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les années sarkozy vues de l'étranger - Kishore Mahbubani

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EN COUVERTURE<br />

LES ANNÉES<br />

SARKOZY<br />

VUES DE<br />

L’ÉTRANGER<br />

Nicolas Sarkozy, le plus connu mais<br />

le moins apprécié <strong>de</strong>s chefs d’Etat<br />

européens : un sondage réalisé par<br />

l’institut BVA dans cinq pays (France,<br />

Allemagne, Italie, Gran<strong>de</strong>-Bretagne,<br />

Espagne), publié le 9 mars, résume<br />

le statut international <strong>de</strong> notre<br />

prési<strong>de</strong>nt. 93% <strong>de</strong>s personnes<br />

interrogées le connaissent – un<br />

record, il bat même d’un point<br />

la chancelière alleman<strong>de</strong> Angela<br />

Merkel ! – mais il est aussi, avec<br />

l’Espagnol Mariano Rajoy, celui qui<br />

recueille le moins d’opinions positives<br />

(33%). Nous avons voulu en savoir<br />

plus sur ce que <strong>les</strong> économistes,<br />

diplomates, historiens, écrivains,<br />

patrons, etc. étrangers pensent<br />

<strong>de</strong> Nicolas Sarkozy et sur ce qu’ils<br />

retiennent <strong>de</strong> l’évolution du pays<br />

sous son mandat. Un tour du mon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> l’image internationale <strong>de</strong> la<br />

France, à quinze jours du premier<br />

tour <strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>ntielle.<br />

30 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘<br />

PAR PASCALE-MARIE DESCHAMPS ET<br />

ISABELLE LESNIAK, AVEC FLORENCE BAUCHARD,<br />

PIERRE DE GASQUET, GABRIEL GRÉSILLON,<br />

BENJAMIN QUENELLE<br />

ILLUSTRATIONS : PISMESTROVIC/CARTOONARTS INTERNATIONAL/THE NEW YORK TIMES SYNDICATE<br />

AVRIL 2012<br />

AFP - COLIN ANDERSEN/GETTY - DR<br />

AVRIL 2012 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ 31


EN COUVERTURE<br />

VU DE POLOGNE<br />

« E n 2008, <strong>les</strong> Polonais avaient plébiscité Nicolas Sarkozy. Il était<br />

l’homme politique étranger le plus populaire <strong>de</strong> l’année,<br />

<strong>de</strong>vant Barack Obama. Après un François Mitterrand qui, n’ayant<br />

pas compris la portée <strong>de</strong>s révolutions <strong>de</strong> velours <strong>de</strong> 1989, avait<br />

conseillé aux peup<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’Est “d’attendre <strong>de</strong>s dizaines d’<strong>années</strong>”<br />

dans l’antichambre <strong>de</strong> l’Union européenne et, surtout, après un<br />

Jacques Chirac qui avait suggéré en 2003 que ces pays “feraient<br />

mieux <strong>de</strong> se taire”, Sarkozy apparaissait comme une nouvelle<br />

lueur se levant à l’Ouest. Ses origines (hongroises), sa jeunesse,<br />

son dynamisme et son franc-parler le rendaient sympathique.<br />

Les premiers mois ont confirmé ces a priori positifs. Tout semblait<br />

nouveau et inédit: la France allait réintégrer l’Otan, le nouveau<br />

prési<strong>de</strong>nt se disait un ami <strong>de</strong>s Etats-Unis (souvent considérés en<br />

Europe centrale comme le seul véritable allié), il proposait à la<br />

Pologne un “partenariat stratégique”. En juin 2007, lors d’une visite<br />

officielle en Pologne, Sarkozy persuadait le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’époque,<br />

16 mai2007<br />

32 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ AVRIL 2012<br />

« Une bonne opinion<br />

déçue par son manque<br />

d’écoute <strong>de</strong>s intérêts<br />

<strong>de</strong> l’Europe centrale »<br />

Marcin Frybes*<br />

Nicolas Sarkozy <strong>de</strong>vient le 23 e prési<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong> la République française.<br />

Lech Kacyński, <strong>de</strong> ne plus faire obstruction au traité <strong>de</strong> Lisbonne.<br />

Après la victoire du non au référendum <strong>de</strong> 2005 sur la Constitution<br />

européenne, cet engagement pro-européen était salué avec espoir.<br />

La prési<strong>de</strong>nce française <strong>de</strong> l’Union en 2008 aurait dû confirmer<br />

cette bonne opinion. Pourtant, l’hyperactivité, le volontarisme<br />

<strong>de</strong> Sarkozy et, surtout, sa manie <strong>de</strong> se présenter partout comme le<br />

plus important ont refroidi <strong>les</strong> opinions (et <strong>les</strong> dirigeants) <strong>de</strong>s pays<br />

d’Europe centrale. La France <strong>de</strong> Sarkozy restait bien la “France puissance”,<br />

peut-être un peu moins arrogante mais sûrement pas plus à<br />

l’écoute <strong>de</strong>s “petits Etats d’Europe centrale”. La façon dont Sarkozy<br />

essaya <strong>de</strong> s’imposer, seul, dans la résolution du conflit russo-géorgien<br />

traduisait bien cet état d’esprit. Le nouveau Roi soleil n’est pas<br />

très enclin à regar<strong>de</strong>r vers l’Est du continent qu’il semble considérer,<br />

comme ses prédécesseurs, comme appartenant à la sphère<br />

d’influence alleman<strong>de</strong>. L’Europe centrale attendait que la France <strong>de</strong><br />

Sarkozy manifeste plus <strong>de</strong> compréhension pour ses intérêts au sein<br />

<strong>de</strong> l’Union et <strong>de</strong> l’Otan, ainsi que dans ses relations avec la Russie.<br />

Le fameux partenariat stratégique est resté un slogan vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> sens.<br />

Certes, la fougue et la ténacité <strong>de</strong> Nicolas Sarkozy sont toujours<br />

appréciées lorsqu’il s’agit <strong>de</strong> faire pression sur <strong>les</strong> Américains dans<br />

l’affaire Polanski ou <strong>de</strong> prendre le risque d’une intervention militaire<br />

en Libye, mais el<strong>les</strong> agacent lorsqu’el<strong>les</strong> s’appliquent aux intéressés<br />

eux-mêmes. Ce fut le cas récemment avec <strong>les</strong> Polonais qui<br />

réclamaient une participation aux sommets <strong>de</strong> la zone euro <strong>de</strong>s<br />

Etats non-membres <strong>de</strong> la monnaie unique, alors que Nicolas<br />

Sarkozy refusait <strong>de</strong> <strong>les</strong> y associer. Au total, au bout <strong>de</strong><br />

cinq ans, <strong>les</strong> Polonais sont déçus par le prési<strong>de</strong>nt<br />

français.» PROPOS RECUEILLIS PAR I. L.<br />

* Sociologue et journaliste, membre associé du<br />

Cadis-EHESS Paris et enseignant au Collegium<br />

Civitas <strong>de</strong> Varsovie.<br />

18 mai<br />

Présentation du gouvernement<br />

<strong>de</strong> François Fillon.<br />

21 mai<br />

Lancement du Grenelle <strong>de</strong><br />

l’Environnement, qui réunit<br />

pour la première fois l’Etat<br />

et <strong>les</strong> représentants <strong>de</strong> la société<br />

civile afin <strong>de</strong> définir une feuille<br />

<strong>de</strong> route en faveur <strong>de</strong> l’écologie,<br />

du développement et <strong>de</strong> l’aménagement<br />

durab<strong>les</strong>.<br />

5juillet<br />

Annonce par le Premier ministre<br />

<strong>de</strong> la labellisation <strong>de</strong> cinq nouveaux<br />

pô<strong>les</strong> <strong>de</strong> compétitivité,<br />

qui s’ajoutent aux 66 existants.<br />

Libération <strong>de</strong>s infirmières<br />

bul gares et du mé<strong>de</strong>cin<br />

pa<strong>les</strong>tinien détenus en Libye,<br />

grâce à Cécilia Sarkozy et Clau<strong>de</strong><br />

Guéant. Commentaire du journal<br />

bulgare Standart : « Son père<br />

est Hongrois, son grand-père<br />

<strong>de</strong> Salonique : il est <strong>de</strong>s nôtres,<br />

ce prési<strong>de</strong>nt français. »<br />

VU DES ETATS-UNIS<br />

« Le peuple est morose<br />

car le prési<strong>de</strong>nt n’a pas<br />

su créer du lien social »<br />

Steven Kaplan*<br />

Enjeux Les Echos – Quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> différences<br />

que vous obser vez entre le début et<br />

la fin du mandat <strong>de</strong> Nicolas Sarkozy ?<br />

S. K. – Au XVIII e siècle déjà, l’économiste français<br />

François Véron <strong>de</strong> Forbonnais disait que<br />

l’élément déterminant dans la lutte pour la<br />

puissance entre la France et l’Angleterre, ce n’était plus <strong>les</strong> conquêtes,<br />

le carnage, le froid, mais le bonheur du peuple. C’est ce qui fait la<br />

supériorité d’un empire. Or si l’on juge Nicolas Sarkozy à cette aune,<br />

il est évi<strong>de</strong>nt qu’il a failli. Selon un récent sondage Gallup réalisé dans<br />

53 pays, <strong>les</strong> Français sont <strong>les</strong> plus pessimistes <strong>de</strong> la planète, pire que<br />

<strong>les</strong> Irakiens ou <strong>les</strong> Nigérians…<br />

Cet état d’esprit contraste <strong>de</strong> manière frappante avec celui que voulait<br />

insuffler Nicolas Sarkozy en 2007. En totale opposition avec l’immobilisme<br />

<strong>de</strong> Chirac, il se présente comme le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la rupture,<br />

un peu à la manière du Mitterrand <strong>de</strong> mai 1981. Il débarque avec ce<br />

volontarisme agitateur, cette frénésie que je crois sincère, cette volonté<br />

<strong>de</strong> rendre <strong>les</strong> Français heureux. Il veut <strong>les</strong> faire travailler plus pour<br />

gagner plus, leur permettre <strong>de</strong> s’épanouir. Il pense que la mondialisation<br />

est forcément positive. Ce n’est pas si éloigné du «Yes we can»<br />

26 juillet<br />

Discours <strong>de</strong> Dakar. Nicolas<br />

Sarkozy : « L’homme africain<br />

n’est pas assez entré dans<br />

l’Histoire. »<br />

10 août<br />

Loi sur <strong>les</strong> libertés et <strong>les</strong> responsabilités<br />

<strong>de</strong>s universités.<br />

21 août<br />

Loi sur le dialogue social et la<br />

continuité du service public<br />

dans <strong>les</strong> transports terrestres.<br />

22 septembre<br />

François Fillon affirme « être<br />

à la tête d’un Etat qui est<br />

en situation <strong>de</strong> faillite ».<br />

18 octobre<br />

Nicolas et Cécilia divorcent.<br />

LOI TEPA (Travail, emploi,<br />

pouvoir d’achat). Elle reposait<br />

sur quatre mesures-clés :<br />

la défiscalisation <strong>de</strong>s heures<br />

supplémentaires, le bouclier<br />

fiscal, le crédit d’impôt sur <strong>les</strong><br />

intérêts d’emprunt et la suppression<br />

<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> succession.<br />

Mais aucune n’a perduré.<br />

La défiscalisation est<br />

accusée d’être contre-productive<br />

pour l’emploi en incitant<br />

<strong>les</strong> entreprises à recourir aux<br />

heures supplémentaires plutôt<br />

qu’à embaucher. Le bouclier<br />

fiscal, qui plafonnait à<br />

50% l’imposition globale, a été<br />

abandonné en 2011, comme<br />

avant lui le crédit d’impôt sur<br />

<strong>les</strong> intérêts d’emprunt. Certains<br />

droits <strong>de</strong> succession sont<br />

relevés. La loi Tepa n’a pas<br />

généré le « choc <strong>de</strong> confiance »<br />

initialement promis par<br />

Christine Lagar<strong>de</strong>.<br />

d’Obama. Mais le mandat s’achève <strong>de</strong> manière radicalement différente:<br />

le peuple est morose. Les Français sont dans la souffrance.<br />

Pourquoi cet échec ?<br />

S. K. – Nicolas Sarkozy n’a pas su créer du lien social. Sur le plan symbolique,<br />

<strong>les</strong> marques <strong>de</strong> sa déconnexion avec la France profon<strong>de</strong> chère<br />

à Raffarin sont nombreuses. D’entrée <strong>de</strong> jeu, il se présente comme un<br />

prési<strong>de</strong>nt Fouquet’s, Rolex, bling-bling, qui passe ses vacances sur le<br />

yacht <strong>de</strong> Bolloré. Il n’hésite pas à dire «Casse-toi pauv’con» à un électeur.<br />

Il pense qu’une guichetière n’a pas besoin <strong>de</strong> lire La Princesse <strong>de</strong><br />

Clèves. Cela montre son profond mépris pour certains segments <strong>de</strong> la<br />

population. Il n’est pas sympathique alors que, pour bien gouverner,<br />

un prési<strong>de</strong>nt doit avoir <strong>de</strong> l’empathie pour son peuple. Même Angela<br />

Merkel s’est montrée plus attentive au lien social.<br />

Et au niveau international ?<br />

S. K. – Il a rendu à la France un certain standing même s’il agace ses<br />

partenaires en Europe. Il a compris qu’il lui fallait réussir à l’extérieur<br />

pour compenser son manque <strong>de</strong> perspicacité intérieure. Mais, là<br />

aussi, il y a un contraste frappant entre le but du début <strong>de</strong> mandat et<br />

la réalité <strong>de</strong> la fin. S’il arrive au pouvoir en se présentant comme Sarkozy<br />

l’Américain, il finit par s’imposer comme Sarkozy l’Européen. Il<br />

aurait aimé pouvoir américaniser la France, la rendre plus souple, plus<br />

flexible. Mais le consensus en France reste en faveur <strong>de</strong> la solidarité<br />

et <strong>de</strong> la redistribution. Il a été assez luci<strong>de</strong> pour ne pas essayer <strong>de</strong><br />

remettre en cause le contrat social français. La seule chance <strong>de</strong> la<br />

France, c’est l’Europe. C’est son <strong>de</strong>stin. PROPOS RECUEILLIS PAR I. L.<br />

* Historien à Cornell University, professeur à Sciences Po et l’ENS.<br />

2007 2008<br />

24juillet<br />

DR - DOMINIQUE FAGET/AFP - DIMITAR DILKOFF/AFP<br />

DR - FRANCK FIFE/AFP<br />

21 août<br />

20 novembre<br />

Le prési<strong>de</strong>nt vénézuélien Hugo<br />

Chavez est reçu à l’Elysée pour<br />

tenter <strong>de</strong> faire libérer la Franco-<br />

Colombienne Ingrid Betancourt<br />

et <strong>les</strong> 44 autres otages <strong>de</strong>s Farc.<br />

10-15 décembre<br />

8janvier<br />

Nicolas Sarkozy : « Vous savez,<br />

Carla et moi, c’est du sérieux. »<br />

1 er février<br />

Plan Alzheimer 2008-12.<br />

8 février<br />

Ratification du traité <strong>de</strong><br />

Lisbonne.<br />

23 février<br />

Salon <strong>de</strong> l’agriculture. Nicolas<br />

Sarkozy : « Casse-toi, pauv’con !»<br />

26 mars<br />

Voyage officiel avec Carla Bruni<br />

en Angleterre.<br />

Kadhafi est reçu en gran<strong>de</strong> pompe<br />

à Paris ; 10 milliards d’euros <strong>de</strong><br />

contrats avec la Libye sont annoncés.<br />

AVRIL 2012 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ 33


EN COUVERTURE<br />

Enjeux Les Echos – En mai 2006, Nicolas Sarkozy, encore ministre<br />

<strong>de</strong> l’Intérieur, disait vouloir « construire [avec l’Afrique] une relation<br />

assainie » et « définitivement tourner la page <strong>de</strong>s complaisances et<br />

<strong>de</strong>s ambiguïtés. » Qu’en est-il après cinq ans <strong>de</strong> prési<strong>de</strong>nce ?<br />

I. T. – Tout le mon<strong>de</strong> a salué à l’époque sa volonté <strong>de</strong> rompre avec la<br />

« Françafrique ». On attendait <strong>de</strong> voir la mise en œuvre <strong>de</strong> ce prêche<br />

vertueux. La déception a été immédiate et sans surprise. Tous ses prédécesseurs<br />

se sont heurtés à la puissance <strong>de</strong> ces réseaux semi-mafieux<br />

qui opèrent en toute illégalité. Mais il termine son quinquennat en<br />

laissant <strong>les</strong> choses en pire état qu’il ne <strong>les</strong> avait trouvées. Son mandat<br />

n’a pas été une rupture, mais une régression. L’intervention en Côte<br />

d’Ivoire? Quand bien même elle s’est faite sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ONU pour<br />

soutenir un candidat légitime, la France était très mal placée pour la<br />

conduire. Cela a disqualifié l’opération. La législation sur l’immigration<br />

s’est durcie sans réciprocité. Les Français peuvent toujours entrer<br />

dans nombre <strong>de</strong> pays africains francophones avec une simple carte<br />

d’i<strong>de</strong>ntité… La création du ministère <strong>de</strong> l’I<strong>de</strong>ntité nationale a accablé<br />

<strong>les</strong> étrangers, créant <strong>de</strong>s amalgames entre immigrés, noirs, musulmans.<br />

Il en est ressorti qu’un Français est d’abord un blanc chrétien.<br />

Et puis il y eut ce discours <strong>de</strong> Dakar, pathétique et déplorable.<br />

Henri Guaino, le rédacteur <strong>de</strong> ce discours, s’en est expliqué…<br />

I. T. – Certes, et il y a eu aussi le discours <strong>de</strong> « rattrapage » en Afrique<br />

du Sud. Mais celui <strong>de</strong> Dakar, en niant l’historicité et l’histoire <strong>de</strong>s sociétés<br />

africaines se raccor<strong>de</strong> à une vision naturaliste <strong>de</strong> l’Afrique qui justifie,<br />

<strong>de</strong>puis le XV e siècle, la collusion <strong>de</strong>s entreprises et <strong>de</strong>s élites loca<strong>les</strong><br />

pour mieux piller <strong>les</strong> ressources du continent et opprimer ses peup<strong>les</strong>.<br />

Ce discours a ramené l’opinion publique française, à laquelle il<br />

s’adressait, au XIX e siècle! Il a manifesté, comme l’article <strong>de</strong> loi sur «<strong>les</strong><br />

bienfaits <strong>de</strong> la colonisation», une totale incompréhension <strong>de</strong>s dynamiques<br />

actuel<strong>les</strong> <strong>de</strong>s peup<strong>les</strong> et <strong>de</strong> la jeunesse. Résultat, la jeunesse<br />

d’Afrique se détourne <strong>de</strong> la France et regar<strong>de</strong> vers <strong>les</strong> Etats-Unis et le<br />

Canada. Le Rwanda est en passe <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir anglophone.<br />

Qu’en est-il du retrait militaire d’Afrique annoncé il y a un an et <strong>de</strong>mi?<br />

I. T. – Comme la décolonisation en son temps, il ne s’agit que du redéploiement<br />

pour raisons budgétaires d’un dispositif stratégique qui<br />

permettra à la France <strong>de</strong> préserver son influence pour moins cher et<br />

<strong>de</strong> manière moins visible par le truchement <strong>de</strong> la technologie.<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

*Professeur d’histoire à l’université Cheikh Anta Diop à Dakar.<br />

Il est coauteur <strong>de</strong> L’Afrique <strong>de</strong> Sarkozy: un déni <strong>de</strong> l’histoire (Khartala).<br />

34 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘<br />

VU D’AFRIQUE<br />

« Son mandat n’a pas été<br />

une rupture par rapport<br />

aux habitu<strong>de</strong>s du passé,<br />

mais une régression »<br />

Ibrahima Thioub*<br />

AVRIL 2012<br />

VU PAR<br />

BEN VERWAAYEN*<br />

«EN ARRIVANT EN FRANCE, JE CRAIGNAIS UN PEU QUE<br />

L’ENVIRONNEMENT Y SOIT DIFFICILE, MAIS CE N’EST PAS<br />

LE CAS. LA FRANCE EST UN TRÈS BON PAYS POUR FAIRE<br />

DES AFFAIRES. EN REVANCHE, J’AI ÉTÉ SURPRIS PAR CETTE<br />

SUSCEPTIBILITÉ DES FRANÇAIS ÀL’ÉGARD DU MODÈLE<br />

ANGLO-SAXON. LA FRANCE NE MANQUE NI DE TALENTS<br />

NI DE CRÉATIVITÉ. MAIS C’EST UNE SOCIÉTÉ QUI VALORISE<br />

DAVANTAGE LE FAIT D’ÊTRE FONCTIONNAIRE OU EMPLOYÉ<br />

QUE CET ESPRIT D’ENTREPRISE NÉCESSAIRE POUR SOUTENIR<br />

ET RÉCOMPENSER LES JEUNES QUI ONT LES IDÉES, LE COURAGE<br />

ET LA TÉNACITÉ POUR ENTREPRENDRE. OR LES PME SONT<br />

ESSENTIELLES POUR UN PAYS, CAR C’EST LÀ QUE SE TROUVE<br />

L’INNOVATION. CÉLÉBRER LE SUCCÈS DES JEUNES, AJOUTER<br />

UN PEU DE FLEXIBILITÉ ET AVOIR DES RELATIONS PLUS<br />

OUVERTES ET COOPÉRATIVES ENTRE LES MONDES POLITIQUE<br />

ET ÉCONOMIQUE, CELA NE COÛTE RIEN ET PEUT FAIRE UNE<br />

DIFFÉRENCE SIGNIFICATIVE.<br />

EN PÉRIODE DE RÉCESSION SURGIT SOUVENT CETTE RÉACTION<br />

PRIMITIVE DE VOULOIR FERMER LA PORTE. C’EST LA PLUS<br />

MAUVAISE SOLUTION POSSIBLE POUR UNE ENTREPRISE<br />

HIGH-TECH, CAR C’EST SON ACCÈS AUX CAPACITÉS MONDIALES<br />

QUI FAIT SON SUCCÈS. JE CRAINS QU’APRÈS LES BANQUIERS,<br />

LES DIRIGEANTS DES GRANDES ENTREPRISES DEVIENNENT<br />

À LEUR TOUR “LES VILAINS”. » PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

*Néerlandais, ancien patron <strong>de</strong> British Telecom, directeur<br />

général et administrateur d’Alcatel-Lucent <strong>de</strong>puis 2008.<br />

DR - PETER ALLAN/ALCATEL-LUCENT<br />

DR - DENIS ALLARD/REA - DOMINIQUE FAGET/AFP<br />

VU DE RUSSIE<br />

« Le point fort <strong>de</strong> sa<br />

prési<strong>de</strong>nce a été son<br />

intervention lors du<br />

conflit russo-géorgien »<br />

Sergueï Buntman*<br />

« P our <strong>les</strong> Russes, le point fort<br />

<strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>nce Sarkozy a été<br />

son implication au moment <strong>de</strong> la<br />

guerre avec la Géorgie, en 2008.<br />

En plein conflit militaire, le voyage<br />

du prési<strong>de</strong>nt français à Moscou puis à Tbilissi a été un<br />

premier pas vers une solution. C’est toujours un sujet<br />

fort, même aujourd’hui: pour <strong>les</strong> autorités, cette guerre<br />

reste quelque chose d’inaccompli; <strong>les</strong> milieux libéraux<br />

ironisent sur le fait que tout le mon<strong>de</strong>, Sarkozy inclus,<br />

semble avoir oublié quelques dispositions-clés du plan…<br />

Le reste <strong>de</strong> la politique extérieure <strong>de</strong> Sarkozy est en<br />

revanche passée inaperçue. Ce n’était pas le cas avec<br />

Chirac, apprécié pour ses positions contre <strong>les</strong> Etats-Unis.<br />

Autre point fort <strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>nce Sarkozy: 2010, l’année<br />

croisée France-Russie. En cette année 2012, <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux pays<br />

célèbrent le bicentenaire <strong>de</strong> la bataille <strong>de</strong> Moscou <strong>de</strong> 1812<br />

contre l’armée napoléonienne. Etonnamment, Vladimir<br />

Poutine a utilisé le superbe poème <strong>de</strong> Lermontov sur<br />

cette illustre bataille. Il a politisé ces vers et l’histoire,<br />

<strong>de</strong> manière peu correcte vis-à-vis <strong>de</strong> notre mémoire.<br />

Quand on parle <strong>de</strong> Poutine et Sarkozy, on compare<br />

leurs métho<strong>de</strong>s: ce sont <strong>de</strong>ux prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> la même<br />

génération politique. Il y a eu un fort rapprochement<br />

<strong>de</strong>puis quatre ans. Ils parlent beaucoup d’économie.<br />

Avec notamment le spectaculaire achat russe du portehélicoptères<br />

français Mistral. Cet achat a été très critiqué<br />

à Moscou, moins par <strong>les</strong> groupes libéraux que par <strong>les</strong><br />

contestataires prosoviétiques. Car c’est un pas concret<br />

vers la mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> nos équipements militaires et<br />

<strong>de</strong> notre façon <strong>de</strong> voir <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> technologies.<br />

Poutine et Sarkozy ont en revanche moins parlé <strong>de</strong><br />

droits <strong>de</strong> l’homme, alors que la France est toujours considérée<br />

par <strong>les</strong> libéraux russes comme l’un <strong>de</strong>s remparts<br />

<strong>de</strong> la liberté. La voix <strong>de</strong> la France dans <strong>les</strong> problèmes<br />

<strong>de</strong> droits <strong>de</strong> l’homme compte toujours pour nous. Sous la<br />

prési<strong>de</strong>nce Sarkozy cette voix s’est faite plus discrète. »<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR B. Q. À MOSCOU<br />

2008<br />

RÉFORME DE L’ETAT La<br />

Révision générale <strong>de</strong>s politiques<br />

publiques (RGPP)<br />

vise à réformer l’Etat en<br />

améliorant <strong>les</strong> services aux<br />

usagers, en rationalisant<br />

<strong>les</strong> dépenses publiques et<br />

en mo<strong>de</strong>rnisant <strong>les</strong> ressources<br />

humaines <strong>de</strong> l’Etat.<br />

Elle couvre plus <strong>de</strong> 500<br />

mesures, dont le non-remplacement<br />

d’un fonctionnaire<br />

sur <strong>de</strong>ux partant à<br />

la retraite à partir <strong>de</strong> 2008<br />

et l’obligation pour l’Etat<br />

<strong>de</strong> réduire ses dépenses<br />

<strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong><br />

10% entre 2011 et 2013.<br />

119 mesures sont déclarées<br />

terminées et 392 en cours<br />

<strong>de</strong> mise en œuvre. Dans<br />

un récent rapport très<br />

positif, l’OCDE note que<br />

l’ori gi nalité <strong>de</strong> la RGPP<br />

« rési<strong>de</strong> dans sa globalité »<br />

et qu’elle « place la France<br />

dans une situation relati -<br />

vement privilégiée ».<br />

23 juin<br />

Au Parlement israélien.<br />

Sarkozy : « Il ne peut y avoir <strong>de</strong><br />

paix si <strong>les</strong> Pa<strong>les</strong>tiniens ne<br />

combattent pas eux-mêmes le<br />

terrorisme. Mais pas <strong>de</strong> paix<br />

non plus si <strong>les</strong> Pa<strong>les</strong>tiniens<br />

sont empêchés <strong>de</strong> circuler. »<br />

1 er juillet<br />

Début <strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>nce française<br />

<strong>de</strong> l’Union européenne<br />

(jusqu’au 31 décembre).<br />

2 juillet<br />

4 avril<br />

* Rédacteur en chef adjoint <strong>de</strong> la radio indépendante Echo<br />

<strong>de</strong> Moscou. Ingrid Betancourt est libérée<br />

et accueillie par Nicolas<br />

Sarkozy qui revendique<br />

un rôle actif, mais contesté,<br />

dans sa libération.<br />

13 juillet<br />

Lancement <strong>de</strong> l’Union pour<br />

la Méditerranée par Sarkozy<br />

et 43 chefs d’Etat (dont Bachar<br />

Al-Assad et Hosni Moubarak).<br />

14 juillet<br />

La présence du prési<strong>de</strong>nt<br />

syrien au défilé militaire<br />

sur <strong>les</strong> Champs-Elysées<br />

provoque une polémique.<br />

8 août<br />

Participation controversée<br />

<strong>de</strong> Nicolas Sarkozy à la<br />

cérémonie d’ouverture<br />

<strong>de</strong>s JO à Pékin.<br />

8septembre<br />

Lors <strong>de</strong> son <strong>de</strong>uxième déplacement<br />

à Moscou, Nicolas<br />

Sarkozy obtient <strong>de</strong> Dmitri<br />

Medve<strong>de</strong>v le principe d’un<br />

retrait <strong>de</strong>s troupes russes <strong>de</strong><br />

Géorgie.<br />

15 septembre<br />

Faillite <strong>de</strong> Lehman Brothers.<br />

25 septembre<br />

Discours <strong>de</strong> Toulon.<br />

Nicolas Sarkozy : « L’idée<br />

<strong>de</strong> la toute-puissance du<br />

marché était une idée folle. »<br />

12 octobre<br />

Réunion <strong>de</strong> l’Eurogroupe<br />

à l’Elysée. Plan <strong>de</strong> près<br />

<strong>de</strong> 1 700 milliards d’euros<br />

sous forme <strong>de</strong> garanties<br />

qui rassure <strong>les</strong> marchés.<br />

13 octobre<br />

Plan <strong>de</strong> sauvetage <strong>de</strong>s<br />

banques françaises.<br />

L’Etat garantit <strong>les</strong> prêts<br />

interbancaires dans<br />

certaines limites.<br />

AVRIL 2012 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ 35


EN COUVERTURE<br />

36 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘<br />

VU DU ROYAUME-UNI<br />

« Tout semblait confirmer<br />

mes stéréotypes sur une<br />

France qui ne travaille pas.<br />

Mais le système fonctionne »<br />

Stephen Clarke*<br />

« L ’économie française me paraît marcher à contresens. Quand<br />

je suis arrivé à Paris en 1993 pour travailler dans une gran<strong>de</strong><br />

entreprise française, j’ai trouvé un modèle à l’opposé <strong>de</strong> celui que<br />

je connaissais. Le premier jour, la DRH m’a expliqué que j’aurais<br />

37 jours <strong>de</strong> vacances par an (<strong>de</strong>ux semaines <strong>de</strong> plus qu’en Angleterre!).<br />

Elle s’excusait parce que, étant nouvel embauché, je ne<br />

pourrais pas prendre un mois en été comme tout le mon<strong>de</strong>. Par<br />

contre, l’année suivante, il faudrait que je prenne quatre semaines<br />

car, s’il y avait beaucoup <strong>de</strong> ponts en mai/juin, j’aurai du mal<br />

à poser tous mes congés. Quand allait-on travailler? Personne ne<br />

parlait d’objectifs, contrairement à mes anciens chefs anglais<br />

qui voulaient <strong>de</strong>s réunions quasiment tous <strong>les</strong> jours. La légendaire<br />

pause déjeuner dépassait largement <strong>les</strong> 45 minutes anglaises.<br />

Tout semblait confirmer mes stéréotypes sur la France qui ne<br />

travaille pas. Mais peu à peu, j’ai remarqué que le système<br />

fonctionnait. On était toujours à l’heure, même s’il fallait<br />

travailler toute la soirée pour finir à temps.<br />

J’avoue que <strong>les</strong> 35 heures m’ont fait peur. On nous donnait<br />

22 jours <strong>de</strong> RTT par an, mais sans revoir l’effectif – il<br />

fallait être plus efficace <strong>de</strong> 10%. Impossible pour <strong>de</strong>s Français<br />

prétendument “allergiques au travail”? Et bien non.<br />

Nous étions toujours à l’heure. Pas pour atteindre <strong>de</strong>s<br />

AVRIL 2012<br />

objectifs ni plaire au chef ou gagner plein d’argent. Pour pouvoir<br />

prendre toutes nos vacances et partir en week-end prolongé!<br />

La droite est myope quand elle dit que <strong>les</strong> 35 heures mènent<br />

le pays à la faillite. Donnez un long week-end à un Français, et il<br />

monte dans un TGV ou dans sa Renault/Peugeot qu’il remplit <strong>de</strong><br />

carburant Total. Il reste en France, réserve une table dans un restaurant<br />

français, où il consomme <strong>de</strong>s produits majoritairement français.<br />

Dans la même situation, un Londonien voyage dans un lowcost<br />

irlandais à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> la Costa <strong>de</strong>l Sol et s’y achète une villa.<br />

Depuis son arrivée au pouvoir, Monsieur Sarkozy suggère <strong>de</strong><br />

“travailler plus pour gagner plus”. Chez moi, si on doit travailler<br />

plus pour gagner plus, c’est parce que l’on a pris un crédit immobilier<br />

trop ambitieux, ou parce qu’on a investi dans une banque islandaise<br />

qui a coulé. En France, le particulier moyen est moins en<strong>de</strong>tté,<br />

il a ses économies dans un livret A. Si on lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> “travailler<br />

plus pour gagner plus”, il va dépenser moins, faute <strong>de</strong> temps libre.<br />

Or le système fiscal semble ici conçu pour punir <strong>les</strong> plus actifs. La<br />

vieille classe – assise sur son immeuble familial, ses trois maisons<br />

<strong>de</strong> campagne et quelques Picasso – ne mettra pas sa richesse en<br />

circulation. Elle n’a pas besoin <strong>de</strong> travailler plus, car elle ne paie<br />

quasiment rien en impôts. En revanche, ceux qui acceptent le<br />

défi et génèrent <strong>de</strong> l’argent sont taxés à blanc.<br />

C’est pourquoi la France me semble aller dans le mur. Les<br />

économies anglaise et américaine “sauvages” ont peut-être<br />

<strong>les</strong> mécanismes et <strong>les</strong> motivations pour repartir. La France, je<br />

ne sais pas. » PROPOS RECUEILLIS PAR I. L.<br />

*Auteur <strong>de</strong> God save la France et Français, je vous haime (Pocket).<br />

2008 2009<br />

6 décembre<br />

12 décembre<br />

Le <strong>de</strong>rnier Conseil européen<br />

présidé par la France s’achève<br />

sur un triple accord sur<br />

le paquet énergie-climat,<br />

le plan <strong>de</strong> relance et la ratifi -<br />

cation du traité <strong>de</strong> Lisbonne.<br />

17 décembre<br />

Réforme <strong>de</strong> l’audiovisuel public,<br />

suppression <strong>de</strong> la publicité après<br />

20 heures.<br />

19 décembre<br />

Pôle Emploi naît <strong>de</strong> la fusion <strong>de</strong><br />

l’ANPE et <strong>de</strong>s Assedic.<br />

Rencontre à Gdansk<br />

entre Nicolas Sarkozy et<br />

le dalaï-lama, qui suscite<br />

<strong>de</strong> vives protestations<br />

<strong>de</strong> la part <strong>de</strong> Pékin.<br />

1 er -18 février<br />

Emeutes en Gua<strong>de</strong>loupe<br />

contre la vie chère.<br />

10 février<br />

Visite surprise à Bagdad, où<br />

aucun prési<strong>de</strong>nt français<br />

ne s’est rendu <strong>de</strong>puis<br />

le renver sement du régime<br />

<strong>de</strong> Saddam Hussein en 2003.<br />

17 mars<br />

La France réintègre<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s structures<br />

militaires <strong>de</strong> l’Otan.<br />

2 avril<br />

A Londres, <strong>les</strong> dirigeants<br />

<strong>de</strong>s 20 premières économies<br />

mondia<strong>les</strong> prennent <strong>de</strong>s<br />

décisions pour renforcer<br />

la régulation financière.<br />

DR - ERIC FEFERBERG/AFP


EN COUVERTURE<br />

38 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ AVRIL 2012<br />

VU DE WALL STREET<br />

« Une gran<strong>de</strong> partie<br />

<strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> la France<br />

reste liée aux performances<br />

<strong>de</strong> l’Allemagne »<br />

Mohamed El-Erian*<br />

Enjeux Les Echos – Il y a quatre ans, The Economist<br />

avait qualifié Nicolas Sarkozy <strong>de</strong><br />

« prési<strong>de</strong>nt réformiste ». Mérite-t-il encore<br />

cette étiquette ?<br />

M. E. – Le jugement sur son quinquennat est<br />

très similaire à celui que l’on peut avoir sur le bilan <strong>de</strong> Barack Obama.<br />

Comme lui, Nicolas Sarkozy a lancé <strong>de</strong> nombreuses initiatives structurel<strong>les</strong>:<br />

avec succès dans le domaine <strong>de</strong>s retraites, beaucoup moins<br />

dans celui du marché du travail. Ses efforts doivent être jugés dans le<br />

contexte d’une crise financière majeure. La France gar<strong>de</strong> un rôle critique<br />

dans la refondation <strong>de</strong> la zone euro. Mais elle doit encore réconcilier<br />

croissance et baisse du chômage avec ses impératifs budgétaires.<br />

Nicolas Sarkozy a-t-il changé la donne en Europe ?<br />

M. E. – A son actif, il a joué un rôle majeur dans le renforcement<br />

<strong>de</strong> la zone euro avec Angela Merkel ainsi que dans la coopération<br />

internationale face à la crise financière en avril 2009. Et il<br />

a été beaucoup plus actif que <strong>les</strong> Américains en matière <strong>de</strong><br />

réforme du système financier. Mais une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> ses<br />

problèmes reste liée aux performances comparées <strong>de</strong> l’Allemagne.<br />

Celle-ci s’est en effet engagée dans une très<br />

sérieuse réforme du marché du travail <strong>de</strong>puis le début<br />

2009<br />

1 er juin<br />

Le Revenu <strong>de</strong> solidarité active<br />

(RSA) défendu par Martin Hirsch<br />

(photo), entre en vigueur.<br />

Il remplace le revenu minimum<br />

d’insertion (RMI) et l’allocation<br />

<strong>de</strong> parent isolé (API).<br />

5juin<br />

Le prési<strong>de</strong>nt américain Barack<br />

Obama vient célébrer l’anni -<br />

versaire <strong>de</strong> la Libération, à<br />

Colleville-sur-Mer (Calvados),<br />

rejoint par Nicolas Sarkozy.<br />

22 juin<br />

GRAND EMPRUNT Mis en œuvre en décembre 2009 pour doper<br />

<strong>les</strong> investissements d’avenir, il est considéré comme l’une <strong>de</strong>s<br />

réussites du quinquennat. 1 500 projets ont été déposés et<br />

35 milliards d’euros investis par l’Etat (22 milliards levés sur <strong>les</strong><br />

marchés et 13 issus du remboursement <strong>de</strong>s prêts aux banques<br />

<strong>de</strong> 2008). L’enseignement supérieur empoche 11 milliards dont<br />

8 <strong>de</strong>stinés à la création <strong>de</strong> huit campus d’excellence ; 8 milliards<br />

vont à la recherche (santé, biotechs, capitalisation <strong>de</strong>s start-up) ;<br />

6,5 milliards aux filières aéronautique, spatiale, automobile,<br />

ferroviaire et navale ; 4,5 au numérique (Internet haut débit) et<br />

5 au développement durable (nouveau réacteur nucléaire).<br />

<strong>de</strong>s <strong>années</strong> 2000. Du coup, elle est <strong>de</strong>venue 10% plus compétitive visà-vis<br />

<strong>de</strong> la France sur <strong>les</strong> onze <strong>de</strong>rnières <strong>années</strong>, en termes <strong>de</strong> taux <strong>de</strong><br />

change réels. Cela rend <strong>les</strong> choses beaucoup plus diffici<strong>les</strong> pour le prochain<br />

prési<strong>de</strong>nt. La France a un problème <strong>de</strong> compétitivité qu’il lui<br />

faudra régler. La réforme du marché <strong>de</strong> l’emploi reste la plus urgente.<br />

Il faut faire exactement ce qu’a fait l’Allemagne: <strong>les</strong> syndicats, le gouvernement<br />

et <strong>les</strong> employeurs doivent se réunir et faire un sacrifice partagé<br />

afin <strong>de</strong> rendre le marché <strong>de</strong> l’emploi plus flexible.<br />

Pourquoi le déclassement <strong>de</strong> la note AAA est-il un coup plus dur pour<br />

la France que pour <strong>les</strong> Etats-Unis ?<br />

M. E. – Les Etats-Unis ont <strong>de</strong>ux choses que n’a pas la France: une monnaie<br />

<strong>de</strong> réserve mondiale et le marché financier le plus liqui<strong>de</strong> et le<br />

plus prévisible. Ils gar<strong>de</strong>nt ce qu’on appelle « la chemise sale la plus<br />

propre». C’est pourquoi le niveau <strong>de</strong>s CDS (Credit Default Swaps) est<br />

<strong>de</strong>ux fois moins élevé sur <strong>les</strong> Etats-Unis que sur la France.<br />

Comment <strong>les</strong> marchés réagissent-ils aux projets <strong>de</strong> taxation <strong>de</strong>s<br />

hauts revenus <strong>de</strong> François Hollan<strong>de</strong> ?<br />

M. E. – En 2002, le prési<strong>de</strong>nt brésilien Lula a remporté le premier<br />

tour et dit <strong>de</strong>s choses susceptib<strong>les</strong> d’inquiéter <strong>les</strong> marchés. Entre<br />

<strong>les</strong> <strong>de</strong>ux tours, ses conseillers nous ont fait comprendre qu’une<br />

fois élu, il ne faudrait pas prendre au pied <strong>de</strong> la lettre ses propos.<br />

Le marché jugera sur <strong>les</strong> actes davantage que sur <strong>les</strong> paro<strong>les</strong>. Il<br />

ne faut pas sous-estimer la force et la solidité <strong>de</strong> l’administration<br />

et <strong>de</strong>s institutions françaises : cela limite <strong>les</strong> risques <strong>de</strong><br />

turbulences. PROPOS RECUEILLIS PAR P. DE G. À NEW YORK<br />

* PDG <strong>de</strong> Pimco, premier gérant obligataire mondial.<br />

6septembre<br />

Nicolas Sarkozy à Brasilia, invité<br />

d’honneur à la fête nationale<br />

brésilienne. Le prési<strong>de</strong>nt Lula<br />

annonce la décision du Brésil<br />

d’acquérir 36 avions Rafale.<br />

21 septembre<br />

Procès Clearstream où se<br />

retrouvent Nicolas Sarkozy<br />

parmi <strong>les</strong> parties civi<strong>les</strong> et l’ex-<br />

Premier ministre Dominique<br />

<strong>de</strong> Villepin parmi <strong>les</strong> prévenus.<br />

25 septembre<br />

G20 à Pittsburgh pour une régulation<br />

financière mondiale : renforcement<br />

du rôle du FMI, encadrement<br />

<strong>de</strong>s bonus, mise sous<br />

surveillance <strong>de</strong>s paradis fiscaux.<br />

Octobre<br />

Jean Sarkozy, 23 ans, veut<br />

prendre la tête <strong>de</strong> l’Etablis -<br />

sement public d’aménagement<br />

<strong>de</strong> La Défense. Commentaire du<br />

Guardian : « La dynastie Sarkozy<br />

s’est une fois <strong>de</strong> plus embourbée<br />

dans une histoire <strong>de</strong> népotisme. »<br />

AXEL GRIESCH/PIMCO - BORIS HORVAT/AFP


EN COUVERTURE<br />

VU PAR<br />

CHRIS VIEHBACHER*<br />

«LAFRANCE A MENÉ À BIEN UN CERTAIN NOMBRE DE<br />

RÉFORMES REMARQUABLES ENTRE 2006 ET 2008<br />

POUR CONFORTER SON ATTRACTIVITÉ, DONT L’AUTONOMIE<br />

DES UNIVERSITÉS. SOUS-ESTIMÉE, CETTE RÉFORME EST<br />

TOUTEFOIS PRIMORDIALE DANS LA CONCURRENCE MONDIALE<br />

POUR LES TALENTS AVEC L’ÉTABLISSEMENT D’UNIVERSITÉS<br />

D’EXCELLENCE.<br />

LE GRAND EMPRUNT CONSTITUE ÉGALEMENT UN SIGNAL<br />

FORT POUR LA RECHERCHE. ET LE GOUVERNEMENT A EU LE<br />

COURAGE D’ALLOUER DES FINANCEMENTS SUR DES CRITÈRES<br />

NON SEULEMENT POLITIQUES MAIS AUSSI SCIENTIFIQUES.<br />

ILAÉVITÉ LE SAUPOUDRAGE EN NE CRÉANT QUE QUATRE PÔLES<br />

DE BIOTECHNOLOGIES. LES SECTEURS PRIVÉ ET PUBLIC<br />

SE RAPPROCHENT. NOUS-MÊMES AVONS SIGNÉ RÉCEMMENT<br />

UN ACCORD AVEC AVISAN, LA STRUCTURE DE TRANSFERT<br />

DE TECHNOLOGIE DE L’INSERM. CELA AURAIT ÉTÉ IMPOSSIBLE<br />

IL YADIX ANS. LA FRANCE CONTINUE À OFFRIR<br />

DE NOMBREUSES COMPÉTENCES POUR UNE PRODUCTION<br />

PHARMACEUTIQUE DE QUALITÉ, MAIS AUSSI POUR<br />

LA RECHERCHE CLINIQUE AVEC UN RÉSEAU D’HÔPITAUX SANS<br />

ÉQUIVALENT, Y COMPRIS PAR RAPPORT AUX ETATS-UNIS.»<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR F. B.<br />

* Directeur général <strong>de</strong> Sanofi <strong>de</strong>puis 2008.<br />

VU DU MEXIQUE<br />

« Nos bonnes relations<br />

économiques, culturel<strong>les</strong><br />

et politiques ont souffert<br />

<strong>de</strong> l’affaire Cassez »<br />

Luis <strong>de</strong> la Calle*<br />

a communauté d’intérêts entre le Mexique et la France s’est<br />

« Laffirmée à trois importantes occasions. En 1995, le Mexique<br />

a subi la fameuse crise Tequila. Une crise budgétaire suffisament<br />

grave pour que ses “amis” aillent au Forum économique <strong>de</strong> Davos<br />

plai<strong>de</strong>r qu’ils n’étaient pas, “eux”, le Mexique. Mais Jacques Chirac,<br />

qui présidait alors le Conseil européen, a fait une déclaration<br />

solennelle en faveur d’un traité <strong>de</strong> libre-échange. Ce fut un geste<br />

très important à ce moment-là car cela voulait dire que le Mexique<br />

avait un avenir et qu’on pouvait parier <strong>de</strong>ssus. Engagement tenu.<br />

En juillet 2000, <strong>de</strong> nouveau sous prési<strong>de</strong>nce française, nous avons<br />

signé ce traité <strong>de</strong> libre-échange. C’était la première fois que l’Union<br />

s’engageait ainsi hors <strong>de</strong> sa zone <strong>de</strong> voisinage habituelle. Enfin, en<br />

2001, Mexique et France ont travaillé <strong>de</strong> concert et rapproché leurs<br />

positions au Conseil <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong> l’ONU lors <strong>de</strong> la guerre en Irak.<br />

Ce sont ces très bonnes relations économiques, culturel<strong>les</strong><br />

et politiques que l’affaire Cassez est venue perturber [ressortissante<br />

française condamnée à soixante ans <strong>de</strong> prison dans une<br />

affaire d’enlèvement, NDLR]. Elle a été très mal gérée <strong>de</strong> part et<br />

d’autre. La pression était forte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux côtés. Le gouvernement<br />

du Mexique faisait face à une poussée <strong>de</strong> violence et <strong>de</strong> kidnappings<br />

dans le pays, tandis que le prési<strong>de</strong>nt français a suscité, lors<br />

<strong>de</strong> son voyage à Mexico en 2009, un très fort espoir <strong>de</strong> libération.<br />

C’est <strong>de</strong>venu une affaire personnelle entre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux chefs d’Etat.<br />

On aurait dû laisser faire <strong>les</strong> tribunaux. Les élections [France,<br />

6 mai ; Mexique, 1er juillet, NDLR], sont peut-être l’occasion <strong>de</strong><br />

repartir sur <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> bases.<br />

Cela dit, quelle qu’en soit l’issue, la relation avec la France restera<br />

prioritaire. Avec 8% <strong>de</strong> croissance, zéro <strong>de</strong>tte et zéro déficit, l’image<br />

du Mexique s’améliore. C’est une économie ouverte d’exportation<br />

<strong>de</strong> produits manufacturés et non <strong>de</strong> matières premières. De nombreuses<br />

entreprises françaises continuent d’y investir pour vendre<br />

notamment aux Etats-Unis. » PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

* Ancien sous-secrétaire d’Etat au Commerce international dans <strong>les</strong><br />

gouvernements <strong>de</strong> Vicente Fox et Ernesto Zedillo (1999-2002), en charge<br />

<strong>de</strong> la négociation <strong>de</strong>s traités <strong>de</strong> libre-échange notamment avec l’OMC et<br />

l’Union européenne. Il a été nommé en février 2012 vice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />

Commission commerce et investissement <strong>de</strong> la Chambre <strong>de</strong> commerce<br />

internationale. Il est administrateur d’Aeromexico.<br />

MARTHE LEMELLE/SANOFI - CMMSC<br />

VU PAR<br />

NICHOLAS STERN*<br />

«EN MATIÈRE ENVIRONNEMENTALE, LA FRANCE A CONNU<br />

DEUX PÉRIODES DURANT LE QUINQUENNAT. ELLE AD’ABORD<br />

EXERCÉ UN LEADERSHIP TRÈS CONSTRUCTIF EN TERMES DE<br />

STRATÉGIE ET D’OBJECTIFS TANT AU PLAN NATIONAL AVEC<br />

LA CRÉATION DU MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE,<br />

QU’EUROPÉEN ET INTERNATIONAL. AYANT PARTICIPÉ AU<br />

GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT, J’AI ÉTÉ IMPRESSIONNÉ PAR<br />

LA QUALITÉ DES DÉBATS ET LA MANIÈRE DONT ENTREPRISES,<br />

UNIVERSITAIRES ET POUVOIRS PUBLICS ONT TRAVAILLÉ<br />

ENSEMBLE. JE NE CROIS PAS QUE CET AGGIORNAMENTO<br />

AURAIT PU AVOIR LIEU AILLEURS QU’EN FRANCE. J’AI TRA-<br />

VAILLÉ AVEC NICOLAS SARKOZY EN VUE DU SOMMET DE<br />

COPENHAGUE DANS LEQUEL LA FRANCE S’EST TRÈS IMPLI-<br />

QUÉE ET DONT L’AIDE A ÉTÉ PRÉCIEUSE POUR LA CRÉATION<br />

DU GROUPE DES NATIONS UNIES SUR LE FINANCEMENT DE<br />

LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES. ET PUIS,<br />

IL YAEU LA FAMEUSE PHRASE DE NICOLAS SARKOZY : “L’EN-<br />

VIRONNEMENT, ÇA COMMENCE À BIEN FAIRE.” DÈS LORS,<br />

L’ENGAGEMENT S’EST ÉMOUSSÉ, CE QUI SAPE LES POLITIQUES<br />

MISES EN ŒUVRE. MAIS DES DYNAMIQUES LOCALES PERSIS-<br />

TENT COMME À BORDEAUX OU À GRENOBLE. CERTES,<br />

CE CHANGEMENT DE PIED MALHEUREUX A COÏNCIDÉ AVEC<br />

LA CRISE FINANCIÈRE EUROPÉENNE. MAIS C’EST DANS CES<br />

MOMENTS-LÀ QU’IL FAUT INVESTIR. L’EUROPE COMMENCE<br />

À REPARLER CROISSANCE. MIEUX VAUT TARD QUE JAMAIS.<br />

J’ESPÈRE QUE LE ROYAUME-UNI, L’ESPAGNE, L’ITALIE ET LA<br />

FRANCE SAURONT TROUVER UN TERRAIN D’ENTENTE AUTOUR<br />

DE STRATÉGIES DE CROISSANCE DÉCLINÉES EN POLITIQUES<br />

CLAIRES ET AMBITIEUSES. » PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

26 octobre-<br />

2novembre<br />

Grand débat sur<br />

l’i<strong>de</strong>ntité nationale.<br />

25 novembre<br />

Henri Proglio est nommé<br />

à la tête d’EDF.<br />

17 décembre<br />

Conférence climatique<br />

<strong>de</strong> l’ONU à Copenhague.<br />

8janvier<br />

Loi Hadopi.<br />

25 février<br />

Au Rwanda, Nicolas Sarkozy<br />

reconnaît « <strong>de</strong> graves erreurs<br />

d’appréciation <strong>de</strong> la France »<br />

lors du génoci<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1994.<br />

23 mars<br />

Taxe carbone, finalement<br />

abandonnée.<br />

23 avril<br />

La Grèce requiert l’ai<strong>de</strong> du<br />

FMI et <strong>de</strong> l’Union européenne.<br />

Début <strong>de</strong> l’affaire Woerth-<br />

Bettencourt, avec la<br />

publication d’enregistrements<br />

clan<strong>de</strong>stins par Mediapart.<br />

Commen taire <strong>de</strong> La<br />

Repubblica: « On hésite entre<br />

la tragédie shakes pearienne<br />

et le vau<strong>de</strong>ville à la Fey<strong>de</strong>au. »<br />

5 juillet<br />

Loi sur la rénovation du dialogue<br />

social modifiant <strong>les</strong><br />

conditions <strong>de</strong> représentativité<br />

<strong>de</strong>s organisations syndica<strong>les</strong><br />

dans la Fonction publique.<br />

30 juillet<br />

Discours sécuritaire <strong>de</strong><br />

Grenoble. Nicolas Sarkozy<br />

veut « mettre un terme<br />

aux implantations sauvages<br />

<strong>de</strong> campements <strong>de</strong> Roms ».<br />

Commentaire du<br />

New York Times : « Le prési<strong>de</strong>nt<br />

français attise dangereusement<br />

<strong>les</strong> sentiments antiimmigrés<br />

».<br />

9septembre<br />

Le Parlement européen<br />

rappelle aux Etats-membres<br />

leurs obligations en matière<br />

<strong>de</strong> lutte contre le racisme<br />

et la discrimination à l’égard<br />

<strong>de</strong>s Roms.<br />

8 octobre<br />

Entretien <strong>de</strong> Nicolas Sarkozy<br />

avec le Pape pour dissiper le<br />

malentendu né autour <strong>de</strong> la<br />

situation <strong>de</strong>s Roms en France.<br />

RÉFORME DES RETRAITES<br />

Adoptée après <strong>de</strong>s discussions<br />

parlementaires<br />

animées et une certaine<br />

contestation sociale, la<br />

loi du 9 novembre 2010<br />

relève progressivement<br />

l’âge légal <strong>de</strong> départ à<br />

la retraite, jusque-là <strong>de</strong><br />

60 ans, à raison <strong>de</strong> quatre<br />

mois par an, afin <strong>de</strong> le porter<br />

à 62 ans en 2017. De<br />

même, l’âge auquel un<br />

salarié peut prétendre à<br />

une retraite à taux plein,<br />

jusqu’ici fixé à 65 ans, passera<br />

à 67 ans d’ici 2023.<br />

40 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ AVRIL 2012 AVRIL 2012 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ 41<br />

GUNNAR SEIJBOLD/SWEDISH PRESIDENCY OF THE EUROPEAN UNION - LUDOVIC/REA - THOMAS COEX/AFP<br />

* Economiste britannique, auteur du célèbre rapport sur<br />

l’économie du changement climatique (2006). Il enseigne<br />

à la London School of Economics.<br />

2009<br />

2010<br />

16 juin<br />

4 octobre<br />

L’hebdomadaire Newsweek<br />

utilise Nicolas Sarkozy en une<br />

pour illustrer « la montée <strong>de</strong>s<br />

extrémismes » en Europe.<br />

10 novembre


EN COUVERTURE<br />

42 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘<br />

VU DU ROYAUME-UNI<br />

« Le peuple n’aime<br />

pas cette image<br />

bling-bling d’un prési<strong>de</strong>nt<br />

qui le culpabilise »<br />

Philip Jennings*<br />

« P our moi, Nicolas Sarkozy est l’homme<br />

aux <strong>de</strong>ux visages, celui <strong>de</strong> l’extérieur et<br />

l’autre <strong>de</strong> l’intérieur. Au cours <strong>de</strong> la crise née<br />

aux Etats-Unis qui a bouleversé le mon<strong>de</strong><br />

entier, le Sarkozy <strong>de</strong> l’extérieur a tenu <strong>de</strong>s<br />

discours forts et progressistes appelant à réglementer la finance et<br />

à s’attaquer aux agences <strong>de</strong> notation et aux tra<strong>de</strong>rs. C’était en 2008-<br />

09. Il a pris l’initiative à Londres et à Pittsburgh <strong>de</strong> coordonner <strong>les</strong><br />

plans <strong>de</strong> relance, sauver l’emploi et éviter que le mon<strong>de</strong> sombre<br />

dans l’abîme. Le système financier a été sauvé, au prix fort, mais<br />

c’était nécessaire. Après, la coopération a été évincée par <strong>les</strong> déficits<br />

et, en 2010, la relance a laissé place au pacte d’austérité.<br />

Le G20 <strong>de</strong> Cannes <strong>de</strong>vait être un grand moment pour la France…<br />

et <strong>les</strong> syndicats. Sarkozy voulait renforcer le pilier social du G20.<br />

Nous avions préparé, avec le patronat et le ministre du Travail,<br />

une déclaration qui <strong>de</strong>vait consacrer l’émergence du L20 (Labor/<br />

travail) par lequel <strong>les</strong> syndicats <strong>de</strong>venaient partie intégrante du<br />

processus <strong>de</strong> consultation du G20. Sarkozy a aussi proposé la taxe<br />

sur <strong>les</strong> transactions financières. Il faut l’applaudir pour ça. Mais<br />

le G20 <strong>de</strong> Cannes est tombé en panne à cause <strong>de</strong> la crise grecque.<br />

2010<br />

16 décembre<br />

Réforme territoriale<br />

qui supprime notamment<br />

la taxe professionnelle.<br />

17 décembre<br />

AVRIL 2012<br />

Début du printemps<br />

arabe en Tunisie.<br />

Les manifestations<br />

conduiront au départ<br />

du prési<strong>de</strong>nt Ben Ali<br />

le 14 janvier 2011.<br />

En France, il a montré un autre visage, celui <strong>de</strong> culpabilisation.<br />

Or ce ne sont quand même pas <strong>les</strong> Français qui sont responsab<strong>les</strong><br />

<strong>de</strong> la crise. Le peuple français est attaché à la République et à<br />

sa <strong>de</strong>vise qu’il ne veut pas voir transformer en inégalité, individualisme<br />

et intolérance, ni en liberté, égalité et célébrité. Le peuple<br />

n’aime pas beaucoup cette image bling-bling d’un prési<strong>de</strong>nt bien<br />

avec <strong>les</strong> élites, d’une part, et qui, d’autre part, le culpabilise: vous<br />

ne travaillez pas assez, vous n’avez pas <strong>les</strong> moyens <strong>de</strong> cette qualité<br />

<strong>de</strong> vie. Et puis, il a fait cette erreur <strong>de</strong> dire au moment <strong>de</strong> la réforme<br />

<strong>de</strong>s retraites “Ils sont où <strong>les</strong> syndicats? Il n’y a plus <strong>de</strong> problèmes<br />

en France.” Cette provocation n’était pas prési<strong>de</strong>ntielle du tout.<br />

En fait, Sarkozy a cru au début <strong>de</strong> son mandat qu’il pourrait<br />

marginaliser <strong>les</strong> syndicats et diminuer leur impact, mais c’est raté.<br />

C’était Sarko l’Américain qui allait importer le modèle anglo-saxon,<br />

<strong>les</strong> syndicats n’ayant plus leur mot à dire sur <strong>les</strong> salaires et <strong>les</strong><br />

conditions <strong>de</strong> travail. Quand on considère la situation sociale aux<br />

Etats-Unis aujourd’hui, on voit que c’était une erreur intellectuelle<br />

et politique. Sur <strong>les</strong> cinq ans, <strong>les</strong> syndicats ont prouvé leur capacité<br />

à mobiliser et à négocier. De fait, en janvier <strong>de</strong>rnier, le prési<strong>de</strong>nt<br />

a convié un sommet sur l’emploi avec trois syndicats toujours aussi<br />

puissants qu’avant.» PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

* Gallois, il est secrétaire général d’UNI Global<br />

Union, créé en 2000, qui fédère environ un<br />

millier <strong>de</strong> syndicats <strong>de</strong>s services dans 150 pays.<br />

2011<br />

11 janvier<br />

Polémique sur la réaction<br />

française aux événements en<br />

Tunisie. Sera suivie en février<br />

d’une autre sur <strong>les</strong> voyages privés<br />

<strong>de</strong>s ministres à l’étranger.<br />

15-18 janvier<br />

Le 15, la prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la<br />

République annonce soutenir<br />

le processus <strong>de</strong> démocratisation<br />

en Tunisie. Le 18, la ministre <strong>de</strong><br />

l’Economie saisit Tracfin, cellule<br />

française <strong>de</strong> lutte antiblanchiment<br />

d’argent, sur <strong>les</strong> avoirs à<br />

l’étranger <strong>de</strong> la famille Ben Ali.<br />

2 février<br />

Rapport du Sénat critiquant<br />

l’utilisation <strong>de</strong>s fonds mobilisés<br />

pour la lutte contre la pandémie<br />

grippale A (H1N1).<br />

14 février<br />

Nicolas Sarkozy dédie l’Année<br />

du Mexique en France à<br />

Florence Cassez, en prison<br />

pour enlèvements. Le Mexique<br />

boycotte la manifestation.<br />

1 er mars<br />

Mesures pour l’apprentissage.<br />

Objectif : 1 million d’apprentis.<br />

10 mars<br />

Nicolas Sarkozy reçoit à l’Elysée<br />

<strong>de</strong>ux émissaires du Conseil<br />

national <strong>de</strong> transition libyen.<br />

4 avril<br />

Intervention <strong>de</strong>s forces françaises<br />

et <strong>de</strong> l’ONU à Abidjan (Côte<br />

d’Ivoire). Bombar<strong>de</strong> ment du QG<br />

du prési<strong>de</strong>nt sortant Laurent<br />

Gbagbo, qui sera arrêté le 11.<br />

OLIVIER EVARD/UNI GLOBAL UNION - MOISES SAMAN/THE NEW YORK TIMES/REDUX/REA - DAUPHINE - MONIKA GRAFF/GETTY/AFP - EMMANUEL DUNAND/AFP<br />

VU DU MONDE ARABE<br />

« Le projet d’Union pour<br />

la Méditerranée s’est enlisé<br />

à cause d’une vision étatique<br />

et doctrinaire »<br />

Elyès Jouini*<br />

Enjeux Les Echos – De l’Union pour la Méditerranée à la paralysie<br />

<strong>de</strong>vant le soulèvement <strong>de</strong> la Tunisie, puis l’intervention en Libye,<br />

quel a été le fil rouge <strong>de</strong> la politique étrangère française ?<br />

E. J. – Au début du quinquennat, la politique étrangère <strong>de</strong> la France à<br />

l’égard du mon<strong>de</strong> arabe n’est pas différente <strong>de</strong>s <strong>années</strong> précé<strong>de</strong>ntes.<br />

De fait, si le projet d’Union pour la Méditerranée (UPM) a exprimé<br />

une volonté <strong>de</strong> donner une dimension nouvelle aux relations <strong>de</strong> la<br />

France avec la rive Sud, le processus s’est vite enlisé car il procédait<br />

d’une vision doctrinaire qui, appliquée à la réalité, a vite perdu son<br />

sens. Cette approche étatique explique aussi <strong>les</strong> atermoiements et <strong>les</strong><br />

maladresses <strong>de</strong> la France à l’égard du soulèvement en Tunisie puis ce<br />

choix d’une politique étrangère visible qui a présidé à l’intervention<br />

en Libye, au risque d’occulter la nécessité <strong>de</strong> travailler en profon<strong>de</strong>ur.<br />

Pourtant la France s’est engagée dans la reconstruction en mai 2011<br />

avec le Partenariat <strong>de</strong> Deauville, doté <strong>de</strong> 40 milliards d’euros…<br />

E. J. – Ce fut un geste fort d’inviter au G8 <strong>les</strong> dirigeants <strong>de</strong> Tunisie et<br />

d’Egypte et d’annoncer ce partenariat. Mais il s’enlise. On ne sait pas<br />

qui doit débloquer l’argent pour qui et quoi. Et puis il y a ce brouillage<br />

dû aux enjeux <strong>de</strong> politique intérieure, comme la polémique sur « <strong>les</strong><br />

HD<br />

17 mars<br />

Alain Juppé, ministre <strong>de</strong>s Affaires étrangères, à l’ONU.<br />

A l’initiative <strong>de</strong> la France et <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Bretagne,<br />

l’ONU autorise une zone d’exclusion aérienne<br />

en Libye. Le 19 : intervention militaire française.<br />

réfugiés <strong>de</strong> Lampedusa » – entre 5 000 et 10 000 personnes –, alors<br />

qu’au même moment la Tunisie <strong>de</strong>vait accueillir 400000 Libyens! Puis<br />

encore la «circulaire Guéant». La France accueille quasi gratuitement<br />

<strong>de</strong>s étudiants étrangers et <strong>les</strong> renverrait dans leur pays sans aucun<br />

bénéfice pour elle? L’UPM proposait pourtant un Office <strong>de</strong> la jeunesse<br />

organisant la circulation <strong>de</strong>s étudiants. A susciter <strong>de</strong>s attentes sans<br />

aller au bout du processus, on crée <strong>de</strong> la déception.<br />

L’arrivée au pouvoir <strong>de</strong> partis islamistes va-t-elle changer la donne?<br />

E. J. – La France s’est remise en position d’observation. C’est qu’elle<br />

est gênée par son approche <strong>de</strong> gouvernement à gouvernement sans<br />

relais dans la société. Par exemple, elle a fait un geste très important<br />

en accordant, via l’Agence française <strong>de</strong> développement, une ai<strong>de</strong> budgétaire<br />

<strong>de</strong> 200 millions d’euros. Mais cette ai<strong>de</strong> passe inaperçue auprès<br />

<strong>de</strong> la population. Les Américains ont donné dix fois moins, avec plus<br />

d’impact car ces 10 millions sont gérés par un Secrétariat d’Etat qui<br />

organise tous <strong>les</strong> mois <strong>de</strong>s appels d’offres pour financer <strong>les</strong> projets<br />

issus <strong>de</strong> la société civile. En pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> turbulences, la France est perdue<br />

quand elle perd le contact avec le gouvernement. Il lui faut diversifier<br />

ses contacts et multiplier <strong>les</strong> leviers d’actions plus proches du<br />

terrain. PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

* Vice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’université Paris-Dauphine, il a participé au premier<br />

gouvernement formé après la chute du prési<strong>de</strong>nt Ben Ali. Puis,<br />

il a été sherpa du Premier ministre tunisien au G8 <strong>de</strong> Deauville en 2011.<br />

11 avril<br />

Loi interdisant le port du voile<br />

intégral. Commentaire du<br />

New York Times : « Les talibans<br />

applaudiraient. »<br />

13 avril<br />

Annonce d’une prime <strong>de</strong><br />

1 000 euros pour <strong>les</strong> salariés<br />

<strong>de</strong> sociétés qui versent<br />

<strong>de</strong>s divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s en hausse.<br />

26 avril<br />

Nicolas Sarkozy et Silvio Berlus -<br />

coni veulent réformer le traité<br />

<strong>de</strong> Schengen « dans <strong>les</strong> circonstances<br />

exceptionnel<strong>les</strong> »<br />

actuel<strong>les</strong> face aux afflux d’immigrants<br />

tunisiens et libyens.<br />

Sarkozy : « Nous voulons que<br />

Schengen vive mais pour<br />

que Schengen vive, Schengen<br />

doit être réformé. »<br />

15 mai<br />

Dominique Strauss-Kahn<br />

est arrêté à New York,<br />

dans l’affaire du Sofitel.<br />

AVRIL 2012 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ 43


EN COUVERTURE<br />

44 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘<br />

VU DE CHINE<br />

« La France a perdu<br />

son influence diplomatique<br />

et économique »<br />

Ding Yifan*<br />

Enjeux Les Echos – Où en est la France dans le mon<strong>de</strong> ?<br />

D. Y. – Elle est sur une pente <strong>de</strong>scendante. Plus que sa puissance<br />

réelle, c’est son aura, son soft power qui ont beaucoup décliné. Pendant<br />

très longtemps, votre pays a bénéficié d’un statut à part. Sur le<br />

plan industriel, il n’était pas une puissance majeure et il <strong>de</strong>vait sa<br />

réussite dans certains secteurs à l’intervention <strong>de</strong> l’Etat. Mais il jouissait<br />

d’une capacité d’attraction remarquable. Dans le mon<strong>de</strong> entier,<br />

<strong>les</strong> peintres, <strong>les</strong> cinéastes, <strong>les</strong> couturiers avaient <strong>les</strong> yeux rivés sur<br />

Paris. Jusque dans <strong>les</strong> <strong>années</strong> 80, <strong>les</strong> professeurs américains <strong>de</strong> littérature<br />

surveillaient la scène française en priorité, c’était <strong>de</strong> là qu’on<br />

attendait l’avant-gar<strong>de</strong>. La France, c’était cela : un pays dont l’influence<br />

était sans commune mesure avec sa force réelle.<br />

Quel regard portez-vous sur <strong>les</strong> cinq <strong>de</strong>rnières <strong>années</strong> ?<br />

D. Y. – Le déclin est incontestable, mais c’est une tendance <strong>de</strong> long<br />

terme. De nombreux Français sont créatifs dans la Silicon Valley ou<br />

à Londres. La Chine attire aussi <strong>de</strong> plus en plus. La France, elle, ne<br />

produit plus <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> idées. Elle répète toujours <strong>les</strong> mêmes<br />

choses et semble à la traîne <strong>de</strong>rrière <strong>les</strong> Anglo-Saxons. Au plan diplomatique,<br />

elle a longtemps représenté une voix singulière, celle d’un<br />

pays occi<strong>de</strong>ntal qui n’est pas systématiquement dans le camp <strong>de</strong>s<br />

Occi<strong>de</strong>ntaux. C’était manifeste dans le mon<strong>de</strong> arabe. Cette époque<br />

me semble révolue : votre voix ne se singularise plus. Même constat<br />

concernant la réintégration par Paris du comman<strong>de</strong>ment militaire<br />

<strong>de</strong> l’Otan. C’est une perte <strong>de</strong> liberté. Vous avez cessé d’être un pays à<br />

part, votre influence correspond désormais à votre puissance réelle.<br />

Avec quel<strong>les</strong> répercussions économiques ?<br />

D. Y. – Le soft power a une immense valeur économique. Les Français<br />

se désolent <strong>de</strong> constater que dans le mon<strong>de</strong>, l’homme <strong>de</strong> la rue<br />

ignore qu’ils font d’excellentes centra<strong>les</strong> nucléaires et <strong>de</strong> très bons<br />

trains. J’ai moi-même écrit <strong>de</strong>s artic<strong>les</strong> pour dire que la France est<br />

aussi une puissance technologique. Cela ne passe pas. Le pays <strong>de</strong>s<br />

ingénieurs, vu <strong>de</strong> Chine, c’est l’Allemagne. C’est vrai, le luxe français<br />

continue <strong>de</strong> bien se vendre mais ce n’est pas en raison d’une supériorité<br />

technique. Acheter français, c’est acheter un art <strong>de</strong> vivre, revendiquer<br />

un état d’esprit avant-gardiste. Il faut que la France re<strong>de</strong>vienne<br />

créative et que <strong>les</strong> Français reprennent confiance en eux. Cela<br />

implique peut-être que <strong>les</strong> autorités s’attaquent au sentiment d’injustice<br />

sociale et d’impuissance que je constate quand je parle avec<br />

mes amis français. PROPOS RECUEILLIS PAR G. G., À PÉKIN<br />

* Directeur adjoint <strong>de</strong> l’Institut pour le développement mondial à Pékin.<br />

AVRIL 2012<br />

VU PAR<br />

ULRIKE GUÉROT*<br />

«AU DÉBUT DU MANDAT, PERSONNE N’AURAIT SONGÉ À<br />

PARLER DE MERKOZY. EN COMPÉTITION AVEC L’ALLEMAGNE,<br />

LA FRANCE VOULAIT RAYONNER PLUS QU’ELLE, PLUTÔT<br />

QUE DE PÂLIR DANS UNE SYMBIOSE INÉGALE. NICOLAS<br />

SARKOZY REVENAIT DANS L’OTAN, ENTENDAIT DEVENIR UN<br />

“RÉEL” PARTENAIRE DES ETATS-UNIS, LANÇAIT L’UNION<br />

POUR LA MÉDITERRANÉE EN RÉACTION AU “PARTENARIAT À<br />

L’EST” DE L’UNION. CETTE PHASE S’EST CLOSE AU SOMMET<br />

DE DEAUVILLE D’OCTOBRE 2010. APRÈS UNE PROMENADE<br />

AVEC ANGELA MERKEL, NICOLAS SARKOZY TOMBE DANS LES<br />

BRAS DE SA VOISINE. DÉSORMAIS, LA FRANCE VEUT IMITER<br />

L’ALLEMAGNE. MAIS CE TANDEM RESTE ASYMÉTRIQUE.<br />

POUR CANOTER À DEUX SANS DÉSTABILISER LE KAYAK,<br />

IL FAUT EXERCER LA MÊME FORCE SUR LES PAGAIES. SINON,<br />

SOIT UN PARTENAIRE SE SENT DÉBORDÉ, SOIT IL CHUTE.<br />

C’EST UN RISQUE POUR LA FRANCE, À TERME. A L’EXPRESSION<br />

DE MERKOZY, OÙ LE PARTAGE QUASI EXACT DES LETTRES<br />

SUGGÈRE UNE ÉGALITÉ ENTRE PARTENAIRES, JE PRÉFÈRE CELLE<br />

DE MERKELZY !»PROPOS RECUEILLIS PAR I. L.<br />

* Directrice du bureau berlinois du Conseil européen<br />

<strong>de</strong>s relations étrangères.<br />

DR<br />

DR - ELODIE GREGOIRE/REA - ERIC FEFERBERG/AFP<br />

VU DES ETATS-UNIS<br />

« Retraites et Alzheimer :<br />

le prési<strong>de</strong>nt français<br />

a agi en précurseur sur<br />

le vieillissement »<br />

Michael Hodin*<br />

icolas Sarkozy a héroïque-<br />

« Nment relevé le défi le plus<br />

crucial du XXI e siècle : le vieillis -<br />

sement <strong>de</strong> la population. Nous<br />

avons gagné trois décennies<br />

d’espérance <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>puis le début du siècle <strong>de</strong>rnier<br />

et cette longévité, combinée à <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> fertilité<br />

très bas, nous oblige à transformer notre manière <strong>de</strong><br />

travailler, <strong>de</strong> vivre et <strong>de</strong> prendre notre retraite.<br />

La France et l’Europe doivent revoir leur contrat social<br />

en conséquence mais cela nécessite beaucoup <strong>de</strong><br />

courage et <strong>de</strong> vision. Nicolas Sarkozy en a fait preuve.<br />

Malgré <strong>les</strong> oppositions, il a réformé <strong>les</strong> retraites pour tenir<br />

compte <strong>de</strong> la réalité démographique: en 2050, un Français<br />

sur trois aura plus <strong>de</strong> 60 ans. En repoussant l’âge <strong>de</strong><br />

la retraite et le moment où <strong>les</strong> citoyens pourront toucher<br />

leur pension, la France a ouvert la voie en Europe.<br />

Le gouvernement Sarkozy a aussi su s’attaquer à la<br />

maladie d’Alzheimer, en passe <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir le cauchemar<br />

budgétaire <strong>de</strong> ce siècle. Au niveau mondial, ce fléau coûte<br />

déjà 604 milliards <strong>de</strong> dollars, soit 1% du PIB <strong>de</strong> la planète.<br />

En France, 800000 personnes souffrent <strong>de</strong> cette maladie.<br />

Et ce n’est qu’un début: une personne <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 65 ans<br />

sur huit risque d’être touchée, et une sur 2,5 au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

85 ans. En lançant un plan Alzheimer ambitieux sur la<br />

pério<strong>de</strong> 2008-12 doté <strong>de</strong> 1,6 milliard d’euros et piloté par<br />

une inspectrice générale <strong>de</strong>s Finances, Florence Lustman,<br />

Sarkozy a pris un engagement fort. Plus qu’aucun<br />

autre pays occi<strong>de</strong>ntal, la France se donne <strong>les</strong> moyens <strong>de</strong><br />

mieux connaître et prendre en charge la maladie. Sur le<br />

vieillissement, le premier mandat a été un réel succès.<br />

Le prési<strong>de</strong>nt a agi en précurseur. La preuve: la Commission<br />

a désigné 2012 comme l’Année du vieillissement<br />

actif et l’OMS consacre, cette année, sa journée mondiale<br />

<strong>de</strong> la Santé à cette question.» PROPOS RECUEILLIS PAR I. L.<br />

* Spécialiste <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> vieillissement au Council<br />

on Foreign Relations, cercle <strong>de</strong> réflexion new-yorkais.<br />

2011<br />

21 mai<br />

Nicolas Sarkozy se rend à la cérémonie d’investiture<br />

du nouveau prési<strong>de</strong>nt ivoirien Alassane Ouattara.<br />

Il est le seul chef d’Etat occi<strong>de</strong>ntal présent.<br />

31 mai<br />

Circulaire Guéant qui restreint<br />

la possibilité pour<br />

<strong>les</strong> étudiants étrangers<br />

d’obtenir une autorisation<br />

pour rester travailler en<br />

France après leur diplôme.<br />

16 juin<br />

Loi relative à l’immigration,<br />

à l’intégration et à la<br />

natio nalité : <strong>les</strong> conditions<br />

d’obtention <strong>de</strong> la nationalité<br />

française sont durcies.<br />

28 juin<br />

Christine Lagar<strong>de</strong> est<br />

nommée à la tête du FMI,<br />

en remplacement <strong>de</strong><br />

Dominique Strauss-Kahn.<br />

5juillet<br />

Fin du bouclier fiscal<br />

et allégement <strong>de</strong> l’ISF.<br />

21 juillet<br />

Deuxième plan d’ai<strong>de</strong> à la<br />

Grèce, d’un montant global <strong>de</strong><br />

près <strong>de</strong> 160 milliards d’euros.<br />

16 août<br />

Réunis en sommet à l’Elysée,<br />

Angela Merkel et Nicolas<br />

Sarkozy proposent la création<br />

d’un gouvernement <strong>de</strong> la zone<br />

euro et l’instauration d’une<br />

« règle d’or » qui imposerait<br />

le retour à l’équilibre budgé-<br />

taire pour <strong>les</strong> dix-sept pays <strong>de</strong><br />

la zone euro d’ici à l’été 2012.<br />

24 août<br />

Premier plan <strong>de</strong> rigueur<br />

portant sur 12 milliards<br />

d’euros d’économies.<br />

15 septembre<br />

Nicolas Sarkozy en Libye,<br />

avec Mahmoud Jibril du CNT,<br />

Bernard-Henri Lévy et le<br />

Premier ministre anglais David<br />

Cameron. Commentaire <strong>de</strong><br />

Jeune Afrique : « Un bain <strong>de</strong><br />

foule, un meeting, <strong>de</strong>s sup -<br />

porters, une victoire. Comme<br />

un avant-goût <strong>de</strong> campagne<br />

pour le prési<strong>de</strong>nt français. »<br />

AVRIL 2012 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ 45


EN COUVERTURE<br />

46 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘<br />

VU D’ESPAGNE<br />

« Faire campagne sur<br />

la France forte est<br />

un non-sens absolu.<br />

C’est un rêve dépassé »<br />

Lluis Bassets*<br />

Enjeux Les Echos – Comment l’Espagne juge-t-elle le premier mandat<br />

Nicolas Sarkozy ?<br />

L. B. – Son action a été très positive pour <strong>les</strong> Espagnols, à la fois comme<br />

ministre <strong>de</strong> l’Intérieur et comme prési<strong>de</strong>nt. La coopération française<br />

a été très forte dans la lutte antiterroriste contre l’ETA à un moment<br />

crucial. De plus, Nicolas Sarkozy a fait <strong>de</strong>s efforts importants pour<br />

accor<strong>de</strong>r une place à l’Espagne dans la nouvelle architecture <strong>de</strong> la gouvernance<br />

internationale. Il nous a donné un strapontin au G20 alors<br />

qu’il n’y avait théoriquement pas <strong>de</strong> place pour nous. Il a aussi su tenir<br />

compte <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong>s pays périphériques tout au long <strong>de</strong> la crise<br />

européenne. Le prési<strong>de</strong>nt français a travaillé <strong>de</strong> manière très proche<br />

avec <strong>les</strong> gouvernements espagnols <strong>de</strong> toutes couleurs politiques,<br />

Zapatero hier et Rajoy aujourd’hui, pour relayer <strong>les</strong> positions espagno<strong>les</strong><br />

à l’international. Les Portugais et <strong>les</strong> Italiens peuvent dire la<br />

même chose. Le Sud s’est senti représenté par Nicolas Sarkozy.<br />

Comment a-t-il influencé l’Europe ?<br />

L. B. – Là, je suis plus nuancé. Il a beaucoup gesticulé, surtout dans<br />

<strong>les</strong> moments <strong>de</strong> visibilité majeure que furent <strong>les</strong> prési<strong>de</strong>nces<br />

françaises <strong>de</strong> l’Union et du G20. Mais finalement,<br />

cela a donné plus <strong>de</strong> bruit que <strong>de</strong> fruits.<br />

Regar<strong>de</strong>z l’Union pour la Méditerranée. Après sa<br />

AVRIL 2012<br />

G20 <strong>de</strong> crise à Cannes.<br />

Le len<strong>de</strong>main, interview<br />

télévisée croisée Obama-<br />

Sarkozy. Le prési<strong>de</strong>nt<br />

américain rend hommage<br />

à son homologue, dont il<br />

vante le « lea<strong>de</strong>rship ».<br />

3 novembre<br />

création en fanfare, elle s’est enlisée dans <strong>les</strong> questions bureaucratiques,<br />

s’est concentrée sur <strong>les</strong> dossiers comme <strong>les</strong> autoroutes <strong>de</strong> la<br />

mer ou l’écologie, alors qu’il aurait fallu défendre <strong>les</strong> droits <strong>de</strong><br />

l’homme bafoués lors du printemps arabe. Cela ne restera sûrement<br />

pas dans son bilan dans trente ans. Ce qui marquera, c’est en revanche<br />

le drôle <strong>de</strong> couple qu’il forme avec la chancelière alleman<strong>de</strong>. C’est une<br />

formule étonnante, une géométrie du pouvoir nouvelle et dictée par<br />

l’urgence <strong>de</strong> la crise <strong>de</strong> l’euro. Nicolas Sarkozy a accepté le diktat allemand<br />

au nom <strong>de</strong> la monnaie unique. Ce n’est pas du tout conforme<br />

à la philosophie du traité <strong>de</strong> l’Elysée! Ce sera la mission du prochain<br />

prési<strong>de</strong>nt que <strong>de</strong> corriger le tir en incorporant mieux <strong>les</strong> Vingt-Sept,<br />

en rendant <strong>de</strong>s pouvoirs aux institutions européennes et en portant<br />

plus d’attention à la croissance et à la création d’emplois.<br />

Quel est le bilan interne ?<br />

L. B. – Il est encore plus discutable. Le chef <strong>de</strong> l’Etat a promis beaucoup<br />

mais n’a pas fait grand-chose, il a bougé dans tous <strong>les</strong> sens et<br />

changé <strong>de</strong> cap à plusieurs reprises. On a le sentiment d’un pouvoir<br />

hyperpersonnalisé. Cet ego peut servir <strong>les</strong> intérêts <strong>de</strong> la droite conservatrice,<br />

mais je doute qu’il serve ceux <strong>de</strong> la France. Le pays est nettement<br />

plus faible qu’en 2007. Faire campagne sur la France forte est un<br />

non-sens absolu. C’est un rêve dépassé! PROPOS RECUEILLIS PAR I. L.<br />

* Directeur adjoint du quotidien espagnol El Pais,<br />

responsable <strong>de</strong>s pages Opinion.<br />

21 novembre<br />

Début <strong>de</strong>s affrontements meurtriers<br />

au Caire. Les manifestants<br />

réclament le départ <strong>de</strong> l’armée<br />

du pouvoir, accusée <strong>de</strong> reproduire<br />

la répression <strong>de</strong> l’ancien<br />

régime. Au total, trente-trois<br />

personnes vont trouver la mort.<br />

1 er décembre<br />

Discours <strong>de</strong> Toulon sur<br />

la refondation <strong>de</strong> l’Europe.<br />

VU DE TURQUIE<br />

« La crise est l’occasion<br />

<strong>de</strong> réinventer l’Europe<br />

au sens large, du<br />

Royaume-Uni à la Turquie »<br />

Kemal Dervis*<br />

« L a France a joué dans le mon<strong>de</strong> un rôle<br />

supérieur à son poids économique.<br />

Elle y est parvenue grâce à ses valeurs,<br />

à la performance <strong>de</strong> son système éducatif,<br />

à <strong>de</strong>s personnalités <strong>de</strong> grand talent qu’elle<br />

a pu placer au cœur <strong>de</strong>s institutions internationa<strong>les</strong> et à une<br />

tradition à la fois républicaine et internationaliste ancrée dans <strong>les</strong><br />

Lumières et la Révolution. C’est cette France que beaucoup d’entre<br />

nous ont aimée et admirée. Mais, pour se maintenir, elle doit être<br />

au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s idées et <strong>de</strong>s transformations, combattre le racisme<br />

et <strong>les</strong> dangers afférents et rester ouverte sur le mon<strong>de</strong> et la Méditerranée.<br />

La France peut <strong>de</strong>meurer un acteur très central du débat,<br />

une source d’idées et d’actions, mais dans le cadre <strong>de</strong> l’Europe et<br />

<strong>de</strong> la coopération internationale.<br />

Je regrette énormément ces erreurs graves souvent commises<br />

dans un esprit électoraliste. Il est très dommage que certains en<br />

France agissent en sens contraire <strong>de</strong> la coopération. On essaie <strong>de</strong><br />

9décembre<br />

2011 2012<br />

19 octobre<br />

Naissance <strong>de</strong> Giulia Sarkozy.<br />

31 octobre<br />

Jean-Clau<strong>de</strong> Trichet achève<br />

son mandat à la tête <strong>de</strong> la<br />

Banque centrale européenne.<br />

7novembre<br />

LES PLANS DE RIGUEUR François Fillon impose <strong>de</strong>ux plans<br />

d’austérité en trois mois dans le – vain – espoir <strong>de</strong> contenir<br />

le déficit budgétaire, malgré une croissance ralentie, et donc<br />

<strong>de</strong> conserver le triple A. Les 17,4 milliards d’euros d’économies<br />

annoncés le 7 novembre, après <strong>les</strong> 12 milliards d’août, n’empê -<br />

cheront pourtant pas Standard & Poor’s <strong>de</strong> dégra<strong>de</strong>r la note<br />

<strong>de</strong> la France. Niches fisca<strong>les</strong> rabotées, hausse du taux <strong>de</strong> TVA,<br />

revalorisation <strong>de</strong>s prestations socia<strong>les</strong> gelée, etc. : la rigueur est là.<br />

L’OFCE doute qu’elle permette à l’Etat <strong>de</strong> ramener le déficit à 4,5%<br />

du PIB en 2012 et s’inquiète <strong>de</strong> l’impact récessif <strong>de</strong> ces mesures.<br />

L’institut prédit – 0,5% <strong>de</strong> croissance en 2012 et même – 1,7% en<br />

cas <strong>de</strong> plans <strong>de</strong> rigueur plus sévères dans <strong>les</strong> pays voisins.<br />

DR - REA<br />

ROBERT MAASS/UNDP - ERIC FEFERBERG/AFP<br />

Sommet européen. Photo : Nicolas Sarkozy face à David<br />

Cameron à qui il évite <strong>de</strong> serrer la main. Accord sur un traité<br />

intergouvernemental à 17, mais sans la Gran<strong>de</strong>-Bretagne.<br />

construire l’Europe et le mon<strong>de</strong> du XXI e siècle. Sous l’effet <strong>de</strong> la<br />

crise, la gouvernance <strong>de</strong> la zone euro est en train <strong>de</strong> se réinventer.<br />

C’est l’occasion <strong>de</strong> revoir celle <strong>de</strong> l’Europe au sens large.<br />

Du Royaume-Uni à la Turquie, il y a l’opportunité d’examiner <strong>les</strong><br />

relations d’un œil nouveau. Je ne parle pas d’un partenariat hors<br />

d’Europe soit disant privilégié, mais d’une Europe qui s’articule<br />

selon <strong>de</strong>s architectures variab<strong>les</strong>. Il y a dix ans, la Turquie n’acceptait<br />

déjà pas d’être traitée en citoyen <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième catégorie.<br />

On peut se donner <strong>de</strong>s leçons entre amis mais à condition que<br />

ce soit à égalité. » PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

* Longtemps économiste à la Banque mondiale, puis ministre<br />

<strong>de</strong> l’Economie <strong>de</strong> la Turquie (2000-01) et directeur du Programme<br />

<strong>de</strong>s Nations Unies pour le développement<br />

(Pnud), Kemal Dervis est actuellement<br />

vice-prési<strong>de</strong>nt et directeur du<br />

programme mondial économie et<br />

développement <strong>de</strong> la Brookings<br />

Institution.<br />

10 janvier<br />

Proposition <strong>de</strong> taxe sur <strong>les</strong> transactions<br />

financières.<br />

Publication <strong>de</strong>s statistiques 2011<br />

<strong>de</strong> la politique d’immigration,<br />

d’intégration et d’asile, avec<br />

notamment le record <strong>de</strong>s reconduites<br />

à la frontière (32 912).<br />

13 janvier<br />

Standard & Poor’s dégra<strong>de</strong> la<br />

France qui perd son triple A.<br />

Commentaire du Tageszeitung :<br />

« La France ne fait plus partie <strong>de</strong>s<br />

Etats puissants et vertueux […]<br />

Cette nouvelle aura un effet<br />

direct sur le duo Merkel-Sarkozy.<br />

Du couple Merkozy, il ne reste<br />

plus qu’un Merkel & Co. »<br />

18 janvier<br />

Sommet social à Matignon.<br />

Consultation <strong>de</strong>s syndicats<br />

<strong>de</strong> salariés et du patronat<br />

sur <strong>les</strong> solutions à la remontée<br />

du chômage et pour l’emploi<br />

<strong>de</strong>s jeunes.<br />

Lors d’une allocution télévisée,<br />

Nicolas Sarkozy relance l’idée<br />

<strong>de</strong> la TVA sociale.<br />

23 janvier<br />

Après l’Assemblée nationale,<br />

le Sénat adopte une loi qui pénalise<br />

la négation <strong>de</strong>s génoci<strong>de</strong>s.<br />

Commentaire du quotidien turc<br />

Yeni Safak : « Les petits calculs<br />

électoraux <strong>de</strong> Sarkozy ont<br />

conduit la France à un grand<br />

crime contre l’humanité. »<br />

La loi sera retoquée le 28 février<br />

par le Conseil constitutionnel.<br />

AVRIL 2012 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ 47


EN COUVERTURE<br />

’ai toujours pensé que l’Europe et la France, en particulier,<br />

« J <strong>de</strong>vaient donner davantage priorité à l’Asie. Or ce n’est plus<br />

le cas. C’est bien sûr en partie dû à la crise. Quand Singapour a proposé<br />

l’organisation <strong>de</strong> sommets Euro-Asie en 1995, la France a été le<br />

pays le plus enthousiaste. Et puis, alors que l’émergence <strong>de</strong> l’Asie<br />

s’est affirmée, l’intérêt est retombé. Les Etats-Unis ont proposé un<br />

partenariat à l’Asean. L’Europe en parle... Jusqu’ici, la question <strong>de</strong> la<br />

Birmanie faisait obstacle. Mais le pays s’ouvre. La <strong>de</strong>rnière excuse<br />

a disparu. La France aurait un rôle important à jouer en la matière.<br />

A la différence <strong>de</strong>s Etats-Unis qui se donnent pour mission <strong>de</strong><br />

démocratiser la planète, la France était plus pragmatique… jusqu’à<br />

ces manifestations en 2008 lors <strong>de</strong> l’arrivée <strong>de</strong> la<br />

flamme olympique. Les Jeux étaient un grand<br />

moment pour la Chine. Les Français ne se ren<strong>de</strong>nt<br />

pas compte à quel point cela a mis <strong>les</strong> Chinois en<br />

colère. Ce fut une gran<strong>de</strong> erreur. En revanche, Nicolas<br />

Sarkozy et Gordon Brown ont contribué au sauvetage<br />

<strong>de</strong> l’économie mondiale lors du G20 <strong>de</strong><br />

Londres en 2009.» PROPOS RECUEILLIS PAR P.-M. D.<br />

* Doyen <strong>de</strong> la faculté <strong>de</strong>s sciences politiques<br />

<strong>de</strong> Singapour.<br />

2012<br />

31 janvier<br />

Conseil européen à Bruxel<strong>les</strong> :<br />

adoption par <strong>les</strong> Etats membres<br />

(sauf le Royaume-Uni et la<br />

République tchèque) du nouveau<br />

« pacte budgétaire »<br />

imposant aux budgets nationaux<br />

d’être équilibrés ou<br />

excé<strong>de</strong>ntaires.<br />

4 février<br />

Clau<strong>de</strong> Guéant, ministre <strong>de</strong><br />

l’Intérieur : « Toutes <strong>les</strong><br />

civilisations ne se valent pas. »<br />

VU DE SINGAPOUR<br />

48 ❘ ENJEUX LES ECHOS ❘ AVRIL 2012<br />

« La polémique sur <strong>les</strong> Jeux<br />

olympiques à Pékin<br />

a mis <strong>les</strong> Chinois très en colère<br />

contre la France »<br />

<strong>Kishore</strong> <strong>Mahbubani</strong>*<br />

15 février<br />

CHRONOLOGIE RÉALISÉE PAR I. L.<br />

Le chef <strong>de</strong> l’Etat<br />

annonce sa candidature<br />

pour un second mandat.<br />

VU D’ITALIE<br />

« La France n’a pas<br />

assez encouragé le<br />

chômage partiel pour<br />

faire face à la crise »<br />

Tito Boeri*<br />

« L e premier problème <strong>de</strong> la France tient à<br />

la générosité <strong>de</strong> son système <strong>de</strong> retraite<br />

qui incite <strong>les</strong> gens à cesser leur activité trop<br />

tôt. Les systèmes <strong>de</strong> préretraite généralisés<br />

dans <strong>les</strong> <strong>années</strong> 70 et 80 pour faire <strong>de</strong> la<br />

place aux jeunes ont eu un effet désastreux sur le taux d’activité <strong>de</strong>s<br />

salariés âgés. En France, <strong>les</strong> hommes interrompent leur vie professionnelle<br />

en moyenne à 59,3 ans, contre 67,3 en 1967. C’est plus tôt<br />

qu’au Royaume-Uni (63 ans), qu’en Italie et aux Pays-Bas (61 ans),<br />

qu’en Allemagne (60,9) et, bien sûr, qu’aux Etats-Unis. Le prési<strong>de</strong>nt<br />

français a pris une bonne mesure en reculant l’âge légal du départ<br />

à la retraite <strong>de</strong> 60 à 62 ans, mais cela ne suffit pas pour améliorer<br />

l’emploi <strong>de</strong>s salariés âgés. Il aurait fallu <strong>de</strong>s mesures spécifiques<br />

pour vaincre <strong>les</strong> réticences <strong>de</strong>s employeurs à recruter une maind’œuvre<br />

jugée, parfois à tort, moins productive et plus encline<br />

à avoir <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> santé.<br />

Mon autre regret, c’est que la France n’a pas assez encouragé<br />

le chômage partiel pour faire face à la baisse <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> consé -<br />

cutive à la crise. En Allemagne, le recours massif au Kurzarbeit,<br />

qui a fait l’objet d’aménagements dans le cadre <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong><br />

relance, a permis <strong>de</strong> préserver l’emploi. L’Allemagne et l’Italie<br />

sont <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux pays du G7 qui ont le plus utilisé le chômage partiel,<br />

marginal encore en 2007, mais totalement entré dans <strong>les</strong> mœurs<br />

en 2009. Plus <strong>de</strong> 2% du total <strong>de</strong>s heures travaillées dans ces <strong>de</strong>ux<br />

pays se font dans <strong>de</strong>s entreprises qui ont adopté <strong>de</strong>s mesures dites<br />

<strong>de</strong> partage <strong>de</strong> l’emploi. Le chiffre n’est que 0,2% en France. Alors<br />

qu’en temps <strong>de</strong> crise, la priorité est <strong>de</strong> réduire le temps <strong>de</strong> travail<br />

pour s’ajuster à la chute <strong>de</strong>s comman<strong>de</strong>s, Nicolas Sarkozy s’est<br />

entêté dans sa logique <strong>de</strong> “travailler plus pour gagner plus” et en<br />

voulant à tout prix se débarrasser <strong>de</strong>s 35 heures. Face à une<br />

crise aussi profon<strong>de</strong> que celle que nous traversons, ce n’était<br />

vraiment pas le moment <strong>de</strong> privilégier la défiscalisation <strong>de</strong>s heures<br />

supplémentaires ! » PROPOS RECUEILLIS PAR I. L.<br />

* Economiste spécialiste du travail à l’université Bocconi <strong>de</strong> Milan.<br />

WORLD ECONOMIC FORUM - TF1/AFP - DR

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