Les Seychelles - Magazine Sports et Loisirs
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Cette espèce s’est distinguée dans
l’archipel en venant pondre le jour
alors qu’ailleurs ces tortues pondent
la nuit tout comme la plupart des
autres espèces. L’une d’entre elles a
choisi la plage d’Anse Georgette et
s’applique à son laborieux devoir
naturel. Speer, le " turtle manager " de
l’hôtel est déjà sur place. Ce rasta
man local devenu gardien de ces
dames préhistoriques, veille sur leur
tranquillité et traque méticuleusement
leurs sillages sur le sable pour
les protéger de visiteurs maladroits
ou mal intentionnés. On raconte que
naguère aux Antilles, les pêcheurs
" épluchaient " les tortues hawksbill
dans l’eau bouillante, détachaient
ainsi les écailles, puis relâchaient
leurs victimes vivantes afin que les
plaques repoussent. Au fil de sa
croissance, les écailles d’une tortue
ne varient ni en nombre ni en forme :
à la manière de bulles de savon, elles
dessinent des hexagones et des pentagones
formant entre eux, trois par
trois, des angles de 120 degrés en
moyenne. Cette stricte géométrie permet
à la nature de produire le maximum
de volume avec le minimum de
matériau. Si vous passez l’ongle sur
les sillons qui séparent ses écailles
dorsales, la bête marque son déplaisir
en rentrant sous sa carapace. Sous ses
allures de forteresse muette, elle
souffre : couvrant les plaques
osseuses du dos, une membrane
richement innervée et vascularisée
nourrit la croissance des écailles sur
leur pourtour comme la racine des
ongles à la base. Longtemps chassées
et braconnées
pour leur carapace prisée pour la
fabrication de bijoux, les tortues
jouissent aujourd’hui de l’attention
des hommes qui ont tiré les leçons du
passé. Il n’en reste pas moins qu’elles
font encore l’objet de convoitise de
certains Seychellois qui, lors de repas
de fête, s’offrent encore le privilège de
sacrifier ces animaux.
La tortue qui " dépose " devant nous a
choisi l’ombre des takamakas pour
creuser son nid. Après avoir longuement
cherché l’emplacement idéal
pour se soulager des quelque 200 à
250 œufs, elle se met à forer le sol
avec ses pattes arrière, sortes de
pelles mécaniques qui plongent sans
relâche dans le sable. Quand la profondeur
atteint environ 50 cm, la tortue
peut enfin libérer les perles
blanches. Sur les 200 œufs, seuls 5
survivront : loi impitoyable de la
nature où peu d’élus perpétueront
l’espèce. Fait inexpliqué aujourd’hui,
ces mêmes élus reviendront sur la
même plage, 25 ou 30 ans plus tard,
pour à leur tour, écrire l’histoire de la
vie. La tortue est soigneusement
baguée et mesurée pendant la dépose.
Le temps s’égrène au rythme des œufs
qui s’empilent. La tortue appliquée,
patiente, pleure le sel qu’elle a avalé
lors de ses voyages aquatiques. À la
voir lever la tête au ciel, les yeux
embués de larmes, on pense à une
prière implorant la délivrance.
L’interprétation est plus scientifique :
les glandes situées autour des yeux
ont une fonction purificatrice. Elles
éliminent le sel accumulé dans le
sang, lubrifient et nettoient les yeux
hors de l’eau. Une fois les œufs tous
pondus, les " pelles " se remettent en
action et recouvrent minutieusement
la précieuse production. La tortue
brouille les pistes et brasse le sol en
périphérie du nid de manière à
tromper les indiscrets ou les
gourmands qui auraient
l’idée de déterrer le butin
nacré. Enfin, dans un