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FOIReS Aux VInS - Chapitre 20

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Nouvelles tendances<br />

Le vin<br />

grandeur<br />

nature Pour<br />

la première fois,<br />

« Libération » part à<br />

la rencontre de vignerons<br />

talentueux, indépendants,<br />

amoureux de leurs terres.<br />

Et propose, en partenariat<br />

avec « La Revue du vin<br />

de France », une sélection<br />

d’une centaine de bouteilles.<br />

Supplément à « libération » n o 9434 du 12 Septembre <strong>20</strong>11. ne peut être vendu Séparément.


ÉDITORIAL<br />

Par NICOLAS DEMORAND<br />

Cépages<br />

de gauche<br />

Parlons de vin, donc de culture et de<br />

politique. Trois cépages qui, assemblés,<br />

font en réalité un grand cru que la France a<br />

récemment appris à apprécier d’un œil neuf.<br />

L’année <strong>20</strong>04 fut à ce titre un millésime<br />

crucial, quand le film Mondovino de<br />

Jonathan Nossiter, présenté au Festival<br />

de Cannes, dévoila au grand public<br />

le puissant mouvement d’uniformisation et<br />

d’américanisation des vins. Le phénomène<br />

s’incarnait en une seule et même figure :<br />

Robert Parker, critique tellement puissant<br />

que des vignerons avaient fini par produire<br />

des vins taillés sur mesure pour lui<br />

complaire et décrocher de bonnes notes<br />

dans ses guides, leurs bouteilles atteignant<br />

du coup des prix stratosphériques sur<br />

le marché mondial. Les bordeaux étaient<br />

les plus touchés : d’un rouge profond,<br />

extrêmement charpentés et lourds, ils<br />

ressemblaient tous à une marmelade de<br />

fruits rouges aromatisée au bois de chêne.<br />

La « parkérisation » des vins triomphait<br />

en écrasant l’histoire, les terroirs, les savoirfaire<br />

anciens, et devenait un exemple<br />

particulièrement inquiétant des méfaits de<br />

la mondialisation. D’où, en retour, une prise<br />

de conscience de la fragilité de cet objet<br />

culturel qu’est, au même titre qu’un livre ou<br />

un film, une bouteille de vin. C’est aussi<br />

cette histoire que raconte notre supplément,<br />

conçu en commun par Libération et La<br />

Revue du vin de France : celle d’hommes<br />

et de femmes qui se battent pour prouver<br />

qu’un autre vignoble est possible. Plus<br />

authentique, plus naturel, plus personnel.<br />

Travaillé par de sérieux passionnés,<br />

de joyeux acharnés, de fiers enfants d’une<br />

histoire et d’une géographie dont le vin offre<br />

l’image la plus sensuelle. Leur combat<br />

entre en résonance avec celui d’une nouvelle<br />

génération de restaurateurs, eux aussi à la<br />

recherche d’une authenticité non pas<br />

patrimoniale, muséifiée, folklorisée, mais<br />

vivante et projetée vers l’avenir. Quant aux<br />

consommateurs, des Italiens du « slow<br />

food » aux « locavores » américains ou<br />

danois, en passant par tous ceux qui, chez<br />

nous, fréquentent les cavistes comme<br />

les salons à la recherche de bonnes<br />

rencontres, ils finissent par constituer<br />

une famille dont l’étendue dépasse de loin<br />

le cercle des alternatifs, des bobos ou des<br />

branchés. Chacun, dans le vignoble,<br />

vote comme il veut. Et les appartenances<br />

politiques des vignerons sont aussi<br />

complexes et imbriquées que les microparcelles<br />

bourguignonnes. Mais une chose<br />

est certaine. Comme le note le même<br />

Jonathan Nossiter dans Le Goût et le Pouvoir<br />

(Grasset), l’idée de terroir connaît<br />

aujourd’hui une mutation accélérée, et un<br />

basculement de la droite vers la gauche.<br />

Le capitalisme mondialisé est passé par là. A<br />

la recherche des plus vastes marchés possibles<br />

et d’une standardisation généralisée de la<br />

production, il en est venu à considérer les<br />

spécificités culturelles, viticoles, agricoles,<br />

comme autant de freins à son déploiement.<br />

Ce supplément vins défend d’autres<br />

valeurs et vous invite à vivre ensemble,<br />

entre amis, autour d’une bonne table et<br />

d’une bonne bouteille. Tout simplement.<br />

Retrouvez notre supplément sur<br />

Sommaire<br />

04 La nouvelle donne des vins de France<br />

les grands équilibres du vin ont changé. la prééminence du Bordelais n’a plus lieu<br />

d’être, alors qu’émergent des vignerons, jeunes et moins jeunes, travaillant « nature ».<br />

08 Les quatre chemins qui mènent au bio<br />

comment s’y retrouver entre les différentes, et subtiles, catégories de ceux<br />

qui travaillent autrement ? et aussi : zoom sur les pesticides, dont l’emploi diminue.<br />

12 Faites sauter le bouchon !<br />

une recension de rendez-vous dans toute la France à l’occasion des foires aux vins,<br />

ainsi que notre sélection de cavistes, restaurants, sites web et livres consacrés au vin.<br />

16 Languedoc, Roussillon, Provence & Corse<br />

chez olivier decelle, l’ex-industriel ; chez antoine arena, nicolas mariotti-Bindi, et<br />

muriel guidicelli, les apôtres du minéral ; chez dupéré-Barrera, les novices talentueux.<br />

24 Beaujolais, Bourgogne & Rhône<br />

chez mathieu lapierre, le fils de son célèbre père ; chez dominique laurent, le géant<br />

qui repère les meilleures parcelles ; chez michel chapoutier, qui a su bâtir un empire.<br />

30 Bordeaux & Sud-Ouest<br />

chez Patrice lescarret, qui n’a pas la langue dans sa poche ; chez Xavier Planty, pour<br />

sa douce révolution; chez alfred Tesseron, qui ose le cheval au bord de la gironde.<br />

36 Champagne & Alsace<br />

chez Jean-Baptiste lécaillon, le maître des bulles ; chez les Humbrecht, qui restent<br />

dans la bonne pente ; chez les Bedel, mère et fils, qui ont réussi à magnifier le destin.<br />

42 Loire<br />

chez les frères charly et nady Foucault, aussi ombrageux et moustachus que doués ;<br />

chez Philippe gilbert, l’ex-dramaturge qui a longtemps fui son héritage vigneron.<br />

PHoTo de une Par luc manago.<br />

www.liberation.fr<br />

11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03<br />

Tél. : 01 42 76 17 89<br />

Edité par la SARL Libération<br />

SARL au capital de 8 726 182 €<br />

RCS Paris : 382.028.199<br />

Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991<br />

Co-gérants :<br />

Nicolas Demorand et Philippe Nicolas<br />

Directeur de la publication et de la rédaction :<br />

Nicolas Demorand<br />

Directeur délégué de la rédaction :<br />

Vincent Giret<br />

Responsables du supplément :<br />

Françoise-Marie Santucci & Fabrice Tassel<br />

Rédaction : Didier Arnaud, Luc Dubanchet,<br />

Jacky Durand, Tiphaine Lévy-Frébault,<br />

Catherine Mallaval, Grégory Schneider<br />

et, pour La Revue du vin de France,<br />

Denis Saverot (directeur de la rédaction),<br />

Jérôme Baudouin et Sylvie Augereau<br />

Direction artistique : sheeno<br />

Edition : Isabelle Wesolowski<br />

Photographies : Luc Manago<br />

Rédacteur en chef technique :<br />

Christophe Boulard<br />

Fabrication :<br />

Graciela Rodriguez et Daniel Voisembert<br />

Impression :<br />

POP Membre de l’OJD-Diffusion Contrôle.<br />

CPPP : C80064. ISSN 0335-1793.<br />

Réalisé en partenariat avec<br />

la Revue du vin de France<br />

luc manago<br />

2


DÉCRYPTAGE<br />

La nouvelle<br />

donne des vins<br />

de France<br />

Depuis les années 70, la géographie du vignoble français s’est profondément<br />

modifiée. Le Bordelais voit sa suprématie battue en brèche, tandis<br />

qu’émergent de nouveaux vins, axés sur le terroir et le respect de la nature.<br />

Par DENIS SAVEROT ET<br />

FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />

Photos LUC MANAGO<br />

Ci-dessus, le clocher de Sauternes.<br />

C’est un monde que les<br />

plus de quarante ans ne<br />

peuvent pas reconnaître,<br />

tant les bouleversements<br />

ont été nombreux dans les<br />

us et coutumes du vignoble<br />

français, et sa géographie. Il<br />

y a trente-cinq ans, le vin était encore un<br />

aliment quotidien, parfois de piètre qualité,<br />

et acheté à la tireuse chez le caviste ou le<br />

vigneron pour des prix dérisoires. Il est<br />

aujourd’hui un produit culturel et identitaire,<br />

assimilé dans certains cas à l’univers du luxe.<br />

La flambée des prix des grandes étiquettes,<br />

les débats sur la standardisation du goût,<br />

notamment dans les bordeaux, et l’émergence<br />

des vins « nature » ont modifié l’approche<br />

du public. Qui court les foires aux<br />

vins, les bons conseils, les soirées dégustations<br />

et les cavistes de choix. C’est à eux,<br />

néo-consommateurs exigeants ou gourmets<br />

de toujours, que ce supplément réalisé<br />

conjointement par Libération et La Revue<br />

du vin de France s’adresse. Nos journalistes<br />

ont fait le tour de l’Hexagone à la rencontre<br />

de vignerons hors du commun,<br />

amoureux de leur terroir. Qui tous, une fois<br />

passé le côté bourru qu’ils partagent souvent,<br />

ont d’incroyables histoires à raconter<br />

au moment de faire visiter leurs vignes, et<br />

de déboucher une belle bouteille.<br />

Mais revenons aux événements qui ont<br />

profondément remanié le paysage<br />

4


Nespresso invente l’Édition Limitée durable…<br />

4949-FRse11Liberation Dhjana1 248x330.indd 1 05/09/11 17:31


Les cuves d’assemblage<br />

du domaine Michel Chapoutier.<br />

viticole hexagonal, et sa hiérarchie.<br />

Le prix des grandes bouteilles, pour commencer<br />

: c’est une fièvre financière qui<br />

s’est propagée aux grands noms de<br />

l’Hexagone, notamment dans le Bordelais,<br />

depuis 1990. Prenons le prestigieux<br />

1 er grand cru classé de Saint-Emilion, Château<br />

Cheval Blanc. Ce vin racé et élégant,<br />

distingué par sa proportion importante de<br />

cabernet franc, valait 1<strong>20</strong> francs (18 €) la<br />

bouteille en primeur en 1993 (prix professionnel).<br />

Puis 130 euros la bouteille en <strong>20</strong>01<br />

(le château avait, entre-temps, été racheté<br />

par les hommes d’affaires Bernard Arnault<br />

et Albert Frère). Puis 400 euros en <strong>20</strong>05,<br />

800 euros en <strong>20</strong>10. Soit un prix multiplié<br />

par 44 en seize ans. Au total, une hausse de<br />

4 300 % depuis 1993… Stratosphérique !<br />

VINS BODYBUILDÉS Face à cette inflation<br />

considérable, les amateurs se sont quelque<br />

peu détournés des bords de la Gironde, au<br />

point, pour certains, de cultiver un véritable<br />

désamour du Bordeaux. Il n’est pas rare de<br />

rencontrer des cavistes qui se font une gloire<br />

de ne plus en vendre (le Verre Volé ou la<br />

Cave des Papilles à Paris, par exemple). Et le<br />

« cas » Bordeaux s’alourdit encore d’une<br />

polémique autour de la standardisation du<br />

goût. C’est l’Américain Jonathan Nossiter,<br />

le réalisateur du documentaire Mondovino,<br />

qui avait lancé le débat : selon lui, soucieux<br />

de plaire à la critique internationale,<br />

notamment au « gourou » américain<br />

Robert Parker, les propriétaires bordelais se<br />

sont mis à produire des vins toujours plus<br />

puissants, plus expressifs, « bodybuildés ».<br />

Tarifs arrogants, nivellement gustatif :<br />

autant de déceptions qui poussent les<br />

consommateurs à s’aventurer vers d’autres<br />

horizons, à l’affût de sensations nouvelles,<br />

de débats stylistiques, de découvertes.<br />

La Bourgogne, par exemple, reste<br />

une terre de discussion et de confrontation.<br />

De la Côte de Nuits à la Côte chalonnaise,<br />

partisans et détracteurs des différentes<br />

techniques de vinification argumentent<br />

tout au long de l’année. Et le<br />

style de leurs vins affiche une réelle diversité<br />

: il y a un monde entre le gevreychambertin<br />

du domaine Dujac, issu de<br />

« C’est un tsunami financier qui a submergé<br />

les grands noms de l’Hexagone, notamment<br />

dans le Bordelais, depuis 1990. »<br />

vendanges entières, un vin à la couleur<br />

peu soutenue mais « tenu » par une superbe<br />

colonne vertébrale végétale, et ceux<br />

du domaine Denis Mortet, sombres, opulents<br />

et toastés, marqués par un élevage<br />

en bois neuf – des différences qui n’existent<br />

plus à Bordeaux...<br />

PRODUCTION « NATURE » Ainsi la complexité<br />

du vin explose partout en France,<br />

avec panache, vie et accidents compris<br />

(c’est le prix à payer quand on cherche à<br />

éviter l’industrialisation du vin), et soutenue<br />

par l’engouement des amateurs pour<br />

les cuvées bio, biodynamiques, « nature »,<br />

avec ou sans soufre (pour s’y retrouver<br />

dans cette authentique jungle, lire nos<br />

explications page 8). Ce désir de vins plus<br />

« propres » est nourrie par la préoccupation<br />

croissante du public pour les questions<br />

de bien-être. L’influence des<br />

pesticides et des agents chimiques de<br />

toutes sortes sur la santé de l’homme,<br />

notamment le développement des cancers,<br />

n’est plus un sujet tabou. Et dans ce<br />

domaine, la vigne se retrouve en première<br />

ligne, puisqu’elle absorbe 15 % des pesticides<br />

épandus sur les sols agricoles<br />

(76 000 tonnes au total en <strong>20</strong>08) alors que<br />

la viticulture ne représente que 2 % du<br />

total des surfaces cultivées… Et si l’Union<br />

européenne ne cesse de réduire le nombre<br />

de produits phytosanitaires autorisés (de<br />

700, ils sont passés à 300 en <strong>20</strong>08), il<br />

n’empêche : nombre de viticulteurs<br />

paresseux (ou étranglés par les dettes)<br />

n’en utilisent encore que trop, comme s’il<br />

s’agissait de remèdes miracles à la faible<br />

nocivité. Sauf qu’on est loin d’inoffensifs<br />

sirops ou de poudres de perlimpinpin !<br />

QUESTION D’ÉTIQUETTES Il faut dire que<br />

l’autre option, le travail « nature »,<br />

demande des muscles, de la sueur, et<br />

mieux encore : une dévotion presque<br />

totale, et souvent high-tech, à ses terres.<br />

Nombre de vignerons « nature » sont en<br />

effet des experts en œnologie et non des<br />

hurluberlus hurlant à la lune, et beaucoup<br />

disposent de chais flambants neufs. Cela<br />

dit, comment, chez un bon caviste, repérer<br />

un vin « bio » ou « nature » ? Un<br />

indice : parfois, surtout quand le domaine<br />

est jeune, les étiquettes sont drôles, privilégiant<br />

les dessins et les jeux de mots pour<br />

les noms de cuvées (ou alors la bouteille<br />

sera, au contraire, d’une épure très élégante).<br />

Là aussi, il s’agit de se démarquer<br />

du château bordelais « de papa » avec<br />

design rétro. Mais il peut y avoir, comme<br />

partout, de mauvaises surprises dans la<br />

galaxie « bio » : si certains travaillent proprement<br />

sans le mentionner sur la bouteille,<br />

d’autres mettent leur label en avant tout<br />

en élaborant, de manière quasi-industrielle,<br />

de mauvais vins trop dosés en chai, trop<br />

« verts » en bouche, trop âpres.<br />

CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE Mais le mouvement<br />

vers les vins bios paraît néanmoins<br />

profond, puissant, inexorable. La hausse<br />

des prix des grands domaines, ajoutée à<br />

l’uniformisation des goûts et à l’émergence<br />

d’une conscience écologique et<br />

politique (au sens large), redessinent la<br />

carte des vins de France. Dont les régions<br />

en pointe, la Loire, le Languedoc, le Jura,<br />

ne sont pas les plus emblématiques de la<br />

« tradition pinard ». C’est dans ces coinslà,<br />

où les terres sont moins chères et où<br />

s’installent de jeunes idéalistes, que sont<br />

tentées les expériences les plus<br />

concluantes. Des vignerons<br />

comme les frères Foucault<br />

à Saumur, Olivier Jullien<br />

en Languedoc, Antoine<br />

Arena en Corse, Guy<br />

Bossard en Muscadet ou<br />

encore Yvonne Hégoburu à<br />

Jurançon animent de véritables communautés<br />

d’inconditionnels. Car les aventures<br />

biodynamistes et les vins « nature » fascinent<br />

les esprits comme les papilles. Ce sont<br />

ces régions et ces méthodes-là que le public,<br />

à la recherche de vins issus d’une viticulture<br />

plus respectueuse de l’environnement,<br />

plébiscite aujourd’hui. Et avec fougue.<br />

Voilà notre sélection de vignerons et<br />

vigneronnes (pour laquelle nous avons parcouru<br />

la France), que nous vous invitons à<br />

découvrir. Ces artisans usent de méthodes<br />

parfois ancestrales, mais regardent droit<br />

devant. Bienvenue chez eux, dans l’art de<br />

leur amour pour la terre et toutes les couleurs<br />

de leurs divines bouteilles.<br />

6


Voici Dhjana, un Grand Cru entièrement<br />

issu de notre programme AAA * .<br />

Depuis <strong>20</strong>03, le programme Nespresso AAA Sustainable<br />

QualityTM* , en collaboration avec l’ONG The Rainforest<br />

Alliance, œuvre pour un engagement long terme avec les<br />

producteurs, afi n de proposer des cafés d’exception,<br />

améliorer leur qualité de vie, augmenter le rendement des<br />

* Le programme Nespresso AAA pour une qualité durable<br />

plantations et préserver le milieu naturel. 60 %<br />

de notre production de café vert provient de fermes<br />

associées au programme. Notre objectif : parvenir à 80 %,<br />

d’ici <strong>20</strong>13. Pour plus de renseignements, rendez-vous sur<br />

www.nespresso.com/dhjana<br />

4950-FRse11Liberation Dhjana2 248x330.indd 1 05/09/11 17:33


enquête<br />

Pour que le soleil puisse mieux<br />

atteindre les grappes, on pratique<br />

l’effeuillage.<br />

8


9<br />

Les quatre<br />

chemins qui<br />

mènent au bio<br />

En Alsace, en Corse ou dans la Loire, nombre<br />

de vignerons travaillent plus proprement pour<br />

préserver la richesse de leurs terroirs. Des<br />

« bio » aux « biodynamiques », des « nature »<br />

aux « inclassables » : à chacun sa méthode.<br />

Par SYLVIE AUGEREAU<br />

Photos LUC MANAGO<br />

Paris, 9 septembre <strong>20</strong>10,<br />

21 heures. A l’étage du<br />

Sombath, le plus tendance<br />

des restaurants thaï du VIII e<br />

arrondissement de Paris,<br />

Bérénice Lurton, la propriétaire<br />

de Climens, château<br />

star de l’élégance à Barsac Sauternes, se lève<br />

de table pour s’adresser à ses invités, une<br />

trentaine de journalistes du vin. Sur un ton<br />

solennel, la frêle châtelaine annonce : « Il<br />

se passe une révolution à Climens, notre<br />

vignoble est en conversion vers la culture<br />

biodynamique depuis deux ans ! ».<br />

Et Bordeaux n’est pas la seule région touchée<br />

par le phénomène. De telles annonces se<br />

propagent aujourd’hui de l’Alsace à la Corse.<br />

Dans un marché du vin plutôt atone, les<br />

cuvées dites « bio » affichent des ventes en<br />

progression. Après avoir beaucoup tardé, la<br />

viticulture de qualité se laisse séduire par<br />

une approche plus écologique du travail des<br />

sols et des vinifications. Reste à tenter de<br />

comprendre pourquoi. Citons d’abord les<br />

doutes sur la santé de l’homme. Lorsqu’on<br />

explique au consommateur que la viticulture<br />

absorbe extrêmement bien les pesticides<br />

(lire page suivante), il tousse. Et quand ce<br />

même consommateur apprend que ces pesticides<br />

sont associés par les scientifiques à<br />

des risques de maladies graves et qu’on les<br />

retrouve parfois, malgré la fermentation,<br />

dans le vin, il s’enrhume. Les préoccupations<br />

économiques comptent aussi. Plus<br />

demandés, les vins « bio » se vendent de<br />

plus en plus cher, ce qui est juste pour le<br />

vigneron car ce dernier, sans l’assistance<br />

des traitements chimiques, doit consacrer<br />

plus de temps à sa vigne. Et la planète ?<br />

Bizarrement, sa préservation semble peu<br />

compter dans les préoccupations des férus<br />

de « bio »... A vrai dire, dans l’émergence<br />

de ce phénomène « nature », il y a, peutêtre<br />

surtout, une envie de vrai vin.<br />

Prenez le guide vert des meilleurs vins de<br />

France, édité par La Revue du Vin de France :<br />

derrière chaque domaine doublement ou<br />

triplement étoilé se cache souvent une<br />

culture biologique. En Côte-d’Or, l’approche<br />

« bio » gagne du terrain, représentant 10%<br />

des surfaces de la vigne, soit plus du double<br />

de la moyenne nationale (4,6 %en <strong>20</strong>09) ! En<br />

Bourgogne, de grands vignerons dénoncent<br />

depuis longtemps la mort des sols à coups<br />

de traitements chimiques : « Le “ bio ” me<br />

semble inséparable de la production de vins de<br />

terroir », a reconnu Aubert de Villaine, co -<br />

gérant du domaine de la Romanée-Conti.<br />

En France, les organisations et syndicats<br />

professionnels (Fédération nationale interprofessionnelle<br />

des vins de l’agriculture<br />

biologique, Fnivab ; Fédération nationale de<br />

l’agriculture biologique, Fnab) n’ont pas<br />

réussi à élaborer une charte commune de la<br />

vinification biologique. Et au niveau européen,<br />

des divergences demeurent, notamment<br />

sur le taux maximal de soufre autorisé.<br />

Si bien que le vin biologique n’a pas<br />

d’existence officielle. Sont labellisés « les<br />

vins produits avec des raisins issus de l’agriculture<br />

biologique ».<br />

Reste pour le lecteur non initié à tenter de<br />

décrypter ce que contient cette galaxie<br />

« bio ». Quelles méthodes, quelles croyances,<br />

quels gestes se cachent derrière le mot<br />

« bio » ? En réalité on peut répartir ses<br />

partisans au sein de quatre familles de<br />

vignerons : les biologiques, les biodynamistes,<br />

les « nature » et les « sans-papiers »,<br />

c’est-à-dire ceux qui travaillent selon des<br />

préceptes « bio » mais sans le revendiquer<br />

administrativement. Attention toutefois :<br />

ces famil les ne sont pas exclusives les unes<br />

des autres. Ainsi, un vigneron aujourd’hui<br />

biodynamiste est forcément passé un jour<br />

par la case « biologique ». De même, un<br />

vigneron qui se déclare « nature » peut aussi<br />

être un adepte de la biodynamie.<br />

1/ LES PURS BIOLOGIQUES<br />

Les vignerons biologiques se définissent, au<br />

sens large, comme « respectueux des grands<br />

équilibres naturels ». Ils représentent la plus<br />

grande famille de la galaxie « bio ». Les<br />

« biologiques » renoncent aux pesticides,<br />

herbicides et produits de synthèse, et n’utilisent<br />

pour protéger la vigne que des éléments<br />

présents dans la nature comme le<br />

soufre et le cuivre. Les seuls traitements<br />

permis sont des produits de contact, lessivables<br />

par la pluie, qui ne pénètrent pas dans<br />

la plante (pas de produits systémiques). Ces<br />

vignerons veulent aussi réduire au maximum<br />

les doses de soufre dans la vigne lors<br />

des vinifications et de la mise en bouteille.<br />

La viticulture biologique (culture de la<br />

vigne) est régie par un cahier des charges<br />

européen. Mais la définition biologique du<br />

travail en cave est toujours discutée. Le vin<br />

« bio » n’a donc pas d’existence légale,<br />

seuls les raisins issus de l’agriculture biologique<br />

sont reconnus. Et le fameux sésame,<br />

le logo AB (Agriculture biologique) n’est<br />

« décerné » qu’à la quatrième vendange qui<br />

suit l’engagement en culture biologique<br />

(mais tous les domaines certifiés ne l’impriment<br />

pas sur leurs étiquettes). En cas<br />

d’accroc à la règle, par exemple un traitement<br />

par pesticides après une séquence pluvieuse,<br />

le vigneron retourne à la case départ.<br />

En France, cinq organismes certificateurs<br />

agréés par l’État (Ecocert, Qualité France,<br />

Agrocert, Certipaq, SGS) contrôlent les vignerons<br />

par des analyses de sols, de feuilles et<br />

de factures des produits utilisés.<br />

2/ L’ÉLITE BIODYNAMISTE<br />

Un vigneron biodynamique est d’abord, à<br />

coup sûr, un vigneron qui a la certification<br />

en agriculture biologique. Peu nombreux<br />

mais animés par une conviction forte, les<br />

biodynamistes vont plus loin que le label AB<br />

et s’efforcent de redonner à la plante et au sol<br />

un équilibre, une résistance et une vitalité<br />

déréglés selon eux par les traitements chimiques<br />

et répétés des sols et des végétaux. Pour<br />

cela, ils « dynamisent » la plante et son<br />

environnement (terre et air) en projetant à<br />

très petites doses des préparations issues de<br />

produits naturels (bouses de vache, cornes,<br />

silice, décoctions de plantes) et assemblées<br />

selon des méthodes complexes. Parce que<br />

ces substances sont administrées à la plante<br />

en fonction du cycle des astres, les vignerons<br />

biodynamistes sont régulièrement accusés<br />

par leurs adversaires d’ésotérisme…<br />

Les biodynamistes revendiquent plutôt un<br />

bon sens ancestral, évoquent l’influence<br />

connue de la lune sur les marées et les hommes,<br />

une volonté de réduire les doses de<br />

soufre et de cuivre, un progrès gustatif et<br />

aussi une philosophie de vie. Du côté de la<br />

certification, deux associations, Demeter et<br />

Biodyvin, contrôlent les domaines candidats<br />

et décernent le label biodynamique sur la<br />

base d’un cahier des charges drastique.<br />

Biodyvin compte 70 vignerons adhérents,<br />

Demeter réunit près de <strong>20</strong>0 domaines<br />

(actuellement, seuls 270 sont certifiés


Travail en chai.<br />

en France). Innovation récente, Demeter<br />

vient de définir un cahier des charges pour<br />

la vinification : la mention « Vin Demeter »<br />

s’appliquera dès le millésime <strong>20</strong>09 sur<br />

des cuvées qui n’ont été ni levurées, ni<br />

acidifiées, ni flash-pasteurisées. Et Biodyvin<br />

devrait bientôt se rallier aux critères établis<br />

par Demeter.<br />

3/ LES AVANT-GARDISTES « NATURE »<br />

Cette famille de vignerons est hostile à tout<br />

traitement chimique des sols (herbicides,<br />

fongicides, pesticides) et à toute adjonction<br />

de produits exogènes dans le vin lors de la<br />

vinification, de l’élevage et de la mise en<br />

bouteille. A la différence des biologiques et<br />

des biodynamistes, ils sont en particulier<br />

opposés à l’usage du soufre (SO2) en cave,<br />

lors des vinifications. C’est un fait : le soufre<br />

peut entraver l’expression du raisin à la<br />

dégustation. Et tous les producteurs rêvent<br />

de retrouver dans la bouteille l’éclat du fruit,<br />

la pureté, la transparence d’un vin goûté<br />

« Sans soufre, un vin est comme un produit<br />

frais qui doit être conservé à moins de 14°C<br />

afin d’éviter les déviations aromatiques. »<br />

avant la mise, sur fût, à la pipette. Seulement<br />

voilà, même aujourd’hui, malgré les progrès<br />

de la technique et de l’hygiène, il reste très<br />

difficile de se passer du soufre. Cet élément<br />

possède en effet des qualités radicales :<br />

non contents d’être antibactériens et<br />

antioxydants, les sulfites sont aussi de très<br />

bons conservateurs.<br />

A une époque où l’on demande aux tomates<br />

de rebondir, bien des revendeurs et des consommateurs<br />

exigent d’une bouteille qu’elle<br />

supporte les stations couchées dans les<br />

coffres de voiture ou bien qu’elle vieillisse<br />

harmonieusement deux ans dans un placard<br />

à la maison, dans une atmosphère surchauffée.<br />

Ce qui, sans adjonction de soufre lors<br />

des vinifications et à la mise, est presque<br />

impossible : dépourvu de soufre, le vin<br />

devient l’équivalent d’un produit frais, qui<br />

doit être conservé à moins de 14°C pour<br />

éviter les déviations aromatiques ou les<br />

reprises de fermentation.<br />

Pour cette raison, beaucoup de vignerons<br />

« nature » refusent de vendre ou d’expédier<br />

leurs vins en été. Ces vins doivent être<br />

dégustés avec précaution. La brutale exposition<br />

à l’air après l’enfermement dans<br />

le flacon peut les altérer : mieux vaut les<br />

laisser reprendre leur respiration. La carafe<br />

est de rigueur pour ces vins dits<br />

« vivants » : elle laissera s’échapper le gaz<br />

carbonique (reste naturel de la fermentation)<br />

que certains vignerons préservent pour<br />

se passer du SO2 antioxydant.<br />

4/ LES SYMPATHISANTS « SANS-PAPIERS »<br />

C’est l’un des paradoxes – et non des moindres<br />

– de la galaxie « bio » française. De très<br />

nombreux vignerons, parfois des figures<br />

emblématiques du mouvement « écolo »,<br />

travaillent selon les critères biologiques mais<br />

confessent ne pas être certifiés. Mieux, ils<br />

assurent ne pas avoir envie de l’être. Quels<br />

sont les motifs d’un tel comportement ? Il<br />

en existe au moins trois. Certains restent<br />

allergiques à la paperasse administrative et<br />

rechignent devant les formalités, les contrôles<br />

et le temps nécessaires à la certification<br />

« bio », et préfèrent s’en<br />

remettre à leur propre cahier<br />

des charges. D’autres veulent<br />

rester libres de traiter<br />

ponctuellement, à l’aide de<br />

produits chimiques modernes,<br />

une attaque de mildiou ou d’oïdium<br />

dans leurs vignes qui menacerait leur récolte<br />

(or le processus de certification en agriculture<br />

biologique ou biodynamique interdit<br />

tout recours aux traitements chimiques.<br />

Même après deux années en phase de certification,<br />

un vigneron qui traite chimiquement<br />

sa vigne perdra le bénéfice de son<br />

engagement et devra tout recommencer à<br />

zéro). De ce flou est issu un quatrième groupe<br />

de producteurs, les « sans-papiers ». Ils sont<br />

mus par une volonté farouche de ne pas<br />

entrer dans le système, et souhaitent garder<br />

leur indépendance. Il est vrai qu’un coup de<br />

tampon officiel ne suffit pas toujours à construire<br />

une réputation de « bio ». A l’inverse,<br />

de prestigieux domaines non certifiés sont<br />

reconnus « bio » par leurs pairs. Comme<br />

quoi, l’honnêteté et l’engagement peuvent<br />

encore remplacer le formalisme administratif.<br />

Ces vignerons panachent le plus souvent<br />

des méthodes de travail copiées au fil<br />

des rencontres et des expérimentations chez<br />

les « biologiques », les « biodynamistes »<br />

et les « nature ».<br />

UNE ALCHIMIE<br />

SANS CHIMIE ?<br />

La France est le premier consommateur de pesticides en<br />

Europe. Et les vignes les absorbent comme un buvard, même<br />

si la situation change vite grâce à l’expansion de la viticulture<br />

bio et la prise de conscience des consommateurs.<br />

Première consommatrice<br />

de pesticides en France, la<br />

viticulture est montrée du doigt<br />

depuis des années. Pourtant les<br />

choses évoluent rapidement. La<br />

viticulture française fait face à un<br />

étrange dilemme. Il lui faut d’un côté,<br />

assurer sa renommée de patrie des<br />

grands vins, cultivés sur des terroirs<br />

exceptionnels et vendus des<br />

centaines d’euros la bouteille<br />

à travers le monde, et, de l’autre,<br />

faire face à une réalité moins<br />

glorieuse : la consommation effrénée<br />

de produits phytosanitaires, qui<br />

tuent la microbiologie des sols et<br />

réduisent à néant cette « expression<br />

de terroir » chère aux appellations<br />

d’origine contrôlée.<br />

L’UTILISATION DE LA CHIMIE<br />

Avec 76 000 tonnes répandues<br />

sur son sol en <strong>20</strong>08, la France<br />

est le premier consommateur<br />

de pesticides en Europe. Et la<br />

viticulture est le secteur le plus<br />

« gourmand » du secteur agricole :<br />

si les vignes ne couvrent que 2 % des<br />

surfaces cultivées, elles consomment<br />

au minimum 15 % des produits<br />

phytosanitaires. Certes, ceux-ci<br />

permettent de prévenir les maladies<br />

de la vigne (oïdium, mildiou, etc.).<br />

Mais ils servent surtout à abaisser<br />

les coûts de production du raisin :<br />

le désherbage total par la chimie<br />

revient presque trois fois moins cher<br />

que le labourage des sols. Ainsi,<br />

les pesticides sont le symbole d’une<br />

viticulture intensive et à bas coût,<br />

loin des canons esthétiques des<br />

terroirs prônés par les AOC. Si<br />

les premiers traitements chimiques<br />

apparaissent au XIX e siècle,<br />

ce n’est qu’après la Seconde Guerre<br />

mondiale que leur usage se<br />

développe. A la fin des années 1960,<br />

une quarantaine de molécules est<br />

employée. Puis 100 dans les années<br />

1990, 130 en <strong>20</strong>00. Au fil des<br />

réglementations européennes, leur<br />

nombre tend cependant à diminuer<br />

depuis <strong>20</strong>00. Car les choses<br />

évoluent. Et vite, même. Il suffit<br />

de voir les analyses de traces de<br />

pesticides pour s’en rendre compte.<br />

« Depuis dix ans, les niveaux sont<br />

nettement plus bas qu’auparavant »,<br />

constate Stéphanie Ménager, chef<br />

du service chromatographie à<br />

l’Institut départemental d’analyse<br />

et de conseil (IDAC), un laboratoire<br />

public qui dépend du Conseil<br />

général de Loire-Atlantique et qui<br />

examine des milliers d’échantillons<br />

chaque année. Il existe une autre<br />

raison, naturelle celle-ci, à la baisse<br />

du taux de ces produits chimiques.<br />

Contrairement aux fruits et aux<br />

légumes, ingurgités la plupart du<br />

temps crus et dont les produits<br />

phytosanitaires sont directement<br />

assimilés par l’organisme, le raisin<br />

subit une métamorphose. Au cours<br />

de la fermentation, la transformation<br />

des sucres en alcool et<br />

l’environnement acide du moût va<br />

détruire 90% des pesticides du<br />

raisin (d’où leurs taux plus faibles<br />

que dans un fruit mangé cru). Dans<br />

le vignoble, les superficies de vignes<br />

conduites en agriculture biologique<br />

ont été multipliées par dix entre 1995<br />

et <strong>20</strong>10, passant de 4 850 ha<br />

à 50 260 ha. Même dans des régions<br />

réputées difficiles, comme le<br />

Bordelais, les choses évoluent. Des<br />

crus classés comme Pontet-Canet<br />

à Pauillac, Fonroque et Grand-<br />

Corbin Despagne se sont converti<br />

à la biodynamie. « Pour Sauternes,<br />

d’ici l’année prochaine, 10% de<br />

l’appellation devrait passer en bio »,<br />

rappelle Xavier Planty,<br />

copropriétaire de château Guiraud,<br />

le seul premier cru classé de<br />

Bordeaux certifié AB. Mais là où les<br />

choses ont bougé de manière plus<br />

spectaculaire encore, c’est chez les<br />

négociants et les grosses<br />

entreprises. Sur une étiquette,<br />

la mention AB fait vendre. Et<br />

les marques à grande diffusion,<br />

comme le négociant Gérard<br />

Bertrand ou la cave coopérative<br />

Cellier des Dauphins, n’hésitent plus<br />

à sortir des cuvées bio produites en<br />

grande quantité : ce qui fait des<br />

centaines d’hectares à cultiver ainsi.<br />

UNE EVOLUTION POSITIVE « Si<br />

on laissait la viticulture biologique<br />

entre les mains de micro-entreprises,<br />

cela voudrait dire que personne<br />

n’aurait les capacités financières<br />

de faire de la recherche sur le bio,<br />

qui resterait à un stade marginal »,<br />

explique le vigneron et négociant<br />

Michel Chapoutier, qui cultive<br />

depuis vingt ans 250 hectares de<br />

vignes en biodynamie (lire portrait<br />

page 27). « Cela marque aussi un<br />

retour vers la notion d’appellation,<br />

car en cultivant ainsi, on réactive<br />

la microbiologie des sols qui permet<br />

une meilleure typicité dans les vins,<br />

la fameuse notion de terroir, et c’est<br />

fondamental », dit aussi Chapoutier.<br />

Ainsi, la filière « bio » pourrait bien<br />

redorer l’image d’une viticulture<br />

dont l’excellence, et le goût, et le<br />

style, ont été ternis ces dernières<br />

années. Cette prise de conscience<br />

bio chez les consommateurs a<br />

confronté certaines appellations<br />

à une image embarrassante. Dans<br />

la Drôme, l’AOC coteaux du<br />

Tricastin, dont le nom est associé<br />

à la centrale nucléaire, a choisi en<br />

<strong>20</strong>10 de devenir l’AOC Grignan-les-<br />

Adhémar, et redorer ainsi l’image<br />

de vins réputés pour leurs arômes<br />

de lavande.<br />

Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />

10


Harmonies subtiles,<br />

arômes intenses et purs,<br />

mémoire millénaire<br />

des pierres…<br />

L’appellation<br />

Alsace Grand Cru<br />

signe 51 terroirs,<br />

en très grand.<br />

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION<br />

Liberation_suppVin_248x330_GC_PDF.indd 1 08/09/11 13:43


aGENda<br />

Faites sauter le bouchon !<br />

A l’occasion des foires aux vins, une sélection des<br />

rendez-vous à ne pas manquer... Et aussi la liste<br />

de nos bonnes caves, fines tables et livres enivrants.<br />

LEs fOIREs auX VINs<br />

daNs LEs hyPERmaRchés<br />

auchan, du 13 septembre au 1 er octobre.<br />

carrefour, jusqu’au 18 septembre.<br />

carrefour market, du 23 septembre<br />

au 9 octobre.<br />

casino, jusqu’au 17 septembre.<br />

cora, jusqu’au 29 octobre.<br />

Intermarché, du 14 au 24 septembre.<br />

E. Leclerc, du 21 septembre<br />

au 10 octobre.<br />

monoprix, jusqu’au 18 septembre.<br />

système u, du 13 septembre<br />

au 1 er octobre.<br />

Leader Price, jusqu’au 18 septembre.<br />

simply market, du 5 au 16 octobre.<br />

LEs fOIREs auX VINs<br />

suR LEs sItEs INtERNEt Et<br />

daNs LEs ENsEIGNEs sPécIaLIséEs<br />

chateauOnline.com, jusqu’au 2 octobre.<br />

Wineandco.com, jusqu’au<br />

3 octobre.<br />

Nicolas, jusqu’au 4 octobre.<br />

1855.com, jusqu’au 30 septembre.<br />

Idealwine.com, jusqu’au 26 septembre.<br />

XO-vin.fr, jusqu’au 2 octobre.<br />

La-contre-etiquette.com,<br />

jusqu’au 30 septembre.<br />

Le Repaire de Bacchus,<br />

jusqu’au 30 septembre.<br />

Vinotheque-bordeaux.com,<br />

jusqu’au 28 septembre.<br />

Lafayette Gourmet, jusqu’au 10 octobre.<br />

La Grande Epicerie de Paris,<br />

du 14 septembre au 8 octobre.<br />

La Vignery, jusqu’au 1 er octobre.<br />

LEs sOIRéEs sPécIaLEs « fOIREs<br />

auX VINs » daNs tOutE La fRaNcE<br />

autOuR dE tOuRs (37)<br />

Leclerc, à la Ville-aux-Dames.<br />

les 16 et 19 septembre à 17 h, sur<br />

invitation. Dégustations et animations.<br />

Zac des Fougerolles,<br />

37 700 la Ville-aux-Dames,<br />

tél. : 02 47 32 53 41.<br />

autOuR dE NaNtEs (44)<br />

Leclerc, à Rezé. le 13 septembre à <strong>20</strong> h,<br />

sur invitation à demander par e-mail<br />

(cave.oceane@scaouest.fr).<br />

la soirée dégustation sera animée<br />

par Jean-luc Pouteau, meilleur<br />

sommelier du monde 1983.<br />

cc océane, 10, rond-point<br />

de la corbinerie,<br />

44 400 Rézé, tél. : 02 51 11 51 11.<br />

autOuR dE ROuBaIX (59)<br />

auchan, à leers. le 16 septembre<br />

à partir de 18 h 30, sur invitation,<br />

au 03 <strong>20</strong> 45 41 32 ou par mail<br />

(cdumortier@auchan.fr). Durant cette<br />

soirée, des vignerons commenteront<br />

et feront déguster leur production.<br />

au 1, avenue de l’Europe, 59 115 leers,<br />

tél. : 03 <strong>20</strong> 45 41 41.<br />

autOuR dE LILLE (59)<br />

auchan, à anglos. le 14 septembre<br />

à 18 h 30 et le 16 septembre de 17 h<br />

à <strong>20</strong> h 30, sur invitation, à demander<br />

à l’accueil. Deux soirées de dégustation,<br />

avec Jean-Yves Béchet du château<br />

Fougas maldoror pour l’inaugurale<br />

et seize producteurs pour la seconde.<br />

cc les géants, Rn 352, 59 3<strong>20</strong> Englos,<br />

tél. : 03 <strong>20</strong> 08 40 00.<br />

LE haVRE (76)<br />

auchan, le 13 septembre sur invitation.<br />

les clients ont le choix parmi une<br />

quinzaine de références de seconds vins<br />

de Bordeaux <strong>20</strong>09. cc cap, avenue<br />

du Bois-au-coq prolongée, 76 6<strong>20</strong>,<br />

le Havre, tél. : 02 35 54 71 71.<br />

VaNNEs (56)<br />

Leclerc, le <strong>20</strong> septembre à 18 h 30, sur<br />

invitation. Dégustations organisées durant<br />

la soirée. Zc Parc lann, 56 000 Vannes,<br />

tél. : 02 97 46 60 40.<br />

NIORt (79)<br />

Leclerc, le <strong>20</strong> septembre à partir de 18 h,<br />

sur invitation. 10% de réduction sur tous<br />

les « Incroyables leclerc » lors de la soirée.<br />

Quatre producteurs présents, ateliers<br />

dégustations animés par un sommelier.<br />

cc Trente ormeaux, bd mendès-France,<br />

79 000 niort, tél. : 05 49 17 80 00.<br />

autOuR dE BORdEauX (33)<br />

carrefour market, à Pessac.<br />

le 29 septembre à partir de 19 h 30,<br />

sur invitation. Dégustations,<br />

notamment du château Pape clément,<br />

en présence de vignerons.<br />

au 2, avenue léon-morin, 33 600 Pessac,<br />

tél. : 05 56 36 33 92.<br />

luc manago<br />

12


IB-AP-Liberation248x330 29/08/11 11:23 Page 1<br />

www.amqconseil.com - photo : fotolia - gillet - cottin<br />

Aussi grands que leurs terroirs…<br />

mais trop bien élevés pour le dire.<br />

Brouilly<br />

Chénas<br />

Chiroubles<br />

Côte-de-Brouilly<br />

Fleurie<br />

Juliénas<br />

Morgon<br />

Moulin à Vent<br />

Régnié<br />

Saint-Amour<br />

Beaujolais-Villages<br />

Beaujolais<br />

www.beaujolais.com<br />

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION.


la winery, à arsac-en-médoc.<br />

Du 14 septembre au 9 octobre, la Winery<br />

se démarque avec une offre mettant en<br />

avant des vins qui ne sont pas que des<br />

bordeaux. Tous les vins du catalogue<br />

(100 références) sont proposés à la<br />

dégustation les week-ends. au rond-point<br />

des Vendangeurs, 33 460 arsac-enmédoc,<br />

tél. : 05 56 39 71 75.<br />

autour de toulouse (31)<br />

auchan, à Toulouse, le 14 septembre,<br />

sur invitation, avec des dégustations<br />

et des offres très riches en Bordeaux.<br />

chemin de gabardie, 31 <strong>20</strong>0 Toulouse,<br />

tél. : 05 61 26 73 00.<br />

leclerc, à Blagnac. le 14 septembre,<br />

sur invitation, une présentation de<br />

millésimes anciens. Zac du grand noble,<br />

2, allée Émile-Zola, 31 700 Blagnac,<br />

tél. : 05 62 74 74 74.<br />

PerPiGnan (66)<br />

leclerc, le <strong>20</strong> septembre à <strong>20</strong> h 30,<br />

sur invitation (réservé aux bons clients).<br />

Dégustation et cocktail dînatoire réalisé<br />

par le chef d’un restaurant<br />

gastronomique. Préparation de<br />

commandes pour 100 € d’achats, à retirer<br />

sur place. 2130, avenue du languedoc,<br />

66 000 Perpignan, tél. : 04 68 61 58 66.<br />

autour de MontPellier (34)<br />

hyper u, à agde, le 30 septembre<br />

à <strong>20</strong> h, sur invitation à retirer à l’accueil,<br />

avec remise de 10 % en caisse.<br />

la sélection met en vedette les vins<br />

« bio » et les crus de la vallée du Rhône.<br />

Boulevard maurice-Pacull, 34 300 agde,<br />

tél. : 04 67 01 06 80.<br />

salon-de-Provence (13)<br />

leclerc, le <strong>20</strong> septembre sur invitation.<br />

Dix stands seront animés par les cavistes.<br />

un tirage au sort est organisé pour gagner<br />

une cave à vins. Route de Pélissanne,<br />

cc les Viougues, 13 300 Salon-de-Provence.<br />

ManosQue (04)<br />

auchan, le 16 septembre à partir de 19 h,<br />

sur invitation, inscriptions à demander<br />

à l’accueil. Dégustations en présence<br />

de vignerons locaux. Route de Sisteron,<br />

04 100 manosque, tél. : 04 92 72 23 69.<br />

autour de lyon (69)<br />

leclerc, à Vienne. le <strong>20</strong> septembre,<br />

à <strong>20</strong>h30, sur invitation envoyée aux clients<br />

les plus fidèles. Près de 500 personnes<br />

sont attendues par les élèves de l’école<br />

hôtelière de Vienne. l’inauguration<br />

de la foire promet, avec des grands crus<br />

à la clé. chemin des lônes,<br />

38 <strong>20</strong>0 Vienne, tél. : 04 74 31 97 05.<br />

autour de diJon (21)<br />

leclerc, à Beaune, le <strong>20</strong> septembre<br />

à <strong>20</strong> h 45. lors de la soirée inaugurale,<br />

un parcours dégustation de quinze à vingt<br />

stands sera animé par les élèves du lycée<br />

viticole de la ville. Ils commenteront<br />

les vins servis avec des mets régionaux.<br />

Zac maladières, rue gustave-Eiffel,<br />

21 <strong>20</strong>0 Beaune, tél. : 03 80 22 72 25.<br />

autour de strasbourG (67)<br />

super u, à Eschau. le 1 er octobre jusqu’à<br />

22 h, réservée aux meilleurs clients.<br />

15% de remise à partir de 100 euros<br />

d’achat. au 25, rue du Tramway,<br />

67 114 Eschau, tél. : 03 88 64 91 92.<br />

et aussi : le salon des viGnerons<br />

indePendants<br />

a lyon, du 27 au 31 octobre, à la Halle<br />

Tony garnier. a reims, du 11 au<br />

14 novembre, au Parc des Expositions.<br />

a lille, du 18 au 21 novembre, au grand<br />

Palais. a Paris, du 24 au 28 novembre,<br />

porte de Versailles.<br />

où s’initier à la déGustation<br />

à Paris<br />

legrand filles et fils, 1, rue de la Banque (2 e ).<br />

Grain noble, 8, rue Boutebrie (5 e ).<br />

ecole du vin de Paris,<br />

48, rue Baron le Roy (12 e ).<br />

sur le web de libération<br />

Retrouvez l’intégralité de notre supplément<br />

le Vin grandeur nature sur www.liberation.fr.<br />

Avec, en bonus : un diaporama des régions<br />

visitées par le photographe Luc Manago ; la<br />

liste exhaustive des rendez-vous organisés<br />

en France à l’occasion des foires aux vins ;<br />

les conseils de quelques personnalités ; et<br />

enfin, pour s’y retrouver dans le vocabulaire<br />

qui décrit le travail de la vigne et du chai, un<br />

dictionnaire très complet des mots du vin.<br />

luc manago<br />

notre sélection de cavistes<br />

à Paris<br />

lavinia, 3-5 bd de la madeleine (1 er ).<br />

legrand filles et fils, 1, rue de la Banque (2 e ).<br />

versant vins, 39, rue de Bretagne (3 e ).<br />

chapitre <strong>20</strong>, 8, rue Saint-Paul (4 e ).<br />

caves augé, 116, bd Haussmann (8 e ).<br />

lafayette Gourmet, bd Haussmann (9 e ).<br />

cave de l’insolite,<br />

30, rue de la Folie-méricourt (11 e ).<br />

les domaines qui montent,<br />

136, bd Voltaire (11 e ) et 26, bd Diderot (12 e ).<br />

la cave des papilles, 35, rue Daguerre (14 e ).<br />

Ma cave, 105, rue de Belleville (19 e ).<br />

notre sélection de restaurants<br />

à Paris<br />

spring, 6, rue Bailleul (1 er ).<br />

les enfants rouges, 9, rue de Beauce (3 e ).<br />

les Papilles, 30, rue gay-lussac (5 e ).<br />

il vino, 13, bd de la Tour-maubourg (7 e ).<br />

senderens, 9, place de la madeleine (8 e ).<br />

vivant, 43, rue des Petites-Ecuries (10 e ).<br />

le verre volé, 67, rue de lancry (10 e ).<br />

le Marsangy, 73, avenue Parmentier (11 e ).<br />

le dauphin, 131, avenue Parmentier (11 e ).<br />

le bistrot Paul bert, 18, rue Paul-Bert (11 e ).<br />

le Jeu de quilles, 45, rue Boulard (14 e ).<br />

Quedubon, 22, rue Plateau (19 e ).<br />

la boulangerie, 15, rue des Panoyaux (<strong>20</strong> e ).<br />

le baratin, 3, rue Jouye-Rouve (<strong>20</strong> e ).<br />

QuelQues restaurants<br />

en Province,<br />

Par luc dubanchet, de « next »<br />

centre<br />

caves 47, 47, avenue de la Tranchée,<br />

37 000 Tours.<br />

les becs à vin, 262, rue de Bourgogne,<br />

45 000 orléans.<br />

la cave saint-lubin, rue du Soleil d’or,<br />

28 000 chartres.<br />

vino vini, 10, place Rabelais,<br />

49 130 les Ponts-de-cé.<br />

Provence<br />

vinivore, 32, avenue de la République,<br />

06 300 nice.<br />

la Part des anges, 33, rue Sainte,<br />

13 001 marseille.<br />

le Zinc d’hugo, 22, rue lieutaud,<br />

13 100 aix-en-Provence.<br />

chez ariane, 2, rue du Docteur-Fanton,<br />

13 <strong>20</strong>0 arles.<br />

rhone / beauJolais / bourGoGne<br />

le Georges v, 32, rue du Bœuf,<br />

69 005 lyon.<br />

la cachette, 16, rue des cévennes,<br />

26 000 Valence.<br />

le 126, 126, rue Sèze, 69 006 lyon.<br />

le carré d’alethius, 4, rue Paul-Bertois,<br />

07 800 charmes-sur-Rhône.<br />

le comptoir des tontons, 22, rue<br />

du faubourg madeleine, 21 <strong>20</strong>0 Beaune.<br />

le carafé, 15, rue Saint-nizier,<br />

71 000 mâcon.<br />

alsace / chaMPaGne<br />

le bistro des saveurs, 5, rue de Sélestat,<br />

67 210 obernai.<br />

la casserole, 24, rue Juifs,<br />

67 000 Strasbourg.<br />

aux crieurs de vin, 4-6, place<br />

Jean-Jaurès, 10 000 Troyes.<br />

les caves du forum, 10, rue courmeaux,<br />

51 100 Reims.<br />

bordeaux / sud ouest<br />

la cape, 9, allée morlette, 33 150 cenon.<br />

les vignes en foule, 80, place<br />

de la libération, 81 600 gaillac.<br />

les Papilles insolites, 5, rue<br />

alexander-Taylor, 64 000 Pau.<br />

le bobar, 8, place Saint-Pierre, 33 000<br />

Bordeaux.<br />

14


15<br />

Les ViNs de Bordeaux se dégusteNt aussi à Paris<br />

Pour la troisième année consécutive, le conseil interprofessionnel du Vin de<br />

Bordeaux (ciVB) organise quatre « apéros vintage de Bordeaux » à Paris. Le<br />

concept : un lieu branché, des vins à déguster, des professionnels à rencontrer. Les<br />

dates : le 13 septembre au Petit Bain (7, Port de la gare, 75 013), le 27 septembre au<br />

parc des Buttes-chaumont (75 019), le 11 octobre au restaurant Le 51 (51, rue de<br />

Bercy, 75 010), et le 25 octobre au floréal (73, rue du faubourg-du-temple, 75 010).<br />

Notre séLectioN de LiVres<br />

France, ton vin est dans le rouge,<br />

de christophe Juarez ; François Bourin<br />

Editeur, <strong>20</strong>11.<br />

Chez Marcel Lapierre, de Sébastien<br />

lapaque ; éditions de la Table Ronde,<br />

collection la petite vermillon, <strong>20</strong>10.<br />

Dans les vignes, chroniques d’une<br />

reconversion, de catherine Bernard ;<br />

éditions du Rouergue, <strong>20</strong>11.<br />

Choses bues, de Jacques Dupont ;<br />

éditions grasset, <strong>20</strong>08.<br />

Petit traité de dégustation, de Jacques<br />

néauport; l’or des fous éditeur, <strong>20</strong>10.<br />

Les 1001 vins qu’il faut avoir goûtés dans<br />

sa vie, éditions Flammarion, <strong>20</strong>09.<br />

Encyclopédie des vins et des alcools,<br />

d’alexis lichine ; Robert-laffont, 1999.<br />

Notre séLectioN<br />

de sites iNterNet « Nature »<br />

Les sites marchaNds<br />

www.petitescaves.com<br />

www.vin-bio-naturel.fr<br />

Les sites d’iNformatioN<br />

et Les BLogs<br />

www.leszinzinsduvin.com<br />

www.vinsnaturels.fr<br />

www.lesvinsnaturels.org<br />

www.fromageetbonvin.com<br />

http://ptijournalduvin.over-blog.fr/<br />

http://www.blog-vinbionaturel.fr/<br />

http://levindescousins.over-blog.com<br />

http://rougeblancbulles.blogspot.com<br />

http://dumorgondanslesveines.<strong>20</strong>minutesblogs.fr<br />

Le jeune vigneron Vincent Bedel, lire page 40. PHOTO luc ManagO<br />

de NouVeaux guides de La « rVf », miLLésime <strong>20</strong>12<br />

La Revue du vin de France vient de publier de nouvelles éditions de ses guides<br />

des meilleurs vins rédigés par le comité de dégustation de la revue, qui comprend<br />

notamment olivier Poussier, meilleur sommelier au monde en <strong>20</strong>00. Le « guide<br />

vert » est premier des guides d’auteurs français sur le vin. il livre, pour sa 17 e édition,<br />

son palmarès des 1 300 meilleurs domaines de l’hexagone et renouvelle sa sélection<br />

de plus de 7 500 vins, notés et commentés. cette année, le « guide rouge » est<br />

rebaptisé Guide des meilleurs vins à moins de <strong>20</strong> €. Les lecteurs y trouveront une<br />

sélection 100% originale et renouvelée de 1 950 bonnes affaires, agrémentée cette<br />

année de 17 portraits de jeunes vignerons dont la production s’est distinguée. enfin<br />

La Revue du vin de France s’est associée au groupe first pour développer un nouveau<br />

guide des vins dans la célèbre collection « Les Nuls ». il s’agit du Guide d’achat<br />

des vins <strong>20</strong>12 pour les nuls qui s’adresse en priorité aux néophytes, aux amateurs<br />

en devenir, aux amoureux du vin souhaitant approfondir leurs connaissances. J. B.<br />

Le Guide des meilleurs vins de France <strong>20</strong>12, 25 €.<br />

Le Guide des meilleurs vins à moins de <strong>20</strong> €, <strong>20</strong>12, 15 €.<br />

Guide d’achat des vins <strong>20</strong>12 pour les nuls, 14,90 €.<br />

Nom du vin Appellation Bouteille HT<br />

Le Pavillon Ermitage 153 e<br />

L’Ermite Ermitage 180 e<br />

Le Méal Ermitage 108 e<br />

Les Greffieux Ermitage 90 e<br />

La Mordorée Côte-Rôtie 90 e<br />

Les Granits Saint-Joseph 27 e<br />

Les Varonniers Crozes-Ermitage 26 e<br />

Barbe Rac Châteauneuf-du-Pape 54 e<br />

Croix de Bois Châteauneuf-du-Pape 45 e<br />

V.i.t.<br />

(Visitare interiore terrae)<br />

Côtes du Roussillon villages 31 e<br />

La Pleiade Australie 45 e<br />

L’Ermite Ermitage 234 e<br />

De l’Orée Ermitage 90 e<br />

Le Méal Ermitage 90 e<br />

Les Granits Saint-Joseph 31 e<br />

Vin de Paille Hermitage (37,5 cl) 72 e<br />

La Collection - 12 Sélections Parcellaires<br />

M. Chapoutier<br />

Vins rouges : Le Pavillon - L’Ermite - Le Méal<br />

Les Greffieux - La Mordorée - Les Granits<br />

Les Varonniers - Barbe Rac - Croix de bois - V.i.t.<br />

Vins blancs : De l’Orée - Le Méal<br />

Caisse HT<br />

984 e<br />

Caisse<br />

panachée<br />

12 bouteilles<br />

Nom<br />

Adresse<br />

Prénom<br />

Code postal Ville<br />

Téléphone E-mail<br />

Nom du vin Appellation Bouteille<br />

HT<br />

Carton<br />

6 blles HT<br />

Les Bécasses Côte-Rôtie 27 e 162 e<br />

Monier<br />

de la Sizeranne<br />

Hermitage 34,50 e <strong>20</strong>7 e<br />

Les Meysonniers Crozes-Hermitage 8,50 e 51 e<br />

Deschants Saint-Joseph 11 e 66 e<br />

Les Arènes Cornas <strong>20</strong> e 1<strong>20</strong> e<br />

La Bernardine Châteauneuf-du-Pape 16,50 e 99 e<br />

Gigondas Gigondas 11 e 66 e<br />

Domaine de Bila-<br />

Haut Occultum<br />

Lapidem<br />

Côtes du Roussillon<br />

Villages Latour<br />

de France<br />

7 e 42 e<br />

Landsborough<br />

Valley<br />

Domaine Tournon<br />

(Australie)<br />

9 e 54 e<br />

Shays Flat<br />

Vineyard<br />

Domaine Tournon<br />

(Australie)<br />

9 e 54 e<br />

Chante-Alouette Hermitage 21 e 126 e<br />

Prix bouteille HT Prix carton 6 blles HT Quantité Total e HT<br />

PRESSE LIBERATION 122x330 VECTOR-1107.indd 1 11/07/11 11:56


Languedoc,<br />

RoussiLLon,<br />

PRovence<br />

& coRse<br />

Les vignobLes du PouRtouR<br />

méditeRRanéen sont Les<br />

beRceaux de La viticuLtuRe<br />

hexagonaLe, dès 600 ans<br />

avant notRe èRe.<br />

aujouRd’hui, Les vins du<br />

Languedoc-RoussiLLon,<br />

de PRovence et de coRse<br />

sont Riches de nombReux<br />

céPages autochtones<br />

comme Le gRenache, Le<br />

caRignan, Le nieLLucciu ou<br />

Le veRmentinu. LongtemPs<br />

ReseRvés à La PRoduction<br />

de consommation<br />

couRante, Les vignobLes<br />

de cette Région PRoPosent<br />

une beLLe vaRiété de vins<br />

comme Le Rosé de<br />

PRovence, Le muscat<br />

du caP coRse, Le bLanc<br />

de PatRimonio, ou encoRe<br />

Les vins doux natuReLs<br />

de mauRy ou de banyuLs.<br />

L’ex-nabab<br />

devenu vigneron<br />

côtes du RoussiLLon Olivier Decelle a délaissé<br />

la direction des produits surgelés Picard pour<br />

se consacrer à la vigne de Mas Amiel. Dix ans<br />

après, il étend son empire biodynamique jusque<br />

dans le Bordelais. Mais en cultivateur modeste,<br />

il sait composer avec le temps.<br />

mas amieL<br />

superficie : 170 hectares.<br />

cépages : grenache, syrah et carignan.<br />

cuvées : 17 en rouge et blanc<br />

(10 vins doux et 7 vins secs).<br />

Production : 400 000 bouteilles<br />

par an.<br />

Mas Amiel<br />

66 460 Maury<br />

www.masamiel.fr<br />

Tél. : 04 68 29 01 02<br />

16


17<br />

Par FABRICE TASSEL (envoyé spécial)<br />

Photos LUC MANAGO<br />

Apremière vue tout<br />

éloigne un aliment<br />

surgelé d’un beau<br />

vin : la noblesse du<br />

produit, son image,<br />

le soin apporté à sa<br />

composition, la difficulté<br />

de conception…<br />

A la limite un<br />

certain rapport au temps les rapproche, l’un<br />

et l’autre pouvant se conserver longtemps et<br />

devant se consommer vite une fois ouvert. Et<br />

puis il y a l’histoire d’un homme qui aura<br />

basculé d’un monde – celui des surgelés –, à<br />

l’autre, cette ambition : faire un produit sain<br />

et de qualité. Il s’agit d’Olivier Decelle,<br />

55 ans, qui, il y a dix ans, a pulvérisé son<br />

ancienne vie, celle de PDG du groupe Picard,<br />

pour se jeter à corps perdu dans l’aven-<br />

ture du vin. Pas seulement pour le vendre,<br />

mais pour devenir vigneron, son propre chef<br />

de culture, « et ça m’a pris dix ans ». Avant,<br />

quand il souhaitait quelque chose, dix personnes<br />

se précipitaient pour le satisfaire. Du<br />

jour au lendemain il a fallu tout faire seul, ou<br />

presque. Ecouter, apprendre, se tromper,<br />

enrager, se désespérer. Comme souvent dans<br />

les « success stories », il a fallu que le hasard<br />

frappe à la porte de la vie d’Olivier Decelle.<br />

Au milieu des années 90 le groupe Picard<br />

– racheté en 1973 par Armand Decelle –, le<br />

père d’Olivier qui en est devenu président en<br />

1991, ouvre une vingtaine de magasins par<br />

an. En 1997, une société de placements financiers<br />

lui propose d’investir dans divers secteurs<br />

et, tiens, d’acquérir quelques parts de<br />

vignoble. Afin de prendre conseil, Olivier<br />

Decelle rencontre Jacques Boissenot, un des<br />

plus grands et le plus discret des œnologues<br />

du Bordelais, conseiller, entre autres, de<br />

Latour, Lafite, Margaux ou Ducru-Beaucaillou.<br />

Sur l’indication de Boissenot, Olivier<br />

Decelle visite le domaine de Mas Amiel, à<br />

trente kilomètres de Perpignan. En quittant<br />

les 155 hectares situés dans la vallée de l’Agly,<br />

avec au Nord les Corbières et au Sud les Pyrénées,<br />

Olivier Decelle a déjà le coup de foudre.<br />

LEÇON D’HUMILITÉ Mais l’homme est<br />

encore avant tout un industriel, qui « n’avais<br />

alors jamais pensé devenir un jour vigneron ».<br />

« Je veux faire un grand vin », lance-t-il à<br />

Boissenot, qui réplique : « Alors je ne peux<br />

rien pour vous. Moi je fais du vin, c’est tout. »<br />

Pourtant pas arrogant par nature, Decelle<br />

prend quand même une petite leçon d’humilité.<br />

Le dossier mûrit un peu, et c’est en<br />

1999 que le PDG de Picard achète l’ensemble<br />

du domaine. « C’était le chiffre d’affaires d’un<br />

magasin Picard, or j’en gérais 450, je me suis<br />

dit que c’était faisable. Mais en même temps<br />

le vin doux [la fermentation est arrêtée par<br />

l’addition d’alcool, ndlr] ne se vendait pas du<br />

tout. Economiquement l’investissement n’était<br />

pas intelligent. » Pendant un an Decelle se<br />

change souvent à Orly-sud, troquant la cravate<br />

Hermès et le costume pour une tenue<br />

qui passe mieux dans la vallée de l’Agly.<br />

Puis, en juillet <strong>20</strong>00, c’est la démission du<br />

groupe Carrefour, alors propriétaire de<br />

Picard. Une nouvelle vie commence.<br />

A L’ECOLE DU MAS AMIEL Et les débuts sont<br />

rudes. La marque Mas Amiel est quasiment<br />

inconnue du grand public, il faut tout<br />

reprendre à la base. En un premier temps<br />

Olivier Decelle ne s’estime compétent qu’en<br />

matière commerciale, et laisse les vignes et<br />

« Le temps passe aussi vite<br />

en étant vigneron que PDG, mais<br />

je le mesure mieux ici ».<br />

Olivier Decelle<br />

la cave à son équipe. C’est parti pour des<br />

mois dans le rôle de VRP, à la conquête des<br />

cavistes, des sommeliers, arpentant les<br />

salons des vins : « Je servais moi-même le vin,<br />

un jour, à la porte de Versailles, un groupe<br />

d’anciennes relations professionnelles m’a un<br />

peu chambré… Mais je m’étais fixé la même<br />

règle que chez Picard : faire goûter les produits.<br />

» A Maury « l’industriel » suscite au<br />

mieux la curiosité, au pire un peu de suspi-<br />

Olivier Decelle au Mas Amiel.<br />

Dix hectares de jeunes vignes sont<br />

labourés chaque année.<br />

cion. D’autant que l’homme aime les défis.<br />

Dès la première vinification il décide que<br />

Mas Amiel fera aussi des blancs secs, « on<br />

m’a pris pour un fou ».<br />

Aujourd’hui de nombreux jeunes vignerons<br />

produisent d’excellents blancs dans le<br />

Languedoc. Mais à l’époque ça raille, et ça<br />

rigole… lorsqu’Olivier Decelle décide de<br />

passer en biodynamie dès sa première vinification.<br />

Une décision trop brutale. « J’ai<br />

commis une erreur fatale, celle de l’enherbement<br />

intégral sur des vignes sans racines<br />

profondes. L’herbe a pris toute l’eau, sur une<br />

terre qui n’en a déjà pas beaucoup. » Des<br />

vignes ont même frôlé la disparition complète.<br />

« Je me suis senti idiot, comme quelqu’un<br />

qui ne sait pas », se<br />

souvient Olivier Decelle.<br />

Grosse remise en question,<br />

surtout pour un homme pas<br />

habitué aux échecs, qui lui<br />

fait dire aujourd’hui « qu’un<br />

tel changement de vie, je ne le<br />

ferai qu’une seule fois ». Pendant cinq ans<br />

Decelle et son équipe travaillent d’arrachepied<br />

pour effacer l’erreur initiale. L’option<br />

bio n’est pas abandonnée, loin de là. Les<br />

vignes sont presque entièrement labourées,<br />

les produits bannis sauf dans des cas<br />

exceptionnels et remplacés par du<br />

compost. Dix hectares de jeunes vignes,<br />

des plantiers, sont labourés, chaque année,<br />

avec l’aide d’un cheval. Ces plantiers


peuvent ainsi s’enraciner plus profondément.<br />

Les rendements sont peu élevés,<br />

quinze hectolitres par hectare. Depuis<br />

<strong>20</strong>05, Mas Amiel est sorti de l’ornière et<br />

vend environ 400 000 bouteilles par an,<br />

dont 150 000 de vins doux. Le vin sec,<br />

notamment le blanc (grenache blanc et<br />

gris, maccabeu), est aussi une belle surprise,<br />

vif et long sur fond d’arômes de poire<br />

et de fleurs.<br />

Mais c’est sans doute « son » Jean Faure<br />

qu’Olivier Decelle fait déguster avec le plus<br />

de fierté. Car loin de s’être arrêté à Mas<br />

Amiel, c’est dans le Bordelais que l’industriel<br />

est vraiment devenu vigneron. « D’ail -<br />

leurs, si j’avais voulu faire simple je serais tout<br />

de suite devenu châtelain bordelais. Mais Mas<br />

Amiel a été mon école. » Olivier Decelle s’est<br />

d’abord posé sur la rive gauche, avec l’achat<br />

en <strong>20</strong>01 du Haut-Maurac, un petit château<br />

du Médoc. La conquête de la rive droite<br />

commence doucement en <strong>20</strong>04 à Saint-<br />

Michel de Fronsac, avec l’achat du château<br />

Haut-Ballet. Dans les deux cas la beauté des<br />

lieux a joué son rôle. Mais Olivier Decelle<br />

s’est désormais pris au jeu et guette les<br />

bonnes affaires. Par un ami banquier il<br />

apprend que le domaine Jean Faure, négligé<br />

par une famille qui se déchire, est à vendre.<br />

Decelle se tourne encore vers Jacques<br />

Boissenot : « C’est le seul diamant disponible<br />

sur la rive droite », délivre l’oracle. Et pour<br />

cause ! Les dix-huit hectares se trouvent à<br />

cent mètres de Cheval Blanc et du nouveau<br />

chai dessiné par Christian de Portzamparc ;<br />

La Dominique est mitoyen ; et Figeac et<br />

l’Evangile sont à un battement d’aile. Premier<br />

cru de Graves Saint-Emilion pendant<br />

une longue partie du XXe siècle, et alors<br />

propriété des Loubat (la famille de Petrus),<br />

puis Grand Cru Classé dans le classement<br />

historique des crus de Saint-Emilion de<br />

1959, Jean Faure est déclassé en 1986.<br />

CHEF DE CULTURE Lorsqu’il rachète en<br />

<strong>20</strong>04 le domaine, Olivier Decelle doit tout<br />

reconstruire : les vignes, les chais, la maison.<br />

Cela dure deux ans. « Notre vie a<br />

alors vraiment changé. » Sa femme, Anne,<br />

quitte son poste au marketing d’Yves Rocher<br />

pour s’installer à Saint-Emilion. Et Olivier,<br />

après avoir longtemps appris, se lance dans<br />

le grand bain et devient chef de culture.<br />

Certes il est encore conseillé, en particulier<br />

par Stéphane Derenoncourt (1) , mais Olivier<br />

Decelle devient vigneron à part entière.<br />

<strong>20</strong>07 est la première cuvée qu’il réalise<br />

entièrement seul. « A un moment il faut<br />

se débarrasser de ses complexes et ne plus<br />

regarder les autres faire. » Comme à Mas<br />

Amiel, le bio préside à la destinée de Jean<br />

Faure, pas de désherbant, des sols labourés,<br />

une attention extrême portée à la taille,<br />

et le recours aux pesticides en cas d’urgence<br />

seulement. « Si tout va bien <strong>20</strong>12 sera<br />

notre première année de reconversion en bio,<br />

et dans trois ans nous aurons l’étiquette.<br />

Mais je n’en ferai pas un porte-drapeau,<br />

simplement parce que je ne veux pas que<br />

l’affichage bio passe devant le produit, et<br />

je le disais il y a dix ans déjà. L’essentiel<br />

est que le vin soit bon et pas qu’on dise<br />

qu’il est bio. Chez Picard, aussi, on avait des<br />

produits bio sans forcément l’écrire dessus. »<br />

Une forme de prudence liée aux codes<br />

complexes du Bordelais, et à la franchise du<br />

bonhomme. Car désormais Olivier Decelle<br />

est bel et bien vigneron, angoissé par une<br />

seule chose : le nombre de vinifications<br />

qu’il lui reste à faire, « je n’ai plus le droit<br />

d’en louper une ». Le rapport au temps,<br />

encore et toujours. « Le temps passe aussi<br />

vite en étant vigneron que PDG, mais je le<br />

mesure mieux ici. »<br />

(1) Stéphane Derenoncourt est l’un des plus<br />

prestigieux consultants au monde. Il travaille<br />

notamment pour le Château Canon-la-Gaffelière<br />

ou le Château Smith Haut Lafitte.<br />

DR<br />

La cavelibrairie<br />

d’Emmanuel<br />

Dupuis<br />

C’est un pari. En plein cœur de la capitale (1) ,<br />

Emmanuel Dupuis, 41 ans, ancien<br />

ingénieur chez Dassault, a ouvert<br />

depuis mars une cave-librairie qui<br />

propose 80%… de blanc et de champagne,<br />

et 750 livres sur le vin. Une initiative<br />

unique à Paris.<br />

Pourquoi ce choix de proposer surtout<br />

du blanc ?<br />

D’abord ma préférence personnelle<br />

m’a toujours porté, depuis une petite<br />

quinzaine d’années que je m’intéresse<br />

au vin, vers le blanc. C’est même<br />

étonnant comme cela transforme le goût,<br />

j’ai désormais du mal à boire un vin rouge<br />

trop puissant. Ensuite j’ai remarqué<br />

que les gens connaissent moins bien le<br />

blanc, et que souvent le choix est limité<br />

chez les cavistes, une cinquantaine<br />

de références en moyenne, contre<br />

400 chez moi.<br />

Beaucoup de clients viennent-ils<br />

spécialement choisir un vin blanc ?<br />

Non, le plus souvent les clients ne<br />

recherchent pas spécifiquement<br />

des vins bio, cela reste une démarche<br />

rare, mais ils y sont sensibles. Et puis,<br />

j’ai peu à peu une clientèle de quartier qui<br />

connaît bien le vin, et qui a suivi le chemin<br />

de dégustation bordeaux rougebourgogne<br />

rouge-blanc.<br />

Quelle part représentent les vins bio<br />

dans votre offre ?<br />

Les trois-quarts environ sont bio ou<br />

dans l’esprit bio, même si je n’en ai<br />

pas fait un critère de sélection.<br />

Mais quand on va vers une approche<br />

de qualité et de rigueur, on va très<br />

souvent vers le bio, c’est une vraie<br />

tendance de fond.<br />

Conseillez-nous deux ou trois bouteilles<br />

que l’on trouve chez vous ?<br />

Pourquoi pas du Languedoc. D’abord<br />

le limoux <strong>20</strong>07 du domaine de Mouscaillo<br />

de Pierre et Marie-Claire Fort,<br />

en 100% chardonnay (16,80 €).<br />

Ensuite en appellation Coteaux<br />

du Languedoc le domaine Hautes Terres<br />

de Camberousse de Paul Reder, et sa cuvée<br />

Roucaillat (17 €) en grenache, rolle<br />

et roussanne avec une préférence<br />

pour <strong>20</strong>07. Enfin, toujours en coteaux<br />

du Languedoc le domaine Prieuré Saint-<br />

Jean de Bébian et sa cuvée La Chapelle de<br />

Bébian <strong>20</strong>09 (19 €) en grenache, roussanne<br />

et clairette.<br />

Propos recueillis par FaBriCe Tassel<br />

(1) <strong>Chapitre</strong> <strong>20</strong>, 8, rue Saint-Paul, 75 004, Paris.<br />

tél. : 01 77 15 <strong>20</strong> 72.<br />

Des nectars<br />

au cœur<br />

du maquis<br />

PATRIMONIO D’Antoine Arena et ses fils jusqu’à<br />

Nicolas Mariotti-Bindi ou Muriel Giudicelli, des<br />

vignerons réinventent l’appellation corse. Aussi<br />

bien artisans qu’aventuriers, ils livrent des cuvées<br />

d’une pureté folle tout en pensant à l’avenir.<br />

18


19<br />

Nicolas Mariotti-Bindi,<br />

et l’une des parcelles qu’il cultive.<br />

PHOTOS D. MOZIN<br />

Par FRANçOISE-MARIE SANTUCCI<br />

(envoyée spéciale)<br />

Une montagne à six sommets<br />

comme autant<br />

de mamelons, striée<br />

de calcaire blanc, avec,<br />

au-delà, le golfe de<br />

Saint-Florent et sa<br />

récente « Saint-Tropezisation<br />

». Face au voyageur qui descend les<br />

virages en épingle à cheveux depuis le col<br />

de Teghime, la montagne semble nourrir<br />

de ses mamelles le vignoble de patrimonio,<br />

l’AOC la plus prestigieuse de Corse. Des<br />

lignes vert sombre s’étagent entre les murs<br />

de pierres sèches, la poussière et l’écrasante<br />

chaleur. Il y a souvent du vent, le<br />

Libecciu, qui nettoie la vigne et la préserve<br />

des maladies. C’est un terroir exceptionnel<br />

disent les connaisseurs – et pas seulement<br />

ceux du coin, fiers comme des Corses.<br />

En fin d’après-midi, sur un coteau fortement<br />

pentu, les « hauts de Carco », qui a<br />

donné son nom à la dernière cuvée en date<br />

du plus fameux vigneron de l’île, Antoine<br />

Arena, son fils cadet, Antoine-Marie, passe<br />

le tracteur (sur cette terre de Beauté, les<br />

prénoms composés sont fréquents ; ils<br />

mélangent ceux des parents, grandsparents,<br />

enfants, ce qui crée une cacophonie<br />

souvent cocasse). Autour d’Antoine-Marie<br />

courent Cinto et Nielluciu, les deux chiens<br />

qui connaissent chacune des parcelles des<br />

quatorze hectares du domaine presque<br />

aussi bien qu’un vieux du village. Le fils<br />

aîné, Jean-Baptiste (c’était aussi le prénom<br />

du grand-père), revient d’une livraison.<br />

C’est lui qui, le lendemain à l’aube, montera<br />

sur l’engin. Encore un jour de travail<br />

dans les vignes et tout sera prêt pour les<br />

vendanges, fin août. D’ici là, un semblant<br />

de relâche. Quoique. Marie, la femme<br />

d’Antoine, a l’habitude de se lever à quatre<br />

heures du matin. Elle s’occupe de la paperasse,<br />

de la vente, et tard le soir régale<br />

encore les amis de la maison (ils sont légion<br />

à faire un saut l’été, des célèbres cuistots<br />

Yves Camdeborde ou Pierre Gagnaire à<br />

l’éditeur Gilles Cohen-Solal), ainsi que des<br />

DOMAINE ANTOINE ARENA<br />

Superficie : 14 hectares.<br />

Cuvées : 4 en rouge, 4 en blanc,<br />

1 en rosé et 1 en muscat.<br />

Production : 55 000 bouteilles par an.<br />

Domaine Antoine Arena<br />

22 153 Patrimonio<br />

www.antoine-arena.fr<br />

DOMAINE NICOLAS MARIOTTI-BINDI<br />

Superficie : 5 hectares.<br />

Cuvées : 1 en rouge et 1 en blanc.<br />

Production : 13 000 bouteilles par an.<br />

Domaine Nicolas Mariotti-Bindi<br />

Lieu-dit Porcellese<br />

<strong>20</strong> 232 Poggio-d’Oletta.<br />

DOMAINE MURIEL GIUDICELLI<br />

Superficie : 13 hectares.<br />

Cuvées : 1 en blanc, 2 en rouge et<br />

4 en muscat.<br />

Production : 40 000 bouteilles par an.<br />

Domaine Giudicelli<br />

5, bouvelard Auguste-Gaudin<br />

<strong>20</strong> <strong>20</strong>0 Bastia<br />

importateurs américains de passage qui<br />

découvrent enfin, les étoiles dans les yeux,<br />

un vigneron et un terroir qu’ils sanctifient<br />

depuis des années, à New York ou Chicago.<br />

vIN BéNI C’est un principe : Antoine ne<br />

mégote jamais sur la dégustation. L’assemblée<br />

de dévots ne demande que ça, se laisser<br />

enivrer par un tel messie (l’allusion<br />

christique le ferait rire, il est farouchement<br />

anticlérical), et la cave devient vite un<br />

endroit hors du temps où l’on rêve de passer<br />

la nuit. Dans les cuves en inox serrées<br />

les unes contre les autres mûrissent douze<br />

cuvées et millésimes différents. Il y a des<br />

vins blancs exceptionnels (les Hauts de<br />

Carco, les Carco, les Grotte di Sole), très<br />

tendus, minéraux, aux arômes de fleurs<br />

blanches, de miel de printemps, mais<br />

aussi des rouges d’une finesse rare en<br />

contrée sudiste, et des muscats plus ou<br />

moins oxydatifs dont certains joyaux<br />

ambrés qui vieillissent en barriques<br />

depuis des années et qu’Antoine couve<br />

(et goûte rarement, avec les copains) en<br />

petit chimiste ravi de ses expériences – et<br />

il y a de quoi.<br />

Là-haut, Marie prépare des beignets de<br />

courgettes au jus de moules et une daube au<br />

riz. On se moque gentiment, avec Jean-<br />

Baptiste et Antoine-Marie venus pour


l’apéritif, des gens de la ville qui<br />

louent les vertus du « bio ». Le mot semble<br />

incongru, presque échappé d’une langue<br />

étrangère. Ici, il se traduit tout simplement<br />

par « proximité et respect de la nature », à la<br />

façon des ancêtres. Ici, on a tourné la page de<br />

l’agriculture intensive des années 70, de<br />

l’axe bordeaux/bourgogne et des traitements<br />

systématiques, de l’aseptisation de la vigne<br />

et des caves, ainsi que de la chaptalisation,<br />

cet ajout de sucre pour augmenter le degré<br />

d’alcool, pratiquée par les pieds-noirs de la<br />

plaine orientale qui faisaient comme jadis en<br />

Algérie : « Pisser la vigne », et pas forcément<br />

de la bonne.<br />

reprise de lA viGNe fAMiliAle Même à<br />

l’époque, Antoine Arena n’a pas voulu de ça.<br />

Il était têtu, rêvait d’une carrière de coureur<br />

cycliste (il regarde encore le tour de France<br />

chaque été ; ne jamais appeler l’aprèsmidi<br />

!), et quand il a annoncé à son père<br />

Jean-Baptiste, qui voulait en faire un fonctionnaire,<br />

son désir de reprendre la vigne<br />

familiale (la plus ancienne parcelle 80 ans),<br />

quelle affaire ! Il a résisté à l’ire paternelle<br />

(qui dura longtemps, on est têtu dans le coin)<br />

et, à force de travail et de conviction, a transformé<br />

son domaine en laboratoire nature et<br />

haut de gamme de l’île. Là où les autres<br />

regardent avant (d’essayer) de faire pareil.<br />

Depuis <strong>20</strong>05, ses fils reprennent peu à peu le<br />

flambeau. Antoine-Marie, qui avait pensé<br />

devenir cuisinier tant il aime les saveurs,<br />

s’entend fort bien avec Jean-Baptiste, qui a<br />

tâté de la politique aux dernières cantonales,<br />

battu mais fier d’avoir défendu ses idées<br />

(notamment celle de classer le vignoble de<br />

Patrimonio pour le préserver de la spéculation).<br />

En vigne et en cave, ils sont adeptes<br />

d’une minéralité poussée, comme un maquis<br />

de petit matin capturé au fond d’un verre, et<br />

peut-être plus marquée encore que celle<br />

magnifiée par leur père. On les dit, ces deux<br />

frères (qui ont une sœur, Lisandre, établie<br />

non loin), futures grandes stars du vignoble<br />

corse – et français tout court.<br />

A quelques centaines de mètres de là, par un<br />

chemin de terre cahoteux, on arrive chez<br />

Muriel Giudicelli. Elle marque « vigneronne<br />

» sur ses bouteilles, et y tient bien.<br />

Muriel est un peu bouddhiste, anticonfor-<br />

miste, grande gueule, tout en sachant rester<br />

« à sa place », précise-t-elle. Il faut dire<br />

qu’elle a pour handicap d’être une « étrangère<br />

» native de Solenzara : une ville corse,<br />

certes, mais à l’autre bout de l’île. Quant à<br />

son mari Stéphane, Savoyard taiseux aux<br />

yeux bleus, il s’est fondu dans ce terroir de<br />

bourrus avec l’envie de faire les choses proprement,<br />

et surtout la sagesse de se tenir loin<br />

des brouilles ancestrales qui occupent quelques<br />

voisins. Ils parlent aussi fort bien de leur<br />

travail, ardu, prenant, merveilleux, mieux<br />

reconnu ailleurs (sur le continent, à l’étranger),<br />

qu’en Corse, où la culture Pastis l’emporte<br />

sur celle du vin. Et lorsque les Corses<br />

boivent du vin, ils tiennent la jeunesse du<br />

millésime pour un gage de qualité : leur vendre<br />

en <strong>20</strong>11 une cuvée <strong>20</strong>09 revient à tenter<br />

d’écouler une collection couture démodée<br />

avenue Montaigne.<br />

CoNtre lA Course à l’ArGeNt Muriel et<br />

Stéphane possèdent treize hectares agréés<br />

en bio depuis <strong>20</strong>06, et produisent des<br />

blancs bien tendus, de beaux rouges, des<br />

muscats, dont un merveilleux oxydatif<br />

vieilli en fût de chêne. Face à la montagne<br />

de mamelles, leur chai moderne, entouré<br />

par le maquis et ses odeurs de myrte,<br />

aligne les cuves en inox. Outre la vigne, ils<br />

élèvent trois enfants, cuisinent beaucoup<br />

(ça forme le goût mais surtout, ils aiment<br />

ça), et ont entrepris de passer en biodynamie.<br />

Un de ces jours, ils feront l’achat d’un<br />

Muriel Giudicelli et un aperçu de son domaine.<br />

Ci-dessous, Antoine-Marie Arena. PHOTOS D. MOZIN<br />

cheval pour les labours, ce qui va avec le<br />

reste, finalement très politique : rejeter la<br />

course à l’argent, aller à son rythme (ce qui<br />

ne signifie pas lentement), prendre du plaisir<br />

– et ils ont l’air d’en prendre.<br />

A un jet de pierre des Giudicelli travaille<br />

un prodige presqu’autodidacte, Nicolas<br />

Mariotti-Bindi, 33 ans, toutes ses dents et de<br />

l’ambition. Celle d’être le meilleur possible,<br />

le plus carré, le moins sucré (dans chaque<br />

sens du terme puisqu’il est l’un des seuls à<br />

ne pas produire de muscat : « Rajouter de<br />

l’alcool et du sucre au jus de raisin ? Non<br />

merci !»). Après une prépa scientifique à<br />

Saint-Cyr et une licence de droit public à<br />

Paris, il a voulu revenir à la terre, celle qui<br />

reste sous les ongles. Un an comme ouvrier<br />

agricole dans le Beaujolais, à lire tous les soirs<br />

les livres savants du vin, puis Patrimonio. Il<br />

se lie d’amitié avec les fils Arena, travaille<br />

avec eux, ensuite chez Muriel Giudicelli (le<br />

monde est petit en Corse), avant de trouver<br />

en deux autres vignerons des bienfaiteurs,<br />

« Je serais vraiment un cochon si, sur sept<br />

hectares, j’utilisais des pesticides. »<br />

Nicolas Mariotti-Bindi<br />

qui lui prêtent des terres et un chai où faire<br />

ses vins (en échange, il donne du raisin à l’un,<br />

est chef de culture de l’autre). Sa mère, férue<br />

de nature, lui a transmis le goût des choses<br />

simples, sans traficotage. Cela se retrouve en<br />

vigne, les intrants y sont réduits au minimum<br />

(« Je serais vraiment un cochon si, sur<br />

sept hectares, j’utilisais des pesticides »),<br />

notamment le soufre. Ah ce fameux SO2 !<br />

Nicolas Mariotti-Bindi estime qu’on devrait<br />

mentionner le taux de sulfites sur les étiquettes.<br />

Sachant qu’on en autorise jusqu’à<br />

160 mg en rouge et 210 mg en blanc (par<br />

litre), et que lui se limite à 35 ou 37 mg quand<br />

beaucoup frôlent le maximum, ça donne<br />

une idée des risques de maux de crânes… et<br />

donne l’espoir de les éviter.<br />

Depuis quatre ans, Mariotti-Bindi produit<br />

des rouges et des blancs célébrés partout. Ne<br />

se repose pas sur cette gloire soudaine, n’affiche<br />

même pas de label « bio ». Ne pense<br />

qu’à faire mieux. Dit préférer les blancs, plus<br />

minéraux, qui « ne mentent pas » quand les<br />

rouges « prennent leur temps, en font, de ces<br />

détours ». Agacé par l’uniformisation des<br />

cépages, il a planté en <strong>20</strong>09 quelques plants<br />

d’une souche oubliée de Vermentinu (l’Inra<br />

autorise et subventionne, pour leur potentiel<br />

œnologique, 14 clones de ce blanc typique<br />

de Corse , mais le groupement viticole régional<br />

en conserve bien plus dans sa banque de<br />

données... C’est là que Mariotti-Bindi a<br />

sélectionné sa future vigne, qui donnera une<br />

première récolte l’an prochain.) Il dit : « On<br />

verra, ce sera peut-être moins bon que le<br />

Vermentinu numéro 640, officiellement agréé,<br />

que j’utilise déjà, mais au moins j’aurais essayé<br />

autre chose… C’est important de varier les<br />

goûts, de maintenir la biodiversité. »<br />

lA MAisoN d’AMériCAiNs Dans toute l’île,<br />

les jeunes reprennent des exploitations.<br />

De miel, d’huile d’olive, de vin. A la pointe<br />

du Cap, le majestueux Clos Nicrosi, surtout<br />

connu pour son Muscatellu, un muscat passerillé<br />

aussi miellé que<br />

minéral, voit arriver aux<br />

commandes Sébastien et<br />

Marine Luigi, les enfants de<br />

Jean-Noël Luigi, qui luimême<br />

tient les vignes de son<br />

grand-oncle. Le domaine<br />

n’est pas bio mais les enfants y tendent, pratiquant<br />

agriculture raisonnée et levures<br />

indigènes [des levures naturellement présentes<br />

sur le raisin, ndlr]. Son diplôme national<br />

d’œnologue tout juste obtenu à Reims,<br />

Marine a rejoint la famille et son imposante<br />

« maison d’Américains », ces demeures de<br />

maître bâties par d’anciens aventuriers capcorsins<br />

rentrés des Amériques riches comme<br />

Crésus. Sa conquête à elle, plus modeste, ne<br />

sera pas moins ardue : développer Clos et bio.<br />

A Patrimonio, sur la terrasse des Arena qui<br />

surplombe la route où un conducteur sur<br />

trois klaxonne pour dire bonjour aux deux<br />

fils appuyés contre la rambarde, et qui bien<br />

sûr répondent par un grand geste, flotte le<br />

fumet des beignets de Marie et les arômes<br />

d’un Carco blanc remonté de la cave – peu<br />

importe l’année, ils sont tous fameux. Un<br />

convive parisien entre en extase. L’ivresse<br />

est joyeuse, on se croit au centre du monde.<br />

La nuit durera longtemps.<br />

<strong>20</strong>


Novices<br />

et ivres<br />

de terroir<br />

CÔTES DE PROVENCE Emmanuelle Dupéré<br />

et Laurent Barrera, de jeunes passionnés, ont peu<br />

à peu appris le vin. Inventifs et adeptes du bio,<br />

ils en produisent désormais dans de vieux fûts<br />

de chêne, sans machines. Mais avec la manière.<br />

DOMAINE CLOS DE LA PROCURE<br />

Superficie : 7 hectares.<br />

Cépages : grenache, mourvèdre,<br />

carignan et cinsault pour les rouges,<br />

et ugni blanc.<br />

Cuvées : 5 en rouge, 2 en blanc et<br />

1 en rosé.<br />

Emmanuelle dupéré et laurent Barrera<br />

chemin de Bouscarlonnes<br />

83660 carnoules<br />

www.duperebarrera.com<br />

www.closdelaprocure.com<br />

Tél. : 04 94 23 36 08<br />

Par CATHERINE MALLAVAL<br />

(envoyée spéciale)<br />

Nowat comme No Watt. Comme<br />

une plaisanterie… qui n’en est<br />

pas vraiment une. Nowat n’est<br />

autre que la cuvée originelle<br />

d’un couple baroque qui cultive<br />

le temps présent par le zen, la beauté par<br />

l’ikebana, cet art floral japonais, le manuel<br />

par la céramique, le vin par le palais. Emmanuelle<br />

Dupéré et Laurent Barrera. De l’accolade<br />

de ces deux-là est née la signature de<br />

négociants-viticulteurs « Dupéré-Barrera »<br />

qui s’affiche sur seize cuvées – du rouge, du<br />

blanc, et depuis peu du rosé – assemblées<br />

dans un petit entrepôt près de Toulon. De<br />

leur union naissent 80 000 bouteilles par an<br />

qui vont se déverser à 80% au Canada, au<br />

Japon, aux Etats-Unis, arroser quelques<br />

tables du Petit Nice Passédat (3 000 bouteilles<br />

A gauche, Laurent Barrera. PHOTO nicO-wOrld.cOm<br />

Le chai semi-enterré conçu par l’architecte Frédéric Momenceau . PHOTO dr<br />

de Procure blanc) et autres œnophiles qui ne<br />

fréquentent pas les grandes surfaces.<br />

Ce jour-là, pendant que sa femme Emmanuelle<br />

patine sa voix de chanteuse mezzosoprano,<br />

Laurent Barrera rembobine une<br />

aventure née dans l’ivresse œnologique du<br />

début des années <strong>20</strong>00. Depuis leur rencontre<br />

estudiantine au Québec – elle y est née –<br />

leur passion pour le vin n’a cessé de fermenter.<br />

Ensemble, ils ont monté et écumé moult<br />

clubs de dégustation telle la joyeuse bande<br />

des zozos (Z’œnophiles z’oléronais) qui loin<br />

des bars à bobos de la capitale ont de la papille<br />

à revendre. Ensemble, ils ont aimé les<br />

vignerons de la Loire, leur simplicité et leur<br />

petite structure hyperqualitative ; les frères<br />

Foucault, capables de parler des heures<br />

durant de leur saumur-champigny mais<br />

qui n’ont rien ou si peu à vendre ; le père<br />

Hacquet qui faisait du bio sans le savoir dans<br />

les années 60, mais qui vendait son vin si peu<br />

cher qu’il gagnait plus d’argent avec le lait de<br />

ses vaches. Ensemble, les Dupéré-Barrera<br />

ont tout plaqué en 1997 pour faire un BTV<br />

– brevet qui allie viticulture et œnologie. Il a<br />

30 ans et met fin à une carrière d’ingénieur<br />

géologue. Elle en a 23, et met sa passion pour<br />

le chant en sourdine. La décision est mûrie.<br />

« On s’est lancés sans business plan, sans projet<br />

marketing, sans objectif financier, sans terre,<br />

sans héritage familial de vignerons. Mais on<br />

savait ce qu’on voulait : faire en Provence le<br />

même travail que les grands vignerons qu’on<br />

connaissait », raconte Laurent, qui a grandi à<br />

Toulon, élevé par un militaire qui a fini sa<br />

carrière sur le Clémenceau. « On voulait<br />

entrer d’emblée par le haut, la qualité, le très<br />

bon. Faire le meilleur côtes de Provence et Bandol<br />

« On s’est lancé sans business plan, sans<br />

héritage familial de vignerons. Mais on<br />

savait ce qu’on voulait. »<br />

Laurent Barrera<br />

possibles », ajoute-t-il sans forfanterie. Ils<br />

devront se contenter des 30 000 euros, prêtés<br />

par le père d’Emmanuelle. C’est décidé,<br />

ils entreront dans le vin par le négoce.<br />

Pas n’importe lequel. A la bourguignonne.<br />

A cent lieues des gros businessmen bordelais<br />

qui achètent et revendent des bouteilles, ils<br />

arpentent les vignes de la région, repèrent les<br />

parcelles les plus anciennes, les meilleures.<br />

Passent contrat, mettent la main aux grappes<br />

qu’ils transportent méticuleusement dans<br />

des cagettes de 10 kilos pour éviter que le raisin<br />

ne s’écrase dans des camions climatisés,<br />

avant de le vinifier à l’ancienne dans des<br />

cuves de 1 000 litres seulement. « On peut<br />

entrer dedans, avoir un contact avec le raisin,<br />

faire du pigeage au pied. » Pas de machine. Pas<br />

de watt. Le vin vieillit dans des fûts de chêne<br />

rachetés à Yquem ou Romanée-Conti. « On<br />

boise nos vins, sans abuser. » Sans tomber<br />

dans les arômes régressifs de caramel boisé,<br />

épicé, vanillé dont raffolent les Américains<br />

et les Chinois. « Au début, on a fait plein<br />

d’expériences. On faisait 10 000 bouteilles, et<br />

<strong>20</strong> cuvées différentes. ça a très vite marché. »<br />

ENVIE DE SA PROPRE TERRE Les choses<br />

marchent... Mais à quel prix ? Le couple<br />

s’est fixé des limites : « Quand on vend un vin<br />

au-delà de 30 euros, c’est du marketing, on<br />

vend du mythe, de la rareté. Objectivement<br />

aucun rouge ne vaut plus de 30 euros. » Total ?<br />

« Un Smic à deux sans vacances à bosser<br />

72 heures par semaine. On a sorti la tête au bout<br />

de 4-5 ans. » L’envie d’avoir sa terre émerge<br />

alors. Le couple qui est venu au vin par la<br />

dégustation acquiert quatre hectares d’un<br />

seul tenant à Carnoules, située 30 kilomètres<br />

à l’est de Bandol : le Clos de la Procure. Les<br />

premières vendanges se déroulent dans la<br />

fournaise de <strong>20</strong>03, après un énorme travail<br />

d’élagage. « On voulait du plus sucré, du<br />

concentré, des pieds avec des grappes qui ne se<br />

touchent pas… ». Du bio, du naturel, bien<br />

sûr. Campé dans ses vignes, Laurent Barrera<br />

couve ses ceps des yeux. Les<br />

récompenses sont venues.<br />

Un salarié aide désormais à la<br />

culture. Leur blog (1) attire<br />

100 nouveaux lecteurs chaque<br />

jour. La passion est là,<br />

intacte : « Nous nous formons<br />

sans cesse, goûtons un nouveau vin tous les soirs<br />

et une fois par mois, on s’offre un trois étoiles<br />

Michelin. » L’homme médite : « La pratique<br />

du zen nous a aidés à être libres. A devenir les<br />

artisans que nous voulions être. »<br />

(1) www.blogduperebarrera.com<br />

22


23<br />

luc manago<br />

<strong>FOIReS</strong> <strong>Aux</strong> <strong>VInS</strong><br />

Bandol, PaTRImonIo,<br />

coRBIèRES…<br />

MARAuDeR DAnS LeS<br />

LInéAIReS Du Côté DeS<br />

<strong>VInS</strong> Du SuD, C’eSt<br />

un Peu etIReR LeS<br />

RAyOnS Du SOLeIL<br />

juSqu'à LA CAVe.<br />

Quelques belles étiquettes sont<br />

à regarder de près en septembre.<br />

a commencer par ce Bandol <strong>20</strong>10<br />

du Château Sainte Anne Cimay,<br />

en rouge, 23,51 € (lavinia). ou<br />

ce vin des Coteaux Varois <strong>20</strong>10,<br />

domaine des terres Promises,<br />

cuvée les Idées Heureuses,<br />

toujours en rouge à 11,77 € (lavinia).<br />

des vins gourmands, sur le fruit.<br />

Parmi les valeurs sûres de<br />

Provence, il ne faut pas louper<br />

ce Château Sainte Marguerite Cru<br />

Classé Grande réserve <strong>20</strong>10,<br />

en rouge, 12,50 €<br />

(Wineandco.com). Enfin, en rosé,<br />

on dégustera l’excellent domaine<br />

de la Bégude <strong>20</strong>10, 16 €<br />

(Wineandco.com). Il s’agit sans<br />

doute du plus grand rosé de Bandol<br />

produit à ce jour, avec ses notes<br />

de fruits rouge, sa vinosité,<br />

sa complexité et sa longueur en<br />

bouche... c’est un modèle du genre.<br />

l’Île de Beauté est admirablement<br />

représentée cette année, non pas<br />

en volume, mais par la qualité<br />

des crus que l’on retrouve. comme<br />

ce rosé <strong>20</strong>10, Clos Sartène, vendu<br />

9,90 € par monoprix. la belle<br />

découverte se fait avec ce<br />

Patrimonio <strong>20</strong>08 Porcellese du<br />

domaine nicolas Mariotti-Bindi<br />

(17 € chez Wineandco.com).<br />

le jeune vigneron de 33 ans, portedrapeau<br />

de la viticulture bio dans<br />

l’appellation, signe ici un rouge<br />

magnifique (lire page 19). Toujours<br />

sur la prestigieuse appellation<br />

Patrimonio, lavinia, le grand caviste<br />

parisien, propose la cuvée lisandra<br />

<strong>20</strong>09, en rouge et blanc, du domaine<br />

Arena. les deux sont à 26,08 €.<br />

antoine arena est considéré depuis<br />

des années comme le plus<br />

talentueux vigneron de corse,<br />

adepte de la biodynamie. Ses cuvées<br />

sont simplement sublimes (lire<br />

également page 19).<br />

la région languedoc-Roussillon est,<br />

avec Bordeaux, l’une des<br />

principalement pourvoyeuses<br />

de vins lors des foires aux vins. Ici,<br />

les vins de marque de négociants<br />

(souvent de talent, comme gérard<br />

Bertrand) cohabitent avec des<br />

cuvées confidentielles. comme<br />

par exemple la cuvée Vinus,<br />

élaborée par le domaine Paul Mas<br />

(grand négociant du languedoc) :<br />

ce Coteaux du Languedoc rouge<br />

<strong>20</strong>08 est charnu, avec de la<br />

fraîcheur jusqu’en finale. Il est<br />

vendu 6,90 € par le Repaire de<br />

Bacchus. autre belle surprise de la<br />

part d’un négociant, ce Vin de pays<br />

d’Oc <strong>20</strong>10 blanc, L’Indomptable<br />

de Cigalus, signé Gérard Bertrand.<br />

un très beau sauvignon, sur le fruit<br />

et séduisant, à 14,95 € (carrefour).<br />

les grands vins doux naturels<br />

du Roussillon procurent un plaisir<br />

immense et peuvent rivaliser avec<br />

les grands portos. a l’image de<br />

ce Maury rouge vintage <strong>20</strong>09<br />

du Mas Amiel, le porte drapeau<br />

de l’appellation, vendu en petite<br />

bouteille de 37,5 cl pour 9,90 €<br />

chez monoprix. Plus original,<br />

ce Corbières rouge <strong>20</strong>10, Le Signal<br />

du Château La Baronne, mis<br />

en bouteille sans soufre, 9,25 €<br />

(Système u). anne gros et Jean-<br />

Paul Tollot, deux grands vignerons<br />

bourguignons, se sont associés sur<br />

ce terroir du minervois pour la cuvée<br />

les Fontanilles, un rouge gourmand<br />

vendu 16 € chez lavinia.<br />

En collioure rouge sec, le domaine<br />

de la Rectorie est une référence<br />

qui propose la cuvée Rêves<br />

De Femme <strong>20</strong>08, à 14,02 €<br />

également chez lavinia. J. B.<br />

Sélection réalisée par<br />

LA REVUE DU<br />

VIN DE FRANCE<br />

Apéros Vintage<br />

de Bordeaux //<br />

Paris //<br />

Les vins de Bordeaux<br />

investissent depuis 3<br />

ans les lieux branchés<br />

de la capitale. Le temps<br />

d’un afterwork inédit,<br />

découvrez comment s’accordent<br />

Bordeaux et les univers du<br />

vintage, tout en fédérant esthètes,<br />

novices, passionnés et curieux.<br />

La qualité, la convivialité<br />

et la diversité des vins de<br />

Bordeaux en une soirée<br />

Initiés en <strong>20</strong>09<br />

par le Conseil<br />

Interprofessionnel du<br />

Vin de Bordeaux (CIVB) ,<br />

les Apéros Vintage de<br />

Bordeaux ont pour<br />

objectif de faire (re)<br />

découvrir les blancs<br />

vifs et aromatiques,<br />

les rouges soyeux<br />

et légers, les<br />

sweet savoureux<br />

et gourmands et<br />

les rosés fruités et<br />

légers de Bordeaux.<br />

A chaque soirée,<br />

une sélection est<br />

proposée à prix<br />

Avec le succès<br />

des éditions<br />

parisiennes,<br />

les Apéros<br />

Vintage de<br />

Bordeaux<br />

s’exportent<br />

au Canada,<br />

en Belgique<br />

et aux Pays-<br />

accessibles (3-5€ de 19h à 21h), à<br />

déguster seuls ou accompagnés de<br />

quelques tapas.<br />

Loin des dégustations traditionnelles, ces<br />

afterworks s’adressent aussi bien aux<br />

néophytes qu’aux amateurs. Dans une<br />

ambiance conviviale, et sur une bandeson<br />

originale, les viticulteurs présents<br />

invitent à la découverte de leur passion<br />

et métier tout en restant à l’écoute de leur<br />

public.<br />

C’est ainsi que les Apéros Vintage de<br />

Bordeaux ont conquis une foule de<br />

trentenaires «trendy» : 11 000 participants<br />

lors des précédentes éditions, près de<br />

30 000 verres de Bordeaux dégustés ! Et<br />

cela ne désemplit pas d’année en année,<br />

si bien qu’au printemps dernier, les<br />

quatre soirées affichaient complet (2500<br />

personnes).<br />

L’accord inédit des vins de<br />

Bordeaux et du Vintage<br />

Avec les Éditions Spéciales de <strong>20</strong>11,<br />

les univers des "Chineurs", de la "Rétro<br />

photo" ou bien encore des "Saveurs<br />

d’antan", ont été explorés. Dès le 13<br />

septembre, de nouveaux horizons et<br />

personnalités sont à découvrir grâce aux<br />

experts du vintage, hôtes de ces apéros :<br />

Mardi 13 septembre<br />

Éd. Spéciale Music Remix<br />

au Petit Bain (13 ème )<br />

avec les gourmets du mange-disque<br />

Julien Plaisir de France et Pierre-Louis<br />

Berlatier proposeront une playlist des<br />

années 80 jusqu’à nos jours • un concert<br />

du groupe La Féline • un live Machine en<br />

direct de morceaux français des années<br />

70 à 90.<br />

Mardi 27 septembre<br />

Éd. Spéciale Mode Vintage<br />

au Pavillon du Lac (19ème )<br />

avec la fabuleuse penderie de Sandrine<br />

Arnone et ses<br />

silhouettes des<br />

années 50 aux<br />

années 80 qui<br />

défileront au<br />

coeur du public.<br />

Mardi 11 octobre<br />

Éd. Spéciale Rétro Ciné<br />

au Restaurant 51 (12 ème )<br />

Mise sur bobine par Jean-Yves Leloup<br />

avec un Cinémix inédit (relecture musicale<br />

de films anciens) autour de la thématique<br />

«dégustation» dans les films français et<br />

étrangers qu’il aura été pioché.<br />

Mardi 25 octobre<br />

Éd. Spéciale Cuisine Rétro<br />

au Floréal (10 ème )<br />

Emilie Lang au batteur et Carine Francart<br />

au mixeur pour un «Live cooking» autour<br />

de plusieurs thématiques, en accord avec<br />

un Bordeaux.<br />

# PUBLI INFO #<br />

Bas ! "Les vins<br />

comme les vêtements<br />

anciens ont une histoire.<br />

Le mot "Vintage" est pour moi<br />

le sésame qui me permet<br />

d’apprécier une pièce<br />

d’époque tel un<br />

Bordeaux"<br />

" j’ai pris le parti<br />

de faire les choses avec<br />

inventivité et avec caractère<br />

! Les vins de Bordeaux ont ces<br />

deux caractéristiques et ce sera<br />

pour moi un plaisir de vous faire<br />

redécouvrir des recettes<br />

d’autrefois en y mêlant<br />

leurs arômes."<br />

//Toute l’actualité des Apéros<br />

Vintage de Bordeaux sur la page<br />

Facebook "VinsdeBordeaux"//<br />

L’abus d’aLcooL est dangereux pour La santé. a consommer avec modération<br />

libération.indd 1 02/09/<strong>20</strong>11 11:53:39


Beaujolais,<br />

Bourgogne<br />

& rhône<br />

TouT au long de l’aXe<br />

qui descend d’auXerre<br />

jusqu’auX rives de la<br />

MédiTerranée se suivenT<br />

les MyThiques crus<br />

Bourguignons, les<br />

opulenTs côTes-du-rhône<br />

eT les plus accessiBles<br />

Beaujolais. Mais derrière<br />

ces différences se cache<br />

une MêMe culTure de<br />

la vigne. dans les Trois<br />

Terroirs, les vins rouges<br />

viennenT d’un cépage<br />

unique : pinoT noir<br />

en Bourgogne, gaMay<br />

en Beaujolais eT syrah<br />

dans la vallée du rhône.<br />

eT parTouT des parcelles<br />

ou des clos, culTivés<br />

coMMe des jardins.<br />

Des raisins<br />

qui ont<br />

toujours<br />

raison<br />

Morgon La célébrissime maison Lapierre a<br />

quasiment inventé le vin nature. Mathieu, le fils de<br />

Marcel récemment décédé, explique, avec passion,<br />

d’où vient la fameuse philosophie familiale.<br />

Par grégory schneider<br />

(envoyé spécial)<br />

Photos luc Manago<br />

Plonger dans le monde de<br />

Mathieu Lapierre, qui dirige<br />

le domaine Lapierre dans le<br />

Beaujolais depuis la disparition<br />

de son père Marcel<br />

l’automne dernier, c’est<br />

partir dans tous les sens. La<br />

philosophie : « Plus vous mettez de désherbant,<br />

moins la vigne ira chercher profond et<br />

moins vous aurez de terroir. La vigne est<br />

feignante. Comme l’écrasante majorité de tout<br />

ce qui vit, d’ailleurs. » L’économie, la guerre :<br />

« Quand les Romains dominaient l’Europe, ils<br />

ont retrouvé des amphores marseillaises au nom<br />

de “Marcielus Portius» là où se trouve le<br />

Danemark aujourd’hui. Ils en ont déduit l’existence<br />

d’un commerce, de flux d’argent et donc<br />

d’enjeux de pouvoir. Ils ont utilisé le vin comme<br />

tel. Les Allobroges [un peuple celte installé au<br />

nord des Alpes dès le III e siècle, ndlr] se sont<br />

toujours montrés dociles et accueillants envers<br />

Rome : ils y ont gagné l’autorisation de faire<br />

du vin et de le vendre. » La mythologie :<br />

« Dionysos [le dieu du vin chez les Grecs,<br />

ndlr] liait la lune à la fermentation. » C’est sa<br />

manière à lui de voir le vin : un combat sur<br />

tous les fronts. Ça n’est ni confortable, ni<br />

tranquille : en refusant d’assommer son<br />

Morgon (en ajoutant du soufre, des levures,<br />

du sucre, des vitamines, du bicarbonate de<br />

potassium, du tanin, des enzymes…), il s’en<br />

remet à la nature et là, on n’est jamais sûr.<br />

« Une cuve où repose le vin, c’est une ville livrée<br />

à la guerre des gangs. Sans les gangs : à la place,<br />

il y a les bactéries et les levures, celles-ci devant<br />

être à la fois nombreuses et variées pour<br />

favoriser la prise de relais. Des équilibres se<br />

créent : ce sont ceux de l’instant. Le vigneron<br />

doit tout comprendre et pourtant, tout lui<br />

échappe. J’ai lu récemment des choses incroyables<br />

sur les levures. Certains pensent qu’elles<br />

peuvent produire du soufre : si c’est vrai, il y a<br />

là un moyen de repenser l’ajout de dioxyde de<br />

soufre [utilisé pour stabiliser le vin et prévenir<br />

les développements non souhaités de<br />

bactéries ou de levures, ndlr] dans le vin.<br />

Autre chose : on sait que les micro-organismes<br />

peuvent agir sur la matière. Mais on ne sait pas<br />

jusqu’où. Des Japonais pensent que ça peut<br />

aller jusqu’à l’atome ! Ok, selon Lavoisier, le<br />

chimiste français du XVIII e siècle, c’est impossible.<br />

Pourtant… »<br />

l’anarchisMe foncier En vérité, Mathieu<br />

Lapierre est le troisième à mener cette<br />

bataille à cet endroit-là. Le premier fut son<br />

père, Marcel, « l’esprit rebelle, la fraternité<br />

bruyante et l’anarchisme foncier » selon les<br />

mots de l’écrivain et journaliste Jérôme<br />

24


25<br />

DOMAINE LAPIERRE<br />

Superficie : 13 hectares.<br />

Cépages : gamay noir.<br />

Cuvées : 2 en rouge.<br />

Domaine des Chênes<br />

69 910 Villié-Morgon<br />

Tél. : 04 74 04 23 89<br />

Leroy. On connaît la légende : l’amitié de<br />

Guy Debord qui, selon le critique Sébastien<br />

Lapaque, voyait dans le travail de Marcel<br />

Lapierre la preuve que le capitalisme ne pouvait<br />

plus développer les forces productives<br />

pour peu que l’on parle qualité – et non<br />

quantité, comme cela avait été compris à<br />

peu près partout. Marcel n’était pourtant pas<br />

né avec cette idée-là. Diplômé de l’école<br />

viticole de Belleville-sur-Saône, il témoignait<br />

d’une vraie curiosité pour les techniques<br />

apprises. Il a commencé par les appliquer<br />

sur le domaine familial quand il a pris la<br />

main, en 1973. Son épouse Marie, mère de<br />

Mathieu : « Quand il s’est lancé, Marcel avait<br />

23 ans. Il fallait qu’il en profite. Les produits<br />

qu’on ajoute, les intrants, ça donne aussi du<br />

temps libre et une qualité de vie. » Marcel note<br />

cependant l’imbrication des laboratoires<br />

pharmaceutiques dans son domaine : tel<br />

type de levure produite par tel labo, ça<br />

donne immanquablement tel type de vin.<br />

Par ailleurs, les labos ont leurs entrées dans<br />

les lieux d’enseignements. « Mais c’est<br />

tout simplement le goût de son vin qui lui a<br />

posé problème », témoigne Marie Lapierre.<br />

Va pour une démarche que l’on va appeler<br />

– faute de mieux – celle du « vin naturel »:<br />

« Non pas la recréation à l’identique des<br />

procédés anciens, précise Mathieu, mais le<br />

souci de faire travailler au maximum la<br />

nature compte tenu de ce que l’on peut savoir<br />

d’elle aujourd’hui. » Ce qui fait une différence<br />

: celle qui existe entre le folklore et un<br />

cadre de travail.<br />

LA DÉGUSTATION DE 11 HEURES On est alors<br />

au début des années 80, et c’est là que Jules<br />

Chauvet fait son entrée en scène. Vigneron<br />

dans le Beaujolais lui-même et négociant<br />

établi à la Chapelle-de-Guinchay, il jouera<br />

auprès de Marcel Lapierre plusieurs rôles :<br />

chimiste, inspirateur, théoricien. « Un<br />

homme modeste, se souvient Marie, mais il<br />

venait d’un milieu bourgeois. Il avait un nombre<br />

de principes... » Dont celui-ci, que l’on<br />

trouve pour notre part extraordinaire : c’est<br />

à 11 heures du matin – ni avant, ni après –<br />

que l’on doit déguster le vin, car le petitdéjeuner<br />

est loin et le palais à la fois déjà<br />

stimulé et vierge. Créateur du verre Inao<br />

(Institut national des appellations d’origine)<br />

qui maximise le rapport entre la volumétrie<br />

et le mouvement des arômes, Jules Chauvet<br />

aura eu aussi le mérite de nettoyer le vocabulaire<br />

du vin : « Avant lui, on disait d’un vin<br />

qu’il était “réduit”, “ascétique”, “phénolé”.<br />

Avec lui, c’est devenu démocratique. Il a parlé<br />

de “fruit” le premier. Il disait : “Du fruit, mais<br />

lequel ? Cerise ? Quelle cerise ? A l’eau-devie<br />

?”. Il finançait ses recherches lui-même. Il<br />

n’a jamais eu de grand terroir. Mais il faisait le<br />

vin de table de De Gaulle. » C’est avec lui que<br />

Marcel Lapierre a trouvé la voie d’un vin tout<br />

raisin « parce que vous comprenez, il faut faire<br />

« Mon souci : faire travailler au maximum<br />

la nature, compte tenu de ce qu’on peut<br />

savoir d’elle aujourd’hui. »<br />

Mathieu Lapierre<br />

attention à ce qu’on met dans les cuves car le<br />

vin, c’est d’abord une boisson », expliquait<br />

Jules Chauvet. Celui-ci se contrefoutait des<br />

échéances contractuelles, récoltant quand la<br />

nature lui commandait de récolter. Il lui<br />

arrivait conséquemment de livrer en retard.<br />

Il en faisait une affaire de respect. C’est à<br />

cette aune-là qu’il faut juger le phénomène<br />

du beaujolais nouveau, disponible chaque<br />

année le troisième jeudi de novembre. Ou<br />

bien la nature s’est miraculeusement pliée<br />

aux nécessités marketing, ou on se fout du<br />

Mathieu Lapierre,<br />

et l’un des chais du domaine.<br />

monde. Marcel Lapierre, Jules Chauvet :<br />

Mathieu Lapierre vient ensuite. Une même<br />

bannière : la macération carbonique. On<br />

vendange à la main des grappes entières<br />

avec la rafle [la partie verte de la grappe. C’est<br />

son squelette, riche en tanin et en fer, ndlr] que<br />

l’on met – sans fouler les grains –dans une<br />

cuve hermétique saturée de dioxyde de carbone<br />

– « celui-là même qui se dégage de la<br />

macération naturelle des grains, ce qui permet<br />

de ne pas le considérer comme un ajout »<br />

(Mathieu). La fermentation intracellulaire qui<br />

s’ensuit est maîtrisée depuis les travaux de<br />

Louis Pasteur. « Elle était connue avant ça,<br />

précise le fils Lapierre. La macération carbonique<br />

protégeait le raisin que les Romains entreposaient<br />

dans des cuves taillées dans la roche. »<br />

On en est toujours rendu là, entre ce que les<br />

autres ont fait avant et ce que vous faites,<br />

vous. Ça renvoie aux Allobroges, aux<br />

Romains, à l’arrivée des levures de bière<br />

allemandes aux alentours de 1910 pour retaper<br />

les cuvées. Et bien sûr à ce père dont la<br />

disparition a été mentionnée jusque dans le<br />

San Francisco Chronicle. Mathieu se sait<br />

attendu. Quand on l’a ren-<br />

contré, on l’a senti ramassé,<br />

combatif, précis : « Je n’aime<br />

pas la dénomination “vin<br />

nature” : la nature fait du<br />

raisin, pas du vin. » Quand il<br />

raconte une anecdote ou<br />

expose une idée, il en précise toujours la<br />

source ou la paternité : plutôt que d’y voir le<br />

souci de se situer, on a plutôt compris qu’il<br />

tenait à rendre à César ce qui lui appartient.<br />

C’est l’idée qu’il se fait de la rectitude et ça<br />

doit s’entendre dans sa perspective à lui,<br />

celle d’un fils qui reprend l’exploitation<br />

du père. Sinon, il n’a pas lancé la cuvée<br />

spéciale Marcel Lapierre l’an passé alors que<br />

de son point de vue, le millésime le méritait.<br />

« Je devais faire profil bas. Les gens n’auraient<br />

pas compris. »


BOURGOGNE Sans<br />

argent ni héritage,<br />

Dominique Laurent<br />

a déniché les meilleures<br />

parcelles de Bourgogne.<br />

Et réinventé<br />

un style mythique.<br />

Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />

C’est un géant. Un personnage<br />

qui en impose. Tout droit sorti<br />

d’un ouvrage de Rabelais ou<br />

de Balzac. Un homme de<br />

chair, qui aime la chair.<br />

Dominique Laurent a commencé sa vie<br />

comme pâtissier comme son père, à<br />

Vesoul, Haute-Saône, avant de se passionner<br />

pour les grands vins de Bourgogne. En<br />

1987, il quitte sa ville pour conquérir la<br />

Côte d’Or, son terroir d’adoption. De<br />

pâtissier, il devient un vigneron sans terre<br />

ni fortune. Pourtant, en vingt-cinq ans,<br />

Dominique Laurent va bâtir l’une des plus<br />

belles histoires de la Côte de Nuits.<br />

Dépourvu de vignes, il s’improvise<br />

« éleveur de vins ». Il arpente la Bourgogne<br />

DOMAINE DOMINIQUE LAURENT<br />

Superficie : 5 hectares.<br />

Cépages : pinot noir, chardonnay.<br />

Cuvées : une vingtaine en rouge<br />

et en blanc.<br />

Production : 250 000 bouteilles<br />

par an.<br />

domaine dominique Laurent<br />

rue Principale<br />

21 2<strong>20</strong> L’étang Vergy<br />

Tél. : 03 80 61 49 94<br />

Dominique Laurent.<br />

PHOTO Fabrice Leseigneur<br />

Ci-dessous, une partie de son vignoble.<br />

PHOTO J. guiLLard/scOPe-iMage<br />

Il lit entre<br />

les vignes<br />

de long en large à la recherche de ces<br />

vignerons qui travaillent encore merveilleusement<br />

la terre (à une époque où le<br />

vignoble verse dans la surproduction et<br />

les vins maigres, où la qualité se détériore).<br />

Dominique Laurent est alors<br />

imbattable pour dénicher « la » cuvée de<br />

vieilles vignes dans un endroit impossible,<br />

chez d’illustres inconnus qui, depuis<br />

« La grande cuisine, c’est comme<br />

pour le vin, une question de temps. »<br />

Dominique Laurent<br />

toujours, n’ont qu’un seul souci, celui de<br />

bien cultiver la vigne comme le faisait leur<br />

père, grand-père ou arrière-grand-père.<br />

Ces petits vignerons anonymes s’arcboutent<br />

sur la tradition, produisant peu<br />

mais très bien, travaillant la terre à l’ancienne,<br />

qui trouvent en Dominique Laurent<br />

un négociant attentif à leur travail.<br />

C’est ainsi que ce dernier met la main sur<br />

les meilleurs terroirs de Bourgogne.<br />

Mais si le vin se fait à la vigne, Dominique<br />

Laurent estime qu’il se patine à la cave. Il<br />

a redonné de sa noblesse à l’élevage en<br />

fûts, sublimant les superbes matières brutes<br />

de décoffrage qu’il a su tirer des grands<br />

terroirs. Soucieux de retrouver la matière<br />

des fameux bourgognes d’avant-guerre,<br />

charnus et solides, il a propulsé ses<br />

grands-échezeaux, ses bonnes-mares et<br />

ses clos-de-vougeot au firmament des<br />

vins de la région. Ses cuvées les plus<br />

simples prennent, au bout de quelque<br />

temps, des allures de grands vins.<br />

MONSIEUR DEUX CENT POUR CENT Au<br />

début des années 1990, Dominique<br />

Laurent invente une nouvelle méthode de<br />

vinification qui va plaire à la clientèle<br />

américaine qui l’adule déjà : le <strong>20</strong>0% de<br />

bois neuf (le vin est élevé douze mois dans<br />

un lot de barriques neuves,<br />

puis remis dans un autre<br />

lot de barriques neuves<br />

pour douze nouveaux mois<br />

d’élevage). On a beaucoup<br />

glosé sur ces « cuvées<br />

<strong>20</strong>0% », sans s’apercevoir que, sous sa<br />

rondeur joviale, ce savant Cosinus élaborait<br />

les plus grands vins de Bourgogne :<br />

ses premières créations du début des<br />

années 1990 sont aujourd’hui à leur<br />

apogée et tiennent toutes leurs promesses.<br />

Ce type d’élevage « <strong>20</strong>0 » devient alors sa<br />

signature. Comme la cuisine, son autre<br />

passion. « La grande cuisine, c’est comme<br />

pour le vin, une question de temps », explique-t-il.<br />

En disciple de Paul Bocuse ou<br />

de Raymond Oliver, il ne cesse de faire et<br />

refaire une recette jusqu’à ce qu’elle satisfasse<br />

l’exigence de son palais monumental.<br />

Derrière les fourneaux comme en<br />

cave, il est un adepte d’une certaine tradition<br />

française. Celle par exemple<br />

qu’honorait Dumas dans son Grand dictionnaire<br />

de cuisine... Et si Dominique<br />

Laurent était un personnage tout droit<br />

sorti d’une de ces pages ?<br />

Elodie<br />

Balme,<br />

un domaine<br />

qui monte<br />

C’est une jeune vigneronne qui fait<br />

des vins explosifs et racés, poivrés<br />

et sanguins. D’ailleurs, Elodie Balme<br />

ne concocte que des rouges.<br />

Votre parcours ?<br />

J’ai fait un apprentissage de deux ans chez<br />

Richaud en BTS, chez lui j’ai surtout appris<br />

à être curieuse, à comprendre qu’il y avait<br />

une philosophie du vin et pas de recette<br />

(comme on veut souvent nous l’enseigner<br />

en cours), et que chaque année on doit se<br />

remettre en question. Avant je voyais cela<br />

de façon plus systématique.<br />

Votre terre : un héritage ?<br />

Mes parents sont viticulteurs mais en<br />

coopérative, et les vignes que j’exploite sont<br />

des parcelles que j’ai sorti de la coopérative<br />

pour créer ma cave. Le fait d’être une jeune<br />

femme ne m’a pas rendu la tâche plus<br />

difficile, j’avais tout pour commencer :<br />

des vignes, du matériel, un père prêt<br />

à transmettre son expérience et les conseils<br />

des vignerons qui m’entouraient.<br />

« Y avait plus qu’à », comme on dit…<br />

Votre vigne ?<br />

Je ne suis pas en bio mais j’essaie de<br />

travailler le plus naturellement possible. Je<br />

fais des « essais » sur pas mal de parcelles,<br />

mais comme elles étaient jusque-là en<br />

culture conventionnelle, il faut y aller en<br />

douceur. Je souhaite comprendre d’abord<br />

ce que je fais, et bien connaître mes<br />

parcelles… Pour l’instant je travaille sans<br />

œnologue en cave, nous sommes trois<br />

à l’année, plus les saisonniers.<br />

Le « bio » : l’avenir, ou un engouement ?<br />

Je pense qu’il faut effectivement revenir à<br />

une agriculture plus saine. Mais ce terme<br />

est aussi utilisé dans un sens commercial,<br />

où l’on fait vite l’amalgame entre bio,<br />

durable, écologique…<br />

Votre domaine préféré, en tant<br />

qu’amatrice ?<br />

Question diffcile ! Je dirais Poignée<br />

de Raisin, du domaine de Gramenon,<br />

mais il y en a pleins d’autres.<br />

Vos vins, où peut-on les trouver ?<br />

A Paris, à la Cave du Panthéon (V e ), chez<br />

Bacchus et Ariane (VI e ), Julhès Paris (X e ),<br />

les Caves de Reuilly (XII e ), Versant vins<br />

(Marché des enfants rouges, III e ) ; à Lyon au<br />

Vercoquin, à Marseille à Si Belle La Vigne.<br />

Propos recueillis par<br />

FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />

Elodie Balme cultive 8 hectares de vignes sur trois<br />

communes (Rasteau, Roaix et Buisson),<br />

produit 30 000 bouteilles par an reparties<br />

en cinq cuvées, principalement en grenache,<br />

mais aussi en syrah et carignan.<br />

dr<br />

26


27<br />

L’homme aux trois<br />

millions de flacons<br />

VALLÉE DU RHÔNE Sur les hauteurs de Tain-l’Hermitage, Michel Chapoutier<br />

a transformé les vignes familiales en empire. Mêlant qualité et quantité.<br />

Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />

Photos LUC MANAGO<br />

La comparaison avec Gilbert<br />

Bécaud lui va comme un gant.<br />

Michel Chapoutier est branché<br />

sur cent mille volts. Toujours par<br />

monts et par vaux à arpenter<br />

ses vignes d’Hermitage, à vendre son vin, à<br />

l’élaborer. Ou à cuisiner, chaque matin, avec<br />

le chef de sa table d’hôtes. Ou à parler, de<br />

réunion en réunion. Car Michel Chapoutier<br />

est un insatiable bavard. Toujours une idée<br />

à la seconde. Il déguste, il mange, il bouge,<br />

il collectionne à toute vapeur ! C’est, sans<br />

« Je voulais que le terroir s’exprime<br />

à travers le vin. Pour cela, il fallait<br />

retrouver une microbiologie des sols. »<br />

Michel Chapoutier<br />

doute, ce qui lui a permis de bâtir si vite sa<br />

maison de négoce et son vignoble. Ce bâtiment<br />

futuriste que l’on voit depuis l’autoroute<br />

à hauteur de Tain-l’Hermitage. En<br />

vingt ans, cet autodidacte a transformé la<br />

petite maison de négoce créée par son<br />

grand–père en véritable empire. A la fin des<br />

années 1980, l’entreprise familiale est dans<br />

une triste situation. Son père, malade, s’est<br />

retiré de l’affaire, laissant à Michel le soin de<br />

vinifier les cuvées. Mais pour le jeune<br />

homme pressé, cela ne suffit pas. En 1990, à<br />

25 ans, il décide de racheter l’entreprise,<br />

« pour avoir les mains libres ». La maison<br />

compte alors une quarantaine d’hectares de<br />

vignes, réparties entre Hermitage, Saint-<br />

Joseph, Châteauneuf-du-Pape et un peu de<br />

Côtes Rôties. A cette époque, Chapoutier<br />

produit des vins de négoce, peu typés par le<br />

terroir. « Des vins puissants en alcool, marqués<br />

par le bois, que je n’aimais pas. Ce qui me<br />

gênait, c’est que je ne voyais pas l’identité de<br />

l’appellation et du terroir. Mais cela plaisait aux<br />

vieux clients historiques », raconte-t-il. Dès le<br />

rachat, il change tout : « Je crois que c’était<br />

l’inconscience de ma jeunesse. » Son obsession<br />

: retrouver la marque du terroir. Pour<br />

cela, il convertit dès 1990 tout son vignoble<br />

en agriculture biologique, Michel Chapoutier<br />

ne fait plus d’assemblage des parcelles d’une<br />

même appellation mais crée ses « sélections<br />

parcellaires », ce qui est aujourd’hui sa marque<br />

de fabrique. « L’assemblage bâillonne<br />

le terroir. Or je voulais que le terroir s’exprime<br />

à travers le vin. Pour cela, il fallait retrouver<br />

une microbiologie des sols, et l’agriculture biologique<br />

était le meilleur moyen. Car d’une<br />

parcelle à l’autre, le vin change<br />

radicalement », dit-il avec<br />

fougue. Ainsi pour ses parcelles<br />

d’Hermitage, il compte<br />

huit cuvées différentes produites<br />

à quelques milliers de<br />

bouteilles chacune. « Cela<br />

a été dur, on a perdu des clients historiques.<br />

Chaque mois, je me demandais si j’allais pouvoir<br />

assurer les salaires », continue-t-il.<br />

RHÔNE ET AUSTRALIE La chance lui sourit<br />

en 1991. Il décroche un 100 sur 100 chez<br />

Robert Parker, l’influent critique de vins<br />

américain. L’horizon se dégage. Le prix des<br />

vins Chapoutier s’envole. Pour autant, il ne<br />

succombe pas aux sirènes du succès et maintient<br />

une production limitée à ce que la vigne<br />

peut donner. Il passe de l’agriculture biologique<br />

à la biodynamie. Il rachète des vignes<br />

sur les grands terroirs du Rhône, se développe<br />

dans le Languedoc-Roussillon et en<br />

Australie. La maison Chapoutier s’agrandit<br />

au point de compter plus de <strong>20</strong>0 hectares de<br />

vignes, cultivées en biodynamie. Mais la<br />

philosophie n’a pas changé d’un pouce. Et le<br />

bonhomme continue de courir à toute<br />

vapeur aux quatre coins du vignoble.<br />

OFFRE SPÉCIALE D’ABONNEMENT<br />

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+ Le Grand Larousse du VIN<br />

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Michel Chapoutier<br />

et une partie de son domaine.<br />

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MAISON MICHEL CHAPOUTIER<br />

Superficie : 275 hectares.<br />

Cépages : syrah, grenache,<br />

marsanne, viognier.<br />

Cuvées : environ 50 en rouge,<br />

en blanc et en rosé.<br />

Production : 3 00 000 000<br />

de bouteilles par an.<br />

Michel Chapoutier<br />

18, avenue du Docteur Paul-Duran<br />

26 600 Tain-l’Hermitage<br />

www.chapoutier.com<br />

Tél. : 04 75 08 28 65<br />

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FoiRES <strong>Aux</strong> ViNS<br />

chaBlIS, moRgon, caIRannE…<br />

LES MoNTAGNES DE<br />

ViNS DE BoRDE<strong>Aux</strong> ET<br />

DE ViNS Du SuD<br />

PEuVENT MASquER<br />

LES BouRGoGNE DANS<br />

LES RAyoNS. MAiS EN<br />

ChERChANT BiEN,<br />

oN EN TRouVE,<br />

y CoMPRiS EN Bio.<br />

au cours de ces dernières années,<br />

des millésimes inégaux se succèdent.<br />

alors que <strong>20</strong>05 et <strong>20</strong>09 sont<br />

de grandes années, <strong>20</strong>06, <strong>20</strong>07 et<br />

<strong>20</strong>08 ont été plus irrégulières et<br />

seuls les bons vignerons s’en sortent.<br />

a commencer par ce Chablis <strong>20</strong>09<br />

du domaine Jean-Marc Brocard,<br />

à 11,90 € chez monoprix. Passé en<br />

agriculture biologique et épaulé par<br />

son fils Julien, l’homme de chablis<br />

signe un joli blanc, minéral et fruité,<br />

avec une belle structure en bouche.<br />

Parmi les bourgognes abordables,<br />

voici une belle découverte avec<br />

les colombière <strong>20</strong>09, une cuvée<br />

de pinot noir, sur fruit et longue en<br />

bouche, de l’appellation hautes-<br />

Côtes-de-Nuits, élaborée par<br />

le domaine Patrick hudelot ; ce vin,<br />

à moins de 9 € chez<br />

Wineandco.com, est un bon point<br />

de départ pour découvrir les<br />

bourgogne. Plus haut de gamme,<br />

en Beaune 1 er cru, celui proposé par<br />

monoprix est élaboré à Nuits-Saint-<br />

Georges, par le domaine Chantal<br />

Lescure, l’un des fleurons de la<br />

viticulture biologique en Bourgogne.<br />

mené de main de maître par son<br />

directeur, François chavériat, un fin<br />

vinificateur, ce beau et solide vin de<br />

garde vieillira magnifiquement :<br />

comptez 24,90 € chez monoprix.<br />

Et <strong>20</strong>09 étant un grand millésime,<br />

il n’est pas surprenant de retrouver<br />

ce Morey-Saint-Denis <strong>20</strong>09, Vieilles<br />

Vignes de chez Dominique Laurent,<br />

29 € chez Système u. S’il faut<br />

distinguer chez ce vigneron hors-pair<br />

les grands crus des appellations, qui<br />

ont plus de mal à supporter l’élevage<br />

en barriques neuves. on prend<br />

néanmoins beaucoup de plaisir avec<br />

cette bouteille structurée et<br />

gourmande. Plus délicat et fin,<br />

le Gevrey-Chambertin <strong>20</strong>08 du<br />

domaine Trapet, à 40,50 € chez<br />

Xo-vin.fr. un grand bourgogne,<br />

minéral et frais, aux antipodes du<br />

flacon précédent ! Il ne faut pas<br />

oublier les beaujolais. non pas le<br />

primeur, commercialisé le troisième<br />

jeudi de novembre, mais les<br />

appellations communales,<br />

grandioses, mais qui vivent dans<br />

l’ombre de la production médiatique.<br />

Si l’on veut se faire plaisir, voici le<br />

Morgon <strong>20</strong>09 Château des Jacques,<br />

propriété de la maison Louis Jadot<br />

à Beaune. une belle expression de<br />

gamay, sur le fruit, avec une belle<br />

structure en bouche et de la<br />

longueur. En prime, il vieillit<br />

admirablement : 9,95 € chez<br />

monoprix. autre beau flacon<br />

a découvrir, le Beaujolais-Villages<br />

<strong>20</strong>09, domaine de la Charnaise, de<br />

chez Dominique Piron, 10,90 € chez<br />

chateauonline.com.<br />

le Rhône n’est pas à oublier.<br />

car c’est sans doute la région où l’on<br />

peut se faire plaisir à moindre coût<br />

(comme dans la loire). a l’image<br />

de ce Côtes du Rhône Villages<br />

Cairanne <strong>20</strong>09, cuvée Peyre<br />

Blanche. un vin structuré et long<br />

en bouche, élaboré par le domaine<br />

Perrin et Fils et vendu 8,50 €<br />

chez monoprix. ou ce Coteaux de<br />

l’Ardèche <strong>20</strong>10, domaine des<br />

Granges de Mirabel, un vin élaboré<br />

par la maison de négoce de Michel<br />

Chapoutier, 7,50 € euros chez<br />

monoprix. Plus au sud, dans les<br />

Costières de Nîmes, Emmanuelle<br />

Kreydenweiss signe cette très belle<br />

cuvée Les Grimaudes <strong>20</strong>07, que<br />

l’on trouve à 7,95 € chez<br />

Wineandco.com. J. B.<br />

Sélection réalisée par<br />

LA REVUE DU<br />

VIN DE FRANCE<br />

luc manago<br />

28


Photos : Furax - armellephotographe.com<br />

PETITES<br />

PARCELLES GRANDE<br />

L’exception bourguignonne RENOMMÉE<br />

En Bourgogne le Climat ne désigne pas le temps<br />

qu’il fait mais le terroir. Un terroir unique, composé<br />

d’une multitude de parcelles. Parfois très modestes,<br />

mais si expressives !<br />

Le Chardonnay s’y cultive dans le respect du<br />

savoir-faire humain et du patrimoine naturel avant<br />

de révéler toutes ses nuances dans des vins blancs<br />

à l’expression aromatique unique.<br />

www.vins-bourgogne.fr<br />

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION


Bordeaux<br />

& sud-ouest<br />

Cette vaste régIoN<br />

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Bordeaux et ses Crus<br />

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d’uN voIsINage eNCoMBraNt<br />

pour les vINs du sud-ouest<br />

quI oNt dû CoNstruIre leur<br />

propre hIstoIre.<br />

vINs de pays, CélèBres Crus<br />

de Cahors, de BergeraC<br />

ou de JuraNçoN, toutes<br />

les IdeNtItés s’exprIMeNt<br />

grâCe à des Cépages varIés<br />

CoMMe le taNNat à<br />

MadIraN, le MalBeC<br />

à Cahors, ou eNCore<br />

la Négrette à froNtoN.<br />

Un drôle de zigue<br />

qui fait des vagues<br />

gaIllaC Haut en couleurs et travailleur, Patrice<br />

Lescarret vendange à la main ses vieilles vignes de<br />

Causse Marines. Sans cesser, depuis dix-neuf ans,<br />

de vouloir faire mieux, et plus propre.<br />

doMaINe de Causse MarINes<br />

superficie : 12 hectares.<br />

Cépages : syrah, duras, braucol,<br />

prunelard, jurançon mauzac,<br />

ondenc, loin de l’œil, muscadelle,<br />

sémillon et chenin.<br />

Cuvées : 13 en rouge, en blanc,<br />

et en liquoreux.<br />

Domaine de Causse Marines<br />

Patrice Lescarret et Virginie Maignien<br />

81140 Vieux<br />

www.causse-marines.com<br />

Tél. : 05 63 33 98 30<br />

30


31<br />

Par DIDIER ARNAUD (envoyé spécial)<br />

Photos LUC MANAGO<br />

C’est un anarchiste qui dessine<br />

des panneaux « interdit aux<br />

blaireaux » sur les étiquettes de<br />

ses vins. Un paysan qui appelle<br />

son bouledogue « Ducon » et<br />

donne du « Mes couilles » à son chat. C’est<br />

un homme qui ne mégote pas son temps<br />

pour sa vigne, arbore des traits tirés, sur<br />

chemise à carreaux et sandalettes. C’est un<br />

vigneron qui s’occupe largement avec douze<br />

petits hectares de vignes, sur lesquels prospèrent<br />

treize cépages qui ont pour noms<br />

« mauzac » « prunelard » et « loin de<br />

l’œil ». Patrice Lescarret est né dans le<br />

Médoc il y a cinquante ans. Il a toujours rêvé<br />

de s’installer sur les coteaux de Marcillac,<br />

dans l’Aveyron. Il a finalement atterri à<br />

Gaillac, dans le Tarn. Il en est à son dix-neuvième<br />

millésime. Son domaine s’appelle<br />

Causse Marines. Pour y parvenir, on emprunte<br />

des routes sinueuses qui traversent<br />

des coteaux brûlants. Le long de sa maison,<br />

une bâtisse du XIX e siècle avec des trous spécialement<br />

dédiés aux pigeons et retapée<br />

entièrement par ses soins, trône une table<br />

sous une petite tonnelle. Un frêne immense<br />

déploie son ombre. Les vignes descendent le<br />

long du coteau où coule Marines, le ruisseau.<br />

Quand il a posé ses valises dans cette<br />

région, Patrice a détonné. Personne ne faisait<br />

comme lui. Il ne voulait faire comme<br />

personne. Les autres l’ont regardé avec des<br />

yeux ronds comme des billes. Il était régisseur<br />

en Provence. Il travaillait chez Rimauresq,<br />

un cru classé. Un jour, comme il avait<br />

bien gagné sa vie et mis un peu de côté, il a<br />

décidé de voler de ses propres ailes.<br />

« Trouvé un banquier qui a fait son travail de<br />

banquier. » Et acheté les terres de ce paysan<br />

pour qui les vignes étaient un<br />

« bagne ». Depuis, il bosse. Sur ses vieilles<br />

vignes. Lorsqu’il prononce « vieilles », il<br />

faut entendre l’adjectif. Ses pieds de mauzac<br />

? 1928. Sa muscadelle ? 1932. Son<br />

duras ? 1942 ! « Chez nous, les vignes qui ont<br />

vingt ans, elles sont jeunes » marmonne<br />

Lescarret.<br />

PERFECTIONNISME Patrice n’aime rien<br />

mieux qu’emmener le visiteur arpenter ses<br />

rangs. Là, il explique comment il effeuille,<br />

pour laisser passer le soleil. Il raconte à<br />

l’infini la roche mère qui affleure, comment<br />

la vigne va chercher l’eau très loin,<br />

de quelle manière il ne lui donne rien<br />

comme aliment (on dit nutriment). On lui<br />

demande quelle est sa production il répond<br />

en riant : « Des rendements à ulcérer un<br />

Chilien. » Si on l’interroge sur le millésime,<br />

il explique qu’il ne sait pas bien ce que ça<br />

va donner. Cela n’a pas l’air d’être de la<br />

fausse modestie, mais en tout cas, il dit qu’il<br />

n’ar rive jamais vraiment à ce qu’il aurait<br />

voulu. Lescarret est un perfectionniste.<br />

Capable de vous entretenir des heures sur les<br />

gens qui trichent avec le bio, les labels… lui<br />

vendange son vignoble manuellement, prépare<br />

des « soupes » pour soigner sa vigne en<br />

biodynamie, fait venir des Bretons qui<br />

aiment son aventure et qu’il nourrit les dix<br />

« On peut faire bio sans avoir le cheveu<br />

long et fumer la moquette. »<br />

Patrice Lescarret<br />

jours que dure la récolte. Il limite « collage et<br />

filtration à leur plus simple expression ». Et<br />

conclut, dans sa plaquette ornée d’un clown<br />

qui louche : « On peut faire bio sans avoir le<br />

cheveu long et fumer la moquette ».<br />

Et puis il confesse aussi, doucement, ce que<br />

sa vigne lui a coûté. Un peu, beaucoup de<br />

vie de famille. En 1996, un soir de retour du<br />

printemps, au moment où il entend pour la<br />

première fois le chant du coucou, après une<br />

journée de labeur, son épouse l’accueille<br />

en l’engueulant, lui expliquant qu’il lui<br />

faudrait se consacrer un peu plus à ses<br />

enfants… « Elle ne comprenait pas le sens de<br />

mon travail », explique Patrice. Depuis, il a<br />

Patrice Lescarret, et une vue<br />

du domaine de Causse Marines.<br />

rencontré Virginie Maignien, diplômée de<br />

l’Essec, en rupture de ban avec la Réunion<br />

des Musées Nationaux. A 26 ans, elle a<br />

démissionné pour entreprendre des études<br />

viticoles à Beaune, et une nouvelle vie.<br />

C’est une connaissance commune, Jean-<br />

Paul Thévenet – l’un des papes de la biodynamie<br />

–, pour qui Virginie bricolait de<br />

temps en temps, qui les a rapprochés.<br />

Virginie a compris l’engouement de<br />

Patrice, d’autant qu’elle s’y<br />

est mise avec la même<br />

verve. Entre eux, c’est une<br />

« complémentarité ». Pour<br />

le vin, ils aiment à peu près<br />

les mêmes choses. Par contre,<br />

elle ne se résout pas à<br />

trouver la cuvée <strong>20</strong>09 potable. Elle était<br />

absente au moment de la vinification, pour<br />

cause d’accouchement d’Abel, un petit<br />

bout de chou, qui multiplie les allergies…<br />

un comble pour ses parents qui bossent<br />

tellement nature.<br />

EN TOUTE MODESTIE Autrement, Patrice<br />

Lescarret est un drôle de gars. Au déjeuner<br />

dans le bistro qu’il a monté avec un associé,<br />

il fait goûter du vin d’Anjou. Et chez<br />

lui, il ouvre un mousseux d’un copain. Ce<br />

doit être un bonhomme suffisamment<br />

délicat pour ne pas imposer au visiteur<br />

l’obligation d’un compliment.


Pierre<br />

Jancou,<br />

du bio dans<br />

la peau<br />

Restaurateur et amateur de vins<br />

« nature », Pierre Jancou vient de publier<br />

Vin Vivant, aux éditions Alternatives, où il<br />

dresse le portrait de quelques vignerons<br />

passionnés de nature. A lire et à tester<br />

dans son restaurant : Vivant, 43 rue des<br />

Petites-Ecuries, 75 010 Paris.<br />

Constatez-vous une curiosité accrue<br />

des consommateurs/gourmets,<br />

notamment chez Vivant, pour<br />

les vins « bio » ou « nature »?<br />

Oui, les gens sont de plus en plus<br />

conscients de ce qu’ils mangent et<br />

boivent. Les vins « bio »,« nature »<br />

et « vivant » sont en train d’exploser<br />

et depuis dix ans nous voyons vraiment<br />

les choses évoluer.<br />

Chez les vignerons « nature »,<br />

quelle est la part d’intérêt commercial<br />

pour le label AB, et celle de la<br />

conviction ?<br />

Cela dépend des vignerons. Certains<br />

le revendiquent, d’autres l’ont mais<br />

ne l’affiche pas, d’autres encore ne<br />

veulent pas en entendre parler ou<br />

n’ont tout simplement pas les moyens…<br />

Avantage et l’inconvénient<br />

du bio/nature ?<br />

Le premier avantage du bio, c’est<br />

qu’il s’agit du futur de l’homme,<br />

il faut revenir à la raison ! Sans parler<br />

du goût et de la santé. Pour le vin bio<br />

vinifié en « nature », on retrouve<br />

le vin de « fruit »,« vivant » et non<br />

le vin de « bois », technique, chimique<br />

et stérilisé… « mort » à mon sens. Et les<br />

inconvénients, je n’en vois pas dans le bio !<br />

Sinon que les vins « nature » sont fragiles<br />

quant aux températures, et doivent être<br />

stockés à une température contrôlée, de<br />

maximum 14°C, voire 12°C, dans l’idéal.<br />

Un terroir préféré ?<br />

J’aime les terroirs sauvages, anciens<br />

et ensoleillés… Ceux qui sont travaillés<br />

artisanalement, avec la main de l’homme.<br />

Une ou deux cuvées à conseiller ?<br />

Le Cotillon des dames <strong>20</strong>09 de Jean-Yves<br />

Peron en Savoie. Un blanc minéral<br />

et légèrement sur l’oxydatif, de cépage<br />

jacquère, léger en alcool, sans sulfites<br />

ajoutés, pas même à la mise en bouteille…<br />

et la Soula <strong>20</strong>09 de Ghislaine et Alain<br />

Castex, une pure grenache noir à Banyulssur-Mer,<br />

surplombant la Méditerrannée<br />

à 350 mètres d’altitude : un grand rouge<br />

« vivant » et éternel, qui est pour moi<br />

un « grand cru » du vin « vivant » même<br />

si il est classé en « vin de table ».<br />

Propos recueillis par<br />

FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />

CATHERINE HÉLIE / ÉDITIONS ALTERNATIVES<br />

Xavier Planty et, à droite,<br />

le vignoble vu depuis<br />

Château Guiraud.<br />

La folie douce<br />

du châtelain<br />

SAUTERNES En trente<br />

ans, Xavier Planty<br />

a redonné naissance<br />

aux cent hectares<br />

du château Guiraud,<br />

qui est désormais<br />

l’unique premier cru<br />

classé de Bordeaux<br />

certifié en bio. Et cela<br />

sous le regard méfiant,<br />

et peut-être envieux,<br />

de certains viticulteurs<br />

de la région.<br />

CHÂTEAU GUIRAUD<br />

Superficie : 100 hectares.<br />

Cépages : sémillon, sauvignon.<br />

Cuvées : 3 en blanc.<br />

Production : 100 000 bouteilles<br />

par an.<br />

Château Guiraud<br />

33 210 Sauternes<br />

www.chateauguiraud.com<br />

Tél. : 05 56 76 61 01<br />

Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />

Photos LUC MANAGO<br />

Dans le silence d’un<br />

après-midi d’été,<br />

l’homme, massif,<br />

s’avance entre les<br />

rangs de sémillon,<br />

un cépage de blanc.<br />

Il caresse les feuilles<br />

de sa main ample,<br />

admire leur couleur,<br />

s’extasie devant ses « hôtels pour<br />

insectes » plantés sur le domaine, où virevoltent<br />

guêpes et abeilles, mouches et coccinelles.<br />

Xavier Planty semble avoir grandi dans ces<br />

vignes de Sauternes. Il est pourtant arrivé ici<br />

presque par hasard, et en trente ans a<br />

reconstruit le château Guiraud, ses cent hectares<br />

de vigne et son parc arboré. Guiraud,<br />

premier cru classé de Sauternes, le voisinrival<br />

historique d’Yquem. Seul premier cru<br />

classé de Bordeaux certifié en agriculture<br />

biologique. Une folie pour certains voisins ;<br />

32


33<br />

un plan de communication, tranchent d’autres.<br />

Mais pour Xavier Planty, une nécessité.<br />

« Mon ancien chef de culture est mort d’un cancer<br />

foudroyant, juste avant de partir en retraite.<br />

Ça m’a anéanti. J’ai tout de suite compris d’où<br />

ça venait, des pesticides », lâche-t-il. Tout<br />

commence en septembre 1982. Xavier Planty<br />

vient de quitter un poste d’œnologue dans<br />

une propriété de Saint-Emilion pour s’évader<br />

vers la Provence. « Mais au dernier<br />

moment, mon projet n’a pas abouti et je me suis<br />

retrouvé à la rue, sans logement, avec ma femme<br />

et nos quatre enfants », raconte-t-il. C’est<br />

finalement son beau-père, le comte de Baritault<br />

du Carpia, qui l’héberge dans son château<br />

délabré, sans eau courante ni électricité,<br />

une vaste ferme nichée à Castillon de Castets,<br />

à quelques kilomètres de Sauternes (qu’il<br />

reprendra en 1998 pour en faire une ferme<br />

céréalière de 1<strong>20</strong> hectares, intégralement<br />

cultivée en bio : « C’est sportif, mais ça me<br />

permet de garder les pieds sur terre. »)<br />

Revenons à ce mois de septembre 1982.<br />

Un chasseur de tête lui déniche le poste de<br />

directeur technique à Guiraud, afin d’épauler<br />

le fils de Franck Narby, un armateur canadien<br />

qui vient de racheter le domaine un an<br />

auparavant. Le château est en ruine, le vignoble<br />

en très mauvais état, il faut tout<br />

reconstruire. Le courant passe si bien entre<br />

Franck Narby et Xavier Planty qu’en 1986, le<br />

propriétaire lui donne un mandat social et le<br />

« Le bio, c’est sportif, mais ça me permet<br />

de garder les pieds sur terre. »<br />

Xavier Planty<br />

propulse gérant du château, alors que le fils<br />

quitte le navire. « J’ai eu une chance incroyable<br />

avec cet homme », dit Xavier Planty. En<br />

cinq ans, il va recréer Guiraud, menant les<br />

opérations tambour battant sans éviter certaines<br />

erreurs. « Que je paye encore. A l’époque,<br />

je n’avais pas pris conscience qu’un<br />

environnement agricole était aussi un milieu<br />

écologique global », constate-t-il.<br />

Un jour, au milieu des années 1990, un marchand<br />

de produits phytosanitaires lui fait<br />

l’article d’un traitement miracle pour ses<br />

céréales, présenté dans une bouteille en aluminium<br />

brossé à 300 francs le litre. « Je me<br />

suis trouvé con. Je me suis dit : “Tu es prêt à<br />

payer 300 francs ce truc avec une tête de<br />

mort dessus et tu n’es pas foutu de vendre<br />

une bonne bouteille de Guiraud 60 francs.<br />

Quelque chose ne tourne pas rond !” » Très<br />

vite, avec sa femme, ils décident de convertir<br />

leur ferme en agriculture biologique : ce sera<br />

son laboratoire.<br />

LES HÔTELS À INSECTES A Guiraud, le<br />

décès de son chef de culture l’anéanti. En<br />

<strong>20</strong>00, Xavier Planty s’adjoint les conseils de<br />

Maarten Van Helden, chercheur sur la biodiversité<br />

dans le vignoble à l’Enita de Bordeaux<br />

(Ecole Nationale d’ingénieurs des travaux<br />

agricoles). Van Helden va l’aider à recréer de<br />

la biodiversité. Il plante six kilomètres de<br />

haies, enherbe certaines parcelles et installe<br />

des nichoirs, des ruches et même des hôtels<br />

à insectes, ainsi qu’une station d’épuration<br />

biologique pour traiter les eaux usées du<br />

vignoble. « Cette biodiversité a protégé la vigne<br />

contre les maladies. Si bien<br />

qu’en <strong>20</strong>04, on n’utilisait plus<br />

aucun insecticide », explique<br />

Planty. Mais cette même<br />

année, gravement malade,<br />

Franck Narby met en vente<br />

Château Guiraud. Ce qui<br />

freine la conversion. Les acheteurs ne se<br />

bousculent pas, malgré la réussite des vins.<br />

Dès lors, Planty comprend qu’il doit s’impliquer<br />

vraiment, d’autant qu’il possède quelques<br />

parts depuis 1986. Il appelle deux<br />

copains vignerons pour former un pool<br />

d’actionnaires : Olivier Bernard, le propriétaire<br />

du Domaine de Chevalier en Pessac-<br />

Léognan, et Stephan Van Niepperg, le<br />

propriétaire du château Canon la Gaffelière,<br />

grand cru classé de Saint-Emilion. Et à eux<br />

trois, ils réussissent à convaincre une quatrième<br />

personne qui va investir en majorité,<br />

Robert Peugeot. Ils rachètent Guiraud en<br />

<strong>20</strong>06. L’héritier du constructeur automobile<br />

adhère même à la conversion en agriculture<br />

biologique. Après trois années de conversion,<br />

Guiraud devient officiellement, fin <strong>20</strong>10, le<br />

premier cru classé de Bordeaux certifié<br />

en agriculture biologique.


Naturel<br />

à tout crin<br />

PAUILLAC Non loin de l’estuaire de la Gironde,<br />

Alfred Tesseron a hérité d’un domaine qu’il a<br />

converti en biodynamie et qu’il cultive avec quatre<br />

chevaux. Heureux d’avoir bravé bien des réticences.<br />

Par DIDIER ARNAUD (envoyé spécial)<br />

Ci-dessus, Alfred Tesseron,<br />

à droite, l’un de ses postiers Bretons.<br />

PHOTOS DIDIER ARNAUD<br />

Il s’absente de chez lui au moins<br />

quatre mois par an. Sillonne le<br />

monde entier, de foire en foire,<br />

pour présenter son vin. Au bout de<br />

trois jours, sa région lui manque.<br />

Alfred Tesseron raconte qu’il aime<br />

marcher avec son épagneul dans<br />

les vignes. Mais quand il reçoit, c’est dans<br />

une voiture électrique que cet homme, à la<br />

poignée de main franche, vous fait grimper.<br />

On se croirait en route pour le trou numéro<br />

huit d’un parcours de golf : « J’ai toujours<br />

emmené les gens dans les vignes, c’est là qu’est<br />

fait le vin, c’est elle qui compte. » On est dans<br />

le Médoc, l’estuaire de la Gironde est à deux<br />

pas. Le sol est de sable et de grave, il y a de<br />

petites maisons de pierre aux carrefours<br />

des chemins. Et soudain, un cheval. Alfred<br />

connaît le nom de chacun de ses postiers<br />

Bretons (une race de cheval très endurante),<br />

qui tirent un outillage approprié. Le retour<br />

aux vieilles manières n’est pas juste une<br />

question d’image. Les noms des chevaux ?<br />

Reine, Surprise, Opale et Kakou. Ceux-là<br />

labourent, enlèvent la terre. « Un cheval ne<br />

met jamais son pied au même endroit, il<br />

épargne le sol quand le tracteur l’écrase », dit<br />

Alfred, et casse moins de pieds de vigne.<br />

DOMAINE PONTET-CANET<br />

Superficie : 80 hectares.<br />

Cépages : cabernet, sauvignon,<br />

merlot, cabernet franc et petit verdot.<br />

Cuvées : 2 en rouge.<br />

Production : 300 000 bouteilles<br />

par an.<br />

Château Pontet-Canet<br />

33 250 Pauillac<br />

www.pontet-canet.com<br />

Tél. : 05 56 59 04 04<br />

Voilà ce qu’Alfred Tesseron, fils de Guy, a<br />

apporté à son château Pontet-Canet : une<br />

nouvelle façon de travailler (en biodynamie)<br />

et de manière plus traditionnelle, qui l’a,<br />

explique-t-il, « rapproché du vignoble ».<br />

Cette manière l’a « distingué », dans une<br />

région où marquer sa différence est une<br />

affaire bien délicate. On entend encore les<br />

ricanements de gens des crus voisins quand<br />

on leur parle de biodynamie, cette « lubie de<br />

parisiens ». On écoute avec circonspection<br />

ce Pauillacais anonyme rencontré dans un<br />

« Un cheval ne met jamais son pied<br />

au même endroit, il épargne le sol alors que<br />

le tracteur l’écrase. »<br />

Alfred Tesseron<br />

magasin parler du « nouveau marketing » de<br />

ce type de vins-là : « Beaucoup s’y mettent<br />

pour faire parler d’eux. » A Alfred Tesseron,<br />

tout ça ne provoque guère qu’un haussement<br />

d’épaules. C’est Jean-Michel Comme,<br />

le régisseur, qui lui a fait goûter son propre<br />

vin, le Chant des treilles, un petit vignoble<br />

près de Sainte-Foy-la-Grande, qui l’a<br />

convaincu de s’y mettre. « Il y avait une<br />

pureté dans son vin », dit Alfred Tesseron, qui<br />

lance alors à Jean-Michel : « On pourrait<br />

essayer de faire quelque chose d’identique ».<br />

Cette année-là, en 1994, Guy Tesseron, le<br />

père, est à la manœuvre. Pour évoquer sa<br />

mémoire, Alfred dit juste : « L’homme intelligent,<br />

c’est mon père ». Un peu plus tôt, lorsqu’Alfred<br />

s’essaie à la vendange verte, son<br />

père le bat froid. Alfred a écrasé les raisins<br />

– il mime avec sa chaussure – pas mûrs. Guy<br />

a vu jaune. Piétiner du raisin, pour un<br />

Charentais, c’est un crime, du gaspillage. Et<br />

surtout, une manière de prendre le pas sur le<br />

pas de son père. Alfred est passé en force :<br />

autrement il n’aurait pas osé. Il met le père<br />

devant le fait accompli et lui dit une fois sa<br />

première vinification effectuée : « Le mal est<br />

fait ». Alfred aurait dû être un enfant bien<br />

élevé. Il a serré les fesses et ça lui a bien<br />

réussi. Ce tournant lui attire les commandes,<br />

et les bonnes notes. Le redouté Parker, le<br />

critique américain dont les remarques<br />

font la pluie et le beau temps, lui a donné<br />

l’excellence. Mais le plus beau compliment,<br />

c’est celui que lui fit son père quand, ce mois<br />

de mars, il lui porte un échantillon de son<br />

premier bébé : « Je sais qu’il est bon, j’en<br />

ai déjà entendu parler. » Il faut envisager<br />

Pontet-Canet comme un endroit casse-gueule.<br />

BON VOISINAGE Avant les Tesseron, la<br />

famille Cruse était propriétaire du vignoble<br />

depuis cent cinquante ans. Nicole, la bellemère<br />

d’Alfred qui l’a élevé, avec sa fratrie,<br />

« comme une sainte », est issue de cette<br />

famille. Alfred lui doit tant qu’il a baptisé un<br />

chai de son nom. Lorsque les Cruse ont<br />

vendu le domaine, c’était au beau milieu<br />

d’une crise majeure que traversait leur<br />

entreprise et qui a touché, par extension,<br />

tout le Bordelais. Il y était question d’appellation<br />

vendue en Bordeaux générique, en fait<br />

« enrichie » de vins du Languedoc… Outre-<br />

Atlantique, la fraude a coûté beaucoup en<br />

terme d’image et a fait du mal à la famille.<br />

Mais cet épisode a été effacé des tablettes de<br />

l’histoire officielle. Ce qui, en revanche,<br />

n’est pas oublié en ce qui concerne Pontet-<br />

Canet (« seulement » cinquième cru classé),<br />

c’est la proximité de très grands crus comme<br />

le voisin Lafite Rothschild, un roi dans le<br />

coin. Un voisin à côté duquel il n’est pas<br />

mauvais de se faire remarquer. Outre toutes<br />

ces embûches, il faut encore compter sur les<br />

aléas du climat, et les risques du métier. En<br />

<strong>20</strong>04, une attaque de mildiou a forcé Alfred<br />

Tesseron à traiter sa vigne, mettant en péril<br />

son agrément bio. Il n’a pas dormi pendant<br />

des nuits, et cet épisode l’a visiblement marqué.<br />

Depuis, il maintient le cap. Content de<br />

faire quelque chose que les autres ne font<br />

pas. Après, il montre son chai – construit<br />

par Eiffel – explique le tri des grains, puis fait<br />

déguster son dernier millésime. Puissant,<br />

fortement structuré, mais un peu jeune.<br />

MAUVAIS NUAGE Plus tard, dans la cuisine<br />

du château où un chef se met en quatre pour<br />

servir à seulement deux convives, son<br />

patron et l’auteur de ces lignes, un repas<br />

délicat, Alfred a ouvert un millésime <strong>20</strong>03,<br />

un cru d’avant la biodynamie, sacrément<br />

rond et brillant. Une année particulière,<br />

caniculaire. Depuis dix ans,<br />

son vin s’arrache comme<br />

des petits pains. Lui joue<br />

l’étonné, le modeste, il met<br />

ça sur le compte du marché.<br />

« On a profité de cette vague,<br />

résume-t-il, mais c’est le fait<br />

de faire bon. » Le millésime <strong>20</strong>11 fut vendu en<br />

un quart d’heure, tant il était précédé de sa<br />

réputation. Le <strong>20</strong>10 se vend 110 euros, « dix<br />

fois moins cher qu’un grand cru », tempère<br />

Tesseron, qui rappelle que son principal<br />

associé c’est la nature. Il dit qu’un mauvais<br />

nuage peut tout lui faire perdre. Et, malgré<br />

son âge, conclut ainsi : « Je ne pense pas du<br />

tout que je suis arrivé. »<br />

34


35<br />

luc manago<br />

lIBÉraTIon, SAMEDi 4 JullIET <strong>20</strong>09 CuLTurE 37<br />

FOirES <strong>Aux</strong> vinS<br />

margauX, côTES DE caSTIllon, gaIllac…<br />

Au HiT PArADE<br />

DES FOirES <strong>Aux</strong> vinS,<br />

BOrDE<strong>Aux</strong> rEMPOrTE<br />

LA PALME. LA réGiOn<br />

rEPréSEnTE PLuS DE<br />

LA MOiTié DE L’OFFrE.<br />

Des centaines de châteaux et<br />

certains crus de légendes sont soldés<br />

au même prix, voire moins cher qu’en<br />

primeur. mieux, les enseignes<br />

spécialisées font jeu égal avec les<br />

grandes surfaces. ainsi, repaire<br />

de Bacchus, le réseau de cavistes<br />

Franciliens, donne rendez-vous à ses<br />

clients sur son nouveau site (www.<br />

lerepairedebacchus.com). cent<br />

trente vins y voient leurs prix remisés<br />

de 12 à 37 %. la cuvée Désirée <strong>20</strong>05<br />

clary du château Le Thil Comte de<br />

Clary, un Pessac-Léognan voisin<br />

de Smith Haut-lafitte, est proposé<br />

à <strong>20</strong> €. Toujours au repaire<br />

de Bacchus, on découvre ce très<br />

beau Margaux <strong>20</strong>06, Château<br />

Prieuré Lichine. a boire dans deux<br />

ou trois ans, ou à garder en cave,<br />

à 44 €. iDealwine, le site de vente aux<br />

enchères, offre de grands crus dont<br />

le grandiose Léoville-Barton <strong>20</strong>07<br />

pour 46 €. Plus abordable et toujours<br />

en Saint-Julien, le Pavillon de<br />

Léoville Poyferré, le second vin<br />

du château léoville Poyferré, est<br />

à 26,80 € chez nicolas. la région<br />

de Bordeaux produit encore peu<br />

de vins en agriculture biologique.<br />

mais casino vend un excellent<br />

Bordeaux <strong>20</strong>10, Château Joumes-<br />

Fillon, à seulement 3,95 €. autre<br />

cuvée à ne pas rater, le château<br />

Grand Corbin-Despagne, un cru<br />

classé de Saint-Emilion, tenu<br />

admirablement par François<br />

Despagne. c’est l’un des plus<br />

abordables crus classés de<br />

l’appellation, et l’un des meilleurs. Il<br />

est vendu 21,50 € chez Wineandco.<br />

ce site de vente par internet, basé<br />

à Bordeaux, offre une belle gamme<br />

de crus prestigieux à des prix<br />

maîtrisés. comme le plus célèbre des<br />

Haut-Médoc, Château Sociando-<br />

Mallet <strong>20</strong>08 à 24,90 €, ou ce<br />

Margaux <strong>20</strong>07, Château du Tertre<br />

à 26,10 €. ou, pour rester sur la rive<br />

gauche, Château Smith Haut Lafitte<br />

rouge <strong>20</strong>07 à 39,95 € (le tout chez<br />

Wineandco.com). De son côté,<br />

le réseau de cavistes nicolas met en<br />

avant les seconds vins de grands crus.<br />

une façon de tutoyer les crus classés<br />

sans se ruiner. Dont L’Oratoire de<br />

Chasse-Spleen <strong>20</strong>09, le second vin<br />

de château chasse-Spleen à 16,80 €,<br />

Les Tourelles de Longueville <strong>20</strong>07,<br />

second vin du célèbre pauillac<br />

château Pichon-longueville, à 30 €<br />

(chez nicolas). a ne pas manquer non<br />

plus, sur internet, le meilleur Côtes<br />

de Castillon qui rivalise avec les<br />

Saint-Emilion grand cru Château<br />

d’Aiguilhe <strong>20</strong>08, 16,65 € (Xo-vin.fr).<br />

Pour ceux qui cherchent un sauterne<br />

mythique, Château Climens <strong>20</strong>05,<br />

90,25 € (Xo-vin.fr). Et en blanc sec,<br />

un graves, propriété du célèbre<br />

œnologue Denis Dubourdieu, Clos<br />

Floridène La Pente <strong>Aux</strong> Alouettes<br />

blanc, à 19,32 € (lavinia). le sudouest<br />

est aussi présent avec de jolies<br />

découvertes comme le Sauvignon<br />

Daguet de Berticot <strong>20</strong>10, un côtes<br />

de Duras blanc vendu 3 € chez<br />

carrefour market, qui existe aussi<br />

en rouge, en millésime <strong>20</strong>09,<br />

au même prix. Il y a aussi ce<br />

magnifique Cahors <strong>20</strong>09, Cèdre<br />

Héritage Château du Cèdre, à 5,95 €<br />

chez Wineandco.com. Plus<br />

prestigieux, en Cahors <strong>20</strong>05, Les<br />

Laquets du Domaine Cosse-<br />

Maisonneuve, 24,90 € (iDealwine).<br />

Enfin, pour les amateurs de blancs<br />

liquoreux, on trouve le Monbazillac<br />

<strong>20</strong>07, Château de Larchere à 8,50 €<br />

chez lavinia, et le Gaillac <strong>20</strong>10,<br />

domaine Plageoles Brune d’Autan<br />

à 13,34 €. Toujours chez lavinia,<br />

le Jurançon <strong>20</strong>07, Domaine Bellauc<br />

La Divine, 25,39 €. a se damner. J. B.<br />

Sélection réalisée par<br />

LA REVUE DU<br />

VIN DE FRANCE


Champagne<br />

& alsaCe<br />

TrenTe-deux mille heCTares<br />

eT un suCCès planéTaire :<br />

voilà le desTin du<br />

Champagne eT de ses<br />

grandes maisons, ses Caves<br />

CoopéraTives eT ses<br />

propriéTaires réColTanTs.<br />

dans les vignes, Trois<br />

Cépages dominenT.<br />

le Chardonnay, le pinoT<br />

noir eT le pinoT meunier.<br />

l’alsaCe, elle, CompTe<br />

de nombreux peTiTs<br />

produCTeurs qui s’appuienT<br />

sur un ClimaT ConTinenTal<br />

pour élaborer de grands<br />

vins blanCs seCs eT<br />

liquoreux, grâCe aux<br />

Cépages riesling, pinoT<br />

blanC, sylvaner eT<br />

gewurzTraminer.<br />

Champagne Ingénieur agronome de formation,<br />

Jean-Baptiste Lécaillon réforme peu à peu Roederer,<br />

l’une des stars de Champagne. En appliquant une<br />

méthode scientifique, et bio, à son terroir.<br />

Le détenteur<br />

de la clé<br />

du sol<br />

Par jérôme baudouin<br />

Photos luC manago<br />

On ne se refait pas.<br />

Fils et petit-fils<br />

d’ingénieur agronome,Jean-Baptiste<br />

Lécaillon<br />

marche sur les<br />

traces familiales.<br />

Avec la même<br />

logique de pensée,<br />

vision des choses, méthode de travail. Il<br />

ne renie pas sa filiation et pourtant sait s’en<br />

détacher, cultiver une certaine indépendance<br />

intellectuelle, se construire une nouvelle<br />

approche viticole. « Aujourd’hui, dit-il, quand<br />

un jeune œnologue arrive chez Roederer, je lui<br />

demande de jeter ses livres et de réapprendre le<br />

travail. On ne peut pas faire de grands vins avec<br />

une œnologie et une agronomie standardisées.<br />

Pour faire grand, il faut repousser les limites. Et<br />

donc désapprendre et se réapproprier le vin par<br />

la dégustation et l’observation. » Jean-Baptiste<br />

Lécaillon parle avec un sourire au coin des<br />

lèvres. Il est le directeur général adjoint de<br />

Louis Roederer, l’une des plus prestigieuses<br />

maisons de champagne, la seule à avoir osé<br />

l’aventure de la viticulture en biodynamie,<br />

malgré sa taille : 2<strong>20</strong> hectares et trois millions<br />

de bouteilles produites.<br />

36


37<br />

DOMAINE LOUIS ROEDERER<br />

Superficie : 214 hectares.<br />

Cépages : pinot noir et meunier<br />

(135 ha) ; chardonnay (79 ha).<br />

Cuvées : 16.<br />

Production : 3 000 000 de bouteilles<br />

par an.<br />

Louis Roederer<br />

21, boulevard Lundy<br />

51 100 Reims<br />

www.champagne-roederer.com<br />

Tél. : 03 26 40 42 11<br />

Cette indépendance d’esprit vient peutêtre<br />

de son parcours. Certes, Jean-Baptiste<br />

Lécaillon est né à Reims, au cœur de la Champagne,<br />

mais il n’est pas issu du monde viticole,<br />

du sérail. Il avait bien quelques copains de<br />

collège qui « en étaient », comme le fils Krug,<br />

l’un de ses meilleurs amis. Mais sa rencontre<br />

avec le vin s’est faite au hasard d’un voyage en<br />

Bourgogne, au domaine Dujac. « Après avoir<br />

goûtécesvins,j’aisuquelmétierjevoulaisfaire. »<br />

Une fois obtenus ses diplômes d’agronome et<br />

d’œnologue, en 1988, il décide de partir à<br />

l’étranger, vinifier sur d’autres continents.<br />

« J’ai contacté les maisons de champagne qui<br />

possédaient des vignobles aux Etats-Unis ; c’est<br />

ainsi que j’ai rencontré Jean-Claude Rouzaud,<br />

le propriétaire de Roederer. » Entre les deux<br />

hommes l’entente est tellement immédiate,<br />

magique, que l’entretien dure des heures.<br />

Jean-Claude Rouzaud l’emmène dans le<br />

vignoble, lui montre chaque parcelle, lui fait<br />

goûter les vins. A la fin de la journée, il l’embauche<br />

et l’envoie aux Etats-Unis restructurer<br />

la production de méthode champenoise<br />

Roederer Estate, en Californie. Un an après,<br />

ce sera l’Australie où il reste trois ans et demi<br />

afin de créer un mousseux.<br />

ENTRE REIMS ET BORDEAUX Lorsque Jean-<br />

Baptiste Lécaillon revient à Reims en 1994, il<br />

est chargé du développement des vignobles.<br />

Mais il passe la moitié de son temps entre<br />

Reims et Bordeaux car Roederer vient<br />

d’acheter une propriété à Saint-Estèphe, le<br />

château Haut-Beauséjour, suivi par le château<br />

de Pez en 1996. « Ce passage à Bordeaux<br />

m’a permis d’avoir une vision plus qualitative de<br />

la production de raisin, et de rapprocher le<br />

vignoble de la cave. En Champagne, les achats<br />

de raisin et la distance des parcelles rendent<br />

moins évidente cette démarche. On est davantage<br />

dans une logique de marque », continuet-il.<br />

Et avec Jean-Claude Rouzaud, il renforce<br />

cette réflexion sur le terroir en Champagne.<br />

« Le meilleur moyen de gagner en qualité, c’était<br />

de mieux travailler nos sols. »<br />

Jean-Baptiste Lécaillon entame alors sa révo-<br />

lution intellectuelle. Fini la logique productiviste<br />

apprise à l’école. Roederer possède en<br />

propre 2<strong>20</strong> hectares de vignes, dont la plupart,<br />

plantées en pinot noir, sont situées en<br />

grand cru, sur les pentes de la montagne de<br />

Reims. Un trésor inestimable.<br />

En 1999, Lécaillon dirige à la fois le vignoble<br />

et la cave. Ce qui est rarissime en Champagne,<br />

où les grandes maisons préfèrent<br />

généralement travailler avec deux personnes<br />

différentes pour ces deux postes, et où, généralement,<br />

le chef de cave a primauté sur le<br />

chef de culture. Avec sa double casquette,<br />

Jean-Baptiste Lécaillon a le pouvoir de réformer<br />

Roederer. Il approfondit également son<br />

approche terroir en discutant avec des vignerons<br />

en biodynamie, comme Dominique<br />

Lafon. Mais la partie n’est pas facile. D’une<br />

« Je réfléchis à ce qui se passera après la<br />

viticulture bio et biodynamique, qui ont été<br />

des réponses à l’impasse du productiviste. »<br />

Jean-Baptiste Lécaillon<br />

part, le climat champenois n’est pas vraiment<br />

adapté. De l’autre, le vaste vignoble de<br />

Roederer ne se pilote pas comme un petit clos<br />

bourguignon. Et la biodynamie demande une<br />

forte implication personnelle. Si bien que<br />

Jean-Baptiste Lécaillon débute ses expériences<br />

sur deux hectares seulement. Avec sa logique<br />

Jean-Baptiste Lécaillon, et une partie<br />

de l’étendue du domaine Louis Roederer.<br />

scientifique, il échantillonne son périmètre<br />

d’expérimentation avec trois terroirs et trois<br />

cépages différents, mi-agriculture biologique,<br />

mi-biodynamie. « Au fil des ans, j’ai<br />

élargi ce protocole pour atteindre 26 hectares<br />

de vignes ; je crois que nous avons l’un des<br />

plus grands vignobles de Champagne cultivé de<br />

la sorte. Mais je ne veux pas être affilié à une<br />

chapelle. C’est pour cela que je ne me revendique<br />

pas biodynamiste. »<br />

BOULES D’ÉNERGIES Lors des dégustations,<br />

néanmoins, le résultat qualitatif ne s’est pas<br />

fait attendre. « On ne peut pas dire qu’entre le<br />

bio et la biodynamie, l’un est meilleur que l’autre.<br />

Mais en bouche, on découvre des vins qui sont<br />

des boules d’énergie, très structurés, avec une<br />

minéralité impressionnante. Si bien qu’il m’a fallu<br />

réapprendre à réaliser mes<br />

assemblages de cuvées. »<br />

Depuis quatre ans, il applique<br />

ce protocole dans les différentes<br />

propriétés appartenant<br />

à Roederer : châteaux<br />

de Pez et de Pichon Comtesse<br />

Lalande à Bordeaux, Ramos Pinto au Portugal,<br />

domaine Ott en Provence et aux Etats-<br />

Unis. « Je réfléchis désormais à ce qui se passera<br />

après la viticulture bio et biodynamique, qui ont<br />

été des réponses à l’impasse du productiviste. »<br />

En fait, dit il, « il reste à inventer l’avenir du<br />

vignoble, avec de nouvelles méthodes. »


Sur la bonne<br />

pente, depuis<br />

cinq siècles<br />

ALSACE Ces vignes escarpées ont leurs seigneurs,<br />

les Humbrecht, qui les cultivent en biodynamie<br />

de pères en fils. Rendements faibles, résultats sublimes.<br />

Par JACKY DURAND (envoyé spécial)<br />

Sur la route, lors d’une pause<br />

dans un winstub, on nous<br />

avait prévenu : « Vous allez<br />

chez des seigneurs. » Ce<br />

matin-là, à un kilomètre<br />

de Turckheim (Haut-Rhin),<br />

entre les contreforts des<br />

Vosges et la plaine d’Alsace, on cherche un<br />

point de repère dans l’immense frondaison<br />

vert tendre des vignes quand apparaît, sobre<br />

et élégant, l’édifice de béton brut qui signe<br />

la présence du domaine Zind-Humbrecht,<br />

40 hectares en biodynamie, 22 salariés et<br />

parmi les plus beaux vins d’Alsace. Le bâtiment<br />

est à l’image de son hôte, discret<br />

et impressionnant à la fois car Olivier<br />

Humbrecht et son fils (qui l’a dépassé…)<br />

doivent fricoter avec les deux mètres, à vue<br />

de nez. Mais dans la famille, on ne compte<br />

pas : ni les mots, ni le temps quand il s’agit<br />

DOMAINE ZIND-HUMBRECHT<br />

Superficie : 40 hectares.<br />

Cépages : riesling, gewurztraminer,<br />

pinot gris, muscat, pinot blanc,<br />

auxerrois, chardonnay et pinot noir.<br />

Cuvées : 22 en blanc et en rouge.<br />

Production : environ <strong>20</strong>0 000<br />

bouteilles par an.<br />

Domaine Zind-Humbrecht<br />

4, route de Colmar<br />

68 230 Turckheim<br />

Tél. : 03 89 27 02 05<br />

de raconter la vigne. Il faut dire que les<br />

Humbrecht font du vin depuis des lustres.<br />

Officiellement depuis le XVII e siècle mais<br />

peut-être bien plus longtemps si l’on se fie<br />

à une énigmatique pierre gravée avec les<br />

initiales IH (pour Isidore Humbrecht ?) et<br />

cette date, 1296.<br />

Il y a cinq siècles, à la sortie de la guerre de<br />

Trente Ans qui ravagea l’Alsace, les ancêtres<br />

des Humbrecht cultivaient la vigne en foule,<br />

autour de piquets à raison de <strong>20</strong> 000 à<br />

30 000 pieds à l’hectare – contre 7 500 à<br />

10 000 pieds aujourd’hui. Le cépage se<br />

nommait le knipperlé. Il a disparu dans les<br />

friches de l’oubli avant d’être retrouvé par<br />

hasard au milieu d’une vieille vigne dans le<br />

val de Villé. Les Humbrecht en ont replanté<br />

une cinquantaine de pieds, il y a une dizaine<br />

d’années pour l’observation, le savoir.<br />

LA PLEIADE DE PARCELLES C’est peu dire<br />

qu’on aime apprendre et se souvenir chez<br />

ces gens-là. Léonard Humbrecht, le père<br />

d’Olivier, a passé sa vie à la recherche des<br />

plus beaux terroirs, collectionnant ainsi une<br />

pléiade de parcelles magnifiques. « Moi, je<br />

suis tombé dedans sans m’en rendre compte »,<br />

raconte Olivier. Sa fille fait une formation de<br />

design, son fils va entrer dans la même école<br />

d’ingénieur en agriculture que son père à<br />

Toulouse. « J’essaie de lui montrer les bons<br />

mais aussi les mauvais côtés du travail du vig-<br />

« Notre compost était de la merde, à cause<br />

du fumier de lapin que l’on achetait : les<br />

animaux étaient bourrés d’antibiotiques. »<br />

Olivier Humbrecht<br />

neron. Si je vous emmène palisser [attacher les<br />

branches de la vigne, ndlr] par 35 °C comme<br />

aujourd’hui, vous allez découvrir la pénibilité du<br />

métier. En revanche, travailler le vin en cave,<br />

ça, c’est la partie plaisir. » Avec un diplôme<br />

d’ingénieur, un autre d’œnologie, Olivier<br />

est parti au milieu des années 80 effectuer<br />

son service national à Londres où il en pro-<br />

Olivier Humbrecht<br />

et une partie de son vignoble. PHOTOS DR<br />

fite pour préparer le « Master of wine ». En<br />

cinquante-cinq ans d’existence, trois cents<br />

personnes seulement ont décroché le<br />

« MW », où il faut à la fois faire preuve d’un<br />

savoir encyclopédique tout en dissertant sur<br />

le vin et enchaîner trois dégustations de<br />

douze crus chacune. « La première fois, je l’ai<br />

raté par manque de connaissance des vins du<br />

monde. J’ai pris trois mois pour faire le tour de<br />

la planète et découvrir des vignobles, entre<br />

autres dans l’Oregon. »<br />

LA VIGNE, UN ÊTRE VIVANT Ainsi pourvu,<br />

Olivier Humbrecht est rentré à Turckheim<br />

pour se frotter au… tas de fumier familial.<br />

Son père utilisait déjà de l’engrais bio en sacs.<br />

Ensemble, ils tentent de faire leur propre<br />

compost qui se révèle un affreux brouet<br />

puant l’ammoniaque. « Durant trois ans, c’est<br />

resté de la merde, explique Olivier. On a fini<br />

par comprendre que c’était à cause du fumier de<br />

lapin que l’on achetait : les animaux étaient<br />

bourrés d’antibiotiques. Et le compost stérilisé.<br />

» Olivier Humbrecht s’en va jusqu’au fin<br />

fond des Vosges chez un agriculteur pour<br />

dénicher un autre fumier<br />

qui, cette fois mélangé à son<br />

marc de raisin, lui donne un<br />

beau compost. « J’ai découvert<br />

que ce paysan-là travaillait<br />

en biodynamie. Je me suis<br />

dit qu’il fallait que j’applique<br />

cette démarche à ma vigne. »<br />

Entre sa culture d’ingénieur et les principes<br />

de la biodynamie définis par Rudolf Steiner<br />

en 1924, Olivier a trouvé une complémentarité<br />

qui lui permet d’aborder sa vigne comme<br />

un être vivant à qui il offre la meilleure vie<br />

possible. Chez lui, on laboure au cheval ou on<br />

pioche à la main pour ne pas tasser la terre ;<br />

on ne rogne pas la vigne, ni ne supprime de<br />

38


39<br />

raisins verts. Car pour éviter de telles opérations,<br />

tout est question d’équilibre entre ciel<br />

et terre, entre air et eau.<br />

En cave, dans cette belle crypte de béton<br />

brut où s’alignent les foudres de chêne qui<br />

vont de 600 à 10 000 litres, cela donne des<br />

instants magiques. Les Humbrecht travaillent<br />

sans nutriment ni ajout de levure lors de fer -<br />

mentations très lentes, et avec leur propre<br />

eau de source qui ne connaît pas le chlore.<br />

Leurs rendements tournent autour de 38 à<br />

40 hectolitres à l’hectare, quand la moyenne<br />

en Alsace est à 80 hectolitres. « Pour des vins<br />

de base, ce n’est pas forcément un problème.<br />

Mais pour des grands vins, il commence à y<br />

avoir une certaine dilution au-dessus du seuil<br />

des 50 hectolitres à l’hectare », affirme Olivier<br />

Humbrecht. Il a débouché l’un de ses vins,<br />

un Gewurztraminer Rangen de Thann Clos<br />

Saint-Urbain, grand cru de <strong>20</strong>09. De l’or en<br />

bouche que ce vin moelleux aux puissants<br />

arômes de rose et de litchi.<br />

PIERRE A FUSIL Le vigneron vous montre un<br />

morceau de la roche noire et volcanique<br />

extrêmement dure où le Gewurztraminer a<br />

commencé son histoire, sur les coteaux<br />

du Rangen. « C’est une terre extrêmement<br />

pauvre organiquement, mais très riche en éléments<br />

minéraux. Avec de tels vins, le terroir a<br />

parfois du mal à parler. Le Rangen, lui, est<br />

capable de dominer ces arômes en apportant<br />

un côté pierre à fusil. » Une gorgée de vin et<br />

l’on contemple sur une photographie les<br />

pentes extrêmement raides du Rangen, où le<br />

travail de la vigne n’est pas une mince<br />

affaire. « En terrain plat, un labour simple,<br />

c’est un jour ou un jour et demi de travail.<br />

Là-bas, c’est une charrue avec un treuil,<br />

quatre bonhommes et deux semaines de travail.<br />

» La qualité est à ce prix-là.<br />

Estelle Touzet,<br />

moins bio que<br />

dynamique<br />

Estelle Touzet, 30 ans, est la chef<br />

sommelier du Meurice (22, rue de Rivoli,<br />

75001), l’hôtel de luxe parisien qui abrite<br />

le restaurant du chef étoilé Yannick Alléno.<br />

Constatez-vous une curiosité accrue de vos<br />

clients pour les vins « bio » ou « nature » ?<br />

Oui, il y a une évolution de l’intérêt porté<br />

à ce type de vin. La demande existe, mais<br />

elle n’est pas systématique.<br />

Que pensez-vous de ces vins ?<br />

Vous savez, le terme « vin bio » n’existe<br />

pas à proprement parler, la mention<br />

« bio » ne concernant que la viticulture<br />

régie par un cahier des charges, et rien<br />

n’empêche le vigneron d’utiliser des<br />

produits chimiques lors de la vinification.<br />

Un vin « nature » ou « sans soufre ajouté »<br />

bannit quant à lui l’adjonction de soufre.<br />

Ces élaborations exigent des conditions<br />

de vinification, de transport et<br />

conservation très strictes. Car la moindre<br />

remontée en température, au-delà de 14°C,<br />

altère le vin. Et la « biodynamie » vise à<br />

limiter au maximum l’utilisation de<br />

produits chimiques ; je penche pour cet état<br />

d’esprit-là, qui me paraît le plus complet.<br />

Avez-vous ces vins à la carte du Meurice ?<br />

Il est difficile de répondre à cette question…<br />

Car beaucoup de vignerons adhèrent<br />

à un état d’esprit avant de rechercher<br />

la reconnaissance d’une certification.<br />

Chaque politique (bio, nature ou<br />

biodynamie) a pour but d’accéder à un<br />

mode de viticulture et de vinification<br />

le plus « naturel » possible, mais présente<br />

des limites, notamment ces fameux cahiers<br />

des charges qui ne correspondent pas<br />

toujours à la philosophie du vigneron ;<br />

du coup, certains vins ne reçoivent pas<br />

de certification car l’un des principes de<br />

certification n’a pas été ou n’a pas pu être<br />

appliqué, alors qu’une politique bio, nature<br />

ou biodynamique est menée par le<br />

vigneron. Voilà pourquoi on ne peut pas<br />

chiffrer combien de ces vins figurent sur la<br />

carte du Meurice. Mais une certitude : nous<br />

n’avons pas de vins « sans soufre ajouté ».<br />

Les avantages et inconvénients de ces vins,<br />

d’après vous ?<br />

L’avantage est l’assurance d’une<br />

intervention minimale de l’homme ;<br />

l’inconvénient reste les déviances<br />

aromatiques qui ne permettent pas<br />

d’assurer une qualité de produit constante.<br />

Quelle est votre région et/ou terroir préféré ?<br />

Le Berry, évidemment !<br />

Un ou deux vins que vous conseillez ?<br />

Les vins du domaine de la Vougeraie en<br />

Bourgogne, et les vins Josmeyer en Alsace,<br />

tous deux en biodynamie.<br />

Propos recueillis par<br />

FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />

MAURICE ROUGEMONT<br />

Signe d’exception<br />

L’ ABUS D’ ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ.<br />

À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.<br />

Disponible exclusivement chez les cavistes et sur les meilleures tables. www.champagne-billecart.fr


Du mauvais<br />

sort aux<br />

bulles en or<br />

CHAMPAGNE Françoise<br />

Bedel a découvert<br />

la biodynamie par<br />

le biais du destin,<br />

et de la médecine.<br />

Elle l’applique désormais<br />

dans ses vignes<br />

champenoises<br />

avec son fils Vincent :<br />

deux originaux<br />

en terre bourgeoise.<br />

Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />

Photos LUC MANAGO<br />

Dans ce paysage de vallons et de<br />

coteaux pentus qui est le sien,<br />

aux confins de la Marne, de<br />

l’Aisne et de la Seine-et-<br />

Marne, Françoise Bedel a fait<br />

de la viticulture une quête spirituelle. Pour<br />

comprendre son long cheminement, il faut<br />

revenir en arrière. Au début des années<br />

1990, elle est l’épouse d’un viticulteur de<br />

Crouttes-sur-Marne, son village natal, où<br />

ses parents eux-mêmes exercent le métier<br />

DOMAINE<br />

FRANÇOISE BEDEL ET FILS<br />

Superficie : 8 hectares.<br />

Cépages : pinot meunier (92%),<br />

pinot noir (8%) ; chardonnay (100%)<br />

Cuvées : 6.<br />

Production : 60 000 bouteilles par an.<br />

Françoise Bedel et Fils<br />

71, Grande-Rue<br />

02 310 Croutes-sur-Marne<br />

www.champagne-francoise-bedel.fr<br />

Tél. : 03 23 82 15 80<br />

de la vigne. Son mari est un adepte de la viticulture<br />

intensive et pour guérir son fils Vincent,<br />

qui souffre depuis la naissance de<br />

problèmes de santé, elle se tourne vers la<br />

médecine homéopathique et rencontre<br />

Robert Winer, un médecin qui l’initie aux<br />

médecines douces. « Il a été un véritable révélateur<br />

», raconte-t-elle avec émotion, si bien<br />

qu’elle lui a même dédié une cuvée millésimée<br />

1996 – un champagne savoureux, puissant,<br />

avec des notes de moka et de chocolat.<br />

Dès lors, Françoise Bedel suit son propre<br />

chemin. Sa vision de la viticulture n’est plus<br />

en rapport avec celle de son mari, ils se<br />

séparent et elle récupère la moitié du petit<br />

domaine, deux hectares.<br />

Mais à peine le divorce prononcé, son exmari<br />

est victime d’un grave accident de la<br />

circulation qui le plonge dans le coma pendant<br />

quatre mois. Ce qui la conduit à gérer<br />

seule, une année durant, les deux bouts de<br />

vignoble. Une période difficile. « J’étais à<br />

deux doigts de tout arrêter. Je ne voulais plus<br />

continuer la viticulture telle qu’on la pratiquait,<br />

de manière conventionnelle. Je ne supportais<br />

plus d’utiliser des produits chimiques, mais je<br />

ne savais pas vers qui me tourner. J’en ai parlé<br />

à mon œnologue qui m’a conseillé d’aller voir<br />

Jean-Pierre Fleury. C’était en 1996. » Fleury<br />

est alors l’un des rares grands vignerons de<br />

champagne converti en viticulture biodynamique.<br />

Il l’accompagne dans sa conversion<br />

et elle entre dans l’association Biodyvin, qui<br />

regroupe la fine fleur des vignerons français<br />

en biodynamie (Lalou Bize-Leroy, Marc<br />

Kreydenweiss, Anne-Claude Leflaive,<br />

Michel Chapoutier, Noël Pinguet). « A l’époque,<br />

je savais le champagne que je voulais<br />

élaborer, mais pas comment le faire. »<br />

LE SUPPLÉMENT D’ÂME Elle poursuit son<br />

chemin de vigneronne comme un pélerin en<br />

route vers Compostelle. En <strong>20</strong>01, alors que<br />

son fils poursuit des études viticoles en Bourgogne,<br />

elle l’emmène chez Anne-Claude<br />

Leflaive, la grande viticultrice de Puligny-<br />

Montrachet, pour une dégustation dans le<br />

cadre de Biodyvin. Une expérimentation :<br />

une parcelle partagée en deux, la moitié<br />

cultivée en bio et l’autre en biodynamie. « Ça<br />

a été une révélation », raconte Vincent. « Les<br />

deux vins dégustés à l’aveugle, étaient presque<br />

semblables, mais celui produit en biodynamie<br />

Françoise Bedel et son fils<br />

et ci-dessous, l’entrée de leur maison.<br />

dégageait une complexité, un supplément<br />

d’âme, qui m’a tout de suite convaincu de travailler<br />

comme ma mère », dit-il, encore ému.<br />

Finalement, en <strong>20</strong>03, il rejoint le domaine<br />

maternel. Mais dans ce terroir champenois<br />

« Je ne voulais plus continuer la viticulture<br />

telle qu’on la pratiquait, de manière<br />

conventionnelle. Je ne supportais plus<br />

d’utiliser des produits chimiques. »<br />

Françoise Bedel<br />

conservateur, l’idée qu’une femme puisse<br />

diriger avec succès un vignoble, qui plus est<br />

en biodynamie, en a heurté plus d’un. « Au<br />

début cela n’a pas été facile. Mais les choses ont<br />

changé. Certains voisins acceptent même que je<br />

cultive leurs rangs limitrophes en biodynamie »,<br />

dit-elle en riant. Françoise serait-elle devenue<br />

prosélyte ? « Non, je leur ai simplement<br />

expliqué qu’ils ne risquaient rien à essayer la<br />

biodynamie sur quelques rangs et ils ont<br />

accepté. » Ces champagnes<br />

expriment des arômes in-<br />

tenses et une puissance en<br />

bouche que l’on trouve rarement<br />

dans le champagne<br />

conventionnel. Avec son fils<br />

Vincent, Françoise Bedel<br />

réfléchit à aller plus loin<br />

encore, en délaissant le tracteur pour le<br />

cheval. Ce n’est encore qu’un projet. Mais<br />

cela lui permettrait d’être en osmose avec la<br />

nature et de creuser un peu plus le sillon<br />

qu’elle a dessiné depuis quinze ans.<br />

40


41<br />

luc manago<br />

FoiReS <strong>Aux</strong> VinS<br />

cHardonnay, rIESlIng, PInoT grIS…<br />

MêMe Si CeS VinS<br />

de FêTe SonT SouVenT<br />

PRoPoSéS en Fin<br />

d’Année PLuTôT qu’Au<br />

MoMenT deS FoiReS,<br />

de Be<strong>Aux</strong> FLAConS<br />

éGAyenT LeS LinéAiReS<br />

eT PeRMeTTenT de<br />

ReMPLiR SA CAVe AVAnT<br />

Le RuSH de déCeMBRe.<br />

ainsi, la cuvée brut de la maison<br />

Fleury Père et Fils, proposée à<br />

35,06 € chez lavinia. Jean-Pierre<br />

Fleury est l’un des artisans de<br />

l’émergence de la biodynamie en<br />

champagne et l’on n’est donc pas<br />

étonné de retrouver dans cette<br />

cuvée les arômes intenses qui<br />

signent son champagne maison.<br />

autre cuvée qui mérite le détour,<br />

le brut non millésimé Merveille<br />

de Zoémie de Sousa, à 22 € chez<br />

1855.com. un champagne floral,<br />

assemblage des trois principaux<br />

cépages de l’appellation :<br />

chardonnay, pinot noir et pinot<br />

meunier. autre belle découverte,<br />

le brut non millésimé nature Zéro<br />

dosage de chez drappier, vendu<br />

23,90 € chez idealwine. une rareté<br />

élaborée uniquement à partir de<br />

pinot noir. c’est un champagne vif,<br />

droit, aux notes de fruits blancs,<br />

comme la pêche. Enfin, pour ceux<br />

qui veulent se faire plaisir avec un<br />

champagne de prestige, la Grande<br />

Année <strong>20</strong>02 de Bollinger est<br />

indispensable. Sa bouche dense<br />

au goût puissant de raisin noir<br />

provoque toujours une grande<br />

émotion pour qui le goutte pour<br />

la première fois. chez Xo-vin.fr,<br />

le flacon est vendu 71,<strong>20</strong> €, bien<br />

moins cher que son prix<br />

de lancement. l’alsace propose<br />

aussi quelques belles cuvées<br />

de vignerons talentueux. Et cette<br />

année, monoprix et le site internet<br />

Wineandco.com proposent les vins<br />

les plus intéressants. a commencer<br />

par cet alsace pinot gris grand cru<br />

<strong>20</strong>09 du domaine Pierre et<br />

Chantal Frick (8,90 € chez<br />

monoprix). Pierre Frick est l’un<br />

des plus anciens militants de la<br />

viticulture biologique (depuis 1970)<br />

et biodynamique (depuis 1981).<br />

Son pinot gris grand cru est<br />

intense mais sans lourdeur. Pour<br />

ceux qui recherchent un beau<br />

riesling ciselé et droit, il ne faut<br />

pas hésiter face au Riesling<br />

d’Andlau <strong>20</strong>09 de Marc<br />

Kreydenweiss (11,95 € chez<br />

Wineandco.com), l’un des grands<br />

défenseurs de la biodynamie<br />

depuis vingt ans dans la région.<br />

ce vigneron de talent est un<br />

puriste du terroir. un peu plus<br />

cher, dans un autre style, plus<br />

épuré encore, voilà un alsace<br />

sylvaner <strong>20</strong>07, le Zind du domaine<br />

Zind Humbrecht, à 14,95 €,<br />

toujours chez monoprix. Ici,<br />

on retrouve la filiation avec les<br />

grandes cuvées signées olivier<br />

Humbrecht. certes, le sylvaner est<br />

un cépage moins prestigieux que<br />

le riesling, mais cela reste un plaisir<br />

de chaque instant. Et si l’on veut<br />

découvrir les grandes cuvées du<br />

géant Turckheim, Wineandco.com<br />

en propose deux. Le<br />

gewurztraminer Clos Windsbuhl<br />

est un vin moelleux mêlant à la fois<br />

des arômes de fruits complexes,<br />

de fleur et ce bel équilibre entre<br />

sucre et fruit. Il est vendu 44,50 €.<br />

Plus rare encore, car les<br />

rendements sont plus faibles, la<br />

sélection grains nobles <strong>20</strong>08<br />

gewurztraminer, Herrenweg de<br />

Turckheim Vieilles Vignes, blanc<br />

liquoreux rarissime et somptueux<br />

à prévoir pour les fêtes de fin<br />

d’année. Vendu en petites<br />

bouteilles de 37,5 cl, cela le rend<br />

plus abordable, à 35 € chez<br />

Wineandco.com. J. B.<br />

Sélection réalisée par<br />

LA REVUE DU<br />

VIN DE FRANCE


Loire<br />

LA Loire n’est pAs<br />

seuLement un fLeuve royAL,<br />

c’est Aussi LA coLonne<br />

vertébrALe qui A permis<br />

L’émergence et LA<br />

pérennité historique de<br />

ce vAste vignobLe <strong>Aux</strong> 68<br />

AppeLLAtions, épArpiLLées<br />

sur près de 600 kiLomètres.<br />

cette diversité de terroirs<br />

en fAit L’un des vignobLes<br />

Les pLus compLexes de<br />

frAnce, notAmment grâce<br />

à LA quALité de cépAges<br />

comme Le cAbernet frAnc<br />

et Le chenin, Les deux rois<br />

du vignobLe Ligérien.<br />

charly et nady foucault<br />

et l’entrée du domaine de clos rougeard.<br />

Anjou Ombrageux et fiers, Charly et Nady Foucault ont hérité de vignes<br />

déjà prestigieuses où s’expriment les cépages rois de la Loire, le chenin<br />

et le cabernet franc. Qu’ils ont réussi à sublimer encore par des méthodes<br />

à l’ancienne, et une maturation au cœur de la pierre.<br />

Chez les frères<br />

fougueux<br />

42


43<br />

Par JÉRÔME BAUDOUIN<br />

Photos LUC MANAGO<br />

DOMAINE CLOS ROUGEARD<br />

Superficie : 10 hectares.<br />

Cépages : cabernet franc<br />

(9 ha) ; chenin (1 ha).<br />

Cuvées : 4 en rouge et en blanc.<br />

Production : <strong>20</strong> 000 bouteilles par an.<br />

Clos Rougeard<br />

15, rue de l’Eglise<br />

49 400 Chacé<br />

Tél. : 02 41 52 92 65<br />

Les frères Foucault. Inséparables<br />

Charly et Nady.<br />

Jean-Louis et Bernard<br />

de leurs vrais prénoms.<br />

Deux figures tutélaires<br />

de la haute viticulture<br />

ligérienne. Deux corps<br />

secs plantés au milieu<br />

des vignes du saumurois.<br />

Deux moustaches drues juchées sous<br />

deux paires d’yeux à la fixité inquiétante.<br />

Deux regards quasi-hypnotiques, qui nous<br />

transmettent la rectitude de leurs principes<br />

séculaires. Comme deux hommes d’une<br />

époque lointaine. Comme s’ils perpétuaient,<br />

jusque dans les moindres détails,<br />

une culture de la vigne initiée depuis huit<br />

générations sur le Clos Rougeard.<br />

Si les vins des frères Foucault sont mythiques,<br />

leur caractère est également légendaire.<br />

Combien d’amateurs se sont fait<br />

cueillir froidement par l’un d’eux en une<br />

phrase lapidaire, du style : « On n’a rien à<br />

vendre, ni à déguster. » Même Anne, la<br />

compagne de Nady, ne savait pas à quoi<br />

s’attendre la première fois qu’elle a rencontré<br />

les frères. « Quand j’ai dit à mon entourage<br />

que j’allais rencontrer les Foucault, on<br />

m’a prévenu qu’ils étaient terribles ! Mais<br />

ça fait dix ans que je vis avec Nady », lancet-elle,<br />

plutôt radieuse.<br />

Ici, rien n’a changé dans la façon de faire.<br />

Pas même les dix hectares toujours binés à<br />

« Cela fait vingt ans qu’on se fout de nous.<br />

Mais ça fait quarante ans qu’on est certifié<br />

en agriculture biologique. »<br />

Nady Foucault<br />

la main, comme autrefois. Un travail de<br />

bénédictin. Combien de voisins se sont moqués<br />

des Foucault pendant des décennies,<br />

parce que leurs vignes étaient labourées et<br />

que des brins d’herbe poussaient entre les<br />

pieds. Il est vrai que selon les canons de la<br />

viticulture intensive, le sol d’une vigne doit<br />

être net, plat, lisse comme du béton. « Cela<br />

fait vingt ans qu’on se fout de nous. Mais<br />

ça fait quarante ans qu’on est certifié en agriculture<br />

biologique. Mon père a été le premier<br />

vigneron de la région certifié, dès 1969. Du<br />

coup, on a des parcelles qui n’ont jamais vu de<br />

désherbant », lance, non sans une certaine<br />

fierté, Nady Foucault, celui des deux qui<br />

s’occupe de la partie commerciale, Charly<br />

étant l’exigeant vinificateur<br />

des quatre cuvées maison.<br />

« Aujourd’hui, le bio est à la<br />

mode, mais nous, on n’a rien<br />

changé », continue Nady.<br />

Ces deux inséparables,<br />

qu’aucune influence extérieure<br />

ne semble faire dévier<br />

de la voie qu’ils se sont tracée, entretiennent<br />

une relation intime avec la vigne. Une sorte<br />

de dialogue muet, végétal, avec le cabernet<br />

franc et le chenin. Comment expliquer<br />

autrement leur capacité à sublimer comme<br />

nul autre ces deux cépages rois de la Loire ?<br />

Leurs cuvées sont au sommet de la


viticulture mondiale, en blanc comme<br />

en rouge. Les trois rouges ont une capacité<br />

de vieillissement impressionnante, qu’il<br />

s’agisse des Poyeux, une cuvée issue de<br />

parcelles argilo-sableuses procurant un<br />

rouge ciselé, à la fois minéral et fruité, de la<br />

cuvée Le Bourg, provenant de sols calcaires,<br />

qui déploie de fantastiques arômes de fruits<br />

noirs et de violette, avec une fraîcheur éclatante,<br />

ou du Clos, la cuvée générique, assemblage<br />

des deux terroirs, qui est un vin rond,<br />

séduisant, aux notes épicées. Et que dire du<br />

blanc Brézé, issu d’une petite parcelle calcaire<br />

de 1,5 hectare, magnifiquement exposée.<br />

Il est sec tous les ans et parfois, lorsque<br />

le millésime le veut bien, devient un liquoreux<br />

si rare qu’il n’est pas commercialisé,<br />

mais laisse un souvenir indélébile dans la<br />

bouche de celui qui a eu la chance de le<br />

déguster, tout au fond, dans la cave troglodyte.<br />

L’antre de ces maîtres de la vigne.<br />

EN CAVE TROGLODYTE Pourtant, les gamins<br />

Foucault ne rêvaient pas de vins, eux qui<br />

devaient aider leur parents dans les vignes<br />

au lieu d’aller se baigner dans le Thouet,<br />

comme les copains. « Moi, je voulais être<br />

géomètre après mon BEPC, et Charly se destinait<br />

à travailler dans la chimie. C’est drôle. Et<br />

puis l’envie de faire du vin nous a rattrapée »,<br />

dit Nady. Dans les années 1960, leur père fait<br />

des échanges de barriques avec le château<br />

Grand-Pontet, un cru classé de Saint-<br />

Emilion. « Quand on ouvrait des Grand-<br />

Pontet 1964, ça nous faisait rêver… C’est ce<br />

qui nous a poussé à faire comme nos parents. »<br />

Du temps de leur grand-père, la réputation<br />

du Clos Rougeard est considérable. Leur vin<br />

est présent sur les tables étoilées d’aprèsguerre.<br />

Et le style est déjà là. Leur père et<br />

leur grand-père élevaient les vins près de<br />

deux ans en fûts, dans la fraîche cave troglodyte<br />

en tuffeau (une roche crayeuse typique<br />

de la Loire). Cet élevage signe encore la<br />

typicité des vins des Foucault ; leur soyeux,<br />

leur fraîcheur et leur précision viennent de<br />

cette lente maturation au cœur de la pierre.<br />

« Quand on a repris l’exploitation, nous avions<br />

une clientèle habituée à notre style de vin élevé<br />

en barriques. Et lorsque la mode est venue des<br />

vins élevés en cuve, nos clients n’ont pas eu plus<br />

envie de changer. On a simplement continué à<br />

faire ce que faisaient nos parents avant nous,<br />

parce que les clients suivaient », explique<br />

Nady. Ils ont ainsi échappé à la mode des<br />

vins de cuve légers, des rosés de Loire dénaturés<br />

par la clientèle britannique, et au<br />

productivisme ambiant. Ils ont suivi leur<br />

chemin sans bouger d’un iota. Traversant<br />

les modes comme les marins passent les<br />

tempêtes. Comme deux vieux ceps qui ne<br />

cèdent jamais.<br />

EN FAMILLE Alors que la retraite approche,<br />

la succession se préparerait-elle ? Les deux<br />

frères n’en sont pas encore là. Seul le fils<br />

de Charly, Antoine, pourrait reprendre les<br />

rênes. Mais il a créé son propre vignoble, le<br />

Domaine du Collier, toujours à Chacé, à<br />

cinquante mètres de son père et de son<br />

oncle. Les frères Foucault finiront peut-être<br />

par céder à la prochaine génération. Si bien<br />

qu’il n’en restera qu’un.<br />

DR<br />

Jeanne<br />

Galinié sur<br />

le bon versant<br />

Au marché des Enfants rouges, à Paris,<br />

Jeanne Galinié propose à Versant Vins,<br />

sa cave qui accueille désormais un minibistrot,<br />

environ <strong>20</strong>0 références, dont 80%<br />

de vins « nature », et 90 certifiés AB.<br />

Y-a-t-il un boum du bio ?<br />

Attention, il n’existe pas de vin bio<br />

pour le moment, que des vins « issus<br />

de raisins provenant de l’agriculture<br />

biologique ». Autrement dit, la vigne<br />

est bio mais il n’y a pas de règles dans<br />

la vinification. Je vends surtout des vins<br />

dits « nature » ou naturels, ce qui signifie<br />

des vignes et une vinification sans chimie.<br />

Depuis environ deux ans, j’ai de plus<br />

en plus de demandes pour ces vins-là.<br />

Au delà d’un effet de mode, les gens<br />

font attention à ce qu’ils ont dans<br />

leur assiette, et dans leur verre :<br />

on me pose beaucoup de questions<br />

sur les traitements des vignes, etc.<br />

Le bio, une philosophie ?<br />

Oui, le progrès c’est bien mais la chimie<br />

dans tout : non merci ! Le vin est le seul<br />

produit alimentaire dont la composition<br />

n’est pas indiquée. Les gens pensent qu’il<br />

n’y a que du raisin dans une bouteille de<br />

vin, alors qu’on peut y trouver plusieurs<br />

centaines de produits chimiques différents.<br />

Avantage/inconvénient du bio ?<br />

L’avantage, c’est qu’on connaît la<br />

provenance et le contenu du vin, mais c’est<br />

aussi son inconvénient majeur : le bio étant<br />

à la mode en ce moment, on trouve ce que<br />

j’appelle du « bio commercial », c’est-àdire<br />

du vin issu de raisins respectant le<br />

label AB (qui autorise uniquement l’emploi<br />

du soufre et du cuivre en traitement des<br />

vignes), sauf que ces vins contiennent des<br />

doses de soufre et de cuivre démentielles…<br />

Pour moi, le bio en soi n’a aucun intérêt ;<br />

il doit entrer dans une logique de respect<br />

et de conservation de la nature en général.<br />

Un terroir préféré ?<br />

J’ai un gros faible pour la Loire dont je suis<br />

originaire, c’est une région qui bouge côté<br />

vins bio et nature ces dernières années,<br />

notamment les vins du Loir-et-Cher.<br />

Un ou deux vins à conseiller ?<br />

Les vins Contés d’Olivier Lemasson,<br />

dans la Loire justement ; ou La Roche<br />

Buissière de Laurence et Antoine Joly,<br />

dans le Rhône, qui ont repris un domaine<br />

familial il y a une dizaine d’années et l’ont<br />

converti en bio ; j’ai vu leurs vins évoluer<br />

d’une manière incroyable à mesure que<br />

leur travail sur la vigne portait ses fruits.<br />

Propos recueillis par<br />

FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI<br />

Versant Vins, 39, rue de Bretagne,<br />

75 003 Paris ; www.versantvins.com<br />

Nouvelle<br />

scène pour<br />

l’auteur<br />

baroudeur<br />

44


45<br />

MENETOU-SALON Philippe Gilbert, hier dramaturge à côté d’Olivier Py,<br />

a longtemps fui son destin d’héritier. Avant de l’assumer, enfin, avec bonheur.<br />

Par JACKY DURAND (envoyé spécial)<br />

Photos LUC MANAGO<br />

Ce vignoble-là n’a pas l’ostentation<br />

de la Bourgogne<br />

ou de l’Alsace. Mais allez<br />

savoir pourquoi, on est<br />

tombé amoureux du<br />

Menetou-Salon, un jour de<br />

vent de chaud et de blé<br />

mûr en plein Berry. En fait, si, après y être<br />

retourné, on sait pourquoi on a aimé d’emblée<br />

ces vignes choyées au milieu d’autres<br />

cultures, de prés et de taillis. Ici, à Menetou-<br />

Salon, il n’y a pas de hiérarchie dans l’horizon<br />

entre le raisin, le bocage et les labours.<br />

Mais le sentiment d’une symbiose entre la<br />

vigne et le reste du monde illustré par le<br />

propos d’un vigneron exigeant. « Je suis un<br />

DOMAINE PHILIPPE GILBERT<br />

Superficie : 27 hectares.<br />

Cépages : pinot (15 ha)<br />

et sauvignon (12 ha).<br />

Cuvées : 2 en rouge et en blanc.<br />

Production : de 1<strong>20</strong> 000 à 130 000<br />

bouteilles par an.<br />

Les Faucards<br />

18 510 Menetou-Salon<br />

www.domainephilippegilbert.fr<br />

Tél. : 02 48 66 65 90<br />

paysan », dit Philippe Gilbert, 42 ans, qui<br />

veille sur les vingt-sept hectares du<br />

domaine familial (quinze en pinot noir et<br />

douze en sauvignon) converti en culture<br />

biologique en <strong>20</strong>05 et en biodynamie en<br />

<strong>20</strong>07. La différence avec l’agriculteur ?<br />

« C’est la modernité de la seconde moitié<br />

du XX e siècle qui voulait que l’agriculteur<br />

ait réponse à tout. La vigne, pour lui, c’était<br />

tant d’hectares égale tant de récolte. L’agriculteur<br />

se veut rationnel, le paysan est en<br />

communion, en harmonie avec le vivant. Le<br />

paysan que je suis a besoin de la vigne alors que<br />

l’agriculteur peut, demain, passer du raisin<br />

aux pommes ou au maïs. »<br />

LES MUES Lors de la découverte de ce<br />

vignoble de 480 hectares planté sur des<br />

sédiments calcaires, Philippe Gilbert nous<br />

avait entraîné sur ses Treilles, une parcelle<br />

de vieilles vignes plantée moitié en pinot<br />

noir, moitié en sauvignon. On avait caressé<br />

les ceps de ses magnifiques cuvées Renardières<br />

élevées en barriques de chêne avant<br />

de contempler au loin les Aix-d’Angillon<br />

et d’évoquer la cathédrale de Bourges, à<br />

une vingtaine de kilomètres, sur l’horizon<br />

écrasé de chaleur. On avait entrevu dans le<br />

récit de ce vigneron aux allures de jeune<br />

homme posé les peaux anciennes d’une<br />

mue intense. Car Philippe Gilbert s’est rêvé<br />

casque bleu, a été dramaturge avant d’être<br />

désormais le paysan de ses vignes.<br />

Retour au point de départ : les Gilbert font du<br />

vin à Menetou-Salon depuis le XVIII e siècle.<br />

Le grand-père de Philippe fut l’un des pères<br />

fondateurs de l’AOC Menetou-Salon en<br />

1959. « Dès que je suis né, j’étais programmé<br />

pour être l’héritier. C’était une fatalité à fuir »,<br />

explique Philippe. Il se souvient qu’enfant,<br />

il contemplait la mappemonde de son<br />

école avant de se retrouver dans les vignes :<br />

« J’avais l’impression de me retrouver dans un<br />

entonnoir. J’étais tétanisé, j’avais envie de partir<br />

mais j’étais aussi dans la peine. » Philippe<br />

Gilbert fera donc l’Ecole supérieure de commerce<br />

de Lyon avec l’idée de pouvoir ensuite<br />

« tout faire. Vivre à l’étranger, vendre du Coca.<br />

Tout en ne tournant pas le dos à mes parents ».<br />

Mais il assiste dans le même temps à la chute<br />

du rideau de fer puis à la guerre dans l’ex-<br />

Yougoslavie et se dit que la vraie vie se lève<br />

à l’Est. Philippe part en Russie, officiellement<br />

pour étudier la finance, mais se nourrit<br />

tous les jours de Tchekhov et de Dostoïevski.<br />

En 1995, après la chute de Srebrenica, il<br />

entre de plain-pied dans la mobilisation des<br />

gens de théâtre pour la Bosnie à travers la<br />

déclaration d’Avignon puis la grève de la<br />

faim de la Cartoucherie. C’est ainsi qu’il<br />

rencontre le dramaturge Olivier Py, qui<br />

vient de mettre en scène la Servante de Claudel.<br />

Ensemble, ils écrivent Requiem pour<br />

Srebrenica. D’autres créations suivront,<br />

consacrées à l’Algérie, à la Palestine et la<br />

Philippe Gilbert,<br />

et la maison familiale.<br />

« A quoi ça sert de faire du vin par rapport<br />

à la transmission familiale ?»<br />

Philippe Gilbert<br />

Corée. Ainsi, Philippe Gilbert s’est donné les<br />

moyens de fermer la porte à Menetou-Salon.<br />

Jusqu’à ce que le domaine vienne le rattraper<br />

littéralement au ventre. « De temps à<br />

autre, j’avais des crampes d’estomac qui me<br />

clouaient au lit mais on n’y trouvait aucune<br />

cause. Jusqu’au jour où un médecin m’a<br />

dit : “Vos tripes sont en train de vous rappeler<br />

qu’il y a quelque chose de non résolu”.<br />

C’était Menetou. » En 1998, il revient au<br />

domaine comme gérant mais partage encore<br />

la moitié de son temps avec le théâtre. Le<br />

rapprochement avec la vigne se fait par touches<br />

avec la complicité de Jean-Philippe<br />

Louis, l’œnologue du domaine. Le père et<br />

le fils ont eu aussi beaucoup à se dire. « Mes<br />

problèmes d’estomac se sont évanouis, souffle<br />

Philippe. En <strong>20</strong>05, j’ai compris que ma vie<br />

s’était réorientée vers la vigne. »<br />

RÉSOLUTION La culture biologique et la<br />

biodynamie apparaissent comme le prolongement<br />

naturel de cet itinéraire singulier.<br />

« Je me suis demandé : “A quoi ça sert de<br />

faire du vin par rapport à la<br />

transmission familiale ? ” La<br />

réponse passait par la pertinence<br />

des sols que l’on cultive.<br />

La biodynamie permet à la<br />

vigne de chercher les moyens<br />

de se soigner elle-même. »<br />

Après trois ans de conversion, de « chahuts<br />

et d’émotions », la sérénité est venue à l’hiver<br />

<strong>20</strong>09 : « On a eu le sentiment que toute cette<br />

aventure nous remettait à l’endroit, de devenir<br />

des paysans. Aujourd’hui, j’ai la conviction<br />

profonde d’exprimer nos terroirs. » Et le théâtre<br />

? « C’est fini, ça a été une joie qui continue<br />

de me nourrir. Je me dis qu’il a fallu que je<br />

me donne les moyens de partir du domaine<br />

pour revenir l’aimer. »


FoireS <strong>Aux</strong> VinS<br />

cHEVERny, montlouIS, BouRguEIl…<br />

Cette Année, LeS VinS<br />

De Loire Sont DeS<br />

PéPiteS à DéCouVrir.<br />

iLS Sont réguLierS,<br />

PLAiSAntS CoMMe<br />

on LeS AiMe, à DeS Prix<br />

SouVent ABorDABLeS.<br />

Prenons ce Cheverny <strong>20</strong>09, Enclos<br />

du Petit chien, à 5,99 € chez<br />

Franprix, élaboré par Fabienne<br />

Angier raviche, une jeune<br />

vigneronne de 32 ans, dont<br />

ce Petit chien est le troisième<br />

millésime. un blanc complexe,<br />

avec des notes d’agrume qu’on ne<br />

se lasse pas de redécouvrir après<br />

le premier verre. mais les foires aux<br />

vins sont aussi l’occasion d’investir<br />

pour le vieillissement, dans des<br />

valeurs sûres. a l’image du<br />

Montlouis <strong>20</strong>09, domaine François<br />

Chidaine. un liquoreux<br />

à la fois puissant et complexe,<br />

nerveux. un flacon qui peut vieillir<br />

sans problème vingt ou trente ans<br />

dans une belle cave. on le trouve à<br />

<strong>20</strong> € sur le site internet 1855.com.<br />

autre alternative, le Montlouis<br />

<strong>20</strong>09, cuvée Singulier du domaine<br />

Lise et Bertrand Jousset, vendu<br />

19,80 € chez le caviste la-contre-<br />

Etiquette.com. autre blanc<br />

d’exception, toujours en touraine,<br />

un Vouvray <strong>20</strong>09, le clos du Bourg<br />

moelleux 1ère trie domaine Huet,<br />

vendu 38 € sur le site iDealwine.<br />

com. le domaine Huet fait partie<br />

des plus prestigieux crus de la loire,<br />

en biodynamie depuis une quinzaine<br />

d’années. ce blanc moelleux<br />

sublime et aérien produit des notes<br />

de truffes après quelques années.<br />

c’est un vin de très longue garde.<br />

autre grand domaine à ne pas<br />

manquer cette année, c’est la maison<br />

Alphonse Mellot, incontournable à<br />

Sancerre, passée depuis une dizaine<br />

d’années en agriculture biologique.<br />

Elle est présente chez monoprix<br />

avec son vin de pays des coteaux<br />

Charitois. la cuvée les Pénitents<br />

à 8,90 €, est un chardonnay<br />

séducteur et sur le fruit. En rouge,<br />

la cuvée les 100 boisselées du<br />

domaine Pierre-Jacques Druet,<br />

en Bourgueil, ravira les amateurs<br />

de vins rouges gourmands et<br />

fruités ; à 6,50 € chez 1855.com, cela<br />

devient un plaisir quotidien. Pour<br />

ceux qui cherchent un Bourgueil<br />

de garde, il faut se tourner vers<br />

le <strong>20</strong>09 du domaine Catherine et<br />

Pierre Breton, cuvée Epaulé Jeté<br />

à 11,<strong>20</strong> € chez lavinia. ce flacon<br />

encore jeune devra attendre<br />

quelques années pour délivrer<br />

toute sa complexité et ses saveurs.<br />

En anjou, Patrick Baudouin, l’un<br />

des grands faiseurs de liquoreux<br />

en Coteaux du Layon, exigeant<br />

avec ses cuvées, produit également<br />

un anjou rouge gourmand et<br />

équilibré, la cuvée ange Rouge,<br />

que l’on trouve à 12,23 € chez<br />

lavinia, le plus grand caviste<br />

de Paris, situé non loin de<br />

la place de la madeleine et qui vient<br />

d’ouvrir un nouveau magasin à la<br />

Défense. ce caviste vend également<br />

un excellent Muscadet-Sèvre-et-<br />

Maine du domaine Landron,<br />

la cuvée les Roches Vertes <strong>20</strong>10<br />

à 10,35 €. Il faut goûter les vins<br />

de ce domaine pour comprendre<br />

ce qu’est un très bon muscadet, loin<br />

des caricatures de vins blancs<br />

acides qui insultent le moindre fruit<br />

de mer. Ici on a affaire à un beau vin<br />

blanc, fruité, complexe, minéral.<br />

Enfin, il ne faut pas oublier<br />

que la loire est aussi une terre<br />

de vins pétillants de haute volée<br />

qui concurrencent souvent nombre<br />

de champagnes. a l’image<br />

de ce crémant de Loire brut<br />

du domaine de Bois Mozé, une<br />

méthode traditionnelle agréable<br />

et fruitée vendue à 7,55 € par le site<br />

Wineandco.com. J. B.<br />

Sélection réalisée par<br />

LA REVUE DU<br />

VIN DE FRANCE<br />

luc manago<br />

46


Clair de Lune - Photos : L. Pascale<br />

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION<br />

V I G N O B L E S D E L A V A L L É E D U R H Ô N E

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