MAQ PETIT BULLETIN_GRENOBLE - Le Petit Bulletin
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— SORTIE LE 22 AOÛT —<br />
À perdre la raison<br />
Il y a, à la fin d’À perdre la raison,<br />
une séquence admirable – ce n’est<br />
pas la seule du film. Murielle sort<br />
de chez sa psychanalyste et se<br />
retrouve dans sa voiture à écouter<br />
Femmes je vous aime de Julien<br />
Clerc. Elle en fredonne approximativement<br />
les paroles, puis s’arrête<br />
et fond en larmes. En trois minutes<br />
et un seul plan, c’est comme si<br />
le film, le personnage et l’actrice<br />
(Émilie Dequenne, comme on ne<br />
l’avait jamais vue) lâchaient tout<br />
ce qu’ils retenaient jusqu’ici, dernière<br />
respiration avant le drame<br />
ou l’asphyxie. Car À perdre la<br />
raison est construit comme une<br />
toile d’arai- gnée, un piège qui<br />
se referme sur son personnage,<br />
d’autant plus cruel que personne<br />
n’en est vraiment l’instigateur.<br />
> > > cette gestion du temps, il la trouve longue<br />
et lente. Faire des films pour ma chapelle ou pour mon<br />
église ne m’intéresse plus. Quand on cherche à faire<br />
financer un film qui raconte l’histoire d’un quadruple<br />
infanticide, c’est une énorme cascade, tu te demandes<br />
comment tu vas emmener les spectateurs voir ça. Je<br />
veux faire des films populaires, mais je ne capitulerai<br />
pas sur le fond. <strong>Le</strong> public populaire a aussi droit à des<br />
histoires complexes et à des sujets âpres.<br />
Pouvez-vous nous parler de l’apport de<br />
Thomas Bidegain, qui vient d’une autre<br />
culture scénaristique que la vôtre, plus<br />
américaine ?<br />
Pas vraiment. Quand on me demande quels films<br />
m’ont donné envie de faire du cinéma, je dis E.T. et<br />
Kramer contre Kramer. Ce ne sont pas des films qui<br />
m’ont instruit, mais qui m’ont donné envie quand<br />
j’étais gosse. Et je me suis rendu compte en parlant<br />
avec Thomas qu’en fait on aimait Hitchcock, qu’on<br />
était passionné par La Nuit du chasseur…<br />
On sent quand même qu’il y a chez lui<br />
lorsqu’il travaille avec Audiard un certain<br />
pragmatisme, un goût de la structure…<br />
Une efficacité, oui. Heureusement ! Ce que j’aime<br />
chez Thomas, c’est qu’il n’oublie jamais le public. Mais<br />
avec mon autre scénariste, on essaie de se méfier de<br />
cela, aussi.<br />
Est-ce lui qui vous a amené à reconstituer le<br />
couple d’“Un prophète”, Tahar Rahim et<br />
Niels Arestrup ?<br />
Non. Au départ, c’est Depardieu qui devait tenir le rôle<br />
d’Arestrup, mais il a préféré faire Astérix et Obélix. Et<br />
c’est Tahar qui m’a dit qu’il avait envie de retravailler<br />
avec Niels. J’ai pensé qu’on allait dire que je manquais<br />
d’originalité. Mais je me suis dit que c’était l’histoire<br />
d’une femme qui pense former un couple avec son<br />
compagnon et au fur et à mesure, elle découvre<br />
qu’elle est rentrée dans une maison où il y a déjà un<br />
couple. Et le fait de le faire jouer par un couple de<br />
Ce qui se joue ici, ce sont les<br />
nœuds d’une société où les choses<br />
que l’on croit réglées (le colonialisme,<br />
la domination masculine)<br />
reviennent comme des réflexes<br />
inconscients, provoquant leur lot<br />
de tragédies.<br />
PATRIARCHE DE GLACE<br />
Celle du film a pour base un faitdivers<br />
: une mère qui assassine ses<br />
quatre enfants. On ne révèle rien,<br />
puisque Lafosse en fait l’ouverture<br />
de son film. Cette honnêteté-là<br />
est aussi celle qui amène le<br />
cinéaste à ne jamais apporter de<br />
réponses tranchées aux sujets<br />
pourtant épineux qu’il effleure :<br />
les couples mixtes, la dépendance<br />
affective et financière, le poids<br />
de la culture et du patriarcat…<br />
© Versus production - Fabrizio Maltesse<br />
Déjà dans Élève libre, il laissait<br />
flotter un parfum de malaise :<br />
charge contre les dérives de<br />
l’esprit libertaire ou regard mélancolique<br />
sur l’impossibilité de<br />
transmettre sans vouloir en être<br />
payé en retour ? Avec À perdre<br />
la raison, il va plus loin tout en<br />
adoucissant sa mise en scène, plus<br />
proche des corps et des situations.<br />
Sur la corde raide, il peint des<br />
monstres plein de bonnes intentions,<br />
des rapports de servilité<br />
consentis, un mariage blanc généreux<br />
qui conduit à un ultime tour<br />
d’écrou… L’engrenage terrifiant<br />
qu’il décrit n’est souvent affaire<br />
que d’une petite phrase, d’un<br />
regard, d’un geste, comme si tout<br />
pouvait basculer à la faveur d’un<br />
infime détail. L’idée d’avoir confié<br />
à Niels Arestrup le rôle du médecin<br />
patriarche est évidemment<br />
brillante, tout comme celle de<br />
lui avoir donné comme «fils»<br />
Tahar Rahim, recréant ainsi le duo<br />
d’Un prophète. <strong>Le</strong>s deux acteurs<br />
chargent leur rôle de force et<br />
de fragilité, d’inquiétude et de<br />
bonhomie, de complicité et de<br />
malveillance. C’est dans cette<br />
ambivalence, ces zones grises de<br />
l’âme humaine, que Lafosse trouve<br />
le meilleur terreau pour exprimer<br />
l’essence de son cinéma.<br />
> À perdre la raison<br />
De Joachim Lafosse<br />
(Fr-Belg, 1h45) avec Émilie<br />
Dequenne, Tahar Rahim,<br />
Niels Arestrup…<br />
cinéma préexistant, c’est sans doute très intéressant<br />
pour le spectateur, qu’il ait vu Un prophète ou pas<br />
d’ailleurs, car Niels est un très grand acteur. De toute<br />
façon, je n’y perds pas grand chose, je vais même y<br />
gagner.<br />
Était-ce aussi intéressant pour vous<br />
cinéaste qu’il existe une proximité entre<br />
les deux acteurs assez proche de celle qui<br />
existe entre les deux personnages ?<br />
Quand je choisis de faire jouer dans Nue propriété les<br />
deux frères par Yannick et Jérémie Rénier, c’est la<br />
même chose. Dans À perdre la raison, la proximité<br />
entre les deux acteurs est telle qu’Émilie va devoir<br />
ramer pour exister au sein de ce couple. Et en fait, ils<br />
se sont tous tirés vers le haut. Pour l’anecdote, au<br />
premier jour de tournage, Tahar et Niels sont venus<br />
me voir et m’ont dit : si on fait un moins bon film<br />
qu’Un prophète, les gens vont dire que quand Audiard<br />
n’est pas là, on n’est pas bons, alors accroche-toi. Je<br />
l’ai payé cher, cette prise de risque, mais je pense que<br />
la cascade est réussie.<br />
Émilie Dequenne fait une performance<br />
incroyable…<br />
Avec ce trio, sur le plateau, je suis très vite devenu<br />
spectateur de mon film. Je les ai laissés faire. La scène<br />
de Femmes, je vous aime, on l’a tourné assez tôt, et<br />
quand j’ai vu ça… Il y a eu une pudeur entre moi et<br />
les acteurs, on a très peu parlé de ce qui nous touchait<br />
dans cette histoire, mais j’ai vu qu’ils y mettaient<br />
quelque chose d’eux-mêmes.<br />
Laisser vivre le film, est-ce aussi le laisser<br />
vivre par les débats qu’il risque de susciter ?<br />
J’espère qu’il en suscitera ! C’est à ça que je travaille.<br />
Élève libre a été une leçon. On me reprochait presque<br />
les multiples interprétations du film. Quand je vois Eva<br />
de Losey, ce qui me fascine, c’est que ce n’est pas un<br />
film qui édicte sa vérité. Pour moi, un grand film populaire,<br />
c’est un film dont les spectateurs sortent en<br />
ayant tous vus un film différent.<br />
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