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Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles

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ALBAN BENSA 151<br />

Cette dynamique d’ouverture à l’extérieur ne semble venir que des<br />

Kanaks, qui seraient ainsi un ressort d’innovation culturelle pour<br />

l’ensemble du monde calédonien.<br />

ALBAN BENSA : Avant l’ADCK, quiconque posait une question sur la<br />

Nouvelle-Calédonie n’avait pas de réponse. Il était envoyé en brousse<br />

ou allait à l’aquarium de Nouméa, où il pouvait voir des poissons,<br />

des coquillages, etc. L’ADCK est effectivement aujourd’hui un<br />

endroit vivant qui répond à une demande de culture en pleine<br />

croissance. Par exemple, co-organisées avec la municipalité de<br />

Nouméa et la Province Sud, les festivités d’« Équinoxe », qui<br />

regroupent spectacles de rue, concerts traditionnels, reggae, rock,<br />

etc., rassemblent depuis plusieurs années un public énorme – et<br />

toutes ethnies confondues. De ce point de vue, Tjibaou avait raison,<br />

le centre culturel doit répondre à ces besoins-là.<br />

AGONE : C’est comme expert que vous participez au projet du centre culturel<br />

Jean-Marie Tjibaou. Mais l’expert n’est-il pas une figure se superposant à<br />

celle de l’ethnologue pour la priver, bien plus que celle de l’intellectuel<br />

engagé par son savoir, de son autonomie ? Car on peut se demander de qui<br />

l’ethnologue-expert est le porte-parole ? de l’État qui l’envoie (en<br />

l’occurrence colonial) ? ou des kanaks eux-mêmes, en quête d’un discours<br />

sur leur propre culture qui soit une façon de se dire aux autres ?<br />

ALBAN BENSA : Tout au long de ma collaboration avec Renzo Piano et<br />

son équipe, je ne me suis senti le porte-parole de personne. J’étais<br />

dans la situation d’un créateur qui retravaille son expérience<br />

personnelle d’un univers particulier – en l’occurrence celui des<br />

Kanaks ruraux de la Grande Terre de Nouvelle-Calédonie – pour<br />

façonner à partir d’elle un objet nouveau. Ici, un objet architectural,<br />

imaginé par Renzo Piano à la confluence de son métier d’architecte et<br />

de mon savoir ethnographique – métaphorisé, pour la circonstance,<br />

en une forme unique, celle d’un bâtiment. Il s’agit donc moins<br />

d’expertise, au sens où l’expert doit énoncer « le vrai », que de<br />

collaboration interdisciplinaire à une œuvre architecturale qui, en tant<br />

que telle, n’est pas la copie d’une réalité mais l’invention d’une réalité<br />

nouvelle au terme d’un travail artistique – comme le dit l’écrivain<br />

italien Anna Maria Ortese : « Rien de sérieux et rien de vrai ne saurait

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