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Les manifestations du 8 mars pour la Journée de la femme à Bukavu ont vu la société civile<br />
revendiquer plus d’effort pour la lutte contre les violences sexuelles.<br />
Déjà, fin février 2011, la communauté<br />
internationale applaudissait la nouvelle<br />
du “Procès de Fizi” : plusieurs offi ciers<br />
supérieurs de l’armée régulière ainsi<br />
que des soldats étaient condamnés à 20<br />
et 15 ans de prison pour avoir commis<br />
plus de 50 viols sur la population civile.<br />
Ce jugement se distinguait par le fait qu’il<br />
condamnait des chefs, et qu’il avait été<br />
organisé en un temps record : le procès<br />
démarrait le 10 février pour des faits du<br />
1 er janvier 2011. <strong>La</strong> population attendait<br />
un geste fort après la tristement célèbre<br />
affaire de Walikale (Nord-Kivu), en août<br />
dernier, qui avait défrayé la chronique<br />
avec 266 viols. Au-delà du geste fort,<br />
c’est aussi le symbole d’un système<br />
judiciaire qui se reconstitue et prend en<br />
charge les violences sexuelles comme<br />
crimes contre l’humanité.<br />
Un long processus<br />
“Avant la guerre, les viols étaient rares<br />
dans la société congolaise, ce qui<br />
explique que la prise de conscience a<br />
été lente. Quand j’ai commencé à les<br />
dénoncer, après 1994, il n’existait même<br />
pas un mot dans la langue pour les désigner”,<br />
remarque Chouchou Namegabe,<br />
journaliste à Bukavu qui sera l’une des<br />
premières à sonner l’alarme. Suite aux<br />
dénonciations et aux pressions des<br />
ONG, une vaste enquête nationale est<br />
menée qui révèle un phénomène d’une<br />
ampleur surprenante. Dès 2005, L’initiative<br />
conjointe pour la prévention et la lutte<br />
contre les violences sexuelles en RDC, un<br />
vaste programme de coordination entre<br />
différents partenaires en vue d’apporter<br />
une réponse coordonnée aux droits et<br />
besoins des victimes, est lancé. Le gouvernement<br />
congolais, UNFPA et d’autres<br />
agences onusiennes, la Belgique et le<br />
Canada sont impliqués.<br />
Josiane Mutombo du bureau ONU pour les<br />
Droits de l’homme (BCNCDH), chargée<br />
de la lutte contre l’impunité des violences<br />
sexuelles pour le STAREC, témoigne<br />
du long chemin parcouru par l’initiative<br />
conjointe : “À l’époque, on n’était nulle<br />
part, il n’y avait même pas de loi congolaise<br />
pour condamner le viol. On a proposé un<br />
arsenal de lois, réuni les partenaires, créé<br />
des sous-commissions judicaires.” L’Etat<br />
congolais fi nit par s’impliquer et s’approprier<br />
le problème. Il édicte en juin 2006<br />
une loi contre les violences sexuelles et<br />
élabore ensuite “une stratégie nationale<br />
de lutte contre les violences basées sur<br />
le genre”. C’est sur cette nouvelle stratégie<br />
que les bailleurs et l’unité ‘violences<br />
sexuelles’ du STAREC, qui prend suite de<br />
l'initiative conjointe, se sont greffés.<br />
Adopté en 2009, le Programme de stabilisation<br />
et de reconstruction des zones<br />
sortant des confl its armés (STAREC) a<br />
pour objectif de stabiliser l’Est de la RD<br />
Congo. Il comprend un important volet<br />
‘violences sexuelles’, auquel la Belgique<br />
contribue, qui entend traiter le problème<br />
sous ses différentes facettes : collecte<br />
des données (UNFPA), suivi psychomédical<br />
des victimes (UNICEF), réforme<br />
du secteur de sécurité (MONUSCO),<br />
prévention et protection (HCR), et<br />
lutte contre l’impunité (BCNCDH/<br />
MONUSCO). C’est grâce à la coordination<br />
de ces différentes instances auprès<br />
des autorités congolaises que le procès<br />
de Kalehe a pu être rendu : les plaintes<br />
des nouvelles victimes enregistrées<br />
par une ONG locale ont été relayées à<br />
UNFPA, les victimes ont été prises en<br />
charges par les relais de l’UNICEF et<br />
assistées judiciairement par une ONG<br />
d’avocats locale, elle-même assistée<br />
par Avocats sans frontières - Belgique.<br />
<strong>La</strong> confi ance est rétablie<br />
Les efforts pour rétablir un système judiciaire<br />
en matière violences sexuelles<br />
sont loin d’être conclus : beaucoup de<br />
coupables sont en fuite, les rebelles<br />
restent diffi ciles à capturer, les indemnités<br />
aux victimes sont insuffi santes ou<br />
impayées, les prisons congolaises sont<br />
“poreuses”… Cependant, pour Antoine<br />
Banza (UNFPA), des pas importants ont<br />
été franchis : “Il y a dix ans, des procès<br />
comme ceux de Fizi ou Kalehe n’auraient<br />
pas été possibles car le système<br />
judiciaire était inexistant et les victimes<br />
n’avaient aucun intérêt à dénoncer les<br />
fait dans la honte et la peur des représailles.<br />
Maintenant, le silence est brisé,<br />
et la confi ance de la population dans le<br />
système judiciaire se rétablit peu à peu.”<br />
Les criminels potentiels savent maintenant<br />
qu’ils peuvent être jugés…<br />
ELISE PIRSOUL<br />
dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 23<br />
© DGD / E. Pirsoul