Les Seychelles - Magazine Sports et Loisirs
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NATURE & EVASION<br />
SEYCHELLES<br />
Claire Buart<br />
Photos : Jean-Marc FAVRE<br />
wooloomooloo.com<br />
" Nage avec
Découvert par Vasco de Gama lors de son<br />
deuxième voyage dans l’Océan Indien, l’archipel des<br />
<strong>Seychelles</strong> inscrit pour la première fois son nom sur une<br />
carte en 1502. Depuis, ce paradis terrestre composé de 32<br />
îles granitiques <strong>et</strong> 83 coralliennes, n’a cessé de révéler ses<br />
trésors. Îles de tous les délices, les <strong>Seychelles</strong> n’en sont pas<br />
moins un patrimoine écologique fragile, à la merci de<br />
l’homme <strong>et</strong> de ses aspirations. Un féminin pluriel<br />
à décliner à l’état pur.<br />
les tortues…"<br />
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54<br />
Peu de pays peuvent se vanter autant que les<br />
<strong>Seychelles</strong> d’être à l’avant-garde en matière de protection<br />
de la nature. L’archipel fait même figure<br />
d’exemple à tel point que 45% du territoire sont classés<br />
zone protégée. L’arrivée sur Mahé vient concrétiser grandeur<br />
nature <strong>et</strong> en relief les images idylliques de cartes<br />
postales <strong>et</strong> catalogues. La capitale des <strong>Seychelles</strong> émerge<br />
des eaux turquoise comme un diamant vert frangé d’écume.<br />
La masse éléphantesque de granit impose l’identité<br />
géologique de l’archipel formé il y a 650 millions d’années.<br />
L’humidité est suffocante <strong>et</strong> la chaleur s’enroule<br />
autour du corps comme une écharpe molle <strong>et</strong> ouatée.<br />
Nous ne sommes qu’à 4° sous l’équateur. 15 minutes de<br />
vol <strong>et</strong> le coucou ventripotent se pose à Praslin. Deuxième<br />
île de l’archipel central, Praslin a des allures d’Eden primitif<br />
<strong>et</strong> se savoure comme une gourmandise sucrée. La<br />
vallée de Mai est à elle seule une réminiscence de la<br />
forêt préhistorique. Ce sanctuaire botanique de 20 hectares,<br />
devenu parc national, est une des plus p<strong>et</strong>ites<br />
réserves naturelles du patrimoine mondial. Dans c<strong>et</strong>te<br />
cathédrale végétale, outre de nombreuses espèces endémiques<br />
de palmiers, règne sa Majesté le coco de mer, plus<br />
de 4000 fameux Lodoicea Seychellarum dont les<br />
immenses feuilles en forme d’éventail peuvent atteindre<br />
7 mètres d’envergure.
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Plus encore qu’à Mahe, le tourisme à Praslin se fait discr<strong>et</strong><br />
<strong>et</strong> le gouvernement veille à la construction intempestive <strong>et</strong><br />
anarchique de complexes hôteliers ou urbains en bord de<br />
mer. Véritable paradis botanique, les <strong>Seychelles</strong> sont aussi<br />
terres d’asile <strong>et</strong> d’accueil pour une faune céleste <strong>et</strong> terrestre.<br />
La topographie de l’archipel tient parfois du bestiaire : à<br />
Praslin les Pointes Zanguilles <strong>et</strong> Cabriz font " zig zig " sur les<br />
plages avec les anses Bois de Rose, Citron ou la somptueuse<br />
Anse Georg<strong>et</strong>te, véritable écrin d’émeraude <strong>et</strong> de sable blanc.<br />
Concilier paramètres économiques <strong>et</strong> protection de l’environnement,<br />
tel est le délicat challenge que s’est fixé la politique<br />
du gouvernement Seychellois. Une approche éco-touristique<br />
à laquelle adhère la plupart des hôtels de l’île, dont<br />
le charismatique Lemuria Resort, un 5 étoiles classé<br />
Relais&Châteaux, qui s’enorgueillit de son programme de<br />
protection des tortues. Niché à l’extrémité ouest de<br />
Praslin, dans un cadre exceptionnel qui se déploie<br />
sur plus de 150 hectares, d’Anse Georg<strong>et</strong>te à Grand<br />
Anse Kerlan, le Lémuria Resort a parié sur une<br />
parfaite osmose entre nature <strong>et</strong> architecture,<br />
conservant le côté sauvage de ses plages pour<br />
perturber le moins possible le biotope.
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Ce temple du bien<br />
vivre de conception<br />
asiatique, abrite deux<br />
espèces de tortues de mer<br />
en voie de disparition :<br />
la tortue hawksbill ou<br />
tortue Car<strong>et</strong> (Imbricata<br />
Er<strong>et</strong>mochelys) <strong>et</strong> la tortue<br />
verte (Mydas de Chelonia).<br />
<strong>Les</strong> <strong>Seychelles</strong> accueillent<br />
une des plus grandes populations<br />
de tortues hawksbill<br />
restantes dans le monde<br />
aujourd’hui.<br />
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C<strong>et</strong>te espèce s’est distinguée dans<br />
l’archipel en venant pondre le jour<br />
alors qu’ailleurs ces tortues pondent<br />
la nuit tout comme la plupart des<br />
autres espèces. L’une d’entre elles a<br />
choisi la plage d’Anse Georg<strong>et</strong>te <strong>et</strong><br />
s’applique à son laborieux devoir<br />
naturel. Speer, le " turtle manager " de<br />
l’hôtel est déjà sur place. Ce rasta<br />
man local devenu gardien de ces<br />
dames préhistoriques, veille sur leur<br />
tranquillité <strong>et</strong> traque méticuleusement<br />
leurs sillages sur le sable pour<br />
les protéger de visiteurs maladroits<br />
ou mal intentionnés. On raconte que<br />
naguère aux Antilles, les pêcheurs<br />
" épluchaient " les tortues hawksbill<br />
dans l’eau bouillante, détachaient<br />
ainsi les écailles, puis relâchaient<br />
leurs victimes vivantes afin que les<br />
plaques repoussent. Au fil de sa<br />
croissance, les écailles d’une tortue<br />
ne varient ni en nombre ni en forme :<br />
à la manière de bulles de savon, elles<br />
dessinent des hexagones <strong>et</strong> des pentagones<br />
formant entre eux, trois par<br />
trois, des angles de 120 degrés en<br />
moyenne. C<strong>et</strong>te stricte géométrie perm<strong>et</strong><br />
à la nature de produire le maximum<br />
de volume avec le minimum de<br />
matériau. Si vous passez l’ongle sur<br />
les sillons qui séparent ses écailles<br />
dorsales, la bête marque son déplaisir<br />
en rentrant sous sa carapace. Sous ses<br />
allures de forteresse mu<strong>et</strong>te, elle<br />
souffre : couvrant les plaques<br />
osseuses du dos, une membrane<br />
richement innervée <strong>et</strong> vascularisée<br />
nourrit la croissance des écailles sur<br />
leur pourtour comme la racine des<br />
ongles à la base. Longtemps chassées<br />
<strong>et</strong> braconnées<br />
pour leur carapace prisée pour la<br />
fabrication de bijoux, les tortues<br />
jouissent aujourd’hui de l’attention<br />
des hommes qui ont tiré les leçons du<br />
passé. Il n’en reste pas moins qu’elles<br />
font encore l’obj<strong>et</strong> de convoitise de<br />
certains Seychellois qui, lors de repas<br />
de fête, s’offrent encore le privilège de<br />
sacrifier ces animaux.<br />
La tortue qui " dépose " devant nous a<br />
choisi l’ombre des takamakas pour<br />
creuser son nid. Après avoir longuement<br />
cherché l’emplacement idéal<br />
pour se soulager des quelque 200 à<br />
250 œufs, elle se m<strong>et</strong> à forer le sol<br />
avec ses pattes arrière, sortes de<br />
pelles mécaniques qui plongent sans<br />
relâche dans le sable. Quand la profondeur<br />
atteint environ 50 cm, la tortue<br />
peut enfin libérer les perles<br />
blanches. Sur les 200 œufs, seuls 5<br />
survivront : loi impitoyable de la<br />
nature où peu d’élus perpétueront<br />
l’espèce. Fait inexpliqué aujourd’hui,<br />
ces mêmes élus reviendront sur la<br />
même plage, 25 ou 30 ans plus tard,<br />
pour à leur tour, écrire l’histoire de la<br />
vie. La tortue est soigneusement<br />
baguée <strong>et</strong> mesurée pendant la dépose.<br />
Le temps s’égrène au rythme des œufs<br />
qui s’empilent. La tortue appliquée,<br />
patiente, pleure le sel qu’elle a avalé<br />
lors de ses voyages aquatiques. À la<br />
voir lever la tête au ciel, les yeux<br />
embués de larmes, on pense à une<br />
prière implorant la délivrance.<br />
L’interprétation est plus scientifique :<br />
les glandes situées autour des yeux<br />
ont une fonction purificatrice. Elles<br />
éliminent le sel accumulé dans le<br />
sang, lubrifient <strong>et</strong> n<strong>et</strong>toient les yeux<br />
hors de l’eau. Une fois les œufs tous<br />
pondus, les " pelles " se rem<strong>et</strong>tent en<br />
action <strong>et</strong> recouvrent minutieusement<br />
la précieuse production. La tortue<br />
brouille les pistes <strong>et</strong> brasse le sol en<br />
périphérie du nid de manière à<br />
tromper les indiscr<strong>et</strong>s ou les<br />
gourmands qui auraient<br />
l’idée de déterrer le butin<br />
nacré. Enfin, dans un
dernier effort, épuisée mais toujours brave,<br />
la tortue rejoint l’océan. C<strong>et</strong>te habitude de<br />
pondre pendant la journée rend les hawksbill<br />
vulnérables à la présence humaine <strong>et</strong><br />
un certain nombre de conseils sont donnés<br />
à la clientèle de l’hôtel qui se prête au jeu<br />
avec intérêt <strong>et</strong> curiosité. La saison maximale<br />
de ponte a lieu d’octobre à janvier, mois<br />
où l’on peut voir de grosses " soucoupes "<br />
flottantes émerger des flots cristallins pour<br />
partir à l’assaut de la terre ferme. <strong>Les</strong> œufs<br />
des tortues de mer m<strong>et</strong>tent entre 55 <strong>et</strong> 70<br />
jours pour éclore. Ainsi la saison des naissances<br />
a lieu de décembre à mars. C’est la<br />
température du nid qui déterminera le sexe<br />
des p<strong>et</strong>its. Plus le nid est chaud (environ<br />
29°), plus il y aura de bébés femelles. Au<br />
bout des 2 mois, le nid s’affaisse <strong>et</strong> libère<br />
ses protégés. 15 millimètres <strong>et</strong> 40 grammes<br />
pour sauver sa peau des crabes, des oiseaux<br />
<strong>et</strong> de la déshydratation, <strong>et</strong> courir instinctivement<br />
jusqu’à la mer. Guidés par la lumière<br />
naturelle de l’océan quand il fait nuit, les<br />
p<strong>et</strong>its peuvent être gênés par les lumières<br />
artificielles. Il est donc recommandé aux<br />
clients de l’hôtel de baisser les stores de<br />
leurs chambres après le coucher du soleil<br />
lors de la saison des naissances.<br />
À quelques encablures du<br />
Lémuria Resort, on peut<br />
m<strong>et</strong>tre le pied sur Laraie Bay<br />
(à moins de descendre à 1000<br />
kilomètres au sud vers l’île<br />
d’Aldabra) <strong>et</strong> observer c<strong>et</strong>te fois des tortues<br />
terrestres. Dans ce Jurassic Parc miniature,<br />
on peut toucher ces monstres pacifiques <strong>et</strong><br />
herbivores de 150 kg à 200 kg. À mon<br />
approche, l’un de ces animaux d’un autre<br />
temps, se hausse sur ses quatre pattes à la<br />
manière d’une vieille Citroën rouillée, <strong>et</strong> se<br />
m<strong>et</strong> en marche au ralenti pour aller brouter<br />
loin des humains. En regardant c<strong>et</strong>te grosse<br />
masse s’éloigner tranquillement, une citation<br />
de Claudel me revient en mémoire :<br />
" Quand l’homme essaie d’imaginer le paradis<br />
sur terre, ça fait tout de suite un enfer<br />
très convenable ". Il serait bon que nous cessions<br />
" d’imaginer " pour apprendre à<br />
" observer ". La sauvegarde de notre environnement<br />
ne se fera qu’au prix de la compréhension<br />
<strong>et</strong> du respect que nous lui<br />
accorderons. Être humble : tout un programme<br />
pour cesser de courir <strong>et</strong> …partir à<br />
point.<br />
Guide pratique :<br />
Climat :<br />
décembre à avril : saison humide /<br />
avril à octobre : meilleure période<br />
Argent :<br />
Roupie seychelloise<br />
(SR) = 0,18 euros<br />
Langues :<br />
créole, anglais, français<br />
Santé :<br />
pas de vaccins particuliers<br />
Décalage horaire :<br />
+ 3 heures en hiver<br />
<strong>et</strong> + 2 en été.<br />
À visiter sur Praslin :<br />
Vallée de Mai<br />
Se restaurer sur une des plus<br />
belles plages du monde : à Anse<br />
Lazio : Bonbon Plume. 23 21 36<br />
Hôtel : Lemuria Resort : Anse<br />
Kerlan 281 281<br />
www.lemuriaresort.com<br />
Voyager : Air <strong>Seychelles</strong><br />
Airpass AG Flughofstrasse 57<br />
CH 8152 Glattbrugg<br />
41(0) 43 21 16 334<br />
sports<strong>et</strong>loisirs.ch<br />
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Interview de Jean Mortimer<br />
Spécialiste des tortues, la scientifique<br />
Jean Mortimer est<br />
connue dans le monde entier<br />
pour ses travaux de recherches<br />
<strong>et</strong> son engagement au sein du<br />
programme de protection de<br />
ces reptiles marins. Après des<br />
études de biologie, c<strong>et</strong>te<br />
Américaine originaire de<br />
Chicago, devenue Docteur en<br />
zoologie empoche son Master<br />
au Nicaragua. Elle pose ses<br />
palmes pour la première fois<br />
aux <strong>Seychelles</strong> en 1981 <strong>et</strong> vit<br />
depuis à Mahe, véritable tour<br />
d’observation <strong>et</strong> tremplin à ses<br />
pérégrinations scientifiques.<br />
Elle intervient notamment au<br />
Lémuria Resort où, GPS en<br />
main, elle cherche, recense,<br />
observe avec passion ces animaux<br />
entre terre <strong>et</strong> mer.<br />
Rencontre avec celle qui murmure<br />
à l’oreille des tortues…<br />
Claire Buart : Pourquoi les tortues<br />
?<br />
Jean Mortimer :J’ai toujours été<br />
attirée par les reptiles, les<br />
insectes, les chauves-souris, des<br />
animaux exotiques souvent<br />
hybrides. La tortue a cela de<br />
fascinant : elle est un mélange<br />
de crocodile, de serpent, de<br />
dinosaure, de crabe… Quand<br />
j’ai fait mes études de biologie,<br />
j’ai eu la chance de rencontrer<br />
le Dr Archis Carr, éminence<br />
zoologique, <strong>et</strong> très vite,<br />
convaincue par ses travaux de<br />
recherches, je me suis tournée<br />
vers la défense de l’espèce des<br />
tortues.<br />
C.B : A quand remonte la première<br />
grande menace de l’espèce<br />
?<br />
J.M : Au XVIIIe siècle est mené<br />
le premier élan vers la colonisation<br />
des <strong>Seychelles</strong> par les<br />
administrateurs de l’Isle de<br />
France. Il s’agit alors de saisir<br />
l’opportunité de cultiver des<br />
épices en quantités suffisantes<br />
à l’extérieur de la bande cyclonique<br />
pour contester enfin le<br />
monopole commercial grandissant<br />
des Hollandais. Malgré<br />
l’introduction de la cannelle, de<br />
la girofle <strong>et</strong> de la muscade, l’appât<br />
du gain suscite d’autres<br />
traites : celle des tortues <strong>et</strong> du<br />
bois. En 1789, Mahe a déjà livré<br />
à la traite plus de 13000 tortues<br />
géantes. L’homme, graduellement,<br />
s’attaque à ce qui était un<br />
territoire vierge de commerce.<br />
Le processus est enclenché.<br />
L’homme ne peut découvrir<br />
sans tuer…<br />
CB : De quand date le premier<br />
programme de protection ?<br />
J.M : Il y a encore 200 ans, la<br />
population des tortues était très<br />
importante. De 1965 à 1994, il<br />
était légal de tuer des tortues.<br />
Le japon notamment a été un<br />
des plus grands exportateurs de<br />
carapace de tortues dans le<br />
monde entier. Dans la tortue,<br />
rien ne se perd, tout se mange :<br />
la chair, la peau, le cartilage, le<br />
plastron, le sang. <strong>Les</strong> tortues<br />
hawksbill étaient tuées avec<br />
davantage de soin car elles<br />
étaient ensuite vendues, soit<br />
entières, empaillées, soit sous<br />
forme de carapaces vernissées.<br />
Selon Greanpeace, entre 1970<br />
<strong>et</strong> 1990, le Japon aurait importé<br />
710 000 kilos d’écailles, ce qui<br />
représente environ la mort de<br />
670 000 tortues. Le premier programme<br />
a été lancé en 1993.<br />
D’autres ont vu le jour depuis,<br />
mais le mal est fait <strong>et</strong> l’élimination<br />
passée a fortement mis en<br />
danger les possibilités de reproduction<br />
présentes <strong>et</strong> futures.<br />
CB : En quoi consiste votre rôle<br />
précisément ?<br />
J.M : Je m’occupe de recenser <strong>et</strong><br />
d’observer les tortues dans leur<br />
milieu naturel. Je participe à<br />
l’élaboration des programmes
de protection de l’espèce en collaboration<br />
avec les différents<br />
gouvernements qui sont concernés.<br />
En 1986, j’ai aidé à la création<br />
d’un programme de sensibilisation<br />
dans les écoles aux<br />
<strong>Seychelles</strong> : éduquer est le seul<br />
moyen de générer des comportements<br />
responsables <strong>et</strong><br />
civiques. Je forme également<br />
des gens, comme Speer au<br />
Lémuria Resort. Ses origines<br />
créoles sont un argument supplémentaire<br />
dans son plaidoyer<br />
pour les tortues.<br />
CB : Quels sont vos " outils "<br />
d’observation quand les tortues<br />
sont en mer ?<br />
J.M : Suivre une tortue<br />
en mer est impossible à<br />
moins de lui m<strong>et</strong>tre un<br />
ém<strong>et</strong>teur. C’est pourquoi<br />
nous les baguons <strong>et</strong> les<br />
identifions à terre. Leur<br />
histoire aquatique recèle<br />
encore des mystères. La<br />
tortue verte, végétarienne,<br />
sauf durant la première<br />
année de sa vie, se<br />
nourrit essentiellement<br />
d’algues <strong>et</strong> d’angiospermes.<br />
Elle vit dans<br />
des eaux peu profondes<br />
(moins de 10 mètres) <strong>et</strong><br />
tièdes (plus de 20°) où elle trouve<br />
en abondance sa nourriture.<br />
Sa taille peut atteindre 1,5m <strong>et</strong><br />
son poids 200kg. C’est son cartilage,<br />
constituant principal du<br />
" potage clair de tortue ", qui<br />
lui a valu d’être traquée dans<br />
toute la zone pacifique. Sa longévité<br />
est d’environ quinze ans.<br />
Plus p<strong>et</strong>ite (90 centimètres environ<br />
pour un poids oscillant<br />
entre 60 <strong>et</strong> 70 kg), la tortue<br />
hawksbill vit dans des baies<br />
calmes à faible ressac <strong>et</strong> est carnivore.<br />
Sa durée de vie varie<br />
entre 20 <strong>et</strong> 30 ans. Sa carapace<br />
est couverte d’écailles riches de<br />
nuances brun-rouge, servant à<br />
la fabrication de p<strong>et</strong>its obj<strong>et</strong>s de<br />
luxe (peignes, montures de<br />
lun<strong>et</strong>tes, boîtes…)recherchés,<br />
base d’un artisanat qui fut florissant<br />
dans le passé. On sait<br />
que les p<strong>et</strong>its survivants se laissent<br />
porter une dizaine d’années<br />
dans des courants, plutôt<br />
en surface <strong>et</strong> plongent ensuite<br />
dans des eaux plus profondes.<br />
Une tortue peut rester en apnée<br />
de 1 heure à 2 heures <strong>et</strong> parcourir<br />
une distance d’une dizaine<br />
de kilomètres par jour. Elles<br />
nagent avec leurs pattes avant<br />
<strong>et</strong> se servent de celles de derrière,<br />
qu’elles joignent l’une à<br />
l’autre, comme de gouvernail<br />
ou de protection face à un danger<br />
potentiel.<strong>Les</strong> tortues choisiront<br />
de voyager <strong>et</strong> de migrer<br />
pour revenir de toute façon<br />
pondre sur la plage où elles<br />
sont nées. Nous n’avons pas<br />
encore l’explication à c<strong>et</strong>te fidélité.<br />
CB : Quelles sont les conséquences<br />
du tsunami de<br />
décembre dernier sur la population<br />
des tortues ?<br />
J.M : Nous sommes toujours en<br />
train de glaner des informations<br />
sur son impact dans sa<br />
zone de frappe. Aux <strong>Seychelles</strong>,<br />
il ne semble pas qu’il y ait eu<br />
trop de dégâts à ce niveau.<br />
Nous avons eu de la chance car<br />
le tsunami a frappé alors que<br />
nous étions en période de<br />
marée basse <strong>et</strong> peu de nids finalement<br />
ont été touchés. Il y a eu<br />
quelques dommages également<br />
dans les fonds coralliens mais<br />
rien de dramatique.<br />
CB : Ces menaces naturelles<br />
sont-elles plus inquiétantes que<br />
les menaces humaines qui<br />
pèsent sur l’avenir des tortues ?<br />
J.M : <strong>Les</strong> principales menaces<br />
sont les suivantes : la hausse<br />
des températures tue les<br />
récifs coralliens, principal<br />
habitat des tortues<br />
hawksbill. Ces récifs<br />
sont aussi des barrières<br />
naturelles qui freinent<br />
l’arrivée des vagues sur<br />
la plage.Ces hausses de<br />
température augmentent<br />
également le niveau de<br />
la mer qui vient gagner<br />
du terrain sur les plages<br />
<strong>et</strong> entraîne une forte érosion<br />
des nids notamment.<br />
Combiner tous ces<br />
facteurs <strong>et</strong> la survie des<br />
nids est quasiment<br />
impossible. En plus, le réchauffement<br />
climatique entraîne une<br />
augmentation de la température<br />
dans les nids. Et comme la<br />
chaleur du nid détermine le<br />
sexe des p<strong>et</strong>its on risque de se<br />
r<strong>et</strong>rouver avec des nids qui ne<br />
produiront que des femelles ce<br />
qui est un véritable souci !!!!<br />
Mais si le réchauffement de la<br />
planète a des conséquences sur<br />
les tortues, il en a aussi <strong>et</strong> en<br />
aura sur les humains. Je ne sais<br />
pas laquelle des deux espèces<br />
en souffrira le plus. N’oublions<br />
pas que les tortues étaient là<br />
bien avant nous….<br />
sports<strong>et</strong>loisirs.ch<br />
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