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25<br />
Marion<br />
Rampal :<br />
Own<br />
Virago<br />
du 17/12/09 au 21/01/10|un gratuit qui se lit<br />
cahier jeunesse<br />
détachable
Politique culturelle<br />
R<strong>en</strong>contres culturelles du Var 5<br />
Musée Borély, Musée de la faï<strong>en</strong>ce 6<br />
Théâtre<br />
La Friche, Le Massalia, Théâtre Nono 7<br />
La Criée 8<br />
Les Bernardines, le Toursky, les Salins 9<br />
Avignon, Aix, Martigues, Arles, Nîmes 10,11<br />
Les Bernardines, le Gyptis, le Merlan, la Criée 12<br />
Le L<strong>en</strong>che, la Criée, la Minoterie, le Massalia 13<br />
Cavaillon, Rousset, Simiane, Salon, Martigues 14<br />
Au programme 15<br />
Danse<br />
La Minoterie, MOD, Dansem, les Bernardines 16,17<br />
Istres, Pavillon noir, Gymnase, BNM, Toulon 18, 19<br />
Au programme 20, 21<br />
Cirque/Arts de la rue<br />
Sirènes et midi net, Toursky, Istres, Grasse, GTP 22<br />
Arts visuels<br />
Musée d’art contemporain, Passage de l’art 24<br />
Paradigme, la Fabrique s<strong>en</strong>sible, Où sont les <strong>en</strong>fants ? 25<br />
Galerie Vinc<strong>en</strong>t Bercker, la Non-Maison 26<br />
Saint-Cyr-sur-Mer, Apt 27<br />
Au programme 28, 29<br />
Cinéma<br />
AFLAM, Festival Tous Courts 30<br />
Les R<strong>en</strong>dez-vous d’Annie 31<br />
Stella, ICI, Portrait de Laur<strong>en</strong>t Lafran 32<br />
Musique<br />
Concerts 33 à 43<br />
Disques 44 à 46<br />
Livres<br />
Arts, Littérature 47 à 51<br />
Toulon, la Destrousse 52<br />
Cité du Livre, au programme 53<br />
Ecrimed, Héropolis, R<strong>en</strong>contres littéraires 54,55<br />
Philosophie<br />
Les R<strong>en</strong>contres d’Averroès 56<br />
Entreti<strong>en</strong> avec Raphaël Granvaud 57<br />
Entreti<strong>en</strong> avec Alain Guyard 58, 59<br />
Histoire<br />
Echange et diffusion des savoirs, ABD, les Hébreux 60, 61<br />
Sci<strong>en</strong>ces<br />
Forum régional de culture sci<strong>en</strong>tifique et technique 62<br />
ZIBELINE JEUNESSE<br />
Événem<strong>en</strong>ts Amarelles, Drôles de noëls III<br />
Activités Le Merlan, la Cité du Livre IV<br />
Le musée des Alpilles, Laterna Magica V<br />
Spectacles Au programme VI VII<br />
Mômaix, le Merlan, Fos-sur-Mer VIII<br />
Le L<strong>en</strong>che, le Gyptis, GTP IX<br />
Le Massalia, le Merlan, Ste-Maxime, Le Revest X<br />
Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce, Cavaillon XI<br />
Livres XII à XV<br />
Emballages et<br />
correspondances<br />
Emballant ! Cette fin d’année culturelle s’est révélée, après une<br />
r<strong>en</strong>trée sacrém<strong>en</strong>t triste, pleine de très bonnes surprises ! Des<br />
créations passionnantes, des spectacles et des concerts bouleversants,<br />
des r<strong>en</strong>contres émoustillantes pour tous les esprits<br />
curieux, et rêveurs… Certains sont <strong>en</strong>core sur nos scènes, et les<br />
auteurs, artistes et musici<strong>en</strong>s croisés nous ont laissé leurs livres,<br />
leurs œuvres, leur voix, <strong>en</strong>registrés.<br />
Et si vous offriez pour Noël à vos proches de partager avec vous<br />
ces plaisirs ?<br />
Car la fête se profile toujours id<strong>en</strong>tique, avec ses emballages<br />
étalés. Dans les boutiques <strong>en</strong>luminées de guirlandes on v<strong>en</strong>d<br />
des vêtem<strong>en</strong>ts pour empaqueter les corps, des bijoux pour les<br />
orner, des appareils pour communiquer des mess@ges, et d’autres<br />
pour lire les ℮-textes, les images et les sons numé®iques.<br />
Dans une ténébreuse et profonde unité, les parfums, les ©ouleurs<br />
et les sons se répond<strong>en</strong>t, dirait l’autre. Et s’<strong>en</strong>clos<strong>en</strong>t sous des<br />
papiers pré-pliés pour emballer plus vite, et des étiquettes<br />
pré<strong>en</strong>collées, des vœux pré-écrits, pour ajouter <strong>en</strong>core autour<br />
<strong>en</strong> une couche ultime.<br />
Les ©adeaux que l’on déballe comme des oignons se réduis<strong>en</strong>t<br />
souv<strong>en</strong>t à leur pelure. Une fois effeuillés il n’<strong>en</strong> reste que le<br />
souv<strong>en</strong>ir, et cette effervesc<strong>en</strong>ce un peu écœurante d’ouvrir, de<br />
consommer l’inutile. Ce qui ne définit pas le luxe, mais le vain.<br />
Pour sortir de la vacuité ambiante offrez des livres. De la<br />
musique, des instrum<strong>en</strong>ts, des tableaux. Des plaisirs immédiats<br />
même, des chocolats. Des places de spectacles, des mom<strong>en</strong>ts de<br />
cinéma que vous partagerez avec vos proches, des classiques<br />
que vous aimez et qu’ils ne sav<strong>en</strong>t pas. Des voyages qui raviront<br />
leur esprit vers des horizons nouveaux. Des objets inatt<strong>en</strong>dus<br />
qu’ils devront apprivoiser. Du temps avec eux, pour les y aider.<br />
Peut-être certains feront-ils la moue ? Qu’importe, vous leur<br />
aurez offert un peu de vous-mêmes, et non la satisfaction<br />
immédiate d’un ℮-désir commun. Pas des emballages mais la<br />
solidité d’un li<strong>en</strong>.<br />
AGNÈS FRESCHEL<br />
RetrouveZ nos éditions précéd<strong>en</strong>tes<br />
sur www.journalzibeline.fr
La Fête du livre, les R<strong>en</strong>contres artistiques<br />
méditerrané<strong>en</strong>ne du Var,<br />
Constellations : du 20 novembre au 12<br />
décembre, le Conseil général du Var a<br />
m<strong>en</strong>é un train d’<strong>en</strong>fer aux associations<br />
varoises et à ses part<strong>en</strong>aires. De<br />
quoi faire m<strong>en</strong>tir ceux qui p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t<br />
qu’il ne se passait jamais ri<strong>en</strong> dans le<br />
83 ! Et le public, dans tout ça ? On le<br />
sait, la palme d’or revi<strong>en</strong>t à la Fête du<br />
livre avec 52 000 visiteurs le temps<br />
d’un week-<strong>en</strong>d quand le public des<br />
R<strong>en</strong>contres, du fait de leur thématique<br />
(Les nouvelles écritures du spectacle<br />
vivant, de l’id<strong>en</strong>tité à la modernité)<br />
et de leur durée (7 jours), est moins<br />
quantifiable, de nombreux spectacles<br />
se déroulant dans l’espace public.<br />
Pour la petite dernière, Constellations,<br />
la communication ayant du retard à<br />
l’allumage, Kubilai Khan Investigations<br />
a dû compter sur ses seules<br />
forces d’attraction.<br />
De cette grande déferlante, on reti<strong>en</strong>dra<br />
des images fortes, des s<strong>en</strong>sations<br />
de plaisir et des échanges nourriciers.<br />
D’abord et par deux fois, l’incomparable<br />
Transports exceptionnels offert<br />
par le chorégraphe Dominique Boivin<br />
aux passants du quai du Port, saisis<br />
de vertige par la performance d’un<br />
danseur (P. Priasso) et d’un conducteur<br />
d’<strong>en</strong>gin (E. Lamy) <strong>en</strong> prise avec<br />
les forces animales d’une pelleteuse.<br />
Dans un registre plus intime, l’Ensemble<br />
des Équilibres (Agnès Pyka,<br />
Maire Laur<strong>en</strong>ce Rocca) a fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />
à une foule intergénérationnelle des<br />
œuvres de Luciano Berio : un pari audacieux<br />
-et réussi- sous le regard des<br />
RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES DU VAR<br />
Déferlante varoise<br />
La chambre des Aïta<br />
Madame Plaza est une salle de cabaret, le plus vieux de<br />
Marrakech. Une chambre sans âge à laquelle la chorégraphe<br />
Bouchra Ouizgu<strong>en</strong> ne donne formes ni couleurs. Une<br />
réalité nue, sans fard ni voiles, sans parures ni parfum.<br />
Seulem<strong>en</strong>t trois sofas sur lesquels se repos<strong>en</strong>t quatre<br />
femmes échouées là, presque par hasard. On ne connaîtra<br />
ri<strong>en</strong> de plus de leur histoire, on sait seulem<strong>en</strong>t que la<br />
compagnie Anania r<strong>en</strong>d ici hommage aux Aïta, «ces<br />
chanteuses de cabaret, dépositaires à la fois d’un art v<strong>en</strong>u du<br />
fond des temps et de l’histoire réc<strong>en</strong>te du Maroc».<br />
Dans un sil<strong>en</strong>ce pesant, les corps se meuv<strong>en</strong>t à la vitesse<br />
d’une infusion de m<strong>en</strong>the, poses alanguies, têtes r<strong>en</strong>versées,<br />
pieds <strong>en</strong> l’air, ondulations imperceptibles… Quand soudain<br />
l’une d’<strong>en</strong>tre elles danse à la vitesse d’un éclair : les corps<br />
cabossés lâch<strong>en</strong>t leur énergie cont<strong>en</strong>ue, dos-à-dos, <strong>en</strong><br />
équilibre, au sol. Les chants s’élèv<strong>en</strong>t, rauques, les rires se<br />
déploi<strong>en</strong>t. Une vague profonde les soulève dans un cri<br />
collectif, une secousse tellurique ; d’un corps à l’autre la<br />
danse, le chant se répand<strong>en</strong>t. Le quartet parfois se disjoint<br />
photographies de Jeanloup Sieff accrochées<br />
à la Maison de la photographie.<br />
Musical toujours, le programme proposé<br />
au foyer Campra à l’Opéra de TPM<br />
a permis non seulem<strong>en</strong>t de (re)découvrir<br />
l’une des plus belles salles<br />
d’opéra de la région, mais de se frotter<br />
Transports exceptionnels © Jean-Louis Fernandez<br />
à deux univers mélodiques diamétralem<strong>en</strong>t<br />
opposés. D’une part la musique<br />
de tables de Thierry de Mey (que<br />
les amateurs d’Anne Teresa de<br />
Keersmaeker connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>) et la<br />
trichromie de Yoshihisa Taïra servis<br />
admirablem<strong>en</strong>t par l’Ensemble Poly-<br />
tantôt fait bloc, chacune cherchant à s’échapper de ce<br />
cabaret clos que seule l’intrusion d’un homme (subterfuge<br />
du déguisem<strong>en</strong>t) pourrait <strong>en</strong>trouvrir : désirs, domination<br />
masculine, s<strong>en</strong>sualité à fleur de peau… Il suffit qu’un<br />
complet veston blanc pointe le bout de sa braguette pour<br />
semer le chaos, la discorde, bousculer l’ordre établi.<br />
Jusqu’à ce que les t<strong>en</strong>sions s’apais<strong>en</strong>t à nouveau et que les<br />
corps, adoucis, se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t une fois <strong>en</strong>core.<br />
Depuis sa création au festival Montpellier Danse 2009 et son<br />
passage au théâtre d’Arles, Madame Plaza divise le public<br />
<strong>en</strong>tre inconditionnels heureux et détracteurs interloqués<br />
qui se demand<strong>en</strong>t après-coup ce qu’ils sont v<strong>en</strong>us faire<br />
dans ce cabaret…<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Madame Plaza a été prés<strong>en</strong>té par le CNCDC Châteauvallon<br />
aux R<strong>en</strong>contres artistiques méditerrané<strong>en</strong>nes du Var le 1 er<br />
décembre<br />
POLITIQUE CULTURELLE<br />
05<br />
chronies ; d’autre part le langage<br />
universel de Léonard Bernstein chanté<br />
avec bonheur par le Chœur de l’Opéra.<br />
Il y eut aussi la journée «jeune<br />
public» du mercredi et les spectacles<br />
de rue <strong>en</strong> familles le dimanche…<br />
Entre ces r<strong>en</strong>dez-vous festifs, les<br />
R<strong>en</strong>contres ont été émaillées de débats<br />
<strong>en</strong>tre les nombreux acteurs culturels<br />
associés, du Var et des Bouches-du-<br />
Rhône, qui ont mis <strong>en</strong> partage leurs<br />
expéri<strong>en</strong>ces, croisé leurs projets et<br />
pointé leurs interrogations. Pour la<br />
seule journée consacrée aux «Aspects<br />
du théâtre contemporain», les participants<br />
ont pu expérim<strong>en</strong>ter la méthode<br />
dite de «l’exercice des vagues» de la<br />
metteur <strong>en</strong> scène Catherine Marnas<br />
<strong>en</strong> l’intégrant dans leurs pratiques<br />
personnelles ; se nourrir à la source<br />
de l’histoire du théâtre contemporain<br />
<strong>en</strong> écoutant Michel Corvin «tutoyer»<br />
Beckett, Handke, Régy, Adamov dont<br />
il connaît la moindre tirade. Et <strong>en</strong>core<br />
Joseph Danan, dramaturge et auteur,<br />
qui s’interrogeait à voix haute : «Peutêtre<br />
que le théâtre peut nous redonner<br />
foi <strong>en</strong> ce monde», paraphrasant Gilles<br />
Deleuze à propos du cinéma…<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Les R<strong>en</strong>contres artistiques<br />
méditerrané<strong>en</strong>nes du Var<br />
se sont déroulées du 26 novembre<br />
au 2 décembre<br />
dans 6 lieux de Toulon<br />
Correction<br />
Lors notre <strong>en</strong>quête du mois<br />
dernier, les chiffres communiqués<br />
par la Criée quant à<br />
leur subv<strong>en</strong>tion de la Ville<br />
dépassai<strong>en</strong>t de 200 000 euros<br />
ceux que nous avions relevés<br />
dans les délibérations (1 million<br />
d’euros au lieu des 800 000). En<br />
fait, la Criée, fort honnête, y<br />
ajoutait la mise à disposition<br />
des lieux par la Ville (c’est-àdire<br />
une somme estimée qu’elle<br />
ne touche pas), ce que les autres<br />
théâtres ne faisai<strong>en</strong>t pas<br />
(honnêtem<strong>en</strong>t aussi d’ailleurs).<br />
Elle ne reçoit donc pas 4<br />
millions de subv<strong>en</strong>tions, mais<br />
3,8 millions.<br />
A.F.
06 POLITIQUE CULTURELLE MUSÉE BORÉLY | MUSÉE DE LA FAÏENCE<br />
Le projet Borély<br />
Le constat est fait depuis des années : les musées<br />
de Marseille, qui possèd<strong>en</strong>t des fonds riches, divers<br />
et étonnants, manqu<strong>en</strong>t cruellem<strong>en</strong>t de grands<br />
lieux d’exposition susceptibles de les mettre <strong>en</strong><br />
valeur pour le public… Cela est particulièrem<strong>en</strong>t<br />
vrai pour les collections muséales relevant des arts<br />
décoratifs : depuis la fermeture il y a plus de 20<br />
ans du musée Borély, elles végèt<strong>en</strong>t dans des<br />
caisses ou sont disséminées qui au Musée de la<br />
faï<strong>en</strong>ce, qui au Musée de la mode…<br />
Restaurer <strong>en</strong>fin le magnifique Château Borély, écrin<br />
XVIII e au cœur du plus beau parc de Marseille,<br />
tourné vers la mer, pas trop exc<strong>en</strong>tré, paraît donc<br />
une évid<strong>en</strong>te bonne idée ! D’autant que le projet est<br />
cohér<strong>en</strong>t : s’appuyant sur le pot<strong>en</strong>tiel naturel du Parc,<br />
son lég<strong>en</strong>daire Pavillon du Lac qui devra rouvrir,<br />
son musée botanique avec lequel des passerelles<br />
seront établies, l’<strong>en</strong>semble muséal de Borély obéira<br />
aux impératifs des grands projets. Les collections<br />
des musées de la faï<strong>en</strong>ce, de la mode et des arts<br />
décoratifs y seront réunies <strong>en</strong> un parcours historique<br />
éclairant sur la culture prov<strong>en</strong>çale, l’histoire<br />
artisanale et industrielle de Marseille, et l’histoire<br />
du goût et de l’art de vivre. Du XVII e au XX e siècle<br />
les objets, meubles, tissus, vaisselle, vêtem<strong>en</strong>ts<br />
Château Borély © Ville de Marseille<br />
Château Borély © Ville de Marseille<br />
trouveront un cadre qui leur répond, puisque les salles<br />
du rez-de-chaussée et du premier étage sont <strong>en</strong><br />
cours de restauration, et que celles du dernier<br />
étage, très abimées par la pluie, accueilleront dans<br />
un décor plus neutre les collections contemporaines.<br />
La Ville de Marseille veut concrétiser ce grand projet<br />
<strong>en</strong> 2012, et répondre par ces collections ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />
prov<strong>en</strong>çales à celles du MuCEM, à vocation<br />
plus universelle. Le château est d’ores <strong>en</strong> déjà <strong>en</strong><br />
restauration, et les vêtem<strong>en</strong>ts et tissus du musée<br />
de la mode prêts à se déplier <strong>en</strong>fin -les expositions<br />
temporaires sur la Canebière ne donn<strong>en</strong>t qu’une<br />
toute petite idée de la richesse de ce fonds. Le<br />
musée sera animé par des ateliers pour <strong>en</strong>fants et<br />
pour adultes, autour des savoir-faire et des techniques<br />
artisanales, mais aussi d’un appr<strong>en</strong>tissage du<br />
regard. Et les collections s’<strong>en</strong>richiront de commandes<br />
à des artistes, confirmant ainsi que la<br />
culture prov<strong>en</strong>çale n’est pas figée sur un glorieux<br />
passé et un folklorisme.<br />
Un projet ess<strong>en</strong>tiel pour Marseille qui a toujours<br />
peiné à affirmer son statut de capitale prov<strong>en</strong>çale<br />
dans une région qui, depuis l’antiquité, lui a toujours<br />
préféré des villes plus bourgeoises. Mais il est<br />
impératif que ce musée de civilisation, ess<strong>en</strong>tiel,<br />
soit complété par un grand projet de musée artistique<br />
: s’il est bon que la culture prov<strong>en</strong>çale soit<br />
assumée par les Marseillais ils ne saurai<strong>en</strong>t s’y<br />
réduire. Marseille est aujourd’hui à la mode et<br />
redevi<strong>en</strong>t une destination touristique : elle mérite<br />
<strong>en</strong>fin un musée d’art qui prés<strong>en</strong>te dignem<strong>en</strong>t les<br />
collections contemporaines, modernes, romantiques<br />
et classiques qui dorm<strong>en</strong>t actuellem<strong>en</strong>t dans les<br />
réserves !<br />
AGNES FRESCHEL<br />
Ce que nous dit la vaisselle !<br />
Faites-vous partie de ces visiteurs de musées qui,<br />
lorsqu’ils arriv<strong>en</strong>t dans les salles aux vitrines pleines<br />
d’ust<strong>en</strong>siles d’usage courant, pass<strong>en</strong>t rapidem<strong>en</strong>t<br />
pour aller s’attarder devant les statues et tableaux<br />
de maîtres ? La conception moderne et occid<strong>en</strong>tale<br />
de l’art nous a appris à admirer les œuvres signées<br />
qui nous ouvr<strong>en</strong>t à un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t esthétique… mais<br />
ne sont pas la seule voie pour appréh<strong>en</strong>der une<br />
culture.<br />
Le musée de la faï<strong>en</strong>ce est relativem<strong>en</strong>t peu fréqu<strong>en</strong>té<br />
des Marseillais. Situé au cœur d’un parc<br />
davantage connu pour ses écureuils et ses poneys<br />
que pour ses collections, il recèle pourtant des trésors<br />
que 15000 visiteurs annuels découvr<strong>en</strong>t chaque<br />
année sur les trois niveaux du château Pastré : 1500<br />
pièces, remarquables pour certaines, nous racont<strong>en</strong>t<br />
une histoire. Celle des faï<strong>en</strong>ciers marseillais<br />
qui, dès la fin du XVII e siècle, ont parfait une technique<br />
spécifique: le petit feu, qui permet <strong>en</strong> cuisant<br />
l’émail à diverses basses températures de varier les<br />
couleurs obt<strong>en</strong>ues, et de sortir des décors bleu cobalt<br />
qui orn<strong>en</strong>t la plupart des faï<strong>en</strong>ces grand feu.<br />
La faï<strong>en</strong>ce marseillaise, puis celle de Moustier et<br />
d’Apt, est donc particulière : on y trouve de grandes<br />
pièces, des décors historiés, de véritables tableaux,<br />
et des motifs extrêmem<strong>en</strong>t variés, depuis les décors<br />
floraux, les poissons et guirlandes, jusqu’à des scènes<br />
de g<strong>en</strong>re, champêtres ou mythologiques…<br />
Musée de la faï<strong>en</strong>ce © Ville de Marseille<br />
Mais le musée ne se réduit pas à ces objets emblématiques<br />
de la richesse d’un art de vivre bourgeois : des<br />
pièces de Théodore Deck réunies <strong>en</strong> une magnifique<br />
vitrine témoign<strong>en</strong>t de l’art de la couleur et du motif<br />
du plus grand des céramistes ; au dernier étage des<br />
pièces art nouveau côtoi<strong>en</strong>t des créations contemporaines<br />
<strong>en</strong> verre, <strong>en</strong> grès, des animaux fantastiques,<br />
grotesques, des bibelots d’inanité lumineuse…<br />
Une collection d’arts du feu à visiter, avant ou après<br />
le pique-nique, et <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant son emménagem<strong>en</strong>t<br />
à Borély !<br />
A.F.<br />
Musée de la Faï<strong>en</strong>ce<br />
04 91 72 43 47<br />
Ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 17h
Entre adultes cons<strong>en</strong>tis<br />
LA FRICHE | LE MASSALIA | THÉÂTRE NONO<br />
Accueil aussi chaleureux que surpr<strong>en</strong>ant, lustres de cristal,<br />
accessoires à vue, hop, nous voici embarqués pour la traversée<br />
(trop courte, hélas, on <strong>en</strong> aurait bi<strong>en</strong> goûté un peu plus<br />
<strong>en</strong>core !) de quelques délires de notre Espèce fabulatrice.<br />
C’est le texte éponyme de Nancy Huston qui a donné à la<br />
Cie Parnas l’idée de ce banquet fabulateur auquel cinq<br />
comédi<strong>en</strong>s nous convi<strong>en</strong>t avec élégance et fantaisie. Un florilège<br />
de grands noms du théâtre (Shakespeare, Tchekhov,<br />
Sophocle, Rostand, Racine…) se tisse avec fluidité et <strong>en</strong> musique.<br />
On se réjouit d’écouter se répondre tragédies et<br />
comédies dans un festival de répliques célèbres. Le tout<br />
servi par une mise <strong>en</strong> scène atypique qui met <strong>en</strong> contact le<br />
spectateur et l’acteur. Pour ce voyage inspiré du banquet<br />
platonici<strong>en</strong>, nous sommes installés à la même table que les<br />
comédi<strong>en</strong>s et partageons avec eux vin, fruits et discours.<br />
Ils sont tous fabuleux aux deux s<strong>en</strong>s du terme ! Leurs mots,<br />
leurs gestes et leur jeu, excell<strong>en</strong>t, nous ouvr<strong>en</strong>t les portes<br />
d’une fantastique épopée à travers l’imagination car comme<br />
L’idée est excell<strong>en</strong>te : le cabaret des NoNos réunit des spectateurs dans une ambiance conviviale autour<br />
de chants de Noël dévoyés, <strong>en</strong>trecoupés de textes érotiques contemporains. Il repose sur des commandes<br />
à des auteurs, et sur une théâtralisation minimale : voix, micros, chaises, sapins… et tal<strong>en</strong>t. On peut<br />
regretter que les comédi<strong>en</strong>s chant<strong>en</strong>t si faux -les trois musici<strong>en</strong>s n’<strong>en</strong> peuv<strong>en</strong>t mais, et Gregori Miege<br />
au milieu cherche à rattraper sans cesse Marion Coutris qui démarre à n’importe quelle hauteur, Serge<br />
Noyelle qui se bat contre le rythme, et tous qui détonn<strong>en</strong>t… Cela gâche vraim<strong>en</strong>t les passages musicaux,<br />
par ailleurs remarquablem<strong>en</strong>t choisis, et arrangés. Mais les textes sont un régal : L’asc<strong>en</strong>seur de Marion<br />
Coutris, narré par un homme (Patrice Pujol) mais visiblem<strong>en</strong>t écrit par une femme observatrice, et séductrice,<br />
est un régal de drôlerie, coquin à souhait. Le récit d’Eugène Durif sonne dur, pas érotique<br />
pour un brin même si débordant de sexe, scandé par une voix intérieure animée d’un élan morbide,<br />
remarquablem<strong>en</strong>t écrit, et dit comme on se noie, sans autre effet qu’un halètem<strong>en</strong>t, par un Gregori Miege<br />
impressionnant. Le roman d’un travesti écrit et dit par Serge Noyelle est plus banal, mais son invitée<br />
québécoise, France Arbour, offre un mom<strong>en</strong>t de théâtre exceptionnel : le texte de Yann Bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue,<br />
qui exhibe avec fracas la sexualité d’une vieille femme dans sa maison de retraite, est un monum<strong>en</strong>t<br />
de drôlerie féroce et la comédi<strong>en</strong>ne, la seule qui joue vraim<strong>en</strong>t, sans texte et debout, soulève un tonnerre<br />
fracassant d’applaudissem<strong>en</strong>ts.<br />
Ne serait-ce que pour ce mom<strong>en</strong>t ce cabaret érotique vaut le voyage jusqu’au Nono théâtre !<br />
AGNES FRESCHEL<br />
Les contes érotiques de Noël ont lieu tous les soirs jusqu’au 18 déc.<br />
04 91 75 64 59<br />
www.theatre-nono.com<br />
© Agnès Mellon<br />
THÉÂTRE<br />
07<br />
Les étudiants du BTS Design de Communication du Lycée<br />
Marie Curie (Marseille) r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t compte de leur soirée<br />
avec la Compagnie Parnas…<br />
Quand l’imagination<br />
s’invite à table le disait Romain Gary, et c’est une<br />
© Cordula Treml<br />
phrase qu’ils répèt<strong>en</strong>t, «ri<strong>en</strong> n’est humain<br />
qui n’aspire à l’imaginaire.» Puisque<br />
l’homme passe sa vie à la jouer, puisqu’il<br />
est un animal fabulateur, autant lui<br />
laisser la parole. C’est ce qu’ils ont fait<br />
l’autre soir à La Friche, avec tal<strong>en</strong>t, et<br />
nous les remercions du beau mom<strong>en</strong>t<br />
de théâtre qu’ils nous ont offert.<br />
MANDY COLLURAT, MARION BERTHIER<br />
ET D’AUTRES ÉTUDIANTES<br />
Le Banquet fabulateur, création<br />
collective de la Cie Parnas,<br />
mes Catherine Marnas,<br />
est représ<strong>en</strong>té à la Friche Belle<br />
de Mai jusqu’au 18 décembre<br />
04 91 64 41 90<br />
www.parnas.fr<br />
Tableaux de g<strong>en</strong>re<br />
Côte d’Azur est un spectacle à la scénographie étonnante :<br />
<strong>en</strong>fermés dehors, les spectateurs tourn<strong>en</strong>t autour pour<br />
apercevoir, par des meurtrières que les comédi<strong>en</strong>s ouvr<strong>en</strong>t<br />
ou ferm<strong>en</strong>t, les actions qui se pass<strong>en</strong>t sur l’îlot peuplé d’une<br />
humanité marginale, comme figée dans des années 70 qui<br />
aurai<strong>en</strong>t été ravagées par la guerre. Humiliations, viol<strong>en</strong>ces<br />
et exactions se succèd<strong>en</strong>t, saupoudrés d’un certain burlesque,<br />
d’un rire saugr<strong>en</strong>u et de beaucoup de désespoir. C’est<br />
très beau par mom<strong>en</strong>ts, par tableaux, même si cela manque<br />
un peu de rythme, surtout quand les (mauvaises) plages<br />
musicales s’éternis<strong>en</strong>t. Quant à la fin les murs s’ouvr<strong>en</strong>t<br />
laissant passer les affreux habitants de l’îlot vers la lumière,<br />
l’extérieur, notre espace, on compr<strong>en</strong>d la raison du malaise:<br />
le dispositif, qui fait p<strong>en</strong>ser à Disneyland, nous a placés <strong>en</strong><br />
position de voyeurs avides, et de consommateurs de viol<strong>en</strong>ce<br />
ordinaire. Cette ouverture crève l’écran.<br />
A.F.<br />
Côte d’Azur, du Théâtre de la Mezzanine,<br />
a été créé au Massalia du 19 au 28 nov<br />
© Christophe Raynaud de Lage
08 THÉÂTRE LA CRIÉE<br />
Usurpateur, faux-semblants et aliénés<br />
La Nuit des rois © Agnès Mellon<br />
La saison de la Criée a (<strong>en</strong>fin !) comm<strong>en</strong>cé, dans la petite<br />
salle, par une énorme frustration : sur les 6000 spectateurs<br />
qui avai<strong>en</strong>t réservé leurs places seuls 800 ont<br />
pu voir la création de Jean-Louis B<strong>en</strong>oit ! Report<br />
d’autant plus regrettable que cette Nuit des Rois,<br />
conçue comme un grand spectacle, allait mal à cette<br />
salle exigüe qui nous plongeait le nez dans un décor fait<br />
pour être vu à distance. Les comédi<strong>en</strong>s, <strong>en</strong> revanche,<br />
avai<strong>en</strong>t remarquablem<strong>en</strong>t adapté leur jeu à une<br />
intimité fort peu naturelle à cette grande comédie Shakespeari<strong>en</strong>ne<br />
: les jeux de doubles, de faux-semblants,<br />
de dévoilem<strong>en</strong>t et de travestissem<strong>en</strong>ts s’étai<strong>en</strong>t adaptés<br />
à l’échelle… En revanche lorsqu’ils faisai<strong>en</strong>t<br />
semblant de jouer du piano les spectateurs, le nez<br />
sur le clavier, trouvai<strong>en</strong>t la simulation assez ridicule…<br />
et le parlé chanté des comédi<strong>en</strong>s n’était pas très juste:<br />
on a vu Jean-Louis B<strong>en</strong>oit avoir l’oreille plus musicale.<br />
Mais il avait la tête ailleurs sans doute, ce que l’on<br />
compr<strong>en</strong>d ; de ce naufrage <strong>en</strong> ses murs il a réussi à<br />
sauver, avec les personnages rev<strong>en</strong>us de leur tempête,<br />
quelques beaux mom<strong>en</strong>ts de théâtre : les nobles<br />
sont subtils, habités, gracieux, et les valets et ivrognes<br />
sont extraordinaires. Jean-Pol Dubois <strong>en</strong> bas jaune<br />
est d’une merveilleuse grandiloqu<strong>en</strong>ce tremblotante.<br />
Quant à Dominique Valadié elle inv<strong>en</strong>te un fou pat<strong>en</strong>té,<br />
philosophe sophiste du r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t et du<br />
syllogisme, absolum<strong>en</strong>t inédit… l<strong>en</strong>t et sans malice…<br />
étonnant !<br />
Il ne reste plus qu’à exiger TRÈS HAUT que cette Nuitrevi<strong>en</strong>ne<br />
dans la grande salle pour laquelle elle a été<br />
conçue… On ne peut <strong>en</strong>visager sérieusem<strong>en</strong>t une vie<br />
culturelle régionale sans notre C<strong>en</strong>tre Dramatique<br />
National !<br />
Tyrans<br />
Une autre manière de Shakespeare, dans la petite<br />
salle toujours… mais conçu pour cela! Le Macbeth de<br />
Heiner Müller mis <strong>en</strong> scène par Angela Konrad<br />
Macbeth © Christiane Robin<br />
fait la preuve, une fois de plus, que nos (relativem<strong>en</strong>t)<br />
jeunes metteurs <strong>en</strong> scène ont du tal<strong>en</strong>t, même s’ils<br />
n’ont ni lieu ni conv<strong>en</strong>tionnem<strong>en</strong>t.<br />
Macbeth n’échappe pas à l’académisme contemporain<br />
des metteurs <strong>en</strong> scène branchés (la définition<br />
serait longue, mais <strong>en</strong> gros cet académisme repose<br />
sur quatre piliers cardinaux dont tous les metteurs<br />
<strong>en</strong> scène de moins de quarante ans us<strong>en</strong>t avec l’illusion<br />
d’être ainsi d’avant-garde : du rock très fort <strong>en</strong><br />
guise de rythme, des micros sur pied, une mise à poil<br />
partielle vers les deux tiers du spectacle et de la<br />
vidéo, sur écrans multiples). Mais si Angela Konrad<br />
use de tous ces moy<strong>en</strong>s ils sont loin de faire l’ess<strong>en</strong>tiel<br />
de son discours : celui-ci repose sur une vision<br />
fine et approfondie des personnages, une très belle<br />
approche de la langue de Shakespeare, une compréh<strong>en</strong>sion<br />
très intime de la dramaturgie de Müller<br />
(son Macbeth a du Himmler <strong>en</strong> lui et son roi Duncan,<br />
sanguinaire, est plus proche de la vérité historique).<br />
Elle pose, sans appuyer ses effets, son Macbeth dans<br />
un contexte de monde dévoyé, qui extermine le<br />
peuple, aime la chair et le meurtre. Elle souligne la<br />
difficulté d’incarner ces monstres <strong>en</strong> inv<strong>en</strong>tant une<br />
belle rupture, drôle, saine, douloureuse, empruntée à<br />
Vilar. Elle dynamite le lyrisme de la langue shakespeari<strong>en</strong>ne<br />
-fondé dans Macbeth sur une fascination<br />
du meurtre- non <strong>en</strong> s’<strong>en</strong> débarrassant à contretemps,<br />
mais <strong>en</strong> le doublant d’une scansion rythmique à la<br />
batterie. Frédéric Poinceau, <strong>en</strong> Macbeth/Hamlet<br />
dépassé par les gestes qu’il commet mais n’assume<br />
pas, est très convaincant. Fabrice Michel, <strong>en</strong> Duncan,<br />
puis <strong>en</strong> Macduff et <strong>en</strong> psychanalyste, est épatant.<br />
Un vrai grand plaisir de théâtre donc, malgré les<br />
tics !<br />
Hystérique<br />
Le roi de Racine est tout aussi inquiétant, même si la<br />
mise <strong>en</strong> scène de R<strong>en</strong>aud Marie Leblanc désigne<br />
l’hystérique fille de Minos comme mère de tous les<br />
maux. On a déjà dit dans Zib’ 24 tout le bi<strong>en</strong> qu’on<br />
p<strong>en</strong>se de cette Phèdre, intellig<strong>en</strong>te, épurée comme<br />
son classicisme, reposant sur une vraie lecture du<br />
texte, et des comédi<strong>en</strong>s inspirés. Enfermant ses<br />
personnages dans un univers blanc, capitonné, psychiatrique,<br />
il laisse le spectateur goûter à la sublime<br />
rigidité de la langue racini<strong>en</strong>ne, et à la profondeur de<br />
la psyché tragique. Des forces obscures, mauvaises<br />
comme l’inconsci<strong>en</strong>t, rigides comme son surmoi,<br />
s’attach<strong>en</strong>t à détruire la femme hystérique possédée<br />
par son désir, jouet de sa jouissance, nue et comme<br />
violée par son propre meurtre. Le Roi quant à lui<br />
revi<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>fers, maudit, détruit, s’acharne, refuse<br />
de croire son fils éploré, tandis que le jeune Prince<br />
s’<strong>en</strong>orgueillit d’être sans affect, et avoue son amour<br />
comme on confesse un crime (ti<strong>en</strong>s un alexandrin).<br />
Tous sont pervers, jusqu’à Aricie amoureuse du fils<br />
de son tortionnaire, jusqu’aux serviteurs qui les<br />
pouss<strong>en</strong>t au parjure. Car les humains n’y sont que<br />
les jouets de dieux injustes, que R<strong>en</strong>aud Marie<br />
Leblanc traduit <strong>en</strong> forces intérieures agissantes,<br />
manipulateurs furi-ieux de leurs psychés malades.<br />
Décidém<strong>en</strong>t les metteurs <strong>en</strong> scène de la région ont<br />
du tal<strong>en</strong>t !<br />
AGNES FRESCHEL<br />
Phèdre<br />
© Marc Ginot<br />
La Nuit des Rois a été créé à la Criée<br />
du 20 au 29 nov.,<br />
Macbeth a été joué du 2 au 6 déc.,<br />
Phèdre est jouée jusqu’au 19 déc.<br />
04 91 54 70 54<br />
www.theatre-lacriee.com
Contre la Tyrannie<br />
La version de Lor<strong>en</strong>zaccio d’Antoine<br />
Bourseiller, réduite à 1h40, garde<br />
toute la puissance de la pièce : l’intrigue,<br />
certes resserrée, s’articule ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />
sur l’idéal républicain de Lor<strong>en</strong>zo<br />
de Médicis, et la vanité de son crime,<br />
puisque le nouveau Duc ne vaudra pas<br />
mieux qu’Alexandre. Manque sans doute<br />
à ce choix la dim<strong>en</strong>sion du caractère<br />
sourdem<strong>en</strong>t passionné et désespéré à<br />
la fois, romantique de fait, du personnage<br />
principal. La comédie qu’il joue<br />
est <strong>en</strong> revanche bi<strong>en</strong> orchestrée : dans<br />
ce décor minimal toute la mise <strong>en</strong> scène<br />
repose sur le pari de l’illusion théâtrale,<br />
ombre et lumière permett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trées<br />
et sorties, danse dynamique où chaque<br />
nouvelle scène pr<strong>en</strong>d son élan aux<br />
sources de ce qui précède.<br />
La troupe rassemblée ici est jeune et<br />
tal<strong>en</strong>tueuse. Inv<strong>en</strong>tion, rapidité, s<strong>en</strong>s<br />
des ressorts comiques aussi, le texte<br />
est joué avec intellig<strong>en</strong>ce, jusque dans<br />
les nuances. Ces jeunes comédi<strong>en</strong>s<br />
sav<strong>en</strong>t faire partager leur fraîcheur et<br />
leur plaisir du texte au public v<strong>en</strong>u nombreux<br />
(la salle est toujours comble).<br />
Quelques mom<strong>en</strong>ts mimés, la mort de<br />
Lor<strong>en</strong>zaccio et le rire diabolique de<br />
Côme de Médicis qui sous un discours<br />
Si six sœurs<br />
TOURSKY | BERNARDINES | MARTIGUES<br />
lénifiant cache un caractère aussi fourbe<br />
que son prédécesseur, permett<strong>en</strong>t de<br />
r<strong>en</strong>dre s<strong>en</strong>sible le pessimisme de la<br />
pièce. Les choix musicaux sont judicieux,<br />
ainsi l’Ave Verum sur le meurtre<br />
de Lor<strong>en</strong>zo, victime expiatoire.<br />
Les 11 et 12 déc étai<strong>en</strong>t données au<br />
Toursky les 43 et 44 e représ<strong>en</strong>tations<br />
de cette mise <strong>en</strong> scène : le Toursky, <strong>en</strong><br />
accueillant dans une salle pleine ce<br />
spectacle qui a tourné sur les plus<br />
grandes scènes belges, et récemm<strong>en</strong>t<br />
au Théâtre National de Nice, fait une<br />
fois de plus la démonstration que sa<br />
programmation n’a ri<strong>en</strong> de piteux…<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Lor<strong>en</strong>zaccio a été joué<br />
les 11 et 12 déc<br />
au Toursky<br />
© Nancy Touranche<br />
Il y a (oui, c’est comme ça) Olga, Macha et Irina ; tous les autres aussi, oui ils y sont tous et c’est très beau,<br />
osons le mot. On pourrait s’arrêter là sans trahir l’esprit ou la manière de Iouri Pogrebnitchko maître de jeu<br />
du théâtre Okolo de Moscou, fermem<strong>en</strong>t posé dans la chapelle des Bernardines : parois métalliques, table et<br />
chaises nues, mais rideaux de d<strong>en</strong>telles et piano droit obligé, poutre de bois que l’on déplace avec respect<br />
(survivante d’autres spectacles, pilier d’un temple shinto ou simple Vanité qui nous rappelle à l’ordre de la<br />
mort ?) ; un filin t<strong>en</strong>du sur le devant de la scène scinde le regard <strong>en</strong> haut et bas, quelques galets blancs limit<strong>en</strong>t<br />
l’espace et là-dedans, loin dedans et loin de Moscou, tout est théâtre. Nous sommes dans la remise à calèches<br />
© Viktor Pouchkin de Stanislavsky (humilité du sanctuaire) et des fantômes<br />
bi<strong>en</strong> vifs jou<strong>en</strong>t les Trois sœurs <strong>en</strong> connaisseurs!<br />
D’ailleurs des sœurs il y <strong>en</strong> a six pour cause de retour<br />
(voir la poutre), mais cela ne trouble <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> la<br />
sérénité du déroulem<strong>en</strong>t : acteurs lumineux, rayonnants<br />
de jeunesse ou d’intériorité, gestes élégants,<br />
d’une précision saisissante, les pieds, les mains, les<br />
yeux on ne sait plus où regarder, pourtant ils boug<strong>en</strong>t<br />
à peine, juste ce qu’il faut pour que tout soit dit ; sous<br />
la raideur des redingotes militaires frémit la blancheur<br />
des robes ou la fluidité d’un costume qui se prêtera<br />
volontiers à la danse ; musicalité de la langue (on ne<br />
s’<strong>en</strong> lasse pas) et musiques éternelles (on pourrait<br />
s’<strong>en</strong> lasser mais la vie est si courte..) accompagn<strong>en</strong>t<br />
des surtitres qu’on lâche assez vite ; on connaît la<br />
fin... mais non, au milieu des saluts éclate l’âme russe<br />
de Charles Aznavour qui met définitivem<strong>en</strong>t tout ça<br />
<strong>en</strong> haut -très haut- de l’affiche !<br />
MARIE-JO DHO<br />
Les Trois Sœurs a été donné aux Bernardines<br />
du 10 au 13 déc<br />
Compassion<br />
© Pan Sok<br />
Tant que ce texte tourne sur les scènes<br />
il faut aller le voir, et le programmer <strong>en</strong>core.<br />
On sait que Guy Cassiers a du<br />
tal<strong>en</strong>t : ses mises <strong>en</strong> scènes programmées<br />
aux Salins ou à Avignon opèr<strong>en</strong>t<br />
une synthèse remarquable <strong>en</strong>tre un<br />
théâtre visuel et technologique très<br />
contemporain, et un amour du texte et<br />
du jeu qui se perd souv<strong>en</strong>t chez les<br />
adeptes de la vidéo et des voix amplifiées.<br />
Chez Cassiers pas de déperdition,<br />
l’adoption des processus d’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts<br />
n’<strong>en</strong>traîne pas l’abandon du<br />
verbe.<br />
THÉÂTRE 09<br />
Il y a cep<strong>en</strong>dant dans Rouge Décanté<br />
quelque chose de plus grand <strong>en</strong>core<br />
que dans ses autres mises <strong>en</strong> scène :<br />
le texte de Jero<strong>en</strong> Brouwers remue<br />
<strong>en</strong> nous les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts les plus profonds<br />
d’empathie, de douleur pour la<br />
plaie de l’autre, de réelle compassion.<br />
S<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t rare, et qui vi<strong>en</strong>t peu à peu :<br />
Dirk Roof-thooft, acteur prodigieux,<br />
le mainti<strong>en</strong>t longtemps à distance <strong>en</strong><br />
effaçant sa voix, et <strong>en</strong> se blottissant<br />
derrière des écrans, des dégoûts, des<br />
pilules. Sans qu’il devi<strong>en</strong>ne sympathique<br />
donc, la douleur de l’<strong>en</strong>fant qu’il<br />
fut, confronté à l’inhumanité des <strong>en</strong>nemis,<br />
puis à la déshumanisation de sa<br />
mère, devi<strong>en</strong>t palpable. Dans la salle,<br />
chez le spectateur assis juste à côté de<br />
vous et qui comme vous reti<strong>en</strong>t ses<br />
larmes parce qu’il a mal pour cet <strong>en</strong>fant,<br />
et pour toutes les victimes des<br />
génocides du monde.<br />
A.F.<br />
Rouge Décanté a été joué<br />
aux Salins le 27 nov
10 THÉÂTRE AVIGNON | AIX | MARTIGUES | ARLES<br />
Che Guevara,<br />
icône romantique<br />
et canon<br />
«On va déballer les incertitudes et imprécisions sur le<br />
Che», <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d-on <strong>en</strong> ouverture de la dernière création<br />
de Gérard Gélas. Pousser l’icône de tee-shirt dans<br />
ses contradictions à partir du texte de José Pablo<br />
Feinmann, qui met <strong>en</strong> perspective le monde actuel<br />
et l’œuvre du révolutionnaire marxiste. Humaniste ou<br />
monstre sanguinaire ? Icône de papier ou mythe historique<br />
? On se retrouve lors de cette dernière nuit<br />
du 9 octobre 1967, dans une école perdue <strong>en</strong> Bolivie<br />
où fut exécuté le symbole de l’anticapitalisme, pour<br />
écouter ce face à face <strong>en</strong>tre le guérillero interprété<br />
par Olivier Sitruk, impeccable (et canon, avouons-le),<br />
et un journaliste, Andrès Cabreira, admirablem<strong>en</strong>t<br />
d<strong>en</strong>sifié par Jacques Frantz. S’<strong>en</strong>tame un huis clos<br />
historique, <strong>en</strong> accéléré, opposant la viol<strong>en</strong>ce des<br />
armes et celle des idées. «Il n’y a pas de juste milieu<br />
dans la vie d’un révolutionnaire», se déf<strong>en</strong>d l’Arg<strong>en</strong>tin,<br />
v<strong>en</strong>toline au poing, qui s’humanise petit à petit devant<br />
le constat d’échec annoncé.<br />
Le spectacle soulève la question de la viol<strong>en</strong>ce politique,<br />
et malgré le postulat de déboulonner la starification<br />
du Che, les clichés demeur<strong>en</strong>t : cigare, béret,<br />
mitraillettes, croix de lumière… Les seconds rôles rest<strong>en</strong>t<br />
anecdotiques face au duo d’acteurs qui s’affronte.<br />
Le Che apparaît comme un humain <strong>en</strong>têté qui<br />
a perdu son idéal, une figure christique pétrie de philosophie<br />
et sacrifiée pour construire une société<br />
d’hommes libres. Son statut d’icône perdure, absolum<strong>en</strong>t.<br />
Évidemm<strong>en</strong>t.<br />
DELPHINE MICHELANGELI<br />
Ernesto Che Guevara, la dernière nuit s’est joué au<br />
Théâtre du Chêne Noir (Avignon) du 20 au 29 nov<br />
© Manuel Pascual<br />
Le regard de l’autre<br />
Tout <strong>en</strong>fant cherche à être aimé, aimé par ses par<strong>en</strong>ts<br />
d’abord. Pour cela il peut se transformer <strong>en</strong> singe<br />
savant, guetter l’approbation qui signifie qu’on l’aime…<br />
Pour plaire à sa mère le petit Guillaume s’efforce de ressembler<br />
à une fille, celle que sa mère n’a pas eue mais<br />
souhaite si fort, du moins le croit-il… L’<strong>en</strong>fant se fait<br />
acteur, à tel point que sa famille se persuade de son<br />
homosexualité, l’<strong>en</strong>ferme dans ce rôle sans se soucier<br />
de sa réalité. Guillaume et les garçons à table ! est une<br />
phrase-titre programmatique... Le spectacle r<strong>en</strong>d<br />
compte d’une quête de soi, d’une ess<strong>en</strong>ce profonde<br />
qui permette de se démarquer du regard d’autrui, pour<br />
dev<strong>en</strong>ir adulte et susciter un nouveau regard…<br />
Guillaume Galli<strong>en</strong>ne nous livre cette tranche de vie<br />
dans un spectacle où il évoque sur scène tous ses personnages<br />
intérieurs, avec un remarquable art du détail.<br />
Une attitude, une intonation particulière, suffis<strong>en</strong>t à<br />
marquer un caractère : un roulem<strong>en</strong>t de r et voici la<br />
grand-mère russe ; épaules dédaigneuses, dos un<br />
peu raide, c’est la mère qui apparaît ; la moue ironique,<br />
le psychiatre militaire qui réforme, résigné, le jeune<br />
bègue ; quelques pas de Sévillane et Paqui, l’hôtesse<br />
Oui à la vie-chair !<br />
Des ogres et des lutins, probablem<strong>en</strong>t une princesse,<br />
vous et moi, tous à la table du banquet volubile où le<br />
coup de langue fait mouche et métaphysique à la fois...<br />
C’est de La Chair de L’Homme que Valère Novarina a<br />
tiré son Repas, adaptation pour la scène des premières<br />
pages de cette œuvre gigantesque, épique et diaboliquem<strong>en</strong>t<br />
lyrique. Le jeune metteur <strong>en</strong> scène Thomas<br />
Quillardets’y attaque par la voie du burlesque et d’une<br />
g<strong>en</strong>tille tradition de l’action partagée : deux rangées de<br />
spectateurs sur scène am<strong>en</strong>és à se dém<strong>en</strong>er, les autres<br />
<strong>en</strong> face assis bi<strong>en</strong> sages mais tous adoubés dès l’<strong>en</strong>trée,<br />
nommés, intronisés convives du grand festin, vous et<br />
moi donc, Jean Gobe Tout ou Mastiqueuse d’Ombre.<br />
Autour de la grande de table de verre (art de la cène,<br />
ne pas oublier le poisson rouge au c<strong>en</strong>tre inlassablem<strong>en</strong>t<br />
muet), les tableaux, vignettes, chansons et folies<br />
douces se succèd<strong>en</strong>t ou s’<strong>en</strong>trecrois<strong>en</strong>t dans un désordre<br />
maîtrisé, au gré de la profération jubilatoire des<br />
Le Festival d’Avignon repr<strong>en</strong>d le fil de ses r<strong>en</strong>contres<br />
publiques pour dévoiler, goutte à goutte, la programmation<br />
de la 64 e édition, dont Christoph Marthaler et<br />
Olivier Cadiot sont les artistes associés. Le metteur<br />
<strong>en</strong> scène Jean-Baptiste Sastre se frottera pour la 1 re<br />
fois à Shakespeare avec la Tragédie du roi Richard II,<br />
créée 63 ans plus tôt par Vilar. L’écrivain Frédéric<br />
Boyer signe une nouvelle traduction. «Je veux faire<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre cette œuvre de langage moderne de façon plus<br />
rapide, directe, brutale <strong>en</strong> interprétant différemm<strong>en</strong>t la<br />
traduction habituelle, trop académique et romantique».<br />
La scénographie est confiée au plastici<strong>en</strong> Sarkis, «un<br />
chaman» pour Sastre, qui s’imprègne totalem<strong>en</strong>t des<br />
1001 œuvres de son atelier/cerveau. Nourrie de toute<br />
cette matière, de poésie, de peinture, la distribution<br />
réunira des corps hauts <strong>en</strong> voix et <strong>en</strong> tal<strong>en</strong>ts. D<strong>en</strong>is<br />
Podalydès, dans le rôle du souverain déchu pour actes<br />
espagnole si drôle, apparaît... Car si le sujet abordé est<br />
délicat, le traitem<strong>en</strong>t théâtral <strong>en</strong> est magistralem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>levé.<br />
Pas un seul temps mort dans ce spectacle réjouissant.<br />
Même le Misanthrope de Molière s’y slame, <strong>en</strong> une<br />
confession à la fois intime et comique. Très réussie.<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Guillaume et les garçons, à table ! a été joué<br />
au Jeu de Paume (Aix) du 1 er au 5 déc<br />
et aux Salins (Martigues) le 8 déc.<br />
Richard II, un non roi mortel !<br />
de tyrannie, incarnera ce non roi dev<strong>en</strong>u mortel, à<br />
l’instar du roi Lear, <strong>en</strong>traîné dans la folie. Pascal Bongard<br />
(Bullingbrook), Nathalie Richard (la reine) et l’écrivain<br />
Pierre Michon (Jean de Gaunt) complèteront<br />
le tableau. Sastre, émancipé de Claude Régy, éprouve<br />
une vraie nécessité de mettre <strong>en</strong> scène cette pièce<br />
à la Cour d’Honneur. «Sans faire le malin, je veux r<strong>en</strong>dre<br />
hommage au théâtre, avec un angle différ<strong>en</strong>t sur ce<br />
poème. Nous n’<strong>en</strong> ferons pas un roi faible qui abdique.<br />
Le roi comédi<strong>en</strong> du Christ, c’est fini avec Richard II». Un<br />
poème revisité par une famille «d’affinités électives»<br />
pour sortir des clichés sur l’incarnation du pouvoir.<br />
DE.M<br />
La r<strong>en</strong>contre publique du Festival In<br />
a eu lieu le 25 novembre à la salle B<strong>en</strong>oit XII<br />
© Pacôme Poirier<br />
acteurs au travail.<br />
Si le rythme est impeccable jusqu’à la trop étirée et<br />
fragm<strong>en</strong>tée scène de bal qui susp<strong>en</strong>d inutilem<strong>en</strong>t le<br />
temps, si la gestuelle frénétise ou poétise à bon esci<strong>en</strong>t,<br />
la diction (terme bi<strong>en</strong> raide dans cet univers de totale<br />
liberté), moins généreuse, rogne un peu sur l’audible.<br />
Pas bi<strong>en</strong> grave sans doute car on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d fort bi<strong>en</strong> par<br />
les yeux le Défécateur <strong>en</strong> majesté qui traverse la scène<br />
sur son trône à roulettes ou les Gesticulateurs dégommés<br />
comme dans un jeu vidéo dès la sortie de l’abri ; la<br />
rime <strong>en</strong> -eur agit comme un ressort dramaturgique et<br />
fait bondir dans l’au-delà du portique tout dét<strong>en</strong>teur du<br />
suffixe ! Bravo à vous qui avez compris, avec Montaigne<br />
et Rabelais, que banqueter c’est appr<strong>en</strong>dre à mourir!<br />
MARIE-JO DHO<br />
Le Repas a été donné (pris ?) au Théâtre Vitez (Aix)<br />
le 2 déc et au Théâtre d’Arles le 10 déc
Gros mots<br />
La M<strong>en</strong>ace © X-D.R<br />
La m<strong>en</strong>ace est partout prés<strong>en</strong>te dans notre société,<br />
distillée quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t dans les média, dans les<br />
émissions de télé… Partant de cette constatation, la<br />
chorégraphe montpelliéraine Anne Lopez et sa<br />
compagnie Les G<strong>en</strong>s du quai cré<strong>en</strong>t une joyeuse et<br />
extravagante parodie de journal télévisé et d’émission<br />
trash dans lesquels les danseurs sont tour à tour<br />
journalistes d’investigations, invitée vedette, technici<strong>en</strong>s<br />
et citoy<strong>en</strong>s victimes pot<strong>en</strong>tielles des dérives de<br />
l’information. Dansés et joués, les tableaux altern<strong>en</strong>t<br />
avec une rapidité folle, mont<strong>en</strong>t et démont<strong>en</strong>t les<br />
mécanismes de la manipulation médiatique quitte à<br />
installer une confusion qui brouille légèrem<strong>en</strong>t le propos.<br />
Heureusem<strong>en</strong>t le rire salvateur n’est pas loin qui<br />
éloigne les peurs et permet l’oxygénation des esprits<br />
prisonniers d’images et propos anxiogènes…<br />
Après la m<strong>en</strong>ace, la Paranoïa, autre délire dû cette<br />
fois au texte du dramaturge Arg<strong>en</strong>tin Rafael Spregelburd<br />
mis <strong>en</strong> scène par Marcial Di Fonzo Bo et<br />
Elise Vigier.<br />
Dans un futur indéterminé qui repr<strong>en</strong>d les codes et<br />
les images d’une sci<strong>en</strong>ce fiction clichée (vêtem<strong>en</strong>ts<br />
blancs, immaculés), un groupe de terri<strong>en</strong>s hétéroclite<br />
«invité» à Piriapolis, <strong>en</strong> Uruguay, est sommé de créer<br />
une fiction originale que les Intellig<strong>en</strong>ces -<strong>en</strong>tité<br />
extraterrestre invisible mais très prés<strong>en</strong>te qui régit<br />
l’univers- n’aurait pas déjà ingéré. Pour sauver le<br />
monde. Autant dire que l’écrivaine à succès Julia Gay<br />
Morrison, Claus, astronaute, Hag<strong>en</strong>, mathématici<strong>en</strong>,<br />
et Béatrice, robot anci<strong>en</strong>ne génération à la mémoire<br />
corrompue (Pierre Maillet est simplem<strong>en</strong>t désopilant)<br />
ont fort à faire. Tout se joue alors <strong>en</strong>tre création et<br />
fantasme, tout s’<strong>en</strong>trecroise <strong>en</strong>tre une vraie-fausse<br />
réalité qui se déroule sur scène, et la fiction projetée<br />
sur écran, délire hystérique de nos créateurs improbables.<br />
L’image n’est pas ici décorative, loin s’<strong>en</strong> faut,<br />
ni simplem<strong>en</strong>t illustrative : les deux langages se complèt<strong>en</strong>t<br />
et cré<strong>en</strong>t une forme hybride, à l’image du<br />
personnage principal de la fiction, Br<strong>en</strong>da, mi-miss<br />
V<strong>en</strong>ezuela, mi-monstre. La déconstruction des mécanismes<br />
de fiction fonctionne, mais pr<strong>en</strong>d le risque de<br />
perdre <strong>en</strong> route les spectateurs immergés dans une<br />
machinerie qui laisse finalem<strong>en</strong>t peu de place à<br />
l’imaginaire et au délire tant att<strong>en</strong>du. Dommage…<br />
DOMINIQUE MARÇON<br />
La M<strong>en</strong>ace était programmé à l’Odéon<br />
les 19 et 20 nov<br />
La Paranoïa a été joué les 26 et 27 nov<br />
au Théâtre de Nîmes<br />
La Paranoïa<br />
© X-D.R<br />
ARLES THÉÂTRE<br />
| NÎMES 11<br />
Humour cinglant<br />
Dès les premiers mots, prononcés dos au public, la<br />
verve de Nouara Naghouche fait mouche. Le ton est<br />
cinglant : un frère invective sa sœur qui a voulu échapper<br />
à son mari lors de la nuit de noce, suite à un mariage<br />
forcé. Autant dire que le rire ne vi<strong>en</strong>t pas tout de suite,<br />
et il ne sera pas systématique, loin s’<strong>en</strong> faut. C’est<br />
que le propos n’est pas humoristique, et c’est là tout<br />
le sel de ce spectacle surpr<strong>en</strong>ant: la révolte qui habite<br />
Nouara Naghouche, Alsaci<strong>en</strong>ne d’origine Algéri<strong>en</strong>ne,<br />
a pour nom injustice, de celle qui touche les femmes<br />
et les <strong>en</strong>fants et qu’elle met <strong>en</strong> scène, forçant si peu<br />
le trait lors de situations pourtant viol<strong>en</strong>tes. Sa force<br />
est son humour, mordant, noir, désespéré parfois, qui<br />
sauve in extremis le récit. Et puis parfois la parole se<br />
fait intime, confid<strong>en</strong>te, désarçonnante, lors de récits<br />
courts et percutants qui <strong>en</strong>fonc<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core un peu<br />
plus le clou. Par petites touches Nouara Naghouche<br />
distille ses (propres ?) histoires avec beaucoup d’amour<br />
et de t<strong>en</strong>dresse, avec pudeur aussi.<br />
DO.M.<br />
Sacrifices a été joué au Théâtre d’Arles<br />
le 27 nov<br />
Sacrifices © Herve Kielwasser
12<br />
THÉÂTRE BERNARDINES | GYPTIS | MERLAN | CRIÉE<br />
1 temps, 3 mouvem<strong>en</strong>ts<br />
Mo © Mathieu Lorry-Dupuy<br />
Après un automne de festivals, voici v<strong>en</strong>ue la 2 e<br />
saison des Bernardines, Un hiver de fidélités.<br />
Jolie formule pour <strong>en</strong>glober les 5 spectacles que le<br />
théâtre propose de décembre à mars. Dans ou hors<br />
les murs, produits ou coproduits, ils ont <strong>en</strong> commun<br />
de laisser l’espace et la parole à des créateurs et à<br />
des compagnies que l’équipe des Bernardines aime<br />
et souti<strong>en</strong>t depuis longtemps.<br />
Après Youri Pogrebnitchko et sa troupe moscovite<br />
du théâtre Okolo, place à Alain Béhar et à la Cie<br />
Quasi, pour Mô, un spectacle qui vi<strong>en</strong>t d’être créé à<br />
Sète et sera donné à Marseille du 16 au 19 décembre.<br />
Une fiction sur la p<strong>en</strong>sée, une t<strong>en</strong>tative de r<strong>en</strong>dre<br />
perceptible «la vapeur dans la tête de cet homme», de<br />
ce Mô (Moi sans i ?) dans le cerveau duquel le spec-<br />
tateur est convié à <strong>en</strong>trer, grâce à un dispositif sonore<br />
et visuel sophistiqué, afin de parv<strong>en</strong>ir à ce que Béhar<br />
nomme «une sorte de lâcher prise», une «vibration<br />
<strong>en</strong>tre s<strong>en</strong>sible et intelligible», une «chose poétique».<br />
Un OTNI (Objet Théâtral Non Id<strong>en</strong>tifié) sans aucun<br />
doute…<br />
En janvier, place aux dames. Du 14 au 24, Marie<br />
Vayssière prés<strong>en</strong>tera son Tartarin raconté aux<br />
Pieds Nickelés ou la réunion d’un bavard et d’un trio<br />
de malfaiteurs. Au héros de Daudet, avec son Ori<strong>en</strong>t<br />
de pacotille, ses rêves de chasse au lion et son<br />
discours colonialiste, la metteuse <strong>en</strong> scène a eu <strong>en</strong>vie<br />
de r<strong>en</strong>voyer le trio cocasse et dérangeant, dans une<br />
création-bricolage qu’elle espère aussi extravagante<br />
que cette r<strong>en</strong>contre improbable. Puis, on pourra aller<br />
au Merlan voir France do Brazil d’Eva Doumbia<br />
avant d’assister au «spectacle de foire gastronomique»<br />
de la Cie L’Art de Vivre, mis <strong>en</strong> scène par Yves<br />
Favrega. La grande comestible, une revue loufoque<br />
pour partager l’idée de l’excès et faire l’éloge de<br />
la liberté de p<strong>en</strong>ser.<br />
On le voit, aux Bernardines, même <strong>en</strong> hiver, il y a de<br />
quoi faire.<br />
FRED ROBERT<br />
Un hiver de fidélités, aux Bernardines,<br />
de décembre à mars<br />
04 91 24 30 40<br />
www.theatre-bernardines.org<br />
Tartarin raconté aux Pieds Nickelés sera aussi joué<br />
au Théâtre Vitez le 27 janv.<br />
Tragédie vraim<strong>en</strong>t grecque<br />
Trois Grecs s’alli<strong>en</strong>t pour créer à Marseille une<br />
nouvelle tragédie… sur un sujet antique bi<strong>en</strong> sûr, mais<br />
d’une actualité évid<strong>en</strong>te. Hypatie d’Alexandrie est un<br />
magnifique personnage historique. Mathématici<strong>en</strong>ne,<br />
érudite et philosophe, elle était surtout une femme<br />
libre qui <strong>en</strong>seignait à ses disciples (masculins) et fut<br />
massacrée, véritablem<strong>en</strong>t lacérée, par les chréti<strong>en</strong>s<br />
au IV e siècle, pour s’être opposée à la destruction des<br />
livres paï<strong>en</strong>s. Figure volontairem<strong>en</strong>t rejetée de<br />
l’histoire occid<strong>en</strong>tale (Nicée parle de ses «dons sataniques»<br />
qui «<strong>en</strong>sorcèl<strong>en</strong>t»), elle réapparaît pourtant<br />
récemm<strong>en</strong>t chez Umberto Eco ou Hugo Pratt… Pan<br />
Vouyoucas, auteur grec québécois, a écrit une tra-<br />
gédie qu’Andonis Vouyoucas a voulu mettre <strong>en</strong><br />
scène. Il a demandé au compositeur contemporain<br />
Alexandros Markeas d’<strong>en</strong> faire la musique. Une<br />
grande production, avec danseurs, musici<strong>en</strong>s et<br />
comédi<strong>en</strong>s, pour une approche contemporaine héritée<br />
de la tragédie antique.<br />
A.F.<br />
Hypatie ou la Mémoire des hommes<br />
Théâtre Gyptis<br />
Du 19 janv au 6 fev<br />
04 91 11 00 91<br />
www.theatregyptis.com<br />
Salle de répétition :<br />
à la table : Andonis Vouyoucas,<br />
metteur <strong>en</strong> scène,<br />
et Marine Chast<strong>en</strong>et, son assistante<br />
sur la scène : Philippe Séjourné<br />
(rôle de Cyrille) et Martin Kamoun<br />
(rôle de Jean)<br />
© A. Grisoni<br />
La M<strong>en</strong>zogna © Jean-Louis-Fernandez<br />
Pippo est là<br />
Vous l’att<strong>en</strong>dez ? il sera là. L’histoire de Pippo Delbono<br />
à Marseille est fondée sur une frustration. P<strong>en</strong>dant<br />
des années personne ne l’a programmé, puis le Merlan<br />
<strong>en</strong> vagabondages (trop peu de places !) et dans<br />
ses murs (un seul spectacle !). Il fallait pour les Marseillais<br />
aller le voir aux Salins, à Istres, ou à Avignon<br />
lors du festival. Aussi chacun se réjouissait de l’accueil<br />
conjoint de la Criée et du Merlan, qui allait<br />
permettre grâce à un véritable cycle de quatre spectacles<br />
de connaître vraim<strong>en</strong>t l’œuvre de ce metteur<br />
<strong>en</strong> scène dont chacun parle avec émotion…<br />
Bon, nouvel aléa : la grande salle de la Criée reste<br />
close <strong>en</strong> janvier. Heureusem<strong>en</strong>t les portes du Gymnase<br />
s’ouvr<strong>en</strong>t pour accueillir les représ<strong>en</strong>tations des<br />
trois spectacles qui devai<strong>en</strong>t avoir lieu dans la grande<br />
salle, tandis que Enrico V sera joué comme prévu au<br />
Merlan (du 9 au 11 janvier). Ce cycle programmé<br />
conjointem<strong>en</strong>t permettra de connaître réellem<strong>en</strong>t<br />
l’œuvre variée et atypique de Pippo Delbono, qui sera<br />
prés<strong>en</strong>t pour plusieurs r<strong>en</strong>contres, projections et<br />
confér<strong>en</strong>ces autour de son travail. En effet, si Enrico<br />
V est sa seule œuvre écrite à partir d’une pièce (H<strong>en</strong>ri<br />
V de Shakespeare), La M<strong>en</strong>zogna, sa dernière création<br />
(du 14 au 16 janv), pourrait s’appar<strong>en</strong>ter à du<br />
théâtre docum<strong>en</strong>taire, quoique très émotionnel (le<br />
m<strong>en</strong>songe est celui des industriels de Thyss<strong>en</strong> Krupp<br />
après l’inc<strong>en</strong>die de l’usine de Turin). Son solo Récits<br />
de juin (le 5 janv) montre avec éclat ses tal<strong>en</strong>ts de<br />
tribun, et son art de la diatribe, tandis que Questo<br />
Buio Feroce, où il met <strong>en</strong> scène ses comédi<strong>en</strong>s particuliers,<br />
est un imm<strong>en</strong>se chant lyrique de douleur et<br />
de confiance dans l’humanité (6 et 7 janv). Quatre<br />
dramaturgies particulières, pour un théâtre singulier,<br />
fondé sur une féroce volonté d’atteindre les affects du<br />
public <strong>en</strong> d’imm<strong>en</strong>ses catharsis larmoyantes communes…<br />
AGNES FRESCHEL<br />
Pippo Delbono<br />
Du 5 au 16 janvier<br />
04 91 54 70 54<br />
www.theatre-lacriee.com<br />
04 91 11 19 20<br />
www.merlan.org<br />
Att<strong>en</strong>tion : les représ<strong>en</strong>tations prévues à la Criée<br />
se dérouleront aux mêmes dates et aux mêmes<br />
horaires au Théâtre du Gymnase
Fabuler<br />
À la Minoterie on continue d’accueillir des spectacles <strong>en</strong> création des compagnies<br />
de notre région : c’est l’inénarrable Mazzuchini qui revi<strong>en</strong>t galéjer du Valletti, et<br />
cette fois ci il parait que c’est drôlem<strong>en</strong>t drôle, ses m<strong>en</strong>songes qu’il fait semblant de<br />
pr<strong>en</strong>dre pour du vrai. Même si vous avez été déçu par le précéd<strong>en</strong>t, allez-y voir,<br />
le bonhomme a du tal<strong>en</strong>t : cela s’appelle Mythomane, et c’est du 19 au 23 janv…<br />
Avant cela il y aura Massimo Schuster et ses marionnettes africaines <strong>en</strong> bois<br />
peint, pour une adaptation de Shakespeare, Othello et Iago (du 7 au 10 janv).<br />
La Minoterie<br />
04 91 90 07 94<br />
www.minoterie.org<br />
Raconter<br />
À la Criée aussi, du Valletti. Dans la<br />
petite salle forcém<strong>en</strong>t, l’autre restant<br />
close pour l’heure. Gilbert Rouvière<br />
y monte un texte génial qu’on y a vu<br />
déjà il y a quelques années, avec Marc<br />
Betton. Là c’est Lionnel Astier qui s’y<br />
colle, à cette parole de Valletti qui,<br />
Enfin le troisième volet des Suppliantes<br />
arrive au Massalia ! La cie Du zieu dans<br />
les Bleus y a proposé l’an dernier, et<br />
l’année d’avant, deux spectacles bouleversants<br />
: Ismène travaillait sur la sœur<br />
délaissée d’Antigone, à partir des Sept<br />
contre Thèbes, et de la tragédie antique;<br />
Ursule, tragédie d’Howard Baker, s’attachait<br />
à une communauté de religieuses<br />
peut-être parce qu’il s’agit d’un récit et<br />
non de théâtre, n’a jamais été aussi<br />
labile. Les anecdotes s’<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t, s’<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t,<br />
nous perd<strong>en</strong>t, se retrouv<strong>en</strong>t.<br />
Et l’on compr<strong>en</strong>d physiologiquem<strong>en</strong>t,<br />
avant de ressortir sur ses quais, pourquoi<br />
cet homme a jeté (les c<strong>en</strong>dres de)<br />
sa grand-mère dans le Vieux Port. Je<br />
vous <strong>en</strong> dis trop ? Ne vous inquiétez pas,<br />
le texte ne manque pas de surprises…<br />
Pourquoi j’ai jeté<br />
ma grand-mère<br />
dans le Vieux Port<br />
La Criée<br />
Du 13 janv au 20 fév<br />
04 91 54 70 54<br />
www.theatre-lacriee.com<br />
Illustrer<br />
Dans la petite salle de la Friche du Panier Edouard Exerjean repr<strong>en</strong>d son récital<br />
dédié à Cocteau : un montage de textes et de musiques, qu’il interprète au piano.<br />
De la musique française bi<strong>en</strong> sûr, du groupe des Six et de quelques autres (Satie,<br />
Sauguet, Wi<strong>en</strong>er), contemporains du poète. Une façon de compléter l’exposition<br />
monographique au Palais des Arts (voir Zib 23).<br />
Du visible à l’invisible<br />
du 12 au 30 janv<br />
Théâtre de L<strong>en</strong>che<br />
04 91 91 52 22<br />
www.theatredel<strong>en</strong>che.info<br />
Réinv<strong>en</strong>ter<br />
© X-D.R<br />
Victoria, photo de repetition © X-D.R.<br />
chréti<strong>en</strong>nes ; Victoria, troisième volet<br />
féminin lui, aussi, se déroule dans un<br />
pays des contes très contemporain, où<br />
les fées possèd<strong>en</strong>t l’arme nucléaire…<br />
L’écriture <strong>en</strong> a été confiée à Félix Jousserand,<br />
un jeune auteur qui s’attache<br />
avec la cie à sortir la tragédie de ses<br />
ornières contemporaines, <strong>en</strong> allant<br />
chercher ses racines historiques, pour<br />
mieux la réinv<strong>en</strong>ter. Une trilogie féminine<br />
dont on a hâte, et peur, de voir le<br />
terme.<br />
Victoria<br />
Théâtre Massalia<br />
du 19 au 30 janv<br />
04 95 04 95 70<br />
www.theatremassalia.com
14<br />
THÉÂTRE<br />
Collèges et forêts<br />
La saison de la Scène Nationale de<br />
Cavaillon repr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> 2010 sur un rythme<br />
plus sout<strong>en</strong>u, et on s’<strong>en</strong> réjouit tant la<br />
programmation de ce théâtre nous a<br />
habitués à une (quasi) perfection. En<br />
Nomades tout d’abord, <strong>en</strong> tournée<br />
dans les collèges cette fois (mais pas<br />
uniquem<strong>en</strong>t pour des séances scolaires<br />
!), l’excell<strong>en</strong>t diptyque de François<br />
Cervantes : La Table du fond et Sil<strong>en</strong>ce<br />
sont deux pièces qui s’install<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>t<br />
dans les salles de classe,<br />
parce qu’elles y pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leur source.<br />
L’histoire est celle d’un écolier disparu,<br />
de sa mère qui le connaît mal, de ses<br />
maîtres et du personnel. Tout se noue<br />
<strong>en</strong>tre eux avec subtilité, et les spectateurs<br />
plong<strong>en</strong>t dans la vie de cet abs<strong>en</strong>t<br />
qui aime lire, une histoire dont les collégi<strong>en</strong>s<br />
devin<strong>en</strong>t vite qu’elle ne singe pas<br />
la leur, mais raconte celle de l’auteur<br />
<strong>en</strong> une sorte de confession rêvée. Un<br />
retour aux sources qui les concerne<br />
bi<strong>en</strong> mieux, dans son intimité, que toutes<br />
les images d’Epinal dans lesquelles<br />
les adolesc<strong>en</strong>ts d’aujourd’hui s’<strong>en</strong>ferr<strong>en</strong>t.<br />
ROUSSET | SIMIANE | SALON | CAVAILLON | MARTIGUES<br />
Modernes<br />
Adaptée du livre de Roy Lewis, et mise <strong>en</strong> scène par Patrick Laval, Pourquoi j’ai<br />
mangé mon père est une fable réjouissante qui plonge au cœur de la préhistoire et<br />
conte les péripéties d’Ernest Grass<strong>en</strong>troope, vaillant pithécanthrope qui évolue au<br />
sein d’une famille «moderne» dont une partie est consci<strong>en</strong>te de sa condition et<br />
veut évoluer, et l’autre qui p<strong>en</strong>se que «c’était mieux avant»… C’est un texte savoureux<br />
et plein d’anachronismes dont s’empare Dami<strong>en</strong> Ricour, seul sur scène, avec une<br />
belle énergie, se glissant dans la peau de tous les personnages, du mammouth à<br />
la jeune fille!<br />
Pourquoi j’ai mangé mon père<br />
le 14 janv à 20h30<br />
Salle Emili<strong>en</strong> V<strong>en</strong>tre, Rousset<br />
04 42 29 82 53<br />
www.rousset-fr.com<br />
Après cette tournée le Théâtre de<br />
Cavaillon retrouvera ses murs pour une<br />
création très att<strong>en</strong>due : Jean Lambert<br />
Wild et Michel Onfray ont travaillé<br />
<strong>en</strong>semble sur la figure du proscrit (ou<br />
du rebelle) qui part vivre dans les bois…<br />
Le philosophe a écrit un texte, qui sera<br />
dit à quatre voix, tandis que Juha-Pekka<br />
Marsalo dirigé par Carolyn Carlson<br />
évoluera sur la musique électroacoustique<br />
de Jean-Luc Therminarias, dans<br />
les images, les couleurs et les brumes<br />
(forcém<strong>en</strong>t, la forêt) de François Royet.<br />
Une création interdisciplinaire et rebelle<br />
donc, très masculine aussi : le Recours<br />
aux forêts comme acte antisocial ultime<br />
relèverait-il aussi d’une fuite des<br />
femmes ?<br />
AGNES FRESCHEL<br />
La Table du fond. Sil<strong>en</strong>ce<br />
du 9 au 20 janv<br />
Le recours aux forêts<br />
les 20 et 21 janv<br />
04 90 78 64 64<br />
www.theatredecavaillon.com<br />
La Table du fond © Christophe Raynaud de Lage<br />
Koltès ou Molière ?<br />
Les Salins accueill<strong>en</strong>t les 7 et 8 janv Le<br />
Retour au désert, pièce de Koltès mise<br />
<strong>en</strong> scène par Catherine Marnas, qui<br />
fait preuve une fois de plus de sa<br />
remarquable direction d’acteurs, et de<br />
sa compréh<strong>en</strong>sion profonde d’un auteur<br />
sur lequel elle travaille depuis 15<br />
ans. Créée au Brésil <strong>en</strong> portugais puis<br />
à Gap et au Théâtre de la Ville <strong>en</strong><br />
français, cette mise <strong>en</strong> scène pousse<br />
à son paroxysme le dédoublem<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />
à l’œuvre chez Catherine Marnas:<br />
chaque personnage est représ<strong>en</strong>té par<br />
deux corps et <strong>en</strong> deux langues, ce qui<br />
donne une impression perman<strong>en</strong>te de<br />
flouté, de strabisme, et r<strong>en</strong>voie comme<br />
Retour au desert © Pierre Grosbois<br />
<strong>en</strong> écho à l’étrange matière de la pièce, réaliste comme du boulevard puis décrochant<br />
vers la lune, extrêmem<strong>en</strong>t bavarde sans que ri<strong>en</strong> ne soit dit, et toujours<br />
<strong>en</strong>tre deux mondes colonisés et bourgeois… Le décor est lui aussi mouvant et<br />
comme ému, support des mots qui s’inscriv<strong>en</strong>t sur lui comme des sous-titres qui<br />
se pr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t pour des tags, ou des graffitis. Et étrangem<strong>en</strong>t toutes ces superpositions<br />
de signifiants r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t le texte limpide…<br />
La Scène nationale accueille égalem<strong>en</strong>t le Médecin malgré lui (du 20 au 22 janv)<br />
mis <strong>en</strong> scène par Jean-Claude Berutti. Un changem<strong>en</strong>t de distribution : Bruno<br />
Putzulu n’y jouera pas Sganarelle, mais la mise <strong>en</strong> scène du directeur de la<br />
comédie de Saint Eti<strong>en</strong>ne ne reposait pas que sur son seul tal<strong>en</strong>t…<br />
A.F.<br />
Théâtre des Salins, Martigues<br />
04 42 49 02 00<br />
www.theatre-des-salins.fr<br />
Mémorable<br />
Issu d’un travail de recherche de deux<br />
ans sur les ouvrières des manufactures<br />
de tabac de la Belle de Mai, Carm<strong>en</strong>seitas,<br />
d’Edmonde Franchi, donne à voir<br />
et à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la vie quotidi<strong>en</strong>ne de ces<br />
femmes au gré d’une fresque qui<br />
traverse les époques ; c’est aussi un<br />
formidable témoignage sur la mémoire<br />
ouvrière féminine, une <strong>en</strong>quête qui <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />
bi<strong>en</strong> réhabiliter cette histoire oubliée.<br />
Le jeu des quatre comédi<strong>en</strong>nes (Edmonde<br />
Franchi, Hélène Force, Catherine<br />
Lecoq et Tania Sourseva) dirigées par<br />
Agnès Régolo est ponctué par le chœur<br />
de l’Académie de Chant Populaire dirigé<br />
Ori<strong>en</strong>tal<br />
Seul <strong>en</strong> scène, Kader Taibaoui interprète une quinzaine de personnages issus de<br />
quatre contes, parmi les moins connus, des Mille et une nuits. Co-écrit et mis <strong>en</strong><br />
scène par Anne Roumanoff, le spectacle convie le petit Yos<strong>en</strong>i, le brave Ali Cogia,<br />
Shéhérazade, mais aussi le juif, le chréti<strong>en</strong> et le musulman, sans un décor somptueux,<br />
sur des musiques d’Abdeli Abderam<strong>en</strong> et Sœur Marie Kheirouz.<br />
Les contes des Mille et une nuit<br />
le 20 janv à 15h<br />
Salle Emili<strong>en</strong> V<strong>en</strong>tre à Rousset<br />
04 42 29 82 53<br />
www.rousset-fr.com<br />
par Alain Aubin qui complète le spectacle<br />
avec des airs populaires et révolutionnaires.<br />
Carm<strong>en</strong>seitas<br />
le 17 janv à 17h<br />
Salle Emili<strong>en</strong> V<strong>en</strong>tre, Rousset<br />
04 42 29 82 53<br />
www.rousset-fr.com<br />
le 23 janv à 20h30<br />
OMC Simiane<br />
04 42 22 62 34<br />
www.simiane-collongue.fr<br />
le 29 janv à 20h45<br />
Théâtre Armand (Salon)<br />
04 90 56 00 82<br />
www.salondeprov<strong>en</strong>ce.fr
Iconoclaste<br />
Prêts à plonger dans l’univers de l’Oulipo ? C’est <strong>en</strong><br />
compagnie de comédi<strong>en</strong>s-chanteurs-jongleurs de<br />
mots que s’effectuera le voyage : Nicolas Dangoisse,<br />
Pierre Ollier et Olivier Salon (lui-même oulipi<strong>en</strong>) jou<strong>en</strong>t,<br />
jongl<strong>en</strong>t, swingu<strong>en</strong>t, bégay<strong>en</strong>t des textes connus<br />
(clins d’œil à Qu<strong>en</strong>eau et Perec) ou un peu moins,<br />
piochés chez Roubaud, Bénabou, Monk ou Fournel<br />
par le metteur <strong>en</strong> scène Michel Abecassis, voire spécifiquem<strong>en</strong>t<br />
commandés pour l’occasion. Des pièces<br />
détachées à savourer…<br />
Pièces détachées / Oulipo<br />
le 19 janv à 20h30<br />
Théâtre La Colonne (Miramas)<br />
04 90 58 37 86<br />
www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />
Pièces détachées © A. Chaudron<br />
Savoureux<br />
Reçu l’année dernière avec le chef-d’œuvre de Brecht,<br />
Maître Puntila et son valet Matti, le Teatro Malandro<br />
revi<strong>en</strong>t cette année à l’Olivier avec Les Fourberies de<br />
Scapin de Molière, à nouveau mis <strong>en</strong> scène par Omar<br />
Porras. Le génial metteur <strong>en</strong> scène Colombi<strong>en</strong> s’empare<br />
de tous les ressorts de la comédie pour <strong>en</strong> faire<br />
une farce version dessin animé, t<strong>en</strong>dance cartoon<br />
déjanté. Décor, masques et costumes rivalis<strong>en</strong>t d’ingéniosité<br />
et de fantaisie pour révéler toute la perfidie<br />
du valet…<br />
Les Fourberies de Scapin<br />
les 15 et 16 janv à 20h30<br />
Théâtre de l’Olivier (Istres)<br />
04 42 56 48 48<br />
www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />
Les Fourberies de Scapin © Marc Vanappelghem<br />
Temporalités<br />
Le théâtre du Kronope s’empare de La Tempête de<br />
Shakespeare, et magnifie son caractère baroque <strong>en</strong><br />
pr<strong>en</strong>ant le parti pris d’un jeu masqué, du travail corporel<br />
des acteurs oscillant <strong>en</strong>tre cirque et danse, dans<br />
un décor «fait de courbes fluides et intemporelles.»<br />
L’Atelier de Jean-Claude Grumberg, mis <strong>en</strong> scène par<br />
Gilbert Barba, est l’évocation d’un atelier de confection<br />
<strong>en</strong>tre 1945 et 1952, <strong>en</strong>tre récit historique et<br />
autobiographique. Dans une France qui se relève de<br />
la guerre, on s’attache aux ouvrières et leur patron,<br />
portrait s<strong>en</strong>sible d’une génération marquée par l’espérance,<br />
l’insouciance, et la Shoah.<br />
La Tempête<br />
le 12 janv à 19h<br />
L’Atelier<br />
le 22 janv à 20h45<br />
Théâtre Armand (Salon)<br />
04 90 56 00 82<br />
www.salondeprov<strong>en</strong>ce.com<br />
Vivant<br />
Écrit, mis <strong>en</strong> scène et interprété par Jean-Vinc<strong>en</strong>t Brisa,<br />
Molière, une passion pr<strong>en</strong>d le parti de retracer l’œuvre<br />
du dramaturge «à travers sa passion, ses convictions,<br />
son <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, son militantisme.» Sur scène Molière<br />
et l’acteur dialogu<strong>en</strong>t, Brisa se faisant le passeur de<br />
cette parole vivifiante.<br />
Molière, une passion<br />
les 14 et 15 janv à 20h30<br />
Théâtre des Halles (Avignon)<br />
04 90 85 52 57<br />
www.theatredeshalles.com<br />
Fabulateur<br />
Christian Mazzuchini incarne les personnages imaginés<br />
par Serge Valletti avec une troublante facilité ; Mythomane<br />
dresse une galerie de personnages parfois mythomanes,<br />
souv<strong>en</strong>t fabulateurs, loufoques, toujours réjouissants,<br />
à l’image d’une société bigarrée dans laquelle on aimerait<br />
se reconnaître plus souv<strong>en</strong>t.<br />
Puis l’Atelier de Mécanique Générale Contemporaine<br />
offre une t<strong>en</strong>tative d’éclaircissem<strong>en</strong>t du monde <strong>en</strong><br />
fabriquant, <strong>en</strong> direct, des spectacles possibles <strong>en</strong> se<br />
basant sur quelques-uns des travers qui caractéris<strong>en</strong>t<br />
les humains que nous sommes : solitude, bêtise,<br />
stupidité…<br />
Mythomane<br />
le 16 janv à 21h<br />
Qu’est-ce que tu fabriques ?<br />
le 21 janv à 21h<br />
Théâtre Comœdia (Aubagne)<br />
04 42 18 19 88<br />
www.aubagne.com<br />
AU PROGRAMME THÉÂTRE 15<br />
Introspectif<br />
La femme criminelle (Ludmila Mikaël), le mari (Ariel<br />
Garcia-Valdès), l’interrogateur (André Wilms), la<br />
victime. Dans L’Amante anglaise Marguerite Duras<br />
s’inspire d’un fait divers réel pour sonder les raisons<br />
d’un meurtre. Des morceaux épars d’un même corps<br />
sont retrouvés dans plusieurs train, la tête jamais.<br />
Claire Lannes a tué sa cousine, avoue son crime,<br />
mais n’explique pas son geste. S’<strong>en</strong>suit l’interrogatoire,<br />
qui libère les tempêtes intérieures mais n’éclaircit pas<br />
forcém<strong>en</strong>t le mystère de cet acte. Mis <strong>en</strong> scène par<br />
Marie-Louise Bischofberger, les trois comédi<strong>en</strong>s<br />
livr<strong>en</strong>t une partition lumineuse.<br />
L’Amante anglaise<br />
le 12 janv à 20h30<br />
Théâtre La Passerelle (Gap)<br />
04 92 52 52 52<br />
www.ville-gap.fr<br />
le 31 janv à 15h<br />
Théâtre de Nîmes<br />
04 66 36 65 10<br />
www.theatred<strong>en</strong>imes.com L'Amante anglaise © Pascal Gély<br />
En fuite<br />
Écrit et mis <strong>en</strong> scène par Frédéric Sonntag, Nous étions<br />
jeunes alors est une fable initiatique, un récit d’anticipation<br />
au cours duquel trois jeunes g<strong>en</strong>s vont être<br />
confrontés à eux-mêmes, à leur passé, à leurs peurs…<br />
et qui, fuyant une réalité effroyable, vont trouver refuge<br />
dans une maison au cœur de la forêt. Les dialogues<br />
se mêl<strong>en</strong>t à la musique, jouée sur scène par trois<br />
musici<strong>en</strong>s, et la vidéo, pour faire exister l’espace<br />
m<strong>en</strong>tal dans lequel les personnages pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t peu à<br />
peu consci<strong>en</strong>ce d’un retour possible.<br />
Nous étions jeunes alors<br />
le 19 janv à 20h30<br />
et le 20 janv à 19h<br />
Théâtre Antoine Vitez, Aix<br />
04 42 59 94 37<br />
http://theatre-vitez.com<br />
Altruisme<br />
Le théâtre d’Arles débute l’année par un week-<strong>en</strong>d de performances, avec une question alléchante : «le<br />
multiculturalisme peut-il aller au-delà du culinaire ?» Pour l’illustrer, Hooman Sharifi prés<strong>en</strong>te We failed to hold<br />
this reality in mind, solo dansé dans lequel il se raconte à travers des anecdotes liées à sa double appart<strong>en</strong>ance<br />
irani<strong>en</strong>ne et norvégi<strong>en</strong>ne, loin des clichés ethniques (le 15 janv au Théâtre d’Arles). Avec Made in Paradise, Yan<br />
Duyv<strong>en</strong>dak, performeur suisse, et Omar Ghayatt, metteur <strong>en</strong> scène égypti<strong>en</strong> se p<strong>en</strong>ch<strong>en</strong>t sur les rapports<br />
qu’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aujourd’hui l’occid<strong>en</strong>t et le monde musulman, et cré<strong>en</strong>t un lieu qui permet de sortir du<br />
discours dominant basé sur la peur et le rejet (les 15 et 16 janv à l’auditorium de Fourques).<br />
Théâtre d’Arles<br />
04 90 52 51 51<br />
www.theatre-arles.com
16 DANSE LA MINOTERIE | MOD | LES BERNARDINES<br />
Mi-figue Michard<br />
Cinq garçons s’amus<strong>en</strong>t à faire des passages surréalistes<br />
devant un public qu’ils ignor<strong>en</strong>t, jouant comme<br />
Buster Keaton à ne pas s’étonner d’un fil qui se déroule<br />
infinim<strong>en</strong>t, d’objets qui se dérob<strong>en</strong>t, de chaises qui<br />
se pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pour des fauves… L’univers burlesque<br />
qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place ne semble pourtant pas les<br />
dépasser : ce ne sont pas les objets qui se dérègl<strong>en</strong>t<br />
mais eux-mêmes, qui peupl<strong>en</strong>t absurdem<strong>en</strong>t l’espace<br />
d’objets mal ag<strong>en</strong>cés, qui se juch<strong>en</strong>t au haut d’équilibres<br />
instables ou qui croi<strong>en</strong>t qu’une planchette de<br />
bois va suffire à les catapulter dans les cintres… Un<br />
burlesque drôle souv<strong>en</strong>t, surpr<strong>en</strong>ant, pour un spectacle<br />
qui gagnerait à être fondé sur un cresc<strong>en</strong>do plutôt<br />
que sur ce rythme tranquille…. qui fait aussi son<br />
charme, mais raréfie le rire au cours du temps.<br />
Le solo de dix minutes qui suit est exécuté par Alain<br />
Michard seul et quelques processionnaires qui troubl<strong>en</strong>t<br />
sa performance <strong>en</strong> déposant des objets sonores<br />
automatisés hautem<strong>en</strong>t artisanaux qui peu à peu <strong>en</strong>vahiss<strong>en</strong>t<br />
le champ de la scène et l’espace sonore. Le<br />
procédé pourrait être drôle mais le texte dit est viol<strong>en</strong>t<br />
-quelque chose sur l’arrivée de corps Albanais au cœur<br />
d’une procession itali<strong>en</strong>ne. Michard, danseur, y balbutie<br />
sa colère. Cela manque de lisibilité, mais pas de force.<br />
AGNES FRESCHEL<br />
Couac et Parkinson ont été programmés les 27 et 28<br />
nov par Marseille Objectif Danse à la friche<br />
© Anne Rehbinder<br />
Inv<strong>en</strong>taire avant destruction<br />
Performance : art éphémère qui laisse peu de traces là même où il s’accomplit<br />
Please... kill me est bi<strong>en</strong> un titre qui livre brutalem<strong>en</strong>t<br />
la marchandise et la dérobe dans l’instant. Dès le<br />
début, que reste-t-il ? Des cintres saturés de projecteurs<br />
bi<strong>en</strong> alignés sur leur portée comme des hirondelles<br />
<strong>en</strong> automne ; des portants où flott<strong>en</strong>t quelques cintres<br />
et les habits de couleur de madame ; des pupitres <strong>en</strong><br />
tas au fond de la scène, couchés pour déchanter<br />
peut-être ; et <strong>en</strong>core une table de mixage à fricasser<br />
les sons de monsieur (tire un peu la gueule, pourtant<br />
la musique est bonne). Mais que font-ils donc tant sur<br />
ce plateau ?<br />
Isabelle-elle-Cavoit lève les bras, agite les doigts, s’<strong>en</strong>-<br />
roule sur elle-même, court<br />
précisém<strong>en</strong>t là où ça fait<br />
mal, se pavane, capte l’att<strong>en</strong>tion<br />
et diffuse l’énergie<br />
subtile du féminin musclé;<br />
t<strong>en</strong>te-t-elle de lui faire partager<br />
son bonheur à<br />
brasser l’air (nager ?<br />
voler?) ? C’est le bide !<br />
Thomas-lui-Fourneau bricole,<br />
bat son tambour,<br />
dégage l’espace, arp<strong>en</strong>te<br />
et s’indiffère ost<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t,<br />
le pas de deux c’est<br />
pas son fort à cet homme...<br />
pourtant il esquisse,<br />
il esquisse. L’évid<strong>en</strong>ce est<br />
© Agnès Mellon<br />
là : l’une danse et Johnny<br />
lui fait mal ! Les deux s’embrouill<strong>en</strong>t et se débrouill<strong>en</strong>t<br />
assez bi<strong>en</strong>, parfois trop l<strong>en</strong>ts à créer l’image, trop<br />
lourds à la détruire (ces ballons qui voltig<strong>en</strong>t de la<br />
salle à la scène, cette légèreté <strong>en</strong>vahissante, qu’<strong>en</strong><br />
faire au bout d’un mom<strong>en</strong>t ?) et incapables d’<strong>en</strong> finir:<br />
avancer et reculer, sûr, c’est toujours du travail et c’est<br />
pas tuant, belle image du couple éternel. Une performance<br />
donc, plaisante et <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir s’il vous plaît!<br />
MARIE-JO DHO<br />
Please... Kill me a été créé dans le cadre<br />
de Dansem aux Bernardines du 3 au 5 déc<br />
Inégal tribut<br />
Le Rêve de la soie est une compagnie d’ici, qu’il fait<br />
bon retrouver <strong>en</strong> création. Parce que Patrick<br />
Servius qui préside à ses destinées est un créateur<br />
subtil, qui aime travailler <strong>en</strong> empathie avec ses<br />
interprètes, et avec son public. On le s<strong>en</strong>t dans la<br />
salle : ceux qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t là sont des spectateurs de<br />
longue date… D’ailleurs la soirée est placée sous le<br />
signe de l’intimité : le récit émouvant de sa mère, sa<br />
traversée de la mer pour quitter la misère et rejoindre<br />
Dakar, est lu <strong>en</strong> bas dans la bibliothèque par la voix<br />
amie de Carole Vanni qui dialogue avec le flam<strong>en</strong>co<br />
d’Ana Perez, une très belle et jeune danseuse qui<br />
maîtrise avec s<strong>en</strong>sualité et juste l’orgueil qu’il faut la<br />
solea. Puis on monte dans la salle et là quatre<br />
danseuses nous att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t. Habillées de robes<br />
souples, toutes jou<strong>en</strong>t de leurs id<strong>en</strong>tités métissées,<br />
kabyle, itali<strong>en</strong>ne, martiniquaise… et s’essai<strong>en</strong>t à des<br />
partages de mouvem<strong>en</strong>t, de mots, d’espace. Mais les<br />
personnalités attachantes (Louisa Amouche,<br />
Patricia Guannel, Fleur Duverney-Prêt, Marie<br />
Salemi) n’empêch<strong>en</strong>t pas qu’assez rapidem<strong>en</strong>t tout<br />
cela tourne <strong>en</strong> rond : le vocabulaire chorégraphique<br />
est pauvre, les moy<strong>en</strong>s techniques des<br />
danseuses/comédi<strong>en</strong>nes sont inégaux et limités, les<br />
bribes de confession très banales, la musique d’une<br />
indig<strong>en</strong>ce affligeante. Le mouvem<strong>en</strong>t occupe le<br />
temps <strong>en</strong> tableaux qui se ressembl<strong>en</strong>t, sans <strong>en</strong>nui,<br />
mais sans r<strong>en</strong>contre véritable des corps, ni acmé, ni<br />
trajet, ni propos. Sans doute par manque général<br />
d’écriture. Dommage !<br />
AGNES FRESCHEL<br />
Tribut a été créé à la Minoterie du 4 au 6 déc<br />
© X-D.R.
Battem<strong>en</strong>t<br />
d’Elles<br />
D’emblée on les croit sur paroles. G<strong>en</strong>eviève Sorin et Lulla<br />
Chourlin, sur le tapis blanc ceint de murs noirs du 3bisf, dans<strong>en</strong>t<br />
à voix hautes les trépidations intimes de la vie. Elles <strong>en</strong><br />
dis<strong>en</strong>t long et elles ne sont pas seules, accompagnées <strong>en</strong> off<br />
par Françoise Dupuy, Elsa Wolliaston, Simone Forti et Susan<br />
Buirge, leurs «mères inv<strong>en</strong>trices et nourricières». Ce chœur de<br />
femmes chante <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>ts polyphoniques leurs expéri<strong>en</strong>ces,<br />
la féminité, la chair, l’incertitude, la gourmandise, le<br />
temps qui dessine des ridules souriantes au coin des yeux.<br />
L’une inspire profondém<strong>en</strong>t, l’autre expire lourdem<strong>en</strong>t. L’une<br />
Éclats<br />
Deux femmes proposai<strong>en</strong>t des solos au théâtre de L<strong>en</strong>che,<br />
dans le cadre de Dansem. Balkis Moultashar, une très belle danseuse<br />
marseillaise aux yeux graciles et au cou de biche,<br />
proposait un travail fragile sur la maternité. Qui s’effilochait<br />
pourtant, sans ri<strong>en</strong> laisser d’autre qu’un goût de trop peu, d’inachevé,<br />
de minimalisme qui s’<strong>en</strong>combrait pourtant d’objets<br />
inutiles, et ne savait pas trouver son épure. Juste après une<br />
très courte pièce de Chiara Frigo, danseuse assise, robuste,<br />
roucoule, l’autre aussi. Elles s’évit<strong>en</strong>t<br />
nonchalamm<strong>en</strong>t, des étincelles<br />
d’humour dans le regard, elles<br />
s’interpell<strong>en</strong>t, s’ignor<strong>en</strong>t, se cogn<strong>en</strong>t,<br />
s’effrai<strong>en</strong>t mutuellem<strong>en</strong>t, se<br />
Sur paroles © X-D.R<br />
combatt<strong>en</strong>t <strong>en</strong> riant. C’est une ronde<br />
<strong>en</strong>fantine. L’une savoure ses jeux de<br />
mots, l’autre n’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d pas. Lulla Chourlin<br />
s’effondre et roule au sol à peine<br />
G<strong>en</strong>eviève Sorin esquisse un geste,<br />
ébauche une rotation. Lulla tout <strong>en</strong><br />
force, les pieds au sol ; G<strong>en</strong>eviève<br />
hésitante, le corps susp<strong>en</strong>du. L’une<br />
court éperdue, l’autre s’immobilise.<br />
L’une minaude, l’autre rêve. Et quand<br />
elles se rejoign<strong>en</strong>t, leurs corps s’étreign<strong>en</strong>t<br />
violemm<strong>en</strong>t, avec effusion.<br />
Difficile de t<strong>en</strong>ir parole et de s’ignorer<br />
plus longtemps ! De longues diagonales<br />
frénétiques <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>ts circulaires,<br />
d’immobilisation au mur <strong>en</strong> soliloques<br />
chuchotés ou vociférés, G<strong>en</strong>eviève Sorin et Lulla Choullin<br />
ont la danse <strong>en</strong> partage, la maturité et la capacité d’<strong>en</strong> sourire.<br />
Sur parolesest une «pièce fantaisiste» où tout est dit : la danse,<br />
c’est la vie. Leur vie.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Sur paroles a été créé<br />
le 26 novembre<br />
au 3bisf à Aix dans le cadre<br />
de Dansem<br />
Le corps, d’ici et d’ailleurs<br />
Terre des ancêtres, terre nourricière,<br />
terre où l’on se meurt. Pieds nus sur ce<br />
sol mali<strong>en</strong>, l’homme ne fait qu’un avec le<br />
ciel. Cette s<strong>en</strong>sation unique d’appart<strong>en</strong>ance<br />
au monde, la chorégraphe Barbara<br />
Sarreau l’a ress<strong>en</strong>tie comme un choc<br />
tellurique. D’où cette exploration chorégraphique<br />
avec des danseurs du<br />
Conservatoire des arts et métiers et<br />
multimédia de Bamako : Tchakèla, <strong>en</strong><br />
Bambara «creuser la terre». Initié <strong>en</strong><br />
2009, ce projet connaîtra jusqu’<strong>en</strong><br />
2011 plusieurs étapes, au Mali comme<br />
<strong>en</strong> France, plusieurs résid<strong>en</strong>ces où<br />
Barbara Sarreau s’emploiera «à confronter<br />
la spécificité de sa langue à celle de<br />
l’autre», à dessiner l’espace des corps.<br />
Les mots aussi peuv<strong>en</strong>t mourir, premier<br />
aperçu de cette longue marche, a été<br />
prés<strong>en</strong>té selon un dispositif scénique<br />
qui décuplait les points de vue : vidéoprojecteur<br />
pour miroir astigmate, caméra<br />
fixe pour capter le hors-cadre, musique<br />
live. Comme une boucle, sortis des <strong>en</strong>trailles<br />
de la terre, les chuchotem<strong>en</strong>ts et<br />
les rires des danseurs mali<strong>en</strong>s introduis<strong>en</strong>t<br />
et ferm<strong>en</strong>t cette partition intime.<br />
Aux gestes imperceptibles des corps<br />
rampants scotchés au sol, succède une<br />
joute s<strong>en</strong>suelle baignée d’ombre avant<br />
qu’ils ne se lanc<strong>en</strong>t dans une course<br />
folle, se heurt<strong>en</strong>t aux parois, puis s’éva-<br />
minérale, qui dessinait sans se lever de sa chaise des arabesques<br />
énergiques de ses mains, de ses bras, de son buste ployé<br />
et pivotant. La danse d’un corps tronqué, <strong>en</strong> rupture. Fascinante.<br />
A.F.<br />
6 yeux 1 visage 2 pieds et Takeya<br />
ont été prés<strong>en</strong>tés dans le cadre<br />
de Dansem les 24 et 25 nov<br />
nouiss<strong>en</strong>t à nouveau. Faces contre terre.<br />
Éloge de la l<strong>en</strong>teur, Les mots aussi<br />
peuv<strong>en</strong>t mourir emprunte au Mali son<br />
temps élastique, ses mouvem<strong>en</strong>ts dist<strong>en</strong>dus<br />
et la sculpturalité des corps. Il<br />
faut du temps pour compr<strong>en</strong>dre l’Afrique<br />
et Barbara Sarreau le sait bi<strong>en</strong>, qui<br />
évite les pièges de «l’africanisation» de<br />
la danse pour s’approcher au plus près<br />
de celle des danseurs.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
© Lionel Briot<br />
Tchakèla, un projet Bamako-<br />
Marseille a été prés<strong>en</strong>té<br />
par Marseille objectif DansE<br />
du 8 au 12 décembre<br />
à la Friche dans le cadre<br />
de Dansem<br />
DANSEM<br />
DANSE 17<br />
La Turquie<br />
est l’Europe<br />
Dokuman © Alex Davies<br />
Un parterre fourni d’amateurs éclairés<br />
et de professionnels était réuni à la Friche<br />
pour voir LA compagnie turque de<br />
référ<strong>en</strong>ce : Taldans Company. Avec les<br />
présupposés communs à ceux qui att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />
beaucoup de la création extra<br />
europé<strong>en</strong>ne… Le public resta perplexe,<br />
pour partie convaincu, pour partie dans<br />
l’att<strong>en</strong>te de quelque chose qui ne v<strong>en</strong>ait<br />
pas, face aux six danseurs standardisés,<br />
habillés d’un jean délavé et d’un<br />
T-shirt et chaussés de baskets. Pas de<br />
quoi faire tourner les derviches !<br />
Sauf qu’il fallait chercher ailleurs la singularité<br />
de Dokuman de Mustafa<br />
Kaplan et Filiz Sizanli, dans la prégnance<br />
de la technologie et de<br />
l’industrialisation sur la structure de la<br />
pièce, elle-même influ<strong>en</strong>cée par la<br />
formation d’architecte et les études<br />
d’électronique et de télécommunication<br />
des deux concepteurs. Sauf <strong>en</strong>core<br />
que des dérapages successifs parasitai<strong>en</strong>t<br />
ce ballet bi<strong>en</strong> huilé <strong>en</strong>tre les<br />
corps et les machines, invisibles mais<br />
omniprés<strong>en</strong>tes: perturbations inopinées<br />
des mouvem<strong>en</strong>ts métronomiques et<br />
des rythmes p<strong>en</strong>dulaires des danseurs,<br />
solos subitem<strong>en</strong>t désordonnés, onomatopées<br />
et chuchotem<strong>en</strong>ts affolés <strong>en</strong><br />
cris intempestifs, improvisation d’un<br />
solo de guitare électrisé ! Dans ce<br />
paysage modulaire habité par «des<br />
esprits aliénés et des pantins électroniques»,<br />
quand les cloisons grisâtres<br />
s’abatt<strong>en</strong>t l’une après l’autre comme<br />
un jeu de cartes, laissant voir leurs faces<br />
cachées rose fluo, on se dit que<br />
Dokuman est un spectacle disjoncté,<br />
au propre comme au figuré.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Dokuman a été prés<strong>en</strong>té par<br />
Marseille objectif DansE le 5 déc<br />
à la Friche dans le cadre de Dansem
18 DANSE ISTRES | PAVILLON NOIR | GYMNASE | BNM | TOULON<br />
Istres ainsi danse<br />
Salle archi comble au Théâtre de l’Olivier<br />
à Istres <strong>en</strong> ce dimanche 6 décembre.<br />
Guichet fermé pour cette Incid<strong>en</strong>ce<br />
Chorégraphique, expression libre «hors<br />
des murs» des danseurs du Ballet de<br />
l’Opéra de Paris. Objectif évid<strong>en</strong>t, être<br />
les ambassadeurs de la culture chorégraphique.<br />
Et sur tous les plans de scène,<br />
mission accomplie ! L’<strong>en</strong>thousiasme<br />
du public de tous âges, de tous horizons<br />
et toutes motivations <strong>en</strong> est le<br />
témoin impartial. De la grand maman<br />
(ma voisine) v<strong>en</strong>ue admirer les exploits<br />
sur scène de son petit fils, aux petits<br />
rats des écoles de danse de la région, <strong>en</strong> passant par<br />
les amateurs éclairés ou non, tous y ont agrafé leur<br />
cœur. Il faut dire que le nuancier prés<strong>en</strong>té au public<br />
permettait à chacun d’y retrouver ses couleurs. Choix<br />
éclectique et varié allant du néoclassique à un solo<br />
Feuille à feuille<br />
et belles d<strong>en</strong>telles<br />
Talons hauts, strass, filet, vinyle, … <strong>en</strong>tre<br />
sexy et sado, les danseurs et danseuses<br />
dirigés par Philippe Decouflé s’essai<strong>en</strong>t<br />
avec s<strong>en</strong>sualité, humour et<br />
<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, à la pratique de l’effeuillage.<br />
Dans une ambiance joviale de<br />
cabaret, les scènes de striptease intégral<br />
s’intercal<strong>en</strong>t à des scènes de<br />
music-hall, de danse, de cirque et même<br />
d’interpellation du public. Amusés, les<br />
spectateurs particip<strong>en</strong>t volontiers aux<br />
sollicitations de Micheline, la dame «à<br />
tout faire» du spectacle et à son acolyte,<br />
véritable chauffeur de salle ! Certaines<br />
figures de danses sont particulièrem<strong>en</strong>t<br />
esthétiques, comme celle «des<br />
mains», et provoqu<strong>en</strong>t un ravissem<strong>en</strong>t<br />
salutaire. Car, bi<strong>en</strong> que sur le ton de la<br />
légèreté, le spectacle est éprouvant tant<br />
il questionne. Philippe Decouflé exhibe<br />
la nudité dans des corps <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t<br />
ni vulgaires ni pornographiques ; mais<br />
Auréli<strong>en</strong> Houette & Alice R<strong>en</strong>avand © Patrick Herrera<br />
contemporain assez minimaliste sur une sonate pour<br />
clavecin de Scarlatti, via une fantaisie <strong>en</strong>tre flam<strong>en</strong>co,<br />
danse classique et moderne. Un camaïeu gestuel<br />
servi par une technique absolum<strong>en</strong>t parfaite des<br />
danseuses et danseurs. Dans son pas de deux<br />
cette exhibition place le spectateur dans<br />
une position de voyeur malgré lui, et<br />
chaque fois il doit se redéfinir par rapport<br />
à l’intimité de l’autre, et donc à ce<br />
qui lui est généralem<strong>en</strong>t interdit. Ménageant<br />
des échappatoires le chorégraphe<br />
crée des diversions, superpose plusieurs<br />
scènes, permettant ainsi au regard des<br />
spectateurs de fuir et lui laissant alors<br />
un libre choix. Celui notamm<strong>en</strong>t d’admirer<br />
un corps pour ce qu’ il est, pour ses<br />
formes, sa force d’expression ? Car le<br />
mystère est là, non pas dans ce qui est<br />
donné <strong>en</strong> pâture à la voracité de notre<br />
œil mais plutôt dans ce qu’il transmet,<br />
laissant le désir faire son œuvre. Vivre<br />
nu, pourquoi pas ? Paradoxalem<strong>en</strong>t ici ce<br />
sont les costumes, repères scéniques et<br />
dramaturgiques qui, par leurs prés<strong>en</strong>ces<br />
colorées, donn<strong>en</strong>t du s<strong>en</strong>s et un certain<br />
peps au spectacle.<br />
CLARISSE GUICHARD<br />
© Agathe Poup<strong>en</strong>ey<br />
Cœurs croisés<br />
Théâtre du Gymnase<br />
Jusqu’au 19 déc<br />
0 820 000 422<br />
www.lestheatres.net<br />
Kubilai Khan<br />
Konstellations<br />
Déjà à l’Ars<strong>en</strong>al de Metz et à la Comédie<br />
de Clermont-Ferrand, Kubilai Khan<br />
investigations avait essaimé ses<br />
Constellations 1, 2, 3. À Toulon, point<br />
d’ancrage du collectif depuis 1996,<br />
c’était une première ! Sans cesse sur les<br />
routes caravanières, il leur a fallu relever<br />
le défi de déployer à leur façon un<br />
chapelet d’installations, performances,<br />
vidéo, danse, concerts, déambulations,<br />
le tout accessible gratuitem<strong>en</strong>t grâce<br />
au Conseil Général du Var, commanditaire<br />
de la manifestation. Éclectiques<br />
et trépidantes, ces Constellations 4<br />
étai<strong>en</strong>t à l’image de la compagnie : un<br />
«comptoir d’échange artistique» ouvert<br />
à la scène émerg<strong>en</strong>te afro-caribé<strong>en</strong>ne,<br />
à la musique de l’archipel japonais et à<br />
la nouvelle vague des jeunes chorégraphes<br />
europé<strong>en</strong>s. Beaucoup de<br />
découvertes, de croisem<strong>en</strong>ts audacieux,<br />
des esquisses sonores et des ondes de<br />
choc, des rebonds chorégraphiques…<br />
Et les retrouvailles avec KKI dont on<br />
suit les pérégrinations de loin <strong>en</strong> loin, à<br />
Châteauvallon parfois, faute d’une vraie<br />
salle de danse à Toulon. Dans des conditions<br />
techniques déplorables côté<br />
danseurs (plateau exigu) et côté spectateurs<br />
(insonorisation inexistante), Dimitri<br />
Jourde a offert le solo Xebeche, performance<br />
physique qui met son corps <strong>en</strong><br />
danger, noueux, tortueux. Replié sur luimême<br />
dans une élasticité féline,<br />
<strong>en</strong>chaîne bonds et roulem<strong>en</strong>ts dans un<br />
Delibes suite, le danseur étoile José<br />
Martinez, ici seulem<strong>en</strong>t chorégraphe,<br />
montrait tout ce que la danse classique<br />
compte de difficultés techniques. Et<br />
l’infini tal<strong>en</strong>t des danseurs effaçait la<br />
performance pure par la s<strong>en</strong>sibilité<br />
expressive.<br />
Merci donc à l’Olivier de servir, <strong>en</strong> programmant<br />
un spectacle de ce niveau<br />
dans d’excell<strong>en</strong>tes conditions d’accueil,<br />
la cause de la diffusion de la culture<br />
chorégraphique <strong>en</strong> région…<br />
YVES BERCHADSKY<br />
© Laur<strong>en</strong>t Garbit<br />
décor de champ de ruines de papier.<br />
Dans Espaço contratempo, Frank<br />
Micheletti et Idio Chichava vont et<br />
vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t autour du guitariste Rémi<br />
Aurine-Belloc avec une fluidité exceptionnelle<br />
: leurs mouvem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> léger<br />
différé multipli<strong>en</strong>t les points de contact,<br />
<strong>en</strong>tre eux et avec l’instrum<strong>en</strong>t, jouant<br />
d’un équilibre t<strong>en</strong>du. Tard le soir, quand<br />
les trois lascars du groupe clermontois<br />
Kafka <strong>en</strong>tam<strong>en</strong>t les premières notes<br />
de Geografia, version concert du spectacle<br />
de KKI, la nuit s’annonce planante<br />
et vaporeuse…<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Constellations a irrigué 11 lieux<br />
toulonnais du 10 au 12 déc<br />
www.kubilai-khan-investigations.com
Vive les reprises !<br />
Pour sa 13e ouverture le BNM a programmé deux pièces de son répertoire, et une<br />
création de la Classe d’Insertion Professionnelle. Si on se réjouit du niveau<br />
classique d’<strong>en</strong>semble de ces jeunes filles, et du tal<strong>en</strong>t du pianiste dans cette<br />
œuvre de John Cage, la pièce, mal écrite, ne brilla ni par son inv<strong>en</strong>tivité, ni par sa<br />
capacité à mettre <strong>en</strong> relief les interprètes. Longue et répétitive, sans sel, elle<br />
ouvrait mal cette soirée, et contrastait<br />
fort heureusem<strong>en</strong>t avec le Sextet qui<br />
suivait : la pièce de Thierry Malandain,<br />
dont les danseurs du Ballet possèd<strong>en</strong>t<br />
désormais toute la subtilité, a fait la<br />
preuve de la grande forme des ces<br />
solistes qu’on a vu beaucoup plus<br />
éteints : tout était <strong>en</strong> place, vif, haut,<br />
<strong>en</strong>semble, joyeux, mutin, les dynamiques<br />
se croisai<strong>en</strong>t, les corps, et le<br />
public, jubilai<strong>en</strong>t. TéToTé qui suivit<br />
confirma, <strong>en</strong> particulier dans les passages<br />
à trois et les portés viol<strong>en</strong>ts, le<br />
niveau d’un Ballet qu’on pr<strong>en</strong>d toujours<br />
plaisir à voir.<br />
A.F.<br />
Sextet © Agnès Mellon<br />
Maladresses<br />
Que la pièce de la Chinoise déçoive, on le compr<strong>en</strong>d. Son minimalisme <strong>en</strong> matière<br />
de danse, et le maximalisme de son discours docum<strong>en</strong>taire qui <strong>en</strong>vahit le décor<br />
et l’espace sonore du spectacle est décevant. W<strong>en</strong> Hui se raconte tout le temps,<br />
mêle son histoire propre à celle de la révolution culturelle, la fait dire à son interprète,<br />
l’écrit sur les murs, projette des photos, vidéos, dessins qui l’explicit<strong>en</strong>t…<br />
et par ailleurs, <strong>en</strong> guise de danse, exécute un simple geste, <strong>en</strong> avançant l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t<br />
vers le public, linéairem<strong>en</strong>t, dans la pénombre, durant toute la petite heure du<br />
spectacle. Cela peut être agaçant, si l’on n’<strong>en</strong>tre pas dans la douleur, si l’on trouve<br />
la démonstration simpliste -le corps se ploie et souffre et symbolise toutes les<br />
tortures l<strong>en</strong>tes et toutes les soumissions. Quoi qu’il <strong>en</strong> soit, huer les interprètes à<br />
la fin comme cela fut fait est choquant. Non parce que le public n’a pas le droit<br />
d’exprimer son avis, mais parce qu’il y avait là une souffrance, une intimité, un<br />
poids de l’histoire maladroitem<strong>en</strong>t exprimé, mais jamais indigne. Le spectacle,<br />
qui normalem<strong>en</strong>t dure huit heures, pr<strong>en</strong>d sans doute plus de s<strong>en</strong>s dans la durée…<br />
et le public a fait preuve de bi<strong>en</strong> peu d’empathie. Est-ce parce que l’histoire<br />
chinoise est si lointaine ?<br />
A.F.<br />
Memory a été dansé au Pavillon Noir les 3 et 4 déc<br />
Les Ouvertures 13 ont eu lieu du 10 au 12<br />
déc dans le grand studio du BNM<br />
© Ricky Wong
20 DANSE AU PROGRAMME<br />
¡Suerte!<br />
Nîmes fête les 20 ans de son festival flam<strong>en</strong>co, que<br />
d’aucuns appell<strong>en</strong>t la 3 e feria, celle de l’hiver… Plus<br />
simplem<strong>en</strong>t, il est ce festival qui a su s’imposer au fil<br />
du temps pour dev<strong>en</strong>ir, qualitativem<strong>en</strong>t et quantativem<strong>en</strong>t,<br />
un des plus grands, hors l’Espagne bi<strong>en</strong> sûr, et<br />
qui continue aussi à interroger la nécessaire alliance<br />
de la tradition et de la modernité. Pour preuve la pléiade<br />
d’artistes invités, de grands noms du flam<strong>en</strong>co que<br />
vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t côtoyer les nouveaux tal<strong>en</strong>ts. Dès l’ouverture<br />
Silvia Marín invite les <strong>en</strong>fants, mais pas seulem<strong>en</strong>t, à<br />
la découverte du flam<strong>en</strong>co avec sa création Con<br />
Pasaporte Flam<strong>en</strong>co dont la 1 re a lieu à Nîmes. Suivront<br />
María José Franco dans Bailando para mi, dont<br />
le final se dansera avec José Ogalla ; Javier Barón,<br />
danseur au style classique et créateur infatigable dont<br />
le Dos voces para un baile r<strong>en</strong>d compte, et sur lequel<br />
l’accompagn<strong>en</strong>t les deux cantaores José Val<strong>en</strong>cia et<br />
Miguel Ortega ; Andrés Marín avec El Cielo de tu boca,<br />
dans une démarche moderne, contemporaine, avec<br />
le compositeur Llor<strong>en</strong>ç Barber ; Israel Galván et son<br />
très att<strong>en</strong>du El final de este estado de cosas, redux<br />
créé lors du dernier Festival d’Avignon ; Pastora<br />
Galván, sa sœur, dont le spectacle Pastora affirme<br />
une grande danseuse ; deux soirées, <strong>en</strong>fin, Tierra<br />
flam<strong>en</strong>ca 1 et 2 sont <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dévolues à des<br />
artistes «de chez nous» : Melinda Sala, Luis de la<br />
Carrasca, Natalia del Palacio…<br />
DOMINIQUE MARÇON<br />
Historique<br />
Il a inv<strong>en</strong>té la danse contemporaine ; affranchissant<br />
les corps des techniques classiques tout <strong>en</strong> explorant<br />
inlassablem<strong>en</strong>t le mouvem<strong>en</strong>t et l’occupation de<br />
l’espace, l’abstraction et la combinatoire, la musique<br />
et la dynamique, Merce Cunningham a ouvert tant<br />
de portes que le monde de la danse n’a cessé,<br />
depuis, d’y puiser comme à la source suprême ses<br />
bouleversem<strong>en</strong>ts successifs. Merce Cunningham, il y<br />
a quelques années, à peine, exhibait <strong>en</strong>core son<br />
corps toujours souple sur la scène. Ses apparitions<br />
étai<strong>en</strong>t magiques. Il a disparu dans un certain sil<strong>en</strong>ce,<br />
juste après Pina Bausch, durant le festival d’Avignon.<br />
Sa Company est au Grand théâtre pour deux de ses<br />
pièces majeures : 30 ans de danse, par 13 interprètes<br />
fantastiques.<br />
Split Sides et Squaregame<br />
Merce Cunningham Company<br />
Du 17 au 19 dec<br />
Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce (Aix)<br />
04 42 91 69 69<br />
www.grandtheatre.fr<br />
Split Sides © Tony Dougherty<br />
Pastora Galvan © Luis Castilla<br />
20 ans de flam<strong>en</strong>co<br />
du 9 au 23 janv<br />
Théâtre de Nîmes, Odéon, Cour d’Appel<br />
04 66 36 65 10<br />
www.theatred<strong>en</strong>imes.com<br />
Harmonie<br />
Emanuel Gat - My favorite things © Gadi Dagon<br />
Le Pavillon Noir accueille le chorégraphe israéli<strong>en</strong><br />
Emanuel Gat <strong>en</strong> programmant trois de ses pièces :<br />
My favorite thing, solo sur lequel il magnifie le<br />
saxophone soprano de John Coltrane ; Voyage d’hiver,<br />
duo hypnotique et fascinant qu’il danse avec Roy<br />
Assaf sur les lieder de Schubert ; et Le Sacre du<br />
printemps qui mêle aux rythmes martelés de la<br />
partition de Stravinsky une danse salsa <strong>en</strong>diablée sur<br />
laquelle deux hommes et trois femmes form<strong>en</strong>t deux<br />
couples à tour de rôle, dans un mouvem<strong>en</strong>t continu<br />
étourdissant.<br />
Voyage d’hiver, My favorite thing<br />
et Le Sacre du printemps<br />
Du 13 au 16 janvier Pavillon Noir (Aix)<br />
0811 020 111<br />
www.preljocaj.org<br />
Bô et l’eau<br />
Pour sa 14 e ouverture le Ballet National ouvre ses<br />
portes à Miguel Nosibor (voir zib 24) et Caroline Bô,<br />
pour un solo sur son rapport à l’eau…<br />
Ouverture 14<br />
Ballet National de Marseille<br />
Les 17 et 18 déc<br />
04 91 327 327<br />
www.ballet-de-marseille.com<br />
Le retour<br />
Comme tous les ans <strong>en</strong> janvier le Toursky accueille à<br />
nouveau la création de Pietragalla : son public<br />
att<strong>en</strong>d sa danse émotionnelle, emphatique, féminine,<br />
et l’accueille toujours avec <strong>en</strong>thousiasme. La<br />
t<strong>en</strong>tation d’Eve leur permettra de retrouver la grande<br />
danseuse <strong>en</strong> solo dans ses œuvres, incarnat la<br />
condition féminine au long des siècles.<br />
La T<strong>en</strong>tation d’Eve<br />
Théâtre Toursky<br />
Les 15 et 16 janvier<br />
0 820 300 033<br />
www.toursky.org<br />
Europe <strong>en</strong> créations<br />
Les désormais traditionnels workshops du Ballet<br />
d’Europe(les 17 et 18 déc à la Friche), mett<strong>en</strong>t toujours<br />
<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les grandes qualités d’interprètes de ces<br />
danseurs qui sav<strong>en</strong>t aussi proposer des œuvres attachantes.<br />
Mais l’on pourra égalem<strong>en</strong>t retrouver le Ballet<br />
d’Europe sur une scène plus à sa mesure : les Salins<br />
programm<strong>en</strong>t Sweet Gerschwin, une pièce jubilatoire<br />
d’une grande technicité, et un duo que l’on att<strong>en</strong>d<br />
avec impati<strong>en</strong>ce : on y retrouvera Jean-Charles Gil<br />
danseur qui avec Monique Loudières(Opéra de Paris)<br />
créera un duo intitulé Trace avec moi… l’occasion de<br />
revoir danser celui qui fut un très grand soliste !<br />
Ballet d’Europe<br />
Les Salins (Martigues)<br />
Le 16 janv<br />
04 42 79 02 00<br />
www.theatre-des-salins.fr<br />
www.balletdeurope.org<br />
Trace avec moi © J.-C. Verchere
Percussions<br />
Après une résid<strong>en</strong>ce de création <strong>en</strong> septembre pour leur prochaine création, la compagnie<br />
avignonnaise Onstap est de retour à Arles avec Parce qu’on va pas lâcher,<br />
duo dansé par Mourad Bouhlali et Hassan Razak. Step aux États-Unis, percussion<br />
corporelle <strong>en</strong> France, la discipline qui fonde le spectacle transforme le corps <strong>en</strong><br />
instrum<strong>en</strong>ts de percussion. Pieds, mains, poitrines, cuisses, tout le corps participe<br />
pour illustrer le parcours de ces deux artistes qui se racont<strong>en</strong>t aussi avec des mots.<br />
Au-delà de la perfor-<br />
© Saïd Zaïour<br />
mance, ils donn<strong>en</strong>t<br />
du s<strong>en</strong>s à cet art <strong>en</strong><br />
y mêlant danse,<br />
théâtre et slam.<br />
Combat<br />
Après Urban Ballet programmé l’année<br />
dernière, la compagnie Rêvolution revi<strong>en</strong>t<br />
à l’Olivier avec Clash, leur dernière<br />
création, toujours sous la direction artistique<br />
et chorégraphique d’Anthony<br />
Égéa et sur une création musicale de<br />
Franck II Louise. Face à face, côte à côte,<br />
les danseurs Jérôme Luca et François<br />
Lamargot, formés à la danse classique<br />
et au hip hop, vont devoir s’approprier,<br />
se partager le sol, territoire vierge qui<br />
devi<strong>en</strong>t lieu de pouvoir.<br />
Clash<br />
le 12 janv à 20h30<br />
Théâtre de l’Olivier (Istres)<br />
04 42 56 48 48<br />
www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />
Audacieux<br />
Les chambres de Jacques et Jack in the<br />
box sont deux pièces d’Aszure Barton,<br />
chorégraphe new-yorkaise <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce<br />
au sein des Ballets Jazz de Montréal.<br />
Dans Les chambres de Jacques, à partir<br />
de petits tics personnels relevés <strong>en</strong>tre<br />
les mouvem<strong>en</strong>ts des danseurs, Aszure<br />
Berton r<strong>en</strong>d un hommage intimiste à la<br />
beauté comme à la fragilité de l’être, à<br />
travers une trame sonore étonnante qui<br />
passe habilem<strong>en</strong>t de Gilles Vigneault à<br />
Vivaldi sans oublier les musiques tziga-<br />
Parce qu’on va pas<br />
lâcher<br />
le 8 janv à 19h<br />
Théâtre d’Arles<br />
04 90 52 51 51<br />
www.theatrearles.com<br />
Revival<br />
Périple musical et dansé, conçu et chorégraphié<br />
par Herman Diephuis, Paul<br />
est mort ? fait revivre l’époque mythique<br />
des sixties, par le biais d’un trio pop-rock<br />
de danseurs à la fois groupe et groupies.<br />
Représ<strong>en</strong>tation de ces années où rêves<br />
et idéaux avai<strong>en</strong>t droit de citer, où les<br />
Beatles, <strong>en</strong>tre autres, représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t<br />
toute une jeunesse assoiffée de liberté.<br />
Un témoignage opéré par le biais<br />
d’une danse mordante et humoristique,<br />
et d’une musique forcém<strong>en</strong>t très prés<strong>en</strong>te.<br />
Paul est mort ?<br />
le 19 janv à 20h30<br />
Théâtre d’Arles<br />
04 90 52 51 51<br />
www.theatre-arles.com<br />
nes et klezmer. À l’inverse, Jack in the box<br />
aborde les limites extérieures du corps,<br />
interrogeant «la croissance, l’étiquette<br />
et le pouvoir du groupe <strong>en</strong> tant qu’<strong>en</strong>semble<br />
collectif.»<br />
Les Ballets Jazz de Montréal<br />
le 17 janv à 15h<br />
Théâtre La Colonne (Miramas)<br />
04 90 58 37 86<br />
www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />
© Jean Tremblay
22<br />
CIRQUE/ARTS DE LA RUE<br />
Double sirène à huit<br />
Magnifique dialogue <strong>en</strong>tre les sirènes de la sécurité publique et la musique<br />
d’Edgard Varèse proposé par l’<strong>en</strong>semble Télémaque<br />
Comme tous les mois depuis 6 ans la foule de curieux<br />
et d’afficionados se pressait sur le parvis de l’Opéra.<br />
Heureusem<strong>en</strong>t le mistral de la veille s’était calmé car,<br />
lors de la répétition, les pupitres, bi<strong>en</strong> que lestés,<br />
s’étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>volés ! Au premier son de la sirène les<br />
notes d’une flûte s’élèv<strong>en</strong>t doucem<strong>en</strong>t : Charlotte Campana<br />
interprète D<strong>en</strong>sity 21,5 (1936) sous la protection<br />
d’un grand parapluie qui permet de suivre son parcours<br />
jusque sur le parvis. C’est le mom<strong>en</strong>t où les sept<br />
autres musici<strong>en</strong>s et le chef la rejoign<strong>en</strong>t. Grande sobriété<br />
du dispositif : estrades et pupitres, costumes<br />
noirs. Au service de la musique, exclusivem<strong>en</strong>t, dont<br />
Raoul Lay cisèle la direction avec précision. Dans<br />
Octandre, pièce rigoureuse de 1923, les instrum<strong>en</strong>ts<br />
se répond<strong>en</strong>t <strong>en</strong> trois groupes, et chacun a sa place :<br />
trio flûte, hautbois, clarinette, puis basson et contrebasse,<br />
<strong>en</strong>fin trompette, cor et trombone. Sept<br />
instrum<strong>en</strong>ts à v<strong>en</strong>t et un seul à cordes, pour un<br />
timbre qui sonne fort, et fin pourtant. La démonstration<br />
est superbe et rigoureuse : on peut faire de la<br />
musique «savante» dans la rue ! Décidém<strong>en</strong>t ces<br />
Turbul<strong>en</strong>ces<br />
Le très att<strong>en</strong>du spectacle Sorry ! est le fruit de la<br />
collaboration du Footsbarn Théâtre, cie de théâtre<br />
internationale et pluridisciplinaire, de la cie Les Fusains<br />
et son fondateur Pierre Byland (qui signe la mise<br />
<strong>en</strong> scène), figure tutélaire du clown moderne, et du<br />
Cirque Werdyn, cirque tzigane et familial principalem<strong>en</strong>t<br />
équestre. Au c<strong>en</strong>tre du spectacle le personnage<br />
du clown dans tous ses états, <strong>en</strong>touré de chevaux, de<br />
poules, de chanteurs lyriques, de musici<strong>en</strong>s… sur une<br />
SIRÈNES | TOURSKY | ISTRES | GRASSE | GTP<br />
interprètes de haut niveau arp<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t sans peur des<br />
territoires peu familiers aux musici<strong>en</strong>s contemporains…<br />
et ce depuis 15 ans. Et il semblerait qu’<strong>en</strong>fin<br />
leur travail soit reconnu chez eux, pour le plus grand<br />
plaisir des fans marseillais trop souv<strong>en</strong>t obligés d’aller<br />
à Gap, Paris ou Martigues pour applaudir cet <strong>en</strong>semble<br />
dont ils sont fiers !<br />
CHRIS BOURGUE<br />
L’appel des sirènes de l’<strong>en</strong>semble Télémaque<br />
a ret<strong>en</strong>ti le mercredi 2 décembre à midi net<br />
Prochain r<strong>en</strong>dez-vous mercredi 6 janvier. Un projet<br />
amusant du Ministère des Affaires inutiles qui<br />
prés<strong>en</strong>tera son Palmares des recalés. Il s’agira de<br />
désigner le meilleur des spectacles non-ret<strong>en</strong>us par<br />
le comité de sélection des Sirènes et midi net. C’est<br />
un vacataire du Ministère qui décernera le Prix des<br />
Recalés 2009 et la prestation sera traduite intantaném<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> espéranto gestuel. Gageons que ce sera<br />
caustique !<br />
piste qui, on le compr<strong>en</strong>d peu à peu, a été louée à la<br />
fois pour l’<strong>en</strong>terrem<strong>en</strong>t d’un compositeur de musique<br />
classique et pour une fête tzigane…<br />
Sorry !<br />
les 8 et 9 janv à 21h<br />
Théâtre Toursky<br />
0 820 300 033<br />
www.toursky.org<br />
Jeux de Mémoire<br />
L’<strong>en</strong>semble Télémaque et le Cirque Plume repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t leur étonnante fantaisie<br />
poétique et musicale Le cabaret des valises au Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce<br />
Sur un fond bleuté défil<strong>en</strong>t des ombres portant des<br />
valises… Un contrebassiste et une clarinettiste s’agrèg<strong>en</strong>t<br />
à l’harmonie finem<strong>en</strong>t angoissante d’un accordéon<br />
dissonant… Le décor sonore planté, le chef dirige cette<br />
foule baroque vers un hall de gare parsemé de chariots/pupitres<br />
et de valises/sièges… On est prêt pour<br />
un voyage singulier : un violoncelliste narre un souv<strong>en</strong>ir<br />
d’<strong>en</strong>fance, le dégingandé John John, le clown Pedro et<br />
«Monsieur» (le collecteur de cris) jou<strong>en</strong>t des scènes burlesques,<br />
alors que dans les airs une jeune acrobate<br />
dessine des arabesques au son d’une contrebasse<br />
pachyderme… Comm<strong>en</strong>t dire le foisonnem<strong>en</strong>t des tableaux,<br />
tels ces pupitres/cintres se dressant chargés<br />
de manteaux sans maître ? Comm<strong>en</strong>t décrire cette<br />
polyphonie de cris émanant de valises ouvrant leur<br />
gueule béante… parler des <strong>en</strong>fants qui ne sav<strong>en</strong>t plus<br />
s’il faut rire ou s’effrayer… et du fil discontinu de cette<br />
mémoire que Bernard Kudlak et Raoul Lay t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
de ranger dans leur valise de saltimbanque ? À voir<br />
absolum<strong>en</strong>t ! JACQUES FRESCHEL<br />
Le Cabaret des valises<br />
Le 15 janv à 20h30<br />
04 42 91 69 69<br />
www.legrandtheatre.net<br />
© Agnès Mellon<br />
© Agnès Mellon<br />
Sans mots<br />
Il ne parle pas Juli<strong>en</strong> Cottereau,<br />
mais il lui arrive de<br />
faire des bruits; et puis il<br />
bouge, danse, dans sa drôle<br />
de dégaine, chapeau mou<br />
vissé sur le crane. Mime, clown<br />
et bruiteur, poète aussi, Juli<strong>en</strong><br />
Cottereau secoue notre imaginaire<br />
avec des sons et des<br />
gestes qui font apparaître princesse<br />
<strong>en</strong> détresse, chi<strong>en</strong><br />
errant, mouches vibrionnantes,<br />
le tout avec la complicité<br />
d’un public réceptif et actif.<br />
Fils spirituel du mime Marceau<br />
et de Buster Keaton, l’atypique<br />
<strong>en</strong>chante, et pas<br />
seulem<strong>en</strong>t les plus jeunes !<br />
Imagine-toi<br />
le 20 déc à 16h<br />
Théâtre de l’Olivier<br />
04 42 56 48 48<br />
www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />
les 5 et 6 janv à 19h30<br />
Théâtre de Grasse<br />
04 93 40 53 00<br />
www.theatredegrasse.com<br />
Juli<strong>en</strong> Cottereau © Veronic Roux-Voloir
24 ARTS VISUELS MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN | PASSAGE DE L’ART<br />
Les mondes parallèles<br />
Lauréats 2009 du Prix HSBC pour la photographie,<br />
Grégoire Alexandre et Matthieu Gafsou sont accueillis<br />
dans quelques-unes des travées du Musée d’art contemporain<br />
de Marseille, bord à bord avec ses collections.<br />
Une incursion muséale qui les flatte tout autant qu’elle<br />
les effraye : la valeur symbolique du lieu diffère de celle<br />
des galeries qui les expos<strong>en</strong>t. D’autant que l’objectif du<br />
Prix HSBC pour la photographie, comme le souligne<br />
Chantal Nedjib, Déléguée générale, est «de faire connaître<br />
de jeunes tal<strong>en</strong>ts par le biais de quatre expositions, de<br />
l’édition de monographies et de la v<strong>en</strong>te de leur travail».<br />
Dans l’espace du [MAC] donc, Grégoire Alexandre et<br />
Matthieu Gafsou ont accepté de croiser leurs regards.<br />
«J’aime beaucoup la réflexion de Grégoire Alexandre<br />
sur le dispositif photographique lui-même, comm<strong>en</strong>te<br />
Matthieu Gafsou, car le contexte de la commande ne le<br />
favorise pas habituellem<strong>en</strong>t. On voit beaucoup de belles<br />
images de mode mais peu qui soi<strong>en</strong>t intellig<strong>en</strong>tes». Et<br />
Grégoire Alexandre ? «Ce qui m’intéresse dans les photographies<br />
de Matthieu Gafsou, c’est sa façon de se dégager<br />
Surface#33, 2008, Lauréat du Prix HSBC pour la Photographie © Matthieu Gafsou<br />
D’Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce, Daniel Milhaud a gardé un lointain<br />
souv<strong>en</strong>ir… celui de son <strong>en</strong>fance auprès de ses grandspar<strong>en</strong>ts<br />
au Logis du Bras d’Or, où grandit son père, le<br />
compositeur Darius Milhaud. «J’étais très intriguée par<br />
ce parcours de famille» révèle Lyse Madar, directrice du<br />
Passage de l’art, qui relève le paradoxe : «C’est la<br />
première fois que Daniel Milhaud expose à Marseille et<br />
plus généralem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Prov<strong>en</strong>ce ! Il était important pour<br />
moi de prés<strong>en</strong>ter ce travail que je trouve remarquable et<br />
qui est aussi une belle référ<strong>en</strong>ce à l’histoire de l’art».<br />
Daniel Milhaud s’est formé aux arts visuels et à la musique<br />
aux Etats-Unis sur les traces de son père, puis <strong>en</strong><br />
Autriche auprès d’Oskar Kokoschka, avant de partager<br />
son temps <strong>en</strong>tre Paris -où il dispose de trois ateliers<br />
répartis pour les moulages et la terre, les maquettes et<br />
dessins, les œuvres plus grandes-, et Carrare <strong>en</strong> Italie.<br />
Vêtu d’un pantalon rouge, d’une chemise fleurie et d’un<br />
chandail bordeaux, Daniel Milhaud a une allure hautem<strong>en</strong>t<br />
colorée mais parle peu, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d difficilem<strong>en</strong>t, et<br />
garde l’œil <strong>en</strong> alerte, malicieux. C’est qu’il semble beaucoup<br />
s’amuser de tout ce «tapage» autour de lui. Une<br />
verdeur, une fraîcheur l’<strong>en</strong>velopp<strong>en</strong>t tout autant qu’elles<br />
du style docum<strong>en</strong>taire dans lequel il s’inscrit à la base<br />
pour chercher des images autonomes. C’est un travail<br />
discret, surtout pas spectaculaire, probant et même<br />
déstabilisant par rapport au réel». Deux jeunes tal<strong>en</strong>ts<br />
prometteurs dont l’analyse éclaire leurs photographies<br />
accrochées «de façon à ce qu’il n’y ait pas une trop forte<br />
contamination <strong>en</strong>tre elles».<br />
Le résultat est à la hauteur de l’exig<strong>en</strong>ce du Prix HSBC<br />
qui a confié à Olivier Saillard la direction artistique. L’exdirecteur<br />
du musée de la Mode de Marseille -qu’il quitta<br />
<strong>en</strong> 2000- s’est laissé «toutes latitudes pour regarder<br />
avec [son] œil de mode des travaux qui ne trait<strong>en</strong>t pas<br />
forcém<strong>en</strong>t de la mode». Il a présélectionné 12 photographes<br />
français et internationaux sur 669 postulants :<br />
«Tous se sont imposés avec évid<strong>en</strong>ce. Ils se répond<strong>en</strong>t<br />
avec naturel et compos<strong>en</strong>t, re-compos<strong>en</strong>t un monde à<br />
organiser sous leurs doigts». Quels sont donc ces<br />
mondes ? Un univers tronqué, décalé pour Grégoire<br />
Alexandre qui illustre des thèmes imposés par la commande<br />
(pour la mode, la publicité ou les magazines),<br />
La petite musique de Milhaud<br />
Autoportrait panoplie - 2005 - 85x100x14 cm -<br />
Bois, peinture acrylique, fil de fer, cuivre, polystyrène et résine.<br />
baign<strong>en</strong>t son œuvre (dessin, sculpture, bas-relief) traversée<br />
de lignes dynamiques : ses deux pièces issues d’une<br />
série d’autoportraits, Panoplie dans laquelle on aperçoit<br />
son simple profil et La Balance où il coupe sa tête <strong>en</strong><br />
deux par le milieu, sont symptomatiques d’un travail<br />
très libre. Liberté des modes d’expression, des formes,<br />
des matériaux, des volumes et des signes cabalistiques<br />
(vanités, dés, mauvais œil, serp<strong>en</strong>t…). Comme dans ses<br />
avec des points de vue plus ou moins distanciés. Des<br />
photographies dans lesquelles il met <strong>en</strong> scène des<br />
élém<strong>en</strong>ts perturbateurs grâce à des jeux d’échelle, des<br />
illusions d’optique. Un monde subjectif né de la réalité<br />
«qui va et vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre le référ<strong>en</strong>t et sa poétique» pour<br />
Mathieu Gafsou : des paysages-architectures où les<br />
blancs poussés à l’extrême, révèl<strong>en</strong>t les volumes et acc<strong>en</strong>tu<strong>en</strong>t<br />
les reliefs. Deux mondes parallèles, étanches.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Jusqu’au 28 février<br />
Musée d’art contemporain de Marseille<br />
04 91 25 01 07<br />
Monographies co-éditées par le Prix HSBC<br />
pour la photographie et Actes Sud<br />
Surfaces, Matthieu Gafsou<br />
Grégoire Alexandre<br />
25 euros chacun<br />
Shopping N° 4, 2003, Lauréat du Prix HSBC pour la Photographie 2009 © Grégoire Alexandre<br />
ombres portées sur le mur qui, grâce à un jeu de néons<br />
et de découpes, révèl<strong>en</strong>t des lignes intemporelles et des<br />
mots tel «désir» transcrit dans toutes les langues… ou<br />
presque. Daniel Milhaud est un homme de désirs qui<br />
joue, avec humour, de la mort et de l’érotisme, particulièrem<strong>en</strong>t<br />
dans Calaveras inspirée des rites funéraires<br />
mexicains et dans les lignes infléchies de ses dessins<br />
qui «imbriqu<strong>en</strong>t les parts féminines et masculines des<br />
choses». Entre ombres et lumières…<br />
Si sa prés<strong>en</strong>ce à Marseille est un événem<strong>en</strong>t, Lyse<br />
Madar annonce déjà son retour au printemps 2010 à<br />
l’occasion de L’Art r<strong>en</strong>ouvelle le lycée, le collège et la<br />
ville : son œuvre devrait trouver toute sa place dans la<br />
thématique annoncée «Les parts de l’ombre dans l’art<br />
contemporain. Matérialité et fiction».<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
L’exposition Trait pour trait, très portrait<br />
de Daniel Milhaud a été prés<strong>en</strong>tée du 17 novembre<br />
au 16 décembre au Passage de l’art à Marseille.<br />
04 91 31 04 08
Mouche © Michele Sylvander<br />
PARADIGME | LA FABRIQUE SENSIBLE | OÙ SONT LES ENFANTS?<br />
L’art à l’ouvrage<br />
Faisant suite aux 12 e R<strong>en</strong>contres de l’édition de création,<br />
l’atelier Vis-à-Vis expose une tr<strong>en</strong>taine de livres d’artistes<br />
et éditeurs de Suisse romande<br />
Chaque année l’Atelier Vis-à-Vis invite<br />
un nouveau pays à l’occasion de<br />
ses R<strong>en</strong>contres de l’édition de création.<br />
Pour cette douzième, la Suisse<br />
était l’invitée d’honneur. Cette sélection<br />
nous fait approcher des créations<br />
uniques ou multiples, pièces d’artistes<br />
ou d’éditeurs que le public a peu<br />
l’occasion de voir étant donné leur<br />
tirage restreint et leur diffusion confid<strong>en</strong>tielle.<br />
On y trouve une majorité<br />
de petits formats mis <strong>en</strong> œuvre avec<br />
réserve et sobriété.<br />
Cette ret<strong>en</strong>ue plastique laisse place<br />
à une esthétique très t<strong>en</strong>ue, un évid<strong>en</strong>t<br />
raffinem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t. Ainsi<br />
les éditions g<strong>en</strong>evoises Héros Limite<br />
évacu<strong>en</strong>t toute image au seul profit<br />
du texte. Typographie et mise <strong>en</strong> espace,<br />
pleins et vides, rythmes et<br />
respirations visuelles t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant<br />
l’objet vers un statut iconique<br />
épuré. À l’opposé, Ursula Jakob a<br />
conçu une histoire sans récit où les<br />
images et les jeux graphiques se<br />
développ<strong>en</strong>t dans une atmosphère<br />
monochrome dominée par le bleu<br />
cyan. Le papier de riz doublé à la chinoise<br />
apporte sa part de s<strong>en</strong>sualité<br />
fragile et transpar<strong>en</strong>te. Pour ses<br />
carnets de dessins, Liliana Gassiot<br />
développe des graphismes réalisés<br />
avec une machine à coudre. Les variations<br />
autorisées par les différ<strong>en</strong>ts<br />
points de broderie inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t des<br />
linéam<strong>en</strong>ts non figuratifs au fil des<br />
pages, et font de chacun des carnets<br />
un exemplaire subtilem<strong>en</strong>t unique.<br />
Le trait commun au livre d’artiste<br />
dans cette région transalpine ? Un<br />
subtil mélange <strong>en</strong>tre la perman<strong>en</strong>ce<br />
des techniques traditionnelles et des<br />
expérim<strong>en</strong>tations plus audacieuses.<br />
Pour certains artistes et collectifs<br />
(art&fiction, Attitudes, 36 Editions…)<br />
le livre intègre les nouvelles technologies,<br />
le numérique, ou pr<strong>en</strong>d des<br />
formes singulières lors d’expositions<br />
ou de performances.<br />
Dans la dernière livraison du Project<br />
Book International, édité par l’Atelier<br />
Vis-à-Vis, Silvio Corsini, conservateur<br />
à Lausanne, brosse un alléchant<br />
état des lieux de la création et de<br />
l’édition <strong>en</strong>gagée dans le livre d’artiste<br />
<strong>en</strong> Suisse romande. Dans les pages<br />
suivantes, Emès-Manuel de Matos,<br />
créateur avec Danièle Ubeda du<br />
Comptoir international du livre<br />
d’artiste/Paradigme, resitue plus<br />
généralem<strong>en</strong>t la place de ces œuvres<br />
singulières que sont les livres<br />
d’artistes dans le contexte de la<br />
création artistique.<br />
À l’occasion de l’exposition, il était<br />
possible d’acquérir un ouvrage issu<br />
des collections de l’atelier <strong>en</strong> participant<br />
à la loterie du 3 e Jeu de<br />
Hasard-Livre d’artiste. Le quatrième<br />
est <strong>en</strong> cours : tout n’est pas<br />
<strong>en</strong>core perdu pour les futurs collectionneurs<br />
!<br />
CLAUDE LORIN<br />
Home Sweet Home<br />
Nouvellem<strong>en</strong>t installées à la Maison des éditeurs<br />
et des industries culturelles à Arles, les sociétés<br />
d’édition La Fabrique s<strong>en</strong>sible (livres d’artistes)<br />
et Où sont les <strong>en</strong>fants ? (livres jeunesse) ont mis<br />
leur ardeur <strong>en</strong> commun pour ouvrir la Maison au<br />
public à l’occasion de la parution de trois<br />
Cahier de dessins cousus de fil noir, Liliana Gassiot © C.Lorin<br />
Livres d’artistes suisses<br />
Paradigme/Comptoir international<br />
du livre d’artiste contemporain<br />
jusqu’au 30 janvier<br />
04 91 33 20 80<br />
www.ateliervisavis.com<br />
ouvrages. Dédalles de Ville, Avignon de Max<br />
Charvol<strong>en</strong>, chambre d’écho à sa résid<strong>en</strong>ce à<br />
Avignon comme invité d’honneur du 15 e Parcours<br />
de l’art, trace de ses pérégrinations urbaines et<br />
de ses interv<strong>en</strong>tions plastiques. Le livre-miroir de<br />
Michèle Sylvander, Instant de doute, où la fiction<br />
brouille la réalité, le passé dépasse le prés<strong>en</strong>t,<br />
l’autoportrait féminin masque le masculin.<br />
Nocturnes ou les garçons perdus, premier opus<br />
jeunesse de Mireille Loup qui expose actuellem<strong>en</strong>t<br />
ses photographies à la Galerie du théâtre<br />
La Passerelle (voir page 28). Un conte initiatique<br />
pour un petit garçon perdu dans la nuit pour<br />
lequel elle «a convoqué tous les bleus de la terre,<br />
le ciel, l’eau et la lumière».<br />
Le temps d’une r<strong>en</strong>contre avec les artistes, les<br />
éditeurs et les <strong>en</strong>treprises implantées sur le site<br />
(Cie Ev<strong>en</strong>ts, association La Cuisine, Main, Oiseau<br />
ARTS VISUELS 25<br />
Le Valais des signes,<br />
Editions Corinollon<br />
© C. Lorin<br />
indigo diffusion, ICNPA…), la Maison dévoile ses<br />
mille et une <strong>en</strong>vies : r<strong>en</strong>dre le lieu vivant, créer<br />
des circulations <strong>en</strong>tre ses habitants, partager ses<br />
projets, ses <strong>en</strong>thousiasmes et ses découvertes<br />
avec le public. La première page d’une longue<br />
série à écrire.<br />
M.G.-G.<br />
Maison des éditeurs et des industries culturelles<br />
v<strong>en</strong>dredi 18 décembre de 15h à 19h<br />
r<strong>en</strong>contre-expositions-vidéos<br />
La Fabrique s<strong>en</strong>sible<br />
www.lafabriques<strong>en</strong>sible.com<br />
Où sont les <strong>en</strong>fants ?<br />
http://ousontles<strong>en</strong>fants.hautetfort.com/
26<br />
ARTS VISUELS<br />
Verrouillé à double tour<br />
Que faire de ce jeu de photographies réalisées <strong>en</strong><br />
1988 dans l’appartem<strong>en</strong>t qu’il partagea avec sa<br />
mère et qu’elle abandonna durant deux ans ? Que<br />
faire de ce lourd et douloureux passé qui l’<strong>en</strong>combre<br />
<strong>en</strong>core ? Un livre, oui, mais que le photographe<br />
Pierre-Jean Amar n’a pas écrit pour une catharsis,<br />
abréaction qu’il réfute tant sa détestation de la<br />
psychanalyse est grande. «Une fois les photos<br />
faites, le livre écrit et publié, c’est la même merde.<br />
Ri<strong>en</strong> n’a changé !» : sa mère a subi la psychiatrie<br />
curative la plus viol<strong>en</strong>te…<br />
Il fallait donc un écrivain, un proche comme Georges<br />
Monti, directeur des éditions Le Temps qu’il fait,<br />
pour coucher sur le papier tant de souffrances<br />
étouffées, de ress<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts et d’amour mêlés. «Une<br />
histoire douloureuse qui le fonde», il le sait, qui a<br />
longtemps <strong>en</strong>travé sa vie : heureusem<strong>en</strong>t la lecture,<br />
puis la photographie, sont restées ses terres<br />
de liberté jusqu’à ce qu’il déploie son exist<strong>en</strong>ce<br />
propre. Il avait 26 ans !<br />
Un livre au titre terrible, Le coffre-fort de ma mère,<br />
des photos d’une extrême viol<strong>en</strong>ce derrière le<br />
vernis de la banalité, où «l’on retrouve l’ambiance<br />
carcérale». Des photos prises <strong>en</strong> son abs<strong>en</strong>ce,<br />
jamais montrées, pas même à sa mère qui est<br />
morte sans jamais savoir ce qu’il faisait dans la<br />
vie… Un regard effroyable sur l’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t, la<br />
solitude, la destruction des êtres : sa mère isolée<br />
Ouf !<br />
Suite à l’expéri<strong>en</strong>ce de [La Pile]<br />
à la Non-Maison, le projet de Bruno<br />
Peinado pourrait <strong>en</strong>fin se concrétiser.<br />
Mais il faudra pati<strong>en</strong>ter quelques<br />
temps <strong>en</strong>core!<br />
C’est l’histoire d’un projet dont la réalisation a été<br />
plusieurs fois repoussée faute des moy<strong>en</strong>s nécessaires.<br />
Quel porteur de projet n’a pas vécu les<br />
affres d’une fin de non recevoir ? Michèle Coh<strong>en</strong> ne<br />
pouvait <strong>en</strong> rester au r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t : l’exposition<br />
[La Pile] a été à la fois une forme de révolte et un<br />
temps d’appel à collaboration.<br />
«Trois mois p<strong>en</strong>dant lesquels j’ai fait grève, où les<br />
murs sont restés vides mais on pouvait <strong>en</strong>trer et<br />
voir les piles de la revue Semaine consacrée au<br />
projet avec les textes de Bruno Peinado et Bernard<br />
Marcadé. Et nous avons ouvert un blog le jour de<br />
l’inauguration pour faciliter les échanges avec le<br />
public et peut-être trouver des personnes intéressées<br />
pour faire ce projet. Une deuxième pile a été<br />
prés<strong>en</strong>tée p<strong>en</strong>dant le Slick à Paris <strong>en</strong> parallèle à<br />
la FIAC». Et les appels sembl<strong>en</strong>t avoir été <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus.<br />
Michèle Coh<strong>en</strong> ne mettra pas la clef sous la<br />
porte comme elle l’<strong>en</strong>visageait !<br />
L’embellie est arrivée par l’étranger suite à l’appel<br />
d’un mécène privé dont l’id<strong>en</strong>tité ne peut être<br />
<strong>en</strong>core dévoilée. Grâce aussi «au très bon contact<br />
que j’ai eu avec Véronique Traquandi du Conseil<br />
général 13. J’ai beaucoup d’espoir que cela se réalise<br />
<strong>en</strong> 2010. L’œuvre devrait être installée dans<br />
un espace extérieur pour être offerte au public, de<br />
préfér<strong>en</strong>ce sur Aix ou al<strong>en</strong>tour». Mais quelques<br />
GALERIE VINCENT BERCKER | LA NON-MAISON<br />
dans sa folie, Pierre-Jean Amar «claustré, prisonnier<br />
de la maison». Le fils a ret<strong>en</strong>u de cet intérieur<br />
inhabité un piano Hans<strong>en</strong> («ma mère, d’éducation<br />
bourgeoise possédait un piano mais ne connaissait<br />
ri<strong>en</strong> à la musique»), une armoire-bureau remplie<br />
de livres de peu d’intérêt («le plus passionnant est<br />
freins persisterai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à Aix, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />
pour des questions de forme administrative. «Nous<br />
sommes considérés là-bas comme galerie donc<br />
comme privé alors que la Non-Maison est une<br />
structure qui se veut mixte ; nous voulons au<br />
contraire réunir public et privé sur des projets, les<br />
services publics avec les jeunes collectionneurs<br />
qui nous suiv<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant, <strong>en</strong> interv<strong>en</strong>ant comme<br />
lieu intermédiaire <strong>en</strong>tre l’atelier de l’artiste et les<br />
institutions plus importantes. Je travaille à la<br />
conception d’un statut reconnu proche des c<strong>en</strong>tres<br />
d’art, des cinémas d’art et essai ou certaines compagnies<br />
de théâtre ; des lieux d’expérim<strong>en</strong>tation,<br />
de proposition et au plus proche du public. Autre<br />
bonne nouvelle pour 2010, le projet sera suivi dans<br />
un docum<strong>en</strong>taire consacré au travail de Bruno<br />
Peinado réalisé par Arte».<br />
Le projet Une partition pour un accid<strong>en</strong>t ou les trois<br />
princes de Ser<strong>en</strong>dip est prés<strong>en</strong>té par Bruno<br />
Peinado et Michèle Coh<strong>en</strong> dans la vidéo réalisée<br />
lors de l’inauguration de [La Pile] le 15 octobre<br />
2009, à voir sur le site de la Non-Maison.<br />
Si tout va bi<strong>en</strong> on espère qu’<strong>en</strong> fin 2010 on pourra<br />
souhaiter à cette non-exposition un joyeux nonanniversaire<br />
!<br />
CLAUDE LORIN<br />
[La Pile]<br />
jusqu’au 10 janvier<br />
La Non-Maison, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce<br />
06 24 03 39 31<br />
http://lanonmaison.com<br />
http://lanonmaison.blogspot.com<br />
Sans titre © Pierre-jean Amar<br />
sans doute le catalogue Manufrance»)… Des interrupteurs<br />
et des cad<strong>en</strong>as <strong>en</strong> pagaille, une boîte à<br />
pharmacie surchargée, un téléphone blanc (« ma<br />
mère a inv<strong>en</strong>té le téléphone portable, elle <strong>en</strong> avait<br />
trois !»)… Et ce fameux coffre-fort familial posé à<br />
même le sol d’une cour intérieure «exiguë et<br />
sale… dans lequel ma mère a longtemps serré<br />
ses bijoux ».<br />
Le livre, comme l’exposition, s’ouvre et se ferme<br />
sur deux portraits de l’abs<strong>en</strong>te : l’un les yeux vides,<br />
la main serrant son chandail contre sa poitrine,<br />
dans un tirage arg<strong>en</strong>tique noir et blanc précis et<br />
nuancé ; l’autre l’image tremblante d’une silhouette<br />
ratatinée dans son fauteuil roulant. «C’est<br />
un constat» répète Pierre-Jean Amar avec un<br />
détachem<strong>en</strong>t feint, un constat bouleversant, oppressant<br />
même : ces photographies magnifiques<br />
dis<strong>en</strong>t toute une vie de possession et son ultime<br />
libération dans la mort.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Signature du livre Le coffre-fort de ma mère<br />
(Éd. Le temps qu’il fait) samedi 19 décembre 11h<br />
Le coffre-fort de ma mère<br />
jusqu’au 24 décembre<br />
Galerie Vinc<strong>en</strong>t Bercker, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce<br />
04 42 21 46 84<br />
Bruno Peinado, projet pour la Non-Maison, Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce
Une passerelle pour l’art<br />
Accueilli depuis 2002 au C<strong>en</strong>tre d’art Sébasti<strong>en</strong> à<br />
St-Cyr-sur-Mer, le 26 e R<strong>en</strong>dez-vous des jeunes<br />
plastici<strong>en</strong>s ti<strong>en</strong>t ses promesses avec une belle<br />
moisson de nominés et de lauréats. Pour Valérie<br />
Duquesne, élue récemm<strong>en</strong>t présid<strong>en</strong>te de l’association<br />
ELSTIR qui organise cet événem<strong>en</strong>t ainsi<br />
que R<strong>en</strong>dez-vous aux Jardins, «on s<strong>en</strong>t un travail<br />
de grande qualité avec des œuvres plus dépouillées.<br />
Ce sont, bi<strong>en</strong> sûr, des travaux <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir car<br />
c’est l’objectif d’ELSTIR d’accompagner les jeunes<br />
artistes dans leur travail». Et de constater que le<br />
cru 2009 est d’une grande maturité : «Ils ne sont<br />
pas dans la facilité. Comme Guillaume Gattier<br />
(Marseille) qui a reçu le prix Louise Baron, Delphine<br />
Poitevin (Ivry) celui du Conseil général du Var ou<br />
Ghizlène Chajaï (Strasbourg) le prix Passerelle.<br />
Leur travail fait preuve de beaucoup de professionnalisme<br />
et il ouvre sur de nouveaux horizons».<br />
Sur 150 dossiers, 9 ont réussi l’épreuve du feu face<br />
au jury composé de professionnels, d’élus et d’artistes<br />
et au public qui lui décerne son Prix. Cette<br />
année, le travail ingénieux de Jérôme Ispanakçi<br />
(Nice) a eu sa préfér<strong>en</strong>ce, ex-aequo avec la sculpture-installation<br />
de Lisa-Dora Fardelli (Toulon).<br />
Au-delà des récomp<strong>en</strong>ses, on reti<strong>en</strong>dra la photo<br />
installation de Guillaume Gattier qui étire à l’extrême<br />
ses images panoramiques tronquées ; le roman-<br />
photo de Danka Hojcusova dont les binômes, mis<br />
bout à bout, parl<strong>en</strong>t de solitude et de déplacem<strong>en</strong>t ;<br />
les lignes dessinées de Sandra Ferreri, qui, mises<br />
<strong>en</strong> boucle, emprisonn<strong>en</strong>t d’obscures maisons.<br />
Les portraits de femmes aux visages voilés de<br />
Ghizlène Chajaï tels des «vanités contemporaines»;<br />
l’amoncellem<strong>en</strong>t de globes <strong>en</strong> terre cassés de<br />
Lisa-Dora Fardelli qui expulse de ses fragm<strong>en</strong>ts<br />
une vidéo (Charnier intestinal) comme on ouvre<br />
la boîte de Pandore ; Les Olympi<strong>en</strong>nes transfigurées<br />
par la peinture nerveuse de Catherine<br />
Duchêne. Et Delphine Poitevin qui excelle dans la<br />
dématérialisation des surfaces, des murs, des<br />
papiers peints par grattage, frottage, rainurage et<br />
effacem<strong>en</strong>t : les perspectives s’écras<strong>en</strong>t, les volumes<br />
s‘aplaniss<strong>en</strong>t, l’espace photographié bi<strong>en</strong><br />
réel (une pièce vide, une porte <strong>en</strong>trouverte, un motif<br />
mural) ouvrant sur une autre dim<strong>en</strong>sion spatiale.<br />
Même si ce 26 e R<strong>en</strong>dez-vous des jeunes plastici<strong>en</strong>s<br />
ne représ<strong>en</strong>te «qu’une petite marche» vers la<br />
reconnaissance, il a déjà tout d’un tapis rouge.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
26 e R<strong>en</strong>dez-vous des jeunes plastici<strong>en</strong>s<br />
jusqu’au 19 décembre<br />
C<strong>en</strong>tre d’art Sébasti<strong>en</strong>, St-Cyr-sur-Mer<br />
04 94 25 04 86<br />
Aller-retour Dak’Art-Dak’Apt<br />
NGoor (Sénégal), Yoko Breeze (Afrique du Sud),<br />
Samba Fall (Sénégal), Tchalé Figueira (Cap-Vert)<br />
et Boubacar Touré Mandemory (Sénégal) ont <strong>en</strong><br />
commun d’avoir été primés par la Fondation d‘<strong>en</strong>treprise<br />
Blachère lors de la Bi<strong>en</strong>nale des arts<br />
africains contemporains Dak’Art 2008. Une récomp<strong>en</strong>se<br />
décernée par un Collège<br />
critique qui, sous la direction de<br />
Pierre Jaccaud, a écumé les musées<br />
et galeries de la capitale sénégalaise.<br />
Dix-huit mois et une exposition plus<br />
tard, la Fondation Blachère les réunit<br />
à nouveau, loin de l’Institut culturel<br />
français de Dakar où eut lieu la<br />
remise des prix : dans la zone industrielle<br />
d’Apt, au c<strong>en</strong>tre d’art proche<br />
de l’<strong>en</strong>treprise de luminaires. Si la<br />
Bi<strong>en</strong>nale «permet aux artistes du<br />
contin<strong>en</strong>t africain de prés<strong>en</strong>ter leurs<br />
nouvelles productions», le Prix de la<br />
découverte leur offre une première<br />
visibilité <strong>en</strong> France à travers une résid<strong>en</strong>ce<br />
et une exposition collective.<br />
Tranchant avec la clarté extérieure,<br />
l’espace d’exposition plonge le spectateur<br />
dans l’obscurité et le murmure des voix,<br />
celles de la cérémonie des prix, avec diaporama<br />
à l’appui. Histoire de rappeler que tout cela est<br />
bi<strong>en</strong> réel, qu’il y a un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t et des r<strong>en</strong>contres<br />
déterminantes. Comme avec les peintures<br />
«dramaturgiques» de NGoor dont les visages<br />
hantés se masqu<strong>en</strong>t de grimaces goyesques,<br />
artiste émergeant découvert par hasard : «Il aura<br />
ST-CYR-SUR-MER | APT<br />
fallu une prom<strong>en</strong>ade improvisée <strong>en</strong> quête de découverte<br />
dans les rues de Dakar pour r<strong>en</strong>contrer<br />
une toile susp<strong>en</strong>due au musée Boribana», toile<br />
qui «a mis le feu [aux] esprits» des membres du<br />
Collège critique tout autant qu’aux visiteurs d’Apt.<br />
Avec le plastici<strong>en</strong> Samba Fall, «figure prome teuse<br />
de la scène internationnale», dont les œuvres<br />
protéiformes (vidéo-peinture-scultpure-objet)<br />
frapp<strong>en</strong>t à coup sûr les esprits, véritables manifestes<br />
humanistes. Avec le peintre, musici<strong>en</strong> et<br />
poète Tchalé Figueira -dont on dit qu’il a la tête<br />
dans les étoiles-, qui déroule ses dessins tels de<br />
longs papyrus noirs, histoires mélancoliques et<br />
douces peuplées de lignes et de masques,<br />
Sans titre © Ghizl<strong>en</strong>e Chajaï<br />
ARTS VISUELS<br />
27<br />
d’animaux et d’êtres tombés du ciel. Avec<br />
Boubacar Touré Mandémory qui défie la banalité<br />
de la photographie de rue <strong>en</strong> inv<strong>en</strong>tant des<br />
couleurs «mouvem<strong>en</strong>tées» grâce à ses points de<br />
vue décalés, ses hors champs et ses perspectives<br />
infinies. Avec l’acteur, graphiste et designer Yko<br />
Breeze dont le travail fait écho à<br />
l’histoire de l’Afrique du sud, notamm<strong>en</strong>t<br />
sa vidéo sur l’activiste<br />
Steve Biko réalisée avec la même<br />
ampleur qu’un film.<br />
Mais le retour de Dakar à Apt n’est<br />
qu’une escale pour la Fondation qui<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d poursuivre son «<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />
pér<strong>en</strong>ne sur le contin<strong>en</strong>t africain<br />
avec une détermination sans faille»:<br />
tout juste rev<strong>en</strong>ue des R<strong>en</strong>contres<br />
de la photographie de Bamako où<br />
elle a remis son prix <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du<br />
photographe Malick Sidibé, elle s’apprête<br />
à partir pour l’Afrique du Sud…<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
(ENVOYÉE À DAKAR MAI 2008 -<br />
APT NOVEMBRE 2009)<br />
© Boubacar Toure Mandemory<br />
C<strong>en</strong>tre d’art Fondation Blachère, Apt<br />
jusqu’au 17 janvier<br />
04 32 52 06 15<br />
www.fondationblachere.org
28 ARTS VISUELS AU PROGRAMME<br />
Mirko Martin, prix Voies Off 2009 © Mirko Martin<br />
Au Loup !<br />
On ne dira que du bi<strong>en</strong> de la programmation de la Galerie du théâtre<br />
La Passerelle à Gap. La saison 2010 le confirme <strong>en</strong> ouverture avec deux<br />
belles séries de Mireille Loup déjà célébrées sous d’autres <strong>en</strong>seignes.<br />
Des <strong>en</strong>fants solitaires sont au c<strong>en</strong>tre de narrations oniriques,<br />
parfois pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t hostiles.<br />
Des bribes d’un conte très étrange pas vraim<strong>en</strong>t très <strong>en</strong>chanté.<br />
R<strong>en</strong>contre avec l’artiste le 9 janvier à 10h. C.L.<br />
ANGES 51-1998,<br />
Daniel Gastaud<br />
© galerie Huit<br />
Esquives et Nocturnes<br />
Mireille Loup<br />
du 9 janvier au 27 février<br />
Galerie du théâtre La Passerelle, Gap<br />
04 92 52 52 52<br />
Avis !<br />
Appels à projets à la pelle : artistes, sortez votre attirail et faites vibrer votre génie.<br />
En Camargue, il sera question de lumière lors de la 5 e R<strong>en</strong>contre Land Art In Situ 0.5,<br />
r<strong>en</strong>dre sa copie avant le 30 janvier [http://culturesnomades.com]<br />
En Arles, on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des Voies Off pour mettre 2000 euros de prix dans sa bourse, dernier<br />
délai le 31 janvier [www.voies-off.com]<br />
À Aix, toujours de la photo, la Fontaine Obscure propose de plancher sur le thème<br />
migrations, limite ultime juin 2010 [www.fontaine-obscure.com]<br />
On <strong>en</strong> parlera sûrem<strong>en</strong>t dans <strong>Zibeline</strong>.<br />
C.L.<br />
Plumes d’ange<br />
Daniel Gastaud est peintre et photographe. Mais depuis 1997, il a troqué la peinture<br />
pour un matériau beaucoup plus volatile… Un fond de plumes blanches ou colorées collées<br />
sur Plexiglas dans lequel il incruste des projections photographiques, composant une œuvre<br />
sérielle sur la transpar<strong>en</strong>ce, l’évanesc<strong>en</strong>ce. Un hymne à la féminité, mystérieuse et sculpturale,<br />
à (re)découvrir à la galerie Huit à l’occasion de la manifestation Drôles de Noëls.<br />
M.G.-G.<br />
Continuum…<br />
Daniel Gastaud<br />
jusqu’au 4 janvier<br />
Galerie Huit, Arles<br />
06 82 04 39 60<br />
Sur les pas de César<br />
Une exposition (César, le Rhône pour mémoire au Musée départem<strong>en</strong>tal<br />
Arles antique) + une publication (un livre d’art sci<strong>en</strong>tifique plus qu’un<br />
catalogue) + un itinéraire touristique et culturel (Sur les pas de César<br />
proposé par le Comité régional de tourisme)... Ces «fragm<strong>en</strong>ts de<br />
mémoire» aiguis<strong>en</strong>t la curiosité du public invité à faire étape dans 11 villes,<br />
27 musées d’archéologie et d’histoire et 19 sites gallo-romains, du Rhône<br />
à la Méditerranée… Même les inconditionnels de l’art contemporain seront<br />
bluffés par l’exposition qui intègre le regard critique de l’artiste Mark Dion<br />
sur le musée, ses collections et le travail des archéologues.<br />
M.G.-G.<br />
César, le Rhône pour mémoire<br />
Musée départem<strong>en</strong>tal Arles antique<br />
jusqu’au 19 septembre 2010<br />
www.arles-antique.cg13.fr<br />
Nocturnes-Sans titre#1<br />
© Mireille Loup<br />
Sur les pas de César © Musée archéologique Fréjus
Ligne de crete, Mario Prassinos © X-D.R<br />
29<br />
Ligne de crête<br />
Mario Prassinos disait souv<strong>en</strong>t à propos des Alpilles «ce pays me dissèque<br />
l’âme». Installé à Eygalières sur un coup de cœur qui dura de 1951<br />
au 23 octobre 1985, date de sa mort, l’artiste a <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>u une liaison<br />
particulière avec le paysage jusqu’à annoter sur son électrocardiogramme<br />
«mon cœur dessine le profil des collines»…<br />
À Aubagne, la Chapelle des Pénit<strong>en</strong>ts noirs fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre battre son cœur<br />
à travers une série d’œuvres sur papier, Les Alpilles,<br />
où la colline et le ciel ne font qu’un.<br />
M.G.-G.<br />
Ligne de crête<br />
Mario Prassinos<br />
jusqu’au 21 février<br />
Chapelle des Pénit<strong>en</strong>ts Noirs, Aubagne<br />
04 42 18 19 15<br />
L’art du trader<br />
Cédric Mnich connaît bi<strong>en</strong> le domaine de la finance et de ses marchés. Il y travaille.<br />
Et <strong>en</strong> dehors de ses heures de boulot, il t<strong>en</strong>te une réflexion personnelle pour construire<br />
une esthétique inspirée des icônes d’un milieu dont il condamne les excès.<br />
Greed Brothers est une de ses allusives fictions. Il faut aussi savoir investir dans l’art.<br />
Dans la foulée l’expo suivante sera collective et sur le dessin, qui a de plus <strong>en</strong> plus la côte.<br />
C. L.<br />
Batim<strong>en</strong>t de surveillance des crues, Saleilles, 2009 © Philippe Domergue<br />
Santons sur l’appui<br />
Bernard Plasse plaiderait-il subitem<strong>en</strong>t pour un art odieusem<strong>en</strong>t non contemporain, de surcroît<br />
réputé bi<strong>en</strong> ringard ? Est-ce un retour à la tradition de fin d’année, Noël, crèche et navettes ?<br />
Ou bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> période de crise, une possible reconversion ? Au vu des artistes invités, la démarche<br />
au pied d’argile échappe au traditionnel lourdaud : J.J. Ceccarelli, F. Clavère, A. Domagala,<br />
P. Klem<strong>en</strong>siewicz, Mijares, S. R<strong>en</strong>o, L. Septier… C’est comme vous le santon.<br />
C.L.<br />
In greed we trust/ En la cupidité nous croyons<br />
Cédric Mnich<br />
jusqu’au 2 janvier<br />
Dessine-moi…<br />
jusqu’au 27 février<br />
Saffir, galerie nomade, Marseille<br />
06 03 40 76 92<br />
www.saffirgaleri<strong>en</strong>omade.blogspot.com Buy<br />
© Cedric Mnich<br />
Faux semblants<br />
Les galeries Martagon (Malaucène) et Annie Lagier (L’Isle sur la Sorgue) propos<strong>en</strong>t<br />
une sélection commune de photographes jouant avec les appar<strong>en</strong>ces de l’image<br />
et ses multiples mirages : P. Domergue, C. Fuillet, J-C Guillaumon, M-F. Lejeune, F. Nakache,<br />
B. Pras, G. Rousse, H. Ufr<strong>en</strong>, W. Skonieczny, H. Silvester. La photo ne dévoile pas (toute)<br />
la vérité. Édition d’un portfolio de dix images format carte postale.<br />
C. L .<br />
Illusions photographiques<br />
jusqu’au 3 janvier<br />
www.galeriemartagon.com<br />
www.galerieannielagier.com<br />
Santons<br />
jusqu’au 3 janvier<br />
Galerie du Tableau, Marseille<br />
04 91 57 05 34<br />
http://galeriedutableau.free.fr<br />
Santon diable
30 CINÉMA AFLAM | FESTIVAL TOUS COURTS<br />
Que reste-t-il de nos espoirs ?<br />
Cette interrogation hante<br />
la plupart des films<br />
sélectionnés par AFLAM<br />
pour la semaine du cinéma<br />
algéri<strong>en</strong> qui s’est déroulée<br />
du 1 er au 6 décembre,<br />
aux Variétés<br />
En ouverture, deux films de Merzak Allouache,<br />
Omar Gatlato (1976) et Harragas<br />
(2009).<br />
1976 : une déc<strong>en</strong>nie après la libération<br />
de l’Algérie. Déjà, on n’écoute plus les<br />
récits de guerre <strong>en</strong>jolivés des anci<strong>en</strong>s<br />
combattants comme l’oncle d’Omar ; le<br />
cinéma d’édification nationale né <strong>en</strong> 1958<br />
dans les maquis laisse place à des œuvres<br />
plus critiques. T<strong>en</strong>dresse amusée du réalisateur pour son<br />
personnage, un petit fonctionnaire d’état à la vie aussi étriquée<br />
que ses chemises cintrées. Omar, le macho, n’osera<br />
pas approcher Selma, la femme dont il est tombé amoureux<br />
à travers ses confid<strong>en</strong>ces, <strong>en</strong>registrées sur une cassette<br />
tombée par hasard <strong>en</strong>tre ses mains. Elle restera fantasme,<br />
voix dématérialisée. Babel Oued est surpeuplé, les salaires<br />
sont maigres, mais Alger rit, la bière coule aux terrasses des<br />
bistrots et Omar cache ses chaussettes trouées sous des<br />
bottes pointues.<br />
2009 : Harragas, qui signifie «brûleurs», film témoignage,<br />
-«message pour l’Algérie et l’Europe» a précisé le réalisateur-<br />
raconte une traversée d’Algéri<strong>en</strong>s qui fui<strong>en</strong>t leur pays<br />
au péril de leur vie. Le propos est fort mais les images trop<br />
léchées et les personnages un peu stéréotypées. À<br />
l’inverse, le premier court métrage de Rachid Bouchareb,<br />
Peut-être la mer, <strong>en</strong> 1982, met <strong>en</strong> scène deux <strong>en</strong>fants de<br />
Trop court les courts !<br />
Le Festival Tous Courts qui s’est t<strong>en</strong>u à Aix du 30<br />
novembre au 6 décembre a permis au public de découvrir<br />
les pépites de cette 27 e édition parmi les dix<br />
programmes de la compétition.<br />
On y a retrouvé des «habitués» : Blandine L<strong>en</strong>oir qui<br />
prés<strong>en</strong>te L’Honneur de Robert, tourné avec un téléphone<br />
portable, sans grand intérêt et Katell Quillévéré<br />
qui continue à filmer l’adolesc<strong>en</strong>ce. Olivier Smolders<br />
poursuit sa réflexion sur les rapports <strong>en</strong>tre les images et<br />
la mort ; son dernier opus, Petite anatomie de l’image, a<br />
suscité quelques réactions parmi le public de lycé<strong>en</strong>s :<br />
on peut éprouver une véritable nausée <strong>en</strong> le voyant disséquer,<br />
écarteler, kaléidoscoper, reproduire à l’infini,<br />
telles des fractales, les images des écorchés de cire du<br />
musée de La Specola, à Flor<strong>en</strong>ce.<br />
Les courts reflèt<strong>en</strong>t la viol<strong>en</strong>ce du monde comme Cold<br />
grove de Mihàly Schwechtie qui met <strong>en</strong> scène deux<br />
ados marginaux, <strong>en</strong> Hongrie, vivant d’expédi<strong>en</strong>ts ou La<br />
Virée du Croate Dalibor Matanic, qui a obt<strong>en</strong>u le Prix<br />
spécial du Jury. Métaphore de la viol<strong>en</strong>ce morale faite<br />
aux femmes irani<strong>en</strong>nes, Rough Cut de Firouzeh<br />
Khosrovani a obt<strong>en</strong>u le prix Cinécourts.<br />
Viol<strong>en</strong>ce de la condition humaine, de notre société de<br />
Bobigny, d’origine algéri<strong>en</strong>ne, qui rêv<strong>en</strong>t d’aller voir la mer<br />
«de là-bas qui est si chaude !».<br />
Regard distancé…<br />
Entre les deux, les échecs d’un régime autocratique, la<br />
montée de l’intégrisme, une déc<strong>en</strong>nie de terreur, crise<br />
économique et politique… et exil de quelques cinéastes,<br />
attachés à leurs racines qui port<strong>en</strong>t sur leur histoire et la<br />
société algéri<strong>en</strong>ne un regard distancé sans concession<br />
variant approches et registres. Les Sacrifiés d’Okacha<br />
Touita (1982) <strong>en</strong>tre farce et tragédie, dérange <strong>en</strong> évoquant<br />
les luttes fratricides des Algéri<strong>en</strong>s à Paris de 1955 à 1962.<br />
La comédie satirique Mascarades de Lyes Salem (2007)<br />
théâtralise les m<strong>en</strong>songes d’un fanfaron du bled. Les baies<br />
d’Alger premier court métrage de Hassan Ferhani (2007)<br />
pr<strong>en</strong>d de la hauteur pour filmer toits et f<strong>en</strong>êtres de la<br />
capitale et capter avec malice des bribes de conversation.<br />
profit et de consommation avec l’inquiétant Next Floor<br />
du Canadi<strong>en</strong>, D<strong>en</strong>is Vill<strong>en</strong>euve, primé par le Jury<br />
Jeunes. Viol<strong>en</strong>ce dans la famille avec Beast de Lars<br />
Ar<strong>en</strong>dt ou The Fireflies de la Russe Olga Shebunyaeva<br />
que nous raconte un jeune garçon de onze ans.<br />
Viol<strong>en</strong>ce de la perte de l’innoc<strong>en</strong>ce avec La Harde de<br />
Kathy Sebbah, une partie de chasse initiatique,<br />
superbem<strong>en</strong>t filmée, primé par Fujifilm. Viol<strong>en</strong>ce de<br />
l’adolesc<strong>en</strong>ce meurtrie et meurtrière dans Écho du<br />
La Virée © Zoran Mikinčič-Budin 2008<br />
Mascarades de Lyes Salem<br />
Femmes…<br />
Les figures féminines s’impos<strong>en</strong>t. Les<br />
tisseuses de tapis du village sud-oranais<br />
de La citadelle de Mohamed Chouikh,<br />
victimes de rites archaïques et humiliants.<br />
La jeune Touchia du Cantique des femmes<br />
d’Alger de Rachid B<strong>en</strong>hadj qui, <strong>en</strong> pleine<br />
fièvre intégriste <strong>en</strong> 1991, malgré les pressions,<br />
veut témoigner d’un viol subi le jour<br />
de la libération du pays, vingt ans auparavant.<br />
Et bi<strong>en</strong> sûr, Louisa dans Bled<br />
number one de Rabah Ameur Zaïmeche,<br />
bouleversante Meriem Serbah qui interprète<br />
un blues de Billie Holiday à l’asile de<br />
folles où l’ont m<strong>en</strong>ée le rejet de sa famille,<br />
l’impuissance de Kamel la France rev<strong>en</strong>u<br />
au bled, et son obstination à vouloir chanter<br />
malgré l’interdiction de son mari.<br />
En pleine ébullition<br />
Dans les matins dés<strong>en</strong>chantés rest<strong>en</strong>t les rêves <strong>en</strong>têtés<br />
des hommes et des femmes, la volonté de réaliser des<br />
films, d’interroger prés<strong>en</strong>t et passé, la pluralité des voix et<br />
des regards, la vitalité du désir des artistes comme on a<br />
pu le constater lors de la r<strong>en</strong>contre au Polygone Etoilé qui<br />
a réuni Farouk Beloufa, le réalisateur de Nahla et de<br />
jeunes créateurs, producteurs, organisateurs de R<strong>en</strong>contres<br />
et de Festivals <strong>en</strong> Algérie. Les échanges, passionnants,<br />
ont permis de dresser un état des lieux, d’évoquer les<br />
projets, écoles de cinéma, résid<strong>en</strong>ces d’artistes, les difficultés,<br />
les rapports des jeunes cinéastes avec leurs<br />
«anci<strong>en</strong>s» et les institutions.<br />
ÉLISE PADOVANI ET ANNIE GAVA<br />
Polonais Magnus Von Horn, où on assiste à la reconstitution<br />
du crime commis par deux garçons sur une<br />
jeune fille et à la confrontation avec ses par<strong>en</strong>ts :<br />
terrible! Le jury auquel participait Laur<strong>en</strong>t Lafran (voir<br />
ci contre) lui a attribué le Grand Prix.<br />
Le public, lui, a préféré un film plus léger au titre énigmatique,<br />
Bretelles, Pudding et Herbes Hautes de Simon<br />
Lahmani : dans un parc surréaliste, sur un banc vert,<br />
défil<strong>en</strong>t des anonymes qui confi<strong>en</strong>t leurs amours ou…<br />
leur mort. Le prix de la meilleure musique originale a été<br />
décerné à Ils se sont tus de K. B<strong>en</strong>aissa et S. Messaoud.<br />
Quant aux nouveaux prix des télévisions, ce<br />
sont L’Âge adulte de Pierre Daignière, tourné à<br />
Aubagne, et Beast de Lars Ar<strong>en</strong>dt qui les ont obt<strong>en</strong>us.<br />
Et les <strong>en</strong>fants ? Ils ont choisi Le petit Dragon de Bruno<br />
Collet, une variation autour de Bruce Lee, et une<br />
réflexion sur le dev<strong>en</strong>ir du jouet.<br />
ANNIE GAVA
Le 17 décembre à 20h00, le FIDMarseille et le cinéma<br />
Variétés propos<strong>en</strong>t le docum<strong>en</strong>taire d’Olivier Zuchuat,<br />
Au loin des villages. En avril 2006, 13 000 personnes de<br />
l’ethnie Dajo, survivants de la guerre du Darfour, se réfugi<strong>en</strong>t<br />
dans la plaine de Gouroukoun, à l’Est du Tchad, et y<br />
construis<strong>en</strong>t un camp. Olivier Zuchuat y a passé quelques<br />
mois et a filmé cette survie, donnant la parole aux réfugiés.<br />
La r<strong>en</strong>contre avec le réalisateur sera animée par Jean-<br />
Pierre Rehm, délégué général du FID<br />
04 95 04 44 90<br />
www.fidmarseille.org<br />
LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE<br />
Les R<strong>en</strong>dez-vous d’Annie<br />
Les mardis de la Cinémathèque propos<strong>en</strong>t, le 12 janvier, Landru de Claude Chabrol dont le scénario<br />
et les dialogues sont de Françoise Sagan avec Charles D<strong>en</strong>ner, Michèle Morgan, Danielle Darrieux,<br />
Stéphane Audran, Marie Marquet, Raymond Qu<strong>en</strong>eau et Jean-Pierre Melville. Le 19 janvier ce sera La<br />
Jeune fille de Buñuel.<br />
La Cinémathèque de Marseille<br />
04 91 50 64 48<br />
www.cinememoire.net<br />
Entre Sirk et Moretti<br />
L’Institut de l’Image d’Aix finit l’année 2009 avec Douglas Sirk puisque la<br />
programmation se poursuit jusqu’au 22 décembre ; l’occasion de (re)voir Celui<br />
par qui le scandale arrive, Elle et lui, La Fille sur la balançoire, Le Temps d’aimer et<br />
le temps de mourir et Tout ce que le ciel permet.<br />
L’année 2010 démarre avec Nanni Moretti. De Je suis un autarcique, tourné <strong>en</strong><br />
super 8 <strong>en</strong> 1975 à Le Caïman <strong>en</strong> 2006,<br />
Palombella rossa de Nani Moretti<br />
on pourra voir une douzaine de films<br />
de ce réalisateur pour qui «tout est<br />
politique, surtout ce qui est personnel».<br />
Chaque séance du samedi 16 janvier<br />
sera animée par Eug<strong>en</strong>io R<strong>en</strong>zi qui a<br />
été rédacteur aux Cahiers du cinéma et<br />
a publié Entreti<strong>en</strong>s avec Nanni Moretti<br />
(Editions des Cahiers du cinéma, 2008).<br />
04 42 26 81 82<br />
www.institut-image.org<br />
Au loin des villages d'Olivier Zuchuat<br />
Revoir l’année<br />
Du 20 au 26 janvier se ti<strong>en</strong>t le festival<br />
AFCAE - Télérama. Comme douze<br />
cinémas de la région, l’Alhambra Ciné<br />
Marseille vous donne l’occasion de voir<br />
les films que vous avez «loupés» ou que<br />
vous avez <strong>en</strong>vie de revoir : Welcome de<br />
Philippe Lioret, Harvey Milk de Gus<br />
CINÉMA<br />
31<br />
Le 17 décembre à 20h, l’association<br />
Cinépage propose au Cinéma Prado,<br />
à Marseille, Lettres d’Iwo Jima de Clint<br />
Eastwood, suivi d’un débat. Un film sur<br />
le débarquem<strong>en</strong>t des Américains au<br />
Japon, qui raconte les mêmes événem<strong>en</strong>ts<br />
que La Mémoire de nos pères,<br />
<strong>en</strong> adoptant le point de vue de soldats<br />
et d’officiers japonais.<br />
Cinépage<br />
04 91 85 07 17<br />
Le 20 décembre à 18h30, au Daki Ling, projection de En<br />
Catalogne, Pascal Comelade de Jean François Comminges,<br />
<strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec Videodrome et le GRIM.<br />
Daki Ling, le Jardin des Muses<br />
04 91 33 45 14<br />
www.dakiling.com<br />
Welcome de Philippe Lioret © Film Distributions<br />
Van Sant, Mary et Max d’Adam Elliot,<br />
Irène d’Alain Cavalier, Still walking de<br />
Hirokazu Koreeda, Les Herbes folles<br />
d’Alain Resnais, Vincere de Marco<br />
Bellocchio…<br />
Pour connaître le programme, contactez<br />
les salles de votre ville : à Aix, Le<br />
R<strong>en</strong>oir et Le Mazarin ; à Apt, le César ;<br />
à Briançon, l’Ed<strong>en</strong> Studio ; à Forcalquier,<br />
Le Cinématographe ; à Gardanne,<br />
Le 3 Casino ; à Manosque, le Lido ; à<br />
Nîmes, Le Sémaphore ; à Pertuis, Le<br />
Lubéron ; à Toulon, Le Royal ; à Vaison-la-Romaine,<br />
le Palace.<br />
Alhambra Ciné Marseille<br />
04 91 46 02 83<br />
www.alhambracine.com
32 CINÉMA STELLA | ICI | PORTRAIT DE LAURENT LAFRAN<br />
Un amour<br />
Si l’association MPPM n’a pu, <strong>en</strong> avril<br />
2008, faute de subv<strong>en</strong>tion suffisante,<br />
mettre <strong>en</strong> place le festival Reflets, elle<br />
n’a pas pour autant cessé ses activités.<br />
Un des derniers films qu’elle a prés<strong>en</strong>té<br />
<strong>en</strong> avant-première au cinéma Variétés le<br />
20 nov, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de son réalisateur,<br />
a été fort apprécié du public.<br />
À juste titre. Strella est <strong>en</strong> effet un film<br />
fort dérangeant, une véritable tragédie<br />
grecque. Panos H. Koutras ayant demandé<br />
qu’on ne déflore pas le sujet du<br />
film pour que les spectateurs arriv<strong>en</strong>t<br />
«vierges» à la projection, on n’<strong>en</strong> dira<br />
ri<strong>en</strong>… Cette histoire d’amour <strong>en</strong>tre Strella,<br />
une transsexuelle qui chante comme<br />
la Callas, et Yiorgos, qui vi<strong>en</strong>t juste de<br />
sortir de prison après quinze ans d’incarcération<br />
pour meurtre, r<strong>en</strong>voie aux<br />
mythes de la Grèce antique. Strella est<br />
interprétée magistralem<strong>en</strong>t par une<br />
jeune transsexuelle, Mina Orfanou,<br />
tout juste arrivée de Rhode : elle n’était<br />
allée que deux fois dans sa vie au cinéma<br />
et n’avait aucune idée de ce qu’était<br />
un tournage. Panos H. Koutras a eu<br />
du mal à trouver un acteur pour jouer le<br />
rôle de Yiorgos, les préjugés sur les<br />
transsexuels étant t<strong>en</strong>aces! C’est<br />
Yiannis Kokiasm<strong>en</strong>os, le mari de la<br />
monteuse des ses films précéd<strong>en</strong>ts,<br />
Strella de Panos H. Koutras © Orphee Emirzas<br />
qui, adorant le scénario, a accepté ;<br />
tout comme les autres acteurs du film,<br />
<strong>en</strong> particulier les transsexuels qui jou<strong>en</strong>t<br />
dans le film, il se donne corps et âme.<br />
La scène où Strella et Yiorgos s’accept<strong>en</strong>t<br />
physiquem<strong>en</strong>t est superbem<strong>en</strong>t<br />
éclairée, et d’une beauté troublante. Il<br />
est rare de voir des films grecs <strong>en</strong><br />
France. Laissez- vous déranger par<br />
celui-là !<br />
ANNIE GAVA<br />
E la nave va….<br />
Du 20 au 27 nov, l’Institut Culturel Itali<strong>en</strong><br />
de Marseille a prés<strong>en</strong>té comme<br />
chaque année un panorama de la production<br />
cinématographique itali<strong>en</strong>ne,<br />
<strong>en</strong> particulier les films primés au Festival<br />
d’Annecy. Prés<strong>en</strong>té par J. C. Mirabella,<br />
le film de Giuseppe Piccioni, Giulia non<br />
esce la sera est un film ambitieux, formellem<strong>en</strong>t<br />
réussi tant au niveau de la<br />
photographie que du montage et de<br />
l’interprétation. Alors pourquoi n’éprouve-t-on<br />
que peu d’émotion ? Peut-être<br />
parce que Piccione, abordant beaucoup<br />
de sujets, se disperse un peu : le film<br />
parle de la difficulté à communiquer, de<br />
l’éclatem<strong>en</strong>t de la famille, de l’impasse<br />
de la création, des difficultés de la maternité,<br />
de la solitude de l’être humain.<br />
Resteront de magnifiques scènes dans<br />
et au bord de la piscine, et la superbe<br />
interprétation de Valeria Golino.<br />
En revanche La Bella G<strong>en</strong>te, le deuxième<br />
film d’Ivano de Matteo prés<strong>en</strong>t à l’Institut,<br />
a un propos qui interpelle et r<strong>en</strong>voie<br />
chacun à sa propre hypocrisie. L’idée<br />
lui est v<strong>en</strong>ue lors d’une soirée chez des<br />
amis, intellectuels de gauche, qui discutai<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong>tre la poire et le fromage, de<br />
jeunes immigrées qui se prostituai<strong>en</strong>t<br />
tout près de leur maison de campagne.<br />
C’est ainsi que sont nés les<br />
NOM : Laur<strong>en</strong>t LAFRAN<br />
Profession : ingénieur du son<br />
Signes particuliers : passeur «politiquem<strong>en</strong>t concerné»<br />
Ce qui saute aux oreilles dès qu’on aborde Laur<strong>en</strong>t,<br />
c’est sa simplicité et son <strong>en</strong>vie de transmettre sa<br />
passion, l’amour de son métier… Peut-être parce des<br />
g<strong>en</strong>s l’ont un jour écouté, lui. Après des études un<br />
peu chaotiques, c’est l’amour de l’outil, du bricolage<br />
qui a sauvé Laur<strong>en</strong>t Lafran. «J’étais incapable de me<br />
conc<strong>en</strong>trer. Issu d’une famille de manuels, j’avais <strong>en</strong>vie<br />
de capter, d’écouter et c’est très jeune, dès 11/12 ans<br />
que j’ai comm<strong>en</strong>cé à faire des <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts.» En<br />
terminale, il fait le mur pour aller voir un film et, r<strong>en</strong>voyé<br />
de l’internat, il décide qu’il ne peut que réussir<br />
son bac pour ne pas revivre une année au lycée. Puis<br />
c’est un IUT d’électronique. Plus tard, il fait un DESS<br />
«écriture et réalisation». «C’est le cinéma qui m’a<br />
sauvé» dit Laur<strong>en</strong>t. Clin d’œil à François Truffaut ?<br />
De ces années-là, il ne garde pas de très bons souv<strong>en</strong>irs,<br />
mais c’est peut-être là qu’est née son <strong>en</strong>vie de<br />
transmettre sa passion aux publics les plus larges<br />
possibles. Ce qu’il a fait à St-Louis du Sénégal, à Alger,<br />
à Lussas, à des adultes, à de jeunes <strong>en</strong>fants. «J’ai plaisir<br />
à transmettre le travail sonore pour essayer d’ouvrir<br />
les yeux des oreilles !»<br />
Deux r<strong>en</strong>contres ont marqué son parcours : celle de<br />
Luci<strong>en</strong> Bertolina, co-fondateur du Groupe de Musique<br />
Expérim<strong>en</strong>tale de Marseille, qui l’a am<strong>en</strong>é, adolesc<strong>en</strong>t<br />
à la parole : «Il m’écoutait et j’ai appris à écouter et à<br />
Laur<strong>en</strong>t Lafran © Eric Catarina-Cinemed<br />
personnages de Susanna (Monica<br />
Guerritore) et Alfredo (Antonio Catania)<br />
: ils vont héberger Nadja, une jeune<br />
Ukraini<strong>en</strong>ne (Victoria Larchk<strong>en</strong>ko)<br />
qui se prostitue au bord de la route. Mais<br />
l’arrivée du fils et sa liaison avec la «pute»<br />
vont remettre Nadja sur la route… Le<br />
film n’a pas <strong>en</strong>core de distributeur <strong>en</strong><br />
France. Souhaitons à Ivano de<br />
Matteo d’<strong>en</strong> trouver un pour donne<br />
une chance à ce film qui le mérite.<br />
ANNIE GAVA<br />
La bella g<strong>en</strong>te © Franco Origlia<br />
faire de vraies phrases. Toi, tu as besoin du geste, m’at-il<br />
dit ! Il m’a tout appris <strong>en</strong> me laissant faire et <strong>en</strong> étant<br />
proche.»<br />
La deuxième r<strong>en</strong>contre charnière est celle de Malek<br />
Hamzaoui : il lui a permis de connaitre Robert Guédiguian<br />
et Humbert Balsan qui l’a fait travailler sur<br />
des films intéressants comme Les Equilibristes de<br />
Nikos Papatakis, Samia de Philippe Faucon, Interv<strong>en</strong>tion<br />
divine d’Elia Suleyman. «Avec Robert, c’est<br />
20 ans de collaboration et 13 films !».<br />
Laur<strong>en</strong>t est exigeant. C’est sa r<strong>en</strong>contre à Paris avec<br />
Pierre Schaeffer, Michel Chion et la musique<br />
concrète qui a transformé sa vision du son. «Il s’agit de<br />
mettre <strong>en</strong> scène des ambiances et pour qu’un ambiance<br />
soit montable, il faut qu’elle soit juste. Mais ce<br />
n’est pas une démarche naturaliste. Mon travail consiste<br />
à donner une retranscription du réel, à travers de la<br />
matière sonore.»<br />
Ses mom<strong>en</strong>ts d’émotion ? Quand il a <strong>en</strong>registré les<br />
grands acteurs comme Jean Marais, Michel Bouquet<br />
ou Michel Piccoli…<br />
Et son plaisir ? Réussir à accompagner le metteur <strong>en</strong><br />
scène jusqu’au bout de son projet. «Le film est une<br />
traversée ; on connaît l’itinéraire, un peu l’équipage mais<br />
pour le reste on ne sait ri<strong>en</strong> !»<br />
ANNIE GAVA
Noël à la Perrault !<br />
Pour les fêtes de fin d’année l’Opéra de Marseille affiche un<br />
délicieux conte de fée lyrique : C<strong>en</strong>drillon de Mass<strong>en</strong>et<br />
Non ! Ce n’est pas la C<strong>en</strong>er<strong>en</strong>tola de<br />
Rossini que Maurice Xiberras programme<br />
pour le «bout d’an» au théâtre<br />
lyrique de la Place Reyer, mais un opéra<br />
<strong>en</strong> français, égalem<strong>en</strong>t tiré du conte<br />
de Perrault ! C<strong>en</strong>drillon de Mass<strong>en</strong>et a<br />
connu un succès considérable après<br />
sa création <strong>en</strong> 1899. Depuis son passage<br />
à Marseille (<strong>en</strong> 1901 !), il n’y a<br />
jamais été rejoué ! L’œuvre connaît<br />
cep<strong>en</strong>dant un vif succès de par le monde,<br />
non seulem<strong>en</strong>t à cause de sa facture<br />
musicale émin<strong>en</strong>te (10 ans après Manon<br />
Mass<strong>en</strong>et était au sommet de son art),<br />
mais aussi de par l’intérêt que les metteurs<br />
<strong>en</strong> scène actuels trouv<strong>en</strong>t à<br />
revisiter le récit à la lumière de l’histoire<br />
contemporaine.<br />
C’est le cas du couple R<strong>en</strong>aud Doucet<br />
(mise <strong>en</strong> scène et chorégraphie) et<br />
André Barbe (décors et costumes)<br />
pour cette production de l’Opéra de<br />
Montréal. C’est que dans une société<br />
matérialiste mue par les appar<strong>en</strong>ces<br />
et le pouvoir de l’arg<strong>en</strong>t, la quête du<br />
Prince Charmant et du véritable amour<br />
demeur<strong>en</strong>t ! Face à des idées progressistes<br />
d’émancipation féminine <strong>en</strong><br />
particulier, la fascination pour les princes<br />
persiste, comme une posture ancrée<br />
dans les valeurs passées... On a hâte<br />
de découvrir notre héroïne <strong>en</strong>tourée<br />
d’appareils ménagers, symboles d’une<br />
société de consommation avide de progrès<br />
dans les années 1950, ses deux<br />
sœurs <strong>en</strong> fashion victims, ou la fée<br />
cathodique…<br />
Le rôle titre est t<strong>en</strong>u par une mezzo<br />
franco-canadi<strong>en</strong>ne très prometteuse,<br />
Julie Boulianne, alors que le Prince<br />
est chanté par le jeune ténor mozarti<strong>en</strong><br />
Frédéric Antoun. On a plaisir à<br />
retrouver égalem<strong>en</strong>t Marie-Ange Todorovitch<br />
et François le Roux dirigés<br />
par Cyril Diederich.<br />
JACQUES FRESCHEL<br />
C<strong>en</strong>drillon<br />
Les 23, 29 et 31 déc. à 20h<br />
et les 27 déc. et 3 janv. à 14h30<br />
Opéra de Marseille<br />
04 91 55 11 10<br />
www.marseille.fr<br />
Sommets belcantistes<br />
Au Tyrol, la vivandière Marie, <strong>en</strong>fant abandonnée, est<br />
recueillie par un régim<strong>en</strong>t français. Aimée du jeune paysan<br />
Tonio qui s’<strong>en</strong>rôle dans l’armée pour elle, La Fille du régim<strong>en</strong>t<br />
s’avère être <strong>en</strong> réalité celle d’une marquise ! Mais<br />
Julie Boulianne © D<strong>en</strong>is Kwan<br />
© F. Par<strong>en</strong>zan<br />
OPÉRA<br />
Pagnol à l’opéra<br />
MUSIQUE<br />
33<br />
On se souvi<strong>en</strong>t de la création marseillaise de Marius et Fanny<br />
de Vladimir Cosma avec Gheorghiu et Alagna. L’Opéra d’Avignon<br />
repr<strong>en</strong>d l’opus avec la seconde distribution de 2007<br />
Vladimir Cosma a composé des c<strong>en</strong>taines<br />
de musiques pour le cinéma ou<br />
la télévision. On a <strong>en</strong> mémoire les thèmes<br />
du Grand blond, de Rabbi Jacob,<br />
Diva, La Boum, L’As des as, La Gloire<br />
de mon père, Le Château de ma mère…<br />
Son unique opéra est mu, dès le lever<br />
du rideau, par une veine populaire.<br />
Au rythme cad<strong>en</strong>cé d’un cinq temps<br />
asymétrique, la foule se masse sur le<br />
Vieux-Port, aux pieds de grandes caisses<br />
de bois <strong>en</strong> partance pour des contrées<br />
exotiques… Le clocher des Accoules<br />
pointe <strong>en</strong>tre les mâts des navires dans<br />
le décor «couleur locale» de Dominique<br />
Pichou. Honorine ti<strong>en</strong>t son stand de<br />
poisson, Panisse et Escartefigue jou<strong>en</strong>t<br />
aux cartes, bi<strong>en</strong>tôt rejoints par Monsieur<br />
Brun. César (inénarrable Jean-Philippe<br />
Lafont) pique un «pénéqué», alors que<br />
Marius (Sébasti<strong>en</strong> Guèze), qui sert<br />
au Bar de la Marine… <strong>en</strong> pince pour la<br />
jolie Fanny (Kar<strong>en</strong> Vourc’h) !<br />
elle doit appr<strong>en</strong>dre les «bonnes manières» et choisir un<br />
parti aristocratique… L’histoire, délicieusem<strong>en</strong>t naïve, n’a<br />
d’autre pertin<strong>en</strong>ce que celle du divertissem<strong>en</strong>t. Son intérêt<br />
réside dans les qualités théâtrale et vocale de la soprano<br />
et le fameux air aux neuf contre-ut qui scella autrefois les<br />
succès d’Alfredo Kraus ou Pavarotti… et celui aujourd’hui<br />
de Juan Diego Florez ! Les abonnés nîmois profit<strong>en</strong>t de<br />
deux représ<strong>en</strong>tations de l’opéra le plus français de Donizetti,<br />
à Montpellier, dans une production du Teatro Verdi<br />
de Trieste, avec Monica Tarone et Manuel Nuñez Camelino.<br />
J.F<br />
La Fille du Régim<strong>en</strong>t<br />
Le 27 déc à 15h et le 29 déc à 20h<br />
Opéra Comédie de Montpellier<br />
(aussi les 3, 5 et 7 janv.<br />
dans le cadre de la saison montpelliéraine)<br />
Théâtre de Nîmes<br />
04 66 36 65 00<br />
www.theatred<strong>en</strong>imes.com<br />
Marius et Fanny - La partie de cartes © X-D.R<br />
La comédie s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>tale de Pagnol<br />
est adroitem<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>ue par des<br />
effets symphoniques légers et tournoyants,<br />
obstinés et percutants : le<br />
rire et le pathos sont au r<strong>en</strong>dez-vous!<br />
De surcroît, Marius et Fanny est un<br />
véritable opéra, avec une ouverture,<br />
du récitatif continu, des leitmotivs…<br />
et des ficelles de métier, comme des<br />
aigus judicieusem<strong>en</strong>t placés à l’issue<br />
des airs, quelque habile cad<strong>en</strong>ce a<br />
cappella et deux finals rondem<strong>en</strong>t<br />
conduits… De quoi susciter l’<strong>en</strong>thousiasme<br />
du public <strong>en</strong> Avignon !<br />
J.F<br />
Marius et Fanny<br />
Le 31 déc et 5 janv à 20h30<br />
et le 3 janv. à 14h30<br />
Opéra-Théâtre d’Avignon<br />
04 90 82 81 40<br />
www.mairie-avignon.fr<br />
Bis repetita<br />
Reprise de la nouvelle production de<br />
Carm<strong>en</strong> pour la fin 2009, un mois<br />
après les représ<strong>en</strong>tations de novembre<br />
(voir p.37). Le chef-d’œuvre<br />
populaire de Georges Bizet retrouve<br />
les planches de l’Opéra de Toulon<br />
avec ses grands airs : L’amour est <strong>en</strong>fant<br />
de Bohème par la mezzo-soprano<br />
Giuseppina Piunti, Toréador <strong>en</strong> garde<br />
par le baryton Franco Pomponi et La<br />
fleur que tu m’avais jetée par le ténor<br />
Roman Shulackoff !<br />
J.F<br />
Carm<strong>en</strong><br />
Les 29 & 31 déc. à 20h<br />
Opéra de Toulon<br />
04 94 92 70 78<br />
www.operadetoulon.fr
34 MUSIQUE CONCERTS<br />
Grands r<strong>en</strong>dez-vous<br />
L’année 2009 se termine à Aix par un<br />
concert clôturant la session d’hiver de<br />
L’Orchestre Français des Jeunes. La<br />
phalange dirigée par Kwamé Ryan,<br />
avec les fameuses Danses symphoniques<br />
de West Side Story et l’imposante<br />
2 e symphonie de Rachmaninov devrait<br />
une nouvelle fois faire la démonstration<br />
de son imm<strong>en</strong>se tal<strong>en</strong>t (le 22 déc).<br />
Au début 2010, Dominique Bluzet<br />
fixe trois r<strong>en</strong>dez-vous musicaux : <strong>en</strong><br />
sus de l’étrange spectacle musical et<br />
burlesque pour tout public Le Cabaret<br />
des Valises (le 15 janv, voir p 22), on<br />
att<strong>en</strong>d l’Hymne au soleil, concert conçu<br />
par les frères Belmondo (sax et trompette)<br />
réunissant le jazz à l’univers<br />
classique d’instrum<strong>en</strong>tistes de l’Orchestre<br />
de Radio France et revisitant Ravel<br />
ou Fauré (le 12 janv).<br />
C’est <strong>en</strong>fin un imm<strong>en</strong>se violoniste que<br />
l’on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans le Concerto de Beethov<strong>en</strong>.<br />
Augustin Dumay est accompagné<br />
par l’Orchestre National de Lille (dir.<br />
Jean-Claude Casadesus) qui interprète<br />
égalem<strong>en</strong>t L’Oiseau de feu de<br />
Stravinsky et Ma mère L’Oye de Ravel<br />
(le 19 janv).<br />
J.F.<br />
Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce, Aix<br />
Concerts à 20h30<br />
04 42 91 69 69<br />
www.legrandtheatre.net<br />
Nativité<br />
La tournée traditionnelle des Chants de Noël 2009 se poursuit à travers le départem<strong>en</strong>t des Bouchesdu-Rhône.<br />
Ce sont des chants sacrés de la Nativité au Liban, avec la soprano Ghada Ghanem accompagnée<br />
par Talal Haidar à l’oud ou au piano, l’atmosphère recréée des veillées itali<strong>en</strong>nes par la Compagnie la<br />
Zebra ou un Noël Jazz par Accoules Sax & Cie. C’est peut-être près de chez vous, dans différ<strong>en</strong>ts quartiers<br />
de Marseille, à Salon, Miramas, Port-Saint-Louis-du-Rhône, Velaux, Le Puy-Sainte-Réparade, Aix-<strong>en</strong>-<br />
Prov<strong>en</strong>ce, Fos-sur-Mer, Rousset, Martigues… et c’est gratuit !<br />
Chants de Noël du CG13 Jusqu’au 23 déc. Entrée libre.<br />
Programme complet sur www.cg13.fr<br />
Solstice<br />
Le festival Nuits d’Hiver s’achève à Montévidéo par<br />
des concerts déclinant le thème «La musique, le<br />
mot, la voix». Au m<strong>en</strong>u : des musiques improvisées,<br />
électro-rock, ou acoustique, percussions, DJ set,<br />
docum<strong>en</strong>taires… (voir p 41). Déjà mûr, le GRIM<br />
achèvera donc sa tr<strong>en</strong>tième année dans la r<strong>en</strong>contre<br />
de toutes les musiques expérim<strong>en</strong>tales, actuelles<br />
et improvisées… Ne manquez pas Louis Sclavis (le<br />
16 déc), Raymond Boni (le 17), Symblêma (le<br />
18) ou, pour conclure, le Bel Canto Orchestra qui<br />
joue avec Pascal Pomelade (le 21)…<br />
MARSEILLE. Jusqu’au 21 déc.<br />
04 91 04 69 59 - www.grim-marseille.com<br />
Louis Sclavis © Christophe Alary<br />
><br />
Baroque<br />
Les Festes d’Orphée interprèt<strong>en</strong>t la Pastorale sur la<br />
naissance de N.S.J.C. du grand Marc-Antoine Charp<strong>en</strong>tier<br />
et un Noël «pour l’année 1743» d’un maître<br />
provincial ayant œuvré à Toulouse et Rodez (à<br />
découvrir) : Bernard Aymable Dupuy. Les textes <strong>en</strong><br />
français sont déclamés «à l’anci<strong>en</strong>ne» et les instrum<strong>en</strong>ts<br />
(copies d’époque) sont accordés au diapason<br />
baroque.<br />
AIX. Le 20 déc. à 15h à l’Eglise du Saint Esprit<br />
04 42 99 12 12 - www.concertsdaix.com<br />
Bulgares<br />
Polyphonies et chants sacrés de Bulgarie par le<br />
quatuor vocal féminin Balkanes.<br />
LES BAUX DE PROVENCE. Le 26 déc. à 16h30 –<br />
Entrée libre<br />
JADE/Cie : 04 91 52 90 45<br />
Couple<br />
Emmanuelle Bertrand (violoncelle) et Pascal<br />
Amoyel (piano) s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à la scène comme à la<br />
ville. Ils s’étai<strong>en</strong>t produits avec succès, il y a sept<br />
ans (déjà !), à la Société de Musique de Chambre<br />
de Marseille. Ils ont depuis acquis des titres de<br />
noblesse et revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans un programme de<br />
belles Sonates peu jouées de Saint-Saëns, Brahms<br />
et celle, superbe, <strong>en</strong> sol mineur de Chopin… pour<br />
inaugurer le bic<strong>en</strong>t<strong>en</strong>aire de sa naissance <strong>en</strong> 1810 !<br />
MARSEILLE. Le 5 janv. à 20h30<br />
à la Faculté de Médecine.<br />
Espace culture - 04 96 11 04 60<br />
Orchestre national de Lille © X-D.R.<br />
Grèce<br />
Angélique Ionatos et Katerina Fotinaki mêl<strong>en</strong>t<br />
leur voix et les cordes de leur guitare dans une<br />
musique imprégnée des racines grecques, moderne,<br />
sur une poésie <strong>en</strong> français nourrie par les mots des<br />
grands poètes hellènes.<br />
BRIANÇON. Le 8 janv. à 20h30<br />
Théâtre Le Cadran.<br />
04 92 25 52 52 - www.theatre-le-cadran.eu<br />
Russie<br />
Jacques Chalmeau connaît bi<strong>en</strong> la Russie pour y<br />
avoir longtemps dirigé un orchestre. En janvier, à<br />
la tête de l’Orchestre du Pays d’Aix, il met à l’honneur<br />
Tchaïkovski, Borodine, Moussorgski et Stravinsky<br />
au Puy Sainte-Réparade (le 8 janv à 20h30), Fuveau<br />
(le 9 à 18h), Saint-Cannat (le 10 à 17h), Simiane<br />
(le 15 à 20h30), Aix (le 16 à 20h30 – GTP), Rognes<br />
(le 17 à 18h), Pertuis (le 22 à 20h30, Peyrolles (le<br />
23 à 20h30, Les P<strong>en</strong>nes Mirabeau (le 24 à 17h30),<br />
Peynier (le 29 à17h). L’Orchestre des Pays d’Aix,<br />
placé dorénavant sous la férule du Grand Théâtre de<br />
Prov<strong>en</strong>ce et non plus de l’association Aix <strong>en</strong> musique,<br />
continuera donc de rayonner <strong>en</strong> Pays d’Aix, pour y<br />
produire ces concerts gratuits, grand public, de<br />
qualité, qui démocratis<strong>en</strong>t la musique symphonique<br />
auprès d’habitants désormais habitués à la visite…<br />
Et qui se déplaceront <strong>en</strong>suite jusqu’au grand théâtre<br />
pour y voir d’autres formations ?<br />
PAYS D’AIX. www.agglo-paysdaix.fr<br />
Opérette<br />
Passionném<strong>en</strong>t est une comédie musicale peu connue<br />
qui marque le retour, dans les Années Folles, d’André<br />
Messager au g<strong>en</strong>re léger dont Véronique avait scellé<br />
le succès un quart de siècle plus tôt. La musique est<br />
toujours très soignée chez ce musici<strong>en</strong> qui possédait<br />
une sci<strong>en</strong>ce très fine de l’écriture. Le livret<br />
signé Maurice H<strong>en</strong>nequin et Albert Willemetz est basé<br />
sur une intrigue amoureuse franco-américaine sur<br />
fond de business et de yacht à Deauville…<br />
AUBAGNE. Le 10 janv. à 17h au Théâtre Comœdia<br />
04 42 18 19 88 - www.aubagne.com
Hommage à Barbizet<br />
On est heureux d’appr<strong>en</strong>dre deux choses ! D’une part que<br />
l’association Marseille concerts, après des années de<br />
sommeil, se réveille grâce aux baisers princiers et<br />
conjoints de la direction du Théâtre du Gymnase et du<br />
Conseil Général des Bouches-du-Rhône. D’autre part qu’un<br />
hommage nécessaire et impérieux sera r<strong>en</strong>du au pianiste,<br />
pédagogue et ex-directeur du Conservatoire de Marseille<br />
Pierre Barbizet.<br />
À l’occasion du 20 e anniversaire de sa disparition brutale<br />
le 19 janvier 1990, alors qu’un livre paraît à sa mémoire<br />
(voir p 46), qu’on att<strong>en</strong>d un coffret anthologique de la<br />
maison de disques Lyrinx et un DVD produit par Les Films<br />
du Soleil, on ne manquera pas les deux concerts prévus sur<br />
la scène marseillaise.<br />
Des anci<strong>en</strong>s élèves, proches, amis, musici<strong>en</strong>s, pianistes ou<br />
Clarinette<br />
Paul Meyer se joint à l’orchestre Philharmonique<br />
de Marseille pour le Concerto n°1 de Weber. Gabriel<br />
Chmura dirige égalem<strong>en</strong>t l’«ouverture fantaisie»<br />
Roméo et Juliette de Tchaïkovski et la Suite n°2 de<br />
L’Oiseau de feu de Stravinsky.<br />
MARSEILLE. Le 10 janv. à 17h à l’Opéra<br />
04 91 55 11 10 - www.marseille.fr<br />
Paul Meyer © X-D.R.<br />
><br />
compositeurs se succèd<strong>en</strong>t : Pierre Pradier, Anne-Marie<br />
Ghirardelli, Marie-France Arakelian, Christiane<br />
Berlandini, Philippe Rombi, Nicolas Mazmanian,<br />
Edouard Exerjean (le 17 janv. à 15h), Evelina Pitti,<br />
Nathalie et Fabrice Lanoë, Frédéric Aguessy, Ludovic<br />
Amadeus Selmi, Bernard D’Ascoli, Philippe Giusiano,<br />
Laur<strong>en</strong>t Korcia et Thuy Anh Vuong… on espère même<br />
retrouver Hélène Grimaud <strong>en</strong> pleine forme (le 19 janv.<br />
à 20h30).<br />
JACQUES FRESCHEL<br />
MARSEILLE<br />
Théâtre du Gymnase<br />
0820 000 422<br />
www.lestheatres.net<br />
Vingt ans !<br />
Bruno Carella dirige l’Orchestre de l’Opéra dans le<br />
Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy et la<br />
7 e symphonie de Beethov<strong>en</strong>. La toute jeune violoniste<br />
russe Alexandra Soumm (20 ans !) se joint à la phalange<br />
varoise pour le fameux Concerto de Sibelius.<br />
TOULON. Le 14 janv. à 20h30 au Palais Neptune<br />
04 94 92 70 78 - www.operadetoulon.fr<br />
National<br />
A 23 ans, Jean-Frédéric Neuburger est déjà une<br />
valeur sûre du piano français. Virtuose émérite ayant<br />
<strong>en</strong>registré dès 16 ans l’intégrale des Etudes de<br />
Chopin, a vu <strong>en</strong> quelques années sa carrière exploser.<br />
On le retrouve pour un «Week-<strong>en</strong>d Musique française»<br />
au Méjan dans Ravel et Messia<strong>en</strong> <strong>en</strong> solo (le<br />
15 janv. à 20h30) et <strong>en</strong> formation de chambre<br />
pour Debussy et Chausson (le 17 janv. à 11h).<br />
ARLES. Chapelle du Méjan.<br />
04 90 49 56 78 - www.lemejan.com<br />
Vivaldi ?<br />
Les six Sonates op.13 d’«Il pastor fido» de Nicholas<br />
Chédeville, attribuées à tort à Vivaldi, sont jouées<br />
par Jean-Louis Beaumadier (piccolo) et le Concert<br />
Buffardin : Hervé Issartel (Basson), Christine<br />
Lecoin (clavecin), Catherine Villard (violoncelle)<br />
et Alexandre Regis (percussions) pour un de ces<br />
concerts intimes de Musique de chambre au Foyer.<br />
MARSEILLE. Le 16 janv. à 17h à l’Opéra<br />
04 91 55 11 10 - www.marseille.fr<br />
«Patkop»<br />
Dernièrem<strong>en</strong>t, la presse allemande s’est emballée pour elle : «son jeu est une gifle pour les nouvelles<br />
violonistes sur papier glacé» a-t-on lu dans Die Welt. Le phénomène Patricia Kopatchinskaja (surnom<br />
«Patkop» !) touche désormais la France ! Avec le pianiste turc Fazil Say, autre électron libre du circuit<br />
musical, la violoniste noue des li<strong>en</strong>s privilégiés. On les retrouve <strong>en</strong> duo dans la Sonate « A Kreuzer » de<br />
Beethov<strong>en</strong>, les Danses folkloriques roumaines de Bartok, la Sonate n°2 de Ravel et l’opus 7 de Say<br />
(himself !).<br />
AVIGNON. Le 12 janv. à 20h30<br />
Opéra-Théâtre<br />
04 90 82 81 40- www.mairie-avignon.fr<br />
><br />
35<br />
Pierre Barbizet © X-D.R<br />
1685<br />
Après une confér<strong>en</strong>ce «Nés la même année…1685»<br />
(le 13 janv. à 17h à la Bibliothèque l’Alcazar à<br />
Marseille) par les musici<strong>en</strong>s de l’<strong>en</strong>semble Baroques<br />
Graffiti, un cycle sur Bach, Ha<strong>en</strong>del et Scarlatti<br />
débutera par des Sonates du Kantor de Leipzig.<br />
Sharman Plesner (violon) et Jean-Paul Serra<br />
(pianoforte) se produiront à Marseille, Aix et Arles<br />
pour ce premier volet.<br />
AIX. Le 14 janv. à 18h & 20h30<br />
au Musée des Tapisseries.<br />
MARSEILLE. Le 15 janv. à 20h30<br />
à la Villa Magalone.<br />
ARLES. Le 22 janv. à 20h<br />
au Temple réformé.<br />
Jean-Louis Beaumadier © X-D.R.
36 MUSIQUE CONCERTS<br />
Quand le sonore<br />
s’honore…<br />
Une œuvre du répertoire telle que la Symphonie<br />
pastorale de Beethov<strong>en</strong> est tant de fois <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due<br />
qu’elle nécessite une interprétation exceptionnelle.<br />
Celle de l’orchestre de Montpellier, sans être terne,<br />
fut simplem<strong>en</strong>t agréable : le pupitre des cordes,<br />
démesuré par rapport aux bois, rompait un peu<br />
l’équilibre d’<strong>en</strong>semble, malgré les belles couleurs<br />
d’orchestre trouvées par Cristian Mandeal dans le<br />
3e mouvem<strong>en</strong>t, sonorités champêtres, à l’image de<br />
l’esprit de l’œuvre.<br />
Et Nicholas Angelich <strong>en</strong>tra <strong>en</strong> scène ! Le pianiste,<br />
avant même d’attaquer les premières notes du<br />
premier concerto pour piano de Brahms, mit<br />
l’orchestre à son diapason. L’énergie du premier<br />
mouvem<strong>en</strong>t, toute <strong>en</strong> fragilité, se cristallisa sous<br />
ses mains et absorba <strong>en</strong> son c<strong>en</strong>tre le reste de<br />
l’<strong>en</strong>semble ! L’adagio, avec ses mélodies acérées, à<br />
la limite de la rupture avec l’accompagnem<strong>en</strong>t,<br />
permit au pianiste d’étaler l’ét<strong>en</strong>due de sa palette<br />
sonore. Le maître inv<strong>en</strong>ta de nouveaux timbres,<br />
indicibles. Le bis, «le poète parle» de Schumann<br />
subjugua l’auditoire ! L’espace d’un instant le temps<br />
se mua <strong>en</strong> éternité…<br />
CHRISTOPHE FLOQUET<br />
Nicholas Angelich © Stephane de Bourgies<br />
Le combat des chefs<br />
Le quatuor Ebène défiait Beethov<strong>en</strong> dans l’<strong>en</strong>ceinte<br />
bondée du GTP. Chocs de matériaux ! Quand le bois<br />
noir et dur de l’ébène, du quatuor éponyme, se<br />
frotte à la minéralité des quatuors 7 et 14 de<br />
Beethov<strong>en</strong>, le résultat est sans appel : d’une<br />
brutalité cristalline et d’une t<strong>en</strong>dresse abrupte.<br />
L’homme de Bonn semble avoir délaissé dans ces<br />
pièces aux arêtes saillantes sa plume au profit du<br />
poinçon pour marquer du sceau de la modernité<br />
l’histoire du g<strong>en</strong>re. Les mélodies diatoniques,<br />
éparses, viol<strong>en</strong>tées par les assauts barbares des<br />
archets, courbèr<strong>en</strong>t l’échine, plièr<strong>en</strong>t sans rompre<br />
pour former un maillage d’une int<strong>en</strong>sité rare. Le<br />
quatuor, vif, complice, impétueux, délicat, fit<br />
sourdre tout l’univers schizoïde du compositeur<br />
allemand. La texture contrapuntique complexe du<br />
quatuor <strong>en</strong> ut dièse défila sous leurs doigts,<br />
sculptant l’espace sonore dans un ballet d’archets.<br />
Les deux œuvres du maître, sublimées par cette<br />
Vive l’opéra sans opéra<br />
(avec aussi, ceci dit) !<br />
L’opéra de Marseille a proposé des programmes pour<br />
le moins intéressants, hors opéra ! Côté musique de<br />
chambre au foyer (le 21 nov), les Musiques Latines<br />
pour voix et quatuor à cordes ; et côté Philharmonique,<br />
deux concerts mémorables : les suites 1 et<br />
2 adaptées de l’Arlési<strong>en</strong>ne de Bizet et la Symphonie<br />
Fantastique de Berlioz le 29 nov, et un programme<br />
itali<strong>en</strong> le 11 déc, respectivem<strong>en</strong>t sous la direction<br />
de Jean-Claude Casadesus et Claudio Scimone.<br />
L’irréprochable ténor Marc Terrazzoni l’avait annoncé<br />
: la soprano Garance Castanié, le Quatuor du<br />
Parvis et lui-même n’ont pas toujours l’occasion<br />
d’aborder un répertoire directem<strong>en</strong>t inspiré du folklore<br />
espagnol : les extraits de Zarzuelas de Torroba,<br />
Pablo Luna et Zorozábal fur<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant exécutés<br />
avec panache ! On reti<strong>en</strong>dra l’interprétation passionnée<br />
d’un extrait des Goyescas de Granados. Garance<br />
Castanié balançant parfois quant au ton à adopter,<br />
particulièrem<strong>en</strong>t difficile à trouver pour une interprète<br />
féminine : tantôt imprégné de musique populaire,<br />
tantôt très proche de l’opéra.<br />
Les Concerts Philharmoniques n’ont pas non plus déçu:<br />
quel plaisir d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre l’Arlési<strong>en</strong>ne aussi bi<strong>en</strong> m<strong>en</strong>ée!<br />
Que de sourires à l’<strong>en</strong>tracte, après la conclusion <strong>en</strong><br />
canon de la Marche des rois ! On fut égalem<strong>en</strong>t terrassés<br />
par la force de la Symphonie Fantastique.<br />
Quelques décalages dans les ral<strong>en</strong>tissem<strong>en</strong>ts et un<br />
certain manque de netteté dans les aigus côté violons,<br />
notamm<strong>en</strong>t ? Mais les montées d’int<strong>en</strong>sité fur<strong>en</strong>t<br />
r<strong>en</strong>dues à merveille par la puissance de Casadesus.<br />
La direction de Claudio Scimone, plus fantaisiste,<br />
s’est avérée brillante, malgré une certaine prise de<br />
risques. On fut étonné, lors de l’exécution du Concerto<br />
pour mandoline de Vivaldi, de ne le voir accorder que<br />
quelques regards au soliste Ugo Orlandi. On ne<br />
constata cep<strong>en</strong>dant pas de décalages ! Sans doute<br />
grâce à la cohésion de l’Orchestre Philharmonique,<br />
moins étoffé que deux semaines auparavant, qui<br />
s’est admirablem<strong>en</strong>t prêté au jeu. Il s’est un peu per-<br />
Quatuor Ebène © Juli<strong>en</strong> Mignot<br />
interprétation lumineuse, brill<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core dans<br />
l’<strong>en</strong>ceinte cristalline du Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce.<br />
CHRISTOPHE FLOQUET<br />
du, et on le compr<strong>en</strong>d, dans certains passages du<br />
Concerto pour Clavecin de Galuppi. L’interprétation,<br />
au clavier cette fois, de Claudio Scimone, s’avérait<br />
très pertin<strong>en</strong>te mais laissait peu de repères ! Admirable<br />
dans le baroque tout comme dans Boccherini<br />
et Cimarosa, le chef padouan a achevé le programme<br />
sur la Symphonie n°60 de Haydn, dite du Distrait,<br />
qu’il «interpréta», par <strong>en</strong>droits, <strong>en</strong> faisant mine de<br />
répondre au téléphone, de trop contempler sa<br />
violoniste… Ce plaisir évid<strong>en</strong>t et la complicité de<br />
l’Orchestre ont merveilleusem<strong>en</strong>t conclu le concert,<br />
et une année 2009 riche de bonnes surprises.<br />
SUSAN BEL<br />
Garance Castanié © X-D.R.
Une Carm<strong>en</strong> de plus...<br />
On ne prés<strong>en</strong>te plus l’opéra de Bizet tant il s’agit<br />
d’une œuvre lyrique parmi les plus jouées de par le<br />
monde. Sur le récit réaliste de Mérimée, drame passionnel<br />
se déroulant dans une Andalousie de carte<br />
postale, plus rêvée que réelle, le livret met <strong>en</strong> scène<br />
les contradictions de la passion et de la liberté, et<br />
le destin qui s’abat dans un final pathétique qui choqua<br />
le public lors de la première représ<strong>en</strong>tation <strong>en</strong><br />
1875.<br />
L’histoire peut paraître désuète, mais force est de<br />
constater que la musique n’a pas perdu sa saveur.<br />
Lors de la première de cette nouvelle production à<br />
l’opéra de Toulon, l’orchestre et les chœurs r<strong>en</strong>forcés<br />
pour l’occasion, réunis sous la baguette experte<br />
et pleine d’énergie de Giuliano Carella ont livré<br />
une version relevée de cette partition qui contrastait<br />
Romeo et prodige<br />
L’histoire de Roméo et Juliette est connue depuis le<br />
XVI e siècle, et bi<strong>en</strong> que magnifiée par Shakespeare<br />
il faut att<strong>en</strong>dre le XIX e siècle pour que l’œuvre devi<strong>en</strong>ne<br />
opéra : le mythe des amants éternels pr<strong>en</strong>d tout<br />
son s<strong>en</strong>s à l’époque Romantique où les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />
sont exaltés, et les compositeurs y trouv<strong>en</strong>t leur inspiration.<br />
Trois ouvrages se partag<strong>en</strong>t la scène : le<br />
Roméo et Juliette de Berlioz (1839), celui de<br />
Gounod (1867) et <strong>en</strong>fin Les Montaigu et Capulets de<br />
Vinc<strong>en</strong>zo Bellini sur un livret de Felice Romani<br />
d’après la pièce de Luigi Scevola.<br />
Cette tragédie lyrique <strong>en</strong> deux actes, représ<strong>en</strong>tée<br />
pour la première fois <strong>en</strong> 1830, s’inscrit dans la<br />
lignée du bel canto itali<strong>en</strong> : les mélodies sont simples,<br />
ornées par <strong>en</strong>droits, profondes.<br />
C’est dans une mise <strong>en</strong> scène aux décors et costumes<br />
évolutifs que cette nouvelle production a été créée<br />
<strong>en</strong> Avignon les 22 et 24 nov : Nadine Duffaut (mise<br />
<strong>en</strong> scène), Katia Duflot (costumes) et Emmanuelle<br />
Favre (décor) ont voulu que «des couleurs plus chaudes<br />
symbolisant des ruines r<strong>en</strong>aissance soi<strong>en</strong>t petit à<br />
petit recouvertes par l’univers du béton, jusqu’à ce que<br />
les toiles disparaiss<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t, remplacées par du<br />
béton <strong>en</strong>sanglanté…»<br />
Avec une distribution jeune et tal<strong>en</strong>tueuse, le jeu et<br />
la voix sublimes de Karine Deshayes interprétant<br />
Roméo, le drame a touché les cœurs jusqu’au bout,<br />
jusqu’à ce que «Le soleil se voile la face de douleur.<br />
Car jamais av<strong>en</strong>ture ne fut plus douloureuse que<br />
celle de Juliette et de son Roméo» (Shakespeare).<br />
Virtuose !<br />
Quelques jours plus tard, le 11 déc, c’est sous un tonnerre<br />
d’applaudissem<strong>en</strong>ts que s’est achevé le concert<br />
donné par l’Orchestre d’Avignon dans la grande<br />
salle du Tinel du Palais des Papes. Dans ce cadre<br />
somptueux fur<strong>en</strong>t jouées, <strong>en</strong> première partie, la<br />
Siegfried Idyll de Wagner, que le compositeur offrit<br />
à sa femme Cosima pour le Noël de l’année 1870,<br />
puis les Danses concertantes de Stravinski, créées<br />
<strong>en</strong> 1942 sous la direction du compositeur. De très<br />
belles œuvres, interprétées avec tal<strong>en</strong>t. Mais la<br />
seconde partie de soirée fut véritablem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>thousiasmante<br />
: le Concerto pour violon de Dvorak (1879)<br />
fut interprété avec fougue et brio par un jeune<br />
musici<strong>en</strong> tchèque, Pavel Sporcl : dans la salle, de nom-<br />
avec une mise <strong>en</strong> scène un peu statique, étriquée<br />
et manquant de théâtralité.<br />
Le constat est malheureusem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tique concernant<br />
la distribution vocale des deux rôles principaux:<br />
Giuseppina Piunti s’est acquittée de Carm<strong>en</strong> avec<br />
grâce mais sans l’audace nécessaire pour émouvoir<br />
l’auditoire tandis que Roman Shulackoff souffrait<br />
d’une diction très approximative du français qui r<strong>en</strong>dait<br />
les interv<strong>en</strong>tions de Don José inintelligibles et<br />
pénalisai<strong>en</strong>t ainsi la crédibilité du personnage. Heureusem<strong>en</strong>t<br />
les mélomanes pouvai<strong>en</strong>t se réjouir des<br />
seconds rôles dont la distribution était parfaite à<br />
l’image de la soprano Nathalie Manfrino éblouissante<br />
dans l’air de Micaëla au début du troisième<br />
acte.<br />
EMILIEN MOREAU<br />
breux lycé<strong>en</strong>s n’ont pu réprimer leur <strong>en</strong>thousiasme…<br />
qui s’ét<strong>en</strong>dit rapidem<strong>en</strong>t à l’<strong>en</strong>semble du public ! Le<br />
second bis qu’il donna confirma son tal<strong>en</strong>t et son<br />
son magnifique : les Caprices de Paganini ne pardonn<strong>en</strong>t<br />
pas, et font partie de ces rares pièces qui<br />
nécessit<strong>en</strong>t une grande virtuosité évid<strong>en</strong>te, mais<br />
qui ne se perd pas dans ses démonstrations. Pavel<br />
Bouquet romantique<br />
On dit souv<strong>en</strong>t que la musique conserve, que cette<br />
activité artistique <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t la jeunesse. À 82 ans,<br />
le chef d’orchestre Serge Baudo illustre l’adage.<br />
Certes, le geste n’a plus l’aisance d’antan, mais une<br />
direction pointilliste dans la 1 re symphonie de<br />
Beethov<strong>en</strong> s’est avérée, au final, d’une belle efficacité.<br />
L’Orchestre de l’Opéra de Toulon a dessiné<br />
avec clarté un matériel thématique empreint des<br />
vertus vi<strong>en</strong>noises, mais ouvrant des brèches dans<br />
l’esthétique classique. Pour ce travail estimable, les<br />
instrum<strong>en</strong>tistes ont recueilli une belle ovation… tout<br />
comme la pianiste Marie-Josèphe Jude après que<br />
les derniers accords du magnifique Concerto de<br />
Carm<strong>en</strong> a été jouée<br />
à l’opéra de Toulon<br />
les 27 et 29 nov<br />
et repris les 29 et 31 déc<br />
37<br />
© Frédéric Stephan<br />
© Cedric Delestrade-ACM-Studio<br />
Sporcl a trouvé <strong>en</strong> Avignon comme partout son<br />
public, et débute décidemm<strong>en</strong>t une belle carrière !<br />
CHRISTINE REY<br />
Schumann ont fini de résonner ! Son interprétation<br />
romantique, débarrassée d’alanguissem<strong>en</strong>ts parasites,<br />
a fait mouche, ainsi que dans l’émouvant<br />
Intermezzo op.118 n°2 de Brahms joué <strong>en</strong> bis.<br />
Quant au chambriste Siegfried Idyll wagnéri<strong>en</strong> placé<br />
<strong>en</strong> ouverture, <strong>en</strong> dépit d’une intimité avouée, il a<br />
sonné un peu froidem<strong>en</strong>t du fait d’une acoustique<br />
un brin sèche faisant se perdre <strong>en</strong> fond de scène les<br />
pupitres des v<strong>en</strong>ts.<br />
JACQUES FRESCHEL<br />
C’était au Palais Neptune<br />
le 3 déc. à Toulon
38 MUSIQUE CONCERTS<br />
Ha<strong>en</strong>del avait 20 ans<br />
L’Abbaye accueillait, <strong>en</strong> ce 43 e Festival,<br />
Martin Gester et une formation<br />
issue du Parlem<strong>en</strong>t de Musique qu’il<br />
dirige depuis 1990 : formation exceptionnelle,<br />
discographie étonnante. Un<br />
programme consacré au jeune compositeur<br />
aiguisant ses armes <strong>en</strong> Italie.<br />
Un premier Motet : O qualis de coelis<br />
sonus chanté par la soprano arg<strong>en</strong>tine<br />
Mariana Florès, rompue aux joutes<br />
baroques dans les Festivals les plus<br />
réputés (le redoutable Motezuma de<br />
Vivaldi à Mexico). Une voix souple,<br />
une vraie aisance dans les vocalises<br />
et les ornem<strong>en</strong>ts des passages Da Capo.<br />
Dans le Salve Regina, la soprano joue<br />
sur le mezza di voce avec beaucoup<br />
de s<strong>en</strong>sualité : note piano qui se r<strong>en</strong>force<br />
progressivem<strong>en</strong>t pour rev<strong>en</strong>ir à<br />
la nuance initiale, sur un magnifique<br />
tuilage des deux violons. L’accompagnem<strong>en</strong>t<br />
est réalisé par Gilone Gaubert<br />
et Caroline Gerber, violons, ainsi que<br />
par le continuo Patrick Langot, vio-<br />
loncelle, et Martin Gester lui-même à<br />
l’orgue positif.<br />
Les passages fugués ou plus homophones,<br />
les variations de nuances et<br />
de caractères, dans le concerto pour<br />
orgue qui suit, démontr<strong>en</strong>t la grande<br />
Question de cadres ?<br />
Brillante matinée aux couleurs de l’Europe ! L’<strong>en</strong>semble de<br />
chambre des Solistes du Pays d’Aix, sous la direction de Noël<br />
Cabrita dos Santos, a transporté le public de Simiane. Interprétation<br />
<strong>en</strong>levée du double concerto pour flûtes <strong>en</strong> ré mineur<br />
de Doppler, avec Jean Marc Boissière et Stéphanie Alvado,<br />
le maître et l’anci<strong>en</strong>ne élève, dans un même élan et une belle<br />
complicité : belles notes t<strong>en</strong>ues, et mêmes respirations aussi<br />
dans le superbe duo avec la harpe de Sylvie Laforge. Les thèmes<br />
se crois<strong>en</strong>t, se nou<strong>en</strong>t avec finesse, élégance. Sur la nappe<br />
sonore sout<strong>en</strong>ue par les cors et les violoncelles les flûtes<br />
papillonn<strong>en</strong>t, un bébé répond dans la salle de ses gazouillis,<br />
harmonie… La jeune concertiste Mi Yong Lee dialogue avec<br />
l’orchestre, virtuosité spirituelle, espiègle, jeu délié, belles<br />
cad<strong>en</strong>ces, pour le concerto n° 9 <strong>en</strong> mi bémol majeur de Mozart.<br />
Enfin, le violon de Jeanne Christie et le piano d’Evelina Pitti<br />
servai<strong>en</strong>t le concerto de M<strong>en</strong>delssohn écrit pour leurs instrum<strong>en</strong>ts<br />
avec la maîtrise d’artistes au sommet de leur art, cette<br />
pièce de jeunesse (composée à 14 ans !) à l’inspiration ard<strong>en</strong>te<br />
et emportée.<br />
Violoncellissime<br />
Boccherini, Schubert, Franck, Chopin, sonates, pour piano et<br />
violoncelle, introduction et polonaise <strong>en</strong> do majeur (opus 3)…<br />
Patrice Laré et Velitcha Yotcheva © X-D.R<br />
Mariana Florès © Marie-Emmanuelle Bretel<br />
qualité de ces musici<strong>en</strong>s. La deuxième<br />
partie démarre par une Suite pour orgue<br />
solo d’après des Ouvertures, extraits<br />
d’opéras et oratorios, et pièces pour<br />
clavier. Martin Gester semble aussi à<br />
l’aise au grand orgue qu’à l’orgue po-<br />
Programme ambitieux s’il <strong>en</strong> est ! Le pianiste Patrice Laré et<br />
la violoncelliste Velitcha Yotcheva ont accompli une remarquable<br />
performance, dans la belle salle voûtée du musée des<br />
Tapisseries. Même si, à quelques rares mom<strong>en</strong>ts, la fatigue se<br />
faisait s<strong>en</strong>tir, avec un son qui parfois blanchissait, les tal<strong>en</strong>tueux<br />
instrum<strong>en</strong>tistes ont captivé la salle : passages de haute<br />
virtuosité, doubles cordes du violoncelle, son délicat, fragile<br />
et sûr à la fois, dans un beau travail sur la chanterelle. Le courage<br />
d’un superbe rappel aux acc<strong>en</strong>ts d’Off<strong>en</strong>bach… un élan<br />
puissant qui a décl<strong>en</strong>ché une ovation plus que méritée. Le<br />
violoncelle dans tous ses états, annonçait le programme… nous<br />
<strong>en</strong> avons goûté les meilleurs…<br />
Décevant<br />
Comm<strong>en</strong>t avec de bons instrum<strong>en</strong>tistes et des partitions sublimes<br />
obt<strong>en</strong>ir un concert décevant ? C’est pourtant ce qui ressort<br />
de la prestation donnée le 28 nov dans la salle du Casino de<br />
Trets. Bi<strong>en</strong> sûr, la sourde inquiétude qui habite l’univers de<br />
Mahler était r<strong>en</strong>due s<strong>en</strong>sible, (quatuor <strong>en</strong> la mineur), ainsi que<br />
l’alternance de passion et de résignation du quintette <strong>en</strong> mi<br />
bémol majeur (op. 44) de Schumann, de même que les <strong>en</strong>volées<br />
échevelées tempérées par des notes fragiles au bord de l’épure,<br />
le velouté pailleté du quintette <strong>en</strong> fa mineur (op. 34) de Brahms.<br />
Mais la balance des sons étouffait les uns, déséquilibrait l’harmonie<br />
de l’<strong>en</strong>semble, faisait r<strong>en</strong>dre un son détimbré aux<br />
violons, isolait ce qui devait composer une unité sonore. Si<br />
bi<strong>en</strong> que malgré des interprètes d’exception (mais inégaux),<br />
El<strong>en</strong>a Nogaeva et Michel Bourdoncle au piano, Sophie Baduel<br />
et Michel Devert aux violons, François Baduel au violoncelle,<br />
Frédéric et Marie-Noëlle Sailly aux altos, le public est resté<br />
froid.<br />
Il serait sans doute judicieux d’aménager différemm<strong>en</strong>t les<br />
lieux pour de tels concerts : <strong>en</strong> musique le cadre acoustique<br />
n’est pas du décorum.<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Ces concerts ont été donnés les 15, 21 et 28 nov<br />
à Simiane, Aix et Trets,<br />
dans le cadre des Nuits Pianistiques<br />
sitif. Son jeu brillant (Corr<strong>en</strong>te) puis<br />
plus ret<strong>en</strong>u (Larghetto) fait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />
toutes les sonorités de cet instrum<strong>en</strong>t<br />
baroque. Une sonate à trois (deux violons,<br />
orgue positif et violoncelle)<br />
rappelle les Suites de danses : mouvem<strong>en</strong>t<br />
l<strong>en</strong>t dans l’esprit français, allegro<br />
fugué plus germanique et un allegro<br />
final séduisant, typiquem<strong>en</strong>t itali<strong>en</strong>.<br />
Les musici<strong>en</strong>s attaqu<strong>en</strong>t, piqu<strong>en</strong>t, phras<strong>en</strong>t.<br />
Puis le motet Gloria in excelsis deo<br />
exalte la foi <strong>en</strong> vocalises… Décidém<strong>en</strong>t<br />
la musique de Ha<strong>en</strong>del, toujours<br />
vivifiante, est un jet incessant d’énergie<br />
positive.<br />
YVES BERGÉ<br />
Le Parlem<strong>en</strong>t de Musique a joué<br />
Ha<strong>en</strong>del <strong>en</strong> Italie dans le cadre<br />
du 43 e Festival de Musique<br />
de Saint-Victor<br />
La Croix<br />
et la<br />
Manière<br />
C’est avec Haydn que s’est clôturé le<br />
Festival de Saint-Victor le 3 déc. Sous<br />
la baguette agile et investie du chef<br />
André Bernard, le Chœur Régional Vocal<br />
Prov<strong>en</strong>ce et l’Orchestre de Chambre<br />
de Toulouse ont donné les très att<strong>en</strong>dues<br />
Sept Dernières Paroles du Christ<br />
sur la Croix dans la forme oratorio,<br />
dernière mouture du compositeur.<br />
Homogène et d’un bon niveau, le<br />
quatuor de solistes a délivré avec<br />
émotion et spiritualité cette œuvre<br />
expressive du temps pascal. Comme<br />
un temps étiré et douloureux, les sept<br />
parties aux tempi calmes précédées<br />
par la psalmodie du chœur a cappella<br />
ont débouché avec maîtrise sur l’époustouflant<br />
tremblem<strong>en</strong>t de terre massif<br />
et puissant qui suit le dernier souffle<br />
du Christ.<br />
En préambule, la 104 e symphonie du<br />
père du g<strong>en</strong>re avait ouvert ce beau<br />
concert par de jolies couleurs malgré<br />
un certain manque de corps dans cet<br />
opus qui annonce Beethov<strong>en</strong>.<br />
Plébiscité par un auditoire nombreux<br />
et conquis, le Festival de Saint-Victor<br />
s’est ainsi conclu de manière<br />
éclatante.<br />
FREDERIC ISOLETTA
Voyage vers nous<br />
Le chœur de chambre les Elém<strong>en</strong>ts a<br />
fait voyager les 800 auditeurs des<br />
Salins au chœur de l’Europe C<strong>en</strong>trale<br />
Les Elem<strong>en</strong>ts © Michel Garnier<br />
Question de<br />
programmes !<br />
Poncifs…<br />
Avec la 8 e bi<strong>en</strong>nale internationale de Quintette à<br />
v<strong>en</strong>t, au GTP le 19 novembre, on att<strong>en</strong>dait un<br />
souffle d’originalité, d’inv<strong>en</strong>tivité, de création…<br />
Deux formations, inégales, le quintette à v<strong>en</strong>t de<br />
Marseille et le quintette Moragués se donnai<strong>en</strong>t la<br />
réplique, ou unissai<strong>en</strong>t leurs voix sur des<br />
arrangem<strong>en</strong>ts de Mozart, Schubert, M<strong>en</strong>delssohn,<br />
Bizet et Jean Français, seul compositeur moderne,<br />
dont les danses étai<strong>en</strong>t écrites véritablem<strong>en</strong>t pour<br />
le quintette à v<strong>en</strong>t. L’exécution irréprochable du<br />
quintette Moragués laissait le l’auditeur sur sa faim.<br />
Comm<strong>en</strong>t, avec tant de tal<strong>en</strong>t, peut-on se<br />
cont<strong>en</strong>ter de ressasser les mêmes partitions ? Quel<br />
intérêt que cette énième version de Carm<strong>en</strong> ? Ne<br />
serait-il pas plus intéressant et plus courageux de<br />
prés<strong>en</strong>ter et déf<strong>en</strong>dre des auteurs contemporains,<br />
de susciter des créations lorsqu’on bénéficie d’une<br />
r<strong>en</strong>ommée internationale ?...<br />
Sublimissime<br />
Le concert de clôture du festival, atypique, était<br />
donné à Meyreuil le 26 nov. Clara Kastler au piano,<br />
(un Steinway, les deux pianistes les emmèn<strong>en</strong>t sur<br />
toutes les routes du monde) accompagnait le<br />
quintette à v<strong>en</strong>t de Marseille. Cette formation qui<br />
avait tant déçu au GTP était transformée ! Un jeu<br />
précis, des sons veloutés, une interprétation<br />
<strong>en</strong>levée… dans le quintette pour piano, hautbois,<br />
clarinette, basson et cor. Puis, vint la magie des<br />
deux pianos : Hubert Woringer rejoignait sa<br />
part<strong>en</strong>aire sur scène avec une simplicité, un amour<br />
de la musique tangible… La romance (extraite de<br />
l’opus 17) de Rachmaninov, brillante, virtuose, et<br />
les tableaux d’une exposition de Moussorgski fur<strong>en</strong>t<br />
une démonstration de musicalité. Pas de concours<br />
de virtuosité mais une <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te subtile, un passage<br />
de relais, un dialogue. Au public clairsemé mais<br />
<strong>en</strong>thousiaste les artistes ont accordé un bis, le 3 e<br />
mouvem<strong>en</strong>t de la 3 e symphonie de Brahms. Un<br />
cadeau extatique.<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
L’Invitation au voyage était historique et partait de<br />
Schubert, Schuman et Brahms, pour aller vers Bartok,<br />
Dvorak, Stravinsky, et Ligeti. En comm<strong>en</strong>çant par<br />
des pièces romantiques profanes pour chœur, que<br />
l’on a peu l’habitude d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, les chœurs étant<br />
souv<strong>en</strong>t à cette époque associés à des répertoires<br />
religieux, tandis que les cycles de la musique<br />
profane vocale sont généralem<strong>en</strong>t pour solistes.<br />
Des pièces, donc, que les auditeurs n’avai<strong>en</strong>t pas<br />
forcém<strong>en</strong>t dans l’oreille et dont ils découvrir<strong>en</strong>t le<br />
lyrisme élégiaque, les couleurs sombres, les tourm<strong>en</strong>ts…<br />
magnifiquem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> relief par un<br />
<strong>en</strong>semble à la prononciation allemande limpide,<br />
dirigé par un chef qui sait faire surgir des voix<br />
chorales des nuances infinies…<br />
La deuxième partie, moins monochrome fit <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />
quelques merveilles à un auditoire emporté par<br />
Étrange concert que ce dernier programme des<br />
Festes d’Orphée autour d’Ha<strong>en</strong>del. Petit effectif :<br />
Guy Laur<strong>en</strong>t et Jean-Michel Hey à la flûte à bec,<br />
Annick Lassalle à la viole de gambe et Corinne<br />
Bétirac au clavecin. Le concert eut lieu dans la<br />
Chapelle de Sainte-Catherine, plus intimiste que<br />
l’Eglise Saint Laur<strong>en</strong>t dans laquelle l’<strong>en</strong>semble aura<br />
donné ses concerts flamboyants. Si l’on put<br />
apprécier l’interprétation brillante de la Chaconne<br />
<strong>en</strong> Sol Majeur ou de l’Harmonieux Forgeron au<br />
clavecin, et si la solidité de la basse continue fut<br />
évid<strong>en</strong>te, on tiqua quelque peu à l’écoute des<br />
39<br />
les acc<strong>en</strong>ts les plus contemporains… ce qui devrait<br />
<strong>en</strong>courager les programmateurs à se montrer moins<br />
frileux ! Les Elém<strong>en</strong>ts sav<strong>en</strong>t avec une sci<strong>en</strong>ce<br />
indéniable manier les techniques contemporaines<br />
de la voix, ses souffles, timbres, frottem<strong>en</strong>ts, percussions.<br />
Sublimes dans les Quatre chansons<br />
paysannes de Stravinsky, sorte de version conc<strong>en</strong>trée<br />
et plus t<strong>en</strong>dre de ses Noces ; époustouflants<br />
dans les Ligeti, qui posa sa Nuit comme un terme<br />
inouï à ce Voyage qui se conclut grâce à lui <strong>en</strong><br />
Hongrie : sur des terres lointaines, mais qui<br />
sonn<strong>en</strong>t comme un univers intérieur.<br />
A.F.<br />
Wagner rêveur !<br />
Dernière étape du cycle Musique et Poésie, initié par le Consul Général<br />
d’Allemagne : les Wes<strong>en</strong>donk Lieder de Wagner<br />
Il fallut une demi-heure au comédi<strong>en</strong> Michael<br />
Zugowski pour remettre <strong>en</strong> contexte la g<strong>en</strong>èse de<br />
l’œuvre, avec le romanesque dont il sait faire<br />
preuve: lors de son séjour <strong>en</strong> Suisse, Wagner s’était<br />
lié d’amitié avec les époux Wes<strong>en</strong>donk, et avait<br />
nourri malgré lui un «amour absolu», dit-il,<br />
pour Mathilde Wes<strong>en</strong>donk. Cette passion<br />
contrariée s’était conclue par la mise<br />
<strong>en</strong> musique par Wagner de poèmes<br />
de cette dernière. Deux de ces cinq<br />
Lieder fur<strong>en</strong>t réutilisés dans ce<br />
qu’il considéra comme son meilleur<br />
drame musical, Tristan et Iseult.<br />
Si l’on reconnait bi<strong>en</strong> la (lourde ?)<br />
vigueur mélodique du compositeur<br />
dans ses passages les plus <strong>en</strong>flammés,<br />
si les <strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>ts d’accords<br />
au piano par Nina Uhari (remarquable<br />
dans ce répertoire !) s’avèr<strong>en</strong>t<br />
par <strong>en</strong>droits démonstratifs, on<br />
découvre une finesse dans le<br />
traitem<strong>en</strong>t de l’att<strong>en</strong>te, de la<br />
rêverie ou même une sorte<br />
de douleur, peu com-<br />
Flûtes qui flott<strong>en</strong>t<br />
mune aux opéras wagnéri<strong>en</strong>s. Finesse très bi<strong>en</strong><br />
r<strong>en</strong>due par la mezzo colorature Christine Kattner,<br />
dont la voix particulière a su donner une âme à ces<br />
trois r<strong>en</strong>contres allemandes.<br />
SUSAN BEL<br />
Nina Uhari © X-D.R.<br />
sonates, trios ou de cette transcription du Concerto<br />
op 4 n°6 où les flûtes interv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t davantage. De<br />
nombreuses flottem<strong>en</strong>ts dans la justesse,<br />
notamm<strong>en</strong>t lorsque Jean-Michel Hey doublait Guy<br />
Laur<strong>en</strong>t à la tierce, plusieurs aspérités dans les<br />
aigus gâchai<strong>en</strong>t une musicalité visiblem<strong>en</strong>t au<br />
r<strong>en</strong>dez-vous et un travail plus que s<strong>en</strong>sible sur les<br />
subtilités de langage du compositeur. Quel<br />
dommage ! La sci<strong>en</strong>ce musicale manqua-t-elle ce<br />
soir-là d’un peu d’oreille ?<br />
S.B.
40 MUSIQUE CONCERTS<br />
Nuit de ouf !<br />
Inspirée par la Folle journée de<br />
Nantes de R<strong>en</strong>é Martin, La Folle Nuit<br />
du théâtre de Nîmes prés<strong>en</strong>tait une<br />
succession de cinq concerts d’une<br />
heure, échelonnés de 15h à minuit.<br />
Cette solution privilégiait un public<br />
large à défaut de combler une petite<br />
frange d’inconditionnels qui désirai<strong>en</strong>t<br />
une nuit complète, mais fur<strong>en</strong>t<br />
repus par deux quatuors, un quintette,<br />
des Nocturnes et autres pièces introspectives<br />
précédés d’une Ballade<br />
suivie de quelques Romances sans paroles<br />
le tout conclu par un concerto.<br />
Ouf !<br />
Sombre fut égalem<strong>en</strong>t la destinée des<br />
compositeurs romantiques à qui ce<br />
concert r<strong>en</strong>dait hommage sous le<br />
titre Génération 1810 : si la folie fit disparaître<br />
Schumann, c’est la maladie qui faucha deux génies<br />
précoces, Chopin et M<strong>en</strong>delssohn, au seuil de la<br />
quarantaine.<br />
C’est Shani Diluka qui révélait les acc<strong>en</strong>ts de révolte<br />
polonais et les échos de la poésie de Mickiewics<br />
dans un comm<strong>en</strong>taire figuraliste de la 4 e Ballade de<br />
Chopin, <strong>en</strong>cadrée par deux interprétations passionnées.<br />
Brigitte Engerer y répondait avec des pièces<br />
Tchèque Point<br />
Non, il ne s’agit pas de Rostropovitch qui jouait 20 ans plus tôt à Check Point<br />
Charly pour célébrer la réunification. Il s’agissait, au Méjan à Arles, de faire<br />
sonner une autre histoire, celle du peuple Tchèque à travers sa musique de<br />
chambre révélatrice d’une id<strong>en</strong>tité nationale sous les archets du Quatuor<br />
Kocian auquel se joignait ponctuellem<strong>en</strong>t le pianiste Praguois Ivan Klansky.<br />
Une soirée et une matinée suffir<strong>en</strong>t à poser les limites de la forme sonate au<br />
XIX e siècle et les solutions alternatives créées au XX e siècle sans sortir du<br />
système tonal. Fidèle au concept romantique, l’<strong>en</strong>semble à cordes transcrivit<br />
avec ferveur les épisodes du Quatuor n°1 «De ma vie» de Smetana, qui s’achève<br />
par trois accords de mi <strong>en</strong> pizzicato symbolisant la surdité tragique du<br />
compositeur. L’interprétation du 13 e Quatuor à cordes de Dvorak confirma cette<br />
s<strong>en</strong>sibilité aux acc<strong>en</strong>ts de Bohème.<br />
Le pragmatisme du Quatuor à cordes n° 1 de Janacek intitulé «Sonate à<br />
Kreutzer» <strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce à Tolstoï confirme un cheminem<strong>en</strong>t esthétique personnel<br />
mis <strong>en</strong> valeur par une gradation de l’inspiration des interprètes. Quant aux<br />
Quatuor et Quintette avec piano de Martinu, aux acc<strong>en</strong>ts Prokofievi<strong>en</strong>s, ils font<br />
parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre qu’il existe au milieu du XX e siècle une alternative à<br />
l’atonalité. Elle se matérialise par un contrepoint mouvant aux cordes, une<br />
utilisation de l’ostinato et du mouvem<strong>en</strong>t perpétuel agrém<strong>en</strong>té de motifs<br />
pianistiques asc<strong>en</strong>dants et desc<strong>en</strong>dants qui confèr<strong>en</strong>t un timbre chatoyant à<br />
l’<strong>en</strong>semble, conclu par des épisodes incisifs et tranchés ravissant le public.<br />
P-A HOYET<br />
du recueil des Harmonies poétiques et religieuses de<br />
Liszt au sein desquelles Funérailles sonnait le glas<br />
de la révolution hongroise.<br />
La Sérénade de Schubert transcrite par le virtuose<br />
Hongrois et quelques Romances sans paroles de<br />
M<strong>en</strong>delssohn apportai<strong>en</strong>t un peu de légèreté à<br />
l’image de la Fileuse évoquée par les doigts agiles<br />
de Diluka faisant néanmoins sonner Chopin sans<br />
ret<strong>en</strong>ue dans les Nocturnes et Valses. Concluant cha-<br />
Ces concerts ont eu lieu<br />
au Méjan à Arles<br />
les 11 et 13 déc<br />
Quatuor Kocian © X-D.R.<br />
Quatuor Voce © X-D.R.<br />
Vi<strong>en</strong>ne (deuxième manière)<br />
déclare forfait<br />
Les dieux de la tonalité l’ont tonné<br />
haut et fort : Scho<strong>en</strong>berg ne passera<br />
pas ce 29 nov au Méjan à Arles ! Les<br />
concessions accordées par Berg dans<br />
sa sonate op1 au sein de son irrésistible<br />
cheminem<strong>en</strong>t vers l’atonalité n’y<br />
feront ri<strong>en</strong>. Plus prosaïquem<strong>en</strong>t, c’est<br />
une parution conjointe et retardée du<br />
Livre-disque Berg-Schönberg par Jean-<br />
Louis Steuerman qui reporte le programme<br />
de ce concert au Printemps 2010.<br />
Les adeptes et les curieux se cont<strong>en</strong>teront<br />
de Beethov<strong>en</strong>, un autre Vi<strong>en</strong>nois<br />
(d’adoption), non moins révolutionnaire<br />
<strong>en</strong> son temps qui sonne le glas<br />
de la Marche funèbre intégrée à sa<br />
Sonate n° 12 sous le toucher lourd et<br />
implacable de Jean-Louis Steuerman.<br />
Encadrant cette page «sulla morte d’un<br />
Eroe», le jeu <strong>en</strong>levé de l’alerte rondo<br />
final conclut une oeuvre introduite par<br />
l’andante à variations et le Scherzo.<br />
Steuerman est honorable dans La Première<br />
Balladede Chopin qui décidém<strong>en</strong>t<br />
inspirera toujours le respect.<br />
Comm<strong>en</strong>cé avec la réc<strong>en</strong>te et cons<strong>en</strong>suelle<br />
sonate n°1 du Brésili<strong>en</strong> Ripper<br />
aux acc<strong>en</strong>ts postmodernes, le récital<br />
cune de ces séqu<strong>en</strong>ces, le Quatuor<br />
Voce prés<strong>en</strong>tait une pâte inspirée<br />
dans l’op 80 de M<strong>en</strong>delssohn à la fin<br />
très acrobatique. L’op 41 n°3 de Schumann<br />
nous a semblé moins convaincant<br />
dans l’alliage des tessitures. A 21h,<br />
préparé par La bénédiction de Dieu<br />
dans la solitude aux étranges harmonies<br />
Liszti<strong>en</strong>nes soulignées par<br />
Engerer, la communion musicale opérait<br />
dans le scherzo du quintette de<br />
Schumann avec Diluka. Dernière<br />
folie: c’est une Engerer héroïque qui<br />
a vaillamm<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>é Voce dans la<br />
transcription de l’accompagnem<strong>en</strong>t<br />
du Concerto <strong>en</strong> fa mineur de Chopin.<br />
Pas de bis ? Ouf !<br />
P.-A. HOYET<br />
La Folle Nuit<br />
a eu lieu au Théâtre de Nîmes<br />
le 5 déc<br />
se clôt avec Scriabine. Sa sonate n°5<br />
confirme l’inexorable (auto)destruction<br />
de la tonalité qui atteint son<br />
point de non retour dans le cumul des<br />
altérations et des chromatismes. Notre<br />
pianiste maîtrise les explosions sonores<br />
qui <strong>en</strong> résult<strong>en</strong>t et conclut avec<br />
malice sur une fin ouverte pleine de<br />
non-dits. Et si les dieux avai<strong>en</strong>t tort?<br />
P.-A. HOYET<br />
Jean Louis Steuerman © X-D.R.
Le contemporain<br />
est vivant !<br />
Les 15 ans de l’<strong>en</strong>semble Télémaque<br />
sont l’occasion d’une série de concerts<br />
exceptionnels. Entre le très beau<br />
succès de l’étonnant Desperate Singers<br />
et L’Appel des Sirènes (voir p 23),<br />
Raoul Lay et sa troupe se retrouvai<strong>en</strong>t<br />
le 26 nov à La Magalone avant de jouer<br />
aux Salins le l<strong>en</strong>demain. Ce soir-là,<br />
créations franco-hollandaises dans le<br />
cadre de la création de l’ECO (European<br />
Contemporary Orchestra), orchestre<br />
international perman<strong>en</strong>t destiné à la<br />
création musicale contemporaine, projet<br />
porté par Télémaque mais aussi<br />
l’Ensemble Musiques Nouvelles (Belgique)<br />
et l’Ensemble Ereprijs (Pays-Bas).<br />
Raoul Lay n’a pas d’égal pour prés<strong>en</strong>ter<br />
des œuvres complexes: sobriété,<br />
élégance, justesse de propos, clés ess<strong>en</strong>tielles<br />
qui r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t l’écoute plus<br />
aisée. En première partie, la création<br />
française du Capriccio pour violon<br />
solo de Marius Flothuis, compositeur<br />
hollandais (1914-2001) interprété par<br />
Yann Le Roux-Sèdes : couleurs impressionnistes,<br />
jeu s<strong>en</strong>suel de mystères et<br />
de contrastes, jet continu de gammes<br />
vibrantes et une révér<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> pizzicato.<br />
Suivait la pièce Maint<strong>en</strong>ant<br />
(création française), dernière pièce<br />
d’un triptyque : Voir, Ensemble, Maint<strong>en</strong>ant<br />
de Thierry Machuel, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce<br />
du compositeur, sur des textes du<br />
poète Guillevic ; cette évocation d’une<br />
fin de vie, <strong>en</strong>tre sagesse et apaisem<strong>en</strong>t,<br />
repose sur un questionnem<strong>en</strong>t<br />
perman<strong>en</strong>t, des sons susp<strong>en</strong>dus <strong>en</strong><br />
lignes lumineuses, remarquablem<strong>en</strong>t<br />
interprétés par la soprano Brigitte<br />
Peyré, élégiaque et grave, se jouant<br />
des états et des subtilités mélodiques<br />
avec beaucoup de grâce ; les musici<strong>en</strong>s<br />
font alterner passages graves et<br />
plages plus lyriques, avec de belles<br />
attaques, des finales soignées, d’une<br />
palette sans failles : une très belle<br />
œuvre. On retrouvait Yann Le Roux-<br />
Sèdes dans Un cuadro de Yucatan<br />
pour violon solo (création française)<br />
du jeune compositeur hollandais Joey<br />
Rouk<strong>en</strong>s : œuvre jubilatoire, brillante,<br />
© Agnès Mellon<br />
mélange de styles, <strong>en</strong>tre pop, formules<br />
répétitives, variations très baroques,<br />
chants d’oiseaux… Pétillant !<br />
La seconde partie était consacrée au<br />
chef-d’œuvre d’Arnold Scho<strong>en</strong>berg :<br />
le Pierrot Lunaire (1912). Le charme<br />
et l’interprétation de Brigitte Peyré<br />
r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t toute la s<strong>en</strong>sualité de la langue<br />
allemande ainsi que l’ironie et la<br />
morbidité des textes, tandis que le<br />
quintette instrum<strong>en</strong>tal expressif et<br />
complice traduit toute la force des<br />
poèmes de Giraud traduits par Hartleb<strong>en</strong>.<br />
Si la technique du Sprechgesang<br />
(mélodie parlée) révolutionna l’écriture<br />
du chant, Brigitte Peyré,<br />
colombine lunaire et sombre, alterne<br />
avec intellig<strong>en</strong>ce, voix parlée, chuchotée,<br />
déclamée, ou intonations plus<br />
appuyées, presque chantées. Le parti<br />
pris de faire dire les textes avant<br />
l’écoute musicale est intéressant.<br />
Mais par l’interprète elle-même ? Une<br />
autre voix aurait permis sans doute<br />
une vraie respiration pour la musici<strong>en</strong>ne-diseuse.<br />
Le concert, émouvant<br />
et original, est accueilli très chaleureusem<strong>en</strong>t.<br />
De l’héritage (Scho<strong>en</strong>berg)<br />
au prolongem<strong>en</strong>t (Rouk<strong>en</strong>s) : un beau<br />
tremplin pour édifier cet European<br />
Contemporary Orchestra.<br />
YVES BERGÉ<br />
Passion au Grim<br />
Après la confér<strong>en</strong>ce de Dominique Salini Les voix de femmes<br />
dans le bassin méditerrané<strong>en</strong>, le Festival Nuit d’Hiver du<br />
Grim accueillait La Tromba. L’occasion de découvrir toute<br />
l’énergie de Marie Salemi dans des chants itali<strong>en</strong>s, sicili<strong>en</strong>s,<br />
séfarades, macédoni<strong>en</strong>s, occitans : une palette de folie verbale<br />
(Tar<strong>en</strong>telle, chansons des brigands) et de mélancolie<br />
plaintive (Berceuse), quel <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t ! Les musici<strong>en</strong>s sont<br />
plus que des accompagnateurs. Ils souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, improvis<strong>en</strong>t,<br />
dialogu<strong>en</strong>t, déroul<strong>en</strong>t des phrases brillantes (David<br />
Rueff, saxo baryton et alto joués <strong>en</strong> même temps !) ou<br />
plus nostalgiques : le partage est perman<strong>en</strong>t. Une musique<br />
qui puise dans les racines et les traditions locales, pour un<br />
groupe qui n’a que 4 mois d’exist<strong>en</strong>ce !<br />
On att<strong>en</strong>dait <strong>en</strong>suite Jacky Micaelli, la voix de la Corse<br />
pour une boucle féminine réjouissante. Malade, elle a été<br />
41<br />
Lettres Electro-Persanes<br />
Fanfare marseillaise, La Banda du Dock déploie une très grande énergie avec<br />
son <strong>en</strong>semble très cuivré. Composée de 18 musici<strong>en</strong>s (v<strong>en</strong>ts, percussions, basse)<br />
elle a ouvert la soirée musicale qui clôturait les R<strong>en</strong>contres d’Averroès. Le<br />
répertoire est fait de ré-arrangem<strong>en</strong>ts de tubes passés à la «moulinette infernale»<br />
de la Banda et aussi de compositions : musique Sud-américaine, AC/DC, Rage<br />
against the machine... Mickael Jackson est égalem<strong>en</strong>t re-joué avec son Thriller,<br />
porté par un mégaphone, et permet de chauffer de façon originale le grand hall<br />
du Dock des Suds.<br />
Vint <strong>en</strong>suite le quartet Istanbul Session. Ihlan Er ahin le saxophoniste et leader<br />
du groupe a invité le trompettiste d’origine suisse Erik Truffaz pour l’occasion.<br />
Une section rythmique lourde et pêchue (guitare basse jouée par Alp Ersõnmez,<br />
Turgut Beko lu à la batterie et Izzet Kizil aux percussions) <strong>en</strong>voie du gros son.<br />
Le saxophoniste est assez décevant et persistera dans un manque certain d’inspiration<br />
et d’imagination. Ou tout simplem<strong>en</strong>t de métier ? Quoi qu’il <strong>en</strong> soit ce<br />
n’était pas Byzance ! On se demande pourquoi Erik Truffaz est v<strong>en</strong>u ce soir là...<br />
Caution de qualité artistique ? Jazz ou électro-jazz, là n’est pas vraim<strong>en</strong>t la<br />
question, et le g<strong>en</strong>re n’était pas <strong>en</strong> cause, ni le croisem<strong>en</strong>t. Seulem<strong>en</strong>t la réussite<br />
: lorsqu’Erik Truffaz mixe son tal<strong>en</strong>t avec d’autres c’est souv<strong>en</strong>t magique !<br />
Ce soir là, aucune once d’émotion n’a transpiré.<br />
DAN WARZY<br />
Ce concert a été joué le 28 novembre 2009 au Dock des Suds<br />
<strong>en</strong> clôture des R<strong>en</strong>contres d’Averroès<br />
http://www.bandadudock.com<br />
Erik Truffaz © Jey Derathe<br />
remplacée par le maître des lieux, le directeur artistique<br />
du Grim, Jean Marc-Montera, spécialiste de l’improvisation<br />
et de l’expérim<strong>en</strong>tation sonore qui, de ses guitares<br />
acoustiques (6 et 12 cordes), accompagna l’inoxydable et<br />
si tal<strong>en</strong>tueux André Jaume, 69 printemps, passant du<br />
saxo alto au ténor, puis à la flûte traversière avec une<br />
aisance étonnante. Entre virtuosité et musique concrète,<br />
les deux compères proposèr<strong>en</strong>t un mom<strong>en</strong>t acoustique<br />
apaisant après la folie Tromba : compositions personnelles<br />
issues du be bop, du swing, du freejazz, improvisations,<br />
musiques plurielles sans frontières dont on reti<strong>en</strong>dra le<br />
très beau Song for Che de Charlie Had<strong>en</strong>. Un souffle de<br />
liberté soufflait ce soir-là sur Montévidéo !<br />
YVES BERGÉ
42 MUSIQUE ENTRETIEN AVEC MARION RAMPAL | CONCERTS<br />
La voix est libre<br />
Dire que Marion Rampal vit<br />
de la musique est inexact : elle vit<br />
la musique. À tout juste 30 ans,<br />
son parcours est déjà foisonnant<br />
et <strong>en</strong>core prometteur. Il va falloir<br />
compter sur elle !<br />
Chanteuse mais aussi auteur, Marion trace son sillon<br />
avec conviction. De ses premiers pas dans le rock au<br />
succès de l’album Own Virago, et juste avant de<br />
mettre la touche finale aux Vertigo Songs, elle<br />
s’ouvre et accueille le monde de la musique et des<br />
mots (voir p 54). Jazz, pop folk, théâtre, improvisation,<br />
et bi<strong>en</strong>tôt danse et quatuor à cordes, la prof de<br />
chant décloisonne les frontières et s’<strong>en</strong>toure de<br />
tous, au-delà de la fidèle bande de Raphaël Imbert<br />
au sein de la Cie Nine Spirit. Les notes et les mots mijot<strong>en</strong>t<br />
dans sa tête méticuleuse et opiniâtre, dans<br />
de longues périodes de gestation : pour elle un projet<br />
se p<strong>en</strong>se avant de se vivre. Alors <strong>en</strong>tre un concert,<br />
deux répétitions et une chanson composée pour<br />
d’autres, Marion se livre.<br />
<strong>Zibeline</strong> : Si tu devais te prés<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> quelques mots?<br />
Marion Rampal : Je chante et j’écris <strong>en</strong> mots et <strong>en</strong><br />
musique ce que j’élabore dans mon petit laboratoire<br />
de magie intérieure. Je fais des expéri<strong>en</strong>ces avec de<br />
l’anci<strong>en</strong> et du nouveau, du digéré et de l’instantané.<br />
Même si la formule peut sonner complexe, je raisonne<br />
<strong>en</strong> couleurs, <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> émotions crues<br />
plus qu’<strong>en</strong> réflexions intellectuelles. Je travaille<br />
beaucoup autour de mon inspiration première, mon<br />
intuition. Comme un <strong>en</strong>chanteur décalé, avec ses<br />
grimoires, ses humeurs, ses tours de magie... J’ai à<br />
cœur d’évoquer, de rappeler, de dégager des zones<br />
poétiques, <strong>en</strong> mettant <strong>en</strong> relief des interrogations<br />
spécifiques.<br />
Te définis-tu comme une artiste marseillaise ?<br />
Marseille, vaste territoire de no man’s lands rêveurs<br />
et salés, métissée d’influ<strong>en</strong>ces... Marseille grande<br />
gueule, viol<strong>en</strong>te ou accueillante, fière et têtue, noire<br />
ou débonnaire, un brin fadade… C’est sûr, je suis née<br />
ici, et ça me ressemble ! Mais je précise que je n’ai<br />
ni acc<strong>en</strong>t ni abonnem<strong>en</strong>t au stade...<br />
Tes projets, actuels et futurs ?<br />
Pr<strong>en</strong>dre du temps pour travailler et rechercher,<br />
notamm<strong>en</strong>t auprès du Panthéâtre avec qui je suis<br />
une formation <strong>en</strong> performance vocale et théâtre<br />
chorégraphique. Un disque avec Perrine Mansuy<br />
Les acc<strong>en</strong>ts du Brésil<br />
Elles sont trois qui naiss<strong>en</strong>t de l’ombre, trois voix<br />
magnifiquem<strong>en</strong>t placées qui émerg<strong>en</strong>t d’un brouillard<br />
de scène… Gaîté, vivacité, humour, richesse des<br />
chants, des thèmes, voyage aux sonorités suaves et<br />
fluides… Un rythme qui donne <strong>en</strong>vie de se lever<br />
et de danser, les fauteuils sembl<strong>en</strong>t alors bi<strong>en</strong> trop<br />
rigides pour ces mom<strong>en</strong>ts où l’on se laisserait si volontiers<br />
emporter dans un univers où tout est musique.<br />
Le Trio Esperança sait créer une complicité extraordinaire<br />
avec le public, s’adresse à lui comme à de<br />
vieux amis, confesse aussi bi<strong>en</strong> un rhume que les<br />
sur un répertoire qu’on a co-écrit et un duo pop/folk<br />
génial avec François Richez : We used to have a<br />
band ; les chouettes projets de la Cie Nine Spirit<br />
aux côtés de Raphaël Imbert et puis l’après Own<br />
Virago (son dernier disque, voir Zib 24) qui bourgeonne<br />
dans ma tête. J’adore cette étape, c’est la<br />
meilleure !<br />
Te définis-tu comme une chanteuse ?<br />
Absolum<strong>en</strong>t, c’est très important... C’est un art fascinant,<br />
j’<strong>en</strong> <strong>en</strong>trevois à peine le début, tellem<strong>en</strong>t de<br />
choses <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compte : l’organique, le souffle,<br />
le timbre, l’image, le mot, l’esprit, le geste... Chanter<br />
juste c’est un sacré boulot, et un boulot sacré !<br />
Cette <strong>en</strong>vie de participer à des projets variés, avec<br />
des associations singulières, est-elle un besoin<br />
pour toi ?<br />
Au-delà du besoin de vivre différ<strong>en</strong>tes expéri<strong>en</strong>ces<br />
je crois que j’aime une certaine dép<strong>en</strong>dance à<br />
l’énergie d’autrui. D’où ce vrai désir de collaborer,<br />
de partager la création, d’aller partout...<br />
N’y a t il pas un risque de se perdre ?<br />
Le revers de la médaille, sans doute… Je néglige parfois<br />
mes projets par manque de disponibilité. Mais<br />
produire Own Virago m’a réconciliée avec ce devoir<br />
impérieux de faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ma «voie».<br />
secrets d’une chorégraphie. Les trois sœurs jou<strong>en</strong>t<br />
de leurs li<strong>en</strong>s, consult<strong>en</strong>t, complot<strong>en</strong>t, ri<strong>en</strong>t, amèn<strong>en</strong>t<br />
les spectateurs à partager leurs chansons. Un<br />
Trio Esperança<br />
© X-D.R<br />
© Agnès Mellon<br />
Si tu avais un vœu à formuler ?<br />
L’abolition des étiquettes et des chapelles! Les artistes<br />
et une grande partie du public des «musiques<br />
actuelles» ont sauté le pas. La presse, les programmateurs,<br />
les festivals, les institutions rechign<strong>en</strong>t<br />
trop à suivre.<br />
Si tu devais citer... un compositeur classique<br />
Weber, que me faisait écouter ma maman<br />
un groupe<br />
REM, premières amours…<br />
une chanson<br />
White Rabbit de Jefferson Airplane<br />
une influ<strong>en</strong>ce<br />
Leonard Coh<strong>en</strong><br />
un film<br />
Mary Poppins !<br />
un art<br />
L’eau forte<br />
un auteur<br />
Chuck Palahniuk, je découvre, j’adore !<br />
une voix<br />
Nina Simone<br />
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR FREDERIC ISOLETTA<br />
disque doit sortir <strong>en</strong> janvier prochain. Quelle meilleure<br />
promo que leurs chants, adaptations de Bach,<br />
reprises des Beatles, de Piaf, <strong>en</strong>tre autres petites<br />
merveilles… On a du mal à quitter la salle, et les rues<br />
d’Aix résonn<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core… Oba oba oba ooo !…<br />
Vive le jazz Brésil !<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Le trio Esperança s’est produit au Jeu de Paume<br />
dans le cadre des concerts d’Aix
Flam<strong>en</strong>co for ever<br />
20 ans pour le Festival Flam<strong>en</strong>co de Nîmes !<br />
Cela vaut bi<strong>en</strong> un évènem<strong>en</strong>t sur mesure !<br />
En effet le festival s’annonce plus exceptionnel<br />
<strong>en</strong>core que les années<br />
précéd<strong>en</strong>tes. Comme le disait Garcia<br />
Lorca, «la guitare fait pleurer les<br />
rêves»… mais ici nul besoin de chimères,<br />
le Théâtre de Nîmes a p<strong>en</strong>sé à<br />
tout avec une programmation complète:<br />
spectacles, confér<strong>en</strong>ces, r<strong>en</strong>contres,<br />
classe de danse et projections. Du 7<br />
au 23 janvier, 20 ans de Flam<strong>en</strong>co<br />
s’installe et vous accueille tous les<br />
soirs avec parfois deux spectacles par<br />
jour. Mayte Martin, grande voix actuelle<br />
du g<strong>en</strong>re (12/1 à 20h), El<br />
Cabrero pour Un dialogue sans artifice,<br />
figure exceptionnelle du Cante<br />
Jondo (13/1 à 20h), Tierra Flam<strong>en</strong>ca<br />
1 et 2, des artistes de chez nous qui<br />
ont ça dans le sang (15/1 à 22h30 et<br />
16/1 à 20h à L’Odéon), la guitare<br />
acoustique du prodige Javier Conde<br />
qui rappelle Paco de Lucia (16/1 à<br />
Javier Conde © X-D.R.<br />
17h30 à la Cour d’Appel), la compagnie<br />
d’Israel Galván, le danseur des<br />
danseurs qui repousse les limites du<br />
baile flam<strong>en</strong>co dans une chorégraphie<br />
qui évoque la fin du monde selon St<br />
Jean (17/1 à 18h), ou <strong>en</strong>core Rocio<br />
Molina, la meilleure danseuse de la<br />
nouvelle génération (23/1 à 20h). De<br />
quoi satisfaire les amateurs et les<br />
passionnés !<br />
FREDERIC ISOLETTA<br />
www.theatred<strong>en</strong>imes.com<br />
Formule complète<br />
Le Forum de Berre ne fait pas les choses à moitié. Cinéma, repas et concert sont<br />
proposés dans cet ordre sur le thème de la Finlande. Après le visionnage de<br />
L’homme sans passé d’Aki Kaurismäki, découverte assurée pour la réception du<br />
duo finnois Kantelin<strong>en</strong>/& Seppä, <strong>en</strong>semble unique <strong>en</strong> Finlande spécialisé dans<br />
deux vieilles traditions musicales caréli<strong>en</strong>nes : le chant joïk (aujourd’hui <strong>en</strong><br />
Russie) et la pratique du jouhikko, sorte de lyre à archet. Le duo interprètera des<br />
chants traditionnels ainsi que leurs propres compositions, laissant égalem<strong>en</strong>t<br />
une grande part à l’improvisation. À ne pas manquer (le 21 janvier à 18h30 film,<br />
21h30 concert). F.I.<br />
Forum de Berre<br />
26 euros la soirée, 12 euros le concert<br />
www.forumdeberre.com<br />
MARSEILLE<br />
Cabaret Aléatoire : ElectronicSeries 1 Meet opus VJ 4 (18<br />
et 19/12), Enjoy Drum’n Bass 4 (15/1), Boxon Party Invasion<br />
(22/1)<br />
04 95 04 95 09<br />
www.cabaret-aleatoire.com<br />
Embobineuse : Ziné club 8 Wh<strong>en</strong> we sleep, the UFOs works<br />
(17/12), Invita(r)tartion au voyage : Jean George Tartare,<br />
Jean Christophe Petit, Antoine Lunv<strong>en</strong> (9/1), Interface 8:<br />
anci<strong>en</strong> et moderne (17/1), Carte blanche au label et collectif<br />
H.A.K. Lo-Fi record (22/1)<br />
04 91 50 66 09<br />
www.lembobineuse.biz<br />
Espace Juli<strong>en</strong> : Pognon story (31/12), G<strong>en</strong>te de Zona<br />
(16/1), Mess<strong>en</strong>gers (21/1), Pakatak (22/1)<br />
04 91 24 34 10<br />
www.espace-juli<strong>en</strong>.com<br />
On sort !<br />
P<strong>en</strong>dant que le festival Nuits d’Hiver<br />
se poursuit au Grim Montévidéo (jusqu’au<br />
21/12), il est temps de préparer<br />
une fin d’année de musiques, et d’embrayer<br />
sur des concerts pour la nouvelle<br />
année. Comm<strong>en</strong>çons par le Théâtre<br />
Comœdia de Miramas qui accueille le<br />
Louis Winsberg trio, guitariste mythique<br />
de Sixun passionné de flam<strong>en</strong>co<br />
(17/12 à 21h). Vu qu’on parle swing,<br />
autant faire une escale au sud de<br />
l’étang de Berre à Charlie Free (Vitrolles)<br />
pour écouter la 11 e édition de<br />
Jazz <strong>en</strong> Scènes avec le Sébasti<strong>en</strong><br />
Paindestre trio et le duo Simonoviez/<br />
Av<strong>en</strong>el (12/12 à 21h). A<br />
découvrir, le Jazz Club de Draguignan<br />
qui fait son festival (du 17 au 19/12)<br />
à Théâtre <strong>en</strong> Dracénie avec Walt<br />
Weiskopf, Kevin Mahogany et Eddy<br />
C Campbell. Un peu plus au nord et<br />
carrém<strong>en</strong>t dans les Alpes, les gr<strong>en</strong>oblois<br />
de Mango Gadzi à la fusion<br />
ori<strong>en</strong>talo-balkanique seront sur la scène<br />
du Théâtre du Cadran de Briançon<br />
(18/12 à 20h30), qui accueillera<br />
égalem<strong>en</strong>t le duo grec Angélique<br />
Au programme<br />
Intermédiaire: Elektro Shake (18/12), Sonarcotik (19/12),<br />
C Bass (21/12), Craint degun be tarpin hip hop (22 et<br />
29/12), Ruffle christmas crew (26/12), Good vibes g<strong>en</strong>eralist<br />
(30/12)<br />
04 91 47 01 25<br />
www.myspace.com/intermediaire<br />
L’Affranchi : Scred Connexion (19/12)<br />
www.l-affranchi.com<br />
La Machine à Coudre : Laur<strong>en</strong>t Boudin, Antonio Negro,<br />
Dj pP, R<strong>en</strong>ard jaune, Giani Gianone, Anthony, B<strong>en</strong>oît<br />
Dettori (19/12), La Tromba (9/1)<br />
04 91 55 62 65<br />
www.lamachineacoudre.com<br />
AIX<br />
Le Korigan, Luynes: Mechanical Dacay, Kamran, Scoria<br />
(19/12), Katalaï, Yves Tole (9/1)<br />
06 50 77 51 77<br />
www.myspace.com/lekorigan<br />
43<br />
Ionatos/Katerina Fotinaki (08/01 à<br />
20h30).<br />
Et à Marseille ? R<strong>en</strong>dez-vous à La<br />
Machine à Coudre pour fêter leurs 15<br />
années d’exist<strong>en</strong>ce et de programmation<br />
alternative (18 et 19/12) mais<br />
égalem<strong>en</strong>t à la Meson pour une<br />
Tablao Flam<strong>en</strong>co la Rubio avec<br />
Maitryee Mahatma (19/12 à 20h) et<br />
une carte blanche à Fantazio (voix et<br />
contrebasse les 8 et 9/01 à 20h).<br />
Concerts mais cette fois <strong>en</strong> photo<br />
pour le vernissage de l’exposition live<br />
in Marseille au Lollipop café disquaire<br />
par Pirlouiiit et d’autres<br />
artistes (13/1 à 19h) et pour finir ne<br />
manquez pas la découverte du Hangart,<br />
vous pourrez y écouter le fabuleux<br />
spectacle musical et westerni<strong>en</strong><br />
donné par The Coconut Family Band<br />
(19/12 à 20h30) ainsi que le Courant<br />
d’Air café qui prés<strong>en</strong>tera l’étonnant<br />
pianiste Grigoris Belevilas pour un<br />
concert au son Rebetiko dans le numéro<br />
Thalya m’a dit.. ! (18/12 à 20h30).<br />
FREDERIC ISOLETTA<br />
Mango Gadzi © Greg Randon<br />
Théâtre et Chansons : Opera Molotov (21 et 22/1)<br />
04 42 27 37 39<br />
www.theatre-et-chansons.com<br />
ARLES<br />
Cargo de Nuit : Raoul Petite (18/12), Club Club (19/12)<br />
04 90 49 55 99<br />
www.cargod<strong>en</strong>uit.com<br />
COUSTELLET<br />
La Gare : La Cumbia Chicharra (19/12), Rita, Ange B et<br />
Jairo (23/1)<br />
04 90 76 84 38<br />
www.aveclagare.org<br />
ISTRES<br />
L’Usine : Moussu T e Lei Jov<strong>en</strong>ts (18/12), DMC from run<br />
DMC (8/1), Izia (22/1)<br />
04 42 56 02 21<br />
www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr
44 MUSIQUE DISQUES<br />
Doy<strong>en</strong> du piano<br />
Aldo Ciccolini a dû annuler son concert Beethov<strong>en</strong> le 8 décembre à Aix, mais<br />
le mélomane se consolera avec un coffret anthologique de ses <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts<br />
Aldo Ciccolini a 84 ans. C’est un des derniers<br />
mythes <strong>en</strong> activité. Il faut dire que le pianiste<br />
frise les 70 ans de carrière. Il a étudié avec<br />
Alfred Cortot, joué avec Furtwängler, Ernest<br />
Ansermet et remporté le concours Marguerite<br />
Long <strong>en</strong>… 1949 ! Malgré son grand âge, ses<br />
moy<strong>en</strong>s techniques ne sont guère altérés :<br />
Ciccolini a triomphé cet été au festival de Radio<br />
France à Montpellier, à La Roque d’Anthéron, il<br />
y a peu à la salle Pleyel à Paris… Hélas,<br />
souffrant, il a dû déclarer forfait le 8 décembre<br />
au Grand Théâtre de Prov<strong>en</strong>ce. Ce coffret n’<strong>en</strong><br />
est que plus précieux.<br />
Né à Naples, ce musici<strong>en</strong> précoce et surdoué<br />
s’avère vite un ard<strong>en</strong>t déf<strong>en</strong>seur de la musique<br />
française de Satie, Ravel, Debussy et de toute la<br />
constellation d’artistes hexagonaux de leur<br />
Haydn selon Collard<br />
Ceux qui ne possèd<strong>en</strong>t pas les <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts<br />
des Sonates de Haydn gravées chez Lyrinx par<br />
Catherine Collard commett<strong>en</strong>t une faute de<br />
goût ! Grâce à cette réédition, l’occasion est<br />
donnée aux mélomanes de (re)connaître une<br />
artiste d’un imm<strong>en</strong>se tal<strong>en</strong>t disparue prématurém<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong> 1993. La musici<strong>en</strong>ne, fleuron de<br />
l’école française de piano, après des débuts<br />
claironnants, a connu une vingtaine d’année de<br />
traversée du désert… avant de r<strong>en</strong>contrer les<br />
Gambini ! Avec la clairvoyance qu’on leur<br />
connaît, Suzanne et R<strong>en</strong>é ont permis à la<br />
pianiste de remettre les pieds aux pédales et les<br />
mains au clavier. Dans une forme d’urg<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong><br />
cinq ans seulem<strong>en</strong>t, au tournant des années 90,<br />
À mots couverts<br />
Depuis sa création <strong>en</strong> 99, Aqme marque la scène<br />
française d’un nouveau son «métal» <strong>en</strong>traînant<br />
et lourd, mettant <strong>en</strong> avant une id<strong>en</strong>tité propre !<br />
En 2002 le groupe alternatif parisi<strong>en</strong> signe avec<br />
le label énergique AT(h)OME. Six albums plus<br />
tard, le quatuor reformé (départ de B<strong>en</strong>,<br />
guitariste et co-fondateur du groupe) revi<strong>en</strong>t<br />
avec En l’honneur de Jupiter, nouvelle galette<br />
sortie <strong>en</strong> octobre. Le groupe assure alors sa place<br />
de maître incontestable du métal Français ! Des<br />
titres très noirs pour ce recueil d’une extrême<br />
int<strong>en</strong>sité : Tout le monde est malheureux,<br />
Guillotine ou <strong>en</strong>core Le chaos sont marqués par<br />
époque. Naturalisé français <strong>en</strong> 1971, Ciccolini<br />
exerce la fonction de professeur au Conservatoire<br />
National Supérieur de Paris jusqu’<strong>en</strong> 1988, et l’on<br />
compte parmi ses élèves des grands interprètes:<br />
Marie-Josèphe Jude, Jean-Yves Thibaudet,<br />
Nicholas Angelich…<br />
Que ce soit dans Mozart, Bach, Chopin,<br />
Schumann, Liszt, Albéniz ou Scarlatti, le jeu de<br />
Ciccolini reste lipide, toujours sobre et<br />
naturellem<strong>en</strong>t libre. Ces dernières années, le<br />
maître a <strong>en</strong>registré pour Cascavelle ses derniers<br />
témoignages. Mais durant près de quarante ans,<br />
c’est chez EMI que le pianiste a livré ses plus<br />
belles interprétations. Impossible de dire les<br />
multiples pépites cont<strong>en</strong>ues dans ce coffret<br />
magistral de 56 disques : une mine !<br />
JACQUES FRESCHEL<br />
Catherine Collard t<strong>en</strong>te d’effacer le temps<br />
«perdu» : trois disques de Sonates de Haydn<br />
paraiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> 1988, 1990 et 1992 et suscit<strong>en</strong>t<br />
l’<strong>en</strong>thousiasme de la critique… qui se réveille<br />
<strong>en</strong>fin !<br />
Son travail d’une grande finesse <strong>en</strong>chante : l’air<br />
passe <strong>en</strong>tre les phrasés, les dynamiques se déclin<strong>en</strong>t<br />
sans lourdeur. Tout paraît simple et<br />
mesuré… Néanmoins au cœur d’un classicisme<br />
de façade, on perçoit des fragilités et une<br />
t<strong>en</strong>dresse teintée de mélancolie. La gravité fuit<br />
le tragique avec ce qu’il faut d’«obscure clarté»,<br />
de dépouillem<strong>en</strong>t douloureux et de sourire<br />
candide.<br />
J.F<br />
la puissance de riffs au son métallique. La<br />
particularité de cet opus étant l’alternance <strong>en</strong>tre<br />
morceaux dynamiques et mom<strong>en</strong>ts mélodiques<br />
remarquablem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> avant et interprétés par<br />
la voix de Thomas, qui donne à l’<strong>en</strong>semble une<br />
couleur indéniablem<strong>en</strong>t mélancolique. Dix ans<br />
après la formation du groupe, Aqme est bi<strong>en</strong> là...<br />
pour le plus grand plaisir de ses fans.<br />
F.I.<br />
En l’honneur de Jupiter<br />
AQME<br />
abel At(h)ome<br />
Anthologie Beethov<strong>en</strong><br />
Aldo Ciccolini<br />
Coffret 56 CD<br />
Enregistrem<strong>en</strong>ts EMI 1950-1991<br />
Coffret 3 CDs Lyrinx LYR270
Rock n’ roll<br />
Fan de Muse, la belle Ilis, alias<br />
Virginie Nourry, se jette à corps<br />
perdu sur la scène de rock française.<br />
Et ça marche. Premier album plein<br />
d’espoir et de promesses, le Sex,<br />
LOve & Rock n’ rOll oscille <strong>en</strong>tre<br />
grunge, rock, et pop. 14 titres pour<br />
découvrir des chansons pleines de<br />
fraicheur et d’énergie : la nouvelle<br />
génération de la scène nationale<br />
rock est <strong>en</strong> route et déroule son<br />
<strong>en</strong>vie de tout casser. Pas besoin<br />
d’artifices pour s<strong>en</strong>tir la montée<br />
d’adrénaline suscitée de morceaux<br />
comme Le bonheur et Je marcherai.<br />
En y mélangeant subtilem<strong>en</strong>t émotion<br />
(Plus on s’aime) et douce pop,<br />
Ilis devi<strong>en</strong>t une machine à réussir,<br />
d’autant qu’elle a trouvé la force de<br />
monter sa propre boite de production<br />
et d’arp<strong>en</strong>ter les scènes via son<br />
minibus.<br />
Cette dynamique litanique se retrouve<br />
<strong>en</strong> concert mais aussi sur ce<br />
premier disque qui transpire la<br />
Nature et sans complexe, l’album<br />
Tout va très bi<strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t d’Angoulême<br />
où un certain groupe de chanson<br />
française énergique porte le drôle<br />
de nom L’Arrière-cuisine. Ne<br />
cherchons pas midi à quatorze<br />
heures : les onze titres qui compos<strong>en</strong>t<br />
ce recueil ont été conçus<br />
dans… l’arrière-cuisine de la<br />
maison, faut d’espace disponible.<br />
Pas de chichi ni de non dits pour le<br />
trio à l’écriture suggestive, le tapis<br />
sonore se déroule sous nos pieds au<br />
cœur d’un univers chancelant rempli<br />
d’images et de sonorités à faire<br />
pâlir les étoiles… à l’image du<br />
thérémin ou du tuba. Partageant<br />
parfois la scène avec Daniel Darc ou<br />
Dominique A, ce groupe aux<br />
multiples s<strong>en</strong>sibilités prés<strong>en</strong>te ses<br />
chansons modestes où la mélancolie<br />
méditative côtoie un peu de<br />
folie et d’énergie («Maglia sur un<br />
texte de Victor Hugo»). Dans les<br />
bacs depuis novembre, Tout va très<br />
rythmique rock n’roll (Tu t’abandonnes).<br />
Signant des textes écorchés<br />
et s<strong>en</strong>sibles, le quatuor au look<br />
soigné trouve sa place et ses fans<br />
déjà nombreux. Mieux que ça, Ilis a<br />
trouvé un son, un vrai.<br />
FRÉDÉRIC ISOLETTA<br />
Sex, LOve & Rock n’rOll<br />
Ilis<br />
25h43 Productions<br />
Apogée mélancolique<br />
bi<strong>en</strong> saura vous parler à travers les<br />
textes et musiques de Philippe<br />
Veillon, dont les jeux de mots se<br />
découvr<strong>en</strong>t et se savour<strong>en</strong>t.<br />
FREDERIC ISOLETTA<br />
Tout va très bi<strong>en</strong><br />
L’Arrière-cuisine<br />
La Cervelle – Mosaic Music<br />
Distribution
46 DISQUES MUSIQUE<br />
Au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t était…<br />
Cet <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t est issu de la session 2009 de<br />
l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. On se<br />
souvi<strong>en</strong>t de L’évangile selon Jean d’Abed Azrié joué<br />
à Marseille et Nice. Un opus, chanté <strong>en</strong> arabe, fruit<br />
de collaborations syri<strong>en</strong>ne, marocaine et française,<br />
repris à l’Opéra de Damas et au Festival de Fès des<br />
Musiques Sacrées du monde. Abed Azrié,<br />
compositeur et chanteur d’origine syri<strong>en</strong>ne, a écrit<br />
une œuvre pour voix solistes, chœur et <strong>en</strong>sembles<br />
d’Ori<strong>en</strong>t et Occid<strong>en</strong>t, associant des musici<strong>en</strong>s<br />
classiques et traditionnels de l’Institut supérieur de<br />
musique de Damas, de la Garde Royale du Maroc et<br />
des conservatoires de la région PACA.<br />
Le récit du quatrième évangile se décompose <strong>en</strong><br />
près de quarante-cinq scènes retraçant la vie, la<br />
mort et la résurrection de Jésus, homme-Dieu dont<br />
les souches plong<strong>en</strong>t dans le terreau sumérobabyloni<strong>en</strong>,<br />
canané<strong>en</strong> ou phénici<strong>en</strong> et concerne<br />
tout le bassin méditerrané<strong>en</strong>. On y trouve, comme<br />
dans un oratorio classique, les personnages chantés<br />
qui l’accompagn<strong>en</strong>t : Judas, Marie Madeleine ou la<br />
Interfér<strong>en</strong>ce<br />
Après le succès de Diaspora, voici v<strong>en</strong>u le temps de<br />
découvrir le nouvel et double album d’Ibrahim<br />
Maalouf. Kaléidoscope sonore aux multiples<br />
r<strong>en</strong>contres et métissages, Diachronism a la<br />
particularité de se composer de deux parties<br />
distinctes, réinv<strong>en</strong>tant un jazz v<strong>en</strong>u d’ailleurs.<br />
Disori<strong>en</strong>tal (Cd 1) et ses mélismes colorés se<br />
situerait plutôt de l’autre côté de la Méditerranée,<br />
alors que Paradoxid<strong>en</strong>tal (Cd 2) franchirait aisém<strong>en</strong>t<br />
le Rubicon des sons urbains aux technologies<br />
éprouvées. L’homme à la trompette aux quarts de<br />
tons ne décevra pas ses adeptes, amoureux du<br />
timbre si particulier de cet instrum<strong>en</strong>t qui secoue<br />
l’univers du jazz. En invitant des musici<strong>en</strong>s si<br />
différ<strong>en</strong>ts que Bijan Chemirani et son Saz, Adnan<br />
Jubran et son oud, Jacky Terrasson à son clavier<br />
et le trublion M (titre Bizarre, voix, guitare),<br />
Ibrahim Maalouf ne fait que confirmer ses<br />
M<strong>en</strong>suel gratuit paraissant<br />
le deuxième jeudi du mois<br />
Edité à 28 000 exemplaires<br />
imprimés sur papier recyclé<br />
Edité par <strong>Zibeline</strong> SARL<br />
76 av<strong>en</strong>ue de la Panouse | n°11<br />
13009 Marseille<br />
Dépôt légal : janvier 2008<br />
Directrice de publication<br />
Agnès Freschel<br />
Imprimé par Rotimpress<br />
17181 Aiguaviva (Esp.)<br />
photo couverture<br />
MARION RAMPAL<br />
© Agnès Mellon<br />
Conception maquette<br />
Max Minniti<br />
Rédactrice <strong>en</strong> chef<br />
Agnès Freschel<br />
agnes.freschel@wanadoo.fr<br />
06 09 08 30 34<br />
Secrétaire de rédaction<br />
spectacles et magazine<br />
Dominique Marçon<br />
journal.zibeline@gmail.com<br />
06 23 00 65 42<br />
Secrétaire de rédaction<br />
Jeunesse et arts visuels<br />
Marie Godfrin-Guidicelli<br />
m-g-g@wanadoo.fr<br />
06 64 97 51 56<br />
Société<br />
Chris Bourgue<br />
chris.bourgue@wanadoo.fr<br />
06 03 58 65 96<br />
Arts Visuels<br />
Claude Lorin<br />
claudelorin@wanadoo.fr<br />
06 25 54 42 22<br />
Livres<br />
Fred Robert<br />
fred.robert.zibeline@free.fr<br />
06 82 84 88 94<br />
Samaritaine, Pilate, Marthe, l’aveugle, les apôtres…<br />
L‘expression est voluptueuse, le climat convivial et<br />
Abed Azrié évite de calquer son langage sur le<br />
chant classique ou la mélodie traditionnelle,<br />
privilégiant une forme de s<strong>en</strong>sualité dans les<br />
couleurs instrum<strong>en</strong>tales, les dynamiques et<br />
l’ornem<strong>en</strong>t.<br />
J.F<br />
L’évangile selon Jean<br />
Abed Azrié<br />
Coffret 2CD + DVD Bonus Doutak DOM001<br />
prédispositions à une musique colorée, creuset de<br />
réunions et d’associations parfois inatt<strong>en</strong>dues.<br />
Cocktail sonore relevé et savoureux qui donne un<br />
véritable coup de fouet à la planète jazz.<br />
F.I.<br />
Diachronism<br />
Ibrahim Maalouf<br />
Mister Production<br />
Musique et disques<br />
Jacques Freschel<br />
jacques.freschel@wanadoo.fr<br />
06 20 42 40 57<br />
Frédéric Isoletta<br />
f_izo@yahoo.fr<br />
06 03 99 40 07<br />
Cinéma<br />
Annie Gava<br />
annie.gava@laposte.net<br />
06 86 94 70 44<br />
Élise Padovani<br />
elise.padovani@orange.fr<br />
Philosophie<br />
Régis Vlachos<br />
regis.vlachos@free.fr<br />
Sci<strong>en</strong>ces et techniques<br />
Yves Berchadsky<br />
berch@free.fr<br />
Vingt ans après la mort<br />
de Pierre Barbizet, paraît <strong>en</strong>fin<br />
un ouvrage à sa mémoire<br />
«Enseigner<br />
c’est aimer !»<br />
Écrit à une voix, celle de Caline, sa femme, avec<br />
amour et admiration, et la main bi<strong>en</strong>veillante de<br />
Jacques Bonnadier. Dès les premières pages, on<br />
est emporté par l’émotion, le roman d’une vie… On<br />
n’<strong>en</strong> quitte plus le fil : l’<strong>en</strong>fance chili<strong>en</strong>ne, le<br />
Conservatoire à Marseille et le lycée Thiers, l’amour<br />
et les amitiés (Jean-Pierre Rampal, Samson François,<br />
Claude Helffer), les maîtres dans le Paris de la<br />
guerre (Marguerite Long, Georges Enesco). Sans<br />
oublier l’inégalable duo qu’il constitua avec le<br />
violoniste Christian Ferras… et 27 ans de direction<br />
généreuse au Conservatoire de Marseille auquel<br />
Pierre Barbizet a donné une dim<strong>en</strong>sion nationale,<br />
laissé son nom, et où il a marqué des générations de<br />
pianistes et de musici<strong>en</strong>s. Ceux-là même qui<br />
aujourd’hui font la vie musicale de notre région. Au<br />
fil des pages, des photos-souv<strong>en</strong>irs et des anecdotes,<br />
on se r<strong>en</strong>d compte combi<strong>en</strong> ce livre était<br />
indisp<strong>en</strong>sable, à sa mémoire et pour celle de toute<br />
une famille musicale orpheline depuis le 19 janvier<br />
1990.<br />
JACQUES FRESCHEL<br />
Pierre Barbizet<br />
Caline Barbizet<br />
Éditions Jeanne<br />
Laffite, 24 euros<br />
Histoire et patrimoine<br />
R<strong>en</strong>é Diaz<br />
r<strong>en</strong>ediaz@free.fr<br />
Polyvolantes<br />
Maryvonne Colombani<br />
mycolombani@yahoo.fr<br />
06 62 10 15 75<br />
Delphine Michelangeli<br />
d.michelangeli@free.fr<br />
06 65 79 81 10<br />
Marie-Jo Dhô<br />
dho.ramon@wanadoo.fr<br />
Maquettiste<br />
Philippe Perotti<br />
philippe.zibeline@gmail.com<br />
06 19 62 03 61<br />
Ont égalem<strong>en</strong>t participé à ce numéro :<br />
Emili<strong>en</strong> Moreau, Dan Warzy,<br />
Yves Bergé, Susan Bel, Clarisse<br />
Guichard, Christine Rey, Pierre-Alain<br />
Hoyet, Christophe Floquet,<br />
Edouard Barthélémy<br />
Photographe :<br />
Agnès Mellon<br />
095 095 61 70<br />
photographeagnesmellon.blogspot.com<br />
Directrice commerciale<br />
Véronique Linais<br />
vlinais@yahoo.fr<br />
06 63 70 64 18<br />
Attachée commerciale<br />
Nathalie Simon<br />
nathalie.zibeline@free.fr<br />
06 08 95 25 47
De la Musique ?<br />
Le pianiste-compositeur et philosophe Michel Sogny<br />
livre douze <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s réalisés, tel un long dialogue<br />
platonici<strong>en</strong>, avec la philosophe Monique Philon<strong>en</strong>ko.<br />
Outre les li<strong>en</strong>s intimes et riches que la musique tisse<br />
avec la philosophie, le couple aborde des aspects variés<br />
de l’art des sons, de l’exécution instrum<strong>en</strong>tale à<br />
l’écoute… L’essai interroge les rôles paradoxaux de<br />
l’interprète et de la virtuosité, souligne l’importance<br />
du sil<strong>en</strong>ce, du concert et de la critique et fait une large<br />
place aux figures de Mozart, Beethov<strong>en</strong> et Liszt (dont<br />
Michel Sogny est un émin<strong>en</strong>t spécialiste). De fait, le<br />
pédagogue livre des propos clairs sur la place de la<br />
musique dans la vie moderne et sur son <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t.<br />
Le pianiste propose, <strong>en</strong> complém<strong>en</strong>t, un programme<br />
Gallia Deo<br />
En France, au XVIIe siècle, le motet connaît une<br />
éclosion manifeste à Versailles. Selon le degré de<br />
sol<strong>en</strong>nité de l’office, la richesse de l’instrum<strong>en</strong>tation, le<br />
nombre de chanteurs varie : le «Grand motet» ou<br />
«Motet à grand chœur» est le plus majestueux. C’est<br />
un g<strong>en</strong>re exclusivem<strong>en</strong>t français qui s’affirme face à la<br />
préémin<strong>en</strong>ce itali<strong>en</strong>ne. L’ouvrage de Thierry Favier<br />
examine la diversité des pratiques dans les institutions<br />
religieuses ou lors de concerts publics, de l’accession<br />
au pouvoir de Louis XIV <strong>en</strong> 1661 à la Révolution<br />
française. Il retrace son évolution stylistique et esthé-<br />
G<strong>en</strong>re léger ?<br />
Le g<strong>en</strong>re opérette a connu, au fil de son histoire, des<br />
périodes de grande vitalité, <strong>en</strong> France <strong>en</strong> particulier,<br />
depuis le milieu du XIX e siècle… et quelques déc<strong>en</strong>nies<br />
de déclin, voire de mépris depuis les années 1960.<br />
Cep<strong>en</strong>dant, on constate depuis peu, grâce à l’imagination<br />
de metteurs <strong>en</strong> scène comme Jérôme Savary ou<br />
Laur<strong>en</strong>t Pelly, que l’opérette connaît une nouvelle<br />
vigueur. B<strong>en</strong>oît Duteurtre, animateur de l’émission<br />
Étonnez-moi B<strong>en</strong>oît sur France Musique, déf<strong>en</strong>seur du<br />
raffinem<strong>en</strong>t musical de Reynaldo Hahn ou André<br />
Bécédaire<br />
Il y a tellem<strong>en</strong>t de choses à raconter sur notre Berlioz<br />
national qu’un guide clair et abondamm<strong>en</strong>t docum<strong>en</strong>té<br />
sur la vie et l’œuvre du compositeur romantique<br />
s’avérait indisp<strong>en</strong>sable ! Publié aux éditions Van de<br />
Velde, le bécédaire Berlioz de B à Z foisonne d’anecdotes<br />
et d’informations ess<strong>en</strong>tielles à la compréh<strong>en</strong>sion<br />
de la production pléthorique de l’artiste passionné,<br />
mais égalem<strong>en</strong>t à l’appréh<strong>en</strong>sion de l’homme.<br />
Rassemblés et organisés par le journaliste musical<br />
Pierre-R<strong>en</strong>é Serna, les <strong>en</strong>trées alphabétiques sont<br />
pertin<strong>en</strong>tes et précises, voire inédites, r<strong>en</strong>dant la lecture<br />
de ce dictionnaire monographique ludique et passionnant.<br />
Et pour une telle <strong>en</strong>treprise l’auteur de la<br />
Symphonie Fantastique est un bon sujet, acerbe dans<br />
Liszt de piano à quatre mains (Préludes, Marche de<br />
Rakoczy, La Bataille des Huns, Orphée et deux Rhapsodies<br />
hongroises) <strong>en</strong> premier <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t mondial<br />
avec Elisso Bolkvadze. Égalem<strong>en</strong>t joint à l’ouvrage,<br />
un CD prés<strong>en</strong>te un choix d’opus composés par<br />
Michel Sogny : une œuvre à découvrir !<br />
JACQUES FRESCHEL<br />
La Musique <strong>en</strong> questions<br />
Michel Sogny,<br />
<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s avec Monique Philon<strong>en</strong>ko<br />
éd TUM / Michel de la Maule, 25 euros<br />
tique à la Chapelle Royale, au Concert Spirituel, dans<br />
les Chapelles provinciales, et considère son implication<br />
dans la construction de l’image royale.<br />
J.F.<br />
Le motet à grand chœur<br />
Thierry Favier<br />
Ed Fayard, 28 euros<br />
Messager, de la fantaisie d’Off<strong>en</strong>bach et de ses disciples,<br />
propose une nouvelle édition de son ouvrage référ<strong>en</strong>ce<br />
publié <strong>en</strong> 1997, qui pr<strong>en</strong>d justem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compte le<br />
retour <strong>en</strong> grâce réc<strong>en</strong>t d’un g<strong>en</strong>re éminemm<strong>en</strong>t<br />
populaire.<br />
J.F.<br />
L’opérette <strong>en</strong> France<br />
B<strong>en</strong>oît Duteurtre<br />
éd Fayard, 32 euros<br />
ses écrits et polémiste à souhait ! L’inv<strong>en</strong>teur du mot<br />
festival s’y révèle peu t<strong>en</strong>dre avec la France musicale de<br />
son temps, «un pays de crétins et de gredins». Une<br />
personnalité attachante qui se dévoile et se délecte dans<br />
ce Vade Mecum sur mesure.<br />
F.I.<br />
Berlioz de B à Z<br />
Pierre-R<strong>en</strong>é Serna<br />
Ed. Van de Velde, 20 euros<br />
MUSIQUE<br />
LIVRES 47
48 LIVRES ARTS<br />
Composer avec Vichy ?<br />
Passionnant et riche <strong>en</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts, l’ouvrage<br />
Composer sous Vichy du musicologue Yannick<br />
Simon dresse un panorama complet d’une période<br />
musicale tourm<strong>en</strong>tée longtemps passée sous sil<strong>en</strong>ce.<br />
L’Occupation et ses heures sombres ont modifié la<br />
donne d’une vie créatrice bouleversée qui, contrairem<strong>en</strong>t<br />
aux idées reçues, ne s’est pas éteinte pour autant<br />
p<strong>en</strong>dant cette période noire. Du traitem<strong>en</strong>t infligé à<br />
Darius Milhaud, exilé et banni du paysage culturel,<br />
au Front National de la Musique, cette somme admirablem<strong>en</strong>t<br />
docum<strong>en</strong>tée publiée aux Editions Symétrie<br />
est une contribution indisp<strong>en</strong>sable pour les musici<strong>en</strong>s<br />
et les histori<strong>en</strong>s, comme pour les amateurs désireux de<br />
s’imprégner comme dans un roman des destins croisés<br />
L’agonie d’Agata<br />
Couverture noire, ombres noires, chambre noire : Agonie<br />
est un ouvrage radical. Âmes s<strong>en</strong>sibles s’abst<strong>en</strong>ir car<br />
les autoportraits photographiques d’Antoine d’Agata<br />
et les textes labyrinthiques de Rafael Garrido sont<br />
poussés à leur paroxysme. Né d’une correspondance<br />
sur Internet, Agonie est le fruit de r<strong>en</strong>contres <strong>en</strong>tre un<br />
écrivain épris de Basquiat, de Bacon, auteur d’une thèse<br />
sur «Le corps et la viol<strong>en</strong>ce dans l’art contemporain»,<br />
et d’un photographe lecteur d’Artaud, Burroughs,<br />
Deleuze, Blanchot. Même fascination, mêmes ombres<br />
tutélaires qui ont naturellem<strong>en</strong>t guidé Antoine d’Agata<br />
à lui «passer commande».<br />
Rafael Garrido s’est emparé de l’occasion pour se couler<br />
littéralem<strong>en</strong>t dans l’œuvre photographique mais<br />
aussi littéraire («Je suis resté sur le cul, fasciné par sa façon<br />
d’écrire, tout particulièrem<strong>en</strong>t Les désirs du monde et Les<br />
blessures du monde»), crachant une logorrhée poéticosonore<br />
d’une grande liberté, mais respectueuse des<br />
thématiques souhaitées par le photographe : la drogue<br />
des compositeurs français. Le régime de Vichy a vu<br />
certains adopter des positions collaborationnistes,<br />
d’autres se quereller sur la notation Obouhaw, d’autres<br />
rester prisonniers de guerre. Le rôle de la presse spécialisée<br />
et l’activité musicale sont analysés depuis la<br />
drôle de guerre jusqu’à la plume corrosive de Poul<strong>en</strong>c<br />
et Eluard élevant le mot Liberté au rang d’emblème…<br />
FREDERIC ISOLETTA<br />
Composer sous Vichy<br />
Yannick Simon<br />
Ed. Symétrie 40 euros<br />
Mémoire des lieux oubliés<br />
Au départ une demande de Jean-Luc Mingallon,<br />
présid<strong>en</strong>t du Consolat Mirabeau Services, et une <strong>en</strong>vie<br />
d’écrire, celle de Luci<strong>en</strong>ne Brun. Et une consci<strong>en</strong>ce<br />
sociale commune, autour d’un lieu atypique, sans nom<br />
pour l’administration, <strong>en</strong>tre Saint-André et Saint-<br />
Louis. Un an et demi de travaux, de recherches, ont<br />
permis la collation de témoignages, de photographies,<br />
de r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts sur les industries, les activités, les<br />
mouvem<strong>en</strong>ts de population liés à la grande Histoire :<br />
ceux des Itali<strong>en</strong>s, Espagnols, Algéri<strong>en</strong>s, Arméni<strong>en</strong>s,<br />
Gitans, Pieds-noirs, g<strong>en</strong>s des campagnes <strong>en</strong>vironnant<br />
Marseille.<br />
Des plans <strong>en</strong>fantins représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t les maisons, avec les<br />
noms des habitants, que ce soit le long des rails, dans<br />
la cité Consolat, le saut de Marot, le chemin de Ruisseau-<br />
Mirabeau, la campagne Lachèvre… Leurs appellations<br />
frapp<strong>en</strong>t l’imaginaire. Les photographies, souv<strong>en</strong>t prêtées,<br />
sont merveilleusem<strong>en</strong>t touchantes : sourires généreux,<br />
images de communiantes, jeune homme fier sur sa<br />
moto, voisins réunis, scènes quotidi<strong>en</strong>nes, et le bar<br />
Michel, magnifique temple de convivialité ! Le livre<br />
est égalem<strong>en</strong>t un bouquet de voix qui se racont<strong>en</strong>t,<br />
témoignages particuliers qui r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t aussi compte de<br />
la vie de ce quartier foisonnant, avec ses cités, ses<br />
champs, ses terrains vagues, ses articulations désordonnées<br />
mais emplies d’énergie, de misères aussi, de<br />
courage, de bonheurs. Et pourtant, qui se souvi<strong>en</strong>t des<br />
Tuileries, du travail harassant des femmes, des chaînes<br />
de conditionnem<strong>en</strong>t de Bonux, des usines Panzani ?<br />
Étude ethnographique, témoignage de la consci<strong>en</strong>ce<br />
ouvrière, ce bel ouvrage peut aussi être prés<strong>en</strong>té ainsi,<br />
chargé de mémoire, une somme extraordinaire à cultiver.<br />
À lire, à feuilleter, comme une prom<strong>en</strong>ade que l’on<br />
ferait tout simplem<strong>en</strong>t dans son quartier.<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Sur les traces de nos pas<br />
Luci<strong>en</strong>ne Brun<br />
Publication Consolat Mirabeau Services, 35 euros<br />
Avec le concours de la région PACA<br />
(«son corps savait piquer»), la prostitution («la routine<br />
des bordels, d’un nouveau bordel, est simple et passe,<br />
inéluctablem<strong>en</strong>t, à travers l’aveuglem<strong>en</strong>t»), l’avènem<strong>en</strong>t<br />
des corps («corps incorporants et incorporés, désir incarné,<br />
désossé»), le dur et le mou…<br />
Aux côtés des images floues, ombrées, extraverties<br />
d’Antoine d’Agata, les mots de Rafael Garrido se chevauch<strong>en</strong>t,<br />
se distord<strong>en</strong>t pour créer un texte volcanique;<br />
auprès des corps extatiques, jubilatoires et morbides,<br />
les mots se débit<strong>en</strong>t à la mitraillette. D‘une rare d<strong>en</strong>sité<br />
et d’une crudité sans fard, Agonie brûle d’int<strong>en</strong>sité.<br />
Aveuglant.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Agonie<br />
Photographies d’Antoine d’Agata,<br />
texte de Rafael Garrido<br />
Co-édition Actes Sud/Atelier de Visu, 43 euros
Au-delà du docum<strong>en</strong>taire<br />
Dès son apparition, la photographie a oscillé <strong>en</strong>tre démarche artistique<br />
et approche docum<strong>en</strong>taire. Les trois ouvrages que fait paraître<br />
Images <strong>en</strong> Manœuvre <strong>en</strong>trelac<strong>en</strong>t ces deux pôles<br />
Pour le meilleur, il faudrait les feuilleter et les confronter<br />
l’un après l’autre. Chacun des photographes aborde<br />
un groupe social : ouvriers anglais <strong>en</strong> vacances pour Martin<br />
Parr, jet-set internationale chez Jessica Craig-Martin, le<br />
peuple vénézuéli<strong>en</strong> pour Christopher Anderson. Mais<br />
les approches vari<strong>en</strong>t suffisamm<strong>en</strong>t pour nous rappeler<br />
que l’acte photographique peut se jouer dans l’empathie<br />
plus ou moins prononcée avec son sujet. Le plus proche<br />
(plans rapprochés et gros plans) et le plus distancié à<br />
la fois (couleurs crues, flash brutal) est le regard acidulé<br />
de Jessica Craig-Martin, focalisant sur l’artificielle<br />
ambival<strong>en</strong>ce des mondanités (détails sur les sourires<br />
et embrassades de conv<strong>en</strong>ance alors que les visages sont<br />
le plus souv<strong>en</strong>t coupés par le cadrage, décolletés <strong>en</strong>crémés,<br />
bijoux surexposés…). Mais ces g<strong>en</strong>s à la richesse<br />
exhibée n’ont droit ici qu’à une qualité d’image destinée<br />
au rebut : tous les privilèges ne leur sont pas dus.<br />
Réédition du livre paru <strong>en</strong> 1986 <strong>en</strong> Angleterre, The<br />
last resort s’attache à r<strong>en</strong>dre compte sans fioritures des<br />
attitudes d’une classe populaire <strong>en</strong> vacances dans une<br />
cité balnéaire. Le sujet bi<strong>en</strong> vernaculaire et son traitem<strong>en</strong>t<br />
photographique lui avai<strong>en</strong>t valu nombre critiques.<br />
«C.»<br />
Ce livre est l’aboutissem<strong>en</strong>t de la complicité <strong>en</strong>tre trois<br />
comparses. Frédéric Valabrègue, l’accompagnateur de<br />
l’artiste depuis ses débuts, signe les textes à partir de<br />
plusieurs <strong>en</strong>trées thématiques hors chronologie : comm<strong>en</strong>çant<br />
par La Chambrejusqu’à Mouvem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> passant<br />
par Tatouages ou Méduses, il explore les multiples <strong>en</strong>trelacs<br />
du travail de «C.» comme pour laisser toute la<br />
place au s<strong>en</strong>s des œuvres.<br />
Ce que vi<strong>en</strong>t confirmer la suite de l’ouvrage. André<br />
Dimanche, lors de la signature à la galerie Alain Paire,<br />
rappelait la g<strong>en</strong>èse du projet, la complicité du graphiste,<br />
George R<strong>en</strong>é, le travail ténu de l’artiste avec<br />
l’éditeur. Mais il souligna égalem<strong>en</strong>t l’exigeante empathie<br />
qui se retrouve pour le lecteur jusque dans la<br />
reproduction irréprochable des œuvres <strong>en</strong> particulier,<br />
Voici un livre qui paraît à pic ! En cette période de<br />
Noël et dans notre région, Crèches du monde, un<br />
monde de crèchesne peut manquer d’attirer tous ceux<br />
que la Nativité et les santons inspir<strong>en</strong>t. Effectivem<strong>en</strong>t,<br />
ce livre imposant, presque 300 pages format livre d’art,<br />
représ<strong>en</strong>te une somme, et pas seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> euros. Tout<br />
ce que avez toujours voulu savoir sur la crèche s’y trouve<br />
ou presque, du texte biblique aux diverses techniques<br />
de fabrication des personnages, <strong>en</strong> passant par leur<br />
valeur symbolique et leur histoire. On peut y lire aussi<br />
des chants de Noël, y glaner des référ<strong>en</strong>ces d’artisans<br />
ou de r<strong>en</strong>contres importantes. Bref, un ouvrage très<br />
complet, agrém<strong>en</strong>té de multiples photographies prises<br />
pour la plupart <strong>en</strong> Pologne, <strong>en</strong> Italie et <strong>en</strong> France sur<br />
les marchés de santonniers les plus célèbres (Aubagne,<br />
Martin Parr est dev<strong>en</strong>u <strong>en</strong>tre temps une des référ<strong>en</strong>ces<br />
de la photo (d’art) docum<strong>en</strong>taire. Dans sa préface Gerry<br />
Badger resitue l’évolution de sa réception publique, et<br />
examine la démarche de l’auteur. Sa bi<strong>en</strong>veillance <strong>en</strong>vers<br />
le vulgaire ?<br />
Dans le même format à l’itali<strong>en</strong>ne, mais couverture toilée<br />
très rouge, sans rédactionnel aucun, Capitolio sinue<br />
dans la société vénézuéli<strong>en</strong>ne sous Chavez, <strong>en</strong> noirs,<br />
blancs et gris uniquem<strong>en</strong>t. Matières, contrastes, flou,<br />
grain, variété des plans et des sujets constitu<strong>en</strong>t autant<br />
d’angles d’approche. En certains <strong>en</strong>droits les clichés<br />
s’assembl<strong>en</strong>t bord à bord évoquant le récit filmique<br />
ou construisant d’autres images plus plastici<strong>en</strong>nes <strong>en</strong><br />
pleine et double page. Le docum<strong>en</strong>taire cède alors au<br />
poétique, le livre à l’objet. On regrette quand même<br />
l’abs<strong>en</strong>ce de contextualisation et d’explicitation du<br />
travail de Christopher Anderson qui déclare ailleurs<br />
«Au Vénézuéla, l’appareil photo est une arme…»<br />
CLAUDE LORIN<br />
ou <strong>en</strong>core dans le rythme du déroulem<strong>en</strong>t par séqu<strong>en</strong>ces,<br />
les séries se déployant sur plusieurs volets.<br />
Précisons que seule l’œuvre graphique de Jean-Jacques<br />
Ceccarelli a été ret<strong>en</strong>ue au cours de ces trois c<strong>en</strong>t<br />
pages et c<strong>en</strong>t quarante reproductions. À quand pour<br />
les sculptures et installations ?<br />
CLAUDE LORIN<br />
Ceccarelli<br />
texte de Frédéric Valabrègue<br />
André Dimanche Editeur, 50 euros<br />
En plus de l’édition courante, 30 tirés à part, numérotés,<br />
sont prés<strong>en</strong>tés sous coffret toilé rouge accompagnés d’un<br />
dessin original de l’artiste, 250 euros<br />
Entre le bœuf et l’âne gris<br />
Arles) ou au musée des santons de Val (Var). Miniatures<br />
ou monum<strong>en</strong>tales, sophistiquées ou brutes, toutes<br />
sortes de crèches sont prés<strong>en</strong>tées, reflets émouvants<br />
des cultures du monde.<br />
Car Crèches du monde est l’œuvre de deux passionnés,<br />
Maria Skrzeczkowska et Patrick Botella, dont de<br />
nombreuses lég<strong>en</strong>des montr<strong>en</strong>t qu’ils ont tous deux collecté<br />
depuis longtemps, elle dans sa Pologne natale, lui<br />
<strong>en</strong> Prov<strong>en</strong>ce et auparavant <strong>en</strong> Algérie, des pièces rares<br />
ou originales. Leur passion est <strong>en</strong>thousiaste, ferv<strong>en</strong>te<br />
même avec, parfois, une t<strong>en</strong>dance au prosélytisme.<br />
Qui reste discrète.<br />
FRED ROBERT<br />
Privilège<br />
Jessica Craig-Martin<br />
co-édition RVB, 45 euros<br />
The last resort<br />
Martin Parr<br />
40 euros<br />
Capitolio<br />
Christopher Anderson<br />
46 euros<br />
Crèches du monde, un monde de crèches<br />
Maria Skrzeczkowska et Patrick Botella<br />
éd l’àpart du beau, 45 euros<br />
49<br />
© Martin Parr
50 LIVRES LITTÉRATURE<br />
Loin du paradis<br />
L’atmosphère du dernier roman d’Andrew Sean<br />
Greer, qu’il est v<strong>en</strong>u prés<strong>en</strong>ter à Marseille dans le<br />
cadre des Belles Etrangères, rappelle celle du film<br />
de Todd Haynes. Réalisé <strong>en</strong> 2003, celui-ci relate le<br />
drame de Cathy (Julianne Moore), mère et femme<br />
au foyer exemplaire qui voit sa vie et son mariage<br />
exploser ; une mise <strong>en</strong> scène à la Douglas Sirk, sur<br />
fond d’homosexualité et de racisme. Dans le roman,<br />
c’est à la même Amérique des années 50 que la<br />
narratrice Pearlie fait remonter le début de cette histoire<br />
d’un mariage ; la même Amérique corsetée dans ses<br />
préjugés (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Buzz, celui<br />
par qui le scandale pourrait arriver, dirige une<br />
<strong>en</strong>treprise de sous-vêtem<strong>en</strong>ts, gaines et corsets à tous<br />
les étages) ; la même Amérique qui exécute les époux<br />
Ros<strong>en</strong>berg et <strong>en</strong>voie des gamins mourir <strong>en</strong> Corée.<br />
Donc, c’est l’histoire de Pearlie et de son bel époux<br />
Holland, de leur petit garçon handicapé et de leur<br />
exist<strong>en</strong>ce paisible… Jusqu’au jour où elle découvre<br />
«quelqu’un qui avait emprunté par pure sorcellerie les<br />
traits de [mon] mari». Rassurez-vous, ri<strong>en</strong> à voir avec<br />
Écrire et faire l’amour<br />
La vérité sur Marie clôt la trilogie inaugurée avec Faire<br />
l’amour (2002) et poursuivie dans Fuir (2005). Jean-<br />
Philippe Toussaint achève brillamm<strong>en</strong>t le cycle de sa<br />
passion pour Marie, avec desc<strong>en</strong>te aux <strong>en</strong>fers et<br />
résurrection. Faire l’amour donc, ou plutôt le refaire<br />
avec elle, et révéler «la vérité sur» cette femme<br />
fantasque, désordonnée et suprêmem<strong>en</strong>t attirante, que<br />
le narrateur n’a cessé d’aimer et sur laquelle il déclare<br />
tout savoir. Tel est le projet de l’homme amoureux ; tel<br />
est égalem<strong>en</strong>t celui de l’écrivain.<br />
La vérité sur Marie se prés<strong>en</strong>te comme un triptyque.<br />
Deux volets latéraux, l’un situé à Paris l’autre sur l’île<br />
d’Elbe, retrac<strong>en</strong>t, avec le mélange d’humour décalé et<br />
de recherche stylistique propres à Toussaint,<br />
l’événem<strong>en</strong>t tragique qui a permis aux deux<br />
protagonistes de se retrouver, à savoir la mort subite,<br />
dans l’appartem<strong>en</strong>t de Marie, de Jean-Christophe de<br />
G., un riche et élégant éleveur de chevaux de course<br />
r<strong>en</strong>contré à Tokyo. Au c<strong>en</strong>tre, <strong>en</strong>châssée dans le récit<br />
des retrouvailles, l’av<strong>en</strong>ture de Marie avec cet homme,<br />
et surtout une scène dans la zone de fret de l’aéroport<br />
Marseille et son double<br />
Il y a d’autres Marseille de par le monde… et si vous<br />
vous jetez éperdus dans la consultation d’un atlas, vous<br />
vérifierez, ô stupeur, que la cité phocé<strong>en</strong>ne n’est pas<br />
unique (Petit détail orthographique, celle qui se situe<br />
<strong>en</strong> Illinois porte un s <strong>en</strong> finale) ! Bruno Leydet s’est<br />
emparé de cette ville américaine, <strong>en</strong> a fait un miroir,<br />
multipliant les échos, à la manière de ces écrits du<br />
XVIII e qui s’amusai<strong>en</strong>t à brouiller les codes pour<br />
avancer critiques et caricatures. Un régal de lecture,<br />
style rapide, serré qui ti<strong>en</strong>t de Lodge ou d’Alison Lurie,<br />
et un jeu perman<strong>en</strong>t pour le lecteur qui reconnaît par<br />
transpar<strong>en</strong>ce sa propre ville. En Illinois, c’est l’MO, le<br />
Marseille Olympus, équipe de foot féminine, qui<br />
passionne la population ; la série à la mode se nomme<br />
«Wonderful life» ; on va au Sun Market faire ses<br />
un quelconque ouvrage de fantasy… Mais c’est tout<br />
de même une histoire de rev<strong>en</strong>ant que Pearlie retrace.<br />
Car lorsque Buzz Drumer se prés<strong>en</strong>te à sa porte, le<br />
passé <strong>en</strong>tre avec lui ; un passé tu, une histoire sombre<br />
et aussi la révélation de la liaison amoureuse des 2<br />
hommes.<br />
Pearlie pourrait s’effacer, abandonner la partie. Mais<br />
Pearlie n’est pas Cathy. Cette jeune femme noire ne<br />
r<strong>en</strong>once jamais. De même qu’elle a su qu’elle le voulait<br />
au premier regard, et qu’elle l’a eu, de même elle va<br />
lutter pour compr<strong>en</strong>dre son Holland, et le garder, avec<br />
ses faiblesses, ses parts d’ombre.<br />
Un beau roman, donc. D’amour. De guerre aussi :<br />
«non pas une histoire ordinaire de combattants mais de<br />
ceux qui ne partir<strong>en</strong>t pas à la guerre. Les lâches et les<br />
planqués […] L’histoire de ces hommes-là, et d’une<br />
femme à la f<strong>en</strong>être, incapable de faire autre chose<br />
qu’observer. […] Ils sont éliminés de l’Histoire, car ri<strong>en</strong><br />
n’est plus corrosif que la honte. […] Mais je signe pour<br />
eux ce récit.» La chronique de Pearlie atteint à<br />
l’universel. Et au-delà des décors 50 et d’une «histoire<br />
de Narita, puis dans l’avion. Toussaint déploie sur<br />
quelque 100 pages, c’est-à-dire à peu près la moitié du<br />
livre, une fiction rétrospective stupéfiante. Il imagine<br />
l’embarquem<strong>en</strong>t difficile d’un pur-sang et le retour<br />
épique <strong>en</strong> avion cargo de Marie, de son amant et du<br />
cheval. La scène pr<strong>en</strong>d des allures d’apocalypse<br />
artificielle, totalem<strong>en</strong>t reconstruite, <strong>en</strong>tre drame et<br />
burlesque, film d’action de série B et tragédie<br />
contemporaine. On se souvi<strong>en</strong>t alors que Toussaint<br />
est aussi réalisateur de films. De fait, il s’<strong>en</strong> donne à<br />
cœur joie, avec jeux de lumières et effets spéciaux, sur<br />
un scénario délirant qu’il semble vomir, comme le<br />
feront le pur-sang dans l’avion, le narrateur dans la<br />
dernière partie. Logorrhée cathartique, souffrance<br />
expectorée une fois pour toutes.<br />
C’est viol<strong>en</strong>t, tellurique, érotique aussi, avec une<br />
dominante nocturne, de mort, de tempête,<br />
d’inc<strong>en</strong>die. Pourtant, au bout des nuits de chaos<br />
r<strong>en</strong>aiss<strong>en</strong>t l’amour et une langue à l’épreuve des<br />
flammes.<br />
Après le Médicis pour Fuir, Jean-Philippe Toussaint<br />
courses ; et quand vous saurez que l’anci<strong>en</strong> maire<br />
s’appelait Gastone Pistone… La société marseillaise<br />
(de Marseille Illinois bi<strong>en</strong> sûr, quoique l’auteur ait<br />
omis le «s» final) est passée au crible. Liaisons, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>tes,<br />
manipulations, jeux électoraux… jubilatoire ! Il s’agit<br />
aussi d’un polar, avec fond de terrorisme intégriste, et<br />
police débordée qui s’acharne sur de fausses pistes. La<br />
quête de «l’olive nucléaire» est exceptionnelle ! À lire<br />
avec délectation !<br />
M.C.<br />
Marseille, Illinois<br />
Bruno Leydet<br />
Ed L’écailler du sud, 8,50 euros<br />
de mariage» un peu kitsch, elle parle sans doute aux<br />
lecteurs de l’Amérique d’aujourd’hui, qui est loin d’<strong>en</strong><br />
avoir terminé avec les guerres lointaines et les<br />
discriminations.<br />
FRED ROBERT<br />
L’histoire d’un mariage<br />
Andrew Sean Greer<br />
éd. de l’Olivier,<br />
21 euros<br />
vi<strong>en</strong>t tout juste de recevoir le prix Décembre pour ce<br />
beau roman visuel et s<strong>en</strong>suel. Pas mal quand on sait<br />
que cette récomp<strong>en</strong>se, qui s’affiche depuis 1989<br />
comme une sorte d’anti Goncourt, a été décernée<br />
avant lui à Pierre Michon, Régis Jauffret ou Yannick<br />
Ha<strong>en</strong>el… On peut imaginer plus mauvaise<br />
compagnie.<br />
FRED ROBERT<br />
La vérité sur Marie<br />
Jean-Philippe<br />
Toussaint<br />
éd. de Minuit,<br />
14,50 euros
Où l’archéologie du Panier sert l’<strong>en</strong>quête<br />
Le dernier roman de Jean Contrucci, Le vampire de<br />
la rue des Pistoles, <strong>en</strong>traîne une fois de plus ses lecteurs<br />
à la suite du sympathique journaliste du Petit<br />
Prov<strong>en</strong>çal, Raoul Signoret, dans une <strong>en</strong>quête rondem<strong>en</strong>t<br />
m<strong>en</strong>ée aux rebondissem<strong>en</strong>ts multiples. Le vieux<br />
Marseille sert à la fois de cadre et de clé à cette<br />
rocambolesque av<strong>en</strong>ture dominée par le pont transbordeur<br />
et hantée par les caves du Panier qui recèl<strong>en</strong>t<br />
de bi<strong>en</strong> curieux et antiques secrets. L’intrigue est servie<br />
avec une jolie verve ; les bons mots des personnages,<br />
leur <strong>en</strong>thousiasme juvénile, accord<strong>en</strong>t un rythme vif<br />
au récit. Mais la légèreté primesautière du ton<br />
n’oblitère pas les sombres échos de la gestation de la 1 re<br />
guerre mondiale, avec les poèmes distillés dans les<br />
mémoires <strong>en</strong>fantines par les hussards noirs de la<br />
Freaks and Chips<br />
Dans les limbes n’est pas tout à fait un thriller. Ni<br />
vraim<strong>en</strong>t un roman fantastique. Pas plus une fable<br />
sociale à l’américaine, voire une fiction «gold metal»<br />
hallucinatoire écrite sous speed avec vieux fonds de<br />
rock n’roll. Mais Dans les limbes ou plutôt The<br />
Resurrectionist -son titre original- est un peu de tout<br />
cela. Roman étouffant et cauchemardesque, sa lecture<br />
nous projette dans un monde peuplé de bikers ultraviol<strong>en</strong>ts,<br />
de médecins pervers, d’étranges comateux<br />
reclus au cœur d’une terrifiante clinique gothique. À<br />
ce décor grisâtre s’ajoute l’écriture <strong>en</strong> pans alternés<br />
d’un récit double : sous nos yeux tremble Swe<strong>en</strong>ey,<br />
père pétri de culpabilité au chevet de son fils <strong>en</strong><br />
sommeil profond ; parallèlem<strong>en</strong>t s’égrèn<strong>en</strong>t les chapitres<br />
de Limbo, la bande dessinée qu’il lit et qui le relie à<br />
l’<strong>en</strong>fant. Les personnages de ce comic sont des monstres<br />
de foire que n’aurait pas r<strong>en</strong>iés l’Amérique<br />
profonde des romans d’Harry Crews.<br />
Pour le reste, on plongerait plutôt au milieu d’une<br />
fantasmagorie façon «new worlds» britannique, écla-<br />
N o 25 desc<strong>en</strong>dre 2009<br />
Les travaillants, un roman de sci<strong>en</strong>ce affliction de<br />
Grégoire Courtois aux éditions Presque Lune.<br />
18.50 euros de désespérée errance !<br />
Une époque incertaine dans un futur incertain. La<br />
terre ? Des tours dominant des rues improbables ou<br />
règn<strong>en</strong>t des «chats» hypothétiques ; humains rejetés<br />
des <strong>en</strong>treprises ou survivants de la chute incessante des<br />
suicidés, volontaires ou non, qui ne cess<strong>en</strong>t de tomber<br />
des étages, tels des Folon de fin du monde. Des<br />
«travaillants» nés d’une «nurserie» franchiss<strong>en</strong>t un<br />
triste jour la «porte des Hairaches» pour <strong>en</strong>trer dans le<br />
«monde du travail» selon le bon vouloir de l’<strong>en</strong>treprise<br />
toute puissante. Y survivront-ils ? Pourront-ils accéder<br />
à un box à l’étage du bureau ? Seront-ils protégés ou<br />
défénestrés par la «guilde» sur laquelle la béance<br />
libérale les aura déposés ? Nul ne sait. Au fond de<br />
toilettes obscures, filmés par leurs collègues de bureau,<br />
république. L’érudition, certes formulée sur le ton de<br />
la galéjade, est bi<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te, et reconstruit le vieux<br />
Marseille, son architecture, ses coutumes, les différ<strong>en</strong>tes<br />
strates de sa population, d’une plume vivante et<br />
<strong>en</strong>jouée. Un vrai plaisir de lecture ! Sans compter<br />
qu’adjoint au volume, un petit traité, Le Marseille de<br />
Raoul Signoret, nous livre photographies r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts<br />
et alléchantes recettes du début du XX e siècle…<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Le vampire de la rue des Pistoles<br />
Les nouveaux mystères de Marseille<br />
Jean Contrucci<br />
Ed Jean Claude Lattès, 16,50 euros<br />
tant les cadres des g<strong>en</strong>res établis. Car c’est bi<strong>en</strong> loin<br />
d’un polar traditionnel, <strong>en</strong>tre rêve et réalité, que se<br />
pose ici la question suivante : ces deux-là, père et fils,<br />
peuv<strong>en</strong>t-il <strong>en</strong>core communiquer dans le monde des<br />
vivants ? Faut-il charcuter le cerveau de l’un ou bi<strong>en</strong><br />
l’autre doit-il s’élancer, shooté à mort, dans le néant<br />
des rêves ? Jack O’Connell diffère la solution du<br />
dilemme. Et voici sans doute le point faible de cet<br />
ouvrage résolum<strong>en</strong>t baroque d’un point de vue<br />
onirique. Une fois les monstres, les «abominations»,<br />
la clinique et Géh<strong>en</strong>na posés, détaillés, que reste-t-il à<br />
découvrir ? Que les monstres ne sont pas ceux que l’on<br />
croit ? Finalem<strong>en</strong>t on aurait préféré aller <strong>en</strong>core plus<br />
loin avec eux. Let’s take the road again...<br />
EDOUARD BARTHELEMY<br />
Dans les limbes<br />
Jack O’Connell<br />
Ed Rivages/Thriller, 22 euros<br />
les pervers s’adonn<strong>en</strong>t à des scarifications sacrificielles.<br />
S’il est un l<strong>en</strong>demain, face à la «nano-cantine», l’objet<br />
de l’art déverse ses tripes et r<strong>en</strong>d le dernier soupir<br />
tandis que Vera <strong>en</strong> vomit de jouissance. Les messages<br />
télématiques s’échang<strong>en</strong>t, précédés pour <strong>en</strong> informer<br />
le lecteur d’un [chan#9926]. Périodiquem<strong>en</strong>t un<br />
chapitre, cassé <strong>en</strong> «Courier New» format [txt] nous<br />
fait accéder aux [informations personnalisées]<br />
de l’<strong>en</strong>treprise.<br />
Si vous voulez <strong>en</strong> subir plus, lisez ce roman ou fourrezvous<br />
un doigt au fond de la gorge, ou buvez un café<br />
salé. Et bonnes défaites de fin damnée.<br />
YVES BERCHADSKY<br />
Les travaillants<br />
Grégoire Courtois<br />
Editions Presque Lune<br />
Jack O’Connell était accueilli à Marseille<br />
les 10 et 12 nov (ABD et Prison des Baumettes)<br />
pour deux r<strong>en</strong>contres organisées dans le cadre<br />
des Belles étrangères<br />
51
52<br />
LIVRES<br />
Cela ne s’inv<strong>en</strong>te pas, un festival consacré au roman<br />
policier dans la ville qui devrait peut être son nom aux<br />
activités peu louables des voleurs de grand chemin du<br />
Garlaban… Christiane Petetin, adjointe au maire et<br />
cheville ouvrière de cette manifestation l’évoque avec<br />
humour. En fait, c’est une histoire de passion. Passion<br />
pour ce g<strong>en</strong>re que l’on considère <strong>en</strong>core comme<br />
TOULON | LA DESTROUSSE<br />
La Fête du livre de Toulon a tiré le<br />
rideau. Avec 52000 visiteurs réunis <strong>en</strong><br />
trois jours, la 13e Un bon millésime<br />
édition «Soif de lire»<br />
a battu son record d’afflu<strong>en</strong>ce : 2000<br />
de plus que l’an dernier ! Il faut dire que<br />
le Conseil général du Var avait mis le<br />
paquet : 354 auteurs français et étrangers<br />
dont Paule Constant, prix<br />
Goncourt 1998, présid<strong>en</strong>te du Prix des<br />
lecteurs ; 27 libraires du départem<strong>en</strong>t ;<br />
organisation et communication confiées<br />
aux spécialistes du g<strong>en</strong>re, MPO Ag<strong>en</strong>ce<br />
à Nice et CBW Méditerranée Marseille:<br />
de quoi assurer une grande visibilité à<br />
l’opération, dont le coût global est de<br />
700 K€, campagne de communication<br />
comprise. Un investissem<strong>en</strong>t à la<br />
hauteur des <strong>en</strong>jeux et à répercussion<br />
immédiate : de nombreux librairies font<br />
leur chiffre d’affaires annuel durant ces<br />
trois jours, ce qui leur permet de t<strong>en</strong>ir<br />
le reste de l’année...<br />
Il y avait donc foule sous le chapiteau<br />
géant planté place d’Armes. Point de<br />
ralliem<strong>en</strong>t des Toulonnais et des Varois<br />
à l’affût d’une dédicace, curieux des<br />
auteurs tout juste primés par le Goncourt<br />
ou le R<strong>en</strong>audot, ou impati<strong>en</strong>ts<br />
des nouveautés régionales. La v<strong>en</strong>ue de<br />
vedettes (Nelson Montfort, Claude<br />
Lanzmann, Jean-François Kahn…)<br />
n’est pas pour ri<strong>en</strong> dans cet <strong>en</strong>gouem<strong>en</strong>t,<br />
mais ce succès a aussi son revers:<br />
on se demande s’il ne faudrait pas <strong>en</strong>visager<br />
de doubler la surface d’exposition<br />
et d’installer des chapiteaux satellitaires,<br />
afin de fluidifier la circulation <strong>en</strong>tre les<br />
stands (un véritable embouteillage le<br />
samedi après-midi !) et d’améliorer la<br />
répartition des espaces <strong>en</strong>tre les ateliers<br />
(ceux de l’Hôtel des arts et de l’asso-<br />
Polar<br />
à la<br />
Destrousse<br />
mineur dans la famille de la grande littérature. Il s’agit<br />
donc à la Destrousse de montrer la diversité des styles<br />
du polar avec un large plateau d’invités, et de<br />
nombreux auteurs de la région, comme Jean<br />
Contrucci ou Bruno Leydet (voir p 50 et p 51).<br />
Le programme des activités est extrêmem<strong>en</strong>t riche :<br />
Cluedo géant pour les <strong>en</strong>fants, jazz swing, lectures<br />
d’extraits de polars, petite pièce <strong>en</strong> un acte mise <strong>en</strong><br />
scène et composée pour l’occasion par Michel<br />
Jaquet, jouée par l’auteur et André de Rocca. De<br />
nombreuses interv<strong>en</strong>tions aussi de fous du polar, la<br />
813 (les Amis des Littératures Policières), les<br />
Polarophiles Tranquilles qui prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leurs revues,<br />
des atelier de calligraphie, des auteurs jeunesse comme<br />
© X-D.R<br />
© X-D.R<br />
ciationÉquinoxepour les jeunes lecteurs<br />
n’ont pas désempli une seconde), les<br />
r<strong>en</strong>contres et les signatures.<br />
Placée sous le double signe de la Littérature<br />
<strong>en</strong> Méditerranée et des Arts<br />
de la table, la Fête du livre a <strong>en</strong>trouvert<br />
la porte à une approche plus<br />
sociologique de certains thèmes (Tablées<br />
et modes de vie) et à des débats géopolitiques<br />
(Histoire de l’immigration dans<br />
le Var). On vi<strong>en</strong>t aussi pour échanger,<br />
et les occasions ne manqu<strong>en</strong>t pas : on se<br />
presse pour <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre les nominés du<br />
Prix des lecteurs du Var évoquer «La<br />
Méditerranée dans la littérature moderne»,<br />
on débat au café philosophique animé<br />
par Philippe Granarolo, on découvre<br />
les métiers du livre auprès de L’Ag<strong>en</strong>ce<br />
régionale du livre… Les animations<br />
non plus ne désempliss<strong>en</strong>t pas avec,<br />
pour la première fois, des ateliers slam<br />
pour les collégi<strong>en</strong>s, des scènes ouvertes<br />
publiques, des concerts et des performances.<br />
De la littérature à la poésie, de<br />
la poésie au slam, la Fête du livre reflète<br />
avec tal<strong>en</strong>t l’air du temps.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
La Fête du livre de Toulon s’est déroulée<br />
les 20, 21 et 22 novembre.<br />
Le livre d’Akli Tadjer (voir Zib 15),<br />
Il était une fois peut-être pas (Lattès) a<br />
obt<strong>en</strong>u le Prix des lecteurs du Var 2009<br />
Prat du Joncourt.<br />
Aux murs de la grande salle de La Pléiade qui accueille<br />
le festival, de larges panneaux: chacun prés<strong>en</strong>te la<br />
photographie d’un écrivain <strong>en</strong> noir et blanc, comme<br />
une page qui s’écrit et <strong>en</strong> parallèle la vue <strong>en</strong> couleur<br />
d’un paysage cher à ce dernier. Ces clichés prêtés par<br />
la médiathèque de Miramas sont de Claude<br />
Almodovar…<br />
Un petit festival rappelle modestem<strong>en</strong>t l’organisatrice<br />
secondée par une équipe de bénévoles <strong>en</strong>thousiastes.<br />
Mais quelle qualité !<br />
MARYVONNE COLOMBANI
La page et l’écran<br />
ARLES<br />
Chapelle du Méjan – 04 90 49 56 78<br />
Lecture de textes de Fellag et d’Antonio Lobo Antunes par Fellag<br />
et Marianne Epin. Le 5 janv à 20h30.<br />
AVIGNON<br />
Collection Lambert – 04 90 18 56 20<br />
Dans le cadre du 10 e anniversaire de la création du musée Éric<br />
Mézil, directeur de la collection lambert, propose une série de<br />
confér<strong>en</strong>ce publique consacrée à l’histoire de l’art. Le cycle<br />
s’ouvre le 22 déc à 17h30 par Intoduction à l’analyse de l’image<br />
anci<strong>en</strong>ne et contemporaine, l’iconographie des maîtres du moy<strong>en</strong><br />
âge à Andy Warhol.<br />
CARPENTRAS<br />
Librairie de l’horloge – 04 90 63 18 32<br />
R<strong>en</strong>contre avec Jean-Michel Gu<strong>en</strong>assia autour de son livre Le<br />
club des incorrigibles optimistes (Albin Michel), le 18 déc à 19h.<br />
GAP<br />
Théâtre La Passerelle – 04 92 52 52 52<br />
Exposition Esquives et Nocturnes de Mireille Loup, du 9 janv au<br />
27 fév. Vernissage le 8 janv à 18h30, r<strong>en</strong>contre avec l’artiste le 9<br />
janv à 10h<br />
MARSEILLE<br />
CIPM – 04 91 91 26 45<br />
Exposition Poësimage proposée par l’URDLA(c<strong>en</strong>tre international<br />
estampe et livre), jusqu’au 16 janv.<br />
CRDP – 04 91 14 13 87<br />
Le corps dans l’art contemporain, confér<strong>en</strong>ce donnée dans le cadre<br />
des r<strong>en</strong>contres culturelles du CRDP : Le portrait dansé, par<br />
CITÉ DU LIVRE | AU PROGRAMME<br />
L’Ag<strong>en</strong>ce Régionale du Livre organisait des r<strong>en</strong>contres publiques sur les métamorphoses<br />
numériques du livre. Un sujet ess<strong>en</strong>tiel, qui reste inquiétant<br />
Lorsqu’il écrivit la Galaxie Gut<strong>en</strong>berg,<br />
Mac Luhan, malgré d’évid<strong>en</strong>tes erreurs<br />
de prospective (on n’a jamais autant imprimé<br />
qu’après l’inv<strong>en</strong>tion de la radio<br />
et la télé), posa au moins une chose ess<strong>en</strong>tielle<br />
: l’interdép<strong>en</strong>dance étroite du média<br />
et du message. On ne peut après cela<br />
p<strong>en</strong>ser le livre numérique comme un<br />
livre, non parce qu’il ne peut <strong>en</strong> reproduire<br />
le cont<strong>en</strong>u, mais parce qu’un<br />
cont<strong>en</strong>u qui change de média transforme<br />
aussi son message. Qu’il l’amoindrisse,<br />
l’<strong>en</strong>richisse, le comm<strong>en</strong>te ou le dénature.<br />
Qu’est-ce qu’un livre ? Affectivem<strong>en</strong>t<br />
avant tout un objet. Intimidant, rebutant,<br />
offert, prêté, donné, dormant à<br />
côté de vous, illustré parfois, consulté,<br />
compulsé, oublié puis repris comme on<br />
retrouve une photo d’<strong>en</strong>fance. Un objet<br />
que l’on touche, que l’on pratique et que<br />
l’on aime, que l’on vocalise parfois pour<br />
les autres, ses <strong>en</strong>fants, et qui laisse des<br />
marques dans votre esprit parce qu’il agit<br />
sur votre corps.<br />
Les bibliothécaires, chercheurs, libraires<br />
et professeurs réunis lors du colloque<br />
parlèr<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t des aspects techniques<br />
de la numérisation des données.<br />
Brillamm<strong>en</strong>t, Françoise B<strong>en</strong>hamou<br />
séria les bouleversem<strong>en</strong>ts économiques<br />
qui att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t le monde du livre dans<br />
les prochaines années, depuis les droits<br />
d’auteurs jusqu’au rôle prescripteur des<br />
libraires et des bibliothécaires. Bernard<br />
Stiegler, pour conclure, souligna cette<br />
«grammatisation du lecteur» poussé à<br />
dev<strong>en</strong>ir écriveur de ce qu’il lit, acteur de<br />
palimpsestes nouveaux, sans falsification.<br />
Chacun semblait convaincu que, si<br />
l’ebook était loin de pr<strong>en</strong>dre, la galaxie<br />
de l’impression était à un tournant de<br />
son histoire, complétée, dépassée, voire<br />
remplacée par la lecture numérique.<br />
Tourner la page ?<br />
Cette position s’explique aisém<strong>en</strong>t : évidemm<strong>en</strong>t,<br />
un livre sci<strong>en</strong>tifique gagne<br />
<strong>en</strong> arboresc<strong>en</strong>ces, <strong>en</strong> consultations, <strong>en</strong><br />
précisions, <strong>en</strong> réseaux qui l’affranchiss<strong>en</strong>t<br />
du linéaire, et permett<strong>en</strong>t<br />
une actualisation constante des<br />
données et du savoir ; évidemm<strong>en</strong>t<br />
l’archivage numérique du patrimoine<br />
imprimé garantit a priori qu’il sera<br />
conservé sans danger de détérioration<br />
par le temps, le feu ou la consultation ;<br />
évidemm<strong>en</strong>t la pratique de l’écriture<br />
numérique, avec ses invisibles ratures,<br />
ses rajouts pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t illimités, et<br />
cette f<strong>en</strong>être ouverte de l’autre côté de<br />
l’écran qui permet à tout écriveur de<br />
consulter le monde, est une source de<br />
plaisir infini. Seuls quelques nostalgiques<br />
écriv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core leurs œuvres sur<br />
papier.<br />
Mais ils sont nombreux <strong>en</strong>core ceux qui<br />
lis<strong>en</strong>t des livres. Nos sociétés de consommation<br />
ont intérêt à nous pousser au<br />
numérique. C’est-à-dire à l’achat de<br />
l’appareil et non de l’œuvre. Question<br />
de plus-value immédiate, de rémunération<br />
des industries et non de l’intellect.<br />
Au Programme<br />
Christian Gattinoni, <strong>en</strong>seigant à l’Ecole nationale supérieure de la<br />
photographie d’Arles. Le 21 janv à 18h30.<br />
BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34<br />
Voyages <strong>en</strong> <strong>en</strong>cyclopédies : de Diderot et D’Alembert aux<br />
<strong>en</strong>cyclopédies <strong>en</strong> ligne : confér<strong>en</strong>ce sur l’évocation des<br />
problématiques des <strong>en</strong>cyclopédies <strong>en</strong> ligne et du travail des<br />
Encyclopédistes des Lumières, lecture d’un passage extrait du<br />
Rêve de D’Alembert de Diderot, le 18 déc à 17h <strong>en</strong> salle de<br />
confér<strong>en</strong>ce ; confér<strong>en</strong>ce d’Agnès Deluchi des Editions<br />
Britannica-Universalis sur l’Encyclopédie Universalis, le 7 janv à<br />
18h <strong>en</strong> salle des confér<strong>en</strong>ces.<br />
L’Alcazar célèbre Jean Cocteau dans le cadre du 120 e anniversaire<br />
de sa naissance : pour les 50 ans du tournage du film Le<br />
Testam<strong>en</strong>t d’Orphée, projection et table ronde, le 19 déc à 17h <strong>en</strong><br />
salle des confér<strong>en</strong>ces.<br />
Exposition Aux limites du photographiable qui réunit les œuvres<br />
de Stev<strong>en</strong> Bernas, Rolf G<strong>en</strong>eral, Marc Heller, Bernard Plossu,<br />
Christine Buignet, Olivier Umhauer, Christian Galzin et<br />
Bernard Lantéri, jusqu’au 16 janv <strong>en</strong> salle d’exposition.<br />
R<strong>en</strong>contre autour du livre Le Bateau-usine de Kobayashi Takiji<br />
à l’occasion de sa parution <strong>en</strong> français, avec sa traductrice<br />
Evelyne Lesigne-Audoly. Le 9 janv à 17h à l’auditorium.<br />
Confér<strong>en</strong>ce de la linguiste Véronique Rey Et si demain les <strong>en</strong>fants<br />
ne savai<strong>en</strong>t plus parler ?, le 9 janv à 15h <strong>en</strong> salle de confér<strong>en</strong>ce ;<br />
confér<strong>en</strong>ce de l’hydrobiologiste Christian Lévêque, Biodiversité,<br />
je t’aime moi non plus!, le 16 janv à 17h <strong>en</strong> salle de confér<strong>en</strong>ce.<br />
Librairie Maupetit – 04 91 36 50 50<br />
R<strong>en</strong>contre avec Flor<strong>en</strong>ce Langlois et Vinc<strong>en</strong>t Bourgeau, auteursillustrateurs<br />
pour la jeunesse. Le 19 déc à 15h.<br />
LIVRES<br />
53<br />
Amazon Kindle © X-D.R<br />
Aujourd’hui,<br />
contrairem<strong>en</strong>t au disque<br />
et à la presse, le livre résiste<br />
et se v<strong>en</strong>d parce que son rapport au corps<br />
est fait de proximité et d’affects. Au<br />
moins quand il s’agit de littérature.<br />
AGNES FRESCHEL<br />
Les R<strong>en</strong>contres sur les Métamorphoses<br />
numériques du livre ont eu lieu<br />
à la Cité du Livre (Aix)<br />
les 30 nov et 1 er déc.<br />
C<strong>en</strong>tre international de recherches sur l’anarchisme –<br />
09 50 51 10 89<br />
R<strong>en</strong>contre/débat avec Ronald Creagh, auteur du livre Utopies<br />
américaines, expéri<strong>en</strong>ces libertaires du XIX e siècle à nos jours (éd.<br />
agone), le 9 janv à 17h.<br />
ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 08<br />
Exposition Visions portuaires : photographies de François<br />
Delaage et installations de Claire Saltet. Jusqu’au 16 janvier.<br />
Librairie Histoire de l’œil – 04 91 48 29 92<br />
Exposition de Jean Juli<strong>en</strong>, organisée par Fotokino dans le cadre<br />
du festival Laterna Magica. Jusqu’au 31 déc.<br />
Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49<br />
Confér<strong>en</strong>ce d’initiation : Art et paysage IV, Du pittoresque au<br />
sublime (XVIII e siècle) par Jean-Noël Bret. Le 13 janv à 12h30,<br />
le 15 janv à 12h30 et 18h.<br />
SAINT-MICHEL L’OBSERVATOIRE<br />
Editions C’est-à-dire – 09 53 07 52 14<br />
La jeune maison d’édition C’est-à-dire (7 titres au catalogue à ce<br />
jour), propose 3 livres <strong>en</strong> souscription (à 15 euros au lieu de 20)<br />
aux lecteurs qui souhait<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>ir leur démarche : Le pays de<br />
Forcalquier : son lac, sa mer de Gabriel Conte ; Et <strong>en</strong> cas de peste,<br />
ce qu’à Dieu ne plaise… Chronique d’une ville close, Sisteron<br />
(1719-1723) d’Irène Magnaudeix ; Bourgeois à la campagne, les<br />
domaines avec bastides de Saint-Eti<strong>en</strong>ne-les-Orgues de Gisèle<br />
Roche-Galopini. Vous pouvez télécharger le bon de souscription<br />
sur leur site http://cestadire.editions.free.fr avant le 20 décembre.
54 LIVRES ÉCRIMED | HÉROPOLIS<br />
Chic<br />
ou<br />
bohème ?<br />
Bohème <strong>en</strong> Friche<br />
Le 20 novembre, début de soirée. Dans une salle<br />
prêtée par la Friche, où on s’installe tant bi<strong>en</strong> que mal<br />
sur des divans défoncés ou des pliants, Jean-François<br />
Paillard et l’équipe de Territoire 3 prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t leur<br />
drôle de spectacle, Heropolis. 52 minutes de littérature,<br />
arts visuels et musique mêlés ; 52 minutes pour évoquer<br />
ce qui arrive lorsqu’un homme se transforme <strong>en</strong><br />
chi<strong>en</strong>. À partir d’un texte écrit et d’une vidéo tournée<br />
à Istanbul avec des moy<strong>en</strong>s artisanaux, appareil photo<br />
numérique et caméra embarquée, J.-F. Paillard et ses<br />
complices propos<strong>en</strong>t une performance originale, qu’ils<br />
n’ont eu que 10 jours (et quasim<strong>en</strong>t aucun financem<strong>en</strong>t)<br />
pour mettre au point. Sur l’écran se déroule le<br />
film des avatars de l’homme mué <strong>en</strong> chi<strong>en</strong>, de sa<br />
traversée des Enfers à sa r<strong>en</strong>aissance. L’image «sale»,<br />
volontairem<strong>en</strong>t tremblée ou saccadée ou répétée, joue<br />
sur un noir et blanc partiellem<strong>en</strong>t colorisé, sur des<br />
effets de solarisation. Ri<strong>en</strong> à voir avec une vidéo de<br />
vacances à Istanbul, même si on retrouve au hasard<br />
des tribulations du personnage les vues touristiques<br />
traditionnelles de la cité. Paillard recrée le voyage <strong>en</strong><br />
Ori<strong>en</strong>t et la ville turque se teinte de Grèce, et le<br />
Bosphore devi<strong>en</strong>t Styx… Cette traversée <strong>en</strong> images<br />
s’accompagne d’un périple sonore des plus excitants.<br />
Le texte, s’il n’échappe pas à quelques clichés, sort<br />
exalté de la performance des six allumés qui le port<strong>en</strong>t.<br />
Trois musici<strong>en</strong>s rythm<strong>en</strong>t les chapitres, façon films<br />
muets tandis que deux lecteurs-bruiteurs, Jean-Marc<br />
Hérouin et Marion Rampal, susurr<strong>en</strong>t, cri<strong>en</strong>t ou<br />
Un week-<strong>en</strong>d,<br />
deux événem<strong>en</strong>ts.<br />
Tous deux axés sur l’écriture et sur la Méditerranée,<br />
suivant des voies très différ<strong>en</strong>tes<br />
psalmodi<strong>en</strong>t les mots, que la machine diabolique de<br />
l’électroacoustici<strong>en</strong> Didier Simione distord et<br />
amplifie… Une extravagance très maîtrisée, pour une<br />
vision onirique de la Méditerranée, où les anci<strong>en</strong>s<br />
mythes imprègn<strong>en</strong>t toujours la réalité contemporaine.<br />
Un DVD vi<strong>en</strong>dra sous peu pér<strong>en</strong>niser cette expéri<strong>en</strong>ce<br />
unique et permettre à cette équipe inv<strong>en</strong>tive de poursuivre<br />
ses incursions à la croisée des champs artistiques,<br />
pour une autre lecture de nos rivages méditerrané<strong>en</strong>s.<br />
Chic aux Docks<br />
Autre lieu, et toute autre ambiance pour la 1re édition<br />
des Écritures Méditerrané<strong>en</strong>nes, placées sous la<br />
direction littéraire de Pierre Assouline et Tahar B<strong>en</strong><br />
Jelloun et chapeautées par la sémillante Elsa Charbit.<br />
Si les livres et les écrivains avai<strong>en</strong>t paru singulièrem<strong>en</strong>t<br />
abs<strong>en</strong>ts lors de la confér<strong>en</strong>ce de presse (voir Zib’24), ils<br />
étai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> là, aux Docks de la Joliette, samedi 21<br />
et dimanche 22, v<strong>en</strong>us de Tunisie, du Liban, d’Italie,<br />
du Portugal et d’ailleurs, pour t<strong>en</strong>ir des cafés littéraires<br />
à la brasserie Agora, participer aux tables rondes dans<br />
le grand auditorium de l’école Euromed Managem<strong>en</strong>t,<br />
dédicacer leurs ouvrages <strong>en</strong>tre deux.<br />
Luxe, calme et lumières tamisées ; tout au long du<br />
large couloir parqueté qui m<strong>en</strong>ait du restaurant à<br />
l’auditorium, des tables avai<strong>en</strong>t été installées, <strong>en</strong> règle<br />
générale une pour deux écrivains invités, chacune<br />
d’elles ornée d’une petite lampe de lecture de forme et<br />
de couleur différ<strong>en</strong>tes. Le g<strong>en</strong>re de détail classe qui fait<br />
la différ<strong>en</strong>ce ! Tout était à l’av<strong>en</strong>ant, les hôtesses sou-<br />
Heropolis © Territoire3<br />
riantes et élégamm<strong>en</strong>t vêtues, les étudiants d’Euromed<br />
dévolus à l’accompagnem<strong>en</strong>t des auteurs. Beaucoup<br />
d’allure, et des tables rondes intéressantes, quoiqu’un<br />
peu conv<strong>en</strong>ues pour un public un tant soit peu averti.<br />
Car lorsqu’on est coutumier des r<strong>en</strong>contres littéraires<br />
de Manosque, de celles organisées à Toulon le même<br />
week-<strong>en</strong>d, ou de celles que mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place nos<br />
libraires et éditeurs indép<strong>en</strong>dants, les discours <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus<br />
à Ecrimed n’ont pas brillé par leur originalité, <strong>en</strong><br />
dépit du tal<strong>en</strong>t oratoire de certains, comme le Libanais<br />
Najjar, l’Itali<strong>en</strong> Bajani ou l’Algéri<strong>en</strong> Djemaï. Sans<br />
doute n’était-ce pas la configuration idéale pour sortir<br />
des s<strong>en</strong>tiers battus…<br />
Mais ce qui est formidable, c’est qu’on puisse le même<br />
week-<strong>en</strong>d voir ces deux choses-là, tellem<strong>en</strong>t éloignées<br />
l’une de l’autre <strong>en</strong> dépit de leur thématique commune.<br />
Ambiance, budget, traitem<strong>en</strong>t et choix esthétiques,<br />
ri<strong>en</strong> de comparable <strong>en</strong>tre les deux. Mais il est bon que<br />
de telles manifestations coexist<strong>en</strong>t, et puiss<strong>en</strong>t continuer<br />
à rassembler des publics différ<strong>en</strong>ts autour des<br />
écritures et de la Méditerranée.<br />
FRED ROBERT<br />
Heropolis a été donné<br />
à la Friche le 20 nov<br />
Le 1 er salon des Ecritures Méditerrané<strong>en</strong>nes<br />
s’est t<strong>en</strong>u aux Docks de la Joliette<br />
les 21 et 22 nov<br />
Écrimed © Olivier Monge - MYOP
La r<strong>en</strong>contre att<strong>en</strong>due d’Écrivains <strong>en</strong> dialogue à la<br />
BDP le 8 déc, qui réunissait Olivier Adam et Véronique<br />
Ovaldé, tous deux publiés à l’Olivier, régulièrem<strong>en</strong>t<br />
primés, et auteurs d’ouvrages jeunesse à côté de leur production<br />
pour adultes. Tous deux égalem<strong>en</strong>t professionnels<br />
du livre, puisqu’Adam a longtemps été éditeur et<br />
qu’Ovaldé vi<strong>en</strong>t de le dev<strong>en</strong>ir après avoir travaillé 17<br />
ans comme responsable de fabrication. Deux quadras<br />
plus que pros, et deux romanciers remarquables.<br />
On avait regretté la défection d’Ovaldé à Manosque<br />
(victime d’un frelon, asiatique aux dernières nouvelles,<br />
les pires il paraît) ; cette fois-ci, elle est là, <strong>en</strong> pleine forme.<br />
Son collègue de plume (et fidèle lecteur) a souhaité l’inviter<br />
afin de compr<strong>en</strong>dre «où elle va chercher tout ça.» Les<br />
territoires que ces deux écrivains explor<strong>en</strong>t sont très<br />
éloignés. L’une, qu’on rapproche souv<strong>en</strong>t d’auteurs sud<br />
américains (qu’elle n’a pas toujours lus !) t<strong>en</strong>drait vers<br />
le merveilleux, l’univers des contes et le baroque, espace-temps<br />
improbable, toponymie symbolique ; tandis<br />
que l’autre se rapprocherait d’une esthétique néoréaliste,<br />
att<strong>en</strong>tion minutieuse aux détails quotidi<strong>en</strong>s, lieux ancrés<br />
dans une réalité géographique, météorologique même.<br />
Il y a pourtant plus d’une passerelle à t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>tre ces<br />
deux univers, ne serait-ce que celle de l’unicité de la voix<br />
qu’ils font <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre. Une voix qui se ti<strong>en</strong>t sur «la corde<br />
raide des émotions», dans un mélange de brutalité et de<br />
douceur qui donne à leurs fictions cette tonalité si particulière,<br />
dans la lignée des littératures américaine et<br />
japonaise que tous les deux lis<strong>en</strong>t et admir<strong>en</strong>t.<br />
Pascal Jourdana avait jolim<strong>en</strong>t intitulé la r<strong>en</strong>contre<br />
Le boxeur et la fée. Qui est l’un ? Qui est l’autre ? Au final,<br />
on n’<strong>en</strong> sait ri<strong>en</strong>. Car il y a de la boxeuse <strong>en</strong> Ovaldé et<br />
du magici<strong>en</strong> <strong>en</strong> Adam. Ne pas être là où on les att<strong>en</strong>d,<br />
c’est sans doute cela qui les rapproche aussi, et qui procure<br />
tant de plaisir à leurs lecteurs.<br />
Charlotte in love<br />
Une Escale à la librairie Imbernon, r<strong>en</strong>contre passionnante<br />
sur l’architecte et designer Charlotte Perriand<br />
a eu lieu le 9 déc dans la 3 e rue de la Cité Radieuse Le<br />
Corbusier, à l’occasion de la sortie d’un nouvel ouvrage<br />
aux éditions Norma. Reconnu et primé pour ses nombreux<br />
films et portraits d’architectes, Jacques Barsac,<br />
qui côtoya l’artiste quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant vingt ans,<br />
a donné une très belle confér<strong>en</strong>ce sur l’histoire de cette<br />
femme qui fut associée au Corbusier de 1927 à 37.<br />
Il manquait une pierre à l’édifice sans faille de l’architecte<br />
visionnaire qui, impressionné par le bar sous le toit<br />
construit <strong>en</strong> dur, confie à la jeune femme de 23 ans le<br />
mobilier et tout ce qui touche à l’architecture intérieure.<br />
Elle va dev<strong>en</strong>ir l’alliée idéale du Corbu dans la<br />
révolution de l’intérieur et du mobilier qui ne jure à<br />
l’époque que par l’art déco de Ruhlmann. Appliquer<br />
le modèle industriel du Taylorisme pour un fonctionnalisme<br />
humain devi<strong>en</strong>t alors la clef du modernisme.<br />
Fauteuil tournant, fauteuil tube, bureau <strong>en</strong> forme, la<br />
belle Charlotte fait «chanter l’espace» jusqu’à produire le<br />
fauteuil grand confort et la fameuse chaise longue qui<br />
aurait été inspiré par le pont transbordeur de Marseille<br />
pour ce qui est de l’ossature. Comme souv<strong>en</strong>t, le maitre<br />
oubliera la p(m)aternité des œuvres… et le Japon<br />
accueillera l’inspiration de la créatrice qui fut injustem<strong>en</strong>t<br />
traitée <strong>en</strong> France, même si elle trouva un terrain<br />
à son tal<strong>en</strong>t avec la construction de la station des Arcs<br />
<strong>en</strong> 67. Charlotte Perriand, un art d’habiter mais<br />
aussi Charlotte Perriand et le Japon témoign<strong>en</strong>t<br />
de ce formidable héritage qui nous a été transmis avec<br />
passion et exactitude.<br />
Toussaint à Noël<br />
Encore une r<strong>en</strong>contre avec un auteur remarquable dans<br />
un lieu agréable : Jean-Philippe Toussaint à la librairie<br />
l’Histoire de l’œil le 10 déc. Il a fallu pousser les<br />
murs, mais on est arrivé à se caser, pour une conversation<br />
<strong>en</strong>tre amis. L’auteur est largem<strong>en</strong>t rev<strong>en</strong>u sur son dernier<br />
roman, La vérité sur Marie (voir p.50), <strong>en</strong> a lu des extraits,<br />
et a rappelé les li<strong>en</strong>s qui uniss<strong>en</strong>t l’œuvre avec les<br />
précéd<strong>en</strong>tes. Chaque œuvre reste autonome, mais des<br />
résonances s’établiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre elles. Si scènes, lieux et<br />
tonalités se répond<strong>en</strong>t, c’est qu’il s’agit de «toujours<br />
écrire le même livre» et <strong>en</strong> même temps, de «toujours se<br />
RENCONTRES LITTÉRAIRES<br />
LIVRES<br />
Pour que 2010 vous donne<br />
la joie de livres !<br />
Bi<strong>en</strong> sûr, l’hiver, c’est moins<br />
facile de sortir dans l’obscurité<br />
des jours qui raccourciss<strong>en</strong>t.<br />
Cela vaut pourtant la peine :<br />
il est des r<strong>en</strong>contres qui sont<br />
de vraies fêtes. Et si vous les<br />
avez ratées, pas grave, il reste<br />
les livres de ces auteurs.<br />
À lire sans modération…<br />
55<br />
R<strong>en</strong>contre a la librairie Histoire de l'oeil avec J.-P. Toussaint © Agnès Mellon<br />
r<strong>en</strong>ouveler». Ambival<strong>en</strong>ce jubilatoire, terrain même de<br />
la littérature. Ambival<strong>en</strong>ce de la «vérité sur Marie», impossible<br />
à connaître et qu’il écrit pourtant. Ambival<strong>en</strong>ce<br />
de l’énergie romanesque, qu’il reti<strong>en</strong>t d’abord pour<br />
mieux la lâcher dans des scènes paroxystiques. Ambival<strong>en</strong>ce<br />
d’un récit à la 1 re personne, d’où le narrateur<br />
disparaît pourtant. Ambiguïté <strong>en</strong>fin de l’accumulation<br />
d’«effets de réel» dans ce qui relève de la fiction pure.<br />
Toussaint joue de cela et pose mine de ri<strong>en</strong> des questions<br />
littéraires cruciales.<br />
Il n’a pas parlé que de littérature, car il est égalem<strong>en</strong>t,<br />
photographe, cinéaste, plastici<strong>en</strong>. Son éclectisme s’accommode<br />
bi<strong>en</strong> des nouvelles technologies : il se montre<br />
fier de son site, sur lequel on peut lire certains de ses<br />
brouillons, voir des scènes de ses films ou de ses installations.<br />
Il a égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tête un projet d’exposition<br />
virtuelle. Où s’arrêtera-t-il ? À la publication de ses<br />
romans sur le web. Car, a-t-il conclu, ri<strong>en</strong> ne vaut le<br />
support papier pour jouir pleinem<strong>en</strong>t d’une fiction<br />
romanesque.<br />
FRED ROBERT ET FRED ISOLETTA<br />
Beaucoup d’autres r<strong>en</strong>contres ce mois-ci !<br />
Au Greffier de Saint-Yves, une séance<br />
de lecture- dédicace-dégustation délicieuse !<br />
Trop tard pour <strong>en</strong> profiter mais il est toujours<br />
possible de faire un tour dans cette accueillante<br />
librairie de l’hyper c<strong>en</strong>tre de Marseille ; on y trouve,<br />
comme dans toutes les vraies librairies, des idées<br />
cadeaux à tous les prix…
56 PHILOSOPHIE LES RENCONTRES D’AVERROÈS<br />
Notre monde<br />
est-il tragique ?<br />
Une fois <strong>en</strong>core les Tables Rondes d’Averroès<br />
ont fait salle comble et ont permis au public<br />
de se rassasier de connaissances et de<br />
questionnem<strong>en</strong>ts. Autour des Figures du Tragique,<br />
thème de cette 16 e édition…<br />
Naissance de la tragédie<br />
La première confér<strong>en</strong>ce rassemblait une<br />
philosophe, Barbara Cassin, un metteur<br />
<strong>en</strong> scène, Vassilis Papavassiliou et un<br />
romancier grec, Takis Théodoroupoulos.<br />
Inutile de préciser le rapport avec la Grèce<br />
des deux derniers ; pour Barbara Cassin<br />
c’est la plus grande spécialiste de la Grèce<br />
antique.<br />
Quelle est la spécificité de la tragédie, et sa<br />
différ<strong>en</strong>ce avec le drame ? Après avoir précisé<br />
le contexte historique de son éclosion (voir<br />
Zib 24), la question de la nature de la tragédie<br />
se posa. Le drame se noue dans un<br />
univers à une dim<strong>en</strong>sion, la situation y est<br />
plus ou moins soluble, relève de la plomberie<br />
et des techniques de la condition humaine.<br />
La tragédie n’est possible que dans un triangle<br />
rappela Barbara Cassin : l’homme, les<br />
dieux et la cité. La tragédie c’est l’action du<br />
héros auquel s’id<strong>en</strong>tifie le citoy<strong>en</strong>, et sous le<br />
regard des dieux. Voilà pour la forme.<br />
Sur le fond la philosophe précisa que la<br />
tragédie est oxymore, puisque le héros est<br />
coupable et non coupable. Et de manière<br />
moderne c’est lorsqu’on est «responsable<br />
mais pas coupable» ou que quelque chose se<br />
déroule «à l’insu de notre plein gré» (rires<br />
dans la salle !).<br />
Voilà pour la distinction d’avec le drame.<br />
Reste alors à se demander pourquoi la<br />
tragédie antique est associée à la tristesse.<br />
Rectification ! Vassilis Papavassiliou rappelle<br />
que la tragédie grecque n’est pas bi<strong>en</strong><br />
sérieuse, qu’elle a un aspect parodique qui<br />
démystifie les héros. Ainsi, Agamemnon<br />
r<strong>en</strong>trant tranquillem<strong>en</strong>t après dix ans d’abs<strong>en</strong>ce<br />
voir sa femme, avec sa maîtresse, alors<br />
qu’il a fait sacrifier leur fille, croit que tout va<br />
bi<strong>en</strong> ? Ce n’est pas sérieux ! Il précisa aussi<br />
qu’il n’y a pas aujourd’hui de communauté<br />
prête pour la tragédie : le théâtre de<br />
Dionysos pouvait accueillir près de 25 000<br />
personnes, grecs ou métèques, femmes ou<br />
hommes, citoy<strong>en</strong>s ou esclaves, pour y exprimer<br />
<strong>en</strong>semble les passions les plus<br />
viol<strong>en</strong>tes.<br />
En bref il ressortait de cette confér<strong>en</strong>ce que<br />
la tragédie est une joie panique devant la liberté humaine comme<br />
le dira justem<strong>en</strong>t le metteur <strong>en</strong> scène. Le romancier Takis<br />
Théodoroupoulos précisant que l’ananké pr<strong>en</strong>d toujours le dessus,<br />
mais que la tragédie est perpétuelle négociation avec la fatalité.<br />
D’où la liberté comme négociation avec les déterminismes ?<br />
Dieu et le tragique<br />
Il s’agissait là de mettre les monothéismes au défi de la tragédie ;<br />
exercice périlleux à double titre puisque le Dieu monothéiste met<br />
fin au tragique. Autre risque : quelle religion peut mieux<br />
s’accommoder du tragique, c’est-à-dire de la liberté humaine ? Là<br />
aussi l’Islam fut pris <strong>en</strong> défaut d’archaïsme, non pas tant quant à<br />
sa nature, que par les argum<strong>en</strong>ts de ses représ<strong>en</strong>tants.<br />
Comme le rappelle Mahmoud Hussein (pseudonyme commun<br />
de Bahgat El Nadi et Adel Rifaat), la tragédie n’existe pas dans<br />
l’Islam puisque Dieu est certitude. Force est de constater, précise-til,<br />
que la liberté individuelle ne se déploie qu’à moitié. Ce qui est<br />
tragique c’est que quelles que soi<strong>en</strong>t les actions humaines du pieux<br />
et du non pieux, c’est dieu qui décide à la fin qui ira au paradis.<br />
Jean-Christophe Attias souligne que la consci<strong>en</strong>ce juive est<br />
tragique. Cep<strong>en</strong>dant le livre de Job, la destruction du temple <strong>en</strong> 70,<br />
et la fuite de 1492 sont pour Attias trois mom<strong>en</strong>ts qui permett<strong>en</strong>t<br />
de p<strong>en</strong>ser que la tragédie est exégétiquem<strong>en</strong>t évitée, puisque la<br />
réparation est à v<strong>en</strong>ir. En revanche le génocide et la création de<br />
l’état sont une tragédie : une fausse réparation qui plonge dans<br />
l’insoluble.<br />
Dans la consci<strong>en</strong>ce chréti<strong>en</strong>ne, pour Michel Guérin, le tragique<br />
c’est l’homme, tissu de «contrariétés», «monstre incompréh<strong>en</strong>sible»<br />
(Pascal). Tragique est <strong>en</strong> fait le nihilisme : dieu est mort, certes, mais<br />
qu’est-ce qu’on fait du cadavre ? Le tragique est ce krach boursier<br />
des valeurs qui porte le XIX e siècle vers le romantisme, l’<strong>en</strong>nui, la<br />
mélancolie. Comm<strong>en</strong>t dès lors fonder une espérance sans eschatologie<br />
religieuse ?<br />
Guerre et terrorisme :<br />
un tragique contemporain ?<br />
L’histori<strong>en</strong> Stéphane Audoin-Rouzeau souligne certaines mutations.<br />
La guerre s’étant démonétisée au XX e siècle, ce qui a changé<br />
c’est l’étonnante circulation <strong>en</strong>tre l’espace pacifié et l’espace de<br />
guerre, et la proximité avec l’<strong>en</strong>nemi : au Rwanda on se massacrait<br />
à l’intérieur de la même famille ; alors qu’on croyait que la différ<strong>en</strong>ce<br />
créait la viol<strong>en</strong>ce c’est la ressemblance qui <strong>en</strong> était, là, à l’origine.<br />
Farhad Khoskokavar rappela quant à lui que le martyr, auparavant<br />
sacré, est aujourd’hui sécularisé : chacun peut dev<strong>en</strong>ir martyr.<br />
Par ailleurs il souligna que le terrorisme se nourrit dans nos sociétés<br />
virtuelles de la construction imaginaire de l’humiliation.<br />
Alors pourquoi la guerre ? Petite pierre de l’histori<strong>en</strong> : les intellectuels<br />
qui, au début du XX e siècle ont tous été embarqués dans ce<br />
grand massacre, n’ont pas fait de leur guerre une pratique de leur<br />
analyse.<br />
On aurait pu apporter d’autres réponses : le terrorisme d’État, toujours<br />
occulté et pourtant cause des guerres et non effet. La réalité<br />
économique d’oppression et ses inégalités, qui <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t des humiliations<br />
non virtuelles. Mais les Tables rondes d’Averroès<br />
laiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>s les questions qu’elles soulèv<strong>en</strong>t. Le but<br />
étant de les soulever ?<br />
RÉGIS VLACHOS<br />
Les Tables rondes se sont déroulées<br />
les 27 et 28 nov<br />
au Palais des Congrès<br />
© Agnès Mellon
Le livre de Raphaël Granvaud, Que<br />
fait l’armée française <strong>en</strong> Afrique, est une<br />
somme considérable et passionnante qui<br />
fait le point sur les crimes et complicité<br />
de génocide du pays des droits de l’homme<br />
au contin<strong>en</strong>t des «sauvages». Les<br />
informations sur ces crimes exist<strong>en</strong>t mais<br />
nombre d’universitaires continu<strong>en</strong>t de<br />
ne pas les divulguer, travestissant ainsi<br />
l’histoire, manipulant des clichés racistes<br />
et cela afin de ne pas blesser un certain<br />
orgueil patriotique.<br />
À la lecture de ce livre on peut p<strong>en</strong>ser aux<br />
pires heures du stalinisme sur la falsification<br />
historique au sommet de l’État.<br />
Le bloc soviétique désinformait grossièrem<strong>en</strong>t,<br />
contrairem<strong>en</strong>t aux technologies<br />
plus subtiles à l’Ouest qui, désinformation,<br />
manipule de l’opinion et pratique<br />
l’autoc<strong>en</strong>sure.<br />
S’intéresser aux rapports de la France à<br />
l’Afrique réinterroge les conditions de<br />
production de la vérité, l’écriture de<br />
l’histoire, la légitimité des interv<strong>en</strong>tions<br />
guerrières des pays démocratiques. Et<br />
fait douter de notre statut de démocratie<br />
et d’état de droit. Mais qui a le courage<br />
de s’apercevoir que la vérité relève du<br />
thumos et non de la sophia ?<br />
<strong>Zibeline</strong> : Vous portez dans votre livre<br />
des accusations très graves contre l’armée<br />
française, lui reprochant de s’être r<strong>en</strong>due<br />
coupable, jusqu’à récemm<strong>en</strong>t, de<br />
crimes ou de complicité de crimes de<br />
guerre ou de crimes contre l’humanité.<br />
Sur quoi ces accusations sont-elles<br />
fondées ?<br />
Raphaël Granvaud : Ces accusations<br />
correspond<strong>en</strong>t à des définitions très précises<br />
<strong>en</strong> droit international et sont étayées<br />
par des rapports très sérieux de diverses<br />
ONG. Lorsque l’armée française tire<br />
sur des foules de manifestants ivoiri<strong>en</strong>s<br />
désarmés <strong>en</strong> novembre 2004, quand<br />
elle cautionne le recrutem<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>fants<br />
soldats comme dans l’armée tchadi<strong>en</strong>ne<br />
qu’elle porte à bout de bras, lorsqu’elle<br />
<strong>en</strong>cadre et supervise les opérations militaires<br />
d’une armée qui mène une<br />
politique de la terre brûlée contre une<br />
ENTRETIEN AVEC RAPHAËL GRANVAUD<br />
Vérité, histoire,<br />
démocratie<br />
Trois grandes<br />
notions <strong>en</strong>tachées<br />
d’imposture<br />
fraction de sa population, comme <strong>en</strong><br />
République c<strong>en</strong>trafricaine et qu’<strong>en</strong> plus<br />
elle t<strong>en</strong>te de dissimuler ces crimes à<br />
l’opinion publique internationale, il s’agit<br />
bi<strong>en</strong> de crimes ou de complicité de<br />
crimes de guerre. Sans parler bi<strong>en</strong> sûr<br />
du Rwanda <strong>en</strong> 1994 où il y a eu complicité<br />
active, au s<strong>en</strong>s juridique du terme,<br />
dans l’accomplissem<strong>en</strong>t du génocide<br />
des Tutsi.<br />
Sur le Rwanda, justem<strong>en</strong>t, certains font<br />
valoir qu’on se massacrait dans la même<br />
famille et qu’il s’agissait d’une affaire<br />
purem<strong>en</strong>t rwandaise. Comm<strong>en</strong>t la<br />
France est-elle complice ?<br />
Ce sont des personnes précises qui se<br />
sont r<strong>en</strong>dues coupable de complicité de<br />
génocide, mais elles occupai<strong>en</strong>t à l’époque<br />
le sommet de la hiérarchie politique<br />
et militaire, et elles <strong>en</strong>gageai<strong>en</strong>t donc<br />
l’État français. Pour faire court, disons<br />
simplem<strong>en</strong>t que livrer des armes aux<br />
génocidaires, p<strong>en</strong>dant le génocide, relève<br />
au plan juridique de la complicité de<br />
génocide, crime égalem<strong>en</strong>t imprescriptible.<br />
Cela n’<strong>en</strong>lève ri<strong>en</strong> au fait que la<br />
g<strong>en</strong>èse du génocide, l’instrum<strong>en</strong>talisation<br />
politique, par une dictature raciste, d’un<br />
ethnisme artificiel hérité de la colonisation,<br />
est bi<strong>en</strong> une histoire rwandaise<br />
(néanmoins certains militaires belges et<br />
français partisans des théories de la «guerre<br />
révolutionnaire» s’y sont associés depuis<br />
longtemps). Cette histoire a effectivem<strong>en</strong>t<br />
déchiré des familles mais utiliser<br />
l’argum<strong>en</strong>t de la proximité <strong>en</strong>tre les<br />
victimes et les exécutants du génocide<br />
pour le banaliser, et masquer sa planification<br />
au sommet de l’État, le faire passer<br />
pour une explosion de colère spontanée,<br />
ou occulter les complicités françaises,<br />
relève de la méconnaissance, ou de la<br />
falsification historique.<br />
Les faits que vous rapportez dans votre<br />
livre sont très largem<strong>en</strong>t ignorés de la population<br />
française. Comm<strong>en</strong>t est-ce<br />
possible à l’ère du «tout communication» ?<br />
Je me suis cont<strong>en</strong>té de produire une<br />
synthèse des rapports d’ONG, des <strong>en</strong>quêtes<br />
journalistiques françaises ou<br />
étrangères, des travaux universitaires, des<br />
publications militaires… Mais il est impossible<br />
au lecteur de la presse nationale<br />
d’avoir une vision d’<strong>en</strong>semble de ce que<br />
l’armée française fait réellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Afrique.<br />
Les informations pertin<strong>en</strong>tes sont<br />
rares et noyées <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce dans un<br />
flot continu d’approximations, de clichés<br />
hérités de la période coloniale ou de<br />
t<strong>en</strong>tatives délibérées de désinformation.<br />
Que fait l’armée française <strong>en</strong> Afrique<br />
Raphaël Granvaud<br />
Ed Agone, 20 euros<br />
La complicité de la France dans le<br />
génocide des Tutsi au Rwanda<br />
15 ans après, 15 questions pour<br />
compr<strong>en</strong>dre<br />
Ed. L’Harmattan, 13 euros<br />
PHILOSOPHIE<br />
57<br />
Raphaël Granvaud © R.V<br />
Sur les questions s<strong>en</strong>sibles, qui touch<strong>en</strong>t<br />
à la raison d’État et au «secret déf<strong>en</strong>se»,<br />
dont on use abondamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> France,<br />
le terrain médiatique constitue officiellem<strong>en</strong>t<br />
un terrain de manœuvre comme<br />
un autre pour les militaires… Enfin, il<br />
faut aussi regretter une sorte de paresse<br />
intellectuelle ou d’aveuglem<strong>en</strong>t volontaire,<br />
qui fait qu’il est plus facile de laisser<br />
filer au second plan de sa consci<strong>en</strong>ce des<br />
informations qui vi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t trop<br />
radicalem<strong>en</strong>t bouleverser les idées communém<strong>en</strong>t<br />
admises sur «le pays des<br />
droits de l’homme»…<br />
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS
58 PHILOSOPHIE ENTRETIEN AVEC ALAIN GUYARD<br />
<strong>Zibeline</strong> : Vous comm<strong>en</strong>cez par la<br />
phrase de Socrate : «nul n’est méchant volontairem<strong>en</strong>t».<br />
Pourquoi ce choix ?<br />
Alain Guyard : Parce qu’elle illustre bi<strong>en</strong> cet optimisme<br />
qui repose sur un credo accordé à la raison. Dans la perspective<br />
socratique, si on sait, si on est plus avisé quant à<br />
l’usage des plaisirs et de la tempérance, si on est capable<br />
de jugem<strong>en</strong>t, on ne se fourvoie pas dans sa méchanceté.<br />
Mais suffit-il de savoir pour être vertueux ?<br />
Vous établissez une filiation avec Antisthène qui rajoute<br />
à ce credo la force d’âme. Il choisit pour <strong>en</strong>seigner le<br />
gymnase, lieu plus populaire, avec la «racaille». Mais quel<br />
rapport <strong>en</strong>tre la philosophie et le corps ?<br />
En fait il s’agit de la stylisation de l’exist<strong>en</strong>ce, et de la<br />
théâtralisation de la philosophie. Le style, c’est la réconciliation<br />
du fond et de la forme : la force d’âme, pour<br />
r<strong>en</strong>dre raison d’elle-même, doit être corps. Alors seulem<strong>en</strong>t<br />
le fond et forme s’uniss<strong>en</strong>t et font le style. Ça implique<br />
que le philosophe n’est pas l’être de la production du<br />
C’est dans la maison du peuple<br />
du Cailar, village perdu de petite<br />
Camargue que l’équipe de<br />
Diogène Consultants<br />
et son philosophe Alain<br />
Guyard accueill<strong>en</strong>t dans le vin<br />
et la joie un public nombreux<br />
pour un de ses stand up<br />
philosophiques m<strong>en</strong>suels.<br />
Dès qu’il pr<strong>en</strong>d la parole<br />
on ne peut que l’écouter :<br />
le ton est joueur et nerveux.<br />
© R.V<br />
concept dans sa tour d’ivoire. Il est là d’abord comme celui<br />
qui, philosophant, va théâtraliser la philosophie, c’est-àdire<br />
la mettre <strong>en</strong> situation. Donc ce n’est pas innoc<strong>en</strong>t<br />
d’être dans le gymnase, ce n’est pas innoc<strong>en</strong>t s’il y a des<br />
scènes où Antisthène se fait boxer !<br />
Quel rapport avec la boxe ?<br />
Le texte que j’ai distribué de Dion Chrysostome laisse<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ce que la métaphore du boxeur signifie : il faut<br />
p<strong>en</strong>ser la philosophie comme une éthique et non comme<br />
une morale, une autonomie et non une prescription. C’est<br />
ce qu’écrit Diogène Laërce dans Vies et doctrines des philosophes<br />
illustres : il revi<strong>en</strong>t sur Diogène et dit que ce qui<br />
assoit un philosophe, ce sont des pratiques ascétiques<br />
corporelles. Il <strong>en</strong> donne quelques-unes. Donc la métaphore<br />
de la boxe que repr<strong>en</strong>d Dion Chrysostome n’est pas si<br />
vaine : il y a un appr<strong>en</strong>tissage de la souffrance, de l’<strong>en</strong>durance.<br />
Le philosophe doit rechercher les épreuves corporelles<br />
par lesquelles il <strong>en</strong>durcit sa volonté.<br />
Donc le premier élém<strong>en</strong>t de subversion dans la philo-<br />
Mais surtout on assiste à une autre philosophie,<br />
de celle que l’on n’<strong>en</strong>seigne pas et qui dépasse<br />
l’intellectualisme socratique : le concept ne suffit pas,<br />
le philosophe doit l’incarner, résister aux désirs vains<br />
de la civilisation. Le philosophe matérialise ainsi dans<br />
ses actes le mépris du pouvoir et du luxe, et <strong>en</strong>seigne<br />
au peuple. C’est la leçon cynique. On est loin de notre<br />
histoire de la philosophie faite de p<strong>en</strong>seurs qui n’ont jamais<br />
dérangé le pouvoir et ont inscrit la philosophie comme<br />
privilège d’une élite éduquée et instruite.<br />
Après ce show précis, joyeux, novateur et intellig<strong>en</strong>t,<br />
Alain Guyard précise ses int<strong>en</strong>tions<br />
Filo Free Fight,<br />
une philosophie<br />
au pied de biche<br />
sophie serait la pratique du corps qui affermit la volonté;<br />
mais une autre subversion de cette contre-histoire de la<br />
philosophie, c’est l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie à «la<br />
racaille», comme vous dites.<br />
Quand on demandait à Antisthène pourquoi il allait<br />
<strong>en</strong>seigner la philosophie à la plèbe, il répondait que le<br />
médecin va vers les malades. La parrhêsia, le franc parler<br />
des cyniques s’exerçait aux coins des rues. Aujourd’hui<br />
on a oublié cette pratique populaire de la philosophie.<br />
Pourtant Juli<strong>en</strong> l’Apostat, 700 ans après Antisthène,<br />
pr<strong>en</strong>d la déf<strong>en</strong>se des cyniques qui, disait-il, avai<strong>en</strong>t cette<br />
rigueur devant conduire au bonheur et qui consistait à se<br />
libérer des esclavages de la civilisation. Il se souvi<strong>en</strong>t de<br />
cette tradition cynique populaire.<br />
C’est vrai qu’on a ori<strong>en</strong>té l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la philosophie<br />
vers les élites, d’où notre embarras quand on veut<br />
l’<strong>en</strong>seigner au peuple.<br />
Je p<strong>en</strong>se que tous les hommes mérit<strong>en</strong>t notre considération<br />
ou aucun ne la mérite. Si la philosophie est réservée<br />
© R.V
à certains elle n’est pas très sérieuse, et elle est plutôt une<br />
danseuse qu’autre chose…<br />
Mais que serait une philosophie populaire ori<strong>en</strong>tée vers<br />
tous, et qui ne serait pas une vulgarisation simplificatrice?<br />
Ce que j’ai constaté c’est qu’il y a un très joyeux et très<br />
grand appétit de savoir et de culture partout. La semaine<br />
dernière une tr<strong>en</strong>taine de bergers de l’Ardèche ont repris<br />
contact avec moi parce que je suis v<strong>en</strong>u l’an dernier chez<br />
eux leur faire un exposé sur Lucrèce ; j’ai travaillé avec des<br />
foyers, je travaille aussi dans plusieurs établissem<strong>en</strong>ts<br />
pénit<strong>en</strong>tiaires, dans des maisons de la culture. Dans les<br />
campagnes aussi, où les pratiques culturelles ne sont pas<br />
aussi faciles que dans la ville.<br />
Il y a des g<strong>en</strong>s qui, par les hasards de la vie, n’ont pas accès<br />
à la philosophie, et qui ont un appétit pour. J’essaye donc<br />
de faire l’interface, parce que de toute façon je ne suis pas<br />
un philosophe, je ne sais pas trouver des concepts, et je n’<strong>en</strong><br />
ai pas le temps. Mais ce travail d’interface nécessite de<br />
l’exig<strong>en</strong>ce intellectuelle ; je ne veux pas tomber dans la<br />
facilité, je vi<strong>en</strong>s toujours avec des textes d’auteur ; et si j’ai<br />
pu leur apporter un outil conceptuel qui éclaire leur<br />
exist<strong>en</strong>ce, et si tout ça on peut le faire <strong>en</strong> rigolant c’est très<br />
bi<strong>en</strong>.<br />
Qu’avez-vous essayé de faire passer dans votre exposé<br />
«qu’est-ce que peut bi<strong>en</strong> foutre un philosophe dans les<br />
vestiaires d’une salle de boxe» où vous avez insisté sur<br />
l’idée de corps et de dépassem<strong>en</strong>t de l’intellectualisme <strong>en</strong><br />
morale ?<br />
Je voulais faire passer l’idée que la philosophie, si on est<br />
d’accord avec Antisthène et Diogène, ça peut être une<br />
question de force d’âme ; ce qui se joue dans la philosophie<br />
c’est quelque chose comme le courage. Alors certes<br />
on n’est pas dans le concept mais plutôt dans la boite à<br />
outil ; finalem<strong>en</strong>t ce que j’apporte ce sont plutôt des pieds<br />
de biche que des concepts.<br />
J’ai été très étonné par ce que vous dites de Diogène, qui<br />
parle de désirs qui nous sont étrangers, et avance quelque<br />
chose de très moderne sur l’aliénation.<br />
Le modèle grec c’est une humanité apollini<strong>en</strong>ne dans<br />
l’harmonie, se connaître soi-même et ri<strong>en</strong> de trop, un<br />
équilibre dans la t<strong>en</strong>ue. Et tout à coup sur la scène surgit<br />
Diogène qui rev<strong>en</strong>dique le chi<strong>en</strong> et qui le joue ! On<br />
connaît les anecdotes de ses réponses théâtralisées. On a<br />
chez Diogène cette idée que la sauvagerie est supérieure<br />
à la civilisation. Plutarque dit que le programme de Diogène<br />
c’est d’<strong>en</strong>sauvager la vie. Le mom<strong>en</strong>t inaugural de la<br />
conversion de Diogène à la philosophie c’est quand il va<br />
consulter la Pythie. Elle lui dit : ton travail ce sera de<br />
contrefaire la coutume ; comme si la civilisation était le<br />
lieu de la barbarie, et l’<strong>en</strong>sauvagem<strong>en</strong>t l’occasion par<br />
laquelle l’homme y échappe.<br />
Vous avez écrit des pièces de théâtre comme Sacco et<br />
Vanzetti ou Barricades. Est-ce que vous faites un li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre<br />
le cynisme et l’anarchie ?<br />
Un peu. On y retrouve les mêmes typologies de<br />
personnages que je trouve très attachants. C’est très<br />
important cette espèce d’intransigeance, d’intégrité ; tout<br />
acte politique comm<strong>en</strong>ce par là. L’anarchie ne se résume<br />
pas à cet individualisme petit bourgeois à quoi on veut le<br />
réduire depuis 30 ans ; il est d’abord une expéri<strong>en</strong>ce<br />
collective très riche.<br />
Mais le problème de l’anarchie n’est-il pas ce que vous<br />
écrivez dans Barricades : «ce que craint le pouvoir ce n’est pas<br />
qu’on le pr<strong>en</strong>ne mais qu’on le méprise» ?<br />
J’<strong>en</strong>visage le pouvoir de manière foucaldi<strong>en</strong>ne, et<br />
Foucault n’est pas anarchiste. Je crois qu’il faut <strong>en</strong> finir<br />
avec l’idolâtrie de l’État. Il y a chez les anarchistes une<br />
haine de l’État comme s’il était le lieu c<strong>en</strong>tralisé de<br />
© R.V<br />
l’autorité et l’incarnation de la détestation absolue. Mais<br />
dans les discours contestataires non anarchistes il y a cette<br />
idée que la prise du pouvoir d’État est la condition de<br />
résolution de tous les problèmes. Deux discours que<br />
j’exècre.<br />
Je p<strong>en</strong>se avec Foucault qu’on est passé de sociétés de<br />
souveraineté à des sociétés de contrôle ; depuis la<br />
complexité est telle qu’il y a hors de l’État des zones de<br />
pouvoir très importantes. Je ne p<strong>en</strong>se pas que s’emparer<br />
de l’État suffise pour <strong>en</strong> finir avec l’oppression, la<br />
domination. Le programme de l’ultralibéralisme depuis<br />
20 ans c’est l’abus du programme libertaire ! C’est se<br />
débarrasser de l’État pour lui substituer les structures du<br />
capitalisme transnational, la destruction et l’externalisation<br />
de tous les services publics. Les anarchistes doiv<strong>en</strong>t dépasser<br />
leur diabolisation de l’État, et les marxistes léninistes<br />
doiv<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre que s’emparer de l’État ne suffit pas.<br />
Mais comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> finir avec la guerre, mettre fin au pouvoir<br />
des multinationales, restaurer les services publics sans<br />
s’emparer de l’État ?<br />
Je ne crois pas à une stratégie politique de refus de l’État,<br />
ni à celle de la prise du pouvoir d’État. Parce que les jeux<br />
du pouvoir sont beaucoup plus complexes ; parce que les<br />
© R.V<br />
59<br />
dispositifs techniques d’aliénation sont beaucoup plus<br />
complexes. On ne peut plus <strong>en</strong>visager de solutions unilatérales…<br />
mais… je n’y ai pas assez réfléchi…<br />
Ça tombe bi<strong>en</strong> parce que la rédac chef m’a demandé de<br />
ne pas toujours conclure par du politique ! Au fait, il faut<br />
qu’on trouve un titre à l’interview sinon c’est elle qui s’<strong>en</strong><br />
occupe. Qu’est-ce que vous p<strong>en</strong>sez de «la philosophie est<br />
un sport de combat» ou «une autre philosophie est possible»<br />
?<br />
Ah non pitié ! J’ai monté dans mon bahut un club qui<br />
s’appelle filo free fight… FFF ?<br />
(Rires) Ok ! On <strong>en</strong> reste là !<br />
ENTRETIEN REALISE PAR RÉGIS VLACHOS<br />
Les sources de Guyard<br />
pour son show<br />
Vies, doctrines et s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ces des philosophes illustres,<br />
Diogène Laerce, GF, 1993<br />
Les Cyniques Grecs, Paris, Le Livre de poche, 1992<br />
L‘ascèse cynique, Marie-Odile Goulet-Cazé, Vrin, 1986<br />
Le cynisme anci<strong>en</strong> et ses prolongem<strong>en</strong>ts.<br />
Actes du colloque international du C.N.R.S. Paris, PUF,<br />
1993<br />
Pour des infos étonnantes et les prochaines dates<br />
www.diog<strong>en</strong>econsultants.com
60 HISTOIRE ÉCHANGE ET DIFFUSION DES SAVOIRS | ABD<br />
Puzzle de s<strong>en</strong>s et de mémoire<br />
Elle est paysagiste et plastici<strong>en</strong>ne, il est photographe.<br />
Leurs travaux se tiss<strong>en</strong>t autour d’un même objet,<br />
le port de Marseille<br />
Le premier étage des ABD accueille<br />
ainsi une double création, photographies,<br />
et objets hétéroclites mis <strong>en</strong><br />
scène. Leur seul point commun est<br />
d’avoir été trouvés sur un môle, un<br />
quai. Ce sont des mobiles de pots de<br />
peinture, des cailloux éclaboussés de<br />
coulées rouges, vertes ou bleues, posés<br />
ça et là comme des fragm<strong>en</strong>ts d’une<br />
mémoire qui vagabonde. Mannequins<br />
muets, aveugles, ombres vêtues de<br />
combinaisons de travail marquées<br />
par l’usage, boîtes à outils abandonnées,<br />
étranges fleurs de chiffons, perchées sur<br />
de longues tiges métalliques… tout est<br />
disposé là parmi des tableautins, ferrailles,<br />
tesselles de miroirs, vieilles caisses<br />
rafistolées où repos<strong>en</strong>t des merveilles,<br />
des gants dépareillés maculés, pinceaux<br />
déplumés, poupées perdues, bric à brac<br />
de pots de plastique, d’objets insolites,<br />
cales de bois, plaques de fer blanc aux<br />
inscriptions parfois déroutantes, «Att<strong>en</strong>tion<br />
Conducteurs nus Sous t<strong>en</strong>sion Dans<br />
caniveau»…<br />
Les photographies elles aussi cour<strong>en</strong>t<br />
sur les murs, p<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t des plafonds, vues<br />
partielles ou générales du port, éclairages<br />
de jour, de nuit. La multiplicité des<br />
objets réunis et des angles de prise<br />
forme un kaléidoscope unique. Vision<br />
impressionniste dans laquelle chaque<br />
fragm<strong>en</strong>t porte un élém<strong>en</strong>t infrangible<br />
de réalité. Ce sont des structures aéri<strong>en</strong>-<br />
La notion de crise dans l’Histoire<br />
Son but : expliciter la notion de crise comme une rupture<br />
dans le temps ordinaire, une susp<strong>en</strong>sion du prés<strong>en</strong>t.<br />
Parcours<br />
Dans la Grèce antique, Hippocrate donne au mot<br />
crise un s<strong>en</strong>s médical. C’est un état critique où se<br />
décide la guérison ou la mort. Le médecin doit<br />
id<strong>en</strong>tifier les signes qui annonc<strong>en</strong>t la crise, les<br />
ordonner pour établir un pronostic et administrer un<br />
remède. Plus généralem<strong>en</strong>t, la crise est le mom<strong>en</strong>t où<br />
les individus se demand<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t ils doiv<strong>en</strong>t agir.<br />
La solution dans une situation sans issue consiste à<br />
recourir à un temps particulier, le kairos, le temps de<br />
l’occasion opportune. Il faut alors <strong>en</strong> profiter pour lire<br />
les signes et trouver une solution. Dans la Bible, la<br />
crise marque la fin d’un temps corrompu grâce au<br />
rep<strong>en</strong>tir : le passé mauvais explique les difficultés du<br />
prés<strong>en</strong>t. Pour l’apocalyptici<strong>en</strong>, <strong>en</strong> revanche, la crise est<br />
un constat d’aporie, de situation sans issue dans le<br />
prés<strong>en</strong>t. Il faut donc voir v<strong>en</strong>ir la fin et s’y préparer !<br />
nes, comme affranchies de toute attache<br />
terrestre, des filins et des poulies ; des<br />
jeux de cubes géants des containers,<br />
larges aplats de couleurs vives ; des processions<br />
étranges de grues, qui pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
des allures de girafes ou de dinosaures<br />
qui march<strong>en</strong>t dans la nuit bleue ; des<br />
escaliers de fer qui s’élanc<strong>en</strong>t vers le ciel<br />
comme si leur seule fin était d’atteindre<br />
l’azur ; et des graffitis énormes : «Pour la<br />
vie Moumou», «Cléopâtra, we are proud»…<br />
De curieuses barques de bois côtoi<strong>en</strong>t<br />
l’outillage des géants, les photos resserr<strong>en</strong>t<br />
leurs plans sur des formes de<br />
métal écorché, abstractions brutes de ce<br />
qui fut…<br />
Si la nature apparaît sur quelques clichés,<br />
herbes folles, touffes roses de valériane,<br />
buissons de g<strong>en</strong>êts, les hommes, matière<br />
participant à la matière, sont abs<strong>en</strong>ts.<br />
Réflexion voulue sur un lieu de transit,<br />
de passage, que l’on n’habite pas…<br />
Subsist<strong>en</strong>t nos fossiles, déchets de toutes<br />
sortes, témoins d’exist<strong>en</strong>ces que l’on ne<br />
représ<strong>en</strong>te pas, car elles ne peuv<strong>en</strong>t s’inscrire<br />
dans la perman<strong>en</strong>ce.<br />
Que laisse l’homme derrière lui ? Quel<br />
s<strong>en</strong>s donne-t-il à ce qu’il produit, à ce<br />
qu’il jette ? Quel rapport <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t-il<br />
avec ces lieux sacrifiés ? Où donc <strong>en</strong>jeu<br />
utilitaire et esthétique se rejoign<strong>en</strong>t-ils?<br />
À partir de quel degré d’abandon le<br />
Beau pr<strong>en</strong>d-il ses lettres de noblesse ? Le<br />
catalogue de l’exposition propose une<br />
série de textes qui particip<strong>en</strong>t de l’analyse,<br />
de la poésie, de la fantaisie… Un<br />
Abécédaire des objets trouvés sur le port<br />
clôt le livre <strong>en</strong> guise d’épilogue et de<br />
projet d’av<strong>en</strong>ir. Une superbe exposition<br />
et un catalogue qui mérit<strong>en</strong>t un arrêt de<br />
votre temps !<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Pour sa dixième année d’exist<strong>en</strong>ce, Échange et Diffusion des Savoirs consacre sa saison au thème de la crise.<br />
François Hartog parlait donc le 10 déc de Crise du temps, crise dans le temps.<br />
Ces deux modèles sont la marque de l’occid<strong>en</strong>t : l’une,<br />
la prophétie, permet, après la crise et l’exil, une résolution,<br />
une reprise du cours du temps normal. L’autre,<br />
l’apocalypse, est une rupture dans le temps, récapitule<br />
le prés<strong>en</strong>t et nécessite une transformation complète.<br />
Le christianisme <strong>en</strong>visage une crise du temps et dans<br />
le temps : Dieu fait irruption dans le temps des<br />
hommes, Jésus donne un s<strong>en</strong>s au temps par l’incarnation.<br />
Chronos, le temps chronologique, devi<strong>en</strong>t un<br />
kairos, un temps opportun, puisque le Christ est à la<br />
fois la crise et sa solution. Mais si l’Eglise a repoussé<br />
l’apocalypse <strong>en</strong> instaurant le cal<strong>en</strong>drier (elle crée un<br />
temps cyclique, un temps soustrait au temps), les<br />
mouvem<strong>en</strong>ts millénaristes continu<strong>en</strong>t de voir la crise<br />
comme un mom<strong>en</strong>t de transition.<br />
Temps modernes<br />
La Révolution Industrielle, avec le progrès, amplifie<br />
la place du futur. Mais il reste des maladies, des crises<br />
dont il faut voir les symptômes. L’économiste Juglar,<br />
Photographie de Francois Delaage<br />
Visions Portuaires aux ABD<br />
jusqu’au 16 janvier 2010<br />
François Delaage,<br />
Claire Saltet<br />
<strong>en</strong> 1862, établit que les crises sont cycliques et qu’on<br />
ne peut les supprimer. Reste à les prévoir, c’est le<br />
ressort de l’analyse économique. Les histori<strong>en</strong>s, eux,<br />
cherch<strong>en</strong>t les structures qui expliqu<strong>en</strong>t les crises, qui<br />
sont alors perçues comme des aboutissem<strong>en</strong>ts de<br />
problèmes. Mais dans les années 70 la crise n’est<br />
plus perçue comme un passage, elle devi<strong>en</strong>t durable :<br />
le temps de la crise est dans la crise. Comme la reprise<br />
est sans cesse annoncée, discernée, le prés<strong>en</strong>t remplace<br />
le futur.<br />
Notre temps est sans issue, une aporie, un temps<br />
d’après l’apocalypse : il n’a ni passé ni futur. Seul règne<br />
l’événem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> politique comme dans l’<strong>en</strong>treprise.<br />
L’immédiateté est dev<strong>en</strong>ue la pierre angulaire du<br />
fonctionnem<strong>en</strong>t de la société. L’histoire n’a plus de<br />
place, il n’y a plus que l’événem<strong>en</strong>t. Et comme il est<br />
par nature erratique, il est inutile de t<strong>en</strong>ter de le<br />
prévoir.<br />
RENÉ DIAZ
La Terre,<br />
le Temple, la Loi<br />
Sujet complexe, polémique, l’étude des Hébreux<br />
requiert des précautions méthodologiques, et<br />
une certaine circonspection. L’auteur, docteur<br />
<strong>en</strong> histoire des religions et spécialiste du<br />
judaïsme, a su raconter l’histoire de ce peuple<br />
à travers son Livre mais surtout <strong>en</strong> recourant à<br />
l’archéologie et aux sources extrabibliques.<br />
Le champ chronologique débute avec l’id<strong>en</strong>tification<br />
des origines et les mouvem<strong>en</strong>ts de ce<br />
groupe derrière les personnages d’Abraham ou<br />
de Moïse. L’auteur insiste sur le contexte<br />
géopolitique de la région : le milieu physique,<br />
l’affrontem<strong>en</strong>t des empires (Babylone,<br />
l’Egypte, l’Assyrie, le Hatti), les invasions des<br />
peuples de la mer (les Philistins, mot qui donne<br />
le nom Palestine, sont Sardes, Crétois….). Ces<br />
élém<strong>en</strong>ts permett<strong>en</strong>t la compréh<strong>en</strong>sion de<br />
l’arrivée et de l’installation <strong>en</strong> Canaan. La<br />
première partie se finit avec la fondation du<br />
royaume de David et le règne ambigu de<br />
Salomon. Déjà, bi<strong>en</strong> des certitudes traditionnelles<br />
sont bousculées. Mais un élém<strong>en</strong>t<br />
Les Hébreux<br />
Stéphane Encel<br />
Armand Colin, 30 euros<br />
apparaît dès lors ess<strong>en</strong>tiel pour les Hébreux : la terre. Le reste du<br />
livre s’évertue à expliciter cette relation si particulière, liée à un<br />
contexte tout aussi particulier.<br />
La deuxième partie traite de l’apparition des deux royaumes (du<br />
Sud et du Nord), de leurs fortunes diverses et de leur destruction.<br />
L’exil babyloni<strong>en</strong> est alors, pour le peuple, l’occasion d’un<br />
changem<strong>en</strong>t de sa relation à Yahvé et, peut-être, d’un éveil national.<br />
La troisième partie s’attache à la période perse et à la restructuration<br />
du judaïsme. Une autre pierre ess<strong>en</strong>tielle se met <strong>en</strong> place dans<br />
l’édifice : la relation au temple et à la c<strong>en</strong>tralisation religieuse qu’il<br />
implique. Yahvé ne peut habiter qu’une demeure, et ce sera celle du<br />
temple de Jérusalem. Les communautés accepteront, de gré ou de<br />
force, cette préval<strong>en</strong>ce c<strong>en</strong>tralisatrice.<br />
Avec la quatrième partie se dessine l’influ<strong>en</strong>ce grecque et l’hellénisme.<br />
La fondation de villes, avec le droit de cité, est l’occasion de<br />
l’intégration des communautés juives. La diaspora apparaît dès lors<br />
<strong>en</strong> pleine lumière, et l’appart<strong>en</strong>ance à ces deux mondes, grec et juif,<br />
devi<strong>en</strong>t problématique: la crise maccabé<strong>en</strong>ne révèle ainsi la<br />
situation et signe le début de l’av<strong>en</strong>ture hasmoné<strong>en</strong>ne.<br />
La cinquième partie se noue autour de la destruction du Temple,<br />
mom<strong>en</strong>t dramatique et durable. Stéphane Encel raconte l’affrontem<strong>en</strong>t<br />
avec Rome, les guerres, la disparition du cadre politique, l’exil<br />
et le sort des communautés dispersées. Avec sa reconstruction le<br />
judaïsme devi<strong>en</strong>t la religion des synagogues et du talmud : la Loi<br />
devi<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>trale.<br />
Ce long parcours, bi<strong>en</strong> docum<strong>en</strong>té et bi<strong>en</strong> illustré, permet de disposer<br />
de connaissances historiques solides mais aussi de mieux connaître le<br />
judaïsme, avec ses débats et ses <strong>en</strong>jeux. Le rôle c<strong>en</strong>tral de la relation<br />
à la terre et celui de la torah, qui finalem<strong>en</strong>t remplace le Temple,<br />
apparaiss<strong>en</strong>t comme des élém<strong>en</strong>ts que l’on ne peut omettre dans<br />
l’histoire et l’imaginaire juifs.<br />
RENÉ DIAZ
62 SCIENCES FORUM RÉGIONAL DE CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE<br />
Citoy<strong>en</strong>neté m’était comptée<br />
Un m<strong>en</strong>u bi<strong>en</strong> alléchant…<br />
Les 6 premières éditions du «Forum Sci<strong>en</strong>ces et<br />
Citoy<strong>en</strong>neté», organisées par le Conseil Régional, nous<br />
avai<strong>en</strong>t habitués à la qualité des réflexions sur des<br />
questions de fond touchant aux rapports <strong>en</strong>tre sci<strong>en</strong>ce,<br />
technique et leurs applications, et les questions<br />
éthiques que ceux-ci soulèv<strong>en</strong>t. Le thème de cette<br />
année promettait une d<strong>en</strong>rée riche et consistante,<br />
surtout dans le contexte de crise économique<br />
conjuguée à celle des filières sci<strong>en</strong>tifiques. Nul<br />
n’ignore <strong>en</strong> effet que notre pays souffre cruellem<strong>en</strong>t de<br />
la désaffection de sa jeunesse pour les carrières sci<strong>en</strong>tifiques<br />
et les métiers techniques. Cette dernière<br />
question fut d’ailleurs évoquée par Alain Hayot comme<br />
une des motivations premières du thème de ces<br />
r<strong>en</strong>contres.<br />
Les plats annoncés semblai<strong>en</strong>t constituer des agapes<br />
de choix avec <strong>en</strong> <strong>en</strong>trée «la culture sci<strong>en</strong>tifique, un outil<br />
pour la démocratie». Malheureusem<strong>en</strong>t les amusebouche<br />
aux couleurs attrayantes «l’information, un<br />
préalable à la démocratie» et «comm<strong>en</strong>t préparer le<br />
public au débat sci<strong>en</strong>tifique» nageai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait dans<br />
une épaisse couche de sauce insipide voire étouffante.<br />
… pour un brouet bi<strong>en</strong> peu clair<br />
L’«expéri<strong>en</strong>ce interactive» sur «l’exemple de la<br />
vaccination», qui dura jusqu’à 12h30, se révéla n’être<br />
qu’une nouvelle tribune de propagande pour la<br />
vaccination contre le fameux virus H1N1. L’interactivité<br />
apparaissait sous la forme d’un questionnaire<br />
aux participants par vote électronique, dont un<br />
«chercheur économiste» avait concocté les questions<br />
absconses, souv<strong>en</strong>t ineptes ou mal formulées. Le but<br />
ultime du gavage étant le test périodique d’évolution,<br />
par l’interrogatoire, de la volonté des participants de<br />
se faire vacciner ou non. L’assistance passive passa près d’être privée de lunch<br />
si elle ne r<strong>en</strong>onçait pas à sa résistance «atterrante» (sic) à la vaccination<br />
systématique ! Il semble que le débat contradictoire avec la salle n’ait pas fait<br />
partie des outils d’interactivité puisqu’on ne lui réserva, faute de temps perdu<br />
à remplir le formulaire, qu’une quinzaine de minutes. Mais Alban Mikoczy, le<br />
«dynamique animateur» rédacteur <strong>en</strong> chef adjoint du 20h00 de France 2 prési-<br />
Débat de Nanoël<br />
En 1995, la loi Barnier, relative au<br />
r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de la protection de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,<br />
a introduit <strong>en</strong> France le<br />
principe de consultation du public <strong>en</strong><br />
ce qui concerne les grandes opérations<br />
d’aménagem<strong>en</strong>t d’intérêt national. Ainsi<br />
fut créée la «Commission Nationale du<br />
Débat Public» [CNDP] qui décide de la<br />
mise <strong>en</strong> débat d’un projet ayant des<br />
conséqu<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales. La<br />
CNDP constitue des commissions ayant<br />
pour tâche d’animer le débat public.<br />
Dans ce cadre a été mis <strong>en</strong> place le «Débat<br />
public sur les options générales<br />
<strong>en</strong> matière de développem<strong>en</strong>t et de<br />
régulation des nanotechnologies.»<br />
La 7 e édition<br />
du Forum régional<br />
de culture<br />
sci<strong>en</strong>tifique<br />
et technique<br />
«Sci<strong>en</strong>ces et<br />
citoy<strong>en</strong>neté»<br />
s’est t<strong>en</strong>ue à l’Hôtel<br />
de Région PACA,<br />
jeudi 3 décembre,<br />
sur le thème<br />
«Savoir pour<br />
quelques-uns<br />
ou culture<br />
pour tous ?»<br />
Les nanotechnologies sont les techniques<br />
permettant de créer des «nano<br />
objets», c’est-à-dire des objets dont l’une<br />
des dim<strong>en</strong>sions est comprise <strong>en</strong>tre 1 et<br />
100 nanomètres (milliardièmes de<br />
mètre), c’est-à-dire 500 000 fois plus<br />
fin qu’un cheveu ! À cette échelle la<br />
matière prés<strong>en</strong>te des propriétés mécaniques,<br />
électriques, chimiques particulières.<br />
Le 19 janv la «concertation» se matérialisera,<br />
dans notre région, sous forme<br />
d’un débat sur Sécurité intérieure et déf<strong>en</strong>se<br />
nationale à 19h30 à l’Auditorium<br />
du Palais du Pharo. Deux thématiques<br />
seront abordées : les Sujets techniques<br />
<strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec les activités locales (Optique /<br />
Photonique / SCS), puis la thématique<br />
dait très spectaculairem<strong>en</strong>t aux destinées philoillogiques<br />
du «débat». Tout y était, l’aisance verbale,<br />
les mimiques, la gouaille… g<strong>en</strong>re «question pour<br />
un champignon»… indigeste.<br />
Nous eussions pu nous régaler<br />
L’après-midi il fut question d’Arts, Sci<strong>en</strong>ces et<br />
Nouvelles Curiosités. E pur… eut dit Galileo<br />
Galilei! De nos jours <strong>en</strong>core la technicité apparaît<br />
comme une malformation honteuse de l’esprit. Elle<br />
est dissimulée sous son pseudonyme cache-texte<br />
de «technologie», c’est-à-dire de propos sur la<br />
technique. Si les pratiques techniques, qui sont<br />
l’ess<strong>en</strong>ce de tout art au s<strong>en</strong>s le plus noble et le<br />
plus humain de ce terme, étai<strong>en</strong>t rétablies dans<br />
leur ordre premier, celui de l’inv<strong>en</strong>tivité et de la<br />
création, la sci<strong>en</strong>ce refonderait son rôle émancipateur.<br />
Car la sci<strong>en</strong>ce est-elle «totalem<strong>en</strong>t<br />
séparée de l’art» comme le soutint un instant André<br />
Scala, invité au titre de savant «philosophe» ?<br />
Croit-il que Gauss ou Maxwell aurai<strong>en</strong>t pu changer<br />
ce qui nous ti<strong>en</strong>t lieu de monde sans la dim<strong>en</strong>sion<br />
onirique et poétique de leur cosme-univers ? A-til<br />
lu les écrits de Planck ou Einstein pour dire que<br />
leur œuvre était moins imaginative que celle de<br />
Van Gogh ou Satie ? A-t-il p<strong>en</strong>sé à la dialectique<br />
qui lie l’évolution des techniques à l’émerg<strong>en</strong>ce de<br />
leur expression dans les formes picturales, musicales...<br />
Le jour où ces frontières obtuses <strong>en</strong>tre les<br />
pratiques techniques et la technique des pratiques<br />
seront <strong>en</strong>fin abrogées, un nouveau mur de la honte<br />
et de l’obscurantisme sera abattu. Et ce jour-là, la<br />
jeunesse repr<strong>en</strong>dra goût à l’imaginaire sci<strong>en</strong>tifique<br />
et pourra <strong>en</strong>fin construire un monde vrai, dynamique,<br />
critique et donc démocratique.<br />
Mais pour cela il faudrait d’abord abroger cet ordre où seule la connaissance<br />
sci<strong>en</strong>tifique r<strong>en</strong>table doit vivre. Il faut détruire l’ordre sci<strong>en</strong>tiste et technologiste<br />
des marchands du temple. Cesser d’opposer sci<strong>en</strong>ces et arts, mais les<br />
séparer, <strong>en</strong>semble, du profit.<br />
Espérons que la 8 e édition du Forum retrouvera ses belles routes libres d’antan...<br />
YVES BERCHADSKY<br />
générale : Sécurité intérieure et déf<strong>en</strong>se<br />
nationale. Si vous voulez participer à<br />
la crèche démocratique et y accrocher<br />
vos boules.<br />
Entrée évidemm<strong>en</strong>t libre<br />
www.debatpublic-nano.org<br />
Noël trie cycle!<br />
La fondation Ecureuil <strong>en</strong> collaboration<br />
avec la Région PACA et l’ASST, dans le<br />
cadre de ses confér<strong>en</strong>ces Horizons des<br />
savoirs, propose d’<strong>en</strong>fourcher son cycle<br />
sur «les chemins de l’intellig<strong>en</strong>ce».<br />
Conseillons <strong>en</strong> particulier la course sur<br />
«l’intellig<strong>en</strong>ce collective des insectes<br />
sociaux» prés<strong>en</strong>tée par Guy Theraulaz,<br />
Directeur de Recherches au CNRS, docteur<br />
<strong>en</strong> neurosci<strong>en</strong>ces et <strong>en</strong> éthologie.<br />
Son développem<strong>en</strong>t appr<strong>en</strong>dra aux<br />
jeunes esprits que depuis l’antiquité<br />
l’observation des sociétés de fourmis,<br />
d’abeilles, de guêpes ou de termites<br />
suscite à la fois étonnem<strong>en</strong>t et admiration.<br />
Si les sociétés d’insectes reti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
l’att<strong>en</strong>tion, c’est tout autant par la<br />
taille et la complexité des architectures<br />
qu’elles construis<strong>en</strong>t que par leur<br />
capacité à résoudre collectivem<strong>en</strong>t<br />
certains problèmes….<br />
Le 26 janv à 18h30, Entrée libre<br />
Espace Ecureuil 04 91 57 26 49<br />
www.ocim.fr/3eme-edition-des-<br />
Horizons-du