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Zibeline n°25 en PDF

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25<br />

Marion<br />

Rampal :<br />

Own<br />

Virago<br />

du 17/12/09 au 21/01/10|un gratuit qui se lit<br />

cahier jeunesse<br />

détachable


Politique culturelle<br />

R<strong>en</strong>contres culturelles du Var 5<br />

Musée Borély, Musée de la faï<strong>en</strong>ce 6<br />

Théâtre<br />

La Friche, Le Massalia, Théâtre Nono 7<br />

La Criée 8<br />

Les Bernardines, le Toursky, les Salins 9<br />

Avignon, Aix, Martigues, Arles, Nîmes 10,11<br />

Les Bernardines, le Gyptis, le Merlan, la Criée 12<br />

Le L<strong>en</strong>che, la Criée, la Minoterie, le Massalia 13<br />

Cavaillon, Rousset, Simiane, Salon, Martigues 14<br />

Au programme 15<br />

Danse<br />

La Minoterie, MOD, Dansem, les Bernardines 16,17<br />

Istres, Pavillon noir, Gymnase, BNM, Toulon 18, 19<br />

Au programme 20, 21<br />

Cirque/Arts de la rue<br />

Sirènes et midi net, Toursky, Istres, Grasse, GTP 22<br />

Arts visuels<br />

Musée d’art contemporain, Passage de l’art 24<br />

Paradigme, la Fabrique s<strong>en</strong>sible, Où sont les <strong>en</strong>fants ? 25<br />

Galerie Vinc<strong>en</strong>t Bercker, la Non-Maison 26<br />

Saint-Cyr-sur-Mer, Apt 27<br />

Au programme 28, 29<br />

Cinéma<br />

AFLAM, Festival Tous Courts 30<br />

Les R<strong>en</strong>dez-vous d’Annie 31<br />

Stella, ICI, Portrait de Laur<strong>en</strong>t Lafran 32<br />

Musique<br />

Concerts 33 à 43<br />

Disques 44 à 46<br />

Livres<br />

Arts, Littérature 47 à 51<br />

Toulon, la Destrousse 52<br />

Cité du Livre, au programme 53<br />

Ecrimed, Héropolis, R<strong>en</strong>contres littéraires 54,55<br />

Philosophie<br />

Les R<strong>en</strong>contres d’Averroès 56<br />

Entreti<strong>en</strong> avec Raphaël Granvaud 57<br />

Entreti<strong>en</strong> avec Alain Guyard 58, 59<br />

Histoire<br />

Echange et diffusion des savoirs, ABD, les Hébreux 60, 61<br />

Sci<strong>en</strong>ces<br />

Forum régional de culture sci<strong>en</strong>tifique et technique 62<br />

ZIBELINE JEUNESSE<br />

Événem<strong>en</strong>ts Amarelles, Drôles de noëls III<br />

Activités Le Merlan, la Cité du Livre IV<br />

Le musée des Alpilles, Laterna Magica V<br />

Spectacles Au programme VI VII<br />

Mômaix, le Merlan, Fos-sur-Mer VIII<br />

Le L<strong>en</strong>che, le Gyptis, GTP IX<br />

Le Massalia, le Merlan, Ste-Maxime, Le Revest X<br />

Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce, Cavaillon XI<br />

Livres XII à XV<br />

Emballages et<br />

correspondances<br />

Emballant ! Cette fin d’année culturelle s’est révélée, après une<br />

r<strong>en</strong>trée sacrém<strong>en</strong>t triste, pleine de très bonnes surprises ! Des<br />

créations passionnantes, des spectacles et des concerts bouleversants,<br />

des r<strong>en</strong>contres émoustillantes pour tous les esprits<br />

curieux, et rêveurs… Certains sont <strong>en</strong>core sur nos scènes, et les<br />

auteurs, artistes et musici<strong>en</strong>s croisés nous ont laissé leurs livres,<br />

leurs œuvres, leur voix, <strong>en</strong>registrés.<br />

Et si vous offriez pour Noël à vos proches de partager avec vous<br />

ces plaisirs ?<br />

Car la fête se profile toujours id<strong>en</strong>tique, avec ses emballages<br />

étalés. Dans les boutiques <strong>en</strong>luminées de guirlandes on v<strong>en</strong>d<br />

des vêtem<strong>en</strong>ts pour empaqueter les corps, des bijoux pour les<br />

orner, des appareils pour communiquer des mess@ges, et d’autres<br />

pour lire les ℮-textes, les images et les sons numé®iques.<br />

Dans une ténébreuse et profonde unité, les parfums, les ©ouleurs<br />

et les sons se répond<strong>en</strong>t, dirait l’autre. Et s’<strong>en</strong>clos<strong>en</strong>t sous des<br />

papiers pré-pliés pour emballer plus vite, et des étiquettes<br />

pré<strong>en</strong>collées, des vœux pré-écrits, pour ajouter <strong>en</strong>core autour<br />

<strong>en</strong> une couche ultime.<br />

Les ©adeaux que l’on déballe comme des oignons se réduis<strong>en</strong>t<br />

souv<strong>en</strong>t à leur pelure. Une fois effeuillés il n’<strong>en</strong> reste que le<br />

souv<strong>en</strong>ir, et cette effervesc<strong>en</strong>ce un peu écœurante d’ouvrir, de<br />

consommer l’inutile. Ce qui ne définit pas le luxe, mais le vain.<br />

Pour sortir de la vacuité ambiante offrez des livres. De la<br />

musique, des instrum<strong>en</strong>ts, des tableaux. Des plaisirs immédiats<br />

même, des chocolats. Des places de spectacles, des mom<strong>en</strong>ts de<br />

cinéma que vous partagerez avec vos proches, des classiques<br />

que vous aimez et qu’ils ne sav<strong>en</strong>t pas. Des voyages qui raviront<br />

leur esprit vers des horizons nouveaux. Des objets inatt<strong>en</strong>dus<br />

qu’ils devront apprivoiser. Du temps avec eux, pour les y aider.<br />

Peut-être certains feront-ils la moue ? Qu’importe, vous leur<br />

aurez offert un peu de vous-mêmes, et non la satisfaction<br />

immédiate d’un ℮-désir commun. Pas des emballages mais la<br />

solidité d’un li<strong>en</strong>.<br />

AGNÈS FRESCHEL<br />

RetrouveZ nos éditions précéd<strong>en</strong>tes<br />

sur www.journalzibeline.fr


La Fête du livre, les R<strong>en</strong>contres artistiques<br />

méditerrané<strong>en</strong>ne du Var,<br />

Constellations : du 20 novembre au 12<br />

décembre, le Conseil général du Var a<br />

m<strong>en</strong>é un train d’<strong>en</strong>fer aux associations<br />

varoises et à ses part<strong>en</strong>aires. De<br />

quoi faire m<strong>en</strong>tir ceux qui p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t<br />

qu’il ne se passait jamais ri<strong>en</strong> dans le<br />

83 ! Et le public, dans tout ça ? On le<br />

sait, la palme d’or revi<strong>en</strong>t à la Fête du<br />

livre avec 52 000 visiteurs le temps<br />

d’un week-<strong>en</strong>d quand le public des<br />

R<strong>en</strong>contres, du fait de leur thématique<br />

(Les nouvelles écritures du spectacle<br />

vivant, de l’id<strong>en</strong>tité à la modernité)<br />

et de leur durée (7 jours), est moins<br />

quantifiable, de nombreux spectacles<br />

se déroulant dans l’espace public.<br />

Pour la petite dernière, Constellations,<br />

la communication ayant du retard à<br />

l’allumage, Kubilai Khan Investigations<br />

a dû compter sur ses seules<br />

forces d’attraction.<br />

De cette grande déferlante, on reti<strong>en</strong>dra<br />

des images fortes, des s<strong>en</strong>sations<br />

de plaisir et des échanges nourriciers.<br />

D’abord et par deux fois, l’incomparable<br />

Transports exceptionnels offert<br />

par le chorégraphe Dominique Boivin<br />

aux passants du quai du Port, saisis<br />

de vertige par la performance d’un<br />

danseur (P. Priasso) et d’un conducteur<br />

d’<strong>en</strong>gin (E. Lamy) <strong>en</strong> prise avec<br />

les forces animales d’une pelleteuse.<br />

Dans un registre plus intime, l’Ensemble<br />

des Équilibres (Agnès Pyka,<br />

Maire Laur<strong>en</strong>ce Rocca) a fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

à une foule intergénérationnelle des<br />

œuvres de Luciano Berio : un pari audacieux<br />

-et réussi- sous le regard des<br />

RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES DU VAR<br />

Déferlante varoise<br />

La chambre des Aïta<br />

Madame Plaza est une salle de cabaret, le plus vieux de<br />

Marrakech. Une chambre sans âge à laquelle la chorégraphe<br />

Bouchra Ouizgu<strong>en</strong> ne donne formes ni couleurs. Une<br />

réalité nue, sans fard ni voiles, sans parures ni parfum.<br />

Seulem<strong>en</strong>t trois sofas sur lesquels se repos<strong>en</strong>t quatre<br />

femmes échouées là, presque par hasard. On ne connaîtra<br />

ri<strong>en</strong> de plus de leur histoire, on sait seulem<strong>en</strong>t que la<br />

compagnie Anania r<strong>en</strong>d ici hommage aux Aïta, «ces<br />

chanteuses de cabaret, dépositaires à la fois d’un art v<strong>en</strong>u du<br />

fond des temps et de l’histoire réc<strong>en</strong>te du Maroc».<br />

Dans un sil<strong>en</strong>ce pesant, les corps se meuv<strong>en</strong>t à la vitesse<br />

d’une infusion de m<strong>en</strong>the, poses alanguies, têtes r<strong>en</strong>versées,<br />

pieds <strong>en</strong> l’air, ondulations imperceptibles… Quand soudain<br />

l’une d’<strong>en</strong>tre elles danse à la vitesse d’un éclair : les corps<br />

cabossés lâch<strong>en</strong>t leur énergie cont<strong>en</strong>ue, dos-à-dos, <strong>en</strong><br />

équilibre, au sol. Les chants s’élèv<strong>en</strong>t, rauques, les rires se<br />

déploi<strong>en</strong>t. Une vague profonde les soulève dans un cri<br />

collectif, une secousse tellurique ; d’un corps à l’autre la<br />

danse, le chant se répand<strong>en</strong>t. Le quartet parfois se disjoint<br />

photographies de Jeanloup Sieff accrochées<br />

à la Maison de la photographie.<br />

Musical toujours, le programme proposé<br />

au foyer Campra à l’Opéra de TPM<br />

a permis non seulem<strong>en</strong>t de (re)découvrir<br />

l’une des plus belles salles<br />

d’opéra de la région, mais de se frotter<br />

Transports exceptionnels © Jean-Louis Fernandez<br />

à deux univers mélodiques diamétralem<strong>en</strong>t<br />

opposés. D’une part la musique<br />

de tables de Thierry de Mey (que<br />

les amateurs d’Anne Teresa de<br />

Keersmaeker connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>) et la<br />

trichromie de Yoshihisa Taïra servis<br />

admirablem<strong>en</strong>t par l’Ensemble Poly-<br />

tantôt fait bloc, chacune cherchant à s’échapper de ce<br />

cabaret clos que seule l’intrusion d’un homme (subterfuge<br />

du déguisem<strong>en</strong>t) pourrait <strong>en</strong>trouvrir : désirs, domination<br />

masculine, s<strong>en</strong>sualité à fleur de peau… Il suffit qu’un<br />

complet veston blanc pointe le bout de sa braguette pour<br />

semer le chaos, la discorde, bousculer l’ordre établi.<br />

Jusqu’à ce que les t<strong>en</strong>sions s’apais<strong>en</strong>t à nouveau et que les<br />

corps, adoucis, se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t une fois <strong>en</strong>core.<br />

Depuis sa création au festival Montpellier Danse 2009 et son<br />

passage au théâtre d’Arles, Madame Plaza divise le public<br />

<strong>en</strong>tre inconditionnels heureux et détracteurs interloqués<br />

qui se demand<strong>en</strong>t après-coup ce qu’ils sont v<strong>en</strong>us faire<br />

dans ce cabaret…<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Madame Plaza a été prés<strong>en</strong>té par le CNCDC Châteauvallon<br />

aux R<strong>en</strong>contres artistiques méditerrané<strong>en</strong>nes du Var le 1 er<br />

décembre<br />

POLITIQUE CULTURELLE<br />

05<br />

chronies ; d’autre part le langage<br />

universel de Léonard Bernstein chanté<br />

avec bonheur par le Chœur de l’Opéra.<br />

Il y eut aussi la journée «jeune<br />

public» du mercredi et les spectacles<br />

de rue <strong>en</strong> familles le dimanche…<br />

Entre ces r<strong>en</strong>dez-vous festifs, les<br />

R<strong>en</strong>contres ont été émaillées de débats<br />

<strong>en</strong>tre les nombreux acteurs culturels<br />

associés, du Var et des Bouches-du-<br />

Rhône, qui ont mis <strong>en</strong> partage leurs<br />

expéri<strong>en</strong>ces, croisé leurs projets et<br />

pointé leurs interrogations. Pour la<br />

seule journée consacrée aux «Aspects<br />

du théâtre contemporain», les participants<br />

ont pu expérim<strong>en</strong>ter la méthode<br />

dite de «l’exercice des vagues» de la<br />

metteur <strong>en</strong> scène Catherine Marnas<br />

<strong>en</strong> l’intégrant dans leurs pratiques<br />

personnelles ; se nourrir à la source<br />

de l’histoire du théâtre contemporain<br />

<strong>en</strong> écoutant Michel Corvin «tutoyer»<br />

Beckett, Handke, Régy, Adamov dont<br />

il connaît la moindre tirade. Et <strong>en</strong>core<br />

Joseph Danan, dramaturge et auteur,<br />

qui s’interrogeait à voix haute : «Peutêtre<br />

que le théâtre peut nous redonner<br />

foi <strong>en</strong> ce monde», paraphrasant Gilles<br />

Deleuze à propos du cinéma…<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Les R<strong>en</strong>contres artistiques<br />

méditerrané<strong>en</strong>nes du Var<br />

se sont déroulées du 26 novembre<br />

au 2 décembre<br />

dans 6 lieux de Toulon<br />

Correction<br />

Lors notre <strong>en</strong>quête du mois<br />

dernier, les chiffres communiqués<br />

par la Criée quant à<br />

leur subv<strong>en</strong>tion de la Ville<br />

dépassai<strong>en</strong>t de 200 000 euros<br />

ceux que nous avions relevés<br />

dans les délibérations (1 million<br />

d’euros au lieu des 800 000). En<br />

fait, la Criée, fort honnête, y<br />

ajoutait la mise à disposition<br />

des lieux par la Ville (c’est-àdire<br />

une somme estimée qu’elle<br />

ne touche pas), ce que les autres<br />

théâtres ne faisai<strong>en</strong>t pas<br />

(honnêtem<strong>en</strong>t aussi d’ailleurs).<br />

Elle ne reçoit donc pas 4<br />

millions de subv<strong>en</strong>tions, mais<br />

3,8 millions.<br />

A.F.


06 POLITIQUE CULTURELLE MUSÉE BORÉLY | MUSÉE DE LA FAÏENCE<br />

Le projet Borély<br />

Le constat est fait depuis des années : les musées<br />

de Marseille, qui possèd<strong>en</strong>t des fonds riches, divers<br />

et étonnants, manqu<strong>en</strong>t cruellem<strong>en</strong>t de grands<br />

lieux d’exposition susceptibles de les mettre <strong>en</strong><br />

valeur pour le public… Cela est particulièrem<strong>en</strong>t<br />

vrai pour les collections muséales relevant des arts<br />

décoratifs : depuis la fermeture il y a plus de 20<br />

ans du musée Borély, elles végèt<strong>en</strong>t dans des<br />

caisses ou sont disséminées qui au Musée de la<br />

faï<strong>en</strong>ce, qui au Musée de la mode…<br />

Restaurer <strong>en</strong>fin le magnifique Château Borély, écrin<br />

XVIII e au cœur du plus beau parc de Marseille,<br />

tourné vers la mer, pas trop exc<strong>en</strong>tré, paraît donc<br />

une évid<strong>en</strong>te bonne idée ! D’autant que le projet est<br />

cohér<strong>en</strong>t : s’appuyant sur le pot<strong>en</strong>tiel naturel du Parc,<br />

son lég<strong>en</strong>daire Pavillon du Lac qui devra rouvrir,<br />

son musée botanique avec lequel des passerelles<br />

seront établies, l’<strong>en</strong>semble muséal de Borély obéira<br />

aux impératifs des grands projets. Les collections<br />

des musées de la faï<strong>en</strong>ce, de la mode et des arts<br />

décoratifs y seront réunies <strong>en</strong> un parcours historique<br />

éclairant sur la culture prov<strong>en</strong>çale, l’histoire<br />

artisanale et industrielle de Marseille, et l’histoire<br />

du goût et de l’art de vivre. Du XVII e au XX e siècle<br />

les objets, meubles, tissus, vaisselle, vêtem<strong>en</strong>ts<br />

Château Borély © Ville de Marseille<br />

Château Borély © Ville de Marseille<br />

trouveront un cadre qui leur répond, puisque les salles<br />

du rez-de-chaussée et du premier étage sont <strong>en</strong><br />

cours de restauration, et que celles du dernier<br />

étage, très abimées par la pluie, accueilleront dans<br />

un décor plus neutre les collections contemporaines.<br />

La Ville de Marseille veut concrétiser ce grand projet<br />

<strong>en</strong> 2012, et répondre par ces collections ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

prov<strong>en</strong>çales à celles du MuCEM, à vocation<br />

plus universelle. Le château est d’ores <strong>en</strong> déjà <strong>en</strong><br />

restauration, et les vêtem<strong>en</strong>ts et tissus du musée<br />

de la mode prêts à se déplier <strong>en</strong>fin -les expositions<br />

temporaires sur la Canebière ne donn<strong>en</strong>t qu’une<br />

toute petite idée de la richesse de ce fonds. Le<br />

musée sera animé par des ateliers pour <strong>en</strong>fants et<br />

pour adultes, autour des savoir-faire et des techniques<br />

artisanales, mais aussi d’un appr<strong>en</strong>tissage du<br />

regard. Et les collections s’<strong>en</strong>richiront de commandes<br />

à des artistes, confirmant ainsi que la<br />

culture prov<strong>en</strong>çale n’est pas figée sur un glorieux<br />

passé et un folklorisme.<br />

Un projet ess<strong>en</strong>tiel pour Marseille qui a toujours<br />

peiné à affirmer son statut de capitale prov<strong>en</strong>çale<br />

dans une région qui, depuis l’antiquité, lui a toujours<br />

préféré des villes plus bourgeoises. Mais il est<br />

impératif que ce musée de civilisation, ess<strong>en</strong>tiel,<br />

soit complété par un grand projet de musée artistique<br />

: s’il est bon que la culture prov<strong>en</strong>çale soit<br />

assumée par les Marseillais ils ne saurai<strong>en</strong>t s’y<br />

réduire. Marseille est aujourd’hui à la mode et<br />

redevi<strong>en</strong>t une destination touristique : elle mérite<br />

<strong>en</strong>fin un musée d’art qui prés<strong>en</strong>te dignem<strong>en</strong>t les<br />

collections contemporaines, modernes, romantiques<br />

et classiques qui dorm<strong>en</strong>t actuellem<strong>en</strong>t dans les<br />

réserves !<br />

AGNES FRESCHEL<br />

Ce que nous dit la vaisselle !<br />

Faites-vous partie de ces visiteurs de musées qui,<br />

lorsqu’ils arriv<strong>en</strong>t dans les salles aux vitrines pleines<br />

d’ust<strong>en</strong>siles d’usage courant, pass<strong>en</strong>t rapidem<strong>en</strong>t<br />

pour aller s’attarder devant les statues et tableaux<br />

de maîtres ? La conception moderne et occid<strong>en</strong>tale<br />

de l’art nous a appris à admirer les œuvres signées<br />

qui nous ouvr<strong>en</strong>t à un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t esthétique… mais<br />

ne sont pas la seule voie pour appréh<strong>en</strong>der une<br />

culture.<br />

Le musée de la faï<strong>en</strong>ce est relativem<strong>en</strong>t peu fréqu<strong>en</strong>té<br />

des Marseillais. Situé au cœur d’un parc<br />

davantage connu pour ses écureuils et ses poneys<br />

que pour ses collections, il recèle pourtant des trésors<br />

que 15000 visiteurs annuels découvr<strong>en</strong>t chaque<br />

année sur les trois niveaux du château Pastré : 1500<br />

pièces, remarquables pour certaines, nous racont<strong>en</strong>t<br />

une histoire. Celle des faï<strong>en</strong>ciers marseillais<br />

qui, dès la fin du XVII e siècle, ont parfait une technique<br />

spécifique: le petit feu, qui permet <strong>en</strong> cuisant<br />

l’émail à diverses basses températures de varier les<br />

couleurs obt<strong>en</strong>ues, et de sortir des décors bleu cobalt<br />

qui orn<strong>en</strong>t la plupart des faï<strong>en</strong>ces grand feu.<br />

La faï<strong>en</strong>ce marseillaise, puis celle de Moustier et<br />

d’Apt, est donc particulière : on y trouve de grandes<br />

pièces, des décors historiés, de véritables tableaux,<br />

et des motifs extrêmem<strong>en</strong>t variés, depuis les décors<br />

floraux, les poissons et guirlandes, jusqu’à des scènes<br />

de g<strong>en</strong>re, champêtres ou mythologiques…<br />

Musée de la faï<strong>en</strong>ce © Ville de Marseille<br />

Mais le musée ne se réduit pas à ces objets emblématiques<br />

de la richesse d’un art de vivre bourgeois : des<br />

pièces de Théodore Deck réunies <strong>en</strong> une magnifique<br />

vitrine témoign<strong>en</strong>t de l’art de la couleur et du motif<br />

du plus grand des céramistes ; au dernier étage des<br />

pièces art nouveau côtoi<strong>en</strong>t des créations contemporaines<br />

<strong>en</strong> verre, <strong>en</strong> grès, des animaux fantastiques,<br />

grotesques, des bibelots d’inanité lumineuse…<br />

Une collection d’arts du feu à visiter, avant ou après<br />

le pique-nique, et <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant son emménagem<strong>en</strong>t<br />

à Borély !<br />

A.F.<br />

Musée de la Faï<strong>en</strong>ce<br />

04 91 72 43 47<br />

Ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 17h


Entre adultes cons<strong>en</strong>tis<br />

LA FRICHE | LE MASSALIA | THÉÂTRE NONO<br />

Accueil aussi chaleureux que surpr<strong>en</strong>ant, lustres de cristal,<br />

accessoires à vue, hop, nous voici embarqués pour la traversée<br />

(trop courte, hélas, on <strong>en</strong> aurait bi<strong>en</strong> goûté un peu plus<br />

<strong>en</strong>core !) de quelques délires de notre Espèce fabulatrice.<br />

C’est le texte éponyme de Nancy Huston qui a donné à la<br />

Cie Parnas l’idée de ce banquet fabulateur auquel cinq<br />

comédi<strong>en</strong>s nous convi<strong>en</strong>t avec élégance et fantaisie. Un florilège<br />

de grands noms du théâtre (Shakespeare, Tchekhov,<br />

Sophocle, Rostand, Racine…) se tisse avec fluidité et <strong>en</strong> musique.<br />

On se réjouit d’écouter se répondre tragédies et<br />

comédies dans un festival de répliques célèbres. Le tout<br />

servi par une mise <strong>en</strong> scène atypique qui met <strong>en</strong> contact le<br />

spectateur et l’acteur. Pour ce voyage inspiré du banquet<br />

platonici<strong>en</strong>, nous sommes installés à la même table que les<br />

comédi<strong>en</strong>s et partageons avec eux vin, fruits et discours.<br />

Ils sont tous fabuleux aux deux s<strong>en</strong>s du terme ! Leurs mots,<br />

leurs gestes et leur jeu, excell<strong>en</strong>t, nous ouvr<strong>en</strong>t les portes<br />

d’une fantastique épopée à travers l’imagination car comme<br />

L’idée est excell<strong>en</strong>te : le cabaret des NoNos réunit des spectateurs dans une ambiance conviviale autour<br />

de chants de Noël dévoyés, <strong>en</strong>trecoupés de textes érotiques contemporains. Il repose sur des commandes<br />

à des auteurs, et sur une théâtralisation minimale : voix, micros, chaises, sapins… et tal<strong>en</strong>t. On peut<br />

regretter que les comédi<strong>en</strong>s chant<strong>en</strong>t si faux -les trois musici<strong>en</strong>s n’<strong>en</strong> peuv<strong>en</strong>t mais, et Gregori Miege<br />

au milieu cherche à rattraper sans cesse Marion Coutris qui démarre à n’importe quelle hauteur, Serge<br />

Noyelle qui se bat contre le rythme, et tous qui détonn<strong>en</strong>t… Cela gâche vraim<strong>en</strong>t les passages musicaux,<br />

par ailleurs remarquablem<strong>en</strong>t choisis, et arrangés. Mais les textes sont un régal : L’asc<strong>en</strong>seur de Marion<br />

Coutris, narré par un homme (Patrice Pujol) mais visiblem<strong>en</strong>t écrit par une femme observatrice, et séductrice,<br />

est un régal de drôlerie, coquin à souhait. Le récit d’Eugène Durif sonne dur, pas érotique<br />

pour un brin même si débordant de sexe, scandé par une voix intérieure animée d’un élan morbide,<br />

remarquablem<strong>en</strong>t écrit, et dit comme on se noie, sans autre effet qu’un halètem<strong>en</strong>t, par un Gregori Miege<br />

impressionnant. Le roman d’un travesti écrit et dit par Serge Noyelle est plus banal, mais son invitée<br />

québécoise, France Arbour, offre un mom<strong>en</strong>t de théâtre exceptionnel : le texte de Yann Bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue,<br />

qui exhibe avec fracas la sexualité d’une vieille femme dans sa maison de retraite, est un monum<strong>en</strong>t<br />

de drôlerie féroce et la comédi<strong>en</strong>ne, la seule qui joue vraim<strong>en</strong>t, sans texte et debout, soulève un tonnerre<br />

fracassant d’applaudissem<strong>en</strong>ts.<br />

Ne serait-ce que pour ce mom<strong>en</strong>t ce cabaret érotique vaut le voyage jusqu’au Nono théâtre !<br />

AGNES FRESCHEL<br />

Les contes érotiques de Noël ont lieu tous les soirs jusqu’au 18 déc.<br />

04 91 75 64 59<br />

www.theatre-nono.com<br />

© Agnès Mellon<br />

THÉÂTRE<br />

07<br />

Les étudiants du BTS Design de Communication du Lycée<br />

Marie Curie (Marseille) r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t compte de leur soirée<br />

avec la Compagnie Parnas…<br />

Quand l’imagination<br />

s’invite à table le disait Romain Gary, et c’est une<br />

© Cordula Treml<br />

phrase qu’ils répèt<strong>en</strong>t, «ri<strong>en</strong> n’est humain<br />

qui n’aspire à l’imaginaire.» Puisque<br />

l’homme passe sa vie à la jouer, puisqu’il<br />

est un animal fabulateur, autant lui<br />

laisser la parole. C’est ce qu’ils ont fait<br />

l’autre soir à La Friche, avec tal<strong>en</strong>t, et<br />

nous les remercions du beau mom<strong>en</strong>t<br />

de théâtre qu’ils nous ont offert.<br />

MANDY COLLURAT, MARION BERTHIER<br />

ET D’AUTRES ÉTUDIANTES<br />

Le Banquet fabulateur, création<br />

collective de la Cie Parnas,<br />

mes Catherine Marnas,<br />

est représ<strong>en</strong>té à la Friche Belle<br />

de Mai jusqu’au 18 décembre<br />

04 91 64 41 90<br />

www.parnas.fr<br />

Tableaux de g<strong>en</strong>re<br />

Côte d’Azur est un spectacle à la scénographie étonnante :<br />

<strong>en</strong>fermés dehors, les spectateurs tourn<strong>en</strong>t autour pour<br />

apercevoir, par des meurtrières que les comédi<strong>en</strong>s ouvr<strong>en</strong>t<br />

ou ferm<strong>en</strong>t, les actions qui se pass<strong>en</strong>t sur l’îlot peuplé d’une<br />

humanité marginale, comme figée dans des années 70 qui<br />

aurai<strong>en</strong>t été ravagées par la guerre. Humiliations, viol<strong>en</strong>ces<br />

et exactions se succèd<strong>en</strong>t, saupoudrés d’un certain burlesque,<br />

d’un rire saugr<strong>en</strong>u et de beaucoup de désespoir. C’est<br />

très beau par mom<strong>en</strong>ts, par tableaux, même si cela manque<br />

un peu de rythme, surtout quand les (mauvaises) plages<br />

musicales s’éternis<strong>en</strong>t. Quant à la fin les murs s’ouvr<strong>en</strong>t<br />

laissant passer les affreux habitants de l’îlot vers la lumière,<br />

l’extérieur, notre espace, on compr<strong>en</strong>d la raison du malaise:<br />

le dispositif, qui fait p<strong>en</strong>ser à Disneyland, nous a placés <strong>en</strong><br />

position de voyeurs avides, et de consommateurs de viol<strong>en</strong>ce<br />

ordinaire. Cette ouverture crève l’écran.<br />

A.F.<br />

Côte d’Azur, du Théâtre de la Mezzanine,<br />

a été créé au Massalia du 19 au 28 nov<br />

© Christophe Raynaud de Lage


08 THÉÂTRE LA CRIÉE<br />

Usurpateur, faux-semblants et aliénés<br />

La Nuit des rois © Agnès Mellon<br />

La saison de la Criée a (<strong>en</strong>fin !) comm<strong>en</strong>cé, dans la petite<br />

salle, par une énorme frustration : sur les 6000 spectateurs<br />

qui avai<strong>en</strong>t réservé leurs places seuls 800 ont<br />

pu voir la création de Jean-Louis B<strong>en</strong>oit ! Report<br />

d’autant plus regrettable que cette Nuit des Rois,<br />

conçue comme un grand spectacle, allait mal à cette<br />

salle exigüe qui nous plongeait le nez dans un décor fait<br />

pour être vu à distance. Les comédi<strong>en</strong>s, <strong>en</strong> revanche,<br />

avai<strong>en</strong>t remarquablem<strong>en</strong>t adapté leur jeu à une<br />

intimité fort peu naturelle à cette grande comédie Shakespeari<strong>en</strong>ne<br />

: les jeux de doubles, de faux-semblants,<br />

de dévoilem<strong>en</strong>t et de travestissem<strong>en</strong>ts s’étai<strong>en</strong>t adaptés<br />

à l’échelle… En revanche lorsqu’ils faisai<strong>en</strong>t<br />

semblant de jouer du piano les spectateurs, le nez<br />

sur le clavier, trouvai<strong>en</strong>t la simulation assez ridicule…<br />

et le parlé chanté des comédi<strong>en</strong>s n’était pas très juste:<br />

on a vu Jean-Louis B<strong>en</strong>oit avoir l’oreille plus musicale.<br />

Mais il avait la tête ailleurs sans doute, ce que l’on<br />

compr<strong>en</strong>d ; de ce naufrage <strong>en</strong> ses murs il a réussi à<br />

sauver, avec les personnages rev<strong>en</strong>us de leur tempête,<br />

quelques beaux mom<strong>en</strong>ts de théâtre : les nobles<br />

sont subtils, habités, gracieux, et les valets et ivrognes<br />

sont extraordinaires. Jean-Pol Dubois <strong>en</strong> bas jaune<br />

est d’une merveilleuse grandiloqu<strong>en</strong>ce tremblotante.<br />

Quant à Dominique Valadié elle inv<strong>en</strong>te un fou pat<strong>en</strong>té,<br />

philosophe sophiste du r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t et du<br />

syllogisme, absolum<strong>en</strong>t inédit… l<strong>en</strong>t et sans malice…<br />

étonnant !<br />

Il ne reste plus qu’à exiger TRÈS HAUT que cette Nuitrevi<strong>en</strong>ne<br />

dans la grande salle pour laquelle elle a été<br />

conçue… On ne peut <strong>en</strong>visager sérieusem<strong>en</strong>t une vie<br />

culturelle régionale sans notre C<strong>en</strong>tre Dramatique<br />

National !<br />

Tyrans<br />

Une autre manière de Shakespeare, dans la petite<br />

salle toujours… mais conçu pour cela! Le Macbeth de<br />

Heiner Müller mis <strong>en</strong> scène par Angela Konrad<br />

Macbeth © Christiane Robin<br />

fait la preuve, une fois de plus, que nos (relativem<strong>en</strong>t)<br />

jeunes metteurs <strong>en</strong> scène ont du tal<strong>en</strong>t, même s’ils<br />

n’ont ni lieu ni conv<strong>en</strong>tionnem<strong>en</strong>t.<br />

Macbeth n’échappe pas à l’académisme contemporain<br />

des metteurs <strong>en</strong> scène branchés (la définition<br />

serait longue, mais <strong>en</strong> gros cet académisme repose<br />

sur quatre piliers cardinaux dont tous les metteurs<br />

<strong>en</strong> scène de moins de quarante ans us<strong>en</strong>t avec l’illusion<br />

d’être ainsi d’avant-garde : du rock très fort <strong>en</strong><br />

guise de rythme, des micros sur pied, une mise à poil<br />

partielle vers les deux tiers du spectacle et de la<br />

vidéo, sur écrans multiples). Mais si Angela Konrad<br />

use de tous ces moy<strong>en</strong>s ils sont loin de faire l’ess<strong>en</strong>tiel<br />

de son discours : celui-ci repose sur une vision<br />

fine et approfondie des personnages, une très belle<br />

approche de la langue de Shakespeare, une compréh<strong>en</strong>sion<br />

très intime de la dramaturgie de Müller<br />

(son Macbeth a du Himmler <strong>en</strong> lui et son roi Duncan,<br />

sanguinaire, est plus proche de la vérité historique).<br />

Elle pose, sans appuyer ses effets, son Macbeth dans<br />

un contexte de monde dévoyé, qui extermine le<br />

peuple, aime la chair et le meurtre. Elle souligne la<br />

difficulté d’incarner ces monstres <strong>en</strong> inv<strong>en</strong>tant une<br />

belle rupture, drôle, saine, douloureuse, empruntée à<br />

Vilar. Elle dynamite le lyrisme de la langue shakespeari<strong>en</strong>ne<br />

-fondé dans Macbeth sur une fascination<br />

du meurtre- non <strong>en</strong> s’<strong>en</strong> débarrassant à contretemps,<br />

mais <strong>en</strong> le doublant d’une scansion rythmique à la<br />

batterie. Frédéric Poinceau, <strong>en</strong> Macbeth/Hamlet<br />

dépassé par les gestes qu’il commet mais n’assume<br />

pas, est très convaincant. Fabrice Michel, <strong>en</strong> Duncan,<br />

puis <strong>en</strong> Macduff et <strong>en</strong> psychanalyste, est épatant.<br />

Un vrai grand plaisir de théâtre donc, malgré les<br />

tics !<br />

Hystérique<br />

Le roi de Racine est tout aussi inquiétant, même si la<br />

mise <strong>en</strong> scène de R<strong>en</strong>aud Marie Leblanc désigne<br />

l’hystérique fille de Minos comme mère de tous les<br />

maux. On a déjà dit dans Zib’ 24 tout le bi<strong>en</strong> qu’on<br />

p<strong>en</strong>se de cette Phèdre, intellig<strong>en</strong>te, épurée comme<br />

son classicisme, reposant sur une vraie lecture du<br />

texte, et des comédi<strong>en</strong>s inspirés. Enfermant ses<br />

personnages dans un univers blanc, capitonné, psychiatrique,<br />

il laisse le spectateur goûter à la sublime<br />

rigidité de la langue racini<strong>en</strong>ne, et à la profondeur de<br />

la psyché tragique. Des forces obscures, mauvaises<br />

comme l’inconsci<strong>en</strong>t, rigides comme son surmoi,<br />

s’attach<strong>en</strong>t à détruire la femme hystérique possédée<br />

par son désir, jouet de sa jouissance, nue et comme<br />

violée par son propre meurtre. Le Roi quant à lui<br />

revi<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>fers, maudit, détruit, s’acharne, refuse<br />

de croire son fils éploré, tandis que le jeune Prince<br />

s’<strong>en</strong>orgueillit d’être sans affect, et avoue son amour<br />

comme on confesse un crime (ti<strong>en</strong>s un alexandrin).<br />

Tous sont pervers, jusqu’à Aricie amoureuse du fils<br />

de son tortionnaire, jusqu’aux serviteurs qui les<br />

pouss<strong>en</strong>t au parjure. Car les humains n’y sont que<br />

les jouets de dieux injustes, que R<strong>en</strong>aud Marie<br />

Leblanc traduit <strong>en</strong> forces intérieures agissantes,<br />

manipulateurs furi-ieux de leurs psychés malades.<br />

Décidém<strong>en</strong>t les metteurs <strong>en</strong> scène de la région ont<br />

du tal<strong>en</strong>t !<br />

AGNES FRESCHEL<br />

Phèdre<br />

© Marc Ginot<br />

La Nuit des Rois a été créé à la Criée<br />

du 20 au 29 nov.,<br />

Macbeth a été joué du 2 au 6 déc.,<br />

Phèdre est jouée jusqu’au 19 déc.<br />

04 91 54 70 54<br />

www.theatre-lacriee.com


Contre la Tyrannie<br />

La version de Lor<strong>en</strong>zaccio d’Antoine<br />

Bourseiller, réduite à 1h40, garde<br />

toute la puissance de la pièce : l’intrigue,<br />

certes resserrée, s’articule ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

sur l’idéal républicain de Lor<strong>en</strong>zo<br />

de Médicis, et la vanité de son crime,<br />

puisque le nouveau Duc ne vaudra pas<br />

mieux qu’Alexandre. Manque sans doute<br />

à ce choix la dim<strong>en</strong>sion du caractère<br />

sourdem<strong>en</strong>t passionné et désespéré à<br />

la fois, romantique de fait, du personnage<br />

principal. La comédie qu’il joue<br />

est <strong>en</strong> revanche bi<strong>en</strong> orchestrée : dans<br />

ce décor minimal toute la mise <strong>en</strong> scène<br />

repose sur le pari de l’illusion théâtrale,<br />

ombre et lumière permett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trées<br />

et sorties, danse dynamique où chaque<br />

nouvelle scène pr<strong>en</strong>d son élan aux<br />

sources de ce qui précède.<br />

La troupe rassemblée ici est jeune et<br />

tal<strong>en</strong>tueuse. Inv<strong>en</strong>tion, rapidité, s<strong>en</strong>s<br />

des ressorts comiques aussi, le texte<br />

est joué avec intellig<strong>en</strong>ce, jusque dans<br />

les nuances. Ces jeunes comédi<strong>en</strong>s<br />

sav<strong>en</strong>t faire partager leur fraîcheur et<br />

leur plaisir du texte au public v<strong>en</strong>u nombreux<br />

(la salle est toujours comble).<br />

Quelques mom<strong>en</strong>ts mimés, la mort de<br />

Lor<strong>en</strong>zaccio et le rire diabolique de<br />

Côme de Médicis qui sous un discours<br />

Si six sœurs<br />

TOURSKY | BERNARDINES | MARTIGUES<br />

lénifiant cache un caractère aussi fourbe<br />

que son prédécesseur, permett<strong>en</strong>t de<br />

r<strong>en</strong>dre s<strong>en</strong>sible le pessimisme de la<br />

pièce. Les choix musicaux sont judicieux,<br />

ainsi l’Ave Verum sur le meurtre<br />

de Lor<strong>en</strong>zo, victime expiatoire.<br />

Les 11 et 12 déc étai<strong>en</strong>t données au<br />

Toursky les 43 et 44 e représ<strong>en</strong>tations<br />

de cette mise <strong>en</strong> scène : le Toursky, <strong>en</strong><br />

accueillant dans une salle pleine ce<br />

spectacle qui a tourné sur les plus<br />

grandes scènes belges, et récemm<strong>en</strong>t<br />

au Théâtre National de Nice, fait une<br />

fois de plus la démonstration que sa<br />

programmation n’a ri<strong>en</strong> de piteux…<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

Lor<strong>en</strong>zaccio a été joué<br />

les 11 et 12 déc<br />

au Toursky<br />

© Nancy Touranche<br />

Il y a (oui, c’est comme ça) Olga, Macha et Irina ; tous les autres aussi, oui ils y sont tous et c’est très beau,<br />

osons le mot. On pourrait s’arrêter là sans trahir l’esprit ou la manière de Iouri Pogrebnitchko maître de jeu<br />

du théâtre Okolo de Moscou, fermem<strong>en</strong>t posé dans la chapelle des Bernardines : parois métalliques, table et<br />

chaises nues, mais rideaux de d<strong>en</strong>telles et piano droit obligé, poutre de bois que l’on déplace avec respect<br />

(survivante d’autres spectacles, pilier d’un temple shinto ou simple Vanité qui nous rappelle à l’ordre de la<br />

mort ?) ; un filin t<strong>en</strong>du sur le devant de la scène scinde le regard <strong>en</strong> haut et bas, quelques galets blancs limit<strong>en</strong>t<br />

l’espace et là-dedans, loin dedans et loin de Moscou, tout est théâtre. Nous sommes dans la remise à calèches<br />

© Viktor Pouchkin de Stanislavsky (humilité du sanctuaire) et des fantômes<br />

bi<strong>en</strong> vifs jou<strong>en</strong>t les Trois sœurs <strong>en</strong> connaisseurs!<br />

D’ailleurs des sœurs il y <strong>en</strong> a six pour cause de retour<br />

(voir la poutre), mais cela ne trouble <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> la<br />

sérénité du déroulem<strong>en</strong>t : acteurs lumineux, rayonnants<br />

de jeunesse ou d’intériorité, gestes élégants,<br />

d’une précision saisissante, les pieds, les mains, les<br />

yeux on ne sait plus où regarder, pourtant ils boug<strong>en</strong>t<br />

à peine, juste ce qu’il faut pour que tout soit dit ; sous<br />

la raideur des redingotes militaires frémit la blancheur<br />

des robes ou la fluidité d’un costume qui se prêtera<br />

volontiers à la danse ; musicalité de la langue (on ne<br />

s’<strong>en</strong> lasse pas) et musiques éternelles (on pourrait<br />

s’<strong>en</strong> lasser mais la vie est si courte..) accompagn<strong>en</strong>t<br />

des surtitres qu’on lâche assez vite ; on connaît la<br />

fin... mais non, au milieu des saluts éclate l’âme russe<br />

de Charles Aznavour qui met définitivem<strong>en</strong>t tout ça<br />

<strong>en</strong> haut -très haut- de l’affiche !<br />

MARIE-JO DHO<br />

Les Trois Sœurs a été donné aux Bernardines<br />

du 10 au 13 déc<br />

Compassion<br />

© Pan Sok<br />

Tant que ce texte tourne sur les scènes<br />

il faut aller le voir, et le programmer <strong>en</strong>core.<br />

On sait que Guy Cassiers a du<br />

tal<strong>en</strong>t : ses mises <strong>en</strong> scènes programmées<br />

aux Salins ou à Avignon opèr<strong>en</strong>t<br />

une synthèse remarquable <strong>en</strong>tre un<br />

théâtre visuel et technologique très<br />

contemporain, et un amour du texte et<br />

du jeu qui se perd souv<strong>en</strong>t chez les<br />

adeptes de la vidéo et des voix amplifiées.<br />

Chez Cassiers pas de déperdition,<br />

l’adoption des processus d’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts<br />

n’<strong>en</strong>traîne pas l’abandon du<br />

verbe.<br />

THÉÂTRE 09<br />

Il y a cep<strong>en</strong>dant dans Rouge Décanté<br />

quelque chose de plus grand <strong>en</strong>core<br />

que dans ses autres mises <strong>en</strong> scène :<br />

le texte de Jero<strong>en</strong> Brouwers remue<br />

<strong>en</strong> nous les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts les plus profonds<br />

d’empathie, de douleur pour la<br />

plaie de l’autre, de réelle compassion.<br />

S<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t rare, et qui vi<strong>en</strong>t peu à peu :<br />

Dirk Roof-thooft, acteur prodigieux,<br />

le mainti<strong>en</strong>t longtemps à distance <strong>en</strong><br />

effaçant sa voix, et <strong>en</strong> se blottissant<br />

derrière des écrans, des dégoûts, des<br />

pilules. Sans qu’il devi<strong>en</strong>ne sympathique<br />

donc, la douleur de l’<strong>en</strong>fant qu’il<br />

fut, confronté à l’inhumanité des <strong>en</strong>nemis,<br />

puis à la déshumanisation de sa<br />

mère, devi<strong>en</strong>t palpable. Dans la salle,<br />

chez le spectateur assis juste à côté de<br />

vous et qui comme vous reti<strong>en</strong>t ses<br />

larmes parce qu’il a mal pour cet <strong>en</strong>fant,<br />

et pour toutes les victimes des<br />

génocides du monde.<br />

A.F.<br />

Rouge Décanté a été joué<br />

aux Salins le 27 nov


10 THÉÂTRE AVIGNON | AIX | MARTIGUES | ARLES<br />

Che Guevara,<br />

icône romantique<br />

et canon<br />

«On va déballer les incertitudes et imprécisions sur le<br />

Che», <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d-on <strong>en</strong> ouverture de la dernière création<br />

de Gérard Gélas. Pousser l’icône de tee-shirt dans<br />

ses contradictions à partir du texte de José Pablo<br />

Feinmann, qui met <strong>en</strong> perspective le monde actuel<br />

et l’œuvre du révolutionnaire marxiste. Humaniste ou<br />

monstre sanguinaire ? Icône de papier ou mythe historique<br />

? On se retrouve lors de cette dernière nuit<br />

du 9 octobre 1967, dans une école perdue <strong>en</strong> Bolivie<br />

où fut exécuté le symbole de l’anticapitalisme, pour<br />

écouter ce face à face <strong>en</strong>tre le guérillero interprété<br />

par Olivier Sitruk, impeccable (et canon, avouons-le),<br />

et un journaliste, Andrès Cabreira, admirablem<strong>en</strong>t<br />

d<strong>en</strong>sifié par Jacques Frantz. S’<strong>en</strong>tame un huis clos<br />

historique, <strong>en</strong> accéléré, opposant la viol<strong>en</strong>ce des<br />

armes et celle des idées. «Il n’y a pas de juste milieu<br />

dans la vie d’un révolutionnaire», se déf<strong>en</strong>d l’Arg<strong>en</strong>tin,<br />

v<strong>en</strong>toline au poing, qui s’humanise petit à petit devant<br />

le constat d’échec annoncé.<br />

Le spectacle soulève la question de la viol<strong>en</strong>ce politique,<br />

et malgré le postulat de déboulonner la starification<br />

du Che, les clichés demeur<strong>en</strong>t : cigare, béret,<br />

mitraillettes, croix de lumière… Les seconds rôles rest<strong>en</strong>t<br />

anecdotiques face au duo d’acteurs qui s’affronte.<br />

Le Che apparaît comme un humain <strong>en</strong>têté qui<br />

a perdu son idéal, une figure christique pétrie de philosophie<br />

et sacrifiée pour construire une société<br />

d’hommes libres. Son statut d’icône perdure, absolum<strong>en</strong>t.<br />

Évidemm<strong>en</strong>t.<br />

DELPHINE MICHELANGELI<br />

Ernesto Che Guevara, la dernière nuit s’est joué au<br />

Théâtre du Chêne Noir (Avignon) du 20 au 29 nov<br />

© Manuel Pascual<br />

Le regard de l’autre<br />

Tout <strong>en</strong>fant cherche à être aimé, aimé par ses par<strong>en</strong>ts<br />

d’abord. Pour cela il peut se transformer <strong>en</strong> singe<br />

savant, guetter l’approbation qui signifie qu’on l’aime…<br />

Pour plaire à sa mère le petit Guillaume s’efforce de ressembler<br />

à une fille, celle que sa mère n’a pas eue mais<br />

souhaite si fort, du moins le croit-il… L’<strong>en</strong>fant se fait<br />

acteur, à tel point que sa famille se persuade de son<br />

homosexualité, l’<strong>en</strong>ferme dans ce rôle sans se soucier<br />

de sa réalité. Guillaume et les garçons à table ! est une<br />

phrase-titre programmatique... Le spectacle r<strong>en</strong>d<br />

compte d’une quête de soi, d’une ess<strong>en</strong>ce profonde<br />

qui permette de se démarquer du regard d’autrui, pour<br />

dev<strong>en</strong>ir adulte et susciter un nouveau regard…<br />

Guillaume Galli<strong>en</strong>ne nous livre cette tranche de vie<br />

dans un spectacle où il évoque sur scène tous ses personnages<br />

intérieurs, avec un remarquable art du détail.<br />

Une attitude, une intonation particulière, suffis<strong>en</strong>t à<br />

marquer un caractère : un roulem<strong>en</strong>t de r et voici la<br />

grand-mère russe ; épaules dédaigneuses, dos un<br />

peu raide, c’est la mère qui apparaît ; la moue ironique,<br />

le psychiatre militaire qui réforme, résigné, le jeune<br />

bègue ; quelques pas de Sévillane et Paqui, l’hôtesse<br />

Oui à la vie-chair !<br />

Des ogres et des lutins, probablem<strong>en</strong>t une princesse,<br />

vous et moi, tous à la table du banquet volubile où le<br />

coup de langue fait mouche et métaphysique à la fois...<br />

C’est de La Chair de L’Homme que Valère Novarina a<br />

tiré son Repas, adaptation pour la scène des premières<br />

pages de cette œuvre gigantesque, épique et diaboliquem<strong>en</strong>t<br />

lyrique. Le jeune metteur <strong>en</strong> scène Thomas<br />

Quillardets’y attaque par la voie du burlesque et d’une<br />

g<strong>en</strong>tille tradition de l’action partagée : deux rangées de<br />

spectateurs sur scène am<strong>en</strong>és à se dém<strong>en</strong>er, les autres<br />

<strong>en</strong> face assis bi<strong>en</strong> sages mais tous adoubés dès l’<strong>en</strong>trée,<br />

nommés, intronisés convives du grand festin, vous et<br />

moi donc, Jean Gobe Tout ou Mastiqueuse d’Ombre.<br />

Autour de la grande de table de verre (art de la cène,<br />

ne pas oublier le poisson rouge au c<strong>en</strong>tre inlassablem<strong>en</strong>t<br />

muet), les tableaux, vignettes, chansons et folies<br />

douces se succèd<strong>en</strong>t ou s’<strong>en</strong>trecrois<strong>en</strong>t dans un désordre<br />

maîtrisé, au gré de la profération jubilatoire des<br />

Le Festival d’Avignon repr<strong>en</strong>d le fil de ses r<strong>en</strong>contres<br />

publiques pour dévoiler, goutte à goutte, la programmation<br />

de la 64 e édition, dont Christoph Marthaler et<br />

Olivier Cadiot sont les artistes associés. Le metteur<br />

<strong>en</strong> scène Jean-Baptiste Sastre se frottera pour la 1 re<br />

fois à Shakespeare avec la Tragédie du roi Richard II,<br />

créée 63 ans plus tôt par Vilar. L’écrivain Frédéric<br />

Boyer signe une nouvelle traduction. «Je veux faire<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre cette œuvre de langage moderne de façon plus<br />

rapide, directe, brutale <strong>en</strong> interprétant différemm<strong>en</strong>t la<br />

traduction habituelle, trop académique et romantique».<br />

La scénographie est confiée au plastici<strong>en</strong> Sarkis, «un<br />

chaman» pour Sastre, qui s’imprègne totalem<strong>en</strong>t des<br />

1001 œuvres de son atelier/cerveau. Nourrie de toute<br />

cette matière, de poésie, de peinture, la distribution<br />

réunira des corps hauts <strong>en</strong> voix et <strong>en</strong> tal<strong>en</strong>ts. D<strong>en</strong>is<br />

Podalydès, dans le rôle du souverain déchu pour actes<br />

espagnole si drôle, apparaît... Car si le sujet abordé est<br />

délicat, le traitem<strong>en</strong>t théâtral <strong>en</strong> est magistralem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>levé.<br />

Pas un seul temps mort dans ce spectacle réjouissant.<br />

Même le Misanthrope de Molière s’y slame, <strong>en</strong> une<br />

confession à la fois intime et comique. Très réussie.<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

Guillaume et les garçons, à table ! a été joué<br />

au Jeu de Paume (Aix) du 1 er au 5 déc<br />

et aux Salins (Martigues) le 8 déc.<br />

Richard II, un non roi mortel !<br />

de tyrannie, incarnera ce non roi dev<strong>en</strong>u mortel, à<br />

l’instar du roi Lear, <strong>en</strong>traîné dans la folie. Pascal Bongard<br />

(Bullingbrook), Nathalie Richard (la reine) et l’écrivain<br />

Pierre Michon (Jean de Gaunt) complèteront<br />

le tableau. Sastre, émancipé de Claude Régy, éprouve<br />

une vraie nécessité de mettre <strong>en</strong> scène cette pièce<br />

à la Cour d’Honneur. «Sans faire le malin, je veux r<strong>en</strong>dre<br />

hommage au théâtre, avec un angle différ<strong>en</strong>t sur ce<br />

poème. Nous n’<strong>en</strong> ferons pas un roi faible qui abdique.<br />

Le roi comédi<strong>en</strong> du Christ, c’est fini avec Richard II». Un<br />

poème revisité par une famille «d’affinités électives»<br />

pour sortir des clichés sur l’incarnation du pouvoir.<br />

DE.M<br />

La r<strong>en</strong>contre publique du Festival In<br />

a eu lieu le 25 novembre à la salle B<strong>en</strong>oit XII<br />

© Pacôme Poirier<br />

acteurs au travail.<br />

Si le rythme est impeccable jusqu’à la trop étirée et<br />

fragm<strong>en</strong>tée scène de bal qui susp<strong>en</strong>d inutilem<strong>en</strong>t le<br />

temps, si la gestuelle frénétise ou poétise à bon esci<strong>en</strong>t,<br />

la diction (terme bi<strong>en</strong> raide dans cet univers de totale<br />

liberté), moins généreuse, rogne un peu sur l’audible.<br />

Pas bi<strong>en</strong> grave sans doute car on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d fort bi<strong>en</strong> par<br />

les yeux le Défécateur <strong>en</strong> majesté qui traverse la scène<br />

sur son trône à roulettes ou les Gesticulateurs dégommés<br />

comme dans un jeu vidéo dès la sortie de l’abri ; la<br />

rime <strong>en</strong> -eur agit comme un ressort dramaturgique et<br />

fait bondir dans l’au-delà du portique tout dét<strong>en</strong>teur du<br />

suffixe ! Bravo à vous qui avez compris, avec Montaigne<br />

et Rabelais, que banqueter c’est appr<strong>en</strong>dre à mourir!<br />

MARIE-JO DHO<br />

Le Repas a été donné (pris ?) au Théâtre Vitez (Aix)<br />

le 2 déc et au Théâtre d’Arles le 10 déc


Gros mots<br />

La M<strong>en</strong>ace © X-D.R<br />

La m<strong>en</strong>ace est partout prés<strong>en</strong>te dans notre société,<br />

distillée quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t dans les média, dans les<br />

émissions de télé… Partant de cette constatation, la<br />

chorégraphe montpelliéraine Anne Lopez et sa<br />

compagnie Les G<strong>en</strong>s du quai cré<strong>en</strong>t une joyeuse et<br />

extravagante parodie de journal télévisé et d’émission<br />

trash dans lesquels les danseurs sont tour à tour<br />

journalistes d’investigations, invitée vedette, technici<strong>en</strong>s<br />

et citoy<strong>en</strong>s victimes pot<strong>en</strong>tielles des dérives de<br />

l’information. Dansés et joués, les tableaux altern<strong>en</strong>t<br />

avec une rapidité folle, mont<strong>en</strong>t et démont<strong>en</strong>t les<br />

mécanismes de la manipulation médiatique quitte à<br />

installer une confusion qui brouille légèrem<strong>en</strong>t le propos.<br />

Heureusem<strong>en</strong>t le rire salvateur n’est pas loin qui<br />

éloigne les peurs et permet l’oxygénation des esprits<br />

prisonniers d’images et propos anxiogènes…<br />

Après la m<strong>en</strong>ace, la Paranoïa, autre délire dû cette<br />

fois au texte du dramaturge Arg<strong>en</strong>tin Rafael Spregelburd<br />

mis <strong>en</strong> scène par Marcial Di Fonzo Bo et<br />

Elise Vigier.<br />

Dans un futur indéterminé qui repr<strong>en</strong>d les codes et<br />

les images d’une sci<strong>en</strong>ce fiction clichée (vêtem<strong>en</strong>ts<br />

blancs, immaculés), un groupe de terri<strong>en</strong>s hétéroclite<br />

«invité» à Piriapolis, <strong>en</strong> Uruguay, est sommé de créer<br />

une fiction originale que les Intellig<strong>en</strong>ces -<strong>en</strong>tité<br />

extraterrestre invisible mais très prés<strong>en</strong>te qui régit<br />

l’univers- n’aurait pas déjà ingéré. Pour sauver le<br />

monde. Autant dire que l’écrivaine à succès Julia Gay<br />

Morrison, Claus, astronaute, Hag<strong>en</strong>, mathématici<strong>en</strong>,<br />

et Béatrice, robot anci<strong>en</strong>ne génération à la mémoire<br />

corrompue (Pierre Maillet est simplem<strong>en</strong>t désopilant)<br />

ont fort à faire. Tout se joue alors <strong>en</strong>tre création et<br />

fantasme, tout s’<strong>en</strong>trecroise <strong>en</strong>tre une vraie-fausse<br />

réalité qui se déroule sur scène, et la fiction projetée<br />

sur écran, délire hystérique de nos créateurs improbables.<br />

L’image n’est pas ici décorative, loin s’<strong>en</strong> faut,<br />

ni simplem<strong>en</strong>t illustrative : les deux langages se complèt<strong>en</strong>t<br />

et cré<strong>en</strong>t une forme hybride, à l’image du<br />

personnage principal de la fiction, Br<strong>en</strong>da, mi-miss<br />

V<strong>en</strong>ezuela, mi-monstre. La déconstruction des mécanismes<br />

de fiction fonctionne, mais pr<strong>en</strong>d le risque de<br />

perdre <strong>en</strong> route les spectateurs immergés dans une<br />

machinerie qui laisse finalem<strong>en</strong>t peu de place à<br />

l’imaginaire et au délire tant att<strong>en</strong>du. Dommage…<br />

DOMINIQUE MARÇON<br />

La M<strong>en</strong>ace était programmé à l’Odéon<br />

les 19 et 20 nov<br />

La Paranoïa a été joué les 26 et 27 nov<br />

au Théâtre de Nîmes<br />

La Paranoïa<br />

© X-D.R<br />

ARLES THÉÂTRE<br />

| NÎMES 11<br />

Humour cinglant<br />

Dès les premiers mots, prononcés dos au public, la<br />

verve de Nouara Naghouche fait mouche. Le ton est<br />

cinglant : un frère invective sa sœur qui a voulu échapper<br />

à son mari lors de la nuit de noce, suite à un mariage<br />

forcé. Autant dire que le rire ne vi<strong>en</strong>t pas tout de suite,<br />

et il ne sera pas systématique, loin s’<strong>en</strong> faut. C’est<br />

que le propos n’est pas humoristique, et c’est là tout<br />

le sel de ce spectacle surpr<strong>en</strong>ant: la révolte qui habite<br />

Nouara Naghouche, Alsaci<strong>en</strong>ne d’origine Algéri<strong>en</strong>ne,<br />

a pour nom injustice, de celle qui touche les femmes<br />

et les <strong>en</strong>fants et qu’elle met <strong>en</strong> scène, forçant si peu<br />

le trait lors de situations pourtant viol<strong>en</strong>tes. Sa force<br />

est son humour, mordant, noir, désespéré parfois, qui<br />

sauve in extremis le récit. Et puis parfois la parole se<br />

fait intime, confid<strong>en</strong>te, désarçonnante, lors de récits<br />

courts et percutants qui <strong>en</strong>fonc<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core un peu<br />

plus le clou. Par petites touches Nouara Naghouche<br />

distille ses (propres ?) histoires avec beaucoup d’amour<br />

et de t<strong>en</strong>dresse, avec pudeur aussi.<br />

DO.M.<br />

Sacrifices a été joué au Théâtre d’Arles<br />

le 27 nov<br />

Sacrifices © Herve Kielwasser


12<br />

THÉÂTRE BERNARDINES | GYPTIS | MERLAN | CRIÉE<br />

1 temps, 3 mouvem<strong>en</strong>ts<br />

Mo © Mathieu Lorry-Dupuy<br />

Après un automne de festivals, voici v<strong>en</strong>ue la 2 e<br />

saison des Bernardines, Un hiver de fidélités.<br />

Jolie formule pour <strong>en</strong>glober les 5 spectacles que le<br />

théâtre propose de décembre à mars. Dans ou hors<br />

les murs, produits ou coproduits, ils ont <strong>en</strong> commun<br />

de laisser l’espace et la parole à des créateurs et à<br />

des compagnies que l’équipe des Bernardines aime<br />

et souti<strong>en</strong>t depuis longtemps.<br />

Après Youri Pogrebnitchko et sa troupe moscovite<br />

du théâtre Okolo, place à Alain Béhar et à la Cie<br />

Quasi, pour Mô, un spectacle qui vi<strong>en</strong>t d’être créé à<br />

Sète et sera donné à Marseille du 16 au 19 décembre.<br />

Une fiction sur la p<strong>en</strong>sée, une t<strong>en</strong>tative de r<strong>en</strong>dre<br />

perceptible «la vapeur dans la tête de cet homme», de<br />

ce Mô (Moi sans i ?) dans le cerveau duquel le spec-<br />

tateur est convié à <strong>en</strong>trer, grâce à un dispositif sonore<br />

et visuel sophistiqué, afin de parv<strong>en</strong>ir à ce que Béhar<br />

nomme «une sorte de lâcher prise», une «vibration<br />

<strong>en</strong>tre s<strong>en</strong>sible et intelligible», une «chose poétique».<br />

Un OTNI (Objet Théâtral Non Id<strong>en</strong>tifié) sans aucun<br />

doute…<br />

En janvier, place aux dames. Du 14 au 24, Marie<br />

Vayssière prés<strong>en</strong>tera son Tartarin raconté aux<br />

Pieds Nickelés ou la réunion d’un bavard et d’un trio<br />

de malfaiteurs. Au héros de Daudet, avec son Ori<strong>en</strong>t<br />

de pacotille, ses rêves de chasse au lion et son<br />

discours colonialiste, la metteuse <strong>en</strong> scène a eu <strong>en</strong>vie<br />

de r<strong>en</strong>voyer le trio cocasse et dérangeant, dans une<br />

création-bricolage qu’elle espère aussi extravagante<br />

que cette r<strong>en</strong>contre improbable. Puis, on pourra aller<br />

au Merlan voir France do Brazil d’Eva Doumbia<br />

avant d’assister au «spectacle de foire gastronomique»<br />

de la Cie L’Art de Vivre, mis <strong>en</strong> scène par Yves<br />

Favrega. La grande comestible, une revue loufoque<br />

pour partager l’idée de l’excès et faire l’éloge de<br />

la liberté de p<strong>en</strong>ser.<br />

On le voit, aux Bernardines, même <strong>en</strong> hiver, il y a de<br />

quoi faire.<br />

FRED ROBERT<br />

Un hiver de fidélités, aux Bernardines,<br />

de décembre à mars<br />

04 91 24 30 40<br />

www.theatre-bernardines.org<br />

Tartarin raconté aux Pieds Nickelés sera aussi joué<br />

au Théâtre Vitez le 27 janv.<br />

Tragédie vraim<strong>en</strong>t grecque<br />

Trois Grecs s’alli<strong>en</strong>t pour créer à Marseille une<br />

nouvelle tragédie… sur un sujet antique bi<strong>en</strong> sûr, mais<br />

d’une actualité évid<strong>en</strong>te. Hypatie d’Alexandrie est un<br />

magnifique personnage historique. Mathématici<strong>en</strong>ne,<br />

érudite et philosophe, elle était surtout une femme<br />

libre qui <strong>en</strong>seignait à ses disciples (masculins) et fut<br />

massacrée, véritablem<strong>en</strong>t lacérée, par les chréti<strong>en</strong>s<br />

au IV e siècle, pour s’être opposée à la destruction des<br />

livres paï<strong>en</strong>s. Figure volontairem<strong>en</strong>t rejetée de<br />

l’histoire occid<strong>en</strong>tale (Nicée parle de ses «dons sataniques»<br />

qui «<strong>en</strong>sorcèl<strong>en</strong>t»), elle réapparaît pourtant<br />

récemm<strong>en</strong>t chez Umberto Eco ou Hugo Pratt… Pan<br />

Vouyoucas, auteur grec québécois, a écrit une tra-<br />

gédie qu’Andonis Vouyoucas a voulu mettre <strong>en</strong><br />

scène. Il a demandé au compositeur contemporain<br />

Alexandros Markeas d’<strong>en</strong> faire la musique. Une<br />

grande production, avec danseurs, musici<strong>en</strong>s et<br />

comédi<strong>en</strong>s, pour une approche contemporaine héritée<br />

de la tragédie antique.<br />

A.F.<br />

Hypatie ou la Mémoire des hommes<br />

Théâtre Gyptis<br />

Du 19 janv au 6 fev<br />

04 91 11 00 91<br />

www.theatregyptis.com<br />

Salle de répétition :<br />

à la table : Andonis Vouyoucas,<br />

metteur <strong>en</strong> scène,<br />

et Marine Chast<strong>en</strong>et, son assistante<br />

sur la scène : Philippe Séjourné<br />

(rôle de Cyrille) et Martin Kamoun<br />

(rôle de Jean)<br />

© A. Grisoni<br />

La M<strong>en</strong>zogna © Jean-Louis-Fernandez<br />

Pippo est là<br />

Vous l’att<strong>en</strong>dez ? il sera là. L’histoire de Pippo Delbono<br />

à Marseille est fondée sur une frustration. P<strong>en</strong>dant<br />

des années personne ne l’a programmé, puis le Merlan<br />

<strong>en</strong> vagabondages (trop peu de places !) et dans<br />

ses murs (un seul spectacle !). Il fallait pour les Marseillais<br />

aller le voir aux Salins, à Istres, ou à Avignon<br />

lors du festival. Aussi chacun se réjouissait de l’accueil<br />

conjoint de la Criée et du Merlan, qui allait<br />

permettre grâce à un véritable cycle de quatre spectacles<br />

de connaître vraim<strong>en</strong>t l’œuvre de ce metteur<br />

<strong>en</strong> scène dont chacun parle avec émotion…<br />

Bon, nouvel aléa : la grande salle de la Criée reste<br />

close <strong>en</strong> janvier. Heureusem<strong>en</strong>t les portes du Gymnase<br />

s’ouvr<strong>en</strong>t pour accueillir les représ<strong>en</strong>tations des<br />

trois spectacles qui devai<strong>en</strong>t avoir lieu dans la grande<br />

salle, tandis que Enrico V sera joué comme prévu au<br />

Merlan (du 9 au 11 janvier). Ce cycle programmé<br />

conjointem<strong>en</strong>t permettra de connaître réellem<strong>en</strong>t<br />

l’œuvre variée et atypique de Pippo Delbono, qui sera<br />

prés<strong>en</strong>t pour plusieurs r<strong>en</strong>contres, projections et<br />

confér<strong>en</strong>ces autour de son travail. En effet, si Enrico<br />

V est sa seule œuvre écrite à partir d’une pièce (H<strong>en</strong>ri<br />

V de Shakespeare), La M<strong>en</strong>zogna, sa dernière création<br />

(du 14 au 16 janv), pourrait s’appar<strong>en</strong>ter à du<br />

théâtre docum<strong>en</strong>taire, quoique très émotionnel (le<br />

m<strong>en</strong>songe est celui des industriels de Thyss<strong>en</strong> Krupp<br />

après l’inc<strong>en</strong>die de l’usine de Turin). Son solo Récits<br />

de juin (le 5 janv) montre avec éclat ses tal<strong>en</strong>ts de<br />

tribun, et son art de la diatribe, tandis que Questo<br />

Buio Feroce, où il met <strong>en</strong> scène ses comédi<strong>en</strong>s particuliers,<br />

est un imm<strong>en</strong>se chant lyrique de douleur et<br />

de confiance dans l’humanité (6 et 7 janv). Quatre<br />

dramaturgies particulières, pour un théâtre singulier,<br />

fondé sur une féroce volonté d’atteindre les affects du<br />

public <strong>en</strong> d’imm<strong>en</strong>ses catharsis larmoyantes communes…<br />

AGNES FRESCHEL<br />

Pippo Delbono<br />

Du 5 au 16 janvier<br />

04 91 54 70 54<br />

www.theatre-lacriee.com<br />

04 91 11 19 20<br />

www.merlan.org<br />

Att<strong>en</strong>tion : les représ<strong>en</strong>tations prévues à la Criée<br />

se dérouleront aux mêmes dates et aux mêmes<br />

horaires au Théâtre du Gymnase


Fabuler<br />

À la Minoterie on continue d’accueillir des spectacles <strong>en</strong> création des compagnies<br />

de notre région : c’est l’inénarrable Mazzuchini qui revi<strong>en</strong>t galéjer du Valletti, et<br />

cette fois ci il parait que c’est drôlem<strong>en</strong>t drôle, ses m<strong>en</strong>songes qu’il fait semblant de<br />

pr<strong>en</strong>dre pour du vrai. Même si vous avez été déçu par le précéd<strong>en</strong>t, allez-y voir,<br />

le bonhomme a du tal<strong>en</strong>t : cela s’appelle Mythomane, et c’est du 19 au 23 janv…<br />

Avant cela il y aura Massimo Schuster et ses marionnettes africaines <strong>en</strong> bois<br />

peint, pour une adaptation de Shakespeare, Othello et Iago (du 7 au 10 janv).<br />

La Minoterie<br />

04 91 90 07 94<br />

www.minoterie.org<br />

Raconter<br />

À la Criée aussi, du Valletti. Dans la<br />

petite salle forcém<strong>en</strong>t, l’autre restant<br />

close pour l’heure. Gilbert Rouvière<br />

y monte un texte génial qu’on y a vu<br />

déjà il y a quelques années, avec Marc<br />

Betton. Là c’est Lionnel Astier qui s’y<br />

colle, à cette parole de Valletti qui,<br />

Enfin le troisième volet des Suppliantes<br />

arrive au Massalia ! La cie Du zieu dans<br />

les Bleus y a proposé l’an dernier, et<br />

l’année d’avant, deux spectacles bouleversants<br />

: Ismène travaillait sur la sœur<br />

délaissée d’Antigone, à partir des Sept<br />

contre Thèbes, et de la tragédie antique;<br />

Ursule, tragédie d’Howard Baker, s’attachait<br />

à une communauté de religieuses<br />

peut-être parce qu’il s’agit d’un récit et<br />

non de théâtre, n’a jamais été aussi<br />

labile. Les anecdotes s’<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t, s’<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t,<br />

nous perd<strong>en</strong>t, se retrouv<strong>en</strong>t.<br />

Et l’on compr<strong>en</strong>d physiologiquem<strong>en</strong>t,<br />

avant de ressortir sur ses quais, pourquoi<br />

cet homme a jeté (les c<strong>en</strong>dres de)<br />

sa grand-mère dans le Vieux Port. Je<br />

vous <strong>en</strong> dis trop ? Ne vous inquiétez pas,<br />

le texte ne manque pas de surprises…<br />

Pourquoi j’ai jeté<br />

ma grand-mère<br />

dans le Vieux Port<br />

La Criée<br />

Du 13 janv au 20 fév<br />

04 91 54 70 54<br />

www.theatre-lacriee.com<br />

Illustrer<br />

Dans la petite salle de la Friche du Panier Edouard Exerjean repr<strong>en</strong>d son récital<br />

dédié à Cocteau : un montage de textes et de musiques, qu’il interprète au piano.<br />

De la musique française bi<strong>en</strong> sûr, du groupe des Six et de quelques autres (Satie,<br />

Sauguet, Wi<strong>en</strong>er), contemporains du poète. Une façon de compléter l’exposition<br />

monographique au Palais des Arts (voir Zib 23).<br />

Du visible à l’invisible<br />

du 12 au 30 janv<br />

Théâtre de L<strong>en</strong>che<br />

04 91 91 52 22<br />

www.theatredel<strong>en</strong>che.info<br />

Réinv<strong>en</strong>ter<br />

© X-D.R<br />

Victoria, photo de repetition © X-D.R.<br />

chréti<strong>en</strong>nes ; Victoria, troisième volet<br />

féminin lui, aussi, se déroule dans un<br />

pays des contes très contemporain, où<br />

les fées possèd<strong>en</strong>t l’arme nucléaire…<br />

L’écriture <strong>en</strong> a été confiée à Félix Jousserand,<br />

un jeune auteur qui s’attache<br />

avec la cie à sortir la tragédie de ses<br />

ornières contemporaines, <strong>en</strong> allant<br />

chercher ses racines historiques, pour<br />

mieux la réinv<strong>en</strong>ter. Une trilogie féminine<br />

dont on a hâte, et peur, de voir le<br />

terme.<br />

Victoria<br />

Théâtre Massalia<br />

du 19 au 30 janv<br />

04 95 04 95 70<br />

www.theatremassalia.com


14<br />

THÉÂTRE<br />

Collèges et forêts<br />

La saison de la Scène Nationale de<br />

Cavaillon repr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> 2010 sur un rythme<br />

plus sout<strong>en</strong>u, et on s’<strong>en</strong> réjouit tant la<br />

programmation de ce théâtre nous a<br />

habitués à une (quasi) perfection. En<br />

Nomades tout d’abord, <strong>en</strong> tournée<br />

dans les collèges cette fois (mais pas<br />

uniquem<strong>en</strong>t pour des séances scolaires<br />

!), l’excell<strong>en</strong>t diptyque de François<br />

Cervantes : La Table du fond et Sil<strong>en</strong>ce<br />

sont deux pièces qui s’install<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>t<br />

dans les salles de classe,<br />

parce qu’elles y pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leur source.<br />

L’histoire est celle d’un écolier disparu,<br />

de sa mère qui le connaît mal, de ses<br />

maîtres et du personnel. Tout se noue<br />

<strong>en</strong>tre eux avec subtilité, et les spectateurs<br />

plong<strong>en</strong>t dans la vie de cet abs<strong>en</strong>t<br />

qui aime lire, une histoire dont les collégi<strong>en</strong>s<br />

devin<strong>en</strong>t vite qu’elle ne singe pas<br />

la leur, mais raconte celle de l’auteur<br />

<strong>en</strong> une sorte de confession rêvée. Un<br />

retour aux sources qui les concerne<br />

bi<strong>en</strong> mieux, dans son intimité, que toutes<br />

les images d’Epinal dans lesquelles<br />

les adolesc<strong>en</strong>ts d’aujourd’hui s’<strong>en</strong>ferr<strong>en</strong>t.<br />

ROUSSET | SIMIANE | SALON | CAVAILLON | MARTIGUES<br />

Modernes<br />

Adaptée du livre de Roy Lewis, et mise <strong>en</strong> scène par Patrick Laval, Pourquoi j’ai<br />

mangé mon père est une fable réjouissante qui plonge au cœur de la préhistoire et<br />

conte les péripéties d’Ernest Grass<strong>en</strong>troope, vaillant pithécanthrope qui évolue au<br />

sein d’une famille «moderne» dont une partie est consci<strong>en</strong>te de sa condition et<br />

veut évoluer, et l’autre qui p<strong>en</strong>se que «c’était mieux avant»… C’est un texte savoureux<br />

et plein d’anachronismes dont s’empare Dami<strong>en</strong> Ricour, seul sur scène, avec une<br />

belle énergie, se glissant dans la peau de tous les personnages, du mammouth à<br />

la jeune fille!<br />

Pourquoi j’ai mangé mon père<br />

le 14 janv à 20h30<br />

Salle Emili<strong>en</strong> V<strong>en</strong>tre, Rousset<br />

04 42 29 82 53<br />

www.rousset-fr.com<br />

Après cette tournée le Théâtre de<br />

Cavaillon retrouvera ses murs pour une<br />

création très att<strong>en</strong>due : Jean Lambert<br />

Wild et Michel Onfray ont travaillé<br />

<strong>en</strong>semble sur la figure du proscrit (ou<br />

du rebelle) qui part vivre dans les bois…<br />

Le philosophe a écrit un texte, qui sera<br />

dit à quatre voix, tandis que Juha-Pekka<br />

Marsalo dirigé par Carolyn Carlson<br />

évoluera sur la musique électroacoustique<br />

de Jean-Luc Therminarias, dans<br />

les images, les couleurs et les brumes<br />

(forcém<strong>en</strong>t, la forêt) de François Royet.<br />

Une création interdisciplinaire et rebelle<br />

donc, très masculine aussi : le Recours<br />

aux forêts comme acte antisocial ultime<br />

relèverait-il aussi d’une fuite des<br />

femmes ?<br />

AGNES FRESCHEL<br />

La Table du fond. Sil<strong>en</strong>ce<br />

du 9 au 20 janv<br />

Le recours aux forêts<br />

les 20 et 21 janv<br />

04 90 78 64 64<br />

www.theatredecavaillon.com<br />

La Table du fond © Christophe Raynaud de Lage<br />

Koltès ou Molière ?<br />

Les Salins accueill<strong>en</strong>t les 7 et 8 janv Le<br />

Retour au désert, pièce de Koltès mise<br />

<strong>en</strong> scène par Catherine Marnas, qui<br />

fait preuve une fois de plus de sa<br />

remarquable direction d’acteurs, et de<br />

sa compréh<strong>en</strong>sion profonde d’un auteur<br />

sur lequel elle travaille depuis 15<br />

ans. Créée au Brésil <strong>en</strong> portugais puis<br />

à Gap et au Théâtre de la Ville <strong>en</strong><br />

français, cette mise <strong>en</strong> scène pousse<br />

à son paroxysme le dédoublem<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />

à l’œuvre chez Catherine Marnas:<br />

chaque personnage est représ<strong>en</strong>té par<br />

deux corps et <strong>en</strong> deux langues, ce qui<br />

donne une impression perman<strong>en</strong>te de<br />

flouté, de strabisme, et r<strong>en</strong>voie comme<br />

Retour au desert © Pierre Grosbois<br />

<strong>en</strong> écho à l’étrange matière de la pièce, réaliste comme du boulevard puis décrochant<br />

vers la lune, extrêmem<strong>en</strong>t bavarde sans que ri<strong>en</strong> ne soit dit, et toujours<br />

<strong>en</strong>tre deux mondes colonisés et bourgeois… Le décor est lui aussi mouvant et<br />

comme ému, support des mots qui s’inscriv<strong>en</strong>t sur lui comme des sous-titres qui<br />

se pr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t pour des tags, ou des graffitis. Et étrangem<strong>en</strong>t toutes ces superpositions<br />

de signifiants r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t le texte limpide…<br />

La Scène nationale accueille égalem<strong>en</strong>t le Médecin malgré lui (du 20 au 22 janv)<br />

mis <strong>en</strong> scène par Jean-Claude Berutti. Un changem<strong>en</strong>t de distribution : Bruno<br />

Putzulu n’y jouera pas Sganarelle, mais la mise <strong>en</strong> scène du directeur de la<br />

comédie de Saint Eti<strong>en</strong>ne ne reposait pas que sur son seul tal<strong>en</strong>t…<br />

A.F.<br />

Théâtre des Salins, Martigues<br />

04 42 49 02 00<br />

www.theatre-des-salins.fr<br />

Mémorable<br />

Issu d’un travail de recherche de deux<br />

ans sur les ouvrières des manufactures<br />

de tabac de la Belle de Mai, Carm<strong>en</strong>seitas,<br />

d’Edmonde Franchi, donne à voir<br />

et à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la vie quotidi<strong>en</strong>ne de ces<br />

femmes au gré d’une fresque qui<br />

traverse les époques ; c’est aussi un<br />

formidable témoignage sur la mémoire<br />

ouvrière féminine, une <strong>en</strong>quête qui <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />

bi<strong>en</strong> réhabiliter cette histoire oubliée.<br />

Le jeu des quatre comédi<strong>en</strong>nes (Edmonde<br />

Franchi, Hélène Force, Catherine<br />

Lecoq et Tania Sourseva) dirigées par<br />

Agnès Régolo est ponctué par le chœur<br />

de l’Académie de Chant Populaire dirigé<br />

Ori<strong>en</strong>tal<br />

Seul <strong>en</strong> scène, Kader Taibaoui interprète une quinzaine de personnages issus de<br />

quatre contes, parmi les moins connus, des Mille et une nuits. Co-écrit et mis <strong>en</strong><br />

scène par Anne Roumanoff, le spectacle convie le petit Yos<strong>en</strong>i, le brave Ali Cogia,<br />

Shéhérazade, mais aussi le juif, le chréti<strong>en</strong> et le musulman, sans un décor somptueux,<br />

sur des musiques d’Abdeli Abderam<strong>en</strong> et Sœur Marie Kheirouz.<br />

Les contes des Mille et une nuit<br />

le 20 janv à 15h<br />

Salle Emili<strong>en</strong> V<strong>en</strong>tre à Rousset<br />

04 42 29 82 53<br />

www.rousset-fr.com<br />

par Alain Aubin qui complète le spectacle<br />

avec des airs populaires et révolutionnaires.<br />

Carm<strong>en</strong>seitas<br />

le 17 janv à 17h<br />

Salle Emili<strong>en</strong> V<strong>en</strong>tre, Rousset<br />

04 42 29 82 53<br />

www.rousset-fr.com<br />

le 23 janv à 20h30<br />

OMC Simiane<br />

04 42 22 62 34<br />

www.simiane-collongue.fr<br />

le 29 janv à 20h45<br />

Théâtre Armand (Salon)<br />

04 90 56 00 82<br />

www.salondeprov<strong>en</strong>ce.fr


Iconoclaste<br />

Prêts à plonger dans l’univers de l’Oulipo ? C’est <strong>en</strong><br />

compagnie de comédi<strong>en</strong>s-chanteurs-jongleurs de<br />

mots que s’effectuera le voyage : Nicolas Dangoisse,<br />

Pierre Ollier et Olivier Salon (lui-même oulipi<strong>en</strong>) jou<strong>en</strong>t,<br />

jongl<strong>en</strong>t, swingu<strong>en</strong>t, bégay<strong>en</strong>t des textes connus<br />

(clins d’œil à Qu<strong>en</strong>eau et Perec) ou un peu moins,<br />

piochés chez Roubaud, Bénabou, Monk ou Fournel<br />

par le metteur <strong>en</strong> scène Michel Abecassis, voire spécifiquem<strong>en</strong>t<br />

commandés pour l’occasion. Des pièces<br />

détachées à savourer…<br />

Pièces détachées / Oulipo<br />

le 19 janv à 20h30<br />

Théâtre La Colonne (Miramas)<br />

04 90 58 37 86<br />

www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />

Pièces détachées © A. Chaudron<br />

Savoureux<br />

Reçu l’année dernière avec le chef-d’œuvre de Brecht,<br />

Maître Puntila et son valet Matti, le Teatro Malandro<br />

revi<strong>en</strong>t cette année à l’Olivier avec Les Fourberies de<br />

Scapin de Molière, à nouveau mis <strong>en</strong> scène par Omar<br />

Porras. Le génial metteur <strong>en</strong> scène Colombi<strong>en</strong> s’empare<br />

de tous les ressorts de la comédie pour <strong>en</strong> faire<br />

une farce version dessin animé, t<strong>en</strong>dance cartoon<br />

déjanté. Décor, masques et costumes rivalis<strong>en</strong>t d’ingéniosité<br />

et de fantaisie pour révéler toute la perfidie<br />

du valet…<br />

Les Fourberies de Scapin<br />

les 15 et 16 janv à 20h30<br />

Théâtre de l’Olivier (Istres)<br />

04 42 56 48 48<br />

www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />

Les Fourberies de Scapin © Marc Vanappelghem<br />

Temporalités<br />

Le théâtre du Kronope s’empare de La Tempête de<br />

Shakespeare, et magnifie son caractère baroque <strong>en</strong><br />

pr<strong>en</strong>ant le parti pris d’un jeu masqué, du travail corporel<br />

des acteurs oscillant <strong>en</strong>tre cirque et danse, dans<br />

un décor «fait de courbes fluides et intemporelles.»<br />

L’Atelier de Jean-Claude Grumberg, mis <strong>en</strong> scène par<br />

Gilbert Barba, est l’évocation d’un atelier de confection<br />

<strong>en</strong>tre 1945 et 1952, <strong>en</strong>tre récit historique et<br />

autobiographique. Dans une France qui se relève de<br />

la guerre, on s’attache aux ouvrières et leur patron,<br />

portrait s<strong>en</strong>sible d’une génération marquée par l’espérance,<br />

l’insouciance, et la Shoah.<br />

La Tempête<br />

le 12 janv à 19h<br />

L’Atelier<br />

le 22 janv à 20h45<br />

Théâtre Armand (Salon)<br />

04 90 56 00 82<br />

www.salondeprov<strong>en</strong>ce.com<br />

Vivant<br />

Écrit, mis <strong>en</strong> scène et interprété par Jean-Vinc<strong>en</strong>t Brisa,<br />

Molière, une passion pr<strong>en</strong>d le parti de retracer l’œuvre<br />

du dramaturge «à travers sa passion, ses convictions,<br />

son <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, son militantisme.» Sur scène Molière<br />

et l’acteur dialogu<strong>en</strong>t, Brisa se faisant le passeur de<br />

cette parole vivifiante.<br />

Molière, une passion<br />

les 14 et 15 janv à 20h30<br />

Théâtre des Halles (Avignon)<br />

04 90 85 52 57<br />

www.theatredeshalles.com<br />

Fabulateur<br />

Christian Mazzuchini incarne les personnages imaginés<br />

par Serge Valletti avec une troublante facilité ; Mythomane<br />

dresse une galerie de personnages parfois mythomanes,<br />

souv<strong>en</strong>t fabulateurs, loufoques, toujours réjouissants,<br />

à l’image d’une société bigarrée dans laquelle on aimerait<br />

se reconnaître plus souv<strong>en</strong>t.<br />

Puis l’Atelier de Mécanique Générale Contemporaine<br />

offre une t<strong>en</strong>tative d’éclaircissem<strong>en</strong>t du monde <strong>en</strong><br />

fabriquant, <strong>en</strong> direct, des spectacles possibles <strong>en</strong> se<br />

basant sur quelques-uns des travers qui caractéris<strong>en</strong>t<br />

les humains que nous sommes : solitude, bêtise,<br />

stupidité…<br />

Mythomane<br />

le 16 janv à 21h<br />

Qu’est-ce que tu fabriques ?<br />

le 21 janv à 21h<br />

Théâtre Comœdia (Aubagne)<br />

04 42 18 19 88<br />

www.aubagne.com<br />

AU PROGRAMME THÉÂTRE 15<br />

Introspectif<br />

La femme criminelle (Ludmila Mikaël), le mari (Ariel<br />

Garcia-Valdès), l’interrogateur (André Wilms), la<br />

victime. Dans L’Amante anglaise Marguerite Duras<br />

s’inspire d’un fait divers réel pour sonder les raisons<br />

d’un meurtre. Des morceaux épars d’un même corps<br />

sont retrouvés dans plusieurs train, la tête jamais.<br />

Claire Lannes a tué sa cousine, avoue son crime,<br />

mais n’explique pas son geste. S’<strong>en</strong>suit l’interrogatoire,<br />

qui libère les tempêtes intérieures mais n’éclaircit pas<br />

forcém<strong>en</strong>t le mystère de cet acte. Mis <strong>en</strong> scène par<br />

Marie-Louise Bischofberger, les trois comédi<strong>en</strong>s<br />

livr<strong>en</strong>t une partition lumineuse.<br />

L’Amante anglaise<br />

le 12 janv à 20h30<br />

Théâtre La Passerelle (Gap)<br />

04 92 52 52 52<br />

www.ville-gap.fr<br />

le 31 janv à 15h<br />

Théâtre de Nîmes<br />

04 66 36 65 10<br />

www.theatred<strong>en</strong>imes.com L'Amante anglaise © Pascal Gély<br />

En fuite<br />

Écrit et mis <strong>en</strong> scène par Frédéric Sonntag, Nous étions<br />

jeunes alors est une fable initiatique, un récit d’anticipation<br />

au cours duquel trois jeunes g<strong>en</strong>s vont être<br />

confrontés à eux-mêmes, à leur passé, à leurs peurs…<br />

et qui, fuyant une réalité effroyable, vont trouver refuge<br />

dans une maison au cœur de la forêt. Les dialogues<br />

se mêl<strong>en</strong>t à la musique, jouée sur scène par trois<br />

musici<strong>en</strong>s, et la vidéo, pour faire exister l’espace<br />

m<strong>en</strong>tal dans lequel les personnages pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t peu à<br />

peu consci<strong>en</strong>ce d’un retour possible.<br />

Nous étions jeunes alors<br />

le 19 janv à 20h30<br />

et le 20 janv à 19h<br />

Théâtre Antoine Vitez, Aix<br />

04 42 59 94 37<br />

http://theatre-vitez.com<br />

Altruisme<br />

Le théâtre d’Arles débute l’année par un week-<strong>en</strong>d de performances, avec une question alléchante : «le<br />

multiculturalisme peut-il aller au-delà du culinaire ?» Pour l’illustrer, Hooman Sharifi prés<strong>en</strong>te We failed to hold<br />

this reality in mind, solo dansé dans lequel il se raconte à travers des anecdotes liées à sa double appart<strong>en</strong>ance<br />

irani<strong>en</strong>ne et norvégi<strong>en</strong>ne, loin des clichés ethniques (le 15 janv au Théâtre d’Arles). Avec Made in Paradise, Yan<br />

Duyv<strong>en</strong>dak, performeur suisse, et Omar Ghayatt, metteur <strong>en</strong> scène égypti<strong>en</strong> se p<strong>en</strong>ch<strong>en</strong>t sur les rapports<br />

qu’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aujourd’hui l’occid<strong>en</strong>t et le monde musulman, et cré<strong>en</strong>t un lieu qui permet de sortir du<br />

discours dominant basé sur la peur et le rejet (les 15 et 16 janv à l’auditorium de Fourques).<br />

Théâtre d’Arles<br />

04 90 52 51 51<br />

www.theatre-arles.com


16 DANSE LA MINOTERIE | MOD | LES BERNARDINES<br />

Mi-figue Michard<br />

Cinq garçons s’amus<strong>en</strong>t à faire des passages surréalistes<br />

devant un public qu’ils ignor<strong>en</strong>t, jouant comme<br />

Buster Keaton à ne pas s’étonner d’un fil qui se déroule<br />

infinim<strong>en</strong>t, d’objets qui se dérob<strong>en</strong>t, de chaises qui<br />

se pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pour des fauves… L’univers burlesque<br />

qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place ne semble pourtant pas les<br />

dépasser : ce ne sont pas les objets qui se dérègl<strong>en</strong>t<br />

mais eux-mêmes, qui peupl<strong>en</strong>t absurdem<strong>en</strong>t l’espace<br />

d’objets mal ag<strong>en</strong>cés, qui se juch<strong>en</strong>t au haut d’équilibres<br />

instables ou qui croi<strong>en</strong>t qu’une planchette de<br />

bois va suffire à les catapulter dans les cintres… Un<br />

burlesque drôle souv<strong>en</strong>t, surpr<strong>en</strong>ant, pour un spectacle<br />

qui gagnerait à être fondé sur un cresc<strong>en</strong>do plutôt<br />

que sur ce rythme tranquille…. qui fait aussi son<br />

charme, mais raréfie le rire au cours du temps.<br />

Le solo de dix minutes qui suit est exécuté par Alain<br />

Michard seul et quelques processionnaires qui troubl<strong>en</strong>t<br />

sa performance <strong>en</strong> déposant des objets sonores<br />

automatisés hautem<strong>en</strong>t artisanaux qui peu à peu <strong>en</strong>vahiss<strong>en</strong>t<br />

le champ de la scène et l’espace sonore. Le<br />

procédé pourrait être drôle mais le texte dit est viol<strong>en</strong>t<br />

-quelque chose sur l’arrivée de corps Albanais au cœur<br />

d’une procession itali<strong>en</strong>ne. Michard, danseur, y balbutie<br />

sa colère. Cela manque de lisibilité, mais pas de force.<br />

AGNES FRESCHEL<br />

Couac et Parkinson ont été programmés les 27 et 28<br />

nov par Marseille Objectif Danse à la friche<br />

© Anne Rehbinder<br />

Inv<strong>en</strong>taire avant destruction<br />

Performance : art éphémère qui laisse peu de traces là même où il s’accomplit<br />

Please... kill me est bi<strong>en</strong> un titre qui livre brutalem<strong>en</strong>t<br />

la marchandise et la dérobe dans l’instant. Dès le<br />

début, que reste-t-il ? Des cintres saturés de projecteurs<br />

bi<strong>en</strong> alignés sur leur portée comme des hirondelles<br />

<strong>en</strong> automne ; des portants où flott<strong>en</strong>t quelques cintres<br />

et les habits de couleur de madame ; des pupitres <strong>en</strong><br />

tas au fond de la scène, couchés pour déchanter<br />

peut-être ; et <strong>en</strong>core une table de mixage à fricasser<br />

les sons de monsieur (tire un peu la gueule, pourtant<br />

la musique est bonne). Mais que font-ils donc tant sur<br />

ce plateau ?<br />

Isabelle-elle-Cavoit lève les bras, agite les doigts, s’<strong>en</strong>-<br />

roule sur elle-même, court<br />

précisém<strong>en</strong>t là où ça fait<br />

mal, se pavane, capte l’att<strong>en</strong>tion<br />

et diffuse l’énergie<br />

subtile du féminin musclé;<br />

t<strong>en</strong>te-t-elle de lui faire partager<br />

son bonheur à<br />

brasser l’air (nager ?<br />

voler?) ? C’est le bide !<br />

Thomas-lui-Fourneau bricole,<br />

bat son tambour,<br />

dégage l’espace, arp<strong>en</strong>te<br />

et s’indiffère ost<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t,<br />

le pas de deux c’est<br />

pas son fort à cet homme...<br />

pourtant il esquisse,<br />

il esquisse. L’évid<strong>en</strong>ce est<br />

© Agnès Mellon<br />

là : l’une danse et Johnny<br />

lui fait mal ! Les deux s’embrouill<strong>en</strong>t et se débrouill<strong>en</strong>t<br />

assez bi<strong>en</strong>, parfois trop l<strong>en</strong>ts à créer l’image, trop<br />

lourds à la détruire (ces ballons qui voltig<strong>en</strong>t de la<br />

salle à la scène, cette légèreté <strong>en</strong>vahissante, qu’<strong>en</strong><br />

faire au bout d’un mom<strong>en</strong>t ?) et incapables d’<strong>en</strong> finir:<br />

avancer et reculer, sûr, c’est toujours du travail et c’est<br />

pas tuant, belle image du couple éternel. Une performance<br />

donc, plaisante et <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir s’il vous plaît!<br />

MARIE-JO DHO<br />

Please... Kill me a été créé dans le cadre<br />

de Dansem aux Bernardines du 3 au 5 déc<br />

Inégal tribut<br />

Le Rêve de la soie est une compagnie d’ici, qu’il fait<br />

bon retrouver <strong>en</strong> création. Parce que Patrick<br />

Servius qui préside à ses destinées est un créateur<br />

subtil, qui aime travailler <strong>en</strong> empathie avec ses<br />

interprètes, et avec son public. On le s<strong>en</strong>t dans la<br />

salle : ceux qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t là sont des spectateurs de<br />

longue date… D’ailleurs la soirée est placée sous le<br />

signe de l’intimité : le récit émouvant de sa mère, sa<br />

traversée de la mer pour quitter la misère et rejoindre<br />

Dakar, est lu <strong>en</strong> bas dans la bibliothèque par la voix<br />

amie de Carole Vanni qui dialogue avec le flam<strong>en</strong>co<br />

d’Ana Perez, une très belle et jeune danseuse qui<br />

maîtrise avec s<strong>en</strong>sualité et juste l’orgueil qu’il faut la<br />

solea. Puis on monte dans la salle et là quatre<br />

danseuses nous att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t. Habillées de robes<br />

souples, toutes jou<strong>en</strong>t de leurs id<strong>en</strong>tités métissées,<br />

kabyle, itali<strong>en</strong>ne, martiniquaise… et s’essai<strong>en</strong>t à des<br />

partages de mouvem<strong>en</strong>t, de mots, d’espace. Mais les<br />

personnalités attachantes (Louisa Amouche,<br />

Patricia Guannel, Fleur Duverney-Prêt, Marie<br />

Salemi) n’empêch<strong>en</strong>t pas qu’assez rapidem<strong>en</strong>t tout<br />

cela tourne <strong>en</strong> rond : le vocabulaire chorégraphique<br />

est pauvre, les moy<strong>en</strong>s techniques des<br />

danseuses/comédi<strong>en</strong>nes sont inégaux et limités, les<br />

bribes de confession très banales, la musique d’une<br />

indig<strong>en</strong>ce affligeante. Le mouvem<strong>en</strong>t occupe le<br />

temps <strong>en</strong> tableaux qui se ressembl<strong>en</strong>t, sans <strong>en</strong>nui,<br />

mais sans r<strong>en</strong>contre véritable des corps, ni acmé, ni<br />

trajet, ni propos. Sans doute par manque général<br />

d’écriture. Dommage !<br />

AGNES FRESCHEL<br />

Tribut a été créé à la Minoterie du 4 au 6 déc<br />

© X-D.R.


Battem<strong>en</strong>t<br />

d’Elles<br />

D’emblée on les croit sur paroles. G<strong>en</strong>eviève Sorin et Lulla<br />

Chourlin, sur le tapis blanc ceint de murs noirs du 3bisf, dans<strong>en</strong>t<br />

à voix hautes les trépidations intimes de la vie. Elles <strong>en</strong><br />

dis<strong>en</strong>t long et elles ne sont pas seules, accompagnées <strong>en</strong> off<br />

par Françoise Dupuy, Elsa Wolliaston, Simone Forti et Susan<br />

Buirge, leurs «mères inv<strong>en</strong>trices et nourricières». Ce chœur de<br />

femmes chante <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>ts polyphoniques leurs expéri<strong>en</strong>ces,<br />

la féminité, la chair, l’incertitude, la gourmandise, le<br />

temps qui dessine des ridules souriantes au coin des yeux.<br />

L’une inspire profondém<strong>en</strong>t, l’autre expire lourdem<strong>en</strong>t. L’une<br />

Éclats<br />

Deux femmes proposai<strong>en</strong>t des solos au théâtre de L<strong>en</strong>che,<br />

dans le cadre de Dansem. Balkis Moultashar, une très belle danseuse<br />

marseillaise aux yeux graciles et au cou de biche,<br />

proposait un travail fragile sur la maternité. Qui s’effilochait<br />

pourtant, sans ri<strong>en</strong> laisser d’autre qu’un goût de trop peu, d’inachevé,<br />

de minimalisme qui s’<strong>en</strong>combrait pourtant d’objets<br />

inutiles, et ne savait pas trouver son épure. Juste après une<br />

très courte pièce de Chiara Frigo, danseuse assise, robuste,<br />

roucoule, l’autre aussi. Elles s’évit<strong>en</strong>t<br />

nonchalamm<strong>en</strong>t, des étincelles<br />

d’humour dans le regard, elles<br />

s’interpell<strong>en</strong>t, s’ignor<strong>en</strong>t, se cogn<strong>en</strong>t,<br />

s’effrai<strong>en</strong>t mutuellem<strong>en</strong>t, se<br />

Sur paroles © X-D.R<br />

combatt<strong>en</strong>t <strong>en</strong> riant. C’est une ronde<br />

<strong>en</strong>fantine. L’une savoure ses jeux de<br />

mots, l’autre n’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d pas. Lulla Chourlin<br />

s’effondre et roule au sol à peine<br />

G<strong>en</strong>eviève Sorin esquisse un geste,<br />

ébauche une rotation. Lulla tout <strong>en</strong><br />

force, les pieds au sol ; G<strong>en</strong>eviève<br />

hésitante, le corps susp<strong>en</strong>du. L’une<br />

court éperdue, l’autre s’immobilise.<br />

L’une minaude, l’autre rêve. Et quand<br />

elles se rejoign<strong>en</strong>t, leurs corps s’étreign<strong>en</strong>t<br />

violemm<strong>en</strong>t, avec effusion.<br />

Difficile de t<strong>en</strong>ir parole et de s’ignorer<br />

plus longtemps ! De longues diagonales<br />

frénétiques <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>ts circulaires,<br />

d’immobilisation au mur <strong>en</strong> soliloques<br />

chuchotés ou vociférés, G<strong>en</strong>eviève Sorin et Lulla Choullin<br />

ont la danse <strong>en</strong> partage, la maturité et la capacité d’<strong>en</strong> sourire.<br />

Sur parolesest une «pièce fantaisiste» où tout est dit : la danse,<br />

c’est la vie. Leur vie.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Sur paroles a été créé<br />

le 26 novembre<br />

au 3bisf à Aix dans le cadre<br />

de Dansem<br />

Le corps, d’ici et d’ailleurs<br />

Terre des ancêtres, terre nourricière,<br />

terre où l’on se meurt. Pieds nus sur ce<br />

sol mali<strong>en</strong>, l’homme ne fait qu’un avec le<br />

ciel. Cette s<strong>en</strong>sation unique d’appart<strong>en</strong>ance<br />

au monde, la chorégraphe Barbara<br />

Sarreau l’a ress<strong>en</strong>tie comme un choc<br />

tellurique. D’où cette exploration chorégraphique<br />

avec des danseurs du<br />

Conservatoire des arts et métiers et<br />

multimédia de Bamako : Tchakèla, <strong>en</strong><br />

Bambara «creuser la terre». Initié <strong>en</strong><br />

2009, ce projet connaîtra jusqu’<strong>en</strong><br />

2011 plusieurs étapes, au Mali comme<br />

<strong>en</strong> France, plusieurs résid<strong>en</strong>ces où<br />

Barbara Sarreau s’emploiera «à confronter<br />

la spécificité de sa langue à celle de<br />

l’autre», à dessiner l’espace des corps.<br />

Les mots aussi peuv<strong>en</strong>t mourir, premier<br />

aperçu de cette longue marche, a été<br />

prés<strong>en</strong>té selon un dispositif scénique<br />

qui décuplait les points de vue : vidéoprojecteur<br />

pour miroir astigmate, caméra<br />

fixe pour capter le hors-cadre, musique<br />

live. Comme une boucle, sortis des <strong>en</strong>trailles<br />

de la terre, les chuchotem<strong>en</strong>ts et<br />

les rires des danseurs mali<strong>en</strong>s introduis<strong>en</strong>t<br />

et ferm<strong>en</strong>t cette partition intime.<br />

Aux gestes imperceptibles des corps<br />

rampants scotchés au sol, succède une<br />

joute s<strong>en</strong>suelle baignée d’ombre avant<br />

qu’ils ne se lanc<strong>en</strong>t dans une course<br />

folle, se heurt<strong>en</strong>t aux parois, puis s’éva-<br />

minérale, qui dessinait sans se lever de sa chaise des arabesques<br />

énergiques de ses mains, de ses bras, de son buste ployé<br />

et pivotant. La danse d’un corps tronqué, <strong>en</strong> rupture. Fascinante.<br />

A.F.<br />

6 yeux 1 visage 2 pieds et Takeya<br />

ont été prés<strong>en</strong>tés dans le cadre<br />

de Dansem les 24 et 25 nov<br />

nouiss<strong>en</strong>t à nouveau. Faces contre terre.<br />

Éloge de la l<strong>en</strong>teur, Les mots aussi<br />

peuv<strong>en</strong>t mourir emprunte au Mali son<br />

temps élastique, ses mouvem<strong>en</strong>ts dist<strong>en</strong>dus<br />

et la sculpturalité des corps. Il<br />

faut du temps pour compr<strong>en</strong>dre l’Afrique<br />

et Barbara Sarreau le sait bi<strong>en</strong>, qui<br />

évite les pièges de «l’africanisation» de<br />

la danse pour s’approcher au plus près<br />

de celle des danseurs.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

© Lionel Briot<br />

Tchakèla, un projet Bamako-<br />

Marseille a été prés<strong>en</strong>té<br />

par Marseille objectif DansE<br />

du 8 au 12 décembre<br />

à la Friche dans le cadre<br />

de Dansem<br />

DANSEM<br />

DANSE 17<br />

La Turquie<br />

est l’Europe<br />

Dokuman © Alex Davies<br />

Un parterre fourni d’amateurs éclairés<br />

et de professionnels était réuni à la Friche<br />

pour voir LA compagnie turque de<br />

référ<strong>en</strong>ce : Taldans Company. Avec les<br />

présupposés communs à ceux qui att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />

beaucoup de la création extra<br />

europé<strong>en</strong>ne… Le public resta perplexe,<br />

pour partie convaincu, pour partie dans<br />

l’att<strong>en</strong>te de quelque chose qui ne v<strong>en</strong>ait<br />

pas, face aux six danseurs standardisés,<br />

habillés d’un jean délavé et d’un<br />

T-shirt et chaussés de baskets. Pas de<br />

quoi faire tourner les derviches !<br />

Sauf qu’il fallait chercher ailleurs la singularité<br />

de Dokuman de Mustafa<br />

Kaplan et Filiz Sizanli, dans la prégnance<br />

de la technologie et de<br />

l’industrialisation sur la structure de la<br />

pièce, elle-même influ<strong>en</strong>cée par la<br />

formation d’architecte et les études<br />

d’électronique et de télécommunication<br />

des deux concepteurs. Sauf <strong>en</strong>core<br />

que des dérapages successifs parasitai<strong>en</strong>t<br />

ce ballet bi<strong>en</strong> huilé <strong>en</strong>tre les<br />

corps et les machines, invisibles mais<br />

omniprés<strong>en</strong>tes: perturbations inopinées<br />

des mouvem<strong>en</strong>ts métronomiques et<br />

des rythmes p<strong>en</strong>dulaires des danseurs,<br />

solos subitem<strong>en</strong>t désordonnés, onomatopées<br />

et chuchotem<strong>en</strong>ts affolés <strong>en</strong><br />

cris intempestifs, improvisation d’un<br />

solo de guitare électrisé ! Dans ce<br />

paysage modulaire habité par «des<br />

esprits aliénés et des pantins électroniques»,<br />

quand les cloisons grisâtres<br />

s’abatt<strong>en</strong>t l’une après l’autre comme<br />

un jeu de cartes, laissant voir leurs faces<br />

cachées rose fluo, on se dit que<br />

Dokuman est un spectacle disjoncté,<br />

au propre comme au figuré.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Dokuman a été prés<strong>en</strong>té par<br />

Marseille objectif DansE le 5 déc<br />

à la Friche dans le cadre de Dansem


18 DANSE ISTRES | PAVILLON NOIR | GYMNASE | BNM | TOULON<br />

Istres ainsi danse<br />

Salle archi comble au Théâtre de l’Olivier<br />

à Istres <strong>en</strong> ce dimanche 6 décembre.<br />

Guichet fermé pour cette Incid<strong>en</strong>ce<br />

Chorégraphique, expression libre «hors<br />

des murs» des danseurs du Ballet de<br />

l’Opéra de Paris. Objectif évid<strong>en</strong>t, être<br />

les ambassadeurs de la culture chorégraphique.<br />

Et sur tous les plans de scène,<br />

mission accomplie ! L’<strong>en</strong>thousiasme<br />

du public de tous âges, de tous horizons<br />

et toutes motivations <strong>en</strong> est le<br />

témoin impartial. De la grand maman<br />

(ma voisine) v<strong>en</strong>ue admirer les exploits<br />

sur scène de son petit fils, aux petits<br />

rats des écoles de danse de la région, <strong>en</strong> passant par<br />

les amateurs éclairés ou non, tous y ont agrafé leur<br />

cœur. Il faut dire que le nuancier prés<strong>en</strong>té au public<br />

permettait à chacun d’y retrouver ses couleurs. Choix<br />

éclectique et varié allant du néoclassique à un solo<br />

Feuille à feuille<br />

et belles d<strong>en</strong>telles<br />

Talons hauts, strass, filet, vinyle, … <strong>en</strong>tre<br />

sexy et sado, les danseurs et danseuses<br />

dirigés par Philippe Decouflé s’essai<strong>en</strong>t<br />

avec s<strong>en</strong>sualité, humour et<br />

<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, à la pratique de l’effeuillage.<br />

Dans une ambiance joviale de<br />

cabaret, les scènes de striptease intégral<br />

s’intercal<strong>en</strong>t à des scènes de<br />

music-hall, de danse, de cirque et même<br />

d’interpellation du public. Amusés, les<br />

spectateurs particip<strong>en</strong>t volontiers aux<br />

sollicitations de Micheline, la dame «à<br />

tout faire» du spectacle et à son acolyte,<br />

véritable chauffeur de salle ! Certaines<br />

figures de danses sont particulièrem<strong>en</strong>t<br />

esthétiques, comme celle «des<br />

mains», et provoqu<strong>en</strong>t un ravissem<strong>en</strong>t<br />

salutaire. Car, bi<strong>en</strong> que sur le ton de la<br />

légèreté, le spectacle est éprouvant tant<br />

il questionne. Philippe Decouflé exhibe<br />

la nudité dans des corps <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t<br />

ni vulgaires ni pornographiques ; mais<br />

Auréli<strong>en</strong> Houette & Alice R<strong>en</strong>avand © Patrick Herrera<br />

contemporain assez minimaliste sur une sonate pour<br />

clavecin de Scarlatti, via une fantaisie <strong>en</strong>tre flam<strong>en</strong>co,<br />

danse classique et moderne. Un camaïeu gestuel<br />

servi par une technique absolum<strong>en</strong>t parfaite des<br />

danseuses et danseurs. Dans son pas de deux<br />

cette exhibition place le spectateur dans<br />

une position de voyeur malgré lui, et<br />

chaque fois il doit se redéfinir par rapport<br />

à l’intimité de l’autre, et donc à ce<br />

qui lui est généralem<strong>en</strong>t interdit. Ménageant<br />

des échappatoires le chorégraphe<br />

crée des diversions, superpose plusieurs<br />

scènes, permettant ainsi au regard des<br />

spectateurs de fuir et lui laissant alors<br />

un libre choix. Celui notamm<strong>en</strong>t d’admirer<br />

un corps pour ce qu’ il est, pour ses<br />

formes, sa force d’expression ? Car le<br />

mystère est là, non pas dans ce qui est<br />

donné <strong>en</strong> pâture à la voracité de notre<br />

œil mais plutôt dans ce qu’il transmet,<br />

laissant le désir faire son œuvre. Vivre<br />

nu, pourquoi pas ? Paradoxalem<strong>en</strong>t ici ce<br />

sont les costumes, repères scéniques et<br />

dramaturgiques qui, par leurs prés<strong>en</strong>ces<br />

colorées, donn<strong>en</strong>t du s<strong>en</strong>s et un certain<br />

peps au spectacle.<br />

CLARISSE GUICHARD<br />

© Agathe Poup<strong>en</strong>ey<br />

Cœurs croisés<br />

Théâtre du Gymnase<br />

Jusqu’au 19 déc<br />

0 820 000 422<br />

www.lestheatres.net<br />

Kubilai Khan<br />

Konstellations<br />

Déjà à l’Ars<strong>en</strong>al de Metz et à la Comédie<br />

de Clermont-Ferrand, Kubilai Khan<br />

investigations avait essaimé ses<br />

Constellations 1, 2, 3. À Toulon, point<br />

d’ancrage du collectif depuis 1996,<br />

c’était une première ! Sans cesse sur les<br />

routes caravanières, il leur a fallu relever<br />

le défi de déployer à leur façon un<br />

chapelet d’installations, performances,<br />

vidéo, danse, concerts, déambulations,<br />

le tout accessible gratuitem<strong>en</strong>t grâce<br />

au Conseil Général du Var, commanditaire<br />

de la manifestation. Éclectiques<br />

et trépidantes, ces Constellations 4<br />

étai<strong>en</strong>t à l’image de la compagnie : un<br />

«comptoir d’échange artistique» ouvert<br />

à la scène émerg<strong>en</strong>te afro-caribé<strong>en</strong>ne,<br />

à la musique de l’archipel japonais et à<br />

la nouvelle vague des jeunes chorégraphes<br />

europé<strong>en</strong>s. Beaucoup de<br />

découvertes, de croisem<strong>en</strong>ts audacieux,<br />

des esquisses sonores et des ondes de<br />

choc, des rebonds chorégraphiques…<br />

Et les retrouvailles avec KKI dont on<br />

suit les pérégrinations de loin <strong>en</strong> loin, à<br />

Châteauvallon parfois, faute d’une vraie<br />

salle de danse à Toulon. Dans des conditions<br />

techniques déplorables côté<br />

danseurs (plateau exigu) et côté spectateurs<br />

(insonorisation inexistante), Dimitri<br />

Jourde a offert le solo Xebeche, performance<br />

physique qui met son corps <strong>en</strong><br />

danger, noueux, tortueux. Replié sur luimême<br />

dans une élasticité féline,<br />

<strong>en</strong>chaîne bonds et roulem<strong>en</strong>ts dans un<br />

Delibes suite, le danseur étoile José<br />

Martinez, ici seulem<strong>en</strong>t chorégraphe,<br />

montrait tout ce que la danse classique<br />

compte de difficultés techniques. Et<br />

l’infini tal<strong>en</strong>t des danseurs effaçait la<br />

performance pure par la s<strong>en</strong>sibilité<br />

expressive.<br />

Merci donc à l’Olivier de servir, <strong>en</strong> programmant<br />

un spectacle de ce niveau<br />

dans d’excell<strong>en</strong>tes conditions d’accueil,<br />

la cause de la diffusion de la culture<br />

chorégraphique <strong>en</strong> région…<br />

YVES BERCHADSKY<br />

© Laur<strong>en</strong>t Garbit<br />

décor de champ de ruines de papier.<br />

Dans Espaço contratempo, Frank<br />

Micheletti et Idio Chichava vont et<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t autour du guitariste Rémi<br />

Aurine-Belloc avec une fluidité exceptionnelle<br />

: leurs mouvem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> léger<br />

différé multipli<strong>en</strong>t les points de contact,<br />

<strong>en</strong>tre eux et avec l’instrum<strong>en</strong>t, jouant<br />

d’un équilibre t<strong>en</strong>du. Tard le soir, quand<br />

les trois lascars du groupe clermontois<br />

Kafka <strong>en</strong>tam<strong>en</strong>t les premières notes<br />

de Geografia, version concert du spectacle<br />

de KKI, la nuit s’annonce planante<br />

et vaporeuse…<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Constellations a irrigué 11 lieux<br />

toulonnais du 10 au 12 déc<br />

www.kubilai-khan-investigations.com


Vive les reprises !<br />

Pour sa 13e ouverture le BNM a programmé deux pièces de son répertoire, et une<br />

création de la Classe d’Insertion Professionnelle. Si on se réjouit du niveau<br />

classique d’<strong>en</strong>semble de ces jeunes filles, et du tal<strong>en</strong>t du pianiste dans cette<br />

œuvre de John Cage, la pièce, mal écrite, ne brilla ni par son inv<strong>en</strong>tivité, ni par sa<br />

capacité à mettre <strong>en</strong> relief les interprètes. Longue et répétitive, sans sel, elle<br />

ouvrait mal cette soirée, et contrastait<br />

fort heureusem<strong>en</strong>t avec le Sextet qui<br />

suivait : la pièce de Thierry Malandain,<br />

dont les danseurs du Ballet possèd<strong>en</strong>t<br />

désormais toute la subtilité, a fait la<br />

preuve de la grande forme des ces<br />

solistes qu’on a vu beaucoup plus<br />

éteints : tout était <strong>en</strong> place, vif, haut,<br />

<strong>en</strong>semble, joyeux, mutin, les dynamiques<br />

se croisai<strong>en</strong>t, les corps, et le<br />

public, jubilai<strong>en</strong>t. TéToTé qui suivit<br />

confirma, <strong>en</strong> particulier dans les passages<br />

à trois et les portés viol<strong>en</strong>ts, le<br />

niveau d’un Ballet qu’on pr<strong>en</strong>d toujours<br />

plaisir à voir.<br />

A.F.<br />

Sextet © Agnès Mellon<br />

Maladresses<br />

Que la pièce de la Chinoise déçoive, on le compr<strong>en</strong>d. Son minimalisme <strong>en</strong> matière<br />

de danse, et le maximalisme de son discours docum<strong>en</strong>taire qui <strong>en</strong>vahit le décor<br />

et l’espace sonore du spectacle est décevant. W<strong>en</strong> Hui se raconte tout le temps,<br />

mêle son histoire propre à celle de la révolution culturelle, la fait dire à son interprète,<br />

l’écrit sur les murs, projette des photos, vidéos, dessins qui l’explicit<strong>en</strong>t…<br />

et par ailleurs, <strong>en</strong> guise de danse, exécute un simple geste, <strong>en</strong> avançant l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t<br />

vers le public, linéairem<strong>en</strong>t, dans la pénombre, durant toute la petite heure du<br />

spectacle. Cela peut être agaçant, si l’on n’<strong>en</strong>tre pas dans la douleur, si l’on trouve<br />

la démonstration simpliste -le corps se ploie et souffre et symbolise toutes les<br />

tortures l<strong>en</strong>tes et toutes les soumissions. Quoi qu’il <strong>en</strong> soit, huer les interprètes à<br />

la fin comme cela fut fait est choquant. Non parce que le public n’a pas le droit<br />

d’exprimer son avis, mais parce qu’il y avait là une souffrance, une intimité, un<br />

poids de l’histoire maladroitem<strong>en</strong>t exprimé, mais jamais indigne. Le spectacle,<br />

qui normalem<strong>en</strong>t dure huit heures, pr<strong>en</strong>d sans doute plus de s<strong>en</strong>s dans la durée…<br />

et le public a fait preuve de bi<strong>en</strong> peu d’empathie. Est-ce parce que l’histoire<br />

chinoise est si lointaine ?<br />

A.F.<br />

Memory a été dansé au Pavillon Noir les 3 et 4 déc<br />

Les Ouvertures 13 ont eu lieu du 10 au 12<br />

déc dans le grand studio du BNM<br />

© Ricky Wong


20 DANSE AU PROGRAMME<br />

¡Suerte!<br />

Nîmes fête les 20 ans de son festival flam<strong>en</strong>co, que<br />

d’aucuns appell<strong>en</strong>t la 3 e feria, celle de l’hiver… Plus<br />

simplem<strong>en</strong>t, il est ce festival qui a su s’imposer au fil<br />

du temps pour dev<strong>en</strong>ir, qualitativem<strong>en</strong>t et quantativem<strong>en</strong>t,<br />

un des plus grands, hors l’Espagne bi<strong>en</strong> sûr, et<br />

qui continue aussi à interroger la nécessaire alliance<br />

de la tradition et de la modernité. Pour preuve la pléiade<br />

d’artistes invités, de grands noms du flam<strong>en</strong>co que<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t côtoyer les nouveaux tal<strong>en</strong>ts. Dès l’ouverture<br />

Silvia Marín invite les <strong>en</strong>fants, mais pas seulem<strong>en</strong>t, à<br />

la découverte du flam<strong>en</strong>co avec sa création Con<br />

Pasaporte Flam<strong>en</strong>co dont la 1 re a lieu à Nîmes. Suivront<br />

María José Franco dans Bailando para mi, dont<br />

le final se dansera avec José Ogalla ; Javier Barón,<br />

danseur au style classique et créateur infatigable dont<br />

le Dos voces para un baile r<strong>en</strong>d compte, et sur lequel<br />

l’accompagn<strong>en</strong>t les deux cantaores José Val<strong>en</strong>cia et<br />

Miguel Ortega ; Andrés Marín avec El Cielo de tu boca,<br />

dans une démarche moderne, contemporaine, avec<br />

le compositeur Llor<strong>en</strong>ç Barber ; Israel Galván et son<br />

très att<strong>en</strong>du El final de este estado de cosas, redux<br />

créé lors du dernier Festival d’Avignon ; Pastora<br />

Galván, sa sœur, dont le spectacle Pastora affirme<br />

une grande danseuse ; deux soirées, <strong>en</strong>fin, Tierra<br />

flam<strong>en</strong>ca 1 et 2 sont <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dévolues à des<br />

artistes «de chez nous» : Melinda Sala, Luis de la<br />

Carrasca, Natalia del Palacio…<br />

DOMINIQUE MARÇON<br />

Historique<br />

Il a inv<strong>en</strong>té la danse contemporaine ; affranchissant<br />

les corps des techniques classiques tout <strong>en</strong> explorant<br />

inlassablem<strong>en</strong>t le mouvem<strong>en</strong>t et l’occupation de<br />

l’espace, l’abstraction et la combinatoire, la musique<br />

et la dynamique, Merce Cunningham a ouvert tant<br />

de portes que le monde de la danse n’a cessé,<br />

depuis, d’y puiser comme à la source suprême ses<br />

bouleversem<strong>en</strong>ts successifs. Merce Cunningham, il y<br />

a quelques années, à peine, exhibait <strong>en</strong>core son<br />

corps toujours souple sur la scène. Ses apparitions<br />

étai<strong>en</strong>t magiques. Il a disparu dans un certain sil<strong>en</strong>ce,<br />

juste après Pina Bausch, durant le festival d’Avignon.<br />

Sa Company est au Grand théâtre pour deux de ses<br />

pièces majeures : 30 ans de danse, par 13 interprètes<br />

fantastiques.<br />

Split Sides et Squaregame<br />

Merce Cunningham Company<br />

Du 17 au 19 dec<br />

Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce (Aix)<br />

04 42 91 69 69<br />

www.grandtheatre.fr<br />

Split Sides © Tony Dougherty<br />

Pastora Galvan © Luis Castilla<br />

20 ans de flam<strong>en</strong>co<br />

du 9 au 23 janv<br />

Théâtre de Nîmes, Odéon, Cour d’Appel<br />

04 66 36 65 10<br />

www.theatred<strong>en</strong>imes.com<br />

Harmonie<br />

Emanuel Gat - My favorite things © Gadi Dagon<br />

Le Pavillon Noir accueille le chorégraphe israéli<strong>en</strong><br />

Emanuel Gat <strong>en</strong> programmant trois de ses pièces :<br />

My favorite thing, solo sur lequel il magnifie le<br />

saxophone soprano de John Coltrane ; Voyage d’hiver,<br />

duo hypnotique et fascinant qu’il danse avec Roy<br />

Assaf sur les lieder de Schubert ; et Le Sacre du<br />

printemps qui mêle aux rythmes martelés de la<br />

partition de Stravinsky une danse salsa <strong>en</strong>diablée sur<br />

laquelle deux hommes et trois femmes form<strong>en</strong>t deux<br />

couples à tour de rôle, dans un mouvem<strong>en</strong>t continu<br />

étourdissant.<br />

Voyage d’hiver, My favorite thing<br />

et Le Sacre du printemps<br />

Du 13 au 16 janvier Pavillon Noir (Aix)<br />

0811 020 111<br />

www.preljocaj.org<br />

Bô et l’eau<br />

Pour sa 14 e ouverture le Ballet National ouvre ses<br />

portes à Miguel Nosibor (voir zib 24) et Caroline Bô,<br />

pour un solo sur son rapport à l’eau…<br />

Ouverture 14<br />

Ballet National de Marseille<br />

Les 17 et 18 déc<br />

04 91 327 327<br />

www.ballet-de-marseille.com<br />

Le retour<br />

Comme tous les ans <strong>en</strong> janvier le Toursky accueille à<br />

nouveau la création de Pietragalla : son public<br />

att<strong>en</strong>d sa danse émotionnelle, emphatique, féminine,<br />

et l’accueille toujours avec <strong>en</strong>thousiasme. La<br />

t<strong>en</strong>tation d’Eve leur permettra de retrouver la grande<br />

danseuse <strong>en</strong> solo dans ses œuvres, incarnat la<br />

condition féminine au long des siècles.<br />

La T<strong>en</strong>tation d’Eve<br />

Théâtre Toursky<br />

Les 15 et 16 janvier<br />

0 820 300 033<br />

www.toursky.org<br />

Europe <strong>en</strong> créations<br />

Les désormais traditionnels workshops du Ballet<br />

d’Europe(les 17 et 18 déc à la Friche), mett<strong>en</strong>t toujours<br />

<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les grandes qualités d’interprètes de ces<br />

danseurs qui sav<strong>en</strong>t aussi proposer des œuvres attachantes.<br />

Mais l’on pourra égalem<strong>en</strong>t retrouver le Ballet<br />

d’Europe sur une scène plus à sa mesure : les Salins<br />

programm<strong>en</strong>t Sweet Gerschwin, une pièce jubilatoire<br />

d’une grande technicité, et un duo que l’on att<strong>en</strong>d<br />

avec impati<strong>en</strong>ce : on y retrouvera Jean-Charles Gil<br />

danseur qui avec Monique Loudières(Opéra de Paris)<br />

créera un duo intitulé Trace avec moi… l’occasion de<br />

revoir danser celui qui fut un très grand soliste !<br />

Ballet d’Europe<br />

Les Salins (Martigues)<br />

Le 16 janv<br />

04 42 79 02 00<br />

www.theatre-des-salins.fr<br />

www.balletdeurope.org<br />

Trace avec moi © J.-C. Verchere


Percussions<br />

Après une résid<strong>en</strong>ce de création <strong>en</strong> septembre pour leur prochaine création, la compagnie<br />

avignonnaise Onstap est de retour à Arles avec Parce qu’on va pas lâcher,<br />

duo dansé par Mourad Bouhlali et Hassan Razak. Step aux États-Unis, percussion<br />

corporelle <strong>en</strong> France, la discipline qui fonde le spectacle transforme le corps <strong>en</strong><br />

instrum<strong>en</strong>ts de percussion. Pieds, mains, poitrines, cuisses, tout le corps participe<br />

pour illustrer le parcours de ces deux artistes qui se racont<strong>en</strong>t aussi avec des mots.<br />

Au-delà de la perfor-<br />

© Saïd Zaïour<br />

mance, ils donn<strong>en</strong>t<br />

du s<strong>en</strong>s à cet art <strong>en</strong><br />

y mêlant danse,<br />

théâtre et slam.<br />

Combat<br />

Après Urban Ballet programmé l’année<br />

dernière, la compagnie Rêvolution revi<strong>en</strong>t<br />

à l’Olivier avec Clash, leur dernière<br />

création, toujours sous la direction artistique<br />

et chorégraphique d’Anthony<br />

Égéa et sur une création musicale de<br />

Franck II Louise. Face à face, côte à côte,<br />

les danseurs Jérôme Luca et François<br />

Lamargot, formés à la danse classique<br />

et au hip hop, vont devoir s’approprier,<br />

se partager le sol, territoire vierge qui<br />

devi<strong>en</strong>t lieu de pouvoir.<br />

Clash<br />

le 12 janv à 20h30<br />

Théâtre de l’Olivier (Istres)<br />

04 42 56 48 48<br />

www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />

Audacieux<br />

Les chambres de Jacques et Jack in the<br />

box sont deux pièces d’Aszure Barton,<br />

chorégraphe new-yorkaise <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce<br />

au sein des Ballets Jazz de Montréal.<br />

Dans Les chambres de Jacques, à partir<br />

de petits tics personnels relevés <strong>en</strong>tre<br />

les mouvem<strong>en</strong>ts des danseurs, Aszure<br />

Berton r<strong>en</strong>d un hommage intimiste à la<br />

beauté comme à la fragilité de l’être, à<br />

travers une trame sonore étonnante qui<br />

passe habilem<strong>en</strong>t de Gilles Vigneault à<br />

Vivaldi sans oublier les musiques tziga-<br />

Parce qu’on va pas<br />

lâcher<br />

le 8 janv à 19h<br />

Théâtre d’Arles<br />

04 90 52 51 51<br />

www.theatrearles.com<br />

Revival<br />

Périple musical et dansé, conçu et chorégraphié<br />

par Herman Diephuis, Paul<br />

est mort ? fait revivre l’époque mythique<br />

des sixties, par le biais d’un trio pop-rock<br />

de danseurs à la fois groupe et groupies.<br />

Représ<strong>en</strong>tation de ces années où rêves<br />

et idéaux avai<strong>en</strong>t droit de citer, où les<br />

Beatles, <strong>en</strong>tre autres, représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t<br />

toute une jeunesse assoiffée de liberté.<br />

Un témoignage opéré par le biais<br />

d’une danse mordante et humoristique,<br />

et d’une musique forcém<strong>en</strong>t très prés<strong>en</strong>te.<br />

Paul est mort ?<br />

le 19 janv à 20h30<br />

Théâtre d’Arles<br />

04 90 52 51 51<br />

www.theatre-arles.com<br />

nes et klezmer. À l’inverse, Jack in the box<br />

aborde les limites extérieures du corps,<br />

interrogeant «la croissance, l’étiquette<br />

et le pouvoir du groupe <strong>en</strong> tant qu’<strong>en</strong>semble<br />

collectif.»<br />

Les Ballets Jazz de Montréal<br />

le 17 janv à 15h<br />

Théâtre La Colonne (Miramas)<br />

04 90 58 37 86<br />

www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />

© Jean Tremblay


22<br />

CIRQUE/ARTS DE LA RUE<br />

Double sirène à huit<br />

Magnifique dialogue <strong>en</strong>tre les sirènes de la sécurité publique et la musique<br />

d’Edgard Varèse proposé par l’<strong>en</strong>semble Télémaque<br />

Comme tous les mois depuis 6 ans la foule de curieux<br />

et d’afficionados se pressait sur le parvis de l’Opéra.<br />

Heureusem<strong>en</strong>t le mistral de la veille s’était calmé car,<br />

lors de la répétition, les pupitres, bi<strong>en</strong> que lestés,<br />

s’étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>volés ! Au premier son de la sirène les<br />

notes d’une flûte s’élèv<strong>en</strong>t doucem<strong>en</strong>t : Charlotte Campana<br />

interprète D<strong>en</strong>sity 21,5 (1936) sous la protection<br />

d’un grand parapluie qui permet de suivre son parcours<br />

jusque sur le parvis. C’est le mom<strong>en</strong>t où les sept<br />

autres musici<strong>en</strong>s et le chef la rejoign<strong>en</strong>t. Grande sobriété<br />

du dispositif : estrades et pupitres, costumes<br />

noirs. Au service de la musique, exclusivem<strong>en</strong>t, dont<br />

Raoul Lay cisèle la direction avec précision. Dans<br />

Octandre, pièce rigoureuse de 1923, les instrum<strong>en</strong>ts<br />

se répond<strong>en</strong>t <strong>en</strong> trois groupes, et chacun a sa place :<br />

trio flûte, hautbois, clarinette, puis basson et contrebasse,<br />

<strong>en</strong>fin trompette, cor et trombone. Sept<br />

instrum<strong>en</strong>ts à v<strong>en</strong>t et un seul à cordes, pour un<br />

timbre qui sonne fort, et fin pourtant. La démonstration<br />

est superbe et rigoureuse : on peut faire de la<br />

musique «savante» dans la rue ! Décidém<strong>en</strong>t ces<br />

Turbul<strong>en</strong>ces<br />

Le très att<strong>en</strong>du spectacle Sorry ! est le fruit de la<br />

collaboration du Footsbarn Théâtre, cie de théâtre<br />

internationale et pluridisciplinaire, de la cie Les Fusains<br />

et son fondateur Pierre Byland (qui signe la mise<br />

<strong>en</strong> scène), figure tutélaire du clown moderne, et du<br />

Cirque Werdyn, cirque tzigane et familial principalem<strong>en</strong>t<br />

équestre. Au c<strong>en</strong>tre du spectacle le personnage<br />

du clown dans tous ses états, <strong>en</strong>touré de chevaux, de<br />

poules, de chanteurs lyriques, de musici<strong>en</strong>s… sur une<br />

SIRÈNES | TOURSKY | ISTRES | GRASSE | GTP<br />

interprètes de haut niveau arp<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t sans peur des<br />

territoires peu familiers aux musici<strong>en</strong>s contemporains…<br />

et ce depuis 15 ans. Et il semblerait qu’<strong>en</strong>fin<br />

leur travail soit reconnu chez eux, pour le plus grand<br />

plaisir des fans marseillais trop souv<strong>en</strong>t obligés d’aller<br />

à Gap, Paris ou Martigues pour applaudir cet <strong>en</strong>semble<br />

dont ils sont fiers !<br />

CHRIS BOURGUE<br />

L’appel des sirènes de l’<strong>en</strong>semble Télémaque<br />

a ret<strong>en</strong>ti le mercredi 2 décembre à midi net<br />

Prochain r<strong>en</strong>dez-vous mercredi 6 janvier. Un projet<br />

amusant du Ministère des Affaires inutiles qui<br />

prés<strong>en</strong>tera son Palmares des recalés. Il s’agira de<br />

désigner le meilleur des spectacles non-ret<strong>en</strong>us par<br />

le comité de sélection des Sirènes et midi net. C’est<br />

un vacataire du Ministère qui décernera le Prix des<br />

Recalés 2009 et la prestation sera traduite intantaném<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> espéranto gestuel. Gageons que ce sera<br />

caustique !<br />

piste qui, on le compr<strong>en</strong>d peu à peu, a été louée à la<br />

fois pour l’<strong>en</strong>terrem<strong>en</strong>t d’un compositeur de musique<br />

classique et pour une fête tzigane…<br />

Sorry !<br />

les 8 et 9 janv à 21h<br />

Théâtre Toursky<br />

0 820 300 033<br />

www.toursky.org<br />

Jeux de Mémoire<br />

L’<strong>en</strong>semble Télémaque et le Cirque Plume repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leur étonnante fantaisie<br />

poétique et musicale Le cabaret des valises au Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce<br />

Sur un fond bleuté défil<strong>en</strong>t des ombres portant des<br />

valises… Un contrebassiste et une clarinettiste s’agrèg<strong>en</strong>t<br />

à l’harmonie finem<strong>en</strong>t angoissante d’un accordéon<br />

dissonant… Le décor sonore planté, le chef dirige cette<br />

foule baroque vers un hall de gare parsemé de chariots/pupitres<br />

et de valises/sièges… On est prêt pour<br />

un voyage singulier : un violoncelliste narre un souv<strong>en</strong>ir<br />

d’<strong>en</strong>fance, le dégingandé John John, le clown Pedro et<br />

«Monsieur» (le collecteur de cris) jou<strong>en</strong>t des scènes burlesques,<br />

alors que dans les airs une jeune acrobate<br />

dessine des arabesques au son d’une contrebasse<br />

pachyderme… Comm<strong>en</strong>t dire le foisonnem<strong>en</strong>t des tableaux,<br />

tels ces pupitres/cintres se dressant chargés<br />

de manteaux sans maître ? Comm<strong>en</strong>t décrire cette<br />

polyphonie de cris émanant de valises ouvrant leur<br />

gueule béante… parler des <strong>en</strong>fants qui ne sav<strong>en</strong>t plus<br />

s’il faut rire ou s’effrayer… et du fil discontinu de cette<br />

mémoire que Bernard Kudlak et Raoul Lay t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

de ranger dans leur valise de saltimbanque ? À voir<br />

absolum<strong>en</strong>t ! JACQUES FRESCHEL<br />

Le Cabaret des valises<br />

Le 15 janv à 20h30<br />

04 42 91 69 69<br />

www.legrandtheatre.net<br />

© Agnès Mellon<br />

© Agnès Mellon<br />

Sans mots<br />

Il ne parle pas Juli<strong>en</strong> Cottereau,<br />

mais il lui arrive de<br />

faire des bruits; et puis il<br />

bouge, danse, dans sa drôle<br />

de dégaine, chapeau mou<br />

vissé sur le crane. Mime, clown<br />

et bruiteur, poète aussi, Juli<strong>en</strong><br />

Cottereau secoue notre imaginaire<br />

avec des sons et des<br />

gestes qui font apparaître princesse<br />

<strong>en</strong> détresse, chi<strong>en</strong><br />

errant, mouches vibrionnantes,<br />

le tout avec la complicité<br />

d’un public réceptif et actif.<br />

Fils spirituel du mime Marceau<br />

et de Buster Keaton, l’atypique<br />

<strong>en</strong>chante, et pas<br />

seulem<strong>en</strong>t les plus jeunes !<br />

Imagine-toi<br />

le 20 déc à 16h<br />

Théâtre de l’Olivier<br />

04 42 56 48 48<br />

www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />

les 5 et 6 janv à 19h30<br />

Théâtre de Grasse<br />

04 93 40 53 00<br />

www.theatredegrasse.com<br />

Juli<strong>en</strong> Cottereau © Veronic Roux-Voloir


24 ARTS VISUELS MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN | PASSAGE DE L’ART<br />

Les mondes parallèles<br />

Lauréats 2009 du Prix HSBC pour la photographie,<br />

Grégoire Alexandre et Matthieu Gafsou sont accueillis<br />

dans quelques-unes des travées du Musée d’art contemporain<br />

de Marseille, bord à bord avec ses collections.<br />

Une incursion muséale qui les flatte tout autant qu’elle<br />

les effraye : la valeur symbolique du lieu diffère de celle<br />

des galeries qui les expos<strong>en</strong>t. D’autant que l’objectif du<br />

Prix HSBC pour la photographie, comme le souligne<br />

Chantal Nedjib, Déléguée générale, est «de faire connaître<br />

de jeunes tal<strong>en</strong>ts par le biais de quatre expositions, de<br />

l’édition de monographies et de la v<strong>en</strong>te de leur travail».<br />

Dans l’espace du [MAC] donc, Grégoire Alexandre et<br />

Matthieu Gafsou ont accepté de croiser leurs regards.<br />

«J’aime beaucoup la réflexion de Grégoire Alexandre<br />

sur le dispositif photographique lui-même, comm<strong>en</strong>te<br />

Matthieu Gafsou, car le contexte de la commande ne le<br />

favorise pas habituellem<strong>en</strong>t. On voit beaucoup de belles<br />

images de mode mais peu qui soi<strong>en</strong>t intellig<strong>en</strong>tes». Et<br />

Grégoire Alexandre ? «Ce qui m’intéresse dans les photographies<br />

de Matthieu Gafsou, c’est sa façon de se dégager<br />

Surface#33, 2008, Lauréat du Prix HSBC pour la Photographie © Matthieu Gafsou<br />

D’Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce, Daniel Milhaud a gardé un lointain<br />

souv<strong>en</strong>ir… celui de son <strong>en</strong>fance auprès de ses grandspar<strong>en</strong>ts<br />

au Logis du Bras d’Or, où grandit son père, le<br />

compositeur Darius Milhaud. «J’étais très intriguée par<br />

ce parcours de famille» révèle Lyse Madar, directrice du<br />

Passage de l’art, qui relève le paradoxe : «C’est la<br />

première fois que Daniel Milhaud expose à Marseille et<br />

plus généralem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Prov<strong>en</strong>ce ! Il était important pour<br />

moi de prés<strong>en</strong>ter ce travail que je trouve remarquable et<br />

qui est aussi une belle référ<strong>en</strong>ce à l’histoire de l’art».<br />

Daniel Milhaud s’est formé aux arts visuels et à la musique<br />

aux Etats-Unis sur les traces de son père, puis <strong>en</strong><br />

Autriche auprès d’Oskar Kokoschka, avant de partager<br />

son temps <strong>en</strong>tre Paris -où il dispose de trois ateliers<br />

répartis pour les moulages et la terre, les maquettes et<br />

dessins, les œuvres plus grandes-, et Carrare <strong>en</strong> Italie.<br />

Vêtu d’un pantalon rouge, d’une chemise fleurie et d’un<br />

chandail bordeaux, Daniel Milhaud a une allure hautem<strong>en</strong>t<br />

colorée mais parle peu, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d difficilem<strong>en</strong>t, et<br />

garde l’œil <strong>en</strong> alerte, malicieux. C’est qu’il semble beaucoup<br />

s’amuser de tout ce «tapage» autour de lui. Une<br />

verdeur, une fraîcheur l’<strong>en</strong>velopp<strong>en</strong>t tout autant qu’elles<br />

du style docum<strong>en</strong>taire dans lequel il s’inscrit à la base<br />

pour chercher des images autonomes. C’est un travail<br />

discret, surtout pas spectaculaire, probant et même<br />

déstabilisant par rapport au réel». Deux jeunes tal<strong>en</strong>ts<br />

prometteurs dont l’analyse éclaire leurs photographies<br />

accrochées «de façon à ce qu’il n’y ait pas une trop forte<br />

contamination <strong>en</strong>tre elles».<br />

Le résultat est à la hauteur de l’exig<strong>en</strong>ce du Prix HSBC<br />

qui a confié à Olivier Saillard la direction artistique. L’exdirecteur<br />

du musée de la Mode de Marseille -qu’il quitta<br />

<strong>en</strong> 2000- s’est laissé «toutes latitudes pour regarder<br />

avec [son] œil de mode des travaux qui ne trait<strong>en</strong>t pas<br />

forcém<strong>en</strong>t de la mode». Il a présélectionné 12 photographes<br />

français et internationaux sur 669 postulants :<br />

«Tous se sont imposés avec évid<strong>en</strong>ce. Ils se répond<strong>en</strong>t<br />

avec naturel et compos<strong>en</strong>t, re-compos<strong>en</strong>t un monde à<br />

organiser sous leurs doigts». Quels sont donc ces<br />

mondes ? Un univers tronqué, décalé pour Grégoire<br />

Alexandre qui illustre des thèmes imposés par la commande<br />

(pour la mode, la publicité ou les magazines),<br />

La petite musique de Milhaud<br />

Autoportrait panoplie - 2005 - 85x100x14 cm -<br />

Bois, peinture acrylique, fil de fer, cuivre, polystyrène et résine.<br />

baign<strong>en</strong>t son œuvre (dessin, sculpture, bas-relief) traversée<br />

de lignes dynamiques : ses deux pièces issues d’une<br />

série d’autoportraits, Panoplie dans laquelle on aperçoit<br />

son simple profil et La Balance où il coupe sa tête <strong>en</strong><br />

deux par le milieu, sont symptomatiques d’un travail<br />

très libre. Liberté des modes d’expression, des formes,<br />

des matériaux, des volumes et des signes cabalistiques<br />

(vanités, dés, mauvais œil, serp<strong>en</strong>t…). Comme dans ses<br />

avec des points de vue plus ou moins distanciés. Des<br />

photographies dans lesquelles il met <strong>en</strong> scène des<br />

élém<strong>en</strong>ts perturbateurs grâce à des jeux d’échelle, des<br />

illusions d’optique. Un monde subjectif né de la réalité<br />

«qui va et vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre le référ<strong>en</strong>t et sa poétique» pour<br />

Mathieu Gafsou : des paysages-architectures où les<br />

blancs poussés à l’extrême, révèl<strong>en</strong>t les volumes et acc<strong>en</strong>tu<strong>en</strong>t<br />

les reliefs. Deux mondes parallèles, étanches.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Jusqu’au 28 février<br />

Musée d’art contemporain de Marseille<br />

04 91 25 01 07<br />

Monographies co-éditées par le Prix HSBC<br />

pour la photographie et Actes Sud<br />

Surfaces, Matthieu Gafsou<br />

Grégoire Alexandre<br />

25 euros chacun<br />

Shopping N° 4, 2003, Lauréat du Prix HSBC pour la Photographie 2009 © Grégoire Alexandre<br />

ombres portées sur le mur qui, grâce à un jeu de néons<br />

et de découpes, révèl<strong>en</strong>t des lignes intemporelles et des<br />

mots tel «désir» transcrit dans toutes les langues… ou<br />

presque. Daniel Milhaud est un homme de désirs qui<br />

joue, avec humour, de la mort et de l’érotisme, particulièrem<strong>en</strong>t<br />

dans Calaveras inspirée des rites funéraires<br />

mexicains et dans les lignes infléchies de ses dessins<br />

qui «imbriqu<strong>en</strong>t les parts féminines et masculines des<br />

choses». Entre ombres et lumières…<br />

Si sa prés<strong>en</strong>ce à Marseille est un événem<strong>en</strong>t, Lyse<br />

Madar annonce déjà son retour au printemps 2010 à<br />

l’occasion de L’Art r<strong>en</strong>ouvelle le lycée, le collège et la<br />

ville : son œuvre devrait trouver toute sa place dans la<br />

thématique annoncée «Les parts de l’ombre dans l’art<br />

contemporain. Matérialité et fiction».<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

L’exposition Trait pour trait, très portrait<br />

de Daniel Milhaud a été prés<strong>en</strong>tée du 17 novembre<br />

au 16 décembre au Passage de l’art à Marseille.<br />

04 91 31 04 08


Mouche © Michele Sylvander<br />

PARADIGME | LA FABRIQUE SENSIBLE | OÙ SONT LES ENFANTS?<br />

L’art à l’ouvrage<br />

Faisant suite aux 12 e R<strong>en</strong>contres de l’édition de création,<br />

l’atelier Vis-à-Vis expose une tr<strong>en</strong>taine de livres d’artistes<br />

et éditeurs de Suisse romande<br />

Chaque année l’Atelier Vis-à-Vis invite<br />

un nouveau pays à l’occasion de<br />

ses R<strong>en</strong>contres de l’édition de création.<br />

Pour cette douzième, la Suisse<br />

était l’invitée d’honneur. Cette sélection<br />

nous fait approcher des créations<br />

uniques ou multiples, pièces d’artistes<br />

ou d’éditeurs que le public a peu<br />

l’occasion de voir étant donné leur<br />

tirage restreint et leur diffusion confid<strong>en</strong>tielle.<br />

On y trouve une majorité<br />

de petits formats mis <strong>en</strong> œuvre avec<br />

réserve et sobriété.<br />

Cette ret<strong>en</strong>ue plastique laisse place<br />

à une esthétique très t<strong>en</strong>ue, un évid<strong>en</strong>t<br />

raffinem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t. Ainsi<br />

les éditions g<strong>en</strong>evoises Héros Limite<br />

évacu<strong>en</strong>t toute image au seul profit<br />

du texte. Typographie et mise <strong>en</strong> espace,<br />

pleins et vides, rythmes et<br />

respirations visuelles t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant<br />

l’objet vers un statut iconique<br />

épuré. À l’opposé, Ursula Jakob a<br />

conçu une histoire sans récit où les<br />

images et les jeux graphiques se<br />

développ<strong>en</strong>t dans une atmosphère<br />

monochrome dominée par le bleu<br />

cyan. Le papier de riz doublé à la chinoise<br />

apporte sa part de s<strong>en</strong>sualité<br />

fragile et transpar<strong>en</strong>te. Pour ses<br />

carnets de dessins, Liliana Gassiot<br />

développe des graphismes réalisés<br />

avec une machine à coudre. Les variations<br />

autorisées par les différ<strong>en</strong>ts<br />

points de broderie inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t des<br />

linéam<strong>en</strong>ts non figuratifs au fil des<br />

pages, et font de chacun des carnets<br />

un exemplaire subtilem<strong>en</strong>t unique.<br />

Le trait commun au livre d’artiste<br />

dans cette région transalpine ? Un<br />

subtil mélange <strong>en</strong>tre la perman<strong>en</strong>ce<br />

des techniques traditionnelles et des<br />

expérim<strong>en</strong>tations plus audacieuses.<br />

Pour certains artistes et collectifs<br />

(art&fiction, Attitudes, 36 Editions…)<br />

le livre intègre les nouvelles technologies,<br />

le numérique, ou pr<strong>en</strong>d des<br />

formes singulières lors d’expositions<br />

ou de performances.<br />

Dans la dernière livraison du Project<br />

Book International, édité par l’Atelier<br />

Vis-à-Vis, Silvio Corsini, conservateur<br />

à Lausanne, brosse un alléchant<br />

état des lieux de la création et de<br />

l’édition <strong>en</strong>gagée dans le livre d’artiste<br />

<strong>en</strong> Suisse romande. Dans les pages<br />

suivantes, Emès-Manuel de Matos,<br />

créateur avec Danièle Ubeda du<br />

Comptoir international du livre<br />

d’artiste/Paradigme, resitue plus<br />

généralem<strong>en</strong>t la place de ces œuvres<br />

singulières que sont les livres<br />

d’artistes dans le contexte de la<br />

création artistique.<br />

À l’occasion de l’exposition, il était<br />

possible d’acquérir un ouvrage issu<br />

des collections de l’atelier <strong>en</strong> participant<br />

à la loterie du 3 e Jeu de<br />

Hasard-Livre d’artiste. Le quatrième<br />

est <strong>en</strong> cours : tout n’est pas<br />

<strong>en</strong>core perdu pour les futurs collectionneurs<br />

!<br />

CLAUDE LORIN<br />

Home Sweet Home<br />

Nouvellem<strong>en</strong>t installées à la Maison des éditeurs<br />

et des industries culturelles à Arles, les sociétés<br />

d’édition La Fabrique s<strong>en</strong>sible (livres d’artistes)<br />

et Où sont les <strong>en</strong>fants ? (livres jeunesse) ont mis<br />

leur ardeur <strong>en</strong> commun pour ouvrir la Maison au<br />

public à l’occasion de la parution de trois<br />

Cahier de dessins cousus de fil noir, Liliana Gassiot © C.Lorin<br />

Livres d’artistes suisses<br />

Paradigme/Comptoir international<br />

du livre d’artiste contemporain<br />

jusqu’au 30 janvier<br />

04 91 33 20 80<br />

www.ateliervisavis.com<br />

ouvrages. Dédalles de Ville, Avignon de Max<br />

Charvol<strong>en</strong>, chambre d’écho à sa résid<strong>en</strong>ce à<br />

Avignon comme invité d’honneur du 15 e Parcours<br />

de l’art, trace de ses pérégrinations urbaines et<br />

de ses interv<strong>en</strong>tions plastiques. Le livre-miroir de<br />

Michèle Sylvander, Instant de doute, où la fiction<br />

brouille la réalité, le passé dépasse le prés<strong>en</strong>t,<br />

l’autoportrait féminin masque le masculin.<br />

Nocturnes ou les garçons perdus, premier opus<br />

jeunesse de Mireille Loup qui expose actuellem<strong>en</strong>t<br />

ses photographies à la Galerie du théâtre<br />

La Passerelle (voir page 28). Un conte initiatique<br />

pour un petit garçon perdu dans la nuit pour<br />

lequel elle «a convoqué tous les bleus de la terre,<br />

le ciel, l’eau et la lumière».<br />

Le temps d’une r<strong>en</strong>contre avec les artistes, les<br />

éditeurs et les <strong>en</strong>treprises implantées sur le site<br />

(Cie Ev<strong>en</strong>ts, association La Cuisine, Main, Oiseau<br />

ARTS VISUELS 25<br />

Le Valais des signes,<br />

Editions Corinollon<br />

© C. Lorin<br />

indigo diffusion, ICNPA…), la Maison dévoile ses<br />

mille et une <strong>en</strong>vies : r<strong>en</strong>dre le lieu vivant, créer<br />

des circulations <strong>en</strong>tre ses habitants, partager ses<br />

projets, ses <strong>en</strong>thousiasmes et ses découvertes<br />

avec le public. La première page d’une longue<br />

série à écrire.<br />

M.G.-G.<br />

Maison des éditeurs et des industries culturelles<br />

v<strong>en</strong>dredi 18 décembre de 15h à 19h<br />

r<strong>en</strong>contre-expositions-vidéos<br />

La Fabrique s<strong>en</strong>sible<br />

www.lafabriques<strong>en</strong>sible.com<br />

Où sont les <strong>en</strong>fants ?<br />

http://ousontles<strong>en</strong>fants.hautetfort.com/


26<br />

ARTS VISUELS<br />

Verrouillé à double tour<br />

Que faire de ce jeu de photographies réalisées <strong>en</strong><br />

1988 dans l’appartem<strong>en</strong>t qu’il partagea avec sa<br />

mère et qu’elle abandonna durant deux ans ? Que<br />

faire de ce lourd et douloureux passé qui l’<strong>en</strong>combre<br />

<strong>en</strong>core ? Un livre, oui, mais que le photographe<br />

Pierre-Jean Amar n’a pas écrit pour une catharsis,<br />

abréaction qu’il réfute tant sa détestation de la<br />

psychanalyse est grande. «Une fois les photos<br />

faites, le livre écrit et publié, c’est la même merde.<br />

Ri<strong>en</strong> n’a changé !» : sa mère a subi la psychiatrie<br />

curative la plus viol<strong>en</strong>te…<br />

Il fallait donc un écrivain, un proche comme Georges<br />

Monti, directeur des éditions Le Temps qu’il fait,<br />

pour coucher sur le papier tant de souffrances<br />

étouffées, de ress<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts et d’amour mêlés. «Une<br />

histoire douloureuse qui le fonde», il le sait, qui a<br />

longtemps <strong>en</strong>travé sa vie : heureusem<strong>en</strong>t la lecture,<br />

puis la photographie, sont restées ses terres<br />

de liberté jusqu’à ce qu’il déploie son exist<strong>en</strong>ce<br />

propre. Il avait 26 ans !<br />

Un livre au titre terrible, Le coffre-fort de ma mère,<br />

des photos d’une extrême viol<strong>en</strong>ce derrière le<br />

vernis de la banalité, où «l’on retrouve l’ambiance<br />

carcérale». Des photos prises <strong>en</strong> son abs<strong>en</strong>ce,<br />

jamais montrées, pas même à sa mère qui est<br />

morte sans jamais savoir ce qu’il faisait dans la<br />

vie… Un regard effroyable sur l’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t, la<br />

solitude, la destruction des êtres : sa mère isolée<br />

Ouf !<br />

Suite à l’expéri<strong>en</strong>ce de [La Pile]<br />

à la Non-Maison, le projet de Bruno<br />

Peinado pourrait <strong>en</strong>fin se concrétiser.<br />

Mais il faudra pati<strong>en</strong>ter quelques<br />

temps <strong>en</strong>core!<br />

C’est l’histoire d’un projet dont la réalisation a été<br />

plusieurs fois repoussée faute des moy<strong>en</strong>s nécessaires.<br />

Quel porteur de projet n’a pas vécu les<br />

affres d’une fin de non recevoir ? Michèle Coh<strong>en</strong> ne<br />

pouvait <strong>en</strong> rester au r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t : l’exposition<br />

[La Pile] a été à la fois une forme de révolte et un<br />

temps d’appel à collaboration.<br />

«Trois mois p<strong>en</strong>dant lesquels j’ai fait grève, où les<br />

murs sont restés vides mais on pouvait <strong>en</strong>trer et<br />

voir les piles de la revue Semaine consacrée au<br />

projet avec les textes de Bruno Peinado et Bernard<br />

Marcadé. Et nous avons ouvert un blog le jour de<br />

l’inauguration pour faciliter les échanges avec le<br />

public et peut-être trouver des personnes intéressées<br />

pour faire ce projet. Une deuxième pile a été<br />

prés<strong>en</strong>tée p<strong>en</strong>dant le Slick à Paris <strong>en</strong> parallèle à<br />

la FIAC». Et les appels sembl<strong>en</strong>t avoir été <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus.<br />

Michèle Coh<strong>en</strong> ne mettra pas la clef sous la<br />

porte comme elle l’<strong>en</strong>visageait !<br />

L’embellie est arrivée par l’étranger suite à l’appel<br />

d’un mécène privé dont l’id<strong>en</strong>tité ne peut être<br />

<strong>en</strong>core dévoilée. Grâce aussi «au très bon contact<br />

que j’ai eu avec Véronique Traquandi du Conseil<br />

général 13. J’ai beaucoup d’espoir que cela se réalise<br />

<strong>en</strong> 2010. L’œuvre devrait être installée dans<br />

un espace extérieur pour être offerte au public, de<br />

préfér<strong>en</strong>ce sur Aix ou al<strong>en</strong>tour». Mais quelques<br />

GALERIE VINCENT BERCKER | LA NON-MAISON<br />

dans sa folie, Pierre-Jean Amar «claustré, prisonnier<br />

de la maison». Le fils a ret<strong>en</strong>u de cet intérieur<br />

inhabité un piano Hans<strong>en</strong> («ma mère, d’éducation<br />

bourgeoise possédait un piano mais ne connaissait<br />

ri<strong>en</strong> à la musique»), une armoire-bureau remplie<br />

de livres de peu d’intérêt («le plus passionnant est<br />

freins persisterai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à Aix, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

pour des questions de forme administrative. «Nous<br />

sommes considérés là-bas comme galerie donc<br />

comme privé alors que la Non-Maison est une<br />

structure qui se veut mixte ; nous voulons au<br />

contraire réunir public et privé sur des projets, les<br />

services publics avec les jeunes collectionneurs<br />

qui nous suiv<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant, <strong>en</strong> interv<strong>en</strong>ant comme<br />

lieu intermédiaire <strong>en</strong>tre l’atelier de l’artiste et les<br />

institutions plus importantes. Je travaille à la<br />

conception d’un statut reconnu proche des c<strong>en</strong>tres<br />

d’art, des cinémas d’art et essai ou certaines compagnies<br />

de théâtre ; des lieux d’expérim<strong>en</strong>tation,<br />

de proposition et au plus proche du public. Autre<br />

bonne nouvelle pour 2010, le projet sera suivi dans<br />

un docum<strong>en</strong>taire consacré au travail de Bruno<br />

Peinado réalisé par Arte».<br />

Le projet Une partition pour un accid<strong>en</strong>t ou les trois<br />

princes de Ser<strong>en</strong>dip est prés<strong>en</strong>té par Bruno<br />

Peinado et Michèle Coh<strong>en</strong> dans la vidéo réalisée<br />

lors de l’inauguration de [La Pile] le 15 octobre<br />

2009, à voir sur le site de la Non-Maison.<br />

Si tout va bi<strong>en</strong> on espère qu’<strong>en</strong> fin 2010 on pourra<br />

souhaiter à cette non-exposition un joyeux nonanniversaire<br />

!<br />

CLAUDE LORIN<br />

[La Pile]<br />

jusqu’au 10 janvier<br />

La Non-Maison, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce<br />

06 24 03 39 31<br />

http://lanonmaison.com<br />

http://lanonmaison.blogspot.com<br />

Sans titre © Pierre-jean Amar<br />

sans doute le catalogue Manufrance»)… Des interrupteurs<br />

et des cad<strong>en</strong>as <strong>en</strong> pagaille, une boîte à<br />

pharmacie surchargée, un téléphone blanc (« ma<br />

mère a inv<strong>en</strong>té le téléphone portable, elle <strong>en</strong> avait<br />

trois !»)… Et ce fameux coffre-fort familial posé à<br />

même le sol d’une cour intérieure «exiguë et<br />

sale… dans lequel ma mère a longtemps serré<br />

ses bijoux ».<br />

Le livre, comme l’exposition, s’ouvre et se ferme<br />

sur deux portraits de l’abs<strong>en</strong>te : l’un les yeux vides,<br />

la main serrant son chandail contre sa poitrine,<br />

dans un tirage arg<strong>en</strong>tique noir et blanc précis et<br />

nuancé ; l’autre l’image tremblante d’une silhouette<br />

ratatinée dans son fauteuil roulant. «C’est<br />

un constat» répète Pierre-Jean Amar avec un<br />

détachem<strong>en</strong>t feint, un constat bouleversant, oppressant<br />

même : ces photographies magnifiques<br />

dis<strong>en</strong>t toute une vie de possession et son ultime<br />

libération dans la mort.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Signature du livre Le coffre-fort de ma mère<br />

(Éd. Le temps qu’il fait) samedi 19 décembre 11h<br />

Le coffre-fort de ma mère<br />

jusqu’au 24 décembre<br />

Galerie Vinc<strong>en</strong>t Bercker, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce<br />

04 42 21 46 84<br />

Bruno Peinado, projet pour la Non-Maison, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce


Une passerelle pour l’art<br />

Accueilli depuis 2002 au C<strong>en</strong>tre d’art Sébasti<strong>en</strong> à<br />

St-Cyr-sur-Mer, le 26 e R<strong>en</strong>dez-vous des jeunes<br />

plastici<strong>en</strong>s ti<strong>en</strong>t ses promesses avec une belle<br />

moisson de nominés et de lauréats. Pour Valérie<br />

Duquesne, élue récemm<strong>en</strong>t présid<strong>en</strong>te de l’association<br />

ELSTIR qui organise cet événem<strong>en</strong>t ainsi<br />

que R<strong>en</strong>dez-vous aux Jardins, «on s<strong>en</strong>t un travail<br />

de grande qualité avec des œuvres plus dépouillées.<br />

Ce sont, bi<strong>en</strong> sûr, des travaux <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir car<br />

c’est l’objectif d’ELSTIR d’accompagner les jeunes<br />

artistes dans leur travail». Et de constater que le<br />

cru 2009 est d’une grande maturité : «Ils ne sont<br />

pas dans la facilité. Comme Guillaume Gattier<br />

(Marseille) qui a reçu le prix Louise Baron, Delphine<br />

Poitevin (Ivry) celui du Conseil général du Var ou<br />

Ghizlène Chajaï (Strasbourg) le prix Passerelle.<br />

Leur travail fait preuve de beaucoup de professionnalisme<br />

et il ouvre sur de nouveaux horizons».<br />

Sur 150 dossiers, 9 ont réussi l’épreuve du feu face<br />

au jury composé de professionnels, d’élus et d’artistes<br />

et au public qui lui décerne son Prix. Cette<br />

année, le travail ingénieux de Jérôme Ispanakçi<br />

(Nice) a eu sa préfér<strong>en</strong>ce, ex-aequo avec la sculpture-installation<br />

de Lisa-Dora Fardelli (Toulon).<br />

Au-delà des récomp<strong>en</strong>ses, on reti<strong>en</strong>dra la photo<br />

installation de Guillaume Gattier qui étire à l’extrême<br />

ses images panoramiques tronquées ; le roman-<br />

photo de Danka Hojcusova dont les binômes, mis<br />

bout à bout, parl<strong>en</strong>t de solitude et de déplacem<strong>en</strong>t ;<br />

les lignes dessinées de Sandra Ferreri, qui, mises<br />

<strong>en</strong> boucle, emprisonn<strong>en</strong>t d’obscures maisons.<br />

Les portraits de femmes aux visages voilés de<br />

Ghizlène Chajaï tels des «vanités contemporaines»;<br />

l’amoncellem<strong>en</strong>t de globes <strong>en</strong> terre cassés de<br />

Lisa-Dora Fardelli qui expulse de ses fragm<strong>en</strong>ts<br />

une vidéo (Charnier intestinal) comme on ouvre<br />

la boîte de Pandore ; Les Olympi<strong>en</strong>nes transfigurées<br />

par la peinture nerveuse de Catherine<br />

Duchêne. Et Delphine Poitevin qui excelle dans la<br />

dématérialisation des surfaces, des murs, des<br />

papiers peints par grattage, frottage, rainurage et<br />

effacem<strong>en</strong>t : les perspectives s’écras<strong>en</strong>t, les volumes<br />

s‘aplaniss<strong>en</strong>t, l’espace photographié bi<strong>en</strong><br />

réel (une pièce vide, une porte <strong>en</strong>trouverte, un motif<br />

mural) ouvrant sur une autre dim<strong>en</strong>sion spatiale.<br />

Même si ce 26 e R<strong>en</strong>dez-vous des jeunes plastici<strong>en</strong>s<br />

ne représ<strong>en</strong>te «qu’une petite marche» vers la<br />

reconnaissance, il a déjà tout d’un tapis rouge.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

26 e R<strong>en</strong>dez-vous des jeunes plastici<strong>en</strong>s<br />

jusqu’au 19 décembre<br />

C<strong>en</strong>tre d’art Sébasti<strong>en</strong>, St-Cyr-sur-Mer<br />

04 94 25 04 86<br />

Aller-retour Dak’Art-Dak’Apt<br />

NGoor (Sénégal), Yoko Breeze (Afrique du Sud),<br />

Samba Fall (Sénégal), Tchalé Figueira (Cap-Vert)<br />

et Boubacar Touré Mandemory (Sénégal) ont <strong>en</strong><br />

commun d’avoir été primés par la Fondation d‘<strong>en</strong>treprise<br />

Blachère lors de la Bi<strong>en</strong>nale des arts<br />

africains contemporains Dak’Art 2008. Une récomp<strong>en</strong>se<br />

décernée par un Collège<br />

critique qui, sous la direction de<br />

Pierre Jaccaud, a écumé les musées<br />

et galeries de la capitale sénégalaise.<br />

Dix-huit mois et une exposition plus<br />

tard, la Fondation Blachère les réunit<br />

à nouveau, loin de l’Institut culturel<br />

français de Dakar où eut lieu la<br />

remise des prix : dans la zone industrielle<br />

d’Apt, au c<strong>en</strong>tre d’art proche<br />

de l’<strong>en</strong>treprise de luminaires. Si la<br />

Bi<strong>en</strong>nale «permet aux artistes du<br />

contin<strong>en</strong>t africain de prés<strong>en</strong>ter leurs<br />

nouvelles productions», le Prix de la<br />

découverte leur offre une première<br />

visibilité <strong>en</strong> France à travers une résid<strong>en</strong>ce<br />

et une exposition collective.<br />

Tranchant avec la clarté extérieure,<br />

l’espace d’exposition plonge le spectateur<br />

dans l’obscurité et le murmure des voix,<br />

celles de la cérémonie des prix, avec diaporama<br />

à l’appui. Histoire de rappeler que tout cela est<br />

bi<strong>en</strong> réel, qu’il y a un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t et des r<strong>en</strong>contres<br />

déterminantes. Comme avec les peintures<br />

«dramaturgiques» de NGoor dont les visages<br />

hantés se masqu<strong>en</strong>t de grimaces goyesques,<br />

artiste émergeant découvert par hasard : «Il aura<br />

ST-CYR-SUR-MER | APT<br />

fallu une prom<strong>en</strong>ade improvisée <strong>en</strong> quête de découverte<br />

dans les rues de Dakar pour r<strong>en</strong>contrer<br />

une toile susp<strong>en</strong>due au musée Boribana», toile<br />

qui «a mis le feu [aux] esprits» des membres du<br />

Collège critique tout autant qu’aux visiteurs d’Apt.<br />

Avec le plastici<strong>en</strong> Samba Fall, «figure prome teuse<br />

de la scène internationnale», dont les œuvres<br />

protéiformes (vidéo-peinture-scultpure-objet)<br />

frapp<strong>en</strong>t à coup sûr les esprits, véritables manifestes<br />

humanistes. Avec le peintre, musici<strong>en</strong> et<br />

poète Tchalé Figueira -dont on dit qu’il a la tête<br />

dans les étoiles-, qui déroule ses dessins tels de<br />

longs papyrus noirs, histoires mélancoliques et<br />

douces peuplées de lignes et de masques,<br />

Sans titre © Ghizl<strong>en</strong>e Chajaï<br />

ARTS VISUELS<br />

27<br />

d’animaux et d’êtres tombés du ciel. Avec<br />

Boubacar Touré Mandémory qui défie la banalité<br />

de la photographie de rue <strong>en</strong> inv<strong>en</strong>tant des<br />

couleurs «mouvem<strong>en</strong>tées» grâce à ses points de<br />

vue décalés, ses hors champs et ses perspectives<br />

infinies. Avec l’acteur, graphiste et designer Yko<br />

Breeze dont le travail fait écho à<br />

l’histoire de l’Afrique du sud, notamm<strong>en</strong>t<br />

sa vidéo sur l’activiste<br />

Steve Biko réalisée avec la même<br />

ampleur qu’un film.<br />

Mais le retour de Dakar à Apt n’est<br />

qu’une escale pour la Fondation qui<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d poursuivre son «<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />

pér<strong>en</strong>ne sur le contin<strong>en</strong>t africain<br />

avec une détermination sans faille»:<br />

tout juste rev<strong>en</strong>ue des R<strong>en</strong>contres<br />

de la photographie de Bamako où<br />

elle a remis son prix <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du<br />

photographe Malick Sidibé, elle s’apprête<br />

à partir pour l’Afrique du Sud…<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

(ENVOYÉE À DAKAR MAI 2008 -<br />

APT NOVEMBRE 2009)<br />

© Boubacar Toure Mandemory<br />

C<strong>en</strong>tre d’art Fondation Blachère, Apt<br />

jusqu’au 17 janvier<br />

04 32 52 06 15<br />

www.fondationblachere.org


28 ARTS VISUELS AU PROGRAMME<br />

Mirko Martin, prix Voies Off 2009 © Mirko Martin<br />

Au Loup !<br />

On ne dira que du bi<strong>en</strong> de la programmation de la Galerie du théâtre<br />

La Passerelle à Gap. La saison 2010 le confirme <strong>en</strong> ouverture avec deux<br />

belles séries de Mireille Loup déjà célébrées sous d’autres <strong>en</strong>seignes.<br />

Des <strong>en</strong>fants solitaires sont au c<strong>en</strong>tre de narrations oniriques,<br />

parfois pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t hostiles.<br />

Des bribes d’un conte très étrange pas vraim<strong>en</strong>t très <strong>en</strong>chanté.<br />

R<strong>en</strong>contre avec l’artiste le 9 janvier à 10h. C.L.<br />

ANGES 51-1998,<br />

Daniel Gastaud<br />

© galerie Huit<br />

Esquives et Nocturnes<br />

Mireille Loup<br />

du 9 janvier au 27 février<br />

Galerie du théâtre La Passerelle, Gap<br />

04 92 52 52 52<br />

Avis !<br />

Appels à projets à la pelle : artistes, sortez votre attirail et faites vibrer votre génie.<br />

En Camargue, il sera question de lumière lors de la 5 e R<strong>en</strong>contre Land Art In Situ 0.5,<br />

r<strong>en</strong>dre sa copie avant le 30 janvier [http://culturesnomades.com]<br />

En Arles, on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des Voies Off pour mettre 2000 euros de prix dans sa bourse, dernier<br />

délai le 31 janvier [www.voies-off.com]<br />

À Aix, toujours de la photo, la Fontaine Obscure propose de plancher sur le thème<br />

migrations, limite ultime juin 2010 [www.fontaine-obscure.com]<br />

On <strong>en</strong> parlera sûrem<strong>en</strong>t dans <strong>Zibeline</strong>.<br />

C.L.<br />

Plumes d’ange<br />

Daniel Gastaud est peintre et photographe. Mais depuis 1997, il a troqué la peinture<br />

pour un matériau beaucoup plus volatile… Un fond de plumes blanches ou colorées collées<br />

sur Plexiglas dans lequel il incruste des projections photographiques, composant une œuvre<br />

sérielle sur la transpar<strong>en</strong>ce, l’évanesc<strong>en</strong>ce. Un hymne à la féminité, mystérieuse et sculpturale,<br />

à (re)découvrir à la galerie Huit à l’occasion de la manifestation Drôles de Noëls.<br />

M.G.-G.<br />

Continuum…<br />

Daniel Gastaud<br />

jusqu’au 4 janvier<br />

Galerie Huit, Arles<br />

06 82 04 39 60<br />

Sur les pas de César<br />

Une exposition (César, le Rhône pour mémoire au Musée départem<strong>en</strong>tal<br />

Arles antique) + une publication (un livre d’art sci<strong>en</strong>tifique plus qu’un<br />

catalogue) + un itinéraire touristique et culturel (Sur les pas de César<br />

proposé par le Comité régional de tourisme)... Ces «fragm<strong>en</strong>ts de<br />

mémoire» aiguis<strong>en</strong>t la curiosité du public invité à faire étape dans 11 villes,<br />

27 musées d’archéologie et d’histoire et 19 sites gallo-romains, du Rhône<br />

à la Méditerranée… Même les inconditionnels de l’art contemporain seront<br />

bluffés par l’exposition qui intègre le regard critique de l’artiste Mark Dion<br />

sur le musée, ses collections et le travail des archéologues.<br />

M.G.-G.<br />

César, le Rhône pour mémoire<br />

Musée départem<strong>en</strong>tal Arles antique<br />

jusqu’au 19 septembre 2010<br />

www.arles-antique.cg13.fr<br />

Nocturnes-Sans titre#1<br />

© Mireille Loup<br />

Sur les pas de César © Musée archéologique Fréjus


Ligne de crete, Mario Prassinos © X-D.R<br />

29<br />

Ligne de crête<br />

Mario Prassinos disait souv<strong>en</strong>t à propos des Alpilles «ce pays me dissèque<br />

l’âme». Installé à Eygalières sur un coup de cœur qui dura de 1951<br />

au 23 octobre 1985, date de sa mort, l’artiste a <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>u une liaison<br />

particulière avec le paysage jusqu’à annoter sur son électrocardiogramme<br />

«mon cœur dessine le profil des collines»…<br />

À Aubagne, la Chapelle des Pénit<strong>en</strong>ts noirs fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre battre son cœur<br />

à travers une série d’œuvres sur papier, Les Alpilles,<br />

où la colline et le ciel ne font qu’un.<br />

M.G.-G.<br />

Ligne de crête<br />

Mario Prassinos<br />

jusqu’au 21 février<br />

Chapelle des Pénit<strong>en</strong>ts Noirs, Aubagne<br />

04 42 18 19 15<br />

L’art du trader<br />

Cédric Mnich connaît bi<strong>en</strong> le domaine de la finance et de ses marchés. Il y travaille.<br />

Et <strong>en</strong> dehors de ses heures de boulot, il t<strong>en</strong>te une réflexion personnelle pour construire<br />

une esthétique inspirée des icônes d’un milieu dont il condamne les excès.<br />

Greed Brothers est une de ses allusives fictions. Il faut aussi savoir investir dans l’art.<br />

Dans la foulée l’expo suivante sera collective et sur le dessin, qui a de plus <strong>en</strong> plus la côte.<br />

C. L.<br />

Batim<strong>en</strong>t de surveillance des crues, Saleilles, 2009 © Philippe Domergue<br />

Santons sur l’appui<br />

Bernard Plasse plaiderait-il subitem<strong>en</strong>t pour un art odieusem<strong>en</strong>t non contemporain, de surcroît<br />

réputé bi<strong>en</strong> ringard ? Est-ce un retour à la tradition de fin d’année, Noël, crèche et navettes ?<br />

Ou bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> période de crise, une possible reconversion ? Au vu des artistes invités, la démarche<br />

au pied d’argile échappe au traditionnel lourdaud : J.J. Ceccarelli, F. Clavère, A. Domagala,<br />

P. Klem<strong>en</strong>siewicz, Mijares, S. R<strong>en</strong>o, L. Septier… C’est comme vous le santon.<br />

C.L.<br />

In greed we trust/ En la cupidité nous croyons<br />

Cédric Mnich<br />

jusqu’au 2 janvier<br />

Dessine-moi…<br />

jusqu’au 27 février<br />

Saffir, galerie nomade, Marseille<br />

06 03 40 76 92<br />

www.saffirgaleri<strong>en</strong>omade.blogspot.com Buy<br />

© Cedric Mnich<br />

Faux semblants<br />

Les galeries Martagon (Malaucène) et Annie Lagier (L’Isle sur la Sorgue) propos<strong>en</strong>t<br />

une sélection commune de photographes jouant avec les appar<strong>en</strong>ces de l’image<br />

et ses multiples mirages : P. Domergue, C. Fuillet, J-C Guillaumon, M-F. Lejeune, F. Nakache,<br />

B. Pras, G. Rousse, H. Ufr<strong>en</strong>, W. Skonieczny, H. Silvester. La photo ne dévoile pas (toute)<br />

la vérité. Édition d’un portfolio de dix images format carte postale.<br />

C. L .<br />

Illusions photographiques<br />

jusqu’au 3 janvier<br />

www.galeriemartagon.com<br />

www.galerieannielagier.com<br />

Santons<br />

jusqu’au 3 janvier<br />

Galerie du Tableau, Marseille<br />

04 91 57 05 34<br />

http://galeriedutableau.free.fr<br />

Santon diable


30 CINÉMA AFLAM | FESTIVAL TOUS COURTS<br />

Que reste-t-il de nos espoirs ?<br />

Cette interrogation hante<br />

la plupart des films<br />

sélectionnés par AFLAM<br />

pour la semaine du cinéma<br />

algéri<strong>en</strong> qui s’est déroulée<br />

du 1 er au 6 décembre,<br />

aux Variétés<br />

En ouverture, deux films de Merzak Allouache,<br />

Omar Gatlato (1976) et Harragas<br />

(2009).<br />

1976 : une déc<strong>en</strong>nie après la libération<br />

de l’Algérie. Déjà, on n’écoute plus les<br />

récits de guerre <strong>en</strong>jolivés des anci<strong>en</strong>s<br />

combattants comme l’oncle d’Omar ; le<br />

cinéma d’édification nationale né <strong>en</strong> 1958<br />

dans les maquis laisse place à des œuvres<br />

plus critiques. T<strong>en</strong>dresse amusée du réalisateur pour son<br />

personnage, un petit fonctionnaire d’état à la vie aussi étriquée<br />

que ses chemises cintrées. Omar, le macho, n’osera<br />

pas approcher Selma, la femme dont il est tombé amoureux<br />

à travers ses confid<strong>en</strong>ces, <strong>en</strong>registrées sur une cassette<br />

tombée par hasard <strong>en</strong>tre ses mains. Elle restera fantasme,<br />

voix dématérialisée. Babel Oued est surpeuplé, les salaires<br />

sont maigres, mais Alger rit, la bière coule aux terrasses des<br />

bistrots et Omar cache ses chaussettes trouées sous des<br />

bottes pointues.<br />

2009 : Harragas, qui signifie «brûleurs», film témoignage,<br />

-«message pour l’Algérie et l’Europe» a précisé le réalisateur-<br />

raconte une traversée d’Algéri<strong>en</strong>s qui fui<strong>en</strong>t leur pays<br />

au péril de leur vie. Le propos est fort mais les images trop<br />

léchées et les personnages un peu stéréotypées. À<br />

l’inverse, le premier court métrage de Rachid Bouchareb,<br />

Peut-être la mer, <strong>en</strong> 1982, met <strong>en</strong> scène deux <strong>en</strong>fants de<br />

Trop court les courts !<br />

Le Festival Tous Courts qui s’est t<strong>en</strong>u à Aix du 30<br />

novembre au 6 décembre a permis au public de découvrir<br />

les pépites de cette 27 e édition parmi les dix<br />

programmes de la compétition.<br />

On y a retrouvé des «habitués» : Blandine L<strong>en</strong>oir qui<br />

prés<strong>en</strong>te L’Honneur de Robert, tourné avec un téléphone<br />

portable, sans grand intérêt et Katell Quillévéré<br />

qui continue à filmer l’adolesc<strong>en</strong>ce. Olivier Smolders<br />

poursuit sa réflexion sur les rapports <strong>en</strong>tre les images et<br />

la mort ; son dernier opus, Petite anatomie de l’image, a<br />

suscité quelques réactions parmi le public de lycé<strong>en</strong>s :<br />

on peut éprouver une véritable nausée <strong>en</strong> le voyant disséquer,<br />

écarteler, kaléidoscoper, reproduire à l’infini,<br />

telles des fractales, les images des écorchés de cire du<br />

musée de La Specola, à Flor<strong>en</strong>ce.<br />

Les courts reflèt<strong>en</strong>t la viol<strong>en</strong>ce du monde comme Cold<br />

grove de Mihàly Schwechtie qui met <strong>en</strong> scène deux<br />

ados marginaux, <strong>en</strong> Hongrie, vivant d’expédi<strong>en</strong>ts ou La<br />

Virée du Croate Dalibor Matanic, qui a obt<strong>en</strong>u le Prix<br />

spécial du Jury. Métaphore de la viol<strong>en</strong>ce morale faite<br />

aux femmes irani<strong>en</strong>nes, Rough Cut de Firouzeh<br />

Khosrovani a obt<strong>en</strong>u le prix Cinécourts.<br />

Viol<strong>en</strong>ce de la condition humaine, de notre société de<br />

Bobigny, d’origine algéri<strong>en</strong>ne, qui rêv<strong>en</strong>t d’aller voir la mer<br />

«de là-bas qui est si chaude !».<br />

Regard distancé…<br />

Entre les deux, les échecs d’un régime autocratique, la<br />

montée de l’intégrisme, une déc<strong>en</strong>nie de terreur, crise<br />

économique et politique… et exil de quelques cinéastes,<br />

attachés à leurs racines qui port<strong>en</strong>t sur leur histoire et la<br />

société algéri<strong>en</strong>ne un regard distancé sans concession<br />

variant approches et registres. Les Sacrifiés d’Okacha<br />

Touita (1982) <strong>en</strong>tre farce et tragédie, dérange <strong>en</strong> évoquant<br />

les luttes fratricides des Algéri<strong>en</strong>s à Paris de 1955 à 1962.<br />

La comédie satirique Mascarades de Lyes Salem (2007)<br />

théâtralise les m<strong>en</strong>songes d’un fanfaron du bled. Les baies<br />

d’Alger premier court métrage de Hassan Ferhani (2007)<br />

pr<strong>en</strong>d de la hauteur pour filmer toits et f<strong>en</strong>êtres de la<br />

capitale et capter avec malice des bribes de conversation.<br />

profit et de consommation avec l’inquiétant Next Floor<br />

du Canadi<strong>en</strong>, D<strong>en</strong>is Vill<strong>en</strong>euve, primé par le Jury<br />

Jeunes. Viol<strong>en</strong>ce dans la famille avec Beast de Lars<br />

Ar<strong>en</strong>dt ou The Fireflies de la Russe Olga Shebunyaeva<br />

que nous raconte un jeune garçon de onze ans.<br />

Viol<strong>en</strong>ce de la perte de l’innoc<strong>en</strong>ce avec La Harde de<br />

Kathy Sebbah, une partie de chasse initiatique,<br />

superbem<strong>en</strong>t filmée, primé par Fujifilm. Viol<strong>en</strong>ce de<br />

l’adolesc<strong>en</strong>ce meurtrie et meurtrière dans Écho du<br />

La Virée © Zoran Mikinčič-Budin 2008<br />

Mascarades de Lyes Salem<br />

Femmes…<br />

Les figures féminines s’impos<strong>en</strong>t. Les<br />

tisseuses de tapis du village sud-oranais<br />

de La citadelle de Mohamed Chouikh,<br />

victimes de rites archaïques et humiliants.<br />

La jeune Touchia du Cantique des femmes<br />

d’Alger de Rachid B<strong>en</strong>hadj qui, <strong>en</strong> pleine<br />

fièvre intégriste <strong>en</strong> 1991, malgré les pressions,<br />

veut témoigner d’un viol subi le jour<br />

de la libération du pays, vingt ans auparavant.<br />

Et bi<strong>en</strong> sûr, Louisa dans Bled<br />

number one de Rabah Ameur Zaïmeche,<br />

bouleversante Meriem Serbah qui interprète<br />

un blues de Billie Holiday à l’asile de<br />

folles où l’ont m<strong>en</strong>ée le rejet de sa famille,<br />

l’impuissance de Kamel la France rev<strong>en</strong>u<br />

au bled, et son obstination à vouloir chanter<br />

malgré l’interdiction de son mari.<br />

En pleine ébullition<br />

Dans les matins dés<strong>en</strong>chantés rest<strong>en</strong>t les rêves <strong>en</strong>têtés<br />

des hommes et des femmes, la volonté de réaliser des<br />

films, d’interroger prés<strong>en</strong>t et passé, la pluralité des voix et<br />

des regards, la vitalité du désir des artistes comme on a<br />

pu le constater lors de la r<strong>en</strong>contre au Polygone Etoilé qui<br />

a réuni Farouk Beloufa, le réalisateur de Nahla et de<br />

jeunes créateurs, producteurs, organisateurs de R<strong>en</strong>contres<br />

et de Festivals <strong>en</strong> Algérie. Les échanges, passionnants,<br />

ont permis de dresser un état des lieux, d’évoquer les<br />

projets, écoles de cinéma, résid<strong>en</strong>ces d’artistes, les difficultés,<br />

les rapports des jeunes cinéastes avec leurs<br />

«anci<strong>en</strong>s» et les institutions.<br />

ÉLISE PADOVANI ET ANNIE GAVA<br />

Polonais Magnus Von Horn, où on assiste à la reconstitution<br />

du crime commis par deux garçons sur une<br />

jeune fille et à la confrontation avec ses par<strong>en</strong>ts :<br />

terrible! Le jury auquel participait Laur<strong>en</strong>t Lafran (voir<br />

ci contre) lui a attribué le Grand Prix.<br />

Le public, lui, a préféré un film plus léger au titre énigmatique,<br />

Bretelles, Pudding et Herbes Hautes de Simon<br />

Lahmani : dans un parc surréaliste, sur un banc vert,<br />

défil<strong>en</strong>t des anonymes qui confi<strong>en</strong>t leurs amours ou…<br />

leur mort. Le prix de la meilleure musique originale a été<br />

décerné à Ils se sont tus de K. B<strong>en</strong>aissa et S. Messaoud.<br />

Quant aux nouveaux prix des télévisions, ce<br />

sont L’Âge adulte de Pierre Daignière, tourné à<br />

Aubagne, et Beast de Lars Ar<strong>en</strong>dt qui les ont obt<strong>en</strong>us.<br />

Et les <strong>en</strong>fants ? Ils ont choisi Le petit Dragon de Bruno<br />

Collet, une variation autour de Bruce Lee, et une<br />

réflexion sur le dev<strong>en</strong>ir du jouet.<br />

ANNIE GAVA


Le 17 décembre à 20h00, le FIDMarseille et le cinéma<br />

Variétés propos<strong>en</strong>t le docum<strong>en</strong>taire d’Olivier Zuchuat,<br />

Au loin des villages. En avril 2006, 13 000 personnes de<br />

l’ethnie Dajo, survivants de la guerre du Darfour, se réfugi<strong>en</strong>t<br />

dans la plaine de Gouroukoun, à l’Est du Tchad, et y<br />

construis<strong>en</strong>t un camp. Olivier Zuchuat y a passé quelques<br />

mois et a filmé cette survie, donnant la parole aux réfugiés.<br />

La r<strong>en</strong>contre avec le réalisateur sera animée par Jean-<br />

Pierre Rehm, délégué général du FID<br />

04 95 04 44 90<br />

www.fidmarseille.org<br />

LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE<br />

Les R<strong>en</strong>dez-vous d’Annie<br />

Les mardis de la Cinémathèque propos<strong>en</strong>t, le 12 janvier, Landru de Claude Chabrol dont le scénario<br />

et les dialogues sont de Françoise Sagan avec Charles D<strong>en</strong>ner, Michèle Morgan, Danielle Darrieux,<br />

Stéphane Audran, Marie Marquet, Raymond Qu<strong>en</strong>eau et Jean-Pierre Melville. Le 19 janvier ce sera La<br />

Jeune fille de Buñuel.<br />

La Cinémathèque de Marseille<br />

04 91 50 64 48<br />

www.cinememoire.net<br />

Entre Sirk et Moretti<br />

L’Institut de l’Image d’Aix finit l’année 2009 avec Douglas Sirk puisque la<br />

programmation se poursuit jusqu’au 22 décembre ; l’occasion de (re)voir Celui<br />

par qui le scandale arrive, Elle et lui, La Fille sur la balançoire, Le Temps d’aimer et<br />

le temps de mourir et Tout ce que le ciel permet.<br />

L’année 2010 démarre avec Nanni Moretti. De Je suis un autarcique, tourné <strong>en</strong><br />

super 8 <strong>en</strong> 1975 à Le Caïman <strong>en</strong> 2006,<br />

Palombella rossa de Nani Moretti<br />

on pourra voir une douzaine de films<br />

de ce réalisateur pour qui «tout est<br />

politique, surtout ce qui est personnel».<br />

Chaque séance du samedi 16 janvier<br />

sera animée par Eug<strong>en</strong>io R<strong>en</strong>zi qui a<br />

été rédacteur aux Cahiers du cinéma et<br />

a publié Entreti<strong>en</strong>s avec Nanni Moretti<br />

(Editions des Cahiers du cinéma, 2008).<br />

04 42 26 81 82<br />

www.institut-image.org<br />

Au loin des villages d'Olivier Zuchuat<br />

Revoir l’année<br />

Du 20 au 26 janvier se ti<strong>en</strong>t le festival<br />

AFCAE - Télérama. Comme douze<br />

cinémas de la région, l’Alhambra Ciné<br />

Marseille vous donne l’occasion de voir<br />

les films que vous avez «loupés» ou que<br />

vous avez <strong>en</strong>vie de revoir : Welcome de<br />

Philippe Lioret, Harvey Milk de Gus<br />

CINÉMA<br />

31<br />

Le 17 décembre à 20h, l’association<br />

Cinépage propose au Cinéma Prado,<br />

à Marseille, Lettres d’Iwo Jima de Clint<br />

Eastwood, suivi d’un débat. Un film sur<br />

le débarquem<strong>en</strong>t des Américains au<br />

Japon, qui raconte les mêmes événem<strong>en</strong>ts<br />

que La Mémoire de nos pères,<br />

<strong>en</strong> adoptant le point de vue de soldats<br />

et d’officiers japonais.<br />

Cinépage<br />

04 91 85 07 17<br />

Le 20 décembre à 18h30, au Daki Ling, projection de En<br />

Catalogne, Pascal Comelade de Jean François Comminges,<br />

<strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec Videodrome et le GRIM.<br />

Daki Ling, le Jardin des Muses<br />

04 91 33 45 14<br />

www.dakiling.com<br />

Welcome de Philippe Lioret © Film Distributions<br />

Van Sant, Mary et Max d’Adam Elliot,<br />

Irène d’Alain Cavalier, Still walking de<br />

Hirokazu Koreeda, Les Herbes folles<br />

d’Alain Resnais, Vincere de Marco<br />

Bellocchio…<br />

Pour connaître le programme, contactez<br />

les salles de votre ville : à Aix, Le<br />

R<strong>en</strong>oir et Le Mazarin ; à Apt, le César ;<br />

à Briançon, l’Ed<strong>en</strong> Studio ; à Forcalquier,<br />

Le Cinématographe ; à Gardanne,<br />

Le 3 Casino ; à Manosque, le Lido ; à<br />

Nîmes, Le Sémaphore ; à Pertuis, Le<br />

Lubéron ; à Toulon, Le Royal ; à Vaison-la-Romaine,<br />

le Palace.<br />

Alhambra Ciné Marseille<br />

04 91 46 02 83<br />

www.alhambracine.com


32 CINÉMA STELLA | ICI | PORTRAIT DE LAURENT LAFRAN<br />

Un amour<br />

Si l’association MPPM n’a pu, <strong>en</strong> avril<br />

2008, faute de subv<strong>en</strong>tion suffisante,<br />

mettre <strong>en</strong> place le festival Reflets, elle<br />

n’a pas pour autant cessé ses activités.<br />

Un des derniers films qu’elle a prés<strong>en</strong>té<br />

<strong>en</strong> avant-première au cinéma Variétés le<br />

20 nov, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de son réalisateur,<br />

a été fort apprécié du public.<br />

À juste titre. Strella est <strong>en</strong> effet un film<br />

fort dérangeant, une véritable tragédie<br />

grecque. Panos H. Koutras ayant demandé<br />

qu’on ne déflore pas le sujet du<br />

film pour que les spectateurs arriv<strong>en</strong>t<br />

«vierges» à la projection, on n’<strong>en</strong> dira<br />

ri<strong>en</strong>… Cette histoire d’amour <strong>en</strong>tre Strella,<br />

une transsexuelle qui chante comme<br />

la Callas, et Yiorgos, qui vi<strong>en</strong>t juste de<br />

sortir de prison après quinze ans d’incarcération<br />

pour meurtre, r<strong>en</strong>voie aux<br />

mythes de la Grèce antique. Strella est<br />

interprétée magistralem<strong>en</strong>t par une<br />

jeune transsexuelle, Mina Orfanou,<br />

tout juste arrivée de Rhode : elle n’était<br />

allée que deux fois dans sa vie au cinéma<br />

et n’avait aucune idée de ce qu’était<br />

un tournage. Panos H. Koutras a eu<br />

du mal à trouver un acteur pour jouer le<br />

rôle de Yiorgos, les préjugés sur les<br />

transsexuels étant t<strong>en</strong>aces! C’est<br />

Yiannis Kokiasm<strong>en</strong>os, le mari de la<br />

monteuse des ses films précéd<strong>en</strong>ts,<br />

Strella de Panos H. Koutras © Orphee Emirzas<br />

qui, adorant le scénario, a accepté ;<br />

tout comme les autres acteurs du film,<br />

<strong>en</strong> particulier les transsexuels qui jou<strong>en</strong>t<br />

dans le film, il se donne corps et âme.<br />

La scène où Strella et Yiorgos s’accept<strong>en</strong>t<br />

physiquem<strong>en</strong>t est superbem<strong>en</strong>t<br />

éclairée, et d’une beauté troublante. Il<br />

est rare de voir des films grecs <strong>en</strong><br />

France. Laissez- vous déranger par<br />

celui-là !<br />

ANNIE GAVA<br />

E la nave va….<br />

Du 20 au 27 nov, l’Institut Culturel Itali<strong>en</strong><br />

de Marseille a prés<strong>en</strong>té comme<br />

chaque année un panorama de la production<br />

cinématographique itali<strong>en</strong>ne,<br />

<strong>en</strong> particulier les films primés au Festival<br />

d’Annecy. Prés<strong>en</strong>té par J. C. Mirabella,<br />

le film de Giuseppe Piccioni, Giulia non<br />

esce la sera est un film ambitieux, formellem<strong>en</strong>t<br />

réussi tant au niveau de la<br />

photographie que du montage et de<br />

l’interprétation. Alors pourquoi n’éprouve-t-on<br />

que peu d’émotion ? Peut-être<br />

parce que Piccione, abordant beaucoup<br />

de sujets, se disperse un peu : le film<br />

parle de la difficulté à communiquer, de<br />

l’éclatem<strong>en</strong>t de la famille, de l’impasse<br />

de la création, des difficultés de la maternité,<br />

de la solitude de l’être humain.<br />

Resteront de magnifiques scènes dans<br />

et au bord de la piscine, et la superbe<br />

interprétation de Valeria Golino.<br />

En revanche La Bella G<strong>en</strong>te, le deuxième<br />

film d’Ivano de Matteo prés<strong>en</strong>t à l’Institut,<br />

a un propos qui interpelle et r<strong>en</strong>voie<br />

chacun à sa propre hypocrisie. L’idée<br />

lui est v<strong>en</strong>ue lors d’une soirée chez des<br />

amis, intellectuels de gauche, qui discutai<strong>en</strong>t,<br />

<strong>en</strong>tre la poire et le fromage, de<br />

jeunes immigrées qui se prostituai<strong>en</strong>t<br />

tout près de leur maison de campagne.<br />

C’est ainsi que sont nés les<br />

NOM : Laur<strong>en</strong>t LAFRAN<br />

Profession : ingénieur du son<br />

Signes particuliers : passeur «politiquem<strong>en</strong>t concerné»<br />

Ce qui saute aux oreilles dès qu’on aborde Laur<strong>en</strong>t,<br />

c’est sa simplicité et son <strong>en</strong>vie de transmettre sa<br />

passion, l’amour de son métier… Peut-être parce des<br />

g<strong>en</strong>s l’ont un jour écouté, lui. Après des études un<br />

peu chaotiques, c’est l’amour de l’outil, du bricolage<br />

qui a sauvé Laur<strong>en</strong>t Lafran. «J’étais incapable de me<br />

conc<strong>en</strong>trer. Issu d’une famille de manuels, j’avais <strong>en</strong>vie<br />

de capter, d’écouter et c’est très jeune, dès 11/12 ans<br />

que j’ai comm<strong>en</strong>cé à faire des <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts.» En<br />

terminale, il fait le mur pour aller voir un film et, r<strong>en</strong>voyé<br />

de l’internat, il décide qu’il ne peut que réussir<br />

son bac pour ne pas revivre une année au lycée. Puis<br />

c’est un IUT d’électronique. Plus tard, il fait un DESS<br />

«écriture et réalisation». «C’est le cinéma qui m’a<br />

sauvé» dit Laur<strong>en</strong>t. Clin d’œil à François Truffaut ?<br />

De ces années-là, il ne garde pas de très bons souv<strong>en</strong>irs,<br />

mais c’est peut-être là qu’est née son <strong>en</strong>vie de<br />

transmettre sa passion aux publics les plus larges<br />

possibles. Ce qu’il a fait à St-Louis du Sénégal, à Alger,<br />

à Lussas, à des adultes, à de jeunes <strong>en</strong>fants. «J’ai plaisir<br />

à transmettre le travail sonore pour essayer d’ouvrir<br />

les yeux des oreilles !»<br />

Deux r<strong>en</strong>contres ont marqué son parcours : celle de<br />

Luci<strong>en</strong> Bertolina, co-fondateur du Groupe de Musique<br />

Expérim<strong>en</strong>tale de Marseille, qui l’a am<strong>en</strong>é, adolesc<strong>en</strong>t<br />

à la parole : «Il m’écoutait et j’ai appris à écouter et à<br />

Laur<strong>en</strong>t Lafran © Eric Catarina-Cinemed<br />

personnages de Susanna (Monica<br />

Guerritore) et Alfredo (Antonio Catania)<br />

: ils vont héberger Nadja, une jeune<br />

Ukraini<strong>en</strong>ne (Victoria Larchk<strong>en</strong>ko)<br />

qui se prostitue au bord de la route. Mais<br />

l’arrivée du fils et sa liaison avec la «pute»<br />

vont remettre Nadja sur la route… Le<br />

film n’a pas <strong>en</strong>core de distributeur <strong>en</strong><br />

France. Souhaitons à Ivano de<br />

Matteo d’<strong>en</strong> trouver un pour donne<br />

une chance à ce film qui le mérite.<br />

ANNIE GAVA<br />

La bella g<strong>en</strong>te © Franco Origlia<br />

faire de vraies phrases. Toi, tu as besoin du geste, m’at-il<br />

dit ! Il m’a tout appris <strong>en</strong> me laissant faire et <strong>en</strong> étant<br />

proche.»<br />

La deuxième r<strong>en</strong>contre charnière est celle de Malek<br />

Hamzaoui : il lui a permis de connaitre Robert Guédiguian<br />

et Humbert Balsan qui l’a fait travailler sur<br />

des films intéressants comme Les Equilibristes de<br />

Nikos Papatakis, Samia de Philippe Faucon, Interv<strong>en</strong>tion<br />

divine d’Elia Suleyman. «Avec Robert, c’est<br />

20 ans de collaboration et 13 films !».<br />

Laur<strong>en</strong>t est exigeant. C’est sa r<strong>en</strong>contre à Paris avec<br />

Pierre Schaeffer, Michel Chion et la musique<br />

concrète qui a transformé sa vision du son. «Il s’agit de<br />

mettre <strong>en</strong> scène des ambiances et pour qu’un ambiance<br />

soit montable, il faut qu’elle soit juste. Mais ce<br />

n’est pas une démarche naturaliste. Mon travail consiste<br />

à donner une retranscription du réel, à travers de la<br />

matière sonore.»<br />

Ses mom<strong>en</strong>ts d’émotion ? Quand il a <strong>en</strong>registré les<br />

grands acteurs comme Jean Marais, Michel Bouquet<br />

ou Michel Piccoli…<br />

Et son plaisir ? Réussir à accompagner le metteur <strong>en</strong><br />

scène jusqu’au bout de son projet. «Le film est une<br />

traversée ; on connaît l’itinéraire, un peu l’équipage mais<br />

pour le reste on ne sait ri<strong>en</strong> !»<br />

ANNIE GAVA


Noël à la Perrault !<br />

Pour les fêtes de fin d’année l’Opéra de Marseille affiche un<br />

délicieux conte de fée lyrique : C<strong>en</strong>drillon de Mass<strong>en</strong>et<br />

Non ! Ce n’est pas la C<strong>en</strong>er<strong>en</strong>tola de<br />

Rossini que Maurice Xiberras programme<br />

pour le «bout d’an» au théâtre<br />

lyrique de la Place Reyer, mais un opéra<br />

<strong>en</strong> français, égalem<strong>en</strong>t tiré du conte<br />

de Perrault ! C<strong>en</strong>drillon de Mass<strong>en</strong>et a<br />

connu un succès considérable après<br />

sa création <strong>en</strong> 1899. Depuis son passage<br />

à Marseille (<strong>en</strong> 1901 !), il n’y a<br />

jamais été rejoué ! L’œuvre connaît<br />

cep<strong>en</strong>dant un vif succès de par le monde,<br />

non seulem<strong>en</strong>t à cause de sa facture<br />

musicale émin<strong>en</strong>te (10 ans après Manon<br />

Mass<strong>en</strong>et était au sommet de son art),<br />

mais aussi de par l’intérêt que les metteurs<br />

<strong>en</strong> scène actuels trouv<strong>en</strong>t à<br />

revisiter le récit à la lumière de l’histoire<br />

contemporaine.<br />

C’est le cas du couple R<strong>en</strong>aud Doucet<br />

(mise <strong>en</strong> scène et chorégraphie) et<br />

André Barbe (décors et costumes)<br />

pour cette production de l’Opéra de<br />

Montréal. C’est que dans une société<br />

matérialiste mue par les appar<strong>en</strong>ces<br />

et le pouvoir de l’arg<strong>en</strong>t, la quête du<br />

Prince Charmant et du véritable amour<br />

demeur<strong>en</strong>t ! Face à des idées progressistes<br />

d’émancipation féminine <strong>en</strong><br />

particulier, la fascination pour les princes<br />

persiste, comme une posture ancrée<br />

dans les valeurs passées... On a hâte<br />

de découvrir notre héroïne <strong>en</strong>tourée<br />

d’appareils ménagers, symboles d’une<br />

société de consommation avide de progrès<br />

dans les années 1950, ses deux<br />

sœurs <strong>en</strong> fashion victims, ou la fée<br />

cathodique…<br />

Le rôle titre est t<strong>en</strong>u par une mezzo<br />

franco-canadi<strong>en</strong>ne très prometteuse,<br />

Julie Boulianne, alors que le Prince<br />

est chanté par le jeune ténor mozarti<strong>en</strong><br />

Frédéric Antoun. On a plaisir à<br />

retrouver égalem<strong>en</strong>t Marie-Ange Todorovitch<br />

et François le Roux dirigés<br />

par Cyril Diederich.<br />

JACQUES FRESCHEL<br />

C<strong>en</strong>drillon<br />

Les 23, 29 et 31 déc. à 20h<br />

et les 27 déc. et 3 janv. à 14h30<br />

Opéra de Marseille<br />

04 91 55 11 10<br />

www.marseille.fr<br />

Sommets belcantistes<br />

Au Tyrol, la vivandière Marie, <strong>en</strong>fant abandonnée, est<br />

recueillie par un régim<strong>en</strong>t français. Aimée du jeune paysan<br />

Tonio qui s’<strong>en</strong>rôle dans l’armée pour elle, La Fille du régim<strong>en</strong>t<br />

s’avère être <strong>en</strong> réalité celle d’une marquise ! Mais<br />

Julie Boulianne © D<strong>en</strong>is Kwan<br />

© F. Par<strong>en</strong>zan<br />

OPÉRA<br />

Pagnol à l’opéra<br />

MUSIQUE<br />

33<br />

On se souvi<strong>en</strong>t de la création marseillaise de Marius et Fanny<br />

de Vladimir Cosma avec Gheorghiu et Alagna. L’Opéra d’Avignon<br />

repr<strong>en</strong>d l’opus avec la seconde distribution de 2007<br />

Vladimir Cosma a composé des c<strong>en</strong>taines<br />

de musiques pour le cinéma ou<br />

la télévision. On a <strong>en</strong> mémoire les thèmes<br />

du Grand blond, de Rabbi Jacob,<br />

Diva, La Boum, L’As des as, La Gloire<br />

de mon père, Le Château de ma mère…<br />

Son unique opéra est mu, dès le lever<br />

du rideau, par une veine populaire.<br />

Au rythme cad<strong>en</strong>cé d’un cinq temps<br />

asymétrique, la foule se masse sur le<br />

Vieux-Port, aux pieds de grandes caisses<br />

de bois <strong>en</strong> partance pour des contrées<br />

exotiques… Le clocher des Accoules<br />

pointe <strong>en</strong>tre les mâts des navires dans<br />

le décor «couleur locale» de Dominique<br />

Pichou. Honorine ti<strong>en</strong>t son stand de<br />

poisson, Panisse et Escartefigue jou<strong>en</strong>t<br />

aux cartes, bi<strong>en</strong>tôt rejoints par Monsieur<br />

Brun. César (inénarrable Jean-Philippe<br />

Lafont) pique un «pénéqué», alors que<br />

Marius (Sébasti<strong>en</strong> Guèze), qui sert<br />

au Bar de la Marine… <strong>en</strong> pince pour la<br />

jolie Fanny (Kar<strong>en</strong> Vourc’h) !<br />

elle doit appr<strong>en</strong>dre les «bonnes manières» et choisir un<br />

parti aristocratique… L’histoire, délicieusem<strong>en</strong>t naïve, n’a<br />

d’autre pertin<strong>en</strong>ce que celle du divertissem<strong>en</strong>t. Son intérêt<br />

réside dans les qualités théâtrale et vocale de la soprano<br />

et le fameux air aux neuf contre-ut qui scella autrefois les<br />

succès d’Alfredo Kraus ou Pavarotti… et celui aujourd’hui<br />

de Juan Diego Florez ! Les abonnés nîmois profit<strong>en</strong>t de<br />

deux représ<strong>en</strong>tations de l’opéra le plus français de Donizetti,<br />

à Montpellier, dans une production du Teatro Verdi<br />

de Trieste, avec Monica Tarone et Manuel Nuñez Camelino.<br />

J.F<br />

La Fille du Régim<strong>en</strong>t<br />

Le 27 déc à 15h et le 29 déc à 20h<br />

Opéra Comédie de Montpellier<br />

(aussi les 3, 5 et 7 janv.<br />

dans le cadre de la saison montpelliéraine)<br />

Théâtre de Nîmes<br />

04 66 36 65 00<br />

www.theatred<strong>en</strong>imes.com<br />

Marius et Fanny - La partie de cartes © X-D.R<br />

La comédie s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>tale de Pagnol<br />

est adroitem<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>ue par des<br />

effets symphoniques légers et tournoyants,<br />

obstinés et percutants : le<br />

rire et le pathos sont au r<strong>en</strong>dez-vous!<br />

De surcroît, Marius et Fanny est un<br />

véritable opéra, avec une ouverture,<br />

du récitatif continu, des leitmotivs…<br />

et des ficelles de métier, comme des<br />

aigus judicieusem<strong>en</strong>t placés à l’issue<br />

des airs, quelque habile cad<strong>en</strong>ce a<br />

cappella et deux finals rondem<strong>en</strong>t<br />

conduits… De quoi susciter l’<strong>en</strong>thousiasme<br />

du public <strong>en</strong> Avignon !<br />

J.F<br />

Marius et Fanny<br />

Le 31 déc et 5 janv à 20h30<br />

et le 3 janv. à 14h30<br />

Opéra-Théâtre d’Avignon<br />

04 90 82 81 40<br />

www.mairie-avignon.fr<br />

Bis repetita<br />

Reprise de la nouvelle production de<br />

Carm<strong>en</strong> pour la fin 2009, un mois<br />

après les représ<strong>en</strong>tations de novembre<br />

(voir p.37). Le chef-d’œuvre<br />

populaire de Georges Bizet retrouve<br />

les planches de l’Opéra de Toulon<br />

avec ses grands airs : L’amour est <strong>en</strong>fant<br />

de Bohème par la mezzo-soprano<br />

Giuseppina Piunti, Toréador <strong>en</strong> garde<br />

par le baryton Franco Pomponi et La<br />

fleur que tu m’avais jetée par le ténor<br />

Roman Shulackoff !<br />

J.F<br />

Carm<strong>en</strong><br />

Les 29 & 31 déc. à 20h<br />

Opéra de Toulon<br />

04 94 92 70 78<br />

www.operadetoulon.fr


34 MUSIQUE CONCERTS<br />

Grands r<strong>en</strong>dez-vous<br />

L’année 2009 se termine à Aix par un<br />

concert clôturant la session d’hiver de<br />

L’Orchestre Français des Jeunes. La<br />

phalange dirigée par Kwamé Ryan,<br />

avec les fameuses Danses symphoniques<br />

de West Side Story et l’imposante<br />

2 e symphonie de Rachmaninov devrait<br />

une nouvelle fois faire la démonstration<br />

de son imm<strong>en</strong>se tal<strong>en</strong>t (le 22 déc).<br />

Au début 2010, Dominique Bluzet<br />

fixe trois r<strong>en</strong>dez-vous musicaux : <strong>en</strong><br />

sus de l’étrange spectacle musical et<br />

burlesque pour tout public Le Cabaret<br />

des Valises (le 15 janv, voir p 22), on<br />

att<strong>en</strong>d l’Hymne au soleil, concert conçu<br />

par les frères Belmondo (sax et trompette)<br />

réunissant le jazz à l’univers<br />

classique d’instrum<strong>en</strong>tistes de l’Orchestre<br />

de Radio France et revisitant Ravel<br />

ou Fauré (le 12 janv).<br />

C’est <strong>en</strong>fin un imm<strong>en</strong>se violoniste que<br />

l’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans le Concerto de Beethov<strong>en</strong>.<br />

Augustin Dumay est accompagné<br />

par l’Orchestre National de Lille (dir.<br />

Jean-Claude Casadesus) qui interprète<br />

égalem<strong>en</strong>t L’Oiseau de feu de<br />

Stravinsky et Ma mère L’Oye de Ravel<br />

(le 19 janv).<br />

J.F.<br />

Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce, Aix<br />

Concerts à 20h30<br />

04 42 91 69 69<br />

www.legrandtheatre.net<br />

Nativité<br />

La tournée traditionnelle des Chants de Noël 2009 se poursuit à travers le départem<strong>en</strong>t des Bouchesdu-Rhône.<br />

Ce sont des chants sacrés de la Nativité au Liban, avec la soprano Ghada Ghanem accompagnée<br />

par Talal Haidar à l’oud ou au piano, l’atmosphère recréée des veillées itali<strong>en</strong>nes par la Compagnie la<br />

Zebra ou un Noël Jazz par Accoules Sax & Cie. C’est peut-être près de chez vous, dans différ<strong>en</strong>ts quartiers<br />

de Marseille, à Salon, Miramas, Port-Saint-Louis-du-Rhône, Velaux, Le Puy-Sainte-Réparade, Aix-<strong>en</strong>-<br />

Prov<strong>en</strong>ce, Fos-sur-Mer, Rousset, Martigues… et c’est gratuit !<br />

Chants de Noël du CG13 Jusqu’au 23 déc. Entrée libre.<br />

Programme complet sur www.cg13.fr<br />

Solstice<br />

Le festival Nuits d’Hiver s’achève à Montévidéo par<br />

des concerts déclinant le thème «La musique, le<br />

mot, la voix». Au m<strong>en</strong>u : des musiques improvisées,<br />

électro-rock, ou acoustique, percussions, DJ set,<br />

docum<strong>en</strong>taires… (voir p 41). Déjà mûr, le GRIM<br />

achèvera donc sa tr<strong>en</strong>tième année dans la r<strong>en</strong>contre<br />

de toutes les musiques expérim<strong>en</strong>tales, actuelles<br />

et improvisées… Ne manquez pas Louis Sclavis (le<br />

16 déc), Raymond Boni (le 17), Symblêma (le<br />

18) ou, pour conclure, le Bel Canto Orchestra qui<br />

joue avec Pascal Pomelade (le 21)…<br />

MARSEILLE. Jusqu’au 21 déc.<br />

04 91 04 69 59 - www.grim-marseille.com<br />

Louis Sclavis © Christophe Alary<br />

><br />

Baroque<br />

Les Festes d’Orphée interprèt<strong>en</strong>t la Pastorale sur la<br />

naissance de N.S.J.C. du grand Marc-Antoine Charp<strong>en</strong>tier<br />

et un Noël «pour l’année 1743» d’un maître<br />

provincial ayant œuvré à Toulouse et Rodez (à<br />

découvrir) : Bernard Aymable Dupuy. Les textes <strong>en</strong><br />

français sont déclamés «à l’anci<strong>en</strong>ne» et les instrum<strong>en</strong>ts<br />

(copies d’époque) sont accordés au diapason<br />

baroque.<br />

AIX. Le 20 déc. à 15h à l’Eglise du Saint Esprit<br />

04 42 99 12 12 - www.concertsdaix.com<br />

Bulgares<br />

Polyphonies et chants sacrés de Bulgarie par le<br />

quatuor vocal féminin Balkanes.<br />

LES BAUX DE PROVENCE. Le 26 déc. à 16h30 –<br />

Entrée libre<br />

JADE/Cie : 04 91 52 90 45<br />

Couple<br />

Emmanuelle Bertrand (violoncelle) et Pascal<br />

Amoyel (piano) s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à la scène comme à la<br />

ville. Ils s’étai<strong>en</strong>t produits avec succès, il y a sept<br />

ans (déjà !), à la Société de Musique de Chambre<br />

de Marseille. Ils ont depuis acquis des titres de<br />

noblesse et revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans un programme de<br />

belles Sonates peu jouées de Saint-Saëns, Brahms<br />

et celle, superbe, <strong>en</strong> sol mineur de Chopin… pour<br />

inaugurer le bic<strong>en</strong>t<strong>en</strong>aire de sa naissance <strong>en</strong> 1810 !<br />

MARSEILLE. Le 5 janv. à 20h30<br />

à la Faculté de Médecine.<br />

Espace culture - 04 96 11 04 60<br />

Orchestre national de Lille © X-D.R.<br />

Grèce<br />

Angélique Ionatos et Katerina Fotinaki mêl<strong>en</strong>t<br />

leur voix et les cordes de leur guitare dans une<br />

musique imprégnée des racines grecques, moderne,<br />

sur une poésie <strong>en</strong> français nourrie par les mots des<br />

grands poètes hellènes.<br />

BRIANÇON. Le 8 janv. à 20h30<br />

Théâtre Le Cadran.<br />

04 92 25 52 52 - www.theatre-le-cadran.eu<br />

Russie<br />

Jacques Chalmeau connaît bi<strong>en</strong> la Russie pour y<br />

avoir longtemps dirigé un orchestre. En janvier, à<br />

la tête de l’Orchestre du Pays d’Aix, il met à l’honneur<br />

Tchaïkovski, Borodine, Moussorgski et Stravinsky<br />

au Puy Sainte-Réparade (le 8 janv à 20h30), Fuveau<br />

(le 9 à 18h), Saint-Cannat (le 10 à 17h), Simiane<br />

(le 15 à 20h30), Aix (le 16 à 20h30 – GTP), Rognes<br />

(le 17 à 18h), Pertuis (le 22 à 20h30, Peyrolles (le<br />

23 à 20h30, Les P<strong>en</strong>nes Mirabeau (le 24 à 17h30),<br />

Peynier (le 29 à17h). L’Orchestre des Pays d’Aix,<br />

placé dorénavant sous la férule du Grand Théâtre de<br />

Prov<strong>en</strong>ce et non plus de l’association Aix <strong>en</strong> musique,<br />

continuera donc de rayonner <strong>en</strong> Pays d’Aix, pour y<br />

produire ces concerts gratuits, grand public, de<br />

qualité, qui démocratis<strong>en</strong>t la musique symphonique<br />

auprès d’habitants désormais habitués à la visite…<br />

Et qui se déplaceront <strong>en</strong>suite jusqu’au grand théâtre<br />

pour y voir d’autres formations ?<br />

PAYS D’AIX. www.agglo-paysdaix.fr<br />

Opérette<br />

Passionném<strong>en</strong>t est une comédie musicale peu connue<br />

qui marque le retour, dans les Années Folles, d’André<br />

Messager au g<strong>en</strong>re léger dont Véronique avait scellé<br />

le succès un quart de siècle plus tôt. La musique est<br />

toujours très soignée chez ce musici<strong>en</strong> qui possédait<br />

une sci<strong>en</strong>ce très fine de l’écriture. Le livret<br />

signé Maurice H<strong>en</strong>nequin et Albert Willemetz est basé<br />

sur une intrigue amoureuse franco-américaine sur<br />

fond de business et de yacht à Deauville…<br />

AUBAGNE. Le 10 janv. à 17h au Théâtre Comœdia<br />

04 42 18 19 88 - www.aubagne.com


Hommage à Barbizet<br />

On est heureux d’appr<strong>en</strong>dre deux choses ! D’une part que<br />

l’association Marseille concerts, après des années de<br />

sommeil, se réveille grâce aux baisers princiers et<br />

conjoints de la direction du Théâtre du Gymnase et du<br />

Conseil Général des Bouches-du-Rhône. D’autre part qu’un<br />

hommage nécessaire et impérieux sera r<strong>en</strong>du au pianiste,<br />

pédagogue et ex-directeur du Conservatoire de Marseille<br />

Pierre Barbizet.<br />

À l’occasion du 20 e anniversaire de sa disparition brutale<br />

le 19 janvier 1990, alors qu’un livre paraît à sa mémoire<br />

(voir p 46), qu’on att<strong>en</strong>d un coffret anthologique de la<br />

maison de disques Lyrinx et un DVD produit par Les Films<br />

du Soleil, on ne manquera pas les deux concerts prévus sur<br />

la scène marseillaise.<br />

Des anci<strong>en</strong>s élèves, proches, amis, musici<strong>en</strong>s, pianistes ou<br />

Clarinette<br />

Paul Meyer se joint à l’orchestre Philharmonique<br />

de Marseille pour le Concerto n°1 de Weber. Gabriel<br />

Chmura dirige égalem<strong>en</strong>t l’«ouverture fantaisie»<br />

Roméo et Juliette de Tchaïkovski et la Suite n°2 de<br />

L’Oiseau de feu de Stravinsky.<br />

MARSEILLE. Le 10 janv. à 17h à l’Opéra<br />

04 91 55 11 10 - www.marseille.fr<br />

Paul Meyer © X-D.R.<br />

><br />

compositeurs se succèd<strong>en</strong>t : Pierre Pradier, Anne-Marie<br />

Ghirardelli, Marie-France Arakelian, Christiane<br />

Berlandini, Philippe Rombi, Nicolas Mazmanian,<br />

Edouard Exerjean (le 17 janv. à 15h), Evelina Pitti,<br />

Nathalie et Fabrice Lanoë, Frédéric Aguessy, Ludovic<br />

Amadeus Selmi, Bernard D’Ascoli, Philippe Giusiano,<br />

Laur<strong>en</strong>t Korcia et Thuy Anh Vuong… on espère même<br />

retrouver Hélène Grimaud <strong>en</strong> pleine forme (le 19 janv.<br />

à 20h30).<br />

JACQUES FRESCHEL<br />

MARSEILLE<br />

Théâtre du Gymnase<br />

0820 000 422<br />

www.lestheatres.net<br />

Vingt ans !<br />

Bruno Carella dirige l’Orchestre de l’Opéra dans le<br />

Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy et la<br />

7 e symphonie de Beethov<strong>en</strong>. La toute jeune violoniste<br />

russe Alexandra Soumm (20 ans !) se joint à la phalange<br />

varoise pour le fameux Concerto de Sibelius.<br />

TOULON. Le 14 janv. à 20h30 au Palais Neptune<br />

04 94 92 70 78 - www.operadetoulon.fr<br />

National<br />

A 23 ans, Jean-Frédéric Neuburger est déjà une<br />

valeur sûre du piano français. Virtuose émérite ayant<br />

<strong>en</strong>registré dès 16 ans l’intégrale des Etudes de<br />

Chopin, a vu <strong>en</strong> quelques années sa carrière exploser.<br />

On le retrouve pour un «Week-<strong>en</strong>d Musique française»<br />

au Méjan dans Ravel et Messia<strong>en</strong> <strong>en</strong> solo (le<br />

15 janv. à 20h30) et <strong>en</strong> formation de chambre<br />

pour Debussy et Chausson (le 17 janv. à 11h).<br />

ARLES. Chapelle du Méjan.<br />

04 90 49 56 78 - www.lemejan.com<br />

Vivaldi ?<br />

Les six Sonates op.13 d’«Il pastor fido» de Nicholas<br />

Chédeville, attribuées à tort à Vivaldi, sont jouées<br />

par Jean-Louis Beaumadier (piccolo) et le Concert<br />

Buffardin : Hervé Issartel (Basson), Christine<br />

Lecoin (clavecin), Catherine Villard (violoncelle)<br />

et Alexandre Regis (percussions) pour un de ces<br />

concerts intimes de Musique de chambre au Foyer.<br />

MARSEILLE. Le 16 janv. à 17h à l’Opéra<br />

04 91 55 11 10 - www.marseille.fr<br />

«Patkop»<br />

Dernièrem<strong>en</strong>t, la presse allemande s’est emballée pour elle : «son jeu est une gifle pour les nouvelles<br />

violonistes sur papier glacé» a-t-on lu dans Die Welt. Le phénomène Patricia Kopatchinskaja (surnom<br />

«Patkop» !) touche désormais la France ! Avec le pianiste turc Fazil Say, autre électron libre du circuit<br />

musical, la violoniste noue des li<strong>en</strong>s privilégiés. On les retrouve <strong>en</strong> duo dans la Sonate « A Kreuzer » de<br />

Beethov<strong>en</strong>, les Danses folkloriques roumaines de Bartok, la Sonate n°2 de Ravel et l’opus 7 de Say<br />

(himself !).<br />

AVIGNON. Le 12 janv. à 20h30<br />

Opéra-Théâtre<br />

04 90 82 81 40- www.mairie-avignon.fr<br />

><br />

35<br />

Pierre Barbizet © X-D.R<br />

1685<br />

Après une confér<strong>en</strong>ce «Nés la même année…1685»<br />

(le 13 janv. à 17h à la Bibliothèque l’Alcazar à<br />

Marseille) par les musici<strong>en</strong>s de l’<strong>en</strong>semble Baroques<br />

Graffiti, un cycle sur Bach, Ha<strong>en</strong>del et Scarlatti<br />

débutera par des Sonates du Kantor de Leipzig.<br />

Sharman Plesner (violon) et Jean-Paul Serra<br />

(pianoforte) se produiront à Marseille, Aix et Arles<br />

pour ce premier volet.<br />

AIX. Le 14 janv. à 18h & 20h30<br />

au Musée des Tapisseries.<br />

MARSEILLE. Le 15 janv. à 20h30<br />

à la Villa Magalone.<br />

ARLES. Le 22 janv. à 20h<br />

au Temple réformé.<br />

Jean-Louis Beaumadier © X-D.R.


36 MUSIQUE CONCERTS<br />

Quand le sonore<br />

s’honore…<br />

Une œuvre du répertoire telle que la Symphonie<br />

pastorale de Beethov<strong>en</strong> est tant de fois <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due<br />

qu’elle nécessite une interprétation exceptionnelle.<br />

Celle de l’orchestre de Montpellier, sans être terne,<br />

fut simplem<strong>en</strong>t agréable : le pupitre des cordes,<br />

démesuré par rapport aux bois, rompait un peu<br />

l’équilibre d’<strong>en</strong>semble, malgré les belles couleurs<br />

d’orchestre trouvées par Cristian Mandeal dans le<br />

3e mouvem<strong>en</strong>t, sonorités champêtres, à l’image de<br />

l’esprit de l’œuvre.<br />

Et Nicholas Angelich <strong>en</strong>tra <strong>en</strong> scène ! Le pianiste,<br />

avant même d’attaquer les premières notes du<br />

premier concerto pour piano de Brahms, mit<br />

l’orchestre à son diapason. L’énergie du premier<br />

mouvem<strong>en</strong>t, toute <strong>en</strong> fragilité, se cristallisa sous<br />

ses mains et absorba <strong>en</strong> son c<strong>en</strong>tre le reste de<br />

l’<strong>en</strong>semble ! L’adagio, avec ses mélodies acérées, à<br />

la limite de la rupture avec l’accompagnem<strong>en</strong>t,<br />

permit au pianiste d’étaler l’ét<strong>en</strong>due de sa palette<br />

sonore. Le maître inv<strong>en</strong>ta de nouveaux timbres,<br />

indicibles. Le bis, «le poète parle» de Schumann<br />

subjugua l’auditoire ! L’espace d’un instant le temps<br />

se mua <strong>en</strong> éternité…<br />

CHRISTOPHE FLOQUET<br />

Nicholas Angelich © Stephane de Bourgies<br />

Le combat des chefs<br />

Le quatuor Ebène défiait Beethov<strong>en</strong> dans l’<strong>en</strong>ceinte<br />

bondée du GTP. Chocs de matériaux ! Quand le bois<br />

noir et dur de l’ébène, du quatuor éponyme, se<br />

frotte à la minéralité des quatuors 7 et 14 de<br />

Beethov<strong>en</strong>, le résultat est sans appel : d’une<br />

brutalité cristalline et d’une t<strong>en</strong>dresse abrupte.<br />

L’homme de Bonn semble avoir délaissé dans ces<br />

pièces aux arêtes saillantes sa plume au profit du<br />

poinçon pour marquer du sceau de la modernité<br />

l’histoire du g<strong>en</strong>re. Les mélodies diatoniques,<br />

éparses, viol<strong>en</strong>tées par les assauts barbares des<br />

archets, courbèr<strong>en</strong>t l’échine, plièr<strong>en</strong>t sans rompre<br />

pour former un maillage d’une int<strong>en</strong>sité rare. Le<br />

quatuor, vif, complice, impétueux, délicat, fit<br />

sourdre tout l’univers schizoïde du compositeur<br />

allemand. La texture contrapuntique complexe du<br />

quatuor <strong>en</strong> ut dièse défila sous leurs doigts,<br />

sculptant l’espace sonore dans un ballet d’archets.<br />

Les deux œuvres du maître, sublimées par cette<br />

Vive l’opéra sans opéra<br />

(avec aussi, ceci dit) !<br />

L’opéra de Marseille a proposé des programmes pour<br />

le moins intéressants, hors opéra ! Côté musique de<br />

chambre au foyer (le 21 nov), les Musiques Latines<br />

pour voix et quatuor à cordes ; et côté Philharmonique,<br />

deux concerts mémorables : les suites 1 et<br />

2 adaptées de l’Arlési<strong>en</strong>ne de Bizet et la Symphonie<br />

Fantastique de Berlioz le 29 nov, et un programme<br />

itali<strong>en</strong> le 11 déc, respectivem<strong>en</strong>t sous la direction<br />

de Jean-Claude Casadesus et Claudio Scimone.<br />

L’irréprochable ténor Marc Terrazzoni l’avait annoncé<br />

: la soprano Garance Castanié, le Quatuor du<br />

Parvis et lui-même n’ont pas toujours l’occasion<br />

d’aborder un répertoire directem<strong>en</strong>t inspiré du folklore<br />

espagnol : les extraits de Zarzuelas de Torroba,<br />

Pablo Luna et Zorozábal fur<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant exécutés<br />

avec panache ! On reti<strong>en</strong>dra l’interprétation passionnée<br />

d’un extrait des Goyescas de Granados. Garance<br />

Castanié balançant parfois quant au ton à adopter,<br />

particulièrem<strong>en</strong>t difficile à trouver pour une interprète<br />

féminine : tantôt imprégné de musique populaire,<br />

tantôt très proche de l’opéra.<br />

Les Concerts Philharmoniques n’ont pas non plus déçu:<br />

quel plaisir d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre l’Arlési<strong>en</strong>ne aussi bi<strong>en</strong> m<strong>en</strong>ée!<br />

Que de sourires à l’<strong>en</strong>tracte, après la conclusion <strong>en</strong><br />

canon de la Marche des rois ! On fut égalem<strong>en</strong>t terrassés<br />

par la force de la Symphonie Fantastique.<br />

Quelques décalages dans les ral<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>ts et un<br />

certain manque de netteté dans les aigus côté violons,<br />

notamm<strong>en</strong>t ? Mais les montées d’int<strong>en</strong>sité fur<strong>en</strong>t<br />

r<strong>en</strong>dues à merveille par la puissance de Casadesus.<br />

La direction de Claudio Scimone, plus fantaisiste,<br />

s’est avérée brillante, malgré une certaine prise de<br />

risques. On fut étonné, lors de l’exécution du Concerto<br />

pour mandoline de Vivaldi, de ne le voir accorder que<br />

quelques regards au soliste Ugo Orlandi. On ne<br />

constata cep<strong>en</strong>dant pas de décalages ! Sans doute<br />

grâce à la cohésion de l’Orchestre Philharmonique,<br />

moins étoffé que deux semaines auparavant, qui<br />

s’est admirablem<strong>en</strong>t prêté au jeu. Il s’est un peu per-<br />

Quatuor Ebène © Juli<strong>en</strong> Mignot<br />

interprétation lumineuse, brill<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core dans<br />

l’<strong>en</strong>ceinte cristalline du Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce.<br />

CHRISTOPHE FLOQUET<br />

du, et on le compr<strong>en</strong>d, dans certains passages du<br />

Concerto pour Clavecin de Galuppi. L’interprétation,<br />

au clavier cette fois, de Claudio Scimone, s’avérait<br />

très pertin<strong>en</strong>te mais laissait peu de repères ! Admirable<br />

dans le baroque tout comme dans Boccherini<br />

et Cimarosa, le chef padouan a achevé le programme<br />

sur la Symphonie n°60 de Haydn, dite du Distrait,<br />

qu’il «interpréta», par <strong>en</strong>droits, <strong>en</strong> faisant mine de<br />

répondre au téléphone, de trop contempler sa<br />

violoniste… Ce plaisir évid<strong>en</strong>t et la complicité de<br />

l’Orchestre ont merveilleusem<strong>en</strong>t conclu le concert,<br />

et une année 2009 riche de bonnes surprises.<br />

SUSAN BEL<br />

Garance Castanié © X-D.R.


Une Carm<strong>en</strong> de plus...<br />

On ne prés<strong>en</strong>te plus l’opéra de Bizet tant il s’agit<br />

d’une œuvre lyrique parmi les plus jouées de par le<br />

monde. Sur le récit réaliste de Mérimée, drame passionnel<br />

se déroulant dans une Andalousie de carte<br />

postale, plus rêvée que réelle, le livret met <strong>en</strong> scène<br />

les contradictions de la passion et de la liberté, et<br />

le destin qui s’abat dans un final pathétique qui choqua<br />

le public lors de la première représ<strong>en</strong>tation <strong>en</strong><br />

1875.<br />

L’histoire peut paraître désuète, mais force est de<br />

constater que la musique n’a pas perdu sa saveur.<br />

Lors de la première de cette nouvelle production à<br />

l’opéra de Toulon, l’orchestre et les chœurs r<strong>en</strong>forcés<br />

pour l’occasion, réunis sous la baguette experte<br />

et pleine d’énergie de Giuliano Carella ont livré<br />

une version relevée de cette partition qui contrastait<br />

Romeo et prodige<br />

L’histoire de Roméo et Juliette est connue depuis le<br />

XVI e siècle, et bi<strong>en</strong> que magnifiée par Shakespeare<br />

il faut att<strong>en</strong>dre le XIX e siècle pour que l’œuvre devi<strong>en</strong>ne<br />

opéra : le mythe des amants éternels pr<strong>en</strong>d tout<br />

son s<strong>en</strong>s à l’époque Romantique où les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />

sont exaltés, et les compositeurs y trouv<strong>en</strong>t leur inspiration.<br />

Trois ouvrages se partag<strong>en</strong>t la scène : le<br />

Roméo et Juliette de Berlioz (1839), celui de<br />

Gounod (1867) et <strong>en</strong>fin Les Montaigu et Capulets de<br />

Vinc<strong>en</strong>zo Bellini sur un livret de Felice Romani<br />

d’après la pièce de Luigi Scevola.<br />

Cette tragédie lyrique <strong>en</strong> deux actes, représ<strong>en</strong>tée<br />

pour la première fois <strong>en</strong> 1830, s’inscrit dans la<br />

lignée du bel canto itali<strong>en</strong> : les mélodies sont simples,<br />

ornées par <strong>en</strong>droits, profondes.<br />

C’est dans une mise <strong>en</strong> scène aux décors et costumes<br />

évolutifs que cette nouvelle production a été créée<br />

<strong>en</strong> Avignon les 22 et 24 nov : Nadine Duffaut (mise<br />

<strong>en</strong> scène), Katia Duflot (costumes) et Emmanuelle<br />

Favre (décor) ont voulu que «des couleurs plus chaudes<br />

symbolisant des ruines r<strong>en</strong>aissance soi<strong>en</strong>t petit à<br />

petit recouvertes par l’univers du béton, jusqu’à ce que<br />

les toiles disparaiss<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t, remplacées par du<br />

béton <strong>en</strong>sanglanté…»<br />

Avec une distribution jeune et tal<strong>en</strong>tueuse, le jeu et<br />

la voix sublimes de Karine Deshayes interprétant<br />

Roméo, le drame a touché les cœurs jusqu’au bout,<br />

jusqu’à ce que «Le soleil se voile la face de douleur.<br />

Car jamais av<strong>en</strong>ture ne fut plus douloureuse que<br />

celle de Juliette et de son Roméo» (Shakespeare).<br />

Virtuose !<br />

Quelques jours plus tard, le 11 déc, c’est sous un tonnerre<br />

d’applaudissem<strong>en</strong>ts que s’est achevé le concert<br />

donné par l’Orchestre d’Avignon dans la grande<br />

salle du Tinel du Palais des Papes. Dans ce cadre<br />

somptueux fur<strong>en</strong>t jouées, <strong>en</strong> première partie, la<br />

Siegfried Idyll de Wagner, que le compositeur offrit<br />

à sa femme Cosima pour le Noël de l’année 1870,<br />

puis les Danses concertantes de Stravinski, créées<br />

<strong>en</strong> 1942 sous la direction du compositeur. De très<br />

belles œuvres, interprétées avec tal<strong>en</strong>t. Mais la<br />

seconde partie de soirée fut véritablem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>thousiasmante<br />

: le Concerto pour violon de Dvorak (1879)<br />

fut interprété avec fougue et brio par un jeune<br />

musici<strong>en</strong> tchèque, Pavel Sporcl : dans la salle, de nom-<br />

avec une mise <strong>en</strong> scène un peu statique, étriquée<br />

et manquant de théâtralité.<br />

Le constat est malheureusem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tique concernant<br />

la distribution vocale des deux rôles principaux:<br />

Giuseppina Piunti s’est acquittée de Carm<strong>en</strong> avec<br />

grâce mais sans l’audace nécessaire pour émouvoir<br />

l’auditoire tandis que Roman Shulackoff souffrait<br />

d’une diction très approximative du français qui r<strong>en</strong>dait<br />

les interv<strong>en</strong>tions de Don José inintelligibles et<br />

pénalisai<strong>en</strong>t ainsi la crédibilité du personnage. Heureusem<strong>en</strong>t<br />

les mélomanes pouvai<strong>en</strong>t se réjouir des<br />

seconds rôles dont la distribution était parfaite à<br />

l’image de la soprano Nathalie Manfrino éblouissante<br />

dans l’air de Micaëla au début du troisième<br />

acte.<br />

EMILIEN MOREAU<br />

breux lycé<strong>en</strong>s n’ont pu réprimer leur <strong>en</strong>thousiasme…<br />

qui s’ét<strong>en</strong>dit rapidem<strong>en</strong>t à l’<strong>en</strong>semble du public ! Le<br />

second bis qu’il donna confirma son tal<strong>en</strong>t et son<br />

son magnifique : les Caprices de Paganini ne pardonn<strong>en</strong>t<br />

pas, et font partie de ces rares pièces qui<br />

nécessit<strong>en</strong>t une grande virtuosité évid<strong>en</strong>te, mais<br />

qui ne se perd pas dans ses démonstrations. Pavel<br />

Bouquet romantique<br />

On dit souv<strong>en</strong>t que la musique conserve, que cette<br />

activité artistique <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t la jeunesse. À 82 ans,<br />

le chef d’orchestre Serge Baudo illustre l’adage.<br />

Certes, le geste n’a plus l’aisance d’antan, mais une<br />

direction pointilliste dans la 1 re symphonie de<br />

Beethov<strong>en</strong> s’est avérée, au final, d’une belle efficacité.<br />

L’Orchestre de l’Opéra de Toulon a dessiné<br />

avec clarté un matériel thématique empreint des<br />

vertus vi<strong>en</strong>noises, mais ouvrant des brèches dans<br />

l’esthétique classique. Pour ce travail estimable, les<br />

instrum<strong>en</strong>tistes ont recueilli une belle ovation… tout<br />

comme la pianiste Marie-Josèphe Jude après que<br />

les derniers accords du magnifique Concerto de<br />

Carm<strong>en</strong> a été jouée<br />

à l’opéra de Toulon<br />

les 27 et 29 nov<br />

et repris les 29 et 31 déc<br />

37<br />

© Frédéric Stephan<br />

© Cedric Delestrade-ACM-Studio<br />

Sporcl a trouvé <strong>en</strong> Avignon comme partout son<br />

public, et débute décidemm<strong>en</strong>t une belle carrière !<br />

CHRISTINE REY<br />

Schumann ont fini de résonner ! Son interprétation<br />

romantique, débarrassée d’alanguissem<strong>en</strong>ts parasites,<br />

a fait mouche, ainsi que dans l’émouvant<br />

Intermezzo op.118 n°2 de Brahms joué <strong>en</strong> bis.<br />

Quant au chambriste Siegfried Idyll wagnéri<strong>en</strong> placé<br />

<strong>en</strong> ouverture, <strong>en</strong> dépit d’une intimité avouée, il a<br />

sonné un peu froidem<strong>en</strong>t du fait d’une acoustique<br />

un brin sèche faisant se perdre <strong>en</strong> fond de scène les<br />

pupitres des v<strong>en</strong>ts.<br />

JACQUES FRESCHEL<br />

C’était au Palais Neptune<br />

le 3 déc. à Toulon


38 MUSIQUE CONCERTS<br />

Ha<strong>en</strong>del avait 20 ans<br />

L’Abbaye accueillait, <strong>en</strong> ce 43 e Festival,<br />

Martin Gester et une formation<br />

issue du Parlem<strong>en</strong>t de Musique qu’il<br />

dirige depuis 1990 : formation exceptionnelle,<br />

discographie étonnante. Un<br />

programme consacré au jeune compositeur<br />

aiguisant ses armes <strong>en</strong> Italie.<br />

Un premier Motet : O qualis de coelis<br />

sonus chanté par la soprano arg<strong>en</strong>tine<br />

Mariana Florès, rompue aux joutes<br />

baroques dans les Festivals les plus<br />

réputés (le redoutable Motezuma de<br />

Vivaldi à Mexico). Une voix souple,<br />

une vraie aisance dans les vocalises<br />

et les ornem<strong>en</strong>ts des passages Da Capo.<br />

Dans le Salve Regina, la soprano joue<br />

sur le mezza di voce avec beaucoup<br />

de s<strong>en</strong>sualité : note piano qui se r<strong>en</strong>force<br />

progressivem<strong>en</strong>t pour rev<strong>en</strong>ir à<br />

la nuance initiale, sur un magnifique<br />

tuilage des deux violons. L’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

est réalisé par Gilone Gaubert<br />

et Caroline Gerber, violons, ainsi que<br />

par le continuo Patrick Langot, vio-<br />

loncelle, et Martin Gester lui-même à<br />

l’orgue positif.<br />

Les passages fugués ou plus homophones,<br />

les variations de nuances et<br />

de caractères, dans le concerto pour<br />

orgue qui suit, démontr<strong>en</strong>t la grande<br />

Question de cadres ?<br />

Brillante matinée aux couleurs de l’Europe ! L’<strong>en</strong>semble de<br />

chambre des Solistes du Pays d’Aix, sous la direction de Noël<br />

Cabrita dos Santos, a transporté le public de Simiane. Interprétation<br />

<strong>en</strong>levée du double concerto pour flûtes <strong>en</strong> ré mineur<br />

de Doppler, avec Jean Marc Boissière et Stéphanie Alvado,<br />

le maître et l’anci<strong>en</strong>ne élève, dans un même élan et une belle<br />

complicité : belles notes t<strong>en</strong>ues, et mêmes respirations aussi<br />

dans le superbe duo avec la harpe de Sylvie Laforge. Les thèmes<br />

se crois<strong>en</strong>t, se nou<strong>en</strong>t avec finesse, élégance. Sur la nappe<br />

sonore sout<strong>en</strong>ue par les cors et les violoncelles les flûtes<br />

papillonn<strong>en</strong>t, un bébé répond dans la salle de ses gazouillis,<br />

harmonie… La jeune concertiste Mi Yong Lee dialogue avec<br />

l’orchestre, virtuosité spirituelle, espiègle, jeu délié, belles<br />

cad<strong>en</strong>ces, pour le concerto n° 9 <strong>en</strong> mi bémol majeur de Mozart.<br />

Enfin, le violon de Jeanne Christie et le piano d’Evelina Pitti<br />

servai<strong>en</strong>t le concerto de M<strong>en</strong>delssohn écrit pour leurs instrum<strong>en</strong>ts<br />

avec la maîtrise d’artistes au sommet de leur art, cette<br />

pièce de jeunesse (composée à 14 ans !) à l’inspiration ard<strong>en</strong>te<br />

et emportée.<br />

Violoncellissime<br />

Boccherini, Schubert, Franck, Chopin, sonates, pour piano et<br />

violoncelle, introduction et polonaise <strong>en</strong> do majeur (opus 3)…<br />

Patrice Laré et Velitcha Yotcheva © X-D.R<br />

Mariana Florès © Marie-Emmanuelle Bretel<br />

qualité de ces musici<strong>en</strong>s. La deuxième<br />

partie démarre par une Suite pour orgue<br />

solo d’après des Ouvertures, extraits<br />

d’opéras et oratorios, et pièces pour<br />

clavier. Martin Gester semble aussi à<br />

l’aise au grand orgue qu’à l’orgue po-<br />

Programme ambitieux s’il <strong>en</strong> est ! Le pianiste Patrice Laré et<br />

la violoncelliste Velitcha Yotcheva ont accompli une remarquable<br />

performance, dans la belle salle voûtée du musée des<br />

Tapisseries. Même si, à quelques rares mom<strong>en</strong>ts, la fatigue se<br />

faisait s<strong>en</strong>tir, avec un son qui parfois blanchissait, les tal<strong>en</strong>tueux<br />

instrum<strong>en</strong>tistes ont captivé la salle : passages de haute<br />

virtuosité, doubles cordes du violoncelle, son délicat, fragile<br />

et sûr à la fois, dans un beau travail sur la chanterelle. Le courage<br />

d’un superbe rappel aux acc<strong>en</strong>ts d’Off<strong>en</strong>bach… un élan<br />

puissant qui a décl<strong>en</strong>ché une ovation plus que méritée. Le<br />

violoncelle dans tous ses états, annonçait le programme… nous<br />

<strong>en</strong> avons goûté les meilleurs…<br />

Décevant<br />

Comm<strong>en</strong>t avec de bons instrum<strong>en</strong>tistes et des partitions sublimes<br />

obt<strong>en</strong>ir un concert décevant ? C’est pourtant ce qui ressort<br />

de la prestation donnée le 28 nov dans la salle du Casino de<br />

Trets. Bi<strong>en</strong> sûr, la sourde inquiétude qui habite l’univers de<br />

Mahler était r<strong>en</strong>due s<strong>en</strong>sible, (quatuor <strong>en</strong> la mineur), ainsi que<br />

l’alternance de passion et de résignation du quintette <strong>en</strong> mi<br />

bémol majeur (op. 44) de Schumann, de même que les <strong>en</strong>volées<br />

échevelées tempérées par des notes fragiles au bord de l’épure,<br />

le velouté pailleté du quintette <strong>en</strong> fa mineur (op. 34) de Brahms.<br />

Mais la balance des sons étouffait les uns, déséquilibrait l’harmonie<br />

de l’<strong>en</strong>semble, faisait r<strong>en</strong>dre un son détimbré aux<br />

violons, isolait ce qui devait composer une unité sonore. Si<br />

bi<strong>en</strong> que malgré des interprètes d’exception (mais inégaux),<br />

El<strong>en</strong>a Nogaeva et Michel Bourdoncle au piano, Sophie Baduel<br />

et Michel Devert aux violons, François Baduel au violoncelle,<br />

Frédéric et Marie-Noëlle Sailly aux altos, le public est resté<br />

froid.<br />

Il serait sans doute judicieux d’aménager différemm<strong>en</strong>t les<br />

lieux pour de tels concerts : <strong>en</strong> musique le cadre acoustique<br />

n’est pas du décorum.<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

Ces concerts ont été donnés les 15, 21 et 28 nov<br />

à Simiane, Aix et Trets,<br />

dans le cadre des Nuits Pianistiques<br />

sitif. Son jeu brillant (Corr<strong>en</strong>te) puis<br />

plus ret<strong>en</strong>u (Larghetto) fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

toutes les sonorités de cet instrum<strong>en</strong>t<br />

baroque. Une sonate à trois (deux violons,<br />

orgue positif et violoncelle)<br />

rappelle les Suites de danses : mouvem<strong>en</strong>t<br />

l<strong>en</strong>t dans l’esprit français, allegro<br />

fugué plus germanique et un allegro<br />

final séduisant, typiquem<strong>en</strong>t itali<strong>en</strong>.<br />

Les musici<strong>en</strong>s attaqu<strong>en</strong>t, piqu<strong>en</strong>t, phras<strong>en</strong>t.<br />

Puis le motet Gloria in excelsis deo<br />

exalte la foi <strong>en</strong> vocalises… Décidém<strong>en</strong>t<br />

la musique de Ha<strong>en</strong>del, toujours<br />

vivifiante, est un jet incessant d’énergie<br />

positive.<br />

YVES BERGÉ<br />

Le Parlem<strong>en</strong>t de Musique a joué<br />

Ha<strong>en</strong>del <strong>en</strong> Italie dans le cadre<br />

du 43 e Festival de Musique<br />

de Saint-Victor<br />

La Croix<br />

et la<br />

Manière<br />

C’est avec Haydn que s’est clôturé le<br />

Festival de Saint-Victor le 3 déc. Sous<br />

la baguette agile et investie du chef<br />

André Bernard, le Chœur Régional Vocal<br />

Prov<strong>en</strong>ce et l’Orchestre de Chambre<br />

de Toulouse ont donné les très att<strong>en</strong>dues<br />

Sept Dernières Paroles du Christ<br />

sur la Croix dans la forme oratorio,<br />

dernière mouture du compositeur.<br />

Homogène et d’un bon niveau, le<br />

quatuor de solistes a délivré avec<br />

émotion et spiritualité cette œuvre<br />

expressive du temps pascal. Comme<br />

un temps étiré et douloureux, les sept<br />

parties aux tempi calmes précédées<br />

par la psalmodie du chœur a cappella<br />

ont débouché avec maîtrise sur l’époustouflant<br />

tremblem<strong>en</strong>t de terre massif<br />

et puissant qui suit le dernier souffle<br />

du Christ.<br />

En préambule, la 104 e symphonie du<br />

père du g<strong>en</strong>re avait ouvert ce beau<br />

concert par de jolies couleurs malgré<br />

un certain manque de corps dans cet<br />

opus qui annonce Beethov<strong>en</strong>.<br />

Plébiscité par un auditoire nombreux<br />

et conquis, le Festival de Saint-Victor<br />

s’est ainsi conclu de manière<br />

éclatante.<br />

FREDERIC ISOLETTA


Voyage vers nous<br />

Le chœur de chambre les Elém<strong>en</strong>ts a<br />

fait voyager les 800 auditeurs des<br />

Salins au chœur de l’Europe C<strong>en</strong>trale<br />

Les Elem<strong>en</strong>ts © Michel Garnier<br />

Question de<br />

programmes !<br />

Poncifs…<br />

Avec la 8 e bi<strong>en</strong>nale internationale de Quintette à<br />

v<strong>en</strong>t, au GTP le 19 novembre, on att<strong>en</strong>dait un<br />

souffle d’originalité, d’inv<strong>en</strong>tivité, de création…<br />

Deux formations, inégales, le quintette à v<strong>en</strong>t de<br />

Marseille et le quintette Moragués se donnai<strong>en</strong>t la<br />

réplique, ou unissai<strong>en</strong>t leurs voix sur des<br />

arrangem<strong>en</strong>ts de Mozart, Schubert, M<strong>en</strong>delssohn,<br />

Bizet et Jean Français, seul compositeur moderne,<br />

dont les danses étai<strong>en</strong>t écrites véritablem<strong>en</strong>t pour<br />

le quintette à v<strong>en</strong>t. L’exécution irréprochable du<br />

quintette Moragués laissait le l’auditeur sur sa faim.<br />

Comm<strong>en</strong>t, avec tant de tal<strong>en</strong>t, peut-on se<br />

cont<strong>en</strong>ter de ressasser les mêmes partitions ? Quel<br />

intérêt que cette énième version de Carm<strong>en</strong> ? Ne<br />

serait-il pas plus intéressant et plus courageux de<br />

prés<strong>en</strong>ter et déf<strong>en</strong>dre des auteurs contemporains,<br />

de susciter des créations lorsqu’on bénéficie d’une<br />

r<strong>en</strong>ommée internationale ?...<br />

Sublimissime<br />

Le concert de clôture du festival, atypique, était<br />

donné à Meyreuil le 26 nov. Clara Kastler au piano,<br />

(un Steinway, les deux pianistes les emmèn<strong>en</strong>t sur<br />

toutes les routes du monde) accompagnait le<br />

quintette à v<strong>en</strong>t de Marseille. Cette formation qui<br />

avait tant déçu au GTP était transformée ! Un jeu<br />

précis, des sons veloutés, une interprétation<br />

<strong>en</strong>levée… dans le quintette pour piano, hautbois,<br />

clarinette, basson et cor. Puis, vint la magie des<br />

deux pianos : Hubert Woringer rejoignait sa<br />

part<strong>en</strong>aire sur scène avec une simplicité, un amour<br />

de la musique tangible… La romance (extraite de<br />

l’opus 17) de Rachmaninov, brillante, virtuose, et<br />

les tableaux d’une exposition de Moussorgski fur<strong>en</strong>t<br />

une démonstration de musicalité. Pas de concours<br />

de virtuosité mais une <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te subtile, un passage<br />

de relais, un dialogue. Au public clairsemé mais<br />

<strong>en</strong>thousiaste les artistes ont accordé un bis, le 3 e<br />

mouvem<strong>en</strong>t de la 3 e symphonie de Brahms. Un<br />

cadeau extatique.<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

L’Invitation au voyage était historique et partait de<br />

Schubert, Schuman et Brahms, pour aller vers Bartok,<br />

Dvorak, Stravinsky, et Ligeti. En comm<strong>en</strong>çant par<br />

des pièces romantiques profanes pour chœur, que<br />

l’on a peu l’habitude d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, les chœurs étant<br />

souv<strong>en</strong>t à cette époque associés à des répertoires<br />

religieux, tandis que les cycles de la musique<br />

profane vocale sont généralem<strong>en</strong>t pour solistes.<br />

Des pièces, donc, que les auditeurs n’avai<strong>en</strong>t pas<br />

forcém<strong>en</strong>t dans l’oreille et dont ils découvrir<strong>en</strong>t le<br />

lyrisme élégiaque, les couleurs sombres, les tourm<strong>en</strong>ts…<br />

magnifiquem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> relief par un<br />

<strong>en</strong>semble à la prononciation allemande limpide,<br />

dirigé par un chef qui sait faire surgir des voix<br />

chorales des nuances infinies…<br />

La deuxième partie, moins monochrome fit <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

quelques merveilles à un auditoire emporté par<br />

Étrange concert que ce dernier programme des<br />

Festes d’Orphée autour d’Ha<strong>en</strong>del. Petit effectif :<br />

Guy Laur<strong>en</strong>t et Jean-Michel Hey à la flûte à bec,<br />

Annick Lassalle à la viole de gambe et Corinne<br />

Bétirac au clavecin. Le concert eut lieu dans la<br />

Chapelle de Sainte-Catherine, plus intimiste que<br />

l’Eglise Saint Laur<strong>en</strong>t dans laquelle l’<strong>en</strong>semble aura<br />

donné ses concerts flamboyants. Si l’on put<br />

apprécier l’interprétation brillante de la Chaconne<br />

<strong>en</strong> Sol Majeur ou de l’Harmonieux Forgeron au<br />

clavecin, et si la solidité de la basse continue fut<br />

évid<strong>en</strong>te, on tiqua quelque peu à l’écoute des<br />

39<br />

les acc<strong>en</strong>ts les plus contemporains… ce qui devrait<br />

<strong>en</strong>courager les programmateurs à se montrer moins<br />

frileux ! Les Elém<strong>en</strong>ts sav<strong>en</strong>t avec une sci<strong>en</strong>ce<br />

indéniable manier les techniques contemporaines<br />

de la voix, ses souffles, timbres, frottem<strong>en</strong>ts, percussions.<br />

Sublimes dans les Quatre chansons<br />

paysannes de Stravinsky, sorte de version conc<strong>en</strong>trée<br />

et plus t<strong>en</strong>dre de ses Noces ; époustouflants<br />

dans les Ligeti, qui posa sa Nuit comme un terme<br />

inouï à ce Voyage qui se conclut grâce à lui <strong>en</strong><br />

Hongrie : sur des terres lointaines, mais qui<br />

sonn<strong>en</strong>t comme un univers intérieur.<br />

A.F.<br />

Wagner rêveur !<br />

Dernière étape du cycle Musique et Poésie, initié par le Consul Général<br />

d’Allemagne : les Wes<strong>en</strong>donk Lieder de Wagner<br />

Il fallut une demi-heure au comédi<strong>en</strong> Michael<br />

Zugowski pour remettre <strong>en</strong> contexte la g<strong>en</strong>èse de<br />

l’œuvre, avec le romanesque dont il sait faire<br />

preuve: lors de son séjour <strong>en</strong> Suisse, Wagner s’était<br />

lié d’amitié avec les époux Wes<strong>en</strong>donk, et avait<br />

nourri malgré lui un «amour absolu», dit-il,<br />

pour Mathilde Wes<strong>en</strong>donk. Cette passion<br />

contrariée s’était conclue par la mise<br />

<strong>en</strong> musique par Wagner de poèmes<br />

de cette dernière. Deux de ces cinq<br />

Lieder fur<strong>en</strong>t réutilisés dans ce<br />

qu’il considéra comme son meilleur<br />

drame musical, Tristan et Iseult.<br />

Si l’on reconnait bi<strong>en</strong> la (lourde ?)<br />

vigueur mélodique du compositeur<br />

dans ses passages les plus <strong>en</strong>flammés,<br />

si les <strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>ts d’accords<br />

au piano par Nina Uhari (remarquable<br />

dans ce répertoire !) s’avèr<strong>en</strong>t<br />

par <strong>en</strong>droits démonstratifs, on<br />

découvre une finesse dans le<br />

traitem<strong>en</strong>t de l’att<strong>en</strong>te, de la<br />

rêverie ou même une sorte<br />

de douleur, peu com-<br />

Flûtes qui flott<strong>en</strong>t<br />

mune aux opéras wagnéri<strong>en</strong>s. Finesse très bi<strong>en</strong><br />

r<strong>en</strong>due par la mezzo colorature Christine Kattner,<br />

dont la voix particulière a su donner une âme à ces<br />

trois r<strong>en</strong>contres allemandes.<br />

SUSAN BEL<br />

Nina Uhari © X-D.R.<br />

sonates, trios ou de cette transcription du Concerto<br />

op 4 n°6 où les flûtes interv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t davantage. De<br />

nombreuses flottem<strong>en</strong>ts dans la justesse,<br />

notamm<strong>en</strong>t lorsque Jean-Michel Hey doublait Guy<br />

Laur<strong>en</strong>t à la tierce, plusieurs aspérités dans les<br />

aigus gâchai<strong>en</strong>t une musicalité visiblem<strong>en</strong>t au<br />

r<strong>en</strong>dez-vous et un travail plus que s<strong>en</strong>sible sur les<br />

subtilités de langage du compositeur. Quel<br />

dommage ! La sci<strong>en</strong>ce musicale manqua-t-elle ce<br />

soir-là d’un peu d’oreille ?<br />

S.B.


40 MUSIQUE CONCERTS<br />

Nuit de ouf !<br />

Inspirée par la Folle journée de<br />

Nantes de R<strong>en</strong>é Martin, La Folle Nuit<br />

du théâtre de Nîmes prés<strong>en</strong>tait une<br />

succession de cinq concerts d’une<br />

heure, échelonnés de 15h à minuit.<br />

Cette solution privilégiait un public<br />

large à défaut de combler une petite<br />

frange d’inconditionnels qui désirai<strong>en</strong>t<br />

une nuit complète, mais fur<strong>en</strong>t<br />

repus par deux quatuors, un quintette,<br />

des Nocturnes et autres pièces introspectives<br />

précédés d’une Ballade<br />

suivie de quelques Romances sans paroles<br />

le tout conclu par un concerto.<br />

Ouf !<br />

Sombre fut égalem<strong>en</strong>t la destinée des<br />

compositeurs romantiques à qui ce<br />

concert r<strong>en</strong>dait hommage sous le<br />

titre Génération 1810 : si la folie fit disparaître<br />

Schumann, c’est la maladie qui faucha deux génies<br />

précoces, Chopin et M<strong>en</strong>delssohn, au seuil de la<br />

quarantaine.<br />

C’est Shani Diluka qui révélait les acc<strong>en</strong>ts de révolte<br />

polonais et les échos de la poésie de Mickiewics<br />

dans un comm<strong>en</strong>taire figuraliste de la 4 e Ballade de<br />

Chopin, <strong>en</strong>cadrée par deux interprétations passionnées.<br />

Brigitte Engerer y répondait avec des pièces<br />

Tchèque Point<br />

Non, il ne s’agit pas de Rostropovitch qui jouait 20 ans plus tôt à Check Point<br />

Charly pour célébrer la réunification. Il s’agissait, au Méjan à Arles, de faire<br />

sonner une autre histoire, celle du peuple Tchèque à travers sa musique de<br />

chambre révélatrice d’une id<strong>en</strong>tité nationale sous les archets du Quatuor<br />

Kocian auquel se joignait ponctuellem<strong>en</strong>t le pianiste Praguois Ivan Klansky.<br />

Une soirée et une matinée suffir<strong>en</strong>t à poser les limites de la forme sonate au<br />

XIX e siècle et les solutions alternatives créées au XX e siècle sans sortir du<br />

système tonal. Fidèle au concept romantique, l’<strong>en</strong>semble à cordes transcrivit<br />

avec ferveur les épisodes du Quatuor n°1 «De ma vie» de Smetana, qui s’achève<br />

par trois accords de mi <strong>en</strong> pizzicato symbolisant la surdité tragique du<br />

compositeur. L’interprétation du 13 e Quatuor à cordes de Dvorak confirma cette<br />

s<strong>en</strong>sibilité aux acc<strong>en</strong>ts de Bohème.<br />

Le pragmatisme du Quatuor à cordes n° 1 de Janacek intitulé «Sonate à<br />

Kreutzer» <strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce à Tolstoï confirme un cheminem<strong>en</strong>t esthétique personnel<br />

mis <strong>en</strong> valeur par une gradation de l’inspiration des interprètes. Quant aux<br />

Quatuor et Quintette avec piano de Martinu, aux acc<strong>en</strong>ts Prokofievi<strong>en</strong>s, ils font<br />

parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre qu’il existe au milieu du XX e siècle une alternative à<br />

l’atonalité. Elle se matérialise par un contrepoint mouvant aux cordes, une<br />

utilisation de l’ostinato et du mouvem<strong>en</strong>t perpétuel agrém<strong>en</strong>té de motifs<br />

pianistiques asc<strong>en</strong>dants et desc<strong>en</strong>dants qui confèr<strong>en</strong>t un timbre chatoyant à<br />

l’<strong>en</strong>semble, conclu par des épisodes incisifs et tranchés ravissant le public.<br />

P-A HOYET<br />

du recueil des Harmonies poétiques et religieuses de<br />

Liszt au sein desquelles Funérailles sonnait le glas<br />

de la révolution hongroise.<br />

La Sérénade de Schubert transcrite par le virtuose<br />

Hongrois et quelques Romances sans paroles de<br />

M<strong>en</strong>delssohn apportai<strong>en</strong>t un peu de légèreté à<br />

l’image de la Fileuse évoquée par les doigts agiles<br />

de Diluka faisant néanmoins sonner Chopin sans<br />

ret<strong>en</strong>ue dans les Nocturnes et Valses. Concluant cha-<br />

Ces concerts ont eu lieu<br />

au Méjan à Arles<br />

les 11 et 13 déc<br />

Quatuor Kocian © X-D.R.<br />

Quatuor Voce © X-D.R.<br />

Vi<strong>en</strong>ne (deuxième manière)<br />

déclare forfait<br />

Les dieux de la tonalité l’ont tonné<br />

haut et fort : Scho<strong>en</strong>berg ne passera<br />

pas ce 29 nov au Méjan à Arles ! Les<br />

concessions accordées par Berg dans<br />

sa sonate op1 au sein de son irrésistible<br />

cheminem<strong>en</strong>t vers l’atonalité n’y<br />

feront ri<strong>en</strong>. Plus prosaïquem<strong>en</strong>t, c’est<br />

une parution conjointe et retardée du<br />

Livre-disque Berg-Schönberg par Jean-<br />

Louis Steuerman qui reporte le programme<br />

de ce concert au Printemps 2010.<br />

Les adeptes et les curieux se cont<strong>en</strong>teront<br />

de Beethov<strong>en</strong>, un autre Vi<strong>en</strong>nois<br />

(d’adoption), non moins révolutionnaire<br />

<strong>en</strong> son temps qui sonne le glas<br />

de la Marche funèbre intégrée à sa<br />

Sonate n° 12 sous le toucher lourd et<br />

implacable de Jean-Louis Steuerman.<br />

Encadrant cette page «sulla morte d’un<br />

Eroe», le jeu <strong>en</strong>levé de l’alerte rondo<br />

final conclut une oeuvre introduite par<br />

l’andante à variations et le Scherzo.<br />

Steuerman est honorable dans La Première<br />

Balladede Chopin qui décidém<strong>en</strong>t<br />

inspirera toujours le respect.<br />

Comm<strong>en</strong>cé avec la réc<strong>en</strong>te et cons<strong>en</strong>suelle<br />

sonate n°1 du Brésili<strong>en</strong> Ripper<br />

aux acc<strong>en</strong>ts postmodernes, le récital<br />

cune de ces séqu<strong>en</strong>ces, le Quatuor<br />

Voce prés<strong>en</strong>tait une pâte inspirée<br />

dans l’op 80 de M<strong>en</strong>delssohn à la fin<br />

très acrobatique. L’op 41 n°3 de Schumann<br />

nous a semblé moins convaincant<br />

dans l’alliage des tessitures. A 21h,<br />

préparé par La bénédiction de Dieu<br />

dans la solitude aux étranges harmonies<br />

Liszti<strong>en</strong>nes soulignées par<br />

Engerer, la communion musicale opérait<br />

dans le scherzo du quintette de<br />

Schumann avec Diluka. Dernière<br />

folie: c’est une Engerer héroïque qui<br />

a vaillamm<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>é Voce dans la<br />

transcription de l’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

du Concerto <strong>en</strong> fa mineur de Chopin.<br />

Pas de bis ? Ouf !<br />

P.-A. HOYET<br />

La Folle Nuit<br />

a eu lieu au Théâtre de Nîmes<br />

le 5 déc<br />

se clôt avec Scriabine. Sa sonate n°5<br />

confirme l’inexorable (auto)destruction<br />

de la tonalité qui atteint son<br />

point de non retour dans le cumul des<br />

altérations et des chromatismes. Notre<br />

pianiste maîtrise les explosions sonores<br />

qui <strong>en</strong> résult<strong>en</strong>t et conclut avec<br />

malice sur une fin ouverte pleine de<br />

non-dits. Et si les dieux avai<strong>en</strong>t tort?<br />

P.-A. HOYET<br />

Jean Louis Steuerman © X-D.R.


Le contemporain<br />

est vivant !<br />

Les 15 ans de l’<strong>en</strong>semble Télémaque<br />

sont l’occasion d’une série de concerts<br />

exceptionnels. Entre le très beau<br />

succès de l’étonnant Desperate Singers<br />

et L’Appel des Sirènes (voir p 23),<br />

Raoul Lay et sa troupe se retrouvai<strong>en</strong>t<br />

le 26 nov à La Magalone avant de jouer<br />

aux Salins le l<strong>en</strong>demain. Ce soir-là,<br />

créations franco-hollandaises dans le<br />

cadre de la création de l’ECO (European<br />

Contemporary Orchestra), orchestre<br />

international perman<strong>en</strong>t destiné à la<br />

création musicale contemporaine, projet<br />

porté par Télémaque mais aussi<br />

l’Ensemble Musiques Nouvelles (Belgique)<br />

et l’Ensemble Ereprijs (Pays-Bas).<br />

Raoul Lay n’a pas d’égal pour prés<strong>en</strong>ter<br />

des œuvres complexes: sobriété,<br />

élégance, justesse de propos, clés ess<strong>en</strong>tielles<br />

qui r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t l’écoute plus<br />

aisée. En première partie, la création<br />

française du Capriccio pour violon<br />

solo de Marius Flothuis, compositeur<br />

hollandais (1914-2001) interprété par<br />

Yann Le Roux-Sèdes : couleurs impressionnistes,<br />

jeu s<strong>en</strong>suel de mystères et<br />

de contrastes, jet continu de gammes<br />

vibrantes et une révér<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> pizzicato.<br />

Suivait la pièce Maint<strong>en</strong>ant<br />

(création française), dernière pièce<br />

d’un triptyque : Voir, Ensemble, Maint<strong>en</strong>ant<br />

de Thierry Machuel, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce<br />

du compositeur, sur des textes du<br />

poète Guillevic ; cette évocation d’une<br />

fin de vie, <strong>en</strong>tre sagesse et apaisem<strong>en</strong>t,<br />

repose sur un questionnem<strong>en</strong>t<br />

perman<strong>en</strong>t, des sons susp<strong>en</strong>dus <strong>en</strong><br />

lignes lumineuses, remarquablem<strong>en</strong>t<br />

interprétés par la soprano Brigitte<br />

Peyré, élégiaque et grave, se jouant<br />

des états et des subtilités mélodiques<br />

avec beaucoup de grâce ; les musici<strong>en</strong>s<br />

font alterner passages graves et<br />

plages plus lyriques, avec de belles<br />

attaques, des finales soignées, d’une<br />

palette sans failles : une très belle<br />

œuvre. On retrouvait Yann Le Roux-<br />

Sèdes dans Un cuadro de Yucatan<br />

pour violon solo (création française)<br />

du jeune compositeur hollandais Joey<br />

Rouk<strong>en</strong>s : œuvre jubilatoire, brillante,<br />

© Agnès Mellon<br />

mélange de styles, <strong>en</strong>tre pop, formules<br />

répétitives, variations très baroques,<br />

chants d’oiseaux… Pétillant !<br />

La seconde partie était consacrée au<br />

chef-d’œuvre d’Arnold Scho<strong>en</strong>berg :<br />

le Pierrot Lunaire (1912). Le charme<br />

et l’interprétation de Brigitte Peyré<br />

r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t toute la s<strong>en</strong>sualité de la langue<br />

allemande ainsi que l’ironie et la<br />

morbidité des textes, tandis que le<br />

quintette instrum<strong>en</strong>tal expressif et<br />

complice traduit toute la force des<br />

poèmes de Giraud traduits par Hartleb<strong>en</strong>.<br />

Si la technique du Sprechgesang<br />

(mélodie parlée) révolutionna l’écriture<br />

du chant, Brigitte Peyré,<br />

colombine lunaire et sombre, alterne<br />

avec intellig<strong>en</strong>ce, voix parlée, chuchotée,<br />

déclamée, ou intonations plus<br />

appuyées, presque chantées. Le parti<br />

pris de faire dire les textes avant<br />

l’écoute musicale est intéressant.<br />

Mais par l’interprète elle-même ? Une<br />

autre voix aurait permis sans doute<br />

une vraie respiration pour la musici<strong>en</strong>ne-diseuse.<br />

Le concert, émouvant<br />

et original, est accueilli très chaleureusem<strong>en</strong>t.<br />

De l’héritage (Scho<strong>en</strong>berg)<br />

au prolongem<strong>en</strong>t (Rouk<strong>en</strong>s) : un beau<br />

tremplin pour édifier cet European<br />

Contemporary Orchestra.<br />

YVES BERGÉ<br />

Passion au Grim<br />

Après la confér<strong>en</strong>ce de Dominique Salini Les voix de femmes<br />

dans le bassin méditerrané<strong>en</strong>, le Festival Nuit d’Hiver du<br />

Grim accueillait La Tromba. L’occasion de découvrir toute<br />

l’énergie de Marie Salemi dans des chants itali<strong>en</strong>s, sicili<strong>en</strong>s,<br />

séfarades, macédoni<strong>en</strong>s, occitans : une palette de folie verbale<br />

(Tar<strong>en</strong>telle, chansons des brigands) et de mélancolie<br />

plaintive (Berceuse), quel <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t ! Les musici<strong>en</strong>s sont<br />

plus que des accompagnateurs. Ils souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, improvis<strong>en</strong>t,<br />

dialogu<strong>en</strong>t, déroul<strong>en</strong>t des phrases brillantes (David<br />

Rueff, saxo baryton et alto joués <strong>en</strong> même temps !) ou<br />

plus nostalgiques : le partage est perman<strong>en</strong>t. Une musique<br />

qui puise dans les racines et les traditions locales, pour un<br />

groupe qui n’a que 4 mois d’exist<strong>en</strong>ce !<br />

On att<strong>en</strong>dait <strong>en</strong>suite Jacky Micaelli, la voix de la Corse<br />

pour une boucle féminine réjouissante. Malade, elle a été<br />

41<br />

Lettres Electro-Persanes<br />

Fanfare marseillaise, La Banda du Dock déploie une très grande énergie avec<br />

son <strong>en</strong>semble très cuivré. Composée de 18 musici<strong>en</strong>s (v<strong>en</strong>ts, percussions, basse)<br />

elle a ouvert la soirée musicale qui clôturait les R<strong>en</strong>contres d’Averroès. Le<br />

répertoire est fait de ré-arrangem<strong>en</strong>ts de tubes passés à la «moulinette infernale»<br />

de la Banda et aussi de compositions : musique Sud-américaine, AC/DC, Rage<br />

against the machine... Mickael Jackson est égalem<strong>en</strong>t re-joué avec son Thriller,<br />

porté par un mégaphone, et permet de chauffer de façon originale le grand hall<br />

du Dock des Suds.<br />

Vint <strong>en</strong>suite le quartet Istanbul Session. Ihlan Er ahin le saxophoniste et leader<br />

du groupe a invité le trompettiste d’origine suisse Erik Truffaz pour l’occasion.<br />

Une section rythmique lourde et pêchue (guitare basse jouée par Alp Ersõnmez,<br />

Turgut Beko lu à la batterie et Izzet Kizil aux percussions) <strong>en</strong>voie du gros son.<br />

Le saxophoniste est assez décevant et persistera dans un manque certain d’inspiration<br />

et d’imagination. Ou tout simplem<strong>en</strong>t de métier ? Quoi qu’il <strong>en</strong> soit ce<br />

n’était pas Byzance ! On se demande pourquoi Erik Truffaz est v<strong>en</strong>u ce soir là...<br />

Caution de qualité artistique ? Jazz ou électro-jazz, là n’est pas vraim<strong>en</strong>t la<br />

question, et le g<strong>en</strong>re n’était pas <strong>en</strong> cause, ni le croisem<strong>en</strong>t. Seulem<strong>en</strong>t la réussite<br />

: lorsqu’Erik Truffaz mixe son tal<strong>en</strong>t avec d’autres c’est souv<strong>en</strong>t magique !<br />

Ce soir là, aucune once d’émotion n’a transpiré.<br />

DAN WARZY<br />

Ce concert a été joué le 28 novembre 2009 au Dock des Suds<br />

<strong>en</strong> clôture des R<strong>en</strong>contres d’Averroès<br />

http://www.bandadudock.com<br />

Erik Truffaz © Jey Derathe<br />

remplacée par le maître des lieux, le directeur artistique<br />

du Grim, Jean Marc-Montera, spécialiste de l’improvisation<br />

et de l’expérim<strong>en</strong>tation sonore qui, de ses guitares<br />

acoustiques (6 et 12 cordes), accompagna l’inoxydable et<br />

si tal<strong>en</strong>tueux André Jaume, 69 printemps, passant du<br />

saxo alto au ténor, puis à la flûte traversière avec une<br />

aisance étonnante. Entre virtuosité et musique concrète,<br />

les deux compères proposèr<strong>en</strong>t un mom<strong>en</strong>t acoustique<br />

apaisant après la folie Tromba : compositions personnelles<br />

issues du be bop, du swing, du freejazz, improvisations,<br />

musiques plurielles sans frontières dont on reti<strong>en</strong>dra le<br />

très beau Song for Che de Charlie Had<strong>en</strong>. Un souffle de<br />

liberté soufflait ce soir-là sur Montévidéo !<br />

YVES BERGÉ


42 MUSIQUE ENTRETIEN AVEC MARION RAMPAL | CONCERTS<br />

La voix est libre<br />

Dire que Marion Rampal vit<br />

de la musique est inexact : elle vit<br />

la musique. À tout juste 30 ans,<br />

son parcours est déjà foisonnant<br />

et <strong>en</strong>core prometteur. Il va falloir<br />

compter sur elle !<br />

Chanteuse mais aussi auteur, Marion trace son sillon<br />

avec conviction. De ses premiers pas dans le rock au<br />

succès de l’album Own Virago, et juste avant de<br />

mettre la touche finale aux Vertigo Songs, elle<br />

s’ouvre et accueille le monde de la musique et des<br />

mots (voir p 54). Jazz, pop folk, théâtre, improvisation,<br />

et bi<strong>en</strong>tôt danse et quatuor à cordes, la prof de<br />

chant décloisonne les frontières et s’<strong>en</strong>toure de<br />

tous, au-delà de la fidèle bande de Raphaël Imbert<br />

au sein de la Cie Nine Spirit. Les notes et les mots mijot<strong>en</strong>t<br />

dans sa tête méticuleuse et opiniâtre, dans<br />

de longues périodes de gestation : pour elle un projet<br />

se p<strong>en</strong>se avant de se vivre. Alors <strong>en</strong>tre un concert,<br />

deux répétitions et une chanson composée pour<br />

d’autres, Marion se livre.<br />

<strong>Zibeline</strong> : Si tu devais te prés<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> quelques mots?<br />

Marion Rampal : Je chante et j’écris <strong>en</strong> mots et <strong>en</strong><br />

musique ce que j’élabore dans mon petit laboratoire<br />

de magie intérieure. Je fais des expéri<strong>en</strong>ces avec de<br />

l’anci<strong>en</strong> et du nouveau, du digéré et de l’instantané.<br />

Même si la formule peut sonner complexe, je raisonne<br />

<strong>en</strong> couleurs, <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> émotions crues<br />

plus qu’<strong>en</strong> réflexions intellectuelles. Je travaille<br />

beaucoup autour de mon inspiration première, mon<br />

intuition. Comme un <strong>en</strong>chanteur décalé, avec ses<br />

grimoires, ses humeurs, ses tours de magie... J’ai à<br />

cœur d’évoquer, de rappeler, de dégager des zones<br />

poétiques, <strong>en</strong> mettant <strong>en</strong> relief des interrogations<br />

spécifiques.<br />

Te définis-tu comme une artiste marseillaise ?<br />

Marseille, vaste territoire de no man’s lands rêveurs<br />

et salés, métissée d’influ<strong>en</strong>ces... Marseille grande<br />

gueule, viol<strong>en</strong>te ou accueillante, fière et têtue, noire<br />

ou débonnaire, un brin fadade… C’est sûr, je suis née<br />

ici, et ça me ressemble ! Mais je précise que je n’ai<br />

ni acc<strong>en</strong>t ni abonnem<strong>en</strong>t au stade...<br />

Tes projets, actuels et futurs ?<br />

Pr<strong>en</strong>dre du temps pour travailler et rechercher,<br />

notamm<strong>en</strong>t auprès du Panthéâtre avec qui je suis<br />

une formation <strong>en</strong> performance vocale et théâtre<br />

chorégraphique. Un disque avec Perrine Mansuy<br />

Les acc<strong>en</strong>ts du Brésil<br />

Elles sont trois qui naiss<strong>en</strong>t de l’ombre, trois voix<br />

magnifiquem<strong>en</strong>t placées qui émerg<strong>en</strong>t d’un brouillard<br />

de scène… Gaîté, vivacité, humour, richesse des<br />

chants, des thèmes, voyage aux sonorités suaves et<br />

fluides… Un rythme qui donne <strong>en</strong>vie de se lever<br />

et de danser, les fauteuils sembl<strong>en</strong>t alors bi<strong>en</strong> trop<br />

rigides pour ces mom<strong>en</strong>ts où l’on se laisserait si volontiers<br />

emporter dans un univers où tout est musique.<br />

Le Trio Esperança sait créer une complicité extraordinaire<br />

avec le public, s’adresse à lui comme à de<br />

vieux amis, confesse aussi bi<strong>en</strong> un rhume que les<br />

sur un répertoire qu’on a co-écrit et un duo pop/folk<br />

génial avec François Richez : We used to have a<br />

band ; les chouettes projets de la Cie Nine Spirit<br />

aux côtés de Raphaël Imbert et puis l’après Own<br />

Virago (son dernier disque, voir Zib 24) qui bourgeonne<br />

dans ma tête. J’adore cette étape, c’est la<br />

meilleure !<br />

Te définis-tu comme une chanteuse ?<br />

Absolum<strong>en</strong>t, c’est très important... C’est un art fascinant,<br />

j’<strong>en</strong> <strong>en</strong>trevois à peine le début, tellem<strong>en</strong>t de<br />

choses <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compte : l’organique, le souffle,<br />

le timbre, l’image, le mot, l’esprit, le geste... Chanter<br />

juste c’est un sacré boulot, et un boulot sacré !<br />

Cette <strong>en</strong>vie de participer à des projets variés, avec<br />

des associations singulières, est-elle un besoin<br />

pour toi ?<br />

Au-delà du besoin de vivre différ<strong>en</strong>tes expéri<strong>en</strong>ces<br />

je crois que j’aime une certaine dép<strong>en</strong>dance à<br />

l’énergie d’autrui. D’où ce vrai désir de collaborer,<br />

de partager la création, d’aller partout...<br />

N’y a t il pas un risque de se perdre ?<br />

Le revers de la médaille, sans doute… Je néglige parfois<br />

mes projets par manque de disponibilité. Mais<br />

produire Own Virago m’a réconciliée avec ce devoir<br />

impérieux de faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ma «voie».<br />

secrets d’une chorégraphie. Les trois sœurs jou<strong>en</strong>t<br />

de leurs li<strong>en</strong>s, consult<strong>en</strong>t, complot<strong>en</strong>t, ri<strong>en</strong>t, amèn<strong>en</strong>t<br />

les spectateurs à partager leurs chansons. Un<br />

Trio Esperança<br />

© X-D.R<br />

© Agnès Mellon<br />

Si tu avais un vœu à formuler ?<br />

L’abolition des étiquettes et des chapelles! Les artistes<br />

et une grande partie du public des «musiques<br />

actuelles» ont sauté le pas. La presse, les programmateurs,<br />

les festivals, les institutions rechign<strong>en</strong>t<br />

trop à suivre.<br />

Si tu devais citer... un compositeur classique<br />

Weber, que me faisait écouter ma maman<br />

un groupe<br />

REM, premières amours…<br />

une chanson<br />

White Rabbit de Jefferson Airplane<br />

une influ<strong>en</strong>ce<br />

Leonard Coh<strong>en</strong><br />

un film<br />

Mary Poppins !<br />

un art<br />

L’eau forte<br />

un auteur<br />

Chuck Palahniuk, je découvre, j’adore !<br />

une voix<br />

Nina Simone<br />

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR FREDERIC ISOLETTA<br />

disque doit sortir <strong>en</strong> janvier prochain. Quelle meilleure<br />

promo que leurs chants, adaptations de Bach,<br />

reprises des Beatles, de Piaf, <strong>en</strong>tre autres petites<br />

merveilles… On a du mal à quitter la salle, et les rues<br />

d’Aix résonn<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core… Oba oba oba ooo !…<br />

Vive le jazz Brésil !<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

Le trio Esperança s’est produit au Jeu de Paume<br />

dans le cadre des concerts d’Aix


Flam<strong>en</strong>co for ever<br />

20 ans pour le Festival Flam<strong>en</strong>co de Nîmes !<br />

Cela vaut bi<strong>en</strong> un évènem<strong>en</strong>t sur mesure !<br />

En effet le festival s’annonce plus exceptionnel<br />

<strong>en</strong>core que les années<br />

précéd<strong>en</strong>tes. Comme le disait Garcia<br />

Lorca, «la guitare fait pleurer les<br />

rêves»… mais ici nul besoin de chimères,<br />

le Théâtre de Nîmes a p<strong>en</strong>sé à<br />

tout avec une programmation complète:<br />

spectacles, confér<strong>en</strong>ces, r<strong>en</strong>contres,<br />

classe de danse et projections. Du 7<br />

au 23 janvier, 20 ans de Flam<strong>en</strong>co<br />

s’installe et vous accueille tous les<br />

soirs avec parfois deux spectacles par<br />

jour. Mayte Martin, grande voix actuelle<br />

du g<strong>en</strong>re (12/1 à 20h), El<br />

Cabrero pour Un dialogue sans artifice,<br />

figure exceptionnelle du Cante<br />

Jondo (13/1 à 20h), Tierra Flam<strong>en</strong>ca<br />

1 et 2, des artistes de chez nous qui<br />

ont ça dans le sang (15/1 à 22h30 et<br />

16/1 à 20h à L’Odéon), la guitare<br />

acoustique du prodige Javier Conde<br />

qui rappelle Paco de Lucia (16/1 à<br />

Javier Conde © X-D.R.<br />

17h30 à la Cour d’Appel), la compagnie<br />

d’Israel Galván, le danseur des<br />

danseurs qui repousse les limites du<br />

baile flam<strong>en</strong>co dans une chorégraphie<br />

qui évoque la fin du monde selon St<br />

Jean (17/1 à 18h), ou <strong>en</strong>core Rocio<br />

Molina, la meilleure danseuse de la<br />

nouvelle génération (23/1 à 20h). De<br />

quoi satisfaire les amateurs et les<br />

passionnés !<br />

FREDERIC ISOLETTA<br />

www.theatred<strong>en</strong>imes.com<br />

Formule complète<br />

Le Forum de Berre ne fait pas les choses à moitié. Cinéma, repas et concert sont<br />

proposés dans cet ordre sur le thème de la Finlande. Après le visionnage de<br />

L’homme sans passé d’Aki Kaurismäki, découverte assurée pour la réception du<br />

duo finnois Kantelin<strong>en</strong>/& Seppä, <strong>en</strong>semble unique <strong>en</strong> Finlande spécialisé dans<br />

deux vieilles traditions musicales caréli<strong>en</strong>nes : le chant joïk (aujourd’hui <strong>en</strong><br />

Russie) et la pratique du jouhikko, sorte de lyre à archet. Le duo interprètera des<br />

chants traditionnels ainsi que leurs propres compositions, laissant égalem<strong>en</strong>t<br />

une grande part à l’improvisation. À ne pas manquer (le 21 janvier à 18h30 film,<br />

21h30 concert). F.I.<br />

Forum de Berre<br />

26 euros la soirée, 12 euros le concert<br />

www.forumdeberre.com<br />

MARSEILLE<br />

Cabaret Aléatoire : ElectronicSeries 1 Meet opus VJ 4 (18<br />

et 19/12), Enjoy Drum’n Bass 4 (15/1), Boxon Party Invasion<br />

(22/1)<br />

04 95 04 95 09<br />

www.cabaret-aleatoire.com<br />

Embobineuse : Ziné club 8 Wh<strong>en</strong> we sleep, the UFOs works<br />

(17/12), Invita(r)tartion au voyage : Jean George Tartare,<br />

Jean Christophe Petit, Antoine Lunv<strong>en</strong> (9/1), Interface 8:<br />

anci<strong>en</strong> et moderne (17/1), Carte blanche au label et collectif<br />

H.A.K. Lo-Fi record (22/1)<br />

04 91 50 66 09<br />

www.lembobineuse.biz<br />

Espace Juli<strong>en</strong> : Pognon story (31/12), G<strong>en</strong>te de Zona<br />

(16/1), Mess<strong>en</strong>gers (21/1), Pakatak (22/1)<br />

04 91 24 34 10<br />

www.espace-juli<strong>en</strong>.com<br />

On sort !<br />

P<strong>en</strong>dant que le festival Nuits d’Hiver<br />

se poursuit au Grim Montévidéo (jusqu’au<br />

21/12), il est temps de préparer<br />

une fin d’année de musiques, et d’embrayer<br />

sur des concerts pour la nouvelle<br />

année. Comm<strong>en</strong>çons par le Théâtre<br />

Comœdia de Miramas qui accueille le<br />

Louis Winsberg trio, guitariste mythique<br />

de Sixun passionné de flam<strong>en</strong>co<br />

(17/12 à 21h). Vu qu’on parle swing,<br />

autant faire une escale au sud de<br />

l’étang de Berre à Charlie Free (Vitrolles)<br />

pour écouter la 11 e édition de<br />

Jazz <strong>en</strong> Scènes avec le Sébasti<strong>en</strong><br />

Paindestre trio et le duo Simonoviez/<br />

Av<strong>en</strong>el (12/12 à 21h). A<br />

découvrir, le Jazz Club de Draguignan<br />

qui fait son festival (du 17 au 19/12)<br />

à Théâtre <strong>en</strong> Dracénie avec Walt<br />

Weiskopf, Kevin Mahogany et Eddy<br />

C Campbell. Un peu plus au nord et<br />

carrém<strong>en</strong>t dans les Alpes, les gr<strong>en</strong>oblois<br />

de Mango Gadzi à la fusion<br />

ori<strong>en</strong>talo-balkanique seront sur la scène<br />

du Théâtre du Cadran de Briançon<br />

(18/12 à 20h30), qui accueillera<br />

égalem<strong>en</strong>t le duo grec Angélique<br />

Au programme<br />

Intermédiaire: Elektro Shake (18/12), Sonarcotik (19/12),<br />

C Bass (21/12), Craint degun be tarpin hip hop (22 et<br />

29/12), Ruffle christmas crew (26/12), Good vibes g<strong>en</strong>eralist<br />

(30/12)<br />

04 91 47 01 25<br />

www.myspace.com/intermediaire<br />

L’Affranchi : Scred Connexion (19/12)<br />

www.l-affranchi.com<br />

La Machine à Coudre : Laur<strong>en</strong>t Boudin, Antonio Negro,<br />

Dj pP, R<strong>en</strong>ard jaune, Giani Gianone, Anthony, B<strong>en</strong>oît<br />

Dettori (19/12), La Tromba (9/1)<br />

04 91 55 62 65<br />

www.lamachineacoudre.com<br />

AIX<br />

Le Korigan, Luynes: Mechanical Dacay, Kamran, Scoria<br />

(19/12), Katalaï, Yves Tole (9/1)<br />

06 50 77 51 77<br />

www.myspace.com/lekorigan<br />

43<br />

Ionatos/Katerina Fotinaki (08/01 à<br />

20h30).<br />

Et à Marseille ? R<strong>en</strong>dez-vous à La<br />

Machine à Coudre pour fêter leurs 15<br />

années d’exist<strong>en</strong>ce et de programmation<br />

alternative (18 et 19/12) mais<br />

égalem<strong>en</strong>t à la Meson pour une<br />

Tablao Flam<strong>en</strong>co la Rubio avec<br />

Maitryee Mahatma (19/12 à 20h) et<br />

une carte blanche à Fantazio (voix et<br />

contrebasse les 8 et 9/01 à 20h).<br />

Concerts mais cette fois <strong>en</strong> photo<br />

pour le vernissage de l’exposition live<br />

in Marseille au Lollipop café disquaire<br />

par Pirlouiiit et d’autres<br />

artistes (13/1 à 19h) et pour finir ne<br />

manquez pas la découverte du Hangart,<br />

vous pourrez y écouter le fabuleux<br />

spectacle musical et westerni<strong>en</strong><br />

donné par The Coconut Family Band<br />

(19/12 à 20h30) ainsi que le Courant<br />

d’Air café qui prés<strong>en</strong>tera l’étonnant<br />

pianiste Grigoris Belevilas pour un<br />

concert au son Rebetiko dans le numéro<br />

Thalya m’a dit.. ! (18/12 à 20h30).<br />

FREDERIC ISOLETTA<br />

Mango Gadzi © Greg Randon<br />

Théâtre et Chansons : Opera Molotov (21 et 22/1)<br />

04 42 27 37 39<br />

www.theatre-et-chansons.com<br />

ARLES<br />

Cargo de Nuit : Raoul Petite (18/12), Club Club (19/12)<br />

04 90 49 55 99<br />

www.cargod<strong>en</strong>uit.com<br />

COUSTELLET<br />

La Gare : La Cumbia Chicharra (19/12), Rita, Ange B et<br />

Jairo (23/1)<br />

04 90 76 84 38<br />

www.aveclagare.org<br />

ISTRES<br />

L’Usine : Moussu T e Lei Jov<strong>en</strong>ts (18/12), DMC from run<br />

DMC (8/1), Izia (22/1)<br />

04 42 56 02 21<br />

www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr


44 MUSIQUE DISQUES<br />

Doy<strong>en</strong> du piano<br />

Aldo Ciccolini a dû annuler son concert Beethov<strong>en</strong> le 8 décembre à Aix, mais<br />

le mélomane se consolera avec un coffret anthologique de ses <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts<br />

Aldo Ciccolini a 84 ans. C’est un des derniers<br />

mythes <strong>en</strong> activité. Il faut dire que le pianiste<br />

frise les 70 ans de carrière. Il a étudié avec<br />

Alfred Cortot, joué avec Furtwängler, Ernest<br />

Ansermet et remporté le concours Marguerite<br />

Long <strong>en</strong>… 1949 ! Malgré son grand âge, ses<br />

moy<strong>en</strong>s techniques ne sont guère altérés :<br />

Ciccolini a triomphé cet été au festival de Radio<br />

France à Montpellier, à La Roque d’Anthéron, il<br />

y a peu à la salle Pleyel à Paris… Hélas,<br />

souffrant, il a dû déclarer forfait le 8 décembre<br />

au Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce. Ce coffret n’<strong>en</strong><br />

est que plus précieux.<br />

Né à Naples, ce musici<strong>en</strong> précoce et surdoué<br />

s’avère vite un ard<strong>en</strong>t déf<strong>en</strong>seur de la musique<br />

française de Satie, Ravel, Debussy et de toute la<br />

constellation d’artistes hexagonaux de leur<br />

Haydn selon Collard<br />

Ceux qui ne possèd<strong>en</strong>t pas les <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts<br />

des Sonates de Haydn gravées chez Lyrinx par<br />

Catherine Collard commett<strong>en</strong>t une faute de<br />

goût ! Grâce à cette réédition, l’occasion est<br />

donnée aux mélomanes de (re)connaître une<br />

artiste d’un imm<strong>en</strong>se tal<strong>en</strong>t disparue prématurém<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> 1993. La musici<strong>en</strong>ne, fleuron de<br />

l’école française de piano, après des débuts<br />

claironnants, a connu une vingtaine d’année de<br />

traversée du désert… avant de r<strong>en</strong>contrer les<br />

Gambini ! Avec la clairvoyance qu’on leur<br />

connaît, Suzanne et R<strong>en</strong>é ont permis à la<br />

pianiste de remettre les pieds aux pédales et les<br />

mains au clavier. Dans une forme d’urg<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong><br />

cinq ans seulem<strong>en</strong>t, au tournant des années 90,<br />

À mots couverts<br />

Depuis sa création <strong>en</strong> 99, Aqme marque la scène<br />

française d’un nouveau son «métal» <strong>en</strong>traînant<br />

et lourd, mettant <strong>en</strong> avant une id<strong>en</strong>tité propre !<br />

En 2002 le groupe alternatif parisi<strong>en</strong> signe avec<br />

le label énergique AT(h)OME. Six albums plus<br />

tard, le quatuor reformé (départ de B<strong>en</strong>,<br />

guitariste et co-fondateur du groupe) revi<strong>en</strong>t<br />

avec En l’honneur de Jupiter, nouvelle galette<br />

sortie <strong>en</strong> octobre. Le groupe assure alors sa place<br />

de maître incontestable du métal Français ! Des<br />

titres très noirs pour ce recueil d’une extrême<br />

int<strong>en</strong>sité : Tout le monde est malheureux,<br />

Guillotine ou <strong>en</strong>core Le chaos sont marqués par<br />

époque. Naturalisé français <strong>en</strong> 1971, Ciccolini<br />

exerce la fonction de professeur au Conservatoire<br />

National Supérieur de Paris jusqu’<strong>en</strong> 1988, et l’on<br />

compte parmi ses élèves des grands interprètes:<br />

Marie-Josèphe Jude, Jean-Yves Thibaudet,<br />

Nicholas Angelich…<br />

Que ce soit dans Mozart, Bach, Chopin,<br />

Schumann, Liszt, Albéniz ou Scarlatti, le jeu de<br />

Ciccolini reste lipide, toujours sobre et<br />

naturellem<strong>en</strong>t libre. Ces dernières années, le<br />

maître a <strong>en</strong>registré pour Cascavelle ses derniers<br />

témoignages. Mais durant près de quarante ans,<br />

c’est chez EMI que le pianiste a livré ses plus<br />

belles interprétations. Impossible de dire les<br />

multiples pépites cont<strong>en</strong>ues dans ce coffret<br />

magistral de 56 disques : une mine !<br />

JACQUES FRESCHEL<br />

Catherine Collard t<strong>en</strong>te d’effacer le temps<br />

«perdu» : trois disques de Sonates de Haydn<br />

paraiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> 1988, 1990 et 1992 et suscit<strong>en</strong>t<br />

l’<strong>en</strong>thousiasme de la critique… qui se réveille<br />

<strong>en</strong>fin !<br />

Son travail d’une grande finesse <strong>en</strong>chante : l’air<br />

passe <strong>en</strong>tre les phrasés, les dynamiques se déclin<strong>en</strong>t<br />

sans lourdeur. Tout paraît simple et<br />

mesuré… Néanmoins au cœur d’un classicisme<br />

de façade, on perçoit des fragilités et une<br />

t<strong>en</strong>dresse teintée de mélancolie. La gravité fuit<br />

le tragique avec ce qu’il faut d’«obscure clarté»,<br />

de dépouillem<strong>en</strong>t douloureux et de sourire<br />

candide.<br />

J.F<br />

la puissance de riffs au son métallique. La<br />

particularité de cet opus étant l’alternance <strong>en</strong>tre<br />

morceaux dynamiques et mom<strong>en</strong>ts mélodiques<br />

remarquablem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> avant et interprétés par<br />

la voix de Thomas, qui donne à l’<strong>en</strong>semble une<br />

couleur indéniablem<strong>en</strong>t mélancolique. Dix ans<br />

après la formation du groupe, Aqme est bi<strong>en</strong> là...<br />

pour le plus grand plaisir de ses fans.<br />

F.I.<br />

En l’honneur de Jupiter<br />

AQME<br />

abel At(h)ome<br />

Anthologie Beethov<strong>en</strong><br />

Aldo Ciccolini<br />

Coffret 56 CD<br />

Enregistrem<strong>en</strong>ts EMI 1950-1991<br />

Coffret 3 CDs Lyrinx LYR270


Rock n’ roll<br />

Fan de Muse, la belle Ilis, alias<br />

Virginie Nourry, se jette à corps<br />

perdu sur la scène de rock française.<br />

Et ça marche. Premier album plein<br />

d’espoir et de promesses, le Sex,<br />

LOve & Rock n’ rOll oscille <strong>en</strong>tre<br />

grunge, rock, et pop. 14 titres pour<br />

découvrir des chansons pleines de<br />

fraicheur et d’énergie : la nouvelle<br />

génération de la scène nationale<br />

rock est <strong>en</strong> route et déroule son<br />

<strong>en</strong>vie de tout casser. Pas besoin<br />

d’artifices pour s<strong>en</strong>tir la montée<br />

d’adrénaline suscitée de morceaux<br />

comme Le bonheur et Je marcherai.<br />

En y mélangeant subtilem<strong>en</strong>t émotion<br />

(Plus on s’aime) et douce pop,<br />

Ilis devi<strong>en</strong>t une machine à réussir,<br />

d’autant qu’elle a trouvé la force de<br />

monter sa propre boite de production<br />

et d’arp<strong>en</strong>ter les scènes via son<br />

minibus.<br />

Cette dynamique litanique se retrouve<br />

<strong>en</strong> concert mais aussi sur ce<br />

premier disque qui transpire la<br />

Nature et sans complexe, l’album<br />

Tout va très bi<strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t d’Angoulême<br />

où un certain groupe de chanson<br />

française énergique porte le drôle<br />

de nom L’Arrière-cuisine. Ne<br />

cherchons pas midi à quatorze<br />

heures : les onze titres qui compos<strong>en</strong>t<br />

ce recueil ont été conçus<br />

dans… l’arrière-cuisine de la<br />

maison, faut d’espace disponible.<br />

Pas de chichi ni de non dits pour le<br />

trio à l’écriture suggestive, le tapis<br />

sonore se déroule sous nos pieds au<br />

cœur d’un univers chancelant rempli<br />

d’images et de sonorités à faire<br />

pâlir les étoiles… à l’image du<br />

thérémin ou du tuba. Partageant<br />

parfois la scène avec Daniel Darc ou<br />

Dominique A, ce groupe aux<br />

multiples s<strong>en</strong>sibilités prés<strong>en</strong>te ses<br />

chansons modestes où la mélancolie<br />

méditative côtoie un peu de<br />

folie et d’énergie («Maglia sur un<br />

texte de Victor Hugo»). Dans les<br />

bacs depuis novembre, Tout va très<br />

rythmique rock n’roll (Tu t’abandonnes).<br />

Signant des textes écorchés<br />

et s<strong>en</strong>sibles, le quatuor au look<br />

soigné trouve sa place et ses fans<br />

déjà nombreux. Mieux que ça, Ilis a<br />

trouvé un son, un vrai.<br />

FRÉDÉRIC ISOLETTA<br />

Sex, LOve & Rock n’rOll<br />

Ilis<br />

25h43 Productions<br />

Apogée mélancolique<br />

bi<strong>en</strong> saura vous parler à travers les<br />

textes et musiques de Philippe<br />

Veillon, dont les jeux de mots se<br />

découvr<strong>en</strong>t et se savour<strong>en</strong>t.<br />

FREDERIC ISOLETTA<br />

Tout va très bi<strong>en</strong><br />

L’Arrière-cuisine<br />

La Cervelle – Mosaic Music<br />

Distribution


46 DISQUES MUSIQUE<br />

Au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t était…<br />

Cet <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t est issu de la session 2009 de<br />

l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. On se<br />

souvi<strong>en</strong>t de L’évangile selon Jean d’Abed Azrié joué<br />

à Marseille et Nice. Un opus, chanté <strong>en</strong> arabe, fruit<br />

de collaborations syri<strong>en</strong>ne, marocaine et française,<br />

repris à l’Opéra de Damas et au Festival de Fès des<br />

Musiques Sacrées du monde. Abed Azrié,<br />

compositeur et chanteur d’origine syri<strong>en</strong>ne, a écrit<br />

une œuvre pour voix solistes, chœur et <strong>en</strong>sembles<br />

d’Ori<strong>en</strong>t et Occid<strong>en</strong>t, associant des musici<strong>en</strong>s<br />

classiques et traditionnels de l’Institut supérieur de<br />

musique de Damas, de la Garde Royale du Maroc et<br />

des conservatoires de la région PACA.<br />

Le récit du quatrième évangile se décompose <strong>en</strong><br />

près de quarante-cinq scènes retraçant la vie, la<br />

mort et la résurrection de Jésus, homme-Dieu dont<br />

les souches plong<strong>en</strong>t dans le terreau sumérobabyloni<strong>en</strong>,<br />

canané<strong>en</strong> ou phénici<strong>en</strong> et concerne<br />

tout le bassin méditerrané<strong>en</strong>. On y trouve, comme<br />

dans un oratorio classique, les personnages chantés<br />

qui l’accompagn<strong>en</strong>t : Judas, Marie Madeleine ou la<br />

Interfér<strong>en</strong>ce<br />

Après le succès de Diaspora, voici v<strong>en</strong>u le temps de<br />

découvrir le nouvel et double album d’Ibrahim<br />

Maalouf. Kaléidoscope sonore aux multiples<br />

r<strong>en</strong>contres et métissages, Diachronism a la<br />

particularité de se composer de deux parties<br />

distinctes, réinv<strong>en</strong>tant un jazz v<strong>en</strong>u d’ailleurs.<br />

Disori<strong>en</strong>tal (Cd 1) et ses mélismes colorés se<br />

situerait plutôt de l’autre côté de la Méditerranée,<br />

alors que Paradoxid<strong>en</strong>tal (Cd 2) franchirait aisém<strong>en</strong>t<br />

le Rubicon des sons urbains aux technologies<br />

éprouvées. L’homme à la trompette aux quarts de<br />

tons ne décevra pas ses adeptes, amoureux du<br />

timbre si particulier de cet instrum<strong>en</strong>t qui secoue<br />

l’univers du jazz. En invitant des musici<strong>en</strong>s si<br />

différ<strong>en</strong>ts que Bijan Chemirani et son Saz, Adnan<br />

Jubran et son oud, Jacky Terrasson à son clavier<br />

et le trublion M (titre Bizarre, voix, guitare),<br />

Ibrahim Maalouf ne fait que confirmer ses<br />

M<strong>en</strong>suel gratuit paraissant<br />

le deuxième jeudi du mois<br />

Edité à 28 000 exemplaires<br />

imprimés sur papier recyclé<br />

Edité par <strong>Zibeline</strong> SARL<br />

76 av<strong>en</strong>ue de la Panouse | n°11<br />

13009 Marseille<br />

Dépôt légal : janvier 2008<br />

Directrice de publication<br />

Agnès Freschel<br />

Imprimé par Rotimpress<br />

17181 Aiguaviva (Esp.)<br />

photo couverture<br />

MARION RAMPAL<br />

© Agnès Mellon<br />

Conception maquette<br />

Max Minniti<br />

Rédactrice <strong>en</strong> chef<br />

Agnès Freschel<br />

agnes.freschel@wanadoo.fr<br />

06 09 08 30 34<br />

Secrétaire de rédaction<br />

spectacles et magazine<br />

Dominique Marçon<br />

journal.zibeline@gmail.com<br />

06 23 00 65 42<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Jeunesse et arts visuels<br />

Marie Godfrin-Guidicelli<br />

m-g-g@wanadoo.fr<br />

06 64 97 51 56<br />

Société<br />

Chris Bourgue<br />

chris.bourgue@wanadoo.fr<br />

06 03 58 65 96<br />

Arts Visuels<br />

Claude Lorin<br />

claudelorin@wanadoo.fr<br />

06 25 54 42 22<br />

Livres<br />

Fred Robert<br />

fred.robert.zibeline@free.fr<br />

06 82 84 88 94<br />

Samaritaine, Pilate, Marthe, l’aveugle, les apôtres…<br />

L‘expression est voluptueuse, le climat convivial et<br />

Abed Azrié évite de calquer son langage sur le<br />

chant classique ou la mélodie traditionnelle,<br />

privilégiant une forme de s<strong>en</strong>sualité dans les<br />

couleurs instrum<strong>en</strong>tales, les dynamiques et<br />

l’ornem<strong>en</strong>t.<br />

J.F<br />

L’évangile selon Jean<br />

Abed Azrié<br />

Coffret 2CD + DVD Bonus Doutak DOM001<br />

prédispositions à une musique colorée, creuset de<br />

réunions et d’associations parfois inatt<strong>en</strong>dues.<br />

Cocktail sonore relevé et savoureux qui donne un<br />

véritable coup de fouet à la planète jazz.<br />

F.I.<br />

Diachronism<br />

Ibrahim Maalouf<br />

Mister Production<br />

Musique et disques<br />

Jacques Freschel<br />

jacques.freschel@wanadoo.fr<br />

06 20 42 40 57<br />

Frédéric Isoletta<br />

f_izo@yahoo.fr<br />

06 03 99 40 07<br />

Cinéma<br />

Annie Gava<br />

annie.gava@laposte.net<br />

06 86 94 70 44<br />

Élise Padovani<br />

elise.padovani@orange.fr<br />

Philosophie<br />

Régis Vlachos<br />

regis.vlachos@free.fr<br />

Sci<strong>en</strong>ces et techniques<br />

Yves Berchadsky<br />

berch@free.fr<br />

Vingt ans après la mort<br />

de Pierre Barbizet, paraît <strong>en</strong>fin<br />

un ouvrage à sa mémoire<br />

«Enseigner<br />

c’est aimer !»<br />

Écrit à une voix, celle de Caline, sa femme, avec<br />

amour et admiration, et la main bi<strong>en</strong>veillante de<br />

Jacques Bonnadier. Dès les premières pages, on<br />

est emporté par l’émotion, le roman d’une vie… On<br />

n’<strong>en</strong> quitte plus le fil : l’<strong>en</strong>fance chili<strong>en</strong>ne, le<br />

Conservatoire à Marseille et le lycée Thiers, l’amour<br />

et les amitiés (Jean-Pierre Rampal, Samson François,<br />

Claude Helffer), les maîtres dans le Paris de la<br />

guerre (Marguerite Long, Georges Enesco). Sans<br />

oublier l’inégalable duo qu’il constitua avec le<br />

violoniste Christian Ferras… et 27 ans de direction<br />

généreuse au Conservatoire de Marseille auquel<br />

Pierre Barbizet a donné une dim<strong>en</strong>sion nationale,<br />

laissé son nom, et où il a marqué des générations de<br />

pianistes et de musici<strong>en</strong>s. Ceux-là même qui<br />

aujourd’hui font la vie musicale de notre région. Au<br />

fil des pages, des photos-souv<strong>en</strong>irs et des anecdotes,<br />

on se r<strong>en</strong>d compte combi<strong>en</strong> ce livre était<br />

indisp<strong>en</strong>sable, à sa mémoire et pour celle de toute<br />

une famille musicale orpheline depuis le 19 janvier<br />

1990.<br />

JACQUES FRESCHEL<br />

Pierre Barbizet<br />

Caline Barbizet<br />

Éditions Jeanne<br />

Laffite, 24 euros<br />

Histoire et patrimoine<br />

R<strong>en</strong>é Diaz<br />

r<strong>en</strong>ediaz@free.fr<br />

Polyvolantes<br />

Maryvonne Colombani<br />

mycolombani@yahoo.fr<br />

06 62 10 15 75<br />

Delphine Michelangeli<br />

d.michelangeli@free.fr<br />

06 65 79 81 10<br />

Marie-Jo Dhô<br />

dho.ramon@wanadoo.fr<br />

Maquettiste<br />

Philippe Perotti<br />

philippe.zibeline@gmail.com<br />

06 19 62 03 61<br />

Ont égalem<strong>en</strong>t participé à ce numéro :<br />

Emili<strong>en</strong> Moreau, Dan Warzy,<br />

Yves Bergé, Susan Bel, Clarisse<br />

Guichard, Christine Rey, Pierre-Alain<br />

Hoyet, Christophe Floquet,<br />

Edouard Barthélémy<br />

Photographe :<br />

Agnès Mellon<br />

095 095 61 70<br />

photographeagnesmellon.blogspot.com<br />

Directrice commerciale<br />

Véronique Linais<br />

vlinais@yahoo.fr<br />

06 63 70 64 18<br />

Attachée commerciale<br />

Nathalie Simon<br />

nathalie.zibeline@free.fr<br />

06 08 95 25 47


De la Musique ?<br />

Le pianiste-compositeur et philosophe Michel Sogny<br />

livre douze <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s réalisés, tel un long dialogue<br />

platonici<strong>en</strong>, avec la philosophe Monique Philon<strong>en</strong>ko.<br />

Outre les li<strong>en</strong>s intimes et riches que la musique tisse<br />

avec la philosophie, le couple aborde des aspects variés<br />

de l’art des sons, de l’exécution instrum<strong>en</strong>tale à<br />

l’écoute… L’essai interroge les rôles paradoxaux de<br />

l’interprète et de la virtuosité, souligne l’importance<br />

du sil<strong>en</strong>ce, du concert et de la critique et fait une large<br />

place aux figures de Mozart, Beethov<strong>en</strong> et Liszt (dont<br />

Michel Sogny est un émin<strong>en</strong>t spécialiste). De fait, le<br />

pédagogue livre des propos clairs sur la place de la<br />

musique dans la vie moderne et sur son <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t.<br />

Le pianiste propose, <strong>en</strong> complém<strong>en</strong>t, un programme<br />

Gallia Deo<br />

En France, au XVIIe siècle, le motet connaît une<br />

éclosion manifeste à Versailles. Selon le degré de<br />

sol<strong>en</strong>nité de l’office, la richesse de l’instrum<strong>en</strong>tation, le<br />

nombre de chanteurs varie : le «Grand motet» ou<br />

«Motet à grand chœur» est le plus majestueux. C’est<br />

un g<strong>en</strong>re exclusivem<strong>en</strong>t français qui s’affirme face à la<br />

préémin<strong>en</strong>ce itali<strong>en</strong>ne. L’ouvrage de Thierry Favier<br />

examine la diversité des pratiques dans les institutions<br />

religieuses ou lors de concerts publics, de l’accession<br />

au pouvoir de Louis XIV <strong>en</strong> 1661 à la Révolution<br />

française. Il retrace son évolution stylistique et esthé-<br />

G<strong>en</strong>re léger ?<br />

Le g<strong>en</strong>re opérette a connu, au fil de son histoire, des<br />

périodes de grande vitalité, <strong>en</strong> France <strong>en</strong> particulier,<br />

depuis le milieu du XIX e siècle… et quelques déc<strong>en</strong>nies<br />

de déclin, voire de mépris depuis les années 1960.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, on constate depuis peu, grâce à l’imagination<br />

de metteurs <strong>en</strong> scène comme Jérôme Savary ou<br />

Laur<strong>en</strong>t Pelly, que l’opérette connaît une nouvelle<br />

vigueur. B<strong>en</strong>oît Duteurtre, animateur de l’émission<br />

Étonnez-moi B<strong>en</strong>oît sur France Musique, déf<strong>en</strong>seur du<br />

raffinem<strong>en</strong>t musical de Reynaldo Hahn ou André<br />

Bécédaire<br />

Il y a tellem<strong>en</strong>t de choses à raconter sur notre Berlioz<br />

national qu’un guide clair et abondamm<strong>en</strong>t docum<strong>en</strong>té<br />

sur la vie et l’œuvre du compositeur romantique<br />

s’avérait indisp<strong>en</strong>sable ! Publié aux éditions Van de<br />

Velde, le bécédaire Berlioz de B à Z foisonne d’anecdotes<br />

et d’informations ess<strong>en</strong>tielles à la compréh<strong>en</strong>sion<br />

de la production pléthorique de l’artiste passionné,<br />

mais égalem<strong>en</strong>t à l’appréh<strong>en</strong>sion de l’homme.<br />

Rassemblés et organisés par le journaliste musical<br />

Pierre-R<strong>en</strong>é Serna, les <strong>en</strong>trées alphabétiques sont<br />

pertin<strong>en</strong>tes et précises, voire inédites, r<strong>en</strong>dant la lecture<br />

de ce dictionnaire monographique ludique et passionnant.<br />

Et pour une telle <strong>en</strong>treprise l’auteur de la<br />

Symphonie Fantastique est un bon sujet, acerbe dans<br />

Liszt de piano à quatre mains (Préludes, Marche de<br />

Rakoczy, La Bataille des Huns, Orphée et deux Rhapsodies<br />

hongroises) <strong>en</strong> premier <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t mondial<br />

avec Elisso Bolkvadze. Égalem<strong>en</strong>t joint à l’ouvrage,<br />

un CD prés<strong>en</strong>te un choix d’opus composés par<br />

Michel Sogny : une œuvre à découvrir !<br />

JACQUES FRESCHEL<br />

La Musique <strong>en</strong> questions<br />

Michel Sogny,<br />

<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec Monique Philon<strong>en</strong>ko<br />

éd TUM / Michel de la Maule, 25 euros<br />

tique à la Chapelle Royale, au Concert Spirituel, dans<br />

les Chapelles provinciales, et considère son implication<br />

dans la construction de l’image royale.<br />

J.F.<br />

Le motet à grand chœur<br />

Thierry Favier<br />

Ed Fayard, 28 euros<br />

Messager, de la fantaisie d’Off<strong>en</strong>bach et de ses disciples,<br />

propose une nouvelle édition de son ouvrage référ<strong>en</strong>ce<br />

publié <strong>en</strong> 1997, qui pr<strong>en</strong>d justem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compte le<br />

retour <strong>en</strong> grâce réc<strong>en</strong>t d’un g<strong>en</strong>re éminemm<strong>en</strong>t<br />

populaire.<br />

J.F.<br />

L’opérette <strong>en</strong> France<br />

B<strong>en</strong>oît Duteurtre<br />

éd Fayard, 32 euros<br />

ses écrits et polémiste à souhait ! L’inv<strong>en</strong>teur du mot<br />

festival s’y révèle peu t<strong>en</strong>dre avec la France musicale de<br />

son temps, «un pays de crétins et de gredins». Une<br />

personnalité attachante qui se dévoile et se délecte dans<br />

ce Vade Mecum sur mesure.<br />

F.I.<br />

Berlioz de B à Z<br />

Pierre-R<strong>en</strong>é Serna<br />

Ed. Van de Velde, 20 euros<br />

MUSIQUE<br />

LIVRES 47


48 LIVRES ARTS<br />

Composer avec Vichy ?<br />

Passionnant et riche <strong>en</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts, l’ouvrage<br />

Composer sous Vichy du musicologue Yannick<br />

Simon dresse un panorama complet d’une période<br />

musicale tourm<strong>en</strong>tée longtemps passée sous sil<strong>en</strong>ce.<br />

L’Occupation et ses heures sombres ont modifié la<br />

donne d’une vie créatrice bouleversée qui, contrairem<strong>en</strong>t<br />

aux idées reçues, ne s’est pas éteinte pour autant<br />

p<strong>en</strong>dant cette période noire. Du traitem<strong>en</strong>t infligé à<br />

Darius Milhaud, exilé et banni du paysage culturel,<br />

au Front National de la Musique, cette somme admirablem<strong>en</strong>t<br />

docum<strong>en</strong>tée publiée aux Editions Symétrie<br />

est une contribution indisp<strong>en</strong>sable pour les musici<strong>en</strong>s<br />

et les histori<strong>en</strong>s, comme pour les amateurs désireux de<br />

s’imprégner comme dans un roman des destins croisés<br />

L’agonie d’Agata<br />

Couverture noire, ombres noires, chambre noire : Agonie<br />

est un ouvrage radical. Âmes s<strong>en</strong>sibles s’abst<strong>en</strong>ir car<br />

les autoportraits photographiques d’Antoine d’Agata<br />

et les textes labyrinthiques de Rafael Garrido sont<br />

poussés à leur paroxysme. Né d’une correspondance<br />

sur Internet, Agonie est le fruit de r<strong>en</strong>contres <strong>en</strong>tre un<br />

écrivain épris de Basquiat, de Bacon, auteur d’une thèse<br />

sur «Le corps et la viol<strong>en</strong>ce dans l’art contemporain»,<br />

et d’un photographe lecteur d’Artaud, Burroughs,<br />

Deleuze, Blanchot. Même fascination, mêmes ombres<br />

tutélaires qui ont naturellem<strong>en</strong>t guidé Antoine d’Agata<br />

à lui «passer commande».<br />

Rafael Garrido s’est emparé de l’occasion pour se couler<br />

littéralem<strong>en</strong>t dans l’œuvre photographique mais<br />

aussi littéraire («Je suis resté sur le cul, fasciné par sa façon<br />

d’écrire, tout particulièrem<strong>en</strong>t Les désirs du monde et Les<br />

blessures du monde»), crachant une logorrhée poéticosonore<br />

d’une grande liberté, mais respectueuse des<br />

thématiques souhaitées par le photographe : la drogue<br />

des compositeurs français. Le régime de Vichy a vu<br />

certains adopter des positions collaborationnistes,<br />

d’autres se quereller sur la notation Obouhaw, d’autres<br />

rester prisonniers de guerre. Le rôle de la presse spécialisée<br />

et l’activité musicale sont analysés depuis la<br />

drôle de guerre jusqu’à la plume corrosive de Poul<strong>en</strong>c<br />

et Eluard élevant le mot Liberté au rang d’emblème…<br />

FREDERIC ISOLETTA<br />

Composer sous Vichy<br />

Yannick Simon<br />

Ed. Symétrie 40 euros<br />

Mémoire des lieux oubliés<br />

Au départ une demande de Jean-Luc Mingallon,<br />

présid<strong>en</strong>t du Consolat Mirabeau Services, et une <strong>en</strong>vie<br />

d’écrire, celle de Luci<strong>en</strong>ne Brun. Et une consci<strong>en</strong>ce<br />

sociale commune, autour d’un lieu atypique, sans nom<br />

pour l’administration, <strong>en</strong>tre Saint-André et Saint-<br />

Louis. Un an et demi de travaux, de recherches, ont<br />

permis la collation de témoignages, de photographies,<br />

de r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts sur les industries, les activités, les<br />

mouvem<strong>en</strong>ts de population liés à la grande Histoire :<br />

ceux des Itali<strong>en</strong>s, Espagnols, Algéri<strong>en</strong>s, Arméni<strong>en</strong>s,<br />

Gitans, Pieds-noirs, g<strong>en</strong>s des campagnes <strong>en</strong>vironnant<br />

Marseille.<br />

Des plans <strong>en</strong>fantins représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t les maisons, avec les<br />

noms des habitants, que ce soit le long des rails, dans<br />

la cité Consolat, le saut de Marot, le chemin de Ruisseau-<br />

Mirabeau, la campagne Lachèvre… Leurs appellations<br />

frapp<strong>en</strong>t l’imaginaire. Les photographies, souv<strong>en</strong>t prêtées,<br />

sont merveilleusem<strong>en</strong>t touchantes : sourires généreux,<br />

images de communiantes, jeune homme fier sur sa<br />

moto, voisins réunis, scènes quotidi<strong>en</strong>nes, et le bar<br />

Michel, magnifique temple de convivialité ! Le livre<br />

est égalem<strong>en</strong>t un bouquet de voix qui se racont<strong>en</strong>t,<br />

témoignages particuliers qui r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t aussi compte de<br />

la vie de ce quartier foisonnant, avec ses cités, ses<br />

champs, ses terrains vagues, ses articulations désordonnées<br />

mais emplies d’énergie, de misères aussi, de<br />

courage, de bonheurs. Et pourtant, qui se souvi<strong>en</strong>t des<br />

Tuileries, du travail harassant des femmes, des chaînes<br />

de conditionnem<strong>en</strong>t de Bonux, des usines Panzani ?<br />

Étude ethnographique, témoignage de la consci<strong>en</strong>ce<br />

ouvrière, ce bel ouvrage peut aussi être prés<strong>en</strong>té ainsi,<br />

chargé de mémoire, une somme extraordinaire à cultiver.<br />

À lire, à feuilleter, comme une prom<strong>en</strong>ade que l’on<br />

ferait tout simplem<strong>en</strong>t dans son quartier.<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

Sur les traces de nos pas<br />

Luci<strong>en</strong>ne Brun<br />

Publication Consolat Mirabeau Services, 35 euros<br />

Avec le concours de la région PACA<br />

(«son corps savait piquer»), la prostitution («la routine<br />

des bordels, d’un nouveau bordel, est simple et passe,<br />

inéluctablem<strong>en</strong>t, à travers l’aveuglem<strong>en</strong>t»), l’avènem<strong>en</strong>t<br />

des corps («corps incorporants et incorporés, désir incarné,<br />

désossé»), le dur et le mou…<br />

Aux côtés des images floues, ombrées, extraverties<br />

d’Antoine d’Agata, les mots de Rafael Garrido se chevauch<strong>en</strong>t,<br />

se distord<strong>en</strong>t pour créer un texte volcanique;<br />

auprès des corps extatiques, jubilatoires et morbides,<br />

les mots se débit<strong>en</strong>t à la mitraillette. D‘une rare d<strong>en</strong>sité<br />

et d’une crudité sans fard, Agonie brûle d’int<strong>en</strong>sité.<br />

Aveuglant.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

Agonie<br />

Photographies d’Antoine d’Agata,<br />

texte de Rafael Garrido<br />

Co-édition Actes Sud/Atelier de Visu, 43 euros


Au-delà du docum<strong>en</strong>taire<br />

Dès son apparition, la photographie a oscillé <strong>en</strong>tre démarche artistique<br />

et approche docum<strong>en</strong>taire. Les trois ouvrages que fait paraître<br />

Images <strong>en</strong> Manœuvre <strong>en</strong>trelac<strong>en</strong>t ces deux pôles<br />

Pour le meilleur, il faudrait les feuilleter et les confronter<br />

l’un après l’autre. Chacun des photographes aborde<br />

un groupe social : ouvriers anglais <strong>en</strong> vacances pour Martin<br />

Parr, jet-set internationale chez Jessica Craig-Martin, le<br />

peuple vénézuéli<strong>en</strong> pour Christopher Anderson. Mais<br />

les approches vari<strong>en</strong>t suffisamm<strong>en</strong>t pour nous rappeler<br />

que l’acte photographique peut se jouer dans l’empathie<br />

plus ou moins prononcée avec son sujet. Le plus proche<br />

(plans rapprochés et gros plans) et le plus distancié à<br />

la fois (couleurs crues, flash brutal) est le regard acidulé<br />

de Jessica Craig-Martin, focalisant sur l’artificielle<br />

ambival<strong>en</strong>ce des mondanités (détails sur les sourires<br />

et embrassades de conv<strong>en</strong>ance alors que les visages sont<br />

le plus souv<strong>en</strong>t coupés par le cadrage, décolletés <strong>en</strong>crémés,<br />

bijoux surexposés…). Mais ces g<strong>en</strong>s à la richesse<br />

exhibée n’ont droit ici qu’à une qualité d’image destinée<br />

au rebut : tous les privilèges ne leur sont pas dus.<br />

Réédition du livre paru <strong>en</strong> 1986 <strong>en</strong> Angleterre, The<br />

last resort s’attache à r<strong>en</strong>dre compte sans fioritures des<br />

attitudes d’une classe populaire <strong>en</strong> vacances dans une<br />

cité balnéaire. Le sujet bi<strong>en</strong> vernaculaire et son traitem<strong>en</strong>t<br />

photographique lui avai<strong>en</strong>t valu nombre critiques.<br />

«C.»<br />

Ce livre est l’aboutissem<strong>en</strong>t de la complicité <strong>en</strong>tre trois<br />

comparses. Frédéric Valabrègue, l’accompagnateur de<br />

l’artiste depuis ses débuts, signe les textes à partir de<br />

plusieurs <strong>en</strong>trées thématiques hors chronologie : comm<strong>en</strong>çant<br />

par La Chambrejusqu’à Mouvem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> passant<br />

par Tatouages ou Méduses, il explore les multiples <strong>en</strong>trelacs<br />

du travail de «C.» comme pour laisser toute la<br />

place au s<strong>en</strong>s des œuvres.<br />

Ce que vi<strong>en</strong>t confirmer la suite de l’ouvrage. André<br />

Dimanche, lors de la signature à la galerie Alain Paire,<br />

rappelait la g<strong>en</strong>èse du projet, la complicité du graphiste,<br />

George R<strong>en</strong>é, le travail ténu de l’artiste avec<br />

l’éditeur. Mais il souligna égalem<strong>en</strong>t l’exigeante empathie<br />

qui se retrouve pour le lecteur jusque dans la<br />

reproduction irréprochable des œuvres <strong>en</strong> particulier,<br />

Voici un livre qui paraît à pic ! En cette période de<br />

Noël et dans notre région, Crèches du monde, un<br />

monde de crèchesne peut manquer d’attirer tous ceux<br />

que la Nativité et les santons inspir<strong>en</strong>t. Effectivem<strong>en</strong>t,<br />

ce livre imposant, presque 300 pages format livre d’art,<br />

représ<strong>en</strong>te une somme, et pas seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> euros. Tout<br />

ce que avez toujours voulu savoir sur la crèche s’y trouve<br />

ou presque, du texte biblique aux diverses techniques<br />

de fabrication des personnages, <strong>en</strong> passant par leur<br />

valeur symbolique et leur histoire. On peut y lire aussi<br />

des chants de Noël, y glaner des référ<strong>en</strong>ces d’artisans<br />

ou de r<strong>en</strong>contres importantes. Bref, un ouvrage très<br />

complet, agrém<strong>en</strong>té de multiples photographies prises<br />

pour la plupart <strong>en</strong> Pologne, <strong>en</strong> Italie et <strong>en</strong> France sur<br />

les marchés de santonniers les plus célèbres (Aubagne,<br />

Martin Parr est dev<strong>en</strong>u <strong>en</strong>tre temps une des référ<strong>en</strong>ces<br />

de la photo (d’art) docum<strong>en</strong>taire. Dans sa préface Gerry<br />

Badger resitue l’évolution de sa réception publique, et<br />

examine la démarche de l’auteur. Sa bi<strong>en</strong>veillance <strong>en</strong>vers<br />

le vulgaire ?<br />

Dans le même format à l’itali<strong>en</strong>ne, mais couverture toilée<br />

très rouge, sans rédactionnel aucun, Capitolio sinue<br />

dans la société vénézuéli<strong>en</strong>ne sous Chavez, <strong>en</strong> noirs,<br />

blancs et gris uniquem<strong>en</strong>t. Matières, contrastes, flou,<br />

grain, variété des plans et des sujets constitu<strong>en</strong>t autant<br />

d’angles d’approche. En certains <strong>en</strong>droits les clichés<br />

s’assembl<strong>en</strong>t bord à bord évoquant le récit filmique<br />

ou construisant d’autres images plus plastici<strong>en</strong>nes <strong>en</strong><br />

pleine et double page. Le docum<strong>en</strong>taire cède alors au<br />

poétique, le livre à l’objet. On regrette quand même<br />

l’abs<strong>en</strong>ce de contextualisation et d’explicitation du<br />

travail de Christopher Anderson qui déclare ailleurs<br />

«Au Vénézuéla, l’appareil photo est une arme…»<br />

CLAUDE LORIN<br />

ou <strong>en</strong>core dans le rythme du déroulem<strong>en</strong>t par séqu<strong>en</strong>ces,<br />

les séries se déployant sur plusieurs volets.<br />

Précisons que seule l’œuvre graphique de Jean-Jacques<br />

Ceccarelli a été ret<strong>en</strong>ue au cours de ces trois c<strong>en</strong>t<br />

pages et c<strong>en</strong>t quarante reproductions. À quand pour<br />

les sculptures et installations ?<br />

CLAUDE LORIN<br />

Ceccarelli<br />

texte de Frédéric Valabrègue<br />

André Dimanche Editeur, 50 euros<br />

En plus de l’édition courante, 30 tirés à part, numérotés,<br />

sont prés<strong>en</strong>tés sous coffret toilé rouge accompagnés d’un<br />

dessin original de l’artiste, 250 euros<br />

Entre le bœuf et l’âne gris<br />

Arles) ou au musée des santons de Val (Var). Miniatures<br />

ou monum<strong>en</strong>tales, sophistiquées ou brutes, toutes<br />

sortes de crèches sont prés<strong>en</strong>tées, reflets émouvants<br />

des cultures du monde.<br />

Car Crèches du monde est l’œuvre de deux passionnés,<br />

Maria Skrzeczkowska et Patrick Botella, dont de<br />

nombreuses lég<strong>en</strong>des montr<strong>en</strong>t qu’ils ont tous deux collecté<br />

depuis longtemps, elle dans sa Pologne natale, lui<br />

<strong>en</strong> Prov<strong>en</strong>ce et auparavant <strong>en</strong> Algérie, des pièces rares<br />

ou originales. Leur passion est <strong>en</strong>thousiaste, ferv<strong>en</strong>te<br />

même avec, parfois, une t<strong>en</strong>dance au prosélytisme.<br />

Qui reste discrète.<br />

FRED ROBERT<br />

Privilège<br />

Jessica Craig-Martin<br />

co-édition RVB, 45 euros<br />

The last resort<br />

Martin Parr<br />

40 euros<br />

Capitolio<br />

Christopher Anderson<br />

46 euros<br />

Crèches du monde, un monde de crèches<br />

Maria Skrzeczkowska et Patrick Botella<br />

éd l’àpart du beau, 45 euros<br />

49<br />

© Martin Parr


50 LIVRES LITTÉRATURE<br />

Loin du paradis<br />

L’atmosphère du dernier roman d’Andrew Sean<br />

Greer, qu’il est v<strong>en</strong>u prés<strong>en</strong>ter à Marseille dans le<br />

cadre des Belles Etrangères, rappelle celle du film<br />

de Todd Haynes. Réalisé <strong>en</strong> 2003, celui-ci relate le<br />

drame de Cathy (Julianne Moore), mère et femme<br />

au foyer exemplaire qui voit sa vie et son mariage<br />

exploser ; une mise <strong>en</strong> scène à la Douglas Sirk, sur<br />

fond d’homosexualité et de racisme. Dans le roman,<br />

c’est à la même Amérique des années 50 que la<br />

narratrice Pearlie fait remonter le début de cette histoire<br />

d’un mariage ; la même Amérique corsetée dans ses<br />

préjugés (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Buzz, celui<br />

par qui le scandale pourrait arriver, dirige une<br />

<strong>en</strong>treprise de sous-vêtem<strong>en</strong>ts, gaines et corsets à tous<br />

les étages) ; la même Amérique qui exécute les époux<br />

Ros<strong>en</strong>berg et <strong>en</strong>voie des gamins mourir <strong>en</strong> Corée.<br />

Donc, c’est l’histoire de Pearlie et de son bel époux<br />

Holland, de leur petit garçon handicapé et de leur<br />

exist<strong>en</strong>ce paisible… Jusqu’au jour où elle découvre<br />

«quelqu’un qui avait emprunté par pure sorcellerie les<br />

traits de [mon] mari». Rassurez-vous, ri<strong>en</strong> à voir avec<br />

Écrire et faire l’amour<br />

La vérité sur Marie clôt la trilogie inaugurée avec Faire<br />

l’amour (2002) et poursuivie dans Fuir (2005). Jean-<br />

Philippe Toussaint achève brillamm<strong>en</strong>t le cycle de sa<br />

passion pour Marie, avec desc<strong>en</strong>te aux <strong>en</strong>fers et<br />

résurrection. Faire l’amour donc, ou plutôt le refaire<br />

avec elle, et révéler «la vérité sur» cette femme<br />

fantasque, désordonnée et suprêmem<strong>en</strong>t attirante, que<br />

le narrateur n’a cessé d’aimer et sur laquelle il déclare<br />

tout savoir. Tel est le projet de l’homme amoureux ; tel<br />

est égalem<strong>en</strong>t celui de l’écrivain.<br />

La vérité sur Marie se prés<strong>en</strong>te comme un triptyque.<br />

Deux volets latéraux, l’un situé à Paris l’autre sur l’île<br />

d’Elbe, retrac<strong>en</strong>t, avec le mélange d’humour décalé et<br />

de recherche stylistique propres à Toussaint,<br />

l’événem<strong>en</strong>t tragique qui a permis aux deux<br />

protagonistes de se retrouver, à savoir la mort subite,<br />

dans l’appartem<strong>en</strong>t de Marie, de Jean-Christophe de<br />

G., un riche et élégant éleveur de chevaux de course<br />

r<strong>en</strong>contré à Tokyo. Au c<strong>en</strong>tre, <strong>en</strong>châssée dans le récit<br />

des retrouvailles, l’av<strong>en</strong>ture de Marie avec cet homme,<br />

et surtout une scène dans la zone de fret de l’aéroport<br />

Marseille et son double<br />

Il y a d’autres Marseille de par le monde… et si vous<br />

vous jetez éperdus dans la consultation d’un atlas, vous<br />

vérifierez, ô stupeur, que la cité phocé<strong>en</strong>ne n’est pas<br />

unique (Petit détail orthographique, celle qui se situe<br />

<strong>en</strong> Illinois porte un s <strong>en</strong> finale) ! Bruno Leydet s’est<br />

emparé de cette ville américaine, <strong>en</strong> a fait un miroir,<br />

multipliant les échos, à la manière de ces écrits du<br />

XVIII e qui s’amusai<strong>en</strong>t à brouiller les codes pour<br />

avancer critiques et caricatures. Un régal de lecture,<br />

style rapide, serré qui ti<strong>en</strong>t de Lodge ou d’Alison Lurie,<br />

et un jeu perman<strong>en</strong>t pour le lecteur qui reconnaît par<br />

transpar<strong>en</strong>ce sa propre ville. En Illinois, c’est l’MO, le<br />

Marseille Olympus, équipe de foot féminine, qui<br />

passionne la population ; la série à la mode se nomme<br />

«Wonderful life» ; on va au Sun Market faire ses<br />

un quelconque ouvrage de fantasy… Mais c’est tout<br />

de même une histoire de rev<strong>en</strong>ant que Pearlie retrace.<br />

Car lorsque Buzz Drumer se prés<strong>en</strong>te à sa porte, le<br />

passé <strong>en</strong>tre avec lui ; un passé tu, une histoire sombre<br />

et aussi la révélation de la liaison amoureuse des 2<br />

hommes.<br />

Pearlie pourrait s’effacer, abandonner la partie. Mais<br />

Pearlie n’est pas Cathy. Cette jeune femme noire ne<br />

r<strong>en</strong>once jamais. De même qu’elle a su qu’elle le voulait<br />

au premier regard, et qu’elle l’a eu, de même elle va<br />

lutter pour compr<strong>en</strong>dre son Holland, et le garder, avec<br />

ses faiblesses, ses parts d’ombre.<br />

Un beau roman, donc. D’amour. De guerre aussi :<br />

«non pas une histoire ordinaire de combattants mais de<br />

ceux qui ne partir<strong>en</strong>t pas à la guerre. Les lâches et les<br />

planqués […] L’histoire de ces hommes-là, et d’une<br />

femme à la f<strong>en</strong>être, incapable de faire autre chose<br />

qu’observer. […] Ils sont éliminés de l’Histoire, car ri<strong>en</strong><br />

n’est plus corrosif que la honte. […] Mais je signe pour<br />

eux ce récit.» La chronique de Pearlie atteint à<br />

l’universel. Et au-delà des décors 50 et d’une «histoire<br />

de Narita, puis dans l’avion. Toussaint déploie sur<br />

quelque 100 pages, c’est-à-dire à peu près la moitié du<br />

livre, une fiction rétrospective stupéfiante. Il imagine<br />

l’embarquem<strong>en</strong>t difficile d’un pur-sang et le retour<br />

épique <strong>en</strong> avion cargo de Marie, de son amant et du<br />

cheval. La scène pr<strong>en</strong>d des allures d’apocalypse<br />

artificielle, totalem<strong>en</strong>t reconstruite, <strong>en</strong>tre drame et<br />

burlesque, film d’action de série B et tragédie<br />

contemporaine. On se souvi<strong>en</strong>t alors que Toussaint<br />

est aussi réalisateur de films. De fait, il s’<strong>en</strong> donne à<br />

cœur joie, avec jeux de lumières et effets spéciaux, sur<br />

un scénario délirant qu’il semble vomir, comme le<br />

feront le pur-sang dans l’avion, le narrateur dans la<br />

dernière partie. Logorrhée cathartique, souffrance<br />

expectorée une fois pour toutes.<br />

C’est viol<strong>en</strong>t, tellurique, érotique aussi, avec une<br />

dominante nocturne, de mort, de tempête,<br />

d’inc<strong>en</strong>die. Pourtant, au bout des nuits de chaos<br />

r<strong>en</strong>aiss<strong>en</strong>t l’amour et une langue à l’épreuve des<br />

flammes.<br />

Après le Médicis pour Fuir, Jean-Philippe Toussaint<br />

courses ; et quand vous saurez que l’anci<strong>en</strong> maire<br />

s’appelait Gastone Pistone… La société marseillaise<br />

(de Marseille Illinois bi<strong>en</strong> sûr, quoique l’auteur ait<br />

omis le «s» final) est passée au crible. Liaisons, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>tes,<br />

manipulations, jeux électoraux… jubilatoire ! Il s’agit<br />

aussi d’un polar, avec fond de terrorisme intégriste, et<br />

police débordée qui s’acharne sur de fausses pistes. La<br />

quête de «l’olive nucléaire» est exceptionnelle ! À lire<br />

avec délectation !<br />

M.C.<br />

Marseille, Illinois<br />

Bruno Leydet<br />

Ed L’écailler du sud, 8,50 euros<br />

de mariage» un peu kitsch, elle parle sans doute aux<br />

lecteurs de l’Amérique d’aujourd’hui, qui est loin d’<strong>en</strong><br />

avoir terminé avec les guerres lointaines et les<br />

discriminations.<br />

FRED ROBERT<br />

L’histoire d’un mariage<br />

Andrew Sean Greer<br />

éd. de l’Olivier,<br />

21 euros<br />

vi<strong>en</strong>t tout juste de recevoir le prix Décembre pour ce<br />

beau roman visuel et s<strong>en</strong>suel. Pas mal quand on sait<br />

que cette récomp<strong>en</strong>se, qui s’affiche depuis 1989<br />

comme une sorte d’anti Goncourt, a été décernée<br />

avant lui à Pierre Michon, Régis Jauffret ou Yannick<br />

Ha<strong>en</strong>el… On peut imaginer plus mauvaise<br />

compagnie.<br />

FRED ROBERT<br />

La vérité sur Marie<br />

Jean-Philippe<br />

Toussaint<br />

éd. de Minuit,<br />

14,50 euros


Où l’archéologie du Panier sert l’<strong>en</strong>quête<br />

Le dernier roman de Jean Contrucci, Le vampire de<br />

la rue des Pistoles, <strong>en</strong>traîne une fois de plus ses lecteurs<br />

à la suite du sympathique journaliste du Petit<br />

Prov<strong>en</strong>çal, Raoul Signoret, dans une <strong>en</strong>quête rondem<strong>en</strong>t<br />

m<strong>en</strong>ée aux rebondissem<strong>en</strong>ts multiples. Le vieux<br />

Marseille sert à la fois de cadre et de clé à cette<br />

rocambolesque av<strong>en</strong>ture dominée par le pont transbordeur<br />

et hantée par les caves du Panier qui recèl<strong>en</strong>t<br />

de bi<strong>en</strong> curieux et antiques secrets. L’intrigue est servie<br />

avec une jolie verve ; les bons mots des personnages,<br />

leur <strong>en</strong>thousiasme juvénile, accord<strong>en</strong>t un rythme vif<br />

au récit. Mais la légèreté primesautière du ton<br />

n’oblitère pas les sombres échos de la gestation de la 1 re<br />

guerre mondiale, avec les poèmes distillés dans les<br />

mémoires <strong>en</strong>fantines par les hussards noirs de la<br />

Freaks and Chips<br />

Dans les limbes n’est pas tout à fait un thriller. Ni<br />

vraim<strong>en</strong>t un roman fantastique. Pas plus une fable<br />

sociale à l’américaine, voire une fiction «gold metal»<br />

hallucinatoire écrite sous speed avec vieux fonds de<br />

rock n’roll. Mais Dans les limbes ou plutôt The<br />

Resurrectionist -son titre original- est un peu de tout<br />

cela. Roman étouffant et cauchemardesque, sa lecture<br />

nous projette dans un monde peuplé de bikers ultraviol<strong>en</strong>ts,<br />

de médecins pervers, d’étranges comateux<br />

reclus au cœur d’une terrifiante clinique gothique. À<br />

ce décor grisâtre s’ajoute l’écriture <strong>en</strong> pans alternés<br />

d’un récit double : sous nos yeux tremble Swe<strong>en</strong>ey,<br />

père pétri de culpabilité au chevet de son fils <strong>en</strong><br />

sommeil profond ; parallèlem<strong>en</strong>t s’égrèn<strong>en</strong>t les chapitres<br />

de Limbo, la bande dessinée qu’il lit et qui le relie à<br />

l’<strong>en</strong>fant. Les personnages de ce comic sont des monstres<br />

de foire que n’aurait pas r<strong>en</strong>iés l’Amérique<br />

profonde des romans d’Harry Crews.<br />

Pour le reste, on plongerait plutôt au milieu d’une<br />

fantasmagorie façon «new worlds» britannique, écla-<br />

N o 25 desc<strong>en</strong>dre 2009<br />

Les travaillants, un roman de sci<strong>en</strong>ce affliction de<br />

Grégoire Courtois aux éditions Presque Lune.<br />

18.50 euros de désespérée errance !<br />

Une époque incertaine dans un futur incertain. La<br />

terre ? Des tours dominant des rues improbables ou<br />

règn<strong>en</strong>t des «chats» hypothétiques ; humains rejetés<br />

des <strong>en</strong>treprises ou survivants de la chute incessante des<br />

suicidés, volontaires ou non, qui ne cess<strong>en</strong>t de tomber<br />

des étages, tels des Folon de fin du monde. Des<br />

«travaillants» nés d’une «nurserie» franchiss<strong>en</strong>t un<br />

triste jour la «porte des Hairaches» pour <strong>en</strong>trer dans le<br />

«monde du travail» selon le bon vouloir de l’<strong>en</strong>treprise<br />

toute puissante. Y survivront-ils ? Pourront-ils accéder<br />

à un box à l’étage du bureau ? Seront-ils protégés ou<br />

défénestrés par la «guilde» sur laquelle la béance<br />

libérale les aura déposés ? Nul ne sait. Au fond de<br />

toilettes obscures, filmés par leurs collègues de bureau,<br />

république. L’érudition, certes formulée sur le ton de<br />

la galéjade, est bi<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te, et reconstruit le vieux<br />

Marseille, son architecture, ses coutumes, les différ<strong>en</strong>tes<br />

strates de sa population, d’une plume vivante et<br />

<strong>en</strong>jouée. Un vrai plaisir de lecture ! Sans compter<br />

qu’adjoint au volume, un petit traité, Le Marseille de<br />

Raoul Signoret, nous livre photographies r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts<br />

et alléchantes recettes du début du XX e siècle…<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

Le vampire de la rue des Pistoles<br />

Les nouveaux mystères de Marseille<br />

Jean Contrucci<br />

Ed Jean Claude Lattès, 16,50 euros<br />

tant les cadres des g<strong>en</strong>res établis. Car c’est bi<strong>en</strong> loin<br />

d’un polar traditionnel, <strong>en</strong>tre rêve et réalité, que se<br />

pose ici la question suivante : ces deux-là, père et fils,<br />

peuv<strong>en</strong>t-il <strong>en</strong>core communiquer dans le monde des<br />

vivants ? Faut-il charcuter le cerveau de l’un ou bi<strong>en</strong><br />

l’autre doit-il s’élancer, shooté à mort, dans le néant<br />

des rêves ? Jack O’Connell diffère la solution du<br />

dilemme. Et voici sans doute le point faible de cet<br />

ouvrage résolum<strong>en</strong>t baroque d’un point de vue<br />

onirique. Une fois les monstres, les «abominations»,<br />

la clinique et Géh<strong>en</strong>na posés, détaillés, que reste-t-il à<br />

découvrir ? Que les monstres ne sont pas ceux que l’on<br />

croit ? Finalem<strong>en</strong>t on aurait préféré aller <strong>en</strong>core plus<br />

loin avec eux. Let’s take the road again...<br />

EDOUARD BARTHELEMY<br />

Dans les limbes<br />

Jack O’Connell<br />

Ed Rivages/Thriller, 22 euros<br />

les pervers s’adonn<strong>en</strong>t à des scarifications sacrificielles.<br />

S’il est un l<strong>en</strong>demain, face à la «nano-cantine», l’objet<br />

de l’art déverse ses tripes et r<strong>en</strong>d le dernier soupir<br />

tandis que Vera <strong>en</strong> vomit de jouissance. Les messages<br />

télématiques s’échang<strong>en</strong>t, précédés pour <strong>en</strong> informer<br />

le lecteur d’un [chan#9926]. Périodiquem<strong>en</strong>t un<br />

chapitre, cassé <strong>en</strong> «Courier New» format [txt] nous<br />

fait accéder aux [informations personnalisées]<br />

de l’<strong>en</strong>treprise.<br />

Si vous voulez <strong>en</strong> subir plus, lisez ce roman ou fourrezvous<br />

un doigt au fond de la gorge, ou buvez un café<br />

salé. Et bonnes défaites de fin damnée.<br />

YVES BERCHADSKY<br />

Les travaillants<br />

Grégoire Courtois<br />

Editions Presque Lune<br />

Jack O’Connell était accueilli à Marseille<br />

les 10 et 12 nov (ABD et Prison des Baumettes)<br />

pour deux r<strong>en</strong>contres organisées dans le cadre<br />

des Belles étrangères<br />

51


52<br />

LIVRES<br />

Cela ne s’inv<strong>en</strong>te pas, un festival consacré au roman<br />

policier dans la ville qui devrait peut être son nom aux<br />

activités peu louables des voleurs de grand chemin du<br />

Garlaban… Christiane Petetin, adjointe au maire et<br />

cheville ouvrière de cette manifestation l’évoque avec<br />

humour. En fait, c’est une histoire de passion. Passion<br />

pour ce g<strong>en</strong>re que l’on considère <strong>en</strong>core comme<br />

TOULON | LA DESTROUSSE<br />

La Fête du livre de Toulon a tiré le<br />

rideau. Avec 52000 visiteurs réunis <strong>en</strong><br />

trois jours, la 13e Un bon millésime<br />

édition «Soif de lire»<br />

a battu son record d’afflu<strong>en</strong>ce : 2000<br />

de plus que l’an dernier ! Il faut dire que<br />

le Conseil général du Var avait mis le<br />

paquet : 354 auteurs français et étrangers<br />

dont Paule Constant, prix<br />

Goncourt 1998, présid<strong>en</strong>te du Prix des<br />

lecteurs ; 27 libraires du départem<strong>en</strong>t ;<br />

organisation et communication confiées<br />

aux spécialistes du g<strong>en</strong>re, MPO Ag<strong>en</strong>ce<br />

à Nice et CBW Méditerranée Marseille:<br />

de quoi assurer une grande visibilité à<br />

l’opération, dont le coût global est de<br />

700 K€, campagne de communication<br />

comprise. Un investissem<strong>en</strong>t à la<br />

hauteur des <strong>en</strong>jeux et à répercussion<br />

immédiate : de nombreux librairies font<br />

leur chiffre d’affaires annuel durant ces<br />

trois jours, ce qui leur permet de t<strong>en</strong>ir<br />

le reste de l’année...<br />

Il y avait donc foule sous le chapiteau<br />

géant planté place d’Armes. Point de<br />

ralliem<strong>en</strong>t des Toulonnais et des Varois<br />

à l’affût d’une dédicace, curieux des<br />

auteurs tout juste primés par le Goncourt<br />

ou le R<strong>en</strong>audot, ou impati<strong>en</strong>ts<br />

des nouveautés régionales. La v<strong>en</strong>ue de<br />

vedettes (Nelson Montfort, Claude<br />

Lanzmann, Jean-François Kahn…)<br />

n’est pas pour ri<strong>en</strong> dans cet <strong>en</strong>gouem<strong>en</strong>t,<br />

mais ce succès a aussi son revers:<br />

on se demande s’il ne faudrait pas <strong>en</strong>visager<br />

de doubler la surface d’exposition<br />

et d’installer des chapiteaux satellitaires,<br />

afin de fluidifier la circulation <strong>en</strong>tre les<br />

stands (un véritable embouteillage le<br />

samedi après-midi !) et d’améliorer la<br />

répartition des espaces <strong>en</strong>tre les ateliers<br />

(ceux de l’Hôtel des arts et de l’asso-<br />

Polar<br />

à la<br />

Destrousse<br />

mineur dans la famille de la grande littérature. Il s’agit<br />

donc à la Destrousse de montrer la diversité des styles<br />

du polar avec un large plateau d’invités, et de<br />

nombreux auteurs de la région, comme Jean<br />

Contrucci ou Bruno Leydet (voir p 50 et p 51).<br />

Le programme des activités est extrêmem<strong>en</strong>t riche :<br />

Cluedo géant pour les <strong>en</strong>fants, jazz swing, lectures<br />

d’extraits de polars, petite pièce <strong>en</strong> un acte mise <strong>en</strong><br />

scène et composée pour l’occasion par Michel<br />

Jaquet, jouée par l’auteur et André de Rocca. De<br />

nombreuses interv<strong>en</strong>tions aussi de fous du polar, la<br />

813 (les Amis des Littératures Policières), les<br />

Polarophiles Tranquilles qui prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leurs revues,<br />

des atelier de calligraphie, des auteurs jeunesse comme<br />

© X-D.R<br />

© X-D.R<br />

ciationÉquinoxepour les jeunes lecteurs<br />

n’ont pas désempli une seconde), les<br />

r<strong>en</strong>contres et les signatures.<br />

Placée sous le double signe de la Littérature<br />

<strong>en</strong> Méditerranée et des Arts<br />

de la table, la Fête du livre a <strong>en</strong>trouvert<br />

la porte à une approche plus<br />

sociologique de certains thèmes (Tablées<br />

et modes de vie) et à des débats géopolitiques<br />

(Histoire de l’immigration dans<br />

le Var). On vi<strong>en</strong>t aussi pour échanger,<br />

et les occasions ne manqu<strong>en</strong>t pas : on se<br />

presse pour <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre les nominés du<br />

Prix des lecteurs du Var évoquer «La<br />

Méditerranée dans la littérature moderne»,<br />

on débat au café philosophique animé<br />

par Philippe Granarolo, on découvre<br />

les métiers du livre auprès de L’Ag<strong>en</strong>ce<br />

régionale du livre… Les animations<br />

non plus ne désempliss<strong>en</strong>t pas avec,<br />

pour la première fois, des ateliers slam<br />

pour les collégi<strong>en</strong>s, des scènes ouvertes<br />

publiques, des concerts et des performances.<br />

De la littérature à la poésie, de<br />

la poésie au slam, la Fête du livre reflète<br />

avec tal<strong>en</strong>t l’air du temps.<br />

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />

La Fête du livre de Toulon s’est déroulée<br />

les 20, 21 et 22 novembre.<br />

Le livre d’Akli Tadjer (voir Zib 15),<br />

Il était une fois peut-être pas (Lattès) a<br />

obt<strong>en</strong>u le Prix des lecteurs du Var 2009<br />

Prat du Joncourt.<br />

Aux murs de la grande salle de La Pléiade qui accueille<br />

le festival, de larges panneaux: chacun prés<strong>en</strong>te la<br />

photographie d’un écrivain <strong>en</strong> noir et blanc, comme<br />

une page qui s’écrit et <strong>en</strong> parallèle la vue <strong>en</strong> couleur<br />

d’un paysage cher à ce dernier. Ces clichés prêtés par<br />

la médiathèque de Miramas sont de Claude<br />

Almodovar…<br />

Un petit festival rappelle modestem<strong>en</strong>t l’organisatrice<br />

secondée par une équipe de bénévoles <strong>en</strong>thousiastes.<br />

Mais quelle qualité !<br />

MARYVONNE COLOMBANI


La page et l’écran<br />

ARLES<br />

Chapelle du Méjan – 04 90 49 56 78<br />

Lecture de textes de Fellag et d’Antonio Lobo Antunes par Fellag<br />

et Marianne Epin. Le 5 janv à 20h30.<br />

AVIGNON<br />

Collection Lambert – 04 90 18 56 20<br />

Dans le cadre du 10 e anniversaire de la création du musée Éric<br />

Mézil, directeur de la collection lambert, propose une série de<br />

confér<strong>en</strong>ce publique consacrée à l’histoire de l’art. Le cycle<br />

s’ouvre le 22 déc à 17h30 par Intoduction à l’analyse de l’image<br />

anci<strong>en</strong>ne et contemporaine, l’iconographie des maîtres du moy<strong>en</strong><br />

âge à Andy Warhol.<br />

CARPENTRAS<br />

Librairie de l’horloge – 04 90 63 18 32<br />

R<strong>en</strong>contre avec Jean-Michel Gu<strong>en</strong>assia autour de son livre Le<br />

club des incorrigibles optimistes (Albin Michel), le 18 déc à 19h.<br />

GAP<br />

Théâtre La Passerelle – 04 92 52 52 52<br />

Exposition Esquives et Nocturnes de Mireille Loup, du 9 janv au<br />

27 fév. Vernissage le 8 janv à 18h30, r<strong>en</strong>contre avec l’artiste le 9<br />

janv à 10h<br />

MARSEILLE<br />

CIPM – 04 91 91 26 45<br />

Exposition Poësimage proposée par l’URDLA(c<strong>en</strong>tre international<br />

estampe et livre), jusqu’au 16 janv.<br />

CRDP – 04 91 14 13 87<br />

Le corps dans l’art contemporain, confér<strong>en</strong>ce donnée dans le cadre<br />

des r<strong>en</strong>contres culturelles du CRDP : Le portrait dansé, par<br />

CITÉ DU LIVRE | AU PROGRAMME<br />

L’Ag<strong>en</strong>ce Régionale du Livre organisait des r<strong>en</strong>contres publiques sur les métamorphoses<br />

numériques du livre. Un sujet ess<strong>en</strong>tiel, qui reste inquiétant<br />

Lorsqu’il écrivit la Galaxie Gut<strong>en</strong>berg,<br />

Mac Luhan, malgré d’évid<strong>en</strong>tes erreurs<br />

de prospective (on n’a jamais autant imprimé<br />

qu’après l’inv<strong>en</strong>tion de la radio<br />

et la télé), posa au moins une chose ess<strong>en</strong>tielle<br />

: l’interdép<strong>en</strong>dance étroite du média<br />

et du message. On ne peut après cela<br />

p<strong>en</strong>ser le livre numérique comme un<br />

livre, non parce qu’il ne peut <strong>en</strong> reproduire<br />

le cont<strong>en</strong>u, mais parce qu’un<br />

cont<strong>en</strong>u qui change de média transforme<br />

aussi son message. Qu’il l’amoindrisse,<br />

l’<strong>en</strong>richisse, le comm<strong>en</strong>te ou le dénature.<br />

Qu’est-ce qu’un livre ? Affectivem<strong>en</strong>t<br />

avant tout un objet. Intimidant, rebutant,<br />

offert, prêté, donné, dormant à<br />

côté de vous, illustré parfois, consulté,<br />

compulsé, oublié puis repris comme on<br />

retrouve une photo d’<strong>en</strong>fance. Un objet<br />

que l’on touche, que l’on pratique et que<br />

l’on aime, que l’on vocalise parfois pour<br />

les autres, ses <strong>en</strong>fants, et qui laisse des<br />

marques dans votre esprit parce qu’il agit<br />

sur votre corps.<br />

Les bibliothécaires, chercheurs, libraires<br />

et professeurs réunis lors du colloque<br />

parlèr<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t des aspects techniques<br />

de la numérisation des données.<br />

Brillamm<strong>en</strong>t, Françoise B<strong>en</strong>hamou<br />

séria les bouleversem<strong>en</strong>ts économiques<br />

qui att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t le monde du livre dans<br />

les prochaines années, depuis les droits<br />

d’auteurs jusqu’au rôle prescripteur des<br />

libraires et des bibliothécaires. Bernard<br />

Stiegler, pour conclure, souligna cette<br />

«grammatisation du lecteur» poussé à<br />

dev<strong>en</strong>ir écriveur de ce qu’il lit, acteur de<br />

palimpsestes nouveaux, sans falsification.<br />

Chacun semblait convaincu que, si<br />

l’ebook était loin de pr<strong>en</strong>dre, la galaxie<br />

de l’impression était à un tournant de<br />

son histoire, complétée, dépassée, voire<br />

remplacée par la lecture numérique.<br />

Tourner la page ?<br />

Cette position s’explique aisém<strong>en</strong>t : évidemm<strong>en</strong>t,<br />

un livre sci<strong>en</strong>tifique gagne<br />

<strong>en</strong> arboresc<strong>en</strong>ces, <strong>en</strong> consultations, <strong>en</strong><br />

précisions, <strong>en</strong> réseaux qui l’affranchiss<strong>en</strong>t<br />

du linéaire, et permett<strong>en</strong>t<br />

une actualisation constante des<br />

données et du savoir ; évidemm<strong>en</strong>t<br />

l’archivage numérique du patrimoine<br />

imprimé garantit a priori qu’il sera<br />

conservé sans danger de détérioration<br />

par le temps, le feu ou la consultation ;<br />

évidemm<strong>en</strong>t la pratique de l’écriture<br />

numérique, avec ses invisibles ratures,<br />

ses rajouts pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t illimités, et<br />

cette f<strong>en</strong>être ouverte de l’autre côté de<br />

l’écran qui permet à tout écriveur de<br />

consulter le monde, est une source de<br />

plaisir infini. Seuls quelques nostalgiques<br />

écriv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core leurs œuvres sur<br />

papier.<br />

Mais ils sont nombreux <strong>en</strong>core ceux qui<br />

lis<strong>en</strong>t des livres. Nos sociétés de consommation<br />

ont intérêt à nous pousser au<br />

numérique. C’est-à-dire à l’achat de<br />

l’appareil et non de l’œuvre. Question<br />

de plus-value immédiate, de rémunération<br />

des industries et non de l’intellect.<br />

Au Programme<br />

Christian Gattinoni, <strong>en</strong>seigant à l’Ecole nationale supérieure de la<br />

photographie d’Arles. Le 21 janv à 18h30.<br />

BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34<br />

Voyages <strong>en</strong> <strong>en</strong>cyclopédies : de Diderot et D’Alembert aux<br />

<strong>en</strong>cyclopédies <strong>en</strong> ligne : confér<strong>en</strong>ce sur l’évocation des<br />

problématiques des <strong>en</strong>cyclopédies <strong>en</strong> ligne et du travail des<br />

Encyclopédistes des Lumières, lecture d’un passage extrait du<br />

Rêve de D’Alembert de Diderot, le 18 déc à 17h <strong>en</strong> salle de<br />

confér<strong>en</strong>ce ; confér<strong>en</strong>ce d’Agnès Deluchi des Editions<br />

Britannica-Universalis sur l’Encyclopédie Universalis, le 7 janv à<br />

18h <strong>en</strong> salle des confér<strong>en</strong>ces.<br />

L’Alcazar célèbre Jean Cocteau dans le cadre du 120 e anniversaire<br />

de sa naissance : pour les 50 ans du tournage du film Le<br />

Testam<strong>en</strong>t d’Orphée, projection et table ronde, le 19 déc à 17h <strong>en</strong><br />

salle des confér<strong>en</strong>ces.<br />

Exposition Aux limites du photographiable qui réunit les œuvres<br />

de Stev<strong>en</strong> Bernas, Rolf G<strong>en</strong>eral, Marc Heller, Bernard Plossu,<br />

Christine Buignet, Olivier Umhauer, Christian Galzin et<br />

Bernard Lantéri, jusqu’au 16 janv <strong>en</strong> salle d’exposition.<br />

R<strong>en</strong>contre autour du livre Le Bateau-usine de Kobayashi Takiji<br />

à l’occasion de sa parution <strong>en</strong> français, avec sa traductrice<br />

Evelyne Lesigne-Audoly. Le 9 janv à 17h à l’auditorium.<br />

Confér<strong>en</strong>ce de la linguiste Véronique Rey Et si demain les <strong>en</strong>fants<br />

ne savai<strong>en</strong>t plus parler ?, le 9 janv à 15h <strong>en</strong> salle de confér<strong>en</strong>ce ;<br />

confér<strong>en</strong>ce de l’hydrobiologiste Christian Lévêque, Biodiversité,<br />

je t’aime moi non plus!, le 16 janv à 17h <strong>en</strong> salle de confér<strong>en</strong>ce.<br />

Librairie Maupetit – 04 91 36 50 50<br />

R<strong>en</strong>contre avec Flor<strong>en</strong>ce Langlois et Vinc<strong>en</strong>t Bourgeau, auteursillustrateurs<br />

pour la jeunesse. Le 19 déc à 15h.<br />

LIVRES<br />

53<br />

Amazon Kindle © X-D.R<br />

Aujourd’hui,<br />

contrairem<strong>en</strong>t au disque<br />

et à la presse, le livre résiste<br />

et se v<strong>en</strong>d parce que son rapport au corps<br />

est fait de proximité et d’affects. Au<br />

moins quand il s’agit de littérature.<br />

AGNES FRESCHEL<br />

Les R<strong>en</strong>contres sur les Métamorphoses<br />

numériques du livre ont eu lieu<br />

à la Cité du Livre (Aix)<br />

les 30 nov et 1 er déc.<br />

C<strong>en</strong>tre international de recherches sur l’anarchisme –<br />

09 50 51 10 89<br />

R<strong>en</strong>contre/débat avec Ronald Creagh, auteur du livre Utopies<br />

américaines, expéri<strong>en</strong>ces libertaires du XIX e siècle à nos jours (éd.<br />

agone), le 9 janv à 17h.<br />

ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 08<br />

Exposition Visions portuaires : photographies de François<br />

Delaage et installations de Claire Saltet. Jusqu’au 16 janvier.<br />

Librairie Histoire de l’œil – 04 91 48 29 92<br />

Exposition de Jean Juli<strong>en</strong>, organisée par Fotokino dans le cadre<br />

du festival Laterna Magica. Jusqu’au 31 déc.<br />

Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49<br />

Confér<strong>en</strong>ce d’initiation : Art et paysage IV, Du pittoresque au<br />

sublime (XVIII e siècle) par Jean-Noël Bret. Le 13 janv à 12h30,<br />

le 15 janv à 12h30 et 18h.<br />

SAINT-MICHEL L’OBSERVATOIRE<br />

Editions C’est-à-dire – 09 53 07 52 14<br />

La jeune maison d’édition C’est-à-dire (7 titres au catalogue à ce<br />

jour), propose 3 livres <strong>en</strong> souscription (à 15 euros au lieu de 20)<br />

aux lecteurs qui souhait<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>ir leur démarche : Le pays de<br />

Forcalquier : son lac, sa mer de Gabriel Conte ; Et <strong>en</strong> cas de peste,<br />

ce qu’à Dieu ne plaise… Chronique d’une ville close, Sisteron<br />

(1719-1723) d’Irène Magnaudeix ; Bourgeois à la campagne, les<br />

domaines avec bastides de Saint-Eti<strong>en</strong>ne-les-Orgues de Gisèle<br />

Roche-Galopini. Vous pouvez télécharger le bon de souscription<br />

sur leur site http://cestadire.editions.free.fr avant le 20 décembre.


54 LIVRES ÉCRIMED | HÉROPOLIS<br />

Chic<br />

ou<br />

bohème ?<br />

Bohème <strong>en</strong> Friche<br />

Le 20 novembre, début de soirée. Dans une salle<br />

prêtée par la Friche, où on s’installe tant bi<strong>en</strong> que mal<br />

sur des divans défoncés ou des pliants, Jean-François<br />

Paillard et l’équipe de Territoire 3 prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leur<br />

drôle de spectacle, Heropolis. 52 minutes de littérature,<br />

arts visuels et musique mêlés ; 52 minutes pour évoquer<br />

ce qui arrive lorsqu’un homme se transforme <strong>en</strong><br />

chi<strong>en</strong>. À partir d’un texte écrit et d’une vidéo tournée<br />

à Istanbul avec des moy<strong>en</strong>s artisanaux, appareil photo<br />

numérique et caméra embarquée, J.-F. Paillard et ses<br />

complices propos<strong>en</strong>t une performance originale, qu’ils<br />

n’ont eu que 10 jours (et quasim<strong>en</strong>t aucun financem<strong>en</strong>t)<br />

pour mettre au point. Sur l’écran se déroule le<br />

film des avatars de l’homme mué <strong>en</strong> chi<strong>en</strong>, de sa<br />

traversée des Enfers à sa r<strong>en</strong>aissance. L’image «sale»,<br />

volontairem<strong>en</strong>t tremblée ou saccadée ou répétée, joue<br />

sur un noir et blanc partiellem<strong>en</strong>t colorisé, sur des<br />

effets de solarisation. Ri<strong>en</strong> à voir avec une vidéo de<br />

vacances à Istanbul, même si on retrouve au hasard<br />

des tribulations du personnage les vues touristiques<br />

traditionnelles de la cité. Paillard recrée le voyage <strong>en</strong><br />

Ori<strong>en</strong>t et la ville turque se teinte de Grèce, et le<br />

Bosphore devi<strong>en</strong>t Styx… Cette traversée <strong>en</strong> images<br />

s’accompagne d’un périple sonore des plus excitants.<br />

Le texte, s’il n’échappe pas à quelques clichés, sort<br />

exalté de la performance des six allumés qui le port<strong>en</strong>t.<br />

Trois musici<strong>en</strong>s rythm<strong>en</strong>t les chapitres, façon films<br />

muets tandis que deux lecteurs-bruiteurs, Jean-Marc<br />

Hérouin et Marion Rampal, susurr<strong>en</strong>t, cri<strong>en</strong>t ou<br />

Un week-<strong>en</strong>d,<br />

deux événem<strong>en</strong>ts.<br />

Tous deux axés sur l’écriture et sur la Méditerranée,<br />

suivant des voies très différ<strong>en</strong>tes<br />

psalmodi<strong>en</strong>t les mots, que la machine diabolique de<br />

l’électroacoustici<strong>en</strong> Didier Simione distord et<br />

amplifie… Une extravagance très maîtrisée, pour une<br />

vision onirique de la Méditerranée, où les anci<strong>en</strong>s<br />

mythes imprègn<strong>en</strong>t toujours la réalité contemporaine.<br />

Un DVD vi<strong>en</strong>dra sous peu pér<strong>en</strong>niser cette expéri<strong>en</strong>ce<br />

unique et permettre à cette équipe inv<strong>en</strong>tive de poursuivre<br />

ses incursions à la croisée des champs artistiques,<br />

pour une autre lecture de nos rivages méditerrané<strong>en</strong>s.<br />

Chic aux Docks<br />

Autre lieu, et toute autre ambiance pour la 1re édition<br />

des Écritures Méditerrané<strong>en</strong>nes, placées sous la<br />

direction littéraire de Pierre Assouline et Tahar B<strong>en</strong><br />

Jelloun et chapeautées par la sémillante Elsa Charbit.<br />

Si les livres et les écrivains avai<strong>en</strong>t paru singulièrem<strong>en</strong>t<br />

abs<strong>en</strong>ts lors de la confér<strong>en</strong>ce de presse (voir Zib’24), ils<br />

étai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> là, aux Docks de la Joliette, samedi 21<br />

et dimanche 22, v<strong>en</strong>us de Tunisie, du Liban, d’Italie,<br />

du Portugal et d’ailleurs, pour t<strong>en</strong>ir des cafés littéraires<br />

à la brasserie Agora, participer aux tables rondes dans<br />

le grand auditorium de l’école Euromed Managem<strong>en</strong>t,<br />

dédicacer leurs ouvrages <strong>en</strong>tre deux.<br />

Luxe, calme et lumières tamisées ; tout au long du<br />

large couloir parqueté qui m<strong>en</strong>ait du restaurant à<br />

l’auditorium, des tables avai<strong>en</strong>t été installées, <strong>en</strong> règle<br />

générale une pour deux écrivains invités, chacune<br />

d’elles ornée d’une petite lampe de lecture de forme et<br />

de couleur différ<strong>en</strong>tes. Le g<strong>en</strong>re de détail classe qui fait<br />

la différ<strong>en</strong>ce ! Tout était à l’av<strong>en</strong>ant, les hôtesses sou-<br />

Heropolis © Territoire3<br />

riantes et élégamm<strong>en</strong>t vêtues, les étudiants d’Euromed<br />

dévolus à l’accompagnem<strong>en</strong>t des auteurs. Beaucoup<br />

d’allure, et des tables rondes intéressantes, quoiqu’un<br />

peu conv<strong>en</strong>ues pour un public un tant soit peu averti.<br />

Car lorsqu’on est coutumier des r<strong>en</strong>contres littéraires<br />

de Manosque, de celles organisées à Toulon le même<br />

week-<strong>en</strong>d, ou de celles que mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place nos<br />

libraires et éditeurs indép<strong>en</strong>dants, les discours <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus<br />

à Ecrimed n’ont pas brillé par leur originalité, <strong>en</strong><br />

dépit du tal<strong>en</strong>t oratoire de certains, comme le Libanais<br />

Najjar, l’Itali<strong>en</strong> Bajani ou l’Algéri<strong>en</strong> Djemaï. Sans<br />

doute n’était-ce pas la configuration idéale pour sortir<br />

des s<strong>en</strong>tiers battus…<br />

Mais ce qui est formidable, c’est qu’on puisse le même<br />

week-<strong>en</strong>d voir ces deux choses-là, tellem<strong>en</strong>t éloignées<br />

l’une de l’autre <strong>en</strong> dépit de leur thématique commune.<br />

Ambiance, budget, traitem<strong>en</strong>t et choix esthétiques,<br />

ri<strong>en</strong> de comparable <strong>en</strong>tre les deux. Mais il est bon que<br />

de telles manifestations coexist<strong>en</strong>t, et puiss<strong>en</strong>t continuer<br />

à rassembler des publics différ<strong>en</strong>ts autour des<br />

écritures et de la Méditerranée.<br />

FRED ROBERT<br />

Heropolis a été donné<br />

à la Friche le 20 nov<br />

Le 1 er salon des Ecritures Méditerrané<strong>en</strong>nes<br />

s’est t<strong>en</strong>u aux Docks de la Joliette<br />

les 21 et 22 nov<br />

Écrimed © Olivier Monge - MYOP


La r<strong>en</strong>contre att<strong>en</strong>due d’Écrivains <strong>en</strong> dialogue à la<br />

BDP le 8 déc, qui réunissait Olivier Adam et Véronique<br />

Ovaldé, tous deux publiés à l’Olivier, régulièrem<strong>en</strong>t<br />

primés, et auteurs d’ouvrages jeunesse à côté de leur production<br />

pour adultes. Tous deux égalem<strong>en</strong>t professionnels<br />

du livre, puisqu’Adam a longtemps été éditeur et<br />

qu’Ovaldé vi<strong>en</strong>t de le dev<strong>en</strong>ir après avoir travaillé 17<br />

ans comme responsable de fabrication. Deux quadras<br />

plus que pros, et deux romanciers remarquables.<br />

On avait regretté la défection d’Ovaldé à Manosque<br />

(victime d’un frelon, asiatique aux dernières nouvelles,<br />

les pires il paraît) ; cette fois-ci, elle est là, <strong>en</strong> pleine forme.<br />

Son collègue de plume (et fidèle lecteur) a souhaité l’inviter<br />

afin de compr<strong>en</strong>dre «où elle va chercher tout ça.» Les<br />

territoires que ces deux écrivains explor<strong>en</strong>t sont très<br />

éloignés. L’une, qu’on rapproche souv<strong>en</strong>t d’auteurs sud<br />

américains (qu’elle n’a pas toujours lus !) t<strong>en</strong>drait vers<br />

le merveilleux, l’univers des contes et le baroque, espace-temps<br />

improbable, toponymie symbolique ; tandis<br />

que l’autre se rapprocherait d’une esthétique néoréaliste,<br />

att<strong>en</strong>tion minutieuse aux détails quotidi<strong>en</strong>s, lieux ancrés<br />

dans une réalité géographique, météorologique même.<br />

Il y a pourtant plus d’une passerelle à t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>tre ces<br />

deux univers, ne serait-ce que celle de l’unicité de la voix<br />

qu’ils font <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre. Une voix qui se ti<strong>en</strong>t sur «la corde<br />

raide des émotions», dans un mélange de brutalité et de<br />

douceur qui donne à leurs fictions cette tonalité si particulière,<br />

dans la lignée des littératures américaine et<br />

japonaise que tous les deux lis<strong>en</strong>t et admir<strong>en</strong>t.<br />

Pascal Jourdana avait jolim<strong>en</strong>t intitulé la r<strong>en</strong>contre<br />

Le boxeur et la fée. Qui est l’un ? Qui est l’autre ? Au final,<br />

on n’<strong>en</strong> sait ri<strong>en</strong>. Car il y a de la boxeuse <strong>en</strong> Ovaldé et<br />

du magici<strong>en</strong> <strong>en</strong> Adam. Ne pas être là où on les att<strong>en</strong>d,<br />

c’est sans doute cela qui les rapproche aussi, et qui procure<br />

tant de plaisir à leurs lecteurs.<br />

Charlotte in love<br />

Une Escale à la librairie Imbernon, r<strong>en</strong>contre passionnante<br />

sur l’architecte et designer Charlotte Perriand<br />

a eu lieu le 9 déc dans la 3 e rue de la Cité Radieuse Le<br />

Corbusier, à l’occasion de la sortie d’un nouvel ouvrage<br />

aux éditions Norma. Reconnu et primé pour ses nombreux<br />

films et portraits d’architectes, Jacques Barsac,<br />

qui côtoya l’artiste quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant vingt ans,<br />

a donné une très belle confér<strong>en</strong>ce sur l’histoire de cette<br />

femme qui fut associée au Corbusier de 1927 à 37.<br />

Il manquait une pierre à l’édifice sans faille de l’architecte<br />

visionnaire qui, impressionné par le bar sous le toit<br />

construit <strong>en</strong> dur, confie à la jeune femme de 23 ans le<br />

mobilier et tout ce qui touche à l’architecture intérieure.<br />

Elle va dev<strong>en</strong>ir l’alliée idéale du Corbu dans la<br />

révolution de l’intérieur et du mobilier qui ne jure à<br />

l’époque que par l’art déco de Ruhlmann. Appliquer<br />

le modèle industriel du Taylorisme pour un fonctionnalisme<br />

humain devi<strong>en</strong>t alors la clef du modernisme.<br />

Fauteuil tournant, fauteuil tube, bureau <strong>en</strong> forme, la<br />

belle Charlotte fait «chanter l’espace» jusqu’à produire le<br />

fauteuil grand confort et la fameuse chaise longue qui<br />

aurait été inspiré par le pont transbordeur de Marseille<br />

pour ce qui est de l’ossature. Comme souv<strong>en</strong>t, le maitre<br />

oubliera la p(m)aternité des œuvres… et le Japon<br />

accueillera l’inspiration de la créatrice qui fut injustem<strong>en</strong>t<br />

traitée <strong>en</strong> France, même si elle trouva un terrain<br />

à son tal<strong>en</strong>t avec la construction de la station des Arcs<br />

<strong>en</strong> 67. Charlotte Perriand, un art d’habiter mais<br />

aussi Charlotte Perriand et le Japon témoign<strong>en</strong>t<br />

de ce formidable héritage qui nous a été transmis avec<br />

passion et exactitude.<br />

Toussaint à Noël<br />

Encore une r<strong>en</strong>contre avec un auteur remarquable dans<br />

un lieu agréable : Jean-Philippe Toussaint à la librairie<br />

l’Histoire de l’œil le 10 déc. Il a fallu pousser les<br />

murs, mais on est arrivé à se caser, pour une conversation<br />

<strong>en</strong>tre amis. L’auteur est largem<strong>en</strong>t rev<strong>en</strong>u sur son dernier<br />

roman, La vérité sur Marie (voir p.50), <strong>en</strong> a lu des extraits,<br />

et a rappelé les li<strong>en</strong>s qui uniss<strong>en</strong>t l’œuvre avec les<br />

précéd<strong>en</strong>tes. Chaque œuvre reste autonome, mais des<br />

résonances s’établiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre elles. Si scènes, lieux et<br />

tonalités se répond<strong>en</strong>t, c’est qu’il s’agit de «toujours<br />

écrire le même livre» et <strong>en</strong> même temps, de «toujours se<br />

RENCONTRES LITTÉRAIRES<br />

LIVRES<br />

Pour que 2010 vous donne<br />

la joie de livres !<br />

Bi<strong>en</strong> sûr, l’hiver, c’est moins<br />

facile de sortir dans l’obscurité<br />

des jours qui raccourciss<strong>en</strong>t.<br />

Cela vaut pourtant la peine :<br />

il est des r<strong>en</strong>contres qui sont<br />

de vraies fêtes. Et si vous les<br />

avez ratées, pas grave, il reste<br />

les livres de ces auteurs.<br />

À lire sans modération…<br />

55<br />

R<strong>en</strong>contre a la librairie Histoire de l'oeil avec J.-P. Toussaint © Agnès Mellon<br />

r<strong>en</strong>ouveler». Ambival<strong>en</strong>ce jubilatoire, terrain même de<br />

la littérature. Ambival<strong>en</strong>ce de la «vérité sur Marie», impossible<br />

à connaître et qu’il écrit pourtant. Ambival<strong>en</strong>ce<br />

de l’énergie romanesque, qu’il reti<strong>en</strong>t d’abord pour<br />

mieux la lâcher dans des scènes paroxystiques. Ambival<strong>en</strong>ce<br />

d’un récit à la 1 re personne, d’où le narrateur<br />

disparaît pourtant. Ambiguïté <strong>en</strong>fin de l’accumulation<br />

d’«effets de réel» dans ce qui relève de la fiction pure.<br />

Toussaint joue de cela et pose mine de ri<strong>en</strong> des questions<br />

littéraires cruciales.<br />

Il n’a pas parlé que de littérature, car il est égalem<strong>en</strong>t,<br />

photographe, cinéaste, plastici<strong>en</strong>. Son éclectisme s’accommode<br />

bi<strong>en</strong> des nouvelles technologies : il se montre<br />

fier de son site, sur lequel on peut lire certains de ses<br />

brouillons, voir des scènes de ses films ou de ses installations.<br />

Il a égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tête un projet d’exposition<br />

virtuelle. Où s’arrêtera-t-il ? À la publication de ses<br />

romans sur le web. Car, a-t-il conclu, ri<strong>en</strong> ne vaut le<br />

support papier pour jouir pleinem<strong>en</strong>t d’une fiction<br />

romanesque.<br />

FRED ROBERT ET FRED ISOLETTA<br />

Beaucoup d’autres r<strong>en</strong>contres ce mois-ci !<br />

Au Greffier de Saint-Yves, une séance<br />

de lecture- dédicace-dégustation délicieuse !<br />

Trop tard pour <strong>en</strong> profiter mais il est toujours<br />

possible de faire un tour dans cette accueillante<br />

librairie de l’hyper c<strong>en</strong>tre de Marseille ; on y trouve,<br />

comme dans toutes les vraies librairies, des idées<br />

cadeaux à tous les prix…


56 PHILOSOPHIE LES RENCONTRES D’AVERROÈS<br />

Notre monde<br />

est-il tragique ?<br />

Une fois <strong>en</strong>core les Tables Rondes d’Averroès<br />

ont fait salle comble et ont permis au public<br />

de se rassasier de connaissances et de<br />

questionnem<strong>en</strong>ts. Autour des Figures du Tragique,<br />

thème de cette 16 e édition…<br />

Naissance de la tragédie<br />

La première confér<strong>en</strong>ce rassemblait une<br />

philosophe, Barbara Cassin, un metteur<br />

<strong>en</strong> scène, Vassilis Papavassiliou et un<br />

romancier grec, Takis Théodoroupoulos.<br />

Inutile de préciser le rapport avec la Grèce<br />

des deux derniers ; pour Barbara Cassin<br />

c’est la plus grande spécialiste de la Grèce<br />

antique.<br />

Quelle est la spécificité de la tragédie, et sa<br />

différ<strong>en</strong>ce avec le drame ? Après avoir précisé<br />

le contexte historique de son éclosion (voir<br />

Zib 24), la question de la nature de la tragédie<br />

se posa. Le drame se noue dans un<br />

univers à une dim<strong>en</strong>sion, la situation y est<br />

plus ou moins soluble, relève de la plomberie<br />

et des techniques de la condition humaine.<br />

La tragédie n’est possible que dans un triangle<br />

rappela Barbara Cassin : l’homme, les<br />

dieux et la cité. La tragédie c’est l’action du<br />

héros auquel s’id<strong>en</strong>tifie le citoy<strong>en</strong>, et sous le<br />

regard des dieux. Voilà pour la forme.<br />

Sur le fond la philosophe précisa que la<br />

tragédie est oxymore, puisque le héros est<br />

coupable et non coupable. Et de manière<br />

moderne c’est lorsqu’on est «responsable<br />

mais pas coupable» ou que quelque chose se<br />

déroule «à l’insu de notre plein gré» (rires<br />

dans la salle !).<br />

Voilà pour la distinction d’avec le drame.<br />

Reste alors à se demander pourquoi la<br />

tragédie antique est associée à la tristesse.<br />

Rectification ! Vassilis Papavassiliou rappelle<br />

que la tragédie grecque n’est pas bi<strong>en</strong><br />

sérieuse, qu’elle a un aspect parodique qui<br />

démystifie les héros. Ainsi, Agamemnon<br />

r<strong>en</strong>trant tranquillem<strong>en</strong>t après dix ans d’abs<strong>en</strong>ce<br />

voir sa femme, avec sa maîtresse, alors<br />

qu’il a fait sacrifier leur fille, croit que tout va<br />

bi<strong>en</strong> ? Ce n’est pas sérieux ! Il précisa aussi<br />

qu’il n’y a pas aujourd’hui de communauté<br />

prête pour la tragédie : le théâtre de<br />

Dionysos pouvait accueillir près de 25 000<br />

personnes, grecs ou métèques, femmes ou<br />

hommes, citoy<strong>en</strong>s ou esclaves, pour y exprimer<br />

<strong>en</strong>semble les passions les plus<br />

viol<strong>en</strong>tes.<br />

En bref il ressortait de cette confér<strong>en</strong>ce que<br />

la tragédie est une joie panique devant la liberté humaine comme<br />

le dira justem<strong>en</strong>t le metteur <strong>en</strong> scène. Le romancier Takis<br />

Théodoroupoulos précisant que l’ananké pr<strong>en</strong>d toujours le dessus,<br />

mais que la tragédie est perpétuelle négociation avec la fatalité.<br />

D’où la liberté comme négociation avec les déterminismes ?<br />

Dieu et le tragique<br />

Il s’agissait là de mettre les monothéismes au défi de la tragédie ;<br />

exercice périlleux à double titre puisque le Dieu monothéiste met<br />

fin au tragique. Autre risque : quelle religion peut mieux<br />

s’accommoder du tragique, c’est-à-dire de la liberté humaine ? Là<br />

aussi l’Islam fut pris <strong>en</strong> défaut d’archaïsme, non pas tant quant à<br />

sa nature, que par les argum<strong>en</strong>ts de ses représ<strong>en</strong>tants.<br />

Comme le rappelle Mahmoud Hussein (pseudonyme commun<br />

de Bahgat El Nadi et Adel Rifaat), la tragédie n’existe pas dans<br />

l’Islam puisque Dieu est certitude. Force est de constater, précise-til,<br />

que la liberté individuelle ne se déploie qu’à moitié. Ce qui est<br />

tragique c’est que quelles que soi<strong>en</strong>t les actions humaines du pieux<br />

et du non pieux, c’est dieu qui décide à la fin qui ira au paradis.<br />

Jean-Christophe Attias souligne que la consci<strong>en</strong>ce juive est<br />

tragique. Cep<strong>en</strong>dant le livre de Job, la destruction du temple <strong>en</strong> 70,<br />

et la fuite de 1492 sont pour Attias trois mom<strong>en</strong>ts qui permett<strong>en</strong>t<br />

de p<strong>en</strong>ser que la tragédie est exégétiquem<strong>en</strong>t évitée, puisque la<br />

réparation est à v<strong>en</strong>ir. En revanche le génocide et la création de<br />

l’état sont une tragédie : une fausse réparation qui plonge dans<br />

l’insoluble.<br />

Dans la consci<strong>en</strong>ce chréti<strong>en</strong>ne, pour Michel Guérin, le tragique<br />

c’est l’homme, tissu de «contrariétés», «monstre incompréh<strong>en</strong>sible»<br />

(Pascal). Tragique est <strong>en</strong> fait le nihilisme : dieu est mort, certes, mais<br />

qu’est-ce qu’on fait du cadavre ? Le tragique est ce krach boursier<br />

des valeurs qui porte le XIX e siècle vers le romantisme, l’<strong>en</strong>nui, la<br />

mélancolie. Comm<strong>en</strong>t dès lors fonder une espérance sans eschatologie<br />

religieuse ?<br />

Guerre et terrorisme :<br />

un tragique contemporain ?<br />

L’histori<strong>en</strong> Stéphane Audoin-Rouzeau souligne certaines mutations.<br />

La guerre s’étant démonétisée au XX e siècle, ce qui a changé<br />

c’est l’étonnante circulation <strong>en</strong>tre l’espace pacifié et l’espace de<br />

guerre, et la proximité avec l’<strong>en</strong>nemi : au Rwanda on se massacrait<br />

à l’intérieur de la même famille ; alors qu’on croyait que la différ<strong>en</strong>ce<br />

créait la viol<strong>en</strong>ce c’est la ressemblance qui <strong>en</strong> était, là, à l’origine.<br />

Farhad Khoskokavar rappela quant à lui que le martyr, auparavant<br />

sacré, est aujourd’hui sécularisé : chacun peut dev<strong>en</strong>ir martyr.<br />

Par ailleurs il souligna que le terrorisme se nourrit dans nos sociétés<br />

virtuelles de la construction imaginaire de l’humiliation.<br />

Alors pourquoi la guerre ? Petite pierre de l’histori<strong>en</strong> : les intellectuels<br />

qui, au début du XX e siècle ont tous été embarqués dans ce<br />

grand massacre, n’ont pas fait de leur guerre une pratique de leur<br />

analyse.<br />

On aurait pu apporter d’autres réponses : le terrorisme d’État, toujours<br />

occulté et pourtant cause des guerres et non effet. La réalité<br />

économique d’oppression et ses inégalités, qui <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t des humiliations<br />

non virtuelles. Mais les Tables rondes d’Averroès<br />

laiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>s les questions qu’elles soulèv<strong>en</strong>t. Le but<br />

étant de les soulever ?<br />

RÉGIS VLACHOS<br />

Les Tables rondes se sont déroulées<br />

les 27 et 28 nov<br />

au Palais des Congrès<br />

© Agnès Mellon


Le livre de Raphaël Granvaud, Que<br />

fait l’armée française <strong>en</strong> Afrique, est une<br />

somme considérable et passionnante qui<br />

fait le point sur les crimes et complicité<br />

de génocide du pays des droits de l’homme<br />

au contin<strong>en</strong>t des «sauvages». Les<br />

informations sur ces crimes exist<strong>en</strong>t mais<br />

nombre d’universitaires continu<strong>en</strong>t de<br />

ne pas les divulguer, travestissant ainsi<br />

l’histoire, manipulant des clichés racistes<br />

et cela afin de ne pas blesser un certain<br />

orgueil patriotique.<br />

À la lecture de ce livre on peut p<strong>en</strong>ser aux<br />

pires heures du stalinisme sur la falsification<br />

historique au sommet de l’État.<br />

Le bloc soviétique désinformait grossièrem<strong>en</strong>t,<br />

contrairem<strong>en</strong>t aux technologies<br />

plus subtiles à l’Ouest qui, désinformation,<br />

manipule de l’opinion et pratique<br />

l’autoc<strong>en</strong>sure.<br />

S’intéresser aux rapports de la France à<br />

l’Afrique réinterroge les conditions de<br />

production de la vérité, l’écriture de<br />

l’histoire, la légitimité des interv<strong>en</strong>tions<br />

guerrières des pays démocratiques. Et<br />

fait douter de notre statut de démocratie<br />

et d’état de droit. Mais qui a le courage<br />

de s’apercevoir que la vérité relève du<br />

thumos et non de la sophia ?<br />

<strong>Zibeline</strong> : Vous portez dans votre livre<br />

des accusations très graves contre l’armée<br />

française, lui reprochant de s’être r<strong>en</strong>due<br />

coupable, jusqu’à récemm<strong>en</strong>t, de<br />

crimes ou de complicité de crimes de<br />

guerre ou de crimes contre l’humanité.<br />

Sur quoi ces accusations sont-elles<br />

fondées ?<br />

Raphaël Granvaud : Ces accusations<br />

correspond<strong>en</strong>t à des définitions très précises<br />

<strong>en</strong> droit international et sont étayées<br />

par des rapports très sérieux de diverses<br />

ONG. Lorsque l’armée française tire<br />

sur des foules de manifestants ivoiri<strong>en</strong>s<br />

désarmés <strong>en</strong> novembre 2004, quand<br />

elle cautionne le recrutem<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>fants<br />

soldats comme dans l’armée tchadi<strong>en</strong>ne<br />

qu’elle porte à bout de bras, lorsqu’elle<br />

<strong>en</strong>cadre et supervise les opérations militaires<br />

d’une armée qui mène une<br />

politique de la terre brûlée contre une<br />

ENTRETIEN AVEC RAPHAËL GRANVAUD<br />

Vérité, histoire,<br />

démocratie<br />

Trois grandes<br />

notions <strong>en</strong>tachées<br />

d’imposture<br />

fraction de sa population, comme <strong>en</strong><br />

République c<strong>en</strong>trafricaine et qu’<strong>en</strong> plus<br />

elle t<strong>en</strong>te de dissimuler ces crimes à<br />

l’opinion publique internationale, il s’agit<br />

bi<strong>en</strong> de crimes ou de complicité de<br />

crimes de guerre. Sans parler bi<strong>en</strong> sûr<br />

du Rwanda <strong>en</strong> 1994 où il y a eu complicité<br />

active, au s<strong>en</strong>s juridique du terme,<br />

dans l’accomplissem<strong>en</strong>t du génocide<br />

des Tutsi.<br />

Sur le Rwanda, justem<strong>en</strong>t, certains font<br />

valoir qu’on se massacrait dans la même<br />

famille et qu’il s’agissait d’une affaire<br />

purem<strong>en</strong>t rwandaise. Comm<strong>en</strong>t la<br />

France est-elle complice ?<br />

Ce sont des personnes précises qui se<br />

sont r<strong>en</strong>dues coupable de complicité de<br />

génocide, mais elles occupai<strong>en</strong>t à l’époque<br />

le sommet de la hiérarchie politique<br />

et militaire, et elles <strong>en</strong>gageai<strong>en</strong>t donc<br />

l’État français. Pour faire court, disons<br />

simplem<strong>en</strong>t que livrer des armes aux<br />

génocidaires, p<strong>en</strong>dant le génocide, relève<br />

au plan juridique de la complicité de<br />

génocide, crime égalem<strong>en</strong>t imprescriptible.<br />

Cela n’<strong>en</strong>lève ri<strong>en</strong> au fait que la<br />

g<strong>en</strong>èse du génocide, l’instrum<strong>en</strong>talisation<br />

politique, par une dictature raciste, d’un<br />

ethnisme artificiel hérité de la colonisation,<br />

est bi<strong>en</strong> une histoire rwandaise<br />

(néanmoins certains militaires belges et<br />

français partisans des théories de la «guerre<br />

révolutionnaire» s’y sont associés depuis<br />

longtemps). Cette histoire a effectivem<strong>en</strong>t<br />

déchiré des familles mais utiliser<br />

l’argum<strong>en</strong>t de la proximité <strong>en</strong>tre les<br />

victimes et les exécutants du génocide<br />

pour le banaliser, et masquer sa planification<br />

au sommet de l’État, le faire passer<br />

pour une explosion de colère spontanée,<br />

ou occulter les complicités françaises,<br />

relève de la méconnaissance, ou de la<br />

falsification historique.<br />

Les faits que vous rapportez dans votre<br />

livre sont très largem<strong>en</strong>t ignorés de la population<br />

française. Comm<strong>en</strong>t est-ce<br />

possible à l’ère du «tout communication» ?<br />

Je me suis cont<strong>en</strong>té de produire une<br />

synthèse des rapports d’ONG, des <strong>en</strong>quêtes<br />

journalistiques françaises ou<br />

étrangères, des travaux universitaires, des<br />

publications militaires… Mais il est impossible<br />

au lecteur de la presse nationale<br />

d’avoir une vision d’<strong>en</strong>semble de ce que<br />

l’armée française fait réellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Afrique.<br />

Les informations pertin<strong>en</strong>tes sont<br />

rares et noyées <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce dans un<br />

flot continu d’approximations, de clichés<br />

hérités de la période coloniale ou de<br />

t<strong>en</strong>tatives délibérées de désinformation.<br />

Que fait l’armée française <strong>en</strong> Afrique<br />

Raphaël Granvaud<br />

Ed Agone, 20 euros<br />

La complicité de la France dans le<br />

génocide des Tutsi au Rwanda<br />

15 ans après, 15 questions pour<br />

compr<strong>en</strong>dre<br />

Ed. L’Harmattan, 13 euros<br />

PHILOSOPHIE<br />

57<br />

Raphaël Granvaud © R.V<br />

Sur les questions s<strong>en</strong>sibles, qui touch<strong>en</strong>t<br />

à la raison d’État et au «secret déf<strong>en</strong>se»,<br />

dont on use abondamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> France,<br />

le terrain médiatique constitue officiellem<strong>en</strong>t<br />

un terrain de manœuvre comme<br />

un autre pour les militaires… Enfin, il<br />

faut aussi regretter une sorte de paresse<br />

intellectuelle ou d’aveuglem<strong>en</strong>t volontaire,<br />

qui fait qu’il est plus facile de laisser<br />

filer au second plan de sa consci<strong>en</strong>ce des<br />

informations qui vi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t trop<br />

radicalem<strong>en</strong>t bouleverser les idées communém<strong>en</strong>t<br />

admises sur «le pays des<br />

droits de l’homme»…<br />

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS


58 PHILOSOPHIE ENTRETIEN AVEC ALAIN GUYARD<br />

<strong>Zibeline</strong> : Vous comm<strong>en</strong>cez par la<br />

phrase de Socrate : «nul n’est méchant volontairem<strong>en</strong>t».<br />

Pourquoi ce choix ?<br />

Alain Guyard : Parce qu’elle illustre bi<strong>en</strong> cet optimisme<br />

qui repose sur un credo accordé à la raison. Dans la perspective<br />

socratique, si on sait, si on est plus avisé quant à<br />

l’usage des plaisirs et de la tempérance, si on est capable<br />

de jugem<strong>en</strong>t, on ne se fourvoie pas dans sa méchanceté.<br />

Mais suffit-il de savoir pour être vertueux ?<br />

Vous établissez une filiation avec Antisthène qui rajoute<br />

à ce credo la force d’âme. Il choisit pour <strong>en</strong>seigner le<br />

gymnase, lieu plus populaire, avec la «racaille». Mais quel<br />

rapport <strong>en</strong>tre la philosophie et le corps ?<br />

En fait il s’agit de la stylisation de l’exist<strong>en</strong>ce, et de la<br />

théâtralisation de la philosophie. Le style, c’est la réconciliation<br />

du fond et de la forme : la force d’âme, pour<br />

r<strong>en</strong>dre raison d’elle-même, doit être corps. Alors seulem<strong>en</strong>t<br />

le fond et forme s’uniss<strong>en</strong>t et font le style. Ça implique<br />

que le philosophe n’est pas l’être de la production du<br />

C’est dans la maison du peuple<br />

du Cailar, village perdu de petite<br />

Camargue que l’équipe de<br />

Diogène Consultants<br />

et son philosophe Alain<br />

Guyard accueill<strong>en</strong>t dans le vin<br />

et la joie un public nombreux<br />

pour un de ses stand up<br />

philosophiques m<strong>en</strong>suels.<br />

Dès qu’il pr<strong>en</strong>d la parole<br />

on ne peut que l’écouter :<br />

le ton est joueur et nerveux.<br />

© R.V<br />

concept dans sa tour d’ivoire. Il est là d’abord comme celui<br />

qui, philosophant, va théâtraliser la philosophie, c’est-àdire<br />

la mettre <strong>en</strong> situation. Donc ce n’est pas innoc<strong>en</strong>t<br />

d’être dans le gymnase, ce n’est pas innoc<strong>en</strong>t s’il y a des<br />

scènes où Antisthène se fait boxer !<br />

Quel rapport avec la boxe ?<br />

Le texte que j’ai distribué de Dion Chrysostome laisse<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ce que la métaphore du boxeur signifie : il faut<br />

p<strong>en</strong>ser la philosophie comme une éthique et non comme<br />

une morale, une autonomie et non une prescription. C’est<br />

ce qu’écrit Diogène Laërce dans Vies et doctrines des philosophes<br />

illustres : il revi<strong>en</strong>t sur Diogène et dit que ce qui<br />

assoit un philosophe, ce sont des pratiques ascétiques<br />

corporelles. Il <strong>en</strong> donne quelques-unes. Donc la métaphore<br />

de la boxe que repr<strong>en</strong>d Dion Chrysostome n’est pas si<br />

vaine : il y a un appr<strong>en</strong>tissage de la souffrance, de l’<strong>en</strong>durance.<br />

Le philosophe doit rechercher les épreuves corporelles<br />

par lesquelles il <strong>en</strong>durcit sa volonté.<br />

Donc le premier élém<strong>en</strong>t de subversion dans la philo-<br />

Mais surtout on assiste à une autre philosophie,<br />

de celle que l’on n’<strong>en</strong>seigne pas et qui dépasse<br />

l’intellectualisme socratique : le concept ne suffit pas,<br />

le philosophe doit l’incarner, résister aux désirs vains<br />

de la civilisation. Le philosophe matérialise ainsi dans<br />

ses actes le mépris du pouvoir et du luxe, et <strong>en</strong>seigne<br />

au peuple. C’est la leçon cynique. On est loin de notre<br />

histoire de la philosophie faite de p<strong>en</strong>seurs qui n’ont jamais<br />

dérangé le pouvoir et ont inscrit la philosophie comme<br />

privilège d’une élite éduquée et instruite.<br />

Après ce show précis, joyeux, novateur et intellig<strong>en</strong>t,<br />

Alain Guyard précise ses int<strong>en</strong>tions<br />

Filo Free Fight,<br />

une philosophie<br />

au pied de biche<br />

sophie serait la pratique du corps qui affermit la volonté;<br />

mais une autre subversion de cette contre-histoire de la<br />

philosophie, c’est l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie à «la<br />

racaille», comme vous dites.<br />

Quand on demandait à Antisthène pourquoi il allait<br />

<strong>en</strong>seigner la philosophie à la plèbe, il répondait que le<br />

médecin va vers les malades. La parrhêsia, le franc parler<br />

des cyniques s’exerçait aux coins des rues. Aujourd’hui<br />

on a oublié cette pratique populaire de la philosophie.<br />

Pourtant Juli<strong>en</strong> l’Apostat, 700 ans après Antisthène,<br />

pr<strong>en</strong>d la déf<strong>en</strong>se des cyniques qui, disait-il, avai<strong>en</strong>t cette<br />

rigueur devant conduire au bonheur et qui consistait à se<br />

libérer des esclavages de la civilisation. Il se souvi<strong>en</strong>t de<br />

cette tradition cynique populaire.<br />

C’est vrai qu’on a ori<strong>en</strong>té l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie<br />

vers les élites, d’où notre embarras quand on veut<br />

l’<strong>en</strong>seigner au peuple.<br />

Je p<strong>en</strong>se que tous les hommes mérit<strong>en</strong>t notre considération<br />

ou aucun ne la mérite. Si la philosophie est réservée<br />

© R.V


à certains elle n’est pas très sérieuse, et elle est plutôt une<br />

danseuse qu’autre chose…<br />

Mais que serait une philosophie populaire ori<strong>en</strong>tée vers<br />

tous, et qui ne serait pas une vulgarisation simplificatrice?<br />

Ce que j’ai constaté c’est qu’il y a un très joyeux et très<br />

grand appétit de savoir et de culture partout. La semaine<br />

dernière une tr<strong>en</strong>taine de bergers de l’Ardèche ont repris<br />

contact avec moi parce que je suis v<strong>en</strong>u l’an dernier chez<br />

eux leur faire un exposé sur Lucrèce ; j’ai travaillé avec des<br />

foyers, je travaille aussi dans plusieurs établissem<strong>en</strong>ts<br />

pénit<strong>en</strong>tiaires, dans des maisons de la culture. Dans les<br />

campagnes aussi, où les pratiques culturelles ne sont pas<br />

aussi faciles que dans la ville.<br />

Il y a des g<strong>en</strong>s qui, par les hasards de la vie, n’ont pas accès<br />

à la philosophie, et qui ont un appétit pour. J’essaye donc<br />

de faire l’interface, parce que de toute façon je ne suis pas<br />

un philosophe, je ne sais pas trouver des concepts, et je n’<strong>en</strong><br />

ai pas le temps. Mais ce travail d’interface nécessite de<br />

l’exig<strong>en</strong>ce intellectuelle ; je ne veux pas tomber dans la<br />

facilité, je vi<strong>en</strong>s toujours avec des textes d’auteur ; et si j’ai<br />

pu leur apporter un outil conceptuel qui éclaire leur<br />

exist<strong>en</strong>ce, et si tout ça on peut le faire <strong>en</strong> rigolant c’est très<br />

bi<strong>en</strong>.<br />

Qu’avez-vous essayé de faire passer dans votre exposé<br />

«qu’est-ce que peut bi<strong>en</strong> foutre un philosophe dans les<br />

vestiaires d’une salle de boxe» où vous avez insisté sur<br />

l’idée de corps et de dépassem<strong>en</strong>t de l’intellectualisme <strong>en</strong><br />

morale ?<br />

Je voulais faire passer l’idée que la philosophie, si on est<br />

d’accord avec Antisthène et Diogène, ça peut être une<br />

question de force d’âme ; ce qui se joue dans la philosophie<br />

c’est quelque chose comme le courage. Alors certes<br />

on n’est pas dans le concept mais plutôt dans la boite à<br />

outil ; finalem<strong>en</strong>t ce que j’apporte ce sont plutôt des pieds<br />

de biche que des concepts.<br />

J’ai été très étonné par ce que vous dites de Diogène, qui<br />

parle de désirs qui nous sont étrangers, et avance quelque<br />

chose de très moderne sur l’aliénation.<br />

Le modèle grec c’est une humanité apollini<strong>en</strong>ne dans<br />

l’harmonie, se connaître soi-même et ri<strong>en</strong> de trop, un<br />

équilibre dans la t<strong>en</strong>ue. Et tout à coup sur la scène surgit<br />

Diogène qui rev<strong>en</strong>dique le chi<strong>en</strong> et qui le joue ! On<br />

connaît les anecdotes de ses réponses théâtralisées. On a<br />

chez Diogène cette idée que la sauvagerie est supérieure<br />

à la civilisation. Plutarque dit que le programme de Diogène<br />

c’est d’<strong>en</strong>sauvager la vie. Le mom<strong>en</strong>t inaugural de la<br />

conversion de Diogène à la philosophie c’est quand il va<br />

consulter la Pythie. Elle lui dit : ton travail ce sera de<br />

contrefaire la coutume ; comme si la civilisation était le<br />

lieu de la barbarie, et l’<strong>en</strong>sauvagem<strong>en</strong>t l’occasion par<br />

laquelle l’homme y échappe.<br />

Vous avez écrit des pièces de théâtre comme Sacco et<br />

Vanzetti ou Barricades. Est-ce que vous faites un li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre<br />

le cynisme et l’anarchie ?<br />

Un peu. On y retrouve les mêmes typologies de<br />

personnages que je trouve très attachants. C’est très<br />

important cette espèce d’intransigeance, d’intégrité ; tout<br />

acte politique comm<strong>en</strong>ce par là. L’anarchie ne se résume<br />

pas à cet individualisme petit bourgeois à quoi on veut le<br />

réduire depuis 30 ans ; il est d’abord une expéri<strong>en</strong>ce<br />

collective très riche.<br />

Mais le problème de l’anarchie n’est-il pas ce que vous<br />

écrivez dans Barricades : «ce que craint le pouvoir ce n’est pas<br />

qu’on le pr<strong>en</strong>ne mais qu’on le méprise» ?<br />

J’<strong>en</strong>visage le pouvoir de manière foucaldi<strong>en</strong>ne, et<br />

Foucault n’est pas anarchiste. Je crois qu’il faut <strong>en</strong> finir<br />

avec l’idolâtrie de l’État. Il y a chez les anarchistes une<br />

haine de l’État comme s’il était le lieu c<strong>en</strong>tralisé de<br />

© R.V<br />

l’autorité et l’incarnation de la détestation absolue. Mais<br />

dans les discours contestataires non anarchistes il y a cette<br />

idée que la prise du pouvoir d’État est la condition de<br />

résolution de tous les problèmes. Deux discours que<br />

j’exècre.<br />

Je p<strong>en</strong>se avec Foucault qu’on est passé de sociétés de<br />

souveraineté à des sociétés de contrôle ; depuis la<br />

complexité est telle qu’il y a hors de l’État des zones de<br />

pouvoir très importantes. Je ne p<strong>en</strong>se pas que s’emparer<br />

de l’État suffise pour <strong>en</strong> finir avec l’oppression, la<br />

domination. Le programme de l’ultralibéralisme depuis<br />

20 ans c’est l’abus du programme libertaire ! C’est se<br />

débarrasser de l’État pour lui substituer les structures du<br />

capitalisme transnational, la destruction et l’externalisation<br />

de tous les services publics. Les anarchistes doiv<strong>en</strong>t dépasser<br />

leur diabolisation de l’État, et les marxistes léninistes<br />

doiv<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre que s’emparer de l’État ne suffit pas.<br />

Mais comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> finir avec la guerre, mettre fin au pouvoir<br />

des multinationales, restaurer les services publics sans<br />

s’emparer de l’État ?<br />

Je ne crois pas à une stratégie politique de refus de l’État,<br />

ni à celle de la prise du pouvoir d’État. Parce que les jeux<br />

du pouvoir sont beaucoup plus complexes ; parce que les<br />

© R.V<br />

59<br />

dispositifs techniques d’aliénation sont beaucoup plus<br />

complexes. On ne peut plus <strong>en</strong>visager de solutions unilatérales…<br />

mais… je n’y ai pas assez réfléchi…<br />

Ça tombe bi<strong>en</strong> parce que la rédac chef m’a demandé de<br />

ne pas toujours conclure par du politique ! Au fait, il faut<br />

qu’on trouve un titre à l’interview sinon c’est elle qui s’<strong>en</strong><br />

occupe. Qu’est-ce que vous p<strong>en</strong>sez de «la philosophie est<br />

un sport de combat» ou «une autre philosophie est possible»<br />

?<br />

Ah non pitié ! J’ai monté dans mon bahut un club qui<br />

s’appelle filo free fight… FFF ?<br />

(Rires) Ok ! On <strong>en</strong> reste là !<br />

ENTRETIEN REALISE PAR RÉGIS VLACHOS<br />

Les sources de Guyard<br />

pour son show<br />

Vies, doctrines et s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ces des philosophes illustres,<br />

Diogène Laerce, GF, 1993<br />

Les Cyniques Grecs, Paris, Le Livre de poche, 1992<br />

L‘ascèse cynique, Marie-Odile Goulet-Cazé, Vrin, 1986<br />

Le cynisme anci<strong>en</strong> et ses prolongem<strong>en</strong>ts.<br />

Actes du colloque international du C.N.R.S. Paris, PUF,<br />

1993<br />

Pour des infos étonnantes et les prochaines dates<br />

www.diog<strong>en</strong>econsultants.com


60 HISTOIRE ÉCHANGE ET DIFFUSION DES SAVOIRS | ABD<br />

Puzzle de s<strong>en</strong>s et de mémoire<br />

Elle est paysagiste et plastici<strong>en</strong>ne, il est photographe.<br />

Leurs travaux se tiss<strong>en</strong>t autour d’un même objet,<br />

le port de Marseille<br />

Le premier étage des ABD accueille<br />

ainsi une double création, photographies,<br />

et objets hétéroclites mis <strong>en</strong><br />

scène. Leur seul point commun est<br />

d’avoir été trouvés sur un môle, un<br />

quai. Ce sont des mobiles de pots de<br />

peinture, des cailloux éclaboussés de<br />

coulées rouges, vertes ou bleues, posés<br />

ça et là comme des fragm<strong>en</strong>ts d’une<br />

mémoire qui vagabonde. Mannequins<br />

muets, aveugles, ombres vêtues de<br />

combinaisons de travail marquées<br />

par l’usage, boîtes à outils abandonnées,<br />

étranges fleurs de chiffons, perchées sur<br />

de longues tiges métalliques… tout est<br />

disposé là parmi des tableautins, ferrailles,<br />

tesselles de miroirs, vieilles caisses<br />

rafistolées où repos<strong>en</strong>t des merveilles,<br />

des gants dépareillés maculés, pinceaux<br />

déplumés, poupées perdues, bric à brac<br />

de pots de plastique, d’objets insolites,<br />

cales de bois, plaques de fer blanc aux<br />

inscriptions parfois déroutantes, «Att<strong>en</strong>tion<br />

Conducteurs nus Sous t<strong>en</strong>sion Dans<br />

caniveau»…<br />

Les photographies elles aussi cour<strong>en</strong>t<br />

sur les murs, p<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t des plafonds, vues<br />

partielles ou générales du port, éclairages<br />

de jour, de nuit. La multiplicité des<br />

objets réunis et des angles de prise<br />

forme un kaléidoscope unique. Vision<br />

impressionniste dans laquelle chaque<br />

fragm<strong>en</strong>t porte un élém<strong>en</strong>t infrangible<br />

de réalité. Ce sont des structures aéri<strong>en</strong>-<br />

La notion de crise dans l’Histoire<br />

Son but : expliciter la notion de crise comme une rupture<br />

dans le temps ordinaire, une susp<strong>en</strong>sion du prés<strong>en</strong>t.<br />

Parcours<br />

Dans la Grèce antique, Hippocrate donne au mot<br />

crise un s<strong>en</strong>s médical. C’est un état critique où se<br />

décide la guérison ou la mort. Le médecin doit<br />

id<strong>en</strong>tifier les signes qui annonc<strong>en</strong>t la crise, les<br />

ordonner pour établir un pronostic et administrer un<br />

remède. Plus généralem<strong>en</strong>t, la crise est le mom<strong>en</strong>t où<br />

les individus se demand<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t ils doiv<strong>en</strong>t agir.<br />

La solution dans une situation sans issue consiste à<br />

recourir à un temps particulier, le kairos, le temps de<br />

l’occasion opportune. Il faut alors <strong>en</strong> profiter pour lire<br />

les signes et trouver une solution. Dans la Bible, la<br />

crise marque la fin d’un temps corrompu grâce au<br />

rep<strong>en</strong>tir : le passé mauvais explique les difficultés du<br />

prés<strong>en</strong>t. Pour l’apocalyptici<strong>en</strong>, <strong>en</strong> revanche, la crise est<br />

un constat d’aporie, de situation sans issue dans le<br />

prés<strong>en</strong>t. Il faut donc voir v<strong>en</strong>ir la fin et s’y préparer !<br />

nes, comme affranchies de toute attache<br />

terrestre, des filins et des poulies ; des<br />

jeux de cubes géants des containers,<br />

larges aplats de couleurs vives ; des processions<br />

étranges de grues, qui pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

des allures de girafes ou de dinosaures<br />

qui march<strong>en</strong>t dans la nuit bleue ; des<br />

escaliers de fer qui s’élanc<strong>en</strong>t vers le ciel<br />

comme si leur seule fin était d’atteindre<br />

l’azur ; et des graffitis énormes : «Pour la<br />

vie Moumou», «Cléopâtra, we are proud»…<br />

De curieuses barques de bois côtoi<strong>en</strong>t<br />

l’outillage des géants, les photos resserr<strong>en</strong>t<br />

leurs plans sur des formes de<br />

métal écorché, abstractions brutes de ce<br />

qui fut…<br />

Si la nature apparaît sur quelques clichés,<br />

herbes folles, touffes roses de valériane,<br />

buissons de g<strong>en</strong>êts, les hommes, matière<br />

participant à la matière, sont abs<strong>en</strong>ts.<br />

Réflexion voulue sur un lieu de transit,<br />

de passage, que l’on n’habite pas…<br />

Subsist<strong>en</strong>t nos fossiles, déchets de toutes<br />

sortes, témoins d’exist<strong>en</strong>ces que l’on ne<br />

représ<strong>en</strong>te pas, car elles ne peuv<strong>en</strong>t s’inscrire<br />

dans la perman<strong>en</strong>ce.<br />

Que laisse l’homme derrière lui ? Quel<br />

s<strong>en</strong>s donne-t-il à ce qu’il produit, à ce<br />

qu’il jette ? Quel rapport <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t-il<br />

avec ces lieux sacrifiés ? Où donc <strong>en</strong>jeu<br />

utilitaire et esthétique se rejoign<strong>en</strong>t-ils?<br />

À partir de quel degré d’abandon le<br />

Beau pr<strong>en</strong>d-il ses lettres de noblesse ? Le<br />

catalogue de l’exposition propose une<br />

série de textes qui particip<strong>en</strong>t de l’analyse,<br />

de la poésie, de la fantaisie… Un<br />

Abécédaire des objets trouvés sur le port<br />

clôt le livre <strong>en</strong> guise d’épilogue et de<br />

projet d’av<strong>en</strong>ir. Une superbe exposition<br />

et un catalogue qui mérit<strong>en</strong>t un arrêt de<br />

votre temps !<br />

MARYVONNE COLOMBANI<br />

Pour sa dixième année d’exist<strong>en</strong>ce, Échange et Diffusion des Savoirs consacre sa saison au thème de la crise.<br />

François Hartog parlait donc le 10 déc de Crise du temps, crise dans le temps.<br />

Ces deux modèles sont la marque de l’occid<strong>en</strong>t : l’une,<br />

la prophétie, permet, après la crise et l’exil, une résolution,<br />

une reprise du cours du temps normal. L’autre,<br />

l’apocalypse, est une rupture dans le temps, récapitule<br />

le prés<strong>en</strong>t et nécessite une transformation complète.<br />

Le christianisme <strong>en</strong>visage une crise du temps et dans<br />

le temps : Dieu fait irruption dans le temps des<br />

hommes, Jésus donne un s<strong>en</strong>s au temps par l’incarnation.<br />

Chronos, le temps chronologique, devi<strong>en</strong>t un<br />

kairos, un temps opportun, puisque le Christ est à la<br />

fois la crise et sa solution. Mais si l’Eglise a repoussé<br />

l’apocalypse <strong>en</strong> instaurant le cal<strong>en</strong>drier (elle crée un<br />

temps cyclique, un temps soustrait au temps), les<br />

mouvem<strong>en</strong>ts millénaristes continu<strong>en</strong>t de voir la crise<br />

comme un mom<strong>en</strong>t de transition.<br />

Temps modernes<br />

La Révolution Industrielle, avec le progrès, amplifie<br />

la place du futur. Mais il reste des maladies, des crises<br />

dont il faut voir les symptômes. L’économiste Juglar,<br />

Photographie de Francois Delaage<br />

Visions Portuaires aux ABD<br />

jusqu’au 16 janvier 2010<br />

François Delaage,<br />

Claire Saltet<br />

<strong>en</strong> 1862, établit que les crises sont cycliques et qu’on<br />

ne peut les supprimer. Reste à les prévoir, c’est le<br />

ressort de l’analyse économique. Les histori<strong>en</strong>s, eux,<br />

cherch<strong>en</strong>t les structures qui expliqu<strong>en</strong>t les crises, qui<br />

sont alors perçues comme des aboutissem<strong>en</strong>ts de<br />

problèmes. Mais dans les années 70 la crise n’est<br />

plus perçue comme un passage, elle devi<strong>en</strong>t durable :<br />

le temps de la crise est dans la crise. Comme la reprise<br />

est sans cesse annoncée, discernée, le prés<strong>en</strong>t remplace<br />

le futur.<br />

Notre temps est sans issue, une aporie, un temps<br />

d’après l’apocalypse : il n’a ni passé ni futur. Seul règne<br />

l’événem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> politique comme dans l’<strong>en</strong>treprise.<br />

L’immédiateté est dev<strong>en</strong>ue la pierre angulaire du<br />

fonctionnem<strong>en</strong>t de la société. L’histoire n’a plus de<br />

place, il n’y a plus que l’événem<strong>en</strong>t. Et comme il est<br />

par nature erratique, il est inutile de t<strong>en</strong>ter de le<br />

prévoir.<br />

RENÉ DIAZ


La Terre,<br />

le Temple, la Loi<br />

Sujet complexe, polémique, l’étude des Hébreux<br />

requiert des précautions méthodologiques, et<br />

une certaine circonspection. L’auteur, docteur<br />

<strong>en</strong> histoire des religions et spécialiste du<br />

judaïsme, a su raconter l’histoire de ce peuple<br />

à travers son Livre mais surtout <strong>en</strong> recourant à<br />

l’archéologie et aux sources extrabibliques.<br />

Le champ chronologique débute avec l’id<strong>en</strong>tification<br />

des origines et les mouvem<strong>en</strong>ts de ce<br />

groupe derrière les personnages d’Abraham ou<br />

de Moïse. L’auteur insiste sur le contexte<br />

géopolitique de la région : le milieu physique,<br />

l’affrontem<strong>en</strong>t des empires (Babylone,<br />

l’Egypte, l’Assyrie, le Hatti), les invasions des<br />

peuples de la mer (les Philistins, mot qui donne<br />

le nom Palestine, sont Sardes, Crétois….). Ces<br />

élém<strong>en</strong>ts permett<strong>en</strong>t la compréh<strong>en</strong>sion de<br />

l’arrivée et de l’installation <strong>en</strong> Canaan. La<br />

première partie se finit avec la fondation du<br />

royaume de David et le règne ambigu de<br />

Salomon. Déjà, bi<strong>en</strong> des certitudes traditionnelles<br />

sont bousculées. Mais un élém<strong>en</strong>t<br />

Les Hébreux<br />

Stéphane Encel<br />

Armand Colin, 30 euros<br />

apparaît dès lors ess<strong>en</strong>tiel pour les Hébreux : la terre. Le reste du<br />

livre s’évertue à expliciter cette relation si particulière, liée à un<br />

contexte tout aussi particulier.<br />

La deuxième partie traite de l’apparition des deux royaumes (du<br />

Sud et du Nord), de leurs fortunes diverses et de leur destruction.<br />

L’exil babyloni<strong>en</strong> est alors, pour le peuple, l’occasion d’un<br />

changem<strong>en</strong>t de sa relation à Yahvé et, peut-être, d’un éveil national.<br />

La troisième partie s’attache à la période perse et à la restructuration<br />

du judaïsme. Une autre pierre ess<strong>en</strong>tielle se met <strong>en</strong> place dans<br />

l’édifice : la relation au temple et à la c<strong>en</strong>tralisation religieuse qu’il<br />

implique. Yahvé ne peut habiter qu’une demeure, et ce sera celle du<br />

temple de Jérusalem. Les communautés accepteront, de gré ou de<br />

force, cette préval<strong>en</strong>ce c<strong>en</strong>tralisatrice.<br />

Avec la quatrième partie se dessine l’influ<strong>en</strong>ce grecque et l’hellénisme.<br />

La fondation de villes, avec le droit de cité, est l’occasion de<br />

l’intégration des communautés juives. La diaspora apparaît dès lors<br />

<strong>en</strong> pleine lumière, et l’appart<strong>en</strong>ance à ces deux mondes, grec et juif,<br />

devi<strong>en</strong>t problématique: la crise maccabé<strong>en</strong>ne révèle ainsi la<br />

situation et signe le début de l’av<strong>en</strong>ture hasmoné<strong>en</strong>ne.<br />

La cinquième partie se noue autour de la destruction du Temple,<br />

mom<strong>en</strong>t dramatique et durable. Stéphane Encel raconte l’affrontem<strong>en</strong>t<br />

avec Rome, les guerres, la disparition du cadre politique, l’exil<br />

et le sort des communautés dispersées. Avec sa reconstruction le<br />

judaïsme devi<strong>en</strong>t la religion des synagogues et du talmud : la Loi<br />

devi<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>trale.<br />

Ce long parcours, bi<strong>en</strong> docum<strong>en</strong>té et bi<strong>en</strong> illustré, permet de disposer<br />

de connaissances historiques solides mais aussi de mieux connaître le<br />

judaïsme, avec ses débats et ses <strong>en</strong>jeux. Le rôle c<strong>en</strong>tral de la relation<br />

à la terre et celui de la torah, qui finalem<strong>en</strong>t remplace le Temple,<br />

apparaiss<strong>en</strong>t comme des élém<strong>en</strong>ts que l’on ne peut omettre dans<br />

l’histoire et l’imaginaire juifs.<br />

RENÉ DIAZ


62 SCIENCES FORUM RÉGIONAL DE CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE<br />

Citoy<strong>en</strong>neté m’était comptée<br />

Un m<strong>en</strong>u bi<strong>en</strong> alléchant…<br />

Les 6 premières éditions du «Forum Sci<strong>en</strong>ces et<br />

Citoy<strong>en</strong>neté», organisées par le Conseil Régional, nous<br />

avai<strong>en</strong>t habitués à la qualité des réflexions sur des<br />

questions de fond touchant aux rapports <strong>en</strong>tre sci<strong>en</strong>ce,<br />

technique et leurs applications, et les questions<br />

éthiques que ceux-ci soulèv<strong>en</strong>t. Le thème de cette<br />

année promettait une d<strong>en</strong>rée riche et consistante,<br />

surtout dans le contexte de crise économique<br />

conjuguée à celle des filières sci<strong>en</strong>tifiques. Nul<br />

n’ignore <strong>en</strong> effet que notre pays souffre cruellem<strong>en</strong>t de<br />

la désaffection de sa jeunesse pour les carrières sci<strong>en</strong>tifiques<br />

et les métiers techniques. Cette dernière<br />

question fut d’ailleurs évoquée par Alain Hayot comme<br />

une des motivations premières du thème de ces<br />

r<strong>en</strong>contres.<br />

Les plats annoncés semblai<strong>en</strong>t constituer des agapes<br />

de choix avec <strong>en</strong> <strong>en</strong>trée «la culture sci<strong>en</strong>tifique, un outil<br />

pour la démocratie». Malheureusem<strong>en</strong>t les amusebouche<br />

aux couleurs attrayantes «l’information, un<br />

préalable à la démocratie» et «comm<strong>en</strong>t préparer le<br />

public au débat sci<strong>en</strong>tifique» nageai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait dans<br />

une épaisse couche de sauce insipide voire étouffante.<br />

… pour un brouet bi<strong>en</strong> peu clair<br />

L’«expéri<strong>en</strong>ce interactive» sur «l’exemple de la<br />

vaccination», qui dura jusqu’à 12h30, se révéla n’être<br />

qu’une nouvelle tribune de propagande pour la<br />

vaccination contre le fameux virus H1N1. L’interactivité<br />

apparaissait sous la forme d’un questionnaire<br />

aux participants par vote électronique, dont un<br />

«chercheur économiste» avait concocté les questions<br />

absconses, souv<strong>en</strong>t ineptes ou mal formulées. Le but<br />

ultime du gavage étant le test périodique d’évolution,<br />

par l’interrogatoire, de la volonté des participants de<br />

se faire vacciner ou non. L’assistance passive passa près d’être privée de lunch<br />

si elle ne r<strong>en</strong>onçait pas à sa résistance «atterrante» (sic) à la vaccination<br />

systématique ! Il semble que le débat contradictoire avec la salle n’ait pas fait<br />

partie des outils d’interactivité puisqu’on ne lui réserva, faute de temps perdu<br />

à remplir le formulaire, qu’une quinzaine de minutes. Mais Alban Mikoczy, le<br />

«dynamique animateur» rédacteur <strong>en</strong> chef adjoint du 20h00 de France 2 prési-<br />

Débat de Nanoël<br />

En 1995, la loi Barnier, relative au<br />

r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de la protection de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,<br />

a introduit <strong>en</strong> France le<br />

principe de consultation du public <strong>en</strong><br />

ce qui concerne les grandes opérations<br />

d’aménagem<strong>en</strong>t d’intérêt national. Ainsi<br />

fut créée la «Commission Nationale du<br />

Débat Public» [CNDP] qui décide de la<br />

mise <strong>en</strong> débat d’un projet ayant des<br />

conséqu<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales. La<br />

CNDP constitue des commissions ayant<br />

pour tâche d’animer le débat public.<br />

Dans ce cadre a été mis <strong>en</strong> place le «Débat<br />

public sur les options générales<br />

<strong>en</strong> matière de développem<strong>en</strong>t et de<br />

régulation des nanotechnologies.»<br />

La 7 e édition<br />

du Forum régional<br />

de culture<br />

sci<strong>en</strong>tifique<br />

et technique<br />

«Sci<strong>en</strong>ces et<br />

citoy<strong>en</strong>neté»<br />

s’est t<strong>en</strong>ue à l’Hôtel<br />

de Région PACA,<br />

jeudi 3 décembre,<br />

sur le thème<br />

«Savoir pour<br />

quelques-uns<br />

ou culture<br />

pour tous ?»<br />

Les nanotechnologies sont les techniques<br />

permettant de créer des «nano<br />

objets», c’est-à-dire des objets dont l’une<br />

des dim<strong>en</strong>sions est comprise <strong>en</strong>tre 1 et<br />

100 nanomètres (milliardièmes de<br />

mètre), c’est-à-dire 500 000 fois plus<br />

fin qu’un cheveu ! À cette échelle la<br />

matière prés<strong>en</strong>te des propriétés mécaniques,<br />

électriques, chimiques particulières.<br />

Le 19 janv la «concertation» se matérialisera,<br />

dans notre région, sous forme<br />

d’un débat sur Sécurité intérieure et déf<strong>en</strong>se<br />

nationale à 19h30 à l’Auditorium<br />

du Palais du Pharo. Deux thématiques<br />

seront abordées : les Sujets techniques<br />

<strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec les activités locales (Optique /<br />

Photonique / SCS), puis la thématique<br />

dait très spectaculairem<strong>en</strong>t aux destinées philoillogiques<br />

du «débat». Tout y était, l’aisance verbale,<br />

les mimiques, la gouaille… g<strong>en</strong>re «question pour<br />

un champignon»… indigeste.<br />

Nous eussions pu nous régaler<br />

L’après-midi il fut question d’Arts, Sci<strong>en</strong>ces et<br />

Nouvelles Curiosités. E pur… eut dit Galileo<br />

Galilei! De nos jours <strong>en</strong>core la technicité apparaît<br />

comme une malformation honteuse de l’esprit. Elle<br />

est dissimulée sous son pseudonyme cache-texte<br />

de «technologie», c’est-à-dire de propos sur la<br />

technique. Si les pratiques techniques, qui sont<br />

l’ess<strong>en</strong>ce de tout art au s<strong>en</strong>s le plus noble et le<br />

plus humain de ce terme, étai<strong>en</strong>t rétablies dans<br />

leur ordre premier, celui de l’inv<strong>en</strong>tivité et de la<br />

création, la sci<strong>en</strong>ce refonderait son rôle émancipateur.<br />

Car la sci<strong>en</strong>ce est-elle «totalem<strong>en</strong>t<br />

séparée de l’art» comme le soutint un instant André<br />

Scala, invité au titre de savant «philosophe» ?<br />

Croit-il que Gauss ou Maxwell aurai<strong>en</strong>t pu changer<br />

ce qui nous ti<strong>en</strong>t lieu de monde sans la dim<strong>en</strong>sion<br />

onirique et poétique de leur cosme-univers ? A-til<br />

lu les écrits de Planck ou Einstein pour dire que<br />

leur œuvre était moins imaginative que celle de<br />

Van Gogh ou Satie ? A-t-il p<strong>en</strong>sé à la dialectique<br />

qui lie l’évolution des techniques à l’émerg<strong>en</strong>ce de<br />

leur expression dans les formes picturales, musicales...<br />

Le jour où ces frontières obtuses <strong>en</strong>tre les<br />

pratiques techniques et la technique des pratiques<br />

seront <strong>en</strong>fin abrogées, un nouveau mur de la honte<br />

et de l’obscurantisme sera abattu. Et ce jour-là, la<br />

jeunesse repr<strong>en</strong>dra goût à l’imaginaire sci<strong>en</strong>tifique<br />

et pourra <strong>en</strong>fin construire un monde vrai, dynamique,<br />

critique et donc démocratique.<br />

Mais pour cela il faudrait d’abord abroger cet ordre où seule la connaissance<br />

sci<strong>en</strong>tifique r<strong>en</strong>table doit vivre. Il faut détruire l’ordre sci<strong>en</strong>tiste et technologiste<br />

des marchands du temple. Cesser d’opposer sci<strong>en</strong>ces et arts, mais les<br />

séparer, <strong>en</strong>semble, du profit.<br />

Espérons que la 8 e édition du Forum retrouvera ses belles routes libres d’antan...<br />

YVES BERCHADSKY<br />

générale : Sécurité intérieure et déf<strong>en</strong>se<br />

nationale. Si vous voulez participer à<br />

la crèche démocratique et y accrocher<br />

vos boules.<br />

Entrée évidemm<strong>en</strong>t libre<br />

www.debatpublic-nano.org<br />

Noël trie cycle!<br />

La fondation Ecureuil <strong>en</strong> collaboration<br />

avec la Région PACA et l’ASST, dans le<br />

cadre de ses confér<strong>en</strong>ces Horizons des<br />

savoirs, propose d’<strong>en</strong>fourcher son cycle<br />

sur «les chemins de l’intellig<strong>en</strong>ce».<br />

Conseillons <strong>en</strong> particulier la course sur<br />

«l’intellig<strong>en</strong>ce collective des insectes<br />

sociaux» prés<strong>en</strong>tée par Guy Theraulaz,<br />

Directeur de Recherches au CNRS, docteur<br />

<strong>en</strong> neurosci<strong>en</strong>ces et <strong>en</strong> éthologie.<br />

Son développem<strong>en</strong>t appr<strong>en</strong>dra aux<br />

jeunes esprits que depuis l’antiquité<br />

l’observation des sociétés de fourmis,<br />

d’abeilles, de guêpes ou de termites<br />

suscite à la fois étonnem<strong>en</strong>t et admiration.<br />

Si les sociétés d’insectes reti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

l’att<strong>en</strong>tion, c’est tout autant par la<br />

taille et la complexité des architectures<br />

qu’elles construis<strong>en</strong>t que par leur<br />

capacité à résoudre collectivem<strong>en</strong>t<br />

certains problèmes….<br />

Le 26 janv à 18h30, Entrée libre<br />

Espace Ecureuil 04 91 57 26 49<br />

www.ocim.fr/3eme-edition-des-<br />

Horizons-du

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