Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles
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LE VRAI VISAGE DE LA CRITIQUE POSTMODERNE<br />
Quant aux propriétés de X déjà citées, elles peuvent bien concerner<br />
certains aspects de la pensée, certaines conceptions religieuses, voire<br />
certains domaines des humanités où il est plus facile de tomber dans<br />
le dogmatisme et la mystification. Mais les sciences, du moins dans<br />
l’acception qui m’est familière, ne sont pas soumises au même régime<br />
de discours que n’importe qu’elle activité humaine. Ce n’est pas que<br />
les scientifiques soient constitutivement plus honnêtes, ouverts ou<br />
curieux. C’est simplement que la nature et la logique imposent une<br />
discipline sévère : dans de nombreux domaines, on ne peut inventer<br />
impunément des histoires fantaisistes ou se contenter de faire valoir<br />
son érudition. Vos propos seront soumis à réfutation et vous serez<br />
lâchés par vos étudiants, qui cherchent à comprendre et ne se<br />
contentent pas d’enregistrer des opinions reçues.<br />
D’autres propriétés sont attribuées à X, dont certaines relèvent<br />
sciemment de la caricature. Ainsi, les praticiens de X prétendraient<br />
que « depuis le XVIIe siècle, l’Europe a résolu toutes les questions<br />
fondamentales de l’humanité et de son devenir ». Ce n’est là qu’un<br />
exemple, mais je le crois représentatif d’un certain mauvais esprit.<br />
Parmi les commentaires que j’ai recensés, il en est certains qui me<br />
parlent davantage. Un intervenant, par exemple, en appelle à « une<br />
participation plurielle [en science], où chacun puisse s’asseoir à la<br />
table des débats et partager une même conscience », inspirée par une<br />
« morale de la confiance et par le souci de dire ce que l’on pense, ce<br />
que l’on voit et ce que l’on fait ; chacun autorisant de la même façon<br />
ses pairs et ceux qui ne le sont pas à examiner ses données et ses<br />
conclusions ». Ce n’est pas une mauvaise description des nombreux<br />
séminaires et groupes de travail auxquels j’ai eu la chance de<br />
participer durant des années. Il y était admis, comme le martèle<br />
l’auteur, que la « connaissance est construite et non trouvée ;<br />
conquise et non donnée » ; opinion qui serait probablement<br />
applaudie par quiconque s’est affronté à de difficiles questions, aussi<br />
bien que par les militants auxquels elle est destinée.<br />
Il y a également une part de vérité dans l’idée que les sciences<br />
naturelles seraient « désincarnées, coupées de la pensée<br />
métaphorique, de l’éthique et des affaires humaines ». Mais, c’est à<br />
mettre à leur crédit. Si la pensée scientifique est fâchée avec la