par les lacs et les marigots spontanément réhabilités par les<br />
pluies importantes du quinquennat passé mais qui étaient restés dans un état latent pendant<br />
<strong>de</strong>s décennies, compte tenu <strong>de</strong> la sécheresse cyclique qui a frappé le Sahel au cours <strong>de</strong>s<br />
décennies passées. <strong>Le</strong> Dpm violé <strong>de</strong> cette zone reste encore très faible mais pourrait<br />
rapi<strong>de</strong>ment se transmuer en une zone <strong>de</strong> prédilection pour les sans-abris <strong>de</strong>venus nombreux<br />
<strong>de</strong>puis les inondations. Il faut craindre que cette situation ne change radicalement au cours <strong>de</strong>s<br />
toutes prochaines années compte tenu <strong>de</strong>s changements drastiques que vont connaître toutes<br />
ces zones <strong>de</strong>s bas-fonds <strong>de</strong> la périphérie inondée en maintes endroits par <strong>de</strong>s marigots qui ont<br />
débordé <strong>de</strong> leur lit originel ou <strong>de</strong>s lacs qui avaient été ensevelis mais ont refait surface à la<br />
faveur <strong>de</strong>s pluies généreuses <strong>de</strong> l’hivernage 2008 qui ont augmenté le nombre <strong>de</strong>s sans-abri<br />
<strong>de</strong> cette zone.<br />
Carte # 12 : image par satellite <strong>de</strong> la Zone G<br />
(Guédiawaay)<br />
9
La zone H <strong>de</strong> Malika dispose d’un littoral dunaire balayé en permanence par les alizés venus<br />
du large et par <strong>de</strong>s vents charriant le sable fin <strong>de</strong>s plages <strong>de</strong>puis les côtes mauritaniennes. Une<br />
muraille verte <strong>de</strong> filaos y a été implantée sur une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> plusieurs décennies pour<br />
stabiliser les dunes. Malheureusement, toute cette zone a été pillée pour son sable fin prisé <strong>de</strong>s<br />
camionneurs qui le reven<strong>de</strong>nt à prix d’or à <strong>de</strong>s clients qui ne construisent qu’en ciment et<br />
sable <strong>de</strong> mer. <strong>Le</strong> pillage a également porté sur le bois <strong>de</strong> filao (une espèce importée <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong><br />
et qui s’est remarquablement adaptée au climat soudano sahélien), bois utilisé comme source<br />
alternative d’énergie ou pour les échafaudages <strong>de</strong> bungalows, etc.<br />
Carte # 13 : image par satellite <strong>de</strong> la<br />
Zone H <strong>de</strong> Malika<br />
La fréquence <strong>de</strong> violation du Dpm (3,556 hectares) n’a pas encore atteint la côte d’alerte en<br />
ces endroits compte tenu <strong>de</strong> la faible <strong>de</strong>nsité humaine jusque récemment. Mais cette donne<br />
commence à s’inverser avec l’urbanisation ultra rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Malika et <strong>de</strong>s petites cités<br />
environnantes ainsi que la décharge d’ordures <strong>de</strong> Mbëbëss qui fait vivre toute une catégorie <strong>de</strong><br />
franges extrêmement vulnérables <strong>de</strong> la population vivant <strong>de</strong> la commercialisation d’objets<br />
récupérés et recyclés par les petites industries artisanales <strong>de</strong> la presqu’île.<br />
Comme l’indique le diagramme # 1 ci-<strong>de</strong>ssous les zones F (Yaraax : 602 hectares !), C (Cap<br />
Manuel : 83 hectares) et E (Corniche Est : 71 hectares) sont <strong>de</strong> loin celles qui connaissent le<br />
plus grave niveau <strong>de</strong> violation <strong>de</strong> l’espace protégé du Dpm avec la complicité active <strong>de</strong> l’Etat.<br />
10
Cette tendance semble s’accélérer et appelle un sursaut à la fois étatique et citoyen pour<br />
arrêter les violations incriminées qui représentent <strong>de</strong>s valeurs pécuniaires et fiscales<br />
considérables, malheureusement perdues pour la collectivité nationale par le laxisme avec<br />
lequel ce bien <strong>public</strong> quintessentiel qu’est le Dpm est géré par la prise <strong>de</strong> décision nationale.<br />
Graphique # 1<br />
Evolution par ordre d'importance <strong>de</strong>s superficies<br />
violées du Dpm<br />
602 917<br />
3 556<br />
918<br />
23 652 71 240<br />
83 245<br />
10 614<br />
39 284<br />
La position géographique <strong>de</strong> l’épicentre <strong>de</strong>s violations du Dpm indique qu’il y a eu une<br />
superposition <strong>de</strong> violations sur une longue pério<strong>de</strong> qui remonte, pour les populations Lébu<br />
autochtones, à <strong>de</strong>s siècles voire <strong>de</strong>s millénaires, et, pour les populations françaises <strong>de</strong> la<br />
pério<strong>de</strong> coloniale, à partir <strong>de</strong>s années 1850, à l’intérieur <strong>de</strong> toute la zone pionnière du<br />
« Plateau » <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> dès sa création selon le concept <strong>de</strong> la séparation raciale (les Blancs<br />
habitant le centre <strong>de</strong> la ville, du port et <strong>de</strong> la zone industrielle naissante et les « indigènes, la<br />
« médina », vocable transposé <strong>de</strong>s conquêtes militaires <strong>de</strong> Faidherbe, du temps où il était en<br />
poste dans l’Algérie colonisée). <strong>Le</strong>s troisième et quatrième vagues d’occupants illégaux du<br />
Dpm qu’ils soient autochtones ou allogènes se sont installées en fonction <strong>de</strong>s différents plans<br />
d’aménagement <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, notamment à partir <strong>de</strong> 1945.<br />
L’analyse <strong>de</strong> ces tendances lour<strong>de</strong>s indique, par conséquent, que le phénomène d’occupation<br />
du littoral remonte à <strong>de</strong>s époques antérieures qui ont probablement précédé la création <strong>de</strong><br />
<strong>Dakar</strong> en tant que port d’escale puis métropole d’affaires et enfin capitale <strong>de</strong> l’ensemble<br />
« sénégalais ». Selon les témoignages <strong>de</strong>s explorateurs Portugais, Anglais et Français qui ont<br />
visité la presqu’île du Cap Vert durant la pério<strong>de</strong> précoloniale, le littoral atlantique a surtout<br />
été utilisé par les Lébus <strong>de</strong> façon épisodique à travers la construction <strong>de</strong> huttes sommaires qui<br />
servaient d’abris aux pécheurs <strong>de</strong> cette communauté soit pour se reposer avant d’entreprendre<br />
<strong>de</strong> longues distances entre Ndar et Ndakaaru en passant par les ports d’escale clairsemés sur<br />
tout le littoral atlantique sénégalais, soit pour réarmer leurs embarcations et s’approvisionner<br />
en eau douce dans les séyaan (marigots, en wolof) environnants.<br />
Durant la pério<strong>de</strong> coloniale, la désertion <strong>de</strong> l’Ile <strong>de</strong> Gorée après la gran<strong>de</strong> peste qui a décimé<br />
la population française au début du 19 e siècle suivie par l’occupation <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, malgré<br />
l’existence d’une République Lébu, sous l’impulsion <strong>de</strong> Dial Diop notamment, a conduit les<br />
11<br />
A<br />
B<br />
C<br />
D<br />
E<br />
F<br />
G<br />
H
colons Français a concevoir <strong>Dakar</strong> comme un port d’escale <strong>de</strong>stiné à servir <strong>de</strong> point d’appui<br />
aux activités commerciales et <strong>de</strong> pillage ainsi qu’à l’activisme militaire à travers lequel se<br />
manifestait la conquête, dans le sang, <strong>de</strong> l’hinterland sénégalais. <strong>Le</strong>s côtes sont d’abord<br />
protégées militairement à travers <strong>de</strong>s fortifications renforcées et la construction <strong>de</strong> visières<br />
plus ou moins appropriées pour tailler en pièces les bâtiments ennemis qui s’approcheraient<br />
<strong>de</strong> la zone côtière. A partir du début du 20 e siècle, la sécurisation <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> comme l’une <strong>de</strong>s<br />
communes les plus importantes <strong>de</strong> la colonie après Saint-Louis s’affirme à travers les<br />
constructions nouvelles entre le Port <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> et le Plateau. La zone <strong>de</strong> la Baie <strong>de</strong>s<br />
Ma<strong>de</strong>leines très prisée pour la douceur <strong>de</strong> son climat a droit à ses premières bâtisses mo<strong>de</strong>stes<br />
agrémentées <strong>de</strong> tuiles roses importées <strong>de</strong> la métropole et le renforcement <strong>de</strong>s quartiers<br />
militaires. A partir <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du 19 e siècle, le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> <strong>de</strong>vient<br />
irrémédiablement lié à celui du Soudan voisin ainsi qu’aux territoires ouest africains<br />
« pacifiés » grâce à <strong>de</strong>s tueries d’un niveau génocidaire. L’affirmation <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> comme la<br />
capitale <strong>de</strong> l’ « Afrique occi<strong>de</strong>ntale française » rend possible la construction <strong>de</strong> nouvelles<br />
maisons sur le bord du littoral, l’occupation progressive <strong>de</strong> la zone <strong>de</strong>s marigots <strong>de</strong>vant la baie<br />
<strong>de</strong> Yaraax et la construction d’unités industrielles liées aux besoins d’expansion <strong>de</strong>s maisons<br />
<strong>de</strong> commerce côtières <strong>de</strong> la France impériale.<br />
<strong>Le</strong>s différents « plans d’aménagement » <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, notamment celui élaboré par Pinet<br />
Lapra<strong>de</strong>, répon<strong>de</strong>nt avant tout aux préoccupations d’une administration politique et militaire<br />
<strong>de</strong> colonisation soucieuse d’accommo<strong>de</strong>r les besoins <strong>de</strong> confort et d’approvisionnement <strong>de</strong>s<br />
colons Français installés sur place.<br />
La configuration présente <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> et l’occupation accélérée <strong>de</strong> son littoral marin sont le legs<br />
<strong>de</strong> la colonisation. <strong>Le</strong>s administrateurs Sénégalais <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> postcoloniale, <strong>de</strong> Senghor à<br />
Diouf et Wa<strong>de</strong>, n’ont fait que surfer sur <strong>de</strong>s plans déjà préétablis durant la pério<strong>de</strong> coloniale et<br />
n’ont pas réussi à modifier singulièrement la configuration coloniale <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> avec son<br />
« plateau » habité par les colons maintenant remplacés par <strong>de</strong>s Libanais et une minorité<br />
autochtone, sa « médina » indigène à présent surpeuplée, ses zones intermédiaires d’abord<br />
habitées par les « fonctionnaires » et différentes catégories <strong>de</strong> la petite-bourgeoisie<br />
autochtone, et son énorme banlieue où s’est progressivement édifiée une ville dortoir peuplée<br />
d’ouvriers, <strong>de</strong> paysans reconvertis dans l’informel et le commerce <strong>de</strong> détail et les différentes<br />
vagues <strong>de</strong>s victimes <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> « déguerpissement » accélérée par les prési<strong>de</strong>nts<br />
Senghor et Diouf puis reprise plus récemment par Wa<strong>de</strong>.<br />
<strong>Dakar</strong> étouffe sous un poids démographique galopant, une baie atlantique mal aménagée<br />
accaparée par les classes hégémoniques obsédées par le clinquant <strong>de</strong>s villas hauts <strong>de</strong> gamme.<br />
Cette métropole présente maintenant le visage d’un mégalopole primaire doté<br />
d’infrastructures <strong>de</strong> mobilité urbaine, d’assainissement et d’habitat social en déconfiture et en<br />
déphasage par rapport aux options que pourrait s’approprier une ville africaine du XXIe siècle<br />
sur le plan architectural et <strong>de</strong> réaménagement <strong>de</strong>s fonctionnalités <strong>de</strong> l’habitat social en tenant<br />
compte d’une dominante démographique très jeune largement majoritaire.<br />
L’occupation illégale du Dpm a été rendue possible par le laxisme et la corruption qui ont<br />
caractérisés les politiques successives d’aménagement du territoire et <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>. <strong>Le</strong><br />
diagramme ci-<strong>de</strong>ssous rend compte <strong>de</strong> la progression du mal <strong>de</strong>puis son épicentre du<br />
« plateau » à la baie <strong>de</strong> Yaraax et la corniche ouest prise d’assaut par les cadres et les milieux<br />
d’affaires dans le désordre architectural le plus achevé.<br />
Evaluation statistique <strong>de</strong>s violations du Dpm<br />
12
<strong>Le</strong> diagramme # 2 ci-<strong>de</strong>ssous rend compte du phénomène <strong>de</strong> libanisation progressive mais<br />
non moins significative <strong>de</strong>s parties violées du Dpm qui figurent sans doute parmi les plus<br />
prisées <strong>de</strong> cet espace <strong>de</strong> rêve. Libanais (9 %) et Français (12 %) représentent près du quart <strong>de</strong>s<br />
propriétaires <strong>de</strong>s bâtiments délinquants du Dpm, constructions abritant <strong>de</strong>s centres d’affaires,<br />
d’hôtellerie ou d’industries <strong>de</strong> plaisance plus généralement. Ces <strong>de</strong>ux catégories d’origine<br />
étrangère <strong>de</strong> la population dakaroise appartiennent à <strong>de</strong>s milieux d’affaires qui se protègent<br />
souvent sous la forme d’oligopoles dans les <strong>domaine</strong>s du bâtiment et <strong>de</strong>s travaux <strong>public</strong>s, <strong>de</strong><br />
l’électroménager, du tourisme, <strong>de</strong> la vente d’outils et <strong>de</strong> quincaillerie, <strong>de</strong> la restauration,<br />
l’hôtellerie, la pâtisserie, la boulangerie, la photographie et <strong>de</strong> façon plus générale le secteur<br />
<strong>de</strong>s services.<br />
<strong>Le</strong>s classes hégémoniques sénégalaises préfèrent généralement occuper le Dpm pour y habiter<br />
dans <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> luxe que l’on aurait du mal à trouver dans <strong>de</strong>s pays développés. Cette<br />
tendance vers l’habitat <strong>de</strong> luxe crée au sein <strong>de</strong>s couches moyennes et pauvres <strong>de</strong>s frustrations<br />
aggravées par le phénomène dévastateur <strong>de</strong> la pauvreté qui paralyse les efforts <strong>de</strong> survie <strong>de</strong><br />
près <strong>de</strong> 63 % <strong>de</strong> la population générale. Ces tendances lour<strong>de</strong>s côté sénégalais sont confortées<br />
par le nombre <strong>de</strong> cas <strong>de</strong> violations (184 cas, soit 63 % <strong>de</strong> l’ensemble) recensés par l’enquête<br />
<strong>de</strong> terrain (voir le tableau 2 ci-<strong>de</strong>ssous).<br />
Graphique # 2 : nombre et ventilation <strong>de</strong> la nationalité <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong><br />
constructions délinquantes sur le Dpm<br />
Tableau # 2 : ventilation par nationalité <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> violation du Dpm<br />
Nationalité Française 34 Effectifs 11,8% %<br />
Sénégalaise Libanaise 184 26 63,7% 9,0%<br />
13
Autres 45 15,6%<br />
Total 289 100,0%<br />
<strong>Le</strong> tableau 3 indique le caractère irrémédiablement masculin <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> violations du Dpm qui<br />
sont en phase avec le contrôle <strong>de</strong>s richesses produites à l’échelle nationale. Sur un total <strong>de</strong><br />
289 cas <strong>de</strong> violations recensés sur l’ensemble <strong>de</strong> la presqu’île du Cap-Vert, 206 (soit 72 %)<br />
sont le fait <strong>de</strong>s hommes et 36 (12 %) le fait <strong>de</strong>s femmes dont certaines d’ailleurs ne sont<br />
parfois que <strong>de</strong>s prête-noms pour <strong>de</strong>s hommes décidés à gar<strong>de</strong>r l’anonymat pour <strong>de</strong>s raisons à<br />
la fois sociales, financières ou fiscales et politiques. La catégorie « autres » du diagramme 3<br />
relève <strong>de</strong> cas où le sexe <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong> terrains sur le Dpm n’a pu être vérifié avec<br />
certitu<strong>de</strong>.<br />
Tableau 3 : distribution par sexe <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong> constructions délinquantes sur le<br />
Dpm<br />
Sexe<br />
Effectifs %<br />
<strong>Le</strong> tableau 4 relatif à la ventilation <strong>de</strong> l’occupation socioprofessionnelle <strong>de</strong>s occupants du<br />
Dpm montre que près du tiers <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers appartiennent aux milieux d’affaires, cependant<br />
qu’environ un quart sont <strong>de</strong>s cadres, suivis par les commerçants (13 %). Il convient <strong>de</strong> noter<br />
l’absence <strong>de</strong> rigidité <strong>de</strong>s catégories sociales ainsi décrites puisque certains hommes d’affaires<br />
proviennent parfois <strong>de</strong>s milieux gouvernementaux, comme l’indique le cas typique du Maire<br />
<strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> et Prési<strong>de</strong>nt du Sénat issu <strong>de</strong>s milieux d’affaires et politicien<br />
professionnel niche dans les plus hautes sphères <strong>de</strong> l’Etat.<br />
Masculin 206 71,3%<br />
Féminin 36 12,5%<br />
Autres 47 16,3%<br />
Total 289 100,0%<br />
14
Tableau 4 : ventilation <strong>de</strong> l’occupation socioprofessionnelle <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong><br />
constructions sur le Dpm<br />
Occupations socioprofessionnelles<br />
Effectifs %<br />
Cadres 71 24,6%<br />
Commerçants 38 13,1%<br />
Hommes/Femmes affaires 86 29,8%<br />
Pêcheurs /Mareyeurs 15 5,2%<br />
Membres gouvernement 12 4,2%<br />
Hôteliers/Restaurateurs 4 1,4%<br />
Autres 63 21,8%<br />
Total 289 100,0%<br />
<strong>Le</strong>s pêcheurs/mareyeurs Lébus représentent une infime minorité <strong>de</strong>s tenants du Dpm (5 %) et<br />
sont donc les grands perdants <strong>de</strong> cette ruée vers le Dpm qu’ils ont contribué bien souvent à<br />
commercialiser par <strong>de</strong>s voies décrites plus haut 7 . La catégorie « autres » participe <strong>de</strong> maisons<br />
ou <strong>de</strong> terrains dont les propriétaires n’ont pu être i<strong>de</strong>ntifiés avec certitu<strong>de</strong> et selon les<br />
recoupements <strong>de</strong> sources d’information fiables. Il est hautement probable que la plupart <strong>de</strong><br />
ces terrains appartiennent à <strong>de</strong>s Sénégalais hommes d’affaires et/ou membres du<br />
gouvernement, ce qui ramènerait le ratio <strong>de</strong> propriété <strong>de</strong> ces 2 catégories à plus du tiers <strong>de</strong><br />
l’ensemble <strong>de</strong>s <strong>domaine</strong>s recensés.<br />
<strong>Le</strong> tableau 5 renseigne sur le type d’habitats illégalement construits sur le Dpm. En effet, près<br />
<strong>de</strong> 2/3 sont <strong>de</strong>s villas d’apparat appartenant aux classes hégémoniques et qui coûtent<br />
généralement entre 200 et 400 millions <strong>de</strong> francs Cfa voire 600 à 700 millions <strong>de</strong> francs Cfa<br />
et plus, dans certains cas. D’un point <strong>de</strong> vue économique, la construction <strong>de</strong> ces villas <strong>de</strong> luxe<br />
enrichit surtout les entreprises du BTP et ne contribue que très marginalement à la création<br />
d’emplois à revenus stables capables <strong>de</strong> booster la consommation <strong>de</strong>s ménages et par voie <strong>de</strong><br />
7 La <strong>de</strong>rnière affaire en date qui a opposé l’ancien Maire <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, et, présentement Maire <strong>de</strong> la<br />
Commune d’arrondissement <strong>de</strong> Yoof, jeté en prison dans <strong>de</strong>s conditions dégradantes autour d’une nébuleuse<br />
affaire <strong>de</strong> terrains supposément vendus à partir d’actes municipaux frauduleusement établis par <strong>de</strong> tierces parties,<br />
représente une étape importante <strong>de</strong> la lutte que mène une partie du lea<strong>de</strong>rship politique Lébu pour contrôler les<br />
terres <strong>de</strong> la « ban<strong>de</strong> verte » qui entoure l’aéroport <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>. Ces terres désherbées et occupées <strong>de</strong>puis 6 siècles<br />
par les communautés Lébus <strong>de</strong>vraient faire l’objet <strong>de</strong> négociations menées <strong>de</strong> façon participative et démocratique<br />
avec l’ensemble <strong>de</strong>s populations dakaroises. Au lieu d’occuper ces terres et <strong>de</strong> les livrer à la spéculation foncière,<br />
l’Etat gagnerait à gar<strong>de</strong>r les ultimes réserves foncières <strong>de</strong> la capitale du Sénégal pour les générations futures et<br />
aussi pour faire respirer un peu <strong>Dakar</strong> qui est littéralement étouffé par une urbanisation sauvage sans plan<br />
directeur soucieux du développement durable. Il n’y a plus un seul pouce <strong>de</strong> terrain pour les loisirs et<br />
l’assainissement écologique <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>, ce qui à terme va pousser les jeunes à exiger, au besoin par la<br />
violence, <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> détente et <strong>de</strong> sports qui leur font singulièrement défaut.<br />
15
conséquence l’économie dans son ensemble. Dans tous les cas, il y a une contradiction<br />
flagrante entre le taux <strong>de</strong> croissance plus que mo<strong>de</strong>ste (environ 3,5 %) <strong>de</strong> l’économie<br />
sénégalaise plongée dans une crise qui a frappé <strong>de</strong> plein fouet ses locomotives telles la Sar, la<br />
Sonacos, les Ics et la Senelec pour ne citer que les plus en vue, et le bourgeonnement <strong>de</strong> villas<br />
<strong>de</strong> luxe travers l’ensemble <strong>de</strong> la presqu’ile du Cap-Vert. Des investigations plus poussées<br />
menées par un Etat volontariste décidé à en découdre avec les auteurs d’enrichissement illicite<br />
pourrait sans doute, en peu <strong>de</strong> temps, soumettre les cas d’enrichissement subit et/ou suspect<br />
<strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s juridictions compétentes mais assainies et réellement indépendantes du pouvoir<br />
exécutif central. En croisant les coûts <strong>de</strong>s villas i<strong>de</strong>ntifiées avec les revenus réels <strong>de</strong>s<br />
propriétaires <strong>de</strong> ces villas, on pourrait sans doute lever un coin du voile sur ce mystère épais<br />
<strong>de</strong> la prospérité subite que respire <strong>Dakar</strong> avec ses villas et ses boli<strong>de</strong>s roulants hauts <strong>de</strong><br />
gamme.<br />
Tableau 5 : types d’habitats illégaux construits sur le Dpm<br />
Typologie <strong>de</strong>s constructions<br />
Effectifs %<br />
Villas 169 58,5%<br />
Hôtels/Bars/Restaurants 47 16,3%<br />
Informel 19 6,6%<br />
Industries 11 3,8%<br />
Services 17 5,9%<br />
Autres 26 9,0%<br />
Total 289 100,0%<br />
<strong>Le</strong> tableau 6 montre que près <strong>de</strong> 2/3 <strong>de</strong>s villas construites sur le Dpm sont achevées (souvent<br />
en un temps record) malgré la gravité <strong>de</strong> la crise économique qui frappe le Sénégal et l’a<br />
installé <strong>de</strong>puis quelques années dans une phase récessive très prononcée. Cette donnée<br />
tendrait à confirmer la thèse selon laquelle le blanchiment d’argent sale a trouvé dans la<br />
construction <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong> ces villas <strong>de</strong> luxe un terrain <strong>de</strong> prédilection privilégié sur lequel il<br />
convient <strong>de</strong> s’interroger, surtout lorsque certains <strong>de</strong>s propriétaires touchent <strong>de</strong>s salaires<br />
généralement très moyens selon les standards internationaux ou ne disposent pas d’une<br />
assiette <strong>de</strong> revenus licites connus émanant <strong>de</strong> leurs activités professionnelles. C’est sans doute<br />
ce paradoxe qui a amené plusieurs observateurs à poser la thèse <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong> comme nouvelle<br />
plaque tournante du blanchiment d’argent sale, <strong>de</strong> carrefour et <strong>de</strong> port d’escale <strong>de</strong> l’industrie<br />
narcotique mondiale à mi-chemin entre les <strong>de</strong>stinations sud-américaines et asiatiques. Cette<br />
hypothèse <strong>de</strong> travail a récemment été confortée par une <strong>public</strong>ation <strong>de</strong> l’Observatoire onusien<br />
<strong>de</strong> trafic <strong>de</strong> la drogue et <strong>de</strong> blanchiment d’argent sale.<br />
Il convient, par ailleurs, <strong>de</strong> noter que la pression foncière qui s’est brusquement accélérée<br />
dans la presqu’ile du Cap Vert au cours <strong>de</strong>s récentes années, a été aggravée par la floraison <strong>de</strong><br />
nouveaux chantiers entrepris par le chef <strong>de</strong> l’Exécutif sénégalais. <strong>Le</strong> cas <strong>de</strong> la réserve foncière<br />
16
<strong>de</strong> l’aéroport bradée à une tierce partie privée sénégalaise est une opération hasar<strong>de</strong>use 8 qui<br />
ne trouve pas <strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nt dans l’histoire <strong>de</strong> l’aménagement territorial <strong>de</strong> la presqu’ile.<br />
Tableau 6 : évolution <strong>de</strong>s constructions entreprises sur le Dpm<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> construction<br />
Effectifs %<br />
Achevé 198 68,5%<br />
Inachevé 81 28,0%<br />
Autres 10 3,5%<br />
Total 289 100,0%<br />
<strong>Le</strong> lieu <strong>de</strong> prédilection <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong>s villas les plus luxueuses installées dans le Dpm<br />
est sans conteste la zone comprise entre Yoof Waraar et la Mosquée <strong>de</strong> la Divinité (voir le<br />
tableau 6). Cette tendance a été récemment accélérée par les travaux <strong>de</strong> l’Anoci et la chaine<br />
d’hôtels <strong>de</strong> luxe en construction dans l’emprise directe du Dpm <strong>de</strong> la corniche ouest.<br />
Dans le même temps, comme le montre la carte ci-<strong>de</strong>ssous, le remembrement <strong>de</strong>s Almadies,<br />
quartier rési<strong>de</strong>ntiel haut <strong>de</strong> gamme, a eu lieu au détriment <strong>de</strong>s couches les plus pauvres <strong>de</strong> la<br />
population tenues à l’écart <strong>de</strong>puis l’époque senghorienne dans les bas-fonds les plus<br />
insalubres <strong>de</strong> la presqu’ile du Cap Vert. Cette opération d’exclusion s’est également déroulée<br />
au détriment <strong>de</strong>s Lébus qui ont d’ailleurs introduit <strong>de</strong>s plaintes pour récupérer certaines <strong>de</strong><br />
leurs terres confisquées par la boulimie foncière <strong>de</strong>s classes hégémoniques. Au moment ou<br />
8 Dans sa livraison du 23 Juin 2008, « <strong>Le</strong> Quotidien » relatait l’affaire en ces termes, sans avoir été démenti par<br />
la suite : « C’est ainsi que 30 ha à distraire du titre foncier 4 407 ont été cédés à 4410 francs Cfa le m2.<br />
L’acquéreur <strong>de</strong> cette «aubaine» se trouve être la Sci Promobilière, dont le gérant n’est autre que M. Hamadoul<br />
Mbackiou Faye. Ainsi après morcellement, Mbackiou Faye se retrouve propriétaire <strong>de</strong>s titres fonciers n° 14 842,<br />
14 843, 14 909 et 14 910. A charge pour lui <strong>de</strong> les exploiter et d’en obtenir une bonne rentabilité financière. Car<br />
il a pour mission <strong>de</strong> rémunérer la société Mansudae Overseas Project Group, l’entreprise nord coréenne qui doit<br />
ériger sur une surface <strong>de</strong> 7 ha du titre foncier n° 10 940 dans une zone communément appelée ex-champ <strong>de</strong> tirs,<br />
le Monument <strong>de</strong> la Renaissance L’Etat du Sénégal a pris la «souveraine» décision <strong>de</strong> se faire substituer dans ce<br />
dossier à une entreprise privée. Convention en date du 11 avril 2008 à l’appui. Dans cette convention, il a été<br />
clairement établi que c’est la Sci Promobilière <strong>de</strong> Mbackiou Faye qui va se substituer à l’Etat pour payer la<br />
facture <strong>de</strong> l’entreprise coréenne Mansudae Overseas Project Group. En contrepartie, il a été cédé à Mbackiou<br />
Faye tous ces hectares pour exploitation. Et ont apposé leur signature à la fin du document, le responsable <strong>de</strong><br />
Mansudae Overseas Project Group, le gérant <strong>de</strong> la Promobilière, Mbackiou Faye, le ministre d’Etat, ministre <strong>de</strong><br />
l’Urbanisme, <strong>de</strong> l’Habitat, <strong>de</strong> l’Hydraulique urbaine, <strong>de</strong> l’Hygiène publique et <strong>de</strong> l’Assainissement, M. Oumar<br />
Sarr et le ministre délégué auprès du ministre <strong>de</strong> l’Economie et <strong>de</strong>s Finances chargé du Budget, M. Ibrahima Sar.<br />
Tout ce beau mon<strong>de</strong> est donc tombé d’accord sur le modus operandi, à savoir qu’en échange <strong>de</strong>s terres, la<br />
Promobilière va se charger <strong>de</strong> payer la facture <strong>de</strong> construction du Monument <strong>de</strong> la Renaissance africaine ».<br />
<strong>Le</strong> quotidien sénégalais conclut dans la même livraison : « Ainsi donc, en donnant à exploiter près <strong>de</strong> 30 ha à<br />
une société privée, l’Etat choisit <strong>de</strong> manière délibérée d’enrichir une entreprise sans édicter les bases concrètes<br />
<strong>de</strong> ce choix. Sans pour autant épiloguer sur la légalité ou l’illégalité <strong>de</strong> l’acte posé. Dans cette zone, le m2<br />
s’échange aujourd’hui à 250 000 francs Cfa, en sachant que 30 ha font 300 000 m2, la société Promobilière peut<br />
s’attendre à <strong>de</strong>s recettes minimales <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 75 milliards <strong>de</strong> francs Cfa. Et ce chiffre n’est qu’estimatif, car il<br />
se dit qu’un autre protagoniste <strong>de</strong> l’affaire, un célèbre industriel, qui s’est dévoyé dans <strong>de</strong>s affaires foncières, a<br />
pu vendre 21 ha sur les mêmes terres, à 500 000 francs Cfa le mètre carré. Quand on sait que la construction du<br />
monument est estimé à 11 milliards…, bonjour le pactole ».<br />
17
nous menions l’enquête, près <strong>de</strong> 140 dossiers contentieux étaient dans la corbeille d’urgences<br />
<strong>de</strong>s autorités municipales <strong>de</strong> Ngoor rien que dans la zone <strong>de</strong>s Almadies (voir carte # 14 ci<strong>de</strong>ssous).<br />
Carte # 14 : <strong>Le</strong>s Almadies : 140 cas contentieux sur les terrains remembrés atten<strong>de</strong>nt<br />
d’être jugés.<br />
<strong>Le</strong> tableau # 7 ci-<strong>de</strong>ssous rend compte du phénomène <strong>de</strong> libanisation et <strong>de</strong> francisation<br />
progressives mais non moins significative <strong>de</strong>s parties violées du Dpm qui figurent sans doute<br />
parmi les plus prisées du littoral dakarois. Pris ensemble, Libanais (8,99 %) et Français<br />
(11,76%) représentent 20,75 % <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s constructions entreprises dans le périmètre<br />
du Dpm <strong>de</strong> la presqu’ile du Cap-Vert. Ce pourcentage paraît très élevé en raison <strong>de</strong> la valeur<br />
que l’on <strong>de</strong>vrait attribuer aux constructions entreprises par ces <strong>de</strong>ux communautés allogènes<br />
davantage intéressées généralement par le contrôle d’industries légères <strong>de</strong> transformation et<br />
les unités <strong>de</strong> services (restauration, parcs attractifs, casinos, hôtels, cliniques, etc). Il y a donc<br />
une nette différence en termes <strong>de</strong> valeur ajoutée entre les villas tape-à-l’œil que les Sénégalais<br />
préfèrent généralement construire et les centres d’affaires à haut ren<strong>de</strong>ment construits par<br />
Français et Libanais. Bien que créatrices d’emplois, ces petites et moyennes industries<br />
contrôlées par les étrangers participent malheureusement à la fuite <strong>de</strong>s capitaux non seulement<br />
au Sénégal mais à travers tout le continent africain.<br />
18
Tableau # 7: part prépondérante du capital étranger dans l’appropriation <strong>de</strong>s terrains<br />
construits sur le Dpm<br />
Nationalité<br />
Sénégalaise Française Libanaise Autres<br />
Total<br />
I. Grille DPM YOFF Effectifs 102 27 9 20 158<br />
WARAR % 55,4% 79,4% 34,6% 44,4% 54,7%<br />
II. Grille DPM Effectifs 37 1 9 7 54<br />
Mosquée<br />
Divinité/ATI % 20,1% 2,9% 34,6% 15,6% 18,7%<br />
III. Grille DPM Effectifs 45 6 8 18 77<br />
ATI/Hann Yarakh % 24,5% 17,6% 30,8% 40,0% 26,6%<br />
Effectifs 184 34 26 45 289<br />
Total % 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%<br />
Estimation financière <strong>de</strong>s terrains du Dpm illégalement occupés<br />
Nous avons déjà observé le phénomène <strong>de</strong> libanisation et <strong>de</strong> francisation progressive mais<br />
non moins significative <strong>de</strong>s parties violées du Dpm (cf. diagramme # 2) que ce soit pour y<br />
construire <strong>de</strong>s villas <strong>de</strong> luxe ou <strong>de</strong>s industries <strong>de</strong> services et <strong>de</strong> substitution d’importation. Il y<br />
a comme une sorte <strong>de</strong> division inégale du travail par laquelle les élites autochtones se<br />
confinent dans la consommation d’habitations hauts <strong>de</strong> gamme cependant qu’une petite<br />
minorité <strong>de</strong> Libanais et <strong>de</strong> Français appartenant aux réseaux d’affaires souvent établis <strong>de</strong>puis<br />
la pério<strong>de</strong> coloniale se taillent la part du lion en termes <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s services et <strong>de</strong>s<br />
industries installées sur le Dpm.<br />
Cette tendance prend place au détriment <strong>de</strong> la collectivité nationale et du trésor <strong>public</strong> qui<br />
per<strong>de</strong>nt en valeur absolue l’équivalent <strong>de</strong> centaines <strong>de</strong> milliards <strong>de</strong> francs Cfa lorsque que l’on<br />
rapporte la superficie <strong>de</strong>s surfaces violées du Dpm à leur valeur réelle, selon les termes du<br />
marché.<br />
Sur la base <strong>de</strong>s moyennes obtenues à partir <strong>de</strong>s prix au mètre carré du Dpm par zone et selon<br />
les tendances du marché (voir tableau # 8) appliquées aux surfaces incriminées du Dpm,<br />
surfaces calculées a partir <strong>de</strong>s données géo référencées <strong>de</strong>s cartes satellitaires les plus récentes<br />
disponibles (voir les cartes plus haut ainsi que la carte # 14 ci-<strong>de</strong>ssous), Ai<strong>de</strong> <strong>Transparence</strong> a<br />
pu établir les moyennes <strong>de</strong> valeurs indiquées dans le tableau # 7.<br />
<strong>Le</strong> tableau 8 ci-<strong>de</strong>ssous résume les tendances du marché en matière <strong>de</strong> vente <strong>de</strong>s terrains sur<br />
le Dpm dans les zones considérées.<br />
19
Tableau # 8 : moyennes <strong>de</strong>s prix du marché <strong>de</strong>s terrains du Dpm<br />
Terrains Face Mer Prix au m2 (en Cfa) Zonage DPM<br />
Yoff Plage BCEAO<br />
Yoff Warar / Mosquee Divinite /<br />
260 000 A<br />
Almadies<br />
Cap Manuel-Corniche Anse<br />
365 000<br />
B<br />
Bernard 1 000 000<br />
Corniche Est 650 000 D et E<br />
Hann Plage 250 000 F<br />
Guédiawaye 140 000 G<br />
Malika – Kër Massar 17 000 H<br />
Sources : Agence Immobilière ; Camara ; Agence Immobilière SAIM Kébé ; Immobilière Africaine ; Sénégalaise<br />
<strong>de</strong> l’Immobilier et Petites Annonces « Immobilier » ; Immolux ; Espace Immobilier.<br />
La carte # 15 permet <strong>de</strong> déconstruire le phénomène <strong>de</strong> privatisation du Dpm, et, plus<br />
particulièrement, d’en évaluer les inci<strong>de</strong>nces financières. Il convient d’ores-et-déjà <strong>de</strong> noter le<br />
caractère très conservateur <strong>de</strong>s estimations proposées ici, puisqu’elles ne ren<strong>de</strong>nt pas<br />
entièrement compte <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s prix en fonction du marché régional voire global.<br />
La valeur totale <strong>de</strong>s terrains irrégulièrement occupés du Dpm s’élève à la ron<strong>de</strong>lette somme<br />
<strong>de</strong> près <strong>de</strong> 300 milliards <strong>de</strong> francs Cfa soit l’équivalent <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte intérieure du Sénégal au<br />
mois <strong>de</strong> novembre 2008 ! (voir carte # 15). A cette somme déjà colossale, il convient<br />
d’ajouter l’estimation grossière mais néanmoins suffisamment indicative récemment donnée<br />
par le Syndicat <strong>de</strong>s architectes qui estime que la valeur <strong>de</strong>s terrains situées sur le Dpm et<br />
cédés par l’Anoci aux entreprises étrangères équivaudrait à 300 milliards <strong>de</strong> francs Cfa. La<br />
somme totale qui pourrait paraître la plus proche <strong>de</strong> la réalité s’élève ainsi à plus <strong>de</strong> 600<br />
milliards <strong>de</strong> francs Cfa soit presque l’equivalent <strong>de</strong> la moitie du budget annuel national.<br />
20<br />
C
Conclusion<br />
Cette étu<strong>de</strong> a montré que la violation récurrente du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> a <strong>de</strong> sérieuses<br />
conséquences sur la gestion du patrimoine domanial <strong>public</strong> dans son ensemble. <strong>Le</strong>s textes <strong>de</strong><br />
loi qui existent sont parfois incomplets et exigent <strong>de</strong>s révisions en profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la loi sur le<br />
<strong>domaine</strong> national ainsi que <strong>de</strong>s différents co<strong>de</strong>s supposés préserver les équilibres relatifs à<br />
l’aménagement du territoire et l’intégrité <strong>de</strong>s ressources et <strong>de</strong> l’environnement. L’expérience<br />
montre que ce sont les classes hégémoniques, politiciens et hommes d’affaires en tête, et les<br />
minorités étrangères qui violent la loi et empêchent toute la collectivité nationale présente et<br />
future d’accé<strong>de</strong>r aux plages <strong>de</strong> la presqu’île du Cap Vert et à ses ressources. Du point <strong>de</strong> vue<br />
<strong>de</strong>s équilibres environnementaux, il y a <strong>de</strong>s risques certains qui auront un effet d’entrainement<br />
sur la communauté Lébu mais aussi sur les populations majoritairement jeunes <strong>de</strong> la<br />
presqu’ile qui n’ont plus accès à <strong>de</strong>s espaces vitaux <strong>de</strong> jeux, <strong>de</strong> loisirs et d’épanouissement<br />
socio culturel.<br />
Un débat national est rendu nécessaire par les dérives répétées et graves <strong>de</strong>s gouvernements<br />
successifs dans la gestion du <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong>. <strong>Le</strong>s populations <strong>de</strong> base, les<br />
organisations <strong>de</strong> la société civile, les partis politiques et les confréries religieuses sont<br />
interpellés au premier chef par cette nécessité imparable. Si l’inertie l’emportait pour une<br />
raison ou une autre face aux urgences signalées dans cette étu<strong>de</strong>, c’est toute l’économie<br />
nationale qui en souffrirait et, au-<strong>de</strong>là, les populations vulnérables privées <strong>de</strong> terres et laissées<br />
à la merci <strong>de</strong> spéculateurs <strong>de</strong> tous crins, avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gains faciles et illicites.<br />
Il est donc temps d’agir et <strong>de</strong> s’organiser en conséquence avec un niveau d’efficacité qui<br />
transcen<strong>de</strong> les querelles byzantines auxquelles nous ont habituées les classes hégémoniques<br />
sénégalaises toutes tendances confondues.<br />
21
Carte # 15 : estimation <strong>de</strong>s valeurs financières <strong>de</strong>s parties violées du Dpm<br />
22
Textes <strong>de</strong> base<br />
Bibliographie<br />
1. Loi n° 64 – 46 du 17 juin 1964 relative au <strong>domaine</strong> national<br />
2. décret n° 64 – 573 du 30 juillet 1964 fixant les conditions d’application <strong>de</strong> la loi sur le<br />
<strong>domaine</strong> national.<br />
3. loi n° 76 – 66 du 2 juillet 1976 portant Co<strong>de</strong> du Domaine <strong>de</strong> l’Etat.<br />
4. loi n° 81 – 13 du 04 mars 1981 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Eau.<br />
5. loi n° 83 – 71 du 05 juillet 1983 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Hygiène<br />
6. loi n° 88 – 05 du 20 juin 1988 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />
7. loi n° 87 – 11 du 24 février 1987 portant vente <strong>de</strong>s terrains domaniaux en zones<br />
urbaines.<br />
8. décret n° 88 – 826 du 14 juin 1988 autorisant la vente <strong>de</strong>s terrains domaniaux.<br />
9. loi n° 96 – 07 du 22 mars 1996 portant transfert <strong>de</strong> compétence aux régions,<br />
communes et communautés rurales.<br />
10. décret n°96 – 1130 du 27 décembre 1996 portant application <strong>de</strong> la loi n°96-07 du 22<br />
mars 1996 portant transfert <strong>de</strong> compétences aux régions, aux communes et aux<br />
communautés rurales.<br />
11. décret n° 96 – 1134 du 27 décembre 1996 portant application <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> la loi<br />
n° 96 – 07 relatives à la Protection <strong>de</strong> la Nature.<br />
12. décret n° 96 – 1138 du 27 décembre 1996 portant application <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> la<br />
loi n° 96 – 07 relatives à l’Urbanisme et à l’Habitat.<br />
13. loi n° 2001 – 01 du 15 janvier 2001 portant Co<strong>de</strong> l’Environnement.<br />
14. décret n° 2001 – 282 du 12 avril 2001 portant application du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l’environnement.<br />
15. Parmi les autres textes législatifs et réglementaires nationaux en vigueur en rapport<br />
avec la<br />
16. gestion <strong>de</strong> la zone côtière, on peut citer :<br />
17.<br />
18. • la loi n° 65-32 du 19 mai 1965 relative à la police <strong>de</strong>s ports <strong>maritime</strong>s ;<br />
19. • la loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’eau ;<br />
20. • la loi n° 83-05 du 28 janvier 1983 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Environnement ;<br />
21. • la loi n° 85-14 du 25 février 1985 portant délimitation <strong>de</strong> la mer territoriale, <strong>de</strong> la<br />
zone<br />
22. contiguë et du plateau continental ;<br />
23. • la loi n° 88-05 du 20 juin 1988 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Urbanisme ;<br />
24. • la loi n° 98-03 du 8 janvier 1998 portant Co<strong>de</strong> Forestier ;<br />
25. • la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant Co<strong>de</strong> pétrolier ;<br />
26. • la loi n° 98-32 du 14 avril 1998 portant Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Pêche <strong>maritime</strong><br />
27.<br />
23
Documents<br />
1. Séminaire <strong>de</strong> la commission nationale d’aménagement du territoire : élaboration et mise en<br />
œuvre du PNAT (Rapport <strong>de</strong> synthèse, <strong>Dakar</strong> 13 janvier 1992 : document n° 13 – 93 p).<br />
2. IAGU : Profil environnemental <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Hann (Rapport <strong>de</strong> sythèse ; <strong>Dakar</strong> 1994 – 73<br />
p).<br />
3. Séminaire <strong>de</strong>s 27, 28, et 29 août 1995 sur la Baie <strong>de</strong> Hann organisé par le CRDI, la Banque<br />
Internationale pour la Reconstruction et le Développement, le PGU sous la maîtrise d’œuvre<br />
<strong>de</strong> l’UAGU (Rapport <strong>de</strong> synthèse, <strong>Dakar</strong> ; août 1995, 38 p).<br />
4. Sud Quotidien, quotidien paraissant à <strong>Dakar</strong> : livraison du 22 mars 1995, p 5.<br />
5. La lettre <strong>de</strong> l’Environnement. Bulletin d’information, <strong>de</strong> liaison et d’échanges du Ministère<br />
<strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong> la Protection <strong>de</strong> la Nature, n° 02 Novembre – Décembre 1994.<br />
6. Sud Quotidien, livraison du 13 février 1998, pp. 1 et 4.<br />
7. Sud Quotidien, livraison du 20 janvier 1999, pp. 8 et 9.<br />
Ouvrages<br />
1. AUBY (J - M) et BON (P). Droit administratif <strong>de</strong>s biens, Ed. Dalloz, Paris 1991.<br />
2. AUBY et DUCOS ADER. Droit administratif. Dalloz ; 1983.<br />
3. CAVERIVIERE (M) et DEBENE (M). <strong>Le</strong> droit foncier sénégalais, Ed. Berger-<strong>Le</strong>vrault ;<br />
Coll. Mon<strong>de</strong> en <strong>de</strong>venir, Paris 1988.<br />
4. CHAPUS (R). Droit administratif général, T.2, Ed. Montchrestien, Paris 1992.<br />
24
ANNEXE :<br />
Données relatives à l’occupation illégale du Dpm
Lots<br />
#<br />
1<br />
2<br />
3<br />
4<br />
5<br />
6<br />
7<br />
8<br />
Annexe # 1<br />
I. Grille analytique du Dpm <strong>de</strong> Yooff Waraar à la<br />
mosquée <strong>de</strong> la Divinité 1<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Yoff<br />
Ranrhar 2<br />
Libanais M Laborantin Villa <strong>de</strong><br />
Luxe<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Industriel Industrie<br />
Pêche<br />
Sénégalais M Mé<strong>de</strong>cin<br />
Clinique privée<br />
Villa <strong>de</strong><br />
Luxe<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
En cours<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Sénégalais M Villa Achevé<br />
Sénégalaise F Prof retraité Villa Achevé<br />
Libanaise F NR Villa Achevé<br />
Sénégalais M Ancien Ministre Villa Inachevé<br />
Libanais M Industriel Hôtel<br />
restau<br />
Achevé<br />
1<br />
<strong>Le</strong>s grilles <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> données ne comprennent pas les relevés <strong>de</strong> noms et d’adresses exactes pour ne pas<br />
violer le caractère confi<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong> telles informations qui relèvent, par ailleurs, <strong>de</strong> la sécurité <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s<br />
personnes ainsi que le droit à la vie privée <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong>s maisons et industries concernés. La seule<br />
exception à cette règle est celle concernant l’une <strong>de</strong>s propriétés foncières du chef <strong>de</strong> l’Etat (6 hectares) qui<br />
empiète largement sur le Dpm <strong>de</strong> Yooff près du Casino du Cap Vert. En raison <strong>de</strong> l’institution qu’il incarne,<br />
nous avons cru qu’il était important d’attirer l’attention publique sur l’attitu<strong>de</strong> personnelle du premier magistrat<br />
<strong>de</strong> la nation face en ce qui concerne la gestion démocratique du Dpm que ce soit à Yooff, sur les berges <strong>de</strong> la<br />
Somonne ou ailleurs. Autre fait notable, celui du Prési<strong>de</strong>nt du Sénat qui serait propriétaire d’un vaste complexe<br />
immobilier d’une valeur <strong>de</strong> plusieurs milliards <strong>de</strong> francs Cfa construit dans le Dpm au pied <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s collines<br />
<strong>de</strong>s Mamelles au large <strong>de</strong> Wakaam. La liste <strong>de</strong> telles violations est très longue et les personnes incriminées<br />
parfaitement connues (y compris celles dont les fonctions qu’ils occupent auraient du les dissua<strong>de</strong>r, pour <strong>de</strong>s<br />
raisons <strong>de</strong> conflits évi<strong>de</strong>nts d’intérêts, <strong>de</strong> se tailler une part respectable dans le Dpm). Mais nous avons préféré<br />
citer les exemples les plus frappants et mettre l’accent sur les faits et les processus relatifs aux incursions<br />
illégales dans le Dpm..<br />
2<br />
L’orthographie <strong>de</strong>s localités décrites comme Ranrhar, transcription coloniale <strong>de</strong> Waraar n’a pas été rectifiée<br />
dans les grilles <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> données.
Lots<br />
#<br />
9<br />
10<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalaise M NR Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
11 Yoff<br />
Ranrhar<br />
12<br />
13<br />
14<br />
15<br />
16<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Lots<br />
#<br />
17<br />
18<br />
19<br />
20<br />
21<br />
22<br />
23<br />
24<br />
Sénégalaise M Cinéaste Villa Achevé<br />
Sénégalaise F Pharmacienne Villa Achevé<br />
Suisse M Homme d’affaires Villa Achevé<br />
Sénégalaise M Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalaise M Ancien<br />
Gouverneur<br />
Villa Achevé<br />
Sénégalaise F NR Villa Inachevé<br />
Sénégalaise M Industriel Usine <strong>de</strong><br />
Pêche<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalaise M<br />
?<br />
Achevé<br />
Villa Achevé<br />
Sénégalaise F Femme d’affaires Villa Achevé<br />
Sénégalaise M Officier en<br />
retraite<br />
Sénégalaise M<br />
Sénégalaise M Expert comptable<br />
décédé<br />
Sénégalaise M Ancien Ministre Villa <strong>de</strong><br />
Luxe<br />
Sénégalais M Ancien PDG<br />
Décédé<br />
?<br />
Villa Achevé<br />
Villa Achevé<br />
Villa Achevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
achevé<br />
Villa Achevé
Lots<br />
#<br />
25<br />
26<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
27 Yoff<br />
Ranrhar<br />
28<br />
29<br />
30<br />
31<br />
32<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Française M/F Industriel Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Française M Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Villa Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Villa Achevé<br />
Sénégalais M Homme<br />
d’Affaires<br />
Libanais M Homme<br />
d’Affaires<br />
Villa achevé<br />
Villa Achevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction
Lots<br />
#<br />
33<br />
34<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Libanais M Commerçant Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
35 Yoff<br />
Ranrhar<br />
36<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
37 Yoff<br />
Ranrhar<br />
38<br />
39<br />
40<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Français M Cadre Villa Achevé<br />
Terrain litigieux non attribué<br />
Sénégalais M Homme d’affaires Villa Inachevé<br />
Sénégalais M Homme d’affaires Villa Achevé<br />
Français M Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalais M Ministre Villa Achevé
Lots<br />
#<br />
41<br />
42<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Professeur Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
43 Yoff<br />
Ranrhar<br />
44 Yoff<br />
Ranrhar<br />
45<br />
46<br />
47<br />
48<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Français M Industriel Usine Achevé<br />
Français M Industriel Villa Achevé<br />
Français M Industriel Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Inachevé<br />
Villa Inachevé<br />
Sénégalais M Homme d’affaires Villa Achevé
Lots<br />
#<br />
49<br />
50<br />
Lots<br />
#<br />
57<br />
58<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Français M Cadre Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Homme d’affaires Villa Inachevé<br />
59 Yoff<br />
Ranrhar<br />
60 Yoff<br />
Ranrhar<br />
61<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
62 Yoff<br />
Ranrhar<br />
63<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Pétrolier Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
51 Yoff<br />
Ranrhar<br />
52 Yoff<br />
Ranrhar<br />
53<br />
54<br />
55<br />
56<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Homme<br />
d’Affaires<br />
Sénégalais M Homme<br />
d’Affaires<br />
Terrain nu Terrain nu<br />
Français M Cadre Villa Achevé<br />
Français M Homme d’affaires Villa Achevé<br />
Français M<br />
Sénégalais M<br />
?<br />
?<br />
Villa Inachevé<br />
Portugais M Hors du pays Villa Achevé<br />
Sénégalais M PDG Walfadjiri Villa Inachevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalais M Marabout Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Libanais M Entrepreneur Villa Achevé<br />
-<br />
Terrain nu<br />
Villa Inachevé
64<br />
Lots<br />
#<br />
65<br />
66<br />
Lots<br />
#<br />
73<br />
74<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Commerçant Villa Inachevé<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Ranrhar<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Virage<br />
67 Yoff<br />
Virage<br />
68 Yoff<br />
Virage<br />
69<br />
70<br />
71<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Yoff<br />
Virage<br />
72 Yoff<br />
Virage<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Français M Cadre Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Virage<br />
75 Yoff<br />
Virage<br />
76 Yoff<br />
Virage<br />
Libanais M Commerçant Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalais M Journaliste Villa Achevé<br />
Alleman<strong>de</strong> M<br />
Terrain nu<br />
Sénégalais F Commerçante Commerce Achevé<br />
Français M Hôtelier Hôtel Cap<br />
Ouest<br />
?<br />
Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Nationalité<br />
Américaine<br />
M Homme d’affaires Villa Achevé<br />
Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Villa Mi-Achevé
77<br />
78<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Yoff<br />
Virage<br />
79 Yoff<br />
Virage<br />
80<br />
Lots<br />
#<br />
81<br />
82<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Français M Homme d’affaires Villa Achevé<br />
Sénégalais M Mécanicien Garage Inachevé<br />
Libanais M Homme d’affaires Hôtel le<br />
Virage<br />
Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Cabanon Achevé<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Sénégalais M Commerçant Cabanon Achevé<br />
Yoff<br />
Virage<br />
83 Yoff<br />
Virage<br />
84 Yoff<br />
Virage<br />
85<br />
86<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Yoff<br />
Virage<br />
87 Yoff<br />
Virage<br />
88<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Sénégalais M Commerçant Cabanon Achevé<br />
Sénégalaise F Commerçante Restaurant Inachevé<br />
Sénégalais M Commerçant Buvette Mi-Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Buvette Mi-Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Buvette Inachevé<br />
Sénégalaise F Restauratrice Restaurant Mi-Achevé<br />
Sénégalais M Pharmacien Villa Achevé
Lots<br />
#<br />
89<br />
90<br />
Lots<br />
#<br />
97<br />
98<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Ngor Français M Hôtelier Hôtel<br />
SUNUGAL<br />
Ngor<br />
99 Ngor<br />
100 Ngor<br />
101<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Sénégalais M Chef Religieux Villa Achevé<br />
Yoff<br />
Virage<br />
91 Yoff<br />
Virage<br />
92 Yoff<br />
Virage<br />
93<br />
94<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Yoff<br />
Virage<br />
95 Yoff<br />
Virage<br />
96<br />
Yoff<br />
Virage<br />
Ngor<br />
Sénégalais M Commerçant Villa Achevé<br />
Sénégalaise F Ex-Ministre du<br />
Tourisme<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Achevé<br />
Sénégalaise F Femme d’affaires Villa Inachevé en<br />
Chantier<br />
Français M Cadre Villa Inachevé en<br />
Chantier<br />
Sénégalais M Homme<br />
d’affaires<br />
Villa Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Villa à<br />
Usage <strong>de</strong><br />
Bureaux<br />
Villa<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Sénégalais M Homme d’affaires Villa Inachevé<br />
Villa Inachevé en<br />
Chantier<br />
Terrain vague mûré <strong>de</strong> plusieurs hectares appartenant (jusque récemment)<br />
à M. Abdoulaye Wa<strong>de</strong>, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République du Sénégal. Nous<br />
n’avons pu trouver une pièce justificative montrant que le Chef <strong>de</strong> l’Etat a<br />
renoncé formellement à ce titre <strong>de</strong> propriété comme publiquement annoncé
Ngor<br />
102<br />
103 Ngor<br />
104<br />
Lots<br />
#<br />
105<br />
106<br />
Ngor<br />
Français M Cadre Nestlé Villa Achevé<br />
Sénégalais M _ Terrain nu Terrain nu<br />
Sénégalais M _ Terrain nu Terrain nu<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Ngor Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Ngor<br />
107 Ngor<br />
108 Ngor<br />
Ngor<br />
109<br />
110 Ngor<br />
111<br />
112<br />
Ngor<br />
Ngor<br />
Sénégalais M Commerçant Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé<br />
Libanais M Industriel Hôtel<br />
Calao<br />
Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Restaurant Achevé<br />
Française F Cadre Hôtel la<br />
Madrague<br />
Achevé<br />
Français M Industriel Restaurant Achevé<br />
Française F Commerçante Restaurant Achevé
Lots<br />
#<br />
113<br />
114<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
d’habitat construction<br />
Ngor Français M Commerçant Restaurant Achevé<br />
Ngor<br />
115 Ngor<br />
116 Ngor<br />
Ngor<br />
117<br />
118 Ngor<br />
119<br />
120<br />
Ngor<br />
Almadies<br />
Sénégalais M Pêcheur Débarcadère Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Restaurant Achevé<br />
M Commerçant Bar Achevé<br />
?<br />
Sénégalais M Commerçant Centre <strong>de</strong><br />
Pêche<br />
Achevé<br />
Petit<br />
Bâtiment<br />
Achevé<br />
Français M Industriel Hôtel<br />
Abaka<br />
Française F Industrielle Hôtel<br />
Crêperie<br />
Bretonne<br />
Achevé<br />
Achevé
Lots Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
#<br />
d’habitat<br />
121 Almadies Vietnamienne F Hôtelière Hôtel <strong>Le</strong><br />
Recif <strong>de</strong>s<br />
Almadies<br />
122<br />
Sénégalaise Industielle Bassin Fruits<br />
Almadies<br />
<strong>de</strong> Mer<br />
123<br />
124<br />
125<br />
Almadies<br />
Almadies<br />
Almadies<br />
126 Almadies<br />
127 Almadies<br />
128 Almadies<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Français M Hôtelière Hôtel <strong>de</strong>s<br />
Almadies Ex-<br />
Club Med<br />
Achevé<br />
Sénégalais<br />
M Commerçant Buvette Inachevé<br />
Sénégalaise F Commerçante Buvette Achevé<br />
Sénégalais M Commerçant Buvette Achevé<br />
?<br />
?<br />
?<br />
?<br />
?<br />
?<br />
Villa en<br />
Chantier<br />
Villa en<br />
Chantier<br />
Inachevé<br />
Inachevé
Lots Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
#<br />
d’habitat<br />
129 Almadies<br />
M<br />
Villa en<br />
?<br />
? Chantier<br />
130<br />
131<br />
132<br />
Lots<br />
#<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
137 Almadies<br />
138<br />
139<br />
139<br />
bis<br />
140<br />
Almadies<br />
Almadies<br />
Almadies<br />
133 Almadies<br />
134 Almadies<br />
135 Almadies<br />
136 Almadies<br />
Almadies<br />
Almadies<br />
Sénégalais M Chef Religieux<br />
Sénégalais<br />
M Chef Religieux<br />
Sénégalais Religieux Lieu <strong>de</strong><br />
Prières<br />
Almadies Sénégalais M<br />
Almadies<br />
141 Almadies<br />
142 Almadies<br />
?<br />
M<br />
Sénégalais M Homme<br />
d’Affaires<br />
Sénégalais<br />
?<br />
M Homme<br />
d’Afffaires<br />
?<br />
Villa en<br />
Chantier<br />
Etat <strong>de</strong>s<br />
travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Villa Achevé<br />
Mosquée Inachevé<br />
Villa en<br />
Chantier<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Inachevé<br />
Inachevé<br />
Buvette Inachevé<br />
Restaurant Inachevé<br />
Sénégalaise F Commerçante Restaurant Inachevé<br />
Français M Industrielle Usine Pêche Achevé<br />
Sénégalais<br />
Africains<br />
M<br />
M<br />
Cadre<br />
Cadres<br />
Villa en<br />
Chantier<br />
Inachevé<br />
Villa Achevé<br />
Inachevé<br />
Inachevé<br />
Française F Cadre Villa Achevé<br />
Sénégalais F Commerçante Villa Achevé<br />
Sénégalais M Cadre Villa Achevé
143<br />
Mamelles<br />
144 Mamelles<br />
Lots<br />
#<br />
Espagnol<br />
Sénégalais<br />
M<br />
M<br />
Homme d’Affaires<br />
Prési<strong>de</strong>nt du Sénat<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
145 Mosquée<br />
Divinité<br />
146<br />
Mosquée<br />
Divinité<br />
147 Mosquée<br />
Divinité<br />
148 Mosquée<br />
Divinité<br />
149<br />
Mosquée<br />
Divinité<br />
150 Mosquée<br />
Divinité<br />
151 Mosquée<br />
Divinité<br />
152 Mosquée<br />
Divinité<br />
Lots<br />
#<br />
Hôtel Achevé<br />
Baobab les<br />
Mamelles<br />
Hôtel Nety’s Achevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Sénégalaise F Mareyeuse Cabanon Inachevé<br />
Sénégalais<br />
M Pêcheur Cabanon Inachevé<br />
Sénégalais M Pêcheur Cabanon Inachevé<br />
Sénégalais M Pêcheur<br />
Cabanon Inachevé<br />
Sénégalais M Pêcheur Cabanon Inachevé<br />
Sénégalaise F Mareyeuse Cabanon Inachevé<br />
Sénégalaise F Mareyeuse Cabanon Inachevé<br />
Sénégalais M Pêcheur Cabanon Inachevé<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
153 Mosquée<br />
Divinité<br />
154<br />
Mosquée<br />
Divinité<br />
155 Mosquée<br />
Divinité<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Sénégalaise F Mareyeuse Cabanon Inachevé<br />
Sénégalaise<br />
F Mareyeuse Cabanon Inachevé<br />
Sénégalaise F Mareyeuse Cabanon Inachevé
156 Mosquée<br />
Divinité<br />
157<br />
Mosquée<br />
Divinité<br />
Sénégalais M Pêcheur<br />
Cabanon Inachevé<br />
Français M Industriel Usine Pêche Achevé
Lots<br />
#<br />
ANNEXE # 2<br />
II. GRILLE ANALYTIQUE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME DE LA MOSQUEE<br />
DE LA DIVI NITE A ATI<br />
1 Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
2<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Mer 2 e porte<br />
Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
Mer 2 e porte<br />
3 Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
Mer 2 e porte<br />
4 Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
Mer 2 e porte<br />
5 Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
Mer 2 e porte<br />
6 Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
7<br />
8<br />
Mer 2 e porte<br />
Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
Mer 2 e porte<br />
Fenêtre<br />
Mermoz sur<br />
Mer 2 e porte<br />
Sénéglocapverdienne<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
F<br />
M<br />
M<br />
F<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Entrepreneur<br />
Cadre<br />
Ancien<br />
ministre<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Cadre<br />
Cadre<br />
Cadre<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Inachevé<br />
Terrain nu<br />
Achevé<br />
Terrassements<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé
Lots<br />
#<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
9 Cité <strong>de</strong>s<br />
Enseignants<br />
10<br />
Cité <strong>de</strong>s<br />
Enseignants<br />
11 Cité <strong>de</strong>s<br />
Enseignants<br />
12 Cité <strong>de</strong>s<br />
Enseignants<br />
13 Cité <strong>de</strong>s<br />
Enseignants<br />
14 Cité <strong>de</strong>s<br />
Enseignants<br />
15<br />
16<br />
Lots<br />
#<br />
17<br />
18<br />
19<br />
Fann<br />
Fann<br />
Alleman<strong>de</strong><br />
Sénégalaise<br />
européen<br />
Française<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Américaine<br />
Libanaise<br />
F<br />
M<br />
M<br />
F<br />
M<br />
---<br />
Tous<br />
Confondus<br />
M<br />
Enseignant<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Cadre<br />
Cadres<br />
---<br />
Cadres<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Villa<br />
De luxe<br />
Hôtel<br />
Waterfront<br />
Villa<br />
De luxe<br />
Villa<br />
Riviera<br />
Immobilier<br />
Villa<br />
AMORC<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Fann<br />
Fann<br />
Fann<br />
Libanaise<br />
Libanaise<br />
Saoudien<br />
M<br />
M<br />
M<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Souverain<br />
décédé<br />
Villa<br />
Villa<br />
Rési<strong>de</strong>nce<br />
Al Salam<br />
Vaste<br />
Rési<strong>de</strong>nce<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Achevé<br />
En chantier<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Clôturé
20 Fann<br />
21 Fann<br />
22<br />
23<br />
24<br />
Lots<br />
#<br />
25<br />
26<br />
27<br />
Fann<br />
Fann<br />
Fann<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
Prési<strong>de</strong>nt du<br />
Sénat<br />
Ministre <strong>de</strong>s<br />
Finances<br />
Cadre<br />
Cadre<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Fann<br />
Fann<br />
Fann<br />
28 Fann<br />
29<br />
30<br />
31<br />
32<br />
Fann<br />
Fann<br />
Fann<br />
Fann<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Libanaise<br />
Libanaise<br />
Libanaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
---<br />
M<br />
F<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Société<br />
immobilière<br />
Cadre<br />
Femme<br />
d’affaires<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Terrain <strong>de</strong><br />
tennis<br />
Villa<br />
Villa<br />
Vaste<br />
rési<strong>de</strong>nce<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
En chantier<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé
Lots<br />
#<br />
33<br />
34<br />
35<br />
36<br />
37<br />
38<br />
39<br />
40<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Sénégalaise<br />
espagnol<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Libanais<br />
?<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
-<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
?<br />
M<br />
M<br />
Fabrication<br />
objet d’art<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Spécialiste en<br />
ingénierie<br />
financière<br />
Spécialiste en<br />
ingénierie<br />
financière<br />
Mé<strong>de</strong>cin<br />
?<br />
Etat Sénégal<br />
Etat Sénégal<br />
Village<br />
artisanal<br />
Très vaste<br />
lot hôtel ???<br />
Villa<br />
Terrain nu<br />
Clinique pas<br />
encore<br />
fonctionnelle<br />
Complexe<br />
hôtelier<br />
Place du<br />
souvenir<br />
bateau le<br />
Joola<br />
Deux<br />
monuments<br />
Pierre <strong>de</strong><br />
sable<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Inachevé<br />
Terrassement<br />
En chantier<br />
Terrain nu<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Achevé
Lots<br />
#<br />
41<br />
42<br />
43<br />
44<br />
45<br />
46<br />
47<br />
48<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Libanais<br />
Sénégalaise<br />
Libanais<br />
Sénégalaise<br />
F<br />
-<br />
M<br />
-<br />
M<br />
M<br />
M<br />
-<br />
Femme<br />
d’affaires<br />
-<br />
Commerçant<br />
-<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Juriste<br />
Ensemble<br />
démontable<br />
<strong>de</strong> jeux<br />
Kay bondé<br />
Station<br />
d’épuration<br />
Parcours<br />
Sportif<br />
Chantier<br />
Hôtel<br />
Terrou-Bi<br />
Restaurant<br />
Relais<br />
Sportif<br />
Magic Land<br />
Villa<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé
Lots<br />
#<br />
49<br />
50<br />
54<br />
51<br />
52<br />
53<br />
Adresse I<strong>de</strong>ntification Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Corniche<br />
Ouest<br />
Poste <strong>de</strong><br />
comman<strong>de</strong>ment<br />
briga<strong>de</strong> Iles<br />
Ma<strong>de</strong>leine<br />
Marché aux<br />
poissons<br />
Soumbédioune<br />
Sénégalaise<br />
Village artisanal<br />
Soumbédioune<br />
Ecole primaire<br />
Soumbédioune<br />
Cimetière<br />
Abbatoirs<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
-<br />
-<br />
Porte du<br />
Millénair<br />
e<br />
-<br />
-<br />
-<br />
Surveillance<br />
Ile<br />
Ma<strong>de</strong>leine<br />
Achat et<br />
vente <strong>de</strong><br />
poissons<br />
Monument<br />
Vente objet<br />
d’art<br />
-<br />
-<br />
Gran<strong>de</strong><br />
Bâtisse<br />
Marché<br />
Village<br />
artisanal<br />
Ecole<br />
Primaire<br />
Cimetière<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Inachevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé
Lots<br />
#<br />
1<br />
2<br />
3<br />
4<br />
5<br />
6<br />
7<br />
8<br />
Lots<br />
#<br />
9<br />
10<br />
ANNEXE # 3<br />
III. GRILLE ANALYTIQUE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME DE ATI AU<br />
MARCHE AUX POISSSONS DE HANN YARAAX<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Sénégalaise<br />
?<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Libanaise<br />
?<br />
Libanaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
?<br />
M<br />
M<br />
M<br />
?<br />
F<br />
M<br />
Import-export<br />
riz<br />
?<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
émigré<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
?<br />
Femme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Hôtel<br />
Sokhamon<br />
Villa<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Libanaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
---<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
---<br />
Villa<br />
Sporting<br />
Club<br />
Villa<br />
Bureaux<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Achevé<br />
Achevé
11<br />
12<br />
13<br />
14<br />
15<br />
16<br />
Lots<br />
#<br />
17<br />
18<br />
19<br />
20<br />
21<br />
22<br />
23<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Boulevard<br />
Roosevelt<br />
Avenue <strong>de</strong>s<br />
Diambars<br />
Rue Pasteur<br />
---<br />
Libanaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
---<br />
M<br />
M<br />
M<br />
---<br />
---<br />
---<br />
Commerçant<br />
Cadre<br />
Cadre<br />
---<br />
---<br />
---<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Camp<br />
Militaire<br />
Hôpital<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Rue Pasteur<br />
Rue Pasteur<br />
Rue Pasteur<br />
Rue Pasteur<br />
Rue Pasteur<br />
Rue Pasteur<br />
Rue Pasteur<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Libanaise<br />
Libanaise ?<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
-<br />
---<br />
M<br />
?<br />
M<br />
M<br />
M<br />
Institut <strong>de</strong><br />
recherche<br />
medical<br />
---<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
?<br />
Cadres<br />
Cadres<br />
Cadres<br />
Vaste<br />
complexe<br />
Hôtel Cap<br />
Manuel<br />
Clinique du<br />
Cap<br />
Clinique la<br />
Vision<br />
Camp<br />
militaire<br />
cap manuel<br />
Villas<br />
Villas<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Terrassements<br />
Achevé<br />
Terrassements<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé
24<br />
Lots<br />
#<br />
25<br />
26<br />
27<br />
28<br />
29<br />
30<br />
31<br />
32<br />
Rue Pasteur<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
Cadre ?<br />
Parcours<br />
Sportif du<br />
Cap<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Européenne<br />
Marocaine<br />
Ivoirienne<br />
Français<br />
Libanais<br />
Libanais<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
Cadre<br />
Roi du Maroc<br />
Cadre<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Ancien<br />
Ministre<br />
Pêcheurs<br />
Villa <strong>de</strong><br />
luxe<br />
Hôtel<br />
Gorée<br />
Villa <strong>de</strong><br />
luxe<br />
Hôtel<br />
Savana<br />
Terrain <strong>de</strong><br />
jeux<br />
Caesar<br />
Villa <strong>de</strong><br />
luxe<br />
Villa<br />
Patrimoine<br />
Bâti <strong>de</strong><br />
l’Etat ( ?)<br />
Huttes<br />
précaires<br />
Inachevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Achevé<br />
en chantier<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Inachevé
Lots<br />
#<br />
33<br />
34<br />
35<br />
36<br />
37<br />
38<br />
39<br />
40<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Sénégalo<br />
Libanaise<br />
Sénégalaise<br />
Française<br />
Française<br />
Française<br />
-<br />
-<br />
-<br />
M<br />
F<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
Ecologiste<br />
Ménagère<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
Hôtel<br />
Oceanium<br />
Mo<strong>de</strong>ste<br />
Habitation<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
A moitié en ruines<br />
Achevé
49<br />
Lots<br />
#<br />
41<br />
42<br />
43<br />
44<br />
45<br />
46<br />
47<br />
48<br />
Lots<br />
#<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
Route<br />
Corniche Est<br />
-<br />
-<br />
-<br />
Sénégalais et<br />
Etrangers<br />
Italien<br />
Italien<br />
Sénégalaise<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
M<br />
M<br />
M<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Commerçant<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Hôtel<br />
Teranga<br />
Hôtel<br />
Lagon I<br />
Hôtel<br />
Lagon II<br />
Echoppe<br />
objets d’art<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Sénégalais<br />
-<br />
M<br />
-<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
-<br />
Hôtel<br />
Monaco<br />
Plage<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Inachevé<br />
-<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux<br />
<strong>de</strong> construction<br />
Achevé
50<br />
Lots<br />
#<br />
57<br />
58<br />
59<br />
60<br />
61<br />
62<br />
63<br />
64<br />
Lots<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
#<br />
65<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
66<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
67 Plage <strong>de</strong><br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalais<br />
M<br />
F<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
Cadre<br />
?<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Cadre<br />
Maire<br />
Commerçant<br />
Cadre<br />
Cadre<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
M<br />
M<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Délégué <strong>de</strong><br />
quartier<br />
Hôtel Voile<br />
d’Or<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Villa<br />
Villa<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Achevé<br />
Achevé
Yarakh Sénégalaise M Officier en<br />
retraite<br />
68 Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh Sénégalaise M Avocat<br />
69 Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Sénégalaise M Transitaire<br />
70 Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Sénégalaise M Cadre<br />
71 Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Sénégalaise M Cadre<br />
72 Yarakh Française M Homme<br />
d’affaires<br />
Lots<br />
#<br />
73<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
74<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
75 Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
76 Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
77 Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
78 Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
79 Yarakh<br />
80<br />
Villa Achevé<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Club <strong>de</strong><br />
détente<br />
CVD<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Européenne<br />
Sénégalaise<br />
Française<br />
Sénégalaise<br />
M<br />
M<br />
M<br />
M<br />
F<br />
M<br />
M<br />
M<br />
Cadre<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Cadre<br />
Cadre<br />
Femme<br />
d’affaires<br />
?<br />
Homme<br />
d’affaires<br />
Ven<strong>de</strong>ur<br />
pièces<br />
détachées<br />
auto<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Villa<br />
Club <strong>de</strong><br />
détente<br />
ADP<br />
Villa<br />
Usine <strong>de</strong><br />
pêche<br />
Royal<br />
Pêche<br />
Villa à<br />
moitié<br />
détruite<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
Achevé<br />
A moitié détruit
Lots<br />
#<br />
81<br />
82<br />
Adresse Nationalité Sexe Occupation Type<br />
d’habitat<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
83 Plage <strong>de</strong><br />
Yarakh<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
Sénégalaise<br />
F<br />
F<br />
--<br />
mareyeuses<br />
Femme<br />
d’affaires<br />
Vente <strong>de</strong><br />
poissons<br />
Cabanon<br />
Usine <strong>de</strong><br />
pêche<br />
Hann<br />
Fishing<br />
Halles<br />
Etat <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong><br />
construction<br />
Inachevé<br />
Achevé<br />
Presque Achevé
Réf.<br />
Réalisations<br />
envisagées<br />
Marchés <strong>de</strong> l’Anoci<br />
Type <strong>de</strong><br />
marché<br />
Mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
passation<br />
Date<br />
Date prévue<br />
prévue <strong>de</strong><br />
d'attribution<br />
lancement<br />
Agence Nationale <strong>de</strong> l'Oci<br />
controle et<br />
surveillance <strong>de</strong>s<br />
travaux <strong>de</strong> la route Prestations<br />
C_ANOCI_001<br />
Avenant<br />
place bienvenu- Intellectuelles<br />
mosquée <strong>de</strong> la<br />
divinité-mamelles<br />
Travaux<br />
complémentaire<br />
01/01/2008 01/02/2008<br />
relatifs a la finition<br />
Marché par<br />
T_ANOCI_002 <strong>de</strong> l'aménagement Travaux Entente 01/01/2008 01/02/2008<br />
et <strong>de</strong> l'extension <strong>de</strong><br />
la voie <strong>de</strong><br />
dégagement nord<br />
Travaux<br />
complémentaires<br />
Directe<br />
relatifs au projet<br />
Marché par<br />
T_ANOCI_011 d'élargissement, Travaux Entente 01/01/2008 01/02/2008<br />
d'aménagement et<br />
d'embellissment <strong>de</strong><br />
la corniche ouest<br />
Directe<br />
Décoration <strong>de</strong> la<br />
Marché par<br />
S_ANOCI_010 trémie <strong>de</strong> Services Entente 01/01/2008 01/02/2008<br />
bienvenue<br />
Travaux<br />
complémentaires<br />
relatifs à la finition<br />
<strong>de</strong> l'aménagement<br />
<strong>de</strong> la corniche<br />
Directe<br />
ouest à dakar:<br />
Marché par<br />
T_ANOCI_003 section entre la Travaux Entente 01/01/2008 01/02/2008<br />
place bienvenue et<br />
la pharmacie <strong>de</strong>s<br />
mamelles en<br />
passant par la<br />
mosquée <strong>de</strong> la<br />
divinité<br />
Directe<br />
Elargissement et<br />
T_ANOCI_004 aménagement <strong>de</strong> la Travaux<br />
route <strong>de</strong> ouakam<br />
Appel d'Offre<br />
15/04/2008 30/04/2008<br />
Internationale<br />
Controle et<br />
C_ANOCI_005 supervision <strong>de</strong>s<br />
travaux<br />
Prestations Appel d'Offre<br />
31/03/2009 01/05/2009<br />
Intellectuelles Internationale
d'élargissement et<br />
d'aménagement <strong>de</strong><br />
la route <strong>de</strong> ouakam<br />
Controle et<br />
supervision <strong>de</strong>s<br />
travaux <strong>de</strong> la route<br />
Place millénaire-<br />
C_ANOCI_007 croisement seven<br />
up y compris la<br />
construction <strong>de</strong><br />
cinq trémies et<br />
tunnel<br />
élargissement et<br />
Appel <strong>public</strong> à<br />
Prestations<br />
manifestion 08/09/2008 08/11/2008<br />
Intellectuelles<br />
d'interêt<br />
aménagement <strong>de</strong> la<br />
route place<br />
millénaire-<br />
T_ANOCI_007 croisement seven<br />
up y compris la<br />
construction <strong>de</strong><br />
cinq trémies et<br />
tunnel<br />
Elargissement et<br />
Travaux<br />
Appel d'Offre<br />
15/10/2008 08/12/2008<br />
Internationale<br />
aménagement <strong>de</strong> la<br />
route méridien<br />
T_ANOCI_008<br />
Travaux<br />
prési<strong>de</strong>nt-aéroport<br />
y compris le virage<br />
océan<br />
Controle et<br />
surveillance <strong>de</strong>s<br />
Appel d'Offre<br />
15/04/2008 08/07/2008<br />
Internationale<br />
travaux <strong>de</strong> la route Prestations Appel d'Offre<br />
C_ANOCI_009<br />
15/03/2008 01/05/2008<br />
méridien prési<strong>de</strong>nt Intellectuelles Internationale<br />
aéroport y compris<br />
virage océan<br />
Elargissement et<br />
aménagement <strong>de</strong> la<br />
route <strong>de</strong>s<br />
mamelles-<br />
T_ANOCI_006<br />
Travaux<br />
Méridien prési<strong>de</strong>nt<br />
y compris la<br />
corniche <strong>de</strong>s<br />
almadies<br />
Contrôle et<br />
supervision <strong>de</strong> la<br />
route <strong>de</strong>s<br />
Appel d'Offre<br />
07/10/2008 01/12/2008<br />
Internationale<br />
mamelles- Prestations<br />
C_ANOCI_011<br />
SQBC<br />
Méridien prési<strong>de</strong>nt Intellectuelles<br />
y compris la<br />
corniche <strong>de</strong>s<br />
almadies<br />
18/09/2008 05/11/2008
Audit <strong>de</strong>s comptes<br />
C_ANOCI_012 <strong>de</strong> la Voie <strong>de</strong><br />
Dégagement Nord<br />
Prestations<br />
SQBC 17/09/2008 03/11/2008<br />
Intellectuelles
<strong>Le</strong><br />
littoral<br />
marin :<br />
un enjeu<br />
<strong>de</strong><br />
pouvoir
Cas typiques <strong>de</strong> privatisation du Dpm