Conceptions de l'inconscient et doctrines de l'interprétation Lieve ...
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<strong>Conceptions</strong> <strong>de</strong> l’inconscient <strong>et</strong> <strong>doctrines</strong> <strong>de</strong> l’interprétation<br />
<strong>Lieve</strong> Billi<strong>et</strong><br />
Affaire <strong>de</strong> technique - enjeu métapsychologique<br />
L’enseignement <strong>de</strong> Lacan n’est pas Un. Il s’étend sur plusieurs décennies, <strong>et</strong><br />
se déploie à travers <strong>de</strong>s glissements, références <strong>et</strong> inspirations changeantes, voire<br />
<strong>de</strong>s renversements radicaux. Depuis <strong>de</strong> longues années les cours <strong>de</strong> Jacques-Alain<br />
Miller nous donnent <strong>de</strong>s boussoles pour la lecture <strong>et</strong> l’exploration <strong>de</strong> c<strong>et</strong><br />
enseignement. Son cours <strong>de</strong> 1995-1996 La fuite du sens était consacré à la question<br />
<strong>de</strong> l’interprétation dans la psychanalyse. Ce fut l’époque où le thème orientait le<br />
travail dans les écoles <strong>de</strong> l’AMP en préparation du Congrès <strong>de</strong> l’AMP <strong>de</strong> Buenos<br />
Aires, consacré au thème <strong>de</strong> l’interprétation.1[1] A la veille du cours en question,<br />
Jacques-Alain Miller avait fait une intervention remarquée aux XXVI ièmes Journées <strong>de</strong><br />
l’ECF, où il avait abordé la question <strong>de</strong> l’interprétation <strong>de</strong> façon inédite. Le texte <strong>de</strong><br />
c<strong>et</strong>te intervention, publié sous le titre L’envers <strong>de</strong> l’interprétation, est repris dans la<br />
bibliographie du congrès <strong>de</strong> la NLS que nous préparons.<br />
L’enseignement <strong>de</strong> Lacan n’est pas Un, sa doctrine <strong>de</strong> l’interprétation ne l’est<br />
pas non plus. Comment pourrait-elle l’être? Puisque en eff<strong>et</strong>, la question <strong>de</strong><br />
l’interprétation ne se réduit aucunement à une technique, une affaire <strong>de</strong> savoir-faire<br />
pratique. La question <strong>de</strong> l’interprétation a un enjeu métapsychologique, dans la<br />
mesure où elle est liée à la définition <strong>de</strong> l’inconscient, du langage, <strong>de</strong> l’Autre même.<br />
La doctrine <strong>de</strong> l’interprétation ne sera pas la même selon que l’inconscient est<br />
abordé comme intersubjectivité, comme structure ou comme appareil <strong>de</strong> jouissance.<br />
Elle ne sera pas la même à l’époque <strong>de</strong> l’Autre compl<strong>et</strong>, <strong>de</strong> l’Autre barré ou <strong>de</strong> l’Autre<br />
qui n’existe pas. Ses principes ne seront pas les mêmes selon qu’ils sont orientés<br />
par la loi <strong>de</strong> la reconnaissance, les lois du langage, ou la loi <strong>de</strong> l’équivoque. Je<br />
renvoie là en gros aux différentes pério<strong>de</strong>s que Jacques-Alain Miller a nommées<br />
pour nous l’enseignement inaugural, l’enseignement classique, <strong>et</strong> le <strong>de</strong>rnier<br />
enseignement <strong>de</strong> Lacan.<br />
L’interprétation problématisée<br />
Jacques-Alain Miller souligne que l’enseignement <strong>de</strong> Lacan se présente<br />
comme une tentative soutenue d’articuler les <strong>de</strong>ux aspects <strong>de</strong> la découverte<br />
freudienne, à savoir la découverte <strong>de</strong> l’inconscient en tant que déchiffrable, la<br />
découverte <strong>de</strong> la pulsion en tant que source <strong>de</strong> satisfaction. Le pas inaugural <strong>de</strong><br />
Lacan est <strong>de</strong> désintriquer la technique <strong>de</strong> déchiffrage <strong>de</strong> l’inconscient <strong>et</strong> la théorie<br />
<strong>de</strong>s pulsions. Ce qui définit l’inconscient freudien pour Lacan avant tout, c’est<br />
l’interprétabilité. L’étu<strong>de</strong> du rêve, voie d’accès royale à l’inconscient, se complète par<br />
l’étu<strong>de</strong> du lapsus <strong>et</strong> du mot d’esprit. Lacan les groupe sous le terme “formations <strong>de</strong><br />
l’inconscient”. Pour qu’un phénomène soit rapportable à l’inconscient, il s’agit <strong>de</strong><br />
pouvoir y déceler une intention <strong>de</strong> signification, un vouloir-dire. Ce vouloir-dire va <strong>de</strong><br />
pair avec un certain ne pas pouvoir dire, se rapportant au refoulement.<br />
Au début, tout l’accent est donc sur le déchiffrage, sur le sens, sur le vouloirdire.<br />
Dans c<strong>et</strong>te perspective l’interprétabilité <strong>de</strong> l’inconscient ne fait pas <strong>de</strong> problème.<br />
Elle va plutôt <strong>de</strong> soi. Mais plus l’enseignement <strong>de</strong> Lacan se développe, plus<br />
l’interprétation <strong>de</strong>viendra problématique. L’inconscient ne sera plus uniquement<br />
1[1] La publication du recueil Les pouvoirs <strong>de</strong> la parole faisait partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te préparation.
défini à partir du vouloir-dire. Lacan prendra en compte c<strong>et</strong> autre aspect <strong>de</strong> la<br />
découverte freudienne, celui <strong>de</strong> la satisfaction, à travers le concept <strong>de</strong> jouissance, se<br />
présentant dans <strong>de</strong>s paradigmes successifs. La jouissance prendra une place<br />
toujours plus centrale <strong>et</strong> primordiale. Le vouloir-dire cè<strong>de</strong>ra sa place au vouloir-jouir.<br />
A l’époque du vouloir-jouir l’interprétation ne va plus du tout <strong>de</strong> soi.<br />
Je voudrais aujourd’hui reprendre avec vous quelques moments importants<br />
dans l’enseignement <strong>de</strong> Lacan à propos <strong>de</strong> l’interprétation. Les termes-clés y seront<br />
ceux <strong>de</strong> la ponctuation, <strong>de</strong> l’allusion <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’équivoque. Je m’appuierai pour se faire<br />
sur le cours <strong>de</strong> Jacques-Alain Miller <strong>de</strong> 1995-1996. A la fin, je reviendrai sur<br />
l’intervention <strong>de</strong> Jacques-Alain Miller, L’interprétation à l’envers. Il y oppose<br />
l’interprétation à l’époque <strong>de</strong> l’inconscient comme vouloir-dire à l’interprétation à<br />
l’époque <strong>de</strong> l’inconscient comme vouloir-jouir, en les spécifiant comme l’interprétation<br />
à l’instar <strong>de</strong> l’inconscient versus l’interprétation à l’envers <strong>de</strong> l’inconscient, ou encore<br />
l’interprétation ponctuation versus l’interprétation coupure.<br />
Ponctuation, historisation, intimation<br />
Le texte Fonction <strong>et</strong> champ <strong>de</strong> la parole <strong>et</strong> du langage constitue le noyau <strong>de</strong><br />
l’enseignement inaugural <strong>de</strong> Lacan. La troisième partie <strong>de</strong> ce texte est intitulée: Les<br />
résonances <strong>de</strong> l’interprétation <strong>et</strong> le temps du suj<strong>et</strong> dans la technique<br />
psychanalytique. Le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> Lacan, c’est l’inconscient interprétable. Nous<br />
savons que la référence <strong>de</strong> Lacan à propos du langage est <strong>de</strong> Saussure. C’est à lui<br />
qu’il emprunte la distinction entre signifiant <strong>et</strong> signifié. Mais à l’intérêt pour le langage,<br />
s’ajoute l’intérêt pour la parole. A la différence <strong>de</strong> <strong>de</strong> Saussure qui s’intéresse<br />
purement au mot, ce qui implique une approche purement statique, synchronique,<br />
Lacan s’intéresse aussi à la parole. La parole ajoute la dimension diachronique. Là la<br />
référence <strong>de</strong> Lacan est Hegel <strong>et</strong> sa notion <strong>de</strong> l’intersubjectivité.<br />
De c<strong>et</strong>te façon, Lacan tord d’emblée <strong>de</strong> Saussure, en décalant <strong>et</strong> découplant<br />
le signifiant <strong>et</strong> le signifié, en temporalisant leur rapport. Il introduit une dynamique. Il<br />
est tout à fait frappant que dans Fonction <strong>et</strong> champ, Lacan ne part pas <strong>de</strong>s<br />
formations <strong>de</strong> l’inconscient, mais <strong>de</strong> la cure elle-même, <strong>de</strong> la parole <strong>de</strong> l’analysant <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> la parole <strong>de</strong> l’analyste. L’inconscient est structuré comme une parole, une parole<br />
adressée à l’Autre.<br />
Je présente la doctrine <strong>de</strong> l’interprétation dans ce texte à partir <strong>de</strong> trois<br />
termes-clés: ponctuation, historisation, intimation. Remarquons d’abord que la<br />
ponctuation est un terme classique concernant l’interprétation, dans le sens que<br />
l’absence <strong>de</strong> ponctuation est source d’ambiguïté, comme le remarque Lacan dans<br />
Fonction <strong>et</strong> champ même : « C’est un fait qu’on constate bien dans la pratique <strong>de</strong>s<br />
textes <strong>de</strong>s écritures symboliques, qu’il s’agisse <strong>de</strong> la Bible ou <strong>de</strong>s canoniques chinois<br />
: l’absence <strong>de</strong> ponctuation y est une source d’ambiguïté, la ponctuation posée fixe le<br />
sens, son changement le renouvelle ou le bouleverse, <strong>et</strong>, fautive, elle équivaut à<br />
l’altérer. » (E 313-314) Si <strong>de</strong> Saussure m<strong>et</strong> avant tout l’accent sur l’arbitraire du<br />
rapport entre signifiant <strong>et</strong> signifié, Lacan m<strong>et</strong> l’accent sur l’absence <strong>de</strong> tout rapport<br />
fixe. Le signifiant <strong>et</strong> le signifié ne sont pas comme l’envers <strong>et</strong> l’endroit. Entre les<br />
<strong>de</strong>ux, il y a une béance. C<strong>et</strong>te béance est la condition <strong>de</strong> l’interprétation.<br />
L’interprétation est obligatoire, nécessaire, elle ne vient pas <strong>de</strong> surcroît. Elle est le<br />
passage obligé du signifiant au signifié. La thèse <strong>de</strong> Lacan, c’est que le passage du<br />
signifiant au signifié se réalise dans la parole. Le terme central est celui <strong>de</strong> la<br />
ponctuation. « C’est une ponctuation heureuse qui donne son sens au discours du<br />
suj<strong>et</strong>. » (E 252) C’est ce que fait l’analyste par l’interprétation. L’analyste ponctue la<br />
parole du suj<strong>et</strong>. « (…) nous ne faisons rien que donner à la parole du suj<strong>et</strong> sa
ponctuation dialectique. » (E 310) C<strong>et</strong>te ponctuation est liée à la fonction du temps.<br />
L’exemple majeur en est le temps, la durée <strong>de</strong> la séance. La coupure <strong>de</strong> la séance<br />
est une ponctuation. « C’est pourquoi la suspension <strong>de</strong> la séance dont la technique<br />
actuelle fait une halte purement chronométrique <strong>et</strong> comme telle indifférente à la<br />
trame du discours, y joue le rôle d’une scansion qui a toute la valeur d’une<br />
intervention pour précipiter les moments concluants. » (E 252) C’est donc à partir <strong>de</strong><br />
la fonction <strong>de</strong> la ponctuation que Lacan motive la pratique <strong>de</strong> la séance courte ou<br />
variable.<br />
Je passe au <strong>de</strong>uxième terme-clé: l’historisation. Au centre <strong>de</strong> la conception <strong>de</strong><br />
la parole, nous trouvons l’opposition entre parole vi<strong>de</strong> <strong>et</strong> parole pleine. La parole<br />
pleine est une parole historisante. Elle réordonne les événements chronologiques en<br />
leur donnant <strong>de</strong> nouveaux sens. La rétroaction du sens accomplit une restructuration<br />
du suj<strong>et</strong>, une résubjectivation. L’inconscient est histoire, plus précisément une<br />
certaine opacité <strong>de</strong> l’histoire, une opacité affectant c<strong>et</strong>te résignification <strong>de</strong><br />
l’événement, inhibant l’opération historisante <strong>de</strong> la parole. « L’inconscient est ce<br />
chapitre <strong>de</strong> mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge :<br />
c’est le chapitre censuré. » (E 259) L’interprétation vise à réduire c<strong>et</strong>te opacité, à<br />
rétablir l’historisation. En apportant une nouvelle ponctuation, l’interprétation perm<strong>et</strong><br />
à c<strong>et</strong>te conclusion significative <strong>de</strong> s’accomplir, <strong>de</strong> délivrer un sens emprisonné.<br />
Un mot enfin sur le troisième terme: l’intimation. L’intimation renvoie à<br />
l’intersubjectivité. L’interprétation est une parole à proprement parler intersubjective,<br />
allant <strong>de</strong> suj<strong>et</strong> à suj<strong>et</strong>, qui vise à impliquer le suj<strong>et</strong> patient dans son propre message<br />
<strong>et</strong> qui suppose aussi que l’analyste s’implique dans le sien comme suj<strong>et</strong>. C’est<br />
pourquoi Freud est l’exemple majeur pour Lacan, non pas tant pour le contenu <strong>de</strong><br />
ses interprétations, que par son implication dans leur énonciation, en tant que<br />
découvreur <strong>de</strong> la psychanalyse. La parole pleine est une parole qui engage le suj<strong>et</strong>.<br />
La référence <strong>de</strong> l’interprétation, c’est le suj<strong>et</strong>, qu’il s’agit d’évoquer, voir d’invoquer<br />
pour le transformer. « Car la fonction du langage n’est pas d’informer, mais<br />
d’évoquer. Ce que je cherche dans la parole, c’est la réponse <strong>de</strong> l’autre. » (E 299)<br />
Le départ <strong>de</strong> Lacan, c’est qu’au cœur <strong>de</strong> l’interprétation, il y a une intimation. Il y a<br />
une valeur impérative <strong>de</strong> l’interprétation (comme dans l’exemple majeur <strong>de</strong> la parole<br />
pleine: « tu es ma femme »). L’interprétation est l’imposition d’un signifiant qui fait<br />
métaphore du suj<strong>et</strong>, qui le transforme. C<strong>et</strong>te interprétation, c<strong>et</strong>te transformation du<br />
suj<strong>et</strong>, est ce que Lacan appelle la reconnaissance. Son point <strong>de</strong> départ, c’est que<br />
l’interprétation c’est fondamentalement la reconnaissance. Cela suppose un suj<strong>et</strong><br />
animé par le désir <strong>de</strong> reconnaissance.<br />
Par une ponctuation heureuse, l’interprétation réalise donc une parole pleine,<br />
qui reconnaît le suj<strong>et</strong> en le réhistorisant.<br />
Désir, allusion, manque à être<br />
J’en reste là pour ce moment inaugural <strong>de</strong> l’enseignement <strong>de</strong> Lacan pour<br />
passer à la pério<strong>de</strong> dite classique. La bibliographie du congrès reprend <strong>de</strong>ux textes<br />
importants <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, à savoir L’instance <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre dans l’inconscient ou la<br />
raison <strong>de</strong>puis Freud où Lacan donnera une nouvelle définition <strong>de</strong>s lois du langage <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> l’inconscient, <strong>et</strong> le texte La direction <strong>de</strong> la cure où il va actualiser les principes <strong>de</strong><br />
la cure analytique à partir <strong>de</strong> là. Lacan y dénonce la pratique postfreudienne <strong>de</strong> la<br />
psychanalyse, telle qu’il la voit exemplifiée dans la publication contemporaine La<br />
psychanalyse d’aujourd’hui. Prétendant dépasser la découverte freudienne à travers<br />
la reconnaissance du contre-transfert, <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s résistances, elle est <strong>de</strong>venue<br />
une pratique antifreudienne. Visant à une « rééducation émotionnelle du patient », la
cure s’est dégradée en exercice <strong>de</strong> pouvoir, oubliant le suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’inconscient au profit<br />
du Moi.<br />
Méconnaissant le ressort <strong>de</strong>s impasses qu’elle crée en se repliant sur l’axe<br />
imaginaire, elle ne peut que les renforcer. C’est ainsi qu’elle répond à la résistance<br />
<strong>de</strong> l’analysant par un renforcement du pouvoir sous la forme <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s<br />
résistances.<br />
Lacan critiquera <strong>et</strong> refon<strong>de</strong>ra la pratique <strong>de</strong> la psychanalyse à travers un<br />
triptyque <strong>de</strong>venue classique : celle <strong>de</strong> la tactique, <strong>de</strong> la stratégie <strong>et</strong> <strong>de</strong> la politique.<br />
C’est au niveau <strong>de</strong> la tactique qu’il situe l’interprétation – l’analyste y paye <strong>de</strong> mots -,<br />
au niveau <strong>de</strong> la stratégie le transfert – l’analyste y paye <strong>de</strong> sa personne -, au niveau<br />
<strong>de</strong> la politique la finalité <strong>de</strong> l’analyse – l’analyste y paye <strong>de</strong> ce qu’il y a d’essentiel<br />
dans son jugement le plus intime.<br />
Quelques mots d’abord sur L’instance <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre. Au binaire <strong>de</strong> la parole <strong>et</strong> du<br />
langage, s’ajoute la notion <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre. Lacan appelle la l<strong>et</strong>tre le signifiant en tant que<br />
détaché <strong>de</strong> toute valeur <strong>de</strong> signification <strong>et</strong> localisé dans une matérialité, comme<br />
lorsqu’elle est imprimée. « Nous désignons par l<strong>et</strong>tre ce support matériel que le<br />
discours concr<strong>et</strong> emprunte au langage.» (E 495) Si la parole <strong>et</strong> le langage ne sont<br />
pas nouveaux en soi, l’approche <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux est bien différente <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Fonction <strong>et</strong><br />
champ. Ce n’est plus la loi <strong>de</strong> l’intersubjectivité qui est au centre, mais les lois<br />
déterminant l’apparition <strong>de</strong> la signification. L’opposition entre parole pleine <strong>et</strong> parole<br />
vi<strong>de</strong> passe à l’arrière-plan pour faire place à celle entre métaphore <strong>et</strong> métonymie.<br />
L’accent est moins sur la parole, que sur le langage comme structure. Lacan abor<strong>de</strong><br />
l’inconscient non plus à partir <strong>de</strong> la cure, mais à partir <strong>de</strong>s formations <strong>de</strong><br />
l’inconscient. Il parle <strong>de</strong>s « livres canoniques » en matière d’inconscient. (E 522)<br />
Dans les mécanismes <strong>de</strong> l’inconscient décrits par Freud, à savoir la con<strong>de</strong>nsation <strong>et</strong><br />
le déplacement, Lacan reconnaît les mécanismes du langage, la métaphore <strong>et</strong> la<br />
métonymie. Ce qui est au centre, c’est essentiellement la relation <strong>de</strong>s signifiants<br />
entre eux, sous les <strong>de</strong>ux espèces <strong>de</strong> la combinaison <strong>et</strong> <strong>de</strong> la substitution, le sens<br />
apparaissant comme eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te combinaison ou <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te substitution : eff<strong>et</strong> r<strong>et</strong>enu<br />
dans la métonymie, eff<strong>et</strong> émergeant dans la métaphore. Le glissement métonymique<br />
<strong>de</strong>s signifiants dans la chaîne est arrête par la métaphore produisant un eff<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
sens. C’est ce que Lacan va formaliser dans le schéma du point <strong>de</strong> capiton. Exemple<br />
majeur du point-<strong>de</strong>-capiton sera le Nom-du-Père, qui est en eff<strong>et</strong> « une machine qui<br />
génère du sens ». Ce pont <strong>de</strong> capiton est la base <strong>de</strong> ce qu’il va développer comme<br />
graphe du désir. Lacan i<strong>de</strong>ntifie le symptôme à la métaphore, le désir à la<br />
métonymie. Si le symptôme est une métaphore, le désir est une métonymie (E 528),<br />
écrit Lacan à la fin du texte. Ce désir, qui est pur eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la structure métonymique<br />
<strong>de</strong> la parole, n’a plus rien à voir avec le désir <strong>de</strong> reconnaissance <strong>de</strong> Fonction <strong>et</strong><br />
champ. Qu’est-ce que cela implique pour l’interprétation qui là justement visait la<br />
reconnaissance?<br />
Lacan présentera sa doctrine « classique » <strong>de</strong> l’interprétation dans son texte<br />
La direction <strong>de</strong> la cure. Rappelons quelques thèses <strong>de</strong> ce texte: le but <strong>de</strong><br />
l’interprétation n’est pas <strong>de</strong> convaincre le patient, mais <strong>de</strong> relancer l’association libre<br />
(E 595), l’inexactitu<strong>de</strong> d’une interprétation n’empêche pas qu’elle soit vraie (E 597),<br />
l’interprétation ne doit pas attendre la consolidation du transfert, la séquence <strong>de</strong>s<br />
eff<strong>et</strong>s analytiques va <strong>de</strong> la rectification <strong>de</strong>s rapports du suj<strong>et</strong> au réel au<br />
développement du transfert <strong>et</strong> enfin à l’interprétation (E 598), thèses qui s’inscrivent<br />
dans la gran<strong>de</strong> critique <strong>de</strong>s postfreudiens pour y opposer ce que les textes <strong>de</strong> Freud<br />
soulignent. Mais la thèse centrale que Lacan développe dans la <strong>de</strong>rnière partie du<br />
texte, c’est celle qu’il faut prendre le désir à la l<strong>et</strong>tre, c’est celle que le désir, c’est son
interprétation. Voilà une phrase qui relie désir <strong>et</strong> interprétation en les m<strong>et</strong>tant en<br />
série, voire en les i<strong>de</strong>ntifiant. L’interprétation dans son terme, pointe le désir auquel,<br />
en un certain sens, elle est i<strong>de</strong>ntique. En eff<strong>et</strong>, l’interprétation n’est pas un<br />
métalangage, elle ne consiste pas dans la traduction d’un texte dans une autre<br />
langue, supposée dire le mot ultime sur le désir. Le désir <strong>et</strong> l’interprétation, sont la<br />
même chose, comme le rêve <strong>et</strong> les associations le sont, ainsi que le souligne Freud.<br />
Mais le désir en tant que tel, ne peut pas être saisi. Le désir est ce qui échappe<br />
forcément, ce qui est au-<strong>de</strong>là. Le désir est la métonymie du manque à être, auquel le<br />
suj<strong>et</strong> est i<strong>de</strong>ntifié. L’interprétation <strong>de</strong>vra viser le désir par l’allusion. Lacan évoque la<br />
figure <strong>de</strong> Saint Jean pointant son doigt sur le ciel vi<strong>de</strong>, passage que Pierre-Gilles<br />
Guéguen reprend dans l’argument du congrès.<br />
Dans Fonction <strong>et</strong> champ l’interprétation visait la reconnaissance du suj<strong>et</strong>. Mais<br />
la reconnaissance est finalement toujours une question d’i<strong>de</strong>ntification,<br />
d’i<strong>de</strong>ntification à un signifiant, une parole pleine. Dans La direction <strong>de</strong> la cure, il ne<br />
s’agit pas <strong>de</strong> reconnaître le suj<strong>et</strong> en l’i<strong>de</strong>ntifiant à un signifiant, il s’agit <strong>de</strong> préserver la<br />
place du désir, auquel le suj<strong>et</strong> s’i<strong>de</strong>ntifie, mais justement non pas en tant que<br />
signifiant, mais en tant que manque. Lacan évoque ét les mots, dont l’analyste doit<br />
payer, ét son silence. « A quel silence doit s’obliger maintenant l’analyste pour<br />
dégager au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ce marécage le doigt levé <strong>de</strong> Saint Jean <strong>de</strong> Léonard, pour<br />
que l’interprétation r<strong>et</strong>rouve l’horizon déshabité <strong>de</strong> l’être où doit se déployer sa vertu<br />
allusive? » (E 641) Ce n’est pas par leur eff<strong>et</strong> métaphorique (en tant que point <strong>de</strong><br />
capiton pourrions-nous dire) que les mots <strong>de</strong> l’analyste font interprétation, ils opèrent<br />
pour autant qu’ils relancent la métonymie <strong>de</strong> la chaîne signifiante, <strong>et</strong> par là évoquent<br />
la métonymie du désir. Ce qui compte ce n’est pas tant le signifié qu’ils font émerger,<br />
mais le sens au-<strong>de</strong>là. L’allusion opère dans la béance entre ce qui se dit <strong>et</strong> ce qui ne<br />
peut pas se dire, ce qui échappe aux mots. C’est la béance entre le signifié <strong>et</strong> le<br />
sens au-<strong>de</strong>là.<br />
Défini à partir <strong>de</strong>s lois du langage, l’inconscient reste d’abord <strong>et</strong> avant tout un<br />
vouloir-dire. Tout ce qui concerne la satisfaction, tout ce qui est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la libido,<br />
est réduit à la catégorie du désir <strong>et</strong> reste donc foncièrement soumis au signifiant.<br />
Cela va changer avec le nouveau statut que Lacan donne à l’inconscient dans son<br />
Séminaire XI <strong>et</strong> le texte qui le reprend Position <strong>de</strong> l’inconscient. L’inconscient ne sera<br />
plus défini purement à partir du signifiant, du langage, l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> la pulsion sera inclus<br />
dans la définition même <strong>de</strong> l’inconscient. Dans la constitution du suj<strong>et</strong>, à l’opération<br />
<strong>de</strong> l’aliénation s’ajoute l’opération <strong>de</strong> séparation. Si l’inconscient s’ouvre, aussi bien<br />
il se ferme. Sous les espèces <strong>de</strong> l’obj<strong>et</strong> a, quelque chose <strong>de</strong> la jouissance est intégré<br />
à l’inconscient. Cela n’est pas sans poser <strong>de</strong>s problèmes pour l’interprétation. Si<br />
l’interprétation est cohérente avec le désir, elle ne l’est pas avec la jouissance.<br />
Qu’est-ce que l’interprétation si l’inconscient ne se définit pas à partir <strong>de</strong> l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
sens, mais s’il faut faire sa place dans le statut <strong>de</strong> l’inconscient à l’obj<strong>et</strong> a? Jacques-<br />
Alain Miller souligne que dans le Séminaire XI, la doctrine <strong>de</strong> l’interprétation reste en<br />
arrière par rapport à la nouvelle définition <strong>de</strong> l’inconscient. Ce n’est que plus tard que<br />
Lacan tirera les conséquences <strong>de</strong> ce qu’il avance dans le Séminaire XI, en<br />
accentuant que l’interprétation doit porter sur l’obj<strong>et</strong> p<strong>et</strong>it a comme cause du désir.<br />
(Pas sur le désir comme dans La direction <strong>de</strong> la cure, mais sur l’obj<strong>et</strong> a, cause du<br />
désir). C’est là que l’acte <strong>de</strong> l’analyste viendra au premier plan.<br />
Lalangue, désarticulation, équivoque
J’ai dit quelques mots sur le statut <strong>de</strong> l’inconscient comme intersubjectivité –<br />
l’enseignement inaugural <strong>de</strong> Lacan -, j’ai dit quelques mots sur le statut <strong>de</strong><br />
l’inconscient comme structure signifiante, fût-elle décomplétée par ce qui est d’un<br />
autre ordre mais qui reste quand même défini à partir du signifiant, puisque l’obj<strong>et</strong> a<br />
est défini comme ce qui échappe au signifiant – l’enseignement classique <strong>de</strong> Lacan -<br />
, j’ai dit quelques mots sur la doctrine <strong>de</strong> l’interprétation qui y répond à chaque fois.<br />
J’en viens maintenant au <strong>de</strong>rnier enseignement <strong>de</strong> Lacan, que Jacques-Alain Miller<br />
situe à partir <strong>de</strong>s années ’70, <strong>et</strong> plus particulièrement à partir du nouveau rapport que<br />
Lacan établit entre langage <strong>et</strong> jouissance dans le Séminaire XX, Encore, déterminant<br />
un nouveau statut <strong>de</strong> l’inconscient. Lacan déconnecte signifiant <strong>et</strong> signifié, il<br />
substitue à l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> signification un eff<strong>et</strong> spécial dit <strong>de</strong> jouissance, rapporté au<br />
signifiant comme à sa cause. « Le signifiant, c’est la cause <strong>de</strong> la jouissance. » (XX,<br />
27) Il déconnecte le signifiant <strong>de</strong> l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> sens, il désappareille la jouissance <strong>de</strong> la<br />
pulsion. « La réalité est abordée avec les appareils <strong>de</strong> la jouissance. Voilà encore<br />
une formule que je vous propose, si tant est que nous centrions bien sur ceci que<br />
d’appareil, il n’y en a pas d’autre que le langage. C’est comme ça que chez l’être<br />
parlant, la jouissance est appareillée. (…) ce langage s’éclaire <strong>de</strong> se poser comme<br />
appareil <strong>de</strong> la jouissance. » (XX, 52) Voilà la thèse <strong>de</strong> Lacan : le langage ne sert pas<br />
tant à la communication qu’il ne sert à la jouissance.<br />
Dans le fil <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te thèse vont apparaître plusieurs concepts nouveaux,<br />
comme l’apparole (en un mot avec 2 « p’s », faisant écho par là à l’appareil) <strong>et</strong> la<br />
lalangue, s’opposant aux concepts <strong>de</strong> l’enseignement classique.2[2] Le langage<br />
apparaît comme une réduction <strong>de</strong> la lalangue, une élucubration <strong>de</strong> savoir sur la<br />
matière signifiant sonore. « Le langage est ce qu’on essaye <strong>de</strong> savoir concernant la<br />
fonction <strong>de</strong> lalangue. (…) Le langage sans doute est fait <strong>de</strong> lalangue. C’est une<br />
élucubration <strong>de</strong> savoir sur lalangue.» (XX, 126) «Lalangue sert à <strong>de</strong> toutes autres<br />
choses qu’à la communication. C’est ce que l’expérience <strong>de</strong> l’inconscient nous a<br />
montré, en tant qu’il est fait <strong>de</strong> lalangue, c<strong>et</strong>te lalangue dont vous savez que je l’écris<br />
en un seul mot, pour désigner ce qui est notre affaire à chacun, lalangue dite<br />
maternelle, <strong>et</strong> pas pour rien dite ainsi. » (XX, 126) Lalangue comporte une<br />
dimension qui est irréductiblement diachronique, puisqu’elle est essentiellement<br />
alluvionnaire. Elle est faite <strong>de</strong>s alluvions qui s’accumulent <strong>de</strong>s malentendus, <strong>de</strong>s<br />
créations langagières, <strong>de</strong> chacun. Le phénomène essentiel <strong>de</strong> ce que Lacan a<br />
appelé lalangue, ce n’est pas le sens, c’est la jouissance. Son matériel, c’est le<br />
signifiant isolé, S1, sorti <strong>de</strong> la chaîne.<br />
En tant que fait <strong>de</strong> la lalangue, l’inconscient change radicalement <strong>de</strong> statut.<br />
L’inconscient est moins un vouloir-dire, qu’un vouloir-jouir. Tout le problème est <strong>de</strong><br />
savoir ce que l’interprétation, voire l’intervention <strong>de</strong> l’analyste <strong>de</strong>viennent dans c<strong>et</strong>te<br />
perspective. Qu’est-ce qu’une interprétation d’ordre analytique si le corrélat <strong>de</strong><br />
l’interprétation n’est pas le langage mais la lalangue? Une interprétation qui restitue<br />
lalangue, qui désarticule, qui restitue le statut solitaire du S1, qui le sort <strong>de</strong> la chaîne<br />
<strong>et</strong> le coupe <strong>de</strong> l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> sens, c’est une interprétation qui attaque le rapport même <strong>de</strong><br />
ce qui s’entend à ce qui se dit. Le site <strong>et</strong> le moyen propre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te interprétation,<br />
c’est l’équivoque. L’équivoque vise à désarticuler le signifiant, à aller au-<strong>de</strong>là du<br />
langage comme l’élucubration <strong>de</strong> savoir sur lalangue, en tant qu’elle détermine le<br />
parlêtre.<br />
2[2] Jacques-Alain Miller les présente en détail dans son cours <strong>de</strong> La fuite du sens, publié dans La Cause<br />
freudienne n° 34, sous le titre Le monologue <strong>de</strong> l’apparole.
L’interprétation à l’envers <strong>de</strong> l’inconscient<br />
C’est à partir <strong>de</strong> l’enseignement tardif <strong>de</strong> Lacan que Jacques-Alain Miller<br />
présente ce qu’il nomme l’interprétation à l’envers, sous-entendu « à l’envers <strong>de</strong><br />
l’inconscient, structuré comme un langage ». Comme je l’ai signalé au début, le texte<br />
qui porte ce titre est le texte d’une intervention aux Journées <strong>de</strong> l’ECF en 1995. Il<br />
oppose l’interprétation à l’instar <strong>de</strong> l’inconscient à l’interprétation à l’envers <strong>de</strong><br />
l’inconscient. De quoi s’agit-il ? La première est l’interprétation à l’époque <strong>de</strong><br />
l’inconscient structuré comme un langage, la <strong>de</strong>uxième l’interprétation à l’époque <strong>de</strong><br />
l’inconscient fait <strong>de</strong> lalangue.<br />
Défini, non pas à partir <strong>de</strong> la conscience, mais à partir <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> la<br />
parole dans le champ du langage, l’inconscient se tient dans le décalage. Le<br />
décalage entre ce que le suj<strong>et</strong> veut dire <strong>et</strong> ce qu’il dit, entre l’intention <strong>de</strong> signification<br />
propre du suj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> la trajectoire du signifiant. L’intention du suj<strong>et</strong> est reprise,<br />
interprétée par le signifiant lui-même, par l’Autre. En ce sens, l’interprétation n’est<br />
pas autre chose que l’inconscient même comme Autre lieu, An<strong>de</strong>re Schauplatz. Cela<br />
implique que l’interprétation <strong>de</strong> l’analyste ne vient pas en premier lieu. Quand<br />
l’analyste interprète, il ne prend que le relais <strong>de</strong> l’inconscient-interprète qui le<br />
précè<strong>de</strong>.<br />
Cela fait écho pour moi avec ce que Lacan dira dans le Séminaire XXIII, Le<br />
sinthome, quand il dit «L’hypothèse <strong>de</strong> l’inconscient, (…), ne peut tenir qu’à supposer<br />
le Nom-du-Père.» (XXIII, 136) Le Nom-du-Père, qu’est-ce d’autre qu’un principe<br />
d’interprétation, qu’une machine à générer du sens? C’est d’ailleurs pour cela que<br />
l’appel au Nom-du-Père manquant peut déclencher le pousse-à-l’interprétation qui<br />
aboutit au délire paranoïaque. C’est pour cela que nous pouvons appeler la paranoïa<br />
qui construit une variante du délire oedipien du névrosé, du Nom-du-Père, une<br />
maladie <strong>de</strong> l’interprétation. Cela montre l’affinité entre le délire <strong>et</strong> l’inconscientinterprète.<br />
L’interprétation n’est pas d’un autre ordre que l’inconscient. Nous avons<br />
vu que, dans son enseignement tardif, Lacan va au-<strong>de</strong>là du Nom-du-Père, au-<strong>de</strong>là<br />
<strong>de</strong> l’inconscient structuré comme un langage, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’inconscient interprète. Une<br />
pratique analytique qui vise c<strong>et</strong> au-<strong>de</strong>là, ne peut pas interpréter à l’instar <strong>de</strong><br />
l’inconscient. Elle doit interpréter en sens contraire <strong>de</strong> l’inconscient.<br />
Qu’est-ce que cela veut dire? Jacques-Alain Miller nous invite à partir <strong>de</strong> la<br />
clinique <strong>de</strong> la psychose <strong>et</strong> à penser la névrose à partir <strong>de</strong> la psychose. Nous<br />
trouvons là le phénomène élémentaire, qui m<strong>et</strong> en évi<strong>de</strong>nce la présence d’un<br />
signifiant tout seul, en attente d’un <strong>de</strong>uxième, qui lui donnera sens, qui l’interprétera.<br />
C’est le travail du délire. Une interprétation à l’envers <strong>de</strong> l’inconscient, ne procè<strong>de</strong><br />
pas comme le délire, fût-ce le délire oedipien. Il s’agit <strong>de</strong> r<strong>et</strong>enir le S1, comme<br />
insensé, comme élément <strong>de</strong> la lalangue.<br />
L’interprétation à l’envers <strong>de</strong> l’inconscient ne procè<strong>de</strong> pas par ponctuation (terme que<br />
nous connaissons <strong>de</strong> Fonction <strong>et</strong> champ <strong>et</strong> que Miller reprend pour résumer la<br />
doctrine <strong>de</strong> l’interprétation à l’époque <strong>de</strong> l’inconscient comme vouloir-dire), n’opère<br />
pas sur le signifiant dans la chaîne, mais par coupure. La coupure isole le signifiant<br />
<strong>de</strong> la chaîne.