Cet ouvrage a été publié avec le concours et le ... - Cour de France.fr
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Montrésor <strong>et</strong> <strong>de</strong> Campion, ou ceux <strong>de</strong> Coligny-Saligny, on imagine<br />
mal <strong>le</strong>urs auteurs s’astreignant d’eux-mêmes à une soumission<br />
inconditionnel<strong>le</strong>! Cel<strong>le</strong>-ci semb<strong>le</strong> avoir <strong>été</strong> imposée, tardivement <strong>et</strong><br />
plus diffici<strong>le</strong>ment qu’on ne <strong>le</strong> croit, à la génération suivante, 80 ans<br />
après la publication du De Constantia <strong>et</strong> quand Lipse était passé <strong>de</strong><br />
mo<strong>de</strong>. Revenons donc au cæur du stoïcisme chrétien.<br />
La vertu, selon Lipse <strong>et</strong> d’après Sénèque, est: 1) conscience;<br />
2) constance; 3) probité; 4) pru<strong>de</strong>nce. C’est sans doute sa<br />
conscience qui inspire à Henri <strong>de</strong> Campion <strong>le</strong>s vains efforts qu’il fait<br />
pour sauvegar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s ennemis désarmés ou b<strong>le</strong>ssés au siège <strong>de</strong><br />
Turin en 1640, alors que <strong>le</strong> comte d’Harcourt <strong>le</strong>s abat au contraire<br />
sans <strong>le</strong> moindre scrupu<strong>le</strong>. Mais la constance <strong>et</strong> la pru<strong>de</strong>nce nous<br />
importent davantage ici.<br />
La constance n’est pas toujours fidélité. El<strong>le</strong> peut se<br />
manifester nonobstant <strong>le</strong>s changements <strong>de</strong> parti <strong>et</strong> <strong>le</strong>s conversions.<br />
Juste Lipse fut lui-même catholique, puis calviniste, enfin catholique<br />
à nouveau. La continuité n’engendre qu’ennui <strong>et</strong> sclérose; la durée<br />
<strong>de</strong>s services confère encore peu <strong>de</strong> droits <strong>et</strong> n’inspire aucun respect<br />
particulier; seul compte <strong>le</strong>ur éclat, la va<strong>le</strong>ur l’emportant sur <strong>le</strong><br />
mérite. La constance est un courage instantané, même parfois<br />
éphémère. Ainsi, Henri <strong>de</strong> Campion <strong>de</strong>vait épouser la fil<strong>le</strong> née d’un<br />
premier mariage <strong>de</strong> la femme <strong>de</strong> son <strong>fr</strong>ère aîné, mais la promise<br />
était défigurée par la p<strong>et</strong>ite véro<strong>le</strong>; il persiste néanmoins dans son<br />
<strong>de</strong>ssein, «croyant avoir trouvé une bel<strong>le</strong> occasion <strong>de</strong> prouver ma<br />
constance». Peu importe s’il s’est marié fina<strong>le</strong>ment <strong>avec</strong> une<br />
autre...<br />
Re<strong>le</strong>vons, toujours dans <strong>le</strong>s Mémoires <strong>de</strong> Campion, une autre<br />
preuve beaucoup plus significative <strong>de</strong> sa constance. En 1636, à<br />
l’armée <strong>de</strong> Bernard <strong>de</strong> Saxe-Weimar <strong>et</strong> du cardinal <strong>de</strong> La Va<strong>le</strong>tte,<br />
cantonnée en Champagne, la peste se déclare. Un domestique <strong>de</strong><br />
Campion est foudroyé par l’épidémie à l’auberge, quasiment sous<br />
ses yeux. «Nous changeâmes <strong>de</strong> logis <strong>et</strong> d’habits <strong>et</strong> n’eûmes<br />
communication <strong>avec</strong> personne <strong>de</strong> dix ou douze jours, durant<br />
<strong>le</strong>squels <strong>le</strong> chevalier <strong>de</strong> Gout (enseigne <strong>de</strong> la compagnie dont<br />
Campion est lieutenant, tous <strong>de</strong>ux couchant dans la même<br />
chambre) se trouva incommodé d’une tumeur au haut <strong>de</strong> la cuisse.<br />
Sitôt qu’il s’en aperçut, il me pressa <strong>de</strong> me r<strong>et</strong>irer, se croyant<br />
attaqué <strong>de</strong> la maladie contagieuse; mais je lui répondis que,<br />
puisque nous étions ensemb<strong>le</strong> dans l’origine <strong>de</strong> c<strong>et</strong> acci<strong>de</strong>nt, je<br />
<strong>de</strong>vais courir la même fortune que lui, <strong>et</strong> que je me croirais<br />
répréhensib<strong>le</strong> <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> souillé d’une lâch<strong>et</strong>é <strong>de</strong>vant <strong>le</strong>s<br />
hommes, si je l’abandonnais. Une fois décidé à me souf<strong>fr</strong>ir auprès<br />
<strong>de</strong> lui 9 , je fis venir en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la maison un chirurgien auquel il<br />
montra sa tumeur, C’était un mal qu’il avait gagné <strong>avec</strong> <strong>de</strong>s femmes<br />
aussi libertines que lui, ce qui nous tranquillisa. Je rapporte ces faits<br />
9 Nous avons ici un participe absolu, Gout étant suj<strong>et</strong>. Ce n’est pas une négligence, mais un raffinement<br />
<strong>de</strong> sty<strong>le</strong>.<br />
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