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voir le magazine de l'exposition - Clara Cancline

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MAGAZINE <strong>de</strong> L’EXPOSITION<br />

LA FEMME ASTRID MIRABAUD<br />

du 8 mars au 15 avril 2012<br />

Texte <strong>de</strong> la conférence donnée <strong>le</strong> 8 mars 2012<br />

par <strong>Clara</strong> cancline Franceschetti<br />

Manuscrit «Histoire <strong>de</strong> P»<br />

Astrid Mirabaud<br />

Bibliothèque <strong>de</strong> Genève - Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Bastions 1 - CH - 1211 Genève 4 - www.vil<strong>le</strong>-ge.ch/bge<br />

1


EDITORIAL<br />

Ceci est un hommage à Astrid Mirabaud, née<br />

Elmassian. Astrid nous a quittée en décembre 2008,<br />

emportée par une avalanche.<br />

El<strong>le</strong> a été mon premier éditeur ainsi qu’une amie, je lui<br />

<strong>de</strong>vais cette démarche. Mais ce n’est qu’en assemblant<br />

<strong>le</strong>s témoignages <strong>de</strong> ceux qui l’ont côtoyée, tels <strong>le</strong>s<br />

fragments d’une mosaïque, que j’ai pu découvrir et<br />

apprécier <strong>le</strong>s richesses multip<strong>le</strong>s <strong>de</strong> sa personnalité.<br />

Je remercie ses amies, ses auteurs, <strong>le</strong>s membres <strong>de</strong><br />

sa famil<strong>le</strong>. Je remercie la Bibliothèque <strong>de</strong> Genève<br />

pour m’a<strong>voir</strong> offert <strong>le</strong> cadre où tenir cet hommage :<br />

trois conférences qui seront accompagnées <strong>de</strong> trois<br />

expositions. Je remercie Isabel<strong>le</strong> <strong>de</strong> Muralt, l’auteur<br />

du trompe l’œil qui plaisait tant à Astrid, pour sa<br />

collaboration artistique.<br />

SOMMAIRE<br />

EDITORIAL<br />

LA FEMME ASTRID MIRABAUD<br />

par <strong>Clara</strong> <strong>Cancline</strong> Franceschetti<br />

HISTOIRE DE P<br />

d’Astrid Mirabaud<br />

PRIÈRE INDIENNE<br />

<strong>Clara</strong> <strong>Cancline</strong> Franceschetti<br />

3<br />

4<br />

15<br />

54<br />

3


4<br />

Conférence donnée <strong>le</strong> 8 mars 2012<br />

par <strong>Clara</strong> <strong>Cancline</strong> Franceschetti<br />

dans <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong> l’exposition<br />

Astrid Mirabaud, une éditrice incarnant l’Esprit <strong>de</strong> Genève<br />

Mesdames et messieurs, chers amis, je vous remercie<br />

d’être venus ici pour assister à ce premier vo<strong>le</strong>t <strong>de</strong><br />

l’hommage à Astrid Mirabaud, Astrid, pour qui je gar<strong>de</strong><br />

une affection mêlée <strong>de</strong> reconnaissance puisqu’el<strong>le</strong> a été<br />

mon premier éditeur – éditrice, diriez-vous – et moi son<br />

premier auteur.<br />

J’aimerais vous raconter comment je l’ai rencontrée. Il<br />

y a bientôt trente ans, je rentrais <strong>de</strong> Paris avec mon<br />

manuscrit sous <strong>le</strong> bras. La papesse <strong>de</strong> l’édition française,<br />

après m’a<strong>voir</strong> promis rien <strong>de</strong> moins que <strong>le</strong> prix Gongourt,<br />

venait <strong>de</strong> me tourner <strong>le</strong> dos sans gran<strong>de</strong>s explications.<br />

Astrid, rencontrée par hasard chez <strong>de</strong>s amis, cherchait<br />

<strong>de</strong>s auteurs. El<strong>le</strong> <strong>de</strong>manda à lire mon texte et se prit <strong>de</strong><br />

passion pour lui. Cela, bien sûr, me remonta notab<strong>le</strong>ment<br />

<strong>le</strong> moral et fut éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> début d’une aventure à<br />

<strong>de</strong>ux. Quant à Astrid, ce fut <strong>le</strong> début <strong>de</strong> son aventure<br />

éditoria<strong>le</strong>. Quelques uns <strong>de</strong>s amis présents dans la sal<strong>le</strong><br />

doivent s’en souvenir.<br />

Cela fut assurément passionnant. Je n’aurais toutefois<br />

jamais imaginé que, regardant en arrière, bien <strong>de</strong>s<br />

années plus tard lorsqu’Astrid ne serait plus, je me serais<br />

retrouvée à méditer sur sa véritab<strong>le</strong> va<strong>le</strong>ur – une va<strong>le</strong>ur<br />

qui fut occultée <strong>de</strong> son vivant aussi bien par sa mo<strong>de</strong>stie<br />

que par son étiquette d’épouse <strong>de</strong> banquier – et que je<br />

serais frappée par ce qu’el<strong>le</strong> a été <strong>de</strong> tout son être : une<br />

éditrice incarnant l’Esprit <strong>de</strong> Genève.<br />

Qu’est-ce qui me permet <strong>de</strong> faire une tel<strong>le</strong> affirmation ?<br />

Et d’abord, qu’est-ce que l’Esprit <strong>de</strong> Genève ?<br />

Pour certains, une formu<strong>le</strong> vague et convenue, que nous<br />

débitent <strong>de</strong> temps à autre <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> politique et la presse,<br />

une formu<strong>le</strong> associée en quelque sorte à la présence<br />

<strong>de</strong>s organisations internationa<strong>le</strong>s sur sol genevois. Bien<br />

entendu, l’esprit <strong>de</strong> Genève est bien plus que cela.<br />

La formu<strong>le</strong> remonte à Robert <strong>de</strong> Traz, un écrivain <strong>de</strong> la<br />

première moitié du XXème sièc<strong>le</strong>.<br />

L’Esprit <strong>de</strong> Genève, nous dit-il, est né avec Calvin. Genève,<br />

« cité refuge , accueil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s proscrits <strong>de</strong> la foi .... <strong>le</strong>s met<br />

à l’imprimerie.... <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> typographes (qui)<br />

multiplient <strong>le</strong>s traités en toutes langues ... <strong>le</strong>ur inculque<br />

un message universel ». Voilà comment s’exprime Robert<br />

<strong>de</strong> Traz, l’auteur d’un petit ouvrage fondamental, qui, en<br />

1929, a forgé cette expression et en a fait <strong>le</strong> titre du livre.<br />

Au-<strong>de</strong>là du poids <strong>de</strong>s mots, son apport a surtout été<br />

d’a<strong>voir</strong> su cerner et mettre en va<strong>le</strong>ur ce trait si particulier<br />

<strong>de</strong> Genève. Dans sa toute première page, il par<strong>le</strong> <strong>de</strong> cité<br />

refuge, notamment pour <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> typographes.<br />

Genève fut donc terre d’imprimerie et d’édition et c’est<br />

dans cette vil<strong>le</strong> qu’on a publié Montesquieu, Voltaire et<br />

Rousseau.<br />

Robert <strong>de</strong> Traz par<strong>le</strong> du message spirituel, transmis à<br />

ces imprimeurs-éditeurs. Tout cela m’a fait réfléchir au<br />

parcours d’Astrid et me fait dire aujourd’hui qu’el<strong>le</strong> a<br />

exemplifié cet esprit dans ses différentes facettes. Vous<br />

me pardonnerez si je me référerai souvent à cet auteur.<br />

En janvier 1951, à la mort <strong>de</strong> Robert <strong>de</strong> Traz, François<br />

Mauriac écrit dans <strong>le</strong> Figaro un hommage dans <strong>le</strong>quel<br />

il dit –j’en cite <strong>de</strong>s extraits : « La réussite du calvinisme,<br />

c’est d’a<strong>voir</strong> donné naissance à un certain type humain<br />

très nob<strong>le</strong>, très secret, d’une fierté un peu ombrageuse.....<br />

qui a <strong>le</strong>s manières exquises du mon<strong>de</strong>, mais qui n’en a<br />

pas l’esprit....... dont peut-être la vertu dominante est la<br />

pu<strong>de</strong>ur ». J’y ai reconnu <strong>le</strong> portrait d’Astrid. Et François<br />

Mauriac <strong>de</strong> poursuive : « Notre époque n’est point faite<br />

pour <strong>le</strong>s délicats <strong>de</strong> cette race. Ceux qui par<strong>le</strong>nt à mivoix<br />

se font mal entendre.... » Eh oui, Astrid, tel fut ton<br />

cas.<br />

Pour revenir à L’Esprit <strong>de</strong> Genève, toujours aux premières<br />

pages, on rencontre cette phrase : « Quelques pas (dans<br />

la vieil<strong>le</strong> vil<strong>le</strong>) vous on suffit pour parcourir l’histoire<br />

<strong>de</strong> Genève, pour comprendre ce doub<strong>le</strong> mouvement<br />

<strong>de</strong> recueil<strong>le</strong>ment et d’expansion, cette passion <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong><strong>voir</strong>s, <strong>de</strong>s contraintes même opprimantes, et ce<br />

besoin irrésistib<strong>le</strong> <strong>de</strong> franchir <strong>le</strong>s limites qu’on a fixées,<br />

d’al<strong>le</strong>r répandre au loin ce qu’on chérissait d’abord,<br />

jalousement, pour soi tout seul. »<br />

Or nous avons, en Astrid Mirabaud, une femme qui,<br />

sans paraître, ose défier <strong>le</strong>s clichés <strong>de</strong> son époque et<br />

« franchir <strong>le</strong>s limites qu’on a fixées ». D’abord dans <strong>le</strong><br />

sport extrême, en haute montagne, <strong>de</strong> cime en cime, <strong>de</strong><br />

crête en refuge, et dans ce ski hors piste, qui lu a coûté la<br />

vie – el<strong>le</strong> a été ensevelie par une avalanche.


Mais el<strong>le</strong> avait déjà été impliquée dans <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts<br />

spectaculaires. La compagne qui, <strong>le</strong> jour fatal, a évité <strong>de</strong><br />

justesse l’avalanche, quelques années plus tôt, avait fait<br />

une chute <strong>de</strong> 25 mètres dans <strong>le</strong>s rochers sous <strong>le</strong>s yeux<br />

d’Astrid. Qui se ressemb<strong>le</strong> s’assemb<strong>le</strong>.<br />

Astrid avait voulu éga<strong>le</strong>ment franchir <strong>le</strong>s limites imposées<br />

aux femmes <strong>de</strong> sa génération et <strong>de</strong> sa condition en se<br />

lançant dans l’édition et la littérature, chasse gardée<br />

d’une certaine gauche, hobby astreignant et ingrat aux<br />

yeux <strong>de</strong> ceux qui venaient <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la barrière<br />

politique.<br />

Pour comprendre <strong>le</strong> cheminement suivi pour s’affranchir<br />

<strong>de</strong>s carcans, <strong>de</strong>s idées imposées, il faut la replacer dans<br />

son époque et son milieu.<br />

Née d’un père arménien, qui avait su faire fortune dans<br />

<strong>le</strong>s affaires, et d’une mère al<strong>le</strong>man<strong>de</strong>, el<strong>le</strong> arrive à Genève<br />

dans <strong>le</strong>s années quarante, avec sa soeur aînée, la jolie<br />

Marina. La famil<strong>le</strong> s’instal<strong>le</strong> rue <strong>de</strong> l’Athénée.<br />

5


6<br />

L’éco<strong>le</strong> où <strong>le</strong> père choisit d’envoyer ses <strong>de</strong>ux fil<strong>le</strong>s est<br />

l’Eco<strong>le</strong> Privat, du nom <strong>de</strong> la famil<strong>le</strong> d’éducateurs qui l’ont<br />

fondéeet dirigée durant cinq générations. A l’époque<br />

c’est Philippe Privat, capitaine <strong>de</strong> l’armée, appelé<br />

affectueusement <strong>le</strong> Père Phi-Phi, qui dirige l’éco<strong>le</strong> d’une<br />

main <strong>de</strong> fer dans un gant <strong>de</strong> velours. L’éco<strong>le</strong> éduque <strong>le</strong>s<br />

enfants <strong>de</strong> la bourgeoisie genevoise avec une discipline<br />

d’inspiration militaire. Ils sont enrégimentés comme <strong>de</strong>s<br />

petits soldats – garçons et fil<strong>le</strong>s.<br />

Il y avait <strong>de</strong>s gradés, élus démocratiquement par <strong>le</strong>urs camara<strong>de</strong>s, dans <strong>le</strong> but <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur apprendre <strong>le</strong> système é<strong>le</strong>ctoral<br />

helvétique. Les fil<strong>le</strong>s faisaient sept ans <strong>de</strong> primaire et <strong>le</strong>s garçons six. Par conséquent <strong>le</strong> sergent-major et <strong>le</strong> lieutenant,<br />

qu’on élisait dans <strong>le</strong>s <strong>de</strong>rnières classes, étaient en général <strong>de</strong>s fil<strong>le</strong>s. Si <strong>le</strong>s performances scolaires étaient mauvaises,<br />

l’on était dégradé. L’idée étant que, dans la société, si l’on veut a<strong>voir</strong> <strong>de</strong>s responsabilités, il faut aussi démontrer <strong>de</strong><br />

bonnes performances. Astrid, justement, a été sergent-major.<br />

Il y avait aussi <strong>de</strong>s voyages pour faire connaître la Suisse, <strong>de</strong>s séjours en camping assez à la ru<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s jeux militaires<br />

pour insuff<strong>le</strong>r l’esprit d’équipe, et même une fois par an on tirait au canon. Il y avait aussi un jeu <strong>de</strong> la République,<br />

une <strong>de</strong>mi-journée par semaine, avec <strong>de</strong>s magasins, <strong>de</strong>s ateliers, la poste, la banque, pour inculquer aux enfants <strong>le</strong>s<br />

principes <strong>de</strong> la vie économique et socia<strong>le</strong>.<br />

L’Eco<strong>le</strong> Privat fait donc d’Astrid, cette petite étrangère fortunée et déracinée, une genevoise à part entière, une<br />

genevoise dans l’âme. El<strong>le</strong> lui inculque <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs calvinistes, <strong>le</strong> sens du <strong>de</strong><strong>voir</strong>, du service, la discrétion et la pu<strong>de</strong>ur,<br />

tout comme la conscience du privilège d’appartenir à cette vil<strong>le</strong> d’accueil, qui proclame la haute dignité <strong>de</strong> l’être<br />

humain et ose se porter en exemp<strong>le</strong> aux nations en tant que vil<strong>le</strong> <strong>de</strong> paix et <strong>de</strong> liberté. Sans doute ces va<strong>le</strong>urs<br />

répondaient aux besoins profonds <strong>de</strong> la petite fil<strong>le</strong>, à sa nature à la fois réservée et empathique, et à cette soif<br />

d’absolu qui l’accompagnera toute sa vie.


Après l’Eco<strong>le</strong> Privat, c’est l’Eco<strong>le</strong> Supérieure <strong>de</strong>s Jeunes<br />

Fil<strong>le</strong>s, à la rue Voltaire, <strong>de</strong>venue aujourd’hui <strong>le</strong> Collège<br />

Voltaire. Dans <strong>le</strong>s années 50, Genève ne connaît qu’une<br />

seu<strong>le</strong> éco<strong>le</strong> secondaire pour <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s, avec trois sections<br />

: latine, mo<strong>de</strong>rne et culture généra<strong>le</strong>. Les rares fil<strong>le</strong>s qui<br />

veu<strong>le</strong>nt faire du grec ou <strong>de</strong>s sciences, doivent se rendre<br />

au Collège Calvin pendant <strong>le</strong>s quatre <strong>de</strong>rnières années<br />

avec <strong>le</strong>s garçons, ce qui à l’époque <strong>de</strong>mandait un certain<br />

courage.<br />

Astrid choisit la section latine et y reçoit une éducation<br />

excel<strong>le</strong>nte en tout point, car, à l’époque, il faut <strong>le</strong> dire,<br />

la qualité y était remarquab<strong>le</strong>, d’autant plus que peu<br />

<strong>de</strong> ces jeunes femmes feraient par la suite <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />

universitaires. Pour vous donner une illustration, quand<br />

je m’inscrivis à l’université, en première année à la faculté <strong>de</strong> Sciences Economiques et Socia<strong>le</strong>s, il n’y avait en tout et<br />

pour tout que trois femmes, dont une seu<strong>le</strong> suissesse.<br />

Après sa maturité en juin 1960, Astrid passe quelque temps en Lettres avant <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r que l’Eco<strong>le</strong> d’Interprètes<br />

lui conviendrait mieux. A dix huit ans, el<strong>le</strong> a dû se dire qu’un diplôme <strong>de</strong> Traducteur lui offrirait, <strong>le</strong> cas échéant, plus<br />

<strong>de</strong> possibilités.<br />

C’est donc la maturité acquise à l’Eco<strong>le</strong> Supérieure <strong>de</strong>s Jeunes Fil<strong>le</strong>s qui a donné à Astrid la culture nécessaire et<br />

uti<strong>le</strong> pour s’engager plus tard dans <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> littéraire –une preuve ultérieure <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> l’éducation qu’on<br />

y dispensait. El<strong>le</strong> avait d’ail<strong>le</strong>urs un véritab<strong>le</strong> don pour l’écriture, nourri par sa soif <strong>de</strong> <strong>le</strong>cture, don qu’el<strong>le</strong> utilisera<br />

pour rédiger pendant <strong>de</strong>s années <strong>le</strong> bul<strong>le</strong>tin <strong>de</strong> Frères <strong>de</strong> Nos Frères. C’est ce qui lui permettra <strong>de</strong> se lancer dans<br />

l’édition et, bien plus tard, dans la première décennie <strong>de</strong> notre sièc<strong>le</strong>, <strong>de</strong> rédiger un travail remarquab<strong>le</strong> à la Faculté<br />

<strong>de</strong> théologie. Et <strong>de</strong> faire partie du comité <strong>de</strong> <strong>le</strong>cture qui attribue <strong>le</strong> prix <strong>de</strong> la Société Littéraire.<br />

Mais procédons par ordre.<br />

Durant sa jeunesse, Astrid est surtout une gran<strong>de</strong><br />

sportive. L’amour du ski et <strong>de</strong> la montagne la rapproche<br />

<strong>de</strong> Jean, qu’el<strong>le</strong> épouse en 1963. Ils auront un fils, Yves,<br />

qu’el<strong>le</strong> adore. El<strong>le</strong> souhaiterait en a<strong>voir</strong> d’autres. Faute<br />

<strong>de</strong> pou<strong>voir</strong> exaucer ce voeu, el<strong>le</strong> déverse son trop p<strong>le</strong>in<br />

d’énergie dans la conquête <strong>de</strong> la haute montagne. Le<br />

livre Montagnes Blanches 1 <strong>de</strong> Denis Bertho<strong>le</strong>t, gui<strong>de</strong><br />

et grand ami du jeune coup<strong>le</strong>, témoigne <strong>de</strong> cette<br />

passion, cette fascination qu’Astrid ressent pour ce<br />

mon<strong>de</strong> vierge. Il décrit <strong>le</strong>s excursions à ski, <strong>le</strong> ski hors<br />

piste, <strong>le</strong> ski dit «sauvage» et comme exemp<strong>le</strong> <strong>de</strong> ce<br />

«ski sauvage», il utilise <strong>de</strong>s photos d’Astrid, absolument<br />

impressionnantes.<br />

1. Denis Bertho<strong>le</strong>t,<br />

Montagnes Blanches,<br />

Edition AVANTI, Neuchâtel, 1977, 320 p.<br />

Denis Bertho<strong>le</strong>t dit notamment : « Le ski «sauvage»<br />

est <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t d’un caractère profond <strong>de</strong> l’homme –<br />

en l’occurence <strong>de</strong> la femme –, la recherche d’un<br />

dépassement <strong>de</strong> soi.... Un certain courage est nécessaire,<br />

mais il faut surtout apprendre à bien maîtriser son corps<br />

et ses réactions.... Une gran<strong>de</strong> confiance en ses moyens<br />

physiques, en sa maîtrise technique, en son matériel,<br />

en ses connaissances <strong>de</strong> la neige et <strong>de</strong>s embuches <strong>de</strong><br />

la montagne, est indispensab<strong>le</strong> et exaltante tout à la<br />

fois. La jubilation intérieure que l’on ressent après <strong>le</strong>s<br />

passages <strong>le</strong>s plus scabreux provient <strong>de</strong> cette exaltation<br />

et <strong>de</strong> la joie d’a<strong>voir</strong> dominé sa peur, <strong>de</strong> s’être dépassé.<br />

A ces sentiments, viennent encore s’ajouter la sensation<br />

<strong>de</strong> liberté que procure <strong>le</strong> ski, <strong>le</strong> plaisir <strong>de</strong> la découverte<br />

et la satisfaction d’a<strong>voir</strong> re<strong>le</strong>vé <strong>le</strong> défi que l’on s’était ...<br />

donné. »<br />

7


8<br />

Dans un autre chapitre, Denis Bertho<strong>le</strong>t décrit une<br />

<strong>de</strong>scente, qui prend son départ au sommet <strong>de</strong> l’Ebnefluh,<br />

à 3962 mètres, avec Astrid et Jean.<br />

Mais la montagne, avec tout son attrait, reste pourtant<br />

une évasion. Astrid en est consciente. Son sens aigu<br />

<strong>de</strong>s responsabilités, la conscience <strong>de</strong>s privilèges que la<br />

vie lui a donnés, lui font ressentir <strong>le</strong> besoin <strong>de</strong> canaliser<br />

ses énergies dans une direction constructive, s’occuper<br />

d’autrui, se sa<strong>voir</strong> uti<strong>le</strong>.<br />

Il y a comme un écho <strong>de</strong> ce souci dans la question<br />

que formu<strong>le</strong> Denis Bertho<strong>le</strong>t, dans un autre livre sur la<br />

montagne, Les Alpes Valaisannes à ski 2, à côté d’une très<br />

bel<strong>le</strong> photo qui montre justement Astrid à ski, brodant<br />

<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s sinusoï<strong>de</strong>s sur la neige : « La trace <strong>de</strong> nos<br />

vies sera-t-el<strong>le</strong> aussi fugace que cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> nos skis ? »<br />

.<br />

2. Denis Bertho<strong>le</strong>t,<br />

Les Alpes Valaisannes à ski,<br />

Editions Denoël, Paris 7e, 1987, 240 p


Lorsqu’une amie, Marie-Jeanne, femme d’un <strong>de</strong> ses<br />

camara<strong>de</strong>s d’excursions alpines, commence à travail<strong>le</strong>r<br />

à Frères <strong>de</strong> nos Frères, au début <strong>de</strong>s années 70, Astrid<br />

l’observe, s’intéresse, puis la rejoint.<br />

Frères <strong>de</strong> nos Frères est alors une jeune association<br />

suisse, créée quelques années plus tôt en 1965, qui<br />

intervient auprès <strong>de</strong> populations défavorisées du tiers<br />

mon<strong>de</strong>. Son but est d’ai<strong>de</strong>r <strong>le</strong>s personnes à se sortir el<strong>le</strong>smêmes<br />

<strong>de</strong> la précarité, par une action à la fois directe<br />

et respectueuse <strong>de</strong>s traditions. Sa tail<strong>le</strong> mo<strong>de</strong>ste, son<br />

personnel entièrement bénévo<strong>le</strong>, lui donne beaucoup<br />

<strong>de</strong> soup<strong>le</strong>sse et <strong>de</strong> rapidité dans l’action, ce qui plait<br />

naturel<strong>le</strong>ment à Astrid.<br />

El<strong>le</strong> va donc mettre son don pour l’écriture au service <strong>de</strong><br />

Frères <strong>de</strong> nos Frères. El<strong>le</strong> se charge <strong>de</strong> rédiger <strong>le</strong> bul<strong>le</strong>tin<br />

mensuel, puis trimestriel, <strong>de</strong> l’association, ce qui n’est<br />

pas une mince affaire, car il lui faut lire tous <strong>le</strong>s dossiers<br />

du travail sur <strong>le</strong> terrain. El<strong>le</strong> participe aux réunions du<br />

bureau où l’on traite <strong>de</strong>s projets à financer et ai<strong>de</strong> à la<br />

kermesse annuel<strong>le</strong>. A partir <strong>de</strong>s années 80, el<strong>le</strong> fait un<br />

pas <strong>de</strong> plus, passe sur <strong>le</strong> terrain et se rend en In<strong>de</strong>, en<br />

Birmanie, en Afrique du Sud, pour visiter <strong>le</strong>s projets en<br />

cours, et s’assurer en personne du produit <strong>de</strong>s efforts<br />

conjoints.<br />

Pour que vous puissiez mieux vous représenter ce qu’el<strong>le</strong><br />

a mis d’el<strong>le</strong> même dans cette activité, j’aimerais vous<br />

faire lire <strong>le</strong> témoignage <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses partenaires, <strong>le</strong><br />

professeur Gilbert Etienne, spécialiste <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong>, et Anne,<br />

son épouse :<br />

« Astrid est entrée à Frères <strong>de</strong> nos Frères en 1975.<br />

Efficace, souriante, el<strong>le</strong> se consacre dès lors sans<br />

compter à l’élaboration du bul<strong>le</strong>tin trimestriel, tâche<br />

qu’el<strong>le</strong> assume encore en été 2008 (l’année <strong>de</strong> sa mort,<br />

n.d.r.). Son intelligence analytique et son ta<strong>le</strong>nt <strong>de</strong><br />

rédaction sont étayés par <strong>le</strong> souci <strong>de</strong> la phrase exacte,<br />

du mot juste. Combien <strong>de</strong> fois n’a-t-el<strong>le</strong> pas revu nos<br />

textes, biffé <strong>de</strong>s adjectifs superflus, allégé, jusqu’à ce<br />

qu’ils soient prêts pour l’imprimerie. C’était un véritab<strong>le</strong><br />

plaisir <strong>de</strong> collaborer avec el<strong>le</strong> car, <strong>de</strong> même que dans <strong>le</strong><br />

sport ou <strong>le</strong>s discussions théologiques, el<strong>le</strong> arrivait à tirer<br />

<strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur <strong>de</strong> ses partenaires.<br />

« Astrid est non moins éga<strong>le</strong> à el<strong>le</strong>-même dans <strong>le</strong>s<br />

discussions <strong>de</strong> projets au bureau <strong>de</strong> FdnF. El<strong>le</strong> pèse <strong>le</strong><br />

pour et <strong>le</strong> contre avec autant <strong>de</strong> perspicacité que <strong>de</strong><br />

rigueur, tout en gardant une empathie naturel<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s<br />

démunis.<br />

« Que dire <strong>de</strong> nos voyages en In<strong>de</strong> pour visiter <strong>de</strong>s<br />

projets <strong>de</strong> l’Association ? El<strong>le</strong> est à l’aise aussi bien dans<br />

un salon que dans <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie plutôt rustiques :<br />

<strong>le</strong>s gîtes sommaires, <strong>le</strong>s ablutions au puits avant un<br />

maigre curry, heureusement précédé du traditionnel<br />

gin tonique. Un jour nous marchons <strong>de</strong>s heures sur <strong>de</strong>s<br />

sentiers dans <strong>le</strong>s collines du Jharkhand, à la recherche<br />

<strong>de</strong> tribus aborigènes qui chassent encore avec arc et<br />

flèches empoisonnées. Un autre jour nous sillonnons <strong>le</strong>s<br />

bidonvil<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Calcutta dans un cyclopousse, sous une<br />

pluie <strong>de</strong> mousson. Et enfin nous contemplons <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il se<br />

<strong>le</strong>ver <strong>de</strong>vant <strong>le</strong>s statues du temp<strong>le</strong> <strong>de</strong> Konarak... »<br />

(tiré du Bul<strong>le</strong>tin <strong>de</strong> Frères <strong>de</strong> nos Frères <strong>de</strong> mars 2009)<br />

9


10<br />

Mais Astrid ne s’est pas contentée <strong>de</strong> s’ouvrir aux plus<br />

démunis, avec ce sens du service si conforme à L’ Esprit <strong>de</strong><br />

Genève, au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s confins <strong>de</strong> notre mon<strong>de</strong> privilégié ;<br />

el<strong>le</strong> a voulu éga<strong>le</strong>ment apporter sa contribution à notre<br />

mon<strong>de</strong> à nous, un souff<strong>le</strong> <strong>de</strong> culture, <strong>voir</strong>e d’espoir et,<br />

s’ouvrant à l’édition, nous faire partager ses intérêts<br />

esthétiques, intel<strong>le</strong>ctuels et spirituels. L’expérience<br />

du verbe écrit acquise chez Frères <strong>de</strong> nos Frères, ses<br />

qualités <strong>de</strong> jugement et d’économie <strong>de</strong> langage, que ses<br />

partenaires lui reconnaissent donc largement, el<strong>le</strong> va <strong>le</strong>s<br />

mettre au service <strong>de</strong> l’édition.<br />

Etre éditeur, fondamenta<strong>le</strong>ment, c’est faire preuve <strong>de</strong><br />

générosité : c’est donner la paro<strong>le</strong> à d’autres que soi<br />

pour qu’ils s’expriment, c’est <strong>le</strong>s placer sur <strong>le</strong> <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la<br />

scène et être <strong>le</strong>ur portevoix. C’est surtout <strong>le</strong>ur témoigner<br />

un trésor <strong>de</strong> confiance.<br />

Mais c’est aussi une aventure – une aventure qui<br />

s’apparente en quelque sorte au «ski sauvage». C’est<br />

s’aventurer hors <strong>de</strong>s tracés. « Une femme <strong>de</strong> banquier<br />

qui se mê<strong>le</strong> d’édition ? » sera la réaction <strong>de</strong>s esprits<br />

chagrins. Astrid va donc lancer <strong>le</strong> défi avec <strong>le</strong>s livres<br />

auxquels el<strong>le</strong> croit. Sa maison d’édition s’appel<strong>le</strong>ra<br />

éditions pourquoi pas.... Une appellation qui interroge,<br />

ouvre une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> possibilités, d’inconnus, <strong>de</strong><br />

risques et ne manque pas d’humour – comme me l’a fait<br />

remarquer Hélène Zufferey, l’une <strong>de</strong> ses auteurs.<br />

Mon roman sur <strong>le</strong> personnage <strong>de</strong> César, avec <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong><br />

s’est lancée dans l’aventure, paraît en 1981 avec <strong>le</strong> titre<br />

Servilia ou Les mémoires <strong>de</strong> Ju<strong>le</strong>s César. C’est Astrid qui<br />

avait insisté pour mettre en premier <strong>le</strong> nom <strong>de</strong> Servilia,<br />

qui fut la maîtresse <strong>de</strong> cet homme pendant toute sa vie.<br />

Publier ce livre était iconoclaste : César s’y racontait<br />

en effet à la première personne et dévoilait toute la<br />

richesse et <strong>le</strong>s contradictions <strong>de</strong> sa condition humaine.<br />

Et tant pis pour <strong>le</strong> héros mythique qu’on étudiait aux<br />

cours d’histoire et <strong>de</strong> latin du Collège.<br />

Astrid osait prendre <strong>le</strong> passé à bras <strong>le</strong> corps, surtout celui<br />

qu’on essaye d’oublier parce qu’il dérange. Les ouvrages<br />

historiques du français Jean Broutin sur <strong>le</strong>s Cathares<br />

osaient par<strong>le</strong>r avec passion et réalisme <strong>de</strong> ces martyrs<br />

<strong>de</strong> l’histoire européenne, <strong>de</strong> ces parias à la spiritualité<br />

lumineuse et méconnue (il semb<strong>le</strong> que c’était la fusion<br />

d’un christianisme sincère et <strong>de</strong> traditions héritées du<br />

druidisme). Astrid a donné aussi un espace à <strong>de</strong>s auteurs<br />

suisses qui véhiculaient un message positif : Armand<br />

Lombard avec ses recueils <strong>de</strong> contes et légen<strong>de</strong>s<br />

valaisannes, <strong>le</strong>s poèmes <strong>de</strong> Pierrette Micheloud, illustrés<br />

par l’auteur. Et, faut-il <strong>le</strong> rappe<strong>le</strong>r, Pierrette est l’unique,<br />

parmi tous <strong>le</strong>s poètes suisses, à a<strong>voir</strong> jamais reçu <strong>le</strong> Prix<br />

Apollinaire. Ensuite : Pernette Chaponnière, que <strong>le</strong>s<br />

<strong>le</strong>cteurs du Journal <strong>de</strong> Genève connaissaient bien, Anne<br />

Bonhôte, Béatrice Favre, Helène Zufferey, une <strong>de</strong> ses<br />

autrices préférées. Puis un livre sur l’Arménie – Arménie<br />

mes racines – d’Astrig Tchamkerten, la découverte <strong>de</strong><br />

l’Arménie par une fil<strong>le</strong> d’émigrés – une Arménie bafouée,<br />

mais où <strong>le</strong>s gens disent souvent : tout ira bien.<br />

Et, last but not <strong>le</strong>ast, el<strong>le</strong> publia <strong>le</strong> grand oeuvre <strong>de</strong><br />

Paul-A<strong>le</strong>xis Ladame, une fresque vivante <strong>de</strong> l’histoire<br />

européenne du XXè sièc<strong>le</strong>. A travers cette épopée<br />

grandiose, Astrid Mirabaud a voulu offrir à ses<br />

contemporains un message d’espoir, une fondation pour<br />

bâtir <strong>le</strong> futur. Car la connaissance <strong>de</strong> l’histoire (et <strong>de</strong>s<br />

traditions ) est <strong>le</strong> bagage indispensab<strong>le</strong> pour affronter<br />

l’avenir. Comme <strong>le</strong> disait Karl Marx – et là il avait bien<br />

raison : « Ceux qui ne connaissent pas l’histoire sont<br />

condamnés à la revivre ».<br />

Et c’est ainsi qu’Astrid a contribué à cette œuvre <strong>de</strong><br />

transmission du sa<strong>voir</strong> vivant.


Le Témoin du XXè Sièc<strong>le</strong>, <strong>de</strong> Paul-A<strong>le</strong>xis Ladame, avec ses<br />

sept volumes, mérite bien à lui tout seul une conférence,<br />

qui vous sera donnée par <strong>le</strong> petit fils <strong>de</strong> l’auteur, Maître<br />

Cédric Berger, <strong>le</strong> 30 mai.<br />

Bernard Lescaze, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Société genevoise <strong>de</strong>s<br />

Ecrivains, vous par<strong>le</strong>ra <strong>le</strong> 2 mai, avec son brio habituel,<br />

<strong>de</strong>s éditions pourquoi pas en tant que tel<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s placera<br />

dans <strong>le</strong> contexte <strong>de</strong> l’édition roman<strong>de</strong>, dont il analysera<br />

éga<strong>le</strong>ment la problématique. Il vous présentera <strong>le</strong>s<br />

auteurs d’Astrid Mirabaud et vous dira <strong>le</strong>s prix littéraires<br />

qu’ils ont obtenu.<br />

Pour ma part, je me contente d’ évoquer l’aspect d’ Astrid<br />

en tant que femme. Je pense à tout ce qu’el<strong>le</strong> a mis d’el<strong>le</strong><br />

même dans son activité d’éditrice, ce capital d’amour,<br />

d’enthousiasme et <strong>de</strong> culture – et <strong>le</strong> peu qu’el<strong>le</strong> en a<br />

retiré.<br />

Car, il faut <strong>le</strong> dire sans détours, <strong>le</strong>s critiques littéraires <strong>de</strong>s<br />

grands journaux romands l’ont véritab<strong>le</strong>ment snobée.<br />

Une femme <strong>de</strong> banquier qui se mê<strong>le</strong> d’édition ? À croire<br />

que la littérature, tout comme l’écologie, ne soient que<br />

l’apanage d’une certaine gauche. Gare à qui ose sauter<br />

<strong>le</strong> fossé.<br />

Mais comment se faire connaître au <strong>de</strong>hors si <strong>le</strong>s média<br />

<strong>de</strong> votre propre pays se complaisent à vous ignorer<br />

? Astrid est très fière. El<strong>le</strong> pourrait se faire ouvrir <strong>de</strong>s<br />

portes, mais ne veut pas être re<strong>de</strong>vab<strong>le</strong> à son mari <strong>de</strong><br />

ce qu’el<strong>le</strong> investi dans l’édition. Je me souviens qu’au<br />

moment où el<strong>le</strong> lançait Servilia ou Les Mémoires <strong>de</strong> Ju<strong>le</strong>s<br />

César, el<strong>le</strong> se faisait un point d’honneur à ne pas payer<br />

un seul timbre-poste avec l’argent <strong>de</strong> son époux. Mais<br />

lorsqu’on manque <strong>de</strong> soutien, <strong>le</strong>s fins d’année virent au<br />

rouge. Les prix littéraires, <strong>le</strong>s quelques interviews par-ci<br />

par là, <strong>le</strong> bouche-à-oreil<strong>le</strong> ne suffisent pas. L’oeuvre <strong>de</strong><br />

Paul-A<strong>le</strong>xis Ladame, dont el<strong>le</strong> pensait faire un best-sel<strong>le</strong>r,<br />

car la substance y est, achève <strong>de</strong> la saigner.<br />

Quand je rentre à Genève en 1993, après quelques<br />

années passées à l’étranger, Astrid vient <strong>de</strong> quitter<br />

l’édition. A son si<strong>le</strong>nce sur <strong>le</strong> sujet, je vois qu’el<strong>le</strong> ne peut<br />

pas en par<strong>le</strong>r, même à moi qui ai été son premier auteur,<br />

peut-être justement à cause <strong>de</strong> cela. Je comprends qu’il<br />

y a une b<strong>le</strong>ssure ouverte et profon<strong>de</strong> et moi aussi je<br />

me tais. Je lis pourtant <strong>le</strong>s livres qu’el<strong>le</strong> a édité en mon<br />

absence : ils sont superbes.<br />

Astrid poursuit sa vie, la montagne et <strong>le</strong> sport sont un<br />

apaisement. El<strong>le</strong> redoub<strong>le</strong> d’activité pour Frères <strong>de</strong> nos<br />

Frères, el<strong>le</strong> fera éga<strong>le</strong>ment <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s à La Main Tendue,<br />

la nuit, pour répondre au téléphone à ceux qui ont<br />

besoin d’écoute. Et en même temps, el<strong>le</strong> s’ouvre <strong>de</strong> plus<br />

en plus à une recherche spirituel<strong>le</strong>.<br />

Ses auteurs et ses amitiés semb<strong>le</strong>nt en effet a<strong>voir</strong> éveillé<br />

en el<strong>le</strong> <strong>de</strong>s questions, <strong>de</strong>s interrogations qui étaient<br />

latentes. Ce n’est point par hasard qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s avait choisi.<br />

El<strong>le</strong> suit <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> théologie à l’université <strong>de</strong> Genève,<br />

écrit un mémoire sur l’un <strong>de</strong>s rédacteurs <strong>de</strong> la Bib<strong>le</strong>,<br />

connu par <strong>le</strong>s chercheurs comme «<strong>le</strong> Prêtre», qu’el<strong>le</strong><br />

intitu<strong>le</strong> tout simp<strong>le</strong>ment Histoire <strong>de</strong> P – P pour prêtre.<br />

Quel<strong>le</strong> a été ma surprise lorsque, en préparant cette<br />

présentation, il m’est arrivé entre <strong>le</strong>s mains ce travail <strong>de</strong><br />

38 pages, en peu écorné, envoyé par une amie, et que<br />

je l’ai lu. Une surprise proche <strong>de</strong> l’émoi. Il faut dire qu’à<br />

la sortie <strong>de</strong> Servilia ou Les Mémoires <strong>de</strong> Ju<strong>le</strong>s César, on<br />

m’avait souvent posé la question rituel<strong>le</strong> que l’on pose<br />

à tout écrivain fraichement édité : « Qu’al<strong>le</strong>z vous écrire<br />

à présent ? » Et je répondais naïvement : « L’histoire <strong>de</strong><br />

Moïse, tel<strong>le</strong> que je la vois, parce qu’el<strong>le</strong> me pose beaucoup<br />

<strong>de</strong> questions » et d’y al<strong>le</strong>r <strong>de</strong> mes explications. Depuis,<br />

j’ai appris à me taire sur mes projets, car <strong>le</strong> bavardage est<br />

bien la tombe <strong>de</strong> la créativité. Ce qui <strong>de</strong>vait arriver arriva<br />

: je fut douchée par un <strong>de</strong> nos intel<strong>le</strong>ctuels genevois, qui<br />

me fit la remarque suivante : « Ah ! Mais vous al<strong>le</strong>z vous<br />

mettre à dos <strong>le</strong>s trois gran<strong>de</strong>s religions du livre ! » Dieu<br />

merci, cela n’a pas été <strong>le</strong> cas. Le Mystère <strong>de</strong> Moïse – l’Histoire<br />

secrète d’un prince d’Egypte, publié chez Cabédita en<br />

2010, ne m’a pas valu <strong>de</strong> fatwa (peut-être n’ai-je pas<br />

eu assez <strong>de</strong> <strong>le</strong>cteurs). Mais j’ai appris à ne plus par<strong>le</strong>r<br />

<strong>de</strong> mes projets littéraires. Astrid, qui écoute alors mes<br />

propos, sait pertinemment que j’ai commencé à étudier<br />

l’hébreux et à lire la Bib<strong>le</strong> en original avec un rabbin <strong>de</strong><br />

Paris, mais el<strong>le</strong> ne me fait pas <strong>le</strong> moindre commentaire.<br />

Et voilà qu’en 2006 el<strong>le</strong> présente son propre travail à la<br />

faculté <strong>de</strong> théologie : une analyse <strong>de</strong> l’oeuvre du prêtre<br />

qui a rédigé une partie <strong>de</strong> la Bib<strong>le</strong> et la reconstitution <strong>de</strong><br />

ce qu’aurait pu être sa vie. Cette pu<strong>de</strong>ur, ce si<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> sa<br />

part, est tout à fait dans sa nature, à la fois dynamique<br />

et réservée – « ce doub<strong>le</strong> mouvement <strong>de</strong> recueil<strong>le</strong>ment<br />

et d’expansion » dont parlait si bien Robert <strong>de</strong> Traz. Une<br />

fois passée ma surprise, je comprends qu’el<strong>le</strong> ait voulu<br />

mener sa recherche personnel<strong>le</strong>, indépendante, sans<br />

se faire influencer par mes hypothèses, peut-être trop<br />

hardies. Et néanmoins que <strong>de</strong> choses en commun ! Il n’y<br />

a qu’à lire l’avant-propos <strong>de</strong> mon Mystère <strong>de</strong> Moïse pour<br />

<strong>voir</strong> <strong>le</strong>s similitu<strong>de</strong>s.<br />

11


12<br />

Ses intimes, avec qui el<strong>le</strong> discutait <strong>de</strong> sujets spirituels et<br />

théologiques, m’ont avoué qu’el<strong>le</strong> avait <strong>le</strong> don <strong>de</strong> tirer<br />

<strong>de</strong> ses interlocuteurs <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur d’eux mêmes, et qu’el<strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>ur permettait d’accoucher, en quelque sorte, <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs<br />

pensées profon<strong>de</strong>s – cet art socratique <strong>de</strong> la maïeutique.<br />

Sa correspondance avec certains <strong>de</strong> ses auteurs montre<br />

à quel point el<strong>le</strong> était ouverte aux idées <strong>de</strong>s autres,<br />

par exemp<strong>le</strong> à la spiritualité <strong>de</strong>s Cathares, et comme<br />

el<strong>le</strong> transcendait <strong>le</strong>s différences confessionnel<strong>le</strong>s.<br />

Protestante, el<strong>le</strong> avait cheminé sur la route <strong>de</strong><br />

Compostel<strong>le</strong> et se rendait à la messe <strong>de</strong> minuit à Noël.<br />

La spiritualité n’a pas <strong>de</strong> frontière.<br />

Quand la santé <strong>de</strong> son mari se dégra<strong>de</strong> et qu’il lui faut<br />

songer à réorganiser la maison en fonction <strong>de</strong> la maladie,<br />

il lui est nécessaire <strong>de</strong> condamner une porte ouvrant sur<br />

<strong>le</strong> jardin. Au lieu <strong>de</strong> n’y laisser qu’un pan <strong>de</strong> mur vi<strong>de</strong>,<br />

el<strong>le</strong> a <strong>de</strong>mandé à une artiste <strong>de</strong> ses amies d’y peindre<br />

un trompe-l’oeil, dont el<strong>le</strong> a discuté avec soin <strong>le</strong>s détails.<br />

C’est l’image qui figure sur <strong>le</strong> carton d’invitation. Il faut<br />

rendre grâce à l’artiste, Isabel<strong>le</strong> <strong>de</strong> Muralt, pour une<br />

oeuvre aussi bel<strong>le</strong>, et pour a<strong>voir</strong> su si bien interpréter <strong>le</strong>s<br />

aspirations d’Astrid. Vous voyez ce chemin qui monte<br />

vers <strong>le</strong>s cimes.


Eh bien, <strong>de</strong>ux mois avant d’être emportée par une<br />

avalanche, Astrid écrivait un essai sur ce qu’el<strong>le</strong> ressentait<br />

<strong>de</strong>vant cette image, ce qu’el<strong>le</strong> y voyait, dont <strong>le</strong>s mots<br />

étaient prophétiques.<br />

Le trompe-l’œil<br />

La porte <strong>de</strong> la cuisine ouverte sur <strong>le</strong> rêve, par laquel<strong>le</strong> je<br />

m’éva<strong>de</strong> vers un paysage <strong>de</strong> bonheur, écrase, sur <strong>le</strong> sol <strong>de</strong><br />

tomettes ocre et roses, quelques brins d’herbe fol<strong>le</strong>ts ; <strong>le</strong><br />

rosier grimpant a laissé s’égarer <strong>de</strong>ux péta<strong>le</strong>s <strong>de</strong> velours.<br />

Un pot b<strong>le</strong>u foncé, un pot blanc débor<strong>de</strong>nt, l’un <strong>de</strong><br />

buveuses carmin, l’autre <strong>de</strong> pivoines roses et blanches.<br />

Tout frissonnant, un bou<strong>le</strong>au s’étire vers <strong>le</strong> ciel. Des<br />

lavan<strong>de</strong>s se penchent sur <strong>le</strong> sentier bordé <strong>de</strong> graminées<br />

et <strong>de</strong> f<strong>le</strong>urs ; blanc, orange, jaune, rose, b<strong>le</strong>u, écarlate…<br />

<strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs chantent la joie.<br />

Et quelque part, bien cachée dans l’entrelacs d’herbes<br />

fol<strong>le</strong>s, une surprise, rien que pour moi…<br />

Il m’attire, <strong>le</strong> sentier, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s bosquets et <strong>de</strong> la haie<br />

bien taillée, au pied <strong>de</strong> laquel<strong>le</strong> un mo<strong>de</strong>ste bouquet s’est<br />

perdu ; au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s peupliers, <strong>de</strong>s pâturages ondulants<br />

qui enserrent <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il d’un champ <strong>de</strong> colza ; au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />

forêts et du lac limpi<strong>de</strong> bordé <strong>de</strong> collines roses.<br />

Et plus loin encore, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s montagnes auréolées <strong>de</strong><br />

brume, il est là, <strong>le</strong> Mont Blanc, majestueux, dans toute sa<br />

gloire, qui m’appel<strong>le</strong>.<br />

N’était-ce pas prémonitoire ?<br />

Un personnage dans <strong>le</strong> trompe-l’œil<br />

Mon regard re<strong>de</strong>scend vers <strong>le</strong> lac bordé <strong>de</strong> rose ; il s’y<br />

perd jusqu’à ce que, peu à peu, je vois une forme en<br />

émerger : oiseau, poisson, sirène… ? Mais non, c’est bien<br />

une femme ou plutôt une très jeune fil<strong>le</strong> au corps fluet, à<br />

peine ébauché, presque entièrement recouvert par une<br />

longue chevelure sur laquel<strong>le</strong> tous <strong>le</strong>s rayons du so<strong>le</strong>il<br />

semb<strong>le</strong>nt s’être concentrés.<br />

El<strong>le</strong> me regar<strong>de</strong> longuement ; ses grands yeux reflètent<br />

<strong>le</strong> lac et <strong>le</strong>s collines roses. El<strong>le</strong> m’appel<strong>le</strong> : « Viens, suismoi,<br />

n’aie pas peur. Nous marcherons ensemb<strong>le</strong> jusque<br />

tout là-haut, où la montagne se fond dans <strong>le</strong> ciel ». El<strong>le</strong><br />

se retourne et avance, et la lumière dans ses cheveux<br />

avance avec el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> s’élève tranquil<strong>le</strong>ment vers <strong>le</strong><br />

sommet du Mont-Blanc. Que craindrais-je ? Pieds nus,<br />

j’entre dans <strong>le</strong> trompe-l’œil et je la suis.<br />

L’ascension semb<strong>le</strong> si faci<strong>le</strong>…<br />

Astrid Mirabaud - octobre 2008<br />

J’ai souvent pensé qu’Astrid avait vécu par l’esprit <strong>de</strong><br />

Genève, qu’il fut l’élan vital qui l’anima et que ce qui la<br />

tua fut <strong>le</strong> côté obscur et étriqué <strong>de</strong> cette vil<strong>le</strong>, ce que<br />

Robert <strong>de</strong> Traz appela l’esprit genevois.<br />

Mais voilà qu’el<strong>le</strong> me contredit : pour preuve ces quelques<br />

lignes tirées <strong>de</strong> la Prière indienne qu’el<strong>le</strong> a voulu qu’on<br />

lise à ses obsèques :<br />

A ceux que j’aime... et ceux qui m’aiment<br />

Quand je ne serai plus là, relâchez-moi<br />

laissez-moi partir.<br />

............................<br />

Soyez reconnaissants pour <strong>le</strong>s bel<strong>le</strong>s années.<br />

Je vous ai donné mon amitié,<br />

vous pouvez seu<strong>le</strong>ment <strong>de</strong>viner<br />

<strong>le</strong> bonheur que vous m’avez apporté.<br />

.............................<br />

Maintenant il est temps <strong>de</strong> voyager seu<strong>le</strong>.<br />

............................<br />

Je ne suis pas loin, et la vie continue...<br />

............................<br />

N’al<strong>le</strong>z pas sur ma tombe pour p<strong>le</strong>urer<br />

je ne suis pas là<br />

je ne suis pas morte.<br />

13


14 14


15<br />

15<br />

PRIÈRE INDIENNE<br />

A ceux que j’aime... et ceux qui m’aiment<br />

Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,<br />

Laissez-moi partir.<br />

J’ai tel<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> choses à faire et à <strong>voir</strong><br />

Ne p<strong>le</strong>urez pas en pensant à moi,<br />

Soyez reconnaissants pour <strong>le</strong>s bel<strong>le</strong>s années.<br />

Je vous ai donné mon amitié,<br />

Vous pouvez seu<strong>le</strong>ment <strong>de</strong>viner<br />

Le bonheur que vous m’avez apporté.<br />

Je vous remercie <strong>de</strong> l’amour que chacun m’avez démontré,<br />

Maintenant il est temps <strong>de</strong> voyager seu<strong>le</strong>.<br />

Pour un court moment vous pouvez a<strong>voir</strong> <strong>de</strong> la peine.<br />

La confiance vous apportera réconfort et consolation.<br />

Nous serons séparés pour quelque temps.<br />

Laissez <strong>le</strong>s souvenirs apaiser votre dou<strong>le</strong>ur,<br />

Je ne suis pas loin, et la vie continue...<br />

Si vous avez besoin, appe<strong>le</strong>z-moi et je viendrai,<br />

Même si vous ne pouvez me <strong>voir</strong> ou me toucher, je serai là,<br />

Et si vous écoutez votre coeur, vous éprouverez clairement<br />

La douceur <strong>de</strong> l’amour que j’apporterai.<br />

Et quand il sera temps pour vous <strong>de</strong> partir,<br />

Je serai là pour vous accueillir.<br />

Absente <strong>de</strong> mon corps, présente avec Dieu.<br />

N’al<strong>le</strong>z pas sur ma tombe pour p<strong>le</strong>urer,<br />

Je ne suis pas là, je ne dors pas,<br />

Je suis <strong>le</strong>s mil<strong>le</strong> vents qui souff<strong>le</strong>nt,<br />

Je suis <strong>le</strong> scintil<strong>le</strong>ment<br />

<strong>de</strong>s cristaux <strong>de</strong> neige,<br />

Je suis la lumière qui traverse<br />

<strong>le</strong>s champs <strong>de</strong> blé,<br />

Je suis la douce pluie d’automne,<br />

Je suis l’éveil <strong>de</strong>s oiseaux dans <strong>le</strong> calme du matin,<br />

Je suis l’étoi<strong>le</strong> qui bril<strong>le</strong> dans la nuit,<br />

N’al<strong>le</strong>z pas sur ma tombe pour p<strong>le</strong>urer,<br />

Je ne suis pas là,<br />

Je ne suis pas morte.<br />

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16<br />

EXPOSITION<br />

du 8 mars au 16 juin 2012<br />

BGE - 1er étage<br />

CYCLE DE TROIS CONFÉRENCES ET EXPOSITIONS<br />

jeudi 8 mars 2012, 18 heures<br />

La Femme ASTRID MIRABAUD<br />

par <strong>Clara</strong> <strong>Cancline</strong> Franceschetti, son premier auteur<br />

mercredi 2 mai 2012, 18 heures<br />

Edition - Passion<br />

Les EDITIONS POURQUOI PAS<br />

par Bernard Lescaze<br />

Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Société genevoise <strong>de</strong>s Ecrivains<br />

mercredi 30 mai 2012, 18 heures<br />

Le couronnement: Un Témoin du XXè Sièc<strong>le</strong><br />

<strong>de</strong> Paul-A<strong>le</strong>xis Ladame<br />

par Cédric Berger, petit-fils <strong>de</strong> l’auteur<br />

Bibliothèque <strong>de</strong> Genève - Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Bastions 1 - CH - 1211 Genève 4 - www.vil<strong>le</strong>-ge.ch/bge

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