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Il crut l’entendre marmonner « c’est un petit peu tard pour ça », mais de toute évidence, il avait dû
se tromper.
Isaac chassa le passé et ses émotions pour reporter son attention sur le présent. Tournant les talons,
il s’avança vers l’entrée du bâtiment.
Lorsqu’il entra, Jim et ses deux potes lui emboîtèrent le pas, et il se demanda pourquoi Heron ne
portait pas un chapeau pour cacher son visage ou n’importe quoi d’autre pour dissimuler son identité.
Quel crétin. Il arrive à se barrer… et tout ce qu’il trouve à faire, c’est de revenir.
Malade.
Cinglé.
Mais il avait déjà assez de ses propres problèmes de son côté, et, après tout, Jim était un grand
garçon, libre de foutre sa vie en l’air s’il l’entendait ainsi.
Le couloir de l’immeuble abandonné était un véritable parcours d’obstacles, jonché d’innombrables
seaux remplis de plâtre séché et d’un millier de canettes de soda à moitié vides. Toutefois, personne
n’avait occupé les lieux depuis des lustres : les débris étaient couverts de poussière.
De toute évidence, l’argent était venu à manquer au moment où les équipes de plombiers et
d’électriciens avaient entamé leurs travaux : des fils électriques serpentaient en travers du faux plafond
béant, à côté de conduites d’aération et de tuyaux de plomberie à moitié achevés. L’éclairage était
dispensé par des lampes à piles placées au sol à intervalles d’un mètre cinquante et il faisait un froid de
canard. Du moins jusqu’à ce qu’on pénètre dans l’immense vestibule. Malgré la hauteur de plafond digne
d’une cathédrale, la chaleur corporelle dégagée par la cinquantaine de types qui trépignaient sur le sol en
béton faisait monter la température.
C’était l’endroit idéal pour combattre : les architectes avaient prévu une sorte de baie vitrée pour
l’entrée, mais comme à peu près tout le reste, celle-ci était restée inachevée. Par conséquent, au lieu de
vitres transparentes, des panneaux de contreplaqué étaient cloués aux poutres.
Si bien qu’on ne pouvait voir ni la lumière ni la foule.
L’octogone avait été dressé au centre de l’espace, et dès qu’Isaac fendit la foule, les acclamations
fusèrent. Des inconnus lui donnèrent une petite tape dans le dos en le félicitant d’être sorti de prison et
des téléphones portables apparurent devant des dizaines d’oreilles pour annoncer la nouvelle qu’Isaac
était là, prêt à en découdre.
Le promoteur accourut vers lui.
— Nom de Dieu, ils sont déjà chauffés à bloc ! C’est le pied !
Bla bla bla…
Isaac scruta les visages tout en gagnant le fond de la salle pour attendre son tour. Lorsque Jim vint
s’adosser à son côté, il s’entendit dire :
— Hier soir, un de nos vieux amis s’est pointé.
— Qui ?
— Et comme par hasard, renchérit Isaac d’une voix sinistre, il est de retour.
À l’endroit où les videurs encaissaient l’argent des paris et les frais d’inscription, le numéro 2 de
Matthias sortait un portefeuille de sa poche. Tendant les billets, il jeta un coup d’œil aux deux anciens
soldats en se fendant d’un sourire carnassier.
Puis il pointa l’index en direction de la poitrine d’Isaac.
— Tu ne monteras pas sur ce ring, cracha Jim en se campant devant Isaac pour le garder hors de vue.
Isaac braqua le regard par-dessus l’épaule massive de Heron, droit dans les yeux de l’homme qui
avait été envoyé pour le tuer.
— Oh que si.