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Nouvelles tendances<br />
Le vin<br />
grandeur<br />
nature Pour<br />
la première fois,<br />
« Libération » part à<br />
la rencontre de vignerons<br />
talentueux, indépendants,<br />
amoureux de leurs terres.<br />
Et propose, en partenariat<br />
avec « La Revue du vin<br />
de France », une sélection<br />
d’une centaine de bouteilles.<br />
Supplément à « libération » n o 9434 du 12 Septembre <strong>20</strong>11. ne peut être vendu Séparément.
ÉDITORIAL<br />
Par NICOLAS DEMORAND<br />
Cépages<br />
de gauche<br />
Parlons de vin, donc de culture et de<br />
politique. Trois cépages qui, assemblés,<br />
font en réalité un grand cru que la France a<br />
récemment appris à apprécier d’un œil neuf.<br />
L’année <strong>20</strong>04 fut à ce titre un millésime<br />
crucial, quand le film Mondovino de<br />
Jonathan Nossiter, présenté au Festival<br />
de Cannes, dévoila au grand public<br />
le puissant mouvement d’uniformisation et<br />
d’américanisation des vins. Le phénomène<br />
s’incarnait en une seule et même figure :<br />
Robert Parker, critique tellement puissant<br />
que des vignerons avaient fini par produire<br />
des vins taillés sur mesure pour lui<br />
complaire et décrocher de bonnes notes<br />
dans ses guides, leurs bouteilles atteignant<br />
du coup des prix stratosphériques sur<br />
le marché mondial. Les bordeaux étaient<br />
les plus touchés : d’un rouge profond,<br />
extrêmement charpentés et lourds, ils<br />
ressemblaient tous à une marmelade de<br />
fruits rouges aromatisée au bois de chêne.<br />
La « parkérisation » des vins triomphait<br />
en écrasant l’histoire, les terroirs, les savoirfaire<br />
anciens, et devenait un exemple<br />
particulièrement inquiétant des méfaits de<br />
la mondialisation. D’où, en retour, une prise<br />
de conscience de la fragilité de cet objet<br />
culturel qu’est, au même titre qu’un livre ou<br />
un film, une bouteille de vin. C’est aussi<br />
cette histoire que raconte notre supplément,<br />
conçu en commun par Libération et La<br />
Revue du vin de France : celle d’hommes<br />
et de femmes qui se battent pour prouver<br />
qu’un autre vignoble est possible. Plus<br />
authentique, plus naturel, plus personnel.<br />
Travaillé par de sérieux passionnés,<br />
de joyeux acharnés, de fiers enfants d’une<br />
histoire et d’une géographie dont le vin offre<br />
l’image la plus sensuelle. Leur combat<br />
entre en résonance avec celui d’une nouvelle<br />
génération de restaurateurs, eux aussi à la<br />
recherche d’une authenticité non pas<br />
patrimoniale, muséifiée, folklorisée, mais<br />
vivante et projetée vers l’avenir. Quant aux<br />
consommateurs, des Italiens du « slow<br />
food » aux « locavores » américains ou<br />
danois, en passant par tous ceux qui, chez<br />
nous, fréquentent les cavistes comme<br />
les salons à la recherche de bonnes<br />
rencontres, ils finissent par constituer<br />
une famille dont l’étendue dépasse de loin<br />
le cercle des alternatifs, des bobos ou des<br />
branchés. Chacun, dans le vignoble,<br />
vote comme il veut. Et les appartenances<br />
politiques des vignerons sont aussi<br />
complexes et imbriquées que les microparcelles<br />
bourguignonnes. Mais une chose<br />
est certaine. Comme le note le même<br />
Jonathan Nossiter dans Le Goût et le Pouvoir<br />
(Grasset), l’idée de terroir connaît<br />
aujourd’hui une mutation accélérée, et un<br />
basculement de la droite vers la gauche.<br />
Le capitalisme mondialisé est passé par là. A<br />
la recherche des plus vastes marchés possibles<br />
et d’une standardisation généralisée de la<br />
production, il en est venu à considérer les<br />
spécificités culturelles, viticoles, agricoles,<br />
comme autant de freins à son déploiement.<br />
Ce supplément vins défend d’autres<br />
valeurs et vous invite à vivre ensemble,<br />
entre amis, autour d’une bonne table et<br />
d’une bonne bouteille. Tout simplement.<br />
Retrouvez notre supplément sur<br />
Sommaire<br />
04 La nouvelle donne des vins de France<br />
les grands équilibres du vin ont changé. la prééminence du Bordelais n’a plus lieu<br />
d’être, alors qu’émergent des vignerons, jeunes et moins jeunes, travaillant « nature ».<br />
08 Les quatre chemins qui mènent au bio<br />
comment s’y retrouver entre les différentes, et subtiles, catégories de ceux<br />
qui travaillent autrement ? et aussi : zoom sur les pesticides, dont l’emploi diminue.<br />
12 Faites sauter le bouchon !<br />
une recension de rendez-vous dans toute la France à l’occasion des foires aux vins,<br />
ainsi que notre sélection de cavistes, restaurants, sites web et livres consacrés au vin.<br />
16 Languedoc, Roussillon, Provence & Corse<br />
chez olivier decelle, l’ex-industriel ; chez antoine arena, nicolas mariotti-Bindi, et<br />
muriel guidicelli, les apôtres du minéral ; chez dupéré-Barrera, les novices talentueux.<br />
24 Beaujolais, Bourgogne & Rhône<br />
chez mathieu lapierre, le fils de son célèbre père ; chez dominique laurent, le géant<br />
qui repère les meilleures parcelles ; chez michel chapoutier, qui a su bâtir un empire.<br />
30 Bordeaux & Sud-Ouest<br />
chez Patrice lescarret, qui n’a pas la langue dans sa poche ; chez Xavier Planty, pour<br />
sa douce révolution; chez alfred Tesseron, qui ose le cheval au bord de la gironde.<br />
36 Champagne & Alsace<br />
chez Jean-Baptiste lécaillon, le maître des bulles ; chez les Humbrecht, qui restent<br />
dans la bonne pente ; chez les Bedel, mère et fils, qui ont réussi à magnifier le destin.<br />
42 Loire<br />
chez les frères charly et nady Foucault, aussi ombrageux et moustachus que doués ;<br />
chez Philippe gilbert, l’ex-dramaturge qui a longtemps fui son héritage vigneron.<br />
PHoTo de une Par luc manago.<br />
www.liberation.fr<br />
11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03<br />
Tél. : 01 42 76 17 89<br />
Edité par la SARL Libération<br />
SARL au capital de 8 726 182 €<br />
RCS Paris : 382.028.199<br />
Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991<br />
Co-gérants :<br />
Nicolas Demorand et Philippe Nicolas<br />
Directeur de la publication et de la rédaction :<br />
Nicolas Demorand<br />
Directeur délégué de la rédaction :<br />
Vincent Giret<br />
Responsables du supplément :<br />
Françoise-Marie Santucci & Fabrice Tassel<br />
Rédaction : Didier Arnaud, Luc Dubanchet,<br />
Jacky Durand, Tiphaine Lévy-Frébault,<br />
Catherine Mallaval, Grégory Schneider<br />
et, pour La Revue du vin de France,<br />
Denis Saverot (directeur de la rédaction),<br />
Jérôme Baudouin et Sylvie Augereau<br />
Direction artistique : sheeno<br />
Edition : Isabelle Wesolowski<br />
Photographies : Luc Manago<br />
Rédacteur en chef technique :<br />
Christophe Boulard<br />
Fabrication :<br />
Graciela Rodriguez et Daniel Voisembert<br />
Impression :<br />
POP Membre de l’OJD-Diffusion Contrôle.<br />
CPPP : C80064. ISSN 0335-1793.<br />
Réalisé en partenariat avec<br />
la Revue du vin de France<br />
luc manago<br />
2
DÉCRYPTAGE<br />
La nouvelle<br />
donne des vins<br />
de France<br />
Depuis les années 70, la géographie du vignoble français s’est profondément<br />
modifiée. Le Bordelais voit sa suprématie battue en brèche, tandis<br />
qu’émergent de nouveaux vins, axés sur le terroir et le respect de la nature.<br />
Par DENIS SAVEROT ET<br />
FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />
Photos LUC MANAGO<br />
Ci-dessus, le clocher de Sauternes.<br />
C’est un monde que les<br />
plus de quarante ans ne<br />
peuvent pas reconnaître,<br />
tant les bouleversements<br />
ont été nombreux dans les<br />
us et coutumes du vignoble<br />
français, et sa géographie. Il<br />
y a trente-cinq ans, le vin était encore un<br />
aliment quotidien, parfois de piètre qualité,<br />
et acheté à la tireuse chez le caviste ou le<br />
vigneron pour des prix dérisoires. Il est<br />
aujourd’hui un produit culturel et identitaire,<br />
assimilé dans certains cas à l’univers du luxe.<br />
La flambée des prix des grandes étiquettes,<br />
les débats sur la standardisation du goût,<br />
notamment dans les bordeaux, et l’émergence<br />
des vins « nature » ont modifié l’approche<br />
du public. Qui court les foires aux<br />
vins, les bons conseils, les soirées dégustations<br />
et les cavistes de choix. C’est à eux,<br />
néo-consommateurs exigeants ou gourmets<br />
de toujours, que ce supplément réalisé<br />
conjointement par Libération et La Revue<br />
du vin de France s’adresse. Nos journalistes<br />
ont fait le tour de l’Hexagone à la rencontre<br />
de vignerons hors du commun,<br />
amoureux de leur terroir. Qui tous, une fois<br />
passé le côté bourru qu’ils partagent souvent,<br />
ont d’incroyables histoires à raconter<br />
au moment de faire visiter leurs vignes, et<br />
de déboucher une belle bouteille.<br />
Mais revenons aux événements qui ont<br />
profondément remanié le paysage<br />
4
Nespresso invente l’Édition Limitée durable…<br />
4949-FRse11Liberation Dhjana1 248x330.indd 1 05/09/11 17:31
Les cuves d’assemblage<br />
du domaine Michel Chapoutier.<br />
viticole hexagonal, et sa hiérarchie.<br />
Le prix des grandes bouteilles, pour commencer<br />
: c’est une fièvre financière qui<br />
s’est propagée aux grands noms de<br />
l’Hexagone, notamment dans le Bordelais,<br />
depuis 1990. Prenons le prestigieux<br />
1 er grand cru classé de Saint-Emilion, Château<br />
Cheval Blanc. Ce vin racé et élégant,<br />
distingué par sa proportion importante de<br />
cabernet franc, valait 1<strong>20</strong> francs (18 €) la<br />
bouteille en primeur en 1993 (prix professionnel).<br />
Puis 130 euros la bouteille en <strong>20</strong>01<br />
(le château avait, entre-temps, été racheté<br />
par les hommes d’affaires Bernard Arnault<br />
et Albert Frère). Puis 400 euros en <strong>20</strong>05,<br />
800 euros en <strong>20</strong>10. Soit un prix multiplié<br />
par 44 en seize ans. Au total, une hausse de<br />
4 300 % depuis 1993… Stratosphérique !<br />
VINS BODYBUILDÉS Face à cette inflation<br />
considérable, les amateurs se sont quelque<br />
peu détournés des bords de la Gironde, au<br />
point, pour certains, de cultiver un véritable<br />
désamour du Bordeaux. Il n’est pas rare de<br />
rencontrer des cavistes qui se font une gloire<br />
de ne plus en vendre (le Verre Volé ou la<br />
Cave des Papilles à Paris, par exemple). Et le<br />
« cas » Bordeaux s’alourdit encore d’une<br />
polémique autour de la standardisation du<br />
goût. C’est l’Américain Jonathan Nossiter,<br />
le réalisateur du documentaire Mondovino,<br />
qui avait lancé le débat : selon lui, soucieux<br />
de plaire à la critique internationale,<br />
notamment au « gourou » américain<br />
Robert Parker, les propriétaires bordelais se<br />
sont mis à produire des vins toujours plus<br />
puissants, plus expressifs, « bodybuildés ».<br />
Tarifs arrogants, nivellement gustatif :<br />
autant de déceptions qui poussent les<br />
consommateurs à s’aventurer vers d’autres<br />
horizons, à l’affût de sensations nouvelles,<br />
de débats stylistiques, de découvertes.<br />
La Bourgogne, par exemple, reste<br />
une terre de discussion et de confrontation.<br />
De la Côte de Nuits à la Côte chalonnaise,<br />
partisans et détracteurs des différentes<br />
techniques de vinification argumentent<br />
tout au long de l’année. Et le<br />
style de leurs vins affiche une réelle diversité<br />
: il y a un monde entre le gevreychambertin<br />
du domaine Dujac, issu de<br />
« C’est un tsunami financier qui a submergé<br />
les grands noms de l’Hexagone, notamment<br />
dans le Bordelais, depuis 1990. »<br />
vendanges entières, un vin à la couleur<br />
peu soutenue mais « tenu » par une superbe<br />
colonne vertébrale végétale, et ceux<br />
du domaine Denis Mortet, sombres, opulents<br />
et toastés, marqués par un élevage<br />
en bois neuf – des différences qui n’existent<br />
plus à Bordeaux...<br />
PRODUCTION « NATURE » Ainsi la complexité<br />
du vin explose partout en France,<br />
avec panache, vie et accidents compris<br />
(c’est le prix à payer quand on cherche à<br />
éviter l’industrialisation du vin), et soutenue<br />
par l’engouement des amateurs pour<br />
les cuvées bio, biodynamiques, « nature »,<br />
avec ou sans soufre (pour s’y retrouver<br />
dans cette authentique jungle, lire nos<br />
explications page 8). Ce désir de vins plus<br />
« propres » est nourrie par la préoccupation<br />
croissante du public pour les questions<br />
de bien-être. L’influence des<br />
pesticides et des agents chimiques de<br />
toutes sortes sur la santé de l’homme,<br />
notamment le développement des cancers,<br />
n’est plus un sujet tabou. Et dans ce<br />
domaine, la vigne se retrouve en première<br />
ligne, puisqu’elle absorbe 15 % des pesticides<br />
épandus sur les sols agricoles<br />
(76 000 tonnes au total en <strong>20</strong>08) alors que<br />
la viticulture ne représente que 2 % du<br />
total des surfaces cultivées… Et si l’Union<br />
européenne ne cesse de réduire le nombre<br />
de produits phytosanitaires autorisés (de<br />
700, ils sont passés à 300 en <strong>20</strong>08), il<br />
n’empêche : nombre de viticulteurs<br />
paresseux (ou étranglés par les dettes)<br />
n’en utilisent encore que trop, comme s’il<br />
s’agissait de remèdes miracles à la faible<br />
nocivité. Sauf qu’on est loin d’inoffensifs<br />
sirops ou de poudres de perlimpinpin !<br />
QUESTION D’ÉTIQUETTES Il faut dire que<br />
l’autre option, le travail « nature »,<br />
demande des muscles, de la sueur, et<br />
mieux encore : une dévotion presque<br />
totale, et souvent high-tech, à ses terres.<br />
Nombre de vignerons « nature » sont en<br />
effet des experts en œnologie et non des<br />
hurluberlus hurlant à la lune, et beaucoup<br />
disposent de chais flambants neufs. Cela<br />
dit, comment, chez un bon caviste, repérer<br />
un vin « bio » ou « nature » ? Un<br />
indice : parfois, surtout quand le domaine<br />
est jeune, les étiquettes sont drôles, privilégiant<br />
les dessins et les jeux de mots pour<br />
les noms de cuvées (ou alors la bouteille<br />
sera, au contraire, d’une épure très élégante).<br />
Là aussi, il s’agit de se démarquer<br />
du château bordelais « de papa » avec<br />
design rétro. Mais il peut y avoir, comme<br />
partout, de mauvaises surprises dans la<br />
galaxie « bio » : si certains travaillent proprement<br />
sans le mentionner sur la bouteille,<br />
d’autres mettent leur label en avant tout<br />
en élaborant, de manière quasi-industrielle,<br />
de mauvais vins trop dosés en chai, trop<br />
« verts » en bouche, trop âpres.<br />
CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE Mais le mouvement<br />
vers les vins bios paraît néanmoins<br />
profond, puissant, inexorable. La hausse<br />
des prix des grands domaines, ajoutée à<br />
l’uniformisation des goûts et à l’émergence<br />
d’une conscience écologique et<br />
politique (au sens large), redessinent la<br />
carte des vins de France. Dont les régions<br />
en pointe, la Loire, le Languedoc, le Jura,<br />
ne sont pas les plus emblématiques de la<br />
« tradition pinard ». C’est dans ces coinslà,<br />
où les terres sont moins chères et où<br />
s’installent de jeunes idéalistes, que sont<br />
tentées les expériences les plus<br />
concluantes. Des vignerons<br />
comme les frères Foucault<br />
à Saumur, Olivier Jullien<br />
en Languedoc, Antoine<br />
Arena en Corse, Guy<br />
Bossard en Muscadet ou<br />
encore Yvonne Hégoburu à<br />
Jurançon animent de véritables communautés<br />
d’inconditionnels. Car les aventures<br />
biodynamistes et les vins « nature » fascinent<br />
les esprits comme les papilles. Ce sont<br />
ces régions et ces méthodes-là que le public,<br />
à la recherche de vins issus d’une viticulture<br />
plus respectueuse de l’environnement,<br />
plébiscite aujourd’hui. Et avec fougue.<br />
Voilà notre sélection de vignerons et<br />
vigneronnes (pour laquelle nous avons parcouru<br />
la France), que nous vous invitons à<br />
découvrir. Ces artisans usent de méthodes<br />
parfois ancestrales, mais regardent droit<br />
devant. Bienvenue chez eux, dans l’art de<br />
leur amour pour la terre et toutes les couleurs<br />
de leurs divines bouteilles.<br />
6
Voici Dhjana, un Grand Cru entièrement<br />
issu de notre programme AAA * .<br />
Depuis <strong>20</strong>03, le programme Nespresso AAA Sustainable<br />
QualityTM* , en collaboration avec l’ONG The Rainforest<br />
Alliance, œuvre pour un engagement long terme avec les<br />
producteurs, afi n de proposer des cafés d’exception,<br />
améliorer leur qualité de vie, augmenter le rendement des<br />
* Le programme Nespresso AAA pour une qualité durable<br />
plantations et préserver le milieu naturel. 60 %<br />
de notre production de café vert provient de fermes<br />
associées au programme. Notre objectif : parvenir à 80 %,<br />
d’ici <strong>20</strong>13. Pour plus de renseignements, rendez-vous sur<br />
www.nespresso.com/dhjana<br />
4950-FRse11Liberation Dhjana2 248x330.indd 1 05/09/11 17:33
enquête<br />
Pour que le soleil puisse mieux<br />
atteindre les grappes, on pratique<br />
l’effeuillage.<br />
8
9<br />
Les quatre<br />
chemins qui<br />
mènent au bio<br />
En Alsace, en Corse ou dans la Loire, nombre<br />
de vignerons travaillent plus proprement pour<br />
préserver la richesse de leurs terroirs. Des<br />
« bio » aux « biodynamiques », des « nature »<br />
aux « inclassables » : à chacun sa méthode.<br />
Par SYLVIE AUGEREAU<br />
Photos LUC MANAGO<br />
Paris, 9 septembre <strong>20</strong>10,<br />
21 heures. A l’étage du<br />
Sombath, le plus tendance<br />
des restaurants thaï du VIII e<br />
arrondissement de Paris,<br />
Bérénice Lurton, la propriétaire<br />
de Climens, château<br />
star de l’élégance à Barsac Sauternes, se lève<br />
de table pour s’adresser à ses invités, une<br />
trentaine de journalistes du vin. Sur un ton<br />
solennel, la frêle châtelaine annonce : « Il<br />
se passe une révolution à Climens, notre<br />
vignoble est en conversion vers la culture<br />
biodynamique depuis deux ans ! ».<br />
Et Bordeaux n’est pas la seule région touchée<br />
par le phénomène. De telles annonces se<br />
propagent aujourd’hui de l’Alsace à la Corse.<br />
Dans un marché du vin plutôt atone, les<br />
cuvées dites « bio » affichent des ventes en<br />
progression. Après avoir beaucoup tardé, la<br />
viticulture de qualité se laisse séduire par<br />
une approche plus écologique du travail des<br />
sols et des vinifications. Reste à tenter de<br />
comprendre pourquoi. Citons d’abord les<br />
doutes sur la santé de l’homme. Lorsqu’on<br />
explique au consommateur que la viticulture<br />
absorbe extrêmement bien les pesticides<br />
(lire page suivante), il tousse. Et quand ce<br />
même consommateur apprend que ces pesticides<br />
sont associés par les scientifiques à<br />
des risques de maladies graves et qu’on les<br />
retrouve parfois, malgré la fermentation,<br />
dans le vin, il s’enrhume. Les préoccupations<br />
économiques comptent aussi. Plus<br />
demandés, les vins « bio » se vendent de<br />
plus en plus cher, ce qui est juste pour le<br />
vigneron car ce dernier, sans l’assistance<br />
des traitements chimiques, doit consacrer<br />
plus de temps à sa vigne. Et la planète ?<br />
Bizarrement, sa préservation semble peu<br />
compter dans les préoccupations des férus<br />
de « bio »... A vrai dire, dans l’émergence<br />
de ce phénomène « nature », il y a, peutêtre<br />
surtout, une envie de vrai vin.<br />
Prenez le guide vert des meilleurs vins de<br />
France, édité par La Revue du Vin de France :<br />
derrière chaque domaine doublement ou<br />
triplement étoilé se cache souvent une<br />
culture biologique. En Côte-d’Or, l’approche<br />
« bio » gagne du terrain, représentant 10%<br />
des surfaces de la vigne, soit plus du double<br />
de la moyenne nationale (4,6 %en <strong>20</strong>09) ! En<br />
Bourgogne, de grands vignerons dénoncent<br />
depuis longtemps la mort des sols à coups<br />
de traitements chimiques : « Le “ bio ” me<br />
semble inséparable de la production de vins de<br />
terroir », a reconnu Aubert de Villaine, co -<br />
gérant du domaine de la Romanée-Conti.<br />
En France, les organisations et syndicats<br />
professionnels (Fédération nationale interprofessionnelle<br />
des vins de l’agriculture<br />
biologique, Fnivab ; Fédération nationale de<br />
l’agriculture biologique, Fnab) n’ont pas<br />
réussi à élaborer une charte commune de la<br />
vinification biologique. Et au niveau européen,<br />
des divergences demeurent, notamment<br />
sur le taux maximal de soufre autorisé.<br />
Si bien que le vin biologique n’a pas<br />
d’existence officielle. Sont labellisés « les<br />
vins produits avec des raisins issus de l’agriculture<br />
biologique ».<br />
Reste pour le lecteur non initié à tenter de<br />
décrypter ce que contient cette galaxie<br />
« bio ». Quelles méthodes, quelles croyances,<br />
quels gestes se cachent derrière le mot<br />
« bio » ? En réalité on peut répartir ses<br />
partisans au sein de quatre familles de<br />
vignerons : les biologiques, les biodynamistes,<br />
les « nature » et les « sans-papiers »,<br />
c’est-à-dire ceux qui travaillent selon des<br />
préceptes « bio » mais sans le revendiquer<br />
administrativement. Attention toutefois :<br />
ces famil les ne sont pas exclusives les unes<br />
des autres. Ainsi, un vigneron aujourd’hui<br />
biodynamiste est forcément passé un jour<br />
par la case « biologique ». De même, un<br />
vigneron qui se déclare « nature » peut aussi<br />
être un adepte de la biodynamie.<br />
1/ LES PURS BIOLOGIQUES<br />
Les vignerons biologiques se définissent, au<br />
sens large, comme « respectueux des grands<br />
équilibres naturels ». Ils représentent la plus<br />
grande famille de la galaxie « bio ». Les<br />
« biologiques » renoncent aux pesticides,<br />
herbicides et produits de synthèse, et n’utilisent<br />
pour protéger la vigne que des éléments<br />
présents dans la nature comme le<br />
soufre et le cuivre. Les seuls traitements<br />
permis sont des produits de contact, lessivables<br />
par la pluie, qui ne pénètrent pas dans<br />
la plante (pas de produits systémiques). Ces<br />
vignerons veulent aussi réduire au maximum<br />
les doses de soufre dans la vigne lors<br />
des vinifications et de la mise en bouteille.<br />
La viticulture biologique (culture de la<br />
vigne) est régie par un cahier des charges<br />
européen. Mais la définition biologique du<br />
travail en cave est toujours discutée. Le vin<br />
« bio » n’a donc pas d’existence légale,<br />
seuls les raisins issus de l’agriculture biologique<br />
sont reconnus. Et le fameux sésame,<br />
le logo AB (Agriculture biologique) n’est<br />
« décerné » qu’à la quatrième vendange qui<br />
suit l’engagement en culture biologique<br />
(mais tous les domaines certifiés ne l’impriment<br />
pas sur leurs étiquettes). En cas<br />
d’accroc à la règle, par exemple un traitement<br />
par pesticides après une séquence pluvieuse,<br />
le vigneron retourne à la case départ.<br />
En France, cinq organismes certificateurs<br />
agréés par l’État (Ecocert, Qualité France,<br />
Agrocert, Certipaq, SGS) contrôlent les vignerons<br />
par des analyses de sols, de feuilles et<br />
de factures des produits utilisés.<br />
2/ L’ÉLITE BIODYNAMISTE<br />
Un vigneron biodynamique est d’abord, à<br />
coup sûr, un vigneron qui a la certification<br />
en agriculture biologique. Peu nombreux<br />
mais animés par une conviction forte, les<br />
biodynamistes vont plus loin que le label AB<br />
et s’efforcent de redonner à la plante et au sol<br />
un équilibre, une résistance et une vitalité<br />
déréglés selon eux par les traitements chimiques<br />
et répétés des sols et des végétaux. Pour<br />
cela, ils « dynamisent » la plante et son<br />
environnement (terre et air) en projetant à<br />
très petites doses des préparations issues de<br />
produits naturels (bouses de vache, cornes,<br />
silice, décoctions de plantes) et assemblées<br />
selon des méthodes complexes. Parce que<br />
ces substances sont administrées à la plante<br />
en fonction du cycle des astres, les vignerons<br />
biodynamistes sont régulièrement accusés<br />
par leurs adversaires d’ésotérisme…<br />
Les biodynamistes revendiquent plutôt un<br />
bon sens ancestral, évoquent l’influence<br />
connue de la lune sur les marées et les hommes,<br />
une volonté de réduire les doses de<br />
soufre et de cuivre, un progrès gustatif et<br />
aussi une philosophie de vie. Du côté de la<br />
certification, deux associations, Demeter et<br />
Biodyvin, contrôlent les domaines candidats<br />
et décernent le label biodynamique sur la<br />
base d’un cahier des charges drastique.<br />
Biodyvin compte 70 vignerons adhérents,<br />
Demeter réunit près de <strong>20</strong>0 domaines<br />
(actuellement, seuls 270 sont certifiés
Travail en chai.<br />
en France). Innovation récente, Demeter<br />
vient de définir un cahier des charges pour<br />
la vinification : la mention « Vin Demeter »<br />
s’appliquera dès le millésime <strong>20</strong>09 sur<br />
des cuvées qui n’ont été ni levurées, ni<br />
acidifiées, ni flash-pasteurisées. Et Biodyvin<br />
devrait bientôt se rallier aux critères établis<br />
par Demeter.<br />
3/ LES AVANT-GARDISTES « NATURE »<br />
Cette famille de vignerons est hostile à tout<br />
traitement chimique des sols (herbicides,<br />
fongicides, pesticides) et à toute adjonction<br />
de produits exogènes dans le vin lors de la<br />
vinification, de l’élevage et de la mise en<br />
bouteille. A la différence des biologiques et<br />
des biodynamistes, ils sont en particulier<br />
opposés à l’usage du soufre (SO2) en cave,<br />
lors des vinifications. C’est un fait : le soufre<br />
peut entraver l’expression du raisin à la<br />
dégustation. Et tous les producteurs rêvent<br />
de retrouver dans la bouteille l’éclat du fruit,<br />
la pureté, la transparence d’un vin goûté<br />
« Sans soufre, un vin est comme un produit<br />
frais qui doit être conservé à moins de 14°C<br />
afin d’éviter les déviations aromatiques. »<br />
avant la mise, sur fût, à la pipette. Seulement<br />
voilà, même aujourd’hui, malgré les progrès<br />
de la technique et de l’hygiène, il reste très<br />
difficile de se passer du soufre. Cet élément<br />
possède en effet des qualités radicales :<br />
non contents d’être antibactériens et<br />
antioxydants, les sulfites sont aussi de très<br />
bons conservateurs.<br />
A une époque où l’on demande aux tomates<br />
de rebondir, bien des revendeurs et des consommateurs<br />
exigent d’une bouteille qu’elle<br />
supporte les stations couchées dans les<br />
coffres de voiture ou bien qu’elle vieillisse<br />
harmonieusement deux ans dans un placard<br />
à la maison, dans une atmosphère surchauffée.<br />
Ce qui, sans adjonction de soufre lors<br />
des vinifications et à la mise, est presque<br />
impossible : dépourvu de soufre, le vin<br />
devient l’équivalent d’un produit frais, qui<br />
doit être conservé à moins de 14°C pour<br />
éviter les déviations aromatiques ou les<br />
reprises de fermentation.<br />
Pour cette raison, beaucoup de vignerons<br />
« nature » refusent de vendre ou d’expédier<br />
leurs vins en été. Ces vins doivent être<br />
dégustés avec précaution. La brutale exposition<br />
à l’air après l’enfermement dans<br />
le flacon peut les altérer : mieux vaut les<br />
laisser reprendre leur respiration. La carafe<br />
est de rigueur pour ces vins dits<br />
« vivants » : elle laissera s’échapper le gaz<br />
carbonique (reste naturel de la fermentation)<br />
que certains vignerons préservent pour<br />
se passer du SO2 antioxydant.<br />
4/ LES SYMPATHISANTS « SANS-PAPIERS »<br />
C’est l’un des paradoxes – et non des moindres<br />
– de la galaxie « bio » française. De très<br />
nombreux vignerons, parfois des figures<br />
emblématiques du mouvement « écolo »,<br />
travaillent selon les critères biologiques mais<br />
confessent ne pas être certifiés. Mieux, ils<br />
assurent ne pas avoir envie de l’être. Quels<br />
sont les motifs d’un tel comportement ? Il<br />
en existe au moins trois. Certains restent<br />
allergiques à la paperasse administrative et<br />
rechignent devant les formalités, les contrôles<br />
et le temps nécessaires à la certification<br />
« bio », et préfèrent s’en<br />
remettre à leur propre cahier<br />
des charges. D’autres veulent<br />
rester libres de traiter<br />
ponctuellement, à l’aide de<br />
produits chimiques modernes,<br />
une attaque de mildiou ou d’oïdium<br />
dans leurs vignes qui menacerait leur récolte<br />
(or le processus de certification en agriculture<br />
biologique ou biodynamique interdit<br />
tout recours aux traitements chimiques.<br />
Même après deux années en phase de certification,<br />
un vigneron qui traite chimiquement<br />
sa vigne perdra le bénéfice de son<br />
engagement et devra tout recommencer à<br />
zéro). De ce flou est issu un quatrième groupe<br />
de producteurs, les « sans-papiers ». Ils sont<br />
mus par une volonté farouche de ne pas<br />
entrer dans le système, et souhaitent garder<br />
leur indépendance. Il est vrai qu’un coup de<br />
tampon officiel ne suffit pas toujours à construire<br />
une réputation de « bio ». A l’inverse,<br />
de prestigieux domaines non certifiés sont<br />
reconnus « bio » par leurs pairs. Comme<br />
quoi, l’honnêteté et l’engagement peuvent<br />
encore remplacer le formalisme administratif.<br />
Ces vignerons panachent le plus souvent<br />
des méthodes de travail copiées au fil<br />
des rencontres et des expérimentations chez<br />
les « biologiques », les « biodynamistes »<br />
et les « nature ».<br />
UNE ALCHIMIE<br />
SANS CHIMIE ?<br />
La France est le premier consommateur de pesticides en<br />
Europe. Et les vignes les absorbent comme un buvard, même<br />
si la situation change vite grâce à l’expansion de la viticulture<br />
bio et la prise de conscience des consommateurs.<br />
Première consommatrice<br />
de pesticides en France, la<br />
viticulture est montrée du doigt<br />
depuis des années. Pourtant les<br />
choses évoluent rapidement. La<br />
viticulture française fait face à un<br />
étrange dilemme. Il lui faut d’un côté,<br />
assurer sa renommée de patrie des<br />
grands vins, cultivés sur des terroirs<br />
exceptionnels et vendus des<br />
centaines d’euros la bouteille<br />
à travers le monde, et, de l’autre,<br />
faire face à une réalité moins<br />
glorieuse : la consommation effrénée<br />
de produits phytosanitaires, qui<br />
tuent la microbiologie des sols et<br />
réduisent à néant cette « expression<br />
de terroir » chère aux appellations<br />
d’origine contrôlée.<br />
L’UTILISATION DE LA CHIMIE<br />
Avec 76 000 tonnes répandues<br />
sur son sol en <strong>20</strong>08, la France<br />
est le premier consommateur<br />
de pesticides en Europe. Et la<br />
viticulture est le secteur le plus<br />
« gourmand » du secteur agricole :<br />
si les vignes ne couvrent que 2 % des<br />
surfaces cultivées, elles consomment<br />
au minimum 15 % des produits<br />
phytosanitaires. Certes, ceux-ci<br />
permettent de prévenir les maladies<br />
de la vigne (oïdium, mildiou, etc.).<br />
Mais ils servent surtout à abaisser<br />
les coûts de production du raisin :<br />
le désherbage total par la chimie<br />
revient presque trois fois moins cher<br />
que le labourage des sols. Ainsi,<br />
les pesticides sont le symbole d’une<br />
viticulture intensive et à bas coût,<br />
loin des canons esthétiques des<br />
terroirs prônés par les AOC. Si<br />
les premiers traitements chimiques<br />
apparaissent au XIX e siècle,<br />
ce n’est qu’après la Seconde Guerre<br />
mondiale que leur usage se<br />
développe. A la fin des années 1960,<br />
une quarantaine de molécules est<br />
employée. Puis 100 dans les années<br />
1990, 130 en <strong>20</strong>00. Au fil des<br />
réglementations européennes, leur<br />
nombre tend cependant à diminuer<br />
depuis <strong>20</strong>00. Car les choses<br />
évoluent. Et vite, même. Il suffit<br />
de voir les analyses de traces de<br />
pesticides pour s’en rendre compte.<br />
« Depuis dix ans, les niveaux sont<br />
nettement plus bas qu’auparavant »,<br />
constate Stéphanie Ménager, chef<br />
du service chromatographie à<br />
l’Institut départemental d’analyse<br />
et de conseil (IDAC), un laboratoire<br />
public qui dépend du Conseil<br />
général de Loire-Atlantique et qui<br />
examine des milliers d’échantillons<br />
chaque année. Il existe une autre<br />
raison, naturelle celle-ci, à la baisse<br />
du taux de ces produits chimiques.<br />
Contrairement aux fruits et aux<br />
légumes, ingurgités la plupart du<br />
temps crus et dont les produits<br />
phytosanitaires sont directement<br />
assimilés par l’organisme, le raisin<br />
subit une métamorphose. Au cours<br />
de la fermentation, la transformation<br />
des sucres en alcool et<br />
l’environnement acide du moût va<br />
détruire 90% des pesticides du<br />
raisin (d’où leurs taux plus faibles<br />
que dans un fruit mangé cru). Dans<br />
le vignoble, les superficies de vignes<br />
conduites en agriculture biologique<br />
ont été multipliées par dix entre 1995<br />
et <strong>20</strong>10, passant de 4 850 ha<br />
à 50 260 ha. Même dans des régions<br />
réputées difficiles, comme le<br />
Bordelais, les choses évoluent. Des<br />
crus classés comme Pontet-Canet<br />
à Pauillac, Fonroque et Grand-<br />
Corbin Despagne se sont converti<br />
à la biodynamie. « Pour Sauternes,<br />
d’ici l’année prochaine, 10% de<br />
l’appellation devrait passer en bio »,<br />
rappelle Xavier Planty,<br />
copropriétaire de château Guiraud,<br />
le seul premier cru classé de<br />
Bordeaux certifié AB. Mais là où les<br />
choses ont bougé de manière plus<br />
spectaculaire encore, c’est chez les<br />
négociants et les grosses<br />
entreprises. Sur une étiquette,<br />
la mention AB fait vendre. Et<br />
les marques à grande diffusion,<br />
comme le négociant Gérard<br />
Bertrand ou la cave coopérative<br />
Cellier des Dauphins, n’hésitent plus<br />
à sortir des cuvées bio produites en<br />
grande quantité : ce qui fait des<br />
centaines d’hectares à cultiver ainsi.<br />
UNE EVOLUTION POSITIVE « Si<br />
on laissait la viticulture biologique<br />
entre les mains de micro-entreprises,<br />
cela voudrait dire que personne<br />
n’aurait les capacités financières<br />
de faire de la recherche sur le bio,<br />
qui resterait à un stade marginal »,<br />
explique le vigneron et négociant<br />
Michel Chapoutier, qui cultive<br />
depuis vingt ans 250 hectares de<br />
vignes en biodynamie (lire portrait<br />
page 27). « Cela marque aussi un<br />
retour vers la notion d’appellation,<br />
car en cultivant ainsi, on réactive<br />
la microbiologie des sols qui permet<br />
une meilleure typicité dans les vins,<br />
la fameuse notion de terroir, et c’est<br />
fondamental », dit aussi Chapoutier.<br />
Ainsi, la filière « bio » pourrait bien<br />
redorer l’image d’une viticulture<br />
dont l’excellence, et le goût, et le<br />
style, ont été ternis ces dernières<br />
années. Cette prise de conscience<br />
bio chez les consommateurs a<br />
confronté certaines appellations<br />
à une image embarrassante. Dans<br />
la Drôme, l’AOC coteaux du<br />
Tricastin, dont le nom est associé<br />
à la centrale nucléaire, a choisi en<br />
<strong>20</strong>10 de devenir l’AOC Grignan-les-<br />
Adhémar, et redorer ainsi l’image<br />
de vins réputés pour leurs arômes<br />
de lavande.<br />
Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />
10
Harmonies subtiles,<br />
arômes intenses et purs,<br />
mémoire millénaire<br />
des pierres…<br />
L’appellation<br />
Alsace Grand Cru<br />
signe 51 terroirs,<br />
en très grand.<br />
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION<br />
Liberation_suppVin_248x330_GC_PDF.indd 1 08/09/11 13:43
aGENda<br />
Faites sauter le bouchon !<br />
A l’occasion des foires aux vins, une sélection des<br />
rendez-vous à ne pas manquer... Et aussi la liste<br />
de nos bonnes caves, fines tables et livres enivrants.<br />
LEs fOIREs auX VINs<br />
daNs LEs hyPERmaRchés<br />
auchan, du 13 septembre au 1 er octobre.<br />
carrefour, jusqu’au 18 septembre.<br />
carrefour market, du 23 septembre<br />
au 9 octobre.<br />
casino, jusqu’au 17 septembre.<br />
cora, jusqu’au 29 octobre.<br />
Intermarché, du 14 au 24 septembre.<br />
E. Leclerc, du 21 septembre<br />
au 10 octobre.<br />
monoprix, jusqu’au 18 septembre.<br />
système u, du 13 septembre<br />
au 1 er octobre.<br />
Leader Price, jusqu’au 18 septembre.<br />
simply market, du 5 au 16 octobre.<br />
LEs fOIREs auX VINs<br />
suR LEs sItEs INtERNEt Et<br />
daNs LEs ENsEIGNEs sPécIaLIséEs<br />
chateauOnline.com, jusqu’au 2 octobre.<br />
Wineandco.com, jusqu’au<br />
3 octobre.<br />
Nicolas, jusqu’au 4 octobre.<br />
1855.com, jusqu’au 30 septembre.<br />
Idealwine.com, jusqu’au 26 septembre.<br />
XO-vin.fr, jusqu’au 2 octobre.<br />
La-contre-etiquette.com,<br />
jusqu’au 30 septembre.<br />
Le Repaire de Bacchus,<br />
jusqu’au 30 septembre.<br />
Vinotheque-bordeaux.com,<br />
jusqu’au 28 septembre.<br />
Lafayette Gourmet, jusqu’au 10 octobre.<br />
La Grande Epicerie de Paris,<br />
du 14 septembre au 8 octobre.<br />
La Vignery, jusqu’au 1 er octobre.<br />
LEs sOIRéEs sPécIaLEs « fOIREs<br />
auX VINs » daNs tOutE La fRaNcE<br />
autOuR dE tOuRs (37)<br />
Leclerc, à la Ville-aux-Dames.<br />
les 16 et 19 septembre à 17 h, sur<br />
invitation. Dégustations et animations.<br />
Zac des Fougerolles,<br />
37 700 la Ville-aux-Dames,<br />
tél. : 02 47 32 53 41.<br />
autOuR dE NaNtEs (44)<br />
Leclerc, à Rezé. le 13 septembre à <strong>20</strong> h,<br />
sur invitation à demander par e-mail<br />
(cave.oceane@scaouest.fr).<br />
la soirée dégustation sera animée<br />
par Jean-luc Pouteau, meilleur<br />
sommelier du monde 1983.<br />
cc océane, 10, rond-point<br />
de la corbinerie,<br />
44 400 Rézé, tél. : 02 51 11 51 11.<br />
autOuR dE ROuBaIX (59)<br />
auchan, à leers. le 16 septembre<br />
à partir de 18 h 30, sur invitation,<br />
au 03 <strong>20</strong> 45 41 32 ou par mail<br />
(cdumortier@auchan.fr). Durant cette<br />
soirée, des vignerons commenteront<br />
et feront déguster leur production.<br />
au 1, avenue de l’Europe, 59 115 leers,<br />
tél. : 03 <strong>20</strong> 45 41 41.<br />
autOuR dE LILLE (59)<br />
auchan, à anglos. le 14 septembre<br />
à 18 h 30 et le 16 septembre de 17 h<br />
à <strong>20</strong> h 30, sur invitation, à demander<br />
à l’accueil. Deux soirées de dégustation,<br />
avec Jean-Yves Béchet du château<br />
Fougas maldoror pour l’inaugurale<br />
et seize producteurs pour la seconde.<br />
cc les géants, Rn 352, 59 3<strong>20</strong> Englos,<br />
tél. : 03 <strong>20</strong> 08 40 00.<br />
LE haVRE (76)<br />
auchan, le 13 septembre sur invitation.<br />
les clients ont le choix parmi une<br />
quinzaine de références de seconds vins<br />
de Bordeaux <strong>20</strong>09. cc cap, avenue<br />
du Bois-au-coq prolongée, 76 6<strong>20</strong>,<br />
le Havre, tél. : 02 35 54 71 71.<br />
VaNNEs (56)<br />
Leclerc, le <strong>20</strong> septembre à 18 h 30, sur<br />
invitation. Dégustations organisées durant<br />
la soirée. Zc Parc lann, 56 000 Vannes,<br />
tél. : 02 97 46 60 40.<br />
NIORt (79)<br />
Leclerc, le <strong>20</strong> septembre à partir de 18 h,<br />
sur invitation. 10% de réduction sur tous<br />
les « Incroyables leclerc » lors de la soirée.<br />
Quatre producteurs présents, ateliers<br />
dégustations animés par un sommelier.<br />
cc Trente ormeaux, bd mendès-France,<br />
79 000 niort, tél. : 05 49 17 80 00.<br />
autOuR dE BORdEauX (33)<br />
carrefour market, à Pessac.<br />
le 29 septembre à partir de 19 h 30,<br />
sur invitation. Dégustations,<br />
notamment du château Pape clément,<br />
en présence de vignerons.<br />
au 2, avenue léon-morin, 33 600 Pessac,<br />
tél. : 05 56 36 33 92.<br />
luc manago<br />
12
IB-AP-Liberation248x330 29/08/11 11:23 Page 1<br />
www.amqconseil.com - photo : fotolia - gillet - cottin<br />
Aussi grands que leurs terroirs…<br />
mais trop bien élevés pour le dire.<br />
Brouilly<br />
Chénas<br />
Chiroubles<br />
Côte-de-Brouilly<br />
Fleurie<br />
Juliénas<br />
Morgon<br />
Moulin à Vent<br />
Régnié<br />
Saint-Amour<br />
Beaujolais-Villages<br />
Beaujolais<br />
www.beaujolais.com<br />
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION.
la winery, à arsac-en-médoc.<br />
Du 14 septembre au 9 octobre, la Winery<br />
se démarque avec une offre mettant en<br />
avant des vins qui ne sont pas que des<br />
bordeaux. Tous les vins du catalogue<br />
(100 références) sont proposés à la<br />
dégustation les week-ends. au rond-point<br />
des Vendangeurs, 33 460 arsac-enmédoc,<br />
tél. : 05 56 39 71 75.<br />
autour de toulouse (31)<br />
auchan, à Toulouse, le 14 septembre,<br />
sur invitation, avec des dégustations<br />
et des offres très riches en Bordeaux.<br />
chemin de gabardie, 31 <strong>20</strong>0 Toulouse,<br />
tél. : 05 61 26 73 00.<br />
leclerc, à Blagnac. le 14 septembre,<br />
sur invitation, une présentation de<br />
millésimes anciens. Zac du grand noble,<br />
2, allée Émile-Zola, 31 700 Blagnac,<br />
tél. : 05 62 74 74 74.<br />
PerPiGnan (66)<br />
leclerc, le <strong>20</strong> septembre à <strong>20</strong> h 30,<br />
sur invitation (réservé aux bons clients).<br />
Dégustation et cocktail dînatoire réalisé<br />
par le chef d’un restaurant<br />
gastronomique. Préparation de<br />
commandes pour 100 € d’achats, à retirer<br />
sur place. 2130, avenue du languedoc,<br />
66 000 Perpignan, tél. : 04 68 61 58 66.<br />
autour de MontPellier (34)<br />
hyper u, à agde, le 30 septembre<br />
à <strong>20</strong> h, sur invitation à retirer à l’accueil,<br />
avec remise de 10 % en caisse.<br />
la sélection met en vedette les vins<br />
« bio » et les crus de la vallée du Rhône.<br />
Boulevard maurice-Pacull, 34 300 agde,<br />
tél. : 04 67 01 06 80.<br />
salon-de-Provence (13)<br />
leclerc, le <strong>20</strong> septembre sur invitation.<br />
Dix stands seront animés par les cavistes.<br />
un tirage au sort est organisé pour gagner<br />
une cave à vins. Route de Pélissanne,<br />
cc les Viougues, 13 300 Salon-de-Provence.<br />
ManosQue (04)<br />
auchan, le 16 septembre à partir de 19 h,<br />
sur invitation, inscriptions à demander<br />
à l’accueil. Dégustations en présence<br />
de vignerons locaux. Route de Sisteron,<br />
04 100 manosque, tél. : 04 92 72 23 69.<br />
autour de lyon (69)<br />
leclerc, à Vienne. le <strong>20</strong> septembre,<br />
à <strong>20</strong>h30, sur invitation envoyée aux clients<br />
les plus fidèles. Près de 500 personnes<br />
sont attendues par les élèves de l’école<br />
hôtelière de Vienne. l’inauguration<br />
de la foire promet, avec des grands crus<br />
à la clé. chemin des lônes,<br />
38 <strong>20</strong>0 Vienne, tél. : 04 74 31 97 05.<br />
autour de diJon (21)<br />
leclerc, à Beaune, le <strong>20</strong> septembre<br />
à <strong>20</strong> h 45. lors de la soirée inaugurale,<br />
un parcours dégustation de quinze à vingt<br />
stands sera animé par les élèves du lycée<br />
viticole de la ville. Ils commenteront<br />
les vins servis avec des mets régionaux.<br />
Zac maladières, rue gustave-Eiffel,<br />
21 <strong>20</strong>0 Beaune, tél. : 03 80 22 72 25.<br />
autour de strasbourG (67)<br />
super u, à Eschau. le 1 er octobre jusqu’à<br />
22 h, réservée aux meilleurs clients.<br />
15% de remise à partir de 100 euros<br />
d’achat. au 25, rue du Tramway,<br />
67 114 Eschau, tél. : 03 88 64 91 92.<br />
et aussi : le salon des viGnerons<br />
indePendants<br />
a lyon, du 27 au 31 octobre, à la Halle<br />
Tony garnier. a reims, du 11 au<br />
14 novembre, au Parc des Expositions.<br />
a lille, du 18 au 21 novembre, au grand<br />
Palais. a Paris, du 24 au 28 novembre,<br />
porte de Versailles.<br />
où s’initier à la déGustation<br />
à Paris<br />
legrand filles et fils, 1, rue de la Banque (2 e ).<br />
Grain noble, 8, rue Boutebrie (5 e ).<br />
ecole du vin de Paris,<br />
48, rue Baron le Roy (12 e ).<br />
sur le web de libération<br />
Retrouvez l’intégralité de notre supplément<br />
le Vin grandeur nature sur www.liberation.fr.<br />
Avec, en bonus : un diaporama des régions<br />
visitées par le photographe Luc Manago ; la<br />
liste exhaustive des rendez-vous organisés<br />
en France à l’occasion des foires aux vins ;<br />
les conseils de quelques personnalités ; et<br />
enfin, pour s’y retrouver dans le vocabulaire<br />
qui décrit le travail de la vigne et du chai, un<br />
dictionnaire très complet des mots du vin.<br />
luc manago<br />
notre sélection de cavistes<br />
à Paris<br />
lavinia, 3-5 bd de la madeleine (1 er ).<br />
legrand filles et fils, 1, rue de la Banque (2 e ).<br />
versant vins, 39, rue de Bretagne (3 e ).<br />
chapitre <strong>20</strong>, 8, rue Saint-Paul (4 e ).<br />
caves augé, 116, bd Haussmann (8 e ).<br />
lafayette Gourmet, bd Haussmann (9 e ).<br />
cave de l’insolite,<br />
30, rue de la Folie-méricourt (11 e ).<br />
les domaines qui montent,<br />
136, bd Voltaire (11 e ) et 26, bd Diderot (12 e ).<br />
la cave des papilles, 35, rue Daguerre (14 e ).<br />
Ma cave, 105, rue de Belleville (19 e ).<br />
notre sélection de restaurants<br />
à Paris<br />
spring, 6, rue Bailleul (1 er ).<br />
les enfants rouges, 9, rue de Beauce (3 e ).<br />
les Papilles, 30, rue gay-lussac (5 e ).<br />
il vino, 13, bd de la Tour-maubourg (7 e ).<br />
senderens, 9, place de la madeleine (8 e ).<br />
vivant, 43, rue des Petites-Ecuries (10 e ).<br />
le verre volé, 67, rue de lancry (10 e ).<br />
le Marsangy, 73, avenue Parmentier (11 e ).<br />
le dauphin, 131, avenue Parmentier (11 e ).<br />
le bistrot Paul bert, 18, rue Paul-Bert (11 e ).<br />
le Jeu de quilles, 45, rue Boulard (14 e ).<br />
Quedubon, 22, rue Plateau (19 e ).<br />
la boulangerie, 15, rue des Panoyaux (<strong>20</strong> e ).<br />
le baratin, 3, rue Jouye-Rouve (<strong>20</strong> e ).<br />
QuelQues restaurants<br />
en Province,<br />
Par luc dubanchet, de « next »<br />
centre<br />
caves 47, 47, avenue de la Tranchée,<br />
37 000 Tours.<br />
les becs à vin, 262, rue de Bourgogne,<br />
45 000 orléans.<br />
la cave saint-lubin, rue du Soleil d’or,<br />
28 000 chartres.<br />
vino vini, 10, place Rabelais,<br />
49 130 les Ponts-de-cé.<br />
Provence<br />
vinivore, 32, avenue de la République,<br />
06 300 nice.<br />
la Part des anges, 33, rue Sainte,<br />
13 001 marseille.<br />
le Zinc d’hugo, 22, rue lieutaud,<br />
13 100 aix-en-Provence.<br />
chez ariane, 2, rue du Docteur-Fanton,<br />
13 <strong>20</strong>0 arles.<br />
rhone / beauJolais / bourGoGne<br />
le Georges v, 32, rue du Bœuf,<br />
69 005 lyon.<br />
la cachette, 16, rue des cévennes,<br />
26 000 Valence.<br />
le 126, 126, rue Sèze, 69 006 lyon.<br />
le carré d’alethius, 4, rue Paul-Bertois,<br />
07 800 charmes-sur-Rhône.<br />
le comptoir des tontons, 22, rue<br />
du faubourg madeleine, 21 <strong>20</strong>0 Beaune.<br />
le carafé, 15, rue Saint-nizier,<br />
71 000 mâcon.<br />
alsace / chaMPaGne<br />
le bistro des saveurs, 5, rue de Sélestat,<br />
67 210 obernai.<br />
la casserole, 24, rue Juifs,<br />
67 000 Strasbourg.<br />
aux crieurs de vin, 4-6, place<br />
Jean-Jaurès, 10 000 Troyes.<br />
les caves du forum, 10, rue courmeaux,<br />
51 100 Reims.<br />
bordeaux / sud ouest<br />
la cape, 9, allée morlette, 33 150 cenon.<br />
les vignes en foule, 80, place<br />
de la libération, 81 600 gaillac.<br />
les Papilles insolites, 5, rue<br />
alexander-Taylor, 64 000 Pau.<br />
le bobar, 8, place Saint-Pierre, 33 000<br />
Bordeaux.<br />
14
15<br />
Les ViNs de Bordeaux se dégusteNt aussi à Paris<br />
Pour la troisième année consécutive, le conseil interprofessionnel du Vin de<br />
Bordeaux (ciVB) organise quatre « apéros vintage de Bordeaux » à Paris. Le<br />
concept : un lieu branché, des vins à déguster, des professionnels à rencontrer. Les<br />
dates : le 13 septembre au Petit Bain (7, Port de la gare, 75 013), le 27 septembre au<br />
parc des Buttes-chaumont (75 019), le 11 octobre au restaurant Le 51 (51, rue de<br />
Bercy, 75 010), et le 25 octobre au floréal (73, rue du faubourg-du-temple, 75 010).<br />
Notre séLectioN de LiVres<br />
France, ton vin est dans le rouge,<br />
de christophe Juarez ; François Bourin<br />
Editeur, <strong>20</strong>11.<br />
Chez Marcel Lapierre, de Sébastien<br />
lapaque ; éditions de la Table Ronde,<br />
collection la petite vermillon, <strong>20</strong>10.<br />
Dans les vignes, chroniques d’une<br />
reconversion, de catherine Bernard ;<br />
éditions du Rouergue, <strong>20</strong>11.<br />
Choses bues, de Jacques Dupont ;<br />
éditions grasset, <strong>20</strong>08.<br />
Petit traité de dégustation, de Jacques<br />
néauport; l’or des fous éditeur, <strong>20</strong>10.<br />
Les 1001 vins qu’il faut avoir goûtés dans<br />
sa vie, éditions Flammarion, <strong>20</strong>09.<br />
Encyclopédie des vins et des alcools,<br />
d’alexis lichine ; Robert-laffont, 1999.<br />
Notre séLectioN<br />
de sites iNterNet « Nature »<br />
Les sites marchaNds<br />
www.petitescaves.com<br />
www.vin-bio-naturel.fr<br />
Les sites d’iNformatioN<br />
et Les BLogs<br />
www.leszinzinsduvin.com<br />
www.vinsnaturels.fr<br />
www.lesvinsnaturels.org<br />
www.fromageetbonvin.com<br />
http://ptijournalduvin.over-blog.fr/<br />
http://www.blog-vinbionaturel.fr/<br />
http://levindescousins.over-blog.com<br />
http://rougeblancbulles.blogspot.com<br />
http://dumorgondanslesveines.<strong>20</strong>minutesblogs.fr<br />
Le jeune vigneron Vincent Bedel, lire page 40. PHOTO luc ManagO<br />
de NouVeaux guides de La « rVf », miLLésime <strong>20</strong>12<br />
La Revue du vin de France vient de publier de nouvelles éditions de ses guides<br />
des meilleurs vins rédigés par le comité de dégustation de la revue, qui comprend<br />
notamment olivier Poussier, meilleur sommelier au monde en <strong>20</strong>00. Le « guide<br />
vert » est premier des guides d’auteurs français sur le vin. il livre, pour sa 17 e édition,<br />
son palmarès des 1 300 meilleurs domaines de l’hexagone et renouvelle sa sélection<br />
de plus de 7 500 vins, notés et commentés. cette année, le « guide rouge » est<br />
rebaptisé Guide des meilleurs vins à moins de <strong>20</strong> €. Les lecteurs y trouveront une<br />
sélection 100% originale et renouvelée de 1 950 bonnes affaires, agrémentée cette<br />
année de 17 portraits de jeunes vignerons dont la production s’est distinguée. enfin<br />
La Revue du vin de France s’est associée au groupe first pour développer un nouveau<br />
guide des vins dans la célèbre collection « Les Nuls ». il s’agit du Guide d’achat<br />
des vins <strong>20</strong>12 pour les nuls qui s’adresse en priorité aux néophytes, aux amateurs<br />
en devenir, aux amoureux du vin souhaitant approfondir leurs connaissances. J. B.<br />
Le Guide des meilleurs vins de France <strong>20</strong>12, 25 €.<br />
Le Guide des meilleurs vins à moins de <strong>20</strong> €, <strong>20</strong>12, 15 €.<br />
Guide d’achat des vins <strong>20</strong>12 pour les nuls, 14,90 €.<br />
Nom du vin Appellation Bouteille HT<br />
Le Pavillon Ermitage 153 e<br />
L’Ermite Ermitage 180 e<br />
Le Méal Ermitage 108 e<br />
Les Greffieux Ermitage 90 e<br />
La Mordorée Côte-Rôtie 90 e<br />
Les Granits Saint-Joseph 27 e<br />
Les Varonniers Crozes-Ermitage 26 e<br />
Barbe Rac Châteauneuf-du-Pape 54 e<br />
Croix de Bois Châteauneuf-du-Pape 45 e<br />
V.i.t.<br />
(Visitare interiore terrae)<br />
Côtes du Roussillon villages 31 e<br />
La Pleiade Australie 45 e<br />
L’Ermite Ermitage 234 e<br />
De l’Orée Ermitage 90 e<br />
Le Méal Ermitage 90 e<br />
Les Granits Saint-Joseph 31 e<br />
Vin de Paille Hermitage (37,5 cl) 72 e<br />
La Collection - 12 Sélections Parcellaires<br />
M. Chapoutier<br />
Vins rouges : Le Pavillon - L’Ermite - Le Méal<br />
Les Greffieux - La Mordorée - Les Granits<br />
Les Varonniers - Barbe Rac - Croix de bois - V.i.t.<br />
Vins blancs : De l’Orée - Le Méal<br />
Caisse HT<br />
984 e<br />
Caisse<br />
panachée<br />
12 bouteilles<br />
Nom<br />
Adresse<br />
Prénom<br />
Code postal Ville<br />
Téléphone E-mail<br />
Nom du vin Appellation Bouteille<br />
HT<br />
Carton<br />
6 blles HT<br />
Les Bécasses Côte-Rôtie 27 e 162 e<br />
Monier<br />
de la Sizeranne<br />
Hermitage 34,50 e <strong>20</strong>7 e<br />
Les Meysonniers Crozes-Hermitage 8,50 e 51 e<br />
Deschants Saint-Joseph 11 e 66 e<br />
Les Arènes Cornas <strong>20</strong> e 1<strong>20</strong> e<br />
La Bernardine Châteauneuf-du-Pape 16,50 e 99 e<br />
Gigondas Gigondas 11 e 66 e<br />
Domaine de Bila-<br />
Haut Occultum<br />
Lapidem<br />
Côtes du Roussillon<br />
Villages Latour<br />
de France<br />
7 e 42 e<br />
Landsborough<br />
Valley<br />
Domaine Tournon<br />
(Australie)<br />
9 e 54 e<br />
Shays Flat<br />
Vineyard<br />
Domaine Tournon<br />
(Australie)<br />
9 e 54 e<br />
Chante-Alouette Hermitage 21 e 126 e<br />
Prix bouteille HT Prix carton 6 blles HT Quantité Total e HT<br />
PRESSE LIBERATION 122x330 VECTOR-1107.indd 1 11/07/11 11:56
Languedoc,<br />
RoussiLLon,<br />
PRovence<br />
& coRse<br />
Les vignobLes du PouRtouR<br />
méditeRRanéen sont Les<br />
beRceaux de La viticuLtuRe<br />
hexagonaLe, dès 600 ans<br />
avant notRe èRe.<br />
aujouRd’hui, Les vins du<br />
Languedoc-RoussiLLon,<br />
de PRovence et de coRse<br />
sont Riches de nombReux<br />
céPages autochtones<br />
comme Le gRenache, Le<br />
caRignan, Le nieLLucciu ou<br />
Le veRmentinu. LongtemPs<br />
ReseRvés à La PRoduction<br />
de consommation<br />
couRante, Les vignobLes<br />
de cette Région PRoPosent<br />
une beLLe vaRiété de vins<br />
comme Le Rosé de<br />
PRovence, Le muscat<br />
du caP coRse, Le bLanc<br />
de PatRimonio, ou encoRe<br />
Les vins doux natuReLs<br />
de mauRy ou de banyuLs.<br />
L’ex-nabab<br />
devenu vigneron<br />
côtes du RoussiLLon Olivier Decelle a délaissé<br />
la direction des produits surgelés Picard pour<br />
se consacrer à la vigne de Mas Amiel. Dix ans<br />
après, il étend son empire biodynamique jusque<br />
dans le Bordelais. Mais en cultivateur modeste,<br />
il sait composer avec le temps.<br />
mas amieL<br />
superficie : 170 hectares.<br />
cépages : grenache, syrah et carignan.<br />
cuvées : 17 en rouge et blanc<br />
(10 vins doux et 7 vins secs).<br />
Production : 400 000 bouteilles<br />
par an.<br />
Mas Amiel<br />
66 460 Maury<br />
www.masamiel.fr<br />
Tél. : 04 68 29 01 02<br />
16
17<br />
Par FABRICE TASSEL (envoyé spécial)<br />
Photos LUC MANAGO<br />
Apremière vue tout<br />
éloigne un aliment<br />
surgelé d’un beau<br />
vin : la noblesse du<br />
produit, son image,<br />
le soin apporté à sa<br />
composition, la difficulté<br />
de conception…<br />
A la limite un<br />
certain rapport au temps les rapproche, l’un<br />
et l’autre pouvant se conserver longtemps et<br />
devant se consommer vite une fois ouvert. Et<br />
puis il y a l’histoire d’un homme qui aura<br />
basculé d’un monde – celui des surgelés –, à<br />
l’autre, cette ambition : faire un produit sain<br />
et de qualité. Il s’agit d’Olivier Decelle,<br />
55 ans, qui, il y a dix ans, a pulvérisé son<br />
ancienne vie, celle de PDG du groupe Picard,<br />
pour se jeter à corps perdu dans l’aven-<br />
ture du vin. Pas seulement pour le vendre,<br />
mais pour devenir vigneron, son propre chef<br />
de culture, « et ça m’a pris dix ans ». Avant,<br />
quand il souhaitait quelque chose, dix personnes<br />
se précipitaient pour le satisfaire. Du<br />
jour au lendemain il a fallu tout faire seul, ou<br />
presque. Ecouter, apprendre, se tromper,<br />
enrager, se désespérer. Comme souvent dans<br />
les « success stories », il a fallu que le hasard<br />
frappe à la porte de la vie d’Olivier Decelle.<br />
Au milieu des années 90 le groupe Picard<br />
– racheté en 1973 par Armand Decelle –, le<br />
père d’Olivier qui en est devenu président en<br />
1991, ouvre une vingtaine de magasins par<br />
an. En 1997, une société de placements financiers<br />
lui propose d’investir dans divers secteurs<br />
et, tiens, d’acquérir quelques parts de<br />
vignoble. Afin de prendre conseil, Olivier<br />
Decelle rencontre Jacques Boissenot, un des<br />
plus grands et le plus discret des œnologues<br />
du Bordelais, conseiller, entre autres, de<br />
Latour, Lafite, Margaux ou Ducru-Beaucaillou.<br />
Sur l’indication de Boissenot, Olivier<br />
Decelle visite le domaine de Mas Amiel, à<br />
trente kilomètres de Perpignan. En quittant<br />
les 155 hectares situés dans la vallée de l’Agly,<br />
avec au Nord les Corbières et au Sud les Pyrénées,<br />
Olivier Decelle a déjà le coup de foudre.<br />
LEÇON D’HUMILITÉ Mais l’homme est<br />
encore avant tout un industriel, qui « n’avais<br />
alors jamais pensé devenir un jour vigneron ».<br />
« Je veux faire un grand vin », lance-t-il à<br />
Boissenot, qui réplique : « Alors je ne peux<br />
rien pour vous. Moi je fais du vin, c’est tout. »<br />
Pourtant pas arrogant par nature, Decelle<br />
prend quand même une petite leçon d’humilité.<br />
Le dossier mûrit un peu, et c’est en<br />
1999 que le PDG de Picard achète l’ensemble<br />
du domaine. « C’était le chiffre d’affaires d’un<br />
magasin Picard, or j’en gérais 450, je me suis<br />
dit que c’était faisable. Mais en même temps<br />
le vin doux [la fermentation est arrêtée par<br />
l’addition d’alcool, ndlr] ne se vendait pas du<br />
tout. Economiquement l’investissement n’était<br />
pas intelligent. » Pendant un an Decelle se<br />
change souvent à Orly-sud, troquant la cravate<br />
Hermès et le costume pour une tenue<br />
qui passe mieux dans la vallée de l’Agly.<br />
Puis, en juillet <strong>20</strong>00, c’est la démission du<br />
groupe Carrefour, alors propriétaire de<br />
Picard. Une nouvelle vie commence.<br />
A L’ECOLE DU MAS AMIEL Et les débuts sont<br />
rudes. La marque Mas Amiel est quasiment<br />
inconnue du grand public, il faut tout<br />
reprendre à la base. En un premier temps<br />
Olivier Decelle ne s’estime compétent qu’en<br />
matière commerciale, et laisse les vignes et<br />
« Le temps passe aussi vite<br />
en étant vigneron que PDG, mais<br />
je le mesure mieux ici ».<br />
Olivier Decelle<br />
la cave à son équipe. C’est parti pour des<br />
mois dans le rôle de VRP, à la conquête des<br />
cavistes, des sommeliers, arpentant les<br />
salons des vins : « Je servais moi-même le vin,<br />
un jour, à la porte de Versailles, un groupe<br />
d’anciennes relations professionnelles m’a un<br />
peu chambré… Mais je m’étais fixé la même<br />
règle que chez Picard : faire goûter les produits.<br />
» A Maury « l’industriel » suscite au<br />
mieux la curiosité, au pire un peu de suspi-<br />
Olivier Decelle au Mas Amiel.<br />
Dix hectares de jeunes vignes sont<br />
labourés chaque année.<br />
cion. D’autant que l’homme aime les défis.<br />
Dès la première vinification il décide que<br />
Mas Amiel fera aussi des blancs secs, « on<br />
m’a pris pour un fou ».<br />
Aujourd’hui de nombreux jeunes vignerons<br />
produisent d’excellents blancs dans le<br />
Languedoc. Mais à l’époque ça raille, et ça<br />
rigole… lorsqu’Olivier Decelle décide de<br />
passer en biodynamie dès sa première vinification.<br />
Une décision trop brutale. « J’ai<br />
commis une erreur fatale, celle de l’enherbement<br />
intégral sur des vignes sans racines<br />
profondes. L’herbe a pris toute l’eau, sur une<br />
terre qui n’en a déjà pas beaucoup. » Des<br />
vignes ont même frôlé la disparition complète.<br />
« Je me suis senti idiot, comme quelqu’un<br />
qui ne sait pas », se<br />
souvient Olivier Decelle.<br />
Grosse remise en question,<br />
surtout pour un homme pas<br />
habitué aux échecs, qui lui<br />
fait dire aujourd’hui « qu’un<br />
tel changement de vie, je ne le<br />
ferai qu’une seule fois ». Pendant cinq ans<br />
Decelle et son équipe travaillent d’arrachepied<br />
pour effacer l’erreur initiale. L’option<br />
bio n’est pas abandonnée, loin de là. Les<br />
vignes sont presque entièrement labourées,<br />
les produits bannis sauf dans des cas<br />
exceptionnels et remplacés par du<br />
compost. Dix hectares de jeunes vignes,<br />
des plantiers, sont labourés, chaque année,<br />
avec l’aide d’un cheval. Ces plantiers
peuvent ainsi s’enraciner plus profondément.<br />
Les rendements sont peu élevés,<br />
quinze hectolitres par hectare. Depuis<br />
<strong>20</strong>05, Mas Amiel est sorti de l’ornière et<br />
vend environ 400 000 bouteilles par an,<br />
dont 150 000 de vins doux. Le vin sec,<br />
notamment le blanc (grenache blanc et<br />
gris, maccabeu), est aussi une belle surprise,<br />
vif et long sur fond d’arômes de poire<br />
et de fleurs.<br />
Mais c’est sans doute « son » Jean Faure<br />
qu’Olivier Decelle fait déguster avec le plus<br />
de fierté. Car loin de s’être arrêté à Mas<br />
Amiel, c’est dans le Bordelais que l’industriel<br />
est vraiment devenu vigneron. « D’ail -<br />
leurs, si j’avais voulu faire simple je serais tout<br />
de suite devenu châtelain bordelais. Mais Mas<br />
Amiel a été mon école. » Olivier Decelle s’est<br />
d’abord posé sur la rive gauche, avec l’achat<br />
en <strong>20</strong>01 du Haut-Maurac, un petit château<br />
du Médoc. La conquête de la rive droite<br />
commence doucement en <strong>20</strong>04 à Saint-<br />
Michel de Fronsac, avec l’achat du château<br />
Haut-Ballet. Dans les deux cas la beauté des<br />
lieux a joué son rôle. Mais Olivier Decelle<br />
s’est désormais pris au jeu et guette les<br />
bonnes affaires. Par un ami banquier il<br />
apprend que le domaine Jean Faure, négligé<br />
par une famille qui se déchire, est à vendre.<br />
Decelle se tourne encore vers Jacques<br />
Boissenot : « C’est le seul diamant disponible<br />
sur la rive droite », délivre l’oracle. Et pour<br />
cause ! Les dix-huit hectares se trouvent à<br />
cent mètres de Cheval Blanc et du nouveau<br />
chai dessiné par Christian de Portzamparc ;<br />
La Dominique est mitoyen ; et Figeac et<br />
l’Evangile sont à un battement d’aile. Premier<br />
cru de Graves Saint-Emilion pendant<br />
une longue partie du XXe siècle, et alors<br />
propriété des Loubat (la famille de Petrus),<br />
puis Grand Cru Classé dans le classement<br />
historique des crus de Saint-Emilion de<br />
1959, Jean Faure est déclassé en 1986.<br />
CHEF DE CULTURE Lorsqu’il rachète en<br />
<strong>20</strong>04 le domaine, Olivier Decelle doit tout<br />
reconstruire : les vignes, les chais, la maison.<br />
Cela dure deux ans. « Notre vie a<br />
alors vraiment changé. » Sa femme, Anne,<br />
quitte son poste au marketing d’Yves Rocher<br />
pour s’installer à Saint-Emilion. Et Olivier,<br />
après avoir longtemps appris, se lance dans<br />
le grand bain et devient chef de culture.<br />
Certes il est encore conseillé, en particulier<br />
par Stéphane Derenoncourt (1) , mais Olivier<br />
Decelle devient vigneron à part entière.<br />
<strong>20</strong>07 est la première cuvée qu’il réalise<br />
entièrement seul. « A un moment il faut<br />
se débarrasser de ses complexes et ne plus<br />
regarder les autres faire. » Comme à Mas<br />
Amiel, le bio préside à la destinée de Jean<br />
Faure, pas de désherbant, des sols labourés,<br />
une attention extrême portée à la taille,<br />
et le recours aux pesticides en cas d’urgence<br />
seulement. « Si tout va bien <strong>20</strong>12 sera<br />
notre première année de reconversion en bio,<br />
et dans trois ans nous aurons l’étiquette.<br />
Mais je n’en ferai pas un porte-drapeau,<br />
simplement parce que je ne veux pas que<br />
l’affichage bio passe devant le produit, et<br />
je le disais il y a dix ans déjà. L’essentiel<br />
est que le vin soit bon et pas qu’on dise<br />
qu’il est bio. Chez Picard, aussi, on avait des<br />
produits bio sans forcément l’écrire dessus. »<br />
Une forme de prudence liée aux codes<br />
complexes du Bordelais, et à la franchise du<br />
bonhomme. Car désormais Olivier Decelle<br />
est bel et bien vigneron, angoissé par une<br />
seule chose : le nombre de vinifications<br />
qu’il lui reste à faire, « je n’ai plus le droit<br />
d’en louper une ». Le rapport au temps,<br />
encore et toujours. « Le temps passe aussi<br />
vite en étant vigneron que PDG, mais je le<br />
mesure mieux ici. »<br />
(1) Stéphane Derenoncourt est l’un des plus<br />
prestigieux consultants au monde. Il travaille<br />
notamment pour le Château Canon-la-Gaffelière<br />
ou le Château Smith Haut Lafitte.<br />
DR<br />
La cavelibrairie<br />
d’Emmanuel<br />
Dupuis<br />
C’est un pari. En plein cœur de la capitale (1) ,<br />
Emmanuel Dupuis, 41 ans, ancien<br />
ingénieur chez Dassault, a ouvert<br />
depuis mars une cave-librairie qui<br />
propose 80%… de blanc et de champagne,<br />
et 750 livres sur le vin. Une initiative<br />
unique à Paris.<br />
Pourquoi ce choix de proposer surtout<br />
du blanc ?<br />
D’abord ma préférence personnelle<br />
m’a toujours porté, depuis une petite<br />
quinzaine d’années que je m’intéresse<br />
au vin, vers le blanc. C’est même<br />
étonnant comme cela transforme le goût,<br />
j’ai désormais du mal à boire un vin rouge<br />
trop puissant. Ensuite j’ai remarqué<br />
que les gens connaissent moins bien le<br />
blanc, et que souvent le choix est limité<br />
chez les cavistes, une cinquantaine<br />
de références en moyenne, contre<br />
400 chez moi.<br />
Beaucoup de clients viennent-ils<br />
spécialement choisir un vin blanc ?<br />
Non, le plus souvent les clients ne<br />
recherchent pas spécifiquement<br />
des vins bio, cela reste une démarche<br />
rare, mais ils y sont sensibles. Et puis,<br />
j’ai peu à peu une clientèle de quartier qui<br />
connaît bien le vin, et qui a suivi le chemin<br />
de dégustation bordeaux rougebourgogne<br />
rouge-blanc.<br />
Quelle part représentent les vins bio<br />
dans votre offre ?<br />
Les trois-quarts environ sont bio ou<br />
dans l’esprit bio, même si je n’en ai<br />
pas fait un critère de sélection.<br />
Mais quand on va vers une approche<br />
de qualité et de rigueur, on va très<br />
souvent vers le bio, c’est une vraie<br />
tendance de fond.<br />
Conseillez-nous deux ou trois bouteilles<br />
que l’on trouve chez vous ?<br />
Pourquoi pas du Languedoc. D’abord<br />
le limoux <strong>20</strong>07 du domaine de Mouscaillo<br />
de Pierre et Marie-Claire Fort,<br />
en 100% chardonnay (16,80 €).<br />
Ensuite en appellation Coteaux<br />
du Languedoc le domaine Hautes Terres<br />
de Camberousse de Paul Reder, et sa cuvée<br />
Roucaillat (17 €) en grenache, rolle<br />
et roussanne avec une préférence<br />
pour <strong>20</strong>07. Enfin, toujours en coteaux<br />
du Languedoc le domaine Prieuré Saint-<br />
Jean de Bébian et sa cuvée La Chapelle de<br />
Bébian <strong>20</strong>09 (19 €) en grenache, roussanne<br />
et clairette.<br />
Propos recueillis par FaBriCe Tassel<br />
(1) <strong>Chapitre</strong> <strong>20</strong>, 8, rue Saint-Paul, 75 004, Paris.<br />
tél. : 01 77 15 <strong>20</strong> 72.<br />
Des nectars<br />
au cœur<br />
du maquis<br />
PATRIMONIO D’Antoine Arena et ses fils jusqu’à<br />
Nicolas Mariotti-Bindi ou Muriel Giudicelli, des<br />
vignerons réinventent l’appellation corse. Aussi<br />
bien artisans qu’aventuriers, ils livrent des cuvées<br />
d’une pureté folle tout en pensant à l’avenir.<br />
18
19<br />
Nicolas Mariotti-Bindi,<br />
et l’une des parcelles qu’il cultive.<br />
PHOTOS D. MOZIN<br />
Par FRANçOISE-MARIE SANTUCCI<br />
(envoyée spéciale)<br />
Une montagne à six sommets<br />
comme autant<br />
de mamelons, striée<br />
de calcaire blanc, avec,<br />
au-delà, le golfe de<br />
Saint-Florent et sa<br />
récente « Saint-Tropezisation<br />
». Face au voyageur qui descend les<br />
virages en épingle à cheveux depuis le col<br />
de Teghime, la montagne semble nourrir<br />
de ses mamelles le vignoble de patrimonio,<br />
l’AOC la plus prestigieuse de Corse. Des<br />
lignes vert sombre s’étagent entre les murs<br />
de pierres sèches, la poussière et l’écrasante<br />
chaleur. Il y a souvent du vent, le<br />
Libecciu, qui nettoie la vigne et la préserve<br />
des maladies. C’est un terroir exceptionnel<br />
disent les connaisseurs – et pas seulement<br />
ceux du coin, fiers comme des Corses.<br />
En fin d’après-midi, sur un coteau fortement<br />
pentu, les « hauts de Carco », qui a<br />
donné son nom à la dernière cuvée en date<br />
du plus fameux vigneron de l’île, Antoine<br />
Arena, son fils cadet, Antoine-Marie, passe<br />
le tracteur (sur cette terre de Beauté, les<br />
prénoms composés sont fréquents ; ils<br />
mélangent ceux des parents, grandsparents,<br />
enfants, ce qui crée une cacophonie<br />
souvent cocasse). Autour d’Antoine-Marie<br />
courent Cinto et Nielluciu, les deux chiens<br />
qui connaissent chacune des parcelles des<br />
quatorze hectares du domaine presque<br />
aussi bien qu’un vieux du village. Le fils<br />
aîné, Jean-Baptiste (c’était aussi le prénom<br />
du grand-père), revient d’une livraison.<br />
C’est lui qui, le lendemain à l’aube, montera<br />
sur l’engin. Encore un jour de travail<br />
dans les vignes et tout sera prêt pour les<br />
vendanges, fin août. D’ici là, un semblant<br />
de relâche. Quoique. Marie, la femme<br />
d’Antoine, a l’habitude de se lever à quatre<br />
heures du matin. Elle s’occupe de la paperasse,<br />
de la vente, et tard le soir régale<br />
encore les amis de la maison (ils sont légion<br />
à faire un saut l’été, des célèbres cuistots<br />
Yves Camdeborde ou Pierre Gagnaire à<br />
l’éditeur Gilles Cohen-Solal), ainsi que des<br />
DOMAINE ANTOINE ARENA<br />
Superficie : 14 hectares.<br />
Cuvées : 4 en rouge, 4 en blanc,<br />
1 en rosé et 1 en muscat.<br />
Production : 55 000 bouteilles par an.<br />
Domaine Antoine Arena<br />
22 153 Patrimonio<br />
www.antoine-arena.fr<br />
DOMAINE NICOLAS MARIOTTI-BINDI<br />
Superficie : 5 hectares.<br />
Cuvées : 1 en rouge et 1 en blanc.<br />
Production : 13 000 bouteilles par an.<br />
Domaine Nicolas Mariotti-Bindi<br />
Lieu-dit Porcellese<br />
<strong>20</strong> 232 Poggio-d’Oletta.<br />
DOMAINE MURIEL GIUDICELLI<br />
Superficie : 13 hectares.<br />
Cuvées : 1 en blanc, 2 en rouge et<br />
4 en muscat.<br />
Production : 40 000 bouteilles par an.<br />
Domaine Giudicelli<br />
5, bouvelard Auguste-Gaudin<br />
<strong>20</strong> <strong>20</strong>0 Bastia<br />
importateurs américains de passage qui<br />
découvrent enfin, les étoiles dans les yeux,<br />
un vigneron et un terroir qu’ils sanctifient<br />
depuis des années, à New York ou Chicago.<br />
vIN BéNI C’est un principe : Antoine ne<br />
mégote jamais sur la dégustation. L’assemblée<br />
de dévots ne demande que ça, se laisser<br />
enivrer par un tel messie (l’allusion<br />
christique le ferait rire, il est farouchement<br />
anticlérical), et la cave devient vite un<br />
endroit hors du temps où l’on rêve de passer<br />
la nuit. Dans les cuves en inox serrées<br />
les unes contre les autres mûrissent douze<br />
cuvées et millésimes différents. Il y a des<br />
vins blancs exceptionnels (les Hauts de<br />
Carco, les Carco, les Grotte di Sole), très<br />
tendus, minéraux, aux arômes de fleurs<br />
blanches, de miel de printemps, mais<br />
aussi des rouges d’une finesse rare en<br />
contrée sudiste, et des muscats plus ou<br />
moins oxydatifs dont certains joyaux<br />
ambrés qui vieillissent en barriques<br />
depuis des années et qu’Antoine couve<br />
(et goûte rarement, avec les copains) en<br />
petit chimiste ravi de ses expériences – et<br />
il y a de quoi.<br />
Là-haut, Marie prépare des beignets de<br />
courgettes au jus de moules et une daube au<br />
riz. On se moque gentiment, avec Jean-<br />
Baptiste et Antoine-Marie venus pour
l’apéritif, des gens de la ville qui<br />
louent les vertus du « bio ». Le mot semble<br />
incongru, presque échappé d’une langue<br />
étrangère. Ici, il se traduit tout simplement<br />
par « proximité et respect de la nature », à la<br />
façon des ancêtres. Ici, on a tourné la page de<br />
l’agriculture intensive des années 70, de<br />
l’axe bordeaux/bourgogne et des traitements<br />
systématiques, de l’aseptisation de la vigne<br />
et des caves, ainsi que de la chaptalisation,<br />
cet ajout de sucre pour augmenter le degré<br />
d’alcool, pratiquée par les pieds-noirs de la<br />
plaine orientale qui faisaient comme jadis en<br />
Algérie : « Pisser la vigne », et pas forcément<br />
de la bonne.<br />
reprise de lA viGNe fAMiliAle Même à<br />
l’époque, Antoine Arena n’a pas voulu de ça.<br />
Il était têtu, rêvait d’une carrière de coureur<br />
cycliste (il regarde encore le tour de France<br />
chaque été ; ne jamais appeler l’aprèsmidi<br />
!), et quand il a annoncé à son père<br />
Jean-Baptiste, qui voulait en faire un fonctionnaire,<br />
son désir de reprendre la vigne<br />
familiale (la plus ancienne parcelle 80 ans),<br />
quelle affaire ! Il a résisté à l’ire paternelle<br />
(qui dura longtemps, on est têtu dans le coin)<br />
et, à force de travail et de conviction, a transformé<br />
son domaine en laboratoire nature et<br />
haut de gamme de l’île. Là où les autres<br />
regardent avant (d’essayer) de faire pareil.<br />
Depuis <strong>20</strong>05, ses fils reprennent peu à peu le<br />
flambeau. Antoine-Marie, qui avait pensé<br />
devenir cuisinier tant il aime les saveurs,<br />
s’entend fort bien avec Jean-Baptiste, qui a<br />
tâté de la politique aux dernières cantonales,<br />
battu mais fier d’avoir défendu ses idées<br />
(notamment celle de classer le vignoble de<br />
Patrimonio pour le préserver de la spéculation).<br />
En vigne et en cave, ils sont adeptes<br />
d’une minéralité poussée, comme un maquis<br />
de petit matin capturé au fond d’un verre, et<br />
peut-être plus marquée encore que celle<br />
magnifiée par leur père. On les dit, ces deux<br />
frères (qui ont une sœur, Lisandre, établie<br />
non loin), futures grandes stars du vignoble<br />
corse – et français tout court.<br />
A quelques centaines de mètres de là, par un<br />
chemin de terre cahoteux, on arrive chez<br />
Muriel Giudicelli. Elle marque « vigneronne<br />
» sur ses bouteilles, et y tient bien.<br />
Muriel est un peu bouddhiste, anticonfor-<br />
miste, grande gueule, tout en sachant rester<br />
« à sa place », précise-t-elle. Il faut dire<br />
qu’elle a pour handicap d’être une « étrangère<br />
» native de Solenzara : une ville corse,<br />
certes, mais à l’autre bout de l’île. Quant à<br />
son mari Stéphane, Savoyard taiseux aux<br />
yeux bleus, il s’est fondu dans ce terroir de<br />
bourrus avec l’envie de faire les choses proprement,<br />
et surtout la sagesse de se tenir loin<br />
des brouilles ancestrales qui occupent quelques<br />
voisins. Ils parlent aussi fort bien de leur<br />
travail, ardu, prenant, merveilleux, mieux<br />
reconnu ailleurs (sur le continent, à l’étranger),<br />
qu’en Corse, où la culture Pastis l’emporte<br />
sur celle du vin. Et lorsque les Corses<br />
boivent du vin, ils tiennent la jeunesse du<br />
millésime pour un gage de qualité : leur vendre<br />
en <strong>20</strong>11 une cuvée <strong>20</strong>09 revient à tenter<br />
d’écouler une collection couture démodée<br />
avenue Montaigne.<br />
CoNtre lA Course à l’ArGeNt Muriel et<br />
Stéphane possèdent treize hectares agréés<br />
en bio depuis <strong>20</strong>06, et produisent des<br />
blancs bien tendus, de beaux rouges, des<br />
muscats, dont un merveilleux oxydatif<br />
vieilli en fût de chêne. Face à la montagne<br />
de mamelles, leur chai moderne, entouré<br />
par le maquis et ses odeurs de myrte,<br />
aligne les cuves en inox. Outre la vigne, ils<br />
élèvent trois enfants, cuisinent beaucoup<br />
(ça forme le goût mais surtout, ils aiment<br />
ça), et ont entrepris de passer en biodynamie.<br />
Un de ces jours, ils feront l’achat d’un<br />
Muriel Giudicelli et un aperçu de son domaine.<br />
Ci-dessous, Antoine-Marie Arena. PHOTOS D. MOZIN<br />
cheval pour les labours, ce qui va avec le<br />
reste, finalement très politique : rejeter la<br />
course à l’argent, aller à son rythme (ce qui<br />
ne signifie pas lentement), prendre du plaisir<br />
– et ils ont l’air d’en prendre.<br />
A un jet de pierre des Giudicelli travaille<br />
un prodige presqu’autodidacte, Nicolas<br />
Mariotti-Bindi, 33 ans, toutes ses dents et de<br />
l’ambition. Celle d’être le meilleur possible,<br />
le plus carré, le moins sucré (dans chaque<br />
sens du terme puisqu’il est l’un des seuls à<br />
ne pas produire de muscat : « Rajouter de<br />
l’alcool et du sucre au jus de raisin ? Non<br />
merci !»). Après une prépa scientifique à<br />
Saint-Cyr et une licence de droit public à<br />
Paris, il a voulu revenir à la terre, celle qui<br />
reste sous les ongles. Un an comme ouvrier<br />
agricole dans le Beaujolais, à lire tous les soirs<br />
les livres savants du vin, puis Patrimonio. Il<br />
se lie d’amitié avec les fils Arena, travaille<br />
avec eux, ensuite chez Muriel Giudicelli (le<br />
monde est petit en Corse), avant de trouver<br />
en deux autres vignerons des bienfaiteurs,<br />
« Je serais vraiment un cochon si, sur sept<br />
hectares, j’utilisais des pesticides. »<br />
Nicolas Mariotti-Bindi<br />
qui lui prêtent des terres et un chai où faire<br />
ses vins (en échange, il donne du raisin à l’un,<br />
est chef de culture de l’autre). Sa mère, férue<br />
de nature, lui a transmis le goût des choses<br />
simples, sans traficotage. Cela se retrouve en<br />
vigne, les intrants y sont réduits au minimum<br />
(« Je serais vraiment un cochon si, sur<br />
sept hectares, j’utilisais des pesticides »),<br />
notamment le soufre. Ah ce fameux SO2 !<br />
Nicolas Mariotti-Bindi estime qu’on devrait<br />
mentionner le taux de sulfites sur les étiquettes.<br />
Sachant qu’on en autorise jusqu’à<br />
160 mg en rouge et 210 mg en blanc (par<br />
litre), et que lui se limite à 35 ou 37 mg quand<br />
beaucoup frôlent le maximum, ça donne<br />
une idée des risques de maux de crânes… et<br />
donne l’espoir de les éviter.<br />
Depuis quatre ans, Mariotti-Bindi produit<br />
des rouges et des blancs célébrés partout. Ne<br />
se repose pas sur cette gloire soudaine, n’affiche<br />
même pas de label « bio ». Ne pense<br />
qu’à faire mieux. Dit préférer les blancs, plus<br />
minéraux, qui « ne mentent pas » quand les<br />
rouges « prennent leur temps, en font, de ces<br />
détours ». Agacé par l’uniformisation des<br />
cépages, il a planté en <strong>20</strong>09 quelques plants<br />
d’une souche oubliée de Vermentinu (l’Inra<br />
autorise et subventionne, pour leur potentiel<br />
œnologique, 14 clones de ce blanc typique<br />
de Corse , mais le groupement viticole régional<br />
en conserve bien plus dans sa banque de<br />
données... C’est là que Mariotti-Bindi a<br />
sélectionné sa future vigne, qui donnera une<br />
première récolte l’an prochain.) Il dit : « On<br />
verra, ce sera peut-être moins bon que le<br />
Vermentinu numéro 640, officiellement agréé,<br />
que j’utilise déjà, mais au moins j’aurais essayé<br />
autre chose… C’est important de varier les<br />
goûts, de maintenir la biodiversité. »<br />
lA MAisoN d’AMériCAiNs Dans toute l’île,<br />
les jeunes reprennent des exploitations.<br />
De miel, d’huile d’olive, de vin. A la pointe<br />
du Cap, le majestueux Clos Nicrosi, surtout<br />
connu pour son Muscatellu, un muscat passerillé<br />
aussi miellé que<br />
minéral, voit arriver aux<br />
commandes Sébastien et<br />
Marine Luigi, les enfants de<br />
Jean-Noël Luigi, qui luimême<br />
tient les vignes de son<br />
grand-oncle. Le domaine<br />
n’est pas bio mais les enfants y tendent, pratiquant<br />
agriculture raisonnée et levures<br />
indigènes [des levures naturellement présentes<br />
sur le raisin, ndlr]. Son diplôme national<br />
d’œnologue tout juste obtenu à Reims,<br />
Marine a rejoint la famille et son imposante<br />
« maison d’Américains », ces demeures de<br />
maître bâties par d’anciens aventuriers capcorsins<br />
rentrés des Amériques riches comme<br />
Crésus. Sa conquête à elle, plus modeste, ne<br />
sera pas moins ardue : développer Clos et bio.<br />
A Patrimonio, sur la terrasse des Arena qui<br />
surplombe la route où un conducteur sur<br />
trois klaxonne pour dire bonjour aux deux<br />
fils appuyés contre la rambarde, et qui bien<br />
sûr répondent par un grand geste, flotte le<br />
fumet des beignets de Marie et les arômes<br />
d’un Carco blanc remonté de la cave – peu<br />
importe l’année, ils sont tous fameux. Un<br />
convive parisien entre en extase. L’ivresse<br />
est joyeuse, on se croit au centre du monde.<br />
La nuit durera longtemps.<br />
<strong>20</strong>
Novices<br />
et ivres<br />
de terroir<br />
CÔTES DE PROVENCE Emmanuelle Dupéré<br />
et Laurent Barrera, de jeunes passionnés, ont peu<br />
à peu appris le vin. Inventifs et adeptes du bio,<br />
ils en produisent désormais dans de vieux fûts<br />
de chêne, sans machines. Mais avec la manière.<br />
DOMAINE CLOS DE LA PROCURE<br />
Superficie : 7 hectares.<br />
Cépages : grenache, mourvèdre,<br />
carignan et cinsault pour les rouges,<br />
et ugni blanc.<br />
Cuvées : 5 en rouge, 2 en blanc et<br />
1 en rosé.<br />
Emmanuelle dupéré et laurent Barrera<br />
chemin de Bouscarlonnes<br />
83660 carnoules<br />
www.duperebarrera.com<br />
www.closdelaprocure.com<br />
Tél. : 04 94 23 36 08<br />
Par CATHERINE MALLAVAL<br />
(envoyée spéciale)<br />
Nowat comme No Watt. Comme<br />
une plaisanterie… qui n’en est<br />
pas vraiment une. Nowat n’est<br />
autre que la cuvée originelle<br />
d’un couple baroque qui cultive<br />
le temps présent par le zen, la beauté par<br />
l’ikebana, cet art floral japonais, le manuel<br />
par la céramique, le vin par le palais. Emmanuelle<br />
Dupéré et Laurent Barrera. De l’accolade<br />
de ces deux-là est née la signature de<br />
négociants-viticulteurs « Dupéré-Barrera »<br />
qui s’affiche sur seize cuvées – du rouge, du<br />
blanc, et depuis peu du rosé – assemblées<br />
dans un petit entrepôt près de Toulon. De<br />
leur union naissent 80 000 bouteilles par an<br />
qui vont se déverser à 80% au Canada, au<br />
Japon, aux Etats-Unis, arroser quelques<br />
tables du Petit Nice Passédat (3 000 bouteilles<br />
A gauche, Laurent Barrera. PHOTO nicO-wOrld.cOm<br />
Le chai semi-enterré conçu par l’architecte Frédéric Momenceau . PHOTO dr<br />
de Procure blanc) et autres œnophiles qui ne<br />
fréquentent pas les grandes surfaces.<br />
Ce jour-là, pendant que sa femme Emmanuelle<br />
patine sa voix de chanteuse mezzosoprano,<br />
Laurent Barrera rembobine une<br />
aventure née dans l’ivresse œnologique du<br />
début des années <strong>20</strong>00. Depuis leur rencontre<br />
estudiantine au Québec – elle y est née –<br />
leur passion pour le vin n’a cessé de fermenter.<br />
Ensemble, ils ont monté et écumé moult<br />
clubs de dégustation telle la joyeuse bande<br />
des zozos (Z’œnophiles z’oléronais) qui loin<br />
des bars à bobos de la capitale ont de la papille<br />
à revendre. Ensemble, ils ont aimé les<br />
vignerons de la Loire, leur simplicité et leur<br />
petite structure hyperqualitative ; les frères<br />
Foucault, capables de parler des heures<br />
durant de leur saumur-champigny mais<br />
qui n’ont rien ou si peu à vendre ; le père<br />
Hacquet qui faisait du bio sans le savoir dans<br />
les années 60, mais qui vendait son vin si peu<br />
cher qu’il gagnait plus d’argent avec le lait de<br />
ses vaches. Ensemble, les Dupéré-Barrera<br />
ont tout plaqué en 1997 pour faire un BTV<br />
– brevet qui allie viticulture et œnologie. Il a<br />
30 ans et met fin à une carrière d’ingénieur<br />
géologue. Elle en a 23, et met sa passion pour<br />
le chant en sourdine. La décision est mûrie.<br />
« On s’est lancés sans business plan, sans projet<br />
marketing, sans objectif financier, sans terre,<br />
sans héritage familial de vignerons. Mais on<br />
savait ce qu’on voulait : faire en Provence le<br />
même travail que les grands vignerons qu’on<br />
connaissait », raconte Laurent, qui a grandi à<br />
Toulon, élevé par un militaire qui a fini sa<br />
carrière sur le Clémenceau. « On voulait<br />
entrer d’emblée par le haut, la qualité, le très<br />
bon. Faire le meilleur côtes de Provence et Bandol<br />
« On s’est lancé sans business plan, sans<br />
héritage familial de vignerons. Mais on<br />
savait ce qu’on voulait. »<br />
Laurent Barrera<br />
possibles », ajoute-t-il sans forfanterie. Ils<br />
devront se contenter des 30 000 euros, prêtés<br />
par le père d’Emmanuelle. C’est décidé,<br />
ils entreront dans le vin par le négoce.<br />
Pas n’importe lequel. A la bourguignonne.<br />
A cent lieues des gros businessmen bordelais<br />
qui achètent et revendent des bouteilles, ils<br />
arpentent les vignes de la région, repèrent les<br />
parcelles les plus anciennes, les meilleures.<br />
Passent contrat, mettent la main aux grappes<br />
qu’ils transportent méticuleusement dans<br />
des cagettes de 10 kilos pour éviter que le raisin<br />
ne s’écrase dans des camions climatisés,<br />
avant de le vinifier à l’ancienne dans des<br />
cuves de 1 000 litres seulement. « On peut<br />
entrer dedans, avoir un contact avec le raisin,<br />
faire du pigeage au pied. » Pas de machine. Pas<br />
de watt. Le vin vieillit dans des fûts de chêne<br />
rachetés à Yquem ou Romanée-Conti. « On<br />
boise nos vins, sans abuser. » Sans tomber<br />
dans les arômes régressifs de caramel boisé,<br />
épicé, vanillé dont raffolent les Américains<br />
et les Chinois. « Au début, on a fait plein<br />
d’expériences. On faisait 10 000 bouteilles, et<br />
<strong>20</strong> cuvées différentes. ça a très vite marché. »<br />
ENVIE DE SA PROPRE TERRE Les choses<br />
marchent... Mais à quel prix ? Le couple<br />
s’est fixé des limites : « Quand on vend un vin<br />
au-delà de 30 euros, c’est du marketing, on<br />
vend du mythe, de la rareté. Objectivement<br />
aucun rouge ne vaut plus de 30 euros. » Total ?<br />
« Un Smic à deux sans vacances à bosser<br />
72 heures par semaine. On a sorti la tête au bout<br />
de 4-5 ans. » L’envie d’avoir sa terre émerge<br />
alors. Le couple qui est venu au vin par la<br />
dégustation acquiert quatre hectares d’un<br />
seul tenant à Carnoules, située 30 kilomètres<br />
à l’est de Bandol : le Clos de la Procure. Les<br />
premières vendanges se déroulent dans la<br />
fournaise de <strong>20</strong>03, après un énorme travail<br />
d’élagage. « On voulait du plus sucré, du<br />
concentré, des pieds avec des grappes qui ne se<br />
touchent pas… ». Du bio, du naturel, bien<br />
sûr. Campé dans ses vignes, Laurent Barrera<br />
couve ses ceps des yeux. Les<br />
récompenses sont venues.<br />
Un salarié aide désormais à la<br />
culture. Leur blog (1) attire<br />
100 nouveaux lecteurs chaque<br />
jour. La passion est là,<br />
intacte : « Nous nous formons<br />
sans cesse, goûtons un nouveau vin tous les soirs<br />
et une fois par mois, on s’offre un trois étoiles<br />
Michelin. » L’homme médite : « La pratique<br />
du zen nous a aidés à être libres. A devenir les<br />
artisans que nous voulions être. »<br />
(1) www.blogduperebarrera.com<br />
22
23<br />
luc manago<br />
<strong>FOIReS</strong> <strong>Aux</strong> <strong>VInS</strong><br />
Bandol, PaTRImonIo,<br />
coRBIèRES…<br />
MARAuDeR DAnS LeS<br />
LInéAIReS Du Côté DeS<br />
<strong>VInS</strong> Du SuD, C’eSt<br />
un Peu etIReR LeS<br />
RAyOnS Du SOLeIL<br />
juSqu'à LA CAVe.<br />
Quelques belles étiquettes sont<br />
à regarder de près en septembre.<br />
a commencer par ce Bandol <strong>20</strong>10<br />
du Château Sainte Anne Cimay,<br />
en rouge, 23,51 € (lavinia). ou<br />
ce vin des Coteaux Varois <strong>20</strong>10,<br />
domaine des terres Promises,<br />
cuvée les Idées Heureuses,<br />
toujours en rouge à 11,77 € (lavinia).<br />
des vins gourmands, sur le fruit.<br />
Parmi les valeurs sûres de<br />
Provence, il ne faut pas louper<br />
ce Château Sainte Marguerite Cru<br />
Classé Grande réserve <strong>20</strong>10,<br />
en rouge, 12,50 €<br />
(Wineandco.com). Enfin, en rosé,<br />
on dégustera l’excellent domaine<br />
de la Bégude <strong>20</strong>10, 16 €<br />
(Wineandco.com). Il s’agit sans<br />
doute du plus grand rosé de Bandol<br />
produit à ce jour, avec ses notes<br />
de fruits rouge, sa vinosité,<br />
sa complexité et sa longueur en<br />
bouche... c’est un modèle du genre.<br />
l’Île de Beauté est admirablement<br />
représentée cette année, non pas<br />
en volume, mais par la qualité<br />
des crus que l’on retrouve. comme<br />
ce rosé <strong>20</strong>10, Clos Sartène, vendu<br />
9,90 € par monoprix. la belle<br />
découverte se fait avec ce<br />
Patrimonio <strong>20</strong>08 Porcellese du<br />
domaine nicolas Mariotti-Bindi<br />
(17 € chez Wineandco.com).<br />
le jeune vigneron de 33 ans, portedrapeau<br />
de la viticulture bio dans<br />
l’appellation, signe ici un rouge<br />
magnifique (lire page 19). Toujours<br />
sur la prestigieuse appellation<br />
Patrimonio, lavinia, le grand caviste<br />
parisien, propose la cuvée lisandra<br />
<strong>20</strong>09, en rouge et blanc, du domaine<br />
Arena. les deux sont à 26,08 €.<br />
antoine arena est considéré depuis<br />
des années comme le plus<br />
talentueux vigneron de corse,<br />
adepte de la biodynamie. Ses cuvées<br />
sont simplement sublimes (lire<br />
également page 19).<br />
la région languedoc-Roussillon est,<br />
avec Bordeaux, l’une des<br />
principalement pourvoyeuses<br />
de vins lors des foires aux vins. Ici,<br />
les vins de marque de négociants<br />
(souvent de talent, comme gérard<br />
Bertrand) cohabitent avec des<br />
cuvées confidentielles. comme<br />
par exemple la cuvée Vinus,<br />
élaborée par le domaine Paul Mas<br />
(grand négociant du languedoc) :<br />
ce Coteaux du Languedoc rouge<br />
<strong>20</strong>08 est charnu, avec de la<br />
fraîcheur jusqu’en finale. Il est<br />
vendu 6,90 € par le Repaire de<br />
Bacchus. autre belle surprise de la<br />
part d’un négociant, ce Vin de pays<br />
d’Oc <strong>20</strong>10 blanc, L’Indomptable<br />
de Cigalus, signé Gérard Bertrand.<br />
un très beau sauvignon, sur le fruit<br />
et séduisant, à 14,95 € (carrefour).<br />
les grands vins doux naturels<br />
du Roussillon procurent un plaisir<br />
immense et peuvent rivaliser avec<br />
les grands portos. a l’image de<br />
ce Maury rouge vintage <strong>20</strong>09<br />
du Mas Amiel, le porte drapeau<br />
de l’appellation, vendu en petite<br />
bouteille de 37,5 cl pour 9,90 €<br />
chez monoprix. Plus original,<br />
ce Corbières rouge <strong>20</strong>10, Le Signal<br />
du Château La Baronne, mis<br />
en bouteille sans soufre, 9,25 €<br />
(Système u). anne gros et Jean-<br />
Paul Tollot, deux grands vignerons<br />
bourguignons, se sont associés sur<br />
ce terroir du minervois pour la cuvée<br />
les Fontanilles, un rouge gourmand<br />
vendu 16 € chez lavinia.<br />
En collioure rouge sec, le domaine<br />
de la Rectorie est une référence<br />
qui propose la cuvée Rêves<br />
De Femme <strong>20</strong>08, à 14,02 €<br />
également chez lavinia. J. B.<br />
Sélection réalisée par<br />
LA REVUE DU<br />
VIN DE FRANCE<br />
Apéros Vintage<br />
de Bordeaux //<br />
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Les vins de Bordeaux<br />
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de la capitale. Le temps<br />
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novices, passionnés et curieux.<br />
La qualité, la convivialité<br />
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Bordeaux en une soirée<br />
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Interprofessionnel du<br />
Vin de Bordeaux (CIVB) ,<br />
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déguster seuls ou accompagnés de<br />
quelques tapas.<br />
Loin des dégustations traditionnelles, ces<br />
afterworks s’adressent aussi bien aux<br />
néophytes qu’aux amateurs. Dans une<br />
ambiance conviviale, et sur une bandeson<br />
originale, les viticulteurs présents<br />
invitent à la découverte de leur passion<br />
et métier tout en restant à l’écoute de leur<br />
public.<br />
C’est ainsi que les Apéros Vintage de<br />
Bordeaux ont conquis une foule de<br />
trentenaires «trendy» : 11 000 participants<br />
lors des précédentes éditions, près de<br />
30 000 verres de Bordeaux dégustés ! Et<br />
cela ne désemplit pas d’année en année,<br />
si bien qu’au printemps dernier, les<br />
quatre soirées affichaient complet (2500<br />
personnes).<br />
L’accord inédit des vins de<br />
Bordeaux et du Vintage<br />
Avec les Éditions Spéciales de <strong>20</strong>11,<br />
les univers des "Chineurs", de la "Rétro<br />
photo" ou bien encore des "Saveurs<br />
d’antan", ont été explorés. Dès le 13<br />
septembre, de nouveaux horizons et<br />
personnalités sont à découvrir grâce aux<br />
experts du vintage, hôtes de ces apéros :<br />
Mardi 13 septembre<br />
Éd. Spéciale Music Remix<br />
au Petit Bain (13 ème )<br />
avec les gourmets du mange-disque<br />
Julien Plaisir de France et Pierre-Louis<br />
Berlatier proposeront une playlist des<br />
années 80 jusqu’à nos jours • un concert<br />
du groupe La Féline • un live Machine en<br />
direct de morceaux français des années<br />
70 à 90.<br />
Mardi 27 septembre<br />
Éd. Spéciale Mode Vintage<br />
au Pavillon du Lac (19ème )<br />
avec la fabuleuse penderie de Sandrine<br />
Arnone et ses<br />
silhouettes des<br />
années 50 aux<br />
années 80 qui<br />
défileront au<br />
coeur du public.<br />
Mardi 11 octobre<br />
Éd. Spéciale Rétro Ciné<br />
au Restaurant 51 (12 ème )<br />
Mise sur bobine par Jean-Yves Leloup<br />
avec un Cinémix inédit (relecture musicale<br />
de films anciens) autour de la thématique<br />
«dégustation» dans les films français et<br />
étrangers qu’il aura été pioché.<br />
Mardi 25 octobre<br />
Éd. Spéciale Cuisine Rétro<br />
au Floréal (10 ème )<br />
Emilie Lang au batteur et Carine Francart<br />
au mixeur pour un «Live cooking» autour<br />
de plusieurs thématiques, en accord avec<br />
un Bordeaux.<br />
# PUBLI INFO #<br />
Bas ! "Les vins<br />
comme les vêtements<br />
anciens ont une histoire.<br />
Le mot "Vintage" est pour moi<br />
le sésame qui me permet<br />
d’apprécier une pièce<br />
d’époque tel un<br />
Bordeaux"<br />
" j’ai pris le parti<br />
de faire les choses avec<br />
inventivité et avec caractère<br />
! Les vins de Bordeaux ont ces<br />
deux caractéristiques et ce sera<br />
pour moi un plaisir de vous faire<br />
redécouvrir des recettes<br />
d’autrefois en y mêlant<br />
leurs arômes."<br />
//Toute l’actualité des Apéros<br />
Vintage de Bordeaux sur la page<br />
Facebook "VinsdeBordeaux"//<br />
L’abus d’aLcooL est dangereux pour La santé. a consommer avec modération<br />
libération.indd 1 02/09/<strong>20</strong>11 11:53:39
Beaujolais,<br />
Bourgogne<br />
& rhône<br />
TouT au long de l’aXe<br />
qui descend d’auXerre<br />
jusqu’auX rives de la<br />
MédiTerranée se suivenT<br />
les MyThiques crus<br />
Bourguignons, les<br />
opulenTs côTes-du-rhône<br />
eT les plus accessiBles<br />
Beaujolais. Mais derrière<br />
ces différences se cache<br />
une MêMe culTure de<br />
la vigne. dans les Trois<br />
Terroirs, les vins rouges<br />
viennenT d’un cépage<br />
unique : pinoT noir<br />
en Bourgogne, gaMay<br />
en Beaujolais eT syrah<br />
dans la vallée du rhône.<br />
eT parTouT des parcelles<br />
ou des clos, culTivés<br />
coMMe des jardins.<br />
Des raisins<br />
qui ont<br />
toujours<br />
raison<br />
Morgon La célébrissime maison Lapierre a<br />
quasiment inventé le vin nature. Mathieu, le fils de<br />
Marcel récemment décédé, explique, avec passion,<br />
d’où vient la fameuse philosophie familiale.<br />
Par grégory schneider<br />
(envoyé spécial)<br />
Photos luc Manago<br />
Plonger dans le monde de<br />
Mathieu Lapierre, qui dirige<br />
le domaine Lapierre dans le<br />
Beaujolais depuis la disparition<br />
de son père Marcel<br />
l’automne dernier, c’est<br />
partir dans tous les sens. La<br />
philosophie : « Plus vous mettez de désherbant,<br />
moins la vigne ira chercher profond et<br />
moins vous aurez de terroir. La vigne est<br />
feignante. Comme l’écrasante majorité de tout<br />
ce qui vit, d’ailleurs. » L’économie, la guerre :<br />
« Quand les Romains dominaient l’Europe, ils<br />
ont retrouvé des amphores marseillaises au nom<br />
de “Marcielus Portius» là où se trouve le<br />
Danemark aujourd’hui. Ils en ont déduit l’existence<br />
d’un commerce, de flux d’argent et donc<br />
d’enjeux de pouvoir. Ils ont utilisé le vin comme<br />
tel. Les Allobroges [un peuple celte installé au<br />
nord des Alpes dès le III e siècle, ndlr] se sont<br />
toujours montrés dociles et accueillants envers<br />
Rome : ils y ont gagné l’autorisation de faire<br />
du vin et de le vendre. » La mythologie :<br />
« Dionysos [le dieu du vin chez les Grecs,<br />
ndlr] liait la lune à la fermentation. » C’est sa<br />
manière à lui de voir le vin : un combat sur<br />
tous les fronts. Ça n’est ni confortable, ni<br />
tranquille : en refusant d’assommer son<br />
Morgon (en ajoutant du soufre, des levures,<br />
du sucre, des vitamines, du bicarbonate de<br />
potassium, du tanin, des enzymes…), il s’en<br />
remet à la nature et là, on n’est jamais sûr.<br />
« Une cuve où repose le vin, c’est une ville livrée<br />
à la guerre des gangs. Sans les gangs : à la place,<br />
il y a les bactéries et les levures, celles-ci devant<br />
être à la fois nombreuses et variées pour<br />
favoriser la prise de relais. Des équilibres se<br />
créent : ce sont ceux de l’instant. Le vigneron<br />
doit tout comprendre et pourtant, tout lui<br />
échappe. J’ai lu récemment des choses incroyables<br />
sur les levures. Certains pensent qu’elles<br />
peuvent produire du soufre : si c’est vrai, il y a<br />
là un moyen de repenser l’ajout de dioxyde de<br />
soufre [utilisé pour stabiliser le vin et prévenir<br />
les développements non souhaités de<br />
bactéries ou de levures, ndlr] dans le vin.<br />
Autre chose : on sait que les micro-organismes<br />
peuvent agir sur la matière. Mais on ne sait pas<br />
jusqu’où. Des Japonais pensent que ça peut<br />
aller jusqu’à l’atome ! Ok, selon Lavoisier, le<br />
chimiste français du XVIII e siècle, c’est impossible.<br />
Pourtant… »<br />
l’anarchisMe foncier En vérité, Mathieu<br />
Lapierre est le troisième à mener cette<br />
bataille à cet endroit-là. Le premier fut son<br />
père, Marcel, « l’esprit rebelle, la fraternité<br />
bruyante et l’anarchisme foncier » selon les<br />
mots de l’écrivain et journaliste Jérôme<br />
24
25<br />
DOMAINE LAPIERRE<br />
Superficie : 13 hectares.<br />
Cépages : gamay noir.<br />
Cuvées : 2 en rouge.<br />
Domaine des Chênes<br />
69 910 Villié-Morgon<br />
Tél. : 04 74 04 23 89<br />
Leroy. On connaît la légende : l’amitié de<br />
Guy Debord qui, selon le critique Sébastien<br />
Lapaque, voyait dans le travail de Marcel<br />
Lapierre la preuve que le capitalisme ne pouvait<br />
plus développer les forces productives<br />
pour peu que l’on parle qualité – et non<br />
quantité, comme cela avait été compris à<br />
peu près partout. Marcel n’était pourtant pas<br />
né avec cette idée-là. Diplômé de l’école<br />
viticole de Belleville-sur-Saône, il témoignait<br />
d’une vraie curiosité pour les techniques<br />
apprises. Il a commencé par les appliquer<br />
sur le domaine familial quand il a pris la<br />
main, en 1973. Son épouse Marie, mère de<br />
Mathieu : « Quand il s’est lancé, Marcel avait<br />
23 ans. Il fallait qu’il en profite. Les produits<br />
qu’on ajoute, les intrants, ça donne aussi du<br />
temps libre et une qualité de vie. » Marcel note<br />
cependant l’imbrication des laboratoires<br />
pharmaceutiques dans son domaine : tel<br />
type de levure produite par tel labo, ça<br />
donne immanquablement tel type de vin.<br />
Par ailleurs, les labos ont leurs entrées dans<br />
les lieux d’enseignements. « Mais c’est<br />
tout simplement le goût de son vin qui lui a<br />
posé problème », témoigne Marie Lapierre.<br />
Va pour une démarche que l’on va appeler<br />
– faute de mieux – celle du « vin naturel »:<br />
« Non pas la recréation à l’identique des<br />
procédés anciens, précise Mathieu, mais le<br />
souci de faire travailler au maximum la<br />
nature compte tenu de ce que l’on peut savoir<br />
d’elle aujourd’hui. » Ce qui fait une différence<br />
: celle qui existe entre le folklore et un<br />
cadre de travail.<br />
LA DÉGUSTATION DE 11 HEURES On est alors<br />
au début des années 80, et c’est là que Jules<br />
Chauvet fait son entrée en scène. Vigneron<br />
dans le Beaujolais lui-même et négociant<br />
établi à la Chapelle-de-Guinchay, il jouera<br />
auprès de Marcel Lapierre plusieurs rôles :<br />
chimiste, inspirateur, théoricien. « Un<br />
homme modeste, se souvient Marie, mais il<br />
venait d’un milieu bourgeois. Il avait un nombre<br />
de principes... » Dont celui-ci, que l’on<br />
trouve pour notre part extraordinaire : c’est<br />
à 11 heures du matin – ni avant, ni après –<br />
que l’on doit déguster le vin, car le petitdéjeuner<br />
est loin et le palais à la fois déjà<br />
stimulé et vierge. Créateur du verre Inao<br />
(Institut national des appellations d’origine)<br />
qui maximise le rapport entre la volumétrie<br />
et le mouvement des arômes, Jules Chauvet<br />
aura eu aussi le mérite de nettoyer le vocabulaire<br />
du vin : « Avant lui, on disait d’un vin<br />
qu’il était “réduit”, “ascétique”, “phénolé”.<br />
Avec lui, c’est devenu démocratique. Il a parlé<br />
de “fruit” le premier. Il disait : “Du fruit, mais<br />
lequel ? Cerise ? Quelle cerise ? A l’eau-devie<br />
?”. Il finançait ses recherches lui-même. Il<br />
n’a jamais eu de grand terroir. Mais il faisait le<br />
vin de table de De Gaulle. » C’est avec lui que<br />
Marcel Lapierre a trouvé la voie d’un vin tout<br />
raisin « parce que vous comprenez, il faut faire<br />
« Mon souci : faire travailler au maximum<br />
la nature, compte tenu de ce qu’on peut<br />
savoir d’elle aujourd’hui. »<br />
Mathieu Lapierre<br />
attention à ce qu’on met dans les cuves car le<br />
vin, c’est d’abord une boisson », expliquait<br />
Jules Chauvet. Celui-ci se contrefoutait des<br />
échéances contractuelles, récoltant quand la<br />
nature lui commandait de récolter. Il lui<br />
arrivait conséquemment de livrer en retard.<br />
Il en faisait une affaire de respect. C’est à<br />
cette aune-là qu’il faut juger le phénomène<br />
du beaujolais nouveau, disponible chaque<br />
année le troisième jeudi de novembre. Ou<br />
bien la nature s’est miraculeusement pliée<br />
aux nécessités marketing, ou on se fout du<br />
Mathieu Lapierre,<br />
et l’un des chais du domaine.<br />
monde. Marcel Lapierre, Jules Chauvet :<br />
Mathieu Lapierre vient ensuite. Une même<br />
bannière : la macération carbonique. On<br />
vendange à la main des grappes entières<br />
avec la rafle [la partie verte de la grappe. C’est<br />
son squelette, riche en tanin et en fer, ndlr] que<br />
l’on met – sans fouler les grains –dans une<br />
cuve hermétique saturée de dioxyde de carbone<br />
– « celui-là même qui se dégage de la<br />
macération naturelle des grains, ce qui permet<br />
de ne pas le considérer comme un ajout »<br />
(Mathieu). La fermentation intracellulaire qui<br />
s’ensuit est maîtrisée depuis les travaux de<br />
Louis Pasteur. « Elle était connue avant ça,<br />
précise le fils Lapierre. La macération carbonique<br />
protégeait le raisin que les Romains entreposaient<br />
dans des cuves taillées dans la roche. »<br />
On en est toujours rendu là, entre ce que les<br />
autres ont fait avant et ce que vous faites,<br />
vous. Ça renvoie aux Allobroges, aux<br />
Romains, à l’arrivée des levures de bière<br />
allemandes aux alentours de 1910 pour retaper<br />
les cuvées. Et bien sûr à ce père dont la<br />
disparition a été mentionnée jusque dans le<br />
San Francisco Chronicle. Mathieu se sait<br />
attendu. Quand on l’a ren-<br />
contré, on l’a senti ramassé,<br />
combatif, précis : « Je n’aime<br />
pas la dénomination “vin<br />
nature” : la nature fait du<br />
raisin, pas du vin. » Quand il<br />
raconte une anecdote ou<br />
expose une idée, il en précise toujours la<br />
source ou la paternité : plutôt que d’y voir le<br />
souci de se situer, on a plutôt compris qu’il<br />
tenait à rendre à César ce qui lui appartient.<br />
C’est l’idée qu’il se fait de la rectitude et ça<br />
doit s’entendre dans sa perspective à lui,<br />
celle d’un fils qui reprend l’exploitation<br />
du père. Sinon, il n’a pas lancé la cuvée<br />
spéciale Marcel Lapierre l’an passé alors que<br />
de son point de vue, le millésime le méritait.<br />
« Je devais faire profil bas. Les gens n’auraient<br />
pas compris. »
BOURGOGNE Sans<br />
argent ni héritage,<br />
Dominique Laurent<br />
a déniché les meilleures<br />
parcelles de Bourgogne.<br />
Et réinventé<br />
un style mythique.<br />
Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />
C’est un géant. Un personnage<br />
qui en impose. Tout droit sorti<br />
d’un ouvrage de Rabelais ou<br />
de Balzac. Un homme de<br />
chair, qui aime la chair.<br />
Dominique Laurent a commencé sa vie<br />
comme pâtissier comme son père, à<br />
Vesoul, Haute-Saône, avant de se passionner<br />
pour les grands vins de Bourgogne. En<br />
1987, il quitte sa ville pour conquérir la<br />
Côte d’Or, son terroir d’adoption. De<br />
pâtissier, il devient un vigneron sans terre<br />
ni fortune. Pourtant, en vingt-cinq ans,<br />
Dominique Laurent va bâtir l’une des plus<br />
belles histoires de la Côte de Nuits.<br />
Dépourvu de vignes, il s’improvise<br />
« éleveur de vins ». Il arpente la Bourgogne<br />
DOMAINE DOMINIQUE LAURENT<br />
Superficie : 5 hectares.<br />
Cépages : pinot noir, chardonnay.<br />
Cuvées : une vingtaine en rouge<br />
et en blanc.<br />
Production : 250 000 bouteilles<br />
par an.<br />
domaine dominique Laurent<br />
rue Principale<br />
21 2<strong>20</strong> L’étang Vergy<br />
Tél. : 03 80 61 49 94<br />
Dominique Laurent.<br />
PHOTO Fabrice Leseigneur<br />
Ci-dessous, une partie de son vignoble.<br />
PHOTO J. guiLLard/scOPe-iMage<br />
Il lit entre<br />
les vignes<br />
de long en large à la recherche de ces<br />
vignerons qui travaillent encore merveilleusement<br />
la terre (à une époque où le<br />
vignoble verse dans la surproduction et<br />
les vins maigres, où la qualité se détériore).<br />
Dominique Laurent est alors<br />
imbattable pour dénicher « la » cuvée de<br />
vieilles vignes dans un endroit impossible,<br />
chez d’illustres inconnus qui, depuis<br />
« La grande cuisine, c’est comme<br />
pour le vin, une question de temps. »<br />
Dominique Laurent<br />
toujours, n’ont qu’un seul souci, celui de<br />
bien cultiver la vigne comme le faisait leur<br />
père, grand-père ou arrière-grand-père.<br />
Ces petits vignerons anonymes s’arcboutent<br />
sur la tradition, produisant peu<br />
mais très bien, travaillant la terre à l’ancienne,<br />
qui trouvent en Dominique Laurent<br />
un négociant attentif à leur travail.<br />
C’est ainsi que ce dernier met la main sur<br />
les meilleurs terroirs de Bourgogne.<br />
Mais si le vin se fait à la vigne, Dominique<br />
Laurent estime qu’il se patine à la cave. Il<br />
a redonné de sa noblesse à l’élevage en<br />
fûts, sublimant les superbes matières brutes<br />
de décoffrage qu’il a su tirer des grands<br />
terroirs. Soucieux de retrouver la matière<br />
des fameux bourgognes d’avant-guerre,<br />
charnus et solides, il a propulsé ses<br />
grands-échezeaux, ses bonnes-mares et<br />
ses clos-de-vougeot au firmament des<br />
vins de la région. Ses cuvées les plus<br />
simples prennent, au bout de quelque<br />
temps, des allures de grands vins.<br />
MONSIEUR DEUX CENT POUR CENT Au<br />
début des années 1990, Dominique<br />
Laurent invente une nouvelle méthode de<br />
vinification qui va plaire à la clientèle<br />
américaine qui l’adule déjà : le <strong>20</strong>0% de<br />
bois neuf (le vin est élevé douze mois dans<br />
un lot de barriques neuves,<br />
puis remis dans un autre<br />
lot de barriques neuves<br />
pour douze nouveaux mois<br />
d’élevage). On a beaucoup<br />
glosé sur ces « cuvées<br />
<strong>20</strong>0% », sans s’apercevoir que, sous sa<br />
rondeur joviale, ce savant Cosinus élaborait<br />
les plus grands vins de Bourgogne :<br />
ses premières créations du début des<br />
années 1990 sont aujourd’hui à leur<br />
apogée et tiennent toutes leurs promesses.<br />
Ce type d’élevage « <strong>20</strong>0 » devient alors sa<br />
signature. Comme la cuisine, son autre<br />
passion. « La grande cuisine, c’est comme<br />
pour le vin, une question de temps », explique-t-il.<br />
En disciple de Paul Bocuse ou<br />
de Raymond Oliver, il ne cesse de faire et<br />
refaire une recette jusqu’à ce qu’elle satisfasse<br />
l’exigence de son palais monumental.<br />
Derrière les fourneaux comme en<br />
cave, il est un adepte d’une certaine tradition<br />
française. Celle par exemple<br />
qu’honorait Dumas dans son Grand dictionnaire<br />
de cuisine... Et si Dominique<br />
Laurent était un personnage tout droit<br />
sorti d’une de ces pages ?<br />
Elodie<br />
Balme,<br />
un domaine<br />
qui monte<br />
C’est une jeune vigneronne qui fait<br />
des vins explosifs et racés, poivrés<br />
et sanguins. D’ailleurs, Elodie Balme<br />
ne concocte que des rouges.<br />
Votre parcours ?<br />
J’ai fait un apprentissage de deux ans chez<br />
Richaud en BTS, chez lui j’ai surtout appris<br />
à être curieuse, à comprendre qu’il y avait<br />
une philosophie du vin et pas de recette<br />
(comme on veut souvent nous l’enseigner<br />
en cours), et que chaque année on doit se<br />
remettre en question. Avant je voyais cela<br />
de façon plus systématique.<br />
Votre terre : un héritage ?<br />
Mes parents sont viticulteurs mais en<br />
coopérative, et les vignes que j’exploite sont<br />
des parcelles que j’ai sorti de la coopérative<br />
pour créer ma cave. Le fait d’être une jeune<br />
femme ne m’a pas rendu la tâche plus<br />
difficile, j’avais tout pour commencer :<br />
des vignes, du matériel, un père prêt<br />
à transmettre son expérience et les conseils<br />
des vignerons qui m’entouraient.<br />
« Y avait plus qu’à », comme on dit…<br />
Votre vigne ?<br />
Je ne suis pas en bio mais j’essaie de<br />
travailler le plus naturellement possible. Je<br />
fais des « essais » sur pas mal de parcelles,<br />
mais comme elles étaient jusque-là en<br />
culture conventionnelle, il faut y aller en<br />
douceur. Je souhaite comprendre d’abord<br />
ce que je fais, et bien connaître mes<br />
parcelles… Pour l’instant je travaille sans<br />
œnologue en cave, nous sommes trois<br />
à l’année, plus les saisonniers.<br />
Le « bio » : l’avenir, ou un engouement ?<br />
Je pense qu’il faut effectivement revenir à<br />
une agriculture plus saine. Mais ce terme<br />
est aussi utilisé dans un sens commercial,<br />
où l’on fait vite l’amalgame entre bio,<br />
durable, écologique…<br />
Votre domaine préféré, en tant<br />
qu’amatrice ?<br />
Question diffcile ! Je dirais Poignée<br />
de Raisin, du domaine de Gramenon,<br />
mais il y en a pleins d’autres.<br />
Vos vins, où peut-on les trouver ?<br />
A Paris, à la Cave du Panthéon (V e ), chez<br />
Bacchus et Ariane (VI e ), Julhès Paris (X e ),<br />
les Caves de Reuilly (XII e ), Versant vins<br />
(Marché des enfants rouges, III e ) ; à Lyon au<br />
Vercoquin, à Marseille à Si Belle La Vigne.<br />
Propos recueillis par<br />
FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />
Elodie Balme cultive 8 hectares de vignes sur trois<br />
communes (Rasteau, Roaix et Buisson),<br />
produit 30 000 bouteilles par an reparties<br />
en cinq cuvées, principalement en grenache,<br />
mais aussi en syrah et carignan.<br />
dr<br />
26
27<br />
L’homme aux trois<br />
millions de flacons<br />
VALLÉE DU RHÔNE Sur les hauteurs de Tain-l’Hermitage, Michel Chapoutier<br />
a transformé les vignes familiales en empire. Mêlant qualité et quantité.<br />
Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />
Photos LUC MANAGO<br />
La comparaison avec Gilbert<br />
Bécaud lui va comme un gant.<br />
Michel Chapoutier est branché<br />
sur cent mille volts. Toujours par<br />
monts et par vaux à arpenter<br />
ses vignes d’Hermitage, à vendre son vin, à<br />
l’élaborer. Ou à cuisiner, chaque matin, avec<br />
le chef de sa table d’hôtes. Ou à parler, de<br />
réunion en réunion. Car Michel Chapoutier<br />
est un insatiable bavard. Toujours une idée<br />
à la seconde. Il déguste, il mange, il bouge,<br />
il collectionne à toute vapeur ! C’est, sans<br />
« Je voulais que le terroir s’exprime<br />
à travers le vin. Pour cela, il fallait<br />
retrouver une microbiologie des sols. »<br />
Michel Chapoutier<br />
doute, ce qui lui a permis de bâtir si vite sa<br />
maison de négoce et son vignoble. Ce bâtiment<br />
futuriste que l’on voit depuis l’autoroute<br />
à hauteur de Tain-l’Hermitage. En<br />
vingt ans, cet autodidacte a transformé la<br />
petite maison de négoce créée par son<br />
grand–père en véritable empire. A la fin des<br />
années 1980, l’entreprise familiale est dans<br />
une triste situation. Son père, malade, s’est<br />
retiré de l’affaire, laissant à Michel le soin de<br />
vinifier les cuvées. Mais pour le jeune<br />
homme pressé, cela ne suffit pas. En 1990, à<br />
25 ans, il décide de racheter l’entreprise,<br />
« pour avoir les mains libres ». La maison<br />
compte alors une quarantaine d’hectares de<br />
vignes, réparties entre Hermitage, Saint-<br />
Joseph, Châteauneuf-du-Pape et un peu de<br />
Côtes Rôties. A cette époque, Chapoutier<br />
produit des vins de négoce, peu typés par le<br />
terroir. « Des vins puissants en alcool, marqués<br />
par le bois, que je n’aimais pas. Ce qui me<br />
gênait, c’est que je ne voyais pas l’identité de<br />
l’appellation et du terroir. Mais cela plaisait aux<br />
vieux clients historiques », raconte-t-il. Dès le<br />
rachat, il change tout : « Je crois que c’était<br />
l’inconscience de ma jeunesse. » Son obsession<br />
: retrouver la marque du terroir. Pour<br />
cela, il convertit dès 1990 tout son vignoble<br />
en agriculture biologique, Michel Chapoutier<br />
ne fait plus d’assemblage des parcelles d’une<br />
même appellation mais crée ses « sélections<br />
parcellaires », ce qui est aujourd’hui sa marque<br />
de fabrique. « L’assemblage bâillonne<br />
le terroir. Or je voulais que le terroir s’exprime<br />
à travers le vin. Pour cela, il fallait retrouver<br />
une microbiologie des sols, et l’agriculture biologique<br />
était le meilleur moyen. Car d’une<br />
parcelle à l’autre, le vin change<br />
radicalement », dit-il avec<br />
fougue. Ainsi pour ses parcelles<br />
d’Hermitage, il compte<br />
huit cuvées différentes produites<br />
à quelques milliers de<br />
bouteilles chacune. « Cela<br />
a été dur, on a perdu des clients historiques.<br />
Chaque mois, je me demandais si j’allais pouvoir<br />
assurer les salaires », continue-t-il.<br />
RHÔNE ET AUSTRALIE La chance lui sourit<br />
en 1991. Il décroche un 100 sur 100 chez<br />
Robert Parker, l’influent critique de vins<br />
américain. L’horizon se dégage. Le prix des<br />
vins Chapoutier s’envole. Pour autant, il ne<br />
succombe pas aux sirènes du succès et maintient<br />
une production limitée à ce que la vigne<br />
peut donner. Il passe de l’agriculture biologique<br />
à la biodynamie. Il rachète des vignes<br />
sur les grands terroirs du Rhône, se développe<br />
dans le Languedoc-Roussillon et en<br />
Australie. La maison Chapoutier s’agrandit<br />
au point de compter plus de <strong>20</strong>0 hectares de<br />
vignes, cultivées en biodynamie. Mais la<br />
philosophie n’a pas changé d’un pouce. Et le<br />
bonhomme continue de courir à toute<br />
vapeur aux quatre coins du vignoble.<br />
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et une partie de son domaine.<br />
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MAISON MICHEL CHAPOUTIER<br />
Superficie : 275 hectares.<br />
Cépages : syrah, grenache,<br />
marsanne, viognier.<br />
Cuvées : environ 50 en rouge,<br />
en blanc et en rosé.<br />
Production : 3 00 000 000<br />
de bouteilles par an.<br />
Michel Chapoutier<br />
18, avenue du Docteur Paul-Duran<br />
26 600 Tain-l’Hermitage<br />
www.chapoutier.com<br />
Tél. : 04 75 08 28 65<br />
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au cours de ces dernières années,<br />
des millésimes inégaux se succèdent.<br />
alors que <strong>20</strong>05 et <strong>20</strong>09 sont<br />
de grandes années, <strong>20</strong>06, <strong>20</strong>07 et<br />
<strong>20</strong>08 ont été plus irrégulières et<br />
seuls les bons vignerons s’en sortent.<br />
a commencer par ce Chablis <strong>20</strong>09<br />
du domaine Jean-Marc Brocard,<br />
à 11,90 € chez monoprix. Passé en<br />
agriculture biologique et épaulé par<br />
son fils Julien, l’homme de chablis<br />
signe un joli blanc, minéral et fruité,<br />
avec une belle structure en bouche.<br />
Parmi les bourgognes abordables,<br />
voici une belle découverte avec<br />
les colombière <strong>20</strong>09, une cuvée<br />
de pinot noir, sur fruit et longue en<br />
bouche, de l’appellation hautes-<br />
Côtes-de-Nuits, élaborée par<br />
le domaine Patrick hudelot ; ce vin,<br />
à moins de 9 € chez<br />
Wineandco.com, est un bon point<br />
de départ pour découvrir les<br />
bourgogne. Plus haut de gamme,<br />
en Beaune 1 er cru, celui proposé par<br />
monoprix est élaboré à Nuits-Saint-<br />
Georges, par le domaine Chantal<br />
Lescure, l’un des fleurons de la<br />
viticulture biologique en Bourgogne.<br />
mené de main de maître par son<br />
directeur, François chavériat, un fin<br />
vinificateur, ce beau et solide vin de<br />
garde vieillira magnifiquement :<br />
comptez 24,90 € chez monoprix.<br />
Et <strong>20</strong>09 étant un grand millésime,<br />
il n’est pas surprenant de retrouver<br />
ce Morey-Saint-Denis <strong>20</strong>09, Vieilles<br />
Vignes de chez Dominique Laurent,<br />
29 € chez Système u. S’il faut<br />
distinguer chez ce vigneron hors-pair<br />
les grands crus des appellations, qui<br />
ont plus de mal à supporter l’élevage<br />
en barriques neuves. on prend<br />
néanmoins beaucoup de plaisir avec<br />
cette bouteille structurée et<br />
gourmande. Plus délicat et fin,<br />
le Gevrey-Chambertin <strong>20</strong>08 du<br />
domaine Trapet, à 40,50 € chez<br />
Xo-vin.fr. un grand bourgogne,<br />
minéral et frais, aux antipodes du<br />
flacon précédent ! Il ne faut pas<br />
oublier les beaujolais. non pas le<br />
primeur, commercialisé le troisième<br />
jeudi de novembre, mais les<br />
appellations communales,<br />
grandioses, mais qui vivent dans<br />
l’ombre de la production médiatique.<br />
Si l’on veut se faire plaisir, voici le<br />
Morgon <strong>20</strong>09 Château des Jacques,<br />
propriété de la maison Louis Jadot<br />
à Beaune. une belle expression de<br />
gamay, sur le fruit, avec une belle<br />
structure en bouche et de la<br />
longueur. En prime, il vieillit<br />
admirablement : 9,95 € chez<br />
monoprix. autre beau flacon<br />
a découvrir, le Beaujolais-Villages<br />
<strong>20</strong>09, domaine de la Charnaise, de<br />
chez Dominique Piron, 10,90 € chez<br />
chateauonline.com.<br />
le Rhône n’est pas à oublier.<br />
car c’est sans doute la région où l’on<br />
peut se faire plaisir à moindre coût<br />
(comme dans la loire). a l’image<br />
de ce Côtes du Rhône Villages<br />
Cairanne <strong>20</strong>09, cuvée Peyre<br />
Blanche. un vin structuré et long<br />
en bouche, élaboré par le domaine<br />
Perrin et Fils et vendu 8,50 €<br />
chez monoprix. ou ce Coteaux de<br />
l’Ardèche <strong>20</strong>10, domaine des<br />
Granges de Mirabel, un vin élaboré<br />
par la maison de négoce de Michel<br />
Chapoutier, 7,50 € euros chez<br />
monoprix. Plus au sud, dans les<br />
Costières de Nîmes, Emmanuelle<br />
Kreydenweiss signe cette très belle<br />
cuvée Les Grimaudes <strong>20</strong>07, que<br />
l’on trouve à 7,95 € chez<br />
Wineandco.com. J. B.<br />
Sélection réalisée par<br />
LA REVUE DU<br />
VIN DE FRANCE<br />
luc manago<br />
28
Photos : Furax - armellephotographe.com<br />
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En Bourgogne le Climat ne désigne pas le temps<br />
qu’il fait mais le terroir. Un terroir unique, composé<br />
d’une multitude de parcelles. Parfois très modestes,<br />
mais si expressives !<br />
Le Chardonnay s’y cultive dans le respect du<br />
savoir-faire humain et du patrimoine naturel avant<br />
de révéler toutes ses nuances dans des vins blancs<br />
à l’expression aromatique unique.<br />
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la Négrette à froNtoN.<br />
Un drôle de zigue<br />
qui fait des vagues<br />
gaIllaC Haut en couleurs et travailleur, Patrice<br />
Lescarret vendange à la main ses vieilles vignes de<br />
Causse Marines. Sans cesser, depuis dix-neuf ans,<br />
de vouloir faire mieux, et plus propre.<br />
doMaINe de Causse MarINes<br />
superficie : 12 hectares.<br />
Cépages : syrah, duras, braucol,<br />
prunelard, jurançon mauzac,<br />
ondenc, loin de l’œil, muscadelle,<br />
sémillon et chenin.<br />
Cuvées : 13 en rouge, en blanc,<br />
et en liquoreux.<br />
Domaine de Causse Marines<br />
Patrice Lescarret et Virginie Maignien<br />
81140 Vieux<br />
www.causse-marines.com<br />
Tél. : 05 63 33 98 30<br />
30
31<br />
Par DIDIER ARNAUD (envoyé spécial)<br />
Photos LUC MANAGO<br />
C’est un anarchiste qui dessine<br />
des panneaux « interdit aux<br />
blaireaux » sur les étiquettes de<br />
ses vins. Un paysan qui appelle<br />
son bouledogue « Ducon » et<br />
donne du « Mes couilles » à son chat. C’est<br />
un homme qui ne mégote pas son temps<br />
pour sa vigne, arbore des traits tirés, sur<br />
chemise à carreaux et sandalettes. C’est un<br />
vigneron qui s’occupe largement avec douze<br />
petits hectares de vignes, sur lesquels prospèrent<br />
treize cépages qui ont pour noms<br />
« mauzac » « prunelard » et « loin de<br />
l’œil ». Patrice Lescarret est né dans le<br />
Médoc il y a cinquante ans. Il a toujours rêvé<br />
de s’installer sur les coteaux de Marcillac,<br />
dans l’Aveyron. Il a finalement atterri à<br />
Gaillac, dans le Tarn. Il en est à son dix-neuvième<br />
millésime. Son domaine s’appelle<br />
Causse Marines. Pour y parvenir, on emprunte<br />
des routes sinueuses qui traversent<br />
des coteaux brûlants. Le long de sa maison,<br />
une bâtisse du XIX e siècle avec des trous spécialement<br />
dédiés aux pigeons et retapée<br />
entièrement par ses soins, trône une table<br />
sous une petite tonnelle. Un frêne immense<br />
déploie son ombre. Les vignes descendent le<br />
long du coteau où coule Marines, le ruisseau.<br />
Quand il a posé ses valises dans cette<br />
région, Patrice a détonné. Personne ne faisait<br />
comme lui. Il ne voulait faire comme<br />
personne. Les autres l’ont regardé avec des<br />
yeux ronds comme des billes. Il était régisseur<br />
en Provence. Il travaillait chez Rimauresq,<br />
un cru classé. Un jour, comme il avait<br />
bien gagné sa vie et mis un peu de côté, il a<br />
décidé de voler de ses propres ailes.<br />
« Trouvé un banquier qui a fait son travail de<br />
banquier. » Et acheté les terres de ce paysan<br />
pour qui les vignes étaient un<br />
« bagne ». Depuis, il bosse. Sur ses vieilles<br />
vignes. Lorsqu’il prononce « vieilles », il<br />
faut entendre l’adjectif. Ses pieds de mauzac<br />
? 1928. Sa muscadelle ? 1932. Son<br />
duras ? 1942 ! « Chez nous, les vignes qui ont<br />
vingt ans, elles sont jeunes » marmonne<br />
Lescarret.<br />
PERFECTIONNISME Patrice n’aime rien<br />
mieux qu’emmener le visiteur arpenter ses<br />
rangs. Là, il explique comment il effeuille,<br />
pour laisser passer le soleil. Il raconte à<br />
l’infini la roche mère qui affleure, comment<br />
la vigne va chercher l’eau très loin,<br />
de quelle manière il ne lui donne rien<br />
comme aliment (on dit nutriment). On lui<br />
demande quelle est sa production il répond<br />
en riant : « Des rendements à ulcérer un<br />
Chilien. » Si on l’interroge sur le millésime,<br />
il explique qu’il ne sait pas bien ce que ça<br />
va donner. Cela n’a pas l’air d’être de la<br />
fausse modestie, mais en tout cas, il dit qu’il<br />
n’ar rive jamais vraiment à ce qu’il aurait<br />
voulu. Lescarret est un perfectionniste.<br />
Capable de vous entretenir des heures sur les<br />
gens qui trichent avec le bio, les labels… lui<br />
vendange son vignoble manuellement, prépare<br />
des « soupes » pour soigner sa vigne en<br />
biodynamie, fait venir des Bretons qui<br />
aiment son aventure et qu’il nourrit les dix<br />
« On peut faire bio sans avoir le cheveu<br />
long et fumer la moquette. »<br />
Patrice Lescarret<br />
jours que dure la récolte. Il limite « collage et<br />
filtration à leur plus simple expression ». Et<br />
conclut, dans sa plaquette ornée d’un clown<br />
qui louche : « On peut faire bio sans avoir le<br />
cheveu long et fumer la moquette ».<br />
Et puis il confesse aussi, doucement, ce que<br />
sa vigne lui a coûté. Un peu, beaucoup de<br />
vie de famille. En 1996, un soir de retour du<br />
printemps, au moment où il entend pour la<br />
première fois le chant du coucou, après une<br />
journée de labeur, son épouse l’accueille<br />
en l’engueulant, lui expliquant qu’il lui<br />
faudrait se consacrer un peu plus à ses<br />
enfants… « Elle ne comprenait pas le sens de<br />
mon travail », explique Patrice. Depuis, il a<br />
Patrice Lescarret, et une vue<br />
du domaine de Causse Marines.<br />
rencontré Virginie Maignien, diplômée de<br />
l’Essec, en rupture de ban avec la Réunion<br />
des Musées Nationaux. A 26 ans, elle a<br />
démissionné pour entreprendre des études<br />
viticoles à Beaune, et une nouvelle vie.<br />
C’est une connaissance commune, Jean-<br />
Paul Thévenet – l’un des papes de la biodynamie<br />
–, pour qui Virginie bricolait de<br />
temps en temps, qui les a rapprochés.<br />
Virginie a compris l’engouement de<br />
Patrice, d’autant qu’elle s’y<br />
est mise avec la même<br />
verve. Entre eux, c’est une<br />
« complémentarité ». Pour<br />
le vin, ils aiment à peu près<br />
les mêmes choses. Par contre,<br />
elle ne se résout pas à<br />
trouver la cuvée <strong>20</strong>09 potable. Elle était<br />
absente au moment de la vinification, pour<br />
cause d’accouchement d’Abel, un petit<br />
bout de chou, qui multiplie les allergies…<br />
un comble pour ses parents qui bossent<br />
tellement nature.<br />
EN TOUTE MODESTIE Autrement, Patrice<br />
Lescarret est un drôle de gars. Au déjeuner<br />
dans le bistro qu’il a monté avec un associé,<br />
il fait goûter du vin d’Anjou. Et chez<br />
lui, il ouvre un mousseux d’un copain. Ce<br />
doit être un bonhomme suffisamment<br />
délicat pour ne pas imposer au visiteur<br />
l’obligation d’un compliment.
Pierre<br />
Jancou,<br />
du bio dans<br />
la peau<br />
Restaurateur et amateur de vins<br />
« nature », Pierre Jancou vient de publier<br />
Vin Vivant, aux éditions Alternatives, où il<br />
dresse le portrait de quelques vignerons<br />
passionnés de nature. A lire et à tester<br />
dans son restaurant : Vivant, 43 rue des<br />
Petites-Ecuries, 75 010 Paris.<br />
Constatez-vous une curiosité accrue<br />
des consommateurs/gourmets,<br />
notamment chez Vivant, pour<br />
les vins « bio » ou « nature »?<br />
Oui, les gens sont de plus en plus<br />
conscients de ce qu’ils mangent et<br />
boivent. Les vins « bio »,« nature »<br />
et « vivant » sont en train d’exploser<br />
et depuis dix ans nous voyons vraiment<br />
les choses évoluer.<br />
Chez les vignerons « nature »,<br />
quelle est la part d’intérêt commercial<br />
pour le label AB, et celle de la<br />
conviction ?<br />
Cela dépend des vignerons. Certains<br />
le revendiquent, d’autres l’ont mais<br />
ne l’affiche pas, d’autres encore ne<br />
veulent pas en entendre parler ou<br />
n’ont tout simplement pas les moyens…<br />
Avantage et l’inconvénient<br />
du bio/nature ?<br />
Le premier avantage du bio, c’est<br />
qu’il s’agit du futur de l’homme,<br />
il faut revenir à la raison ! Sans parler<br />
du goût et de la santé. Pour le vin bio<br />
vinifié en « nature », on retrouve<br />
le vin de « fruit »,« vivant » et non<br />
le vin de « bois », technique, chimique<br />
et stérilisé… « mort » à mon sens. Et les<br />
inconvénients, je n’en vois pas dans le bio !<br />
Sinon que les vins « nature » sont fragiles<br />
quant aux températures, et doivent être<br />
stockés à une température contrôlée, de<br />
maximum 14°C, voire 12°C, dans l’idéal.<br />
Un terroir préféré ?<br />
J’aime les terroirs sauvages, anciens<br />
et ensoleillés… Ceux qui sont travaillés<br />
artisanalement, avec la main de l’homme.<br />
Une ou deux cuvées à conseiller ?<br />
Le Cotillon des dames <strong>20</strong>09 de Jean-Yves<br />
Peron en Savoie. Un blanc minéral<br />
et légèrement sur l’oxydatif, de cépage<br />
jacquère, léger en alcool, sans sulfites<br />
ajoutés, pas même à la mise en bouteille…<br />
et la Soula <strong>20</strong>09 de Ghislaine et Alain<br />
Castex, une pure grenache noir à Banyulssur-Mer,<br />
surplombant la Méditerrannée<br />
à 350 mètres d’altitude : un grand rouge<br />
« vivant » et éternel, qui est pour moi<br />
un « grand cru » du vin « vivant » même<br />
si il est classé en « vin de table ».<br />
Propos recueillis par<br />
FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />
CATHERINE HÉLIE / ÉDITIONS ALTERNATIVES<br />
Xavier Planty et, à droite,<br />
le vignoble vu depuis<br />
Château Guiraud.<br />
La folie douce<br />
du châtelain<br />
SAUTERNES En trente<br />
ans, Xavier Planty<br />
a redonné naissance<br />
aux cent hectares<br />
du château Guiraud,<br />
qui est désormais<br />
l’unique premier cru<br />
classé de Bordeaux<br />
certifié en bio. Et cela<br />
sous le regard méfiant,<br />
et peut-être envieux,<br />
de certains viticulteurs<br />
de la région.<br />
CHÂTEAU GUIRAUD<br />
Superficie : 100 hectares.<br />
Cépages : sémillon, sauvignon.<br />
Cuvées : 3 en blanc.<br />
Production : 100 000 bouteilles<br />
par an.<br />
Château Guiraud<br />
33 210 Sauternes<br />
www.chateauguiraud.com<br />
Tél. : 05 56 76 61 01<br />
Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />
Photos LUC MANAGO<br />
Dans le silence d’un<br />
après-midi d’été,<br />
l’homme, massif,<br />
s’avance entre les<br />
rangs de sémillon,<br />
un cépage de blanc.<br />
Il caresse les feuilles<br />
de sa main ample,<br />
admire leur couleur,<br />
s’extasie devant ses « hôtels pour<br />
insectes » plantés sur le domaine, où virevoltent<br />
guêpes et abeilles, mouches et coccinelles.<br />
Xavier Planty semble avoir grandi dans ces<br />
vignes de Sauternes. Il est pourtant arrivé ici<br />
presque par hasard, et en trente ans a<br />
reconstruit le château Guiraud, ses cent hectares<br />
de vigne et son parc arboré. Guiraud,<br />
premier cru classé de Sauternes, le voisinrival<br />
historique d’Yquem. Seul premier cru<br />
classé de Bordeaux certifié en agriculture<br />
biologique. Une folie pour certains voisins ;<br />
32
33<br />
un plan de communication, tranchent d’autres.<br />
Mais pour Xavier Planty, une nécessité.<br />
« Mon ancien chef de culture est mort d’un cancer<br />
foudroyant, juste avant de partir en retraite.<br />
Ça m’a anéanti. J’ai tout de suite compris d’où<br />
ça venait, des pesticides », lâche-t-il. Tout<br />
commence en septembre 1982. Xavier Planty<br />
vient de quitter un poste d’œnologue dans<br />
une propriété de Saint-Emilion pour s’évader<br />
vers la Provence. « Mais au dernier<br />
moment, mon projet n’a pas abouti et je me suis<br />
retrouvé à la rue, sans logement, avec ma femme<br />
et nos quatre enfants », raconte-t-il. C’est<br />
finalement son beau-père, le comte de Baritault<br />
du Carpia, qui l’héberge dans son château<br />
délabré, sans eau courante ni électricité,<br />
une vaste ferme nichée à Castillon de Castets,<br />
à quelques kilomètres de Sauternes (qu’il<br />
reprendra en 1998 pour en faire une ferme<br />
céréalière de 1<strong>20</strong> hectares, intégralement<br />
cultivée en bio : « C’est sportif, mais ça me<br />
permet de garder les pieds sur terre. »)<br />
Revenons à ce mois de septembre 1982.<br />
Un chasseur de tête lui déniche le poste de<br />
directeur technique à Guiraud, afin d’épauler<br />
le fils de Franck Narby, un armateur canadien<br />
qui vient de racheter le domaine un an<br />
auparavant. Le château est en ruine, le vignoble<br />
en très mauvais état, il faut tout<br />
reconstruire. Le courant passe si bien entre<br />
Franck Narby et Xavier Planty qu’en 1986, le<br />
propriétaire lui donne un mandat social et le<br />
« Le bio, c’est sportif, mais ça me permet<br />
de garder les pieds sur terre. »<br />
Xavier Planty<br />
propulse gérant du château, alors que le fils<br />
quitte le navire. « J’ai eu une chance incroyable<br />
avec cet homme », dit Xavier Planty. En<br />
cinq ans, il va recréer Guiraud, menant les<br />
opérations tambour battant sans éviter certaines<br />
erreurs. « Que je paye encore. A l’époque,<br />
je n’avais pas pris conscience qu’un<br />
environnement agricole était aussi un milieu<br />
écologique global », constate-t-il.<br />
Un jour, au milieu des années 1990, un marchand<br />
de produits phytosanitaires lui fait<br />
l’article d’un traitement miracle pour ses<br />
céréales, présenté dans une bouteille en aluminium<br />
brossé à 300 francs le litre. « Je me<br />
suis trouvé con. Je me suis dit : “Tu es prêt à<br />
payer 300 francs ce truc avec une tête de<br />
mort dessus et tu n’es pas foutu de vendre<br />
une bonne bouteille de Guiraud 60 francs.<br />
Quelque chose ne tourne pas rond !” » Très<br />
vite, avec sa femme, ils décident de convertir<br />
leur ferme en agriculture biologique : ce sera<br />
son laboratoire.<br />
LES HÔTELS À INSECTES A Guiraud, le<br />
décès de son chef de culture l’anéanti. En<br />
<strong>20</strong>00, Xavier Planty s’adjoint les conseils de<br />
Maarten Van Helden, chercheur sur la biodiversité<br />
dans le vignoble à l’Enita de Bordeaux<br />
(Ecole Nationale d’ingénieurs des travaux<br />
agricoles). Van Helden va l’aider à recréer de<br />
la biodiversité. Il plante six kilomètres de<br />
haies, enherbe certaines parcelles et installe<br />
des nichoirs, des ruches et même des hôtels<br />
à insectes, ainsi qu’une station d’épuration<br />
biologique pour traiter les eaux usées du<br />
vignoble. « Cette biodiversité a protégé la vigne<br />
contre les maladies. Si bien<br />
qu’en <strong>20</strong>04, on n’utilisait plus<br />
aucun insecticide », explique<br />
Planty. Mais cette même<br />
année, gravement malade,<br />
Franck Narby met en vente<br />
Château Guiraud. Ce qui<br />
freine la conversion. Les acheteurs ne se<br />
bousculent pas, malgré la réussite des vins.<br />
Dès lors, Planty comprend qu’il doit s’impliquer<br />
vraiment, d’autant qu’il possède quelques<br />
parts depuis 1986. Il appelle deux<br />
copains vignerons pour former un pool<br />
d’actionnaires : Olivier Bernard, le propriétaire<br />
du Domaine de Chevalier en Pessac-<br />
Léognan, et Stephan Van Niepperg, le<br />
propriétaire du château Canon la Gaffelière,<br />
grand cru classé de Saint-Emilion. Et à eux<br />
trois, ils réussissent à convaincre une quatrième<br />
personne qui va investir en majorité,<br />
Robert Peugeot. Ils rachètent Guiraud en<br />
<strong>20</strong>06. L’héritier du constructeur automobile<br />
adhère même à la conversion en agriculture<br />
biologique. Après trois années de conversion,<br />
Guiraud devient officiellement, fin <strong>20</strong>10, le<br />
premier cru classé de Bordeaux certifié<br />
en agriculture biologique.
Naturel<br />
à tout crin<br />
PAUILLAC Non loin de l’estuaire de la Gironde,<br />
Alfred Tesseron a hérité d’un domaine qu’il a<br />
converti en biodynamie et qu’il cultive avec quatre<br />
chevaux. Heureux d’avoir bravé bien des réticences.<br />
Par DIDIER ARNAUD (envoyé spécial)<br />
Ci-dessus, Alfred Tesseron,<br />
à droite, l’un de ses postiers Bretons.<br />
PHOTOS DIDIER ARNAUD<br />
Il s’absente de chez lui au moins<br />
quatre mois par an. Sillonne le<br />
monde entier, de foire en foire,<br />
pour présenter son vin. Au bout de<br />
trois jours, sa région lui manque.<br />
Alfred Tesseron raconte qu’il aime<br />
marcher avec son épagneul dans<br />
les vignes. Mais quand il reçoit, c’est dans<br />
une voiture électrique que cet homme, à la<br />
poignée de main franche, vous fait grimper.<br />
On se croirait en route pour le trou numéro<br />
huit d’un parcours de golf : « J’ai toujours<br />
emmené les gens dans les vignes, c’est là qu’est<br />
fait le vin, c’est elle qui compte. » On est dans<br />
le Médoc, l’estuaire de la Gironde est à deux<br />
pas. Le sol est de sable et de grave, il y a de<br />
petites maisons de pierre aux carrefours<br />
des chemins. Et soudain, un cheval. Alfred<br />
connaît le nom de chacun de ses postiers<br />
Bretons (une race de cheval très endurante),<br />
qui tirent un outillage approprié. Le retour<br />
aux vieilles manières n’est pas juste une<br />
question d’image. Les noms des chevaux ?<br />
Reine, Surprise, Opale et Kakou. Ceux-là<br />
labourent, enlèvent la terre. « Un cheval ne<br />
met jamais son pied au même endroit, il<br />
épargne le sol quand le tracteur l’écrase », dit<br />
Alfred, et casse moins de pieds de vigne.<br />
DOMAINE PONTET-CANET<br />
Superficie : 80 hectares.<br />
Cépages : cabernet, sauvignon,<br />
merlot, cabernet franc et petit verdot.<br />
Cuvées : 2 en rouge.<br />
Production : 300 000 bouteilles<br />
par an.<br />
Château Pontet-Canet<br />
33 250 Pauillac<br />
www.pontet-canet.com<br />
Tél. : 05 56 59 04 04<br />
Voilà ce qu’Alfred Tesseron, fils de Guy, a<br />
apporté à son château Pontet-Canet : une<br />
nouvelle façon de travailler (en biodynamie)<br />
et de manière plus traditionnelle, qui l’a,<br />
explique-t-il, « rapproché du vignoble ».<br />
Cette manière l’a « distingué », dans une<br />
région où marquer sa différence est une<br />
affaire bien délicate. On entend encore les<br />
ricanements de gens des crus voisins quand<br />
on leur parle de biodynamie, cette « lubie de<br />
parisiens ». On écoute avec circonspection<br />
ce Pauillacais anonyme rencontré dans un<br />
« Un cheval ne met jamais son pied<br />
au même endroit, il épargne le sol alors que<br />
le tracteur l’écrase. »<br />
Alfred Tesseron<br />
magasin parler du « nouveau marketing » de<br />
ce type de vins-là : « Beaucoup s’y mettent<br />
pour faire parler d’eux. » A Alfred Tesseron,<br />
tout ça ne provoque guère qu’un haussement<br />
d’épaules. C’est Jean-Michel Comme,<br />
le régisseur, qui lui a fait goûter son propre<br />
vin, le Chant des treilles, un petit vignoble<br />
près de Sainte-Foy-la-Grande, qui l’a<br />
convaincu de s’y mettre. « Il y avait une<br />
pureté dans son vin », dit Alfred Tesseron, qui<br />
lance alors à Jean-Michel : « On pourrait<br />
essayer de faire quelque chose d’identique ».<br />
Cette année-là, en 1994, Guy Tesseron, le<br />
père, est à la manœuvre. Pour évoquer sa<br />
mémoire, Alfred dit juste : « L’homme intelligent,<br />
c’est mon père ». Un peu plus tôt, lorsqu’Alfred<br />
s’essaie à la vendange verte, son<br />
père le bat froid. Alfred a écrasé les raisins<br />
– il mime avec sa chaussure – pas mûrs. Guy<br />
a vu jaune. Piétiner du raisin, pour un<br />
Charentais, c’est un crime, du gaspillage. Et<br />
surtout, une manière de prendre le pas sur le<br />
pas de son père. Alfred est passé en force :<br />
autrement il n’aurait pas osé. Il met le père<br />
devant le fait accompli et lui dit une fois sa<br />
première vinification effectuée : « Le mal est<br />
fait ». Alfred aurait dû être un enfant bien<br />
élevé. Il a serré les fesses et ça lui a bien<br />
réussi. Ce tournant lui attire les commandes,<br />
et les bonnes notes. Le redouté Parker, le<br />
critique américain dont les remarques<br />
font la pluie et le beau temps, lui a donné<br />
l’excellence. Mais le plus beau compliment,<br />
c’est celui que lui fit son père quand, ce mois<br />
de mars, il lui porte un échantillon de son<br />
premier bébé : « Je sais qu’il est bon, j’en<br />
ai déjà entendu parler. » Il faut envisager<br />
Pontet-Canet comme un endroit casse-gueule.<br />
BON VOISINAGE Avant les Tesseron, la<br />
famille Cruse était propriétaire du vignoble<br />
depuis cent cinquante ans. Nicole, la bellemère<br />
d’Alfred qui l’a élevé, avec sa fratrie,<br />
« comme une sainte », est issue de cette<br />
famille. Alfred lui doit tant qu’il a baptisé un<br />
chai de son nom. Lorsque les Cruse ont<br />
vendu le domaine, c’était au beau milieu<br />
d’une crise majeure que traversait leur<br />
entreprise et qui a touché, par extension,<br />
tout le Bordelais. Il y était question d’appellation<br />
vendue en Bordeaux générique, en fait<br />
« enrichie » de vins du Languedoc… Outre-<br />
Atlantique, la fraude a coûté beaucoup en<br />
terme d’image et a fait du mal à la famille.<br />
Mais cet épisode a été effacé des tablettes de<br />
l’histoire officielle. Ce qui, en revanche,<br />
n’est pas oublié en ce qui concerne Pontet-<br />
Canet (« seulement » cinquième cru classé),<br />
c’est la proximité de très grands crus comme<br />
le voisin Lafite Rothschild, un roi dans le<br />
coin. Un voisin à côté duquel il n’est pas<br />
mauvais de se faire remarquer. Outre toutes<br />
ces embûches, il faut encore compter sur les<br />
aléas du climat, et les risques du métier. En<br />
<strong>20</strong>04, une attaque de mildiou a forcé Alfred<br />
Tesseron à traiter sa vigne, mettant en péril<br />
son agrément bio. Il n’a pas dormi pendant<br />
des nuits, et cet épisode l’a visiblement marqué.<br />
Depuis, il maintient le cap. Content de<br />
faire quelque chose que les autres ne font<br />
pas. Après, il montre son chai – construit<br />
par Eiffel – explique le tri des grains, puis fait<br />
déguster son dernier millésime. Puissant,<br />
fortement structuré, mais un peu jeune.<br />
MAUVAIS NUAGE Plus tard, dans la cuisine<br />
du château où un chef se met en quatre pour<br />
servir à seulement deux convives, son<br />
patron et l’auteur de ces lignes, un repas<br />
délicat, Alfred a ouvert un millésime <strong>20</strong>03,<br />
un cru d’avant la biodynamie, sacrément<br />
rond et brillant. Une année particulière,<br />
caniculaire. Depuis dix ans,<br />
son vin s’arrache comme<br />
des petits pains. Lui joue<br />
l’étonné, le modeste, il met<br />
ça sur le compte du marché.<br />
« On a profité de cette vague,<br />
résume-t-il, mais c’est le fait<br />
de faire bon. » Le millésime <strong>20</strong>11 fut vendu en<br />
un quart d’heure, tant il était précédé de sa<br />
réputation. Le <strong>20</strong>10 se vend 110 euros, « dix<br />
fois moins cher qu’un grand cru », tempère<br />
Tesseron, qui rappelle que son principal<br />
associé c’est la nature. Il dit qu’un mauvais<br />
nuage peut tout lui faire perdre. Et, malgré<br />
son âge, conclut ainsi : « Je ne pense pas du<br />
tout que je suis arrivé. »<br />
34
35<br />
luc manago<br />
lIBÉraTIon, SAMEDi 4 JullIET <strong>20</strong>09 CuLTurE 37<br />
FOirES <strong>Aux</strong> vinS<br />
margauX, côTES DE caSTIllon, gaIllac…<br />
Au HiT PArADE<br />
DES FOirES <strong>Aux</strong> vinS,<br />
BOrDE<strong>Aux</strong> rEMPOrTE<br />
LA PALME. LA réGiOn<br />
rEPréSEnTE PLuS DE<br />
LA MOiTié DE L’OFFrE.<br />
Des centaines de châteaux et<br />
certains crus de légendes sont soldés<br />
au même prix, voire moins cher qu’en<br />
primeur. mieux, les enseignes<br />
spécialisées font jeu égal avec les<br />
grandes surfaces. ainsi, repaire<br />
de Bacchus, le réseau de cavistes<br />
Franciliens, donne rendez-vous à ses<br />
clients sur son nouveau site (www.<br />
lerepairedebacchus.com). cent<br />
trente vins y voient leurs prix remisés<br />
de 12 à 37 %. la cuvée Désirée <strong>20</strong>05<br />
clary du château Le Thil Comte de<br />
Clary, un Pessac-Léognan voisin<br />
de Smith Haut-lafitte, est proposé<br />
à <strong>20</strong> €. Toujours au repaire<br />
de Bacchus, on découvre ce très<br />
beau Margaux <strong>20</strong>06, Château<br />
Prieuré Lichine. a boire dans deux<br />
ou trois ans, ou à garder en cave,<br />
à 44 €. iDealwine, le site de vente aux<br />
enchères, offre de grands crus dont<br />
le grandiose Léoville-Barton <strong>20</strong>07<br />
pour 46 €. Plus abordable et toujours<br />
en Saint-Julien, le Pavillon de<br />
Léoville Poyferré, le second vin<br />
du château léoville Poyferré, est<br />
à 26,80 € chez nicolas. la région<br />
de Bordeaux produit encore peu<br />
de vins en agriculture biologique.<br />
mais casino vend un excellent<br />
Bordeaux <strong>20</strong>10, Château Joumes-<br />
Fillon, à seulement 3,95 €. autre<br />
cuvée à ne pas rater, le château<br />
Grand Corbin-Despagne, un cru<br />
classé de Saint-Emilion, tenu<br />
admirablement par François<br />
Despagne. c’est l’un des plus<br />
abordables crus classés de<br />
l’appellation, et l’un des meilleurs. Il<br />
est vendu 21,50 € chez Wineandco.<br />
ce site de vente par internet, basé<br />
à Bordeaux, offre une belle gamme<br />
de crus prestigieux à des prix<br />
maîtrisés. comme le plus célèbre des<br />
Haut-Médoc, Château Sociando-<br />
Mallet <strong>20</strong>08 à 24,90 €, ou ce<br />
Margaux <strong>20</strong>07, Château du Tertre<br />
à 26,10 €. ou, pour rester sur la rive<br />
gauche, Château Smith Haut Lafitte<br />
rouge <strong>20</strong>07 à 39,95 € (le tout chez<br />
Wineandco.com). De son côté,<br />
le réseau de cavistes nicolas met en<br />
avant les seconds vins de grands crus.<br />
une façon de tutoyer les crus classés<br />
sans se ruiner. Dont L’Oratoire de<br />
Chasse-Spleen <strong>20</strong>09, le second vin<br />
de château chasse-Spleen à 16,80 €,<br />
Les Tourelles de Longueville <strong>20</strong>07,<br />
second vin du célèbre pauillac<br />
château Pichon-longueville, à 30 €<br />
(chez nicolas). a ne pas manquer non<br />
plus, sur internet, le meilleur Côtes<br />
de Castillon qui rivalise avec les<br />
Saint-Emilion grand cru Château<br />
d’Aiguilhe <strong>20</strong>08, 16,65 € (Xo-vin.fr).<br />
Pour ceux qui cherchent un sauterne<br />
mythique, Château Climens <strong>20</strong>05,<br />
90,25 € (Xo-vin.fr). Et en blanc sec,<br />
un graves, propriété du célèbre<br />
œnologue Denis Dubourdieu, Clos<br />
Floridène La Pente <strong>Aux</strong> Alouettes<br />
blanc, à 19,32 € (lavinia). le sudouest<br />
est aussi présent avec de jolies<br />
découvertes comme le Sauvignon<br />
Daguet de Berticot <strong>20</strong>10, un côtes<br />
de Duras blanc vendu 3 € chez<br />
carrefour market, qui existe aussi<br />
en rouge, en millésime <strong>20</strong>09,<br />
au même prix. Il y a aussi ce<br />
magnifique Cahors <strong>20</strong>09, Cèdre<br />
Héritage Château du Cèdre, à 5,95 €<br />
chez Wineandco.com. Plus<br />
prestigieux, en Cahors <strong>20</strong>05, Les<br />
Laquets du Domaine Cosse-<br />
Maisonneuve, 24,90 € (iDealwine).<br />
Enfin, pour les amateurs de blancs<br />
liquoreux, on trouve le Monbazillac<br />
<strong>20</strong>07, Château de Larchere à 8,50 €<br />
chez lavinia, et le Gaillac <strong>20</strong>10,<br />
domaine Plageoles Brune d’Autan<br />
à 13,34 €. Toujours chez lavinia,<br />
le Jurançon <strong>20</strong>07, Domaine Bellauc<br />
La Divine, 25,39 €. a se damner. J. B.<br />
Sélection réalisée par<br />
LA REVUE DU<br />
VIN DE FRANCE
Champagne<br />
& alsaCe<br />
TrenTe-deux mille heCTares<br />
eT un suCCès planéTaire :<br />
voilà le desTin du<br />
Champagne eT de ses<br />
grandes maisons, ses Caves<br />
CoopéraTives eT ses<br />
propriéTaires réColTanTs.<br />
dans les vignes, Trois<br />
Cépages dominenT.<br />
le Chardonnay, le pinoT<br />
noir eT le pinoT meunier.<br />
l’alsaCe, elle, CompTe<br />
de nombreux peTiTs<br />
produCTeurs qui s’appuienT<br />
sur un ClimaT ConTinenTal<br />
pour élaborer de grands<br />
vins blanCs seCs eT<br />
liquoreux, grâCe aux<br />
Cépages riesling, pinoT<br />
blanC, sylvaner eT<br />
gewurzTraminer.<br />
Champagne Ingénieur agronome de formation,<br />
Jean-Baptiste Lécaillon réforme peu à peu Roederer,<br />
l’une des stars de Champagne. En appliquant une<br />
méthode scientifique, et bio, à son terroir.<br />
Le détenteur<br />
de la clé<br />
du sol<br />
Par jérôme baudouin<br />
Photos luC manago<br />
On ne se refait pas.<br />
Fils et petit-fils<br />
d’ingénieur agronome,Jean-Baptiste<br />
Lécaillon<br />
marche sur les<br />
traces familiales.<br />
Avec la même<br />
logique de pensée,<br />
vision des choses, méthode de travail. Il<br />
ne renie pas sa filiation et pourtant sait s’en<br />
détacher, cultiver une certaine indépendance<br />
intellectuelle, se construire une nouvelle<br />
approche viticole. « Aujourd’hui, dit-il, quand<br />
un jeune œnologue arrive chez Roederer, je lui<br />
demande de jeter ses livres et de réapprendre le<br />
travail. On ne peut pas faire de grands vins avec<br />
une œnologie et une agronomie standardisées.<br />
Pour faire grand, il faut repousser les limites. Et<br />
donc désapprendre et se réapproprier le vin par<br />
la dégustation et l’observation. » Jean-Baptiste<br />
Lécaillon parle avec un sourire au coin des<br />
lèvres. Il est le directeur général adjoint de<br />
Louis Roederer, l’une des plus prestigieuses<br />
maisons de champagne, la seule à avoir osé<br />
l’aventure de la viticulture en biodynamie,<br />
malgré sa taille : 2<strong>20</strong> hectares et trois millions<br />
de bouteilles produites.<br />
36
37<br />
DOMAINE LOUIS ROEDERER<br />
Superficie : 214 hectares.<br />
Cépages : pinot noir et meunier<br />
(135 ha) ; chardonnay (79 ha).<br />
Cuvées : 16.<br />
Production : 3 000 000 de bouteilles<br />
par an.<br />
Louis Roederer<br />
21, boulevard Lundy<br />
51 100 Reims<br />
www.champagne-roederer.com<br />
Tél. : 03 26 40 42 11<br />
Cette indépendance d’esprit vient peutêtre<br />
de son parcours. Certes, Jean-Baptiste<br />
Lécaillon est né à Reims, au cœur de la Champagne,<br />
mais il n’est pas issu du monde viticole,<br />
du sérail. Il avait bien quelques copains de<br />
collège qui « en étaient », comme le fils Krug,<br />
l’un de ses meilleurs amis. Mais sa rencontre<br />
avec le vin s’est faite au hasard d’un voyage en<br />
Bourgogne, au domaine Dujac. « Après avoir<br />
goûtécesvins,j’aisuquelmétierjevoulaisfaire. »<br />
Une fois obtenus ses diplômes d’agronome et<br />
d’œnologue, en 1988, il décide de partir à<br />
l’étranger, vinifier sur d’autres continents.<br />
« J’ai contacté les maisons de champagne qui<br />
possédaient des vignobles aux Etats-Unis ; c’est<br />
ainsi que j’ai rencontré Jean-Claude Rouzaud,<br />
le propriétaire de Roederer. » Entre les deux<br />
hommes l’entente est tellement immédiate,<br />
magique, que l’entretien dure des heures.<br />
Jean-Claude Rouzaud l’emmène dans le<br />
vignoble, lui montre chaque parcelle, lui fait<br />
goûter les vins. A la fin de la journée, il l’embauche<br />
et l’envoie aux Etats-Unis restructurer<br />
la production de méthode champenoise<br />
Roederer Estate, en Californie. Un an après,<br />
ce sera l’Australie où il reste trois ans et demi<br />
afin de créer un mousseux.<br />
ENTRE REIMS ET BORDEAUX Lorsque Jean-<br />
Baptiste Lécaillon revient à Reims en 1994, il<br />
est chargé du développement des vignobles.<br />
Mais il passe la moitié de son temps entre<br />
Reims et Bordeaux car Roederer vient<br />
d’acheter une propriété à Saint-Estèphe, le<br />
château Haut-Beauséjour, suivi par le château<br />
de Pez en 1996. « Ce passage à Bordeaux<br />
m’a permis d’avoir une vision plus qualitative de<br />
la production de raisin, et de rapprocher le<br />
vignoble de la cave. En Champagne, les achats<br />
de raisin et la distance des parcelles rendent<br />
moins évidente cette démarche. On est davantage<br />
dans une logique de marque », continuet-il.<br />
Et avec Jean-Claude Rouzaud, il renforce<br />
cette réflexion sur le terroir en Champagne.<br />
« Le meilleur moyen de gagner en qualité, c’était<br />
de mieux travailler nos sols. »<br />
Jean-Baptiste Lécaillon entame alors sa révo-<br />
lution intellectuelle. Fini la logique productiviste<br />
apprise à l’école. Roederer possède en<br />
propre 2<strong>20</strong> hectares de vignes, dont la plupart,<br />
plantées en pinot noir, sont situées en<br />
grand cru, sur les pentes de la montagne de<br />
Reims. Un trésor inestimable.<br />
En 1999, Lécaillon dirige à la fois le vignoble<br />
et la cave. Ce qui est rarissime en Champagne,<br />
où les grandes maisons préfèrent<br />
généralement travailler avec deux personnes<br />
différentes pour ces deux postes, et où, généralement,<br />
le chef de cave a primauté sur le<br />
chef de culture. Avec sa double casquette,<br />
Jean-Baptiste Lécaillon a le pouvoir de réformer<br />
Roederer. Il approfondit également son<br />
approche terroir en discutant avec des vignerons<br />
en biodynamie, comme Dominique<br />
Lafon. Mais la partie n’est pas facile. D’une<br />
« Je réfléchis à ce qui se passera après la<br />
viticulture bio et biodynamique, qui ont été<br />
des réponses à l’impasse du productiviste. »<br />
Jean-Baptiste Lécaillon<br />
part, le climat champenois n’est pas vraiment<br />
adapté. De l’autre, le vaste vignoble de<br />
Roederer ne se pilote pas comme un petit clos<br />
bourguignon. Et la biodynamie demande une<br />
forte implication personnelle. Si bien que<br />
Jean-Baptiste Lécaillon débute ses expériences<br />
sur deux hectares seulement. Avec sa logique<br />
Jean-Baptiste Lécaillon, et une partie<br />
de l’étendue du domaine Louis Roederer.<br />
scientifique, il échantillonne son périmètre<br />
d’expérimentation avec trois terroirs et trois<br />
cépages différents, mi-agriculture biologique,<br />
mi-biodynamie. « Au fil des ans, j’ai<br />
élargi ce protocole pour atteindre 26 hectares<br />
de vignes ; je crois que nous avons l’un des<br />
plus grands vignobles de Champagne cultivé de<br />
la sorte. Mais je ne veux pas être affilié à une<br />
chapelle. C’est pour cela que je ne me revendique<br />
pas biodynamiste. »<br />
BOULES D’ÉNERGIES Lors des dégustations,<br />
néanmoins, le résultat qualitatif ne s’est pas<br />
fait attendre. « On ne peut pas dire qu’entre le<br />
bio et la biodynamie, l’un est meilleur que l’autre.<br />
Mais en bouche, on découvre des vins qui sont<br />
des boules d’énergie, très structurés, avec une<br />
minéralité impressionnante. Si bien qu’il m’a fallu<br />
réapprendre à réaliser mes<br />
assemblages de cuvées. »<br />
Depuis quatre ans, il applique<br />
ce protocole dans les différentes<br />
propriétés appartenant<br />
à Roederer : châteaux<br />
de Pez et de Pichon Comtesse<br />
Lalande à Bordeaux, Ramos Pinto au Portugal,<br />
domaine Ott en Provence et aux Etats-<br />
Unis. « Je réfléchis désormais à ce qui se passera<br />
après la viticulture bio et biodynamique, qui ont<br />
été des réponses à l’impasse du productiviste. »<br />
En fait, dit il, « il reste à inventer l’avenir du<br />
vignoble, avec de nouvelles méthodes. »
Sur la bonne<br />
pente, depuis<br />
cinq siècles<br />
ALSACE Ces vignes escarpées ont leurs seigneurs,<br />
les Humbrecht, qui les cultivent en biodynamie<br />
de pères en fils. Rendements faibles, résultats sublimes.<br />
Par JACKY DURAND (envoyé spécial)<br />
Sur la route, lors d’une pause<br />
dans un winstub, on nous<br />
avait prévenu : « Vous allez<br />
chez des seigneurs. » Ce<br />
matin-là, à un kilomètre<br />
de Turckheim (Haut-Rhin),<br />
entre les contreforts des<br />
Vosges et la plaine d’Alsace, on cherche un<br />
point de repère dans l’immense frondaison<br />
vert tendre des vignes quand apparaît, sobre<br />
et élégant, l’édifice de béton brut qui signe<br />
la présence du domaine Zind-Humbrecht,<br />
40 hectares en biodynamie, 22 salariés et<br />
parmi les plus beaux vins d’Alsace. Le bâtiment<br />
est à l’image de son hôte, discret<br />
et impressionnant à la fois car Olivier<br />
Humbrecht et son fils (qui l’a dépassé…)<br />
doivent fricoter avec les deux mètres, à vue<br />
de nez. Mais dans la famille, on ne compte<br />
pas : ni les mots, ni le temps quand il s’agit<br />
DOMAINE ZIND-HUMBRECHT<br />
Superficie : 40 hectares.<br />
Cépages : riesling, gewurztraminer,<br />
pinot gris, muscat, pinot blanc,<br />
auxerrois, chardonnay et pinot noir.<br />
Cuvées : 22 en blanc et en rouge.<br />
Production : environ <strong>20</strong>0 000<br />
bouteilles par an.<br />
Domaine Zind-Humbrecht<br />
4, route de Colmar<br />
68 230 Turckheim<br />
Tél. : 03 89 27 02 05<br />
de raconter la vigne. Il faut dire que les<br />
Humbrecht font du vin depuis des lustres.<br />
Officiellement depuis le XVII e siècle mais<br />
peut-être bien plus longtemps si l’on se fie<br />
à une énigmatique pierre gravée avec les<br />
initiales IH (pour Isidore Humbrecht ?) et<br />
cette date, 1296.<br />
Il y a cinq siècles, à la sortie de la guerre de<br />
Trente Ans qui ravagea l’Alsace, les ancêtres<br />
des Humbrecht cultivaient la vigne en foule,<br />
autour de piquets à raison de <strong>20</strong> 000 à<br />
30 000 pieds à l’hectare – contre 7 500 à<br />
10 000 pieds aujourd’hui. Le cépage se<br />
nommait le knipperlé. Il a disparu dans les<br />
friches de l’oubli avant d’être retrouvé par<br />
hasard au milieu d’une vieille vigne dans le<br />
val de Villé. Les Humbrecht en ont replanté<br />
une cinquantaine de pieds, il y a une dizaine<br />
d’années pour l’observation, le savoir.<br />
LA PLEIADE DE PARCELLES C’est peu dire<br />
qu’on aime apprendre et se souvenir chez<br />
ces gens-là. Léonard Humbrecht, le père<br />
d’Olivier, a passé sa vie à la recherche des<br />
plus beaux terroirs, collectionnant ainsi une<br />
pléiade de parcelles magnifiques. « Moi, je<br />
suis tombé dedans sans m’en rendre compte »,<br />
raconte Olivier. Sa fille fait une formation de<br />
design, son fils va entrer dans la même école<br />
d’ingénieur en agriculture que son père à<br />
Toulouse. « J’essaie de lui montrer les bons<br />
mais aussi les mauvais côtés du travail du vig-<br />
« Notre compost était de la merde, à cause<br />
du fumier de lapin que l’on achetait : les<br />
animaux étaient bourrés d’antibiotiques. »<br />
Olivier Humbrecht<br />
neron. Si je vous emmène palisser [attacher les<br />
branches de la vigne, ndlr] par 35 °C comme<br />
aujourd’hui, vous allez découvrir la pénibilité du<br />
métier. En revanche, travailler le vin en cave,<br />
ça, c’est la partie plaisir. » Avec un diplôme<br />
d’ingénieur, un autre d’œnologie, Olivier<br />
est parti au milieu des années 80 effectuer<br />
son service national à Londres où il en pro-<br />
Olivier Humbrecht<br />
et une partie de son vignoble. PHOTOS DR<br />
fite pour préparer le « Master of wine ». En<br />
cinquante-cinq ans d’existence, trois cents<br />
personnes seulement ont décroché le<br />
« MW », où il faut à la fois faire preuve d’un<br />
savoir encyclopédique tout en dissertant sur<br />
le vin et enchaîner trois dégustations de<br />
douze crus chacune. « La première fois, je l’ai<br />
raté par manque de connaissance des vins du<br />
monde. J’ai pris trois mois pour faire le tour de<br />
la planète et découvrir des vignobles, entre<br />
autres dans l’Oregon. »<br />
LA VIGNE, UN ÊTRE VIVANT Ainsi pourvu,<br />
Olivier Humbrecht est rentré à Turckheim<br />
pour se frotter au… tas de fumier familial.<br />
Son père utilisait déjà de l’engrais bio en sacs.<br />
Ensemble, ils tentent de faire leur propre<br />
compost qui se révèle un affreux brouet<br />
puant l’ammoniaque. « Durant trois ans, c’est<br />
resté de la merde, explique Olivier. On a fini<br />
par comprendre que c’était à cause du fumier de<br />
lapin que l’on achetait : les animaux étaient<br />
bourrés d’antibiotiques. Et le compost stérilisé.<br />
» Olivier Humbrecht s’en va jusqu’au fin<br />
fond des Vosges chez un agriculteur pour<br />
dénicher un autre fumier<br />
qui, cette fois mélangé à son<br />
marc de raisin, lui donne un<br />
beau compost. « J’ai découvert<br />
que ce paysan-là travaillait<br />
en biodynamie. Je me suis<br />
dit qu’il fallait que j’applique<br />
cette démarche à ma vigne. »<br />
Entre sa culture d’ingénieur et les principes<br />
de la biodynamie définis par Rudolf Steiner<br />
en 1924, Olivier a trouvé une complémentarité<br />
qui lui permet d’aborder sa vigne comme<br />
un être vivant à qui il offre la meilleure vie<br />
possible. Chez lui, on laboure au cheval ou on<br />
pioche à la main pour ne pas tasser la terre ;<br />
on ne rogne pas la vigne, ni ne supprime de<br />
38
39<br />
raisins verts. Car pour éviter de telles opérations,<br />
tout est question d’équilibre entre ciel<br />
et terre, entre air et eau.<br />
En cave, dans cette belle crypte de béton<br />
brut où s’alignent les foudres de chêne qui<br />
vont de 600 à 10 000 litres, cela donne des<br />
instants magiques. Les Humbrecht travaillent<br />
sans nutriment ni ajout de levure lors de fer -<br />
mentations très lentes, et avec leur propre<br />
eau de source qui ne connaît pas le chlore.<br />
Leurs rendements tournent autour de 38 à<br />
40 hectolitres à l’hectare, quand la moyenne<br />
en Alsace est à 80 hectolitres. « Pour des vins<br />
de base, ce n’est pas forcément un problème.<br />
Mais pour des grands vins, il commence à y<br />
avoir une certaine dilution au-dessus du seuil<br />
des 50 hectolitres à l’hectare », affirme Olivier<br />
Humbrecht. Il a débouché l’un de ses vins,<br />
un Gewurztraminer Rangen de Thann Clos<br />
Saint-Urbain, grand cru de <strong>20</strong>09. De l’or en<br />
bouche que ce vin moelleux aux puissants<br />
arômes de rose et de litchi.<br />
PIERRE A FUSIL Le vigneron vous montre un<br />
morceau de la roche noire et volcanique<br />
extrêmement dure où le Gewurztraminer a<br />
commencé son histoire, sur les coteaux<br />
du Rangen. « C’est une terre extrêmement<br />
pauvre organiquement, mais très riche en éléments<br />
minéraux. Avec de tels vins, le terroir a<br />
parfois du mal à parler. Le Rangen, lui, est<br />
capable de dominer ces arômes en apportant<br />
un côté pierre à fusil. » Une gorgée de vin et<br />
l’on contemple sur une photographie les<br />
pentes extrêmement raides du Rangen, où le<br />
travail de la vigne n’est pas une mince<br />
affaire. « En terrain plat, un labour simple,<br />
c’est un jour ou un jour et demi de travail.<br />
Là-bas, c’est une charrue avec un treuil,<br />
quatre bonhommes et deux semaines de travail.<br />
» La qualité est à ce prix-là.<br />
Estelle Touzet,<br />
moins bio que<br />
dynamique<br />
Estelle Touzet, 30 ans, est la chef<br />
sommelier du Meurice (22, rue de Rivoli,<br />
75001), l’hôtel de luxe parisien qui abrite<br />
le restaurant du chef étoilé Yannick Alléno.<br />
Constatez-vous une curiosité accrue de vos<br />
clients pour les vins « bio » ou « nature » ?<br />
Oui, il y a une évolution de l’intérêt porté<br />
à ce type de vin. La demande existe, mais<br />
elle n’est pas systématique.<br />
Que pensez-vous de ces vins ?<br />
Vous savez, le terme « vin bio » n’existe<br />
pas à proprement parler, la mention<br />
« bio » ne concernant que la viticulture<br />
régie par un cahier des charges, et rien<br />
n’empêche le vigneron d’utiliser des<br />
produits chimiques lors de la vinification.<br />
Un vin « nature » ou « sans soufre ajouté »<br />
bannit quant à lui l’adjonction de soufre.<br />
Ces élaborations exigent des conditions<br />
de vinification, de transport et<br />
conservation très strictes. Car la moindre<br />
remontée en température, au-delà de 14°C,<br />
altère le vin. Et la « biodynamie » vise à<br />
limiter au maximum l’utilisation de<br />
produits chimiques ; je penche pour cet état<br />
d’esprit-là, qui me paraît le plus complet.<br />
Avez-vous ces vins à la carte du Meurice ?<br />
Il est difficile de répondre à cette question…<br />
Car beaucoup de vignerons adhèrent<br />
à un état d’esprit avant de rechercher<br />
la reconnaissance d’une certification.<br />
Chaque politique (bio, nature ou<br />
biodynamie) a pour but d’accéder à un<br />
mode de viticulture et de vinification<br />
le plus « naturel » possible, mais présente<br />
des limites, notamment ces fameux cahiers<br />
des charges qui ne correspondent pas<br />
toujours à la philosophie du vigneron ;<br />
du coup, certains vins ne reçoivent pas<br />
de certification car l’un des principes de<br />
certification n’a pas été ou n’a pas pu être<br />
appliqué, alors qu’une politique bio, nature<br />
ou biodynamique est menée par le<br />
vigneron. Voilà pourquoi on ne peut pas<br />
chiffrer combien de ces vins figurent sur la<br />
carte du Meurice. Mais une certitude : nous<br />
n’avons pas de vins « sans soufre ajouté ».<br />
Les avantages et inconvénients de ces vins,<br />
d’après vous ?<br />
L’avantage est l’assurance d’une<br />
intervention minimale de l’homme ;<br />
l’inconvénient reste les déviances<br />
aromatiques qui ne permettent pas<br />
d’assurer une qualité de produit constante.<br />
Quelle est votre région et/ou terroir préféré ?<br />
Le Berry, évidemment !<br />
Un ou deux vins que vous conseillez ?<br />
Les vins du domaine de la Vougeraie en<br />
Bourgogne, et les vins Josmeyer en Alsace,<br />
tous deux en biodynamie.<br />
Propos recueillis par<br />
FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />
MAURICE ROUGEMONT<br />
Signe d’exception<br />
L’ ABUS D’ ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ.<br />
À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.<br />
Disponible exclusivement chez les cavistes et sur les meilleures tables. www.champagne-billecart.fr
Du mauvais<br />
sort aux<br />
bulles en or<br />
CHAMPAGNE Françoise<br />
Bedel a découvert<br />
la biodynamie par<br />
le biais du destin,<br />
et de la médecine.<br />
Elle l’applique désormais<br />
dans ses vignes<br />
champenoises<br />
avec son fils Vincent :<br />
deux originaux<br />
en terre bourgeoise.<br />
Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />
Photos LUC MANAGO<br />
Dans ce paysage de vallons et de<br />
coteaux pentus qui est le sien,<br />
aux confins de la Marne, de<br />
l’Aisne et de la Seine-et-<br />
Marne, Françoise Bedel a fait<br />
de la viticulture une quête spirituelle. Pour<br />
comprendre son long cheminement, il faut<br />
revenir en arrière. Au début des années<br />
1990, elle est l’épouse d’un viticulteur de<br />
Crouttes-sur-Marne, son village natal, où<br />
ses parents eux-mêmes exercent le métier<br />
DOMAINE<br />
FRANÇOISE BEDEL ET FILS<br />
Superficie : 8 hectares.<br />
Cépages : pinot meunier (92%),<br />
pinot noir (8%) ; chardonnay (100%)<br />
Cuvées : 6.<br />
Production : 60 000 bouteilles par an.<br />
Françoise Bedel et Fils<br />
71, Grande-Rue<br />
02 310 Croutes-sur-Marne<br />
www.champagne-francoise-bedel.fr<br />
Tél. : 03 23 82 15 80<br />
de la vigne. Son mari est un adepte de la viticulture<br />
intensive et pour guérir son fils Vincent,<br />
qui souffre depuis la naissance de<br />
problèmes de santé, elle se tourne vers la<br />
médecine homéopathique et rencontre<br />
Robert Winer, un médecin qui l’initie aux<br />
médecines douces. « Il a été un véritable révélateur<br />
», raconte-t-elle avec émotion, si bien<br />
qu’elle lui a même dédié une cuvée millésimée<br />
1996 – un champagne savoureux, puissant,<br />
avec des notes de moka et de chocolat.<br />
Dès lors, Françoise Bedel suit son propre<br />
chemin. Sa vision de la viticulture n’est plus<br />
en rapport avec celle de son mari, ils se<br />
séparent et elle récupère la moitié du petit<br />
domaine, deux hectares.<br />
Mais à peine le divorce prononcé, son exmari<br />
est victime d’un grave accident de la<br />
circulation qui le plonge dans le coma pendant<br />
quatre mois. Ce qui la conduit à gérer<br />
seule, une année durant, les deux bouts de<br />
vignoble. Une période difficile. « J’étais à<br />
deux doigts de tout arrêter. Je ne voulais plus<br />
continuer la viticulture telle qu’on la pratiquait,<br />
de manière conventionnelle. Je ne supportais<br />
plus d’utiliser des produits chimiques, mais je<br />
ne savais pas vers qui me tourner. J’en ai parlé<br />
à mon œnologue qui m’a conseillé d’aller voir<br />
Jean-Pierre Fleury. C’était en 1996. » Fleury<br />
est alors l’un des rares grands vignerons de<br />
champagne converti en viticulture biodynamique.<br />
Il l’accompagne dans sa conversion<br />
et elle entre dans l’association Biodyvin, qui<br />
regroupe la fine fleur des vignerons français<br />
en biodynamie (Lalou Bize-Leroy, Marc<br />
Kreydenweiss, Anne-Claude Leflaive,<br />
Michel Chapoutier, Noël Pinguet). « A l’époque,<br />
je savais le champagne que je voulais<br />
élaborer, mais pas comment le faire. »<br />
LE SUPPLÉMENT D’ÂME Elle poursuit son<br />
chemin de vigneronne comme un pélerin en<br />
route vers Compostelle. En <strong>20</strong>01, alors que<br />
son fils poursuit des études viticoles en Bourgogne,<br />
elle l’emmène chez Anne-Claude<br />
Leflaive, la grande viticultrice de Puligny-<br />
Montrachet, pour une dégustation dans le<br />
cadre de Biodyvin. Une expérimentation :<br />
une parcelle partagée en deux, la moitié<br />
cultivée en bio et l’autre en biodynamie. « Ça<br />
a été une révélation », raconte Vincent. « Les<br />
deux vins dégustés à l’aveugle, étaient presque<br />
semblables, mais celui produit en biodynamie<br />
Françoise Bedel et son fils<br />
et ci-dessous, l’entrée de leur maison.<br />
dégageait une complexité, un supplément<br />
d’âme, qui m’a tout de suite convaincu de travailler<br />
comme ma mère », dit-il, encore ému.<br />
Finalement, en <strong>20</strong>03, il rejoint le domaine<br />
maternel. Mais dans ce terroir champenois<br />
« Je ne voulais plus continuer la viticulture<br />
telle qu’on la pratiquait, de manière<br />
conventionnelle. Je ne supportais plus<br />
d’utiliser des produits chimiques. »<br />
Françoise Bedel<br />
conservateur, l’idée qu’une femme puisse<br />
diriger avec succès un vignoble, qui plus est<br />
en biodynamie, en a heurté plus d’un. « Au<br />
début cela n’a pas été facile. Mais les choses ont<br />
changé. Certains voisins acceptent même que je<br />
cultive leurs rangs limitrophes en biodynamie »,<br />
dit-elle en riant. Françoise serait-elle devenue<br />
prosélyte ? « Non, je leur ai simplement<br />
expliqué qu’ils ne risquaient rien à essayer la<br />
biodynamie sur quelques rangs et ils ont<br />
accepté. » Ces champagnes<br />
expriment des arômes in-<br />
tenses et une puissance en<br />
bouche que l’on trouve rarement<br />
dans le champagne<br />
conventionnel. Avec son fils<br />
Vincent, Françoise Bedel<br />
réfléchit à aller plus loin<br />
encore, en délaissant le tracteur pour le<br />
cheval. Ce n’est encore qu’un projet. Mais<br />
cela lui permettrait d’être en osmose avec la<br />
nature et de creuser un peu plus le sillon<br />
qu’elle a dessiné depuis quinze ans.<br />
40
41<br />
luc manago<br />
FoiReS <strong>Aux</strong> VinS<br />
cHardonnay, rIESlIng, PInoT grIS…<br />
MêMe Si CeS VinS<br />
de FêTe SonT SouVenT<br />
PRoPoSéS en Fin<br />
d’Année PLuTôT qu’Au<br />
MoMenT deS FoiReS,<br />
de Be<strong>Aux</strong> FLAConS<br />
éGAyenT LeS LinéAiReS<br />
eT PeRMeTTenT de<br />
ReMPLiR SA CAVe AVAnT<br />
Le RuSH de déCeMBRe.<br />
ainsi, la cuvée brut de la maison<br />
Fleury Père et Fils, proposée à<br />
35,06 € chez lavinia. Jean-Pierre<br />
Fleury est l’un des artisans de<br />
l’émergence de la biodynamie en<br />
champagne et l’on n’est donc pas<br />
étonné de retrouver dans cette<br />
cuvée les arômes intenses qui<br />
signent son champagne maison.<br />
autre cuvée qui mérite le détour,<br />
le brut non millésimé Merveille<br />
de Zoémie de Sousa, à 22 € chez<br />
1855.com. un champagne floral,<br />
assemblage des trois principaux<br />
cépages de l’appellation :<br />
chardonnay, pinot noir et pinot<br />
meunier. autre belle découverte,<br />
le brut non millésimé nature Zéro<br />
dosage de chez drappier, vendu<br />
23,90 € chez idealwine. une rareté<br />
élaborée uniquement à partir de<br />
pinot noir. c’est un champagne vif,<br />
droit, aux notes de fruits blancs,<br />
comme la pêche. Enfin, pour ceux<br />
qui veulent se faire plaisir avec un<br />
champagne de prestige, la Grande<br />
Année <strong>20</strong>02 de Bollinger est<br />
indispensable. Sa bouche dense<br />
au goût puissant de raisin noir<br />
provoque toujours une grande<br />
émotion pour qui le goutte pour<br />
la première fois. chez Xo-vin.fr,<br />
le flacon est vendu 71,<strong>20</strong> €, bien<br />
moins cher que son prix<br />
de lancement. l’alsace propose<br />
aussi quelques belles cuvées<br />
de vignerons talentueux. Et cette<br />
année, monoprix et le site internet<br />
Wineandco.com proposent les vins<br />
les plus intéressants. a commencer<br />
par cet alsace pinot gris grand cru<br />
<strong>20</strong>09 du domaine Pierre et<br />
Chantal Frick (8,90 € chez<br />
monoprix). Pierre Frick est l’un<br />
des plus anciens militants de la<br />
viticulture biologique (depuis 1970)<br />
et biodynamique (depuis 1981).<br />
Son pinot gris grand cru est<br />
intense mais sans lourdeur. Pour<br />
ceux qui recherchent un beau<br />
riesling ciselé et droit, il ne faut<br />
pas hésiter face au Riesling<br />
d’Andlau <strong>20</strong>09 de Marc<br />
Kreydenweiss (11,95 € chez<br />
Wineandco.com), l’un des grands<br />
défenseurs de la biodynamie<br />
depuis vingt ans dans la région.<br />
ce vigneron de talent est un<br />
puriste du terroir. un peu plus<br />
cher, dans un autre style, plus<br />
épuré encore, voilà un alsace<br />
sylvaner <strong>20</strong>07, le Zind du domaine<br />
Zind Humbrecht, à 14,95 €,<br />
toujours chez monoprix. Ici,<br />
on retrouve la filiation avec les<br />
grandes cuvées signées olivier<br />
Humbrecht. certes, le sylvaner est<br />
un cépage moins prestigieux que<br />
le riesling, mais cela reste un plaisir<br />
de chaque instant. Et si l’on veut<br />
découvrir les grandes cuvées du<br />
géant Turckheim, Wineandco.com<br />
en propose deux. Le<br />
gewurztraminer Clos Windsbuhl<br />
est un vin moelleux mêlant à la fois<br />
des arômes de fruits complexes,<br />
de fleur et ce bel équilibre entre<br />
sucre et fruit. Il est vendu 44,50 €.<br />
Plus rare encore, car les<br />
rendements sont plus faibles, la<br />
sélection grains nobles <strong>20</strong>08<br />
gewurztraminer, Herrenweg de<br />
Turckheim Vieilles Vignes, blanc<br />
liquoreux rarissime et somptueux<br />
à prévoir pour les fêtes de fin<br />
d’année. Vendu en petites<br />
bouteilles de 37,5 cl, cela le rend<br />
plus abordable, à 35 € chez<br />
Wineandco.com. J. B.<br />
Sélection réalisée par<br />
LA REVUE DU<br />
VIN DE FRANCE
Loire<br />
LA Loire n’est pAs<br />
seuLement un fLeuve royAL,<br />
c’est Aussi LA coLonne<br />
vertébrALe qui A permis<br />
L’émergence et LA<br />
pérennité historique de<br />
ce vAste vignobLe <strong>Aux</strong> 68<br />
AppeLLAtions, épArpiLLées<br />
sur près de 600 kiLomètres.<br />
cette diversité de terroirs<br />
en fAit L’un des vignobLes<br />
Les pLus compLexes de<br />
frAnce, notAmment grâce<br />
à LA quALité de cépAges<br />
comme Le cAbernet frAnc<br />
et Le chenin, Les deux rois<br />
du vignobLe Ligérien.<br />
charly et nady foucault<br />
et l’entrée du domaine de clos rougeard.<br />
Anjou Ombrageux et fiers, Charly et Nady Foucault ont hérité de vignes<br />
déjà prestigieuses où s’expriment les cépages rois de la Loire, le chenin<br />
et le cabernet franc. Qu’ils ont réussi à sublimer encore par des méthodes<br />
à l’ancienne, et une maturation au cœur de la pierre.<br />
Chez les frères<br />
fougueux<br />
42
43<br />
Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />
Photos LUC MANAGO<br />
DOMAINE CLOS ROUGEARD<br />
Superficie : 10 hectares.<br />
Cépages : cabernet franc<br />
(9 ha) ; chenin (1 ha).<br />
Cuvées : 4 en rouge et en blanc.<br />
Production : <strong>20</strong> 000 bouteilles par an.<br />
Clos Rougeard<br />
15, rue de l’Eglise<br />
49 400 Chacé<br />
Tél. : 02 41 52 92 65<br />
Les frères Foucault. Inséparables<br />
Charly et Nady.<br />
Jean-Louis et Bernard<br />
de leurs vrais prénoms.<br />
Deux figures tutélaires<br />
de la haute viticulture<br />
ligérienne. Deux corps<br />
secs plantés au milieu<br />
des vignes du saumurois.<br />
Deux moustaches drues juchées sous<br />
deux paires d’yeux à la fixité inquiétante.<br />
Deux regards quasi-hypnotiques, qui nous<br />
transmettent la rectitude de leurs principes<br />
séculaires. Comme deux hommes d’une<br />
époque lointaine. Comme s’ils perpétuaient,<br />
jusque dans les moindres détails,<br />
une culture de la vigne initiée depuis huit<br />
générations sur le Clos Rougeard.<br />
Si les vins des frères Foucault sont mythiques,<br />
leur caractère est également légendaire.<br />
Combien d’amateurs se sont fait<br />
cueillir froidement par l’un d’eux en une<br />
phrase lapidaire, du style : « On n’a rien à<br />
vendre, ni à déguster. » Même Anne, la<br />
compagne de Nady, ne savait pas à quoi<br />
s’attendre la première fois qu’elle a rencontré<br />
les frères. « Quand j’ai dit à mon entourage<br />
que j’allais rencontrer les Foucault, on<br />
m’a prévenu qu’ils étaient terribles ! Mais<br />
ça fait dix ans que je vis avec Nady », lancet-elle,<br />
plutôt radieuse.<br />
Ici, rien n’a changé dans la façon de faire.<br />
Pas même les dix hectares toujours binés à<br />
« Cela fait vingt ans qu’on se fout de nous.<br />
Mais ça fait quarante ans qu’on est certifié<br />
en agriculture biologique. »<br />
Nady Foucault<br />
la main, comme autrefois. Un travail de<br />
bénédictin. Combien de voisins se sont moqués<br />
des Foucault pendant des décennies,<br />
parce que leurs vignes étaient labourées et<br />
que des brins d’herbe poussaient entre les<br />
pieds. Il est vrai que selon les canons de la<br />
viticulture intensive, le sol d’une vigne doit<br />
être net, plat, lisse comme du béton. « Cela<br />
fait vingt ans qu’on se fout de nous. Mais<br />
ça fait quarante ans qu’on est certifié en agriculture<br />
biologique. Mon père a été le premier<br />
vigneron de la région certifié, dès 1969. Du<br />
coup, on a des parcelles qui n’ont jamais vu de<br />
désherbant », lance, non sans une certaine<br />
fierté, Nady Foucault, celui des deux qui<br />
s’occupe de la partie commerciale, Charly<br />
étant l’exigeant vinificateur<br />
des quatre cuvées maison.<br />
« Aujourd’hui, le bio est à la<br />
mode, mais nous, on n’a rien<br />
changé », continue Nady.<br />
Ces deux inséparables,<br />
qu’aucune influence extérieure<br />
ne semble faire dévier<br />
de la voie qu’ils se sont tracée, entretiennent<br />
une relation intime avec la vigne. Une sorte<br />
de dialogue muet, végétal, avec le cabernet<br />
franc et le chenin. Comment expliquer<br />
autrement leur capacité à sublimer comme<br />
nul autre ces deux cépages rois de la Loire ?<br />
Leurs cuvées sont au sommet de la
viticulture mondiale, en blanc comme<br />
en rouge. Les trois rouges ont une capacité<br />
de vieillissement impressionnante, qu’il<br />
s’agisse des Poyeux, une cuvée issue de<br />
parcelles argilo-sableuses procurant un<br />
rouge ciselé, à la fois minéral et fruité, de la<br />
cuvée Le Bourg, provenant de sols calcaires,<br />
qui déploie de fantastiques arômes de fruits<br />
noirs et de violette, avec une fraîcheur éclatante,<br />
ou du Clos, la cuvée générique, assemblage<br />
des deux terroirs, qui est un vin rond,<br />
séduisant, aux notes épicées. Et que dire du<br />
blanc Brézé, issu d’une petite parcelle calcaire<br />
de 1,5 hectare, magnifiquement exposée.<br />
Il est sec tous les ans et parfois, lorsque<br />
le millésime le veut bien, devient un liquoreux<br />
si rare qu’il n’est pas commercialisé,<br />
mais laisse un souvenir indélébile dans la<br />
bouche de celui qui a eu la chance de le<br />
déguster, tout au fond, dans la cave troglodyte.<br />
L’antre de ces maîtres de la vigne.<br />
EN CAVE TROGLODYTE Pourtant, les gamins<br />
Foucault ne rêvaient pas de vins, eux qui<br />
devaient aider leur parents dans les vignes<br />
au lieu d’aller se baigner dans le Thouet,<br />
comme les copains. « Moi, je voulais être<br />
géomètre après mon BEPC, et Charly se destinait<br />
à travailler dans la chimie. C’est drôle. Et<br />
puis l’envie de faire du vin nous a rattrapée »,<br />
dit Nady. Dans les années 1960, leur père fait<br />
des échanges de barriques avec le château<br />
Grand-Pontet, un cru classé de Saint-<br />
Emilion. « Quand on ouvrait des Grand-<br />
Pontet 1964, ça nous faisait rêver… C’est ce<br />
qui nous a poussé à faire comme nos parents. »<br />
Du temps de leur grand-père, la réputation<br />
du Clos Rougeard est considérable. Leur vin<br />
est présent sur les tables étoilées d’aprèsguerre.<br />
Et le style est déjà là. Leur père et<br />
leur grand-père élevaient les vins près de<br />
deux ans en fûts, dans la fraîche cave troglodyte<br />
en tuffeau (une roche crayeuse typique<br />
de la Loire). Cet élevage signe encore la<br />
typicité des vins des Foucault ; leur soyeux,<br />
leur fraîcheur et leur précision viennent de<br />
cette lente maturation au cœur de la pierre.<br />
« Quand on a repris l’exploitation, nous avions<br />
une clientèle habituée à notre style de vin élevé<br />
en barriques. Et lorsque la mode est venue des<br />
vins élevés en cuve, nos clients n’ont pas eu plus<br />
envie de changer. On a simplement continué à<br />
faire ce que faisaient nos parents avant nous,<br />
parce que les clients suivaient », explique<br />
Nady. Ils ont ainsi échappé à la mode des<br />
vins de cuve légers, des rosés de Loire dénaturés<br />
par la clientèle britannique, et au<br />
productivisme ambiant. Ils ont suivi leur<br />
chemin sans bouger d’un iota. Traversant<br />
les modes comme les marins passent les<br />
tempêtes. Comme deux vieux ceps qui ne<br />
cèdent jamais.<br />
EN FAMILLE Alors que la retraite approche,<br />
la succession se préparerait-elle ? Les deux<br />
frères n’en sont pas encore là. Seul le fils<br />
de Charly, Antoine, pourrait reprendre les<br />
rênes. Mais il a créé son propre vignoble, le<br />
Domaine du Collier, toujours à Chacé, à<br />
cinquante mètres de son père et de son<br />
oncle. Les frères Foucault finiront peut-être<br />
par céder à la prochaine génération. Si bien<br />
qu’il n’en restera qu’un.<br />
DR<br />
Jeanne<br />
Galinié sur<br />
le bon versant<br />
Au marché des Enfants rouges, à Paris,<br />
Jeanne Galinié propose à Versant Vins,<br />
sa cave qui accueille désormais un minibistrot,<br />
environ <strong>20</strong>0 références, dont 80%<br />
de vins « nature », et 90 certifiés AB.<br />
Y-a-t-il un boum du bio ?<br />
Attention, il n’existe pas de vin bio<br />
pour le moment, que des vins « issus<br />
de raisins provenant de l’agriculture<br />
biologique ». Autrement dit, la vigne<br />
est bio mais il n’y a pas de règles dans<br />
la vinification. Je vends surtout des vins<br />
dits « nature » ou naturels, ce qui signifie<br />
des vignes et une vinification sans chimie.<br />
Depuis environ deux ans, j’ai de plus<br />
en plus de demandes pour ces vins-là.<br />
Au delà d’un effet de mode, les gens<br />
font attention à ce qu’ils ont dans<br />
leur assiette, et dans leur verre :<br />
on me pose beaucoup de questions<br />
sur les traitements des vignes, etc.<br />
Le bio, une philosophie ?<br />
Oui, le progrès c’est bien mais la chimie<br />
dans tout : non merci ! Le vin est le seul<br />
produit alimentaire dont la composition<br />
n’est pas indiquée. Les gens pensent qu’il<br />
n’y a que du raisin dans une bouteille de<br />
vin, alors qu’on peut y trouver plusieurs<br />
centaines de produits chimiques différents.<br />
Avantage/inconvénient du bio ?<br />
L’avantage, c’est qu’on connaît la<br />
provenance et le contenu du vin, mais c’est<br />
aussi son inconvénient majeur : le bio étant<br />
à la mode en ce moment, on trouve ce que<br />
j’appelle du « bio commercial », c’est-àdire<br />
du vin issu de raisins respectant le<br />
label AB (qui autorise uniquement l’emploi<br />
du soufre et du cuivre en traitement des<br />
vignes), sauf que ces vins contiennent des<br />
doses de soufre et de cuivre démentielles…<br />
Pour moi, le bio en soi n’a aucun intérêt ;<br />
il doit entrer dans une logique de respect<br />
et de conservation de la nature en général.<br />
Un terroir préféré ?<br />
J’ai un gros faible pour la Loire dont je suis<br />
originaire, c’est une région qui bouge côté<br />
vins bio et nature ces dernières années,<br />
notamment les vins du Loir-et-Cher.<br />
Un ou deux vins à conseiller ?<br />
Les vins Contés d’Olivier Lemasson,<br />
dans la Loire justement ; ou La Roche<br />
Buissière de Laurence et Antoine Joly,<br />
dans le Rhône, qui ont repris un domaine<br />
familial il y a une dizaine d’années et l’ont<br />
converti en bio ; j’ai vu leurs vins évoluer<br />
d’une manière incroyable à mesure que<br />
leur travail sur la vigne portait ses fruits.<br />
Propos recueillis par<br />
FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />
Versant Vins, 39, rue de Bretagne,<br />
75 003 Paris ; www.versantvins.com<br />
Nouvelle<br />
scène pour<br />
l’auteur<br />
baroudeur<br />
44
45<br />
MENETOU-SALON Philippe Gilbert, hier dramaturge à côté d’Olivier Py,<br />
a longtemps fui son destin d’héritier. Avant de l’assumer, enfin, avec bonheur.<br />
Par JACKY DURAND (envoyé spécial)<br />
Photos LUC MANAGO<br />
Ce vignoble-là n’a pas l’ostentation<br />
de la Bourgogne<br />
ou de l’Alsace. Mais allez<br />
savoir pourquoi, on est<br />
tombé amoureux du<br />
Menetou-Salon, un jour de<br />
vent de chaud et de blé<br />
mûr en plein Berry. En fait, si, après y être<br />
retourné, on sait pourquoi on a aimé d’emblée<br />
ces vignes choyées au milieu d’autres<br />
cultures, de prés et de taillis. Ici, à Menetou-<br />
Salon, il n’y a pas de hiérarchie dans l’horizon<br />
entre le raisin, le bocage et les labours.<br />
Mais le sentiment d’une symbiose entre la<br />
vigne et le reste du monde illustré par le<br />
propos d’un vigneron exigeant. « Je suis un<br />
DOMAINE PHILIPPE GILBERT<br />
Superficie : 27 hectares.<br />
Cépages : pinot (15 ha)<br />
et sauvignon (12 ha).<br />
Cuvées : 2 en rouge et en blanc.<br />
Production : de 1<strong>20</strong> 000 à 130 000<br />
bouteilles par an.<br />
Les Faucards<br />
18 510 Menetou-Salon<br />
www.domainephilippegilbert.fr<br />
Tél. : 02 48 66 65 90<br />
paysan », dit Philippe Gilbert, 42 ans, qui<br />
veille sur les vingt-sept hectares du<br />
domaine familial (quinze en pinot noir et<br />
douze en sauvignon) converti en culture<br />
biologique en <strong>20</strong>05 et en biodynamie en<br />
<strong>20</strong>07. La différence avec l’agriculteur ?<br />
« C’est la modernité de la seconde moitié<br />
du XX e siècle qui voulait que l’agriculteur<br />
ait réponse à tout. La vigne, pour lui, c’était<br />
tant d’hectares égale tant de récolte. L’agriculteur<br />
se veut rationnel, le paysan est en<br />
communion, en harmonie avec le vivant. Le<br />
paysan que je suis a besoin de la vigne alors que<br />
l’agriculteur peut, demain, passer du raisin<br />
aux pommes ou au maïs. »<br />
LES MUES Lors de la découverte de ce<br />
vignoble de 480 hectares planté sur des<br />
sédiments calcaires, Philippe Gilbert nous<br />
avait entraîné sur ses Treilles, une parcelle<br />
de vieilles vignes plantée moitié en pinot<br />
noir, moitié en sauvignon. On avait caressé<br />
les ceps de ses magnifiques cuvées Renardières<br />
élevées en barriques de chêne avant<br />
de contempler au loin les Aix-d’Angillon<br />
et d’évoquer la cathédrale de Bourges, à<br />
une vingtaine de kilomètres, sur l’horizon<br />
écrasé de chaleur. On avait entrevu dans le<br />
récit de ce vigneron aux allures de jeune<br />
homme posé les peaux anciennes d’une<br />
mue intense. Car Philippe Gilbert s’est rêvé<br />
casque bleu, a été dramaturge avant d’être<br />
désormais le paysan de ses vignes.<br />
Retour au point de départ : les Gilbert font du<br />
vin à Menetou-Salon depuis le XVIII e siècle.<br />
Le grand-père de Philippe fut l’un des pères<br />
fondateurs de l’AOC Menetou-Salon en<br />
1959. « Dès que je suis né, j’étais programmé<br />
pour être l’héritier. C’était une fatalité à fuir »,<br />
explique Philippe. Il se souvient qu’enfant,<br />
il contemplait la mappemonde de son<br />
école avant de se retrouver dans les vignes :<br />
« J’avais l’impression de me retrouver dans un<br />
entonnoir. J’étais tétanisé, j’avais envie de partir<br />
mais j’étais aussi dans la peine. » Philippe<br />
Gilbert fera donc l’Ecole supérieure de commerce<br />
de Lyon avec l’idée de pouvoir ensuite<br />
« tout faire. Vivre à l’étranger, vendre du Coca.<br />
Tout en ne tournant pas le dos à mes parents ».<br />
Mais il assiste dans le même temps à la chute<br />
du rideau de fer puis à la guerre dans l’ex-<br />
Yougoslavie et se dit que la vraie vie se lève<br />
à l’Est. Philippe part en Russie, officiellement<br />
pour étudier la finance, mais se nourrit<br />
tous les jours de Tchekhov et de Dostoïevski.<br />
En 1995, après la chute de Srebrenica, il<br />
entre de plain-pied dans la mobilisation des<br />
gens de théâtre pour la Bosnie à travers la<br />
déclaration d’Avignon puis la grève de la<br />
faim de la Cartoucherie. C’est ainsi qu’il<br />
rencontre le dramaturge Olivier Py, qui<br />
vient de mettre en scène la Servante de Claudel.<br />
Ensemble, ils écrivent Requiem pour<br />
Srebrenica. D’autres créations suivront,<br />
consacrées à l’Algérie, à la Palestine et la<br />
Philippe Gilbert,<br />
et la maison familiale.<br />
« A quoi ça sert de faire du vin par rapport<br />
à la transmission familiale ?»<br />
Philippe Gilbert<br />
Corée. Ainsi, Philippe Gilbert s’est donné les<br />
moyens de fermer la porte à Menetou-Salon.<br />
Jusqu’à ce que le domaine vienne le rattraper<br />
littéralement au ventre. « De temps à<br />
autre, j’avais des crampes d’estomac qui me<br />
clouaient au lit mais on n’y trouvait aucune<br />
cause. Jusqu’au jour où un médecin m’a<br />
dit : “Vos tripes sont en train de vous rappeler<br />
qu’il y a quelque chose de non résolu”.<br />
C’était Menetou. » En 1998, il revient au<br />
domaine comme gérant mais partage encore<br />
la moitié de son temps avec le théâtre. Le<br />
rapprochement avec la vigne se fait par touches<br />
avec la complicité de Jean-Philippe<br />
Louis, l’œnologue du domaine. Le père et<br />
le fils ont eu aussi beaucoup à se dire. « Mes<br />
problèmes d’estomac se sont évanouis, souffle<br />
Philippe. En <strong>20</strong>05, j’ai compris que ma vie<br />
s’était réorientée vers la vigne. »<br />
RÉSOLUTION La culture biologique et la<br />
biodynamie apparaissent comme le prolongement<br />
naturel de cet itinéraire singulier.<br />
« Je me suis demandé : “A quoi ça sert de<br />
faire du vin par rapport à la<br />
transmission familiale ? ” La<br />
réponse passait par la pertinence<br />
des sols que l’on cultive.<br />
La biodynamie permet à la<br />
vigne de chercher les moyens<br />
de se soigner elle-même. »<br />
Après trois ans de conversion, de « chahuts<br />
et d’émotions », la sérénité est venue à l’hiver<br />
<strong>20</strong>09 : « On a eu le sentiment que toute cette<br />
aventure nous remettait à l’endroit, de devenir<br />
des paysans. Aujourd’hui, j’ai la conviction<br />
profonde d’exprimer nos terroirs. » Et le théâtre<br />
? « C’est fini, ça a été une joie qui continue<br />
de me nourrir. Je me dis qu’il a fallu que je<br />
me donne les moyens de partir du domaine<br />
pour revenir l’aimer. »
FoireS <strong>Aux</strong> VinS<br />
cHEVERny, montlouIS, BouRguEIl…<br />
Cette Année, LeS VinS<br />
De Loire Sont DeS<br />
PéPiteS à DéCouVrir.<br />
iLS Sont réguLierS,<br />
PLAiSAntS CoMMe<br />
on LeS AiMe, à DeS Prix<br />
SouVent ABorDABLeS.<br />
Prenons ce Cheverny <strong>20</strong>09, Enclos<br />
du Petit chien, à 5,99 € chez<br />
Franprix, élaboré par Fabienne<br />
Angier raviche, une jeune<br />
vigneronne de 32 ans, dont<br />
ce Petit chien est le troisième<br />
millésime. un blanc complexe,<br />
avec des notes d’agrume qu’on ne<br />
se lasse pas de redécouvrir après<br />
le premier verre. mais les foires aux<br />
vins sont aussi l’occasion d’investir<br />
pour le vieillissement, dans des<br />
valeurs sûres. a l’image du<br />
Montlouis <strong>20</strong>09, domaine François<br />
Chidaine. un liquoreux<br />
à la fois puissant et complexe,<br />
nerveux. un flacon qui peut vieillir<br />
sans problème vingt ou trente ans<br />
dans une belle cave. on le trouve à<br />
<strong>20</strong> € sur le site internet 1855.com.<br />
autre alternative, le Montlouis<br />
<strong>20</strong>09, cuvée Singulier du domaine<br />
Lise et Bertrand Jousset, vendu<br />
19,80 € chez le caviste la-contre-<br />
Etiquette.com. autre blanc<br />
d’exception, toujours en touraine,<br />
un Vouvray <strong>20</strong>09, le clos du Bourg<br />
moelleux 1ère trie domaine Huet,<br />
vendu 38 € sur le site iDealwine.<br />
com. le domaine Huet fait partie<br />
des plus prestigieux crus de la loire,<br />
en biodynamie depuis une quinzaine<br />
d’années. ce blanc moelleux<br />
sublime et aérien produit des notes<br />
de truffes après quelques années.<br />
c’est un vin de très longue garde.<br />
autre grand domaine à ne pas<br />
manquer cette année, c’est la maison<br />
Alphonse Mellot, incontournable à<br />
Sancerre, passée depuis une dizaine<br />
d’années en agriculture biologique.<br />
Elle est présente chez monoprix<br />
avec son vin de pays des coteaux<br />
Charitois. la cuvée les Pénitents<br />
à 8,90 €, est un chardonnay<br />
séducteur et sur le fruit. En rouge,<br />
la cuvée les 100 boisselées du<br />
domaine Pierre-Jacques Druet,<br />
en Bourgueil, ravira les amateurs<br />
de vins rouges gourmands et<br />
fruités ; à 6,50 € chez 1855.com, cela<br />
devient un plaisir quotidien. Pour<br />
ceux qui cherchent un Bourgueil<br />
de garde, il faut se tourner vers<br />
le <strong>20</strong>09 du domaine Catherine et<br />
Pierre Breton, cuvée Epaulé Jeté<br />
à 11,<strong>20</strong> € chez lavinia. ce flacon<br />
encore jeune devra attendre<br />
quelques années pour délivrer<br />
toute sa complexité et ses saveurs.<br />
En anjou, Patrick Baudouin, l’un<br />
des grands faiseurs de liquoreux<br />
en Coteaux du Layon, exigeant<br />
avec ses cuvées, produit également<br />
un anjou rouge gourmand et<br />
équilibré, la cuvée ange Rouge,<br />
que l’on trouve à 12,23 € chez<br />
lavinia, le plus grand caviste<br />
de Paris, situé non loin de<br />
la place de la madeleine et qui vient<br />
d’ouvrir un nouveau magasin à la<br />
Défense. ce caviste vend également<br />
un excellent Muscadet-Sèvre-et-<br />
Maine du domaine Landron,<br />
la cuvée les Roches Vertes <strong>20</strong>10<br />
à 10,35 €. Il faut goûter les vins<br />
de ce domaine pour comprendre<br />
ce qu’est un très bon muscadet, loin<br />
des caricatures de vins blancs<br />
acides qui insultent le moindre fruit<br />
de mer. Ici on a affaire à un beau vin<br />
blanc, fruité, complexe, minéral.<br />
Enfin, il ne faut pas oublier<br />
que la loire est aussi une terre<br />
de vins pétillants de haute volée<br />
qui concurrencent souvent nombre<br />
de champagnes. a l’image<br />
de ce crémant de Loire brut<br />
du domaine de Bois Mozé, une<br />
méthode traditionnelle agréable<br />
et fruitée vendue à 7,55 € par le site<br />
Wineandco.com. J. B.<br />
Sélection réalisée par<br />
LA REVUE DU<br />
VIN DE FRANCE<br />
luc manago<br />
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Clair de Lune - Photos : L. Pascale<br />
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION<br />
V I G N O B L E S D E L A V A L L É E D U R H Ô N E