Cahiers F. Schubert

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
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B u l l e t i n d e l a S o c i é t é F r a n z S c h u b e r t
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X. Bodart – Ch. Chardonnier – R. O. de Clercq – O. Feinberg
X. A. Hascher – E. Hilmar – R. Steblin
Première Année 1992-1993
Nº 2
Avril 1993
ISSN 1168 -9501
Cahiers F. Schubert
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Cahiers F. Schubert
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Première Année 1992-1993
Nº 2
Avril 1993

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
© Société Franz Schubert, 1993
24, rue Mayet, 75006 PARIS
Directeur de la publication : X. A. Hascher
Rédaction : X. Bodart, O. Feinberg, X. A. Hascher
ISSN : 1168-9501
Date de parution : juin 1993
Dépôt légal : juin 1993
Imprimeur : Atelier central d’imprimerie de l’université de Paris 7
2, place Jussieu – 75251 PARIS CEDEX 05
La présente version constitue la reproduction électronique de ce numéro.
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Reproduction, même partielle, interdite.

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ÉDITORIAL :
FRANZ SCHUBERT : LA RÊVERIE ou L’OBSESSION ÉCLATÉE 3
SOMMAIRE DU Nº 2
– À propos des Cahiers F. Schubert. Par X. A. Hascher ..............................................................................................................................................................................5
RECHERCHE :
– Les Récentes Révolutions de la recherche schubertienne. Par E. Hilmar ........................................................................................7
– Schubert : Un compositeur d’opéras à redécouvrir. Par Ch. Chardonnier ............................................................................. 13
– Franz Schubert et la loi de 1815 sur le consentement au mariage. Par R. Steblin .............................................. 17
– L’Itinéraire Paris-Vienne-Paris d’un opéra-comique de Franz Schubert.
Par R. O. de Clercq ................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 27
– Franz Schubert et la France : 1828–1837. Deuxième série. Par X. A. Hascher ............................................................. 49
CRITIQUE ET PRÉSENTATION D’ŒUVRES, etc :
– La Messe allemande (Deutsche Messe, D. 872). Par X. Bodart ................................................................................................................................... 69
– Nouveaux Livres ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 73
– Critique discographique .......................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 77
– Critique cinématographique ........................................................................................................................................................................................................................................................................................ 81
– Sur l’éducation de Schubert. Par O. Feinberg ............................................................................................................................................................................................................ 83
DIVERS :
– Discographie ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 87
– Schubert durch die Brille. Sommaire du nº 10 ......................................................................................................................................................................................................... 93
– Publications de l’Internationales Franz Schubert Institut (Vienne) .................................................................................................................. 95
– Liste des membres de la Société Franz Schubert .............................................................................................................................................................................................. 96
– Communiqué .......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 97

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CAHIERS F. SCHUBERT
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ÉDITORIAL 5
ÉDITORIAL
À propos des Cahiers F. Schubert
VOICI enfin, même si, hélas, avec un peu de retard, le deuxième numéro des Cahiers F. Schubert.
Nous avons essayé d’y diversifier les contributions, d’y varier les approches, de manière à ce que
chacun puisse y trouver son intérêt. Ces Cahiers, dans un même volume, essayent de répondre à
deux nécessités, très divergentes : d’une part, être l’organe de la recherche schubertienne en France,
s’adressant par là aux musicologues et aux spécialistes de Schubert, mais aussi, bien évidemment,
à tous ceux qui ont eu la chance ou le privilège d’acquérir une formation musicale.
Aux autres, les Cahiers essayent, à partir de cette recherche fondamentale, de présenter avec
sérieux l’œuvre et la vie de Schubert sous des facettes aussi variées que possible, se proposant d’en
faire connaître les aspects moins connus, tentant d’inciter au maximum à une plus complète
découverte du compositeur, en évitant cependant les clichés réducteurs et les idées reçues, souvent
erronées.
Malgré cette dualité fondamentale, nous avons voulu introduire une gradation dans le degré
de spécialisation, tout en faisant, autant qu’il était permis, en sorte que tout soit lisible par tous, que
chaque lecteur trouve son compte dans la totalité et non dans deux ou trois pages à l’exclusion du
reste.
Il reste à dire, bien entendu, qu’on n’y prendra que ce qu’on voudra…
La Rédaction

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CAHIERS F. SCHUBERT
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La rédaction des Cahiers F. Schubert examinera, à fin de
publication, toute contribution musicologique ou autre,
consacrée à Schubert ou entretenant quelque rapport avec sa personne ou
son œuvre. Ces contributions doivent être rédigées en français et
dactylographiées aux normes universitaires courantes ; elles doivent être
accompagnées d’un résumé n’excédant pas une demi-page, ainsi que, dans
la mesure du possible, saisies sur disquette à l’un des formats informatiques
les plus répandus.
La rédaction se réserve le droit d’apporter toute modification qu’elle jugera
utile, y compris d’abréger, les auteurs étant consultés pour avis facultatif.
Aucune altération, amélioration, etc., ne sera, en aucun cas, prise en compte
après acceptation par le comité. Les contributions refusées ne seront pas
renvoyées.

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LES RÉCENTES RÉVOLUTIONS DE LA RECHERCHE SCHUBERTIENNE 7
LES RÉCENTES RÉVOLUTIONS
DE LA RECHERCHE SCHUBERTIENNE
Résumé de l’allocution de M. Ernst Hilmar
Secrétaire général de l’Institut international Franz Schubert (Vienne)
Prononcée lors de l’inauguration de la Société Franz Schubert
Vendredi 6 novembre 1992
AR CONTRASTE avec les quelques cent cinquante années qui l’ont précédée, la période récente
témoigne d’une véritable révolution dans le monde de la recherche consacrée à Franz
Schubert. Pour en rendre compte, cette allocution s’articulera autour de trois parties principales :
commençant par la personnalité de Schubert, puis se consacrant à son œuvre ainsi qu’à ses
méthodes de composition, elle abordera enfin le sujet des schubertiades et du cercle formé par
les amis du compositeur. Chaque fois on commentera le contexte historique dans lequel évoluait
Franz Schubert, ainsi que les changements d’attitude que l’on observe à l’heure actuelle, tant visà-vis
de l’homme que de sa musique — et ce plus particulièrement en Autriche.
✽ ✽
✽
L’image de Schubert qui a prévalu jusqu’ici, romantique mais ridiculement réductrice, a consisté
en un certain nombre de clichés relatifs à son inculture globale, sa timidité constitutive, son
sobriquet de « Petit Champignon », qui s’ils tendent à envelopper sa légende dans un brouillard
rose qui appartient au monde de la comédie musicale, sont néanmoins de pure fiction et n’ont rien
à voir avec ce qu’était véritablement Franz Schubert.
Les études récentes se sont concentrées sur une vie insuffisamment documentée, pour laquelle
— malgré la valeur des descriptions laissées par quelques amis ou connaissances — la source
principale demeure les écrits de Schubert lui-même et leur interprétation. Beaucoup de ces écrits
sont en réalité de petites œuvres littéraires, dévoilant à la fois esprit, ironie, contenu philosophique
original, ainsi que des dons considérables d’observation, des hommes comme de la nature.
Schubert était cultivé, et possédait par-dessus tout une culture littéraire très développée. Ses
goûts et sa curiosité, que révèlent le choix extrêmement varié des textes qu’il utilisa dans ses Lieder,
mais aussi la façon dont il les utilisa — caractérisée par de fréquentes modifications, des
corrections, ou dans les cycles de Lieder, par les changements qu’il introduisit dans leur
ordonnance — le démontrent sans ambiguïté. Schubert était non seulement cultivé, mais possédait
des facultés critiques.
Les cinq mois d’occupation française, en 1809, entraînèrent à Vienne un adoucissement

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CAHIERS F. SCHUBERT
considérable de la stricte censure qui y régnait jusqu’alors, ainsi qu’un déferlement de littérature
classique. Gœthe et Schiller furent réédités dans la capitale autrichienne ; les cours magistraux de
Schlegel sur la littérature allemande ancienne et moderne passionnaient un auditoire où se
retrouvaient les poètes Eichendorff et Theodor Körner.
La préférence de Schubert alla dans un premier temps à la littérature teintée de mysticisme de
Brentano et de Hofbauer ; mais la poésie d’autres auteurs, alors populaires parmi les classes
moyennes, tels que Kotzebue, Matthisson, Hölty, ou Klopstock, attira également son attention. Plus
tard, son enthousiasme s’enflamma pour Heinrich Heine, ou Wilhelm Müller, ce dernier étant à
cette époque quasi inconnu à Vienne. Une telle perspicacité littéraire témoigne d’un aspect
sérieux, profond et lucide de sa personnalité qui n’a malheureusement été que trop ignoré par la
légende bâtie au siècle dernier.
Une autre source qui fut longtemps négligée pour la connaissance de la personnalité de
Schubert est son écriture. Si l’on tient compte des différences et de l’évolution entre sa graphie
de jeunesse et celle de sa maturité, celle de ses brouillons et celle de ses copies au propre, l’écriture
de Schubert est volontaire et clairement reconnaissable : globalement belle, équilibrée, occupant
largement l’espace. C’était l’écriture d’un artiste doué d’une extraordinaire confiance dans ses
capacités propres, faisant preuve d’une évidente assurance.
De ces quelques observations sur le côté sérieux de sa personnalité, il se dégage clairement
que Schubert avait peu en lui de ce qu’il est convenu de qualifier de Bierdermeier, c’est-à-dire dans
l’acception malheureusement courante où Bierdermeier désigne un mélange de petitesse et de
confort embourgeoisé. Personne ne saurait soutenir l’assertion selon laquelle les trois dernières
sonates pour piano de Schubert sont les produits d’une telle époque.
✽ ✽
✽
Les techniques de recherche modernes, y compris l’étude des filigranes, des encres et de la
graphologie, ont entraîné une nouvelle perception des méthodes de travail de Schubert, bien
éloignée des anciennes conceptions du génie illuminé par « l’étincelle divine », couchant par écrit
ses ouvrages, même les plus importants, à toute vitesse et sans réflexion préalable. Ainsi, ces
méthodes ont permis de dater plus précisément la composition de la « Grande » symphonie en ut
majeur, D. 944 ; en effet, le papier utilisé et l’analyse de l’écriture font penser que cette symphonie
daterait de 1825, au lieu de 1828, ce que confirmerait le fait que Schubert formait ses 5 comme
des 8. En outre, les parties d’orchestre employées quand la symphonie fut mise ultérieurement en
répétition à Vienne remontent, quant à elles, à 1826.
Si, de façon générale, l’apparition de nouvelles sources a entraîné l’essor et le développement
de nouvelles recherches, l’étude des esquisses a permis de procurer un aperçu unique sur la
manière qu’avait Schubert de composer. Or jamais celui-ci ne procède à petite échelle : les
quelques esquisses préliminaires d’œuvres achevées qui ont survécu montrent que, contrairement
à Beethoven, Schubert écrivait tout-de-suite l’exposition et souvent le développement entiers d’un
mouvement de sonate ou de symphonie, un scherzo avec son trio, ou encore les scènes
individuelles aussi bien que la structure globale d’un opéra. Il n’y a pas d’esquisses de thèmes.

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LES RÉCENTES RÉVOLUTIONS DE LA RECHERCHE SCHUBERTIENNE 9
L’on constate en outre que les versions définitives diffèrent rarement de façon significative du
premier jet.
Seule fait exception à ces règles la fantaisie en fa mineur, D. 940. D’autre part, il existe un certain
nombre d’esquisses — si l’on excepte les exercices de jeunesse — pour lesquelles ne
correspondent aucune version définitive. Il s’agit pour une part de mouvements de sonates pour
piano inachevées, mais surtout d’esquisses symphoniques qui ne furent correctement reconnues
comme telles qu’en 1978.
La plupart de ces esquisses date de la période 1818-1823, période qu’on a inexactement
baptisée « les années de crise » (Jahre der Crise) dans la production du compositeur, une
expression qui a été adoptée par la Société internationale Schubert de Tübingen en 1982. Cette
période, pendant laquelle Schubert écrivit des ouvrages aussi considérables qu’Alfonso und
Estrella, Fierabras, les messes D. 621 et 678, bien davantage qu’une crise, témoigne d’un
changement d’orientation.
Schubert se distancie, à l’issue de cette période, de ses premières symphonies. Il devint plus
critique envers lui-même, et chercha à prendre de l’indépendance vis-à-vis des traditions établies,
et surtout de Beethoven. Ses esquisses durant cette période doivent donc être considérées comme
des sortes d’exercices digitaux, essentiels et nécessaires à son développement de compositeur.
Cependant, il demeure un aspect de son processus créateur qui ne sera jamais élucidé : il s’agit
du travail mental qui précède les esquisses, même préliminaires. Celles-ci, contenant les
principales lignes mélodiques, la basse, les transitions instrumentales, ainsi que les harmonies et
les indications d’instrumentation essentielles, représentent virtuellement le produit fini d’un travail
de création mentale préalable.
Une autre conséquence des recherches de ces dernières années consiste dans une réévaluation
de l’œuvre schubertien. Jusqu’à récemment, Franz Schubert était essentiellement considéré
comme un compositeur de Lieder, bien que sa célébrité ne reposât que sur un nombre restreint
de mélodies favorites ressassées à l’envi. Sa musique instrumentale, en dehors de quelques recueils
de danses pour piano, était pratiquement négligée. Il est de fait que de son vivant même, bien peu
de gens avaient connaissance de cette part de sa production.
La nouvelle édition des œuvres de Schubert, dont les premier volumes commencèrent à
paraître à la fin des années soixante, firent prendre conscience de la complexité des problèmes
que soulevait la publication d’un nombre toujours croissant de Lieder, fréquemment assortis de
plusieurs versions différentes. Au même moment, l’importance de son œuvre instrumental fut de
plus en plus reconnue.
Avec la musique dramatique, on aborde une autre partie de l’œuvre de Schubert qui fut jusqu’ici
aussi mal connue que mal jugée. Les opéras de Schubert sont un sujet délicat, sur lequel beaucoup
d’opinions ont été exprimées, le plus souvent par des personnes qui n’en avaient aucune
expérience. On a décrit ces opéras comme anti-dramatiques, comme des collections de Lieder mis
bout à bout. Les recherches, mais surtout les exécutions scéniques récentes, amenèrent une
certaine remise en cause de ces jugements. (Il faut savoir qu’en nombre de pages, les ouvrages
de Schubert destinés au théâtre représentent environ la moitié de son œuvre complet.)

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CAHIERS F. SCHUBERT
Ce n’est que depuis que Claudio Abbado, avec les encouragements de Maurizio Pollini, décida
de monter Fierabras à Vienne en 1988 qu’on observe un changement graduel d’attitude à l’égard
des opéras de Schubert. Le succès rencontré par Fierabras auprès du public fut étonnant ; mais
cela ne signifie pas que les jugements traditionnels aient été volontiers abandonnés, tout
spécialement de la part des média. Le soin particulier apporté à la préparation de cette
représentation eut pour effet de démontrer le potentiel dramatique de la musique, et plus
particulièrement de l’écriture instrumentale. La première, en septembre 1991, à Graz, d’Alfonso
und Estrella ouvrira sans aucun doute le chemin pour un événement similaire à Vienne.
On peut dégager deux leçons de ces expériences récentes concernant les opéras de Schubert.
La première est que ces ouvrages contiennent une foule d’éléments dramatiques qui réfutent
l’accusation selon laquelle Schubert n’avait aucun talent pour ce genre, et qui montrent d’autre part
de quelle façon il prit ses distances vis-à-vis des traditions théâtrales établies, afin d’élaborer un
nouveau type de relations entre le texte et la musique. Schubert développa également une
nouvelle organisation structurelle, où la tension résulte de l’alternance de tableaux musicaux de
nature statique, contemplative, et de scènes caractérisées par leur énergie dramatique (selon la
description faite par Werner Thomas). La musique y possède donc bien en elle-même la tension
nécessaire pour nourrir et supporter la tension du drame qui se déroule.
Deuxièmement, les opéras se révèlent absolument essentiels à la compréhension du
développement de Schubert dans le domaine de la musique symphonique. C’est là qu’il faisait
toutes ses expériences de maniement de l’effectif orchestral, et c’est à travers le rôle dominant qu’il
attribue à l’orchestre dans ses opéras, que peu après Alfonso und Estrella, Schubert fut à même
de démontrer sa maîtrise de grand symphoniste dans l’Inachevée — plutôt qu’à travers la musique
de chambre, comme il est d’ordinaire affirmé. Il est vraisemblable que l’interprétation correcte de
sa lettre de mars 1824 à Leopold Kupelwieser soit que Schubert entendait préparer la voie de sa
reconnaissance comme symphoniste auprès du public au moyen de l’exécution en concert de
sa musique de chambre.
✽ ✽
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Ce n’est le plus souvent qu’une trentaine d’années seulement après la mort du compositeur que
les amis de Schubert commencèrent à rédiger leurs souvenirs. Partant, ces témoignages ne
sauraient être acceptés sans être remis en question. On observe en effet que plus on s’éloigne de
la date de le mort de Schubert, plus ceux-ci tendent à prendre des couleurs romantiques, où la
personne qui raconte ses souvenirs tend à se mettre en avant et à occuper un rôle de plus en plus
essentiel. Or les amis de Schubert le connaissaient-ils vraiment aussi bien qu’ils l’ont prétendu ?
L’importance du cercle formé par les amis de Schubert a peut-être été surévaluée. Cependant,
il est certain que quelques unes des schubertiades furent consacrées à ses compositions. Mais que
représentait pour Schubert ce cercle amical, quelle valeur avait-il à ses yeux ? Les schubertiades
pouvaient n’être qu’une couverture à une époque où toute espèce de rassemblement était
strictement interdite. Elles auraient fourni dans ces circonstances une occasion, ou un prétexte,
pour organiser des réunions où l’on discutait et l’on débattait des questions intellectuelles, sinon
révolutionnaires.

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LES RÉCENTES RÉVOLUTIONS DE LA RECHERCHE SCHUBERTIENNE 11
Franz Schubert jouait-il un rôle essentiel dans de telles réunions ? y avait-il nécessairement
l’avantage ? Si l’affection de certains parmi ses amis, tel Josef von Spaun, fut sincère et réelle, il
apparaît néanmoins que le rôle de ceux-ci a été en général surestimé et exagéré. Qui parmi eux
prit vraiment la mesure du génie de Schubert ? Ainsi, aucun ne réagit à l’épitaphe que Grillparzer
fit inscrire sur la tombe du compositeur (« Avec lui, la musique a enseveli un riche trésor, et des
espérances bien plus belles encore »).
Le rôle et l’importance des schubertiades doit être réexaminés avec soin : du vivant-même de
Schubert, un cycle comme la Belle Meunière ne fut donné publiquement qu’en extraits, et jamais
dans son intégralité. Toute la musique qu’on jouait ou qu’on publiait à Vienne à cette époque ne
consistait pratiquement plus qu’en danses ou en arrangements d’après les opéras de Rossini ;
quand on sait d’autre part que l’intérêt des amis du compositeur ne se concentrait exclusivement
que sur ses Lieder, on comprend l’ignorance où ils étaient de la puissance véritable de son génie.
✽ ✽
✽
En conclusion, la vision de Schubert que nous avons actuellement n’a plus que bien peu à voir
avec celles qui s’étaient exprimées lors de l’année Schubert, en 1928, mais s’y oppose au contraire
de façon révolutionnaire. Les recherches récentes sur la personnalité du compositeur ont mis en
lumière de façon convaincante un homme intelligent, cultivé, confiant en lui-même, possédant des
préoccupations profondes et sérieuses, un talent littéraire personnel, à la fois instruit et possédant
un sens critique aigu.
De nouveaux éclairages ont été projetés sur les méthodes de travail soigneuses et
consciencieusement élaborées de Schubert, tandis que parallèlement une réévaluation ainsi
qu’une réinterprétation de sa musique ont conduit à de surprenantes découvertes concernant aussi
bien ses mélodies, que ses opéras et sa musique instrumentale, permettant de la sorte une
meilleure compréhension et une plus large appréhension de son œuvre créateur.

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CAHIERS F. SCHUBERT
Costumes pour les représentations d’Alfonso und Estrella à Graz (septembre 1990).
Dessin de Johannes Haufe.

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SCHUBERT : UN COMPOSITEUR D’OPÉRA À DÉCOUVRIR 13
SCHUBERT : UN COMPOSITEUR D’OPÉRA À DÉCOUVRIR
Aperçu général et synopsis d’Alfonso und Estrella
I SCHUBERT est universellement considéré et célébré comme l’un des plus grands maîtres du Lied,
il est par contre, en tant qu’homme de théâtre, très peu connu et souvent sous-estimé.
Pourtant, loin d’être secondaire, sa recherche et ses ambitions théâtrales l’occupèrent tout au
long de sa vie, et il s’intéressa à de nombreuses formes dramatiques, au nombre desquelles on voit
figurer aussi bien le Singspiel, que le mélodrame, la musique de scène, ou, bien sûr, l’opéra.
Schubert composa au total près d’une vingtaine d’œuvres pour la scène 1 , dont certaines demeurent
inachevées. Mais, pour diverses raisons, ces pièces sont, dans leur ensemble, rarement sorties de
l’oubli où elles sommeillent.
A l’époque de Schubert, tout d’abord, l’opéra allemand se trouvait désavantagé par un pouvoir
qui favorisait en priorité l’opéra italien, dont Rossini ne tarda pas à s’imposer comme le maître
absolu. A l’heure actuelle, des difficultés considérables subsistent, la discographie restant limitée
à un petit nombre d’enregistrements, qui ne concernent qu’un choix restreint d’opéras ; les
productions scéniques, par ailleurs, sont extrêmement rares, car ces ouvrages ne font pas partie du
répertoire ordinaire des chanteurs ; de plus, les partitions sont difficilement disponibles. Viennent
enfin s’ajouter à cette liste des critiques fréquemment sévères et non toujours justifiées, ou même
bien informées.
Parmi les principaux reproches qui sont adressés à Schubert, on retiendra : un manque de
discrimination qui se manifeste dans le choix de livrets faibles et inintéressants ; un sens dramatique
auquel fait souvent défaut le suivi ou la continuité ; un style musical parfois trop simple et dépourvu
d’élaboration. Afin d’évaluer ces différentes critiques, on prendra un exemple parmi les opéras du
compositeur : on choisira pour cela Alfonso und Estrella, qui se situe environ au milieu de la
production dramatique de Schubert, et qui peut être considéré comme particulièrement représentatif.
Le livret de cet ouvrage (voir le synopsis, plus bas) est assez conventionnel ; on y retrouve bon
nombre de thèmes familiers au genre de l’opéra, tels que l’amour, le pouvoir, la vengeance, la
réconciliation... Or, ce texte a souvent été qualifié de médiocre : pour quelle raison ? Quand on
examine les livrets de Rossini, qu’y découvre-t-on donc de plus ? Beaucoup de compositeurs sont
considérés comme des maîtres de l’opéra, alors que les livrets qu’ils utilisent ne possèdent pas
forcément des intrigues très élaborées, ou ne se distinguent pas non plus par leur contenu poétique.
Face à la difficulté que présente le choix d’un livret, quelle attitude le compositeur doit-il adopter 2 ?
La réussite d’un opéra dépend-elle véritablement autant du livret, ou bien y a-t-il au contraire
d’autres éléments, plus fondamentaux, qui entrent en jeu ?
La réponse à cette interrogation est, peut être, que la progression dramatique de l’œuvre est son

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CAHIERS F. SCHUBERT
ressort le plus important. Il est certain que les situations et les rebondissements doivent être présents
dans le livret, mais leur mise en relief dépend entièrement, en définitive, des éléments musicaux
de la partition.
On sera surpris de constater que Schubert utilise comparativement très peu l’harmonie ou les
enchaînements de tonalités à cet effet. Mais il crée une dynamique dans l’œuvre à travers
l’agencement des divers numéros qui la composent 3 , alternant des morceaux conçus d’après des
formes traditionnelles (du type : AB, ABA´, ABAB´, couplet-refrain-couplet-refrain, la forme sonate
en ce qui concerne l’ouverture, etc.) et d’autres construits selon des formes plus libres.
Ces dernières lui permettent de décrire avec précision la progression des sentiments, tandis que
dans les formes plus traditionnelles il utilise les accompagnements comme expression dramatique,
leur attribuant également un rôle psychologique ou descriptif, différent dans chaque partie, procédé
que Schubert emploie aussi beaucoup dans ses Lieder 4 . On admettra donc que Schubert a clairement
le souci de la progression et de l’articulation de l’œuvre.
N’est-ce qu’une question de mode, si le nom de chaque compositeur ne reste souvent attaché
qu’à une partie seulement de son œuvre, alors que le reste s’en trouve négligé ? Weber n’est-il pas
ainsi, pour chacun d’entre nous, le « père de l’opéra romantique » avec le Freischütz, ainsi que le
brillant compositeur de l’Invitation à la valse ? Et pourtant... Il semblerait que tant d’ouvrages
demeurent encore à découvrir, recelant d’immenses richesses musicales, et les opéras de Franz
Schubert en font à coup sûr partie. On rappellera, il est vrai, en manière de conclusion, que pour
aborder ces œuvres, certaines dispositions sont nécessaires, ainsi que le souligne Weber dans son
Journal 5 :
« Pour juger impartialement une œuvre d’art qui se déroule dans le temps, il est nécessaire de
se trouver dans un état d’esprit serein, réceptif à des impressions multiples de différentes natures.
On tentera d’éliminer toute idée préconçue et de ne pas circonscrire trop étroitement son sentiment,
pour garder une certaine ouverture d’esprit vis-à-vis du sujet traité. »
SYNOPSIS DE L’OPÉRA ALFONSO UND ESTRELLA
Christine Chardonnier
L’action se déroule en Espagne. Le premier acte débute dans la vallée où sont venus se réfugier
le roi de Léon, Troïla, et son fils Alfonso, après avoir été chassés du trône par Mauregato, un tyran
inhumain, qui règne à leur place sur la contrée voisine. Alfonso est las de ne pouvoir quitter ce lieu ;
Troïla lui promet de le délivrer de ce morne endroit et lui donne une chaîne en gage de sa parole.
Dans la vallée d’Oviedo où règne Mauregato, Estrella, sa fille, est mélancolique ; le fastueux
palais de son père l’ennuie. De plus, Adolfo, le général de Mauregato, la courtise et veut l’épouser.
Mais elle n’éprouve aucun sentiment pour lui et refuse ce mariage. Mauregato avertit Adolfo que

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SCHUBERT : UN COMPOSITEUR D’OPÉRA À DÉCOUVRIR 15
seul celui qui rapportera la chaîne d’Eurich, qui manque au trésor des anciens rois, pourra épouser
Estrella.
Au deuxième acte, au cours d’une chasse, Estrella se perd dans la forêt et rencontre Alfonso.
L’amour naît aussitôt entre eux. Alfonso offre alors à la jeune fille la chaîne dont son père lui a fait
présent. Pendant ce temps, Adolfo réunit ses amis pour une action de force. Il veut renverser
Mauregato et obtenir la main d’Estrella.
Mauregato s’inquiète de l’absence de cette dernière. Lorsqu’elle revient, il découvre avec
surprise la chaîne. Il révèle à Estrella que celui qui lui a offert le joyau pourra l’épouser. Mais, entretemps,
on apprend que la vengeance d’Adolfo a éclaté.
Au troisième acte, Adolfo s’est emparé d’Estrella, quand surgit heureusement Alfonso qui
s’empresse de la secourir. A la demande d’Estrella, il prend la tête des armées de Mauregato, et
remporte la victoire. Troïla et Mauregato se réconcilient ; Alfonso et Estrella s’unissent. Alfonso
monte sur le trône que lui laisse Troïla, tandis que Mauregato pardonne à Adolfo et lui rend sa liberté.
NOTES :
1. Ces œuvres comprennent essentiellement :
– Der Spiegelritter (le Chevalier au miroir), commencé en décembre 1811 (?), Singspiel inachevé, D. 11.
– Des Teufels Lustschloss (le Pavillon du Diable), 1814, « féerie naturelle », D. 84.
– Der vierjährige Posten (la Sentinelle de quatre ans), 1815, Singspiel, D. 190.
– Fernando, 1815, Singspiel, D. 220.
– Claudine von Villa-Bella, 1815, Singspiel, D. 239.
– Die Freunde von Salamanka (les Amis de Salamanque), 1815, Singspiel, D. 326.
– Die Burgschaft (la Caution), 1816, opéra inachevé, D. 435.
– Die Zwillingsbrüder (les Frères jumeaux), 1819, Singspiel, D. 647.
– Adrast, 1815 (1819 ?), opéra inachevé, D. 137.
– Die Zauberharfe (la Harpe enchantée), 1820, mélodrame, D. 644.
– Sakuntala, 1820, opéra inachevé, D. 701.
– Die Zauberglöckchen (la Clochette enchantée), 1821, aria et duo pour l’opéra de Ferdinand Hérold,
D. 723.
– Alfonso und Estrella (Alfonso et Estrella), 1822, opéra, D. 732.
– Die Verschworenen (les Conjurées), 1823, Singspiel, D. 787 ; il existe une version française de cet opéra
par Victor Wilder, intitulée la Croisade des dames, qui fut représentée à Paris en 1868 (cf. l’article, dans
ce numéro, de R. O. de Clercq).
– Rüdiger, 1823, ébauches pour un opéra, D. 791.
– Fierabras, 1823, opéra « héroïco-romantique », D. 796.
– Rosamunde, Fürstin von Cypern (Rosamonde, Princesse de Chypre), 1823, musique de scène (drame
romantique), D. 797.
– Der Graf von Gleichen (le Comte de Gleichen), 1827, opéra inachevé, D. 918.

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CAHIERS F. SCHUBERT
2. Les difficulté suscitées par le choix des poèmes destinés à être mis en musique, dans le cas des Lieder, ne
sont pas non plus à négliger ; si Schubert s’est porté sur des grands auteurs tels que Gœthe, ce dernier,
particulièrement, ne fut que tardivement conquis par l’interprétation que le compositeur donna de ses textes.
Ainsi que l’exprime Marcel Schneider : « ... Gœthe était fermé à l’interprétation musicale des poèmes qui
avaient inspiré Schubert. Il créait un univers féerique qui exaltait Beethoven, Schubert, Weber, mais lui-même
n’entrait pas dans les œuvres que ses poèmes avaient inspirées aux musiciens. C’est que la poésie possède
une musique à elle, et qu’un poète préférera toujours à celle des musiciens ».
3. Ainsi, dans les quatre premières scènes de l’acte III d’Alfonso und Estrella, Schubert enchaîne quatre
numéros de formes diverses : un premier, construit selon le schéma ABA’, puis deux morceaux de forme libre,
et enfin un autre morceau du même type que le premier. Comme le note Alfred Einstein : « ... ici, nous n’avons
plus des numéros reliés par des récitatifs, mais tant sur le plan dramatique que sur le plan musical, une grande
scène, marquée par une gradation intense au suprême degré, gradation toute théâtrale, il est vrai ».
4. Comme le souligne Marcel Schneider : « L’accompagnement [...] présente dans tous les cas une individualité
très forte et Schubert lui confie un rôle symbolique qui le rend aussi important que le chant. Il crée tantôt
le décor, [...] tantôt le climat moral, [...] le plus souvent les deux à la fois ».
5. Carl Maria von Weber, la Vie d’un musicien et autres écrits, trad. par Lucienne Gérardin, Paris, J.-C. Lattès,
1986, p. 137.
BIBLIOGRAPHIE :
BAC (Ferdinand-Sigismond Bach, dit), Franz Schubert, sa vie et ses œuvres, Paris, 1927.
BROWN (Maurice J. E.), Schubert, trad. de l’anglais par Paul Couturiau, Monaco, Éd. du Rocher, 1986.
EINSTEIN (Alfred), Schubert. Portrait d’un musicien, trad. de l’anglais par Jacques Delalande, Paris, Gallimard,
1958.
KOLB (Annette), Schubert, trad. de l’allemand par Denise van Moppès, Paris, Albin Michel, 1952.
MASSIN (Brigitte), Schubert, Paris, Fayard, 1978.
SCHNEIDER (Marcel), Schubert, Paris, Éd. du Seuil, 1957.
VAN HOORICK (P. Reinhard), « les Opéras de Schubert », Revue Belge de Musicologie, XXVIII-XXX (1974-76),
p. 238-259.

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FRANZ SCHUBERT ET LA LOI DE 1815 SUR LE CONSENTEMENT AU MARIAGE 17
FRANZ SCHUBERT ET LA LOI DE 1815 SUR LE
CONSENTEMENT AU MARIAGE
N. B. : La version originale, en langue allemande, de cet article est parue dans Schubert durch die Brille n° 9
(juin 1992), p. 32-42, sous le titre « Franz Schubert und das Ehe-Consens Gesetz von 1815 ».
E RAPPORT entre Schubert et les femmes a toujours été un des thèmes préférés des biographies
schubertiennes. Sans doute pensait-on de cette manière mieux cerner la personnalité du
musicien et aussi mieux comprendre sa musique. Le médecin autrichien Anton Neumayr affirmait
récemment que Schubert avait « délibérément choisi » sa vie de célibataire : « Le fait que Schubert
n’ait jamais eu de liaison durable avec une femme est lié à son insatiable désir de liberté, cette liberté
dont il avait besoin pour “son” grand amour, la composition, tout comme il avait besoin de l’air pour
respirer. Ceci est certainement la seule vraie raison de son choix — la vie de célibataire — et non
pas, comme se plaisent à le redire tous les clichés sur Schubert, sa peur du sexe féminin ou bien
même son complexe d’OEdipe que certains psychanalystes ont tenté d’interpréter comme un
mélange de haine contre son père et d’amour envers sa mère 1 . »
Dans un article paru en 1989, le musicologue américain Maynard Solomon affirmait que Schubert
avait un véritable dégoût pour les femmes parce qu’il était homosexuel — avec une préférence pour
les jeunes garçons (« les jeunes paons ») — et suggérait que tous ses amis (Schober, Vogl, Schwind,
Kupelwieser, Bauernfeld, etc.) étaient homosexuels ou bien bisexuels 2 . Cette opinion, qui se base
sur des traductions erronées et révèle un manque évident de compréhension culturelle 3 , semble
aujourd’hui s’être imposée aux États-Unis. Même la dernière monographie allemande sur Schubert,
Franz Schubert und seine Zeit 4 , de Peter Gülke, reprend les affirmations de Solomon sans les
remettre en question.
Il nous faut maintenant répondre à cette question : A-t-on le droit de faire de telles déclarations
sans une recherche historique fondamentale dans ce domaine ?
Je crois qu’il nous reste encore beaucoup à faire. Essayons d’abord de reconstituer le contexte
historique et culturel dans lequel Schubert a vécu. Le 8 septembre 1816, Schubert écrivait une assez
longue note dans le seul journal intime qu’on ait conservé de lui. On peut y lire la réflexion suivante :
« L’homme ressemble à une balle avec laquelle jouent le hasard et la passion.
« Cette phrase me paraît extraordinairement vraie [...]
« Heureux celui qui trouve un véritable ami. Plus heureux encore celui qui trouve en sa femme
une véritable amie.
« En ces temps-ci, le mariage est une chose redoutable pour l’homme libre, il le troque soit contre
la mélancolie, soit contre une vulgaire sensualité. Monarques de cette époque, vous voyez cela, et
ne dites mot. Ou bien ne le voyez-vous pas ? Alors, ô Dieu, voile notre esprit et nos sens ; mais
reprend ensuite le voile sans dommage.

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CAHIERS F. SCHUBERT
« L’homme supporte le malheur sans plainte, cependant, il le ressent avec d’autant plus de
douleur. — Pourquoi Dieu nous a-t-il doués de sympathie 5 ? »
Cette note très personnelle — une mise en accusation des « monarques de cette époque »
devant Dieu — a toujours été mal comprise par la recherche schubertienne. Dans le commentaire
qui accompagne les documents publiés par Deutsch, on peut lire ceci : « Ces réflexions sur le
mariage ne semblent pas avoir été provoqués par un événement contemporain dans la vie de
Schubert 6 . » Maynard Solomon cite cette réflexion comme preuve de l’« antipathy to matrimony »
qu’aurait éprouvée Schubert et de sa « terror of marriage », puis s’en sert comme argument pour
affirmer que Schubert était homosexuel 7 .
A mon avis, les deux interprétations sont fausses.
Pour bien comprendre Schubert, il nous faut connaître les faits marquants de son époque.
Pourquoi Schubert écrit-il « En ces temps-ci » ? A quoi fait-il allusion quand il dit « Monarques de
cette époque, vous voyez cela, et vous ne dites mot » ? L’explication se trouve dans un document
découvert récemment.
Au printemps de l’année 1815, Sa Majesté impériale et royale François I er décrétait la loi
suivante :
Prescription pour les personnes résidant à Vienne qui ont besoin du consentement des autorités
politiques pour se marier.
Conformément à la décision suprême du 12 janvier de cette année, les classes suivantes de
citoyens résidant à Vienne n’ont pas besoin du consentement des autorités politiques pour se marier :
1. La noblesse.
2. Tous les fonctionnaires au service des princes régnants, des corporations, de la ville, des
fonds publics et tous les fonctionnaires seigneuriaux.
3. Les docteurs, les maîtres, les professeurs et les enseignants des écoles publiques et des
établissement d’éducation.
4. Les avocats et les agents.
5. Tous les citoyens.
6. Tous les propriétaires de maison et de biens.
7. Toutes les personnes munies d’un droit de maîtrise, d’autorisations concernant les
fabriques et les fabriques princières, ou bien d’autorisations délivrées par les officiers de la garde
urbaine.
Toutes les autres personnes n’appartenant pas aux classes citées doivent obtenir le consentement
des autorités politiques avant de se marier et ne peuvent être unies sans celui-ci.
Ce consentement doit être en règle générale accordé par les autorités locales, ou bien, en ce qui

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FRANZ SCHUBERT ET LA LOI DE 1815 SUR LE CONSENTEMENT AU MARIAGE 19
concerne les compagnons-artisans, par les magistrats de la ville, comme il était d’usage jusqu’à
présent.
Les parties engagées peuvent demander un recours auprès des administrations politiques
supérieures en cas d’avis défavorable.
Les charges de mariage délivrées jusqu’à présent par les officiers de la garde urbaine ne sont plus
en vigueur.
Décret de la Haute Chancellerie du 26 janvier 1815, adressé au Gouvernement de Basse-
Autriche.
Notifié le 16 mars 1815 8 .
Dans l’ouvrage de Franz Herzog publié en 1829, Systematische Darstellung der Gesetze über den
politischen Ehe-Consens im Kaiserthume Oesterreich (Présentation systématique des lois sur le
consentement au mariage dans l’Empire d’Autriche), la loi de 1815 est expliquée ainsi 9 :
§ 13.
De la liberté de mariage en particulier ;
a) concernant les citoyens résidant à Vienne.
La grande affluence de différentes classes populaires à Vienne exigeait depuis longtemps
l’émission d’un décret stipulant que les citoyens qui ne dépendent pas de l’Institut délivrant les
autorisations de mariage étant donné sa nature, fussent séparés des classes populaires inférieures
qui resteront soumises au consentement des autorités politiques. Cette loi particulière nous a été
dictée par la décision suprême du 12 janvier 1815 et notifiée par le décret du Gouvernement impérial
et royal de Basse-Autriche, daté du 16 mars 1815.
Cette loi est ensuite exposée dans son intégralité et complétée par une explication concernant
les classes sociales sujettes à cette séparation. Nous apprenons donc que les nobles étrangers
devaient apporter la preuve de leur appartenance à la noblesse et de leur « capacité au mariage ».
Les fonctionnaires publics faisaient exception à cette règle, mais pas les fonctionnaires des
institutions privées, comme par exemple la Banque nationale. Les docteurs et les maîtres qui étaient
juifs ou bien étrangers se voyaient soumis aux mêmes règlements (les décrets étrangers n’étaient
pas valables) et les citoyens devaient justifier de leur rang en présentant une attestation de
citoyenneté, etc.
On peut lire encore au § 13 :
A l’égard de cette loi, je dois attirer l’attention sur le fait qu’elle concerne uniquement les citoyens
du pays, et donc qu’elle ne dispense en aucun cas les étrangers de fournir les attestations prescrites
par le décret de la Cour du 22 décembre 1814 témoignant de leur capacité au mariage dans le pays ;
et donc 1) Sur le fait qu’un étranger noble devra non seulement prouver à l’examinateur de
conscience son appartenance à la noblesse mais aussi son aptitude au mariage. 2) Sur le fait que
cette loi concerne uniquement les fonctionnaires publics travaillant dans les différentes branches de

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CAHIERS F. SCHUBERT
l’administration d’État, et donc pas les officiers domestiques comme les secrétaires particuliers, les
précepteurs, les cuisiniers, etc. ; pas non plus les fonctionnaires des instituts privés, comme par
exemple la Banque nationale, la Caisse d’épargne, etc. 3) Les docteurs et les maîtres doivent être
chrétiens et citoyens autrichiens de naissance ou bien avoir été naturalisés en accord avec les §§ 29
et 30 du code du citoyen et avoir obtenu leur diplôme dans un établissement scolaire national
habilité ; car les Juifs et les étrangers ne peuvent pas se faire naturaliser pendant leurs années d’étude,
ni en obtenant un diplôme de doctorat ou de maîtrise ; en outre, les diplômes étrangers ne sont pas
reconnus légalement. Ordonnance du 17 février 1818 ; décision suprême du 19 janvier 1819 ; et
décret de la Cour du 14 septembre 1820. Les diplômes de médecin et d’accoucheur ne sont pas des
diplômes doctoraux ou magistraux ; si un tel chirurgien ne possède pas d’officine ou d’autorisation
d’exercer à Vienne, il devra faire une demande d’autorisation de mariage. 4) Les avocats viennois
n’ont pas besoin de cette autorisation puisqu’ils sont docteurs. La loi ne concerne ensuite que les
agents créés par les administrations supérieures, mais en aucun cas les commissionnaires de
magasin, les petits revendeurs, les gérants privés, les courtiers, les entremetteurs, etc. auxquels le
décret de la Chancellerie de la Cour du 9 septembre 1817 interdit la dénomination d’agent. 5) Le
citoyen doit justifier d’une attestation de citoyenneté. 6) Le propriétaire d’une maison ou de biens
(biens propres) doit justifier devant l’examinateur de conscience d’un certificat du livre foncier ou
bien du cadastre prouvant qu’il est soit propriétaire d’une maison, soit propriétaire foncier. Dans ce
cas, un certificat de propriété de la plus petite maison suffit, ou bien même d’une petite partie de la
maison. Décret de la Chancellerie de la Cour du 21 avril 1818. Par contre, ne sont pas considérées
propriétaires d’une maison les personnes qui habitent une maison suite à un contrat de location ou
à une hypothèque, ou bien qui possèdent simplement un droit de vente sur une maison, etc. 7) Il
existe des commerçants ou artisans à Vienne qui n’ont pas obtenu le droit de citoyenneté. Ces
personnes se justifieront avec leur droit de maîtrise ou bien avec le décret sur l’artisanat ou le
commerce, les décrets d’autorisation concernant les fabriques princières, les décrets autorisant le
négoce et l’artisanat, ces derniers étant, depuis l’abolition du corps des officiers de la garde urbaine,
délivrés par le Gouvernement et intimés aux impétrants par les autorités locales. Dans ces décrets
d’intimation, il faut a) Que l’ordonnance du Gouvernement donnant l’autorisation requise soit
mentionnée ; car certaines petites autorisations sont décernées par les autorités locales à l’intérieur
de Vienne aux brocanteurs, épiciers, porteurs d’outils, aux petits marchands, etc. ; et certaines
licences pour les voitures de louage, les fiacres, les chariots à ridelles, les carrioles, les chaises à
porteurs, les stands du Prater, etc. sont décernées par la direction supérieure de police ; les possesseurs
de ces licences ou autorisations doivent faire une demande d’autorisation de mariage même s’ils ont
obtenu leurs autorisations ou leurs licences du Gouvernement par la voie du recours. b) Ces décrets
doivent être définitifs et ne mentionner aucune condition dont dépendrait l’entrée en vigueur de
l’autorisation ; car aussi longtemps que ces conditions ne seront pas remplies, la délivrance de
l’autorisation ne peut être considérée comme prenant réellement force de loi. c) A côté de ce décret,
il faut également justifier d’un certificat d’imposition ; car la personne autorisée peut avoir rendu
son autorisation, l’avoir égarée par inadvertance ou bien perdue pour ne pas avoir payé l’impôt, sans
que le décret d’autorisation lui ait été retiré.
Décret de la Chancellerie de la Cour du 12 janvier 1827.
Pour Schubert — qui portait dans les documents officiels le titre de « maître-assistant » 10 , — il
n’existait pas de règlement d’exception. Beaucoup de ses amis étaient dans le même cas, parce qu’ils

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FRANZ SCHUBERT ET LA LOI DE 1815 SUR LE CONSENTEMENT AU MARIAGE 21
appartenaient aux catégories suivantes : peintres diplômés de l’Académie, portraitistes, musiciens,
enseignants dans des établissements privés, personnel de théâtre, étudiants, journalistes, etc. et
devaient demander un recours pour se marier. La liste alphabétique donnée au § 14 montre bien
quelle était à l’époque la position sociale des musiciens, des compositeurs et, en général, de tous
les artistes.
§ 14.
Registre alphabétique des personnes qui ne peuvent se marier sans le consentement des autorités
politiques.
1) Les graveurs de l’Institut lithographique du Cadastre impérial et royal. 2) Les huissiers des
administrations princières, corporatives et urbaines. 3) Les architectes, sculpteurs, graveurs,
chalcographes et peintres diplômés de l’Académie. 4) Les collecteurs et marchands de cendres. 5) Les
étrangers, sans titre de noblesse. 6) Les fabricants de rubans. 7) Les fonctionnaires des instituts
privés, comme : la Banque nationale, la Caisse d’épargne, l’Établissement d’assurance contre le feu,
la Société des veuves, etc. 8) Les domestiques. 9) Les collecteurs et bouilleurs d’os. 10) Les personnes
chargées des inventaires et les gérants de réalités, d’usufruits, de commerce, de privilèges, etc. 11) Les
fabricants de soufflets. 12) Les facteurs employés par les grossistes, les transporteurs, etc. sont appelés
hauts serviteurs et sont traités comme des serviteurs. 13) Les comptables de fabriques privées et de
magasins. 14) Les ciseleurs. 15) Les personnels des services de police civile. 16) Les émailleurs.
17) Les directeurs de fabriques, les contrôleurs, les coloristes et les secrétaires. 18) Les ouvriers de
fabriques. 19) Les sociétaires de fabriques. 20) Les conducteurs de fiacre. 21) Les poissonniers.
22) Les marchands de lin. 23) Les teinturiers. 24) Les fumeurs de viande et de saucisses. 25) Les
pailleteurs. 26) Les coiffeurs. 27) Les gardes à la solde de personnes privées. Décret de la Cour du 12
juillet 1778. 28) Les géomètres du cadastre. 29) Les marchands de céréales et de tanin. 30) Les
tisseurs d’or et d’argent. 31) Les greffiers de justice et les gardiens. 32) Les sociétaires de magasin qui
n’ont pas de droit de citoyenneté ; les serviteurs de magasin, les commis, les caissiers de magasin, les
directeurs de procures et de firmes, les correspondants, les expéditeurs, les coursiers. 33) Les
compagnons-artisans. 34) Les pelletiers. 35) Les colporteurs. 36) Les inspecteurs particuliers. 37)
Les précepteurs particuliers, les secrétaires particuliers, les professeurs particuliers, les concierges, les
serviteurs domestiques, également les serviteurs domestiques et les chauffeurs employés dans les
administrations. 38) Les précepteurs. 39) Les bûcherons. 40) Les marchands de bois, les plaqueurs
d’argent sur bois, les graveurs sur bois. 41) Les fabricants de bretelles. 42) Les chasseurs et chasseurs
seigneuriaux. 43) Les instructeurs. 44) Les valets de chambre. 45) Les capitalistes, les rémouleurs
ambulants. 46) Les sacristains. 47) Les fabricants de boutons (en bois ou en os). 48) Les blanchisseurs
et les cireurs de bottes. 49) Les fabricants de crépine 50) Les cochers. 51) Les allumeurs de réverbères.
52) Les lanterniers et les fabricants de souricières. 53) Les garçons-apprentis. 54) Les enseignants des
établissements d’éducation privés et des écoles [Trivialschulen] qui tiennent lieu de collège [Hauptschule].
55) Les lithographes. 56) Les camelots porteurs d’une licence. 57) Les peintres (portraitistes et
décorateurs). 58) Les gérants de péages, les péagers et les garde-barrières. 59) Les marchands de
farine. 60) Les laitiers. 61) Les musiciens. 62) Les collecteurs de vivres. 63) Les officiers qui se sont
définitivement retirés de l’armée. 64) Les cartonniers et fabricants de couvercles en papiers. 65) Les
garçons d’écurie. 66) Les tailleurs de pierre. 67) Les portiers. 68) Les valets de poste. 69) Les facteurs
de la poste. 70) Les gérants indépendants. 71) Les professeurs indépendants. 72) Les rentiers sans

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CAHIERS F. SCHUBERT
activité. 73) Les gérants apothicaires et les employés des boutiques d’apothicaires et des officines de
chirurgiens. 74) Les palefreniers et gardiens de chevaux. 75) Les marchands de tuyaux. 76) Les
selliers. 77) Les comédiens et tous les autres personnels de théâtres. 78) Les savonniers, moutardiers
et fabricants de sirop. 79) Les porteurs de selles. 80) Les matelots, les barreurs, les piqueurs, les
passeurs de bac. 81) Les maîtres de langues et les concierges des écoles. 82) Les maîtres-assistants.
83) Les élèves des écoles primaires [Volksschulen] et du collège [Realschule], de l’Académie des Beaux-
Arts et de l’Institut polytechnique. 84) Les solliciteurs et les greffiers des avocats et des agents de la
Cour. 85) Les maîtres d’écurie. 86) Les marchands de volaille. 87) Les étudiants. 88) Les préparateurs
de tabac. 89) Les négociants de tabac. 90) Les journaliers. 91) Les personnes ayant servi dans
l’armée. 92) Les marchands des quatre saisons. 93) Les laveurs. 94) Les journalistes et les rédacteurs
de journaux. 95) Les domestiques chargés de l’entretien. 96) Les merciers. 97) Toutes les personnes
qui ont rendu leurs autorisations ou leurs décrets d’exercice, sauf s’ils sont citoyens. 98) Toutes les
personnes qui n’ont pas encore reçu les véritables autorisations ou décrets d’exercice dans leur
profession, ou bien qui n’ont pas encore reçu l’attestation d’entrée en vigueur des autorisations
acquises, mais qui possèdent seulement des certificats, etc.
Une personne appartenant aux « classes populaires inférieures » avait-elle la possibilité de se
marier ? Nous apprenons au § 15 que l’autorisation de mariage ne peut être délivrée que lorsque
le candidat au mariage est en mesure de justifier d’un revenu « suffisant pour nourrir une famille ».
§ 15.
Instructions concernant la délivrance des autorisations de mariage.
En vue de l’exécution pratique de l’ordonnance annoncée au § 13 dans la ville de Vienne, le
magistrat de Vienne a reçu le document suivant :
Les candidats au mariage sont soit natifs de Vienne, soit natifs d’Autriche, soit étrangers.
Les personnes natives de Vienne se répartissent à leur tour en trois catégories : les serviteurs, les
compagnons-artisans et les personnes qui s’occupent librement ou bien effectuent des travaux
journaliers. En ce qui concerne le personnel domestique, la licence de mariage ne peut être délivrée
que lorsque, premièrement, le candidat au mariage peut justifier d’une certaine assiduité et d’un
revenu même tout juste suffisant à nourrir une famille, et qu’il a secondement fait les démarches
nécessaires auprès des autorités locales. On ne peut bien sûr pas savoir si ce revenu sera constant ;
puisque de telles assurances sont impossibles à cause du hasard et des revers de fortune, l’équité
requiert qu’aucune de ces assurances ne soit demandée. En ce qui concerne les compagnonsartisans,
la procédure indiquée doit être suivie dans les règles, mais le jugement incombe au
magistrat de la ville.
Pour les personnes restantes, les autorités locales devront déterminer si le candidat au mariage
fut par le passé apte au travail et assidu, et devra refuser l’autorisation à toute personne vivant
d’aumônes ou de mendicité, ainsi qu’aux estropiés et aux personnes maladives. Dans les cas où le
candidat au mariage est connu pour être une personne oisive qui rechigne à l’ouvrage, aucune
autorisation ne pourra lui être délivrée ; ce ne sera cependant pas un refus catégorique, on devra
lui expliquer les raisons de ces réticences et lui certifier que cette autorisation de mariage pourra lui

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FRANZ SCHUBERT ET LA LOI DE 1815 SUR LE CONSENTEMENT AU MARIAGE 23
être octroyée s’il donne des preuves de sa bonne volonté.
En ce qui concerne les personnes natives des autres provinces d’Autriche, elles doivent justifier
d’une fiche de voyageur signée par leur maître. Ces personnes sont alors traitées comme les personnes
natives de Vienne. Enfin, pour la délivrance d’une autorisation de mariage à un étranger, on s’en
tiendra à la décision suprême datée du 22 janvier 1814 notifiée dans la circulaire du Gouvernement
datée du 14 janvier de cette année selon laquelle tout étranger, au-delà de son aptitude personnelle
au mariage, doit justifier de son état-civil ; de plus, il sera notifié à la candidate au mariage native
d’Autriche que l’autorisation de mariage n’implique pas la permission de quitter le territoire. Cette
dernière autorisation doit faire l’objet d’une requête particulière si besoin est.
C’était une loi très répressive, « digne » d’un Metternich. De cette manière, on contrôlait la
majorité de la population. La loi entra d’ailleurs en vigueur au moment où l’Autriche connut une
grave crise économique. Les dépenses dues aux guerres anti-napoléoniennes et au Congrès de
Vienne, en plus de récoltes catastrophiques, avaient provoqué l’augmentation du taux d’inflation.
A Vienne, les prix de la nourriture et du logement augmentèrent de manière astronomique et le
chômage progressa fortement 11 .
La preuve que ces lois étaient suivies à la lettre nous est apportée par l’historien anglais Turnball
dans son ouvrage paru en 1840 et intitulé Austria. L’auteur affirmait que l’apparente immoralité qui
régnait du temps du Congrès de Vienne — le taux des naissances illégitimes à Vienne était
apparemment de cinquante pour cent — était une conséquence immédiate de cette « législation
bien intentionnée, mais certainement fautive ». Dans le détail, il cite les chiffres suivants :
« Rapport entre les naissances illégitimes et les naissances légitimes pour l’année 1834 dans les
villes suivantes :
Vienne ....................10 naissances illégitimes pour 12 légitimes .
Linz .........................10 « « « 19 « .
Grätz.......................10 « « « 6 « .
Laybach ..................10 « « « 23 « .
Venise ...................10 « « « 62 « .
Frontière militaire ....1 « « « 35 « .
« Un seul regard sur ce tableau suffit à montrer que ces chiffres ne représentent en aucun cas
le véritable niveau de moralité dans ces différentes régions. A en croire les chiffres, Venise serait
la ville la plus morale d’Autriche ; Vienne deux fois plus morale que Graz ; et la frontière militaire
(dont certaines parties, la Slavonie et la Croatie, connaissent les crimes les plus affreux) serait le
lieu le plus moral de tout l’empire. Il nous faudrait alors supposer un ordre des choses — dans le
cas où un défaut réel des principes moraux serait la cause de ces innombrables irrégularités — dans
lequel aucune société ne pourrait exister ; un ordre des choses qui ne correspondrait pas à la
recrudescence des principes moraux et des penchants sociaux que l’on constate chez le peuple
autrichien. Il nous faut chercher d’autres raisons à ces résultats ; et nous en trouverons un grand
nombre dans les obstacles au mariage que constituent, d’une part, une législation bien intentionnée,
mais certainement fautive, et, d’autre part, le manque d’instituts. La législation interdisait au prêtre
d’unir quiconque ne pouvait justifier de son éducation et de ce qu’on appelle sa moralité (c’est-à-

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CAHIERS F. SCHUBERT
dire, en général, un bon comportement et une attitude de calme obéissance) ou des moyens
matériels réels ou supposés requis pour entretenir une famille. L’ecclésiastique qui n’exige pas ces
attestations s’expose à un grand danger et, dans certains cas, engage sa responsabilité personnelle.
« On m’a dit que l’ecclésiastique qui, en Bavière, unit des personnes n’ayant pas de moyens
suffisants est tenu responsable de la survie des enfants. Je n’est pas trouvé de décret semblable en
Autriche, mais quelques-uns affirment que ce principe est applicable dans certains cas 12 . »
Revenons au journal intime de Schubert et analysons ses pensées dans l’optique de cette
législation et de sa situation personnelle. En avril de l’année 1816, Schubert sollicitait, avec toutes
les recommandations de son professeur Salieri, un poste de maître de musique à Laibach. Sa
demande montre bien qu’il espérait une issue positive à l’affaire : « il apparaît, ainsi que l’atteste
le certificat ci-joint, que je suis le plus apte parmi les candidats qui postulent à ce poste » 13 .
C’est en juin 1816 que Schubert commence son journal qui ne comporte en tout et pour tout que
six notes : celles du 13, 14, 15, 16, 17 juin et du 8 septembre. Le 7 septembre 1816, on peut lire
dans le Registre scolaire du Gouvernement de Basse-Autriche :
« ... que ce poste [à Laibach] a été attribué au musicien Franz SOKOL — [...] Au gouverneur. La
chancellerie de Haute-Forêt Viennoise, de Basse-Forêt Viennoise et de Hongrie, à l’attention des
demandeurs... le 7 septembre 14 . »
A cette même date, le 7 septembre, Johann Mayrhofer écrivait à Franz von Schober :
« Schubert est venu chez moi aujourd’hui avec quelques amis. Les nuages de ce temps présent
qui est de plomb, sont quelque peu dissipés par ses mélodies 15 .»© Société Franz-Schubert, 2001.
Reproduction interdite.
Avec les « nuages de ce temps présent qui est de plomb », il est possible qu’il fasse allusion aux
mauvaises nouvelles concernant la vaine candidature de Schubert.
La note du 8 septembre, dans laquelle Schubert s’en prend au destin et à la malchance, montre
sans aucun doute sa réaction à ce revers dans sa carrière, revers dont on venait de l’informer. Après
ce jour, Schubert n’écrit plus rien dans son journal (rien que des pages blanches) et justement cette
dernière note est introduite par une phrase qu’il avait notée le 7 juin 1816 et qui se réfère également
à sa carrière :
« En ce jour, j’ai composé pour la première fois pour de l’argent. Il s’agit d’une cantate de Dräxler
pour célébrer la fête patronymique de M. le professeur Wattrot. Les honoraires sont de cent florins
viennois 16 . »
Il n’y a aucune raison de penser que Schubert décrit sa situation personnelle lorsqu’il écrit un
aphorisme comme : « Heureux celui qui trouve un véritable ami. Plus heureux encore celui qui
trouve en sa femme une véritable amie ». Nous savons qu’à cette époque il faisait la cour à Therese
Grob (les Lieder du Therese Grob Liederalbum ont vraisemblablement été remis à la demoiselle en
novembre 1816 17 ), et nous savons également que ses sentiments pour elle étaient « profondément
enfouis, mais violents » 18 et qu’il ne pouvait pas l’épouser car « il ne [pouvait] pas trouver
d’engagement qui aurait pu leur suffire à tous deux » 19 .

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FRANZ SCHUBERT ET LA LOI DE 1815 SUR LE CONSENTEMENT AU MARIAGE 25
Le passage-clé de son journal est le passage suivant :
« En ces temps-ci, le mariage est une chose redoutable pour l’homme libre, il le troque soit contre
la mélancolie, soit contre une vulgaire sensualité 20 . »
Pris dans le contexte de la citation complète et considéré en fonction des circonstances de la
vie de Schubert, cela signifie qu’il avait abandonné tout espoir de trouver une position
financièrement sûre. Le passage « pour l’homme libre » doit être compris comme « pour l’homme
indépendant », l’homme sans engagement fixe. Ensuite, la phrase « le mariage est redoutable » en
ces temps-ci ne peut se rapporter qu’à la loi sur le mariage. Comme il ne disposait pas de revenus
assurés qui lui auraient garanti une licence de mariage, et comme il ne pouvait pas se marier, il ne
voyait que deux possibilités : troquer le mariage contre la mélancolie (sans épouse) ou bien contre
une vulgaire sensualité (relations avec des femmes en dehors du mariage). Son appel aux
monarques de cette époque est en même temps un appel à la sympathie.
Lorsqu’on analyse les notes du journal de Schubert sur la base du contexte historique, on constate
que ce n’est ni « l’insatiable besoin de liberté », ni « sa peur du sexe féminin » — et encore moins
sa « terror of mariage » — qui ont déterminé sa vie de célibataire. La faute en revient à cette
« législation bien intentionnée, mais certainement fautive » — la loi sur le consentement au mariage
de 1815. Étant donné son rang social médiocre, il lui était impossible de se marier.
NOTES :
Rita Steblin
Traduction : Philippe Guilbert
1. A. NEUMAYR, Musik und Medizin. Am Beispiel der Wiener Klassik, Vienne, 1987. 5 e éd., 1992, p. 201-202.
2. M. SOLOMON, « Franz Schubert and the Peacocks of Benvenuto Cellini », 19th Century Music, 12 (1989),
p. 193-206.
3. Un article de l’auteur intitulé « Franz Schubert and the Peacocks of Maynard Solomon » va bientôt paraître.
4. Laaber-Verlag, Laaber, 1991, p. 89-93.
5. Franz Schubert. Tagebuch, Faksimile der original-Handschrift, mit einem Vorwort von O. E. DEUTSCH,
Vienne, 1928. (La traduction de la majorité des citations de et sur Schubert est tirée de l’ouvrage suivant :
Brigitte MASSIN, Franz Schubert, Fayard, Paris, 1977 [N. d. T.].)
6. Franz Schubert. Die Dokumente seines Lebens, rassemblés et commentés par O. E. DEUTSCH, Kassel, 1964,
p. 50. (Noté par la suite : Documents.)
7. Solomon, op. cit., p. 195 et 205.
8. Traduction d’après le texte original tiré de : Sr. k. k. Majestät Franz des ersten politische Gesetze und
Verordnungen für die Oesterreichischen, Böhmischen und Galizischen Erbländer. Drei und vierzigster Band
welcher die Verordnungen vom ertsen Januar bis letzten Dezember 1815 enthält, Vienne, 1817, p. 108-109.
9. P. 21-27. L’ouvrage traite de la loi et de son application à Vienne et dans les autres parties de la monarchie.

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10. Documents, p. 42 et 56.
CAHIERS F. SCHUBERT
11. Voir R. SANDGRUBER, Die Anfänge der Konsumgesellschaft. Konsumgüterverbrauch, Lebensstandard und
Alltagskultur in Oesterreich im 18. und 19. Jahrhundert, Vienne, 1982, p. 96 et 114.
12. P. E. TURNBALL, Oesterreichs sociale und politische Zustände, traduit de l’anglais par E. Moriarty, Leipzig,
1840, p. 150-151. On peut lire à la page 152 : « La seconde raison que j’évoquerai est le décret qui n’autorise
le mariage sur les possessions féodales qu’avec le consentement des Seigneurs. »
13. Documents, p. 39.
14. Documents, p. 48.
15. Ibid.
16. Documents, p. 45.
17. M. J. E. BROWN, « The Therese Grob Collection of Songs by Schubert », Music & Letters, 49 (1968), p. 133.
18. Franz Schubert. Die Erinnerungen seiner Freunde, rassemblés et édités par O. E. DEUTSCH, Leipzig, 1957,
p. 69.
19. Id., p. 209.
20. Solomon fait une erreur fondamentale dans sa traduction parce qu’il interprète l’article « sie » [« le », pour
« le mariage »] du texte original comme s’il se rapportait à « his freedom » dans le passage suivant : « To a free
man matrimony is a terrifying thought in these days, he exchanges it [c.-à-d. “his freedom” ] either for
melancholy or for crude sensuality » (p. 195). Cette interprétation est fausse parce que l’article « sie » du texte
original ne peut se référer qu’au mariage, « die Ehe ». (Le mot féminin Freiheit n’apparaît pas.) Il s’agit donc
du mariage et non de la liberté qu’il troquait contre la mélancolie ou bien la vulgaire sensualité.

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 27
L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE
D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT
La Croisade des Dames, opéra-comique en un acte
Paroles françaises de Victor Wilder
«
RANZ SCHUBERT, compositeur d’opéras ? Vous plaisantez ! » — Telle semblerait être la réaction
convenue à une quelconque mention des œuvres lyriques du compositeur. Non seulement,
cependant, Schubert composa des opéras, mais on ira même plus loin en affirmant qu’il fut un des
plus importants compositeurs allemands dans ce genre, bien qu’il n’ait pas rencontré le succès
comme tel, ni de son vivant, ni jusqu’à nos jours.
Schubert a laissé pour la scène onze œuvres achevées et huit opéras, ou Singspiele 1 , dans un
état plus ou moins incomplet ; à ce nombre viennent s’ajouter un duo et un air intercalaires pour
la Clochette, de Hérold, ainsi que trois compositions purement de circonstance, mais qui permettent
une représentation scénique ; la partition d’un de ces Singspiele a malheureusement disparu, et cinq
livrets furent proposés à Schubert, qu’il rejeta.
En considérant le nombre de ces compositions, il convient, en outre, de tenir compte des
dimensions quasi wagnériennes de certaines d’entre elles. Ainsi, par exemple, la partition d’Alfonso
und Estrella (D. 732, composée en 1820-21), sur un livret de son ami Franz von Schober, ne compte
pas moins de 531 pages dans la première édition complète des œuvres de Schubert.
Son premier essai dans le genre de l’opéra date de ses quatorze ans : il s’agit d’un Singspiel en
trois actes, sur un texte de Kotzebue, Der Spiegelritter (le Chevalier au miroir), D. 11, écrit entre 1811
et 1812, laissé inachevé, mais qui ne comporte déjà pas moins de 92 pages de partition. Et jusqu’à
sa mort, Schubert est constamment revenu à ce genre, dont on peut dire qu’il l’aimait à la folie depuis
qu’un de ses amis l’y avait entraîné, se rendant au théâtre si souvent que ses proches se moquèrent
de lui en prétendant « qu’il avait son bivouac sur la galerie du Théâtre de la Porte de Carinthie » 2 .
Il s’est toujours livré à de nouvelles tentatives dans ce domaine, « comme s’il lui était impossible
de renoncer, jusqu’aux derniers moments de sa vie [...], à ce qui reste [...] son projet essentiel : la
réussite dans l’opéra ; comme si l’opéra demeurait [...] sa véritable justification sociale, toujours
rêvée et toujours contrariée » 3 .
Il faut donc admettre qu’à l’évidence, Schubert a fourni des efforts considérables pour réussir
sur la scène lyrique, ce qui aurait établi son renom en même temps qu’assuré sa position
économique. Mais pourquoi n’a-t-il qu’à peine connu ce succès auquel il aspirait tant ? On ne peut
nier certaines faiblesses intrinsèques à son œuvre théâtrale : textes peu susceptibles d’emporter le
public, un certain manque d’instinct scénique de la part du compositeur...
Cependant, une part non négligeable des causes de cet insuccès est à mettre au compte de
l’administration du Théâtre lui-même, qui dans la période décisive pour Schubert, fut souvent fermé
pour raisons d’économies, et dont le directeur et la plupart des chanteurs étaient italiens. Le public,

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CAHIERS F. SCHUBERT
dans sa majorité, préférait l’opéra italien, qui avait en outre les faveurs de la Cour, situation que les
triomphes de Rossini à partir de 1816 n’avaient fait qu’aggraver.
Un seul parmi les opéras de Schubert valut à son compositeur une certaine reconnaissance
internationale, bien que tardive, puisque cet ouvrage dut attendre trente-huit années avant d’être
représenté pour la première fois sur une scène : il s’agit du Singspiel (Schubert lui-même le nomme
« opéra ») intitulé Die Verschworenen, genannt Der häusliche Krieg (les Conjurées, ou la Guerre
domestique), D. 787, écrit en 1823.
L’auteur du texte, Ignaz Franz Castelli (1781 - 1862), qui avait étudié le droit avant de devenir
fonctionnaire du gouvernement impérial, s’était en même temps rendu fort populaire comme poète
extrêmement prolifique et auteur de près de 200 pièces pour le théâtre, éditeur d’un journal
intellectuel ainsi que d’almanachs. Dans son Dramatisches Straüsschen für das Jahr 1823 (Bouquet
dramatique pour l’année 1823), il publia le livret de Die Verschworenen, écrit en réalité en 1820.
Le sujet est tiré d’une comédie d’Aristophane ayant pour titre l’Assemblée des femmes, formant un
pendant satyrique à une autre pièce du même auteur, Lysistrata.
L’histoire dont il s’agit met en scène des femmes de chevaliers partis pour la croisade, lesquelles,
lasses de la longue absence de leurs maris, se mettent d’accord pour, au retour de ceux-ci, leur
refuser leurs faveurs jusqu’à ce qu’ils promettent de renoncer à jamais à la guerre. Mais un jeune
page, qui avait assisté en cachette à la conspiration des dames, en avertit les vaillants époux. Ceuxci,
rentrant enfin chez eux, résolvent de montrer de la froideur envers leurs femmes et s’en vont
célébrer leurs victoires par un banquet. Le page signale aux dames que les hommes leur refuseront
leur affection jusqu’à ce qu’elles les rejoignent au combat, revêtues d’armures. C’est alors qu’ainsi
équipées, elles se présentent à leurs maris, qui, déposant leurs armes aux pieds de celles-ci, leur
promettent de renoncer désormais aux combats.
En transposant l’action aux temps de la chevalerie, Castelli pensa éviter les foudres de la censure,
en même temps qu’il choisissait le décor historique préféré de ses contemporains. Dans sa préface,
il s’adressa ainsi aux compositeurs : « La plainte des compositeurs allemands porte généralement
sur le motif suivant : “Oui, nous souhaiterions vivement écrire des opéras, mais créez-nous donc
des textes pour cela !” — Eh bien, en voici un, Messieurs ! Faisons donc enfin quelque chose pour
l’opéra allemand ! » 4
Sitôt la parution du livret, en février 1823, Schubert entreprit de relever le défi et acheva la
composition de Die Verschworenen au mois d’avril suivant. La censure trouvant alors à redire au
sujet du titre original, celui-ci devint Der häusliche Krieg (la Guerre domestique). Mais Schubert
découvrit que le texte de Castelli avait déjà été mis en musique par le compositeur allemand Georg
Abraham Schneider. La première de cet opéra eut lieu à Berlin le 6 janvier 1824 5 , et Schubert, à cette
nouvelle, écrivit à son ami le peintre Leopold Kupelwieser, alors à Rome, une lettre émouvante où
s’expriment à la fois la détresse provoquée par la découverte de la maladie, le sentiment de l’absence
de ses meilleures amis, ainsi que celui de son insuccès : « L’opéra de Castelli, Die Verschworenen,
a été représenté à Berlin avec la musique d’un compositeur de là-bas, et reçu avec beaucoup
d’acclamations. De cette manière, j’aurai de nouveau composé deux opéras pour rien » 6 (l’autre
opéra auquel Schubert fait allusion est Fierabras, composé la même année pour le Théâtre de la

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 29
Cour, annoncé en octobre 1823 comme devant être représenté « avant peu » 7 , mais probablement
rejeté par le directeur de ce même théâtre à la suite de l’échec d’Euryanthe 8 .
Le Singspiel de Schubert, Die Verschworenen, fut exécuté de façon privée, avec accompagnement
de piano, dans un hôtel particulier viennois, quelques années après la mort du compositeur, vers
1830 9 . La première exécution publique, en version de concert, n’eut lieu que le 1 er mars 1861, à
Vienne, dans la salle du Musikverein, sous la direction de Johann Herbeck. Castelli, devenu
octogénaire, assista à cet événement. Il ignorait (ou ne se souvenait-il plus ?) que Schubert, qu’il
avait rencontré, avait mis en musique son livret, et fut tout à fait enthousiasmé par la partition,
comme le rapporte son voisin pendant le concert, Eduard Hanslick, dans la Neue freie Presse du 31
janvier 1897, lors du centenaire de la naissance du compositeur 10 . L’opinion exprimée sur l’œuvre
par ce critique redouté est la suivante : « Valeur chevaleresque, dévotion tendre, moquerie
amoureuse, humour espiègle — le tout vivant et mousseux, avec une musique qui, dans sa cordialité
naïve, est plus forte et durable que celle de maint drame lyrique composé de nos jours » 11 .
Le concert du 1 er mars 1861 rencontra un tel succès qu’il fut répété le 22 mars, également sous
la direction d’Herbeck, qui nota dans son journal intime : « Charme et grâce de la première note
à la dernière. Réception enthousiaste. Petit chœur d’environ vingt hommes et vingt femmes. Un de
mes jours les plus heureux ! Je peux me vanter une fois de plus d’avoir tiré de l’oubli une œuvre
splendide de mon Fr. Schubert, si unique, et je me réjouis en outre du merveilleux accueil qu’il
reçut » 12 .
La première représentation scénique eut lieu le 29 août suivant, à Francfort-sur-le-Main, avec
une mise en scène de qualité et des exécutants enthousiastes. Le journal Frankfurt Museum qualifia
la musique de « fine, agréable, gracieuse, charmante, comme on peut s’y attendre de la part de ce
compositeur de Lieder » 13 .
Moins de deux mois après, le 19 octobre 1861, Die Verschworenen entama la première des vingt
représentations qu’il connut en huit ans à l’ancien Opéra impérial de Vienne 14 . C’est Herbeck encore
qui, en 1874, introduisit l’œuvre dans le nouveau théâtre, où elle reçut vingt-quatre reprises jusqu’en
1881, après quoi on ne la donna plus que dans des circonstances commémoratives : quatre fois en
1897, pour le centenaire de la naissance de Schubert, et deux fois en 1928, pour celui de sa mort 15 .
Cependant, la partition piano et chant, par E. Schneider (un neveu de Schubert), parut à Vienne,
chez Spina, en 1862, de même qu’un arrangement pour piano à quatre mains, par Julius Zellner 16 .
Les représentations suivantes eurent lieu successivement en 1863, à Hoboken (New Jersey,
U. S. A.), puis à Londres, en 1872 (en anglais), à New York, en 1877, à Prague, en 1880, à Budapest,
en 1884, et enfin en 1885, à Saint-Pétersbourg (en russe) 11 .
Mais pendant ce temps, Paris aussi, lieu d’une remarquable réception de l’œuvre schubertien
(commencée avec Marguerite, publiée par l’éditeur Richault dès 1827 ou 1828), avait pu assister
à la représentation de Die Verschworenen en 1868, dans une adaptation assez distordue de Victor
Wilder, librettiste alors à la mode, et sous le titre de la Croisade des dames. La première se déroula
le 3 février, dans le petit Théâtre des Fantaisies-Parisiennes, avec un succès tout-à-fait considérable.

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CAHIERS F. SCHUBERT
Le 28 février, la Neue Zeitschrift für Musik de Leipzig nota : « Vingt représentations de Die
Verschworenen ont déjà eu lieu, et la fin n’est pas encore en vue 11 ... »
Les parties séparées furent empruntées à l’éditeur viennois Spina, et une partition piano et
chant 15 , « disposée pour la conduite de l’orchestre », ornée d’une lithographie de Schubert par
Auguste Lemoine et portant le n° C. M. 10.771, fut publiée sous la forme d’une « Partition piano
solo – Réduction de LÉON ROQUES / PRIX NET : 5 f / Ancienne Maison Meissonnier / Paris,
E. GÉRARD & C ie Editeurs / 12, Boulev t Capucines et rue Scribe, 2 / Vienne, C. A. Spina ».
Quelle est la nature de cette adaptation de Victor Wilder et celle des distorsions opérées par
rapport à l’original ? — Deux personnages ont été éliminés, et les noms de quelques autres
transformés en fonction de l’idée que se faisait du moyen-âge le public français (Ludmilla devient
ainsi Cunégonde, Camilla se transforme en Suzanne et Udolin est rebaptisé Hector sur les bords de
la Seine).
Trois numéros n’ont pas seulement été supprimés dans la version parisienne (le chœur n° 4,
l’ensemble n° 6 et l’ariette n° 10 de la version originale), mais d’autres numéros ont été réarrangés
et leur ordre également modifié, comme le montre ce tableau comparatif :
Die Verschworenen La Croisade des dames Die Verschworenen
N° 1 ................................ N° 2 N° 1 ...................................... N° 3
N° 2 ................................ N° 3 N° 2 ...................................... N° 1
N° 3 ................................ N° 1 N° 3 ...................................... N° 2
N° 4 ................................ — N° 4 ...................................... N° 5
N° 5 ................................ N° 4 N° 5 ...................................... N° 7
N° 6 ................................ — N° 6 ...................................... N° 9
N° 7 ................................ N° 5 N° 7 ...................................... N° 8
N° 8 ................................ N° 7 N° 8 ...................................... N° 11
N° 9 ................................ N° 6
N° 10 ............................... —
N° 11 ............................... N° 8
Faute du texte des dialogues (on ignore s’il en subsiste une copie quelque part), il est
évidemment fort difficile de juger véritablement de cette version, mais il semblerait bien que par
plusieurs côtés elle ait différé, dans son caractère, de l’original. On verra plus bas l’opinion sévère
de Hanslick à ce sujet.
Quant à la musique, « they cut the right things », comme le suggère Elizabeth Norman McKay,
l’excellente spécialiste britannique de l’œuvre théâtrale de Franz Schubert. Mais une surprise nous
attend quand nous nous tournons vers l’ouverture ; en effet, l’ouverture originale, disparue depuis
longtemps, ne fut retrouvée qu’au XX e siècle, dans un état, hélas, incomplet puisqu’on n’en possède
que les 145 dernières mesures. Le D r Fritz Racek, qui l’a identifiée, l’a également reconstituée et
publiée sous cette forme en 1966.
Pour les représentations viennoises ainsi que pour les autres, on s’était contenté d’utiliser

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 31
l’ouverture d’un autre Singspiel de Schubert, intitulé Des Teufels Lustschloss (le Château de plaisance
du Diable, D. 84) et composé en 1813-1814. Pour des raisons qu’on ne peut qu’essayer de deviner
(cette ouverture était-elle trop simple, trop peu théâtrale, au goût des Français ?), on choisit à la place
de recourir à l’ouverture Dans le style italien, en ut majeur, op. 170 (D. 591), de 1817. Une réduction
pour piano se trouve naturellement dans les partitions parisiennes. Mais une telle réduction n’avait
encore été publiée nulle part !
Une partition d’orchestre, les parties et une partition piano à quatre mains de Carl Reinecke
(différente donc de celle J. Zellner, évoquée ci-dessus) parurent chez Spina, à Vienne, en 1866 16 .
Un arrangement pour piano, toujours à quatre mains, mais de Schubert lui-même, ne devait être
publié qu’en 1877, chez Gotthard, à Vienne 16 . La conclusion que nous pouvons en tirer est donc
que les partitions parisiennes contiennent la première réduction pour piano seul de l’ouverture
Dans le style italien, probablement faite spécialement pour cette édition — par Léon Roques 17 ? —
et que cette réduction semble avoir échappé à la recherche schubertienne jusqu’à ce jour.
De plus, le public de ce 3 février 1868 eut le privilège d’assister — à son insu — à la première
exécution mondiale de cette ouverture, qui n’avait été donnée nulle part ailleurs. Jusqu’à 1989, les
experts n’avaient pas su établir l’identité de la « toute nouvelle ouverture, merveilleusement
charmante, d’un jeune compositeur, M. Franz Schubert », qui fut jouée, à Vienne, le 1 er mars 1818,
dans la salle appelée Zum römischen Kaiser (« à l’Empereur romain ») 18 ; Ernst Hilmar a démontré 19
qu’il s’agissait de l’ouverture — elle aussi Dans le style italien — en ré majeur, D. 590. Ceci laisse
donc à Paris l’honneur d’avoir tenu sur les fonts baptismaux l’autre ouverture, D. 591.
Ainsi la version parisienne de Die Verschworenen nous a révélé plusieurs nouveautés, qu’on est
heureux de présenter ici pour la première fois, dans une publication de la Société Franz Schubert
de Paris, à l’occasion du 125 e anniversaire du début de ces représentations.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là, et prend au contraire un tour quelque peu surprenant : en effet,
la version française fut traduite en allemand, et représentée sous cette forme à l’Opéra de Vienne
à partir de 1872. Hanslick la jugea « un produit arbitraire et de mauvais goût », critiquant le fait qu’
« apparemment, faute de bons ténors au théâtre parisien, les deux rôles diamétralement opposés
de l’idéaliste sentimental, Astolf, et du page au tempérament plus prosaïque, Udolin, avaient été
amalgamés », et protestant que « c’est une absurdité de faire chanter Hélène toute seule en présence
de sa femme de chambre, pendant son duo d’amour lyrique avec le valet de son mari, au lieu de
celui-ci qui vient de rentrer » 11 . Doit-on s’étonner que cette version ne plut pas au public viennois ?
Mais ce qui est le plus étonnant, c’est qu’elle fut acceptée par Herbeck, directeur, depuis 1870, de
l’Opéra impérial, et qui avait dirigé avec tant de zèle les premières représentations, dans la version
originale, en 1861 !
Au début du XX e siècle, on s’est efforcé de remplacer « cette ancienne histoire de chevaliers »,
où « la musique aimable, essentiellement viennoise, de Schubert contraste avec une action se
déroulant dans un décor gothique, au temps des croisades », par une version nouvelle, où « temps
et lieu sont adaptés à la musique » 14 . L’époque choisie fut celle des luttes contre l’occupation
napoléonienne, et le lieu, une banlieue de Vienne. Une représentation était prévue à l’occasion du
centenaire de la mort de Schubert, en 1928.

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CAHIERS F. SCHUBERT
C’est alors que la censure entre en jeu à nouveau... Dix ans après la fin de la Première Guerre
mondiale, les autorités autrichiennes s’opposèrent à une version qu’ils jugèrent trop rapprochée
quant au lieu et au temps ! Cela est incroyable aujourd’hui, mais s’explique si on se souvient que
le gouvernement autrichien de l’époque, sous le chancelier et prélat Seipel, était d’obédience
« chrétienne de droite » et que l’opposition socialiste, dans son Programme de Linz de 1926,
attribuait encore un rôle à la violence, bien qu’uniquement défensif 20 . Des rumeurs chimériques de
« conspirations de la gauche » causaient ainsi des frayeurs aux cercles de droite. Peut-être également
que l’idée que des femmes pourraient refuser d’accomplir leurs « devoirs conjugaux », ou se mêler
aux combats, était de trop pour les autorités au pouvoir en Autriche en 1928.
Cette nouvelle version fut conséquemment rejetée, et Vienne put glorifier son « Prince du Lied »
avec deux représentations de la version originale, dont on attendait, depuis, une reprise. Celle-ci
est annoncée pour l’été prochain, dans le cadre des schubertiades de Feldkirch, en Autriche. Le
bicentenaire de la naissance du compositeur, en 1997, se chargera-t-il de nous en apporter une
nouvelle ?
NOTES :
Vienne, le 31 janvier 1993
Robert O. de Clercq
1. Pièces de théâtre, plutôt comiques, avec dialogues parlés et numéros chantés ; plus ou moins : opérascomiques.
2. Opéra impérial de Vienne, de 1794 à 1869.
3. Massin, p. 360.
4. McKay, p. 231, et Pollack, p. 245.
5. McKay, p. 232.
6. Prod’homme, p. 242 sq, et Deutsch, p. 234.
7. Deutsch, p. 201.
8. Deutsch, p. 207, et Prod’homme, p. 237 sq.
9. Deutsch, p. 449, et McKay, p. 240.
10. Deutsch, p. 605, et McKay, p. 240.

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 33
11. McKay, p. 241.
12. McKay, p. 240.
13. Ibid.
14. Préface de l’édition n° 4 (cf. infra).
15. Beetz, p. 172 sq.
16. Dans la collection Carolinen-Sammlung, Vienne.
17. Die Musik in Geschichte und Gegenwart (Munich & Kassel, 1989) ne fait mention de lui qu’au t. 16,
col. 1530, à l’article Jean Racine, comme ayant mis en musique le célèbre cantique de celui-ci, Verbe égal au
très-haut..., pour piano et chant, dans Soixante Cantiques, Paris, Choudens, 1882.
18. Prod’homme, p. 46 sq, et Deutsch, p. 58.
19. Schubert durch die Brille, n° 3 (1989), p. 11 sq.
20. Klaus Berchtold, Österreichische Parteiprogramme, Vienne, 1967, p. 247.
ÉDITIONS DE DIE VERSCHWORENEN (ÉNUMÉRATION NON-EXHAUSTIVE) :
a. Éditions monumentales.
1. Franz Schuberts Werke, Kritisch durchgesehene Gesammtausgabe (ancienne édition complète), XV, 3,
n° 6, préface de J. N. Fuchs, Leipzig, Breitkopf & Härtel, n° F. S. 185, 1889. (Ne comprend pas l’ouverture.)
Réédition, sous le titre Franz Schubert. Complete Works, New York, Dover, 1965-1969.
N. B. : L’opéra n’est pas encore paru dans la nouvelle édition complète (Neue Ausgabe sämtlicher Werke).
b. Partitions piano complètes.
2. Partition piano et chant, par E. Schneider, avec texte complet. Vienne, Spina, n° C. A. S. 17.333, 1862.
3. Arrangement pour piano à quatre mains (sans paroles), par Julius Zellner, Vienne, Spina, n° C. S.
17.445, 1862.
4. Partition piano et chant, texte et dialogues complets, corrigée et révisée d’après la partition d’orchestre
par Richard Kleinmichel, Leipzig, Senff, s. d. (avant 1908). Réédition, Vienne, Universal Edition, n° 3191, s. d.
5. Partition piano et chant, texte et dialogues complets, révision du livret par Robert Hirschfeld, de la
musique par Richard Kleinmichel, Vienne, Universal Edition, n° 3191, s. d.
c. Extraits.
6. Ouverture, complétée par Fritz Racek, partition d’orchestre, Vienne, Doblinger, Diletto musicale
n° 170, 1966.
7. Romance, Ich schleiche bang... (n° 2 de la version originale), arrangement pour alto, avec
accompagnement de piano, par E. Schneider, Vienne, Spina, n° C. A. S. 17.332a, 1862.

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CAHIERS F. SCHUBERT
8. Marche et chœur des chevaliers, Vorüber ist die Zeit... (n° 5 de la version originale), partition piano et
chant par E. Schneider et parties vocales (TTBB), Vienne, Spina, n° C. S. 17.791 (partition) et 18.425 (parties),
s. d. (avant 1873).
d. Transcriptions pour piano seul.
9. Potpourri(s), nos 1(-4), par E. Schneider, Vienne, Spina, nos C. S. 17.344, etc., 1862.
BIBLIOGRAPHIE :
BEETZ (Wilhelm), Das Wiener Opernhaus 1869 bis 1955, 2 e éd., Vienne, Panorama, 1955.
DEUTSCH (Otto Erich), éd., Schubert. Die Dokumente seines Lebens, Kassel, etc., Bärenreiter, 1964.
MASSIN (Brigitte), Schubert, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1977. Une nouvelle éd. est en cours de préparation.
L’auteur de cet article regarde ce livre comme l’ouvrage ultime sur le compositeur : 487 p. de biographie
et 806 p. d’histoire et d’analyse de l’œuvre, toutes excellentes, suivies d’une bibliographie et d’un
catalogue des plus complets.
MCKAY (Elizabeth Norman), Franz Schubert’s Music for the Theatre, Tutzing, Hans Schneider, 1991.
POLLACK (Christian), éd., Franz Schubert. Bühnenwerke. Kritische Gesammtausgabe der Texte, Tutzing, Hans
Schneider, 1988.
PROD’HOMME (Jacques-Gabriel), éd. et traducteur, Schubert raconté par ceux qui l’ont vu (souvenirs, lettres,
journaux intimes... suivis de la correspondance et des écrits de Schubert), Paris, Stock, 1928.

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 35
APPENDICE
Texte de l’opéra la Croisade des Dames, par Victor Wilder
N° 1. INTRODUCTION. Cunégonde, Suzanne, Hector (caché), Ludgarde, Chœur de dames.
CHŒUR DE DAMES
Salut, illustre et noble dame,
Vos ordres sont des lois pour nous.
A votre appel, qui nous réclame,
Chacun accourt auprès de vous.
Salut, illustre et noble dame,
Parlez, de nous qu’attendez-vous ?
SUZANNE
Ici madame vous invite,
Pour vous soumettre sans détour,
Un plan que son esprit médite ;
Que franchement chacune ensuite
S’explique, parle à son tour.
CHŒUR DE DAMES
Parlez, illustre et noble dame,
Car tout s’incline à votre voix ;
Laissez-nous lire dans votre âme,
Vos vœux pour nous seront des lois.
Silence ! écoutons sa voix.
Un conciliabule secret ! j’arrive à propos.
HECTOR, parlé
CUNÉGONDE
Voyez, Suzanne, si personne
Ne fait défaut ?
Voyez partout, je vous l’ordonne !
CHŒUR DE DAMES
Personne ! non, personne !
SUZANNE. HECTOR, à part
Ah ah ! quel singulier complot,
Ah ah ! n’en rions pas trop haut.
CUNÉGONDE
Personne ne peut-il entendre,
Ou bien surprendre nos projets ?

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CAHIERS F. SCHUBERT
CHŒUR DE DAMES
Non, non ! non, parlez !
HECTOR, à part
Dieu ! que vais-je apprendre ?
SUZANNE, à part
Ah ! malgré moi
J’en ris, ma foi !
CUNÉGONDE
Douleur cruelle !
Loin d’un époux,
La vie a-t-elle
Du prix pour vous ?
CHŒUR DE DAMES
Je souffre, je pleure,
Et seule en ma demeure,
J’aspire à l’heure
Qui doit le rendre à mon amour.
Attente cruelle
Mon âme fidèle
Sans cesse l’appelle.
Il reste sourd,
Hélas, il.........
Je souffre.......
A mon amour.
LUDGARDE
C’est trop de peines !
CHŒUR DE DAMES
C’est trop d’alarmes !
SUZANNE
Pour nous venger,
Cherchons des armes.
SUZANNE, CHŒUR DE DAMES
Courage ! et plus de larmes !
Non, plus de larmes !
SUZANNE
Du courage, de l’adresse,
Il vous faut avoir recours
A la ruse, à la finesse,

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 37
Au profit de vos amours.
HECTOR, à part
Fiez-vous à son langage,
Profitez de sa leçon,
La friponne vous ménage
Quelque tour de sa façon.
CHŒUR DE DAMES
Du courage, de l’adresse,
Il vous faut avoir recours
A la ruse, à la finesse,
Au profit de nos amours.
SUZANNE
Fiez-vous à mon langage,
Profitez de la leçon,
Et ma foi je vous ménage
Un bon tour de ma façon.
SUZANNE, aux dames
A l’adresse, ayez recours
Au profit de vos amours.
CUNÉGONDE, CHŒUR DE DAMES
A l’adresse, ayons recours
Au profit de nos amours.
N° 1 bis.
Réplique. — Et votre serment ? Venez, suivez moi.
N° 2. DUO. Hector, Suzanne.
Réplique. — ... Quand ces pauvres maris se verront mis au ban.
SUZANNE, parlé
Quel dommage que mon Hector ne soit par là.
Qui dit cela ? Suzanne ?
Dieu, que vois-je ?
HECTOR, parlé
SUZANNE, parlé
SUZANNE, HECTOR
C’est moi (toi) qui t’aime (que j’aime),
Oui, c’est moi-même (toi-même) !

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CAHIERS F. SCHUBERT
SUZANNE
Toi, de retour auprès de moi !
Hector, c’est toi !
HECTOR
C’est moi, Suzanne !
Plus de chagrins et plus de larmes,
Celui qui t’aime est de retour,
Et je dépose enfin les armes
Pour ne penser qu’à notre amour.
SUZANNE
L’espoir pénètre dans mon sein,
Adieu souffrance, adieu tourment !
Je sens sa main presser ma main,
Et tout s’oublie au même instant.
HECTOR
A toi, mon cœur, et pour toujours !
Taris les larmes de tes yeux,
Car nous verrons, pour nos amours,
Renaître encor des jours heureux !
SUZANNE
M’aimes-tu toujours autant ?
HECTOR
Mais sans doute !
SUZANNE
Parles-tu bien franchement ?
HECTOR
Mais sans doute !
SUZANNE
Et, pendant ta longue route,
N’as-tu pas trahi ta foi,
Et n’as-tu pensé qu’à moi ?
HECTOR
Rien qu’à toi ? Suzanne, écoute...
Non, pourtant, j’en fais serment !
A ton tour, réponds ! l’on m’aime encor ?
SUZANNE
Mais sans doute !

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 39
HECTOR
Suis-je encor ton cher Hector ?
SUZANNE
Mais sans doute !
HECTOR
Et, pendant ma longue route,
N’as-tu pas trahi ma foi,
Et n’as-tu pensé qu’à moi ?
SUZANNE
Rien qu’à toi ? ah, dam ! écoute !
Non, pourtant, j’en fais serment !
SUZANNE, HECTOR
Malgré ton absence,
Mon cœur est le même ;
Ta Suzanne (ton Hector) est tout à toi,
Je t’en donne ici ma foi.
Oui, mon âme t’appartient,
C’est ta chose, c’est ton bien,
A toi pour toujours,
A toi mes amours !
N° 3. ROMANCE. Hélène.
Réplique (HÉLÈNE, parlé). — ... Tout serait-il si calme, (avec la musique) si tranquille. Hugues, mon
bien-aimé, tu es loin de moi, pour longtemps encore, pour toujours peut-être.
HÉLÈNE
Hélas, verrai-je encore
Le noble et doux ami ?
Verrai-je enfin l’aurore
D’un jour trois fois béni ?
En vain j’attends cette heure,
En vain j’appelle et je pleure ;
Seule et bien loin de lui,
Il faut mourir ici !
Reviens finir ma peine,
Reviens auprès de moi ;
La triste et pauvre Hélène
N’espère plus qu’en toi !
Apaise mes alarmes
Et viens tarir mes larmes ;
Viens à mon cœur ému,

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N° 4. MARCHE et CHŒUR DE CHEVALIERS.
Réplique. — A Suzanne de faire le reste.
CAHIERS F. SCHUBERT
Rendre un bonheur perdu !
CHŒUR DE CHEVALIERS
Guerriers et chevaliers,
Rentrons dans nos foyers ;
Le ciel ramène ses enfants
Couverts de gloire et triomphants !
Après tant de travaux,
Allons dans nos châteaux,
Goûter le charme du repos.
Les glaives au fourreau !
Les lances en faisceau !
Que le vaillant et fier coursier
Pour quelque temps puisse oublier,
Dans l’herbe verte de nos champs,
Le bruit des camps.
N° 5. ENSEMBLE. Cunégonde, Suzanne, Ludgarde, le Baron, Astolphe, Frédéric, Chœur de dames,
Chœur de chevaliers.
Réplique. — Ne faiblissez pas !
— Sois tranquille.
CUNÉGONDE, SUZANNE, LUDGARDE, CHŒUR DE DAMES
Seigneurs, dans vos domaines,
Soyez les bienvenus !
LE BARON, ASTOLPHE, FRÉDÉRIC, CHŒUR DE CHEVALIERS
Amis, que ces sirènes
Dans leurs indignes chaînes
Ne nous retiennent plus !
CUNÉGONDE
Quel noble port, quel air d’aisance !
Sur ma parole, il est fort bien.
LUDGARDE
Mon pauvre cœur vers lui s’élance.
SUZANNE (aux dames)
Surtout, qu’ils ne soupçonnent rien !
CHŒUR DE DAMES
Cachons ma faiblesse,

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 41
Malgré ma promesse,
A peine mon cœur
Résiste à sa tendresse.
Hélas, quel malheur,
Il faut qu’il ignore
Combien j’aime encore,
Combien je l’adore !
LE BARON
Qu’elle est superbe, et que d’appas !
HECTOR (au Baron)
Tenez-vous bien,
Parlez plus bas !
ASTOLPHE
Grand Dieu, c’est elle !
FRÉDÉRIC
Qu’elle est belle !
HECTOR (au Chœur de chevaliers)
Courage, ne faiblissons pas !
CHŒUR DE DAMES, CHŒUR DE CHEVALIERS
Cachons ma faiblesse,
Malgré ma promesse,
A peine mon cœur
Résiste à sa tendresse.
Hélas, quel malheur,
Il faut qu’il (qu’elle) ignore
Combien j’aime encore,
Combien je l’adore !
SUZANNE, FRÉDÉRIC
Allons, du cœur,
Sans hésiter,
A leur ardeur
Il faut résister !
Garde à vous
Et tenez bon,
Ou sinon,
C’est fait de nous !
LE BARON, CUNÉGONDE
Allons, du cœur,

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N° 6. ARIETTE. Le Baron.
Réplique. — ... Chaste et noble front.
CAHIERS F. SCHUBERT
Sans hésiter,
A leur ardeur
Il faut résister !
Garde à vous
Et tenez bon,
Ou sinon,
C’est fait de nous !
CHŒUR DE CHEVALIERS
Que la coupe du festin
Jusqu’aux bords s’emplisse !
CHŒUR DE DAMES
Qu’entends-je ?
CHŒUR DE CHEVALIERS
Que des tonnes, le vieux vin
A grands flots jaillisse !
CHŒUR DE DAMES
Qu’entends-je ?
CHŒUR DE CHEVALIERS
Sans regrets, renonçons à l’amour !
Qu’à sa voix, notre cœur reste sourd !
Pour nous, la gloire a plus d’appas,
Vive l’ivresse des combats !
CHŒUR DE DAMES
Eh quoi, pas un mot,
Pas même un regard ?
Vraiment, c’en est trop,
Quel manque d’égard !
Voyez les traîtres, ils s’en vont ;
Vit-on jamais pareil affront !
Pour eux la gloire a plus d’appas !
Hélas, hélas, hélas !
LE BARON
Pour toi, j’ai souffert d’affreuses tortures,
Pour toi, j’ai reçu d’horribles blessures,
Pour toi, cent fois j’ai risqué ma vie,
Souffert du soleil, souffert de la pluie,

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 43
Pour toi, ma valeur brava l’infidèle,
Pour toi, j’ai conquis la palme immortelle.
N° 7. DUO. Hector, Hélène.
Réplique. — ... Car voici l’heure du rendez-vous.
HECTOR (parlé)
Allons, tout va bien, la nuit favorise mes projets, et bientôt la Comtesse Hélène sera dans les bras
de son mari. Assurons-nous pourtant que rien ne peut troubler notre tête-à-tête. Mais qu’est-ce
donc ? Sur ma parole, je crois que je tremble, et je me sens plus ému que si j’étais en bonne fortune
pour mon propre compte.
HECTOR (chanté)
Étrange ivresse
Quel rêve oppresse
Mon cœur plein d’émoi ?
Ô folle extase !
Mon front s’embrase,
Le trouble et l’effroi
S’emparent de moi ;
Silence, ô mon âme,
Étouffe ta flamme,
Et calme toi !
HECTOR (parlé)
J’entends des pas, on approche... La porte s’ouvre... Dieu ! si c’était la Baronne, tout serait perdu !
HÉLÈNE
La nuit est sombre,
L’amour, dans l’ombre,
Dirige mes pas.
Son cœur fidèle,
Son cœur m’appelle,
Sa voix dit tout bas :
Ne tremble donc pas !
Ainsi que toi-même,
Cher Hugues que j’aime,
Viens dans mes bras !
HÉLÈNE (parlé)
Hugues ! es-tu là ? Réponds-moi ! j’ai peur, je tremble. Il me laisse seul. Ah ! c’est bien mal !
HECTOR (parlé)
Pas de lumière, c’est la Comtesse. Laissons lui croire que c’est son mari qui l’attend. Ah, c’est un
rôle qu’il serait si doux de prendre au sérieux.

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CAHIERS F. SCHUBERT
HÉLÈNE
Hugues ! Hugues !
HECTOR
Oui, c’est elle !
HÉLÈNE
Viens, cher Hugues,
Je t’appelle !
HECTOR
Pardonnez ! C’est moi, Madame.
HÉLÈNE
Vous, qu’entends-je ? Hector ! quoi, vous, ici ?
Au nom du ciel, parlez ! où est donc mon mari ?
HECTOR
Venez, son amour vous réclame !
HÉLÈNE
Hélas, sans lui,
Quitter ces lieux,
Trahir ainsi,
Trahir mes vœux ?
Le devoir m’enchaîne,
Il retient mes pas,
Mais l’amour m’entraîne...
Volons dans ses bras !
HECTOR
Fuyons d’ici,
Quittons ces lieux
Auprès de lui,
Courrons tous deux !
Le devoir l’enchaîne,
Il retient ses pas,
Mais l’amour l’entraîne,
Volons dans ses bras !
N° 8. FINALE. Tous les personnages, Chœur de dames, Chœur de chevaliers.
Réplique. — Ah, madame, quel dommage !
Ô ciel ! mon mari ! je suis perdue.
CUNÉGONDE (parlé)

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 45
LE BARON
Grand Dieu, je ne me trompe point !
Ma femme !
Ah, par notre Dame,
Ma femme, la rapière au poing !
Amis, venez, accourrez tous,
De mon bonheur soyez jaloux !
Enfin, ma force d’âme
Triomphe de ma femme,
Je suis son maître, son vainqueur,
Et seul je règne sur son cœur.
CHŒUR DE CHEVALIERS
Honneur, Madame,
A votre force d’âme !
Honneur à vous, honneur !
L’amour inspire votre noble cœur.
Honneur à vous ! l’amour vainqueur
Inspire votre noble cœur !
SUZANNE
Pardon, daignez m’entendre...
Je vois que l’on s’abuse...
Puisqu’il faut vous l’apprendre,
Seigneur, c’est une ruse ;
Je vous demande excuse,
Et franchement j’en fais l’aveu,
Ceci n’est rien qu’un jeu !
LE BARON
Gardez ce costume et ces armes
Qui font si bien valoir vos charmes.
CHŒUR DE CHEVALIERS
Gardez ce costume et ces armes
Qui font si bien valoir vos charmes.
LE BARON
Ma femme, ils font valoir vos charmes !
SUZANNE
Ma foi, je n’y tiens pas ;
Voyez son embarras !
Sa gêne à chaque instant redouble,
Et chaque mot accroît son trouble.

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CAHIERS F. SCHUBERT
CUNÉGONDE
Qu’entends-je ? Dieu ! Le sort m’accable !
Tout me trahit, supplice affreux,
Paraître ainsi devant leurs yeux !
Ah ! erreur coupable,
Lâche abandon d’un cœur aimant,
Je manque seule à mon serment !
CHŒUR DE DAMES
En avant,
Vaillamment,
Flamberge au vent !
Pour rien ne nous sépare,
Nous avons armé nos bras,
Nous suivrons partout vos pas
Aux accents de la fanfare.
CUNÉGONDE
Eh bien, c’est dit, partons demain,
Le casque au front, le fer en main,
Et suivons-les jusqu’au trépas ;
C’est moi qui guiderai vos pas !
CHŒUR DE DAMES
Partons, c’est dit, partons demain,
Le casque au front, le fer en main,
Et suivons-les jusqu’au trépas ;
Nous suivrons partout leurs pas !
TOUS
A vos (mes) genoux,
L’espoir qui (les) nous enivre
Nous (les) guide et nous (les) rassemble.
Auprès de vous (nous).
CHŒUR DE DAMES
Laissez-nous (laissez-les) vivre,
Pour vous (nous) aimer ensemble !
CHŒUR DE CHEVALIERS
Tous deux auprès de vous
Laissez-les vivre,
Pour vous aimer ensemble.
TOUS

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L’ITINÉRAIRE VIENNE-PARIS-VIENNE D’UN OPÉRA-COMIQUE DE FRANZ SCHUBERT 47
Que le trépas, ou bien que la victoire
Nous guide et nous rassemble ;
CHŒUR DE DAMES
Nous prendrons part à votre gloire,
Ou nous mourrons ensemble !
CHŒUR DE CHEVALIERS
Venez donc prendre part à notre gloire,
Ou bien mourir ensemble !
C’en est fait, l’amour l’emporte,
Nous tombons à vos genoux ;
Vaine gloire, honneur, qu’importe !
Tout s’oublie auprès de vous !
Nous saurons, pour vos complaire,
Renoncer à nos projets ;
Nous ferons plus tard la guerre,
Aujourd’hui faisons la paix !
CHŒUR DE DAMES
C’en est fait, l’amour l’emporte,
Ils demeurent près de nous ;
Vains projets, dédains, qu’importe !
Puisqu’ils sont à nos genoux.
Aujourd’hui, faisons la paix,
Oui vraiment, faisons la paix.
FIN DE L’OPÉRA.

48
CAHIERS F. SCHUBERT
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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 49
FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837
Deuxième Série
N. B. Il s’agit ici de la continuation du relevé (commencé au numéro précédent) des mentions
relatives à Schubert dans la presse française durant la décennie qui suivit la mort du compositeur.
Aux périodiques consacrés exclusivement aux arts ou à la musique, ont notamment été ajoutés les
feuilletons spécialisés de certains quotidiens, où écrivirent — entre autres — Berlioz et Joseph
d’Ortigue. Un tel relevé, malheureusement, ne sera jamais exhaustif. Près d’une vingtaine de
journaux ou de revues ont cependant été dépouillés pour ces deux séries, fournissant un matériau
indispensable à la recherche et qui faisait jusqu’ici défaut, permettant de saisir la chronologie de la
pénétration de l’œuvre de Schubert en France et la façon dont celle-ci s’est répandue au temps de
la Monarchie de Juillet, ainsi que les réactions qu’elle suscita.
1
– [...] La Religieuse, scène avec orchestre 1 de Schubert, chantée par Nourrit 2. — Une jeune nonne,
seule dans sa cellule, écoute avec terreur les mugissemens [sic] de la mer qui, battue par les vents,
vient se briser avec un sourd murmure au pied de la tour où veille la recluse. Agité par une passion
secrète, son cœur enferme un orage plus effrayant encore. Elle prie, la foudre lui répond. Son
agitation et ses terreurs redoublent, quand l’hymne de ses compagnes réunies pour prier dans la
chapelle du couvent monte jusqu’à elle ; sa voix s’unit à ces chants religieux et le calme du ciel rentre
dans son âme. Tel est le sujet du petit poëme que le compositeur avait à développer. Il en a fait
un chef-d’œuvre. Ces tremoli continuels des violons, cette phrase sinistre des basses qui répond
à chacune des interjections de la nonne, ces bouffées de cuivre qui semblent vouloir écraser la voix
sans y parvenir et surtout l’admirable expression de la partie de chant, tout cela est d’un dramatique
achevé. Ah ! pauvre Schubert ! mourir à vingt-cinq [sic] ans, avec un pareil avenir musical ! ! Ce jeune
compositeur que Vienne a vu s’éteindre avant le temps, a laissé deux volumes de morceaux à une
ou plusieurs voix, qui sont à nos honteuses romances françaises comme l’ouverture de Coriolan est
à celle du Rossignol, quelques opéras qui nous sont inconnus, et plusieurs quatuors et septuors 3
pour instrumens [sic] à cordes, où l’élévation du style le dispute à l’originalité de la forme. L’Europe
artiste appréciera dans quelques années toute la richesse de l’héritage que Schubert lui a légué ;
on ne se bornera pas sans doute à la Religieuse, on peut aujourd’hui exécuter tout le reste et rendre
ainsi justice à l’auteur..... puisqu’il est mort.
Nourrit a chanté avec âme et intelligence cette admirable page d’un des plus grands musicienspoëtes
de l’Allemagne. On dit même que la traduction française lui est due, et que c’est grâce à ce
double patronage que le public du Conservatoire a pu applaudir aux pathétiques accens [sic] de
la Religieuse. Il est honorable pour Nourrit d’avoir su comprendre tout ce que les chants de Schubert
contiennent de sensibilité et de véritable inspiration ; tant d’autres n’eussent vu là dedans qu’une

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50
CAHIERS F. SCHUBERT
série de notes sans intentions ni mélodie. Il est certain que Schubert ne contient rien de ce que
certaines gens appellent de la mélodie, — fort heureusement 4 [...].
H... [Hector BERLIOZ]
( Journal des Débats politiques et littéraires, dimanche 25 janvier 1835, p. 2, « Société des
Concerts du conservatoire. Premier Concert ».)
2
– [...] Honneur à Nourrit qui nous a fait connaître une admirable composition de Schubert, la
Religieuse, digne de figurer à côté de ce qu’il y a de plus beau en musique. Il l’a supérieurement
chantée, et grâce à lui, le public parisien a été mis sur la voie de connaître bientot [sic] les poétiques
productions du musicien viennois, qui, mort fort jeune, a laissé cependant plus de beaux ouvrages
qu’il n’en faudrait pour l’immortalité de trois compositeurs. Il faut espérer qu’encouragé par la
réception qui vient d’être faite à ces chants si différents des cavatines italiennes, Nourrit nous
chantera prochainement le Roi des Aulnes, le chef-d’œuvre de Schubert, à notre avis 5 [...].
HECTOR BERLIOZ
( Le Rénovateur. Courrier de l’Europe, 4 e année, n° 25, dimanche 25 janvier 1835, p. 1, « Revue
musicale. Concerts ».)
3
– Si l’on jugeait de l’état et des progrès de la musique par ce qui se passe dans les théâtres et les
grandes solennités, on aurait peu de sujet d’espérer une prochaine régénération de l’art. Mais
heureusement les symptômes de toute révolution ne se manifestent jamais d’abord dans les
sommités, et c’est toujours dans les entrailles du sol qu’il faut pénétrer pour découvrir le germe
caché. Toutes les grandes choses, a-t-on dit, ont eu de petits commencemens [sic]. Avant donc de
jeter le cri de détresse, il faut savoir si, dans le domaine de l’art, il n’existe pas un point, quelquefois
imperceptible, dans lequel est renfermé le principe d’où doit sortir un nouveau et fécond
développement.
Pour nous, c’est déjà plus qu’un symptôme, mais un progrès réel que l’introduction, dans certains
concerts privés, de quelques compositions des grands maîtres, non qu’elles y soient admises sur
la seule autorité d’un nom illustre, et comme recommandées par leur célébrité, mais parce qu’elles
excitent de véritables sympathies à cause de leur caractère grave, sérieux et profond [...].
Il faut avouer que dans un concert particulier les inspirations gothiques, austères, naïves de Bach,
de Haydn, de Mozart, doivent contraster singulièrement avec les habitudes d’un salon où brillent
la recherche, l’élégance et la fraîcheur des modes du jour. Mais s’il est, en musique, un genre qui
reflète plus particulièrement nos mœurs fashionables, assurément ce genre est celui de la romance.
Or, c’est précisément à la romance que la réforme vient de s’attaquer, et c’est là surtout qu’il faut
voir un progrès incontestable. Maintenant c’est la romance dramatique, la romance lyrique, la
romance passionnée, le chant de bonheur, le cri de défaillance et d’agonie, la romance expressive,
spontanée et vraie, qui succède au roucoulement prétentieux, froid, fade, langoureux, insipide, et

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 51
à toutes les variétés sous lesquelles se sont métamorphosées tour à tour la sottise et le sentiment.
Maintenant c’est la romance de Schubert et de Meyerbeer 6 ; et, à vrai dire, lorsque dans un salon
les notabilités politiques, littéraires, scientifiques, se trouvent en présence d’artistes comme Nourrit,
Levasseur 7 , M lle Falcon 8 , Lizst [sic], Chopin, Hiller 9 , Brod 10 , Géraldy 11 , Gallay 12 , etc., quelle figure
viendraient faire les romances de MM. tels et tels, dont il faut laisser au lecteur le soin de deviner
les noms ? C’est la Religieuse de Schubert, ce chef-d’œuvre de passion intime, si admirablement senti
et chanté par Nourrit ; c’est le Nephtalé de Meyerbeer, rendue si délicieusement par M lle Falcon ;
c’est le Moine du même auteur, si digne de Levasseur, pour lequel il a été composé ; ce sont de
pareilles productions qui doivent trouver naturellement leur place dans ces cercles où l’alliance de
toutes les pensées, de tous les talens [sic], de toutes les inspirations ne sauraient naître d’un alliage
maladroit, mais bien d’un habile mélange et d’une combinaison de bon goût.
Mais quel est donc ce Schubert dont nous avons parlé plusieurs fois avec un vif sentiment de
prédilection, mais aussi avec une sorte d’hésitation, ne nous dissimulant pas que peu de personnes
ont pu attacher une idée arrêtée au nom de ce compositeur, si peu connu parmi nous et si digne
de l’être ? Talent à part, la vie de Schubert n’offre rien qui ait pu la faire distinguer de la vie ordinaire
des autres hommes, et c’est peut-être à cause de cela que ce génie si profond n’a pas trouvé encore
son historien en France, pays si fécond en biographes et en amateurs de biographies.
François Schubert naquit dans un faubourg de Vienne, le 31 janvier 1797, où son père exerçait
la profession de maître d’école. Il eut successivement pour maîtres Michel Holzer 13 , l’organiste
Ruzich 14 [sic] et le célèbre Salieri 15 . A l’exception de quelques excursions en Hongrie, en Styrie et
dans la haute Autriche, il demeura toujours à Vienne, où il mourut d’une maladie inflammatoire,
le 19 novembre 1828, à l’âge de trente-deux [sic] ans. Voilà les seuls détails que nous fournit sur
sa vie une notice allemande dont nous allons traduire quelques passages :
« Sa mort remplit d’une vive douleur ses amis et ceux qui s’intéressent aux arts en Allemagne.
Un grand nombre d’artistes et d’amateurs assista à ses funérailles, et l’on célébra plusieurs messes
solennelles en sa mémoire, non seulement à Vienne, mais dans plusieurs capitales. Son corps repose
à côté de Beethoven dans lequel il honorait l’idéal le plus élevé de l’art musical. Quoique courte,
sa carrière fut féconde en ouvrages distingués.
» Schubert était doué d’une puissance créatrice si féconde, qu’il donna avec une rapidité
inconcevable des compositions longuement méditées et profondément senties. N’étant encore
qu’un enfant, il écrivit beaucoup de quatuors, plusieurs symphonies et autres pièces de musique ;
mais il avait un goût particulier à composer des airs pour les morceaux des poètes les plus distingués,
et à les rendre en chansons. Dans cette partie, il a atteint ceux qui l’ont précédé et il les a presque
tous surpassés. Les qualités principales qui se font remarquer dans ses chansons sont une grande
originalité, un profond sentiment poétique, une vérité d’expression surprenante, une manière
délicate de sentir les allusions du poète, une imagination ardente, tempérée par un penchant à la
mélancolie, des airs charmans [sic] mais simples, de l’abandon dans la modulation et une nouveauté
inépuisable dans l’accompagnement... Nous lui sommes redevables d’un grand nombre de valses
et de marches très agréables, de plusieurs airs variés, sonates, fantaisies, rondos, ouvertures,
impromptus, trios et autres morceaux à deux ou à quatre mains pour le piano, avec ou sans
accompagnement. Ajoutons à cela des morceaux à quatre voix, des psaumes, des chœurs, des

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CAHIERS F. SCHUBERT
cantates parmi lesquelles il faut distinguer Prométhée, plusieurs quatuors, un grand octuor, trois
grandes symphonies et plusieurs ouvrages à grand orchestre.
» En fait de musique d’église, il composa plusieurs messes, parmi lesquelles trois solennelles,
plusieurs offertoires, graduels et deux stabat. Ses travaux pour le théâtre sont moins connus,
quoiqu’ils ne manquent pas d’importance par le nombre et la valeur. Il a fait les opéras et
mélodrames suivans [sic] :
» 1° Le Chevalier du Miroir [sic] ; 2° le Palais de plaisance du Diable, deux petits opéras de
Kotzebue 16 ; 3° Claudine de Villa-Bella, opéra en trois actes de Gœthe ; 4° le Compte de quatre ans,
opéra en un acte de Korner 17 [sic] ; 5° les Amis de Salamanque, opéra en un acte de Meyerhofer 18
[sic] ; 6° Don Fernand, en un acte ; 7° les Jumeaux, un acte, joué pour la première fois au théâtre
de la cour, le 14 juin 1820 ; 8° la Harpe enchantée, mélodrame avec chants et chœurs, trois actes,
joué à Vienne le 19 août 1820 ; 9° Alphonse et Estrella, grand opéra héroï-romantique, composé en
1822 ; 10° Rosemonde, drame avec chœurs, trois actes, représenté le 20 décembre 1823 ; 11° les
Conjurés [sic], opéra comique en un acte, de Castelli 19 (1824) ; 12° Fier-à-bras [sic], grand opéra,
trois actes (1824) 20 .
» Outre cela il a laissé inachevés la Caution, Adrest 21 [sic], de Meyerhofer ; Sacontala [sic], de
Naumann 22 [sic].
» Il composa deux numéros pour la Clochette d’Harold 23 [sic], qui furent joués au théâtre de la
cour. Parmi ces opéras, Schubert regardait Alphonse et Estrella et Fier-à-bras comme les meilleurs
et les plus dramatiques.....
» Le caractère de Schubert était égal, sincère et plein d’honnêteté. Passionné pour les arts, il était
en même temps tendre fils, fidèle ami et élève reconnaissant. Il aimait la société où régnaient la
bonne humeur et une décente gaîté. Quoiqu’il eût la conscience de son talent et qu’il fut approuvé
et flatté outre mesure par quelques enthousiastes, il ne se laissait pas dominer par l’orgueil ou la
vanité, et il faisait si peu de cas de ces louanges qu’il se tenait souvent à l’écart à l’époque de la
publication de ses œuvres. Lorsqu’il faisait des compositions sur un même sujet avec de jeunes
artistes, il était le dernier à mettre au jour son ouvrage........ Il était aussi réservé pour ses productions
qu’impartial pour celles des autres. Il témoignait le plus profond respect pour la musique des
compositeurs vieux et modernes, et il rendait une entière justice au génie de Rossini...........
» Les louanges de plusieurs personnages distingués récompensèrent les efforts de Schubert.
Nous ne parlerons ici que du célèbre Jean Paul 24 qui ressentit un grand attrait pour son génie.
Lorsque ce grand poète fut devenu aveugle, et sentant la mort approcher, il voulut entendre une
ballade qu’il aimait beaucoup. Une pareille prédilection dut rendre l’artiste moins sensible aux
applaudissements de la foule, et plus indifférent aux petites attaques de quelques jaloux.
« Tel fut Schubert et tel il vécut. Sa carrière fut courte, mais le génie qui brille dans ses œuvres
vivra aussi longtemps que l’art en Allemagne..... »
On voit, par cette notice, que Schubert a composé une foule d’ouvrages qui auraient dû lui faire
une réputation au moins égale à celle des musiciens modernes français ou italiens les plus connus.

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 53
Cependant il n’en est point ainsi, et, si ce n’est dans quelques occasions rares et peu solennelles,
ses œuvres, à Paris, ne sont pas sorties de l’enceinte resserrée de quelques salons. Il est triste, pour
une nation éclairée, qu’on soit dans la nécessité d’apprendre au public, à certains artistes même,
le nom d’un homme qui, plus apprécié un jour, sera placé entre Beethoven et Weber. La Société
des concerts acquerrait de nouveaux titres à la reconnaissance des amis de l’art, si, selon la puissance
de ses moyens et dans des propositions plus étendues, elle faisait pour la musique à grand orchestre
de Schubert, ce que, dans de modestes réunions, MM. Urhan 25 , Liszt, Hiller, Nourrit, Tilmant 26 , etc.,
etc., ont fait pour les mélodies, les trios et quatuors de ce grand maître [...].
[Joseph d’ORTIGUE]
( Le Temps. Journal des Progrès, 6 e année, 2 e série,n° 1920, p. 1-2, mardi 20 janvier 1835,
« Feuilleton. — 20 janvier 1835. Variétés musicales ».)
4
– Parlons d’abord du concert qui a été donné au Théâtre-Italien, au bénéfice des réfugiés Polonais 27 .
On pense bien que M. Chopin n’a pas été étranger à la composition du programme de cette soirée,
consacrée à secourir ses malheureux compatriotes. [...] Nourrit et Mlle Falcon, faisaient seuls les frais
de la partie vocale ; dans un air du Siège de Corinthe et un duo de Guillaume Tell 28 , ils ont été l’un
et l’autre vigoureusement applaudis. Les morceaux de Schubert 29 que Nourrit nous a fait entendre
d’abord avec orchestre, puis avec le piano de Listz [sic] (autre espèce d’orchestre), n’ont pas produit
autant d’effet, cela se conçoit ; dans un théâtre les nuances délicates se perdent, et ce qui
impressionne profondément dans un salon ou dans une salle de concert passe inaperçu. [...]
(Gazette musicale de Paris, 2 e année, dimanche 12 avril 1835, n° 15, p. 130, « Concerts de la
semaine ».)
5
– Nourrit et Mlle Falcon, l’un dans la fameuse ballade de Schubert (le Roi des Aulnes), l’autre dans
une admirable scène italienne de Beethoven, ont été écrasés d’applaudissements. La recette [du
concert donné par Habeneck le 26 avril dans la salle du Conservatoire] a dû être considérable, car
la salle était pleine et plus de cinq cents personnes n’ont pu y trouver place, après une heure
d’attente sous le vestibule des Menus-Plaisirs 30 .
R. F.
HECTOR BERLIOZ
( Le Rénovateur. Courrier de l’Europe, 4 e année, mercredi 29 avril 1835, n° 119, p. 1, « Revue
musicale. Concerts ».)
6
– Le succès de cette composition [Auditions, de Chrétien Urhan 31 ], la curiosité qu’elle excita dans
le public, l’intérêt qui s’attacha autant à la personne d’Urhan qu’aux productions qui sortent de sa

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CAHIERS F. SCHUBERT
plume, le déterminèrent à donner, dans les salons de M. Petzold 32 , une séance de musique
religieuse, dans laquelle cette œuvre fut exécutée, et dont le produit fut consacré à l’œuvre de Saint-
Vincent-de-Paul. La séance s’ouvrit par les deux quintettes d’Urhan dans lesquels une rêverie sévère
[...], des accents tour à tour terribles et calmes, font éprouver à l’auditeur les impressions les plus
diverses. On y entendit ensuite deux morceaux de Schubert ; l’un est son beau septuor avec
timbales 33 ; l’autre est l’andante d’un quatuor posthume 34 , et dont le motif est une des plus belles
mélodies du compositeur allemand : la Jeune Fille et la Mort [...].
Joseph d’ORTIGUE
( L’Univers religieux, mars 1836, « l’Ange et le Musicien » ; repris dans : J. d’Ortigue, la Musique
à l’église, Paris, Didier et C ie , 1861, p. 303.)
7
– Depuis quelques années, une renommée musicale s’élève en France et grandit sans cesse, mais
modestement, lentement. Hélas ! la renommée dont je parle est celle d’un compositeur déjà mort ;
partant, elle n’excite plus de passions ni de haines ; elle ne connaît ni adversaires ni enthousiastes
exagérés ; elle n’inspire qu’un sentiment calme et réfléchi, celui d’une sincère et vive admiration.
Cette gloire tardive, mais méritée, le compositeur ne la doit qu’à lui-même ; il n’en a pas joui
entièrement pendant sa vie ; cependant il a pu l’entrevoir au-delà de son tombeau.
Aujourd’hui, tout amateur de la musique vraie sentie et simple dans son expression, a un culte
pour la musique de Schubert. Si Beethoven, si Weber, dominent dans la symphonie, dans
l’orchestre, dans la salle immense, Schubert règne dans le salon, au piano. L’auteur des Ballades
n’est pas sans affinité avec ses deux redoutables contemporains ; d’une main, il touche à
Beethoven ; de l’autre, il touche à Weber ; ces trois hommes forment une trinité glorieuse, et
l’ensemble de leurs travaux peut être regardé comme l’œuvre musicale de l’Allemagne au XIX e siècle.
Les Ballades de Schubert, dont une partie a été publiée en France, grace [sic] aux soins et au
zèle de MM. Nourrit, Bellangé 35 [sic], et de l’éditeur, M. Richault 36 , sont-elles, avec quelques œuvres
instrumentales que MM. Tilmant, Uhran et Alkan 37 nous ont fait connaître, les seuls titres du
musicien viennois à l’admiration du monde musical ? N’est-il pas arrivé à Schubert, ainsi qu’à
plusieurs grands hommes, de devoir son immortalité à des œuvres qu’il considérait comme des
bagatelles sans importance, tandis que ses ouvrages sérieux, étendus, et profondément médités,
sont restés dans l’oubli ? Pétrarque, dit-on, travailla toute sa vie à un poème épique latin sur Scipion ;
le poème latin, tout le monde l’ignore, mais les sonnets italiens qu’il composait en se jouant et pour
se délasser, vivront éternellement. En serait-il de même pour Schubert ?
François Schubert naquit, le 31 janvier 1797, dans un faubourg de Vienne, où son père exerçait
la profession de maître d’école. A l’âge de sept ans, Michel Holzer, maître de chœur de la paroisse
du faubourg voisin, lui donna les premières leçons de musique. Celui-ci, ayant découvert dans le
jeune enfant les plus heureuses dispositions, le fit entrer dans la pension impériale. Schubert avait
alors onze ans (1808), et il reçut aussitôt le titre de chanteur de la cour. Il devint chanteur de solos
de la chapelle impériale, et il recevait en même temps des leçons de piano et de violon ; ses progrès
furent si rapides, que, dans les exercices d’orchestre où il faisait la partie de premier violon, il

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 55
conduisait l’exécution lorsque le directeur venait à manquer. L’organiste impérial Ruzicka lui donna
une instruction solide dans la basse fondamentale, et plus tard le maître de la chapelle impériale,
le célèbre Salieri, lui apprit la composition. Il fut redevable, du reste, de son éducation, ainsi qu’il
l’avouait lui-même, aux chefs-d’œuvre les plus beaux et les plus admirés de Mozart, de Haydn, de
Beethoven. Mais il ne négligea jamais l’étude elle-même, et, dans les derniers mois de sa vie, il
s’appliquait avec beaucoup de zèle au contre-point [sic] sous la direction de son ami Simon S..... 38 ,
organiste de la cour. Après avoir passé cinq ans dans la pension impériale, sa voix vint à muer, et
comme sa vocation pour la science musicale était toujours plus décidée, il sortit en 1813 de cette
école préparatoire, et se livra entièrement à la composition. Depuis cette époque, il vécut dans la
maison paternelle, et ensuite, tout seul, subvenant à son entretien par ses leçons et la vente de ses
ouvrages. A l’exception de quelques excursions en Hongrie, en Styrie et dans la Haute-Autriche,
il demeura toujours à Vienne, soit à la ville, soit à la campagne, où son génie fertile trouvait le plus
d’inspirations. Sa vie n’offre aucun évènement [sic] important, ce qui fit qu’il put se consacrer à son
art avec calme et loisir. Malheureusement et trop tôt ses travaux furent interrompus pour jamais,
une maladie inflammatoire l’ayant enlevé, le 19 novembre 1828, à l’âge de trente-deux [sic] ans.
Sa mort remplit d’une vive douleur ses amis et ceux qui s’intéressent aux arts en Allemagne. Un
grand nombre d’artistes et d’amateurs assista à ses funérailles, et l’on célébra plusieurs messes
solennelles en sa mémoire, non-seulement [sic] à Vienne, mais dans plusieurs capitales. Quoique
courte, sa carrière fut féconde en ouvrages distingués.
Schubert était doué d’une si grande faculté créatrice, qu’il donna, avec une rapidité inconcevable,
des compositions d’une haute portée. N’étant encore qu’un enfant, il écrivit beaucoup de quatuors,
plusieurs symphonies et d’autres productions ; mais il aimait surtout à mettre en musique les
morceaux des poètes les plus renommés, et à composer des ballades. Dans ce genre, il a surpassé
presque tous ceux qui l’ont précédé. Les qualités principales qui se font remarquer dans ses
mélodies, sont une grande originalité, un profond sentiment poétique, une vérité d’expression
surprenante, un rythme neuf, une manière délicate de sentir les allusions du poète, une imagination
ardente, tempérée par un penchant à la mélancolie et une certaine onction religieuse, un tour plein
de charme et de simplicité, de l’abandon dans la modulation, et une nouveauté inépuisable dans
l’accompagnement. En général, le caractère de la musique de Schubert est le trouble et l’agitation ;
son style est chaud, coloré, mouvementé. C’est une ame [sic] ardente qui cherche le bonheur dans
les objets qui l’environnent ; mais, ne pouvant jamais être rassasiée, elle se tourne d’elle-même vers
le ciel. Elle se remue dans le fini, mais elle reflète l’infini.
Schubert a composé plus de trois cents ballades, un grand nombre de valses, de marches, d’airs
variés, de sonates, de fantaisies, de rondos, d’ouvertures, de trios et autres morceaux à deux ou
quatre mains pour le piano, avec ou sans accompagnement ; des morceaux à quatre voix, des
psaumes, des chœurs, des cantates, parmi lesquelles il faut distinguer Prométhée ; plusieurs
quatuors, un octuor, et trois [sic] grandes symphonies. En fait de musique d’église, il écrivit plusieurs
messes, parmi lesquelles trois solennelles, plusieurs offertoires, graduels, et deux Stabat. Mais ce
qui est fait pour surprendre, c’est le nombre de ses opéras et mélodrames. En voici la liste :
1° Le Chevalier du Miroir [sic] ;
2° Le Palais de plaisance du Diable. Ces deux petits opéras sont de Kotzebuë [sic] ;

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3° Claudine de Villa-Bella, trois actes, de Goëthe [sic] ;
4° Le Compte de quatre ans, un acte, de Korner [sic] ;
5° Les Amis de Salamanque, deux actes, de Meyerofer [sic] ;
6° Don Fernand, un acte ;
7° Les Jumeaux, joué pour la première fois au théâtre de la cour, le 14 juin 1820 ;
8° La Harpe enchantée, mélodrame avec chants et chœurs. 3 actes, Vienne, 19 août 1820 ;
9° Alphonse et Estrella, grand opéra héroï-romantique, trois actes ; composé en 1822 ;
10° Rosamonde, drame avec chœurs, trois actes, joué le 20 décembre 1823 ;
11° Les Conjurés [sic], opéra-comique, un acte, de Castelli (1824) ;
12° Fierabras, grand opéra, trois actes (1824).
Outre cela, il a laissé inachevés, la Caution, Adrest [sic], de Meyerofer ; Sacontala [sic], de
Naumann [sic].
Il composa aussi deux numéros pour la Clochette de Hérold, qui fut représentée au théâtre de
la cour. Parmi tous ces ouvrages lyriques, Schubert regardait Alphonse et Estrella et Fierabras comme
les meilleurs et les plus propres à produire de l’effet sur la scène. Si la plupart d’entre eux n’ont
pas été admis au théâtre, il faut l’attribuer à l’élévation du talent de l’auteur, qui, d’une part, excitait
l’envie et la jalousie des artistes, et, de l’autre, ne pouvait être compris par la masse du public.
Mais tôt ou tard, les œuvres de Schubert pourront être appréciées par les musiciens français. Il
n’est besoin pour cela que d’un traducteur et d’un éditeur. Or, deux hommes de mérite se sont
partagé cette noble tâche : ce sont MM. Bellangé [sic] et Richault. Des trois cent Mélodies ou
Ballades, déjà soixante-trois sont gravées à Paris, avec huit œuvres de valses, six de marches, neuf
de sonates, de duos, de trios ou de quintettes pour piano, deux d’ouvertures pour piano à quatre
mains : celles d’Estrella et de Fierabras ; une foule de rondos, de polonaises, de variations, de
fantaisies pour piano ; le joli recueil intitulé : Momens et pensées musicales [sic], et quatre œuvres
de musique d’église, savoir : une messe à quatre voix, un Tantum ergo, un Salve regina, et un Totus
in corde langueo.
Le caractère de Schubert était égal, sincère et plein d’honnêteté. Passionné pour les arts, il était
en même temps tendre fils, fidèle ami, et élève reconnaissant. Il aimait la société où régnaient la
cordialité, la gaieté et l’abandon. Il éprouvait un grand plaisir à parler de musique, de poésie et d’art
en buvant de la bière avec ses amis. Sa tête alors s’échauffait, et il lui suffisait de lire un poème qu’on
lui présentait pour en improviser la musique, et composer ainsi une ravissante mélodie. Plusieurs
prétendent que l’usage trop habituel des liqueurs fortes et spiritueuses a pu hâter sa mort. Il joignait
des goûts solitaires à la candeur et à la naïveté d’un enfant. Il s’enfuyait aux champs pour y rêver
et se livrer à la mélancolie, et reparaissait ensuite de bonne humeur et jovial. Lorsqu’il avait de
l’argent, il était pressé de s’en défaire, et le donnait aux pauvres ou le dépensait gaiement avec ses
amis.
Quoiqu’il eût la conscience de son talent, et qu’il fut approuvé et flatté outre mesure par quelques
enthousiastes, il ne se laissait pas dominer par l’orgueil et la vanité, et il faisait si peu cas de ces
louanges, qu’il se tenait souvent à l’écart à l’époque de la publication de ses œuvres. Lorsqu’il faisait
des compositions sur un sujet commun avec d’autres artistes, il était le dernier à mettre son ouvrage
au jour. Quelques uns de ses amis, touchés de son désintéressement et de son indifférence pour

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 57
lui-même, eurent l’idée de publier douze de ses œuvres, sans sa participation et à son profit ;
Schubert, informé de cet arrangement, finit par y acquiescer, et la vogue de ses productions devint
si générale à dater de ce moment, que, depuis février 1821 jusqu’à la fin de 1828, époque de sa mort,
cent compositions furent gravées chez divers éditeurs. Modeste et réservé quand il s’agissait de ses
propres ouvrages, il jugeait avec la plus grande impartialité ceux des autres. Il témoignait le plus
profond respect pour la musique classique des grands compositeurs anciens et modernes, et rendait
pleine justice au talent de Rossini.
Schubert était membre de la société de musique des états autrichiens ; les sociétés musicales de
Gratz [sic] et d’Inspruck [sic] lui envoyèrent des diplômes d’honneur. Ces distinctions le flattèrent
beaucoup, et il y répondit en composant pour ces sociétés plusieurs ouvrages remarquables. Parmi
les personnes qui devinèrent de bonne heure son talent et l’encouragèrent, il faut nommer d’abord
le chanteur de la cour, Vogl 39 , qui, par sa manière de rendre les mélodies du compositeur, contribua
beaucoup à les faire goûter en même temps qu’il l’excitait à en composer de nouvelles. Les suffrages
de Salieri et ceux d’Anselme Hutten-Brenner 40 [sic], son ami, l’animèrent et lui firent surmonter avec
courage les obstacles qui s’élevaient devant lui au commencement de sa carrière. Les louanges de
plusieurs autres personnages éminens [sic] récompensèrent ses efforts. Je ne parlerai ici que du
célèbre Jean-Paul qui professait une vive admiration pour Schubert. Lorsque le poète fut devenu
aveugle, il trouvait une grande consolation à se faire chanter les ballades de Schubert, et, sentant
la mort venir, il voulut en entendre une qu’il aimait beaucoup. Un pareil suffrage dut rendre l’artiste
plus indifférent aux petites attaques dont il était l’objet.
On a beaucoup parlé de la souplesse du génie de Schubert, de cette flexibilité avec laquelle il
se rendait familières toutes les formes d’expression. Il avait écrit deux morceaux pour la Clochette
d’Hérold, et un air pour un opéra d’Auber 41 ; à la représentation, les artistes allemands ne purent
distinguer ce qui était du musicien français de ce qui avait été ajouté par leur compatriote. Quant
à ses messes, les connaisseurs les placent au-dessus de celles de M. Cherubini 42 , sous le rapport du
sentiment religieux et de l’onction. Sans les avoir entendues, on peut partager cet avis, d’après la
connaissance générale qu’on s’est formée de la musique de Schubert. Par la même raison, l’on doit
déplorer l’abandon dans lequel on laisse ses œuvres dramatiques. Il est impossible qu’avec une
pareille faculté mélodique, avec une expression si puissante, Schubert n’ait pas écrit des chefsd’œuvre
pour la scène. Espérons donc que cette partie de son œuvre est destinée à une brillante
résurrection. Mais surtout n’oublions pas que, de son vivant, et malgré la douceur de ses mœurs,
il était un sujet de contradiction et de jalousie pour une foule d’artistes. Celui-ci lui déniait la
mélodie ; celui-là, l’expression ; un autre, les combinaisons harmoniques neuves et créées. On ne
lui accordait qu’un certain savoir-faire. Au moment de sa mort, il fut proclamé grand ; tout le monde
voulut avoir ses productions, et les éditeurs firent main-basse sur ses manuscrits.
Tel fut Schubert. Il mourut avec les sentiments d’un chrétien, après avoir reçu les sacremens [sic]
de l’église. Sa carrière fut courte, mais bien remplie, et son nom aura un long retentissement dans
l’avenir. Son corps repose à côté de celui de Beethoven, en qui il avait honoré l’idéal le plus élevé
de l’art musical.
Joseph D’ORTIGUE
( Revue de Paris, t. XXX, juin 1836, p. 271-275, « Revue du monde musical. Schubert ».)

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CAHIERS F. SCHUBERT
8
– Voici le programme du Concert que donne aujourd’hui M. Géraldy, dans les salons de M. Erard 43 ,
rue du Mail, 13. On commencera à 8 heures. 1° Trio de Beethoven, exécuté par MM. Liszt, Urhan
et Batta 44 ; [...] 9° Le roi des Aulnes et le Vieillard (redemandé), ballades de Schubert, chantées par
MM. Puig et Géraldy [...].
( Le Courrier des Théâtres, 20 e année, n° 6671, mardi 28 mars 1837, p. 4, « Nouvelles de Paris ».)
9
– Une Matinée musicale sera donnée samedi prochain par Mme Albertazzi 45 , dans la salle Ventadour,
à deux heures précises de relevée. En voici le programme : [...] 3° Le Vieillard, la Jeune fille et la
mort, mélodies de Schubert, chantées par M. Géraldi [sic] ; [...]
( Le Courrier des Théâtres, 20 e année, n° 6673, jeudi 30 mars 1837, p. 4, « Nouvelles de Paris ».)
10
– Un Concert vocal et instrumental sera donné jeudi, par M. et Mme Louis Corradi-Bamberger, à
huit heures du soir, dans la salle St-Jean. [...] PARTIE VOCALE [...] Deux mélodies : Langage d’amour
et la Nonne, chantées par Mlle Méquillet. Air religieux 46 chanté par Mlle Méquillet [...].
( Le Courrier des Théâtres, 20 e année, n° 6691, mardi 18 avril 1837, p. 4, « Nouvelles de Paris ».)
11
– [...] Une ballade de Schutberg [sic], Marguerite, chantée par Mlle. de St-Yon, a prouvé que la
musique gracieuse allait non moins bien à sa voix, que l’air di Puratini 47 [sic] qu’elle avait chanté
d’abord.
[...] Après le Poète mourant 48 , Nourrit nous a fait entendre une mélodie de notre jeune
compatriote Xavier Boisselot ; Schutberg eût volontiers signé cette œuvre pleine de poésie,
d’abandon et de grace [sic], qui porte pour titre le Secret.
[...] Deux mélodies de Schutberg, ont terminé la soirée ; Schutberg est heureux d’avoir un
interprête [sic] comme M. Nourrit ; nous sommes heureux que Nourrit ait un compositeur comme
Schutberg. Une mélodie intitulée les Astres, fort peu connue du reste, et que pour notre part nous
n’avions jamais entendue, a produit un tel effet qu’elle a été sur-le-champ redemandée ; il y avait
dans la voix du chanteur, dans l’ame [sic] du morceau, une telle élévation, que nous sommes restés
stupéfaits, et qu’à l’heure où nous écrivons, la voix puissante de Nourrit vibre encore à notre oreille.
Pour nous servir d’une heureuse pensée dont nous ne trahirons pas l’auteur, nous dirons que cela
fait croire en Dieu. En effet, jamais autant de magnificence et d’inspiration n’ont été renfermés dans
un cadre d’aussi peu d’étendue : en chantant cet air, Nourrit avait véritablement les pieds sur terre
et la tête dans les cieux. L’effet produit par lui a été tel, que M. Bénédit qui devait, d’après le
programme, chanter quelques unes de ces spirituelles chansonnettes qu’il chante si bien, rempli

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 59
de vénération et de respect pour les grands artistes, a résisté aux sollicitations de quelques uns de
ses amis qui désiraient l’entendre.
Pour nous qui comprenons le motif de ce refus, nous en remercions M. Bénédit, et quand bien
même son émotion ne l’eût pas empêché de chanter, c’est une marque d’admiration à laquelle nous
nous sommes tous associés ; nous sommes loin d’en avoir été surpris, nous nous serions étonnés
du contraire, et chacun a apprécié son silence [...].
Ch. ROUGET
( Le Sémaphore de Marseille, 10 e année, n° 2888, mardi 20 juin 1837, p. 1, « Feuilleton du
Sémaphore. Concert de Mademoiselle Maglione ».)
12
– C’est demain jeudi qu’aura lieu, dans la salle du Grand-Théâtre, le concert que MM. Nourrit et Litz
[sic] veulent bien consacrer au soulagement de nos pauvres ouvriers sans travail. [...]
Nourrit chantera pour la première fois le roi des aulnes, ballade de Schubert, accompagnée par
Litz ! ! ! puis la mélodie : Sois toujours mes amours ; puis les Astres, autre nouvelle et sublime
mélodie religieuse qui a produit à Marseille un effet impossible à décrire ; puis enfin le Poète
mourant, dont Meyer-Beer [sic] a fait la musique exprès pour lui. Ceux qui craignent d’entendre
Nourrit au théâtre pourront, au moins, assister à ce concert où il ne se montrera pas moins admirable.
( Journal du Commerce et des Théâtres de Lyon, 14 e année, n° 2136, mercredi 2 août 1837,
p. 2.)
13
– On annonce pour samedi, 12 août, une soirée musicale qui ne manquera pas de réunir tout ce
que Lyon compte d’artistes et de dilettantis [sic]. Adolphe Nourrit n’a pu se refuser aux pressantes
sollicitations de ses nombreux admirateurs, et après s’être souvent entouré de toute la magnificence
scénique, il consent une seconde fois à se faire applaudir dans un concert. Le public devra saisir
avec empressement cette dernière occasion de retremper son enthousiasme dans les brillantes
inspirations du grand artiste qui s’éloigne. L’énumération des morceaux dans lesquels Nourrit doit
se faire entendre, est, d’ailleurs, une garantie certaine de l’effet immense qu’il y doit produire ; déjà
nous avons apprécié sa supériorité dans le Roi des Aulnes et Les Astres, il nous restait le désir de
la connaître dans La Jeune religieuse. Nourrit s’est rendu à cet appel, et par lui les belles harmonies
de Schubert nous seront toutes révélées. [...]
PREMIERE PARTIE.
[...]
2° La Jeune Religieuse, de SCHUBERT, chantée par M. AD. NOURRIT.
[...]
3° Le Roi des Aulnes, de SCHUBERT, par M. AD. NOURRIT.
[...]

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CAHIERS F. SCHUBERT
SECONDE PARTIE
[...]
8° (A la demande générale) : Les ASTRES, de SCHUBERT, chanté par M. AD. NOURRIT.
( Journal du Commerce et des Théâtres de Lyon, 14 e année, n° 2138, mercredi 9 août 1837,
p. 2-3.)
NOTES :
Xavier Hascher
1. Lors de sa première apparition aux Concerts du Conservatoire, la Jeune Religieuse fut donnée dans une
version orchestrale spécialement arrangée pour la circonstance. Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992),
p. 43, n. 19.
2. Voir id., loc. cit. La façon dont Nourrit découvrit les Lieder de Schubert, dans l’automne 1834, a été racontée
par Louis Quicherat dans sa biographie du célèbre chanteur (Adolphe Nourrit ; sa vie, son talent, son caractère,
sa correspondance, Paris, Hachette, 1867, t. II, p. 30) : « C’était chez un banquier hongrois, M. Dessauer, un
ami de Liszt. L’artiste était au piano, et jouait le Roi des Aunes [sic], lorsque Nourrit entra. Double raison pour
continuer. Nourrit était tout oreilles. A mesure que cette musique si dramatique le pénétrait, il manifestait une
vive émotion ; son visage s’illuminait. Le morceau terminé, il le redemande, Liszt lui dit qu’il ferait bien mieux
de le chanter [...] ».
3. Il n’apparaît pas que Schubert ait jamais composé de telles œuvres. On ne sait pas à quoi Berlioz fait ici
allusion, dans ce premier feuilleton riche en inexactitudes.
4. Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992), p. 33 (n° 20), la réaction du Pianiste.
5. Nourrit chanta le Roi des Aulnes pour la première fois en public lors du concert du 4 avril 1835 à l’Opéracomique
; voir ci-dessous, n. 26.
6. Jakob Liebmann Meyer Beer, dit Giacomo Meyerbeer, compositeur allemand (Berlin, 1791 - Paris, 1864).
D’une riche famille de marchands, il débuta l’étude du piano avec Franz Lauska, professeur de la famille royale
de Prusse, faisant sa première apparition publique à l’âge de onze ans. Il étudia la composition avec Zelter
(Berlin, 1758 - id., 1832) de 1805 à 1807, puis à Darmstadt avec le célèbre abbé Vogler (Würzburg, 1749 -
Darmstadt, 1814). Ayant terminé son apprentissage en 1811, il accéda à une foudroyante renommée de
virtuose, mais sans arriver à s’imposer comme compositeur d’opéras. Il voyagea d’abord à Londres, en 1815,
puis se rendit en Italie, où il séjourna neuf ans, écrivant six ouvrages lyriques qui lui acquirent une réputation
considérable. Le succès d’Il Crociato l’incita à faire représenter cette œuvre à Paris en 1825, faisant de lui un

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 61
compositeur illustre au niveau européen. Décidé à exploiter ce succès, il se tourna vers le grand opéra,
donnant Robert-le-Diable (1831), les Huguenots (1836), puis le Prophète (1849), et enfin l’Africaine (1865),
qu’il ne vit jamais représenter. Il fut le premier musicien allemand à accéder au grade de commandeur de
la Légion d’honneur, recevant par ailleurs quantité de distinctions étrangères. Après sa mort, son corps fut
rapatrié à Berlin par train spécial, après une grandiose cérémonie Gare du Nord. Voyageant beaucoup,
Meyerbeer ne se fixa jamais définitivement à Paris, et ses visites s’espacèrent notamment après sa nomination,
en 1842, comme directeur général de la musique à Berlin.
7. Nicolas-Prosper Levasseur, basse française (Paris, 1791 - ...). Il entra au Conservatoire de Paris en 1807,
débutant à l’Opéra en 1813. Une certaine incompréhension ainsi que le manque de rôles adaptés à sa voix
particulière l’amenèrent à quitter cette institution pour se rendre à Londres, en 1816, pour une saison. De
retour à Paris, il commença à se produire dans des concerts, qui lui acquirent une certaine réputation. Mais
c’est une tournée à Milan, en 1822, qui lui apporta le succès ; il fut alors engagé par l’Opéra-italien, réintégrant,
cinq ans plus tard, l’Opéra, où les triomphes de Rossini et de Meyerbeer assurèrent sa gloire. Il fut nommé
professeur au Conservatoire de Paris en 1841, et se retira définitivement de la scène en 1845.
8. Marie-Cornélie Falcon, soprano française (Paris, 1814 - id., 1897). Elle obtint le Premier Prix de vocalisation
au Conservatoire de Paris, où elle reçut l’enseignement de Nourrit, remportant l’année suivante le Premier
Prix de chant et celui de déclamation lyrique. Elle fit ses débuts à l’Opéra de Paris en 1832, dans Robert-le-
Diable. Atteignant à une prodigieuse renommée, elle fut l’interprète des succès parisiens d’Halévy, Rossini
et Meyerbeer. Le surmenage qu’elle occasionna à sa voix entraîna la perte de celle-ci en 1837, dont elle ne
se remit jamais, malgré un voyage en Italie pour se reposer. Elle quitta définitivement la scène à l’âge de 26
ans. Fétis écrivit d’elle : « Aucun autre talent de la même portée ne lui a succédé depuis à l’Opéra de Paris ».
9. Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992), p. 43, n. 17.
10. Henri Brod, hautboïste français (Paris, 1799 - id., 1839). Il fut admis au Conservatoire de Paris en 1811,
où il remporta brillamment le Premier Prix, devenant par la suite premier hautbois de l’orchestre de la Société
des concerts du Conservatoire. Il a composé un certain nombre de pièces pour son instrument, auquel il se
préoccupa beaucoup d’apporter des perfectionnements, de même qu’au hautbois baryton et au cor anglais.
11. Jean-Antoine-Just Géraldy, chanteur et compositeur français (Francfort-sur-le-Main, 1808 - Paris, 1869).
Inspecteur des carrières du département de l’Oise, il se rendit à Paris lors des journées de juillet 1830 pour
soutenir les insurgés. Décidant de sa consacrer à la musique, il étudia le chant avec Garcia, ainsi que
l’harmonie au Conservatoire de Paris. Se produisant d’abord dans les concerts, Géraldy s’essaya ensuite
brièvement à la scène. Fétis le nomma professeur de chant au Conservatoire royal de Bruxelles, dont il était
directeur. Se partageant entre cet emploi et sa carrière parisienne, il forma de nombreux élèves dans les deux
capitales. Il écrivit des mélodies, des études pour la voix, ainsi qu’un opéra, demeuré inédit.
12. Peut-être Jacques-François Gallay, corniste français (Perpignan, 1795 - Paris, 1864). Il fut d’abord l’élève
de son père, qui ne consentit à le laisser aller à Paris qu’en 1820, où il entra au Conservatoire, obtenant le
Premier Prix après une année d’études. Il fut d’abord corniste à l’Odéon, puis, à partir de 1825, au Théâtreitalien
; musicien de la chapelle royale sous Charles X, licencié à la suite de la révolution de Juillet, il le redevint
sous Louis-Philippe. Il fut nommé professeur au Conservatoire en 1842.
13. Michael Holzer, musicien autrichien (Vienne, 1772 - id. ? 1826). Il était chef de chœur et organiste à l’église
paroissiale de Liechtental, faubourg de Vienne où naquit Schubert et où il passa son enfance, dans l’école

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CAHIERS F. SCHUBERT
que tenait son père. Après ce dernier et son frère Ignaz, c’est de Michael Holzer que Schubert reçut sa première
éducation musicale.
14. Werner Ruzicka, musicien autrichien (1758 - 1823). Violoniste (altiste ?) au Burgtheater, à Vienne, et
organiste à la cour, il enseignait également le piano et l’orgue au Konvikt, où Schubert étudia de 1808 à 1813,
ainsi que divers autres instruments, ou matières musicales. C’est lui qui mit sur pied l’orchestre d’élèves de
l’établissement, qui ne tarda pas à devenir passablement réputé dans la capitale. Il prit la décision, devant
l’évidence des dons du jeune Franz Schubert et ses progrès rapides, d’envoyer celui-ci travailler auprès de
Salieri.
15. Antonio Salieri, compositeur italien (Legnano, 1750 - Vienne, 1825). Arrivé à Vienne en 1766, il y rencontre
l’année suivante le poète Métastase, puis, en 1769, il fait la connaissance de Gluck, qui devint son protecteur.
Dès 1774, il est nommé compositeur de la cour, et directeur de l’Opéra-italien. En 1778, il devient maître de
chapelle de la cour. Sa collaboration avec le librettiste Da Ponte précède celle de Mozart. Il renonce à
composer des opéras en 1804. Son rôle dans la création du Conservatoire de Vienne et celle de la Gesellschaft
der Musikfreunde est déterminant. La France, où il remporta ses plus grands succès, le fit chevalier de la Légion
d’honneur, et membre de l’Institut. Outre Beethoven et Schubert, il eut pour élèves Czerny, Hummel, Liszt,
Moscheles, W. A. Mozart fils, Simon Sechter, Süssmayr... Il laisse un nombre considérable d’opéras, parmi
lesquels Tarare (Paris, 1787) — sa meilleure réussite, — de la musique vocale sacrée et profane, de la musique
instrumentale, etc. Sa rivalité jalouse avec Mozart relève davantage de la légende que de la réalité.
16. August von Kotzebue, écrivain allemand (Weimar, 1761 - Mannheim, 1819). Ses premières œuvres
scéniques furent représentées au théâtre allemand de Saint-Pétersbourg, dont il était l’intendant, s’étant rendu
en Russie à l’âge de vingt ans. Après un séjour d’une quinzaine d’années dans ce pays, il rentra en Allemagne
en 1795. Il dirigea successivement le théâtre de la Cour à Vienne, puis à Weimar. Après un nouveau voyage
en Russie en 1800, il devint l’espion du Tsar en Allemagne. Son attitude conservatrice et réactionnaire, après
1815, lui attira l’inimitié de la jeunesse libérale. Il fut assassiné par un étudiant allemand. Son œuvre
dramatique comprend plus de 200 pièces.
17. Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992), p. 43, n. 12. Kœrner mourut pendant la guerre de libération
contre Napoléon. Schubert avait fait sa connaissance au début de 1813, par l’intermédiaire de Josef von Spaun.
Gœthe estimait son talent. Outre la mise en musique du livret de Der vierjährige Posten, le compositeur écrivit
un certain nombre de Lieder sur ses poèmes.
18. Johann Mayrhofer, poète autrichien (Steyr, 1787 - Vienne, 1836). Après s’être d’abord orienté vers la
philosophie, puis la théologie, il se rendit à Vienne en 1810 pour y étudier le droit. Il fut présenté à Schubert
en 1814, devenant son ami à partir d’environ 1816. Pendant deux années à compter de 1818, ils partagèrent
le même logement. Près d’une cinquantaine de ses poèmes furent mis en musique par le compositeur, qui
fit ainsi de lui son deuxième collaborateur après Gœthe. De tempérament misanthrope, pessimiste et
mélancolique, Mayrhofer s’accommodait mal de son emploi au bureau de la censure, qui contrastait
cruellement avec ses opinions politiques. Après une première tentative de suicide en 1831, il finit par se
donner la mort en se précipitant par la fenêtre de l’immeuble où il travaillait.
19. Ignaz Franz Castelli, écrivain autrichien (Vienne, 1781 - id., 1862). Il fut l’auteur de poésies en dialecte
bas-autrichien et d’environ 200 œuvres destinées à la scène. Il rédigea également des Mémoires (1861). Il fut
librettiste officiel du Théâtre de la Porte de Carinthie de 1811 à 1814. Ami de Weber, mais aussi de Beethoven,

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 63
il fut un patriote convaincu. « Calife » de la société dite « la Grotte de Ludlam », que Schubert joignit dans les
années 1825-26, il fut arrêté par la police et aussitôt relâché, faute de charges. Castelli écrivit le livret de Die
Verschworenen en réponse à la demande des compositeurs qui se plaignaient de l’absence de textes d’opéra
en langue allemande. Ce n’est cependant qu’en 1861 qu’il découvrit l’œuvre de Schubert, dont il ignora jusque
là l’existence.
20. Ces opéras sont : Le Chevalier au miroir (Der Spiegelritter), D. 11, 1811-1812. — Le Château de plaisance
du Diable (Des Teufels Lustschloss), D. 84, 1813-1814. — Claudine de Villa-Bella (Claudine von Villa-Bella),
D. 239, 1815. — Quatre Ans de faction (Der vierjährige Posten), D. 190, 1815. — Les Amis de Salamanque
(Die Freunde von Salamanka), D. 326, 1815. — Fernando, D. 220, 1815. — Les Frères jumeaux (Die
Zwillingsbrüder), D. 647, 1819. — La Harpe enchantée (Die Zauberharfe), D. 644, 1820. — Alfonso et Estrella
(Alfonso und Estrella), D. 732, 1821-1822. — Rosamonde, princesse de Chypre (Rosamunde, Fürstin von
Cypern), D. 797, 1823. — Les Conjurées (Die Verschworenen), D. 787, 1823. — Fierabras, D. 796, 1823.
21. La composition d’Adrast (D. 170) fut vraisemblablement commencée en 1819, et celle de la Caution (Die
Bürgschaft), en 1816. L’attribution du livret de cette dernière œuvre à Mayrhofer est douteuse.
22. Johann Philipp Neumann (1774-1849). Professeur de physique à l’Institut polytechnique de Vienne, il était
aussi un théologien rationaliste, champion des réformes libérales de Joseph II. Le livret de Sakuntala (D. 701)
est tiré d’un poème classique indien, qu’une traduction allemande avait permis de révéler. Schubert y travailla
en octobre 1820. Sa collaboration avec Neumann fut renouée quelques années plus tard, lors de la
composition de la Messe allemande (D. 872), en 1827.
23. Louis-Joseph-Ferdinand Hérold, compositeur français (Paris, 1791 - id. 1833). Il obtint le Premier Prix de
piano du Conservatoire de Paris en 1810, étudiant ensuite la composition avec Méhul ; il remporta le Prix
de Rome en 1812. Pensionnaire à la Villa Médicis, il rencontra Salieri et Hummel lors d’un voyage à Vienne.
Parmi les nombreux opéras qu’il écrivit, Zampa (1831) et le Pré aux clercs (1832) obtinrent les succès les plus
considérables et peuvent être considérés comme ses chefs-d’œuvres. Il composa également des symphonies,
des quatuors et des concertos, ainsi que des pièces pour piano. Il mourut de la tuberculose. La Clochette, ou
le Diable page, « opéra-féerie » en 3 actes, fut créée à Paris en 1817.
24. Johann Paul Friedrich Richter, dit Jean-Paul, écrivain allemand (Wunsiedel, 1763 - Weimar, 1825). Il
entreprit d’abord des études de théologie à l’Université de Leipzig. Il fit paraître son premier ouvrage, les Procès
groenlandais, en 1783, choisissant le pseudonyme français de Jean-Paul, en hommage à Jean-Jacques
Rousseau. D’abord précepteur, il ouvrit par la suite une école, puis, ses succès aidant, il se consacra
entièrement à la littérature, s’installant à Weimar en 1804. Bien qu’il ne le rencontrât jamais, il éprouva une
vive admiration pour Schubert, dont il demanda qu’on lui chante l’Erlkönig peu de jours avant sa mort.
25. Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992), p. 44, n. 26.
26. Théophile-Alexandre Tilmant, violoniste et chef d’orchestre français (Valenciennes, 1789 - Asnières,
1878) ; il fut élève de Rodolphe Kreutzer au Conservatoire de Paris, où il remporta le Premier Prix de violon.
Premier violon du Théâtre-italien, puis de l’Opéra, il devint en 1834 second chef d’orchestre au Théâtre-italien
avant d’en être nommé premier chef en 1838. Il participa, avec Habeneck, à la fondation de la Société des
concerts du Conservatoire, en 1828, dont il fut d’abord second, puis enfin premier chef, en 1860, ayant d’abord
accédé au poste de premier chef à l’Opéra-comique, en 1849. Tilmant reçut le grade de chevalier de la Légion
d’honneur.

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CAHIERS F. SCHUBERT
27. Il s’agit du concert du samedi 4 avril 1835, qui aurait normalement dû avoir lieu la veille, comme en
témoigne le Courrier des Théâtres, qui annonce ce jour-là : « Un concert avait été affiché pour aujourd’hui dans
la salle des Bouffes, au profit des réfugiés Polonais. Il n’aura pas lieu. On a oublié de demander la permission
à l’Autorité » (18 e année, n° 5946, p. 4, « Nouvelles de Paris »). Le même journal précise, le 5 avril : « Le Concert
au bénéfice des réfugiés Polonais n’a été retardé que d’un jour. Il a eu lieu, hier, dans la salle des Bouffes
[...] » (n° 5948, p. 4, « Nouvelles de Paris »). La date du 6 avril, proposée par Jacques-Gabriel Prod’homme (Les
OEuvres de Schubert en France, Paris, s. d., p. 94), est donc légèrement erronée.
28. Opéras de G. Rossini. Le Siège de Corinthe, « tragédie lyrique » en 3 actes, sur un livret de L. Balocchi et
A. Soumet, fut représenté pour la première fois à l’Opéra de Paris le 9 octobre 1926 ; Guillaume Tell, opéra
en 4 actes, livret d’E. de Jouy et H. L. F. Bis, d’après Schiller, fut créé dans le même théâtre le 3 août 1929.
29. Selon J.-G. Prod’homme (loc. cit.), ces morceaux se composeraient du Roi des Aulnes, orchestré « à la
demande de Nourrit » (par Liszt ? cf. Martial DOUEL, la Revue musicale, 1928, p. 38), ainsi que « d’autres lieder
ou ballades ».
30. C’est-à-dire la salle du Conservatoire.
31. Voir ibid., p. 35 (n° 28), le compte rendu de Bélanger dans la Revue et Gazette musicale de Paris.
32. Guillaume-Lebrecht Petzold, facteur de pianos, d’origine allemande (Lichtenhayn, 1784 - ...). Il fut apprenti
chez Rodolphe-Auguste Wenzky, facteur d’orgues et de pianos de la Cour, à Vienne, puis se rendit à Paris
au début de 1806 pour y fonder sa propre firme, en association avec J. Pfeiffer (Trèves, 1769 - Paris, 1838 ?),
cherchant à développer de nouveaux modèles d’instruments (pyramidal, triangulaire...) ; ces recherches, par
l’impulsion qu’elles suscitèrent chez les facteurs concurrents, sont à l’origine de l’accroissement de la
puissance sonore du piano moderne. Petzold se sépara de Pfeiffer en 1814, sans que le succès de son
établissement en fut entravé.
33. Il s’agit d’une adaptation par Urhan d’un quatuor de Schubert (quatuor en ré mineur, D. 810 ?).
34. Malgré sa publication posthume, en 1831, par Joseph Czerny, le quatuor en ré mineur la Jeune Fille et
la Mort, D. 810, ne porte aucun numéro d’op.
35. Le premier traducteur français des textes des Lieder ; c’est lui qui prépara pour l’éditeur Richault la
première édition des mélodies de Schubert (Paris, 1845), exhaustive pour l’époque, en quatre volumes,
comprenant 336 titres, dont deux extraits de l’opéra Alfonso et Estrella. Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre
1992), p. 42, n. 8.
36. Un des plus importants éditeurs français de musique au siècle dernier. Cette maison, fondée en 1805 par
Charles-Simon Richault (Chartres, 1780 - Paris, 1866), fut d’abord établie au n° 7, rue Grange-Batelière, puis
s’installa vers 1825 au n° 16, boulevard Poissonnière. Guillaume-Simon Richault succéda à son père après
le décès de celui-ci, laissant lui-même l’entreprise à son propre fils Léon. Lorsque celui-ci disparut à son tour,
la maison resta quelques années dans les mains familiales avant d’être rachetée, en 1899, par Costallat & Cie
(à présent Éditions musicales du Marais). A cette date, plus de 20,000 œuvres avaient été éditées chez Richault,
dont beaucoup de musique allemande (Liszt, Mendelssohn, Schumann, Spohr, Beethoven, Weber, et, bien
sûr, Schubert), mais aussi française (c’est Richault qui publia la Damnation de Faust, l’Enfance du Christ, Lélio,
ainsi que les ouvertures et les mélodies de Berlioz ; parmi les autres compositeurs édités, on compte Alkan,

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 65
Onslow, Reber, Monpou...). Malgré les œuvres de Méhul, Cherubini, Boïeldieu, Meyerbeer et les premiers
ouvrages d’Ambroise Thomas, les opéras ne représentaient pas l’essentiel d’un catalogue où figuraient non
seulement la musique de piano (Hummel, Thalberg, Herz, Heller...), mais la musique de chambre, la musique
orchestrale, vocale. Si l’on en croit Arthur Pougin (Supplément à la Biographie universelle des Musiciens et
Bibliographie générale de la Musique, vol. 2), Richault fut « le premier qui ait publié en partition les œuvres
[symphoniques et religieuses] de Beethoven, bien avant que l’Allemagne elle-même n’ait songé à le faire ».
Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992), p. 44, n. 30.
37. Charles-Valentin Morhange, dit Alkan, compositeur et pianiste français (Paris, 1813 - id., 1888). Il remporta
le Premier Prix de solfège au Conservatoire de Paris à l’âge de sept ans, le Premier Prix de piano à l’âge de
dix ans, celui d’harmonie trois ans plus tard et obtint celui d’orgue en 1834 ; il a quatorze ans quand il publie
son op. 1. Son œuvre est entièrement centrée autour du piano, dont il était un virtuose ; son unique
symphonie, écrite en 1844, est perdue. Alkan subit à la fois l’influence du XVIII e siècle français, et celle de
Chopin ; mais, musicien exigeant, son originalité est aussi marquée qu’incontestable.
38. Simon Sechter, théoricien, compositeur, chef d’orchestre et organiste autrichien (Friedberg, 1788 - Vienne,
1867). Nommé organiste assistant à la cour, en 1824, il succède l’année suivante à Voríšek au poste d’organiste
principal. Son unique leçon avec Schubert date du 4 novembre 1828. Il devient en 1851 professeur de basse
continue et de contrepoint au Conservatoire de Vienne. Il eut Bruckner pour élève de 1855 à 1861, qui lui
succéda par la suite à ce poste. Il laisse plus de 8,000 compositions, dont un opéra qui fut exécuté de son
vivant, ainsi que des ouvrages théoriques. Malgré les honneurs officiels, il mourut dans le dénuement.
39. Johann Michael Vogl, baryton autrichien (Ennsdorf, 1768 - Vienne, 1840). Il se lia d’amitié avec Franz Xaver
Süssmayr (qui fut plus tard élève de Mozart) pendant ses études secondaires, et se rendit avec lui à Vienne
en 1786, où il commença à étudier le droit à l’Université. Il fit ses débuts à la Hofoper en 1795. Il créa le rôle
de Pizarro lors de la première, en 1814, de la nouvelle version de Fidelio. En 1820, on donna, grâce à ses
efforts, Die Zwillingsbrüder, où il tenait le rôle des deux jumeaux. Il abandonna la scène deux ans plus tard.
Il mourut le même jour que Schubert, un 19 novembre, à douze années d’intervalle. Il fut le principal interprète
des Lieder, qu’il continua à chanter après la disparition du compositeur. C’est lui qui donna pour la première
fois l’Erlkönig en public, et il participa également au concert du 26 mars 1828. Schubert appréciait tout
particulièrement son talent.
400. Anselm Huttenbrenner, compositeur autrichien (Graz, 1794 - Ober-Andritz, près de Graz, 1868). Il étudia
d’abord le droit à l’Université de sa ville natale, puis se rendit à Vienne en 1815 pour travailler la composition
avec Salieri, s’y liant d’amitié avec Beethoven et Schubert. Il retourne à Graz en 1818, ayant terminé ses études.
Huttenbrenner écrivit en 1821 une suite de valses sur des mélodies de l’Erlkönig de Schubert, composant
également sa propre version du poème. Il dirigea la Société musicale de Styrie (Steiermärkischer Musikverein)
de 1825 à 1839. Sa production comprend des opéras, de la musique vocale sacrée et profane, de la musique
de chambre, des Lieder. Son Requiem, en ut mineur, fut à plusieurs reprises exécuté en mémoire de Schubert,
sur qui il laisse des souvenirs, écrits en 1854, mais publiés seulement en 1906, ne constituant malheureusement
pas une source d’informations très fiable. Voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992), p. 42, n. 2.
41. Daniel-François-Esprit Auber, compositeur français (Caen, 1782 - Paris, 1871). Il se rendit d’abord à
Londres en 1802 pour y étudier le commerce, mais rentra à Paris après une année afin de se consacrer à la
musique, composant de la musique instrumentale, principalement des concertos. Il devint l’élève de
Cherubini en 1805. Après l’échec du Séjour militaire au théâtre Feydeau, en 1813, Auber abandonna la

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composition. Mais la nécessité d’assurer sa subsistance après la banqueroute et le décès de son père le
réorienta vers l’opéra-comique. Après un nouvel échec, il rencontra enfin un succès qui ne devait plus le
quitter, marqué à partir de 1821 par sa collaboration avec le librettiste Scribe. La commande par l’Opéra de
la Muette de Portici (1828) marque l’apogée de sa carrière de compositeur. Il fut directeur du Conservatoire
de 1842 à 1870, succédant à Cherubini. Chevalier de la Légion d’honneur en 1825, plus tard commandeur,
il entra à l’Institut en 1829. Napoléon III, après Louis-Philippe, le nomma maître de chapelle de la cour. Son
œuvre consiste essentiellement en la longue liste d’ouvrages dramatiques qu’il écrivit tout au long de sa vie.
On ignore à quel air ou à quel opéra il est fait allusion ici.
42. Luigi Cherubini, compositeur et théoricien italien (Florence, 1760 - Paris, 1842). Il se rendit d’abord à
Londres, en 1784, avant de s’établir définitivement à Paris deux ans plus tard. Directeur musical du Théâtre
de Monsieur en 1789, il fut, en 1795, l’un des premiers Inspecteurs du tout nouveau Conservatoire de Paris.
Élu membre de l’Institut en 1814, il fut fait chevalier de la Légion d’honneur la même année, devenant directeur
du Conservatoire en 1822, et enfin commandeur de la Légion d’honneur en 1841. Il laisse de nombreuses
œuvres lyriques, dont les Deux Journées (1800), religieuses, symphoniques, et six quatuors à cordes.
43. Voir ibid., p. 44, n. 35.
44. Alexandre Batta, violoncelliste hollandais (Maestricht, 1816 - ...). D’abord formé au violon par son père,
professeur de solfège au Conservatoire de Bruxelles, il choisit d’étudier le violoncelle dans cet établissement,
où il obtint le Premier Prix en 1834. Il se rendit à Paris dès l’année suivante, où il devint, selon Fétis,
« l’instrumentiste à la mode » dans les salons, sa carrière l’amenant par la suite à voyager à l’étranger. Il laisse
un certain nombre d’œuvres consacrées à son instrument avec accompagnement de piano, principalement
des fantaisies sur des airs d’opéras, ainsi que des transcriptions, dont Six Lieder de Schubert, répartis en deux
suites, et publiés par Meissonnier. Il fut également critique musical. Il reçut la Légion d’honneur en 1875.
45. Emma Albertazzi, née Howson, contralto anglaise (Londres, 1814 - id., 1847). Fille d’un professeur de
musique qui l’orienta d’abord vers l’étude du piano, elle fit néanmoins ses débuts de chanteuse en 1829. Elle
entra au King’s Theatre en 1830, mais ne tarda pas à se rendre en Italie, où elle se maria, se produisant à la
Scala en 1832. De 1833 à 1835, elle fut engagée à Madrid, puis, les trois années suivantes, se partagea entre
Londres et Paris. Se fixant au théâtre de Drury Lane à partir de 1838, sa voix ne tarda cependant pas à décliner,
du fait de son surmenage. Un séjour en Italie n’apporta pas d’amélioration, mais elle poursuivit néanmoins
sa carrière théâtrale jusqu’en 1846.
46. Probablement Ave Maria, D. 839. A propos de ce concert, voir Cahiers F. Schubert, n° 1 (octobre 1992),
p. 40 (n° 38), la mention du Ménestrel.
47. I Puritani, opéra en trois actes de Vincenzo Bellini (Catane, 1801 - Puteaux, 1835) sur un livret de C. Pepoli,
créé à Paris le 24 janvier 1835, au Théâtre-italien.
48. Mélodie de G. Meyerbeer ; voir ci-dessous (extrait n° 12).

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FRANZ SCHUBERT ET LA FRANCE : 1828-1837 – DEUXIÈME SÉRIE 67
RÉFÉRENCES DES TITRES DE MÉLODIES CITÉS :
Astres (les) : Die Gestirne (Klopstock), D. 444.
Jeune Fille et la Mort (la) : Der Tod und das Mädchen (Claudius), D. 531.
Langage de l’amour (le) : Sprache der Liebe (Schlegel), D. 410.
Marguerite : Gretchen am Spinnrade (Gœthe), D. 118.
Nonne (la) : cf. la Religieuse.
Religieuse (la) : Die Junge Nonne (Craigher), D. 828.
Roi des Aulnes (le) : Erlkönig (Gœthe), D. 328.
Sois toujours mes amours : Sei mir gegrüsst ! (Rückert), D. 741.
Vieillard (le) : Greisengesang (Rückert), D. 778.

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CAHIERS F. SCHUBERT
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Manuscrit autographe de la Messe allemande
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PRÉSENTATION D'OEUVRES : LA MESSE ALLEMANDE, D. 872 69
PRÉSENTATION D’OEUVRES
La Messe allemande (Deutsche Messe, D. 872)
N TITRE plus détaillé de cette œuvre, datant de la première moitié de 1827, est : Chants pour
célébrer le Saint-Sacrifice de la Messe 1 , lesquels sont au nombre de huit, ensemble complété
de l’Oraison dominicale 2 . La composition littéraire des neuf poèmes qui leur correspondent est due
à Johann Philipp Neumann (né en 1774, mort après 1848) — physicien qu’il ne faut pas confondre
avec son presque homologue Johannes von Neumann, lequel, mathématicien d’origine hongroise,
a, comme on le sait, contribué naguère de manière décisive à l’étude des machines mathématiques
et aux progrès de la programmation...
C’est donc plus d’un siècle auparavant que J. P. Neumann, admirateur d’un joséphisme
complètement rejeté par le conservatisme du régime de Metternich, commanda à Schubert la
composition d’une messe à partir de ses textes en allemand. En s’acquittant de cette tâche, Schubert
poursuivait dans une voie déjà empruntée par Michel Haydn, compositeur dont le génie fut
malencontreusement éclipsé par celui de son frère aîné Joseph, et qui a laissé de très nombreuses
œuvres de musique religieuse ; que Schubert l’ait beaucoup admiré, et même vénéré, invite
certainement à une découverte de l’œuvre de ce musicien qui a compté au nombre de ses élèves
Reicha et C.-M. von Weber.
Les poèmes de Neumann ne constituent pas une traduction littérale de textes liturgiques en latin,
mais une expression de prière tout empreinte de foi naïve et non dénuée de romantisme, associée
aux principales périodes de l’office. La Messe allemande, D. 872, se décompose ainsi :
1. Chant d’entrée (Zum Eingang).
2. Gloria (Zum Gloria).
3. Évangile et Credo (Zum Evangelium und Credo).
4. Offertoire (Offertorium).
5. Sanctus (Zum Sanctus).
6. Après la consécration (Nach der Wandlung).
7. Agnus Dei (Zum Agnus Dei).
8. Chant de sortie (Schlussgesang).
Supplément : La Prière du Seigneur (Anhang : Das Gebet des Herrn).
La censure ecclésiastique n’interdit pas le texte de cette messe, mais refusa son exécution dans
les églises. Il semble que la Deutsche Messe n’ait pas été exécutée du vivant de Schubert, peut-être
à cause de ce frein lié à l’attitude de l’Église. Par contre, il est sûr que cette œuvre aura été très
populaire par la suite, ne serait-ce que grâce aux possibilités d’arrangement auxquelles elle se prête
de par son écriture même. Composée dans sa version de référence pour chœur à 4 voix mixtes,
vents (2 hautbois, clarinettes, bassons, cors, trompettes, 3 trombones), timbales et orgue (plus
contrebasse ad libitum), elle a ainsi, par exemple, été arrangée par son frère Ferdinand pour quatre
voix d’hommes a cappella.

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CAHIERS F. SCHUBERT
Avec la Messe allemande, on se trouve très éloigné des monuments que constituent les grandes
Messes en la bémol et mi bémol (présentées dans le précédent numéro des Cahiers), du fait d’abord
de l’économie (qu’il ne faudrait pas assimiler à une quelconque pauvreté) des moyens employés
en ce qui concerne l’écriture : la substance du texte musical se trouve en effet presque totalement
intégrée à la partie d’orgue, laquelle constitue ni plus ni moins une synthèse des quatre voix, sans
solistes, du chœur. Il n’est donc pas étonnant que l’écriture de l’orgue s’en trouve relativement
resserrée (ce qui présente incidemment la commodité de permettre des répétitions éventuelles du
chœur avec le concours d’un simple piano).
Venons-en au chœur lui-même, auquel sont confiées des parties chantées dont l’écriture,
strophique, procède essentiellement par homophonie, de sorte que l’ensemble sous-tend une
courbe mélodique élégante confiée aux sopranos, les rythmes métriques étant le plus souvent les
mêmes pour toutes les voix, émettant simultanément les mêmes syllabes dans un style de choral
assez différent des réalisations à quatre parties vocales d’un Jean-Sébastien Bach : très peu, sinon
pas du tout, d’effets contrapuntiques, et extrême simplicité de lignes sans ornements ni fioritures.
La structure de chaque chant s’accorde à ce parti pris de simplicité : d’une strophe à l’autre des
poèmes de Neumann la musique reste identique, musique dont le découpage interne sert celui, en
vers, du texte (ce qui conduit Schubert a adopter par strophe un agencement tantôt binaire, tantôt
ternaire, ainsi qu’on pourra le constater à l’écoute).
L’écriture des vents correspond quant à elle à une orchestration du « matériau de base », donnant
du relief à l’ensemble par un jeu de contrastes de couleur et de nuance (oppositions de timbre entre
bois et cuivres par exemple) et amenant à conclure sobrement la plupart des strophes chantées,
par la reprise en écho de tel ou tel motif caractéristique venant d’être entendu aux voix, à moins
que l’orchestre ne coiffe éventuellement le poème d’une mini-coda.
Chaque chant se déroule dans une tonalité nettement définie et restant en ligne de mire du début
à la fin. Il est intéressant de dresser un tableau des tonalités numéro par numéro :
1. Fa majeur.
2. Si bémol majeur.
3. Sol majeur.
4. Do majeur.
5. Mi bémol majeur.
6. Sol majeur.
7. Si bémol majeur.
8. La majeur.
Supplément : Mi mineur, puis majeur.
Si on laisse de côté le « Supplément », on note par conséquent une progression des tonalités en
arche, du numéro 1 au numéro 8, sans que cette progression ne nous paraisse constituer par ellemême
un facteur sensible d’unification. Pas davantage ne voyons-nous, contrairement à d’aucuns,
d’unité par apparentement de motifs mélodiques d’un chant à l’autre ; il serait d’ailleurs d’autant
plus difficile de procéder à des associations convaincantes que les motifs rencontrés dans chaque
pièce participent d’un langage mélodique trop peu tourmenté pour qu’ils en constituent une

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PRÉSENTATION D'OEUVRES : LA MESSE ALLEMANDE, D. 872 71
caractérisation fortement marquée. S’il y a unité, elle nous semble plutôt résider dans le climat
d’équilibre, de sérénité lumineuse, de solennité tranquille, de simplicité lyrique qui marque d’un
bout à l’œuvre cette œuvre très attachante.
La simplicité n’exclut pas l’expressivité : si, comme nous l’avons dit, l’instrumentation joue ici
de contrastes par opposition de timbres, faisant ressortir la couleur particulière de tel ou tel groupe
(on notera à ce titre le caractère marqué des interventions des cors et trombones), Schubert joue
également d’oppositions de nuances en juxtaposition, ce qui produit une mise en relief de chaque
verset du texte, détaillant une structure dans laquelle ces versets sont très fréquemment groupés
deux à deux. Le cas du début du « Supplément » est assez spécifique en la matière dans la mesure
où cette mise en relief de vers successifs s’opère par une alternance assez saisissante entre monodie
et polyphonie. De même, des altérations harmoniques judicieusement placées accentuent çà et là
— sans toutefois l’exagérer, car on reste dans une retenue toute religieuse — le caractère romantique
de l’atmosphère (chant n° 5, par exemple)... On veillera surtout à ne pas voir là de « modulations
aux tons voisins », alors qu’en vérité ces altérations renforcent la stabilité des principales fonctions
harmoniques entre lesquelles voyage la mélodie dans le cadre de l’équilibre du ton principal :
équilibre est bien ici un maître-mot, tant cette œuvre nous paraît de ce point de vue d’une grande
solidité.
Ceci n’empêche pas Schubert d’écarter toute impression d’uniformité qui aurait pu naître d’une
trop grande régularité en variant tel ou tel motif lors de présentations successives ou de retours de
lignes mélodiques similaires, en rompant une cadence harmonique pour mieux l’affirmer un peu
plus loin, ce qui le conduit notamment à répéter parfois le dernier vers des strophes de tel ou tel
poème (chant n° 3, par exemple). En accord avec son contexte, chaque chant est de plus affecté
d’une nuance de caractère tantôt recueillie (n° 4) ou solennelle (n° 2), tantôt plus légère (n° 6) et
même quelque peu enjouée (n° 8), le « Supplément » ayant la particularité d’une expression un peu
plus dramatique.
Nous donnons ci-dessous le nombre de strophes et de vers pour chacun des poèmes :
1. 4 strophes de 8 vers .
2. 2 « 7 « .
3. 4 « 8 « .
4. 3 « 4 « .
5. 2 « 8 « .
6. 2 « 8 « .
7. 4 « 8 « .
8. 1 « 12 « .
Supplément : 4 « 8 « .
Pourquoi ces comptes d’apothicaire ? Parce que nous avons eu en main un disque compact (on
n’aura pas la sévérité d’en dévoiler les références), pour lequel nous donnons ci-après la liste des
strophes indiquées dans le livret, en parallèle avec celles effectivement présentes dans l’enregistrement
qu’il accompagne :

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CAHIERS F. SCHUBERT
Numéro Strophes dans livretStrophes dans enregistrement
1 1-2-3 1-2-4
2 1-2 1 strophe « panachant » 1 et 2
3 1-2 1-2-4
4 1-2-3 1-3
5 1-2 1 et 1/2 strophe 2
6 1-2 1-2
7 1-2-3 1-4
8 1 1
Supplément 1-2 1-2
Bref, seuls les numéros 6 et 8 figurent complètement à la fois dans l’enregistrement et le livret
susmentionnés, la maison de disques incriminée ayant, pour les numéros 1-3-7, réussi le tour de
force (!) de fournir un enregistrement et un livret tous deux incomplets et de plus non coïncidents.
Concédons que ce n’est peut-être pas aussi grave que de « sauter » un passage de développement
de symphonie à cause d’un problème de place sur le support destiné à la vente : étant donné la
forme strophique de la Deutsche Messe, le discours musical, ici, n’a pas été oblitéré du fait de ces
fantaisies, mais un minimum de respect de l’œuvre aurait voulu que, d’une part, toute coupe soit
signalée et justifiée explicitement dans le livret, d’autre part l’intégralité du texte soit de toute façon
jointe à ce dernier...
Pour terminer, nous insisterons sur l’intérêt que présente la Messe allemande pour qui voudrait
se familiariser avec la lecture d’une partition d’orchestre : le caractère essentiellement vertical de
l’écriture permet de se repérer très aisément, et l’écriture des vents, source première de problèmes
de transposition, y est presque toujours constituée de lignes à l’unisson des voix et de l’orgue, ce
qui aplanit grandement les difficultés apparentes de lecture, tandis que la rythmique métrique reste
toujours fort simple. L’œuvre est ainsi très accessible à l’analyse... et d’une relative facilité
d’exécution, ce qui devrait la mettre plus souvent au programme de travail des nombreux chœurs
de qualité existant chez nous (lesquels devront peut-être alors se passer des vents, ce qui reste tout
à fait admissible pour les raisons exposées au cours de cette présentation).
NOTES :
1. Gesänge zur Feier des Heiligen Opfer der Messe.
2. Das Gebet des Herrn.
Xavier Bodart

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NOUVEAUX LIVRES
NOUVEAUX LIVRES
– Jacques DRILLON, Schubert et l’infini. A l’horizon, le désert, Actes Sud, 1988.
… Ou comment, en se regardant complaisamment le nombril, J. Drillon crut y voir passer l’image
fugace de Franz Schubert. On peut se dispenser de la lecture — rapide, il est vrai, tant la brièveté
semblerait son seul mérite — de cet ouvrage qui n’apporte rien de nouveau, au point qu’il se situe
en régression nette par rapport à celui, essentiel quant à lui, de Brigitte Massin (Schubert, Paris,
Librairie Arthème Fayard, 1977). Certes, les références de l’auteur ne sont pas des plus récentes,
et les points de vue qu’il exprime sont encore plus obsolètes. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un
ouvrage fiable ou même correctement documenté, les seules sources pouvant prétendre à un peu
plus d’actualité étant d’origine journalistique, ou consistant tout simplement en commentaires de
pochettes de disques appartenant à la collection personnelle de J. Drillon — d’où, on s’en doute,
des erreurs factuelles répétées.
On apprend ainsi, au fur et à mesure que l’on progresse dans le livre, que Schubert, patron des
impuissants, dont la musique est incapable d’atteindre à l’universalité de celles des autres grands
compositeurs (où il faut sans doute inclure Karlheinz Stockhausen, cité à mainte reprise, sans que
l’on sache vraiment pourquoi, sinon qu’il figure évidemment au petit nombre des héros personnels
de l’auteur) ne savait pas le contrepoint (p. 29, où J. Drillon assume hardiment, comme une
« évidence historique », bien entendu erronée, que sa première instruction dans cette discipline ne
daterait que de l’unique leçon qu’il prit, peu avant de mourir, avec Simon Sechter), — que ce « génie
inconstant » était dépourvu de toute confiance en lui (p. 31), que la maîtrise de sa propre pensée
lui échappait (p. 38), qu’il ne savait pas finir une œuvre (soit qu’il abandonne son ouvrage, soit qu’il
lui donne une fin mal appropriée, p. 45 sq.), — qu’il était totalement inhibé par Beethoven (p. 46-
47), que ses sonates sont autant d’échecs et qu’il en va de même de ses opéras et de ses quatuors
(p. 47-48), qu’il n’avait aucun sens critique vis-à-vis de ses compositions et n’en pouvait déceler
les défauts criants (contrairement à J. Drillon), que d’ailleurs tout son jugement était faussé (p. 48),
et que si jamais il réussit, enfin ! quelque chose, ce ne peut être évidemment que par erreur (p. 49),
qu’il ne savait, mais est-ce là quelque chose de nouveau ? pas développer (p. 60), qu’il ne se
corrigeait jamais (p. 70), qu’il était incapable de concentration (p. 73), en bref on se demande
vraiment comment ce passif-né qui n’entendait rien à son art a pu laisser une œuvre aussi
considérable.
Ce qui choque encore davantage, c’est l’aplomb satisfait de l’auteur, confinant à une
extraordinaire fatuité. Si l’on passe sur sa naïve leçon de contrepoint (p. 29-30) ainsi que les analyses
hallucinantes de la sonate en si bémol (p. 58 -59) — où l’on se rend compte qu’à l’évidence, Schubert
ne savait pas composer — ainsi que la description des méthodes de travail de celui-ci (p. 63), on
se trouvera bien aise d’apprendre (p. 69) que Schubert « écrit comme tout un chacun » (qui cela
désigne-t-il ? J. Drillon serait-il également compositeur ?) ; mais surtout on appréciera de trouver
(p. 68), en un seul trait de plume, cet éberluant « Schubert, Nietzsche et nous », où J. Drillon se place
généreusement de plain-pied avec le génie. Il est vrai que, citant Nietzsche toutes les deux ou trois
pages, l’auteur, à force de se couvrir de son autorité, a bien dû finir par se prendre lui-même pour
celui qu’il s’empresse de promouvoir le « plus grand penseur du XIX e siècle » (p. 32), une opinion
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CAHIERS F. SCHUBERT
qui peut se défendre, si elle n’en reste pas moins discutable. Mais de discussion ou d’argumentation,
J. Drillon n’a cure, il affirme toujours de façon abrupte et péremptoire, et ce n’est pas le vide
habillage stylistique qu’il y met qui peut adoucir les contours cassants de ses jugements à l’emportepièce.
J. Drillon pose à l’écrivain, recherche les effets littéraires, cultive les fleurs de rhétorique, mais
qu’est-ce que le style, si la pensée à laquelle il doit prêter force, élégance et clarté fait défaut ? On
exclura de cette critique le chapitre consacré au parallèle entre Schubert et Sade, où l’on prend enfin
un peu de hauteur, si l’on consent un instant à en oublier l’absurdité intrinsèque.
X. H.
– Schubert. Album de famille, réuni et présenté par François SAUGIER, préface de Jacques Drillon,
Éditions Jean-Claude Lattès, 1992.
Ce petit livre, agréable à feuilleter, pourra prétendre à se présenter comme le (presque) parfait
vade mecum de l’amateur schubertien. Humaniser le génie tout en laissant intact son mystère, c’est
ce qu’a très bien réussi François Saugier, en nous proposant un parcours tout à la fois organisé et
éparpillé de la vie de Schubert, en une série de textes brefs, parfois laconiques, tendant à présenter
des faits marquants, assortis d’anecdotes, d’extraits de souvenirs tirés de correspondances ou de
journaux intimes. Ces propos elliptiques s’accompagnent pas à pas d’images de lieux (vue de la
maison natale, perspective d’une avenue dans Vienne...) et de personnes (proches, amis et
relations), tout comme le ferait, dans n’importe quelle famille, un parent âgé évoquant le passé en
tirant photo après photo d’une vieille boîte... Ainsi, l’auteur-compilateur de Schubert, Album de
famille nous fait progressivement pénétrer en quelques lieux et quelques moments de la vie de
l’artiste, sans prétention de cohérence excessive. La diversité des citations et l’hétérogénéité de
l’illustration (de l’esquisse au trait à la peinture à l’huile et même la photographie) confèrent au
contraire un caractère éclaté à un petit livre qui ne donne pas en spectacle mais, modestement, se
limite à laisser entrevoir, tout en invitant à aller plus loin par soi-même. Le livre se termine par une
courte chronologie de la vie et de l’œuvre, toujours utile, même si on peut en discuter certains
aspects.
Car cet ouvrage n’est pas sans présenter certains défauts, ou même des dangers. On peut féliciter
François Saugier de sa modestie, de n’avoir fait figurer son nom ni sur la tranche, ni sur la
couverture : après tout, n’a-t-il pas fait que collationner à la fois textes et illustrations ? Sans doute,
cependant, eût-il été mieux inspiré d’intervenir davantage. Car les souvenirs des amis, les lettres,
les témoignages, demandent à être cités avec beaucoup de précautions. Et si jamais l’auteur
s’immisce, c’est toujours trop succinctement, et cette succession d’aperçus tronqués, jamais replacés
dans leurs contextes respectifs, ne peut concourir à l’élaboration d’un jugement informé. Il y avait
une part importante d’attitude critique à assumer, que l’auteur, au contraire, a choisi de décliner.
On le regrettera, tout en savourant à loisir la riche iconographie, dans le choix de laquelle on ne
peut que le féliciter. On aurait, enfin, pu attendre le pire de la préface de J. Drillon, on n’en a été
que plus heureux d’y trouver (presque) le meilleur, formant en quelque sorte un contrepoids
indispensable au reste de l’ouvrage, appelant à ne pas se laisser leurrer par une possible idéalisation
de la « famille » schubertienne. Il exprime peut-être l’essentiel lorsqu’il remarque : « Le travail ne se

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NOUVEAUX LIVRES
raconte pas. Et pourtant, le travail c’est toute la vie ». Mais on refusera de le suivre dans sa
présentation d’un Schubert « sans cesse vaincu » ; un compositeur qui écrit la seule œuvre
contemporaine de celle de Beethoven et capable de se mesurer à elle — et qui le sait, — est
difficilement quelqu’un de « vaincu ». Nonobstant ces quelques critiques, un livre à promener
partout avec soi...
X. B.
X. H.
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CAHIERS F. SCHUBERT
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Schubert au clavier. Esquisse au crayon de Moritz von Schwind (vers 1826)

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CRITIQUE DISCOGRAPHIQUE 77
CRITIQUE DISCOGRAPHIQUE
– Messe en sol majeur, D. 167 — Tantum Ergo, en mi bémol majeur, D. 962 — Psaume n° 23
en la bémol majeur, Gott ist mein Hirt, D. 706 (op. posth. 132)
Barbara Bonney, Brigitte Poschner (sopranos), Dalia Schæchter, Margareta Hintermeier
(contraltos), Jorge Antonio Pita (ténor), Andreas Schmidt (basse)
Chœurs de l’Opéra d’État de Vienne et Orchestre de Chambre d’Europe, sous la direction de
Claudio Abbado
1 CD Deutsche Gramophon 435-486-2 (comprenant également le Requiem pour Mignon de
Schumann)
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 46 min
De dimensions plus modestes que ses « grandes sœurs » en la bémol et mi bémol, la messe en
sol, mieux connue du grand public car plus souvent entendue en concert, est marquée d’un lyrisme
sobre et tranquille. En ce qui concerne les timbales et trompettes, bien audibles dans la présente
version, une autre possibilité que celle suggérée dans le livret joint au disque est qu’elles aient été
rajoutées par Ferdinand Schubert... du vivant même de Franz, il est vrai !
La transparence sonore est remarquable de bout en bout et l’on distingue nettement tous les
timbres (y compris ceux de l’orgue), au sein d’un ensemble où chœur (aussi « mixte » pour la messe
que pour le Tantum Ergo !) et orchestre concourent, sur un même plan d’importance, à une
interprétation détaillée dont l’intérêt pour l’auditeur se nourrit, sans discontinuer, de l’inventivité
mélodique schubertienne. La pureté des voix solistes (en particulier de celle de soprano, à laquelle
le compositeur a confié un rôle un peu privilégié) est quant à elle en heureuse harmonie avec le
caractère général d’une œuvre exprimant une foi empreinte de simplicité et de piété.
L’articulation très claire des voix chorales permet une mise en relief de motifs rythmiques
haletants marquant d’un caractère d’imploration la sérénité du Kyrie, tandis que l’expression du
soliste (Barbara Bonney), magnifique, apparaît d’une luminosité inattendue dans le Christe. Après
un Gloria majestueux, mais sans démesure car gracieusement enlevé, le Credo fait çà et là une part
un peu belle à des ostinatos de cordes sur fond d’expression vocale en humble adoration. Le fugato
de l’Hosanna est entamé trop sagement pour faire oublier que le compositeur a sacrifié là à un rituel
assez académique d’écriture, conformément à une tradition obligée. Le Benedictus donne lieu à un
entrecroisement hiératique des trois lignes solistes, quelque peu détachées d’un orchestre prouvant,
là comme ailleurs, sa capacité à « chanter » en toute indépendance. L’interprétation de l’Agnus Dei,
non dénuée d’inflexions théâtralement dramatisées, met en valeur par des transitions finement
contrastées les modulations harmoniques du texte musical.
Nous avons également apprécié que le Tantum Ergo soit donné dans sa version intégrale (ce
n’est hélas pas vrai dans d’autres disques existants), mais émettons quelques réserves en ce qui
concerne l’orchestration du Psaume 23, d’origine non précisée dans le livret, et qui nous est apparue
quelque peu décousue bien que non dénuée de charme (dans sa version originale, les voix

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CAHIERS F. SCHUBERT
s’accompagnent d’un piano) ; cette faiblesse est fort heureusement compensée par la beauté du
chant, confié à un quatuor vocal féminin, conformément à cette version originale, alors que, dans
d’autres enregistrements, on a confié les parties vocales à un quatuor masculin, selon une
transcription de Ferdinand.
– Impromptus, D. 899 et D. 935
Andrei Gavrilov
1 CD Deutsche Gramophon 435-788-2
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 1 h 02 min
X. B.
Pièces composées d’une succession d’épisodes variés et contrastés, les impromptus de Schubert
n’en demandent pas moins de la part du pianiste une vision d’ensemble pour que l’auditeur puisse
saisir toute leur intensité dramatique et leur originalité musicale.
Andrei Gavrilov nous propose dans ce disque une interprétation personnelle, qui pourrait, à la
première écoute, surprendre. Une sonorité très claire — mais qui, quelquefois, manquerait un peu
de continuité, — des attaques nettes, souvent sèches, une grande régularité rythmique, une
dynamique très contrastée : toutes ces caractéristiques étant particulièrement servies par une prise
de son dont la qualité est à remarquer. L’accumulation de détails nuit parfois à la cohérence du tout,
telle est la principale critique que l’on peut faire à cette version. L’impression générale est tout de
même celle d’un déséquilibre partiel, des sections souvent heureuses musicalement se suivant sans
que les liens qui les unissent les unes aux autres soient toujours vraiment perceptibles.
Les partis-pris stylistiques ne sont pas eux-mêmes toujours convaincants et vont parfois à
l’encontre de l’intelligibilité de l’œuvre. Les basses sont, soit souvent trop floues (lorsqu’elles ont
un rôle d’accompagnement ou de soutien), soit trop dures (lorsqu’elles jouent un rôle mélodique).
Le huitième impromptu, qui sous une apparente régularité tranquille contient une vitalité inquiète,
perd toute sa saveur avec une interprétation plus proche de celle qui conviendrait à des pièces de
Scarlatti. Certaines tonalités ont quand même l’air de plus porter bonheur à l’exécutant, comme le
la bémol majeur des deuxième et sixième impromptus.
Mais là où l’artiste est le plus convaincant et le plus inspiré, c’est lorsque qu’il joue des passages
purement mélodiques, car il possède le souffle nécessaire pour conduire ces superbes lignes si
caractéristiques de Schubert ; il suffit cependant que ce passage soit suivi par une section d’écriture
plus orchestrale pour que le charme soit rompu par une soudaine dureté des attaques et un manque
de rondeur dans la sonorité (dans le premier impromptu, notamment). Cette trop grande irrégularité
fait qu’au bout du compte cette version, avec toutes ses indéniables qualités et son originalité, nous
laisse avec un certain sentiment d’insatisfaction...

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
– La Belle Meunière, D. 795
Andreas Schmidt (baryton) et Rudolf Jansen (piano)
1 CD Deutsche Gramophon 435-789-2
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 1 h 03 min
CRITIQUE DISCOGRAPHIQUE 79
Se présenter comme l’élève et le successeur d’un grand maître demande une certaine dose de
courage, car même si cela permet d’avoir une carte de visite avantageuse, cela expose d’autant plus
à des jugements comparatifs avec le modèle de référence.
Le cycle de la Belle Meunière reste jusqu’à présent marqué par l’interprétation qu’en fit Dietrich
Fischer-Dieskau avec au piano Gerald Moore. Andreas Schmidt entend se situer dans le même
courant esthétique que le grand baryton schubertien. Le respect et la compréhension de la partition,
la netteté et la clarté de la ligne mélodique, la beauté de la courbe vocale, telles sont les principales
qualités que possède ce chanteur et qui lui permettent d’incontestables réussites ; un exemple parmi
d’autres, le très beau « Des Müllers Blumen ».
Dans cette interprétation, tous les détails sont parfaitement maîtrisés — et il s’agit sur ce plan
d’une réussite indiscutable. Mais cette maîtrise, parfois, en apparaîtrait tellement excessive et surtout
exclusive, qu’elle en deviendrait à la longue gênante, dans la mesure où l’on pourrait avoir
l’impression que la perfection, au lieu de n’être qu’un moyen pour accéder à la beauté, ne serait
plus qu’une fin en soi. C’est ici que l’on prend conscience de ce qui fait la différence entre les deux
interprétations : là où Fischer-Dieskau prend des risques et s’implique, Schmidt, lui, s’arrête. Ainsi,
dans « Eifersuchet und Stolz », le respect par trop strict de la partition fait que la fièvre est absente,
alors que la musique ne devrait être qu’incandescence.
De plus, chez Schubert, le piano doit être le véritable partenaire du chanteur et non un simple
accompagnateur. Or, avec Rudolf Jansen, la partie de piano manque parfois de relief ; toute envolée
lyrique semble absente (comme dans l’introduction de « Halt »). A force de s’effacer derrière le
chanteur, le pianiste en deviendrait presque transparent, perdant, à la limite, toute véritable
consistance.
L’expérience est intéressante et le résultat, convaincant ; mais Andreas Schmidt doit maintenant
aller au-delà de cette seule perfection pour nous livrer sa version de ce grand cycle de Lieder.
O. F.
– Rondo pour violon et orchestre à cordes, D. 438 — Wiener Damen Ländler, D. 734 —
Polonaise pour violon et orchestre, D 580 — Ouverture pour quatuor à cordes, D. 8 A —
Douze danses allemandes, D. 790 — Konzertstück pour violon et orchestre, D. 435
Ensemble Wien
1 CD Sony Classical SK 48-386

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
80
DDD
Dates d’enregistrement : 1990, 1991
Durée : 59 min 33 s
CAHIERS F. SCHUBERT
Ce disque est un petit joyau pour le collectionneur, puisqu’il réunit quelques raretés peu
connues, arrangées (pour la plupart) de façon à convenir à l’effectif de l’ensemble « Wien », mettant
l’accent sur les œuvres de Schubert pour violon et orchestre — un instrument avec lequel Schubert
n’était pas peu familier.
Malgré le choix, non conventionnel, de la contrebasse au lieu du violoncelle (qui constituera
peut-être un élément déroutant pour certains), seuls deux parmi les titres enregistrés ici sont
présentés dans leur orchestration originale : il s’agit de l’ouverture pour quatuor à cordes (D. 8 A)
et du rondo en la majeur (D. 438), écrit à l’intention du frère de Schubert, Ferdinand, et destiné à
un quintette à cordes plutôt qu’au Streichorchester mentionné sur le disque.
Cependant, les douze danses allemandes et les Wiener Damen Ländler ne sonnent en aucun
cas comme de simples arrangements de l’original pour piano seul, avec leur ensemble impeccable
et leur authentique Geschwung viennois.
Là où la modeste Polonaise bénéficie du ton intimiste que lui prête l’ensemble de chambre
(même si « les multiples facettes des coloris de l’orchestre » que mentionne le commentaire peuvent
nous faire un peu défaut), la partie virtuose de violon solo du Konzertstück (exécutée avec flair par
Paul Guggenberger) réclame l’orchestration originale avec hautbois, trompettes et timbales. Ici, les
tutti sonnent trop faibles et le déséquilibre sonore créé par la contrebasse peut devenir parfois
désagréable. — Malgré cette conclusion teintée d’un peu de déception, il s’agit là d’un CD excellent
dans tous ses autres aspects.
A. S.

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FRANZ SCHUBERT : LA RÊVERIE ou L’OBSESSION ÉCLATÉE 81
CRITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE
« Mit meinem heißen Tränen »
– Avec mes larmes brûlantes –
L S’AGIT là de la version télévisée, en trois épisodes, d’un film réalisé en 1986 par Fritz Lehner dans
le cadre d’une coproduction européenne et qui reçut, dans sa version cinématographique,
diverses récompenses prestigieuses. Chacun des trois épisodes correspond à une période
déterminée de la vie du musicien. Le premier, « Der Wanderer » (le Voyageur), se situe au printemps
1823 ; le deuxième, « Im Reiche des Gartens » (les Jardins de l’Éden), se passe à l’automne 1827 ;
le dernier, « Winterreise » (le Voyage d’hiver), porte sur les derniers mois de la vie du compositeur,
à l’automne 1828.
Ce film bénéficie d’une distribution intéressante, qu’il s’agisse, dans le rôle principal (Franz
Schubert) d’Udo Samal — dont la ressemblance physique avec le compositeur est particulièrement
convaincante, — ou pour le personnage de Franz von Schober (ami intime de Schubert) de Daniel
Olbrychski, acteur que l’on a souvent vu dans des films du grand réalisateur polonais Andrez Wajda
et qui possède une présence remarquable.
De même, le spectateur est certainement sensible à la qualité et à l’exactitude de la reconstitution
du cadre et des conditions de vie de l’époque. Mais ce qui retient peut-être encore plus l’attention,
c’est le caractère systématique de la mise en scène. Le premier qualificatif qui vient à l’esprit est celui
d’excessive lenteur : hormis quelques scènes d’ensemble, ce film est un enchaînement de gros plans
associés à un extrême statisme, qui, manifestement, veulent faire ressortir des sentiments d’angoisse
et de morbidité.
C’est, d’une certaine manière, dans ce même esprit que Schubert nous est présenté comme un
être faible, maladroit et névrosé : ainsi les scènes de voyeurisme, forme quasi exclusive que
prennent ses relations avec les femmes, ou celles des erreurs d’exécution qu’il commet lorsqu’il joue
au piano. L’image que nous propose ce film est celle d’un Schubert excessivement timide — au point
d’en être à peu près autiste, — obsédé, malhabile dans la vie de tous les jours, ridicule, même, dans
la plupart des situations. A beaucoup de points de vue, cette image ne fait malheureusement que
reprendre les clichés habituels, en y ajoutant toutefois une espèce de lubricité frustrée à laquelle
la pudibonde légende schubertienne ne nous avait guère habitués.
Si nous avons donc un tant soit peu réussi à décrypter les intentions — passablement obscures
— du réalisateur, celles-ci se ramèneraient au principe suivant : c’est en essayant de mettre en scène
le Moi intérieur de l’artiste que l’on doit pouvoir le mieux appréhender sa création. Cependant,
malgré la meilleure volonté du monde, on est obligé d’en conclure à l’échec de cette démarche.
Il est certes possible, dans un premier temps, de montrer à la caméra un Schubert torturé et angoissé
à l’excès, évoluant dans un environnement caractérisé par une sordidité aiguë, puis, dans un
deuxième temps, le même Schubert en train de composer, — mais quel lien véritable et profond
attend-on qu’il s’établisse entre ces deux moments ?

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82
CAHIERS F. SCHUBERT
Ceci d’autant plus que la musique à proprement parler n’occupe qu’une place marginale dans
le déroulement du film. Il est exact que l’on peut entendre au fil des trois épisodes un échantillon
assez représentatif de la musique de Schubert — musique vocale, musique orchestrale, musique
de chambre et musique pour piano. Mais il n’est question ici que de la bande sonore qui, dans la
plupart des cas, n’a qu’un lien plutôt ténu avec le caractère historique ou dramatique des scènes.
Avec une réalisation dans un tel style « psychologique », l’auteur a pu penser percer le secret
de la création musicale. Le résultat est décevant, car la liaison n’est pas opérante, et l’on en ressent
d’autant plus les exagérations et les invraisemblances du scénario. En fin de compte, Schubert reste
après ce film, un grand méconnu ; et l’on peut légitimement se demander quel est l’apport de cette
série sur l’un des plus grands compositeurs de ces deux cents dernières années.
O. F.

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SUR L’ÉDUCATION DE SCHUBERT 83
SUR L’ÉDUCATION DE SCHUBERT
CHUBERT, musicien épris de la culture de son temps ? Une telle affirmation peut, de prime abord,
surprendre. Le siècle dernier nous a, en effet, habitués à l’image d’un compositeur plutôt inspiré
que cultivé, quand ce n’est pas tout-à-fait inculte.
On a peut-être un peu vite oublié que le père de Schubert, Franz Theodor Florian, possédait
d’indéniables connaissances à la fois littéraires et musicales. Dans sa jeunesse, il avait suivi des cours
à l’Université de Vienne avant de devenir instituteur, puis maître d’école au moment de la naissance
de Franz. Avec un tel père, Schubert pouvait être sûr de recevoir, dès son plus jeune âge, une
éducation complète et sérieuse 1 .
A l’âge de cinq ans, son père commença son instruction élémentaire, et un an plus tard il l’inscrivit
à l’école. Parallèlement, il lui enseigna le violon, tandis que son frère aîné, Ignaz, l’initia au piano.
Jusqu’à sa onzième année, les témoignages et les documents connus portent surtout sur la formation
musicale que Schubert reçut et les dons qu’il manifestait déjà dans ce domaine. C’est ainsi qu’à l’âge
de neuf ans, son père confia son enseignement musical à Michael Holzer, organiste de l’église
paroissiale de Liechtental. Outre ses cours de piano et de violon, le jeune Franz commença l’étude
de l’orgue, du chant et de l’harmonie 2 . Ses qualités de soprano lui acquirent alors une réputation
locale. Pour ce qui est de sa formation scolaire proprement dite, les événements de l’année 1808
vont prouver qu’elle s’est déroulée, elle aussi, dans d’excellentes conditions.
Le 28 mai de cette année là, paraît dans le Wiener Zeitung une annonce pour le recrutement
par concours de deux petits chanteurs pour la Chapelle de la cour, fonction qui impliquait leur
admission, pour poursuivre leur cursus scolaire, au Konvikt (Collège impérial et royal de la Ville).
Les candidats devaient avoir dix ans révolus et être capables de rentrer dans la première classe de
grammaire. Le concours eut lieu le 30 septembre. Les deux candidats retenus sont Schubert et un
dénommé Franz Müllner. Le jour du concours, le célèbre compositeur Antonio Salieri, qui assiste
aux épreuves, note dans son journal : « Les meilleurs parmi les sopranos sont F. Schubert et
F. Müllner ». Parallèlement, le D r Franz Lang, directeur du Konvikt, précise que Schubert et Müllner
sont les candidats dont la formation élémentaire est la meilleure 3 . A l’âge de onze ans, Schubert a
donc déjà acquis un très bon niveau tant sur le plan musical que scolaire. Le Konvikt, dans lequel
il va passer les cinq prochaines années de sa vie, va lui permettre de développer ses facultés et
d’éveiller son génie.
Créé en 1803 par l’empereur Franz pour être une maison d’éducation, le Konvikt occupait un
bâtiment important, ancien collège de Jésuites, sur la place de l’Université, à Vienne. Les précepteurs
étaient membres d’un ordre religieux bien que le collège ne fut pas une fondation religieuse. Les
séminaristes, qui pour la plupart d’entre eux étaient boursiers, suivaient les cours du Lycée et se
préparaient à rentrer à l’Université. Parmi les séminaristes, il y avait donc aussi les petits chanteurs
de la Chapelle de la cour et même des chanteurs plus âgés, ainsi que des musiciens rémunérés. Le
Konvikt comptait alors environ 130 pensionnaires, dont beaucoup venaient d’une famille d’officiers
ou de fonctionnaires, et parmi lesquels il y avait 18 petits chanteurs.

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CAHIERS F. SCHUBERT
Les instructeurs du Konvikt étaient les directeurs musicaux de la Cour, Antonio Salieri et Joseph
Eybler, ainsi que le maître de chœur, Philipp Kœrner. Le directeur du Konvikt, le Docteur Lang,
était un amateur passionné de musique. Les activités musicales étaient quasiment journalières et
lorsque Schubert y fut admis, le Konvikt avait mis sur pied un orchestre qui jouait des œuvres de
Haydn, Mozart et Beethoven.
A l’époque, le cursus scolaire comprenait, dans une répartition différente de celle de la période
actuelle, l’école primaire, le Lycée puis l’Université. Avec son entrée au Konvikt, Schubert
commençait ses études au Lycée qui comptait alors quatre années de collège puis deux classes
d’humanités ; pour accéder à l’Université, deux années de philosophie étaient nécessaires. Ayant
quitté le Konvikt en 1813, Schubert a par conséquent suivi les quatre années de collège et la
première classe d’humanités ; il ne lui restait donc plus que trois ans d’étude avant de pouvoir
intégrer la prestigieuse Université impériale.
L’enseignement dispensé était orienté vers une culture générale de l’esprit qui fut particulièrement
précieuse à Schubert. Les principaux cours qu’il a suivis étaient la morale, l’instruction religieuse,
le latin et le grec, les mathématiques, l’histoire et la géographie. Le français, l’italien et le dessin
étaient des matières facultatives. L’art musical était considéré non seulement comme un des objets
essentiels de l’éducation générale mais aussi comme un moyen de former le sens esthétique.
L’enseignement littéraire que Schubert reçut s’appuyait surtout sur les grands auteurs de la
période dite classique, qui peut être caractérisée par une volonté d’harmonie et de mesure dans
la composition associée à la transparence dans l’expression. Celui qui influença le plus Schubert
fut Gœthe (1749-1832), sans doute l’un des plus grands poètes lyriques, dont le génie s’exprima
à travers ses Lieder, ses ballades et ses élégies. Tout près de lui on ne saurait oublier son ami Schiller
(1759-1805), disciple de Kant, qui applique aux arts l’esthétique telle qu’elle était sortie de la morale
du philosophe de Kœnigsberg, et que l’on peut traduire par la volonté d’interdire au scepticisme
d’envahir la pensée. Cet enseignement eut le grand intérêt d’affiner chez Schubert son sens naturel
de la poésie et de lui faire connaître encore très jeune les œuvres littéraires de ces grands maîtres
qui resteront toute sa vie des références primordiales. Lorsqu’en 1811, Schubert compose ses tout
premiers Lieder, deux sont sur des textes de Schiller, Des Mädchens Klage et Eine Leichenphantasie.
Les premières années du XIX e siècle sont marquées par l’avènement du romantisme qui se traduit,
dans les pays de langue allemande, par l’exaltation du Moi et l’affirmation de l’individualisme
germanique. Le philosophe Fichte (1762-1814) concourt ainsi au débordement de la subjectivité
romantique, en ramenant au moment la connaissance, en même temps qu’il prône un nationalisme
farouche. Dans la même lignée, Schelling (1785-1854) entend concilier le Moi si absorbant dans la
doctrine de Fichte avec le monde extérieur par un panthéisme idéaliste. Son esthétique, pénétrée
du même esprit de conciliation, montre les rapports des arts entre eux et leur synthèse. Schubert
sera durablement influencé par cette philosophie dans la mesure où il restera toujours très proche
du panthéisme, qui se traduit aussi chez lui par une exaltation et une divination de la Nature.
Sur le plan poétique, il semble que Schubert ait d’abord été attiré par les auteurs revendiquant
le nationalisme comme moyen d’expression, ce qui d’ailleurs correspond bien au climat culturel
des années 1810. C’est en 1813 que Schubert fait la connaissance de Karl Theodor Kœrner (1791-
1813), fils d’un ami intime de Schiller, et qui a laissé un recueil de chants patriotiques intitulé la Lyre

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SUR L’ÉDUCATION DE SCHUBERT 85
et l’Epée. Ce n’est qu’un peu plus tard que Schubert s’intéressera aux représentants parmi les plus
importants du romantisme allemand, les frères von Schlegel, Friedrich (1772-1829) et August
Wilhem (1767-1845), poètes, théoriciens et organisateurs du romantisme, Novalis (1772-1801),
Clemens Brentano (1778-1842) ou Friedrich Rückert (1789-1866).
Au long des cinq années passées au Konvikt, Schubert a donc pu progressivement se familiariser
avec les principaux auteurs de son temps, ce qui lui permettra toute sa vie durant de continuer à
s’intéresser à l’actualité littéraire. Ceci d’autant plus qu’au cours de sa scolarité, il s’était peu à peu
entouré d’un groupe d’amis fidèles et eux aussi férus de culture au sens large du terme, qu’il s’agisse
de Joseph von Spaun, de huit ans son aîné, d’Albert Stadler, futur conseiller du gouvernement, ou
de Benedikt Randhartinger.
Dans de telles conditions on peut se demander pourquoi certains font encore planer des doutes
sur le niveau culturel de Schubert, suivant encore en cela les vieilles affirmations tendant à faire
croire qu’il n’a été un bon élève qu’en musique : « Dans les matières autres que musicales où il était
constamment en tête, il fut un élève tout juste passable » 4 .
De tels propos reposent sur la supposition que Schubert aurait négligé ses études pour se
consacrer tout entier à la musique. L’examen détaillé des bulletins scolaires de l’élève Schubert et
des rapports faits par le D r Lang sur la conduite morale et les progrès dans le domaine des études
permet de mettre un terme à cette légende 5 .
En 1809, le rapport du D r Lang précise que Schubert a obtenu une mention « bien » pour les
études et « très bien » pour la musique ; il y est spécifié, comme cela sera le cas toutes les années
suivantes « un talent musical particulier ». Cette année là, les notes de Schubert sont si bonnes que
la Chancellerie aulique adressa à lui-même et à ses maîtres un témoignage de satisfaction.
L’année suivante, le bulletin scolaire et le rapport font état des mêmes résultats satisfaisants,
« bien » sur le plan scolaire et « très bien » en musique. Aucun changement pour l’année 1811 ainsi
que pour l’année 1812, Schubert obtient toujours de bonnes notes dans les études et de très bonnes
notes sur le plan musical. Schubert impressionnait tout le monde par ses facultés musicales mais
aussi par ses qualités morales ; c’est en 1812, en raison de son sérieux, qu’il est autorisé à quitter
le bâtiment scolaire pour prendre des leçons d’harmonie et de composition avec Salieri. C’est cette
même année que la voix de Schubert mue, ce qui met fin à sa fonction de petit chanteur. Sans aucune
hésitation, la direction du Konvikt décide que Schubert, dont les talents sont reconnus et appréciés,
peut rester. Schubert termine ainsi brillamment sa dernière classe de grammaire et s’apprête à
rentrer, à l’automne 1813, en première classe d’humanités.
A la fin de cette année scolaire 1813, Schubert obtient dans toutes les disciplines une bonne note,
sauf en mathématiques, où il doit se contenter de la note la plus faible. A ce sujet, il n’est pas inutile
de préciser qu’il y avait seulement quatre niveaux d’appréciation, « très bien », « bien », « moyen »,
« faible ». Schubert était loin d’être le seul à rencontrer ces problèmes — ainsi celui qui allait devenir
un célèbre écrivain satirique, Johann Nestroy (1801-1862). En septembre 1813, la commission du
conseil d’éducation décide que Schubert peut rester au Konvikt et bénéficier d’une bourse à
condition, qu’après les vacances, il ait amélioré son niveau dans les matières où il a obtenu une
mauvaise note. En novembre, Schubert annonce qu’il renonce à la bourse et qu’il quitte le Konvikt

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CAHIERS F. SCHUBERT
au moment de rentrer dans la dernière classe d’humanités. Schubert n’a donc pas été renvoyé, et
a fortiori pas à cause de faiblesses dans ses études ; c’est bien lui qui, de son propre chef, a décidé
d’abandonner son cursus. Surtout, il est clair qu’à part un fléchissement dans une matière en 1813,
Schubert a toujours eu tout au long de son parcours scolaire des résultats tout à fait honorables. Il
préfère cependant, dès le mois de décembre, intégrer l’École normale de Vienne afin de devenir,
après 10 mois de formation, instituteur. Le rapport de fin de formation des élèves de l’École normale
nous apprend que Schubert obtint une bonne appréciation en allemand, orthographe, grammaire,
prononciation, lecture, littérature et mathématiques, une appréciation moyenne en latin, et ce qui
n’est peut être pas si surprenant, une mauvaise note en religion 6 .
Schubert a donc son diplôme d’assistant instituteur en poche en août 1814, et un mois plus tard
rentre dans la vie active en tant qu’assistant dans l’école dirigée par son père. A cette date la
formation scolaire de Schubert est terminée, sans oublier que sur le plan musical, il va continuer
jusqu’en 1817 de se rendre chez Salieri pour des cours particuliers.
A l’âge de 17 ans, Schubert se trouve en pleine possession de ses facultés, prêt à engendrer ses
plus belles créations. L’enseignement qu’il a jusqu’alors suivi, et dont il a pleinement profité, lui
donne les moyens d’accomplir sa destinée. En comparaison de la plupart de ses contemporains,
Beethoven ou Weber par exemple, qui eux n’ont pas eu la chance de pouvoir bénéficier d’une
formation culturelle approfondie, Schubert a donc été privilégié. L’image de l’obscur petit instituteur
médiocrement intelligent perd toute réalité. Schubert apparaît comme un grand musicien familier
des auteurs de son époque et soucieux de promouvoir la forme de culture qu’ils représentaient.
Qu’il suffise de regarder les poètes choisis pour ses Lieder, et tout un chacun comprendra que
Schubert fut un des grands parmi les grands — et parfaitement conscient de l’être.
NOTES :
1. Brigitte MASSIN, Franz Schubert, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1977, p. 31 sqq.
2. Ibid.
Olivier Feinberg
3. Otto Erich DEUTSCH, Schubert. A Documentary Biography, New York, Da Capo Press, 1977, p. 8. « The two
sopranos Schubert and Müllner also excell all the others in preliminary knowledge. »
4. Annette KOLB, Schubert, traduit de l’allemand par Denise van Moppès, Paris, Albin Michel, 1952, p. 17.
5. O. E. DEUTSCH, op. cit., p. 13 sqq.
6. Id., p. 66.

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
I — MUSIQUE POUR PIANO
Intégrale des sonates pour piano,
volume 5 :
Impromptus D. 899 ; Sonate D. 459 ;
Trois menuets avec trio D. 380 ;
Allegretto D. 915
Michel Dalberto
1 CD Denon CO-79-730 – Distribution
BMG
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 1 h 09 min
Sonates D. 279 / 346 et D. 568 ;
Allegro D. 277 A
Massimiliano Damerini
1 CD Koch / Europa Musica
350-226 – Distribution Média 7
DDD
Durée : 56 min
Sonates D. 845, D. 850 et D. 894 ;
Deux scherzos D. 593 ; Menuet
D. 334 ; Valse D. 139
Christian Zacharias
1 CD Emi Classics CMS 7-64-655-2
ADD et DDD
Dates d’enregistrement : 1976, 1978 et
1983
Durée : 2 h 11 min
Sonate D. 960 ; « Wanderer-Fantaisia »
D. 760
Nikolaï Petrov
1 CD Olympia 150-275-2 – Distribution
Harmonie
AAD
Date d’enregistrement : 1971
Durée : 1 h 09 min
DISCOGRAPHIE 87
DISCOGRAPHIE
Impromptus D. 899 et D. 935
Edwin Fischer
1 CD Dante « Historical Piano
Collection » HPC 006
Date d’enregistrement : 1938
Durée : 52 min
Impromptus D. 899 et D. 935
Andrei Gavrilov
1 CD Deutsche Gramophon 435-788-2
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 1 h 02 min
Impromptus D. 899 ; Moments
musicaux D. 780 ; Mélodie hongroise
D. 817 ; Six danses allemandes D. 820 ;
Galop de Graz D. 925
Andreas Schiff
1 CD Decca 430-425-2
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 1 h 11 min
« Claudio Arrau Limited Edition – The
Final Session, vol. 1 »
Sonate D. 894 ; Moments musicaux
D. 780
Claudio Arrau
1 CD Philips 432-987-2
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 1 h 17 min
« Claudio Arrau – The Final Session,
vol. 3 »
Impromptus D 935 et D. 946
Claudio Arrau
1 CD Philips 434-101-2
DDD

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
88
« Les sonates pour le pianoforte sur
instruments d’époque », vol. 9 :
Sonates D. 664 et D. 960
Paul Badura-Skoda
1 CD Arcana A 19 – Distribution WMD
DDD
Date d’enregistrement : 1992
Durée : 59 min
Sonate D. 850 ; Trois Klavierstücke
D. 946
Philippe Cassard
1 CD Adda 581-287
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 1 h 07 min
Sonates D. 784 et D. 960
Naum Grubert
1 CD Ottavo 438-926-2 – Distribution
Harmonie
DDD
Date d’enregistrement : 1989
Durée : 1 h 09 min
Sonates D. 571, D. 625 et D. 840
Paul Coker
1 CD Emi Tuxedo TUXCD 2-008 –
Distribution Média 7
ADD et DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 54 min
OEuvres pour piano à quatre mains :
Sonate « Grand Duo » D. 812 ; MOZART :
Sonate K. 521
Sviatoslav Richter et Benjamin Britten
1 CD Music & Arts 721 – Distribution
Média 7
AAD
Dates d’enregistrement : 1964 à 1966
Durée : 1 h 07 min
OEuvres pour piano à deux et quatre
mains :
CAHIERS F. SCHUBERT
Variations D. 813 ; Andante varié
D. 823 ; Fantaisie D. 940 ; Trois
Moments musicaux D. 780
Sviatoslav Richter et Benjamin Britten
1 CD Music & Arts 722 – Distribution
Média 7
AAD
Dates d’enregistrement : 1964 à 1966
Durée : 1 h 05 min
OEuvres pour piano à quatre mains :
Allegro « Lebensstürme » D. 957 ; Deux
marches caractéristiques D. 886 ;
Divertissement à la hongroise D. 818
Jenö Jando et Ilona Prunyi
1 CD Naxos 8-550-555 – Distribution
Média 7
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 55 min
II — MUSIQUE DE CHAMBRE
Trois sonatines pour violon et piano
op. 137 (D. 384, 385, 408) ; Duo
op. 162
Nell Gotkovsky (violon) et Ivar
Gotkovsky (piano)
1 CD Pyramid Records 13-506 –
Distribution Adda
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 1 h 14 min
Trois sonatines pour piano et violon
op. 137 (D. 385, 408, 384)
G. Kremer (violon) et
O. Maisenberg (piano)
1 CD Deutsche Gramophon 437-092-2

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
« La musique de chambre pour violon
et piano »
Trois sonatines pour violon et piano
op. 137 (D. 384, 385, 408) ; Grand duo
D. 574 ; Sonate pour arpeggione
D. 821 ; Fantaisie D. 934 ; Rondo
brillant D. 895
Edith Peinemann (violon) et Leonard
Hokanson (piano)
2 CD Bayer Records BR 100-067/ 68 –
Distribution Schott Frères
DDD
Dates d’enregistrement : 1988 et 1989
Durée : 2 h 14 min
Intégrale des œuvres pour piano et
cordes :
Trio D. 890 et D. 929 ; Sonate D. 28 ;
Nocturne D. 897 ; Adagio et Rondo
Concertant D. 487 ; Quintette « la
Truite » D. 667
Trio Concertante et Rochester Chamber
Players
2 CD Vox Box 1-156002 – Distribution
Prova Records
ADD
Durée : 2 h 23 min
Quatuors à cordes « Quartettsatz »
D. 703 et « la Jeune Fille et la Mort »
D. 810
Quatuor Kodaly
1 CD Naxos 8-550-590 – Distribution
Média 7
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 57 min
Quatuors à cordes D. 353 et D. 887
Quatuor Allegri
1 CD Decca 433693-2
ADD
Dates d’enregistrement : 1978 à 1980
Durée : 1 h 13 min
DISCOGRAPHIE 89
Quatuors à cordes « Quartettsatz »
D. 703 ; D. 804 ; « La Jeune Fille et la
Mort » D. 810 ; D. 887
Quatuor Melos
2 CD Harmonia Mundi HMC
901-408.09
DDD
Dates d’enregistrement : 1989 et 1991
Durée : 2 h 13 min
Quatuors à cordes D. 887 et
« Quartettsatz » D. 703
Quatuor Auryn
1 CD Tacet 5 – Distribution De Plein
Vent
DDD
Date d’enregistrement : 1989
Durée : 54 min
Quintette à cordes D. 956
Quatuor Emerson et Mstilav
Rostropovitch (2 e violoncelle)
1 CD Deutsche Gramophon 431-792-2
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 53 min
Quintette pour cordes op. 163 (D. 956)
Quatuor Guarneri
1 CD Philips 432-108-2
Quintette « la Truite » D. 667 ; Sonate
pour violon et piano D. 574
Alexander Schneider (violon), Peter
Serkin (piano), Michael Tree (alto),
David Soyer (violoncelle), Julius Levine
(contrebasse)
1 CD Vanguard Classics 08800571 –
Distribution WMD
ADD
Dates d’enregistrement : 1964 et 1965
Durée : 1 h 24 min
Octuor D. 803
Consort of London,

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
90
Robert Haydon Clark
1 CD Collins Classics 13-752 –
Distribution Média 7
DDD
Date d’enregistrement : 1989
Durée : 1 h 03 min
Octuor D. 803 ; Menuet et Finale pour
2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors et 2
bassons
Wiener Oktett et Wiener Bläsersolisten
1 CD Decca 430-516-2
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 1 h 11 min
III — MUSIQUE D’ORCHESTRE
Symphonie n° 3 et n° 8 « Inachevée » ;
« Rosamunde » (extraits)
Orchestre Philharmonique Tchèque,
dir. Vaclav Neumann et Zdenek Kosler
1 CD Supraphon « Crystal Collection »
110651-2 – Distribution BMG
ADD
Dates d’enregistrement : 1966 et 1969
Durée : 1 h 14 min
Symphonie n° 2 ; R. STRAUSS : « Une vie
de héros »
Orchestre Symphonique de la Radio
Bavaroise, dir. Karl Böhm
1 CD Orféo « Orféo d’Or » C264921B –
Distribution Harmonia Mundi
ADD
Date d’enregistrement : 1973
Durée : 1 h 12 min
Symphonie n° 5 D. 485 ; Ouverture
« Die Zauberharfe » D. 644 ;
« Rosamunde » D. 797 (extraits)
Orchestre Anima Eterna, dir. Jos van
Immerseel
1 CD Channel Classics CCS 4292 –
Distribution Média 7
CAHIERS F. SCHUBERT
DDD
Date d’enregistrement : 1992
Durée : 52 min
Rondo pour violon et cordes D. 438 ;
Polonaise pour violon et orchestre
D. 580 ; Konzerstück pour violon et
orchestre D. 345 ; Ouverture pour
quatuor à cordes D. 8A ; Ländler « des
dames de Vienne » D. 734 ; Douze
allemandes D. 790
Ensemble Wien
1 CD Sony Classical SK 48-386
DDD
Dates d’enregistrement : 1990 et 1991
Durée : 60 min
IV — MUSIQUE VOCALE
« Le Voyage d’hiver » D. 911
Hans Hotter (baryton) et Michael
Raucheisen (piano)
1 CD Deutsche Gramophon
« Dokumente » 337-551-2
ADD
Dates d’enregistrement : 1942 et 1943
Durée : 1 h 16 min
« Le Voyage d’hiver » D. 911
Dietrich Fischer-Dieskau (baryton) et
Murray Perahia (piano)
1 CD Sony Classical SK 48-237
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 1 h 11 min
« La Belle Meunière » D. 795
Andreas Schmidt (baryton) et Rudolf
Jansen (piano)
1 CD DG 435-789-2
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 1 h 03 min
« La Belle Meunière » D. 795

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
Christoph Prégardien (baryton) et
Andréas Staier (piano)
1 CD Deutsche Harmonia Mundi
05472-77273-2 – Distribution BMG
DDD
Date d’enregistrement : 1991
Durée : 59 min
« La Belle Meunière » D. 795
Guy de Mey (ténor) et Guy Penson
(pianoforte)
1 CD Ricercar 074089 – Distribution
Adda
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 57 min
Lieder pour voix d’homme
Dietrich Fischer-Dieskau (baryton) et
Gerald Moore (piano)
21 CD Deutsche Gramophon
437-214 – ou 3 coffrets de 9 CD
(437-215-2), 9 CD (437-225-2) et
3 CD (437-235-2)
DDD
Date d’enregistrement : 1966 à 1972
Durée : 24 h 23 min
Lieder (vol. 1 à 3)
Siegfried Lorenz (baryton) et Norman
Shetler (piano)
3 CD Ars Vivendi 2100-190 à 2100-
192 – Distribution ILD
ADD
Date d’enregistrement : 1974 à 1985
Durée : 1 h 13 min, 1 h 14 min et
1 h 12 min
Treize Lieder sur des poèmes de
Mayrhofer
Wolfgang Holzmair (baryton) et Gérard
Wyss (piano)
1 CD Tudor 764 – Distribution LTC
International
DDD
Date d’enregistrement : 1991
DISCOGRAPHIE 91
Durée : 1 h 07 min
Duos, trios et quatuors vocaux
Elly Amelling (soprano), Janet Baker
(mezzo-soprano), Peter Schreier et
Horst Laubenthal (ténors), Dietrich
Fischer-Dieskau (baryton), Gerald
Moore (piano)
1 CD Deutsche Gramophon « Galleria »
435-596-2
ADD
Date d’enregistrement : 1972
Durée : 1 h 02 min
Chœurs
Rudolf Katzböck (baryton) ; Chœur et
instrumentistes de la Radio
autrichienne, dir. Gottfried Preinfalk
1 CD Deutsche Gramophon « Galleria »
437-649-2
ADD
Messe en sol majeur D. 167 ; Tantum
ergo D. 962 ; Psaume 23 « Gott ist mein
Hirt » D. 706 ; R. SCHUMANN : Requiem
pour Mignon op. 98b
Barbara Bonney et Brigitte Poschner
(sopranos), Dalia Schaechter et
Margareta Hintermeier (mezzosopranos),
Jorge Antonio Pita (ténors),
Andreas Schmidt (basse),
Konzertvereinigung Wiener
Staatsopernchor, The Chamber
Orchestra of Europe, dir. Claudio
Abbado
1 CD Deutsche Gramophon 435-486-2
DDD
Date d’enregistrement : 1990
Durée : 46 min

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
92
CAHIERS F. SCHUBERT
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© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
ÉDITORIAL (Brillensplitter) :
FRANZ SCHUBERT : LA RÊVERIE ou L’OBSESSION ÉCLATÉE 93
SCHUBERT DURCH DIE BRILLE
Bulletin de l’Institut international Franz Schubert
Sommaire du n° 10 (janvier 1993)
– Sur l’interprétation schubertienne : La Nécessité d’une relève 1 .
NOUVEAUTÉS DE LA RECHERCHE :
–Le Chant de l’Esprit au-dessus des eaux de Schubert. L’Autographe « redécouvert » de D. 714.
– Ferdinand Schubert et Ludwig Landsberg.
– Les Manuscrits autographes de Schubert : Leurs Nouveaux Possesseurs.
– Supplément à la Liste des hôtes d’Atzenbrugg. Par R. Steblin.
–La « Déclaration de résidence » des parents de Schubert. Par E. Benedikt.
– L’Esquisse de Moritz von Schwind, « Schubert au piano ». Par R. Steblin.
COMPTES-RENDUS DE RECHERCHE :
– Les OEuvres religieuses mineures de Schubert. Par W. Bodendorff.
– Sur les pratiques d’exécution du Voyage d’hiver au XIX e siècle. Par U. Hartung.
CONTRIBUTIONS :
– Les Copies et les Arrangements d’après Schubert dans le Département de la musique de la
Bibliothèque de la Ville et de l’État de Vienne. Les Acquisitions de l’année dernière.
– Les Projets de Schubert d’après Friedrich Wilhelm Gotter et Christian Friedrich Daniel Schubart.
Par L. Porhansl.
– La Nouvelle Littérature schubertienne depuis 1991.
– Les Nouvelles Parutions dans le cadre de l’Édition complète des œuvres de Schubert. Par
W. Litschauer.
– Schubert contre Chostakovitch : Compte-rendu du festival de musique de chambre du 3 au 12
juillet 1991 à Lockenhaus. Par S. Reiser.
– Les Schubertiades d’Hohenems de 1992. Par G. Operenyi.

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94
COMMENTAIRES :
CAHIERS F. SCHUBERT
– Sur l’arrangement du Tantum ergo D. 739 par Michael Fischer. Par E. Benedikt.
– Doit-on considérer les indications métronomiques des œuvres de Schubert comme authentiques ?
Nouvelles remarques. Par P. Stadlen.
– Schubert et la Psychanalyse. Post-scriptum. Par A. Mayer.
– La Loi de 1815 sur le consentement au mariage. Post-scriptum au n° 9 de Schubert durch die
Brille. Par R. Steblin.
– Une explication au mot « Nebensonnen ». Par H. Heiberg.
– Atzenbrugg ne devrait vraiment plus se trouver à Atzenbrugg… Une « municipalité schubertienne »
qui ne mériterait pas son nom ?
CRITIQUE :
– Remarques critiques sur le nouveau livre sur Schubert de Peter Gülke. Par A. Mayer.
– Une biographie à la trame défectueuse. Sur le roman schubertien de Peter Härtling. Par
W. Fuhrmann.
– Brian Newbould : Schubert et la Symphonie. Une nouvelle perspective. Par E. Norman McKay.
CURIOSITÉS :
– L’Inachevée. Un récit fictif.
– Des Effigies de Schubert dans des paquets de cigarettes. Par N. Rast.
Note :
1. Les articles dont les auteurs ne sont pas mentionnés sont signés de la Rédaction.

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Vol. 9.
FRANZ SCHUBERT : LA RÊVERIE ou L’OBSESSION ÉCLATÉE 95
PUBLICATIONS DE
L’INSTITUT INTERNATIONAL FRANZ SCHUBERT
Sous la direction d’Ernst Hilmar
La sonate pour piano en do majeur Reliquie, D. 840. Édition en fac-similé d’après les autographes
se trouvant à Cambridge, Paris et Vienne. Éd. par H.-J. HINRICHSEN. Avec la contribution de
K. H. Füssl, A. Krause, E. Norman McKay et G. Saba. Tutzing, 1992.
Hors série :
Rita STEBLIN : Un portrait de jeunesse de Schubert inconnu ? Franz Schubert et le peintre Josef Abel.
Présent annuel offert aux membres de l’IFSI et de la Deutsche Schubert-Gesellschaft e. V.
de Duisburg. Tutzing, 1992.
Les publications sont en langue allemande. Elles sont disponibles auprès de l’Institut international
Franz Schubert (Internationales Franz Schubert Institut, Kettenbrückengasse 6 / 9, 1040 Wien,
Autriche) ou directement auprès de l’éditeur (Musikverlag Hans Schneider, Mozartstrasse 6,
8132 Tutzing, Allemagne).
Une remise de 3O % est consentie aux membres de l’IFSI sur toutes les publications de l’Institut.

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
FRANZ SCHUBERT : LA RÊVERIE ou L’OBSESSION ÉCLATÉE 9
NOUVEAUX MEMBRES DE
LA SOCIÉTÉ FRANZ SCHUBERT
Laurence AURICOSTE
Claire BISCHOFF
Jean-Philippe BOUILLOUD
Françoise BUY-REBAUD
Jean-Marc CHOUVEL
Anne-Marie CLAUZEL*
Camille COMBE
Françoise COURCEL*
Hubert de GRAINVILLE
Renée de GRAINVILLE
Pierre de ROSAMEL
Janine DELAUNAY*
Serge DUBOIS
Christiane GOULARD*
Philippe GUILBERT*
Yvonne GUILLOUARD
Michelle HAUSER
J. LEDEUIL
Marcel MAILHOS*
Béatrice MEYER
Francis OLIVIER
Gérard PERROT
au 15 avril 1993
Membres d’honneur
Radoslav KVAPIL
Adhérents
Edith PFEIFER*
Jacqueline PLANTADE
Geneviève RAVISÉ*
Jens ROSTECK
Samuel SILBERMANN*
Hubert von TEICHMAN*
Christine TEZENAS DU MONTCEL*
Henri TEZENAS DU MONTCEL*
Christian THOMAS*
Gisèle VENET*
* Les personnes dont le nom est suivi
d’un astérisque sont également membres
de l’Institut international Franz
Schubert (Vienne).

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
FRANZ SCHUBERT : LA RÊVERIE ou L’OBSESSION ÉCLATÉE 9
COMMUNIQUÉ
N NOUS communique la parution de l’ouvrage suivant :
– Histoires musicales des Hauts-de-Seine, sous la direction de Martial LEROUX, éd. la Couronne
d’Euterpe, B. P. 15 – 92321 Châtillon CEDEX. Date de publication : printemps 1993.
Dessinés en 1964 par la loi sur le fractionnement de la région parisienne, les Hauts-de-Seine
comptent aujourd’hui parmi les départements les plus dynamiques de l’économie française. Tourné
vers le XXI e siècle et ses défis technologiques, le « 92 » conserve aussi des trésors inestimables
d’informations liées au passé. En matière musicale, ses trente-six communes ont ainsi été appelées,
tout au long de leur riche histoire, à jouer un rôle important dans l’évolution d’un art tour à tour
aristocratique ou populaire, sérieux ou léger.
Les Alto-séquanais des siècles passés peuvent alors s’enorgueillir d’avoir abrité en leurs murs
des compositeurs aussi prestigieux que Lully, Leclair, Gluck, Wagner, Bellini, Lecocq, Chausson,
Saint-Saëns, Debussy, Fauré, Ravel, Enesco ou Stravinsky, d’avoir fréquenté d’illustres chansonniers :
Béranger, Chauvelot, J.-B. Clément, Blondelet, ou des interprètes de la gouaille : Thérésa,
Chevalier… réunis par le hasard de la proximité géographique et du défi chronologique.
Qu’ils soient nés ou décédés dans ces communes, qu’ils y aient vécu, qu’ils y soient venus en
des circonstances précises, les musiciens de toute époque trouvent une place privilégiée à travers
les Histoires musicales des Hauts-de-Seine. Classées par ordre alphabétique, les trente-six villes du
« 92 » renferment de nombreuses notices historiques, agrémentées de façon agréable à la lecture
et accessibles à un large public.
Lorsque les Hauts-de-Seine se penchent sur leur patrimoine musical…
Cet ouvrage, riche de plus de 500 pages, contient environ 350 articles concernant les musiciens
des Hauts-de-Seine (du XIII e au XX e siècle), de nombreuses listes de chansons populaires, chants
révolutionnaires, d’ouvrages musicaux liés au département, plusieurs essais de reconstitution du
répertoire musical des châteaux et palais alto-séquanais, des interviews de musiciens contemporains
ainsi qu’une collection iconographique souvent originale.
Les Histoires musicales des Hauts-de-Seine sont disponibles par souscription, au prix unitaire de
229 F (frais d’envoi inclus), directement auprès de la Couronne d’Euterpe.

© Société Franz-Schubert, 2001. Reproduction interdite.
FRANZ SCHUBERT : LA RÊVERIE ou L’OBSESSION ÉCLATÉE 3
Achevé d’imprimer en juin 1993
à l’Atelier central d’imprimerie
de l’université de Paris 7 – Denis Diderot
2, place Jussieu 75251 PARIS CEDEX 05