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Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles

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204<br />

ANATOMIE DE LA MÉLANCOLIE<br />

accorder le savoir, créer des philosophes, des artistes, des orateurs,<br />

des poètes ; Sénèque fait remarquer très justement qu’on dit plus<br />

souvent voici un homme riche, un homme bon, un homme heureux, un<br />

homme correct, un homme somptueusement vêtu, frisé au fer et parfumé ;<br />

il est bien plus rare d’entendre l’éloge suivant, “quel érudit” 59 , car il est<br />

difficile de trouver un homme plein de savoir. Le savoir ne s’acquiert<br />

pas rapidement, certains ont beau se donner beaucoup de peine et<br />

avoir reçu une instruction adéquate, leurs protecteurs et leurs parents<br />

ont beau subvenir à leurs besoins avec libéralité, peu y parviennent.<br />

Ou encore, s’ils sont dociles, il arrive aussi que leur volonté ne suive<br />

pas le chemin que leur désigne leur esprit ; ils sont capables de<br />

comprendre mais ne s’en donnent pas la peine ; ils se laissent séduire<br />

par de mauvais compagnons, ils se laissent posséder par les femmes ou<br />

par la boisson et gaspillent leur temps, ce qui les mène à leur perte, au<br />

grand chagrin de leurs amis. Mais supposons qu’ils soient studieux et<br />

laborieux, qu’ils aient l’esprit mûr et peut-être même qu’ils aient de<br />

grandes capacités, combien de maladies du corps et de l’esprit ne<br />

vont-ils pas devoir affronter ? Aucun autre labeur au monde ne<br />

ressemble à l’étude. Il se peut fort bien que leur tempérament ne soit<br />

pas à la hauteur et que, cherchant à exceller et à tout savoir, ils en<br />

viennent à perdre la santé, la fortune, l’esprit, la vie et tout le reste.<br />

Mais supposons qu’une personne possède un corps de bronze, soit<br />

parvenue à échapper avec bonheur à tous ces périls et ait atteint une<br />

maturité parfaite, qu’elle ait profité de ses études et soit parvenue au<br />

but au milieu des applaudissements de tous : après avoir tant<br />

dépensé, cette personne devrait obtenir une prébende, mais où<br />

l’obtiendra-t-elle ? Elle a aussi peu de chances d’y parvenir (après<br />

vingt ans de travail) que le jour où elle est entrée à l’université. Car,<br />

dans quelle voie s’engagera-t-elle, maintenant qu’elle est apte et<br />

qualifiée ? La voie la plus simple et la plus facile, le choix de<br />

beaucoup, est d’enseigner dans une école, de prêcher ou d’avoir la<br />

charge d’une paroisse, pour le salaire d’un fauconnier, 10 livres par an<br />

plus le couvert, ou pour d’autres appointements misérables, tant<br />

qu’elle plaira à son patron ou à sa paroisse ; si un désaccord naît entre<br />

59. [Lettres à Lucilius.]

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