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ΚΥΠΡΙΑΚΗ ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ

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<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


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<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


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<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R O ï A" U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM.<br />

D* É G Y P T E.<br />

L I p- R E XV.<br />

CHAPITRE PR E'M I E R.<br />

Gi£t>kGiSiG ^ àifQttQy &le tumulte, qui continuoienten Article f.<br />

^^^»Ç>§B Chypre, joints au peu de fatisfadHon, que<br />

les Chevaliers de VHôpital j recevoient, depuisqu'ils<br />

s'étoienté^lement rendus (ufpeâs<br />

aux partiiàns du Roi, & au Régent, par la<br />

faufTe démarche, qu'ails avoient faite de prendre<br />

les armes en faveur de ce dernier, &<br />

de les pofer presqu'en même tems, pour devenir Médiateurt<br />

Ddd dd entre<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^6x HISTOIRE G E' NE' RALE<br />

jt^/oii^ti'on entre fon Frère, & lui, fit déterminer FOULQUES DE VILLA-L<br />

taiiS^rftf^ RET, alors Maître de cet Ordre, d'exécuter le projet, que fon<br />

qiixtitr PrédécelTeur, & fes Confrères avoient fait quelque tems aupa-<br />

^ourS^Âz^ ravant, d'aller établir leurCo uvent dans quelque pays, où ils<br />

fe^lnfifi euffent plus de pouvoir, & moins de fujettion; de forte que,<br />

xempiedes malgré'Ics avantagea, dont ils jouiffoient Qn Chypre-, depuis le<br />

gik?s. ' dépai$^ des Templiers qm avoient .Quitté ce pays, dès l'année<br />

1305:^ &**les'avoient laifTés entièrement maitrcs.de Ville de<br />

Ltmifol, & de lès dépendances, ils réfolurent de changer leur<br />

réfidence. -^<br />

fl 'ieft bon de favoir, que, pendant que les Hojpitallers étbiept<br />

occupés à faire les préparatifs néceflaires- pour leur entreprife,.<br />

les Templiers augmentoient confidérablement leur réputation,<br />

& leurs TfiqliplÇ^;^ ci", apièa »voir quitta Ci^yjr^pour le même<br />

fiijet, que les tfq^italiers, ils abordèrent en AV//?, où ils<br />

fi^çnt fi,ftvorablqm^t reçus du Roi CHARLES IL qu'ils s'eijr<br />

' ^i^èrentà le fervir contre AKDRONIC, Emp|reur ûe Con/laft-<br />

Impie. *A^ cet effet, il leur donna-le commandement d'une<br />

Flotte coi]i.fi


DE CHYPRE. Lrv. XV. CH. I. ^G'^^<br />

roit les biens, & les terres, qu'on prendroit fur ANDRONIC,<br />

pourvu qu'on afFoiblît fès forces, & qu'on lui facilitât là conquête<br />

de l'Empire, & la deflruélion de celui qu'il prétendoit'le<br />

pofTéder injuAement.<br />

Les Tempiiers, aux quels h féjour du Levant étoit devenu Article m<br />

odieux, témoignèrent deTindifférence pour la polTelTion dès<br />

Villes, qu'ils avoient «onquifes, ôc retinrent pour leur portion nsrepaf<br />

tout for , Targent, les joïaux, & autres chofes précieufes, "Frtoce,<br />

qu'ils avoient pillées, & fe retirèrent en France, pour en jouir J-**'Jf^<br />

paifîblement,&pour faire valoir les bellesCommânderies,qu'ils j^x.<br />

poflédoierit dan^ toute b,Chrétienté, par la libéralité des Princes,<br />

& autres Perfonnes pieufes, qui croïoient de g^ncr le<br />

Paradis, en donnant leurs biens aux Religieux. Us compartirent<br />

les Villes, & Iles conquifes aux avanturiers, qui avoient<br />

fuivi leur fort, chacun à proportion de fes armemens. Ils donnèrent<br />

le Duché d'Athènes, à. R B'» i É R AC C I A Ï O t I , Gen- ^f*" "'-<br />

C08 lits<br />

tilhomme Florentin, dont les Sueceffeurs l'ont pdTédé long- ca^: de<br />

tems, auffi bien que la. Ville de Corintbe, qui leur vint enfui- ^'^^„^'<br />

te par une Alliance. Theffaltmic, & les autres lieux échui-ent<br />

k leurs autres afTociés* La retraite des Templiers dans un<br />

pays, où ils ne pouvoient exercer continuellemeat la guerre<br />

contre les Infidèles, jointe à la pofleflion dès grandest ridiefTés,<br />

qu'ils y avoient portées , les plongea infenfiblement dans le<br />

luxe, dans la molefTe, & dans plufieurs autres vices,, qui ^furent<br />

bientôt après la caufè de leur defhruélion, & de lew aoéantifTement»<br />

Leur vie rolàcliée & licencieufè , & k dép^afcîexccfTive,<br />

qu'ils faifoient en habits , en ameuMèmens^ en domefbiqués,<br />

en chevaux, en chiens, & enfin en magnificence pour<br />

leurs tables,. qui étaient toujours abojidamment fournies de<br />

tout ce qu'on pouvoit trouver de plus délicat, & de plus<br />

exquis, fcandaliâ fi fort toute la Cour de France^ que chacun<br />

Ddd dd 2 y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7^4- HISTOIRE G E'N E'R A L È<br />

y murmuroit du mauvais u6gô que ces Religieux faifoient des<br />

bienfaits, qu'ils avoient reçus delà libéralité des Princes,<br />

Article/// Divers Courtifàns en partieuTier, qui refTentoient une jalou^<br />

fie féçrette de leur magnificence, & du fafle, avec lequel ils<br />

vivoient, parlèrent li fouvent au Roi PHILIPPE de leur immo-<br />

^ dellie, & de leurs dérèglemens, que ce Monarque en informa<br />

le Pape, le priant d'en prendre connoifTance, & d'y remédier;<br />

de forte que les raports des Courtifàns, joints à l'accufàtion de<br />

deux Chevaliers, condamnés, pour leurs crimes, à une prifon<br />

perpétuelle, & retranchés de cet Ordre, avancèrent leur<br />

perte. L'un étoit Prieur de Montfaucon, en Lang4ieàoc. L'autre<br />

fe nommoit NUFODEI , & étoit Florentin de Nation : foit<br />

dans i'ej^rânce de recouvrer leur liberté, ou pour fe vanger de<br />

l'injuflice, qu'ils prétendoient qti'on leur faifoit, ils révélèreiA<br />

les excès d'impiété, & les abominations, que commettoient<br />

jQumdlement leurs confrères. Ces excès parurent lî exécrables<br />

aU' Roi, que, fans attendre les ordres, m la décifion du Poiitife,<br />

il fe fervkde fon pouvoir, Ôc les fit tous arrêter, afin<br />

^Jius^m^ difent Quelques Hifloriens ) de le Ikilîr de tous leurs biens.<br />

wdre du Quoique le fentiment «de DUCHESNE , qui raporte leur procès<br />

^* tout au long, & qui en déduit les particularités, foit fort différent<br />

, j'ai cependant cru devoir mettre ici lés diverfes opinions<br />

des Ecrivains fur un fi^t fî important, ôc m'en remettre<br />

à la reflexion du Leébeun<br />

^ Le Roi fk enfuite travailler à leur procès. Malgré le déplarfir,<br />

que lui témoigna le ^/. Père d'un procédé, qui donnoit<br />

atteinte à Tes droits, & k fon autorité, rafFîâre ne laifla pas<br />

d'avoir cette fuite funefte, ^terrible, qui abolit entièrement<br />

^tte Religion, & qui termina, par unfuplice fi cruel, -ôc iî<br />

infâme r la vie de JAQUES DE MOLAI, Maître 4e cet Ordre',<br />

ôc deGm, Frère du Dauphin de Vienne, zvec foixante 4c<br />

lEmsCoirfrà"es.-. Us furent tous brûles vifs, fans que les belles<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i>E CHYPRE. Lïv. XV. CîL r. ^f6s<br />

àûîons, que leurs Ancêtres avoient faîtes en Syrie, contre les<br />

Infidèles, depuis îpo. ans delà fondation de leur Religion, ni<br />

leur naiflance, quoique des plus iUufbes, pulTent empêcher<br />

l'exécution de l'arrêt, qui avoit été prononcé. Tant l'avidicé<br />

de s^empafer de leurs richefTes, qui ( fetoii quelques Auteurs<br />

) faifoient leur phis grand crime, avoit rendu les Princes,<br />

ôctous ceux qui ei|)érpient y avoir part infenfîbles à<br />

leurs malheurs.<br />

Bosio, Auteur grave, ôc fort approuvéE i^orte, dans ^fjjf'^^<br />

fon Hiftoire de h Religion yêrojblymitane, que, quelque en- rOrdredu<br />

vie, qu'aient eu les Hiftoriens François , d'adoucir la rela- ^"^Fr?nce!<br />

tion, qu'ite font de la détention, ôc de k condamnation ^.^^^^^1^.<br />

de ces Chevaliers, afin de diminuer lé tort, qu'elle a fait à «/«phiiîp.<br />

la gloire du Roi PHILIPPE , ils n'ont pu jufïiifier la condui- P^'^*^*^te<br />

de ce Prince fur ce fujet, ni empêcher que la pcAérifé<br />

ne croie, que Ion* avarice"naturelle ait été Iz feule caulè, qui<br />

Fa porté à perfécuter, Ôc à ruitier entièrement cet Qtàfe,<br />

Le Prieur àe Montfaucon, ôc le Chevalier NUFODEI , qui<br />

contribuèrent à l'accélérer, ne jouirent pas longtems de l^urs<br />

véritables, ou faufTes accufations; Leurs mauvâifës inclinations<br />

les Créèrent à commettre de nouveaux crimes, qui furent<br />

xraufô que le premier eut h tête tranchée, ôc que l'autre<br />

fut pendu.<br />

C H A P I T R E It<br />

Cependant FOULQUES DE VILLARET, Maître des Ho/pîta- AriUk^<br />

liers, après avoir mûrement délibéré avec fes principaux<br />

confrères, de quel côté ils chercheroient un nouvel établifle-<br />

Tment^ conclût, qu'aucun endroit du Levmt ne leur convenait<br />

Ddd dd 3, mieux,..<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


766 H I S T O I R E G F N E' R A L E<br />

mieux , ique file de ^odes, où ils auroient toute la commodité<br />

d'exercer Içiir proftffiori, ôc contre les Sarrafins d Egypte<br />

5 Ôc contre les Turcs à^Afie, qui commençoient à infeder<br />

les mers du Levant, ôc à faire ^e grands ravages dans toutes<br />

Içs Ile§, qui dépendoient de fgmpire de Grèce, U réfofut<br />

d^. mettre tout en ufage, pour fe rendre maître de cette lie;<br />

f"\Sfvtu-^^'^E comme il n'étoit pas moins prudent, ôc circonfped,<br />

lent s'éta- qu'entreprenant, ôc hardi, il crut, que ,* pour bien réùffir dans<br />

des,rff/v foii entreprife, il étoit à propos d'en obtenir l'agrément Ôc l'in-<br />

-fé'kpmm vefiiture de l'Empereur dp Çanjtmtinopk, auquel elle appartc-<br />

Gîeç. «oit, quoique, depuis l'année \.%Q%. que les Latins s'étoiènt<br />

i> • em$i?^é9 de cet Empire, certains Seigneurs Grecs de la Maifon<br />

GuALï^s qui l'avoiçnt occupée, s'^en fuffent appropriés la fouveraiîieté,<br />

ôç fe ftifTent entièrement fouftraits à l'obéifTance des<br />

.Empereur?. - v-<br />

En' ejïei, quoique les Qr^.f eufTent enfuite chafTé ba Lapins<br />

% §c fufl^^oi? fPMf^ d^l?s la pafTeffioîi de- l'Empire, ceux<br />

qui avwent, occupé l'Iie de Rhodes s'étoient maintenus dans<br />

lei^t Ufurpation , fans vouloir reconnojtre les Empereurs en<br />

^iiçupjç manière. Çep^yE^^t, foit que leurs forces fe fuffent<br />

diminué.É^5, ©U: qu'ilscraiginiflent enfin d'être punis de leur révolte<br />

, çu qu'ils aimafleiit : mieux fe foumettre aux Infidèles,<br />

Rhodes "^û'à ceux'de leur Nation, ils y introduifirent les Sarrafins,<br />

occupée qui en devinrent entièrement maîtres. Ils la dominoient encoliarrïfins.<br />

re > lors que les Hojpitaliers en entreprirent la conquête.<br />

Lé Maîtpe de VILLARET qui n'ignorait pas, que le fécret efl<br />

l'ame des grandes affaires, ôc le véritable moien de les bien<br />

conduire, ne voulant fe^confier a perfonne, paffa lui même à<br />

Conjlantimple, d'où, après avoir obtenu ce qu'il fouhaitoit de<br />

l'Empereur ANDRONIC, il alla en France i où le Pape avoit transféré<br />

le St Siège, ôc où, au grand regret des Romains^, ôc ie<br />

tàutia l'i/â^^, il réfida 71. ans. Il comnduniqua fon ètSeàn au<br />

Sii Férc, ôc lui demandai une |Mr


DE CHVPRE Ijy. XV. Crt-H. r^y;<br />

ter^ p^tldanjt le^ révt)ktién9 qui venoient d'arriver en Egypt^^<br />

L6 Soudai» M £• L E ç - N A s s B R avok été renvcrfé du Trône par<br />

BARINNER, ..Ê/w/r-JSf^r, ou Crand-Amiral des Mammehcs;<br />

éi il avoit été colicraint ,^^atier fe réfugier dans le Château de<br />

Montréal L'iffurpateur étoit lui même fort embarralFé àfe foutenir<br />

contre le foufev^ment des autres Emirs, Ôc par confequent<br />

hors d'état de fecourir ks Rhoâiens,<br />

Le Pontife, flatté de refpérancede relever, en qudque ma- Anicie /A^<br />

nière, les affaires des Chrétiens Orientaux, loua extrêmement mi de<br />

h ièkîjf Ôc la^ réfolution des Hofpitaliers, 11 fit publier un ^l^elux<br />

Jubilé, par lequel il àecordoit une indulgence plénière, & HO/P'^la<br />

remiffion de tous les péchés à ceux qui contribueroient,<br />

en argent, en armes, ou en munitions, pour k guerre qu'il<br />

défir oit de feire recommeiicer contre les Infidèles, & le recouvrement<br />

de la Terrer Sainte. Cet expédient fit tant d'éf^<br />

fet fur l'eiit des Peuples, qui, depuis longtems, n'enteadoient<br />

plus parler de Croifades, ni de Jéfufakm, que VILifARET<br />

eut bientôt amàffé des fommes très-conûdérabîes, abondance<br />

de provifîons, ôc quantité ds Perfonnes de diflinélign,<br />

tous bien acompagoés, pour le féconder daps fon Expédition;<br />

de forte qu'après^ avoir obtenu du St, Père iftie Bulle, par lar<br />

quelle il donnoit, ôc accordoit file de Rhodes \ la Religion<br />

y^rofolimitane 9 avec autorité d'y pouvoir riommer à<br />

Tavenir un Archevêque, il fe rendit à Brindes,. d'où il par- 1309;.<br />

tit au commencement de Tannée 130p. avec vingt .Galères,<br />

ÔE plufieurs Bâtimens de tranfport , qu'il, acheta , outre divers'<br />

autifes,^ dont lé. Roi de Naples, ôc les G^«»x l'avoient^^«^"|J*<br />

accommodé. Ils croïoient tous, quç Ibn deflein étoit e?-Bfécretl<br />

fedivement d'aller tenter le recouvrement de. Jérufalem. Le ts^fj^^<br />

Pape, feul &vait de quoi il s'agilToit. ^ ,t»i>"^<br />

Cepfi»da«it, comme il lui reftoit encore des forces, ôc<br />

èeé effets confîdérables en Chypre, VILLARET pal& , avec<br />

'& Flotte, devant Rhèdes, Gtm témoigner en aucune manière-'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f69 aiSTOÏRE CE'NE'RALE<br />

re fon delTein à perfonne, foit pour y préparer les principaux<br />

Seigneurs, qui s'étoient emèarquésavec lui, Ibit pour prendre<br />

ks Habitans de cette Ile au dépourvu.<br />

Article///. Il tfeut pas plutôt abordé kLimifol, qu'il fit embarquer tous<br />

fes Chevaliers avec tous kurs équipages, Ôc généralement tout<br />

ce qui appartenoit à la Religion, ôc remit immédiatement à la<br />

voile vers Rhodes, où il. trouva en effet les Sarrafins,. Ôc les<br />

Grecs fi peu fur leurs gardes, ôc fi dépourvus, qu'il eut beaucouji<br />

moins de peine, qu'il ne fel'étoit imaginé, à fe rendre<br />

maître d'un pays, pour îa conquête duquel il avoit*fait de<br />

Horpita- fi grands préparatifs. Il entra triomphant dans la Ville Ca-<br />

&hoder pitale le 15. d'Août, ]oiir de Vx^bmption de h Fierge, ôc commença<br />

a y faire l'établifTement de fon Ordre.<br />

Le Continuateur de la' Guerre-Sainte, que Bosio paroît ap-<br />

^ouver, dit pourtant, que l'Ile de^Rhodes ne fut prife, que<br />

par compofîtion, après plufieurs furieux, Ôc terribles afTauts.<br />

Il eft vrai que ce dernier Hiftorien convient, qu'il n'en a d'autre<br />

certitude, que la répréfentation, qui s'en voit dans quelques<br />

tapifleries , que le Grand-Maître PIERRE D'AURUSSON<br />

avoit fait faire, pour conferver la mémoire de cette glorieufe<br />

conquête, Ôc celle des belles aélions, qu'avoient fait les<br />

Chevaliers, pour furmonter les grands obftacles, qu'ils y rencontrèrent.<br />

Il dit même, que la plupart de ceux qui en ont<br />

écrit afTurent, que cette Ile fut jM-ife par 'ftratagême, ôc fans<br />

:. beaucoup de peine.<br />

Mais, enfin, que ce foit par rufè, ou à force ouverte, que<br />

les Hofpitaliers s'en rendifTent maîtres, il eft fur qu'ils y établirent<br />

fî bien leur Couvent, Ôc leur domin^ion, qu'en peu de<br />

*. tems ils s'emparèrent auffi de fept autres Iles voifines ; làlis<br />

fe ren- voir, de Mzzaro, Pifcopie, Cakhi, Limmîa, Simia, Tilo, &oSts»<br />

ImT/ept^^^^^ AZ/^o/^^ de jCardo, où ils fe maintinrent pendant deux<br />

Iles vnfi. cens treize ans, malgré le voifinage des Infidèles, ôc les<br />

*^^' grande efforts que firent les Turcs, à diverfes reprifes, pour<br />

s<br />

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DE CHYPRE. Lnr.XV. CH.IL 76^<br />

les en chaffer. Aufll, après la conquête de Rhodes, ôc deS£e/Ji^-<br />

Iles adjacentes, les Supérieurs du Couvent, qui n'avoient por- JJ^JfjJ.<br />

té jusqu'alors que le fimple Titre de Maîtres, y ajoutèrent iierspf«icelui<br />

de Grand, qu'ils ont toujours conferve depuis, ôc fes con- SToranT<br />

frères qui fe nommoient auparavant Chevaliers de Jérufalem, ^J'if^^'<br />

fe firent appeller Chevaliers de Rhodes. On prétend même, s'tppeUent<br />

que ce ne fut, que fous le M^giftère de JEAN DE LASTIC, ^iRhodc"<br />

en 14.37. qu'on commença à donner le Titre de Grand-Maître<br />

au Maître de cette Religion ; Car, n'en déplaife aux par- ^^^.<br />

tifans du P. MAIMBOURG , que je révère fort d'ailleurs, ôc qui ^9^z ordonne<br />

le Titre de Grands-Maîtres aux Chefs des Ordres Militaires,<br />

dès leur établiffement, les Templiers, ni les Teutoniques,<br />

ne l'ont jamais porté. Je ne trouve point non plus, que<br />

les autres Auteurs parlent aufli fouvent, ni même auffi affirmativement,<br />

qu'il fait du feu grégeois, ni des flèche» empoifonnées,<br />

qu**on trouve fi fréquemment dans fon Hiftoire des<br />

Croifades,<br />

C H A P I T R E III.<br />

Auffi, les Maîtres des Chevaliers de Rhodes avoient-ils rai- Article/,<br />

fon de fe donner le Titre de Grands, a caufe de la fou- Rgif^s^<br />

veraineté , ôc de l'indépeiidance , «p^ils avoient acquife d'un ^*^^'.<br />

pays, qui n'avoit pas été moins fameux dans les iitdesp^S- Miitredet<br />

fés, qu'il le devint par leur réfidence, puisqu'outre la V^'deKh^eÊ<br />

fince qu'ils acquirent à fes Habitans ^,cn les rendant maîtres èfinmmi<br />

des mers d^Orient, ils avoient eu encore le fom de les tenir M^e*.<br />

pendant tongtems entièrement purgées de toute forte de Pirates.<br />

Je ne crois paè fortir de mon fujet, nT me rendre désagréable<br />

au Leâeur, en lui difant, que cette Ile âvoit produit de fi<br />

Eee ce grands<br />

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fro H I S T O I R E G E' N E' RALE<br />

' gi*ands hommes eh lôïïté forte dt "Sètertces, que la mémoire nes'en<br />

éteindra jamais, particulièrement du cÉèbre CARÏTES hm^<br />

DE, qui fondit ce prodigieux, Ôc fameux Co/ç/?^ de bronze, dédié<br />

au Soleil ;^Ouvrage, qui't)afTa pour une dés fept merveilles<br />

dû monde. Il avoit ^o.coudées dé hauteur, ôc fut placé à l'entrée<br />

du'port, de manière qu'en y entrant les Navires lui. paffoient<br />

entre les jambes. Un tremblement de terre renverfà cette<br />

incomparable ftatuè, quarante-fîx ans après fon élévation.<br />

Rh'^^s'^^ Les Rhodiens confiHtèrent l'Oracle ; ôc n'en aïant pas reçu une<br />

^faàely réponfe favorable, ils'n'ofereiit plus la relever ; de forte qu'elle dejcriptm.<br />

jjjgyj;^^ rfnvenée à terre, jusqu'en l'an 6fo.de Jefus-Cbrifi, que-<br />

MuAViA,' Capitaine des Sarrafifis, défit dans une bataille navak<br />

CONSTANT , Fils de CONSTANTIN, ÔC Fetit-Fils de l'Empereur<br />

H E'R A CLI us. Apres quoi il prit Rhodes, fit entièrement<br />

rompre ce Coîoffe, ôc en vendît le métat à un. ^uif,.<br />

qui, felon. les Hiftoriens, en chargea pôo.Qiameàùx, ou, félon<br />

quelques-uns, 14.0.0. ce qui arriva 14.60. ans après qu'elle:<br />

^^ eut été fabriquée.<br />

Autrescbo- Lcs peintures de P R o T A^ E'N E S , Rhodien, ne furent gUèr<br />

^demSre TCs moius digucs d'admiratiou, puisque DE'ME'TRIUS , le<br />

• Rhodes. Conquérant, Roi^de Macédoine, qui avoit affiégé là Ville,.<br />

304.. ans avant la venue dfe yé/iis-Chrift, fut fi charmé de cesouvrages<br />

précieux, que ne pouvant battre la Placé, que du^<br />

côté, où les murailles étoient peintes, il aima mieux abandonner<br />

fon entreprife, que de les gâter.<br />

Lés é^les de Rhétorique, de Philofophie, ôc,de belles Lettres,<br />

y furent égajentnt fi eftimées., que les Ecoliers s'y réndoient<br />

de tous les endroits d^ A'JSurope. Les Romains mtmé^<br />

les préférant à celles de leur Ville, y envoïoient kur jeurfèffej<br />

Ôc prirent des Rhodiens diwQries bdks loîx, entre autres*", félon<br />

^s Jurisconfultes, VGLUTIUS , 'MFIIANUS> ÔC autres , la Loi^<br />

Rhodia de jaBu,<br />

L'état<br />

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DE CHYPRE. LÏV..X V. s Cu. III. r ? i<br />

L'établifTement des Ciievaliers dans un pofte fî coi^mode, ôc Article//<br />

fi avantageux, donna tant de jaloufîe à OTTOMAN I. qui avoit<br />

pfis le nom de Sultan, ôc qui avoit confidérabkra^nt augmen-,<br />

ter fes forces, depuis la mort d'ALADiN, Soudan d'Iconium,<br />

dont, faute de SuccefTeurs, les Etats furent partagés eatre<br />

fept des principales Familles Turques, ou, felon quelques Auteurs,<br />

entre quatre feulement, qui furent lesOTI^OMANS, les ASSEN-<br />

BEIGS, lesCARAMANS, ÔC ks CANDALORES. OlTOMAN arma Otto m a«<br />

une puifTante Flotte, ôc alla d'abord attaquer ks Chevaliers,/;/çJ^^<br />

avant qu'ils eufTent îe tems de fe bien affermir dans leur çon-Jif^s de<br />

quête. Cependant, quoi qu^s n'eufTent encore pu faire aucune<br />

fortification, ils foutinrent fes attaques, avec tant de courage,<br />

Ôc de fermeté, qu'ils donnèrent le tems à AMEDE'E<br />

cinquième Comte de Savoie, d'ajler les fecourir Auffi, ce généreux<br />

Prince, à qui fes belles adions avoient acquis le nom de Grand,<br />

Se qui avoit été heureux dans toutes fès entreprifes, ne le fut pas<br />

moins dans celle-ci ; Car, malgré l'habileté d'OTi'OMAN, ôclbn JJ^J^J^^^^<br />

acharnement contre cette Place, A M E D E'E l'oblig^ea à en lever faM^nce<br />

honteufementk fiégé, avant la fin d'Août 13 lo. un an après que Savoie. .,<br />

les Chevaliers s'en fuflent empwi^.<br />

Le Comte;de Savoie fut cliarmé d'avoir chafTé cet Infidèle,<br />

•Se affermi la Religion dans un lieu fi utile à la Chrétienté, parce<br />

qu'il afTuroit la navigation aux Pèlerins, qui alloient vifîter<br />

les Saints lieux, ôc qu'il refrénoit la puifTance des Turcs, qui '<br />

s'étoient déjà rendus formidables. Afin de conferver la mémoire<br />

d'une aéltion aulfi héroïque, qu'lieureufe, il voulut changer<br />

les armes que fa Maifon avoit portées jirsqu'alors. Cétoient ^rm«>i>f<br />

trois Aigles de fahle, en champ d'Azur, au lieu desquelles il ^J^^^^^f<br />

prit une Croix d'argent en champ de gueules, avec cette devife<br />

en quatre lettres ; F. E. R. T- Fortitudo ejus Rbddum tenuit.<br />

11 y a pourtant divers Auteurs, quiaffiirent, que la Maifon de<br />

Savoie portoit ks mêmes armes, ôc la même devife avant l'expédition<br />

d* A M E'D E'E pour fecourir Rhodes.<br />

Eee ee 2 Quoi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


772 H I S TOIRE G E N E'R A L E<br />

Quoi qu*il en foit, fes SuccefTeurs ks ont toujours portée»<br />

depuis, ôc ont été fi zélés pour i'agrandiflentent de la Repu»<br />

blique Chrétienne y Ôc pour îa déftniâïon de fes Ennemis, que<br />

pldfieurs de ces Mnces ont fouvent propoCé des Croifades con-'<br />

tre eux, ôc que lei^autres ont quitté leurs propres Etats, pour<br />

ks aller combattre, comme avoit fait AME DEE IIL qui accompagna<br />

LOUIS le jeune. Roi de France, dans k Terre-Sain-^<br />

^voietw. ^^5 & ^oij à fon retour, mourut ï Nicofie, l'an 1149. Nous^<br />

joutJi zélée avons encore vu de nos jours le Prince E u G E^N E , de l'Au-<br />

ÎJLf '' gufteMaifoô de Savoie, donner des preuves éclatantes de foa<br />

zèle, ôc de fa valeur contre ces mêmes Infidèles, dont il s'étoit<br />

reiïdu k terreur..<br />

•^1<br />

CHAPITRE IV.<br />

Aaticie/. T © déf^t des Ordres Militaires de l'Ile de Ciby/>^^ a été-<br />

J-^ trop mémorable en Europe,pm TanéantifTèment'des uns,.<br />

ôc TétablifTement des autres, pour ne pas croire que* mon Lecteur<br />

voudra bien me pardonner k digrèîîion que j'ai faite dans,<br />

mon Hiftoire. J'y reviens, en reprenant le fil des affairesde<br />

ChypKe, que j'ai kilTées dans l'abatement, que la difette,.<br />

ôc la fécherefe y cauferent, pendant trois ans entiers , au bout<br />

defquels les pluies y aïant enfin recommencé., on y reprit k.<br />

culture des terres, dont k fertilité fit bientôt oublier aux Peuples<br />

toutes Jesfouffrances pafTées.. Les Fainilles, qui avoient<br />

quité le pays, pour éviter là famine, y revinrent; ôc le Prin*<br />

ce ALME'RIC,. qui continuoit a gouverner en véritable Souverain,<br />

Y jbuïfToit de tous les plaifîi-s, & des commbdités de k<br />

vie, pendant que le Roi, fon Frère, languiflbit dans les prions<br />

kArmémei: où il y a apparence que ce bon Prince aurôit<br />

eAfia.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE Liv.XV. CH. IV. yn<br />

enfin fucombé, fî fe Plape, informé de fa ^tention, n'eut<br />

promtement envoie RAIMONO DK L'EPINE,fon Légat,en Chy^<br />

pre, pour k reprocher à ALMB'RIC, k reprendre de fes vi(>fences,<br />

Ôc k faire rentrer dans fon devoir;^ Ce Prélat le trou;va<br />

fî bien affermi dans fon ufiirpation, ôcfî réfdu de tf'y maintenir,<br />

que, malgré la bonne réception, qu'il lui fit, ôc l'efpé*<br />

rance, qu'il lui donna d'abord, de faire revenir le Roi, ôc de s'en<br />

tenir à k décifion du Pontife, il fit bientôt connoître, qu'il fe ,, ,.<br />

jouoit des uns, ôc des autres; ôc qu'il ne cherchoit, que desramujeUPi^<br />

excufes, pour éviter l'anathêmpe, qu'ail appréhendoit, que ^{Xlprt-<br />

Pape ne fulminât contre lui, ôc qui auroit été capable de ré- mejfes.<br />

volter les Peupks,' qui jufqu^alors avoient demeuré dans le fifence,<br />

ôc dans Finaétion.<br />

C'eft pourquoi k Légat, qui défiroit ardemment de pouvoir<br />

s'aboucher avec le Roi, afin de prendre avec lui les mefurès<br />

pour fa délivrance, Ôc fon rétabliffementy ôc pour ménager,<br />

en même tems, l'efpritinqiiiet, ôcméchant d'AiMi^Ric, qui<br />

étoit en pofTeffion des biens, ôc des forces de k Couronne, le<br />

fit résoudre de fe tran^iorter. en Arménie, pour en traiter p^fonnellement<br />

avec ce Prince infortuné. Quoi que cette entrevue<br />

reveillât les inquiétudes, qu'ALM ERIC z^oit refTenti dans<br />

ks commencemens de fa tyrannique Régence, perfuadé que k<br />

Reine ne manqueroit pas d'informer le Légat de tous ks mauvais<br />

traitemens, qu'il^ avoit faits à fes bons Sujets, néanmoins<br />

l'envie, qu'il avoit, de lever de nouvelles Troupes, Se d'araal^<br />

fer des pK>vifions , pour être en état de réfifter aux Ennemis»<br />

que k Pape auroit pu lui fuTciter, l'empêcha de s'oppofer<br />

à fon départ. .<br />

Ce Prélat ne fut pas f^utôt parti de Chvpre, qu'ALM'ERic Articiè/7.<br />

taxa tems les Juifs de l'Ile, auxquels on avoit permis de s'yy,^rt(/Mt.<br />

établir. Il en exigea cent mille ducats d'ori) par forme d'em»<br />

prunt. Il leva une. pareille fomme fiir ks Bourgeois des VÎBes,<br />

& délivra plufieurs commiflions pour lever des gens de guerre.<br />

Eee ce ^ tt<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


-7741 H I S T.O. I R E G E' N E' R A L E<br />

U fit,aufll perfeâ[ionner le^ fort^cations de Famagoufte \ -ôc,<br />

fous prétexte de faire nctoïer ^s foffés dç Nicofie, Ôc de Céri^<br />

nés, où ks eaux, qui y croupifTQientjCaufoient de grandes<br />

makdies aux Habitans de ces Villes, il fit venir grand nombre<br />

de paylans ^de tous les endroits de rilê, pour y travailler, &<br />

obligea ks mêmes Bourgepis à les nourrir, ôc à ^es payer. Il<br />

fit auffi abattre plufieurs Maifons, qui formoient une efpèce de<br />

Faubourg au dehors de Nicofie ,^ ôc qui auroient pu fervir à<br />

i^ ceux qui en entreprendroient le^fîé^,<br />

Pendant qu'A L M E'R I C fe précautionnoit avec tant de foin,<br />

pour-fe conferver k commandement, dont il avoit fi longtems<br />

gbûté k douceur, le Roi fon Frère, qui, depuis fa détentipn,<br />

ïi^avoit eu la liberté de parler à perfonne, eut la confoktion de<br />

recevoir k vifite du Légat Apoftolique, qui lui exprima la doulor<br />

, que k St. Père reffentoit dé fes malheurs. Auffi, ce<br />

Prince, bien éloigné des rufes,.Ôcdes mauvais fentimens d'AL-<br />

ME'RIC, fon Frère, fe remit d'abord au jugement, qu'il plai^<br />

roit à Sa Sainteté de prononcer fur kur différend, Il.voulut<br />

même, pour marque de fà confiance, donner fon EJanc-feing<br />

au Légat, qui, dans l'impatience df voir bientôt finir k captij^nepeui;<br />

vite de'cc Princc, repaffa ed Chypre, où il trouva ALMERIG<br />

Tr'efiZr incomparablement plus fier qu'il ne l'avoit laiflé, ôc fesauçoup<br />

du retour molus difpofé k écoutet aucune pr


»E CHYPRE. Liv. XV. CH. fV. fff<br />

Bat, lui coupa une main, qu'il emporta. Il fut fi promt à fè<br />

fauver, que, quelque diligence, ôc quelque perquifîtion qu'on<br />

fît, il fut impoffibk de découvrir la route qu'il avoit prife, ni<br />

ce qu'il étoit devenu.<br />

Ce funefte accident donna fieu à plufieurs jugemens incertains.<br />

Les uns fupofoient, que ç'avoit été Teffet de l'étroiteamitié,<br />

que SiMONET avoit toujours eue pour BALIAN D'IBE­<br />

LIN, Ennemi mortel du Régent.- Les autres l'attribuoient aux<br />

exhortations de quelaues Religieux , *qui publioient ouvertement<br />

, qu'aucune adion n'étoit plife agréable à Dieu, que l'extermination<br />

des Tyrans; Et ceux, enfin, qui étoient les mieux informés<br />

des affaires de fa Cour, affuroient, que SIMONET ne pouvoit<br />

avoir commis ce meurtre, que pour fe délivrer deff^ pourfiiites<br />

in&mes, ôc criminelles dutegent, qui étoit fort fujet<br />

à tomber dans certains excès déteftabks, principakment lors<br />

qu'il étoit pris de vin, comme il' ne lui arrivoit que trop fouvent<br />

; Ô27 que c'étoit-k la feule raifon, qui avoit porté SIMONET"<br />

à s'en défaire, plutôt que de s'àbandoijner à k brutalité de<br />

fon Maître.<br />

Les Hiftoriens, qui en parlent, font afTez différents' entre Anide///;<br />

eux. Le Père LUZIGNAN prétend-, que SIMONET DU MONT,<br />

Chambellan du Prince ALME'Ric, poulTa fi loin fon audace, -<br />

ôc fon ambition, qu'il poignarda fon Maître dans k Chambre ^«'P«»*"»'<br />

des Comptes, lors qu'il crut fon parti afTez fort pour fe mettre nemempar<br />

lui même en pofleffion du gouvernement : Entreprife qui ne ^'^^^"""^^<br />

paroit point vraifemblable , puisque le Connétable n'étoit pas<br />

moins avide de la domination, qu'ALME'Ric, fon Frère. Il<br />

fouffroit à-peine l'autorité entre fes mains; Ôc il avoit d'ailleurs<br />

tant de pouvoir dans le Roïaume, qu'il fut même impoffibk à<br />

la Reine, ôc au Légat, d'empêcher, qu'il ne fe faisît (Je la<br />

Régence, Si tôt qu'ALME'Ric fut mort, 'ôc qu'il n'obligeât la<br />

Cour fiîpérieure , ôc les Peuples , à lui prêter k ferment dé<br />

fidélité^ Il n'eft donc pas problable, qu'un fimple particulier,<br />

Offi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


77^ HISTOIRE GE'NE'RALE<br />

Officier, ôc fujet de fa Maifon, qui plus eft, teint du lang de<br />

fon Frère, eut pu prétendre à aucune dignité, ni même demeurer<br />

impuni, fi on avoit pu l'attraper.<br />

^Cependant la mort tragique du Régent, bien loin de faire<br />

accélérer le retour du Roi, faillit au contraire augmenter les<br />

risques, qu'il avoit jufqù'alors courus en Arménie, foit par l'opiniâtreté<br />

du Connétable, qui vouloit fe maintenir dans le gouvernement,<br />

qu'il venoit d'ufurper à fon tour; foit par ks cris,<br />

SSue ^ les plaintes de la Princeffe ISABELLE, qui, pour animer le<br />

cjwtfff/c jRoi d^Arménie, fon Frère", à vanger k mort de fon Epoux,<br />

««t.'""" lui écrivit, " que c'étoit le Roi HENRI, qui l'avoit fait affaflî-<br />

-„ ner ; ôc que, non content de fa morfe funefte, il tramoit en-<br />

«,/..«. ^3 core fa propre perte, Ôc celle de fes Enfans.<br />

r/f/chy"_ Mais plufieurs des principaux Barons du Roïaume , las<br />

5J}^;J''"'*de la Tyrannie des Princes, Ôc de l'injuftice atroce, qu'ils faiisurRoi.<br />

foient à leur Frère, Ôc à kur Roi, allèrent, à vive force, s'emparer<br />

^e Famagoufte , comme la principale Ville maritime. Se<br />

la clef du Roïaume. Ces Seigneurs , dont les principaux étoient<br />

HUGUES DE HASSAN, ROBERT DE MONTSEGARD^ ÔC<br />

RAIMOND SANSON, furent fi bien faire comprendre aux Habitans,<br />

45u'il étoit tems de délivrer leur Roi, ôc honteux pour eux de<br />

l'avoir fî long-tems laiffe dans Fexil, ôf en danger de perdre k<br />

vie, par le mauvais cœur de fes propres Frères, ôc par la révolte<br />

de fes infidèles Sujets, que les bourgeois de cette Ville<br />

prirent les armes pour fe joindre à eux, ôc contragnirent le<br />

Baron JEAN DE BRI^S, à qui le Connétable avoit confié k<br />

garde du Château, de le leur rendre. Il s'eftima encore bien<br />

heureux de pouvoir éviter la fureur du Peuple, qui Paûroit faerifié,<br />

s'il n'avoit trouvé le moïen de fe fauver promtement à<br />

Nicofie. , . ^<br />

La révolte des Famagouftains contre le Connétable, jointe<br />

au crédit des Barons, qui étoient à kur. tête, fit bientôt changer<br />

la face des affaires, r La plupart des Gouverneurs des autres<br />

Places,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DI CHYPRE. LIT. XV. CH. IV. ?7^<br />

Pkces , qui n'attendoient qu'une occafion pour rentrer dans<br />

Tobéiffancede leur légitime Souverain, ôc pour recevoir dans leurs<br />

Villes quantité de Nobkffe qui s'étoient retirée fur leurs terres,<br />

prirent tous le même parti; de forte qi?accourant à Famagoufte,<br />

il s'y trouva bientôt plus de deux cens Gentilshommes, ôc<br />

près de fix mille Hommes armés, dont ks Chefs ne manquèrent<br />

pas d'informer promtement la Reine Mèje, ôc le Légat,<br />

du deffein, qu'ils avoient formé d'cnvoïer xmé'Galére en Arménie,<br />

pour tâcher de délivrer le Roi<br />

Le Connétabk, qui en fut informé par quelque mauvais Sujet<br />

, trouva le moïen de féduire k Capitaine du Port de Famagoufie,<br />

qu'ils avoient dioifî pour commander cette Galère, Ôc<br />

qui avoit tcJbt le fécret de l'affaire, ôc engagea la Princeffe ISA­<br />

BELLE d'écrire au Roi d^Arménie, fon Frère, qu'M fit transférer<br />

le Roi, ôc ks Barons Chypri&ts, qui y étoient prifonniers avec<br />

lui, dans k fort Château de Perfêpolis, où ils feroient plus en<br />

fureté, que da^ celui de Lambron, puisque ce Prince, ôc ces<br />

Seigneurs dévoient^être les garans de ce qui poiivoit arrive? en<br />

Chypre, à elle, Ôc'à fes Enftns.<br />

•<br />

0»%h. .«.i>9/)h Afyjff. .goa». .vioa», Moati. .«nos)!. .«.oan. .«ofth. Atos5 .ixswt, .*os». AO(s>fh .\I.offlii,.


7?S H I S T O I R E G E^ N E' RALE<br />

C'eft pourquoi le v^ïàge de k Galère^ qu'on envoïa en Ar*<br />

ménie^, fut inutile, ôc ne fervit qu'à découvrir k traiiifon du<br />

'Capitaine du port de Famagouflt. Dès qu'il eut abordé aux, côtes,<br />

il feignit de prencRe langue, ôc fe^rendit auprès du Roi<br />

di Arménie, au quel il découvrit tout le complot, làns que le<br />

danger, qu'il faifoit courir à là {«roprçrFemme, ôc^ fes Eiifans,<br />

aux quels vOn auroit pu, faire porter k peine de fon crimei,<br />

fût câpaMe de l^n détourner.<br />

Le Conéétabk cependant, qui'ne pouvoit fouffrir la Ville<br />

de Famagovfieh.oxs de fon obéïffance, fe flatta d'y trouver encore<br />

^ffez de «créatures, pour lui en procurer k, recouvrement.<br />

Il prit avec lui deux cens Cavaliers d'élite, ôc ,fe rendit fécrettement<br />

au Bourg de Calatta^ diftant d'une demie lieue de<br />

la Place, pour exciter 4ès amis à faire


DE CHYPRE. LïV.XV. Ca V. ?>><br />

ment contre lui, qu'ils avoient été promts,. ôc dociles auparavant<br />

à lui prêter obéïffance ; de forte qu'il courut plus de<br />

danger au milieu du Confefl , ôc eut plus de peine à s'échapper,<br />

qu'il n'en avoit eu d'éviter les Famagoufiains.., Il fut même<br />

^obligé, pour fe mettre en fureté, de recourir aux bons ofiîces<br />

de k Reine fa Mère, ôc du L^at, qui eurent affez de<br />

crédit, Ôc 4'autorité , pour calmer ce tumulte. Ils flireat Si<br />

bien en profiter , qu'ils engagèrent enfin tous ks Membres<br />

de la Cour fiipérieure , à ne plus reconnoître d'autre fupériprité,<br />

que celle du Roi HENRI, leur légitime Souverain ; ôc<br />

ils portèrent le ConnétaWc à un accommodement, qui 2i\xvoitLeconfeu<br />

mis k calme dans la iN^ifonRoïale, *fi ce Prince, qui n'y con-{"^^/*<br />

fentit, que par nécelfité> ne s'étoit immédiatement après reti-^'^'"»"''^^''«<br />

rè, avec fefl adhérens, à Cormachiti, lieu maritime, fort, Scpértorîté,<br />

commodç, pour s*y maintenir longtems, ôc pour y recevoir, £*JJ2^'^<br />

avec facilité i les fecours étrangers. Il fidloit d'ailleurs faire un Henri,<br />

nouveau Traité avec k Princefe ISABELLE, dont k liberté du<br />

Roi dépendoit entièrement. On cçaignoit même la fierté de<br />

-cette Dame en Arménie, où.elle auroit immancabkment fait ^<br />

retenir le Roi HENRI , autant qu'elle auroit voulu, f<br />

En effet elle étoit de fî bonne intelligence avec le Connétable,'<br />

qu'elle l'avoit affuré, "que, s'il pouvoir engager les Turcs<br />

de la Caramanie à le fecourir, elle porteroit le Roi d^Arménie,<br />

fon Frère, à l'affifter de toutes fes Forces ; de forte que, pour<br />

éviter l'évafîon de cette Princeffe, on fut obligé de mettre des<br />

gardes: auprès* d'elk, ôc de lui déclarer, " qu'elle ne devoit^''^j'^*"-<br />

„ point s'attendre à fortir de Chypre^ que le Roi n'y fût de re- Princeffe r-<br />

„ tour ; qu'àinû, il étoit inutile de^faire^perdredu. tems aux Bà- ^en^mffr<br />

„ timens , qu'elle, avoit fait venir IScrettement ,^ôc qui pre-'*/«**•<br />

„. noient la peine de côtoïer, pédant lanuit, ôJ tenoient le<br />

„ large pendant le jour. ^ - -^<br />

Ces jM:écautions jointes à k févérité, avec laquelle on ob- Articie/tt<br />

fervoit toutes fes démarches ,^ ôc le peu de liberté qu'on lui laif<br />

Fff ff 2 foit.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


780 HISTOIRE G E'N E' R A L E<br />

Traitéerare^'^'^^y étoicnt fî coutraircs à fon inclination, qu'elk aima mieux<br />

la/î«ine,tefacrifier tous ks projets, formés par fon ambition, que de mebaute'ctur,<br />

ner une vie fi iiîfoportabk. Aufli traita-t'elk bientôt avec la<br />

IpriJefTe Reine, le Légat, ôc le Ccwifeil fupéïieur, Ôc s'accorda aux coriifabeiie.<br />

ditious fuivautcs.<br />

c


BBCHYPRE. .LiT.XV. CuVI. ?8f<br />

C H A P I T R E V I .<br />

CE Traité fut inceffamment envoie au Roi, afin qu'il le ra- ArMcicit<br />

tiliât. Quelque avantageux, qu'il fût à la Princeffe ISA­<br />

BELLE, fc défir qu'elle^ confervoit toujours d'empêcher fe retour<br />

de ce Prince, ôc de faire tomber la Couronne k fes Enfans,.<br />

iomme e^ en étoit convenue avec le Connétable, l'engagea à<br />

écrire au Roi d'Arménie, fon Frère, de trouver quelque nouvelle<br />

difficulté pour le retenir ; mais cet attentat ne put avoir<br />

lieîi. •<br />

Le Roi HENRI , fans s'arrêter au préjuÈce , que ce Trai- UbertUm<br />

té faifoit à fî propre Perfonne, Ôc aux loix fondamentales du^JJJJ/^<br />

Roïaume, le figna , fans aucune difficulté. Il auroit même 2f«»^^.<br />

accepté des conditions pJus dures, pour fortir de captiviré. Le<br />

Roi dl^Arménie, de fon côté, étant bien aife de fe défivrer de<br />

• l'embarras , que lui donnoient depuis fi longtems , la détention<br />

de ce'TPrince, ôc celle dès Seigneurs d'iBELiN ; craignant<br />

d'ailleurs que,s'il continuoit à les retenir,k Légat ne fulminât<br />

contre lui l'anathême, dont ill'àvoit menacé y prit k parti de<br />

faire conduire le Roi de Chypre kLayazzo, où k Légat même<br />

s'étoit rendu pour le recevoir. L'échangé s'en fit, de la msbmère,<br />

qu'on en étoit convenu avec k Princeffe ISABELLE , laquelle<br />

débarqua en même tems de la Galère, qui l'y avoit conduite,<br />

HENRI s'embarqua, enfin, au grand contentement du Légat,<br />

ôc de k Nobkffe (^priôte, qiâ étoit allée k recevoir.<br />

Les équipages firent retentir l'air de leurs cris de joie. Ils ks<br />

redoublèrent, en approchant de F^amagoufte, où ce Prince ^tf^^^^^<br />

pié à terre,, après trois jours de Navigatioui La Reine, hspuiic.<br />

Mère, qui s'y étoit rendue, avec k plupart de la Nobkffe du<br />

Roïaume^ le recutavec des marques, ôc de» traifports de joie,<br />

Fff ff 1 qjl^O»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

«


782 H rs TO IR: 1 G E N F R A L E<br />

qu'on ne peut exprimer. La confoktion de cette Princeffe étoit<br />

d'autant plus grande, qu'elle revoïoit fon cher Fils encore eft<br />

état de réparer tous les maux, que fes autres Fils avoient caufés<br />

au Roïaume.<br />

Le contentement du Souverain, Ôc la fatisfadion de fes Peupks<br />

, auroient été compkts, fi la continuatioii du féjour du<br />

Connétabk à Cormachiti n'^Lvoit fait connoître, qu il reftoit encore<br />

dans le Roïaume des femences.de difcorde, cajmbksd'y eaufer<br />

de nouveaux troubles, Ôc de grands malheurs. En effet,<br />

il ne tint pas à fon mauvais cœur, que toutes les r^uiffancoi<br />

publiques ne fuffent chang(^s en trifteffe ; ^ qu'il neirenverfât<br />

k Roi fon Frère du Trône, où il venoit de remonter, par<br />

la correlpondance qu'il entretenoit avec les Turcs de la Gar^manie<br />

; ôc ce fut l'efpérance,. qu'ils lui avoieat donnée de le<br />

féconder dans fon malin projet, qui l'empêcha de f enir prendre<br />

part, comme il le devoit, au retour du Roi fon Frère. La<br />

jeune Nobkfïe5 qui étoit dans fon parti, ne voulut point le<br />

quitter, ôc né^igea les Confeils de leurs Parens, quila follici^<br />

toient fans ceffe de recourir à la clémence du Roi. Plus fenfîble<br />

k la recornioiflànce ,iqu'il confervoit aux Perfones, qui<br />

\ avoient procuré fon rétabliffement, qu'aux chagrins, qu'il avoit<br />

reçu d'ailleurs, il leur auroit facilement pardonné leur révolte,<br />

parce qu'il ne déCroit rien tant, quede pouvoir promtement rétablir<br />

k bon ordre dans fon Roïaume, ôc recompenfer,<br />

comme il fit, ks Perfonnes, qui avoient été véritablement attachées<br />

à fes mtérêts.v<br />

Article//. Le Roi Ordonna, des prières publiques dans toute l'Ile, ôc<br />

He'nd wMt rendit lui même fokmnelkiigienl: gratbs à Dieli de fon rétabli!?-<br />

^mMufé- ^^^^^- Comme fon trop d'indulgence n'avoit fervi, qu'à faivêre,,pour<br />

rc dcs ingrats,il r^lut de tenir une conduite plus févère,pour<br />

jéÊimdu arrêter les féditions du Connétabk, ôerde purtirrigoureufement<br />

Cmnétatiie. ^Q^^ ^CUX qui l'entretenoieiit dans k révolte. Pour cet effet,<br />

ifenvîoaia les Barons JEAN DE MQK-ÏOUF, ÔE RWIN DE MONT­<br />

FORT^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liv.XV. CH. VI. 783<br />

roit.T,. avec quatre cens Chevaux, ôc mille FantalTins à Cor^<br />

machiti, pour fe faifir du Connétable, Ôc de toute fa compagnie,<br />

puisque la bonté, qu'il avoit eue de le faire informer de<br />

fon arrivée dans fa Capitale, n'avoit pu l'y attirer. •<br />

La Reine cependant, qui, malgré fa tendreffe pour le Roi,<br />

confervoit auffi des fentimens de Mère pour le Connétable, le<br />

fit promtement avertir de la réfolution de HENRI, ÔC du danger *<br />

qu'il couroit^ plutôt pour le faire rentrerjdans fon devoir, que<br />

pour,lui donner aucune terreur, qui pût l'en éloigner davantagçi;<br />

Mais, biep loin de profiter des tendres avis Àe cette Princefle,<br />

ôc de prendre un parti, convenables fon hoatieur, ôc à<br />

fes intérêts, il defcendit vers la mer, avec fes plus confidens,<br />

dans Pefpérance d'y rencontrer quelque Bâtiment, pour tràver;<br />

fer en Caramanie. Comme cette rade n'étoit pas fort fréquentée,<br />

iSc qu'il n'ayoit point prévu cette preffante néceffité, il<br />

n'avoit pas eu le foin d'y en entretenir quelçun, dc^t il pût fe<br />

fervir; ce qui l'obligea de. s'en retourner à Cor/w^ib/V/^ fortincertain<br />

de la route qu'il tiendroit, pour éviter la rencontre des Fuite da<br />

Troupes du Roi. Sa réfolution étoit de prendre ce qu'il avoit P'««


7«+ H I S T O I R E CE'NE'RALE<br />

fiawiaw^fe^ Maitre, furent d'abord reconnus. On les aïréta. La<br />

^^¥i!^^ plupart furent pendus; ôc les effets du Connétable revinrent<br />

àJiie. enfin au Roi, auquel ils appartenoient, pendant que, par k<br />

perfidie de ces ma^ivais domefliques, le Connétable étoit réduit<br />

à errer dans les bois, ôc dans ks Ikux les moins fréquentés,<br />

^ en habit d'Efçkve'.<br />

Ce Prince aïant trouvé là maifon vuide^ Ôc n'étant plus en<br />

état de s'y fortifier, comme il l'avoit prémédité, exhorta le<br />

Comte de JAFFA, HUGUES D'ANTIOCHE, ôcles autres Seigneurs,<br />

qui étoient en fa compagnie, de ne plus s'obftiner à fuivre fon,<br />

fort,ni à rilquer inutilement leurs vies, ôc leurs fortunes,mais<br />

de recourir immédiateme,nt à k clémence du Roi, qui, tant<br />

par raport à eux mêmes, qu'en confidération de leurs familks,<br />

ne manqueroit pas de les recevoir avec bonté, Ôc de ks rétablir<br />

dans leurs biens ôc leurs honneurs. Ils les quitta; ôc, pendant<br />

que ces Seigneurs fe rendoient à Nicofie par des chemins<br />

détournés, ôc fe refugioient, les uns dans f Archevêché, ks<br />

autKS dans différens Gouvens, lui feul erroit dans les déferts,<br />

en habit d'Efçkve, fans pourtant qu'une fî déplorable fituation<br />

fôt capable de lui faire prendre le bon parti, qu'il avoit confeillé<br />

aux autres.<br />

Le M le Lg Roi, informé de fon obftînatipn, par le retour des BajSJ^'<br />

rons de MONTFORT ÔC de MONTOLIF, qui, après s'être éckircis<br />

.de fa fuite, ôc avoir laiffe quelques ordres â Cormachiti, s'en<br />

étoient retournés à Nicofie, ne douta pas, que k Connétable<br />

ne mît tout en ulàge, pour troubkr fon repos. Il en conçut<br />

tant dépit, ôc d'indignation, que, malgréifon naturel doux, ôc<br />

bénin, iiréfolut de ne lui plus faire grâce. Il ordonna, qu'on<br />

fit une exafte perquifîtion des endroits, où il pouvoit s'être caché,<br />

afin de k faire mettre en lieu de fureté, Ôc où il n'auroit<br />

plus rien à crainâre dé fon mauvais cœur. II aprit, peu de<br />

tems après, que le Comte DE JAFFA, HUGUES D'ANTIOCHE,<br />

GÉRARD, & GAUTIER MEJ^ABO, RAIMOMD NOCERA» HUGUES<br />

PÉRI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Lir.XV. CH. VI. r»?.<br />

PEWSTERONE, SIMEON AZZUMI, ôcles autres partifans du Connétable,<br />

s'étoient réfugiés dans l'Archevêché, ôc dans lesCouvens<br />

de Nicofie. Il y fit d'abord mettre des gardes par tout,<br />

afin qu'ils ne puffent plus s'évader, fans vouloir écouter ks instantes<br />

fi^plications de leurs parens,:ôc amis, ni être fenfibk à<br />

l'humiliation de toute cette Nobkffe, qui afla un jour d'audience<br />

fe profterner à fes piés, de la manière du monde k plus"<br />

foumife, ôc la plus digne de compalfion.<br />

Après avoir entendu les très-humbles prières, que le Comte<br />

de JAFFA lui fit, au nom de tous, il lui répondit afTez. froidement,<br />

"qu'il prioit Dieu de leur pardôîlner leurs fautes,<br />

„ comme il leur pardonnoit les maux, que leur rébellion avoit<br />

„ caufés a fa Perfonne, Ôc à fes Etats ; mais qu'ignorant, fî le<br />

„ Connétable étoit dans les mêmes fentimens dé répentance<br />

„ qu'eux, l'étroite liaifon qu'ils avoient toujours eue avec fes<br />

„ Frères, ne lui permettoit pas de les laiffer en danger de re-<br />

„ tomber dans de nouvelles fautes, d'autant plus qu'il s'agif^<br />

„ foit de fa propre fureté, ôc de celle de fes bons Sujets ; Et "<br />

„ qu?il ètoit obligé de s'affurer de leurs perfonnes. " Il ordon- '^J,^^<br />

e rena,<br />

fur le champ, qu'ils fuffent conduits au Château de C'éri-voUéepwite.<br />

nés, avec défenfe au Gouverneur de les laiffer parler à qui que<br />

ce fût, fans fon ordre exprés.<br />

Il traita le Connétable, avec beaucoup plus de rigueur. Ce Artide/r.<br />

Prince, qu'on peut comparer au papillon, qui tourne tant autour<br />

de la lumière, qu'il s'y brûle, enfin ne fe croïant point<br />

en fureté dans les campagnes, ni afTez déguifé fous l'habic d'un<br />

Efclave, en prit un d'Hermite , à la faveur duquel, ôc d'une<br />

beface , qu'il endoffa, il alla faire la quête dans Nicofie, Ôc<br />

s'introduifit dans la maifon d'une Dame, dont l'amitié lui étoit<br />

acquife depuis longtems; foit pour y apprendre des nouvelles<br />

du fort de fes amis, dcJnt il n'ofoit parler à perfonne, crainte<br />

d'être recoimu, foit dans l'efpérance qu'elle lui aideroit k fortir<br />

du Roïaume. ri»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Sô, HISTOIRE G E' N E' R^ A L E<br />

^MeUrri- ^^is> coinme cette Dame n'ignoroit pas les ordres rigôu-^<br />

**' reux, que le Roi avoif fait JJubliêr contre tous ceux qui donrifc<br />

roient afife- à fon Frère, elle craignit, au bout de quelques<br />

jours, que fon commerce ne fût découvert, ôc ne caùfât k ruiné<br />

de k famille. Elle prit k parti d'aller trouver la Reine, à<br />

laquelle elle communiqua le déguifement >du Prince fon Fils,<br />

& le defïein qu'il avoit de fortir dû Roïaume; fe flattant y!<br />

qu'elle lui en procureroit ks moïens, ou qu'elle àgiroit fi'efficace<br />

ment auprès du Roi, qu'elk obtiendroit fa grâce. C'étoit»<br />

en effet, l'intention de cette Mère infortunée, qui n'avoit ja*<br />

mais reçu des déplaifîrs> qpe deTes Enfans. Cependant l'ar*<br />

dent défîr, qu'elle avoit de kuver celuî-ci,'ne fer€t qù'à'le'<br />

précipiter; Car, içalgré fes pfeurs, fes prières, ôcfes'^inftàn-<br />

AïWtf oh«-ces, auprès du Roi fon Fils, Ôc malgré la promeffe fokmnelkr. ,<br />

l^eine! * qu'clfe CU avoit exigée en lui révélant ce fécret, que la vie du*<br />

Connétable ne courrpit aucun risque, ôc qu'il fe'contenteroit<br />

d'une réparation, Ôc d'une foumiffion publique, il ne l'eut pasi,<br />

plutôt en fôh pouvoir,^qu'il fe vàngea de tous fes attentats,,<br />

'liuûa^fun d'une manière bien cruelle. Il le fît d'abord conduire au Cliâtachât,<br />

où il f^au de Cérincs, Se eut l'inhumanité de le faire mourir de faim^<br />

meurt de ., r ,...''•<br />

faim. dans un cachotit<br />

i '<br />

c H A ^ I T R E VFL,<br />

Article/.<br />

E Ifabelle nfin k Roi, après avoir puni tous ceux qui avoient' eu paîrt<br />

revient en<br />

Chypre, à la rebeUîon de fes Frères, en condamnant les uns à. des<br />

!kmksh P^^^^^ pet-pétudles, banniffànt les autres hors du Roïaume»,<br />

neTJma'Se confifquant tous leurs biens, eut aufïi laiàtisfadtion de re?^<br />

du Rai.<br />

tirer d'Arménie le Sénéchal, ôc ks autres Seigneurs, qui y é-,<br />

toient reftés en-otage., La Princeffe ISABELLE , qui défîrolt<br />

de.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


UB CHYPRE. Lit: XV. CH. Vît. 7«r<br />

de rentrer" dans fes bonnes grâces, ôc de retourner elle même<br />

en Chipre, dont elle préféroit le féjour à celui de fon pays natal,<br />

procura leur entière Ubertié.<br />

Alors HENRI, fé trouvant dans une parfaite tranquilité, confidéra,<br />

qu'il ne refixîit en Afte d'autres Princes Chrétiens, que<br />

le Roi di Arménie, lui, ôc k;ReligiQn d^Rhodes; Se que la domination<br />

des If^dèles s'étendôit tous les jours, puisqu'outre les<br />

progrès, que faifoit OTTOMAN, les autres Souverains TurcsAUiance<br />

s'étoient puiffamment affermis dans k Caramanie, dans la C'tf-Henrt?«*<br />

padocé. Se dans le Roïaume de Pont. Il ufa de politique, ôc^?f^<br />

diffimulant les mauvais traitemens, qu'il avoit reçus du Roi/wCiwodi<br />

Arménie, il fit alliance avec lui, auffi .bien qu'avec les Che-Rho/es.<br />

valiers de jRWfi, dont il avoit également,fujet de fe plaindre, ^313.<br />

afin que, par cette union, ils s'entre-aidaffeat mutuellement si<br />

défendrcrleurs Etats des entreprifes, que ces Barbares auroient •<br />

pu faijTe.. . V -^<br />

Et, afin d'éviter ks désordres j que les Princes fes Frères,<br />

ou leurs Enfans, qui tous afpiroientà la couronne, pourroient<br />

un jour caufer dans le Roïaume, il réfolut de fe marier M même,<br />

malgré l'indifférence, qu'il avoit .fcoi^ours témoignée pour<br />

le Sexe. Il envoie un Ambaffadeur au Bjoid'Arragon, Se de<br />

Sicile, pour lui demander la Princeffe k Fille en mariage, qu'il<br />

n'épouk pourtant que qua|:re ans après, à caufe de fon bas âge.<br />

Mais, pendant qu'il cherchoit à affurer k tranquiliré de fesiiar/aifê<br />

Etats par ces précautions, il y a apparence qu'il n'en avoit pas^^*jJJ^°^»<br />

affez pris pour les garantir de l'bfulte des Pirates. EMANUELM


TSa H I g T o IRE G E' N E' R AL E<br />

d'idions infâmes, ôc abominables, qu'il en eut liorreur lui meme.<br />

11 en fit pendre quelques-uns aux antennes de fes Galères,<br />

pour fervir d'exemple aux autre*. Cependant il ne laiffa pay<br />

dç ruiner entièrement cette Ville, pendant quatre jours qu'il<br />

s'y arrêta, Ôc d'emporter tout ce que ks Habitans avoient de<br />

meilleur dans leurs maifons, fans que le Roi eût le tems de ley<br />

commet, ^ifc pourfuivrc; Car, lors que c€ Prince fit fortir fept Galères<br />

duport de Famagoufte, pour k combattre, par tout où elles<br />

pourroient fe rencontrer, il avoit déjà mis^fon butin en lieu<br />

de fiireréi<br />

Le ravage du Corfaire Génois fut d'autant plus fenfibk au-<br />

Roi, qu'il ne put s'en vanger, ni faire arrêter les Marchands<br />

.de cette Nation, qui fe trouvoient dans fes Etats, parce que<br />

ks effets de fes Sujets, qui réfidoient à Gènes, étoient beaucoup<br />

phis confidérables que ceux des Génois, qui demeurôient<br />

en Chypre. Il ne put qu'en faire des plaintes à leur Confiil, Ôc:<br />

en envoler demander réparation à la République.<br />

Dans ce même tems, le Clergér, ôs la Nobkffe de Nicofie,<br />

furent occupés de deux incidens, auxquels les uns. Se les autres,<br />

prirent tant de part, qu'il ne fallut rien moins que l'autorité<br />

du Pape, pour arrêter k fcandale de l'un; Ôc celle du^<br />

Roi, pour détourner les fuites fâcheufes, que l'autre pouvoit<br />

avoir. La mort du Prince de Galilée y qui avoit pris l'habit de<br />

St. Dominique, avant l'avènement du féu Roi leur Père à la<br />

couronne, donna lieu au premier. Les Chanoines deSte.So^i^<br />

k firent inhumer dans leur Cathédrale, malgré l'oppofîtiotider<br />

ReHgiîBiBc, qm pi-étcndoient, qu'aïant porté l'habit de leurOrdre^<br />

c'étoit dans leur E^ife qu'il devoit être enterré. S'ils^ ne<br />

purent s'y opppfer,ilsne voulurent point avoir le démend d'une<br />

affaire,. qails;.eftimpient de grande cohféquence. Ils eurent re-<br />

'^whies en cours ait Souvcrain Pontife, ôc firent fi biea valoir leurs droits<br />

entfS. fiw ce cadavre, ^e Sa Sainteté décida en; leur faveur, ôc leur<br />

«fe^k?^' permit de leâitmetx comme ils fiirent^. unan après: pour le<br />

tranfport-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Lrv. XV. CM. VIT. 78^<br />

tranfporter dans leur Eglife , fous un magnifique maufoléc<br />

qu'il lui firent élever.<br />

L'autre accident fut au fujet de k Femme du Baron JAQUES<br />

D'ARTUDES, qui fut trouvée morte dans fa chambre, Ôc percée<br />

de plufieurs coups de poignard, kns qu'on pût découvrir l'au-^<br />

teur d'un affaffinat, qui intéreffoit les principaux de k Cour. Soit<br />

que la Mère de cette Dame eût eu quelque indice contre foit<br />

Geijdre, par Texadritude, avec laquelle elle avoit fait examiner<br />

tous les domeftiques de la Maifon, ou que le peu d'émpreffemcnt,<br />

qu'il fitparoître à rechercher les meurtriers de k Femme<br />

; le lui fit foupçonner d'en être complice, elle fen accuk ouvertement<br />

; ôc, fur ce qu'il dénioit conftamment le feit, elle<br />

fiiplia le Roi de lui permettre de choifir un Champion pour k<br />

combattre, enchamp.clos, felon l'ukge, quife pratiquoit alors<br />

dans le pays en femblabks cas.<br />

Le Prince lui accorda fa demande. Elle emploïa k Chevafieç<br />

de PANSAN , qui étoit depuis longtems attaché à fes intérêts;<br />

Son Gendre , pour fe juftifier du crime, qu'elle lui imputoit,<br />

accepta le défi. Cependant, quoiqu'après être entrés eir<br />

lice, il parût lé plus fort, ôcque même il eût bleffé fon adverfairc<br />

en deux endroits ; foit que Tardeur du combat ne lui*<br />

permît point d'être attentif à bien manier fon cheval, naturellement<br />

fougueux, ou que ce fût une permiffipn du Ciel pour<br />

le punir de fon crime, il fut emporté hors des limites, lorsqu'il<br />

étoit fur le point d'être viélorieux. Alors ksji^es l'aïant<br />

déclaré vaincu , félon les loix du combat, ôc en même tems' 1314^<br />

criminel, il fut arrêté, qùcftionnè, ôc convaincu d'avoir été'<br />

le meurtrier de fa Femme, pour des raifons qu'il allégua, maiy<br />

qui n'empêchèrent pas qu'il n'eût la tête tranchée.<br />

Ce n'étoit pas la première fois, que de combats avoient fer- Articiezir.<br />

Tlà découvrir ks crimes les plus cachés. Plufieurs autres, qui^ -<br />

ks moient, comme celui-ci, avoknt été forcéis à avouerjçn<br />

fortant du combat. C'eft pourquoi ces défis étoient fort<br />

Ggg gg 3L ^^'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7po H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />

'Cmbaten i£.tésQn Chypre, non feulement en fait de chofes criminelles,<br />

fumftis^ mais encore pourles civiles ; pourvu que le différend, dont il s'agif.<br />

permis en {bit, moutiât à dix marcs d'argent. Ils y ont même duré jufr<br />

puVdlow ques vers l'année 14.90, que les Fénitiens devenus maîtres de<br />

wiaî;e- ^ç^j-g jjg^ pj^^ j^ douatiou, quc kur en fit la Reine CATHE­<br />

RINE CpRNARO, plus fages, ôc aimant mieux la décifion des<br />

• affaires, par le canal de l'éloquence, que par k voie des armes,<br />

l'aboUrent entièrement , Ôc obligèrent les Chypriots k<br />

ûiivre les .Içix , qu'ils y établirent.<br />

Cependant, malgré les grands foins, que le Roi HENRI<br />

s'étoit donné pour purger le pays des Sujets mal-intentionnés<br />

, qu'il croïoit entièrement détruits, le Sénéchal ne fut<br />

pas plutôt de retour à!Arménie , qu'il fe forma une nouvelle<br />

eonlpiration 5 dont on prétend que la Princeffe ISABELLE n'écmpira-<br />

toit poiut innoceute. CHEMI D'OISILIERS , Chevalier du<br />

tion^déc(m- Yemple, qui étoit refté en Chypre, en fut l'auteur, ôc JEAN<br />

•oerte.<br />

DE BRIES, qui avdit été Gouverneur de Famagoufle dans le<br />

tems du Régent y JEAN ROMBAUD , PIERRE ROLAND , tous<br />

ks trois des principaux Barons du Roïaume, étoient les premiers<br />

complices; mais leur complot fut découvert , avant<br />

qu'ils, ppffent rien entreprendre; ôc k Roi les fit irrémifliblement<br />

tous exécuter.<br />

Ce .Prince, pour recompenfer le zèle, ôc l'attachement, du<br />

Sénéchal, ôo de BALIAN D'IBELIN, fon Neveu, dont les Maifons<br />

avoknt été très^dérangées, pendant leur longue captivité<br />

^n Arménie, donna à ce dernier le Titre de Prince de Galilée,<br />

vacant par la mort de BOËMOND, Frère de Sa Majefté;<br />

ôc il fit q)Oufer une Fille de ce nouveau Prince au Prince Hu-<br />

I3I5' GUES, fon Neveu, ôc .Jiéritiér prefomptif delà Couronne, Il<br />

:ximn ne don^ pas de moindres marques de ion affedion au Sénéchal.<br />

L'Infant de Majorque aïant recherché ANNE D'IBELIN,<br />

'ià Filk, en mariage, le Roi fit non feulement conclurre cette<br />

allian-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i> E CHY P.R E. Lm XV. CH. Vif. 79 r *<br />

alliance, mais encore dota k DémoifeUcy ôc fit tous les fraix<br />

du mariage.<br />

Cependant celui qu'il avoit fait traiter pour lui même avec<br />

CONSTANCE, Fille de FRE'DERIC, Roi de Sicile, aïant été<br />

conclu, il y envola FEvêque de Limifol, ôc BARTHELEMI DE<br />

MONTOLIF, en Ambaffade, pour conduire cette Princeffe, qu'il<br />

avoit voulu préférer à plufieurs autres > en confidération de la<br />

promte afliftance qu'il pouvoit efpérer'dc ce Prince, en cas de<br />

befoin ; d'autant plus que les Turcs avoient déjà entamé le<br />

Roïaume dUAi^ménie, dont il étoit lî voifin, ôc que ks Sarraufins<br />

â^Egypte étoient fort puiffans par mer<br />

Les Chevaliers de Rhodes, de leur côté, n'étoientpas moins Article ir.<br />

attentifs à fortifier leur Ile, ôc à augmenter leurs forces mariti- ^^' *<br />

mes.. L'entreprife d'OTTo^ux k^ avoit fait comprendre,<br />

qu'ils ne pouvoient affez fe précautionner pour s'y maintenir.<br />

Ils redoublèrent, en même tems, la garnifon du Château de<br />

Langa, Ils venoient d'en faire k conquête, auffi bien que dé<br />

toute rile de ce nom, qui a foixante miles de circonférence,<br />

ôc qui a éré autrefois fi renommée par le Tempk d'EscuLAPE, c^nfAeiéqui,<br />

felon les plus crédules de ces tems reculés, avoit k fàcul-^^^<br />

té de guérir toute forte de malades , qui alloient le vifî- ^Sf^<br />

ter.. Elle n'eft pas moins célèbre, par k-naiffance d'HiPOCSUL-QuêHtésitT<br />

TE, Prince de la Médecine, que par celle d'APELUES, l'un des"*^*^<br />

plus fameux Peintres de l'Antiquité.<br />

Ces Chevahers créèrent, en même tems , un Bailli pour<br />

gouverner l'une, ôc l'autre de ces acquifitions, qui leur étoient<br />

d'autant plus importantes, qu'outre que cette Ile eft très-abondante<br />

en excellens vins, ôcen quantité de fruits délicieux, fk<br />

fortereffe les affuroit du côté de k Natolie, qui^Jfîit entièrement<br />

au pouvoir des Infidèles.<br />

La Religion cependant, pour ne point épuifer les forces,.<br />

ôc fes finances, à l'entretien des gamifons néceflaires dans les<br />

autres lies de k dépendance,: en accorda k propriété à divers<br />

parti*'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


792 HISTOIRE GEN. DE CHYPRE. Liv.XV. CaVIt.<br />

partifuHers, qui, dans le commencement de leur établiffement,<br />

lui avoient aidé, à-lps conquérir, à condition pourtant qu'ils les<br />

ferokntfortifier, lui enferoienthômmage, ôc entretiendroient<br />

des Bâtimens à proportion de leurs forces, pour le fervice des<br />

Chevaliers. Les deux Frerès JEAN, ÔC BONAVITA ASSANTI ,<br />

aux quels ils avoient donné celle de Nizzaro, plus grande, Ôc<br />

plus abondante, que les autres , étoient obligés d'entretenir<br />

ime Galère bien armée, ôctoujours prête à.fortir ; de forte que,<br />

par ce m&agement politique, ils paroiffoient recompenfer ceux<br />

qu'ils ne faifoient que payer de leur fervice.<br />

HISTOI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ta. •.»*='<br />

HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R G ï A° u M E s<br />

DE<br />

CHYPRE. DE JÉRUSALEM.<br />

ET<br />

D- É G Y P T E.<br />

L î r R E xyi<br />

CHAPITRE' PÉ. E'M I E R.<br />

'fiûS.>ài?2âi\Sl étabUffement, ôc la prolpérité des Chfevaliers Article r.<br />

£^^^^g5 à Rhodes, Se les bons ordres, qu'ils obfer-f^f^'^^<br />

T > ^v3 voient pour conferver leurs acquifitions, fi-Templier»<br />

L >5?^ rent tant de plaifu- au Pape JEAN XXII. qui, "" ^^'*<br />

rSS«/\w^w^iS^ *P^^ ""^ vacance de plus de 27. mois,avoit<br />

'^iwV^^^xî^ enfin fuccédéà CLÉMENT V. que, dans re§>é^<br />

^ Kisj KJ Ki-j"j rance, que, par ^augmentation de leurs forces,<br />

ils pourroient rétarder les progrès des JnfidêleSy ôc faciliter le '<br />

Hhh hh recou-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


794- HISTOIRE GENERALE<br />

lUùnienie recouvrement du Roïaume deyér^a^, il confirma, en kur<br />

Kfwrfw faveur, la donation des Biens des Templiers, q\\e fon Prédé-<br />

IroSlr^ ceffeur leur avoit accordés, en aboUffarit cet Ordre, ôc en dé-<br />

ARbodes. fendant, dans k «Concile de Fienne, que perfonne n'en pût<br />

porter l'habit, ni aucune marque ;: ôc il menaça d'anathême<br />

tous ceux qui les leur retiendroient davantage, vu que plufîeurs^^<br />

Seigneurs, qui en avoient ét^ inveftis, par les Souverains, ne<br />

vouloi^nt plus s'en deffaifîr.<br />

Comme ilfe trcHivoit encore en C&pr^ quelques Templiers y<br />

que le Prince ALME'RIC, ÔC enfuite ie Roi HENRI avoient tolérés,<br />

ôc à qui il avoit même permis de polBI|er les biens de<br />

leur Religion, le St. Père écrivit à ce Prince, Ôc k pria de<br />

prêter main forte à PIERRE D'HERLANT,^ Evêque de lÀnûjoly<br />

à qui il, envoïôit un Bref, tendant à dépouilkr entièrement les-<br />

Templiers ds,(e.es biens ,r à les remettre aux Chevafierè de Rh(h<br />

des, SeWeMr ôter k crok^ ôc Phabit d^un Ordre, dont il au*<br />

Hftt fouhiaité de pOtt\»oir éteindre jufqu'à k mémoire.<br />

'^Ce At après* Péxécutioil de ce ^f, que les Chcvafieis dil-<br />

Rhodes joignirent les l^ens, qu'ils poffédment en Chypre à ceux.<br />

des^.7Îij^^r.f,. dbntilsT'furent inveflis.. .lÉ en. f(^^<br />

grande, Ôc.fâmeufe Commancferie^, qui étoit la plus confidérable,<br />

que kurOrdPB'aittjamai^poflËdée. Uk donnoit foixante<br />

mille bezans de revenu ^inaef à kur Couvent, outre l'entre-r<br />

tien du Grand-Commandeur, avec toute k fuite, ÔE des fom*<br />

mes presqu'aufîTf grandes» dibnt il proôtoît en fon particulier..<br />

C^ft fQurqtppi, quelq^je tems après,, ces Chevaliers furent» obligés<br />

^^kdivifer ej^ fept Commanderies,, afin que chaque langue<br />

y en eût une, ôc qu'il' ne prît pitw enyk aux Papes>' de kt<br />

dojiiner àr quelqu'un de leurs Parens. ~<br />

ffiwS" ^^^^^nimnt, qtieBiosio, quia fîrégulîèrementécritl'Hîfi.<br />

-RLJ!i$.toixe dQs..Holp^aîiers & qui devoit être fî bien inftruit dès*<br />

Loîedah affaires de Cfej^ef., par raport à la longue réfidence, qu'ils y<br />

mH9*i*>' avoient-fàitc, ait avancé, qu'ils n'avoieitt cherché à transférer<br />

• -fXitt-<br />

feur.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


&È CHYPRE; ti^XVl CH.1 f§f:<br />

leor Couvent hors de cette De, qu'à cai^ des maayaîs traite-'<br />

mens, qu'ils y recevoient du RCM I}I9«I: lui^ qui avoit été<br />

fi libà'ai envers eux, ôc toujours dilpolë à fes favorifer, Ôs<br />

qui fe trouvoit même encore prifonnier en Arménie, lorsqu'ils<br />

formèrent l'entreprife de Rhodes. Cet Auteur n'a pas moir^<br />

ignoré la vérité, en diknt, que ce furent les Sujets 4e ce Prince,<br />

qui prirent les armes contre lui, Ôcqui l'eavoïèrent prifonnier<br />

en Arménie, pour mettre k couronne fiir la tête d'ALi^us-<br />

Hic , ^n Frère; que, celui-ci la refuk généreufement, ôc<br />

fut infenfîbk aux appas de la fouveraineté ; qu'il voulut être fidèfe<br />

à fon Frère, Ôc à fon Rciç ôc qu'enfin, il ne Jcefff jamais<br />

d'agir auprès de Peuples révoltés, jufque ce qu'il fes eût fait<br />

rentrer dans leur devoir, ôc remis fonFrèroïfur leTrôme. Sentiment<br />

entièrement contraire à crfui de tous les autres Hiftoriens<br />

,Tquî ont écrit au long fur le nj^me fiijet, ôc qui contiennent<br />

tous d'un commun accord, quele mauvais naturel d'ALM^Er<br />

ijie, ôc l'amfcition déméfurée, qu'il avoit, de régner, étoit<br />

ce quiTavoit porté à commettre tous les excès d'ingratitude^<br />

ôc de cruauté, qu'il avoit exercés envers fon Roi, & dont A<br />

paya les bontés, ôc l'indulgence, par la Tyrannie> qu'il pratiqua<br />

contre^ les plias fidèfes Sujets de fon Roïaume, & en ufurpant<br />

rai!torité> Jufqu'à l'envoïer lui même en captivité de k<br />

manière indigne, qu'on vient de le voir.<br />

LoRXDAN ne fe trompe pas moins, en affurant, que, lorsque<br />

l'Eveque de Limijfèimt mis tfes Chevahers de Rbodfs eo pof»<br />

feffion des biens des Templiers, Ils tiK)uvèreat dans leur Maifon<br />

fk vingt mille bie2;?ns en or, ôc en argent mpniioïé, quinze<br />

cens marcs deVaiffeUe, outre une grande quantité, qui &x<br />

avoit été détournée, au bruit de fleur condamnatiori, ôc plÙ9<br />

i^ cent tonneaux^ remplis


796 H I B T O I ïl E C E^ N Ë'"R A L E<br />

tens du Régent, ou qu'ils s'ennuïàffent d'un f^dur, où il leur<br />

felloit être contkiuelkment avec les Hofpitaliers, leurs rivaux,<br />

ils emportant avec eux tout ce qu'ils avoient de meilleur, ôc<br />

ne laifferent à leurs confrères, qui y reftoient pour avoir<br />

foin de leurs biens, que les n|eubks , qui kur étoient abfohiment<br />

néceffaires.<br />

Articie/r • ^^ ll)e6i:acles, les jeux , ôc les réjouïffances , fuccédèrent<br />

1317. enfin aux cataftrophes, ôcaux malheurs, dont k MaifonRoïak<br />

de Chypre, Ôcles particuliers avoient reffenti de fi terribles<br />

effets. Le Roi reçut la Princeffe CONSTANCE , k nouvelle Epoufe,<br />

avec tant de pompe, ôc de magnificence, que ce ne furent<br />

pendant long-tèmi, que fêtes , ôc divertiffemens publics , ôc<br />

particuliers, tant à Famagoufte, où cette nouvelle Reine débarqua,<br />

ôc reçut la couronne de yérufalem, qu'à Nicofie, où<br />

dtlilriage elle -reçut celle déf Chypre , après fon mariage , qui fut céléduRoi,^de<br />

bré daus l'Eglife Cathédrale de Ste. Sophie, aux grandes acck-<br />

/îcoS-mations, ôc à la fatisfaétion de tous les Peuples, lesquels, par<br />

dViiMde ^^^ illuminations,,des feux de*joie, ôc autres réjouiffancee pu-<br />

Siciie. bfiques, témoighèreut leur extrême contentement.<br />

Mais, comme Içs grands pkififs font ordinairement fuivisde<br />

quelque amertume, le Roi ne tarda pas à en reffentir pour deux<br />

fûjets, qui le touchèrent égakment. Il aprit, dans un même<br />

tems, que le Roi d'Arménie, ôc ks Chevaliers de Rhodes, bien<br />

loin de vivre dans l'intelligence, qui couvenoit pour fe défendre<br />

contre leurs ennemis communs, travaillôient, au contraire, à<br />

^amfos s'entre-détruire eux mêmes, par une guerre auffi dangereufe,<br />

rtçues par q^g dépfoîïbk; ôc que ces Chevaliers, dont toute hChfétim^<br />

htemsde té av0it couçu* tant d efperance, non contens des guerres étrances<br />

noces. gè,.gg.^ qu'ils avoicut à foutefîîr, en entretenoient une inteftine,<br />

capable de r«tÉii^fet leur glorieux^cômmencèment. Ils s'étoient<br />

révoltés^ contre le GranéMaître de VILL^i^RET, &avoient<br />

1318. éhi à fa plaiîfr MAURICE DE PAGNAC ; de forte qu'avec leurs<br />

deux Grands-Maîtres, on peutdii'e? qu'ils n'en avoien^ aucun;<br />

ôc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


- i)E CHYPRE. tn.Tdn.Ck.t rpf ^<br />

*&t^e toutes leurs affaires fe trouvoient dans k désordre, &<br />

dans la confufîon.<br />

L'autre fujet de dépkifir futcaufé au Roi, par NICOLAS DE<br />

SoRA, Corfaire Génois, qui, encouragé par le peu de difficulté,<br />

que MARABOT, fon compagnon, avoit trouvé, quelques<br />

années auparavant, au faccagement de la Ville de Baffb, ou<br />

par le peu de fatisfadion, que k République avoit donnée au<br />

Roi fur ce fujet, aborda aulfi à la rade de cette Ville, qu'il faccagea',<br />

ôc ravagea, avec encore plus de fureur, ôc de barba-.<br />

rie, que n'avoit fait l'autre. Il s'avança dans les terres, avec<br />

fes équipages, où il détruifît bourgs, ôc tillages, Ôc kilTa par<br />

tout de terribles marques de fon avarice, ôcde fon inhumanité,<br />

fans que ks habitans euffent le courage de s'oppofer à fon<br />

irruption ; ôc tout ce que ces miférabks purent faire, fut de recourir<br />

au Roi, pour lui en deihâhder juftice.<br />

Leurs clameurs ^^ ôcleurs plaintes, jointes'à l'affront, que ce Articie/K<br />

Prince ré'^ut'de ce nouvel btitfagè,' fit j, "que, pour garantir le ^mg^ des<br />

pays de fe|iblfl)lés'^feâlheîfit à favenif, ,iî%ma quatre Galères, ^^*["<br />

Se fix Brigantins, dont il donna le comiaianctemênt à ROBERT<br />

DE MONTSEGARD^ qui étoit fort expérimenté dans la marine. Il a-<br />

-^it oindre'de croifer continuaient fur les côtes de l'Ile. R rétablit,<br />

en même tehjs, quelques Compâgiiîes de Stràdiotf, ou<br />

•fearde-côtes. Ils furent emploïélf j ^tàftîme' il^i'àvoient été autrefois,<br />

à^ardéf exadement lés rades, ks plusexpbfées à l'irivafion<br />

des Pirates: Et^afiii de dédommager les payfans du-pilkge.des<br />

Génois i Se faire éprouver fori'reffentiment à* cette avide<br />

Nation, il fit ordpnfier fécréttémerit à tous ks lkégo€vms Chy^<br />

' priots, q\ii fe trouvoient 'fur* lès terrés de la RéJ)àblique, de<br />

revenir danskur patrie, %vec tous leurs eflfëts. ''<br />

Ils obéirent'lïronitement, Ôzrne furent pat plutôt arrivés,<br />

qu'il fît arrêtet'tdfis les Génois, cjui fé trouvoient^en ^V^f.<br />

Leurs biens furieiit corififqUés en faveur des HalïStâns de È^j<br />

ôc desN'àtees ue'ux i l^e fts CdHaires àvoièrit ravagés. • Ces re-<br />

Hhh hh 3 préfail-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fpS HISTOIR,E CE'NE'RALE<br />

1319. prèfailksx jointes àdiverles prifes d'importance j que fit MONT-<br />

SEGARD fur ces Républiquains, réfrénèrent leur infoknce^<br />

& firent que k pays fut longtems k couvert de leurs brigandages.<br />

Après s'être vangé des pirateries


Br CHYPRÏ. Lm XVL Cfcitî t99<br />

tale,^ ôc ir CQpfidérée eut à peu-près te même fuceès, ^*avoit<br />

eu 70. ans auparavant celle despaftoreaux d^Allemagne, f,n&n<br />

le Roi de France mourut au commencement de l'année 1321. '3»-<br />

Ôi ÇHARLES-LE-^BEL , foti Fils, ne fongea aucunement au voïageide<br />

Pakftme ^ ni à aller combattre ,]sarInfidèles^<br />

C H A P I T RE II.<br />

Ce changement inefpéré chagrina d'autant phis k Roi de Article £<br />

Chypre, qu'il aprit en même tems, c^e lesSarrafimd^xm<br />

côté, ôc les Turcs de l^tre, étoient également attentifs à ladésunion<br />

des Chrétiens. Les premiers étoit allés, avec trente ^:^^^<br />

mille Chevaux, ravager.f^rwl^»^, qui, par fe.mauvais gpu- Rhodes«i^<br />

vernement de la Reine iitEVE, fe trouvoit dans un désordre ûsslnz-<br />

•ffroïable; ôc les Turcjs, guidés par ORCAN^, Fils d'ÔTTOMAN, ^'-^^<br />

s'éto ent mis en mer avec une Flotte de quatre-vingts vqiles, pour><br />

aller affiéger jRi^^f/, pendant que k.Gi^nd^Ma^re en étoit ab*><br />

iënt,. ô&que k désunion régnoit ^rmi les Chevaliers. Il eft<br />

vrai, que l'entreprife d'ORCAN ne fut pas plus heureufe, qu'avoit<br />

été celk de fon Père quinze ans auparavant.. Le Cheva-1,^^^ ^^<br />

Ker GÉRARD DE PINI, Vicaire, Ôc Préfident du Couvent, pen- tomanei<br />

dant ks j:onteftations des Grands-Maîtres,VILLARET, ÔC.PA-'***'*<br />

GNAC, que le Pape avoit afjj^ljlés en France, ne jugea point k^<br />

propos, en pru: avec ordre ^près de les^<br />

. * com.-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


860 H rs T OI R Ë G ÉrNÉ'R A t E<br />

combatre. La Flotte Rhodîenne rencontra VOttomane au CapS<br />

Créo, Se l'inveftit avec tant de courage, ôc de réfolution, que ,'<br />

ihâ^ré l'inégalité des forces, après un combat très-rude, Ôctrèsfangknt,<br />

elle k défit entièrement; de forte que, de quatrevingts<br />

Bâtimens, dont elle étoit compofee, à peine s'en fauva*<br />

t'il un. Getoit celui, fur lequel ORCAN étoit embarqué, ôc<br />

q^i ajla «échouer fur i^ CQtgs^ de |^ Natolie, vis - à'- vis l'Ile de<br />

- Scio. *<br />

mi* Cette mémorable Vidoire fut encore fuivic (félon JEAN VIL-»<br />

a^e^ûers LANi) de k défaite de vingt-mille Hommes, qu'ORCAN avoit<br />

f^^s^^^ fait, débarquer dans l'Ile de JP//?


DE ClHYPïtË. tiv.'^L' GH.'ÏI. tm<br />

rôîent favorables, ôc difliperoient la mékncolie, que lui eaufoit<br />

fon infirmité. I! retourna donc à Strovilo, accompagné<br />

de Meffire JEAN LE CONTE, Archevêque de Nicofie, & des<br />

Bvêques de Baffb, Se de Famagoufte, dont iî eftimoit infinittieiit<br />

la piété.<br />

En effet, ce dernier , qui avoit fuccédé'* à ANTOINE SO-<br />

RAN , avoit très-bien réparé le fcandale , que la vie licencieufè<br />

de celui-ci avoit caufé à tous fes diocéfains, en diffipant,<br />

en moins d'un an, un dépôt de vingt-mille bezans,<br />

que fon Prédéceffeur avoit laiffés à l'Eglife; ôc en dépouillant<br />

cette Cathédrak de la plujjitot des vafes ^OT, ÔC d'argent<br />

, dont elle étoit enrichie, fous le prétexte impie, que cette<br />

quantité d'ornemens étoit inutile aux Eglifes, ôc ne leur<br />

fervoit qu'à tenter l'aridité des ^voleurs.<br />

Cependant les divertiffemens champêtres, bien loin de diminuer<br />

ï'infirmité d'HENRi, l'augmentèrent fî confidérablement,<br />

par les mouvcmens extraordinaires de fes fréquentes chaffes, ^^trouqu'il<br />

rencontra k perte, *où il elpéroit de réparer fa knté. vi more. n<br />

Ses ofîîciers k trouvèrent mort dans fon lit, lors qu'ils allèrent j^J"^-^""<br />

un matin réveiHer. L'opinion commune fut, que le mal<br />

caduc, auquel il étoit fujet, l'avoit fuffoqué ; mais quelques ^y^fi'<br />

perfonnes plus ckirvoïantes fàttribuè^nt à un poifon lent, qui lui iaàufe%<br />

avoit été donné par les parens des Nobles, qu'il avoit fait exé- •'* "*^**<br />

cuter. On reconnut en effet, que ce dernier fentiment étoit<br />

k plus jufte, ôc que le poifon avoit hâté la mort de ce Prince.<br />

Sa deftinée fut une des plus étranges , '{«Hsqu'après avou:<br />

évité de fî longues cditfpiratîions, if ne put fe garantir de cette<br />

fatale trahifon, lorsqu'il lut parvenu k régner paifîblement.<br />

11 mourut à l'âge de ^7. ans, dont il en avoit régné 35. Ôc,<br />

lorsqu'il commençoit à recueillir ks fruits, que'fa cbnftantîe, ôc<br />

fes vertus lui avoient procurés. On ne kuroit difcon venir. Eloge du<br />

qu'il n'en poffédât de très-gran


802 HISTOIRE 0 E'N E'R A LE<br />

kur à la guerre, que de prudence. Se de conduite, dans le<br />

gouvernement, fur tout une fermeté admirable dans ks adverfîtes.<br />

Témoin ce qu'il fit pour défendre la ViUe de Ptoloma^<br />

de, où, malgré kfoibkffede k compkxion, Ôc fes maladies»<br />

1324. continuelles, fl remplit également tous les devoirs de bon Capitaine,<br />

ôc de vaillant foldat. Les arangemèns qu'A prit enChypr^,après<br />

la perte de cette Place,pour y accommoder les Ordres<br />

Militaires, ôc tous les Chrétiens de k Syrie, qui purent<br />

s'y réfugier: L'abondance, dont fl fk jouir fes Sujets, après<br />

qu'il fut remonté fur le Trône, malgré f épuifement, qu'il avoit<br />

trouvé dans fes Finances, furent des preuves de fa prudence^<br />

Auffi ne fut-ce pas fans raifon, que tous les gens de bien regretèrent<br />

infiniment la perte d'un fi bon Prince. Son corps fut<br />

inhumé dans la nef del'EgHfè de St. François, comme fl L'avoit<br />

ordonné, avec une pompe funèbre, beaucoup plusfomptueufe<br />

, que ne l'avoit encore été celle d'aucun de fes Prédét<br />

ceffeurs.<br />

Article///. Commc il n'eut point d'Enfans de CONSTANCE d'-^rr^»<br />

>?EM,J^''^> qu'fl avoit éppufée fept ans auparavant, HUGUES, foa<br />

luifuccède.^Q^QXi:, Fils de Gui DE LUZIGNAN, fon Frère, à qui lacoaronne<br />

apparçenoit de droit, lui fuccéda. Il convoqua d'à?<br />

bord la Cour fupérieure, qui, après favoir reconnu pour 1er<br />

gitîme Souverain, lui prêta k ferment de fidélité. Tous les.<br />

ordres du Roïaume fui virent l'exemple des Grands. La feule<br />

Princeffe ISABELLE auroit fouJiaité de brouiller les affaires, .pour<br />

feire parvenu: fon Ffls aîné à la Couronne ; mais, malgnâ feS'.<br />

intrigues, elle n'en put venir à bout. HUGUES fut enfuite fokmnellcment<br />

Couronné, avec k Reine fon Epoufe, dans l'Eglife,<br />

Cathédrale dé Nicofie, par les mains de l'Archevêque de. cet-<br />

,. te ViUe, ôc*aija prédite k Famagoufte h couronne de Jé^<br />

ceJTsvl rujalem^, felcb le règlement de fon Prédéceffeur. .•<br />

Stns°!i>» Les réjouilkncer extraordinaires,^ que firent les Famagoi^<br />

touronne- iains x aa fujet du couronnement de HUGUES IV. firent murment.<br />

». .<br />

mur<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4)E CHYPRE.. Lir. XVL CH, IL 303<br />

murer quelques courti&ns mélancoliques. Sans fe mettre en<br />

peine du déplaifir, qu'As pouvoient donner à leur nouveau<br />

Souverain, ni des mortifications, qu'ils pouvoient en recevoir,<br />

lia blâmoient publiquement une cqr^onie, qu'ils difoient renouvelkr<br />

les douleurs de k perte de Ptolomàide-, ôc ils abandonnèrèsnt<br />

la fête, pour fe retirer à Nicofie.<br />

HUGUES ne fut pas plutôt de retour dans cette Capitale,<br />

qu'fl s'apliqua.à remplir ks Charges vacantes de Sujets de mérite,<br />

ôcd^expérience, tant pour l'adgiinUlration de k juftice,<br />

que pour r^:t# militaire. . Afin de ne fc point jçcarter des bonnes<br />

maximes du feu Roi fon Oncle, dont k^méaipire lui étoit<br />

très-chère, fl fe fervit, pour fon Confefl fiecret, des mêmes Perfonnes,<br />

qui favoient compofe, ôcfkpliqua à entretenir l'abondance,<br />

l'union, Ôc le .bon ordre dans le Roïaume.<br />

K II accorda de nouveaux privilèges aux Nçgiç)çians, pour fa- Smattenciliter<br />

leur commerce, ôc le rendre plus florilknt. H augmenta/iriES!^*^<br />

les ^décotes, tant par mer, que parterre, ôcmit dans toutes<br />

les fortereffes , aux rades, Ôc bourgs confidérables, de bons<br />

Gouverneurs. Cependant, qj^elgue attentif qu'il fut à procurer<br />

le repos. Se les com^mpdités de la vie à fes Spjéts, ôc quelque<br />

foin qu'fl eût d^ fe les captiver, .ôc de mériter le Nom<br />

de Père de la Patrie, le foupçon qui lui étoit; demeuré, que<br />

quelques-uns d'entre eux avoient avancé la mort de fon Prédéceffeur,<br />

lui fît fouhaiter d'en découvrir les auteurs, réfolu de<br />

les en punir rigourei^fement.<br />

. Il déclara fon intention au Sénéchal, au Prince de G Ce bon Religieux, qui avoit d^s fentimens conformes à fon feur.<br />

caradère,. remontra d'abord au Roi,, " que h difficulté, qu'fl<br />

„ y avoit, de découvrir une affaire, qui n'étoit pas moins calii<br />

ii 2 3, chée.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


gOf HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

clîêe, que dout^ufe, Ôcdont k découverte pourroit même<br />

99<br />

„ caufer la ruine des principafes famflles du Roïaume, devoit<br />

3, engager Sa Majefté à mettre dans un éternel oubli un mal-<br />

„ heur, qui étoit déformais irréparable, plutôt qu'à rçcher-<br />

5, cher ceux qui pourroient en être coupables,'Mais le Baron DAM­<br />

PIERRE, qui envifageoit l'affaire d'un œfl tout différent, foutint,<br />

„ que k feul foupÇcmduRoi fuffifoit, pour qu'on fît une exaéle<br />

JJ perquifîtion des perfonnes, qui pouvoient être complices<br />

„ d'un crime fi énorme; d'autant plus qu'fl s'agiffoit de la lu-<br />

„ reté du Souverain; puifque,s'flfe trouvoit dans le Roïau-<br />

„ me des gens affez perfides pour avoir commis une aéiion lî<br />

„ déteftabk. Sa Majefté demeureroit également expofée aux<br />

„ attentats de ces traîtres , ^ en laiffant leur crime impuni y<br />

„ qu'ainfi elk en devoit faire rechercher les auteurs, ôc ks<br />

„ punir févèrement, afin qu'As ferviffent d^exem^ à k pof-<br />

„ térité» %<br />

Soit que cette opinion fût du goût dui^énéchal, ôcduKrii*ce<br />

de Galilée, ou qu'ils reconnuffe^ qu'elk étoit conforme k<br />

l'inclination du Roi, ils.y applaudirent d'abord; Se le Roi,<br />

kns s'arrêter aux remontrances du P. GONE'ME, donna fur<br />

k champ fes/ordres pour rèelairciffement de cette trahifon;<br />

mais? comme on ne put avoir des indices fuffifans pour convaincre<br />

ceux qui en étoient foupçonnés, Ôc que, quelque empreffement<br />

qu'il eût témoigné de vouloir vanger la mort de fon<br />

Oncle, fl étoit bien aife de ne point enkngknter k commen-<br />

Exii d'tm cément de fon r^ne,il fè^ contenta de laiffer agir k Cour fupéïajMru<br />

rieure, qui ne fit qù'exfler un Favori de la Reine CONSTANCE,<br />

codûance.nommé JEAN AGAPIT , qui étoit très-riche ; ôctous les biffius<br />

^ furent confifqué» 5 au profit de k Chambre Roïale. Lés plamtes,<br />

que cette Princefte en ^t au Roi, Ôc à towî les Seigneurs du<br />

Confefl, ne purent empêcher l'exécution de cet arrêt ; ce<br />

qui l'irrita fi fort, qu'Elle écrivit au Roi de Napks, fon Père,<br />

5, que,vuk pettde confidération, qu'on avoit pour elle, de-<br />

35 puis<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DB CHYPRE. Uv. XVI. CH.IL Soy<br />

^ puis k mort de fon Epoux, efle le prioit de trouver bon,<br />

„ qu'Elle fe retirât auprès de lui.<br />

Lc&EDAN affure même, qu'elle fe rendit d'abord k Fama-vmjiorien<br />

goufte ; Se qu'impatiente d'y attendre les Bâtimens , qu'el&¥jj,^^<br />

avoit demandés à fon Père, elle fréta une Frégate étrangère «««^«^«««^<br />

pour iCy embarquer : Que k réfolution étant parvenue aux j^<br />

oreifles du Roi, fl fit promtement équiper trois Galères,<br />

pour la conduire en Sicile-, Mais l'opinion de cet Auteur a<br />

peu de vraifembknce ; puisqu'on trouve que cette Princeffe<br />

fe remaria en 1331. à HUGUES DE LUZIGNAN, Neveu du<br />

feu Roi HENRI , qui étoit parvenu à la Couronne d'Arménie.<br />

C H A P I T R E III.<br />

1 *^ es immunités, que k Roi HUGUES avoit accordiécs aux Article/.<br />

'd N^otkns, ^ la permifllon qu'fl leur avoit donnée de<br />

fe fervir de' fes Galères pour le tranfport de kurs marchandifes,<br />

avoit tellement augmenté 'le commerce , Se enrichi les Marchands<br />

, qu'un feul Habitant de Famagoufte, nommé S i M E'O N,<br />

n'einploïa que la dixième partie des profits, qu'il avoit faits dans<br />

fes voïages d'Egypte, pour faire bâtir, jufqu'à k perfeétion,<br />

dans cette Ville, k belle Eglife, dédiée aux Apôtres St. Pierre, Rkheffes<br />

ôc St. Paul, dont on voit encore aujourd'hui ks magnifiques ^X"<br />

rcftes. II en étoit à peu près de même de quantité d'autres c


So^ H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

VILLENEUVE, qui-avoit fuççédé à MAURICE DE PAGNAC dans<br />

le Magiftère de Rhodes, après la démiffion de FOULQUES D<br />

VILLARET, fo trouvoit encore en France, où GÉRARD DE FI­<br />

NI, Vicaire du Couvent, avoit auffi été obligé dépaffer, pour<br />

implorer le fecours du Pape contre le Soudan i'Egypte, qui<br />

, menaçoit'd'attaquer cette Ile, k Roi HUGUES fe contenta de<br />

foUiciter les Princes de VEurope, Se de conferver fes tr^éfors,<br />

en attendant qu'ils s'uniflTent pour le recouvrement de la. Terre-<br />

Sainte; ^& A ne s'occupa, que de fes affaires particulières.<br />

f'^'^^^^. Le nombre ^de fes Enfans s'augmentoit, ôc cette confîdéradu<br />

Roi.' tion k rendoit ; moins généreux qu'A n'avoit été. L'on remarqua<br />

même avec étonnement, que la Reine fa Grand - Mère,<br />

étant décédée au bourg d'Acridi, où elle s'étoit retirée après k<br />

mort du Roi HENRI , fon Fils, afin d'y déplorer, avec plus de<br />

liberté, k fin funefte de fes Enfans, il la fit inhumer dans k<br />

paroiffe de ce lieu, fansaucune pompe funèbre, ni aucune des<br />

marques d'honneur, que méritoit là mémoire d'une û grande<br />

Princeffe, qui, park prudence, k ÛLgeffe, Se k boAne conduite,<br />

avoit toujours été l'exemple de la Cour, Se s'étoit attirée<br />

une vénéi^tiôn univerfelle. Plufieurs perfonnes ne purent<br />

s'empêcher de'murmurer d'une fi baffe économie, ôc de pubfier<br />

ouvertement que les Princes ne s'abandonnoient pas moins à<br />

la cupidité des richeffes, que le refte des autres Hommes ; Se<br />

que, plus As en avoient, plus As defiroient d'en pofféder.<br />

^3^8, Les follicitations du Roi HUGUES auprès des Princes de VEu-<br />

Axûdtii. rope, ôc celles des Chevaliers GÉRARD DE PINI , Vicaire du<br />

Couvent de Rhodes, Se dé MONTAGU, IBrimr d'Auvergne,<br />

que le Pape avoit envoies à CHARLES-LE-BEL, Roi de France,<br />

avec de très-fortes Lettres, pour l'exhorter à faire quelque expédition<br />

contre" les Ir^èles, eurent peu de fucçès., Les,Ç8fiflfes<br />

en furent la mort de ce Monarque, qui décéda peu de tems<br />

après : les conteftations qui furvinrent entre PHILIPPE DE VAxois,<br />

fon Succeffeùr, ôc Régent du Roïaume, ôc JSABEAU DE<br />

PjÉlAN-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIT. XVL CILIE . ga?<br />

FRANCE, Femme d'EoouARD II. Koi d Angleterre, qjû, comme<br />

FAfc de PHILIPPE-LE-BEL, ÔC Sœur des trois Rois défunts,<br />

vouloit kii difputer la Couronne, laquelle fut pourtant adjuge à<br />

PHILIPPE, en vertu de la hoiSalique: la crueUe guerre, que fe<br />

faifoient alors EDOUARD, Comte àe Savoie, Se le I)auphin,de<br />

Fienne, auxquels le Pape, qui défiroit ardemment de ksr/éconcilier,<br />

avoit envoie k Grand-Maître de VILLENEUVE, ÔC<br />

l'Archevêque de Touloufe : Se enfm la hardieffe qu'avoit eu<br />

LOUIS DE BAVIE'RE de fe fàiise couronner_Empereur, par<br />

la feule faveur de quelques Sei^eurs Romains, Se même d'élir<br />

re Anti-Pape PIERRE DE C O R B E'R A , Religieux Récolet. Ge^<br />

pendant les Turcs continuant leurs progrès, fous la conduite<br />

d'AssAN-BEiG, s'étoient, emparés de h. Grande-Arménie, d'Ur<br />

ne partie deh Mineure, Se des environs de Colchos, pendant<br />

qu'ORCAN, leur Empereur, après avoir défait TEmpereur AN­<br />

DRONIC^ Se s'être emparé de diverfes PJaces voifines dQ Conftantinople<br />

, équipoit une puiffante Flotte , pour ravager, ou fè<br />

rendre maître des Iles de V)i^cbipeL<br />

Ces contretems, ces conquêtes , ôc ces grands ap|;«reAs aJ- ^"^ï^f"<br />

laçnèrent teflement le Roi. HUGUES, qu'il fe détermina à paffer cmquétes\<br />

lui même en Europe; fe flattant que fa prefence contribueroit ^*i-/3|('<br />

beaucoup à engager le Pape, ôc ks autres Puiffances Chré^ierkr, gwrre, quene<br />

s, à faire quelque entreprife, poiu* arsêter k rapidité des-^cs**<br />

progrès des Infidèles. .<br />

En effet, la prefence de ce Prince, les inftances continuel- ^voiagB<br />

les du Grand-Maître DE VILLENEUVE, Se la douleur que con-^'^JS^.<br />

çut k Pontife d'apprendre l'entier abbaiffement des Chrétiens terdufed'Omnt,<br />

Se l'agrandiffement des ^nmmis d^^efuirCbrift, por- '"^319..<br />

tèrent k St. Père à redoubler fes follicitations avçç tant d'ardeur,<br />

qu'A engagea enfin le Roi de France., Se k E;,épubliqûe f .<br />

de Venife, à faire, avec lui, une ligue, contre les Infidèles, ' '<br />

par laquelle ils convinrent que k St..Pèrei, ôc ce Monarque mettroient<br />

fi» pié,, Se entretiendroient, à fraix communs, ime<br />

At-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


8o3 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

Armée de vingt mflk Chevaux, ôcde cinquante mAle Hommes<br />

de pié; ôcque k République mettroit en mer autant de Galères,<br />

qu'elle pourroit armer, fur lesqueUes elle mettroit quatre mAle<br />

Hommes de débarquement; ôc qu'elle fourniroit auffi aux Alliés<br />

cent Vaiffeaux plats, pour le tranfport des TroïJpes, des mar<br />

chines, ôc des provifions.<br />

Cette ligue donnoit d'autant plus d'efpérince au Roi de<br />

Chypre de quelque heureux événement, que k Rei de France,<br />

qui s'étoit ea^é lui-même d'aller à la tête de cette Armée,<br />

faifoit travailler aux préparatifè néceffaires pour fon voïage,<br />

Ceft pourquoi HUGUES, qui étoit à fa Cour, après avoir conclu<br />

le mariage du Prince Gui, l'un de fes Fils, avec MARIE DE<br />

BOURBON, Fille du Duc Louis L retourna promtement en<br />

Chypre, '^o^r faire, de fon côté, les plus grands préparatifs,<br />

1330. 'qu'A lui feroit poffibfe, afin de bien féconder les Princes alliés<br />

dans une guerre, qu'il fouhaitoit avec t^nt d'ardeur.-<br />

La confoktion , qu'A reffentit de leur union pour la guerre<br />

fainte, ôc celle d'avoir retrouvé fa FamAfe en bonne làur<br />

té, ôc fon'Roïaume dans k même opulence, qu'A l'avoit laif^<br />

fé, furent bientôt interrompues pai* un accident, qui faiflit le {^ire<br />

périr avec toute fa Maifon, Ôc cpx commença à altérer k<br />

félicité. ' - -<br />

Deffein du La vèAle de k St. Martin , jour auquel les Chypriots ont<br />

pârksmai- coutume de faire les réjouïffances, qu'on pratique en France<br />

leurs, qui la vcAk des Rois, A tomba une pluie fî prodigieufe pendant la<br />

pEtats,^ nuit, ôc lorsqu'As ne penfoient qu'à bien boire, Ôc à fe diveriTmmerîes<br />

^^^> quc k torrcut, qui traverfe la Ville de Nicofie, s'enfla fî<br />

^sRais de fort," quc toutc k VAk en fut inondée. L'eau monta jusqu'ài<br />

4'Angit ^patre pié dans les endroits les plus éminens ; ôç les maifofis,<br />

terre. ^ n'avoiciït qu'un feul étage, en furent presque fubmergées.<br />

La terreur, que caufa un déluge fî affreux à des gens, remplis<br />

de vin, plongés dans le fommeA, ôcdont les ténèbres augr<br />

mentoient k frayeur, fit périr un gr^nd nombre de perfonnes.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XVL CH. IIL 8op<br />

nés, qui vouloicnt chercher un afîle hors de leurs maifon^.<br />

Tous ks habitans de cette Capitafe auroient péri miférablement<br />

dans cette occafîon, fî la violence du torrent n'eût enfin emporté<br />

le pont du change, qui arrêtoit k rapidité de fon<br />

cours.<br />

Néanmoins l'écroulement de ce pont, en facilitant Técoidcment<br />

des eaux, n'empêcha pas, que trois mille perfonnes, felon<br />

LOREDAN, & onze mille, au raport de LUZIGNAN, n'en fuir<br />

fent fubmergées, outre deux mille autres, Ôc quantité de chevaux<br />

, ôc autres animaux, qui périrent dans les lieux circonvoifins,<br />

où ce débordement n'avoit pas fait un moindre ravage<br />

; Et, C, dès le commencement de Pinondation, k Roi n'eût<br />

eu la précaution de fe retirer avec fa Famille à l'Archevêché, qui<br />

eft à l'endroit le plus élevé de k Ville, il n'auroit pas couru<br />

moins de danger, que fes Sujets, dont la perte lui fut auffi fenfibk,<br />

que la mauvaife nouvelle, qu A reçut peu de tems après,<br />

que la ligue, dont A avoit conçu une fi grande efperance, ôc<br />

pour laquelle A s'étoit donné tant de mouvemens, ôc avoit fait<br />

beaucoup de dépenfe, étoit rompue, à caufe de la mésintelligence<br />

, qui fe mit entre ks Rois de France , Se d^Angleterre.<br />

En effet, après que PHILIPPE DE VALOIS, Roi de France,<br />

eut déckré le Duc de Normandie, Régent, pendant fon abfence;<br />

qu'A lui eût fait prêter le ferment de fidélité, par les<br />

Princes, ôc les Seigneurs de fon Roïaume ; ôc qu'il fe lût même<br />

rendu à Avignon, pour confulter le pape fur fon voïage;<br />

foit qu'A-voulue furprendi-e, comme quelques-uns le veulent,<br />

EDOUARD IIL Roi dH Angleterre ; ou qu'il voulût, de bonne foi,<br />

l'engager dans fon entreprife, il porta le Pape à envoïer à ce<br />

R-ince deux Ambaffadeurs, pour l'inviter à entrer dans leur<br />

ligue. EDOUARD , qui appréhendoit, que, fous prétexte d'une<br />

guerre étrangère, PHITIPPE n'eût deffein d'en faire une civik,<br />

répondit aux Miniftres de Sa Sainteté, que, lors qu'il<br />

Kkk kk feroit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Sio HISTOIRE GE'N&RALE<br />

feroit bien affuré, que le Roi de France agifibit fincèrement<br />

pour le recouvrement des Saints lieux, ôc non pour furprendire<br />

•IlAquitaine^ comme A avoit été averti, A marcheroit lui-même<br />

en perfonne, avec autant de plaifir, ôc d'empreffiem^t, que<br />

fe St. Père pourroit k défirer ; Se, pour Faffurer de k fincérité<br />

de fes fentimens, A lui cnvôïa d'abord l'Archevêque de<br />

Cantorberi, Se PEvêque dHUnelme, pour prier k fouverain Pontife<br />

tt établir entre*ie Roi de Franche, & lui, un accommodement,<br />

qui mît fes Etats à couvert de fes armes, pendant fe<br />

tems que dureroit k guerre contre les/;^^^


DE CHYPRE. LIV. XVL CH. IV. 811<br />

promtement, eUes cauf^rent une fi grande difette, que quantité<br />

en moururent de faim, par raport aux grands ravages, qu'elles<br />

firent dans toutes ks campagnes, où eUes dévorèrent jusqu'à<br />

fécorce^ des arbres; ce qui joint à la quantité de grains, •<br />

que les eaux avoient gâtés dans ks greniers, les vivres devinrent<br />

fî rares^dans toute l'Ile, Se montèrent à un prix fî exorbitant,<br />

que, malgré l'opulence des Peuples, ks artifans, ôc les<br />

gens de k campagne furent réduits à la dernière mifère ; de<br />

forte que, fî le Roi n'eût envoie fes Galères, Ôc plufîeurs autres<br />

Bâtimens, dans les pays étrangers, pour apporter des provifîons,<br />

grand nombre de gens auroient été obligés d'abandonner<br />

leur patrie.<br />

Ce Prince & même davantage. Pour foulager plus promte- Soins d»<br />

ment le pubUc, il a(;corda le titre de Nobkffe auxNégocians, ^Jl^ |<br />

qui introduiroient dans le JRoïaume une certaine quantité de t


8i2 HISTOIRE G E'N E'R A LE.<br />

ceau de bois de la vraie Croix, renfermé dans une chaffe d'or,'<br />

qu'on affure que Ste. Hélène avoit dèpofé dans une Eglffe, qui<br />

fe trouve bâtie fur un pont auprès du Village de Togni.^^ Un<br />

Prêtre Latin, nommé SARMANDARI, qui la deffervoit, avoit eu<br />

l'impiété de voler ce Sacré dépôt, dès Tannée 1318. avec divers,<br />

riches ornemens, dont cette Eglife étoit pourvue. Les<br />

mœUrs diffolues de ''ce mauvais Eccléfîaftique l'avoient entièrement<br />

apauvri, Ôc porté à commettre cet horrible facrilége ;<br />

mais, foit que ce fût par la permiffion de Dieu, ou que les remords<br />

de fa confcience le retinffent, quelque tentative qu'A fit,<br />

fl ne put jamais s*élo^er du Bourg, tant qu'A fut faifi de cette<br />

Sainte refique; en forte que, pour la cacher, A prit le pardécouverte<br />

ti de k mettre dans le tronc d'un gros arbre; après quoi A s*en-<br />

^7«mor- fuit effeélivement, avec le refte de fon larcin, faiis qu'on pût<br />

9iraie jamais'découvrir CC qu'A étoit devcnu.<br />

£S*e//. . Cette nprécieufe Relique , qui avoit été invifibk pendant<br />

quinze ans, fut alors découverte par un Berger, dont le troupeau<br />

paiffbit aux environs de cet arbre ; ce qui coiifok extrêmement<br />

les Habitans du lieu, qui avoient infiniment regiretté<br />

k perte d'un tréfor fi précieux. L'Evêquè Grec de l4mifoly<br />

qui kflbit fa réfidence k Lefcara, ne voulant plus la laiffer expolêè'<br />

dans une Eglife champêtre, comme étoit celle de Togni,<br />

la tranfporta proceffiOnneAèment dans fon Eglife Cathédrale,<br />

où elle fe trouve encore aujourd'hui<br />

^vEg^l ^ ^^^ ^^^ ^ répandît de cette merveifleufe nouvelle. Se<br />

ttZ^' ^^^ miracles, qui la fuivirent, attira une grande affluence de<br />

''^' 'monde k Lefcara; Se, parleurs offrandes, ils enrichirent extrêmement<br />

l'Eglife Epffcopale, où ce Sacré dépôt avoit été p%é.<br />

La Reine ALIX mêfee, qui étoit d^uis longtems à-demi-paralitique,<br />

s'y fit tranfporter, ôcen reffentit bientôt des effets<br />

admirables, qui touchèrent fi fort M A R G u E'R i T E DE B L ER I ,<br />

l'une des principales Dames de k Cour, que, non contente<br />

d^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liy. XVL CH. lY. 813<br />

de kflfer à cette Eglife des marques de k dévotion, Ôc de k<br />

libéraUté, Elle ne fut pas plutôt de retour à Nicofie, qu'elle fit<br />

bâtir une Eglife dédiée à h Ste. Croix, ôc lui affigna des rentes<br />

fî confîdérables, qu'elle étoit mieux entretenue 3 ôc déffervie<br />

qu'aucune autre du Roïaume.<br />

Mais ce qu'A y a de plus extraordinaire au fujet de cette Eglife,<br />

c'eft que les Turcs, qui en firent une Mofquée, après<br />

qu'As fe furent rendus maîtres de ce beau pays, ont remarqué<br />

avec étonnement, de même que les Chrétiens, ôc admiré<br />

comme une chofe incompréhenfible, que tous les Mans, qui<br />

alloient fur le minaret qu'ils ont ajouté à cette Mofquée, pour<br />

appeller le Peuple à la prière, felon leur coutume, font toujours<br />

morts au bout de l'année ; c'eft pourquoi A y a longtems<br />

qu'ils l'ont abandonnée, ôc ne la fréquentent plus aucunement.<br />

Le Grand-Maître de VILLENEUVE revint à Rhodes,fzns près-Article///,<br />

que aucun fecouj's, ni affiftance des Princes Chrétiens, malgré ^334la<br />

longue réfidence, qu'il avoit faite auprès- d'eux. Les Thrcs<br />

faifoient cependant des progrès. Après avoir affiégé pendant<br />

deux mois, avec 280. voiles, la Ville de Conftantinople, dont<br />

ils fe feroient rendus maîtres, kns le fecours des-Flottes Fénàtienne.<br />

Se Génoife, ils avoient ravagé les côtes de la.Gr^^,<br />

Se les Iles deVArchipel, conduit plus de dbc mille Chrétiens en<br />

efckvage, contraint ceux de Négropont' k fe rendre kurs tributaires<br />

, Ôc enfin menacé l'Ile de Rhodes. Toutes ces chofes<br />

aïant fait comprendre au Roi HUGUES, qu'A ne failoit j^uss'attendre<br />

à aucune union contre les Infidèles, A s'attacha unique- SotnsftuRos<br />

ment à fortifier fon Roïaume, pour fe garantir de kurs atten-/


814 H I S T O I R E G F N E'R A L E<br />

rc. Ils pouffèrent fi loin leur paffion pour cette belle perfonne<br />

, qu'ils penferent fouvent en venir aux mains ; mais ne pouvant,<br />

ni fun, ni Tautre, en rien obtenir, malgré leur affiduité,<br />

par une conduite bien extraordinaire à deux rivaux, fi animés<br />

de leur jaloufîe. As s'accordèrent enfin, Ôc convinrent de<br />

l'enlever. Se d'en-avoir unejouïffance commune. Leur réfolution<br />

parvint aux oreiUes du Roi, qui fit fur le champ<br />

cacher l'objet de leurs fofles amours. On l'embarqua, peu de<br />

^ours après, fécrettement pour V Italie. Son abfence augmen-<br />

«33S- ta l'ardeur -de ces jeunes Princes, qui découvrirent enfin ce<br />

qu'efle étoit devenue; ôc,ne fuivant quele feu de leur paffion,<br />

ils réfolurent de k joindre, à quelque prix que ce fût Ils feignirent<br />

une partie de chaffe, ôc allèrent, fous ce prétexte, fe<br />

. faifir d'une Galère, qui fe trouvoit à k rade des falines, fans<br />

que les remontrances des Perfonnes, qui les accompagnoient,<br />

puffent empêclier leur mauvais deffein.<br />

L'aélion de ces jeunes Princes altéra fi fort le Roi, lors qu'A<br />

en fut informé, qu'A fe rendit lui même au* port, pour les<br />

arrêter, ou pourles faire promtement pourfiiivre, s'ià en étoient<br />

partis ; mais A n^ rencontra, que k Chevalier LOM­<br />

BARD, ^and ami, ôc confident du Comte de Tripoli. Ce fut<br />

fur lui, que le Roi déchargea k colère. Apres lui avoir regrhu<br />

de la Proche qu'fl fomcntoit kur desordre, ôc qu'fl étoit caufe desdépartdefes<br />

piaifirs, qu'fl CH rcccvoit, fl k fit pendre à un arbre, fansvou-<br />

VÀr aucune juftification ; ôc, dès le lendemain, il dépêcha les<br />

BaronsL ouïs DE'NORES,ÔC JEAN DE NIZZU, avec deux Galères<br />

bien renforcées de chiourmes, pour les iHXi^fuivre, ôc tâcher<br />

de les ramener.<br />

Mais, quelque diligence qu'As fiffent, ils ne purent les joindre,<br />

que vers les côtes de la Sicile, fis les trouvèrent dans l'état<br />

du monde le plus pitwabk, kns argent, ni proviCons, ôc<br />

leur équipage prêt à fe révolter, faute de nourriture, C'eft<br />

pourquoi, A ne fûtpas difficile au Baron D E'N ORES, qui étoit<br />

na-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIT. XVL CH! IV. 8iy<br />

aatureflement éloquent, de perfuader à ces jeunes Princes de<br />

fe défifter d'une entreprife , qui ne pouvoit leur caufer que<br />

beaucoup d'incommodités, ôc de grands malheurs ; puisqu'efle<br />

kur attireroitk disgrâce du Roi leur Père ^ ôc leur fëroic perdre<br />

l'eftime de tous les Princes, qui feroient informés de leur légèreté.<br />

,<br />

Leur retour, ôc la foumiflion, avec laquelle ils tachèrent de Artideip:<br />

s'excufer auprès du Roi, ne l'empêcha pas de, leur faire éprour /évêrmcSi.<br />

ver fon juftereffentiment, fiir tout au Comte de Tripoli, qui, ^33


'8i6 H I S T O 1% E G E' N E' R A L E<br />

•Roi d^Arragon,Se le Prince G^f///^^ fon Frère, avec une Demoifelle<br />

de la Maifon d'Ibelin. "^•<br />

11 maria, dans la même année. CIVE, fa Fille aînée à FER-<br />

RAND, OU FERDINAND, Roi de Majorque, ôc'MARIETTE, fa<br />

cadette, au Baron GAUTIER DAMPIERRE. La latisfaâion, que<br />

ce Prince reçut de ces alliances, fut fuivie de celle que lui donna<br />

l'arrivée des Ambaffadeurs, qu'il avoit envoies en France,<br />

Se en Arragon , qui conduifirent les Princeffe» MARIE DE<br />

BOURBON , ôc E L E'O N o R D'A R R A G o N. # Leur réception fut<br />

fi magnifique ; les réjouïffances, ôc les Ipedtacks publics, Se particuliers,<br />

durèrent fi longtems, qu'A paroiffoit que k tems»du<br />

règne fabuleux de VENUS fûti-cvenu en Chypre. U eft vrai, que<br />

c'étoit le feul pays des Chrétiens en Orient, qui jouïffoit d'une<br />

entière tranquilité, ôc d'une grande opulence. On n'y reffentoit<br />

le voifinage des Infidèles , que par le dépkifir d'apprendre<br />

les ravages, qu'ils faifoient dans les autres Provinces. Les Chypriots<br />

auroient enfin goûté une félicité parfaite, fans les attentats<br />

de quelques fourbans, qui vinrent interrompre leur commerce.<br />

LIGURE ASSANTI, Fils de celui à, qui les Chevaliers de Rhodes<br />

avoient donné la propriété de l'Ile de Nizzaro, Se qui étoit<br />

obligé d'entretenir une Gal>lre pour.^k fervice du Couvent, fe<br />

trouvant entièrement desœuvré, s'érigea en Corfaire. Il couroit<br />

indifféremment fur les Turcs, ôc les Sarrafins, comme fiu: ks<br />

Chrétiens. Les Négocians Chypriots fe trouvèrent dans le cas,<br />

ôc furent fort incommodés de fes pirateries. Les* plaintes,<br />

qu'ils en portèrent au Roi, l'obligèrent à le faire pourfuivre par<br />

deux dé fes Galcres ; mais eUes ne purent le forcer dans fon<br />

lie, où A s'étoit retiré avec fes riches prifes; ôc les Chevaliers<br />

de Rhodes, auxquels k Roi écrivit, afin qu'As remédiaffent à ces<br />

désordres, ne s'en mirent guères en peine; de forte que leur<br />

peu d'attention fut caufe, qu'il fit faifir tous ks biens, qu'As<br />

poffédoient en Chypre i pour indemnifer fes Sujets des pertes,<br />

qu'As-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ï 1 BE CfHYPRËr Iiv.XVr.Cii.tr. «i><br />

qu'AssANTi, leur Vaffal, leur avoit caufëes. La Religion,<br />

qui fe vit tout d'un coup privée des grands revenus des Commanderies<br />

de Chypre, fatisfit promtement aux volontés duRoi^<br />

dépouilla k corkire de k propriété de l'Ile de Nizzaro, ôc lui<br />

fit payer k téméraire entreprffe, qu'A avoit faite fur les Chrétiens.<br />

'i^rincipalement la ^.^gyp^<br />

guerre, qui regnoit entre ks Rois de.France, Se d'-^j^Zfûnasf,/^'"^^qui<br />

étoient toujours ks plus promts k fecourir k Pakftine^ ne Chypre<br />

LU 11 leur<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


8i8 H I S T O I R E G E' N E' H A L E<br />

leur permettroient pas de faire, de loiïg-tems, aucune expédition<br />

pour k Levant. Ces Barbares étoient égakment informés,<br />

que ks Chrétiem d^Afn- ne faifoient^ aucun mouvement y<br />

poj» s'oppofer à leurs entreprifes, foit qu'ils, n'euffent point<br />

afliez de fortes, ou qu'As fe conteataffent de demeurer fur<br />

k défenfive.<br />

Ces copfidérations enhardirent tellement ks Infidèles, qu'Asfaifoient<br />

des courfes continuelles, non feukmeiit fur le$ Iles de<br />

tjtrchipel, ôc fur celk de Candie, mais encore fur k Roïau-<br />

Hugues ^^ ^^ Chypre y q^s n'avoient point encore ofé inquiéter, Le<br />

d'-maxide Roi HuGUES apprelicndaut, qu'il^ n'y fiffelit enfin quelque viuiecwrs.<br />

g^^j^^ irruptiou, à kqueUe fl n'auroit pu réfifter, par<br />

raport à la molkffe de fes Sujets^ que la longue paix, ,4ont<br />

ils avoient .jouï, avoit entièrenœnt relâchés, recommen


( «<br />

ï)È CHYPRE. Lïr.XVL Qi.V. Siy<br />

de Fènife cinq, k Refigion de Rhodes fix, ôc les Sei^eurs de<br />

Mih une.<br />

Afin 4'éviter la mesintelfigence entre les Commandans, k<br />

Pape en nomma Général HENRI, Patriarche de Conftantiftople<br />

, qui s'embarqua fiir cette Flotte , en qualité de Lé-'<br />

gat Apoftolique ; ôc, par Fentremife de JEAN D'AME'LIA, Archi-diacre<br />

deForli, le 5/. P^^ s'accorda avec MARTIN ZACA­<br />

RIE , Génois de Nation, touchant les quatre Galères, qu'il<br />

s'étoit engagé de fournir. Eïïes partirent inceflamment, fptis U^Sîî/*^<br />

la conduite du même^ACARiï, ôc avec fe Légat, pdtir fe ten-'4#^J^<br />

dre à Rhodes, où étoit le rendez-vous.. Cefles de Chypfe s'y 1344.<br />

rendirent auffi fous le commandement de CONRAD PICAI^IIGUO,<br />

ôc ceUes de Fénife fous les ordres de NICOLAS MICHELI. Le<br />

GrandrMaitre de VILÏ^ENEUVE fit l>eancoup de difficultés de fe<br />

charger d'un fi grand fardeau ; mais fl fe rendit enfin à k volohté<br />

du Pontife, ôc fournit les fix Galères, dont fl donna le<br />

commandement au Chevalier JEAN DE BIANDRA , Prieur de<br />

Lombardie*<br />

La Flotte confédérée ne fut pas plutôt fortie du port de Articiejy/.<br />

Rhodes, qu'elfe donna fi bieii la chaffe aux Titres , qui jusqu'alors<br />

n'avoient rencontré aucun obftacle k leurs courfes, qu'As<br />

fe retirèrent tous dans leurs ports, Ôc n'oferent plus en fortir.<br />

Le Légat, Ôc les Commandans, ne jugeant point à propos de<br />

les y afler attaquer, ni de perdre leur tems en courfes iAutiles,<br />

réfolurent de faire quelque entreprife d*éckt, ôcqui fût avantageufe<br />

à h Chrétienté.<br />

Ils aUèrent attaquer la Viïïe de Smirne, dont As s'empare- L» motte<br />

rent fans beaucoup de peine, auffi bien que du Giâteau, à la^^[f<br />

faveur de deux Renégats, qui, félon LOREDAN, leur en ^^'&^^<br />

vrirent une porte. 'Une conquête fi importante faifoit tro^fenmpwe.<br />

d'honneur ôc de plaifir au Légat, pour n'être pas biçn attentif<br />

à fa confervation. Auffi, n épargna-fil rien pour bien mimûr<br />

k Place de toutes les provifîons néceffaires, en attendant que<br />

Lll 11 2 fe<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


82a HISTOIRE GE'NE'RALÉ<br />

k Pape, ôc fes autres Princes confédérés , auxquels"^.en<br />

1945; donna d'abord avis, k pÔUrvuffent eux mêmes plus abondammeçLt.<br />

L^ Q-and-Maître de Rhoies y qui fe premier reçut cette<br />

agréable nouvelle , reconnoiflant, que la poffefiHon dé cette<br />

place étoit dfune importance infinie, aux Cibr^//^«j , ôc que,<br />

par raport à fa fîtuation, ôc à la commodité de k fameufe rade<br />

, eUe pouvoit feur facAiter d'auti-es conquêtes, dans VAnato-<br />

U.e, y envoïa d'abord quantité de machines, ôc autres inlbumens<br />

de guerre, non feukinônt pour fk propre défenfe, mais<br />

encore pourles autres entreprifes, que k Flotte confédérée auj^^^^^<br />

roit pu tenter II elpéroit', qu'elle auroit bientôt occafion de<br />

Général de fè fetvir de CCS fecours. Se. qc^ete ne feroit pat. demeurée dans;<br />

M Flotte, pinaéliqj^ ^ comme eUe fit, par k mort du Légat ; fequel,<br />

affoibli des fatigues de lâNiâvigatkjn, dans un climat fi différent:<br />

du fîènjt ne put réfîfter à k violence d'une fièvre, quil'empoï^ta<br />

en peti de fours.<br />

Mais la perte de ce fage Prâat, qui avoit fi fort contribué<br />

au bonheur des armes de k Ligue, foit par l'aftabilité, avec<br />

laquelle fl avoit vécu avec tous les Cbpiôiantkns, foit parfum<br />

nion qu'fl avoit toujours entretenue entre eux , ôc les autres<br />

Officiers, Jointe au décès deZAiCARiE, qui commandoit les Galères<br />

du St. Siège y fut caufe que fes autres Chefs, bien foin dô.<br />

profïteç de l'atantage, qu'ils venoient de remporter, fe désuniireht.<br />

Se ne fpngtent pfus qtfà jouir de kur conquête.<br />

La nouvelle *de la prife de Snàrne réjouît extrêmement ,fe'<br />

Pontife; mais fa joie fût bkntôt diminuée, par ks avis qu'AN-<br />

DRE' DANDOLO, Doge de Fémjh , lui donna, peu de<br />

tems après, de k^niert dû Lég^t, Ôc de ZACARIE,, Commandant<br />


i>E GHYPRR LIV.^VLCH. ¥. &2k<br />

•<br />

DONO pour commander fes Qalèiçs ; Mais, commç ils ne pu-^^^^<br />

remlicéparicami-<br />

rent oartir auffi-tôtque fePapeJ'^roit fc^haité^ Anommal'Eve-Jj*'^'^<br />

que de Candie k k pkce du premier, & donna à CONRAD.Pi-gu^<br />

CAMIGLIO k conduite de foa E|||a(|re, comme ilj'avqit déjà de ceîfe<br />

da Roi de Chypre. Le St. Père^ècl^ia. fe Chevaiîer BIANDRA,<br />

dont on lui avoit fort vantp la valeur, Se l'exptérience, Génépi<br />

de toute la Flotte confédérée. Il lui|^rdp|ina d'être bien attentif<br />

au choix des perfonnes, auxquelles flçonfieroij^ la confervation<br />

de Smirne, afin que, s'A f^it quelque nouyefle entreprife,<br />

on n'eût rien à craindre pendant fon abfence; Et A Paffùra<br />

en même tems, qu^A allort: lui envoïer un rènfô^d'aut^t<br />

plus confidérable, qu'il étoit toutcomppfé de perfonnes denaif<br />

knce, qui s'étoient déterçamées à aller pç^n(be part à la gloire,<br />

fitôt qu'ils furent k prife de Smirne.<br />

Comme A a^voit é(é, iiîEbrm^, que feu ^CA^IE, ÔC les am- '<br />

très Capitaines , qui étoient à k ^olde fl^ kpi^mbre Apo^<br />

tolique, tenoient leurs Galères mal garnies de foldats, Se de<br />

matelots , il ordonna au Général 4'y furveflicr y afin qi^e , ïi<br />

kurs équipages, ôc.leurs c^iioii^rmes, a'étofent pas comiplettes,<br />

on diminuât la fomme qu'c»^ k^r payoit pjO^rleur entretien:<br />

Ménagement fort inconfidéré, mais digne de compaffion, pour ..<br />

des Perfonnes, qm n'ont pas kconnQifËmcenécôffidre desg:^<br />

pédition^ mAitairés. . .<br />

Cependant, quelque apjtiqué qjue fûtJepape'àla gwerre coni-^^^l^^tre<br />

les Turcs, A ^e fétoit pas moins des. affaires qe P^^op«./occi'<br />

L'empereur Loyis DE BAVIÈRE continuoit à. perfécuter^"**<br />

l'Eglife,' ôc menaçoit 1'///^J'^ne nouvelle irmpçjt^n. L& St^<br />

Père fit affembkr à Avignon plufieurs Prinçç^,» ôç qqkitité de ^ p^<br />

Prékts, pour ks inftruire de ces violences ; ôc lei'Jeudi^SaintP^ c'^.<br />

., • * * . , ' ' / • * 11- i; '^ • L' •' mentvn<br />

A prononçg, en kuc,prefence ^, kfepitence d'e^oaamunK^on etcmmif<br />

contre ce Prince. ÏI le priva ,. ea même tems y de tous les \}^^'<br />

Etats, qu'ji pôïTédoiti ôç ordonna aux Elç($lei|rsb fous peincj^^JJ^^<br />

d'encourir les mêmes cenfurea,. de procéder à l'ekàio» d'^n Bavière!<br />

Xtl IV i nou.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«22 HISTOIRE G E' N E'^R A L E<br />

nouvel Empereur. Ils s'affemblà'ent à Rent s, gros Viflage fîtué<br />

fiir le Rhin, Se élurent k fa place CHARLES DE LUXEM­<br />

BOURG, FAs aîné de JEAN, Roi de Bohème, qui fut le quatrième<br />

Empereur de ce Nom, malgré la concurrence <br />

^oi d^uiê^kterre. CeÏMt ce nouvel Empereur, qui fit la fameufe<br />

Conftitution, nommée la Bulle d'or, tljuchant féleétion des<br />

Empereurs, laquelle a depuis torpeurs fervi de règle pour cette<br />

grancfc, & augufte cérémonie.<br />

C H A P I T R E VL '<br />

Article i. T a prife de Smirne ne fut pas fc fèul avantage, que la Flot-<br />

X-> te Chrétienne remporta fur les Tares. Ces Bat^bares af^<br />

feâant d'être intimidés de la perte de cette impoffetiite Pkce,<br />

envolèrent des Députés, pour propoftr une Trêve aux Chrétiens<br />

, ou plutôt pour les amufer ; Ôc, pehdant ces pour-parlers, As<br />

fë hâtèrent d'armer plufkurs Bâtimens de différentes efpèces<br />

uiud'im- ^ans les ports d^Afie, Se compofèrent une Flotte de cent cin-,<br />

Jar "iir quante voik^^ avec laqiî^ ils allèrent attaquer l'Ile dUmbros,<br />

xurcs. Çitnée k l'embouchure de VHellefpont, dont As s'empar&ent dé<br />

vive force, pafferent partie des Habitans au iA de TEpée, firent<br />

les autres prifonmors, ôc s*y fortifièrent.<br />

La Flbtte confédérée ne fiit pas phitôt avertie de cette expédition,<br />

qu'ellefortit du golphe di^ Smirne, bien réfolue d'en<br />

riMreie ^^^^^ vangcaixce. Elle y réuffrt en effet, &furprit ks Infidèle^<br />

laFtatte avcc tant de bonheur, qu'elle leur J)rula cent dbc huit Bâti-<br />

'/SS/w «1^^ > apès quoi les Troupes, ôc la jrfupart des équipages<br />

tares, mirent pié à terre, ôc combatirent, avec tant de réfolution,<br />

qu'outre k quantité de jS/î:r^^fj,^qu% défirent, As en emmenèrent<br />

plus de cinq mifle prifonnfers.<br />

Quoi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E CH Y PR E. Lîv. XVL CH. VI. 8 25<br />

Qpoique fe Roi de Chyp-e ne reffentit pas une moiî|dre làtisfkcâion<br />

àt ces avantages, que les autres Princes confédérés,<br />

il reconnut cependant, qu'ils nekmettoient point à l'abri dellio-"<br />

fiifte des Sarrafins, dont fe voifinage, ôc les estr^ifès fur<br />

VArménie l'inquiétoient d'autant plus, qifilB déçKJuifloicnt fe<br />

Roi CONSTANT , tantôt d'une Place, ôc tantôt d'une autre, outr^<br />

^'i^ venoient tout récemment de reprendre la Ville d^Iffim,Layecxr<br />

zo, k même où le Grand ALEXANDRE remporta^eite fameufe<br />

Viétoire contre DARIUS , Roi de Perfe , comme nous l'avons<br />

dit. C'eft pourquoi auffi, HUGUES auroit ébrtfbuhaké^ qu'on<br />

eût conclu la Trêve avec fes Ottomans, afin d'être mieux en^<br />

état de fecourir le Roi di Arménie, fon voifin, ôc d'y em^ïer<br />

fes fommes, qu'A étoit obfîgé (fe fournir pour l'entretien de<br />

fes Galères.<br />

Coinme lePafiie, Se k Religion deS&0^i , ne fe trouvoient<br />

pas moms incommodés pour l'entretien des leurs, Ôcde k garnifon<br />

de k VAlé,^ ôc Château de Smirne, ôcq[ue le St. Père ZYoit<br />

perda fe^érance ddpouvob* engager dans k Ligue aucun Prince^-<br />

^ pst la foukgeiTf Que fes Turcs, de feur côté, après la<br />

grande perfcejlîn'ils venoient de 6ire à Imbros, avaient renouvelle<br />

leurs pn^xifîtiofls pour une foQ>enfion d'armes ; HUMBERT , Daeh<br />

^rih de fienne, que k Pontife avoit envoie à Smirne dès l'année<br />

précédente, eir quaHté de Général des Troupes de débarquement,<br />

tint Confefl, en vertu de l'ordre qu'fl venoit d'en recevoir;<br />

ôc, du confentement du Légat, ôctfe»autres Chefs, il<br />

envoïa le Chwalier DKAGONDT DE ^TSUSE , ôc BAITHE-<br />

EEMi Tc»iARiy Chanoine de-Swwrw, àCALAm, ÔCMAUSASANV<br />

Cliefs des Tir^i, & Maîtres de SfOime Supérieure, avec les-<br />

^els A conclut une Trêve, à condition fxxtrtant que fe Pipe<br />

en approuveroit les Artides, qu'on Itd envwa par le Pirfeur de<br />

Navarre, Se par le même Chanoine TOMAW.<br />

Pondant qu'on atteûdoit à Smirne k ratification de ce Trai- Js chî?^<br />

ttyk Roi HUGUES eut k confoktion d'açprendre»'qu'au moïen 2J°^'^^^.<br />

dîun<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Sii HISTOIÏIE G F N F R A C E<br />

d'un fecours y que lui ôc k Rdigion de Rhodes avoient envoie<br />

au Roi CONSTANT, ce Prince avoit repris fur les Sarrafins k<br />

Ville de liàyazzo, ôc les avoit entièrement chaflËs de fes Etats ;<br />

mais, comme fl fe» doutoit, que les Infidèles ne manqueroient<br />

pas de recommencer leurs hoftilités avec plus de %'gueur, &<br />

^eut être de l'incommoder lui même, il réfolut de repafler en<br />

Europe, pour renouv^lfer fes follicitations ai^rès du Pape, ôc<br />

des autres Puiffances Chr^iennes^, tOBwhant le recouvrement du<br />

Roïaume de yérufakm, dont A avait fî font fouhaité fentreprife,<br />

dès fon avènemeiît à k Couronne. v *<br />

Arturîtk ^ ^® défiroit pas moins de fecourir fon Peuple,- idan* une né-<br />

Lapefte.fe ccffité, qui étoit auffî preffante, que k dflètte, qu'ils avoknt<br />

'^Jinsi'jiede -éprouvée quiuze ans auparavant. La pefte, qui s'étoit découçhypre.<br />

^gj-^e aux cnvirous de Famagoufte, s'étoit fî fubitem^cnt ri^andué<br />

dans toute'nie, qu'elle fe trouva malheureulement inondée<br />

de ce terrible fléau. Cette disgrâce lui fit différer fon<br />

Toîage. Il ne foâgea plus^ quIi faire daffer desHôpitaux, ôcà<br />

remplir des Magafins de Provifîons, tant dans les VAles, qu'à<br />

Hugues la campagne, pour foulager les pauvres néCeffiteux dans ce tems<br />

{ruîrTL ^« calamité; ôc il fit venir d'habiles Médecins, ^Chirurgiens,<br />

mpittux, des pays étrangers, pour arrêter cette dangereufe maladie.<br />

des'^pnvl Cepecsdant, malgré tous fes foins, Ôc fes "grandes dépenfes^<br />

^' elle dura pendant un an entier; ôc A eut k douleur de voir périr<br />

près de la moitié de fes Si^ts. Lui même fut obl^pour<br />

l'éviter, d'abandonner fa Capitale, ôc de fo «retirer, avec toute?<br />

fa familk, dms k Qizteau Dieu d'amour i, qui fut k feul endroit<br />

de toute l'fle exemt de cette contagion.<br />

Il éfôit encore dans cette retraite > lors 4ju'A reçut du Pape<br />

une copie de* Articfës, iqu'oa traitoit avec les Turcs. Le St.Pè^<br />

re lui demandoit fon avis, fur la conclufioiï de k Trêve, ou<br />

1349. fur k continuation de k guerre. HUGUES, qui défiroit cet accommodement<br />

plus que jamids, par raport à k défoktion j que<br />

kpëfte avoit caufée dans fes Etats, cai A avoit même invité<br />

r les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BE CHYPRE. Lir.XVI. Ca VL SiJ<br />

.les Peuples étrangers, pourles venir repeupler, ne balança pas<br />

à envoïer à Sa Sainteté un Ambaffadeur, pour le conclurre de<br />

teUe manière, qu'Elle lé jugeroit à propos.<br />

Le tems, qui fe confùmoit en confultationà, en allées, Se<br />

venues, pendant lesquelles A fe paffoit toujours quelque adlion<br />

entre les Chrétiens, Se les Turcs, joint à la mort de l'Archevêque<br />

de Candie, Vice-Légat Apoftolique^ ennuïa fi/ort CA-<br />

LABi, qu'A prit le parti d'envoïer lui mêm^ des Amlyaffadeurs<br />

au Pîçe, pour preffer la concluCon de la Trêve, afin d'avoir<br />

le tems de fe refaire de fes pertes. Cependant, quoique toutes<br />

les parties intéreffées paruffent la défire;r, ôc que le Pape fe<br />

trouvât dans un nouvel embarras, au fujet du Roïaume de Naples,<br />

dont le Roi de Hongrie venoit de S'emparer, l'Ambaffade<br />

des Turcs ne produifit qu'une jl^fpérifion d'armes d'une année,<br />

pendant laqueUe le St. Père fe flattoit de pouvoir racommoder<br />

entièrement les Fénitiens, Se les Génois, ôc de les engager<br />

à unir leurs forces contre les Infidèles ; Mais la haine de<br />

ces deux Républiques étoit trop invétérée, 'pour pouvoir être<br />

calmée fi promtement.<br />

En effet, k Flotte de ces derniers s'étant .emparée de quel-^^ijj^^^*<br />

ques Navires Fénitiens, richement chargés, qu'ils rencontrèrent ^^fàcbeudans<br />

le canal de Çon^antinople, ou dans le port de Caffa, lesries!!!!tre^<br />

autres, pour s'en vanger, envoïèrent trente cinq Qaleres, ou[^^JJg}"^^,<br />

autres Bâtimens, fous la conduite de NICOLAS PISÀNI, qui en Génois,<br />

trouva bientôt l'occafiop. La tempête avoit pouffé quatorze<br />

l^^ivirQS d^ns le port Cariftioy^pvt^dQ Nègrepont^ Ilksyinveftit,<br />

fans balancer, en prit dix', dont la cargaifon étoit de<br />

groffe valeur, ôc fit foixante dix Nobles Génois prifonniers,<br />

outre mAle Hommes des équipages, qu'A conduifît à iMègrepont.<br />

Il les y laiffa, fous bonne garde, pendant qu'A continuoit<br />

fon voïage k Conftantinople, où A efpéroit défaire de plus<br />

grands progrès.<br />

Mmm mm Mais,<br />

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8îd H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Mais,, comme ks Génois, qui poffédoient Galata, avoient<br />

fait fortifier cette VAk, Se qu'As y avoient xms bonne garni­<br />

fon, le Général Fénitien ne ji^ea point à propos de rien entrî^r|lndre,<br />

au Heu que les quatre Vaifïeaux Génois, qui lui avoient<br />

échappé à Cariftio, fe joignirent à plufieurs autres, que com><br />

mandoit PHILIPPE DORIA, ÔC allèrent fondre fur la VAle de<br />

Nègrepont, qu'A prirent de vive force. Ilskfaccagèrent, mirent<br />

k feu aux maifons, Ôc déUvrèrent ks prffonniers de leur Nation,<br />

que PISANI y avoit laiffés. Profitant enfuite de kur bon<br />

fuceès. As aflèrent s^emparâ: de l'fle de Scio, qui appartenoit<br />

aux Fénitiens.<br />

Les troubles, qui agitoient VEurope, Se le peu de moïens,<br />

ou, pour mieux dire, llmpuiffance, où fe trouvoient les Princes<br />

Ugués d'entretenir des forces capables d'aucune entreprife<br />

d'importance contre les Turcs,étoient û fenfibks au Pape,qu'fl<br />

fit connoître à leurs Ambafkdeurs, qu^fl y avoit de k honte<br />

pour eux tous, ôe même pour toute la Chrétienté, de confentir<br />

à la démolition dn Château de Smirne, commehsBarbares<br />

le prétendoient ; Ôc fl voulut, qu'on leur déclarât ouvertement,<br />

" i3s«- qu'un an après que la Trêve feroit expirée, on n'entendroit<br />

chré- ^^^ ^ aucun accommodement.<br />

tiens con- Cependant, comme les Alliés s'étoient expliqués, qu'il leur<br />

fa^«ic«fj« ^toit impoffibk de fubvenk aux fraix d'une guerre offenfîve,<br />

éérancedeiQ j^t. Père couclut, "qu'fl faIloit,au moins,conferver ce qu'on<br />

ficourt. ^^ ^^^.^ gagné, entretenant huit Galères feulement, qu'on ju-<br />

„ geoit fiiffifantes pour garder Smirne, Se les Iles,. que les Chré^<br />

„ tiens poffédoient dans VArchipel, même pour empêcher que<br />

„ les Turcs n'y fiffent aucun ravagé, en attendant que les af-<br />

„ faites leur permiffent d'armer plus puiffamment<br />

Ils convinrent donc, " que, de huit Galères, qu'on arme^<br />

„ roit,ôc 'qu'on entretiendroit pendant dix ans,le Roi deCfy'<br />

„ pre en fourniroit deux, k Répubfique.de Fénife trois, ôc k<br />

n Religion de Rhodes parefl nombre, pour l'entretien desquel.<br />

» ks^<br />

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DE CHYPRE. LIV. XVL CH.VL 82?<br />

. „ fes, auffi bien que pour k garnifon de Smirne y le Pape con-<br />

„ tribueroit k quatrième partie, qui fe montoit à la Somme<br />

„ de douze mifle florins d'or par an. Pourfubvenir à cette dépenfe,<br />

fans toucher aux deniers de la Chambre Apoftolique,<br />

le St. Père ordonna:, qu'on lèveroit une décime fur tous les biens Décime im-<br />

Eccléfiaftiques de la Grèce, c'eft à dke des côtes, ôc lies àe Z^^^^^<br />

l'Archipel, qui appartenoient aux Latins. "^ Confédérés,<br />

Cependant, comme cette fomme ne pouvoit être affez facile-^<br />

ment perçue, fl fit propofer à l'Ambaffadeur,du Roi de Chypre,<br />

Ôcaux autres Afliés, delà fournir pour la première année;<br />

ôc, fur l'excufe de ce ^liniftre, qu'fl n'avoit aucun ordre<br />

k-deffus, le Pontife en écrivit au Roi même, fans aucun fuceès,<br />

d'autant plus que les Fénitiens déclarèrent,qu'attendu leur<br />

nouvelle rupture avfcc les Gémis, As ne pouvoknt envoïer aucune<br />

Galère; deforte que toutfe rêdulfit au feul entretien de<br />

k garnifon de Smirne, pour laquelle on trouve, que le Roi de<br />

Chypre paj^oit toos les ans tiois mifle florins d'or; ce qui ILui<br />

couvenoit beaucoup mieux, que d^chever de dépeupler fon<br />

pays.<br />

Mmm mm 2 HISTOI.<br />

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Artîcle /.<br />

1351-<br />

Llk de<br />

HISTOIRE GENERALE<br />

R G ï A" U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE. DE JÉRUSALEM.<br />

D' É G^YV r E.<br />

L I r R*E xni<br />

C H A P I T R E P R E'M 1ER.<br />

fivïivfcîPîi&'wi ^ Roïaume de Chypre étoit en effet devenu<br />

Chypre ^l^i^S^S^ ^ 4J i/ fi défert, que ce _ Prince fut obligé _ d'enno-<br />

luTNégo- f^âJ ^^ L ^îlS >^ ^^^^ rent plufieurs les noms Négocians , ôc les étrangers, titres des qui Maifons priàansétran-<br />

C^)^^^^^ ^,^j^^ Nobks, quc k mal contaerieux avoit entiègers<br />

fora CW|\^)^ik)^^M> /. - ^ c v /• jv • / «<br />

irmtés,^ ^WiW^%^f^ rement éteintes ; ôc, a force d'immunités, ôc<br />

'P^kRoi. ^^ ^ ^ ^ ^ d'exemtions, fl tâcha d'attirer des perfonnesde<br />

toute condition^pour rempkcer ceux des Vflles, ôc de k campagne,<br />

qui'avoient péri Cette<br />

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HISTOIRE GEN. DE CHYPRE. Lir. XVIL CH. L 82p<br />

Cette grande extrémité, jointe aux préparatifs de guerre, z^/jo^v,<br />

que fàflbit k Soudan d'Egypte, redoubloit les inquiétudes de?yP/^<br />

•n • T. . . . *• cbercbe au<br />

ce rrince. Jl ne craignoit pas moins pour fes Etats, que lefeamsen<br />

Roi di*Arménie apréhendoit pour les fiens. Ceft pourquoi, 'fl ^"^°^^*<br />

réfolut d'exécuter le projet, qu'il avoit fait de repaffer en Eu^<br />

rope, avec d'autant plus d'efperance d'obtenir du fecours, que<br />

les troubles d'^/few^^:«^. Se d'Italie, avoient entièrement ceffé ;<br />

les premières par la mort de Louis DE BAVIE'RE, compétiteur<br />

de l'Empereur CHARLES IV. ôcles autres par raccommodement,<br />

que le Pape avoit fait entre Louis, Roi d'Hongrie;<br />

JEANNE , ^Rcine de Naples, Se Comteffe de Provence, Se Louis,<br />

Prince de Tarante, fon Epoux, auquel le Pontife avoit enfin<br />

accordé le Titr^ de Roi de Naples, dîn^iqae cette Princeffe le défiroit<br />

depuis longtems. Auffi, pour lui en témoigner fa gratitude,<br />

eUe confentit, de fon côté, de céder au 5^. Siège h.<br />

Vflle dî^Avignon, avec fes dépendances; au moïen de quoi eUe<br />

s'affranchit du tribut, qu'eAe lui devoit pour le Roïaume de<br />

Naples, dont elk n'avoit jamais rien payé, depuis qu'efle en<br />

étoit en poffeffion.<br />

Le Roi du Arménie, qui ne pouvoit, comme celui deCZ^yôr^^rticie//,<br />

r r^.. r i, / . I X T vr> Secours ae<br />

quitter les Ltats, fe contenta d'écrire des Lettres tres-tortes, fMa;irfi; au<br />

Se très-touchantes au Pape, ôc ?LU^ 2i\xtrQs ^rinc^s Chrétiens, ^^^p^Jf<br />

pour implorer leur fecours; ôc, afin de mieux émouvoir le «S/. P^-ménie.<br />

re. Se l'engager à l'affifter puiffamment, il lui promit, que le PouA'ôb-<br />

Patriarche d\érménie, qu'ils nomment le Catholicon, fe fou-Jjjj'^J,*^[^"<br />

mettroit avec tous fes Peupks à l'obéïffance du St. Siège, ôcne^^re^^wff.v<br />

vivroit déformais que felon le rite de l'Eglife Romaine. con^Ar<br />

Ces deux Princes n'étoient pas les feuls en Orient, qui TQ-^^^^^^{1^^^<br />

cherchoient alors l'affiftance du Pape, quoique pour différents't^''^^""{<br />

fujets. JEAN CANTACUZE'NE, que l'Empereur ANDRONIC à robSff^-.<br />

avoit kiffé Tuteur de fes deux Enfans, s'étoit emparé delà Cou- siège<br />

ronne, ôc de tout l'Empire de Grèce ; ôc, au préjudice de fes<br />

pupAes, A avoit nommé MATHIAS, fon Fils aîné. Roi deGr^-<br />

Mmm mm 3 cCy,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


830 H[ I s T O I R E G E' N E' R À L E<br />

BrotHik- ^^9 ^ donné la Msrée àE^UNUEL, k cadet» avec fe Tkre dé<br />

ries dans j)uc de Sparte; Mais, dans la crainte que JEAJ*, ou CAIJO-<br />

GrecT JEAN, FAs aîné d'ANDRONic, quî avoit attebt l'âge de Majorité,<br />

ne formât quelque parti pour le dépouifler de l'Empire^<br />

qu'ail avoit ufurpé, il s'adreffa au Pontife, pour être maintenu<br />

fur le Trône ; ôc A offrit, de k manière


»E CHYPRE. Ur. XVIL CM. L 831<br />

foient que s'entre-déchirer eux mêmes ; ce qui faifoit dire aux<br />

perfonnes bien zélées pour k Foi CathoSque, qu'A n'auroit falu<br />

que leur union pour détruire entièrement les Turcs, ou pour<br />

les faire rentrer dans leurs anciennes Umites. Mais, par malheur,<br />

depuis qu'on s'étoit H fort dégoûté des Croifades en Europe,<br />

Se qu'on ne vouloit même plus en entendre parler, tous<br />

les foins, ôc tous les mouvemens, que les Papes s'étofent donnés<br />

pour ks affaires d'Orient, avoient été presque inutfles.<br />

Auffi, le Cardinal d'ALBERT, Làmofin de Nation, qui a-^^«P*<br />

voit fuccédé à CL E'M ENT VLfous le nom d'iNNOCENT VL pré- àTtSfervoïant,<br />

qu'A ne feroit pas plus lieureux que fes Prédéceffeurs, cmel^nie<br />

quoi qu'fl n'eût pas moins à cœur qu'eux le rétabliffement des<br />

Chrétiens Orientaux, ôck deftrudion des Infidèles, fe contenta<br />

d'exhorter les Princes confédérés k envoïer exadement leur<br />

quotte-part pour Pentretien de la garnifon de Smirne, afin de<br />

conferver une conquête, qui pourroit fervir un jour à faire de<br />

plus grandes entreprifes, furtout, fî les Rois de France y Se<br />

^Angleterre, venoknt à terminer k kngknte guerre, qui les<br />

occupoit dq>uis fî longtems.<br />

Le Pontife recommanda particulièrement le foin de la con- ^i^'T<br />

fervation de Smirne k DIODAT DE GOZON, Grand-Maître de Diodatde<br />

Rhodes, qui avoit fuccédé à ELION DE VILLENEUVE, dès fan- c^^*<br />

née 134.5. d'une manière très-fingulière. Ce Chevalier, qui ^^J****<br />

fe trouvoit alors Grand-Commandeur, ôc Lieutenant du Grand-<br />

Maître, fût un des Ekdeurs pour un Succeffeur; ôc, comme<br />

plus avancé, que les autres en dignité, fes confrères le prièrent de<br />

propofer celui qu'fl croïoit fe plus digne de remplir leM^iftère;<br />

mais fls furent furpris, lors qu'fl fe nomma lui même, kur proteftant<br />

qu'il n'en connoiffoit aucun plus capable de remplir cette<br />

Charge. Soit que les autres Eledeurs lui reconnuffent en effet<br />

tin mérite, ôc une capacité fupérieure, ou qu'ils n'afaffent s'y<br />

oppofer, il fut élevé, d'une commune voâx, à k Dignité Magiilrale;<br />

ôc ce fut après cette ékâion 9 que, pour éviter un<br />

iem-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Draconis<br />

êxtermi'<br />

832 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

nator,<br />

femblabk inconvénient, on établit une loi, portant, qu'il ne<br />

feroit point permis aux Chevaliers de féleétion de fe nommer<br />

eux mêmes.<br />

Le Pape, dis-je, avoit fortement recommandé à GOZON k<br />

cônfervmon de Smirne, ôc ordonné, que, fî l'Archevêque de<br />

k Ville, qui en étoit Gouverneur, venoit à mourir, fl en confiât<br />

le gouvernement au Chevalier NICOLAS BELVICIONE, Florentin<br />

de Nation, dont le zèle, joint à la fidélité, lui étoit<br />

parfaitement connu ; mais fl n'eut pas le tems de s'acquiter d'aucune<br />

de ces deux commiffions. Il tomba malade, Ôc mourut<br />

dans ces entrefaites. Son corps fut inhumé dans l'Egflfe de St.<br />

yean, avec des regrets infinis de tous les Chevaliers fes confrères<br />

, Ôc de tous les Peuples de Rhodes en général. On gtava<br />

fur fon tombeau le combat, qu'fl avoit eu, dit-on, contre un<br />

monftre furieux , avec cette infcription : Draconis extermi-<br />

natOT.<br />

En effet, ce valeureux Chevalier méritoit bien ce titre glorieux.<br />

Environ quatre ans, avant qu'A fût élevé àla dignité Magiftrak,<br />

A emploïa k vertu, ôc fon grand courage, à délivrer<br />

l'Ile de Rhodes, TiM raport de Bosio, dans fon Hiftoire de Malte^<br />

d'un dragon effroïable, lequel dévoroit non feulement les gens, ôc<br />

les bêtes, qui paflbient dans fendroit, où Afe tenoit, maisen-<br />

Cbre qui, par fon haleine empoifonnée, infeéloit tous les environs.<br />

Ceft pourquoi, le Grand-Maître, ôc le ConfeA, avoient<br />

défendu à tous les Chevaliers, fous peine de laprivation de fhabit,<br />

ôcaux habitans, fousceAe de la.vie, d'approcher duMoj^<br />

St. Etienne, où ce monfire faifoit fa demeure dans une caverne.<br />

La févérité, avec laquelle on faifoit obferver cet Edit, n'empêcha<br />

pas le Chevalier DE GOZON de concevoir le deffein de détruire<br />

ce redoutable animal. Comme fon jugement égaloit k<br />

valeur, il demanda au Grand-Maître la permiffion d'aflêr faire<br />

«m viaage chez luL AxnytenGacognei au Château de Gt?5;o«,<br />

dont<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liv.XVin. CH. IlL 813<br />

dont fon Ffère étoit Seigneur, A ùt d'abord préparer ce qu'il<br />

crut néceffaire pour fon entreprife. Il fit contre-faire le Dragon<br />

, avec de la tofle peinte, remplie d'étoupe, à peu près<br />

de k même figure, qu'il l'avoit apperçu'de la cime du^lont St.<br />

Etienne. Deux de fes domeftiques; renfermés dans cette figure,<br />

la faifoient mouvoir, tantôt d'une façon, tantôt d'une autre.<br />

11 dreffa fî bien deux gros chiens, ôc un bon cheval, non<br />

feulement à voir, mais encore à combattre ce monftre, qu'on ne<br />

ne pouvoit plus les arrêter, lors qu'ils la voïoicht paroître. Il<br />

continua ce manégb pendant quelque tems, ôc repartit* pour<br />

Rhodes, lors qu'il fe crut en état d'exécuter fon deffein.<br />

Quelques jours après fon arrivée, fl envoïa dès k grand matin,<br />

ôcfort fécrettement, un de fes domeftiques, avec partie de<br />

fes armes j" ôcfescliiens en laiffe àTEglife de St. Etienne, quife<br />

trouve fîtuée fur une éminence, près de Maupas, Ôcs'y rendit<br />

lui même à cheval, peu de tems après, avec fon autre Domef^<br />

tique, qui portoit le refte de fes armes fous fon manteau, afin<br />

que perfonne ne pût pénéti*er fon deffeim Arrivé à cette Eglife,<br />

fl fit fa prière, fe recommanda à Dieu, ôc s'arma detoutes<br />

pièces ; ordonnant à fes domeftiques de fe tenir fur une hauteur<br />

voifîne, d'où ils pouvoient découvrir l'antre dudtagon,<br />

Ôc l'iffùe de fon combat. Il monta à cheval, ôc k lance en arrêt,<br />

conduiknt lui même fes chiens, il defcendit hardiment dans<br />

la vallée; mais, comme k Dragon ne parôfflbit point affez tôt,<br />

l'impatience i qu'il avoit, de le combattre, fit qu'A s'avança<br />

dans l'entrée de la caverne, pour le provoquer à en fortir. Le<br />

Chevalier ne tarda pas à entendre fes horribles fiffiemens, qui<br />

lui indiquèrent fa§)rtie. Alors A fe retira, pour l'attendre en<br />

lieu plus avantageux. Le monftre parut presqu'auffitôt, avec<br />

k grande gueule béante. Se enflammée^ les yeux êtmcelans,<br />

battant des aîles, ôc s'avahçant! en cette poftnre, pour le dévorer.<br />

Le brave GOZÔN^ knsl^étonnerde fa férocité, capable<br />

d'épouvanter les plus" inïrèpi9es , baiffa k lance , lâcha fès<br />

Nnn nn chiens,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


834- H I S T O I R E GE'NE'R AL E<br />

chiens, pouffa fon cheval, ôc lui porta un grand coup de lance<br />

à l'épaule; mais A rencontra une écaille fi forte, que fa knce<br />

fe brik en plufieurs morceaux, fans avoir feulement bleffé le<br />

Dragon; de forte que', fans le fecours de fes chiens, dont l'un<br />

faifit ce monftre aux tefticules, arrêta fa fureur. Se donna le<br />

tems à fon Maître de defcendre de cheval, tout courageux, fort, •<br />

asmiifr"*'


DE CHYPRE. Lir.XVm. Cp/l 83^<br />

l'effroïabk monftre, qu'A venoit de terraffer. Il remarqua, avec<br />

étonnement, ce qu'An'avoitpu bien reconnoîfre, lors qu'A l'avoit<br />

vu de loin, ôc qu'A avoit formé le deffein de le combattre.<br />

Il le trouva auffi gros qu'un cheval de moienne taAle, la tê- Figure^<br />

te de ferpent, ôc les oreilles aufli grandes que cefles d'un mu- ^i^lf*<br />

let, la gueule effroïable armée dé dents très-groffes, ôc trèspointues<br />

, les yeux, qui lui étoient demeurés ouverts, fort enfoncés,<br />

Ôc très-affreux, les jambes à peu près d'un crocodile,<br />

avec des griffes qui auroient déchiré un buffle. Il avoit for le<br />

dos des ailes d'un dragoil, couvertes, comme tout le refte du<br />

corps, d'une groffe écaAle qu'aucun ferrement n'auroit pu pénétrer,<br />

le dos couleur bleuâtre, le ventre rouge mouchetté de<br />

jaune , Se la queue entortAlée comme celk d'un fion.<br />

Cepén^fct, malgré l'héroïque action, que cet incomparable<br />

Chevalier venoit de faire, en déUvrant l'Ile d'un monlhe ><br />

qui avoit déjà fait tant de mal, ôc qui en auroit encore caufS<br />

davantage, au lieu d'en recevoir des appkudiffemens,comme il ^<br />

s'y attendoit, le Grand-Maître le reprit fort aigrement de k<br />

témérité, ôcde fa desobéïffance,''* le fit mettre en prifon, Ô&<br />

affembla le ConfeA, daiisfequd, felon la teneur de rOrdonnance,<br />

A fbt privé de l'Habit. Rigueur, qui fut même exécutée^<br />

fans remiffion. Il eft vrai, que, peu de jours après cette punition<br />

mortifiante, le Grand-Maître k lui rendit; Ôc,en confidération<br />

de fes grands mérites, fl le remit dans fon ancienneté,<br />

ôc dans tous les biens, ôçlionneurs, dont fl jouïffoit au- U%^<br />

paravant,<br />

Nnn nn t Cnt^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^l6 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

C H A P I T R E II.<br />

Article/. T e Roi de Chypre cependant, après avoir rendu les derniers<br />

JL>.jÎBvoir§ àEleine fon Epoufe,, dont k perte lui fut d'autant<br />

plus fenÇble, qu'ils avoient touj0urs^ vécu, dams une parfaite<br />

unipp, Se .qu'outre k grande vertu, ôc le mérite de cette Princeffe,<br />

elle avoit-toujours maiçitei^u fes Enfans dans une amitié;<br />

vraimienit;,fr2^terneile, remit le Gouvernement du Roïaume au<br />

Comte de;Tripo/f, fou FAs aîné, ôc s'embarqua enfin fur deux<br />

de fesGalèi^^s pour paffer en Europe, perÇiadé que k Pontife,<br />

dont., k grand ^ zèle pour. les. Chrétiens Orientaux lij|^étoit tyèsconnu,'<br />

ne manqueroit ^pas^ de s'ejBipïoïer efficacement en<br />

ieur faveur, auprès des Puiffances.<br />

1357- Mais k tems étoiit moins propre, que jamais, pour des<br />

trSsen expéditions étrangles, par raport à; k prAbn de JEAN IL<br />

Europe, J^QI de, Frapce , que quelques,-uns qnt furnommé le Bon,<br />

' par celk de PHILIPPE, fon Fils, Se de pk^s de quinze<br />

cens des principaux Seigçeeui's \de fon Roïaume, qui<br />

avoient été faits prifonnfers par EDOUARD, Prince de Galles,<br />

forti jde Bourdeaux à la tête de douze mille AngloiSy<br />

afindefputenir k Dm â/e LANCASTRE , que le Roi, fon Père, avoit<br />

Alix envoie en Normande y ppurfe joindre à PHILIPPE DE NAVARRE.<br />

Le Roi JEAN, Beau-Père de ce dernier, l'avoiti fait arrêter<br />

dans un feftin, où fl l'avoit convié; ôc fl l'avoit fait<br />

conduire prifonnier k Paris, dans k deffein de le punir du<br />

crime énorme, qu'fl. avoit commis, en faifant affaffiner, au<br />

Château de Y Aigle , en Normandie, CHARLES D'ESPAGNE,<br />

dit LA CERDA, Connétabk de France.. , '^<br />

La tranquilité, dont jouïffoit l'Etat Eccléfiaftique, ôc k Vilk<br />

^"" ^ - ' de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ï>E CHYPRE. Liy.XVIIL CH.IL 83?<br />

de Rome, deux ans avant l'arrivée du HUGUES à Avignon, ôclors<br />

que CHARLES IV. ôc fon Epoufe, y avoient pris la Couronne<br />

Impériale, avoit auffi été troublée par les Romains, qui, mécontens<br />

des Sénateurs étrangers, que les Papes y envoïoiént,<br />

de leur propre autorité, avoient élu fept Nobles, fous le nom<br />

de Réformateurs du gouvernement, dans f intention dé faire revivre<br />

le tems de la Répubflque» '"'•<br />

' Cette nouveauté blefk ouvertement Tautorité du.Pontife, z,/^*^


833 H I S T O I R E G F N E' R A L E<br />

laiffer en otage les Ducs à'.4njou y Se de Bourges, fes Enfans,<br />

1351. ^v^Ç ^^^ DMCS dUAlençon, Ôç de Bourgogne., jufqu'à ce qu'A eût<br />

payé trois millions d'or, auxquels As s'étoit engagé pour k<br />

rançon; ce qui lui ôtoit les moïens de l'exécuter, malgré rintérêç,^<br />

qu'A avoit de purger fon Roïaume d'une quantité prodi-»<br />

gieufe de vagabonds, ôç.de gens fans aveu, qui rempliffoient;<br />

tous fes Etats des désordres les plus abominables. C'eft aufïi<br />

^ le motif, pour fequel quelques [Hiftoriens lui attribuent cet<br />

engagement . ;e<br />

11 n'eft pas moins vrai, que toute \%Franceîe niit en mouvement<br />

pour cette expédition, ôc que, malgré les fortes follicitations<br />

du Pontife , aucun autre Prince n'y voulut prendre<br />

re«effntf«-P^^^* Le Roi JEAN, d'aAleurs, n'avoit aucune Flotte, pour<br />

0etva- embarquer fon Armée. Il lui failoit néceffairement recourir<br />

•'*"'^' aux Fénitiens, -my. Florentins, ou aux Gémis, qui malheureufement<br />

avoient tous les armes à la main les uns contre les<br />

autres; de forte que k Croifade, dont le St. Père, Ôc le Roi<br />

de Chypre avoient conçu tant d'e^iprânc^, s'évanouît entièrement<br />

, fans qu'URBAiN V. Abbé de St. FiUor les Marfeille, qui<br />

lui fuccéda,


DE CHYPRE. LIV. XVIIL CH.IL 839<br />

• tion ^qu'A prit de fe retirer promtement dans l'Eglife de Sfe.<br />

Sophie, Se d'en faire fermer les portes. As l'auroient lapidé.<br />

L&.Prince PIERRE y accourut d'abord, ôc eut beaucoup de peine<br />

à ks appaifer. Il n'ofa pourtant pas en venir à aucune punition,<br />

nonobftant les plaintes de ce Prélat, qui prétendoit,<br />

qu'on avoit violé le droit des Gens, ôc malgré le défîr qu'au-<br />

- roit eu ce Prince de k fatisfaire. Il reconnoiffot bien , que -<br />

la fureur de ce Peuple étoit arrivée à un tel point, qu'As auroient<br />

été capables d'en venir à quelque tumulte formel, ôc de mettre<br />

tout le pays en désordre. ^ \ , -<br />

Qiielques Ecrivains prétendent ', que la nouvelle de la mort<br />

du Roi HUGUES , qui fe trouvoit encore à Rome, aïant été portée<br />

alors en Chypre-, ce Légat fit k cérémonie du couronnement<br />

du Prince PIERRE, ÔC de la Princeffe d'Arragon, fon Epoufe;<br />

Se que ce Prince paffa enfuitç en Italie, en compagnie de ce Prélat,<br />

tant pour faire, au feu Roi fon Père, des funérailles con- ^^^ *<br />

venabks à fon rang, que pour continuer fes follicitations au- Roi de *<br />

près du Pape, ôc des autres Puiffances, en faveur de la Croit ^^^P^^*<br />

fade. LOREDAN, au contraire, affure, que HUGUES mourut<br />

en Chypre d^ns fa foixante quatrième année, après avoir renoncé<br />

à la Couronne en faveur de fon FAs ; Qu'il fut inhumé fort<br />

Amplement dans l'Eglife des Dominiquains de Nicofie, comme<br />

ill'avoit ordonné; Et que ce fut fur la renommée de Ion amour<br />

pour les belles Lettres, que BOCACEIUI dédia fon Livre de la Généalogie<br />

des Dieux : Mais, comme cet Auteur n'eft pas fort<br />

exaét dans fon Hiftoire des Rois Luz^nans ; Qu'il attribue au<br />

Roi PIERRE divers faits, qui font du Roi fon Père, principalement<br />

celui d'avoir été Sénateur Romain, ce qui eft entièrement<br />

oppofé au fentiment des autres , qui conviennent<br />

tous que ce fut INNOCENT VI. qui pria le Roi HUGUES, étîtnt<br />

à Avignon, d'accepter cette Charge; que de plus, lorsque-PIERRE<br />

zlh en Europe, ce Pontife étoit mort, ôc qu'UR-<br />

B.uN V. occupoit k Chaire de St, Pierre ; quoique le P.<br />

Luzi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


84^0 H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />

LUZIGNAN convienne également, que k tombeau de ce Prince<br />

* étoit dans le Cloître des yacobins, il fe peut qu'on y ait fait<br />

tranfporter fon corps d'Italie, ainfi qu'il arrive presque toujours,<br />

lorsque les Princes meurent hors de leurs Etats ; & je fuis du<br />

fentiment de ceux qui difent, 'qu'A mourut à Rome.<br />

Le Roi PIERRE, aïant apris k mort de fon Père*, partit<br />

Le Roi de Chypre, en compagnie du Légat, Ôc aborda en Italie, au<br />

pafeàA- commencement de l'Eté. Après avoir rendu à ce Prince les<br />

vignon, Jionncurs, qu'A lui devoit, il paffa à Avignon, pour confulfuiter<br />

le ter avcc Sa Sainteté fur ks moïens d'engager quelque expédier<br />

S"^^ tion en faveur de la Terre-Sainte: Le Pape lui donna des Letmoïensde^<br />

trcs pour la plupart des Souverains de l'Europe, Ôcle fit accom-<br />

Tcrre- pagner dans leurs Cours par un Légat, pendant qu'A follici-<br />

Samte. ^^-^^ j^j même le Roi de France à prdTer Tarmement, qu'A avoit<br />

commencé à ce fujet. .<br />

Mais tous les voïages, que St PIERRE en Angleterre, en<br />

• Danemarc, en Pologne, Se chez divers autres Prince^ d'Allemagne,<br />

n'en purent obliger aucun à prendre lès armes. Tout<br />

ce qu'A put en obtenir fut quelifues fommes d'argent, qu'A emploïa<br />

à la levée de quelques Troupes, Il repaffa enfuite en France,<br />

où îe Roi JEAN avoit affemblé une Armée affez raifonnable<br />

de ces Soldats réformés, Ôc vagabonds, qui s'étoient addoiinés<br />

à la maraude. Il faifoit même travailler à fes équipages, pour<br />

paffer, difoit-A, avec/le Roi de Chypre, en Paleftine ; mais,<br />

comme ce dernier avoit un preffentiment fécret du peu de fucfcès<br />

de ces préparatifs, A s'efforça dô preffé* ce Monarque, au-<br />

^3^4. tant que k bienféance k lui permettoit, à hâter fon départ.<br />

Soit que JEAN voulût, avant que quitter de fes Etats, retirer les<br />

étages qu'il avoit laiffés QnJngleterre,Se(kire voir auRoiEnouARD,<br />

qu'il n'avoit aucune part à la fuite du Duc d'Anjou, fon Fils ; foit<br />

que, félon quelques-uns, A voulût y vifiter une Dame, pour<br />

îaquelk il avoit c0nçu beaucoup de paffion, pendant fa prifon,<br />

i! paffa à Londres, où A tomba malade, ôî mourut quelque<br />

tems<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIT. XVJL Cn.tt 84.1<br />

iemt ^ès, dans fe tems même qu'A tcavaiUoit à dj^^oi^r E-<br />

D004RD à fe joindre à lui pour le voïage de k Tertrê-Sainte.<br />

Dès que le Roi PIEWIE apprit k mort du^c^de France, fl Articie/r.<br />

reconnut que fes preffentimens n'aypfent été que trop juftes, Ôc<br />

qu'on ne feroit en France aucune expédition pour h Pale/^ne.<br />

En effet, le Pontife, :0clui, follicitèrent inutflement CHARLES<br />

LE SAGE,fon Succeffeur. Ils'excufa de ue pouvoir,à fon avènement,<br />

quitter fes propres Etats, pour accomplir le defZ<br />

fein du feu Roi fon Père, fl fit ^cependant-compter unejjrof^<br />

fe fomme d^rgènt au Roi de Chypre ^ afiju de k mettre en état<br />

d'agir, par lui même, contre les Ipfi^les ; Et, pour lui.^nar- n obtient<br />

quer l'eftime partkuUère, qu'A faifoit de fa Perfonne, A ac-ieSage*îieff^<br />

compagna ;ce don de-div^â riches préf^ns. Il lui confeilk, j*j^"^^J»<br />

en même tems, des'attsacherplutôt àîfolUciterÇEmpereur, qui>»wx<br />

fe trouvoit alors en Italie,k h tête d'une puAfantp, Armée,ÔCpoJÎ^^^'papar<br />

confequent plus ji. portée qu'aucun autre Prince, d'entre-^«^^'^^•<br />

prendre.la guerre fainte. . . .<br />

PIERRE, qui, après tous fes mouvemens qu'A s'étoit donnés,<br />

ne vouloit avoir rien à fe j-^pr^ocher, defcendit de nouveau à<br />

Avignon, pour confulter fe Pape, qui approuva fe confeA du<br />

Roi de France; Se, toujours accompagné du même Légat, fl<br />

aUa à Mantoue, eu fe trouvoit l^Empçreur, qui venoit de repouffer<br />

BARNABO VISCONTI, DUC de Milan: Il aff^geoit /<br />

cette Ville ; mais PIERRE ne réùffit ^as mieux â perfuader ce<br />

grand Prince , qu'A n'avoit fait auprès des autres ; car tqu-/^**^*'»<br />

tes fes remontrances au fujet de k Guerre-Sainte, ni les fortesf£wp«-«Jr<br />

follicitations du Légai, ne purent l'émouvoir, foit qu'A n'eûtJo^^"'<br />

point d'inclination pour cette entreprife, foit qu'efle lui parûtgjj^<br />

trop difficAe. Il leur répondit, „ qu'A ne pouvoit envifager<br />

„ qu'une perte certaine pour les Chrétiens dans la guerre, qu'As<br />

„ lui propofoient, fans pouvoir en eÇérer aucune utAité, ni<br />

y, pour ceux d'Orient, ni pour ceux [d'Occident, puisqu'ils<br />

„ ne feroient point en état de conferver le Roïaume de yéru-<br />

Ooo 00 ,5 fakmj<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


84^ H I S T O I R E G E' N E' R A'-L E<br />

j,j5lft«#, qUaô^^même fis s'en fefoient rendus maîtres, parce<br />

„ que les Ennemis, qui fe poffédoient, étoient toujours trq><br />

5, puiffans ; ôc qu'il lui paroffî>it, qu'on devoit ^arguer k<br />

5, quantité ite monde , qui péiiroit infaillibkment dans une<br />

„ teUe entreprife, ôc faire un meilleur jofs^e du tems, Ôc des<br />

„ groffes fommes, que l'on commettoit pour en venir à bout:<br />

„ Que cépentdaàt, pour marquer au Sôuveram Pontife, qu'fl ne<br />

„ parloit, ni pour éviter k dépfenfe, ni pour avoir moins de<br />

„ zèle


DE CHYPRE. Lnr. XVIL CH. IR «4)§<br />

CM A P Ï f R E ÏII.<br />

Tous ces divertiffemens étaijt çnfin terminés, & ce Pfin-Aj^ictoi:<br />

ce ^rè^^fatipfait 4e {a générofité ^u Sénat, ôc du Peu«»<br />

pfe de Fénife, où il flit défrayé, avec toute ^ fiÛte, pendant<br />

fe féjour qu'il y fit, fl s'embarqua, pour Rhodes, dans fe die£^<br />

fein de faire au moins une ligue avec la Religion;' perfide que<br />

les Qievalkrs, qui ne dévoient point, non plus qup h^i, s'attendre<br />

à aucun fecours d^Occident, ne balanceroient pas à k<br />

conclurre. >;<br />

. En effet, RAIMOND B EIR A N O E R, ^qui venoit d'être éle^ LeRoHe<br />

vé au Magiftère, en embraffa d'abord k pfopofition, parce que fiMi^?/^JiV<br />

Ordre n'avoit pas moins d'intérêt, que leRoi de Chypre^ k fi^u-gf^^'**<br />

tenir k réputation de leurs armcs^ ôc.à reprimer l'audace, avec deB^SlL.<br />

kquelle les Infidèles faifoknt cpntinueUement des irruptiçois dans<br />

les Iles de VArchipel; Se que, de plus, AMURAT L feignant d'aïkr<br />

attaquer ks Bulgares, pour favorifer l'Empereur JEAN PA-<br />

L B'O L o 6 U £, qui étoit en guerre avec eux, avoit paffé en Ettrope,<br />

par fe détroit de Galipoli, avec foixante mille Hommes.p^^^,-^^<br />

Il s'étoit fervi, pour cet effet, de deux Navires Génois, dont l'un fe ^f^« **<br />

nommoit VJnteriana^ Se,T2Lutre Squarciafica, moïenant un ducat ,Europe,«ft<br />

d'or de pafiage pour diaqi» peifonne; ôc, fans aucun égard k^l^^ede<br />

l'alliance, qu'A avoit avec PALE'OLQGUE, fl s'étoit emparé^^^*^<br />

de la même V^e de Galipoli, Se de fes environs^ ^ " ^°'*<br />

Le Roi PIERRE n'eut pas plutôt conclu la figue avec la Religion<br />

de Rhodes, qu'fl communiqua au Grand-Maître, Ôc au<br />

Confefl, le deffeui qu'A avoit conçu depuis longtems d^aller attaquer<br />

hVûled^Alexandrie» ôc defurprendreleS'ow^^^wd'JB^y/»/^.<br />

L'Entreprfle fut réfolue. Les Chevaliers s'apliquèrent vigoureu-<br />

Ooo 00 2 fement<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


m H I s^T O if|L>'E^,c,r-N E; R A^ E<br />

'fement aux préparatifs. La Refigion arma quatre Galères, avec<br />

do^a^ autres Bâtim^ d^. d^érentes efpèces, fur lesquels s'embarquèrent<br />

la fleur de laNobleffe, ôc ks meilleurs Soldats. Cette<br />

Flotte fe rendit en Chypre, ou le,R,oiPIERRE avoît d'abord paf'<br />

fê, pour faire,' de fon côté,' toute la diligence poffibk à mettre<br />

en ordre k fienne.<br />

Fhtiides' ' Outre les fix Galères, ôc quantité- d'autres Bâtimens,


DÉ CIiY.PRE. LIV. XVII. CH. IU. 84.1<br />

c : I^stricbeffes, qu'ils emportèrent en or, en argent, ôc en mar- ^ ^^<br />

chandifes précieufes , étoient incflimables. Le commerce de'J?»"»»"*^<br />

cette ViUe étoit, depuis plufieurs fiècles, k plus confidérable JJÎ^^'i*<br />

de toute h Méditerranée. C'eft pourquoi k Soudan, qui y àr- rempment.^<br />

riva peu de jours après fon départ, en reffentit H vivement la<br />

ruine, qu'il jura fokmnelkment d'en tirer une crueUe vangeance.<br />

11 commença par facrifier à fa colère plus de deux cens<br />

cfckves Chrétiens, qui le fervoient, ôc ne cefïa, pendant trois<br />

Jours, de déplorer la défoktion d'une Ville, qui lui étoit fi chè-^<br />

re ; Se, pendant qu'fl faifoit travailler toute fon Armée à k réplcrateôn,<br />

il s'ôccupbit, avec Voutè fardeur imaginable,"" à lever<br />

de nouvelles Troupes, à faire conftruire des Bâti- '^^^<br />

mens, ôc à amaffer ks provifîons néceffaires,. pour aller attaquer<br />

les Chrétiens , Ôc leur faire éprouver fon vif reflentiment..<br />

•<br />

Ses préparatifs étoient fi formidables, que leRoi d^ Cbypne, Articie/a-<br />

Ôc le Grand-Maître de Rhodes, égakment alkrmés, en informèrent<br />

k Pape, ôc lui firent comprendre, que, C le Soudan<br />

fes attaquoit avec d^ ii grandes Forces, A leur feroit impoffij^fe<br />

de lui réfifter. C'^ft pourquoi, ils fuplièrent -5^ Sainteté de vouloir<br />

promtement difpofer quelques Princes à raflbmbler de puiffans-fecours<br />

en leur kveur. Marque évidente ,,que, malgré kur bravoure,<br />

ils ignoroient entièrement les véritables règles de la guerre, puisque,<br />

fi, après s'être rendus maîtres d'Alexandrie, ils euffent'em- Famé ce»<br />

pfoïé leur courage, ôc leurs. Troupes» à. s'y bien fortifier, ôc'i^f'J^<br />

à s'y maintenir, comme ils auroient pu le 6ire,. avec d'autant<br />

plus,de fecilité;, que cette Vilk eft; égakment à la portée de ^<br />

C^ypr^, ôt de^ Rhodes, que des autres fles de VArciipel, qui<br />

.étoient occupées parles Chrétiens; ôc qu'elle en pouvoit recevoir<br />

facilement tous Içs-^j^cc^rs qui leur auroient été nécefkires, fls<br />

n'auroient pas eu befoin de recqurir au Pape,, doqt l'affiftance<br />

ne pouvoit être


845 HISTOIRE G E'N E'R A.L E<br />

Rj^xiMs Mais fl fembk, que c'a toujours été k dcftmée deaplus<br />

A?;>iiit«r. „jjjjj Princes, ^ des plus fa^ieux Capitaines Cfer^//f«i, dt<br />

ne jamais favoir faire un bon ufage de leurs progrès en Egypte}<br />

ni de favoir conferver les conquêtes, qu'ils faifofentdansce besui<br />

Roïaume, au commencement de leurs expédiions. Témoin<br />

cefles d'ALMERic, Roi de yérufalem, de ST. Loui$, ôc da<br />

Roi JEAN DE BRIENNE, qui s'étoient emparés de Damiette, Se<br />

qui avoient même pouffé kurs conquêtes beaucoup plus loin^<br />

CHAPITRE IV.<br />

Article/. T e Soudan ne fut pas le feul ennemi^ que le kccagement<br />

X-> d'Alexandrie attira au Roi de Chypre, ni k feul, qui fit<br />

^sûots des préparatifs contre lui. Les Seigneurs de Satalie, de<br />

Scandaloré, Ôc quelques autres petits Souverains îl«rrj, qui, depuis<br />

la mort du grand ALADrtr, Soudan d'iconium, poffédoient<br />

.des Etats dans k Cilicie , Se dans la Caramanie, alkrmés de<br />

fbn entreprife fur l'Egypte, Se craignant également pour eux<br />

«nêmes, firent une ligue, ôc armèrent plufîeurs Bâtimens, dans<br />

la réfolution de le prévenir.<br />

Qj Ils fe préfentèrent fur les càtes Méridionales défile, pour y<br />

Mf^uée feire dcfcente; mais, par bonheur. As les trouvèrent toutes fî<br />

'xurcs^. bien gardées, qu'fl leur fut impoffibk d'exécuter leur mauvaife<br />

• volonté; de forte que feur entreprife ne fervit^ qu'à leur causer<br />

4e k perte, ôc de l'emb^ras, en leur attirant un ennemi, qui<br />

ne penfoit aucunement à les inquiéter, mais qui ne tarda pas à<br />

leur faire fèntir, qu'on ne le cherchoit pas fengtems, fans te<br />

trouver. Le Roi PIERRE aïant encore fes Galères armées. Se<br />

as<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BECHifPRE. LIV. XVIL CH. IV. Stf<br />

' ne manquant que de quelques ^équipage», pour remplacer ceux<br />

qu'fl avoit perdus dans l'expédition d*-^/iferrt«


8^^ HISTOIR'E G F N E' R A^L E<br />

publique contre oe Prince, fl fit, de fon côté, kifir tous les<br />

effets des Marchands Génois, qui fe trouvoient dans les Etats;<br />

ce qui anima tellement cette Nation orgueAleufe, que,fans cherz.vwtrmï-cherra<br />

s'éclaircir du fi^et, dont A s'agiffoit, elk fe difpok à.<br />

^ppdfe'^^^en tirer raifon, par k voie des armes. Ces rbrouifle^-»'<br />

twt. j.jgg auroient eu de très-fâcfaeufes fuites, fi k Pape, qui en fi|t<br />

informé, n'eût agi fi efficacement auprès des uns ôc deS; autres,<br />

, qu'A appaifa enfm cette dangereufe querelle.-<br />

Article//, ^j La défertiou de cette Galère ne retarda cependaiit l'expédition<br />

du Roi, qu'autant de tems quÏÏ en falut.pour la remplacer.<br />

Il a^aqua la Ville de Satalie. Le Seigneur Ddrc, nom-<br />

Ae jîM méTACCA, qui la poffédoit, n'avoit pas eu grand foin de mu-<br />

Fiiie de uir ccttc Pkcc, pendant qu'il cherchoit à attaquer fes voifins ;<br />

Satalie. ^^ ^^^^ qu'elle fôt tcèft^fortc, très-riche', ôc très-peuplée, comme<br />

A n'y avoit point de gens de guerre, Se que fes habitans,<br />

* tous gens de commerce, n'étoient point faits au manîment des<br />

armes, ils furent fi étonnés à la feule apparence de la Flotte<br />

ennemie, qu'As ne firent presque aucune réfiftance. Le Roi<br />

s'en empara, kns perdre un feul homme; mais, comme A pré-,<br />

voioit qu'Ane pourroit k garder longtems,fàus fe beaucoup incommoder,<br />

il la rendit, peu de tems après, à fon propriétaire<br />

, qui s'engagea à lui payer un tribut annuel, beaucoup plus<br />

convenable à ce Prince, que de dégarnir les Places de fon Roïaume<br />

pour la conferver. ' ^<br />

\<br />

Il eft vrai, que LOREDAN en fait une hiftoire toute différent,<br />

te des autres Auteurs. Il dit, que le Roi PIERRE garda longtems<br />

Satalie, dont A donna k gouvernement au Bacon JAQUES DET<br />

NORES,^avec une garnifon de deux cçns Chevaux» ôc cinq cens<br />

Fantafllns, ôc qu'A y entretenoit trois Galères : U ajoute, qu'il<br />

y arriva divers incidens fâcheux, pendant qu'elfe fut fous k<br />

-domination des Rois de Chypre ; Que PIERRE CAVALLI, l'un<br />

des Officiers, révolta k garnifon, faute de paie ; Qu'A étoit<br />

fur lepoint deflvrerlaPkce aux Zk'a, lors que fe Roi, qui en<br />

avoit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


' *» GHYPREnLmXVn. CHtIV; : i0<br />

avoit été averti ,^ arriva avec vingt-huit Galères, ôcfit pgjdre ^<br />

aux crénaux des muraillee cet Officier, avec tous les mutins; »<br />

Que k,févérité du BARON DENORES aïant enfuitg dpnné lieu à<br />

une femblabk révolte, k Roi k rappeUa, ôc envoïia .à k plar<br />

ce l'Amiral JEAN DE .


tyS H I s T o I RE •G ff N fe' fe A L E<br />

-^^. Ceux-ci attentifs aux môuvemeiis dès Chrétiens i recOnnutes<br />

des rent bientôt, que l'abondance de vin, ôc de bonnes provifîons,<br />

Cbrdtiens. ^-^ ^ avoîent trouvécis, jointe.àl'affurance,où flsfe croioïent,<br />

teur «voit fait entièrement oublier $ qu'ils étoient en pays enne-<br />

-ttài Ils «'étd^t même difperfer à droit ôc à gauche, fans aucun<br />

iM-dre, ni précaution. LesEnnemis prirent courage, fortirent<br />

hardiment de kurs tanières, ôc ks affaflflrent fî bruf^ment,<br />

qifâs en tuèrent grand nombre, ôc en firent plufîeurs prifonniérs-,<br />

avant que leur ftH*fM*ife parvint aux oreilles du Roi,<br />

^ étoit dans k Vifle, i8c qui fit promtement fortir un détàehèimeut<br />

des meflleurs Soldats ^^kns fesquels fes Sarfafins auroient<br />

entièrement défait tous ceux qui étoient débaftdés dans<br />

fes campagnes.<br />

Cet accident aïânt reâtâa ks gens dé l'Armée phis circoAsjpfeâs^<br />

Ais ne ibijgèrent plué, qu^à embarquer ce qu'fls àVoient<br />

trouvé de mfeifleuri ôc de phisr précieux j dans k Vlîte. Lé<br />

Roi voulut mêrtiê fen emporter, comme un tropMe de fèS exploits,<br />

ks portes, qui étoient d'Un travafl trèà-fingïllier. 11 en fit des&oflr<br />

Iti ihurailfeis, ôc ihettrc le lèUaux maifons. Il tintêHfbite<br />

èônfefl avec fes CheV^ets. On y réfolut d'kllér faire Uf> feniblabk<br />

ttàîtemerit à k Vflle d^Attarde, mToi^dfi. Ife PëxécUtè-<br />

>fent, avet k ^ême !fetflité; Le Roi en fit ég^àtemetlt eftiptktër<br />

ks portes de bronze du Château, frit lesquelles étoient ftjpflféiferitÉèfej<br />

en bâs^relief, plUfieurS liiftjoires de rantiqtiité. Enfin<br />

y «fcâi^des rifchfes dêpôùifl^és de Ces


A« CHYPRE. titC XVn. CH. IV: Çff<br />

tes les cotomodités défîrables, ôc qui d'aUfeurs feur aurojç^ai: éitii<br />

d'un avantage infini, tant pour s'pppofer aux entre^Hrifè^duiit^<br />

dany que pour ik maintenir à portée de lui enlever fe Roâ^h<br />

me de yérufi^m, pour fe recouvrement duquel ils faflbie^<br />

tapt de prpjets. Se fy dounpicmt taut de mouvemens, aliii<br />

d'y engager |e P^pe , ô^ l^s autres Princes d'Europe.<br />

Auffi, le Roi PiBRK^, ^ fes Chevaliês d&RMtiS, en nilh ^tomus<br />

gligeanfe fes avantages, qy^s ^uroie^ pu retirer d^l^reViéfeiT chy^p*/e§<br />

res, retçwBttbèrent bigntQt dax)s k crainte, ôcdan$ fes aflarmes, ^^*^<br />

do^Mi^ils avoiçnt é^é agités ^^sivmt* Ç^^i quelques confi. Rhodkt.<br />

dénibles que fuffent fes butins, qu'As avoient faits, i}s n'ô^<br />

toient pas capable^ de fei^ ^rnir fes mofens d'entretenir<br />

kurs Flottes, ôc leurs Troupes, une feule campagne] Ôc, quel*<br />

quea fortes, Ôc preffantes que fuffent fes fréquentes Lettres,<br />

que le Pape écrivit, après l'affaire d'Alexandrie , à l'Empe^ iisnefmt<br />

reur CHARLES IV, à CHARLES le Sage, Roi de France ; à ^p^tt<br />

Louis, Bjoi d'Hongrie; à EDOUARD, Roi d'Angleterre; ^E)A-^J'**^^^^^<br />

ViD, Roi d'Ecoffi ; Ji PIERRE , Roi d'Arragon ; à A L D E'M A R, «rocci-<br />

Roi de Danemarc ; à CASBIIR, Roi de Pologne ; k JEANNE, ^^^<br />

Reine de Naples ; :à ALBERT, ÔÇ OTHON, Ducs d^Autriche;<br />

Ô& à MARC CORNAKO, Doge de Fénife; elles n'avoient fait aucun<br />

effet fur l'efprit de ces Princes, lualgré ks touchantes expreffions<br />

dont, fe Stf Père s'étoit fervi pour ks émouvoh-en faveur<br />

de k Religion, en accordant même à tous ceux qui donneroient<br />

du fecours au Roi de Chypre, Se. aux ChevsAiers de<br />

Rhodes, les mêmes indulgences que les Pontifes, fes Prédécef^<br />

feurs, avoient concédées à tous ceux qui étoient allés en peff<br />

fonne à la guerre Sainte. Marque évidente, que les Princes,<br />

Ôcles PiRupks commençoient àk regarder avec mdifférence!<br />

Ceft. pourquoi 5 le Grand-Maître, ôc le Confefl de Rhodes ^<br />

fommèrent tous les Chevalier^, qui fe trouvoient en Europe,k fe<br />

rendre inceflamment au Couvent Ils firent acheter des Chevaux<br />

dans k Rokume de Naples, desCuiraffes, des corfelets,<br />

Ppp pp 2 deé<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


it^^^B. I S^T o""I R E'^'Ô E^N^Ï'-PfÎA L^ E<br />

d'escafques, ôc des balles d'arbalêtre ' à iP^w;/>, ôc quantité de<br />

provifions dans les autres lieux, pour bien munir kur Ile. Tous<br />

. leurs Receveurs en Europe reçurent ordre de leur envoïer ponctuellement<br />

leurs revenus annuels, ôc.tôus les arrérages, qu'As<br />

dévoient au tréfor, afin d'avoir le moïen de fournir aux dépenfes,<br />

qu'ils étoient obligés de faire, tant pour le maintien de<br />

Rhodes, que pour toutes les autres Iles de leur dépendance, ôc<br />

pour leur quote part de l'entretien de k garnifon de Smirne.'<br />

PIERRE RACHANELL^, qui en étoit Gouverneur, faifoit des plaintes<br />

continuefles, qu'fl manquoit d'argent, non feulement pour<br />

payer la Solde des Officiers, Ôe des Soldats, mais encore pour<br />

acheter les jprovifions néceffaiires pour leur fubfiftance,<br />

; C H A P I T R E V.<br />

Article I. T e Rjpi de Chypre, de fon côté, ' après'avoir congédié les Bâti-<br />

Pierre' JL^mens étrangers, qu'A avoit à fa folde, ôcfait désarmer une<br />

^''^^^'[^î"^'partie des fiens, dont l'entretienne lui étoit pas moins à charge,<br />

Prince remit, comme il avoit déjà fait, le gouvernement du Roiau-<br />

JOTFUS] me au Prince de G^/r/^f, fon Frère, dont il étoit très-fatispouri'i^a-<br />

fj^it^ Il recommanda à la Cour fupérieure de l'affifter de fes confeils,<br />

ôc de l'aider dans toutes 'les affaires, qui pourroient fur^<br />

venir pendant fon abfence; Après quoi, k Roi fe rembarqua,<br />

Ô2 partit avec trois de fep Galères.- Il étoit> accompagné-du Prince<br />

PIERRIN, fon Fils unique 5 auquel A étoit bien aife de faire<br />

voir ks Cours de l'Europe. Ils fe rendirent d'abord auprès»du<br />

Pape,' qui était alors tnltaUe: Le Roi lui répréfenta, - „ que k<br />

„' bonheur, qu'A avoit eu dans fes.expéditions contre les Infidèàs^<br />

. „ ne ferviroient, qu^aceiélérerk perte de fes Etats, ôc k rui-<br />

„ ne de fes Sujets, fi Sa Sainteté^ ôc les autres Princes CW-<br />

^ > ^ ^q ^ „tiens<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHVPRÈ. LIV. XVIL CH. T. 8J^<br />

„ tiens, ne lui donnoient quelque puiffant fecours qui le mît<br />

„ en état de repouffer kurs entreprifes. - .<br />

Cependant, malgré la grande inclination, qu'avoit lePonti- »3«/, nonobftant l'eftime particuUère<br />

qu'A faifoit de ce Prince, ôc du courage , avec lequel fl<br />

avoit mortifié les Turcs, Se les Sarrafins, Se quelque afilidion<br />

qu'A reffentit des progrès, que les Barbares faifoient dansl'^r-<br />

Tnénie, dont ils avoient prefque dépouAlé le Souverain, ôc enfin<br />

malgré fes folUeitations, tant auprès de l'Empereur, qui avoit<br />

fait un voïage en Italie, qu'ai^rès des autres Puiffances<br />

Chrétiennes, le fécond voïage du Roi PIERRE fut encore moins ^nutiuti<br />

heureux, que le premier, Ôc beaucoup plus funefte pour lui Ôc geSkomê.<br />

pour toute fa famAle, puifqu'A fut caufe de k mort tragique de<br />

ce Prince.<br />

Car aïant reconnu dans les converfations, eut avec le.Pape, Article//,<br />

qu'A tenteroit en vain de retourner vers les Rois de France, ôc . ..<br />

d'Angleterre, il prit cong^ du St. Père, pour aUer vifiter BARNA­<br />

BO VISCONTI , Duc de Milan, avec lequel il avoit contraélé une .sb» vor««<br />

étroite amitié quelques années auparavant, qu'fl avoit été em- '*^"*"ploïé,<br />

félon PHILIPPE MA22ERi,àl'acpmmodement desconteftar<br />

tions,qui étoient furvenuesentre le Pape,ôc ce Duc, touchant<br />

h.Yû\e de Bologne. Cet Auteur affure même, que le Roi PIER­<br />

RE y contribua beaucoup à l'étabUffement de l'Univerfité ; ôc.<br />

que les Doéteiirs des Collège l'ont toujours reconnu pour leur<br />

principal Inftituteur.<br />

Pendant fon fejour à Milan, Se qu'A traitoit du mariage..du<br />

Prince PIERRU^, fon Fils, avec VALENTINE, Fille du Duc Vis-.<br />

coNTi, le Prince de Galilée, fon Frère, étoit entré dans une<br />

Hgue, qu'avoient fait hs.,Fénitiens Se ItsGénois après leur racommodément,<br />

avec k Religion Àe Rhodes, contre ks Ii^fidèlés.<br />

Cependant, comme les en'^Eèi^ions ^Alexandrie, Se de Tripoli<br />

avoient épuife les fu^anccs,du Roi d^ Chypre, ôcque le Prince<br />

P PP PP 3 de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


jy+ H I S T O I R E G F N E'R A L E<br />

de Galilée manquoit. des moïenç. pour fubvenir aux dépçnfes dç<br />

cet armement,. A s'avifa de faire publier un E(Jit, quiaccofciofe^<br />

la liberté auxjP^pm^«i,qiuétofenÇ comme desefct^ve?, moïe-'<br />

nant k fomme de deux cens bezans d^arge^t par tête; ce qqj<br />

lui produifit de groffes Somme?) par k quantité de cesPeupfe^<br />

4ui s'affranchirent, ôc le mit en é^t de fournir aux befoins<br />

de k guerre, ôc aux dépenfes de k Maifon Rpkler. Heureux<br />

pour le Roi fon Frère, ôc pour toute k Maflori, s'il avoit ég^<br />

lement pu remédier aux défordrcs dç k Reine E L E'O N O R^ laquet,<br />

le oubliant ce qu'elk devoit au Roi fon Epoux, & ce qu'eflç<br />

fe devoit à elle même, fcandaUfoit 1^ Cour, ôc k ViUe, par fe^<br />

amours ilflcites avec JEAN DE MOILFU, Corqjtç de Rpcba^^<br />

mtf^'ia Cette Princeffe avoit même G. peu de ménagement d^s fea<br />

Reine de intrigucs, que lorsqu'elle vouloit affirmer quelque chpfe, elfe<br />

JiîSaS, juroit, en langue Èfpagnole , par îa vie de fon Comtç ; S^^<br />

^du^hn ^11 contraire,par unemodeftie affçélée>elfe étoit toujours kpréiipws.<br />

. mière à blâmer les moindres foupçons de gaîantfriç des autres<br />

Dames, ôc ne manquoit prefque jamais 4^ le? leur reprocher,<br />

lors qu'efle pouvoit en trouver i'occafîon. EUe tmtsk même d'une<br />

manière fi rigoureufe ôc fi offenfante la Veuve du fiaroiv<br />

THOMAS DE MONTOUF, que le Roi avoit aimée, ôc qu'A avoit<br />

kifféé enceinte, que non contente de l'avoir pubflquemenl<br />

maltraitée de |«iroks, elle k fit enfermer dans le Mpnaftère<br />

à&Ste. Claire, ôck forçt à prendre l'habit de Religieufe : Ty^<br />

rannie, qi|i fit extrêmement augmenter les murmures contrp fes<br />

diffolutions.<br />

Efles devinrent enfin fi publiques, ôc fî fcandakufç?, que<br />

le Vicomte de Nicofie, à qui le Roi avoit ordonné de furveil^<br />

1er à fes affaires domefUques, fut obflgé, mi^gré lui, d'écrire à<br />

ce Prince, pour lui apprendre k dérègknveut de k Reipe, foa<br />

Epoufe; l'affurant en même tems, „ qu'fl étoit au défespoir<br />

„ de ne pouvoir fe dffpenfer de ki annoncer une chofe, qui<br />

„ ne pouvoit lui caufer, que de grandes inquiétudes; maisque,<br />

„ com-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XVtL CH. V. feyj<br />

'„ comme fa prefence étoit feule capable d'arrêter le coufsd'uù<br />

3, commerce fi deshonorant, A fopfloit très-humblement Sa<br />

5, Majefté de prendre telles lèefures, qu'efle jugeroit à propos;<br />

5, lui paroiffant qu'en fon particulier, A avoit fait le devoir d'un<br />

„ fidèle Sujet, en l'informant d'uîie af&fre auffi déflcate, mais<br />

„ qui étoit devenue publique. • '<br />

La Lettre du Vicomte fut un coiç de foudre pour fe Roi ^'^^^«^•<br />

PIERRE, qui avoit toujours tendrement aimé la Reine, k Fd!hmcj<br />

pour kquefle fl avoit eu une eftime ôcune d^éïtnce toute<br />

particulière. 0n avis fî fâcheux lui fit promtenaent conclura<br />

té l'Atiiafice du Frittce PIERRIN avec la FAle du Duc de Mikin\<br />

ôc,fans plus s'amufet à tien foflicitef cçntre les Infîdèksy fl aflâ<br />

sWbafqùer fuV M Galères, qui l'attendaient i Fénife.<br />

Arrivé en Chypre, fl ti*outra pattôut d'étr^ges fujets de dou? ^g1^<br />

leur ôc d^afflidiôâ. Apeine fut-fl débarqué, qu'A aprit, que k/


65^ HISTOIRE G F N E' R A L E<br />

cacher fur fes terres; de forte que k feule adion, dans laquelle<br />

ie Roi fe fervit alors de fon autorité, ôc de fon pouvoir, fut de<br />

faire fortir la Dame, de MONTOLIF du Couv.ent, où k Reine<br />

1369. l'avoit forcée d'encrçr malgré elle.<br />

Le parti, qu'avoit pris le Roi de remettre, à k décifion de<br />

la Cour fupérieure, .une affaire auffi importante, touchoit extr&nement<br />

tous les Sujets, qui la compofoient ; perfuadés que,<br />

di^quelque manière, qu'ils, kjugeaffent, fl n'en pouvoit arri-<br />

^ ver que des maux infinis au Rpï^ume. Ils s'affemblèr^nt plufkurs<br />

fois, pour tâcher de prendre fe parti le moins dangereux,<br />

examinant tantôt le fentiment^du S|péci]^, ôc.^ntôt,çeîfii du<br />

Connétable, tous les deux Frèrçs de Sa Majefté.<br />

anklft^' ^ Sénéchal foûtenoit., "que l'adultère étant un crime, qui<br />

tiuàufur'^ fait horreur à tous les honnêtes gens, m^Çoit d'|tre puni<br />

[\ „ rigoureufement, ôc plus encore en k perfonne,d'une Reine,<br />

„ parce que ce dangereux exemple pouvoit être fuivi, non"<br />

„ feulement des Dames de k Cour, mais encore df toutes les,<br />

„ Femmes du pays, Ôç caufer des désordres infinis dansi<br />

„ les familles, dpi^tles chefs ne pourroient plus s'affurer d'ê-'<br />

„ tre ks Pères. de leurs Enfans ; que , d'ailleurs, connoif^,<br />

„ knt toute la juflice des plaintes du Roi, ils trahiroient l'hon-<br />

„ neur de ce Prince, ôck confiance qu'A avoit ep eux, s'ils<br />

„ ne condamnoient pas la Reine, ôc fon favori, comme As le<br />

„ méritoient, ôc comme le vouloient la confcience, Ôc k juf^.<br />

„ tice.<br />

Le fentiment du Connétable au contraire étoit, "que, quoi-;,<br />

5> que l'adultère fut, en effet, un crime énorme, ôc digne de'<br />

), punition ; même k plushonteufe tâche, qui pouvoit noircir<br />

„ une familk, A ne falloir pas toujours le punir felon k rigueur<br />

„ des k)ix; encore moins,lorsqu'il esçpofoit la réputation d'un<br />

„ Souverain, ôc pouvoit faire dffputer la fucceffion de fa Cou-<br />

„ ronne à fes Héritiers, ôc caufer des guerres civiles, ôc de^<br />

9, maflicurs infinis \ tout un Etat ; Qiie d'aAleurs, l'Affembléç,<br />

w igno-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Êiv; XVn. CH. V. 8 ; r<br />

Ci rfigtioroit paà ^ que , H on avoit châtié tous ceux qui au-<br />

„ roient pu être compris dans l'affaire, dont A s'agiffoit, bien<br />

„ d'autres des principaux du Roïaume auroient pu s'y trouver<br />

„ auffi intérelÉs, que le-Comte de ROCHAS." Il conclut, ><br />

„ qu'il étoit plus convenable d'âbfoudre la Reine, ôc fon prétendu<br />

„ favori, comme accufés fauffementyôcde condamner le Vicom-<br />

„ te, comme xalômniateur, à quelques années de prifon, pour<br />

„ avoir, par fes faux raports, mis la désunion dans la famille<br />

„ Roïale , animé k Roi contre les principaux Seigneurs du<br />

„ Roïaume, ôc troublé la tranquilité pubflque.<br />

> Enfin, \après plufkurs conteftations, cette dernière opinion Lertcemte<br />

prévalut, malgré l'injuftice évidente, qu'on faifoit au Roi. EUe Jrrêté^^<br />

fut fuivie d'un Arrêt en faveur de la Reine, ôc du Comte fon amant.<br />

Le Vicomte de Nicofie fut d'abord arrêté. Se conduit<br />

en prifon; mais le Roi, qui connoiffoit fa fidélité, Ôcfon innocence,<br />

l'en fit d'abord fortir, ôc fut fi irrité .de l'inique décifion<br />

du ConfeA, que fa douleur ne lui permettant point de réfléchir<br />

, que les Princes fes Frères, ôc ks Seigneurs du Confefl<br />

n'avoient agi avec tant de modération, que pour ménager fa réputation,<br />

•& pour éviter ks malheurs que k condamnation de<br />

k Reine, ôc du Comte de ROCHAS, auroient pu caufer à fon<br />

Etat, que fa colère fe convertit en une frénéfie fi terrible, qu'elle<br />

cauk bientôt k ruine, 'ôc le des-honneur des plus ifluftres famflles<br />

du Roïaume., & enfin k mort funefte, ôc précipitée de<br />

ce ^ grand Prince. r<br />

'Car,' pouffe vanger du jugement porté par les Seigneurs du J>^/p?«><br />

Coilfefl,'& leur faire fentir les mêmes tourmens, Ôc les mêmes<br />

inquiétudes, dont il étoit agité, fl fe plongea dans une débauche<br />

fi effroïable, que, pour l'affouvir, non content de déshonor.ér<br />

leursTemmes., leurs Filles, ôc leurs Sœurs, fl les abandonnait<br />

ehfuite aux minifttes de'fa paffion. La honte, ôc l'infamie<br />

de grand 'nombre des plus iflifftres famflks du pays, ne<br />

furent pas capabks de ktisfaire fa fureur, ni fon indigna-<br />

--* Qsiq qq tion.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


8î8 H I S T O I R E GE'NE'R A LE<br />

'^^°* tion. Il auroit fouhaitè comme un autre CALIGULA, à Vég^i<br />

des Romains, que toute k Nobkffe Chypriotte n'eût eu qu'une<br />

feule tête, .pour pouvoir l'abattre id^un feul coup; Et deve-,<br />

nu, enfin, pfes médiant que cet ^Empeteur, ;il çondam^oit,'<br />

pour te moindre fujet, ksuns aubanniffemelit, les autres à des<br />

prifons perpétuelles; dépc^illoit ks pluys riches de kurs bie^is;<br />

ôc la moindre peine, qu'fl impofoit alors à fes principaux Sujets<br />

, étoit de les faire fervir de manœuvres aux maçons, qu'il<br />

faifoit travaAler à la conftruétion d'une grande, ôc forte Tour^<br />

qu'on conftruifoit dans un coin de k Vifle, fans même en exemterks<br />

Dames de la première qualité^ qui n'étoient pas de fon<br />

goût j ou qui vouloient trop réfifter à fes paffions.<br />

^»^%«0^«î«tïSH^^î5^«^<br />

,^f- , ' ^<br />

• * , * • C<br />

H A P I T R E V I .<br />

ArtificL TT ne Dame delà,Maifon d'iBELiN, d'une grande beauté,'<br />

vJ qui fe trouva du nombre de ces dernières, ne put fans<br />

impatience, fuporter un fardeau fî indigne de fon fexe,


E CHYPRE. Lm XVIL QL VL 8jp<br />

^ L'affedation de la Dame d'iBELiN frappa quantité de. Seigneurs,<br />

qui prenoient part à k dflgrace. Efle répondit à un<br />

Gentilhomme, qui fut affez curieux, pour lai en demander le<br />

fujet, „ qu'elle ne baiffoit fa robe, que devant.fe Roi,, parce<br />

„ qu'elle craignoic de bleffer k modeftie du feul Homme, qu'cl-<br />

„ le apercevoir, puis qu'elle confîdéroit tous les autres conjme<br />

„ des Femmes, qui entre elles n'y regardoknt pas de fîprès.<br />

Ils comprirent d'abord, qu'elk les regardoit tous, comme des<br />

Hommes kns coeur ; Us s'entre-regardèrent avec étonnement,<br />

commencèrent dès-lors à murmurer contre ce Tyran, ôc conclurent,<br />

qu'ils avoient trop long-tems fouffert fes fureurs ,^ôc fèsinjuflices,<br />

pour n'en pas arrêter le cours* Ils raportèrent à leurs<br />

amis k reproche honteux, que cette Dame venoit de .leur faire;<br />

Ôc s'y trouvant tous égakn^ent intéreffés, ils pafferent bien-tôt<br />

des murmures à une véritable conjuration. Afin de s'animer avec<br />

plus d'îardeur à fa perte, fls fe rappellèrent, Se même qxag^<br />

rèrent toutes ks injures, qu'il avoit faites à la Nobkffe, de-><br />

puis fon retour d'Europe; frémiffant tous de rage, de ce qu'on Çw>v«n'entendoit<br />

plus parfer que de ceps, de chaînes, de prifons,de î/w*'^"<br />

banniffemens, de confifeations, de foplices honteux, de viols.<br />

Si de toutes autres fortes de violences, fans aucune formalité<br />

de juftice.<br />

Les Conjurés firent plus. Sachant que les Frères du Roi Usveuunt<br />

n'étoient pas moins fàfi%uè^ qu'eux, de famauvaflè liumeur, ôc ^lliià<br />

mécontens du peu de part, qu'fl feur donnoit dans fes affaires, tî|*'^j^^'^<br />

ils trouvèrent fe moïen de les faire entrer dans Jeur reffentiment, «* tanur<br />

ôc de confentir à la vangeance, qu'ils vouloient tirer de tant ** *"'<br />

d'outrages. Us réfolurent, enfin, la mort du Roi ; ôc, quelque<br />

effort, que fit le Sénéchal pour les détourner d!un attentat fî<br />

criminel, ôcfi atroce, dont k feufe penfée lui faflbit horreur,<br />

toutes fes exhortations furent inutAes. il. efl vrai, que k grande<br />

déférence, qu'As avoient t


8do H I S T O r R E G E''N E' RALE<br />

fe joindre à lui, pour aller faire des remontrances au Roi, Se.<br />

k fuplièr «de fe reffouvenir du Serment, qu'A avoit fait à^fon<br />

„ avènement à k Couronne, qui étoit dô ne rien changer aux<br />

„ Affifes, ou Loix fbndamentales du Roïaume, que tous fes<br />

„ Prédéceffeurs avoient obfervées fi reftgieufement, ôc que lui<br />

„ feul venoitd'enfraindre parla confifcation des fiefs, ôcparle<br />

„ foplice, ou la condamnation de plufieurs Barons, qui (fe-<br />

„ l6n les mêmes Loix) ne pouvoient être privés de kursbiens><br />

„ exAés,' ni emprifënnési fans ks procédures ordinaires de^<br />

„ vant le Grand-Cc^feil."<br />

»37x. Cêft'ce qu'Aà exécutèrent mênjô^avec beaucoup de refpedl^<br />

mais kur foumiffion» ôc leurs remontrances ne firent qu'auge<br />

menter l'indignation du Roi, qui ne pouvoit revenir de k hai*<br />

ne, qu'A avoit conçue contre tous les Seigneurs, depuis le jugement<br />

injufte, -qu'Arf^ avoient prononcé fur les accufations^<br />

qu'A avoit eu la foibkffe de kurporter contre k Reine, Ôccon*tre<br />

le Comte de ROCHAK II n'étoit plus a^bfe d'écouter, ni<br />

^{^ la raifon, ni leurs plaintes. L'eiit de vangeance conduifoit<br />

feul toutes fes^ pallions. C'eft pourquoi, défe^é»ailt de pour<br />

voirie ramener par la (feuceur, As recommencèrent leurs: ailèmbîées<br />

criminelles ; Ôc, le Prince de Galilée k leur tête,ils allèrent<br />

un matin au point du jour, tous bien armés, Se bien accompagnes<br />

aux prifons-, dans lé^uellês étoient enfermés<br />

JEAN GORAFFO, Grand-l^illi du Roïaume , k Baron GARION:<br />

DE GIBLET, avec fônFAs', ôc'^vers autres Nobles^; Ils y'entré-*<br />

rent par force, après avoir obligé k Geotee à leur en ouvrir<br />

les portés.- t K<br />

Article;/. Ils allèrent enfuite droit au Palais, dont As forcèrent %ak^<br />

ment* les gardes, ôc parvinrent enfin jusqu' àkChambrtf di»<br />

Roi. Madame CITE DE SCANDALION, fuile deîs plus befi^s, Ôo<br />

dès premières ; Dames de kCôur,: qui avoit pafTé k lîuit^ aree<br />

lui, effrayéèdu bruit, qu'^eent^endît'i s^iatvciopa promte-<br />

3S3^nt dims^ un drap, ôc entra dans k chambre voifîne > où elle<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Di; CHYPRJE. Lir. XVIL. CH. VL t6i<br />

fe cacha dans une ganferobe; Efle kiflà k porte ouverte; ce<br />

qui fit croire, qu'efle étoit delà conjuration, d'autant plus qu'elfe<br />

étoit extrêmement aimée du Prince; celui-ci entra d'abord<br />

dansk chambre duRoi,qoi s'habAl6iLàkikte,ôcqui,traniporté<br />

de colère:, cria au Prince de foitir ; ce qu'A fit fur k champ y<br />

foit que k feuk vue du Roi, ou le remord de fa confcience<br />

Peftrayât; Mais, à peine fut-A forti, que k Seigneur d'Affîiry<br />

CARION DE GIBLET, ÔC JAQUES GABRIELU, y entrèrent. Le<br />

Roi, qui les avoitcrueAement offenfés, jugea bien alors,qu?A3:<br />

ne venoient,; que pour lui ôter kvie;- Néanmoins, ' comme il.<br />

étoit natureHement intrépide, fl voulut prendre fon épée, en<br />

]iemcri2int; Traîtres! que faites-mus? Cefut-là tout ce qu'fl put j^'JiS're^<br />

proférer, car fls^ le percèrent d'abord de trois coups de poignard, ^» ^fi P*^qu'ils<br />

eurent même la: finreur de redoubler, quoique ce Prin- ^^'<br />

ce infortuné fut y dès kS: premiers coups^, tombé roide mort k<br />

feurs î»és; -<br />

Le fiarbn GORAFFO, encore plus inhumain, que les autres,<br />

ôt qui n'auroit peut-être ofé en approcher, pendant qu'flvir<br />

voity fut affeï barbare. Se. affea perfide, pour lui féparer k<br />

tête du corpfi/i J<br />

On prétend, que les Frères du Roi, ôtprhicipalement k Prin- *<br />

ee de Galilée y vouloient en faire autant au Prince PIERRIN , f<br />

unique héritier de k Couronne ; &, qu'il n'en fut garanti que jpar<br />

l'àdreffes de k Reine fa Mère»; ce qui ne paroit guère vraifemrblable,<br />

puisque cette Princeffer avoit quitté la Cour'longtems<br />

auparavant, & nepouvoitêtîiéfi-tôtinformée de ce qui s'ypaf^<br />

foit poUr empêcher ce meurtre j û les Conjurés avoient voulu,<br />

k commettre; ôc que, d'ailleurs, au défaut de cet Enfant,, k<br />

Couronne appartenoit de droit au Prince JAC^JES , fon Oncle,.<br />

lequel, bien loin d'avoir ccm^iré contre la vie du Roi, avoit<br />

fait humainement tout ce qui avoit^pendu de lui, pour empêcher<br />

fes Frères d'y confentir. Il auroit été inunSmcablement/^ Péapiè<br />

a


Ui HISTOIRE G E'N E'R AL E<br />

armes,pour foutCHU dc tout k Peùpfej qui, CH effet, prit d'abord les ar-'<br />

w'^orfia'* mes, pour vanger k mort de leur Souverain.<br />

^*'*- ^ Le Prince de Galilée eut foin de faire inhumer fe corps dit<br />

RjÉ)i^ pendant la nuit, ôc fortTécrettement, dans le tombeau<br />

de leur Père; car A craignoit j' avec raifoik, que k vtW' de ce<br />

funefte, Se terrible, fpedacle n'augmientâÊifPémotioijt popukire,<br />

Ôc ne caufat quelque grand defordre, qui auroit pu retombei'<br />

fur lui. Il empêcha même, qu'un Religieux Dominiquain<br />

n'en fît l'Oraifon funèbre, de peur que le recit des adlions glorieufes<br />

de ce grand Prince ne reveiflât l'amour, que fes Sujets<br />

avoient eu pour lui. , ^-^<br />

Article///. En effet, le Peuple, extrêmement irrité, qu'un Prince, qui<br />

^^^^' les aybit rendus plus riches, ôc plus opufens, qu'ils n'avoient<br />

jamais été, ôc qui, par fes faits héroïques, s'étoit r^ndu plus<br />

^orieux qu'aucun de fes Prédéceffeurs, • eût été poignardé d'une<br />

manière fî cruelle. Se fi déteftable, dans k propre chambre,<br />

fe feroit porté à quelçpié extrémité contre le Prince de Galilée,<br />

^FûrluRoi ^ contre fes autres; afeffins, kns la précaution que celui-ci acomonnéà*<br />

voit CUC dc faire d'abord pr00a«!cr Roi le jeune Prince ^ERRIN,<br />

Nicofie. ^ même de fe faire''fofemnelfement couronner dansM'Eglflb<br />

> Cathédrale de iVifco/?!p.<br />

te#rfM VoAà k déplorable fin du Roi PIERRE, qui, par toute» feS:<br />

* ^^^^^* aébîons mémorables, méritoit,kns adulation,le titre deGrandy<br />

d'Invincible, ôc de Magnanime. Car, outre les Viéloires qu'il<br />

remporta contre ks Ir0èles, dolît A étoit le fléau, fl éteignifc<br />

les Séditions de Rome, fe rendit médkteur entre ks Rois:<br />

di Efpagne, Se d'Angleterre ^ Se fe fitconfidérer pendant fes voïa*<br />

ges, par toutes ks Puiffances Chrétiennes, n'aïant jamais rien<br />

entrepris, que pour l'avantage de la Religion. Son entretfen<br />

étoit des plus a^éables, fes manières des pltis engageantes; Ôc<br />

jamais ^ince ne s'étoit diftingué avec plus d'aidreffe, ôc de valeur,<br />

dans tous ks exercices mAitaires. Il étoit Infatigable , judi-r<br />

çieiix dgns fes réfolut;joijs


DE CHYPRE. Liv.:^IL CH.VL 863<br />

tes quafités, qui peuvent former un grand Prince : Mais ces<br />

beUes qualités dégénérèrent malheureufement en autant 'de<br />

vices, par les cuifans chagrins, que lui caulèrent les dérèglôiîfens<br />

de la Reine, fon Epoufe ; ôc ces vices ternirent une gloile,<br />

qui auroit été immortelle.<br />

Comme fe nouveau Souverain n'étoit point encore en âge de<br />

gouverner par lui même, k Sénéchal, fon Onck,fut déclaré R^ent<br />

du Roïaume pendant fa minorité. L'affabilité, ôc la douceur natureUe<br />

du Régent fe faifoient fort aimer, ôcéhérirdetoutle nion- ^ ,<br />

de. Il eft vrai^ qu'fl n'avoit guère que le Titre de Régent,<br />

car fe Prince de Galilée , fon^Frère, difpofoit entièrement Ju<br />

gouvernement, auquel fl s'étoit accoutumé pendant fes voïages<br />

du feu Roi, fon Frère, qui le lui avOit confié.<br />

Cependant, quoiqu'fl eût.favorifé la Reine, pour empêcher<br />

le divorce, que fe Roi avoit intenté contre elle, fl ne voulut<br />

jamais permettre, qu'efle prîtcônnoifïance, ni fe mêlât dans les<br />

affai^res de rEtat,ni même qu'efle fût reconnue pour Tutrice du Roi,<br />

fon Fils, malgré les mouvemens qu'elle fe donna, fes plaintes, ôcles<br />

inftances qu'elle en fit fouvent au grand Confeil; de forte que cette<br />

Princeffe, qui n'étoit pas kns partifans, indignée du mépris<br />

que fon Beau-Frère favoit d'elle, coinmença à chercher les<br />

moïens de parvenir .elle même à la Régence,' qu'efle prétendoitlui<br />

appartenir, de droit, en faiknt agii* kPêupfc, qui n'^<br />

toit pas fatisfàit du gouvernement, Se par confequent toujours<br />

difpofé à la révolte, pendant que la ijésuniôri des Princes<br />

du Sang caufoit fe désordre, ôc la confufion dans le pays. "<br />

Auffi ce ne fut pas kns raifon, que STE. BRIGIDE, qui,^''|*^'««<br />

en revenant de la Terre - Sainte, aborda k Famagpùfte, pen-gide. ' '*^<br />

dant toutes ces émotions, Ôc l'affaffinat du Roi PIERRE, reflêclûffant<br />

fur le fàîte de grandeur,* où ce Prince avoit porté<br />

fon Rpkume, ôc apercevant le commencement de k décadence,<br />

prédit les malheurs, qui dévoient lui arriver, après un parricide<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


U4 lî I é T O li^â.E G E' îN E' R A L E<br />

fieide fi énorm.e, fî criminel devant Dieu, ôc fî effroïable aux<br />

yeqx de FUniyers.' -f^,.<br />

Les avertifftSmens, ni les prédications ,4e cette vertueufe Da*<br />

me ne fufent pais capables d'arrêter la continuation dés désordres<br />

des Habitans du pays. Ils fuivirent tous ég^nfeïit kurs<br />

inclinations particulières , fans fe mettre beaucoup en peine<br />

du bien, du du mal, qui pouvoit en arriver. La Reine,<br />

qui ne pouvpit digérer l'affront, qu'elle avoit reçu de rie<br />

po'ùvoir obtenir la tutelle de fon Fils, mcttoit tout en ufàge,<br />

pour fe vanger de fes Beaux-Frères, ôc des Grands de<br />

leur parti, ^Bflfe" que k tendreffe qUkfledevok à ce |éune Prince,<br />

ni fes intérêt^ qui dévoient-lui être fî diers, puffent faire<br />

aucune impreffienfor fon efprit Un accident, qui arriva à<br />

IM Reine fe Famagotifte, lorsqu'il ^' Blh pour prendre la Couronne de *j^^-<br />

Jlmtnlt 'rufdlêfn, lui fournit f occafîon d'exécuter fès projets -vindicatift;<br />

l*"^ ^^. Elle i'embraffa avec tant dé dhalcur, qu'elk cauk enfin k perte<br />

de cette impo'rtante Place, ôcles malheurs irréparables, qui<br />

.commencèrent ,k ruine du Roïaume, Ôc l'accompliffement des<br />

prédirions de Ste. BRIGIDE.<br />

Toute la 0)ur, Ôc ks Miniftres Etrangers, s'étoient ren-<br />

..dus en cette Vflle, pour àffifter à cette cérémonie* PAGA?-<br />

•NiN Doi^iA, Coiiful Génois, Homme ambitieux , Ôc violent,<br />

âpùïé de; k faveur de k Reine ,Ôc fe-flattant d'augmenter k réputation,<br />

vôc ceAe de k ^République, S'il pouvoit précéder le<br />

'ConfalF^énitien dans cette fonction,ffut affez hardi pour pren-<br />

^dre le pas fur MAi.;iiPfiE'RO, qui exerçoit cette charge. iLe<br />

"Magiftrat';^


ȃ CHYPRE. tiv.Xvn. CH.VI' Sdy<br />

, foient également la Majefté. Ils s'emportèrent fî fort, qu'fls en<br />

feroient venus aux dernières extrémités, fî les Oncles du .Roî<br />

ne les euffent arrêtés; car fâchant, que ks Génois n'avoient jamais<br />

difputé le pas aux FéîUtiem, d»is aucune des fondbions pu.^<br />

bfiques,ils décidèrent en faveur de MALIPIXRO,ÔC le placè-^<br />

rent à la droite du Roi, kns que leur règlement fût capable de \ »*.»retenir<br />

le DCMIIA dans fon devoir : Cet efprit altier, Ôc turbulent,<br />

voulant foûtênir ce qu'fl avoit entrepris,reprit hardiment le pas<br />

au fortir de l'Eglife, où la cérémonie du couronnement avoit<br />

été faite; ce qui fit recommencer leur quereilfe, avec ehcore str •.<br />

plus d'emportement, ôc ks porta enfin à un défi dans fes ' ' :._.<br />

formes. -'^'[<br />

Le jeune Roi, fe fentant ^trêmement offenfo de leur man- Le Roi<br />

que de rcfpeéè, ordonna au 'Sénéchal de remédier promtement ^'y^em^^^<br />

k ce desardre, ce qu'il fit en déplaçant ces deux Confiils d'aU- *>*<br />

près du Roi, Se faifant prendre leurs places^'aux deux Princes<br />

fes Frères, après les quels marchoientleConful^«à droite.<br />

Se le Génois à gauche, ainfi qu'fl l'avoit réglé. La même chofe<br />

fut obfervée dans le repas, qui fui vit la cérémonk du couronnement<br />

; ce que DORIA ne fouffrit qu'avec beaucoup d'impatience<br />

; mais, comme fl mouroit d'envie de faire parler de lui,<br />

il ordonna' dès k même foir à ceux de fa Nation de s'armer d'armes<br />

courtes, ôc de fe rendre au Palais, où fl avoit def^<br />

fein d'attaquer ks Fénitiens au fortir la fête. MALIPIE'ROJ<br />

qui fut averti de cette confpiration, ôc qui n'ignoroit point k<br />

rigueur des ordres, qui avoient été publiés contre tous ceux<br />

qu'on trouveroit armé^ dans le Palais, voulant profiter d'une fî<br />

belle occafion pour fe vanger de fon ennemi, avertit k Roi,<br />

ôc les Princes fes Oncles , que ks Génois , qui fe trouvoient / .<br />

dans le Palais, étoient armés fous leurs robbes; Se qu'fls n'en<br />

Youlofent pas moins à kurs Perfonnes, qu'à ceux, de k Nation.<br />

Rrr rr CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


(hU H ï S f (fî RE ^ G^ÉWï) R AL E<br />

C H A P I T R E VII.<br />

if'<br />

Article/. / ^ ^ ^^ i^^Agea point un avis fî important. Le Prince dè^<br />

V>/ Galilée plus vif, ôc plus impatient, que les autres, fit<br />

inceffamment fermer les portes du Palais,, ôc «ordonna aux<br />

Gardes ^e vifîter tous les étrangers, q^i y étoknt^ he^ Génois<br />

Jktentat ^kut été trouvés munis de, poignards, Ôc d'autres armes fem-<br />


DE CHYPRE. Liy.XVÏ. Qi. VIL/" . 8?^^<br />

kri, où ils lui donnèrent des Gardes, pour le garantir dès in-:<br />

fuites de la populace.<br />

La Cour fe difpofoit à s'en retourner à Nicofie, lorsqu'elle<br />

fut arrêtée par un incident, non moins fâcheux que k premier.<br />

Le Prince de Galilée fut informé, que NICOLAS NACCA, Secrétaire<br />

de la Reine ELE'ONOR, avoit remis à MARC GRI-><br />

MALDi, Négociant Génois, une dépêche, que cette Princeffe<br />

avoit faite au Pape, ôcau Roi d'Arragon, fon Père. Sur l'ombrage,<br />

qu'A en conçut, A envok d'abord demander à ce^ohie<br />

Génois, de quelle commiffion k Reine l'avoit chargé. Il répondit,<br />

qu'étant prêt à partir pour V Europe, ^on Secrétaire lui<br />

avoit effeàivementconfigné des Dépêches ; mais qu'Aen ignoroit<br />

k contenu ; ôcqu'A avoit cru, ne devoir pas refuferun pareil fervice<br />

à la Mère d'un Prince,' dans fes Etats du quel A faifoit k<br />

réfidence. Cette réponfe aïant fait comprendre, qu'A n'en avoit<br />

aucune inftrudtion particulière, le JPrince de G^//7^^j qui<br />

ne vouloit pas aigrir davantage les Génois, fe contenta d'arracher<br />

les paquets, dont A étoit chargé. Il y trouva la mauvaife<br />

impreffion, que la Reine cherchoit à donner, de ImMêuvm<br />

au Pontife, ôcau Roi d'Arragon, Se les termes outrageans,]^'^^!^*<br />

dont elle fe fervoit, pour exprimer fe danger , qu'elle, ôc**"^*»*^<br />

le Roi fon FAs, couroient tous les jours d'être aflàffinés, comme l'ayoitétékRoï,<br />

fon Epoux, par cet homme cruel, ôcknguinaire,<br />

qui avdt trempé fes mains crimineAes dans le fang de fon<br />

'Roi, ôcdefon Frère, malgré les grands bienfaits, qu'Aen avoit<br />

reçus. En conféquence, elfe fuplioit le St. JP^r^ d'interpofer fon<br />

autorité, pour le priver du gouvernement, ôç le châtier, comme<br />

A méritoit; -ôc follicitôit le Roi, fon Père, à lui envoïer<br />

promtement quelque fecours d'Hommes, ôc d'argent, afin qu'elle<br />

pût fe garantir des pérfls, où elle, ôc fon Fils, étoient con-<br />

.tinuellement expofés. " ,ia<br />

Après avoir bien examiné le contenu de ces -dépcclies, le<br />

'Prince de Galilée .entrz. dans une Q grande fureur contre laRei-<br />

Rrr rr 2 ne-.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


.»(?« H ï S T O I R E G E'N FR AL E<br />

ne*, Se contre fbn Secrétaire, qu'fl fe fit fur le champ conduï-<br />

Tunittmdure prifonnier à Nicofie^ où fl ne fut pas plutôt de retour, que<br />

2^^^^r^ ne pouvant fe vanger fur cette Princeffe, fl fit pendre cet Of^<br />

ficier, kiK aucune forme de procès, k la porte de la Ville, qui<br />

conduit au Bourg de Pothamia^ fous les yeui de k Reine, qui<br />

s^ étoit ^îtièrement retirée.<br />

Ce moiivel outrage, qu'efle reçut en k perfonne de fon Secrétaire,<br />

la péhétra fi vivement, que, kns gsurder, dans la fuite,<br />

aucune iefore, ni rien envifager,, que. k déftrd'en tirer<br />

vangeance, elle joigne fès reffentimens à ceux des Génois, Ôc<br />

ks folMta de venir en Chypre, la force à la main, pour tirer<br />

ïaifon du-mafkcre de kurs compatriotes. Elk ne put même<br />

s'empêcher de faire entendre à DORLA. , leur COnfily qu'efle<br />

fkvoriferoit, de tout fon pouvoir, les entreprifes, que fa République<br />

voudrait faire fur l'ile, pourvu qu'As lui aidaffent à punir<br />

k-Prince de Galilée y ^ les autres coa^ices de k mort<br />

du Rœ fon^poux, des injures qu'elle en avoit reçues en fon<br />

particulier.<br />

Arltdl'rr, Apïès que les af&ires des Génois fiirent xm peu appaffées,<br />

La^Hation ils ne penfèreut plus qu'à recouvrer les effets, qu'ils-avoient dans k<br />

JereSie^dep^YS. 'Ils'k firent fe ptuspromtemeut qu'A leur fut poflïble,ôc s'emr<br />

Chypre. tfàtqiièFeiîtt tous avcc "kurs facultés.. Le départ inopiné de<br />

ièUr Cotiful fit bien ^onnoître^ qu'A n'avoit pas feefoin de folîititei'le<br />

'Sénat k afaire éclater fènn. reffentiment. En effet, k<br />

parti qu'A vienoft'deprendre,fit bkn comprendre au Sénéchal,<br />

Ôc au Prince de G^/7^, que, ma^é la-ktisfaâion, dont ce<br />

Corifuravi3it paru content, ce n'étoit que-pour avoir le tems;<br />

de reeueiUir leurs facultés , qui fe montoient à plus de deux<br />

millions d'or-; ÔcxjtfAs ne tarderofent pas à avoir l'armée de k '<br />

République^ for les bras. < ..<br />

C'eft pourquoi, de favis de la Cour fiipérfeure, Ais envoie*<br />

rent promtement RArNiÈR LE PETH^ , & GERMAIN GIORM,,<br />

comme ^Ambaffadeurs 3 au Pàpe, ^ur lui repréfenter les mal-<br />

'V heurs.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


•DE CHYPRE.- Lir. XVIL CH. VIL $69<br />

.heurs, qu'afloit caufer Tum'Chrétiens dKfrient la guerre que les<br />

Génois fe préparoient afaire au Roi de Chypre; -Se au contraire<br />

les grands avantages, qu'en reœ,porteroient les Infidèles, k<br />

moins qu'A ne plût à Sa Sainteté d'interpofer fon autorité,<br />

pour les empêcher.<br />

Ces Miniftres étoient à-peine fbrtis du port de Famagoufte<br />

qu'^n y vit arriver le Père PIERRE D'ARRAGON , Reflgieux<br />

Francijcain, que G R E'G o i R E XL qui avoit fuccédé à URBAIN<br />

y* envoïoit en Chypr-e,{ur k fâcheufe nouvelle de la mort tragique<br />

du Roi PIERRE, ôcdes troubles qui agitoient le Roïaume,<br />

afm qu'A fe^citât, Ôc exhortât fortement, ide fa part, k Reine<br />

ELE'ONOR, ÔC les Princes du Sang, à renoncer à feurs animoCtés,<br />

ôc à leurs discordes, ôcà faire enforte que le jeune<br />

Prince PIERHIN, après le malheur qu'il avoit eu de perdre un<br />

Père auffi vertueux , ôc à l'école du quel A avoit acquis la var<br />

kur, ôc k prudence, qu'A poffédoit, ne perdît pas encore fes<br />

Etats, par leur désunion, ôc par leurs paiHons particiLilières.<br />

RAIMOND BE'R ANGER vint auffi en Chypre, en qualité de Non- Médiation<br />

ce de Sa Sainteté. Il avoit été cliargé de la même commiffion ;


' 870 Iî ï s T O I R E G E' N Ë' R A L E<br />

les'Génois avec k Cour de C&j'pr^ ; Car tous les mouvemens qu'fl<br />

fe donna, ôc tout ce qu'fl put dire,Ôc faire, n'empêcha pas qu'ils<br />

li'envinffent à une guerre ouverte, qui fut auffi affligeante [pour<br />

; 3 7 3. ks Cifjpriots, que glorieufe pour les Génois, comme on va le voir.- ''<br />

DORIA ne .fut pas plutôt arrivé à Gènes, que, fur fes rekfioiis<br />

envenimées, ces efprits promts, ôc pétukns, réfolurent<br />

de rompre entièrement avec k Roi de Chypre, kns fe mettre<br />

aucunement en peine des Traités qu'ils avoient enfemble, dont<br />

l'un des principaux articles portoit, que le premier, qui^ enfrairidroit<br />

la paix , paieroit à l'autre cent mjlk ^ Ducat?s. "<br />

La République fit armer-trente fix Galères, Se .plufîeurs Bâtimens<br />

de-tranfport, -fur lesquels fls embarquèrent quatorze<br />

mille Hommes


lit CHYpREfl LI*. XVIL CH: Vit n s?!<br />

t «<br />

quelle Baron PHILIPPE D'IBELIN, qui en étoit Gouverneur,pût lès<br />

empêcher; ce qu'fl auroit peut être fait, fi le Roi, ôc les Princeîiî,'' -<br />

fes Oncles, n'en euffent retiré une bonne partie de la garmfon, dans<br />

l'efpérance que le Pape, Ôc le Grand-Maître de Rifodes cUmeroient<br />

les. mécontentemens delà République.' Us ^s'étoient tellement<br />

ffattés de ces vaines efpérances, que, quoi qu'fls n'ignoraffent<br />

pas le puiffant armement, qui fe faifoit à G^«^j, ils n'avoient<br />

même fait aucun préparatif de guerre pour fe défendre. Mar»*<br />

que évidente de leur peu d'expérience dans les affaires du gou*<br />

Tèmement, Se de leur malignité à s'entre-détruire eux mêmes.<br />

Enfm, n'aïant plus d'autre reffource, pour gagner un peu<br />

de tems, Ôc fe mettre en état de défenfe, autant que la preffante<br />

conjondure pouvoit le kur permettre,- ils prirent le parti<br />

d'envoïer le Chevaher BERTRANT D'ERÀSMI , Grand- Comman^<br />

deur de Chypre, aux Commandans Génois, pour kvoir kurs<br />

prétenfions. Le CAT ANE'O, à qui ce Commandeur s'adreffa,<br />

lui répondit, kns héfîter, " que la Répubhque prétendoit,<br />

3, qu'on lui flvrât les meurtriers des fes Gitoïens ; Qu'on lui Prétsu-<br />

„. payât k valeur des effets, qu'ils n'avoient pu recouvrer; EffS^dwJ'<br />

',i qu'on les rembourkt des fraix de l'armement, qu'As avoienc^^'^^^^<br />

,, été obligés de faire, pour en venir demander-raifon : Que,<br />

„ cependant, comme le Sénat àgiffoit plus par honneur, que<br />

„ par intérêt, fi leRoi ne vouloit pointfairerechercher ceux qui<br />

„ avoient infulté ks Négocians de leur Nation, il n'avoit qu'a leur '<br />

'„ faire payer quatre cens milleDu€ats,au moïen de quoi les affaires<br />

„ du commerce, Se k bonne intdflgénce fe rétabfiroient comme<br />

„ auparavant ; au lieu que, s'il rcfufeit cette condition, il avoit<br />

„ ordre dé luifair^ la guerre a toute outrance: Que tout ce<br />

„ qu'A pouvoit faire à la confidération de lui Commandeur,<br />

„ étoit d'attendre, qu'A en eût informé :.ce Prince^.ôc qu'iî<br />

„ lui fit favoir fa réfolution.- ^<br />

Le Sénéchal, ôc le Prince de Galilée kmihrent cependant le<br />

plus de monde .4[ju'fl leur fut poffible, en envolèrent même cliers<br />

cher^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

4 *


^75 H I S T O I R E G E' N E' R ALB<br />

cher en Caramanie, Se firent travaiUer àla réparation des murs<br />

•de Nicofie; mais, comme tous ces préparatifs hors de faifon pjiroiffoient<br />

fort peu de chofe aux Barons, qui entendoient un<br />

peu l'art mflitaire, fls firent adroitement comprendre, au Roi,<br />

que ks affaires pouvant s'accommoder avec de l'argent, fl valoit<br />

beaucoup mieux prendre ce parti, que de fe livrer à l'incertitude<br />

d'une guerre, qui coûteroit toujours infiniment plus<br />

de fraix, que ne prétendoient les Génois, Se qui ne pouvoit<br />

être que très-funefte à f Etat.<br />

Cependant,. quelque falutaire que fut cet avis, lorsqu'on<br />

propofa dans le Confefl, affemblé, par ordre du Roi, à ce fiijet,<br />

" quechacun d'eux fe taxât pour faire la fomme, qu'on leur<br />

„ demandoit, " le Prince de Galilée, qui park le premier,<br />

offrit fi peu de chofe en fon particufler, qu'fl ferma k bouchç<br />

à tous les Barons du Confefl. Ils en furent même fi fcandaflfés,<br />

qu'ils quittèrent brusquemait l'Affemblée, en déplorant lès<br />

malheurs, que fon avarice fordide aUoit caufer à l'Etat; fâchant<br />

^ tous qu'fl étoit feul capable, ôc fans fe beaucoup incommoder,<br />

de l'affranchir des défoktions, dont fl étoit menacé: auffi, en<br />

fut-fl bien puni, puisque les grands Fiefs, qu'fl poflfedoit, devinrent<br />

k iwèmière proie des Ennemis.<br />

Articie/r. LcsCommaudaus Génois, après avoir attendu plufieurs jours<br />

inutflement la réponfe du Comjnandeur d'ERASMi, fe détermi-<br />

ZrfjGénois jièrent enfin à commencer la euerre. Ils diftJoferent leurs<br />

tommen- , .^ .r-,", „ f n / i - r ,<br />

€ent de Forccs de cette mamere. LCFREGOSE forma le uége de Fa-<br />

.gutrre. magouftc, pendant que G A T A N E O parcouroit les Côtes de l'Ile,<br />

avec une Efcadre de Galères, foit pour y faire le plus de ravages<br />

qu'fl luhferoit poffible, foit pour empêcher les fecours étrangers,<br />

qui pouvoient y aborder ; de forte qu'après s'être<br />

emparé de divers Bâtimens marchands, qu'il rencontra, fl afla<br />

faire une defcente aux Côtes Septentrionales de fûe, qu'fl trouva<br />

fi dégarnies, que fes gens s'avancèrent dans les terres, ÔG<br />

ruinèrent crufiflemeul: plttCeurs.Bourgs, ôcVfllages, qui appartenoient<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liy. XVIL CH. VIL 85p<br />

.tenoient au Prince de Galilée. La nouveAe en aïant été pbrtée<br />

k Nicofie, le Connétable fe mit promtement en campagne avec<br />

quelques Troupes, Se taflla en pièces une bonne partie de ces<br />

équipages, qui s'étoient trop débandés ; ce qui obligea CATA-<br />

NE'O à regagner Famagoufle, tant pour fe décharger- du butin<br />

qu'A avoit fait,; .que pour remplacer fe monde qu'il avoit perdu. 1374.<br />

Il ne tarda pas à fe remettre en campagne. Sa féconde expédition<br />

fut fur le Canton de Limifol, qu'A ravagea avec encore<br />

plus de faciUté, qu'A n'avoit fait celui de Cérines, fans<br />

que le Connétable, qui y accourut, pût avoir le même bonheur<br />

qu'auparavant. Il fit néanmoins lâcher prife aux ennemis<br />

, qui levèrent ks ancres, Ôc allèrent fe jetter fur les côtes<br />

deBaffo, d'où le CAT ANE'O avoit été averti par deux bandits<br />

Chypriots, qu'on avoit retiré la garnifon. En effet, à-^JJJ"jjj"<br />

peine eut-A fait ^baj^r fog jniood^» qm fes habitans de cet- ces.<br />

te Ville ïa.bs.ndamkmA poiwr fe relire? ?^xngi«|tagnes, avec<br />

ce qu'ils pure^ çsapor&gr ^ meilfei^ ; ce


870 HISTOIRE GE'N. DE CHYPRE. Liy. XVIL CH. VIL<br />

quife trouvoit en campagne, en attrapa quelques bandes, Ôc'<br />

en fit pendre une centaine aux arbres du grand chemin. II<br />

traita de même quelques maraudeurs Génois, qui eurent le malheur<br />

d'être pris. Pour remédier à cet inconvénient, on confeilla<br />

au Roi, de faire publier une amniftie générale en faveur<br />

des bandits; ce qui fit un effet merveifleux, car ils accoururent<br />

tous fe ranger fous ks erifeigncs de kur Souverain, Scie<br />

fer virent depuis avec beaucoup de fidélité.<br />

MHISTOI,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R O ï A° U M E S<br />

t D E<br />

I CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />

D' É G^/p T E.<br />

L I V R E XVIIL ^<br />

CHAPITRE PREMIER. > ^<br />

r$^^»5)^S^)5^ E Général FRE'GOSE , continuoit cepen-A,,,,,,.<br />

cîc3l?3«>C_>{:3^3 dant le Siège de Famagoufte, mais avec<br />

peu de fuceès. Il avoit déjà perdu plus<br />

de mille Hommes dans les diverfes attaques<br />

, ôc tous les efforts qu'fl avoit faits<br />

pour forcer cette Place J avoient été inutiles.<br />

Ses Troupes en étoient même fî rebutées,<br />

que, fî les Oncles du Roi avoient voulu fuivre ks avis<br />

' Sss ss 2 de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


€72 HISTOIRE G E'N E'R A L E<br />

^•. - -<br />

de quelques Officiers d'expérience, ils l'auroient.obligé d'abandonner<br />

fon entreprife, ôc même de fe rembarquer avec préci-<br />

Trahîfonde pitatiou. Mais, malheureufement pour k jeune Roi, Se pour fes<br />

J^^^^j!^^?^" Sujets 5 ks uns, ni les autres n'ouvrirent pas affez tôt les yeux,<br />

pour s'appercevoir, que la Reine, fa Mère, travailloit de tout fon<br />

pouvoir à lui faire perdre TEtat, ôc la Couronne, pour fe vanger<br />

4es Princes du Sang, ôcde leur^^j adhérens.<br />

Cette Princeffe vin^kative, Se |dén|Eturée, non contente d'avoir<br />

attiré les Génois, en Chypre ^ Se preffé leur expéditicwa,<br />

affedant de ne fe poiiit^trouvei* eh fureté au Vilkge de Potamia,<br />

lors qu'ils fe préfentèrent devant Baffo, fe retira à Famagoufte,<br />

où le Gouverneur la reçut avec beaucoup de joie, ôc<br />

de refpedt ne pouvant s'iniaginer qu'elle fût allez méchante,<br />

pour caùlèf, daSiS k fîittè, k perte dfi cttte Pbce. Le Baron<br />

JAQUES DE MONTOLIF, qui fhccéda à IBELIN dans ce gouverïilment,<br />

(rempfi^de k même idée, que fon Prédéctll^ur, pertx»t<br />

à k JLeine ie fe retirer ^ans fe Oiâteau^ où k-déférence)<br />

que chacun y avoit pour la Mfere du Roi, lui donnoit toute<br />

l'autclûÉérCfpQRdaînt, bkfi^lcin^îtonfèirvef-c^tè'^<br />

Ut elle qui la remit entre l€s mains du Général F R E'G o s E,<br />

flM^cSra/lors qu'A cofflmençoit àfe rebuter du Siège. Trahifon, qui<br />

^e^CMteau ^^ ^^^ ^^ ^^^ ^^ s^empaTcr de la Vifle, kns risquer davantage<br />

(ieFama- uu feul HoiMôe^ puisquc fe Roî^ quî^y étoit allé- pour la fe-<br />

^° ^^' courir, fe trouva^dans laxlore néceflkéde klui abandonner,<br />

par un accommodement j non moins honteux pour fa Mère,<br />

Ôcpourlui, qu'avantageux auxâ^^wo/V.<br />

L'indigne adiôn de k Reine aknt manifefté fes mauvais fentimens,<br />

& l'intelligence qu'efle avoit avec les Ennemis, le Prince<br />

de Galilée,, qui ^'en défioit, plus qu'^aucun , Ireconnoiffant<br />

aldi*s qu'A n^'y avpit pJus moïen.. de^défendre la VAle, là quitta<br />

promtement,' Ôc'Ye" retira à NJcdfts. ; mais, comme A ne j'y<br />

çi-ut point encore, ,èn.fureté, il amaffa ^quantité 4e provifîons ,'<br />

, ôcalk s'enfermer dans le Château Dieu d'amour. Le Sénéchal,<br />

fon<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


" Dt 'CHYPRE. Lir. "X^ID. CH. L^ ' S71<br />

' fen Ftère, qui ne fut pas plus zélé, ni plus courageux, que<br />

itd, dans cette occafion, J>our conferver k Roi, r^andonna<br />

également; Se, foivant fexempk du Prince de Galilée, ie retira<br />

dans le Château de Ètiffavento. Le Connétable, defon cô- ^<br />

té, gagna celui de Cérines. La terreur panique, qui avoit faifi<br />

ces Princes, les avoit tous privés de k raffon, ôc rendus<br />

comme imbéciles.<br />

Tout le pays fe trouvant alors abandonné à la merci ^^^C^^- /^rtkie 11<br />

nois, ceux qui étoient k Bqffo d'un côté, ôc ceux de Fama-Tout u<br />

goufte de l'autre, k coururent en pleine liberté, k pAloient,fa''^4m-^e,<br />

Se le ravageoient entièrement, fans crainte de trouver aucune^^"®"'oppofîtion<br />

comme auparavant ; de forte qu'fls chargèrçpt leurs<br />

Galères de tout ce qu'ils purent attraper de meflleur. La mauvaife<br />

conduite des Princes avoient tellement découragé les peuples<br />

, qu'au lieu de défendre leurs biens, As s'enfuirent tous<br />

aux montagnes, comme des troupeaux fans condudeurs. Plufîeurs<br />

familles s'enfoncèrent même dans le? forêtsks plus épaifles,<br />

tarit l^éçwDUvante les avoit faifîes. ^^ij<br />

•Cependant k retraite des Princes dans ks meilleures fortereffes<br />

du Rjofittime, privant la Reine de k ktisfaétion d'en tirer<br />

vangeance , coinme elk étoit d'aiUeurs boureUée par k<br />

fbuvenir


874 H I S T O I R E G E'N E'R AL E<br />

conditions. Après diverfes conférences, dans les queUes la Reir<br />

ne avoit toujours préfidé 5 on convint enfin des Articles, fuivans.'<br />

Convention „ t Que k Roi paieroît unmiiflbn de Ducats à la Répu-<br />

§'7wGé-'« blique de Gènes,.pour les franc de l'armement, qu'elle avoit<br />

»"^s- „ été obflgé de faire, ôc que, s'il manquoit d'argent pour y k-<br />

„ tisfaire, les Génois garderoient la Vûle de Famagoufte, jus-<br />

„ qu'à l'entier paiement de cette fomme.<br />

„ 11^ Que toutes les affaires paffées feroient mifes, de part,<br />

„ ôc d'autre , dans un éternel oubli , Ôc le commerce rétabli<br />

„ entre les deux Nations de la manière, qu'A étoit avant la<br />

„ rupture; Ôc qu'en attendant que ces Conventions fuffent ap-<br />

„ prouvées par le Sénéchal, le Prince de Galilée^ ôc les Con-<br />

„ nétabks. Oncles du Roi, toutes les hoftilités cefferoient dc<br />

„ part ôc d'autre.<br />

Article///. Sur !a .foi de ce Traité, le Roi fe laiffa trop facAement perfuader,<br />

ôc alla d'abord au Château, avec la Reine, fa Mère.<br />

Le Général Génois, qui n'étoit pas plusTcrupuleux de violer fes<br />

fermens, ôc fes conventions, en tout, qu'en partie, l'arrêta<br />

prifonnier, ôcfit, fur le champ, affaillir la VAk', afin de profiter<br />

de la confternatîon, que la prifon du Roi, Ôc l'éloignement<br />

•^des Princes cauferbient aux Habitans. En effet, les Chypriots,<br />

découragés par ces fâcheux accidens ; Ôc fe voïant fans Chef,<br />

capable de les conduire, laifferent entrer lesG^«o/j dans la Ville<br />

, fans aucune réfiftance. Cependant, F R E'G o s E , pour n'ê-<br />

< tre pas à-demi-parjure, Ôc fcélérat, eut encore la cruauté de<br />

l'abandonner au pillage de fes Troupes, qui y commirent mil-<br />

Jndtg7iîtés h indignités.' Ils maffacrèrerit indifférémjuent toutes fortes de<br />

'ommifes ^Q^Q^^Q^^ Hg en vinrent aux viols, ôcaux kcrfléges, fansmê-<br />

Génois. j^e épatguer les lieux, ôc les ornemens facrés, qu'fls emporte-'<br />

rent. Auffi? Dieu, hrrité de kurs abominations, ne voulut pas<br />

iîo'j per-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XVIIL CH. L 87?<br />

permettre qu'ils jouiffent du fruit de leur impiété, ôc fit élever<br />

fur la mer un orage fi furieux, que quatre de leurs Galères,<br />

fur les quelfcs ils avoient chargé tout leur butin, fe briferent<br />

fur les côtes Occidentales de l'fle, fans qu'Aen échapât un feul<br />

Homme, pour en porter la nouvelle à Gènes, où efles étoient<br />

deftinées.<br />

Enfin, après trois jours de fac, ôc de défoktion, pendknt les<br />

quels, les Fénitiens mêmes établis à Famagoufle, quoi qu'alors<br />

en paix avec les Génois, ne furent pas exemts de leur fureur,<br />

leurs maifons aïant été facagées. F R E'G o s E fit cefferk désordre,<br />

ôc remit, autant qu'fl lm fut poffible, la tranquilité dans cette<br />

malheureufe Ville; ôc, afin de profiter d'un tems auffi heureux<br />

pour lui, que déplorable pour ks Chypriots, A marcha droit à *<br />

Nicofie, dont la conquête ne lui fut pas moins facAe, puisque<br />

PIERRE GASSIN, qui en étoit Gouverneur, fut affez lâche pour Nicoiïe<br />

l'abandonner, au feul bruit [de l'approche des ennemis, qui n'eu- oînefal *<br />

rent befoin de force, ni d'adreffe, pour s'en rendre maîtres. VoAà Génois,<br />

comme les affaires des Génois changèrent tout d'un coup de face,<br />

par la pure fureur, ôc l'aveuglement d'une Femme inconfidérée,<br />

ôc d'une mauvaife Mère, dans le tems, que , comme à-demivaincus<br />

, As -^étoient fur le point d'abandonner leur entreprife<br />

fur Famagoufte, où ils avoient perdu beaucoup de monde, ôc<br />

jflufieurs Bâtimens. C'eft ainfi qu'As devinrent enfin maîtres,<br />

d'un pays, dont le Prince? avec fes feules forces, avoit, peu<br />

de tems auf^ravànt, fait trembler le Soudan d^Egypte, Se les<br />

autres Princes Infidèles, fes voifins.<br />

Le perfide F R E'G OSE. devint fî fier, ôc fi orgueilleux de<br />

fes profpérités, qu'oubliant que la Reine lui avoit rendu ce fignalé<br />

fervice, même aux dépens de fon honneur. Se enkcrifiant<br />

ks intérêts du Roi, fon Fils, ce fcélérat de Génois per- ^<br />

dit pour efle .toute k confidération, Ôc k déférence qu'A '<br />

avoit eue jusqu'^rs. S'étant encore kiffé gagner par des préiem<br />

confidérables, que lui envoïa k Femme du Baron d'As-<br />

SUR«<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


876 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

SUR, qui avoit apparemment de grands fiijets de mécontente-<br />

.ment de fon Mari, Se qui fouhaitoit k mort, povr pouvoir fe<br />

vanter d'avoir vangé celk du Roi PIERRE, A fit publiquement<br />

exécuter ce Seigneur, auifi bien que les Barons JAQUES GA-<br />

BRIELLI. Se CARION DE GIBLET, complices de l'affalfiq^v.du<br />

Roi PIERRE ; ôc, enfin, s'A parut fort empreffé de flyr^r à cette<br />

Princeffe le Prinœ de Galilée, ce ne fut que pour avoir lui<br />

même k fatisfïtdion; de faire périr ie principal auteur de faffront,*<br />

qu'a voit reçu le Conful G^/zo/j, ôc fes compatriotes, qui<br />

avoient çté jettes par les fenêtres du Pàkis.<br />

Articic/r. Cependant ,1 comme A ne lui étoit pas façAe d^epgager ce<br />

Prince à quitter le Château Bieu d'amour, non plus que de fai-<br />

Feinte ^ rc fortir k Sénéclml, ôc le Connétaèk. de ceux de BuJ[avento,<br />

fouT^Û ^ ^^ Cérines', qu'ils avoient occupés , ôc dont FR.E'GOSE<br />

sof^^^-fouhaitok de s'ea^arer, il a'ïivifa d'emploier k rufe, au heu<br />

I3CMS. de k foree. Il penk à fe racommodcr aveq fe Roi,<br />

ôcà- renoHvelfer avec lui le Traité de F^h, qu'il avoit violé. Il<br />

y réuffitî effédivement, Se obligea ce Prince à: écriirç dç fa pro- .<br />

pre main à fesOncfes, " que k Paix, quA venoit d'établir<br />

„ avec les Génois, itoit fî^ncère,. ôc de bonne foi; Qu'ils ne<br />

„ dévoient faire aucime àflfcufeè de remettre les Pièces, qu'As<br />

„ oecHpéknt, aux perfouMoes qu'il leur envoïoit, non plus que<br />

5, db venir eux mêmes promtement à Famagoufte pour en rati-<br />

„ fier-feTraité, feul mofcn de lui kire recouvrer k liberté, Ôc<br />

„ délivrer fon pays des maflieurs , dont A étoit accablé.<br />

LOREDAN affure, que, fur la réfiftance du Roi à écrire les<br />

Lettres, que FRE'GOSE lui diétoit, ce fc^at fut allez infolent<br />

pour fraper ce Prince fiir la joue , en le traitant d'Enfant plus<br />

propre à être ' fi>us la férule d'^un Récepteur, qu'k gouverner<br />

un Etat; Ôc que fe reffentiment, que le Roi conçut de cet affront,<br />

fbt fi vif, ôc fî violent, que fe voïant dans fimj^flSwi?<br />

ce de s'en vanger, A réfokt de fe laiffer mourir de faim*<br />

^^ Soit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


. DE; CHYPRE. Lit. XVIIL CH.I: J 87/<br />

Soit que k réfolution alkrmât la Reine, ou qu'efle n'eût superebtplus<br />

lieu de douter, que FRE'GOSE, au heu de fatisfaire fa *i"^'^*<br />

paffion, ôc de vanger leurs injures communes, ne fongeroit<br />

qu'à envahir le refte de l'ile, où fl àgiffoit déjà en maître, efle<br />

réfolut de tout risquer pour fe vanger du Prince de Galilée,<br />

après la perte du quel elle fe flattoit encore de pouvoir trouver<br />

le moïen dechaffer les Génois des Places, qu'fls occupoient ; C'eft<br />

pourquoi, elle agit, fî efficacement auprès du Roi, fon Fils,<br />

lors que fa colère, ôc fa douleur, furent un peu appaifées, qu'elle<br />

le fît confentir à figner le nouveau Traité de paix, qu'efle<br />

avoit étabfl avec le FRE'GOSE; ÔC, après plufieurs reproches<br />

affez piquans, qu'elle fit à ce Général fur fon manque de refpeâ:<br />

"pour le Roi, ôc fur fon manque de foi à violer le premier Accord,<br />

elle fe tranfporta à Nicofie avec le Roi, fon Fils, perfuadée<br />

que les Princes s'y rendroient avec moins de difficulté,<br />

qu'à Famagoufte, pour le figner; ôc qu'efle auroit lieu d'exécuter<br />

fon mauvais deffein.<br />

En effet, le Sénéchal, par fa bonté naturefle, Ôc le Prûice<br />

de Galilée, par fon avarice , ôc par fenvie de voir finir<br />

une guerre, qui avoit ruiné fes Fiefs, Se dépouiUé fa Maifon<br />

de ce qui s'y trouvoit déplus précieux en meubles, en vaflfelle<br />

d'argent, ôc en joïaux, qu'fl avoit laiffés dans fon Palais<br />

de Nicofie, avec la Princeffe, fon Epoufe, ôc fes Enfans,<br />

Se que les Génois avoient enlevés, fe rendirent tous • les<br />

deux à Nicofie, dès qu'fls furent affurés, que le Roi s'y trou-*<br />

voit en perfonne. Leur exemple n'y put cependant jamais attirer<br />

k Connétable, qui ne voulut point fe fier au Commandant<br />

Génois, ni quitter k Château de Cérines. Il eut bientôt lieu de<br />

s'applaudir de fa réfolution, ôc de fe fcM-tifier dans cette Place,<br />

avec encore plus de précaution qu'auparavant, par deux accidens<br />

, qui remirent k confliCon, & k désordre, par tout.<br />

i'<br />

Ttt tt CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Article /. LE La /îeîwe<br />

fait ajfaffiner<br />

le Prince<br />

de Galilée.<br />

878 ' H LB T O'J R E G E^N E'R AÎL E<br />

;1 j;. •;n V<br />

" C H A P I T R E IL<br />

premier fut au fujet du Prince de Galilée. Comme U<br />

croïoit effeélivement, que la Reine, dégoûtée par k mau­<br />

vaife foi du Général Génois, Se mortifiée des malheurs qu'il<br />

avoit caufés à l'Etat, ne penfoit plus qu'à le fatisfaire, afin de<br />

féloigner promtement du Roïaume, fl fe rendit, kns aucun<br />

foupçon, au Palais, pour ratifier le Traité, qui avoit été conclu.<br />

Gette Princeffe, qui avoit des vues bien dAférentes-, Se<br />

qui ne refpiroit que le moment de lui faire éprouver fon reffentiment,<br />

avoit fait cacher dans une Chambre attenante à celle<br />

du Confeil, quatre Napolitains , pour exécuter fon deffein;.<br />

de forte que, fans attendre l'arrivée du Sénéçfial, elle lui préfenta<br />

k chemife enfangkntée du feu Roi, fon Epoux; ôcadreffant,<br />

toute en fureur, k parole au Prince de Galilée, elle s'é*<br />

cria, ôc lui dit ;. Traitre déloï'al! voici le fang de ton Fxère,<br />

Ê? de ton Roi, qui demande juftiç^. A* ces paroles y qui é(;oient<br />

le mot, qu'on avoit donné, les "gens apoftés fortirent en fiireur<br />

, fe jettèrent fur lui, Se le percèrent à.l'envi de plufîeurs<br />

coups de poignard, dont A mourut fur k cJiamp,, noïé:<br />

dans fon fang.<br />

Le Sénéchal, qui étoit forti de cliez lui pour fe rendre ég^r<br />

lement au Palais, averti, encliemin, de la tragédie, qui venoit<br />

de s'y paffer, s'en retourna promtement fur fes pas, fortit<br />

de Nicoftè, fans s'arrêter nulle part, ôc regagna le Châteaude<br />

Buff'avento. Il appréhendoit toujours, que, quoi qu'innocent<br />

du meurtre du Roi, fon Frère, fl ne fubît le niême fort,<br />

à caufe du refus qu'fl avoit fait à k Reine, de lui donner la tutefle<br />

du Roi, qu'efle demandoit ; ôc qu'A ne fût facrifié à fon-:<br />

reffen-f-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DÉ CHYPRE. Lftr. XVffl. .CH. n. 87P<br />

•reffentiment, comme le Prince de Galilée, fon Frère,venoit<br />

de l'être.<br />

Le fecond accident fut, que cette Princeffe, toujours aveuglée<br />

de fa propre paffion , fans jamais vouloir écouter aucUf<br />

ne raifon, fatisfaite, enfin, de la vangeance, qu'elle avoit tir<br />

rée du Prince de Galilée, voulut commencer à agir contre les<br />

Génois, fans confidérer, qu'ils étoient les plus forts., ôc qu'efle<br />

n'étoit point en état de les repouffer à force ouverte.<br />

Cependant, pour parvenir à fes fins, elle envoïa DE M E'T R i u s ' '<br />

DANIEL, Noble 6^i&)^/o/, fur k;fidélité du quel elk comptoit ;<br />

entièrement, pour attirer dans fon parti GOROMILLO, ÔC GU- mande'',<br />

MARI, les deux plus fameux ÇX\e^ des bandits du Roïaume. f^^J^^^<br />

Ils avoient fervi fidèlement k Roi, depuis l?amniftie, ôc avoknt nétaUe.<br />

toujours battu les partis Génois, qu'ils avoient pu rencontrer.<br />

Efle leur fit dire, qu'ils aflaffent fe pofter aux détroits dé Montagnes^<br />

qui font entre les Villes de Nicofie , Se de Cérines.<br />

Pendant ce tems, elle demanda à F R E'G OSE une partie de fes ,<br />

Troupes, avec quelques Chefs d'expérience, pour l'accompagner<br />

à Cérines, d'où elle prétendoit de faire- fortir le Connétable,<br />

de gré, ou de force. " ,• -î<br />

Ce Général, qui étoit bien aife d'occuper une Place aufff<br />

confidérable , que le Château de Cérines, tout fourbe, qu'il<br />

étoit, prit le change dans cette occafion , ôc donna à cette<br />

Princeffe une bonne partie de fes meilleures Troupes fous k<br />

commandement de Dico DORIA , Ôc de NICOLAS GUARCO.<br />

Comme elles mârchoient fans ordre, Ôc avec beaucoup de confiance,<br />

efles donnèrent effeétivement dans le piège: Les ban-^<br />

dits les furprirent dans des lieux fi avantageux, que les Génois,<br />

quoique fupérieurs en nombre, furent entièrement défaits ;<br />

api«ès quoi la Reine fe retira en lieu de fureté.<br />

FRE'GOSE n'aprit pas plutôt la défaite de fes Troupes,<br />

qu'irrité de la trahifon de la Reine, fl fit recommencer les hoftilités,<br />

avec plus de fureur, qu'auparavant; deforte qu'fl<br />

Ttt tt À étoit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


880 H I S T O I R E G E'iN E'iR AL E<br />

étoit â craindre, qu'A në'fe rendît enfm maître de toute l'Ik'^<br />

lors qu'A reçut des ordres très-preffans du Sénat de s'accommoder<br />

avec le Roi, à telles conditions qu'A jugeroit à propos, Se<br />

de revenir inceffamment à Gènes, fans laiffer en Chyprey^dL^ùtreSiTroupes,<br />

que celles qui feroient néceffaires poiu: la confervation<br />

de Famagoufte, dont la conquête les dédohimageoit<br />

affez des maux, qu'y avoient fouffert leurs Gitoïens, ÔJT de l'affront<br />

qu'avoit reçu leur Magifbiat.* .<br />

Article//. Cependant, comme, njalgré le monde, qu'fl avoit perdu,<br />

fruautés" fl lui en reftoiti encore affez pour fe foutemr, ôc même poun<br />

^^^"^^^'•^"faire de nouvelles entreprifes, ôc que les Chypriots^, au con-<br />

Frégofe. ' traire, n'avoient'ni force, ni vigueur, il fut fi bien profiter deleur<br />

abbattement ; Se de fa fupériorité, qu'en recherchant k<br />

paix, A leur donna k loi, puisqu'outre la i Ville de Famagouf-^<br />

te, qui lui demeuroit pour nantiffement, de la fomme, qu'As<br />

étoient convenus, que le Roi paieroit à k Republique^ il Its<br />

contraignit encore à lui donner des otages, Se non content de<br />

JAQUES , ôc HUGUES DE LUZIGNAN , Fils du Prince de Gali"'<br />

/^ê. Confins Germains du Roi, dont k premier avoit époufà<br />

la Sœâr, A voulut encore avoir le Sénéchal, Onde du RoL,<br />

La générofité du Sénéchal fut fî grande, que pour faire ceffer<br />

k défoktion du pays, ôc ne pas différer la cônclufipn de k paix,'<br />

A confentit à demeurer en dépôt à Famagoufte; ne penfant ja-/<br />

mais que F R E'G o s E feroit affez perfide pour le conduire jusqu'à<br />

Gènes, comme A, fit;<br />

Car, après avoir retiré la garmfon, qu'A avoit mife à BaffOyi<br />

Se quelques autres petits Détachemens, qu'il tenoit en d'autres<br />

fleUx de l'Ile, Se muiù. Famc^oiifte, de tout ce qu'A crut nécefkire<br />

, pour k confervation , A voulut encore s'en retourner<br />

triomphant de fon expédition; Se il contraignit .fes, otages à<br />

a'emîiarquer, malgré k foi qu'A avoit j-urée au Rot, ôc auxBa-'<br />

rons Chypriots y de ks laiffer '^Famagoufte. Le Sénéchal,, dou-^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liy. XVm. CH.IL 88f<br />

bfeiriènt offenfé de cette violence , parce que YOLAÎ^DE DE<br />

BERSINIE, fon Epoufe, qui, toute enceinte qu'elle étoit, n'avoit<br />

point voulu le quitter, fe trouvoit expofée aux incommodités,<br />

ôc aux-fatigues d'un auffi long voïage, fit, en arrivant<br />

k Rhodes, de fortes inftances au Grand-Maître ROBERT DE<br />

JuiLLAC, ôcle pria de fe fervir de fon autorité, pour obliger<br />

ce Commandant à k renvoïer à Famagou/te, avec ks Princes<br />

fes Neveux, lui rcpréfentant qu'A ne pouvoit les emmener-plus<br />

loin, fans contrevenir aux Articles du Traité,<br />

Cependant toutes fes plaintes, ôc fes remontrances lurent<br />

inutiles auprès du Grand-Maître, qui préféra l'amitié des Gé' ^ i<br />

nois aux obligations, que lui, .ôck Religion, avoient à k Maifon<br />

de Chypre. D'un autre côté, ce Grand-Maître trouvoit<br />

alors l'Ordre fî embarraffé^^de fes propres affaires, qu'A n'ofa;<br />

rifquer de lui en attirer de nouvelles. Cet Ordre fe trouvoit<br />

encore furchargé du gouvernement, ôc de la confervation de<br />

Smirne, que le Pape favoit obligé d'accepter, lorsqu'il étoit<br />

encore à Avignon, où A avoit reçu des Lettres de RAIMOND,<br />

Evêque de cette Ville, du Doge de Fénife, ôc de la République<br />

de Gènes, qui lui marquoient, qu'OTTOBON CATANE'O,<br />

qui avoit fuccédé à RACHANELLI , étoit fî peu attentif à ce gouFvernement,<br />

qu'A n'y réfîdoit presque jamais, Se qu'A négligeoit<br />

entièrement de payer k garnifon ; ce qui y caUfoit tous<br />

ks jours de grands désordres, ôc donnoit lieu d'appréhender , que<br />

k Place ne retombât bientôt au pouvoir des Infidèkr^<br />

• Le Pape craiernoit auffi de revoir les Turcs maîtres^de Smir- Anïdenr.<br />

ne; mais, malgré la profpérité de leurs armes en-Ewro^, Iz-aet'Ziesdésunion<br />

dts frinces Chrétiens le troubloit encore davantage..'^J^^"'^.^<br />

Ceft ce qui k porta à 'convoquer une grande Affemblée dan? «rôrienu<br />

Fancienne Ville de Thèbes, en Grèce. Tous ksPrinceff Cbré^<br />

tiens di Orient s'y trouvèrent^ afin de prendre enfembk de fufies<br />

mefures pour arrêter k rapidité des conquêtes des Infidèles, qui y<br />

Ttt tt s aprè«<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


8S2 H ï ST O I R E G E' N E' R A L E<br />

après avoir fubjugué la plus grande partie de la Grèce, avoient<br />

pénétré jusques dans le Duché d'Athènes.<br />

Cependant, quoi qu.e l'Empereut JEAN P A L E'O L O G U E<br />

s'y trouvât en perfonne, avec Louis, Roi d'Hongrie ; PIER­<br />

RIN, Roi de Chypre ; ANDRÉ' GONTARIN, DogQ de Fénife;<br />

fruBueufi] fes Deputés du Couvent de Rhodes ; FitANÇois- GATHALUSE,<br />

parii^di-'' Seigneur de Mételin; RAIMOND ACCIAÏOLI, Seigneur de Colipinions!^<br />

rintc ; IL E'O N A R b T o c c o, Seigneur de Leucate ; FRANÇOIS<br />

GEORGE, Seigneur de Bondanizza; ERMOLAUS MINOLE, Duc<br />

de ïlnféria; le Vicaire du, Duché d'^/)[?^«^5, les Archevê-<br />

J37


z 5>É CHYPRE; Lm XVIIL CaH; T ' SSî<br />

',5 que, malgré k risque, qu'fl pourroit courir à la Cour, il<br />

„ ne manqueroit pas de s'y rendre inceffamment, puisque Sa'<br />

„ Majefté cro'ioit, qu'il pourroit contribuer au rétabflffement<br />

„ des affaires,ôc au foukgement des Peuples;,,' Il fe rendit enfin<br />

à Nicofie, Se, à fon exemple, toute la ^Nobkffe , qui fe<br />

trouvoit difperfée en différents endroits de Pile. On y tînt divers<br />

Confeils touchant les befoins de TEtat ; Se, comme la<br />

dernière perfidie du Général FRE'GOSE, qui avoit emmené<br />

à Gènes le Sénéchal, Ôc les autres Princes, touchoit fenfibkment<br />

le Roi, ôc les Seigneurs du Confeil, A fut réfolu de<br />

travailler, fans relâche, à amaffer la fomme, qu'on étoit<br />

convenu de payer aux Génois, tant pour leur rançon, que<br />

pour le recouvrement de la Ville de Famagoufte, afin de<br />

retirer promtement fun, ôc l'autre de leurs cruelles mains,<br />

ou, du moins, fe fervir de cet argent, pour faire la guerre k<br />

ces perfides Ennemis.<br />

Le grand Confeil, perfoadé en même tems, que k commerce<br />

étoit k meifleur moïen de réparer les pertes du Peuple, Ôc<br />

remplir les coffres du Roi, qui étoient entièrement épuifés<br />

engagea ce Prince à établir le commerce, qui ne pouvoit plus fe faire<br />

kFàjnagoufte, aux Salines, dont la rade eft la plus vafte,<br />

k plus fure, ôc k plus commode du Roïaume; Se, afin de<br />

k faire plus promtement fleurir, il accorda aux Négocians,"<br />

qui s'y établiroient, ks mêmes fw-iviléges, ôc immunités,<br />

dont ils jouïffoient à Famagoufte. On travaifla auffi à k<br />

conftrùdîon de quelques Galères, pour remplacer celles qui<br />

avoient été brûlées par les Génois ; De plus, on ordonna,<br />

qu'on exerceroit la jêuneffe du pays , tant Nobles, que Roturiers,<br />

au manîment des armes; ôc qu'on en formeroit des<br />

Çîompagnies, pour fervir dans les occafions, afin de n'êtreplus<br />

furpris;. . ' " . '<br />

CflAV<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


3B84. H I S T O I R E G E' N E'R A L E<br />

-,J: C H A P I T R E IIL<br />

Article/. ^T^ OUS CCS règkmcns étant faits, le jeune Roi, à qui l'Em-<br />

JL pereur JEAN PALE'OLOGUE avoit envoïé, quelques années<br />

auparavant , des Ambaffadeurs , pour lui offrir une Jes<br />

Princeffes fes Filles, en mariage, voulant faire connoître à ce<br />

Pkîitt Monarque, qu'il n'avoit refufé fon Alliance , qu'en confidéenmie<br />

cher-x2itvon du rcfpcdt, qu'A avoit pour la mémoire du feu Roi, fon<br />

LT/aPn/l-Père, qui l'avoit engagé à époufer la FAle du Duc de Milan,<br />

jf^'^^^JJ^^'envoïa à Fénije deux de fes Galères, avec quatre autres Catadu<br />

Duc. lanes, qu'A prit à fa folde, pour recevoir cette Princelïe,'que<br />

k Duc, fon Père, y avoit conduite lui-même. Elk s'embarqua<br />

fur un Vaiffeau de cette Efcadre, qui fut encore augmeiitée dé<br />

fix autres Galères, que le Sénat eut k générofité d'y ajouter;<br />

fous k conduite de PIERRE GRADENIGO, foit que ce fût à k<br />

-^ prière du Duc de Milan, leur voifin, ou pour faire honneur au<br />

Roi de Chypre, leur Ami, ôc Confédéré.<br />

Sbnlw^rîfl.' ^ P^"^*^ cette Princeffe fut-eUe arrivée en Chypre, fon mage^<br />

riage confommé, Ôcles réjouïffances terminées, que leRoi, qui<br />

n'avoit pu apprendre fans douleur, Se fans dépit, la manière dure,<br />

ôc incivile, avec laquelle on traitoit à Gènes fon Oncle, Se fes<br />

Gqufins, fongea à y remédier. Sans aucune confidération pour<br />

leur naiffance, ni pour k Femme du Sénéchal, qui fe trouvoit<br />

enceinte, 6nle5 âvoit enfermés, comme des criminels.<br />

U ne fuportoit pas, avec moins d'impatience Se de chagrin,<br />

les courfes,ôc ks dégâts,que faifoit fouvent la garnifon de Famagoufte<br />

fur les terres de fes Sujets. Pour fe défi vrer de ces inquiétudes<br />

, il réfolut de profiter des Galères Catalanes, qui étoient<br />

à fa folde, de quelques Troupes, que le Duc de Milan lui<br />

avoit envoïées, ôc d'autres, que THEBAT VOLFANGE avoit k-<br />

'^ . vées,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


pÉ CHYPRE. LIT. yVIIL CH. m. } 88J<br />

: vées, par fim ordre, à^ Fénife, dans k deffein d'afliéger k<br />

Y)!^e de Famagoufte,;, par mer, ôc par terre. _<br />

Afia de mieux réoffir d^ns cette entreprife, il ajouta à cet Article jz<br />

. armement; plufieurs Bâtimens partiçufiers, fit cQiiflriiire divqrfes<br />

inachines propres à battre la Pkjçe, [affembla, tout ce qu^jl<br />

avoit .de Troupes, Se forma un camp d'çnykpn fix mifle Hommes,<br />

dont il donna le commandement au memç VOLFANGE,<br />

pour l'attaquer du côté de terre, pendant que la Flotte l'inyef^<br />

tiroit dd côté de la mer: Mais, comme toutes ks précautions<br />

humaine^ font inutfles contre les décrets du Giej, ççtte Flotte<br />

ii bien pourvue, ôc.dpnt les Officiers, ôc les Soldais,,paroiffoient<br />

fi difpofes à bien faire feur devoir, fut d'abord furprife,<br />

par une tempête fi terrible, que,.bien-loin çj'attaquer le port de<br />

Famagoufte , ^ efle^ courut^ gnu^d Tisqu^ de périr. fur. les, côte^<br />

Tout ce qu'elle, put faille, pour ^j$§r d'çtrçi fubmergée^, fut<br />

de regagner p^lw de,jÇî^r/»^,;d'où'elfejétw^^^<br />

que'fon armom^iit, ne fervit, qu'-g ayçrtir fes^ ÇSnois du deffein -y<br />

dx^JRoi, ^ à:fes rendre-attentifs, .ôc, vigAans à être mieux fur<br />

leurs ^gardes, .;- r.-^n' > "- i i : 'cr<br />

2, Auffi,, \ ce çontreteius fut-il, ç?iufe, que Jçs atijaques du Çonft.


8B6 H I S T O I R E G E' N E'R AL E<br />

noit, tous les progrès, qu'il auroit pu faire; Cette Princeffe,<br />

quoique fatisfaite de k mort du Prince de Galilée ^ fon<br />

Beau-Frère , ne fongeoit plus qu'à fe divertir avec fon cher<br />

Comte de ROCHAS, pourkquelk tendreffe, ni kpaffîonv.n'ê'<br />

toit pobt'diminuée. Il eft vrai, que le foupçon, que VOLFANI-<br />

GÉ infpira au Roi, fit tant d'impreffion fur fon eÇ)rit, que><br />

^^f/^*^ pour s'en éclah-dr, ce Prince fit arrêter, ôc fi fort tourmenter<br />

les tour- les pruicîpaux Officiers dé la Reine, fa Mère, que quelque»^<br />

ÎL?/w«wiisnioururent dans les tourmens-<br />

^^^^^ à^ 'Un traitement fi violent, ôc fi peu reÇ)e6fueux,rcveflra ton-<br />

Mère^ '*tes les fureurs paffées de la Reme; de manière que, û elle<br />

avoit pu traiter avec les Génois, elle ne leur auroit pas été<br />

moins .favorable, qu'auparavant ; mais elk étoit obfervée de<br />

^^j'j^" trop près, pour rentréprendre. EUe diffimuk fon r^entiment,<br />

mule fa co- Cli attendant quelque occafîon favorable de faire éprouver k<br />

^^^''- VOLFANGE , qu'on ne Poffenfoit pas impunément.<br />

Article///. ^ Dès qu'oif éut répaté fe dominagc, que k Flotte avoit fouf-^<br />

^Mfw- fèj't par la tempête, ôc qu'efle fe fut remife en mer, efle eut<br />

ceieportdexiOTi feufemcnt le bonhcur de forcer le port de Famagoufte, milte,<br />

*^ gré foppofition de trois gros Navires, que les Génois avoient<br />

'378. placé à fon embouchure, mais encore de fes brifler, ôcde ferrer<br />

k Viflé de ce côté-là, pendant que feRoi, qiû s'étoit rendnà<br />

rArmée ,k preffoit du côté de terre; de forte que,quel^<br />

que défenfe que fiffent les affiégés contre les affiégeans, qui<br />

emploïoient toutes leurs forces, IQSFamagouftains auroient été<br />

obligés de fe t fendte, faute de vivres, d'autant plus que deux<br />

Galères, qui' leur venoient, chargées de provifîons, furent<br />

prifès par celfes du Roi, qui croifoient for les côtes:<br />

-^ Mais Pavidité desPaykns, Se des Soldats mêmes, qui trouvoient<br />

le moïen de leur fournir des provifîons, fans que les OCficiers<br />

fuflent afféz dair^oïans pour s'en appcrcevoir, fut caufe<br />

q^'âs^ continuèrent k fe défendre avec la même vigueur.<br />

- b :. " - ''\ ' Pen^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LiT.XVÏÏI. CE. in. 8S?<br />

Tendant que le Roi faifoit preffer le fiége, avec fi peu de<br />

fuceès, VOLFANGE, toujours plus audacieux, fe fervit du prétexte<br />

de la haine, que k Reine Mère avoit contre lui, pour<br />

demander à ce Prince fe Château de Chirochitie, avec permif^<br />

lion d'en augmenter les fortifications, " afin, " d8bit-fl, " que,<br />

^ fi fon fkicère attachement pour k gloire de Sa Majefté fe<br />

), rendoit un jour affez maflieureux, pour être obligé de cbercher<br />

„ un afile aiUeurs, qu'auprès de k Perfonne, fl pût s'y retirer. Se<br />

' „ y attendre de nouvelles occafions de s'emploïer pour fon fervice.<br />

' Il trouva le Roi auffi froid, Ôc retenu', qu'fl avoit été auparavant<br />

facife k lui accorder toutes fès demandes. En effet,<br />

la confidération, qu'fl avoit pour cet Ofiîcier, ne lui avoit jamais<br />

permis de lui rien refufer, tant qu'il ne s'étoit agi, que<br />

de fenrichir en biens, ôc en dignités ; Mais k demande lui paroiffant<br />

trop indffcrette, fl lui répondit, pour ne le pas rebuter<br />

entièrement, "que, comme fl ne pouvoit pas difpofer des;,<br />

„ Forts du Roïaume, fans la participation delà Cour fupérieure^<br />

„ fl k confulteroit k-deffus. Cependant le befoin qu'A croïoit fufe Zw<br />

avoir de cet Officier, fîms lequel fl défefpéroit de pouvoir ve- ^^^<br />

nir k bout de fon entreprife fur Famagoufte y fit qu'fl ne s'arrêta<br />

pas longtems dans la réfolution, qu'fl avoit prife, de ne lui<br />

jto donner aucun Fief<br />

Il confulta, fur ce fujet, fon Aumônier, Homme d'une<br />

grande intégrité, confommé dans les affaires de k Cour, ôe<br />

très-inftxuit des intér^s de la Couronne. Ce bon Religieux lui<br />

fit comprendre, qu'fl étoit fort dangereux de rendre un Sujet<br />

«aaître d'une Fortereffe, qui pourroit le mettre en état de<br />

ne lui point obéir un jour: néanmoins, ce Prince, qui vouloit<br />

ménager fon favori, eut la complaiknce de lui donner le Bour£<br />

&Acbellia, dans le Canton de SoRe, qui valoit fix mflle Ecus<br />

de rente, fans pourtant que fa bonté, ni k flbéraflté pût ktisfaire<br />

cet ambitieux, qui, bien^loin d'en être reconnoflfant,<br />

Vvv vv 2 fut<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


8Sâ' H LS T^O I R E^'G E' N E' R AL E<br />

jtffttfTmat fîit affez fbélérat,''& affez irifkme, pour s'en aller v deproposïtéyTifanleTlibété,<br />

yNicop, où le Roi étoit retourné, ôc ^y aff^meè<br />

rAumônier de Prince , parce qu'fl avoit apris que fon confeil<br />

favoit détourné, de lui accorder fa demande. Il commit cet<br />

homicide hors-de k Ville ^ pendant que ce Reiglietix fe prorafenoit<br />

avec le Vicomte de Nieofiëi AL É'S o P u L O, compagnon dq<br />

Vôtï^AN^Éi' s'âvihçà, en même tetiis, fur fe Vicomte, ôc fe<br />

pé^' -d'un coup d'épée, parce à^ih vOuloit défendre fAorno:<br />

nier du Roi. ^•-'\ ' - - , ..>. / ^,'<br />

*' Lé'meurtre"de deux Perfonnes kuffi diftinguées, fun par<br />

fongra^wi âge, fon emploi, ôc fon caraélèfe facré',* ôc'l'autre<br />

pîar ^a naiffance ,< Ôc par uhe^ dès plus' éminètites diarge^^e ^E4<br />

tat., puisqu'il repréfentoit-'laperfbnnedu Roi, toucha'fi fenfiblement<br />

ce Prince, qu'il ordonna fur le -champ, qu'on arrêtât ces<br />

deux Affaffins. Ceci lie^kur fit rabattre rkn deikurinifofence;<br />

VÔLFAWGE , fé ' flattaik 'de k tendreffe du Roi, Se AL t^^o P i; L o<br />

».v,sv v' «^èk-fèvèur de k Reine Mère,qui léèhériffdttendrëmenti^âpèF<br />

^ ' rênt, blefsèrent les premiers, qui fe préfentèrent pour les kifir i Mais<br />

'' , ils furent, -enfin, forcés dans la maifon de VOLFANGE, où ils<br />

g'étbicïnt'barricadés ;^'Ôc on ies* condamna, d^ k toême jour^<br />

IS?a ^ àvéîr-k têite traiichée^darts k Pfecë'du Pakis, -St kursicfemefi<br />

•voiriatête tiqucs à êtrepcndus dans le même endroit', oè As avoient commis<br />

le crime ; • ce qui fut exécuté- peu de 'joutls après, Far 'kur<br />

Vdît/ff feMblèmeht^ibtft^g^ ;"I4 eft vrii, que kktisfaâiôn.<br />


DE, CHYPRE. Lir. XVIIL CH. IVs 89p<br />

C H A P I T R E IV.<br />

Cependant j le Roiciaignoit, qtte l'exécution de VOLPAN-Article/.<br />

GE ne fit mutiner les Troupes, dont A étoit fort aimé; p,ffea^<br />

ôc,comme-A fouhaitoit, que leSi^e de/îV?w/7^


8^0 H î S T O IRE G E' N E' R A L E<br />

/qui le leur payoient fort graffement. Ceft ainfi que , fauté<br />

^«n Officier d'expérience, le recouvrement de cette Place, que<br />

fe Roi avoit tant à cœur, ôcque le peu de provifions des Affiégés<br />

lui auroit r^idu façAe^ puis^'fls avoipnt perdu leurs Va^<br />

féaux, ôc leurs Galères, Se qu'As ne recevoient de Gènes aucu*<br />

,'! . ne affiliante, lui coûta, au contraire, la perte des groffes fom- '<br />

Grandes%-^^^i qu'fl avoit cédécs au Duc de Milan y fon Beau-Père, ôc<br />

^f"'^^. de cefles (^û avoit fait toucher aux Seignors de Final, pour<br />

lei, ' fes engager^ faire la guerre aux Génois, ôc, déplus, toutes<br />

\Q& grandes dépenfe? qu'A avoit faites pour cette entreprife.<br />

Ainfi, ; A fut obligé de l'abandonner ^près dix-huit mpi^ de fiége,><br />

ôcde demeurer fur Ja défenjive. n^<br />

Article//. J^es embarras, que lui avoit avoit donné cette malheureufe<br />

expédition, jouits à k grande jêuneffe, ne lui avoient pas per^mis<br />

jusqu'alors de fa.ire beaucoup d'attention à k conduite irrér<br />

gulière, ôc fea^afeufe, de k Reine, fa Mpre ; mais fl commen-<br />

Z?i«M/«jf^a, enfin, ^-ouvrir fes yeux,ôc en devint auffi inftruit, que l'éempiAfonner<br />

toient toùs fes Sujets. La Reluc VALENTINE, fon Epoufe, qui<br />

RoS, * avoit reçu quelque mécont;entement de fa Befle-Mère,. confir;iTempoifonner, de?.<br />

j^ère. ' *,je lendemain, le Comte de ROCHAS, :à fa table. Le Roi dit,<br />

^^^^' en même tems, à la Reinte Mère, " que, fi elle ne changeoit<br />

^ de /conduit^, elle n'avoit qu'à s'éloigner de k Cour, où jl<br />

^ ne permettroit plus qu'elle fcandalfl^t fes bons, iSç fervit<br />

i>,£. 99 d'exemple aux méchims.,<br />

^j Le fermetéV ;3iveç kquefle fl Jui dédara fes fentimens, ôc k<br />

.manière violentas, avec kquefle fl venoit de fe défaire du Comr<br />

;e de ROCHAS, frapèrent d'autant pjlus cette Princeffe, qu'eflp<br />

aimoit depuis p longtems ce favori, ôc qu'elle n'aurok jamai»<br />

.4:ru fon Ffls capable d'i^ne pareflle réfplution. Auffi, nefecroïanit<br />

plus en fureté auprès de Itii, elle fe retira^ dès ce moment, k,<br />

CirinfSp fa^s .i^ême Iç rpypir. Eflç difpo^^e fes çffets, r^ow-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D^E CHYPRE. Liv.XVIIL (CH.IV. Spi<br />

Jïiandaaux foms dèTHoMics CÀRTOFILACA, qui avoit fuccédé<br />

àALE'sopULO dans fes faveurs, fes revenus qu'dle avoit dans<br />

te Roïaume ; ôc, perfuadée qu'efle n'y pourroit plus vivre avec<br />

fes mêmes agréiiiéils,ôc la même liberté,qu'auparavant, elle G^é^ La Reine<br />

ta un Vaiffeau j fur fequel efle s'embarqua pour fe retirer auprès J^fj/^**'<br />

du Roi, fon Père; ne laiffant en Chypre autre mémoire de k Chypre,<br />

Ferfonne, que le déteftable fouvenir de fes impudicités, ôc de<br />

fes trahifons, qui avoient caufé, dans k fleur de fon âge, k<br />

perte du plus grand Prince, qui eût jamais gouverné cet Etat,<br />

Ôc ceUe de la meifleure Place du Roïaume.<br />

La ktisfadbion, que les Peuples reffentirent de rélôignement Articicj/A<br />

d'une Perfoiine, qui feur avoit caufé tant de maux, auroit été<br />

Complette, fi lé- chagrin de voir leur Souverain fans fuccef^<br />

feur, ôc fans e^érance d'en avoir, ne l'eût dimûiuée. Ce Prin*ce,<br />

quoi que fort jeune , étoit devenu fî extraordinairement<br />

gras, ôc replet, que fa knté en étoit extrêmement altérée. Le<br />

Connétable fon Oncle étoit mort, kns avoir kiffé d'Eiïfàns de<br />

MARIE DE BOURBON , fon Epoufè. Le Sénéchal, ôc les autres<br />

Princes du Sang, fe trouvoient au pouvoir des G^rj, qu'ils con- ^<br />

fîdéroient, comme leurs plus cruels Ennemis, ainfî qu'fls l'é-^<br />

toient en effet, puisque, malgré les bons offices de G R E'G o li<br />

RE XL ôc les mouvemens que ce Pontife s'étoit donnés, tant k<br />

Avignon, qu'après fon" retour à Rome, il n'avoit jamais pu détourner<br />

k fureur des Génois, à fégard du Roïaume de Chypre^<br />

ni les empêcher de maltraiter les Prinçes-y qu'As détenoient il<br />

injuftement.<br />

^ Ce fut ce Fape, qui transféra* à Rome le St. Siège, qui avoit •<br />

été foixante-onze ans en France^ On prétend, que la-réponfe,<br />

qu'Un Evêque fit au Pape, fut k caufe de ce changement.<br />

G R E'G OIRE lui aïant un jour reptoché k trop longue abfence<br />

de fonDiocèfë,ce Prélat lui parla hardiment en ces termes; Et<br />

Fous, S AINT PÈRE! pourri n'allez Fous pas réjideP Jâns<br />

' le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


8p2 H I S T O I R .E G E'. N.E; R A L E<br />

le vôtre, afin d'empêcher les malheurs, que votre abfence caur<br />

fe , non feulement à la Fille de Rome, mais encore à toute<br />

/'Italie. On en attribue auffi la caufe aux prefkntes Lettres,<br />

que lui ^ivit à ce fujet S T E. Ç A T H E'ÏI I N E p E S i E N N B<br />

:' ôc aux fortes follicitations de BALDE , &meu?i jurisconful^, qui<br />

« . -avoit été Précepteur de ce Pontife.. ,a : ; \<br />

Mauvais Lcs foius, ôc fes cxhortatious d'URBAiN VI. fon Succeffeur,<br />

rf«Génois ne firent pas plus d'impreffion fur fe Sénat de Gènes, k fégard<br />

"oTa^ls^" des Princes prifpnniers. Qn les traita toujQurs, avec tant de<br />

Chypriots. rigueur, ôc de févérité, que fe Prince HUGUES, dpnt; 1J^^ com-<br />

.*:\.î; cplexion n'étoit apparemment pas fî; bonne, que celle 42 fon<br />

Frère, en mourut. Le Sénéchal y feroit auffi mort de faim,<br />

fans k fecours de quelques petits ouvrages, que k Fec^e fai-<br />

> f(ril: de fes propres mains, .• , .<br />

J URBAIN fe :trouva, peu de tems après fon exaltatiçn^, dans<br />

de fî grands embarras, qu'fl }yi rfuç impoffibk ^e continuer'fes<br />

foUicitations en faveur des Prinçea Chypriots. Il avoit ' cherctié<br />

à fe maintenir lui ©ême .contre ROBERT i Cardi^;^! de Genèvf,<br />

éju en fa pjape % Vpat imit Gardinaujç de fon propre parti, peu<br />

fàtis&itsrdèix5im*mè^nçftment'defon»Règu^ R^BEI^T^ s'étpit retiré<br />

à Fondi i fous k ï^otiaéUon de JEAJIIÎÎI^, Rçine de Ma^^<br />

Cette Princeffe étoit' mécontente d'U»pA:|N5 parce|qu'il;avoit<br />

refufé le Titre de Roi de.Naples à OTHON, DUC de Braniche,<br />

fon Mari ; de forte qu'efle.foutint cette éfeâion, ôç oblige^<br />

tous i fes î Sujets? ,'r^ recpnnoîti^l ce Cardinal ^ fou& k Nom 49<br />

GLE'MENT VIL ' .j,: /.il-r:,^<br />

AitideiF. V u feretira à2


' DE /CHYPRÇ. J LIT. XVIIL CH. IV. Spj<br />

J'un, ni l'autre, n'ayoitil'autorité, qui couvenoit au véritable '3«i.'<br />

Vicaire de yefus-fif^ift, ^<br />

Efe plus J CHARLES DE DURAS faifoit la guerre dans le Roïau- Jeanne,<br />

me de Naples, dont URBAIN lui avoit donnéJ'inveftiture, après Japîef/<br />

en avoir privé la Reine JEANNE , en punition de ce qu'elle avoit étr&giéè<br />

favorifé les Ennemis du St. Siège, ôccaule le Schisme dans rEgli-^«r^SrJ*i<br />

£e^de Dieu. Cette partialité caufa de grands maux dans cet Etat, nouveau ^y'<br />

Se même la mort funefte de cette Princeffe, que le nouveau Roi<br />

^ étrangkr çn prifon. ^ . ^- ^{j-<br />

C H À P I T RE V.<br />

• J. . , i. . . • . , . •<br />

, N<br />

D<br />

) . -•<br />

ans ce même temsi J E.A N F E R N A N p E S D' H E'R E'D I À. Article/.<br />

Grand-Maître de Rhodes, qui avoit eu le mâlhqur detom- Maître dé<br />

ber'au'pouvoir .des Tttm, en attaquant la Ville de Patras, ^^°'^"^<br />

dé concert avec les Fénitiens, n'étant pas fecondé par fon Or- Turcs,<br />

dre, ne fortit d'efckvage, que trois ans après. CesChevaflers,<br />

gui n'avoient encore voulu reconnoître aucun des deux Papes,<br />

n'en craignoientjpar confequent,point l'autorité,ôc jouïffoient<br />

trànquilement des 'revenus, qu'fls dévoient payer au tréfor public.<br />

Enfin, la Ville de Smirne, qui appartenoit proprement<br />

au St. Siège, Se de la confervation de laquelle les Pontifes avoient<br />

été fi jaloux, demeuroit fi dépourvue, qui ceux qui en<br />

avôi^pt la direcfb^n defefpéroieUteijitièrément de'pouvoir.s'y v<br />

maififenir," ni l'empêcher * dé ref ombbr au pouvoir des Turcs.' .,<br />

GEORGE, Archevêque de cette Ville, ôc NICOLAS DE MAN­<br />

TOUE , qui en étoit Connétable, pour éviter ce malheur, étoknt<br />

klléskRhodes, demander diî fecours au Grand-Maître,qui y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

r*:


S94. H I S T O I R E G E'NE'R A LE<br />

inishors d'état de kur en donner, il feur confeilla d'aUer It<br />

Avignon, notifier à CL E'M ENT, que kii ôc k Religion l'ajvoient<br />

enfin reconnu pour véritaUe Pontife j ôc de lui repré-<br />

Sœirne fentct l'extrémité, où fe trotivdtcette Race, ôcknéceffité d'y<br />

*^ ' pourvoir promtement, fans quoi elk retoumeroit bientôt aii<br />

pouvoir des Infidèles^<br />

Cette démarche, quoique judideufe, bien lom d'être utile<br />

aux affaires de Smirne, ne fit qu'aiçmenter k desordre de cefle»<br />

de Rhodes. Tant le fchisme étoit pernicieux aux affaires de k RepubUque<br />

Chrétienne. URBAIN fut teflement piqué de ce que làKehgionyérqfiilfmitaine<br />

ZYOït reconnu fon concurrent, que, kns<br />

confidérer le pérfl, auquel flexpofoit leur Ile,ôcles airtresqu'As<br />

poffédoient, fl priva k Grand-Maître du Magiftère, ôc fit afï38«'<br />

fembler à Falmonton, Meu de fa réfidence>à quelque diftance de Rome,<br />

tous les Chevaliers de cet Ordre, qui fe trouvoient dans Y Etat<br />

Eccléfiaftique, en prefence desquels fl élut pour Grand-Maitre<br />

RICHARD CARACCIOLI , Prieur de Capoue, que le Couvent ne vou-<br />

•Sre/M ^^^ pourtant jamais reconno&re. Il fut néanmoins reconnu de<br />

Chevaliers quclqucs Chcvalicrs, qui «voient l'acfaiûûfbration des Comman-<br />

^ "' deries de la Religion, ôc qui, par confequent, ne pouvoient<br />

être contraints à en rendre compte. Ainfi, le tréfor demeurait<br />

vuide, fe Couvent endetté, ôc les Chevaliers hors d'état de<br />

fournir aux dépenfes néceffaires pour la confervation de kur<br />

pays, fans que ce fâcheux inconvénient, non plus que toutes les<br />

défoktions, fes guerres, les incendies, les affafitnats, ôc mllr<br />

fe autres cataiftrophes, que caufoit fe fchisme de TEglife, fuA<br />

fent capables de Bme déîfller l'un, ni l'autre, de ces dçux Ponti-r<br />

fes * de feurs prétenfions. •<br />

Article//. Les Chypriots, plus 2Ly]fès, dans cette occafîon, que ceux<br />

dé Rhodes, ne voulant avoir aucune part à toutes ces brouifleries,<br />

ceflèrent de fdliciter URBAIN en faveur de leurs Princes y<br />

qui étoient prifonniers à tànes,Scne recherchèrent jamais CLE'-<br />

JiENT pour feur déUvrancC} ni pour aucune autre affaire; mais^<br />

fls<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liy. XVIIL C^ V. 8pj<br />

ils furent, enfin, obligés de fortir de leur neutrafité; ôc, à<br />

l'imitation des autres Etats Chrétiens, de s'attacher à fun des<br />

deux Pontifes. Ce fut au premier, tant parce qu'As crurent fon<br />

^leàxon plus Canonique, qu'à caufe qu'A étoit grand ami des<br />

Génois, qu'As avoknt plus d'intérêt que jamais de ménager, à<br />

caufe de la mort du Roi PIERRIN, qui décéda après fix mois de ^'pf^,.<br />

langueur, que lui caufoit fon excefllve graiffe, dont on peut "n.<br />

dite qu'il.fut étouffé dans k vingt-fixième année, fans kflfer<br />

^'Enfàiis. 11 n'en eut jamais, pendant fix ans de mariage avec<br />

VALENTIÎJE VISCONTI, qui, fetonlejPère LUZIGNAN, étoit decédée<br />

avant lui, quoique les autres Hiftoriens k lui fiiffent furvivre<br />

de plufîeurs années.<br />

Ce Prince fut inhumé dans PEglffe de St. Dominique, où<br />

étoit laC^pulture ordinaire de la Maifon Roïale, avec beaucoup<br />

plus de pompe, ôcde magnificence, que de larmes, ôcde ré^<br />

grets; car A n'avoit jamais rkn fait, qui approchât des aâions<br />

du feu Roi,fbn Père,dont la mémoire étoit encore fî récente,<br />

Ôc fî chérfe de tous les Peuples.<br />

Après fes funérailles, kCour fupérieure mit en dehbération, »i^^<br />

r» 1TI- ^ r^ •/. . agence eit<br />

U on cowionneroit un des Pnnces du Sang, qui fe trouvoient Chypre,<br />

en Chypre; Mais confîdérant, que k Souveraineté appartenoit<br />

Ijégitjmement au Sénéchal, qui étoit àG^/2^i; ôc appréhendant,<br />

que k République n'entreprît une nouveUe guerre pour le foutenir,<br />

ils prirent le parti d'élire fe Baron JEAN DE BRIE'S, Régent<br />

du R


896 H I S T O I R E^ G &N E'R A L E<br />

tions, que ks Génois lui impofèrênt; mais, commet lorsque<br />

BUSSAT arriva en Italie, URBAIN fe trouvoit lui même dan»<br />

une grande intrigue avec; 'CHARLES DE DURAS , Roi deNâpk^\<br />

qui l'emïttirraffok' fî fortJ, qu'elle ne lui permtttbit defonger,..<br />

qu'à fe tirer des mains de ce Prince, qui fc tenoit enfermé dani<br />

Nocère, d'où fl ne put même fortir, que par l'affiftance de<br />

quelques Troupes du Comte dé Noie, ôc des Seigneurs de St^<br />

Severin, qui défirent ceUes de CHARLES ; mais plus encore par<br />

celles que lui donnèrent ks Génois, qui furent àffez généreux<br />

pour envoïer dix de leurs Gaferes à la rade de ^PûScOftro f fous<br />

fe commandement de G L E'M E N T F A S CI O / Homme agréable<br />

au Peuple, ôc très-accrédité. Le Pontife s'y embarqua, avec<br />

toute k fuite ; Et ce fut dans cette occafîon, que, pour fe vanger<br />

de cinq Cardinaux, qu'fl foupçônnoit d'avoir confpiré contre<br />

lui, avec G H A R L ES DEDURAS, ÔC l'Anti-Pape CLE'^<br />

MENi^, fl ks fit mettre dans des kcs, ôc jetter à lamer, quoique<br />

quelques Ecrivains prétendent, qu'fl les fit mourir en prifon.<br />

Article///. C'eft pourquoi les Princes prifonniers, ôc l'Ambaffadeur de<br />

-«. n C%/ïr^ furent obflgés- d'en paffer par où voulurent les Génois-^<br />

.V}.' ' qnLnon-obftant feS'démonftrations d'amitié, qu'ils firent au Sé^^<br />

néchal, ne voulurent jamais k laiffer partir, kns en exiger • tous<br />

ks avantages, qu'ils pûtent naturellement prétendre. Car,<br />

après que L E'O N A R D MON T A L D E, leur Doge, ôc tout k Sénat<br />

en corps, fut allé retirer ce Prince de k prifon, pour le-conduire<br />

avec le Comte de Tripli, fon Neveu, idans un>Pàlais<br />

fuperbement meublé ,?:ôc où les prinôpale's Dames de k Vifle<br />

accompagnèrent la Princeffe, fon Epoufe, Se le jeune Prince<br />

^o^fljes\ JANUS, dont efle étoit'accouchée en prifon quelques années aii-<br />

^onéreufes, paravaut j ils Pobligèrènt de leur céder à perpétuité la VJfle de<br />

chyprio'S^ Famagoufte,k^tc deux: lieues de terrain àla ronde. Se déplus<br />

par les Gé- j^g douanes du Roiaume,jusqu'à CC qu'fls euffent été payés des<br />

cent mAle ducats, qu'ils prétendoient pour les fraix de k guerre;<br />

ôc enfin que Jous les Génois, qui voudroient s'étabflr dans<br />

•f les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


a .i ."bgiCHYPlRJ:. EWÎVHL'CH.V. 8p?<br />

• les autres VAles du Roïaume, y jouïroient des mêmes privilèges,,<br />

que fes propres Sujets.<br />

!i' Quelques dures, ôc fàcheufes, que fuffent ces conditions^<br />

rimpatfence qu'avoit ce Prince de fortir, avec fa Femme, ôc<br />

ion Fils, d'ime fi longue j ôc févère xaptivité, fit qu'A ks fouscri<br />

vit, fans balancer ; Bien perfuadé que l'engagement forcé,<br />

ijU'il prenoit alors de les obferver, ne luiattireroit aucun blâme<br />

/des.Princes, ni des Peupks, lorsque l'occafion fe préfenteroit<br />

4P s'aifranjjhir d'un joug fi in jufte-, ôc fi indigne d'un Souverain,<br />

•:;f-- i,' ^.';.:-t; ^ r. .j -•;. •• p ? . .:•:•<br />

. Cependant la décadence du Roïaume de Chypre, qui avoit<br />

-commencé avec la mort de PIERRE LE • GRAND , fon Frère, Ôc<br />

qui ne fe termina que par fa ruine, fut caufe que le ROÎJAx^ES,<br />

ni fôn'Fik, n'eurent jamais la confolation de fe délivrer<br />

de k-tji'anniç des jG^Wtf, ni de réimir à leur couronne la Ville<br />

de Famagoufte, qui en,étoit le plus beau fleuron, puisqu'elle<br />

eft, en effet, la feule du Roïaume qui Nait un port capable<br />

de conferver une Armée Navale en toute forte de faifons, ôc<br />

de réfifter par fa fîtuation, ôc fa conftruétion, aux efforts d'une<br />

Armée ..ennemie* -^^ vri . .>*"> -!iu :?ia;<br />

' Après avoir enfin fatisfàit aux volontés du Sénat, le Prince<br />

JAQUES, peu fenfibk aux efforts qu'on faifoit pour le divertir,<br />

ôc le faire fervir avec fplendeur, afin de lui faire oubUer les mauvais<br />

traiteiucns, qu'A en avoit reçus, demanda la permiffion<br />

de partir Ceft à quoi il afpiroit avec avidité, ôc ce qu'on<br />

ne , lui refufa Vpliis;* Mais ils. voulurent le faire accompagner<br />

par fix de leurs Galères, en apparence par honneur, mais, '<br />

en effet, pour faire approuver au grand ConfeA le Traité, qu'ils<br />

avoient fait avec lui, ôcpour en faire publier le contenu<br />

d^ns'Nieofie y dans Famagoufte, Se dtns \es autres VAles du<br />

Roïaume, fls .chargèrent NICOLAS MARUFFO , qui commandoit<br />

ces Galère^,.de.cette commiffion , qu'fl exécuta avec<br />

toute l'cj^étitûde, qu'As pouvoient défirer.<br />

Xxx XX 3 Tous<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«9S H î S T O IRE G E'N E'R A LE<br />

Tous ks préparatifs étant faits ce Prince, fa Femme J<br />

fon Fils, ôc le Comte de Tripoli, leur Neveu, s'embarquèrent<br />

enfin fur fes propres Galères, avec une ktisfaétion, qu'il<br />

eft plus aifé de comprendre , que d'exprimer , Ôc naviguèrent<br />

^y^^ ia toujours de compagnie avec celles de k République. Elles aborfoi.<br />

dèrent enfemble à Limifol, d'où deux Nobles Génois partirent<br />

d'abord pour Nicofie, tant pour annoncer l'arrivée de ce Prince,<br />

que pour faire confirmer le Traité. La Cour fupérieure,<br />

ôc toute k Nobkfïe y fouscrivirent, avec emprefibment. 11«<br />

rejettèrent toutes ks oppofitions des Bîu-ons PIERRE Se JE'-<br />

£ÔM£ v>^ MONTOLIF, qui en trouvoient fes conditions trop<br />

désavantageufes ; ôc As ne voulurent point, à quelque prix que ce<br />

fut, r^arder un moment fe dé^rqu^nent,de feur Souverain,<br />

qu'ils aflèrent en foule recevoir aux Salines, où A débarqua. Ils<br />

le çondKÎ^tnt k Nicofie 9 au milieu dès acclamations des Peuples,<br />

quiaccouroientde toutes parts, pour avoir la confolation<br />

1384. de voir de près un Prince, qu'As avoient toujours extrêmement<br />

chéri, par raport à k bonté. Se k fa douceur naturelle.<br />

Sonfoutm- Le Ckrgé , qui le reçut à la porte de cette Capitale ,^e<br />

" nement.<br />

Aïtl4e/r.<br />

conduifit dans rÉglife Cathédrale de Ste. Sophie; ôc, après le<br />

Te-Deum, qu'on y chanta, enadionde grâces^ A reçut, avec<br />

k Reine, fbn.Epoufe, la Couronne de Chypre, des mains de<br />

l'Archevêque SIME'ON, ÔC y "prit, dès le lendemain, celle de<br />

yérufalem, qu'A ne pouvoit, félon l'ufage établi, aller recevoir<br />

à Famagoufte, qui n'étoit plus en fon pouvoir. >•<br />

Peu de jours après, le Roi, qui fouhaitoit de recompenfer<br />

la Nobleffe, qui avoit été attachée à fes intérêts, ôc à fa perfonne,<br />

ôç en même tems, foulager les Peupks autant qu'A lui<br />

feroit poffible^ afin de leur: marquer fon amour, Ôc k gratitu*<br />

de, fit affembler la Cour fupérieure, pour fe faire inftruire de<br />

kittuation préfente des affaires du Roïaume, des charges, ôcdes<br />

emplois vacans; &de fétat des finances, qui fe trouvoient fort<br />

épuifées,à caufè dc3 gsoSks dépenfes,que le Roi PIERRIN avoit<br />

faites<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


' ht CHYPRE. Lir. XVllI CILV. Sp^<br />

, faites pour l'entreprife de Famagoufle, Se par finterruption du<br />

commerce; mais, comme fl efpéroit, que fi:m rétabliffement rèpareroit<br />

bientôt toutes chofes, par k faciflté qu'A donneroit à<br />

fes Sujets de fe défaire avantagedèment de feurs denrées, fl<br />

commença par fes déflvrer.de quelques-uns des impôts, done<br />

fls avoient été forchargés fous fe Règne précédent, principale*<br />

ment du droit d'entrée, ôc de fortie, qui avoit été établi fur<br />

tout ce (pii entroit ôc fortoit d& Nicofie,<br />

Il honora fe BanonjEAN m. BRiE's,qoi s'étoit fibienacqui-|^J5^*<br />

té de fon adminiftration, du titre de Prince dî!Antioche, cpà^pumtia<br />

jusqu'alors^ n'avoit été conféré qu'*à des Princes du Sang. Les""*''^'<br />

Barons HUGUES, ÔC GUI DE LA Bt AU»IE, qui s'étoient fortement<br />

oppofés aux Seigneurs de MONTOLIF, lors


poo H I s T O IRE G E' NET R A L E<br />

en laiffant k Femme Légàtrice uiiiverfefle de fès biens mobiflaires.<br />

-<br />

1 *<br />

Si ce Prince, étoit fi attentif à recompenfer fes. bons Sujets,'<br />

fl" n'étoit pas moins févère à punir ceux quioublioient leur devoir;<br />

car, qiielquesinftances qu'on pût'lui Mre en faveur des<br />

deux:Frè|[es de MONTOLIF, qui, non coôtensld'amr voulu<br />

mettre .for Je Trône un .Prince , à.qui fl n'ap^artenoit points<br />

s'étoient encore oppoféa à k ratification du Traité, qu'fl avoit<br />

été obHgé de faire avec les Génois, afin de retâirdérk délivran-<br />

, ce, Se. exciter quelque, brouillerie : jdaçSi l'Etat i il. feur. fit tran^<br />

• cher k tête, afin qu'fls ferviff^jd'jaxempfe àceux'sjui aurojcnt<br />

YOUilu les imiter, ' ilj /., ;, i:u^.:. : [<br />

,^_ . ,-. ''.r ' ') 01' •• .:il-' !•' '1- ••- i'i<br />

C'H A P^ I. T R Evij-jyj.. 41,;) 0^. T:<br />

Article/.: A près ces aéles de juftice, qui recompenfoient fes bons Su-<br />

J^ jets, ôc puniffoientles'mèchàns. JAQUES s'appliqua entièrement<br />

à faire fortifier les Places du R,okume, pi attendant<br />

qu'A fût en état de recouvrer i^/ï;^^^é^


DE C H YP RE.; Liy. XVIU. CH. VL pcir<br />

*4fe Ja mort tragique du Roi PIERRE, OU par les calamités. Se<br />

le deshonneur qu'elle avoit caufé àk plupart des gens de quafi-<br />

•té, fl en fit une fameufe Egflfe, qu'il nomma de la Miféricorde.<br />

Se qui fubfifte encore aujourd'hui en fon entier. Les Turcs<br />

l'ont changée en Mosquée ; mais As ne k fréquentent plus, ou<br />

fort rarement, à caufe des bruits noûurnes, Ôc épouvantables,<br />

qu'As prétendent qu'on y entend.<br />

Il fit auffi'une Citadefle au Sud-Eft de la VAle, dont on ne<br />

'Voit plus que les fondemens. Les Fénitiens la firent depuis ra-<br />

•fer, parce qu'ils k trouvoient très-difficAe à garder, ôc à entretenir.<br />

Ils en refferrèrent enfuite l'cnceinte,la firent rebâtir, ôc fortifier telfe<br />

qu'efle fubfflle encore aujourd'hui.<br />

Les Peuples, qui reconnurent futifité de cette Fortereffe, 138^.<br />

ôc qui étoient d'aiUeurs très-fatisfaitsde leur Souverain, y con-^^'j^'"''<br />

tribuèrent avec tant d'émulation, qu'elle fut bientôt perfeétion- priots ennée.<br />

Se que les réparations des autres Places fe trouvèrent en- jî^ucsf"<br />

tierèment terminées en moins de fix mois. Ils ne lui donnèrent<br />

pas de moindres marques de leur zèle, ôc de leur attachement,<br />

Jors qu'fl leur demanda un don pour fournir à la dot de deux<br />

Princeffes, qu'il avoit eues, avant que d'alkr k Gènes, Ôc qui fe<br />

trouvoient en état d'être pourvues, fl penfoit d'autant plus à<br />

leur établiffement, que fà, famille étoit devenue fort nombreufe.<br />

L'une de ces Princeffes, nommée MARIE, qui étoit une<br />

des plus belles, ôc des plus vertueiffes de fon tems, fut mariée<br />

-à ULADISLAS, Roi de Naples; ôc l'autre, qui s'appelloit ISA­<br />

BELLE , épouk PIERRE DE LUZIGNAN , Comte de Tripoli.<br />

Comme fl vouloit, en même tems, faire du bien au FAs du<br />

Prince de Galilée^ Se qui étoit fon Neveu, au quel A n'avoit<br />

encore donné que l'Ordre


902 H f s T O IRE G E'NE'RALE<br />

que k Maifon de cette Demoifefle avoit foufferte, par k m.ort<br />

tragique, ôc précipitée de fon Père. •<br />

Article //. Mais, avcc toute la fatisfadion, qu'avoit fe Roi JAQUES de<br />

'mlftTou- k profpérité de fa Famille, de i'affedion de fes Peupks, ôc de<br />

*^^*- la tranquiUté de fes Etats, Pafîk que tous lés malfidteurs trouvoient<br />

à Famagoufte, où les Génois les recevoient à bras ouverts<br />

, Ôc leur donnoient la commodité de paffer dans ks pays<br />

étrangers, l'inquiétoit extrêmement. Se lui faifoit, fans ceffe,<br />

fonger aux mpïens de fe déflvrer de ces dangereux voifins. Il<br />

étoit d'aAleurs fort touché des maHieurs de ï'Arménie, dont les<br />

Turcs des Provinces voifines s*étoient presqu'entièrement e/npa»rés.<br />

Ils avoient contraint le Roi LE'ON, OU LÏONÊT DE LU-<br />

. ziGNAN, fon parent, à en abandonner ks reftes délabrés, pour<br />

aller en Europe, demander aux Puiffances Chrétiennes un fecours<br />

y qu'A ne put jamais obtenir. JAQUES ne reffentoit pas<br />

moins la néceffitê, qu'avoit k Grand-Maitre de Rhodes de paffer<br />

lui même ^ Avignon, polir foUiciter l'Anti-Pape CL E'M ENT,<br />

qui étoit enfin convenu de lui accorder quelque affiftance confidérable<br />

pour l'entretien de h.Vûle de Smirne, laquelle étoit<br />

extrêmement à charge à fa Religion; pour obliger les Commandeurs,<br />

Se Receveurs de fOrdi-e, à payer les reveîius de plufieurs<br />

années, qu'ils dévoient au Couvent, Se fans les quelles<br />

fl ne pouvoit fe foutenir, ni réfifter 3.ux Infidèles, contre les<br />

quels fl failoit continuellement avoir les armes à la main; Ôc<br />

enfin, pour arrêter les progrès du Sultan BAJAZET, qui, non<br />

jjgg, moins heureux que SOLIMAN,'fon Aïeul, Ôc AMURAT, fon Père,<br />

continuoit à fubjuguer les Provinces C/7r^//m«^j, ôcà étendre<br />

fa domination d^LnsrAfie, Se dzns l'Europe où il faifoit également<br />

trembler PEmpereur de Conftantinople, Se les autres<br />

Princes Chrétiens.<br />

Auffi JAQUES, craignant avec raifon pour fes Etats, qui<br />

étoient encore plus expofés que les autres, ôc confidérant que<br />

• ^ fes<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

m


DE CHYPRE. Lm XVIIL GEÏ.VL joj<br />

fos coffres ne à'étoient point remplis, comme A s'en étoit flatté,<br />

park rétabflffement du commerce, Ôcqu'A fe trouveroit<br />

fort embarraffé à fe défendre, s'A étoit attaqué, communiqua<br />

fea inquiétudes à la Cour Supérieure, Ôc leur déclara k projet y<br />

qu'il avoit fait d'impofer le dixième fur tous les Revenus du<br />

Roïaume, afin de pouvoir fubvenir aux dépenfes néceffaires<br />

pour k levée de Troupes. 11 leur déclara, çn même tems,<br />

que, fî efles ne fervoient point, comme fl le fouhaitoit, contre<br />

les Turcs, elles pourroient n'être pas inutfles à chaffer les<br />

Génois de Famagoufle.<br />

Soit que f efperance de voir bientôt cette Place réunie à k ^<br />

Couronne, ou que la crainte des Infidèles fit agir les Seigneurs<br />

du Confeil, fls approuvèrent unanimement Pexpédknt, que ^r^x *<br />

le Rpi propofa, ôc le dixième dénier fut inceffamment établi.r^'J^^^<br />

On y ajouta même l'impofîtion d'un bezan, par famille j pour le fw en eu*<br />

Sel; mais, quoique ces impôts produifîffent au Roi des fom- u'^r^<br />

mes très-confidérables pendant dix ans, qu'As furent levés ; ôc ^*'^* '«'<br />

que, pendant tout ce tems-là, file ne fût inquiétée par aucun<br />

ennemi, ce Prince ne fe trouva jamais en état de recouvrer Famagpùfte,<br />

par l'ufage qu'fl fut obligé de faire ailleurs dc ces deniers,<br />

& par fes foins qu'avoient les Génois de tenu: cette Pkce<br />

extrêmement garnk. . -<br />

-Le Grand- Maître de Rhodes fe fervit beaucoup plus utile- ù Grande<br />

ment de vingt-cinq mille Ecus d'or, que produifit le JubAé, que ^''o*de/*<br />

l'Anti-Pape GLE'JIIENT avoit fait publier en fa faveur, ïur hitaujjî<br />

ks remontrances, qu'on lui avoit faites, que la pefte avoit em- {J^f'^ ^'^**<br />

porté un fî grand nombre de Ghevaflers, de Soldats, ôc d'Har<br />

bitans,, ^^ Smirne, que fe peu de monde, qui en avoit échapé,.<br />

n'étoitphis. en étatde défendre cette Place contre les forces<br />

de,BiAjA^ET, pui^ue, par cette contagion, efle manquoit é- ,^^^<br />

gaiement d? Hommes, démunirions, Ôc d'argent. L'Ordre em-smime, a*<br />

ploik cette fomme à faire de bonnes prpvifions .de guerre, ôc ^^o^"-<br />

Yyy y y i de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


'jo| HlSTOIRE^ GE'NFRALE<br />

de bouche, Se à équiper divers Navires pour fe paffage des Chevà-i-<br />

Hers, ôc des Troupes, qu'fl avoit affemblées, pour renforcer<br />

Rhodes'^ pour remplacer ceux de Smirne, qui avoient péri; So<br />

pour fortifier les muraiUes de cette Vilk, tlont f enceinre étoife^<br />

trop étendue, & trop dAficik à garder. Il emploïa les reve-^<br />

nus annuels qu'fl avoit exigés- des Receveurs de fOrdre, peîvddjntïonÇqouTVL<br />

Avignon, à la belle Principauté d'y^ifib//f, que'<br />

lui vendit MARIE , Reine de Sicile , Mère, ôc Tutrice dir<br />

jeune Roi Louis, à qui elle appartenoit.<br />

Artw^ic^- Cependant le Roi de Chypre, quoi que privé^ des douanes<br />

die fes Etats, dont les Génois jouïffoient toujours, fut néanmoins<br />

obflgé de faire de grandes dépenfes pour foulager fes'<br />

Sujets, pendant la pefte, dont ils furent affligés, ôc qui fut fi<br />

générale, qu'fl n'^y-eut aucun endroit dans Tfle, quiren fut<br />

exemt. Efle y fut introduite par les Bâtimens étrangers, qui^<br />

abordoient aux Salines; ce qui obligea ce Prince à kire bâtir<br />

des Hôpitaux dans divers endroits dû pays, à payer quantité'<br />

de monde, qui avoit foin des malades, à acheter dés provifîons<br />

qu'fl faifoit Hbérakment dfllribuer à tous ceux qui en avoient*<br />

befoin, kns pourtant que cette affiftance, les foins, ni k chari*<br />

Kavapsde tépuffcnt arrêter les ravages de cette contagion, qui dura deux<br />

ctypre!" ans entiers, malgré la précaution qu'on prit de brûler meubles,<br />

marchandifes, Ôc généralement tout ce qui^ fe trouvoit<br />

dans les maifons, qui en étoient fofpeétes.<br />

La [^grande partie des Habitans de Plie en furent empor-»<br />

St^esprt- tés. Divers Bourgs, ôc Vilh^es demeurèrent entièrement dé*<br />

j?."*''?"^ferts. Les Vifles mêmes n^auroient pas eu un meifleur fort, fil<br />

éuBùdMis ce n'eft qu'A défendit -, fous des peines très-rigoureufes à toute<br />

%n, '^'^'^ perfonne caraâérifée de s'en éloigner ; ôc, ^n de fbrvir luimême<br />

d'exempfe à fesSujets^ fl ne fortit jan^is de fa Capitale^<br />

ôc fl fe contenta d'envoïer k Reine fon Epoufe, Se fèsEnfans,<br />

aux montagnes* La prefence de ce Prince, Se des Feifoimes<br />

- de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XVIIL CH. VT.. foj<br />

*dè diftmftion, qui ne pouvoient, fans contrevenir à fes'ordres,<br />

abandonner fes VAles, encouragea fî bien les autres Habitans,^<br />

ôc y fit obferver de fî bonnes règles, q\ie k mortalité- y futmoins<br />

grande j qu'efle ne Pauroit été. -.<br />

Cependant, comme les gens de lA campagne avoient là plu*i<br />

part 'péri, les terres demeurèrent incultes ; de forte que, pour"<br />

éviter la famine, qui auroit achevé dé détruire fon Rokume, flv<br />

fiit obligé de fretter plufîeurs Bâtimens , pour aller chercher*<br />

des grains, ôc.autres provifîons dans les pays étrangers; ce-;<br />

qui acheva d'èpuifer fes jépargnes. îl fut néanmoins bien heureux<br />

que les Sarrafins n'èntrepriffem^ rien fur fes Etats,'pendant<br />

ces calamités; Se que BAJAZET portât fes armes dans des^<br />

pays éloignés du fîen^ G'éjcoit pourtant une mortification pour •<br />

le Roi devoir ce fkmcux/Coiiquàrantâibjû^ieri,avec tantide ra-^<br />

jpidité, les Provinces Chrétiennesi r<br />

^yy yy 3' msTor-<br />

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HISTOIRE GENERALE<br />

R O I Â U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE. DE JÉRUSALEM,<br />

i>' E G Y P T E.<br />

L I r R. E xix:<br />

CHAPITRE PR E'M I E R.<br />

Article ticier<br />

Bajazet, 'Tir'i-<br />

^£ïi.'5t5î&ÛD K terrible & redoutable ennemi, qu'on fur-<br />

^r^^^cic^^'^W'». ^ ^ ^ ^ nommoit KiUris, c'eft-à-dire, \z Foudre,<br />

dris,ott/a<br />

Foudre.<br />

gj^ ^^<br />

W^ C<br />

^S? fétoit en effet pour les Chrétiens. Car, a-<br />

>$^ près s'être rendu farbitre du dflférend, qui<br />

^^«viiyw^SB ^^g°^^' ^°^^^ ANDRONIC, ÔC E MANUEL<br />

^^%)mm^^ PALÉOLOGUE, qui fe difputoient l'Em-<br />

*^ "^^ ^^ pire de Conftantinople, afm de les fubjuguer<br />

enfuite, avec plus de faciUté l'un, ôc l'autre, A avoit couru la<br />

Ca-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GË'N..Dfe CHYPRE. Liv. XIX. CH.L 90I<br />

Capadece, défolé h Pbrygie, envahi Y Arménie, fur un dés plus<br />

grands Capitaines du Siècle .* vaincu la Caramanie, keca*<br />

gé la Macédoine, affujetti k FaJachie, ravagé la Bulgarie i<br />

Se l'Albanie. Il avoit kiffé des garnifons dans divers endroits,<br />

furtout dans la Ville de Nicépolis, où fl défit enco^<br />

fe PArméc Chrétienne, malgré les grands renforts que Sl-<br />

Gis»fOND , Roi d'^o;7^r^, avoit reçus de divers Princes,<br />

ôt que le Duc de Bourgogne, avec GÙIILAUME DE I^ATRE-^^^''^<br />

MOUILLE , Connétable de France, le Seigneur de VIENNE , chrétienle<br />

fameux Maréchal de BOUCICAUT , ôc divers iautres Sei-fazer'^ *'<br />

gneurs Fhanpois-, pouffes d'un vé-ritàbk xèle de Reflgîièn,<br />

favoient joint avec huit mAle Chevaux, auffi bien que Pm-<br />

LIBERT DE NAÏLLAC , Grand-Maître de Rhodes, Succeffeur<br />

d'H E'ÏI E'D I A , avec la fleur de fe& Chevaliers, ôc de befles,<br />

ôc bonnes Troupes ; ôc , non - obftatlt que SIGISMOND eût<br />

compofe une fi nombreufe , ôc floriffante Armée , que lots<br />

qu'fl la vit rangée en bataAk, il s'écria, avec un peu trop<br />

de vanité, qu'elle étoit capable, non feulement de,détruire<br />

BAJAZET , Ê5? toutes fes Forces , mais encore de Joutenir le<br />

Ciel fur la pointe de fes lances, s'il étoit prêt à tomber*<br />

Sa déroute fut cependant fî grande, Se la Vidoite de<br />

BAJAZET fî complette, que j fans le bonheut, qu'eutfetlt le<br />

Roi d'Hongrie, Se k Grand-Maitre de Rhodes, d'attraper<br />

une petite barque fur le bord du Danube, avec kqiielle ils<br />

defcendirent dans le Pont-Euxin, où As trouvèrent la flotte<br />

Fénitienne, commandée par THOMAS MOCENIGO, qui les<br />

reçut, Se conduifît NAILLAC à Rhodes, ôc SIGISMOND en Dalmatie,<br />

As auroient eu le même fort que le Duc de Bourgogne,<br />

ôc presque tous ks 2iutres Seigneurs Franfois, qui furent tués fbr<br />

le champ de bataille, ou faits prifonniers. Il faut néanmoins<br />

dh*e à kur avantage, qu'ils vendirent bien Chèrement leurs vies,<br />

ôc leur liberté, puisque, fî, dans cette malheureufe journée, ks<br />

Chrétiens perdirent près de vingt mAle Hommes5 BAJAZET'<br />

en<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


9.08 H I S T O I R E G E' N E' R A L E .<br />

en perdit plus de foixante mflfe., Cette perte ne fémpêcha pas<br />

d'afler reprendre.k fîége de Conftantinople, qu'il n'avoit quitté»<br />

que pour détourner les Chrétiens de celui de Nicopolis. Il fe<br />

feroit rendu maître de .cette Vifle Impériale ^ qu?A avoit réduite<br />

à k dernière extrémité, pendant que l'Empereur EMA-<br />

NUEL fe trouvoit en France, où fl étoit aller demander.du fecours<br />

au Roi CHARLES VI. fans l'arrivée imprévue de TAMER-<br />

LAN, qui vint fondre fur \!Afie, Se obligea BAJAZET à lever k<br />

fîége, pour.aUer .défendre fes propres .Etats contre ce dange1397reux<br />

ennemi. ,,<br />

Article//. Ce furieux torrent de gens barbares, Ôc féroces, qui, après<br />

avoir paffé leur jêuneffe dans les brigandages, Se dans les voleries<br />

fur kurs voifins, auxquels ils|enlevoient les troupeaux,<br />

qui faifoient leur richeffe, vint inonder le pays, ôc fe rendre<br />

\a^^Tpar' rédoutable à des Nations entières. Ces Barbares les fubjuguè-<br />

3'auicrian. ,J.Q^^ ^ jfgyg j^^ conduite du famcux TAMERLAN , qui, après s'être<br />

lemparé de la fouveraineté de fon pays natal, ôc avoir formé<br />

•un.grand Empire des autres, qu'A avoit conquis, ne s'offenfoit<br />

f)oint d'être appelle C/?^://^ voleurs. Voulant enfin étendre k<br />

domination., A envahiffoit indifféremment les Provinces des /«fidèles.<br />

Se celles des Chrétiens.^ Leurs Forces n'auroient pu<br />

lui réfifter un moments kns le dépit, qu'A conçut de la fierté<br />

, avec la quelle BAJAZET lui renvoïa des Ambaffadeurs, qui<br />

vétoient,alfes^,de fa part, lui demander kreftitutiondes Etats de<br />

jqudques petits Souverains Twrr^, dont BAJAZET s'étoit empajré,<br />

ôc qui avoient eu recours à fa protedbion.<br />

. Le.Roi de Chypre, dont les Etats n'étoient point encore rétablis<br />

des grandes pertes, ôcdes furieux ravages, qu'y -avoit<br />

icaufé la pefte, travailloit de nouveau à amaffer de l'argent,<br />

^pour fe mettre en état d'exécuter fes projets, pendant que ces<br />

.deux'^uiffances barbares, fe faifoient la guerre, Ôc qu'A n'avoit<br />

pas Heu de craindre, que J'une, ni l'autre, fongeât k Vin-<br />

• ^quiéteç. Il recommença à ex^er la dîme Roïale j Se ks autres<br />

un-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i>E CHYPRE. LIV. XlX. Cli.L pap<br />

impôts, qui avoient été établis. Se qu'on avoit ceffé de kv^<br />

pendant k contagion, Ôc la mifère générale des Peuples. Cependant,<br />

quoique le pays manquât encore d'Habitans, il ne<br />

voulut jamais permettre que ceux qui, contre fes ordres, l'avoient<br />

abandonné durant la maladie^ y reritraffent, particulièrement<br />

les Médecins^ dont il fit confisquer tous les biens au<br />

profit de k Chambre Roïale ; mais, malgré k forte paflion<br />

qu'avoit ce Prince dé recouvrer Famagoufte, ^ Pétonnement<br />

des Génois, aux quels TAMERLAN venoit' d'enlever k VAle<br />

de Caffa, fur k Mer-Majéure, où ils avoient fait des ^vies<br />

xrès-confidérabks, foit qu'il manquât de force, ou de courage,<br />

pour l'entreprendre, fl ne profita point de1^con|lernation, ^"^^^^<br />

Se laiffa toujours cette ViUe en leur pouvoir» *<br />

Les autres Princes Chrétiens m firent pat^ un tneiHeur ufage<br />

de rabattement des Ottomans, quoi qu'As euffent la plus favorable<br />

occafion, qui pût jamais fe préfenter; pour l'entreprendre,'<br />

achever kur deftrn(5lion, Ôc fe délivrer pour jamais dû voifinage<br />

de ces Barbares,dont la puiffance s'étoit établie à leurs propres<br />

dépens, ôc kur devcnoit tous fes jours 'plus redoutable*<br />

TAMERLAN, après avoir forcé'Iï[Ville de 5^^4^^, Capitale^^J*^.^^<br />

del'Arménie-Mineure, fait prifonnier OSTOGULE, Fils 4eBAjA-^^oJ/ton'<br />

ïET , qui k défe^ijpit, ôc paffé â:u fil de l'épée tou$- lesÇf4',^,if„^<br />

Turcs, qui s'y troiivjjfereidft, renèoûtra BAJA^E^ toi même» î«i^«/«t<br />

Au bruit dek prife de cette Place, ôc de k prifon de fon^'^^"***^'<br />

Fils, A avoit promtement rappelle fes Troupes, qui étoient<br />

allées ravager le Peloponr^e ; Se A s'avançoit, pour arrêter<br />

fes conquêtes. -<br />

Ce fût auprès àrf^Mont Etoile, fi connu dans l'HAloire,<br />

pat la fameufe bataille, que PoMPE-ç-y .^nna à MJTHRI-<br />

DA'P^Ï quoique CH^LCOND^ prétende 5 que ce fût dans<br />

k Pbrygicy près de ia Ville" 4'v^;2g'«^r/3 que TAMEKLAN défjt<br />

eptièifement BAJAZET. Il lui^ tua* deux cens ^ille<br />

Hommes, ôc fit quatre de fgs Enfans prifonniets ; Après<br />

Zz2 zt quoi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


5>io H I î? T O I R E G E' N E' R A L E<br />

quoi fl le fit pourfuivre fi vivement, qu'A le fit tomber lui même<br />

en fon pouvoir ; Et, pour fe vanger du peu de cas<br />

qu'fl avoit kit de fes Ambaffadeurs, fl fe fit d'abord monter finun<br />

âne à contre-fens; ôc, dans cet état mépriknt, Ôc infâme,<br />

fl le fit promener par tout fon Camp, afin qu'fl fervit de<br />

ipeââde ridîciile à" fes Troupes.<br />

Aitidclï/. Il le fit enfoite enfermer dans une grande cage de fer, dans<br />

kqudle on l'attacha par fe col avec une chaîne d'or, le faifant<br />

promener, de cette manière, dans les Vflles d'Afie; Se enfin,<br />

Bajazet pour en triomj^^, avec encore plus'd\)pprobré. Se de mé-<br />

^M^ittê pris, il le fàflbit conduire' auprès de fa table, lorsqh'fl man-<br />

^1^ gcoit, lui jettôit des morceaux de pain, comme on fait ordinairement<br />

aux chiens, ôcs'en fervoit comme de marche-pié,<br />

T crian ^^'4^^*^ vouloît ihontcr k cheval. Mais, heureufement pour<br />

freni U lés Chrétiens, ce redoutable conquéi-ant, qui avoit formé le def^<br />

sJ^jia^.fein d'àffujettir toute VEurc^, fur favis qu'fl reçut, que fe Roi<br />

ies Chré. jeg' Meffagéttes, connu aujourd'hui fous fe Nom dti Grand-<br />

*^* CanfdvL Cathat, aVoit afkflfl ce Roïaume, ôc y fàflbit de<br />

g^iÈS*ravages, fut obligé de s'en retourner en P»;;^, après<br />

s^être fendu maître de la Vflle dè^ 5f»/r«^.<br />

Voflà coiiiB»ÎBilAtiteurs,que j'ai fiflvis, raportént lesésbloits<br />

dutirand TAMERLAN; mais ce que fen ai enfuite trouvé dans<br />

fes Oeuvres du kvant Chevalier TEftpÈE, m'a paru fî admirabfe,<br />

que je ine crois oWigé^dè le joindre id, me flattaiit, que<br />

Tûx^ Leéleur ne trouvera pas à^redire à k répétition des faits<br />

Héroïques de ce fameux Conquérant,<br />

^S Ta. Le plus grand Héros : des Scytes Orientaux, ou Tartares, a été,^<br />

àerian. fens doute, TAMERLAN. OO ne fait pas,;s'A étoit FAs


BE CHYPRE. Lnr.XDC CH.L: OU<br />

împofeF. Il fit k guerre contre k Mofcovie, avec fe même fuceès;<br />

ôcde gré, ou de force, fl s'ouvrit un paffage dans çe<br />

pays-là, pour mener contre BAJAZETH, alors k terreur dumon^<br />

de, une Armée prodigieufe.. Ilfoumit l'prgueÛ du Sultan, &<br />

de tout l'Empire Turc^ lï^txzverÙLl'Hellefpont, ôc afla délivrer<br />

à Conftantinople le pauvre Empereur Grec, qui lui avoit envoïé<br />

des Ambaffadeurs, pQtH"rengager dans fes intérêt|,au commencement<br />

de k guerre de BAJAZETH, ÔC^ qui étoit alors prifonnier,<br />

avec quelques autres Perfonnes de marque; ce qui étoit ti^t<br />

ce.qu'fl y avoit de relie de l'Empire de k Grèce.. ^.<br />

Mais ce qu'fl y eut encore ^TAMERLAN de plus grand, Ôcde<br />

de plus héroïque, ce fut l'honneur, ôck probité, avec k queUe<br />

ifobferva le Traité, qu'fl avoit fait avec les Grecs ; car, aprè*<br />

avoir été reçu daps Omflantinople, avec toutes les foumATions,<br />

qu'on futxapable de lui rendre, ôc après qu'fl eut vifité kgran»deur,<br />

ôc la beauté de la Vflle j fl dit, qu^e.^oit fort propre<br />

pour être le fiége de ï Empire univerjel; for quoi l'Empereur<br />

Çrech lui aïant offerte, afin qu'fl en fit k Vflle împériak, fl<br />

répondit aui: grande, honnêtetés de ce Prince, par d'autres<br />

honnêtetés; Se A laifTa la VAle de Conftantinople dms une entière<br />

Uberté, ôc l'Empereur, en poffeffion deJtous fesEt^ts.^^§»?;<br />

k fait, A repaffa dans 1'^^ ; Ôc en s'^ retournant y fl conquit<br />

la Syrie,l^ Perfe,Se les /«^a, où,depuisçetems-k,fes Gi'ands-<br />

Mogols ïont gloire de fe dire de la Race de TAMPILAN.<br />

Après toutes ces conquêtes, il fe retira dans font pays, ii<br />

paffa Ip refte de fes jour;s dans fès Etats^ où i> mourut d'une<br />

mort douce, ôc nàtureUe, qui fut la ffn, ôc le ternie de lap^sjonguç,<br />

Ôi de k plus confiante prof^èrit^ Ôc de la plus h^iie gloirè,qu'aucun.<br />

des Rois des quatre Monarchies univerfefles ait j^ai^eue. Cétoit,<br />

fans contredit,un génie grand, ôcHérpï|uc.^ Rlejigieux obfemtcnr<br />

dSsLoix dek juftice, Ôc de rèquité, ekaél à faire obferver<br />

la difdpline, extrêmement bon,'&géné^iiii.j.ôc il avoit<br />

Ijeaucoup de piété. Il faffoit |^bfeffiôn de tfaâorer qu'un feul<br />

-' • Zzz zz 3 'Dieu,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


»<br />

jftT H I S'TvO 1 R E C E N T R A L E<br />

Dieu, bien qu'il ne fûrnî Cïr^//m, ni Juif, ni Mabométan;:<br />

Se, pour finir id ce quife regarde, fl a. mérité d'avoir, dans fesï<br />

écrits douces derniers Sièdes, le plus beau, ôc fe plus noble ca*<br />

raâèrey ^e puiffe jamais^ avoir rempotté une peifonne d'une<br />

Nation, qui eft fi difiîérente d'elle même^<br />

LesEvfans • LcsEufaitô dc BAJAZET,. auxqucls TAMEKLATÏ avoit donné:<br />

i?Kr/nt^liberté, maferé fes mallieurs, qui étoient an-ivés à leur Pè^<br />

Ut uns les re y quc fe défefpoir avoit fait mourir dans une cage, en don-^<br />

nant de k tête contre fes barreaux ;• &r nonobftant k perte de<br />

i3$9- leurs plusî braves Ofl^FS, ôc Soldats, ôc la dcftmàion des<br />

mèfllj^es provinces,, que feur Maifon pdffécfoit, fe faifoknt<br />

encore une guerre fl cruelfe, ôc fi opiniâtre- pour la poffeffion <<br />

de ce qui leur reftoit, que les f rinces Chrétiens les en auroient<br />

entièrement dépouillés, fî la oontinuatioiide feur mésintelHgenr<br />

ce, Ôcle ^cygnÉe*, qui duroit toujours dans TEglife ^ Se qui dL^<br />

minuoiçextrêmementf autorité du St. Siège, avoic permis à BONI-<br />

BACE IX. qui avoit fuccédé k,URBAIN VI. ou ^BE'NOIT VIL.<br />

Succeffeur dc CL E'M ENT VIL de fe dOm^ les mouvemens<br />

nectaires, poiur exdter ks Prince» Chrétiens à prendre les armes<br />

pour une œuvre fî falutaire k toote k Répubflque Chrétienne ;•.<br />

Mais ces Pontifes éjtoknt alors fî peu confidérés, qtt'iliavoient:<br />

bkn de la peine à^foutenir leut Digôité.:^<br />

LeGrBni- T E Grand-Maître de ^ife^ii^profitant de k îfcordç iss^<br />

xïSesV-*--^ 7ijr«^:;,firatfra|çr ks fix Galères dek Refigion , ôc di-<br />

;^;;jgj. vers autres, BâtifiKn^, s'émbaFqua J^ même, ôc alk s'emparer/<br />

»fau,p»prffd'un.Château, cjtiecesi^i^ilri pofîèdoient d^, k Carie ? doi^^<br />

Tur«^., *^^^


DE CHYPRE. Liv.XlXv Cfl.Ii:* yij<br />

&y laifîa ilne bonne garnifon de fes Chevaliers,avec dcsTrôGpes<br />

fuififantes ,. afin qu'^ cas d!attaqtte fls> puflent- i^ fou£enir<br />

contre fes-jgtfr^/ïr^- v .: r,<br />

A' l'égard dn Roi de Ciby/irr,. qui,^ de fbn côté, auroir pu^<br />

:6ïire contré lesjf^èles qudquoentreprîfë^ glorieufe y. ôc^' utile,,<br />

il fe contenta de jou'^ de k tranquilité, qiie lui ptocûpoit feur •<br />

desunion, ô&d'eii^loïèr ce térts de rêpds^ à préparer dt riches :<br />

dots pour lea Princêffts-AGNES ,* ôcr CÏ^É ,* fe»^ fflfes-r: Gâp^:<br />

quelqueeteprefleaient', qu'A eût témoigné^ dè^fenavènement<br />

à k Couronne^cd'etflever Fafite^fta: au* Génois,: auxquels 11»; *<br />

fwitenoit tônjours'qu'fl ne Tavoit éédée^'cjÉrt pÉrforce,, ôcpoUf •<br />

fo^ déflvrer de feu5psm^ii» ;.ôc enfin, ^îqfte commodké, quis'eri<br />

fiât pi^éfentée, if rî^èncreprir jamais'âer^céci^, pendait prê#<br />

de vingt ans, que dura foft R^ne : Tant foi naturel doiâ:^'<br />

Ôc painbfej fâôlgnôit de ^guerre j Ôîî l'èiT^x^toit'^ l'iftciàïa*<br />

tioii, qu'A aUrôit eue dérèprendife Une Eace,- dont k privation<br />

lui étoir d^ime cènféqaeftce infinie^ foit par raport à fonrevenu,<br />

ôcà k gloiiie, qiie parce "qu'efleétoit la prkicipafe clef ^'^*•"<br />

du Roïaume, qu'A kiffît au Prince JAI^ÙS, fo^EAs, vérank'feii<br />

de l'année 1401. qu'imeS^ioknte fÉvte'lIèmportîa, lÉfaîgré'feni<br />

bon tempérament, d^n^fà^64. année.: ^ *î ?<br />

Son cotp^ fut inhumé d^s l'Eglife de SttlMiin^, fë^uKtfrè U RU déordinaire<br />

dé fëà^R-édéceffeûrs, avec les céréinonks arcoutum^^^^y^^^^O^<br />

ôc beaucoup de régreti- de 4^ Peupfes, ' d'avoir perdu- un Son- ^î^f *»<br />

veiraîn fi. rempli de douceur, Ôt de ^menc^. lllaifk dé foii , *^<br />

maSH%e, avec k #ertâè"âfÊ, & généi^ufe YùijAmm mi BÉRsiNïB,<br />

dix Eèfajâif; ,JAHUS5 qui-fût fon Succeffeur; le Cadet:<br />

iîomuïé Hu


pi4 H I S T O I R E G E'N E'R AL Ë<br />

PIERRE DE LUZIGNAN, Comte d& Tripoli; AGNES, ÔCCIVE,<br />

qu'A«penfoit .à. pourvoir, lors qu'efles moururent, toutes les<br />

deux, en peu de jours.<br />

Srreurde LoREpAN, qui doit avoîr travaAlé for de mauvais .mémoi^<br />

t-oredan. y^^avance, que ce Prince iajouta la Couronne d'-


DE CHY'PRE. Lîv. XIX. CH. H. pïf<br />

•des mains de l'Archevêque de cette Capitale, affifté des Evêques Couronner<br />

de ce Roïaume, Se de cdui de narce, qui's'y étoit réfoglê. Ce Prin- ZtV^^<br />

ce, qui étoit d'un naturel vif, ôc entreprenant j ^ dans un du Roi<br />

âge, où rien ne paroit difficile, confervantle fouvenir des mau- ^^"^**<br />

vais traitemens que les G^«o/r avoient fait fouffrir à k Faiiûlle^,<br />

réfolut de commencer fon règne par le recouvrement de Famagoufte,<br />

ôc de tout mettre en ukgejfourfe vangend'une Nation,<br />

qû'fl haïffoitmortellement. Cependant, commet! n'étoitpoint\<br />

en état d'entreprendre ce Siège à force ouverte, fl chercha''à<br />

gagner quelques Officiers dé*k garnifon^ pendant qu'A faifoit ^<br />

travailler aux préparatifs néceffaires pour furprendre la Place/<br />

Il y auroit facilement réùffi, par l'intelligence, que l'Evê^e<br />

lui procura avec plufieurs Officiers, qu'A avoit engagés, à force<br />

d'argent, à lui flvrer une des portes, ôc à'fë ranger de fc» cd-^<br />

té, dès qu'A y feroii entré; Mais, foit que trop de perfonnes<br />

fuffent dans le fécret, ou qu'une Fille du Général FRB'OOSE,<br />

qui étoit mariée avec le'Baron JEAN D E'N O RE S , • f un des<br />

principaux du Confefl, plus attaciéêaux intérêts deteRépubHque,<br />

qu'à ceux de fon propre Marii ôc de fes Enfans, en eût<br />

pénétré tjuelque chofe, eUe .fit promtement avèftir ANTOINE<br />

GUARCO, qui en étoit Gouverneur, fequel fit d'abord nrrêter k/;to«e «mplupart<br />

des Officiers, ôc exédutëf' ceux qui fe trouvèrent •côu-*^^'*^^^<br />

pables de cette con^iration. Il redoubla enfuite fi-foigneufe-magouOe<br />

ment les Gardes de la VAle, Ôc du Château, que le'^âi; 'quiî^.^'<br />

ignoroit, que l'affaire fut éventée, fepréfenta inutilctofertt atcc^ -<br />

fiX' mille Hommes par |errè^, ôcéï inveftir k port, par le Géné-/e S^r^<br />

ràl CAFFRANO ; Car,'men loin d'ytç,ouver la fâcÉté, dôiît fl<br />

s'étoit fktté, fly perdit beaucoup de^ mondé.'<br />

^ Ce malheureux fuceès n'empêcha pas jA3«u!r d'eu fdrmerle Siège<br />

, malgré' les remontrances de fes principaux Officiers, qui<br />

prévoïoient rim'gf^aSilité de Ton entreprife ; ôc, coipÉiifl fuivoitf,beaucoup<br />

pfis iBâ courage, ôc k paffion, que ks prudens^<br />

avis de gens expèrimentè^j bien-loià d'en être t^cftè, A dit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


.5>f^ HISTOIRE G F N E' R A L E<br />

hautement,^«^ la barbe lui blanchiroit, avant qu'il abandonna<br />

se Siège» Il fit même publier, à fon de trompe, que perfonne<br />

ii'eût à^Q^ar^er, foqs peine de !la vie. fl eftwi que fon ojimiâf<br />

ît/reté ^ battre la Place fit enfin appréhender au Gouverneur de<br />

foccomfcer, .^if n'étoit bientôt fecouru. Çeft ppurquoi fl lui dernanda<br />

UPefufpenJîon d'armes, pour vingt ^quatre heures, que<br />

4$ Roi luraç«)rda, pour éiçuter fes propoCtipns.<br />

• Mab çe fin Génois, qui «ivoit connu ce Prince |>ei5dant k<br />

^p{g5i|é, =tiepJoin de luii en faire quelcuneavantageii^, com^<br />

me il s'y atteudoit, .feignit d'abord d'entrer dans fes intérêts,<br />

.&fit bientôt tomber fe difcours fur le puiffant armement, que<br />

filAbit la République^ afin de f^intimideri, Ôc fe faire défifter de<br />

fou «rtfreppife; mais n'y pouvant, réttlfir, fl s'^vikde lui repro-<br />

^$T,^' qu'il vpuloit dépouiller une Nation, chez k quelle fl.<br />

ua ftv^ pris naflfançe, d'unef^kce qu'elle poffédoit ^ trè^:jufte<br />

„ titre, puisqu'elle favoit, premièrement reçue en gage des<br />

„ fomme3>que lui devoit le feu Roi ftERRiN,ôc obtenue erffuiteà<br />

j> perpétuité du Roi JAQUES , fon fère ; A quoi ce Prince rapart^t;,<br />

" qu'A ne devoit points tant v^^ter k donation du feu<br />

9, Roi, fon Père, qui n^avoit été qu'un effet de leur violen-<br />

« éçs, ôç pour fe délivreiç de feur tyrannie, ainfi qu'il l'avoit<br />

5, ft^tefïé, jttsqu!à fon dernier foupjr : Qu'àfégard des fommes,<br />

3, pour les qudi^ie,Rioi PIERRIN la leur avoit engagée, fl étoit<br />

„ afreîç


DE CHYPRE. Liy.XK. OLU. 917<br />

téuffir dans les affaires de la guerre; car, après diverfes nouveUes<br />

attaques, encore plus obftmées que ks premières, fl fut<br />

obligé de kver fe Siège , pour ne pas,achever de perdife infrudueufement<br />

fes Troupes, ôc fes Bâtimens. La découverte<br />

de la Flotte Génoife y donna lieu. Elle étoit compofee de douze<br />

Galères, chargées de munitions, ôc de Troupes, fous le commandement<br />

d'ANTOiNE GRIMALDI, qui ravitailla, ôc renforça<br />

entièrement k Place. ^ * ^<br />

Les hoftifltés furent fufpendues de partôc d'autre, kns qu'on Article///,<br />

parlât d'aucun raccommodbment. Le Roi TANUS fe retira à Ni- Su^îm<br />

cofie, Se s'occupa à en augmenter les fortifications, ôc à lever des<br />

foldats, pour remplacer ceux qui avoient p^éridans les attaques,<br />

afin de recommencer fon entreprife, fitôt que l'occafion le lui<br />

permettroit, fe flattant de pouvoir l'éxecuter avec plus de fuceès<br />

que k première fois ; d'autant plus qu'fl venoit de recevoir quelques<br />

pièces de groffe Artiflerie, que les Fénitiens lui avoient<br />

envoïées, ôc dont ils avoient été'inventeurs, pendant leurs<br />

gueires contre les Génois. Mais il ne kiffa pas impunis ceux<br />

qui furent foupçonnés d'avoir averti le Gouverneur de Famagoufte<br />

de rintefligence, qu'A avoit dans cette Place. Le Baron<br />

SiMEON DE MoRFU cut k tête tranchée, ôcle Baron JEAN DE'-<br />

- NORES fut empôifonné dans le Château de Buffavento, où A<br />

étoit prifonnier.<br />

GRIMALDI repartit peu de tems après de Famagoufte, fur la Nouveiit<br />

nouveUedes divifions domeftiques, qui fof vinrent à Gènes. C'eft ^^JJ^p^^J.<br />

ce qui détermina jANUs.à recommencer le fîége de cette Place; gouÇe<br />

mais, qudques mefures qu'A prît pour y réuffir, A n'en put ja- ""* *<br />

mais venir à bout. Il femble, que la prifon, où A avoit pris naiffance,<br />

avoit été d'un mauvais préfage à toutes fès entreprifes.<br />

Il n'éprouva pendant tout fon règne qu'une fuite dadverfités,<br />

foit dans les guerres qu'A entreprit, ou qu'A eut à foutenir;<br />

foit par la défolàtion, que caufèrent longtems dans fes Etats<br />

la Pefte, k Guerre, ôc les Sauterefles.<br />

Aaa aaa Auffi,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


pig H I S T O I R E CE'NE'RALE<br />

Auffi, avoit-fl vainement c^ré d'énfever Fami^oufte aux<br />

Génois, pendant kur guerre inteftine^ ôc par les grandes difpofitipns<br />

qu'fl avoit feites. U eut beau battre, ôc foudroïer cette<br />

Pkce, k bruit du canon ne fit qu'en étonner ks Habitans;<br />

mais les brêch'bs, qu'A fk aux 'touraifles, fiirent fî promtement<br />

reparées, Ôc Ii bien défendues, qu'après des mois entiers de<br />

^ bombardement, ôc divers affauts, fl n'en étoit pas plus avancé<br />

que le premier jour, kns même que la République y envoïât<br />

aucun fecours.<br />

Afticiezr. 11 n'en fut pas de même, lors que les Génois fe furent mis<br />

fous k protedbîon du Roi de France. Ce Monarque leur donna<br />

pour Gouverneur le vaiflant Msu^écha^ de BOUCICAUT. Il<br />

Génois ^toiç fi attentif à leur confervation, qu'fl paffa lui même en<br />

t^im^du Chypre, avec une Efcadre de neuf Galères, ôc fept grands Na-<br />

Irante. ^^^^' ^^ "^ ^"^ P^^ plutôt arrivé k Famagoufte, qu'fl attaqua le<br />

Camp du Roi, Ôc k mit en déroute ^ s'empara du Camp , ô^<br />

. alla affiéger Nicofte, qu'il auroit forcé, malgré les fréquentes<br />

forties dcs^ affiégés, fans l'arrivée de NAILLAC,. Grand-Maîtrede<br />

Rhodes, qui, pouffé d'un véritable zèfe de Religion, Ôc<br />

craignant que les Infidèles ne profitaffent, commue fls avoient<br />

toujours fait, de la divifion èesChràkns, Se n'envahiffenu enfin<br />

tout ce que poffédoit fon Ordre y s'y tranfporta, pour ménager<br />

un accommodement entre eux..<br />

En effet, fl agit avec tant de prudence, Ôcde dextérité, ôc<br />

auprès du Roi, ôc envers le Maréchal, qu'A les porta à ceffer<br />

feiirs hoftilités, ôc enfin à k conclufion de k paix ,^ à condition<br />

que ee Prince pakroit foixante mflfe Ducats pour fes fraix de<br />

l'armement; &, que s'A manquoit d'argent pour y fubvenir, il<br />

dépeferoit tels gages y qu'A kii pfeiroit y entre les mains du<br />

Grand-Maître de Rhodes, jusqu'à ce qu'A eût k commodité de<br />

Pacqùittcr; dé forte que ce Prince, auffi infortuné que fes Prédéceffeurs<br />

, qui fcmhloient n'avoir pu furmonter fafcendant que<br />

ks Génois avoient.prisait eux, épuifé alors d'argent comptant,,<br />

fe<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


' ©E CHYPRE* Lir. XK. Ciï.II.1. ftp<br />

fe trouva dans k dure néceffité de coofigner entre les mains di<br />

Grand-Maître ce qu^fl avoit de plus precfeux, qui coiififtoit,<br />

en une couiconne, enrichie depkrreries; une guirlande d'or,<br />

garnie de perles, ôc de diamans, avec fdufîeurs vafes d'or, ôe<br />

dVgent ; ôc quelques Villages attenans à k grande Gommànderie;<br />

outre quatre mAk ducats d'Or effeétifs, que le Maréchal ^Û« mti<br />

de BOUCICAUT toucha lui même- Après quoi fatisfàit d'avoir, ^"{(S^^<br />

par ce Traité, raffuré k domination de Famagoufie^ la Répu-'"


P20 H I s T o I R E G E'N E'R AL E<br />

le commerce de fes Sujets, profitant dès propofîtions" du Soudan^<br />

n'héfita pas un moment à les accepter. Le Grand -Maître de Rhodes<br />

en fit de même, ôc la Paix entre eux, ôc le Soudan fut établie<br />

aux conditions fuivantes.<br />

Trèvièntre L Quc k Paix conclue , après k prife d'Alexandrie, en 11


DE CHYPRE. Lm XIX. CH.IL ^21<br />

Château, ou Tour de David, deux dragmes; autant au<br />

Tleuve Jordan; Et une demi dragme à St. Lazare de Béthanie.<br />

V. Que le Soudan rendroit aux Ghevaflers de Rhodes la môme<br />

Maifon, où leur Rehgion avoit été fondée dans Je'rujalem,<br />

afin qu'fls.puffent, comme auparavant, y recevoir<br />

ks Pèlerins, ôc exercer la même hofpitalité, qu'As<br />

avoient accoutumé à kur égard.<br />

VI. Qu'ils pourroient même avoir une autre MkiibnkRamai<br />

Se qu'A feroit permis au. Grand-Maître défaire réfider<br />

dans l'une, Ôc dans f autre , tel nombre de Chevahers<br />

qu'A lui plairoit ,V fans qu'As fuffent obflgés de rien payer,<br />

pour aller , ôc venir à pié , ou à chevaK, dans tous les<br />

pays de k domination dw Soudan.<br />

yil. Qu'fl feroit permis aux Chrétiens de faire réparer ks<br />

. . Égflfes du^ St. Sépulcre ,. de Béthelem-, de Nazareth^<br />

'l , du Mont de Sinaï, Se toutes k&autres, où étoit leur dévotion.<br />

Le Roi de Chypre, Se,le Grand-Maître de Rhodes fignèrent posées<br />

articles , Se envolèrent des Ambaffadeurs au Caire pout<br />

fes faire ratifier ^u Soudan. Ceux de Chypre furent les Barons<br />

THOMAS. PRÉVÔT, ÔC JEAN PODOCATORO; ÔC, de la part du^<br />

Grand-Maître, RAIMOND, DI^, LESÎ^ORES,^ Prieur de-Touloufe.^<br />

C H A F I TRE ITE<br />

ç<br />

Ce renouvellement dé paix faifoit doutant plus de plaifir au Artfcie i.<br />

Roi JANUS, que le 5o«


^35 HISTOIRE G E' N E' R A h E<br />


DE CHYPRE* Liy. XIX CH.III p2j<br />

Denrées, fans qu'fl fût permis à perfonne, fous peine dek vie,<br />

de l'altérer.<br />

Cette continuation de disgrâces n'empêcha cependant pas ce Article n.<br />

Prince, qui avoit l'ame grande, Se généreufe ; ôc dont aucu- Chypre *<br />

ne adverfité n'abattoit fe courstge, d'entrer dans une flg«e, ^^^""^^^^^<br />

que firent plufieurs Princes, ôc Seigneurs Orientaux contre les plufieurs<br />

Enfans de BAJAZET. Les principaïuc furent EMANUEL, Empe- chSnj^<br />

reur de Conftantinople; fe Prince JEAN, fon Fils aîné; THE'O- K^^JJ.<br />

DORE, Duc de Sparte, Se Deipote de k M)rée ; le Grand- Bajazet.<br />

Maître, ôck Religion de Rhodes; CHARLES DE TOCA, DUC<br />

de Imeatt, Se Comte de Céfatonie ; Ô& JAQUES^ GATHALUSE,<br />

Seigneur de Métélène, avec divers autres Seigneurs des Iles de<br />

V Archipel, que k crainte d'être tous envahis, Fun après l'autre,<br />

avoit teveiUé, fur ce que ces Infidèles, après s'être longtems battusi<br />

Ôc mis rédproquement à deux doigts de feur perte, s'étoient<br />

enfin remis dans feur première grandeur, & recommençoient à<br />

csmproïer feurs armes contre fes Chrétiens.<br />

La continuation des troubles du iS/. 5/Vj^^ ôc de toute VItalie,<br />

,par k pluralité de Pontifes, caufoit plus de désordres que jamais,.<br />

ôc mêmes des guerres très-pernideufes- Les Papes, ôcles Anti-<br />

Papes s'entre-fuecédoieâfe les uns aux autres, kns qu'aucun d'eux<br />

fût affez pieux, pour renoncer à cette Dignité, comme funi-r<br />

^e moïen de tewniner ce fchisme, ôc de rendre la paix à FE-^<br />

^fè. Ce fut ce qui obligea ces Princes, ôc Seigneurs Orientaux,<br />

qui'n'efpéroient plusde kc^urs d'Occident, à faire une<br />

Ligue, pour tâcher de fe foutenir par eux mêmes, ôc repouffej<br />

fes efforts des Barbares, dont ils rédoutoient la puiffance.<br />

Le Roi JANUS' envoïa, presqu'en même tems, Se avec k mê- Artrciè///.<br />

me courage, un Ambaffadeur en France, pour demancfer en ^l^^^lg<br />

markge CHARLOITE DE BOURBON, FAle du Comte de. la Mar- 1^^"-^<br />

ehi, ôcde CATHERINE de Fendôme, qu'on affure avoir été France T<br />

une des plus belfes Princeffes de ï Europe. La cérémonie s'en CMS^J»<br />

&t fe 2. Août de l'année 1409- C^p^dant efle n'arriva en ^^H^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


P24. H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Charlotte Chypre 9 qu'en 14.11. Gé Prince eut la ktisfkétion de la reccbon*^^<br />

voir dans un tems, où fes Etats commençoient à fe remettre<br />

^'


• ITE CHYPRE. LÏV. XIX.-Ch.m 9^<br />

-He confiance aux Barons du ConfeA fupéricur, qui n'enteîidoknt<br />

point affez fes intérêts, ni les leurs propres, ôc par le peu de<br />

foin qu'A prit de s'éclaircir, par lui-même, de la conduite de<br />

ces Gouverneurs, qui avoient donné fleu aux plaintes des Sarrafins,<br />

pour donner ktisfaélion à leur Souverain, dont le mécontentement<br />

étoit fî fort à craindre.<br />

On ne prévoïoit point les maflieurs, qui pouvoieilt en arriver<br />

; ôc les principaux Seigneurs du ConfeA, aulfi impru-<br />

;dens,ôc avides, que GAZELLE, ÔC PIN GUÉ NI, ne fon-<br />

^eôient, qu'à jouir des grands profits, qu'As recevoient du commerce,<br />

que les Gorkires faffoient dans les ports du Roiaumé,<br />

-où ils achetoient les denrées du pays au prix, que ces Gouver- •<br />

neurs vouloient en exiger D'aifleurs, le Roi., de fon côtéi<br />

étoit entièrement occupé des piaifirs du mariage, Ôc attentif à<br />

'recompenfer divers Gentilshommes François, * qui avoient acottfpagné<br />

la Reine , du nombre desquels étoit ESTOLON DE LA<br />

SAÔNE, GhevaliérdeifWw, que ce Prince défiroit ardemment<br />

de rétenir auprès de lui. Ceft pourquoi auffi, comme la grande<br />

Commanderie de Chypre étoit devenue vacante par la mort de RAÏ-<br />

•MOND DE LESTOURES , qui fot tué, par les Turcs, au fîége<br />

de Macre, qu*il avoit entrepris de fiirprendre, Se par cefle du<br />

Chevaher ESSON DE SLEGLEOTS , qui n'en avoit jouï qu'une année,<br />

fl écrivit d'abord à LUCE DE VALINES, Lieutenant du<br />

Couvent, de k lui conférer. Le Grand-Maître avoit pafîé<br />

en Europe, pour affifter au Concile, que PEmpereuf SIGISMOKD<br />

avoit convoqué à Confiance, pour mettre fin au fchisme de l'E-;<br />

jgflfe, qui duroit depuis'fi longtems. - -'


ftô H I S T O I R E GE'NE'R^ALE<br />

TiLLis, Grand-Commandeur, ôc Louis DE VAGNON., Amiral<br />

de'rOrdre, pour repréfenter au Roi, ôc à la Reine, qui leur<br />

avoit également recommandé le Chevaher DE LA SAONE, k néceffité,<br />

où As avoient été de faire cette divifion, afin d'^vit^r<br />

k jalouGe, ôc k difcorde, que la poffeffion de k ^grande Commanderie<br />

avoit déjà excitées dans feur Couvept? ôcpour fes jpri^<br />

de ne pas trouver mauvais, fî, par des raifons fi effentiffles,<br />

ils ne l'avoient pas conférée à k Perfonne, qu'ils avoient recommandée<br />

: Et ils kur firent,^n même tems, çompreadj;f,<br />

qu'au lieu d'un feul Commandeur, qui réfidoit Qrdin.^i'^ment<br />

en Chypre, fly en auroit fept, qui feroient toujours pi^êts, à<br />

. fervir Sa Majefté dans toutes ks occafions, qui*pouvoient fe<br />

préfenter.<br />

Us préfèut^rcnt au Roi JANUS un excdlent cheval d'Efp'agnCp<br />

qpe le Prieiur de Touloufe avoit conduit à Rhodes; Se fls,firen|t<br />

jinftance kce Prince, pour le^fupliçr de vouloir joindre qudques-unes<br />

de fès Galères à celfes de la Religion, qu'ils avoknt<br />

réfolu d'envoïer au fecpurs des Seigneurs de Scio, leurs Cqnfé-<br />

4,érés,qui fes avoitinfprmésde la crainte qu'As avoient d'être attar<br />

1413. ^^ P^ Mws?A,, rendes Enfans de BAJAZET, qui fe tro,uv9it<br />

k Galipofi, ç^ fl faifoit un gr^md armement naval, contriç^fe^<br />

IJes, qu^ poièdde^tle^s Chrétiens.<br />

Qiielque bon açcuefl qpefît fe Roi JANUS aux Ambaffadeurs


i CHYPRE. Lnr.XDC. CIL KL pajf<br />

de ce Pape, que leConcfle de Confiance dépofa, auffi bien que<br />

BENon^ XIII. Se GRÉGOIRE XII. fes compétiteurs, en k place<br />

des-quels cette célèbre Affemblée élut,pour vrai Vicaire de Jé^<br />

fiis^hrifl, OuET COLONNE, qui prit fe Nom de MARTIN V. ^<br />

Ce ne fut qu'en 1421. que le Grand-Maître de Rhodes envoïa<br />

rAmiral JAQUES d^Allemagne en Ambaffade au Roi de Chypre,<br />

pour le prier de ne vouloir point priver plus longtems l'Ordre<br />

d'un bien, dont les Rois Prédéceffeurs l'avoient fî généreufement<br />

gratifié, ôc qui lui étoit fi néceffaire, pour fe foutenir '<br />

contre les'Ihfidèles, envers les quels fl n'ignoroit pas qu'fl leur<br />

failoit être continuellement armé. Ce Chevalier fut fi bien conduire<br />

cette négociation, que le Roi y confentit enfin. Le Grand- coJSI^lSh<br />

M^tre, ôc le ConfeA, de leur côté, pour lui en témoigner^hj^^e<br />

feur reconnoiffance , lui envolèrent quittance de 12000. Du- ^Hvifée en<br />

catsd'or, qu'A devoit au Prieur de Touloufe, depuis le tems'*^*""^*''<br />

qu'fl étoit Commandeur de Chypre.<br />

c H A p I T R E I V.<br />

Le mécontenrentent des iS


528 H I ST O.I(REr G.EN ER.A.LE<br />

le préjudice,, que recevoient fès Sujet&de k retraite des Corfàires<br />

étrangers dans fes ports, ne manqueroit pas de les faue. dédommageri<br />

Le Soudan fe rendit enfin à ces âges remontrances^<br />

ôc confentit à envoïer en Chypre le Fils du même SCHIT, avant<br />

d'en .venir à aucun aéled'hoftflité..<br />

Mais, mâUaeureufement pour le Roi, ôc.fesSujets, ce jeune.<br />

Sarrafin, qui avoit été fi fatisfàit de fon premier voïage, fut<br />

trèSrmécontent du fécond, par le peu de confidération, qu'eu-;rent<br />

pour lui les Barons PIERRE. PALESTRIN , ôc JEAN^ SCINCUTIT^demande<br />

QUE, quc k Roi avoît ,députés, pour favokle fujet de fon Arobaf^;^<br />

/S«H*îM« fade» ôc par le peu d'accès qu'fl trouva auprès; de ce Prince,.<br />

^«•^w'ïw qui, toujours:abufépar les-prindpaux du ConfeA, intéreffés à.<br />

"i^i"' foutenir les Gouverneurs de Limifol, Se des- Salines, bien-loini<br />

d'écouter les plaintes, que cet Envoïé avoit ordre de lui faire f<br />

^ ou^dç remédipt,^ k.faute de fesOfiiciers,.,lui fit faire feulement.<br />

quelques préfens, ôc le renvoïa, en lui diknt,. " qy'fl ne croïoit.<br />

fÉl%^g/,, p^sd''â.woircontreveriu à aucun des Articles du Traité, en<br />

,,. permettant feutrée dans fes ports aux Bâtimens Ci&r^//>«f,„<br />

„ auxquels Ane pouvoit naturellement réfufer l'àfile, ni lèS'<br />

„ provifîons, qiû leur étoient néceffaires, ainfi qu'il fe prati-<br />

„ que réciproquement entre amis;- Qu'ail pouvoit affurer le Sou-<br />

„ dan, fon Maître, que, de fon côté, leur bonne correfpon-<br />

„ dance ne feroit jamais interrompue; Et que, fi quekttrt dé fes<br />

„ Sujets y donnoit'fleu, A ne manqueroit pas de l'en faire pu- •<br />

„ nir févèrement. ' ^' ' ^" '' '<br />

Article //. Commc ccttc téponfe étoit plus honnête , que ' fatisfaikn-<br />

_ Î4I5- te, ôc qu'elle neréparôit en aucune manièrel'offerife, que le'<br />

sk^fesde Soudan prétendoit avoir reçue, par Tinfraétion de la Paix, dans<br />

f^reftés.. les perfonnes, ôe biens, de fes Sujets, A s'irrita extrêmement:<br />

contre SCHIT, qui lui avoit fait*faire une démarche fi contraire :<br />

àfon inclination, ôc à fa grandeur ;. Scil jura d?extériAincr èntîè- -<br />

rement les Chypriots; deforte que ce Miniftre,-ni fés amis, qui i<br />

axoieat détoutnéde pràniçr orage, n'oferent plus en^ej^en^:<br />

- ' de:<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE; Lir.^ XIX. cGi?. IV.l il 949 ^<br />

de;calm^r fon jufte courroux, ôc fe trouvèrent eux mêmes trèsoffenféç<br />

du procédé de la Cour de Chypre, qui ne tarda pas à<br />

fe repentir du peu d'attention, qu'efle avoit faite à leurs- falutai- 2417; •<br />

res offices. . .<br />

.. Le Soudan fit inceffamment armer toutes fes Galères, ôc grand'^,<br />

nombre d'autres Bâtimens, ordonna de fever des foldats, ôc^<br />

des mariniers pour renforcer fa Flotte; ôc, en attendant qu'efle<br />

fut prête à partir, ôc que ks Troupes, qu'fl avoit envoïées aux<br />

confins de la Caramanie, pour appaflèr quelque petite revolte,qui<br />

s'y étoit formée, fuffent de retour, fl dépêcha cinq Galères<br />

bien armées pour chaffer les Gorkires Chrétiens, ôc poiurcommencer<br />

à ravager les côtes de l'Ile de Chypre*f<br />

Cette Efcadre fit une defcente bien réfolue, -ôc bien condui-•^^^^'^''^<br />

tek Limifol ; PHILIPPE PRÉVÔT, qui commandoit. dans la Vil- eflr»vagée<br />

le,' s'qppok à leur débarquement ; mais ce vaAknt Homme dan. °"^<br />

nkïant; poifit été-fecondé par PiNGus'Ni, Gouverneur du J^'^j°J<br />

Qîitpau, y fut tué, avec tous ceux qui-fe fuivirent ;]• Se les Sarrafins<br />

ÙLCOig^rent h Nille, Se la ruinèrent entièrement. Lesautres<br />

Milices, deftinées à fa garde, prirent la fuite-vers fes g»•<br />

montagnes,. dès qu'elles apperçurent le mauvais fuceès du Gouverneur."<br />

. • > . ; ; :- ,, . . -<br />

. Les SatrafinSi, v non contens d'avoir réduit cette. Ville en un •<br />

monceau de pierres ;' fans s'attacher .auChâteau > qu'ils croïoient<br />

difficile à forcer, s'avancèrent vers le Bourg' de Convocla, qui ' ;,<br />

n'étoit giitèries moins confidéraWe que Limifol', Se le réduifirent »<br />

dans un état égaltoent déplorable. ? Ils le .firent d'autant plus facilement;<br />

que fix cens Hommes, foudoïés pour la garde de ce-<br />

Canton", imitèrent la lâcheté du PINGUENIJ en abandonnant<br />

les CôteSj à la feuk vue des" Galères ^j^l'/yî/Vww^i, qui curenttoute<br />

la commodité dé ravager à leur aife, & d'emporter tout ^<br />

' '<br />

ce qu'elles y trouvèrent de'meilleur. - ^ •: ,<br />

Cepçn


ç%@ H I & T o i R: E ^G E- N g'ît'^A LIE<br />

revenir toutes fès Galères. Car, au bruit' de ces désordres, le^'<br />

Roi JANUS, outré qu'un fi petit ncwiibre de Bâtimens euffent fait<br />

de fi grands'ravages dans fes Etats, fit armer, avec tant de<br />

diligence, quatre Galères, Ôc autant de Galiotes, qu'A avoit*<br />

dans le port de Cérines, qu'elles joignirent encore les Sarrafins<br />

dans le Golphe de Layazzo , où THOMAS PREV.OT , qui<br />

commandoit cet armement, Jes attaqua fi brusquement, qu'A<br />

s'empara d'une de leurs Galères, pendant que les autres fe fauverent<br />

aux Côtes de la Caramanie. Soit que ce Commandant<br />

voulût vanger la mort de fon Frère, qui avoit péri à Limifol,<br />

ou qu'A ne pût retenir la fureur de fes Equipages, ils furent<br />

affez inhumains, ôc cruels, pour maffacrer tous les Egyptiens<br />

de cette Galère ; Aéiion imprudente, qui dimmua beaucoup<br />

rhonneUr de k vidoire, ôc la fatisfadtion du Roi, de s'être, en<br />

. - quelque manière, vangé de Pincurfidn de ces Barbares; puk<br />

v ' qu'A étoit à crairidre, qu'As'ne fuiviffent un exemple fi dangereux<br />

, ôc fî • contraire aux loix de la bonne guerre, toutes les<br />

fois que Poccafîon s'en préfenteroit, tant contre les Chypriots y<br />

que contre tous les autres Chrétiens, qui auroient le malheur<br />

de tomber en leur pouvoir.<br />

1420. QQ qui ne manqua pas d'arriver; carie Soudan, indigné d'un<br />

traitement fî cruel, nomma fur le champ, ATNAL AZERAT,<br />

Le Soudan 52 I*ANGRIVERDI, fes dcux plus famcux de fes Emirs, pour<br />

^tedetms^ pour commaudcr la grande Flotte, qu'A avoit deftinée contre<br />

priS.^ le 'k.oi de Chypre, fl leur ordonna, fous peine de la vie, d'en<br />

avancer l'expédition, Se jura, furja foi, (f fur fon Prophète,<br />

de ne faire grâce à aucun dés Chypriots. "•<br />

LOREDAN raporte, que B E'N 01 T P A L A V ICI N O , Ô£ quelques<br />

autres Nobles Génois, qui réfîdoient TLU Caire,- pour kur<br />

commerce particufler, furent affez méchans pour animer ce<br />

Soudan, ôc ces Chefs, contre les Chypriots,- afin de mettre le<br />

Roi JANUS hors d'état de rien enrèprendre for k Vifle à^Fa»<br />

ma^Mjfte. , '' > *<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


a ©E^ CHYPRE. '"Li^- XII. r CH. IVJ H 55^<br />

" CepëR£nt, mdgré iVmpi^flbneùt du iShsd'^ à faixe 11^<br />

tir k haine, ôcfon reffentiment TLUTL Chypriots; Se malgiré les<br />

les ordres prefkns, qu'fl avoit donnés à ce fujet, Ôc les fortes<br />

foflicitations de fes Peuples, ôc des Etrangers mal-intentionnés,<br />

quelques embarras, encore phis preffans pour lui, IVïlAigèrent ^naffiori du<br />

à différer cette entreprife, Ôc donnèrent le tems au Roi JANUS **1^°"*'<br />

de fe mettre en état de faire tête à cet impkcahk ennemi; mais<br />

fl ne fut point en profiter. Il fembk, que fe malheur, qui ^****'<br />

étoit attaché à fon Règne, ou qui avoit fuivi la mort tragique<br />

de PIERRE LE GRAND,au lieu de lui avoir ouvert les yeux, l'eût<br />

entièrement av^léjauffi bien que tous les Grands de fon Roïaume.<br />

En effet, au Iku de faire exercer fes Peupks.au manîment<br />

. des armes, de renforcer ks Gardes des Côtes, de mettre à leur<br />

tête des gens de cœur,ôc de conduite, de faire remplir fes Magafins<br />

de bonnes provifions, Se de réparer ks fortifications des lieux<br />

• maritimes, fur tout celfes de Limifol, Ôc de Convocla, qui venoient<br />

d'être détruites, Ôc qui étoient des plus expofées,^ce<br />

Prince infortuné, Ôctous ceux de fon Confefl, s*^dormirent,<br />

comme s'ils n'avoient eu rien à craindre. Auffi, lorsque fe Soudan<br />

TEuaDES, qui avoit fuccédé aux Etats, Ôc à k'^Àine de SALISI QUI-<br />

Rici, Ôc qui même avoit confirmé les Amiraux 3.que celui-ci avoit<br />

tiommés pour comimander k Flotte, deftinée contre Chypre, Se q^i<br />

^<br />

étoit compofee dc cent cinquante Voiles, vint fes attaquer, As fe j •<br />

trouvèrent beaucoup plus dépourvus de provifîons de guerre,Ôc<br />

de bouche,


^i H I^ T o IRE -G E'N E"R AL E<br />

: ; barquement, fe mit à k têtede fîx cens Chevaux, ôc de4000."<br />

Hommes de pié, pour s'avancer dans les. terres, Ôc y fakeJe<br />

plus de ravages, qu'il lui feroit poffible. Ce ne fut qu'au bruit de<br />

fa.marche, qui étoit même fort lente, ôc circon^ede, crainte<br />

R^ : de quelque furprife, quele Roi commençai fe remuer; ôc qu'en­<br />

,U.:.i : \(».<br />

fin, par le danger que couroient fes Etats, il affembla confur<br />

fêment fes Troupes, qui auroient été capables de repouffer lés<br />

'^" Ir^dèleSy ôcpeUt être même de les défaire, fî elles avoient été<br />

difeipUnées, ôc pourvues du néceffaire, puis qu!en fortant de Nicot<br />

fie, Aïe trouva fous fes Enfeignes mflle Chenaux, ôc 6000.<br />

fïrmiedu Btommes.'de pié, avec la Nobleffe du pays, fl s'avança, pour<br />

-Ro», QP/areconnoître les ennemis; mais ce fut avec fî^peu d'ordre, ôc<br />

j^^^^tant de confiance, que les Nobles mârchoient toujours fort écattés<br />

du gros de l'Armée, afin de camper plus commodément. En<br />

ce cas, fî TANGRIVERDI s'en fut raporté aux avis de fes Efpioni^<br />

fl ne lui auroit pas été difficfle. dé. défaire l'Armée Chypriote, zn<br />

bourg de Chirochitie, où, faute de fouragè, Ôc de provifions,<br />

efle fut obligée de s'artêter trois jours dans l'maâion, pour en<br />

attendra -. ^<br />

- }im le Chérû Egyptien, qui étdt Homme de guerre, ne<br />

crutjpoin^ ce raport, ne pouvant s'imaginer, qu'un Prince,<br />

qui avoit tant d'intérêt à maintenir fes Troupes bien munies pour<br />

défendre fa Perfonne, ôc fes Etats, pût permettre, qu'elles fe<br />

débandaffent dc k manière, qu'on le lui raportoit; Ceft pourquoi<br />

fl fe contenta de s'avancer, au petit pas, vers FafilQpfh<br />

thamos% de forte que k prudence retarda, de quelques jours,<br />

la défaite du Roi, qui auroit été plutôt terraffe avec toutes fes<br />

Troupes. . ,<br />

;t.^<br />

•::i'


m-<br />

BE ^CHYPRE. LIV. XIX GH. V. pj^<br />

C H A PI TRE V.<br />

Un nouveau malheur contribua encore à la défaite des Chy- ^^^^i^ j<br />

priots.. Un Phénomène, qu'ils àppelloient Comète, pa-^«^oMrfli:»<br />

rpt pendant trois nuits -au deffu^ de la tente du Roi. Il ei^rpriots<br />

n'en fallut pas davantage pour décourager fes Troupes, na-^,j^ç"f<br />

tureUement portées à k fuperftition , fur tout les Grées , qui n^te.<br />

prirent ce figne Gelefte pour un mauvais augure. Au lieu de<br />

marcher aux ennemisr, avec-vigueur, ôc hardiefïe, pour défendre<br />

leur patrie, ôc leur liberté, ils furent te^ltanent kifis d'une<br />

terreur panique, que k. plupart fe fauverent aux montagnes ;<br />

ce qui cauk la déroute entière de l'Armée du Roi, ôc-la Vidoi­<br />

re de TANGRIVERDI.<br />

Les Barons JEAN DE VERNI , Ôc B A-D i N D E'N ORES, s^avancèrent<br />

les premiers, avec ce qui fe trouvoit de plus brave<br />

dans l'Armée; mais ils .furent défaits; ôc A y a apparence, que<br />

le Roi, craignant un pareA fort, fe retira Y^rs Nicofte, fans<br />

combattre. ' Jl rallia cependant autant de^monde, qu'A lui fut<br />

poffible; Ôc, ne comptant pas affez fur la capacité de fes Offîckrs,<br />

A en donna le commandement au Prince de Galilée, fon 1425.<br />

Frère, avec ordre de s'aller oppofer aux progrès des Sarrafins,<br />

pendant qu'il feroit travailler aux défenfes de la Capitale. Il envok.<br />

la Reine fon Epoufe, Se fa Famille , en fleu de fureté, ôc<br />

affembla le plus de CaviAerie, ôc d'Infanterie, qu'A put, pour ^<br />

faire tête Jui même aux Ennemis; Mais cette conduite, Ôc ces Défaite,^<br />

précautions tardives ne purent rétabflr les affaires. Il s'avança ^jf^**<br />

pourtant, ôc livra aux Infidèles une bataAk, qui lui fut encore<br />

•plus fatale, que la première. Ses Troupes y furent k plupart<br />

Ccc ccc ^^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


934. H I S T ;0 f R E G È' N E' R A L E<br />

défaites, ôc lui même &it prifonnier, après^ avok vu tuer, k<br />

fès côtés, le Prince de.Galilée, fes premiers Barons, ôcplus<br />

de mifle de fes meilleurs Soldats.<br />

Après cette dernière disgrâce, les Sarrafins, qui étoient déjà<br />

maîtres de tout le Gaùton de idmfot, le dcîV^inrent bientôt<br />

de toutle plat-pays, où ils ne trouvèrent plus aucune oppofîtioiu<br />

non plus que dans fes Bourgs, ni dans fes Vifles, qu'As faca^<br />

gèfeat entièrement, ôc, dont As emportèrent à leur îlotte totte<br />

les effets de valemr, Ôc fesPerfoinnes qu'ite purent attraper. Rs<br />

s^avancorent ènfiiite jusqu'à Nicefte,. d'où les Peuples, confter*<br />

nés de k prifon de feur Souverain, ôc de t»it d^tres pertft,<br />

défertèrent presqu^cntièreœent, pour s'aHer réfugier aux montagnes,<br />

ôc dans fes forêts; Qnel


m: CHTPRÎ. l^.XIX. CH, V, pi^<br />

tfn d'a.voir fa ktis&âioa dek remettre au 5(HW/^« leur Mai- j^-^j^^j^^<br />

tre y car il craignoit , que trois Galères de k Religion de emporté par<br />

Bbodes, ôc pareA nomke de Catalanes, qui étoient arrivées à C/- ^Jf*"<br />

Tirns pour fecourir fe Roi JANUS , ne fe Joigniffent à celfe«<br />

de ce -Primas, ôc n'cntrepriHçnt de lui enfever fon butin.<br />

'Un avis fi preflant fit réfoudre TANGRIVERDI à terminer<br />

fes progrès. 11 ne penk plus qu'à faire conduire au port<br />

fes riches dépouifles des malheureux Gitoïens de Nicofie,<br />

avec grande quantité de prifonniers de tout fêxe, Ôc de<br />

toute condition; Et, ce qui eft étonnant, chaque Soldat en<br />

^emmenoit dix à douze prifotaoiers. Les Barons AUDET,<br />

BiLLi, Ôc FLAIT-RE , qui, par leur indigne adion, avoient<br />


^lû' H rs T OIRE- G E' N^ E' R A LE<br />

Mer TEtat. Ils ne manquèrent pas de lui promettre toute forit^<br />

d'affiftance; cependant, nt celle qu'il en reçut, ni près de<br />

milk Icélérats qui fe rangèrent auprès de lui, n'empê-chèrent<br />

pas, qu'il ne fût défait par CARION^ D'IBELIN , que l'Archevê*<br />

que. Oncle du Roi, envoïa contre lui, avec k peu de monde<br />

qu'il put affembler, foit de ceux qui s'étoient retirés aux mon-tagnes,<br />

que des lieux, où lesSarraJins n'avoient poAitpéi<br />

nétré.<br />

Article///. SFORZA FALAVICINO mourut ks armes à k main, en dé»<br />

fendant la Ville, dont A s'étoit faifi; Et le Seigneur d'IsELiN<br />

fie pendre tous ceux de fes adhérens qui tombèrent entre fes<br />

mains. Il défit, peu à peu, les^autres, qui avoient gagné fe<br />

^ Jârge ; ce qui procura la commodité à la Reine, ôc à PArche*vêque,<br />

de retourner dans la Capitale, d'où; cette Princeffe,<br />

ôc ce Prélat envoyèrent d'abord foUiciter la Nobkffe, ôck B our.geoifie,<br />

qui fe trouvoient dilperfés aux montagnes, de veni»<br />

promtement les aida; à^réparer les malheurs, que ks Barbares<br />

Stânspour y avoicut caufés i ôc à' travailler aux moïens de délivrer le Roi •<br />

0eju,Roi.. de leurs mains: Ce qui leurparoiffoit d'autant plus idiffidle, que '<br />

les Ennemis avoient emporté tout ce que k Couronne, ôc k -<br />

Nobleffe, poffédoient de plus précieux, ôc tellement détruit le<br />

pays, qu'A Moit pkffieurs années pour lèrernettre; ôc qu'enfin<br />

ils ne pouvoknt aliéner, ni vendre aucun Fiefj qu'aux G^<br />

nois, dont'ils n'eftimoient-pas l'inimitié moins grande, quecel<br />

fe des Sarrafins. La Religion de Rhodes fe trouvoit fi fort em<<br />

barraffée de fes propres affaires, foit par raportii,k^erre, .<br />

que le Soudan venoit.de lui dédarer, foit pour les grofes dépenfes,<br />

qu'efle avoit été obUgée de faire pour munir cette lie,<br />

ôc les ^autres de k d^endance, qu'elle étoit abfolument;lior8<br />

d'état de pouvoir les fecourir.<br />

Dans cette grande néceffité y qui étoit effedivement extrê»me,<br />

puioqu'aprés fe retour kNieofie de tout ce qui reftoit de<br />

^^^" confidéraile.dans, le pay^,diverfes conférences,-^ôc ConfeAsj,.<br />

JLi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


n^ CHYPRE: Liy. XIX: di. V. p^?<br />

iî fe paffa encore plus d'une année entière, avant qu'on put<br />

amaffer l'aigent, qu'A falloic pour k rançon du Roi. On n'au»<br />

roit même pu y fubvenir, kns la générofîté du Baron JEAN<br />

PODOCATARO, kquel, par un excès d'amour, ôcde zèle pont<br />

fon Prince, vendit aux Génois les terres, ôc Fiefs qu'il poffédoit<br />

aux environs de-J^^i«wg;(?2^^.<br />

Mais, domme, malgré les fommes, qifil^en reçut', cequ'on<br />

put ramaffer d'ailleurs, ôc tout ce que GALCERAN SUARES^, que<br />

le Roi avoit envoïé d'Egypte, avec un Plein-pouvoir de vendre<br />

les Pariques, les Perpériens, Se la liberté aux Efclaves qui au* <<br />

r-oient le moïen de fè racheter :- de vendre, ou engager les<br />

Fiefs de k Couronne, ô& tous les autres Domaines, tout cela<br />

étoit encoreau-deffous des prétenfions du Soudan, ilfaflut avoir<br />

recours au Grand-Maître de Rhodes, qui, malgré les• befoins<br />

de fa Religion, aïant eu fe bonheur dans ces entrefaites de re^<br />

nouveUerla trêve zvecle>Soudan, prêta à k Reine 15"ooo.Flo- loocoo.jtrins<br />

d'or, qui accomplirent enfin k fomme de deux cens mil- ^^w "pour<br />

le Ecus d'or, que le Roi JANUS paya pour/a rançon, Ôc pour'* ^^^r..<br />

.cefle de quelques-uns des principaux Seigneurs, qui avoient été<br />

pris aveclui.^<br />

Pendant qu'on travailloit à affembler fargent néceffaire pour-'<br />

f élargiffement du Roi, ôc qu'outre cette groffe rançon le Sour<br />

dan l'obligeoit à.lui jurer fidélité, ôc à lui payer un tribut •<br />

annuel de 5000; Ducats d'or, quelques-uns de fes mauvais Sujets,<br />

à-l'imitation de SFORZA ,«voulurent s'ériger en Souverains<br />

dans les Cantons de Baffo y. Ôc^de Grizakou, où leur révolte-<br />

caufa de grandes -défolations. Il fallut y, envoïer bon '<br />

nombre de milices , dont on donna k' commandement au •<br />

Ghevalkr ANGE.MUSCHETOLLA , poyr les réduire ; de^forte<br />

jque fes mifères de l'Etat d'un côté, .ôc fes défordres, que com»mettoient<br />

ces fcélérats de Tautre, caufèrent de fi grandes<br />

calamités, que Ja Grande - Commanderie, qui raportoit dou-•<br />

ze miDeécus d'or de revenu au tréfor de Rhodes, fut arren--<br />

Ccc ccc 3- tée,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


.5?iB HISTOIRE G r N E'R A L E<br />

-tée, pour fept ans, au même Chevaîî» MuscHm^ouLA, &<br />

au Chevalier PIERRE GARNE'S pour la fomme de quatre<br />

Ducats par an; Ce qui ne prouve que trop l'état déplorable,<br />

où nie fe trouvoit réduite après k guerre des Sarrafins, Se k<br />

rebdlion des Sujets du Prince.<br />

Mtieiejsr. 11 faut dire, à k louange du Soudem, qu% k rançon près<br />

: qu'A exigea du Roi JANUS , A le traita fort humainement, pendant<br />

tout le tems qu'A k retint en Egypte. Ce Prince It^èle<br />

eut même la générofité de faire équiper fk de fes Galères, qui<br />

le conduifirent en Chypn, où il arriva en peu de jours, au<br />

grand contentement dc k Famifle, Se de fes Peupks, qui<br />

efpéroient que fa préfbaee contribueroit k rétabflr bientôt kurs<br />

malheureufes affaires. Auffi s'WDpreflbent-ils à donner au Roi toutes<br />

les marques de joie, Ôc de fatiskdion, que leur permettoit<br />

fétat déplorable où ils étoient réduits ; Mais ils ne put s'empêcher<br />

de s'attendrir, en découvrant k Vflle Capitale, qui, de<br />

befle, ôe très-riante, qu'fl l'avoit laAïee, n'étott plus roconnoilkble-<br />

Afonre- \ Sa doukur redoubla même, lorsqifA fe vit privé de fon<br />

tj^'"jj^propre Palais, que les Sarrafins avoient entièrement renverrteau,<br />

povrfé, OU confumé, par ks flammes. Il fut réduit à loger dans k<br />

/e loger, j^^ffou du B^rou HuGUES DE LA BEAUIIE, qui avok été des<br />

moins endoiÉmagées, Se où la Reine s'étoit retirée. Si quelque<br />

^ofe put adoudr tant de lujets de trifteffe, ôc d'afflidion, ce<br />

fut k promotion au Cardinalat de HUGUES DE LUZIGNAN,<br />

fon Fràe, A^Bchevéque de Nicffie, que k Pape MARTIN Vavoit<br />

nommé à cette Dignké, dès f année précédente ; non<br />

moins en vue d'engager fe Sacré Collège, Ôs les Princes d'ItOo<br />

fie,k fecourir k Maifon, que pour l'obliger lui même à k réûliion<br />

de l'Eg^fe Grecqite a.yec la Latine, comme il fe défîroit<br />

CaA^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


»t CHYPRE. Litr. XIX. Cii.Vl 935^<br />

c H A p I T R E. VL<br />

Cette confoktion n'étoit cependant point capable d'occuper ^^^s.<br />

longtems un Prince , qui fe trouvoit réduit dans un fî tri- Article /.<br />

fie état; enforte qu'il retomba bientôt dans fa mékncolie ordi»<br />

naire. L'impui&nce, où fl fe trouvoit de racheter la Nobfef^<br />

fe, ôc fes autres Sujets, qu'fl avoit laiffés dans la captivité en<br />

Egypte, lui étoit encorej^ plus fenfîble , que k renverfement<br />

.de À Capitale, Se la deftrudion de k plupart de^f^ Etats.<br />

Il n'étoit guères moins dwgrin dc ne pouvoir marquer {^Caufesdeu<br />

reconnoiffance aux perfonnes, qui avoient eu k générofité de^edu^M.<br />

priver de leurs biens, pour lui procurer la liberté. Ainfî, fe voknt<br />

dénué de toute forte de mcMens, après avoir rendu de très-humbles<br />

aidions de grâces à Dieu pour k defivrance, il dépêcha des Ambaffadeurs<br />

au Pape, au Roi de France, ôc aux autres Princes Cl?;-^-// demande<br />

tiens deYEurope, pour fes prier de vouloir fe fecourir dans une ^JprZ/es<br />

fîprelfente n


9fo H I S T O I


DE CHYPRE. Liv. XIX. CH. VL p^^i<br />

fiftèrent. Le Cardinal de Cbjpre partit, après k Noce, pour<br />

fe rendre au ConcAe de Bâle, que fe Pape MARTIN V. avoit<br />

convoqué quelques années auparavant, Ôc auquel ce Pontife<br />

ne put pourtant affifter; Car A mourut d'Apoplexie, fe 21. dc<br />

Février, 14.31. E u G E'N E IV. fon Succeffeur, qui, après foa<br />

exaltation, avoit approuvé ce Concile, s'cxcufa de ne pouvoir<br />

s y trouver ; ce qui en cauk non feulement la prolongation,<br />

biais encore excita le Schisme, qui troubla l'Eglife, ôc tout le.<br />

le Ghriftianisme, ôcmit Eu G E'N E lui même en danger de perdre<br />

de la vie , par fe foulèvement du ^Peuple Romain contre<br />

lui,<br />

PHILIPPE VISCONTI, DUC deMilan, qui lui feifoitk rre»u5/«<br />

guerre, profitant des fréquentes citations, que le Concile fai- '^«"^^'EUfoit<br />

à EUGE'NE, pour l'obliger à s'y rendre, eut l'adreffe de-Znt-i^'£t.<br />

faite publier par NICOLAS FORTEBRACCIO, FRANÇOIS SFORZA,, fj^^'^^^^<br />

ôc fes autres Capitaines en Italie , de fauffes Bulles,, par les<br />

quelles A faifoit comprendre, que le même Concile avoit privé<br />

EuGE^NE du Pontificat, ôc l'avoit élu, lui VISCONTI, Vicaire<br />

du 5^* 5/V^^ dans tout VEtat Eccléfiaftique. Il furprit, par<br />

cette rufe, diverfes Villes, qui lui ouvrirent les portes. Les Romains<br />

même, fatigués des ravages, que les Troupes MilanoifesSsdroient<br />

jusqu'aux portes de leur Ville, prirent les armes contre ce Pa- x<br />

pe. Se faillirent à le lapider , ôc le percer de dards, lorsque<br />

n'y trouvant plus de fureté, il fe mit dans un Bateau fur<br />

leTibre, deguifé en habit de Moine, pour gagner une Galère<br />

Florentine, qui l'attendoit au port d'Oftie. .' .<br />

Enfin, les Prélats, qui étoient affemblés à Bâle, où ils n'a-^tt^ie/z/i<br />

voient été retenus jusqu'alors, que par l'autorité des Empereurs.<br />

SIGISMOND, ÔC ALBERT, ennuies des remifes d'EuGE'NE, ôc<br />

des translations, qu'A avoit faites du Concile de Bologne à Ferrare.<br />

Se de Ferrare à Floi'ence, les aïant déclarées fcandaleufes,<br />

ôc de nulle valeur, prononcèrent contre lui, le 2 5". de Juin,<br />

14.3p. une fentence de privation du Pontificat, ôc dédarèrent<br />

•Ddd ddd en<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ç^z HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

en même tem* le St. Siège vacant. Après quoi As élurent canop^^d^ux<br />

niquement AME' VIILDuc de Savoie, qui s'étoit retiré qudque<br />

te^^ ^ '^"^^ auparavant dans f Abbaye de Ripaille, avec fe titre de Souverain<br />

Pontife, fous le nom de F E'L i x V. ÔSspar-k A y eut eu-core<br />

deux Fapes à k fois j ôc deiix Conciles.<br />

EufeÈ'NE , qui s'étoit retiré à Florence, mépriknt ce que<br />

l'Affemblée éeBâle avoit fak contre lui, y tenoit pareiflement<br />

un ConcAe, au quel affiftèrent plufkurs Prélats d'Orient, même<br />

JEAN P A L E'O L O G UE , Empereur de Conftantinople j qui,<br />

. après plufieurs difputes, entre les Gr^t^, Seles Latins, dans les<br />

queflcs fes premiers eurent toujours du deffous, foumit de nouveau<br />

l'EgAfe Grecque à h Romaine; pendant que fe Concile de<br />

Bâle, ôc F E'L IX, defeurcôtéj afin de fortifier fon parti, cmploïèrent<br />

le Cardinal de Chypre k appaifer fes troubles, qui régnoknt<br />

entre fes Rois de France, Se d'Ang^terte,^Si, fe Duc<br />

deBoWgogne^<br />

Cependant fe Roi JANUS, au milieu de fes diêgraces, eut k<br />

fatisfàdion de voir terminer l'alliance de k Princefte ANNE, fa<br />

Fille, avec Louis de Savoie, Comte de Genève ; Mais A ne<br />

put avoir celle de reparer la perte, Ôt les malheurs de fes Sujets,<br />

1^54. ni de rétablir fis propres "affaires. Il mourut à Nicofie, fe ip...<br />

^"nLanus J^°> Ï4-14- ^pfès quekjuesmois de langueur: pkis accablé des<br />

disgrâces, qu'fl avoit éprouvées depuis fe commencement de<br />

de fon règne, que de fbn âge, aïant à peine atteint k ^f. année.<br />

Son corps fut idiumé pompeufement dans fl^ife de St,<br />

Dominique, autant regretté des Peuples, que s'A les avoit fait<br />

• jouïr des plus grandes profi)érites, tant étoit grande k tendrefl<br />

fe de fes pauvres Sujets.<br />

Il kiffa de fbn mariage, avec OIARLOTTE DE BOUTCBON^,<br />

quatre Enfans: JEAK, qui fuccéda à k Couronne; JAQUES,<br />

qui mourut peu d^ tems après lui ; ANNK, qui fut mariée au<br />

Comte de &enêve ; & MARIE fiancée à Louis DE BOURBON,<br />

FAs de CHARLES L Duc àe ce nom. II eut auffi deux, autres Garçons<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XIX. CH. VI - pfj<br />

çons d'une Maîtreffe, fun nommé Louis, Ôc l'autre PHE'-<br />

BUS.<br />

Quoi que fe Prince JEAN,fon Succeffeur, fut encore fort jeu- ^^ï^^<br />

ne, ôc fî foible, qu'A n'étoit guères capable de gouverner un |caq. '<br />

Etat, auffi accablé, que fétoit encore celui de Chypre, la Reine<br />

kMère, dont la prudence furpaffoit ceUede fon Sexe, voulant<br />

couper racine aux entreprifes des Princes du Sang, ôc aux<br />

nouveautés qu'auroientpu exciter quelques mauvais efprits, le fit<br />

fofemnelfement couronner dans PEglife Cathédrale, par le miniftèrç<br />

del'Evêque de Tortofe, qui lui conféra,dans un même tems, les<br />

Couronnes de Chypre, de Jérufalem, & d'Arméme, ôcfe chargea<br />

eUe même, avec un courage héroïque, de tous les foios<br />

du gouvernement, qu'EUe fut fî bi^n coi^uire, que fes Princes<br />

du Sang, fe grand Confefl, ôcles Peuples, en ^rent égafemeiot<br />

ktisfaits. Bien plus, cette habflePrmcefle, fut fi attentive à toutes<br />

chofes, qu'efle rétablit les finances Roïales, aurde-k 4^ ce<br />

qu'on auroit ofé l'efpérçr; ce qui lui attira des louanges, Seàè^<br />

appkudiffémens de tout le Public. Pendant tout fbn Régime, fl<br />

n'y eut jamais aucun trouble dans le pays. EUe entretint toujours<br />

une parfaite corre^ndance avec les Sarrafins dHEgypte,<br />

Se les Génpî^ de Famagoufte.<br />

- Les Chypriots y Se fur tout fe Roi fon Ffls, euffent été heureux,<br />

fi cette grande Princeffe eût vécu plus longtems, puisque,<br />

par fa fage conduite, elle auroit empêché faliénation des Fiefs<br />

de k Ç LeCardinal,fonBcau-Frère,aprkfamortavccd'autantplusde/irticie/r.<br />

douleur, que la longueur du ConcAe ; le trouble, ôc les embarras, *^7.<br />

que caufoit fe Schisme; la commAfion, dont A s'étoit chargé,<br />

de travaAler à l'accommodement des Rois d^ France, Se d'An-<br />

Ddd ddd 2 gleterrc,<br />

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Son maria-<br />

P44 HISTOIRE GEN.DE CHYPRE. Liv. XDf. CH. VT. •<br />

gleterre-. Se dut>uc de Bourgogne; ôc çnfin les'Abbayes de Stt.<br />

Marie de Pignerol, ôc de Ripaille, dont le Duc de Savoie favoit<br />

pourvu, le retenoient en Europe, Se ne lui permettoient<br />

pas de repaffer en Chypre,'?iuSitot qti'A l'aurbit fouhait^ foir<br />

pemr aider le jeune Roi, ^ fon Neveu, à rétablir entièrement fes-<br />

àffaires ; foit pour empêclier que la Nobleffe ne profitât pas de<br />

V^mjer fon bas âge, ôc dé fon peu d'expérience dans le gouvernement,<br />

^oiomef^'^ pourquoi, afki qu'As n'euffent pas le tems de s'emparer<br />

de fon efprit, ce Prélat traita, ôc conclut fon mariage avec M E'nE'E<br />

PALE'OLOGUE, Fiflé du Marquis de J/d«/^?^«A<br />

^^*^' ' Cette Princeffe fut conduite en Qy^^; Mais la'fatisfàdion<br />

cfe cette alliance ne fut pas de longue durée. A*peine, ks réjouïffances<br />

defon mariage, ôcde fon couronnement, yfurentefles-finies,<br />

qu'elle y mourut presque fubitement entre ks bras^<br />

^^w**^ de fon Epoux.- Gomme quelques perfonnes de fa fuite mouruw<br />

' rent de même peu de jours après, on attribua leur mort à l'imtempérié<br />

de Pair, qui cë^te annéé-k fut fort mauvais en Chyprei<br />

Si le Roi parut d'abord fort touché de k mort de k Reine,<br />

fon Epoufe, fon'âge, Ôcfon inclination, ne lui permirent<br />

pas de. demeurer longtems dans k trifteffe, ôcdàns k veuvage..<br />

Pour fe confdkr promtement du peu dé fUccès de k premièreaHiance,<br />

il envoïa demander H EL E'N E PALE'OLOGUE, FAle<br />

de THE'ODORE, Despote de k J/(?;*^i?; Ce mariage fut?<br />

riTe^n- l^^^ï^^ot conclu;" ôc, quoique cette Dame n'apportât pour<br />

tiu avec toute dot en Chypre, que le Nom d'une lUuftre naiflance, el-<br />

Soiogttc* fe y fut pourtant reçue avec des acclamations extraordinaires.<br />

Se fon couronnement célébré avec tant dé magnificence, qu'elfe<br />

fuîpaffoît ks renaiffantes commodités du Roïaume. On venoit<br />

m me d'y recevoir une nouvelk fecouffe, par unedefcen-<br />

> te des Sarrafins dans-le*Canton de Limifol, où, fous prétexte<br />

de ravager fes Gbmmanderies dcs'Ghévaliers dés Rhodes, avec<br />

lesquels ils étx)knr en guerre, ils démolirent plufîeurs Viflages,<br />

ôc y mirent tout; à feu, ôc à fang. .<br />

- HISTOI-<br />

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HISTOIRE GENERALE<br />

R O ï A° U M ES<br />

D E<br />

CHYPRE. DE JÉRUSALEM/<br />

D' É G Y P T E.<br />

L I P^ R E\XX.<br />

CH'A P I T R E P R E'M I E R.<br />

- (\M ^3;^3;/} a nouvelle Reine de Chypre, qui n'étoit pas Article r.<br />

«35^^^?x)5 moins fine, que^iritueUe, ne tarda pas à '*^**<br />

V^ ^}h. reconnoître la foibkffe , Ôc l'incapacité-du<br />

Roi, fon Epouxw EUe voulut dal>ord entrer<br />

dans les affaires du Gouvernement, dont Bromiiece<br />

bon Prince aimoit fort à être déchargé,'|^'^^^^"<br />

ôc prit enfin tant dempire fur fon elJDrit, veiie Reine:qp^efle<br />

dflpofoit feule des bénéfices, ôcde tous autres emplois, ' ^'^<br />

Ddd ddd i tant<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


94-15 H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />

tant Eccléfiaftiques, que Séculiers. Ceft pourquoi auffi on y<br />

vit bientôt triompher fe rité*


DE CHYPRE. LIV. XX. CH. L •p^.r<br />

/excuk de ne pouvoir admettre à Cette dignité un Sujet, qui<br />

faifoit profefllon de k Religion Gr^r^w^, puisqu'cUe ne pou-^<br />

voit être remplie, que par des Ecdéfiafliques Latins, qui maintinffent<br />

le Clergé, ôc k Peuple, dans k Religion orthodoxe, '^jj,pape en<br />

étoit b.Catholique, Apoflolique, Se Romaine, d'autant plus c^ilnommeun.<br />

en avoit déjà difpofé en faveur de GELAISE DE MONTOLIF, S!!<br />

dont la piété , ôc ks bonnes mœurs, lui étoient égakment<br />

connues^ .<br />

Le Saint Père écrivit, en même tems, au Grand-Msutre ^e<br />

Rhodes , Ôc à JEAN DE MONTELEON , Evêque de Famagoufte,<br />

feur ordonnait de s'emploïer avec chafeur auprès àsi Roi JEAN ,<br />

ôc de l'engager à faire promtement inftafler celui qu'il avoit<br />

nommé à l'Archevêché de Nicofie* Leurs remontrances cependant,<br />

ôc cefles d'un Légat, que fe Pgpe envoïa en Chypre,<br />

furent inutfles envers ce Prince mol, ôs efiémioé. EUes aigrirent<br />

teflement FeQ>rit impérieux de k Reine, qu'efle exfla fe<br />

MONTOLIF hors*du Rokume, ôc s'empara de tous fes revenus, L« Reinr<br />

dont fl devoit"jouïr; publiant, kns aucun égard pow fePontih JJ^fe^nomfe,<br />

que ce Prdat n'avoit qu'à fe contenter du titre d'Archevêque; •»


P4-8 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Le Grand-Maître, Se l'Evêque de Famagoufte, que le Pape<br />

avoit créé Légat Apoftolique en Orient, ne rendirent pas un<br />

moindre fervice au Roi JEAN; car As firent, par kurs bons offices,<br />

fufpendre fanathême, que le Souverain Pontife avoit réfolu<br />

de knper contre lui ; Excuknt ce Prince fur ks mauvais confeils<br />

des Perfonnes, qui étoient auprès de lui. Le Pape en pa-<br />

«445. rut fatisfàit, Se le reçut de nouveau dans fes bonnes grâces.<br />

Le puiffant fecours, que la Religion de Rhodes envbïa en Chypre,<br />

aïant fait décider ^e Beig de Scandaloro de fon entrépri*<br />

iè, ôc même obligé ce Prince Turck envoïer rechercher la paist,<br />

avant d'avoir commencé k^ guerre, le Grand-Maître même k<br />

fit conclure, à k grande fatiskdion du Roi JEAN , qui étoit mortel<br />

ennemi de tout ce qui pouvoit troUbkrfon repos, Ôc fes piaifirs.<br />

Le Grand-Maître, de fon côté, en fut d'autant plus aife',<br />

que cette rupture n'auroit fait que caufer de groffes dépenfes à<br />

fon Ordre, qui n'étoit déjà que trop incommodé par celles qu'fl<br />

avoit faites l'année précédente, pour fe délivrer des entreprifes<br />

du Soudan, dont le deffein avoit été d'affiéger Rhodes.<br />

Ce promt accommodement fut caufe, que lesaffaires du Roïaume<br />

reprirent bientôt kur train ordinaire ; c'eft-à- dire, que le Roi<br />

ne s'occupa plus qu'aux divertiffemens, ôc la Reine à difpofer<br />

de toutes chofes à fa fantaifie. Cette Princeffe altière,<br />

. - . ôc vindicative, qui ne pouvoit fouffrir dans la dignité Archiéfait<br />

mpoi-p)kop?\e un Prélat, qui en avoit éré pourvu malgré elle, Ôc qui<br />

^Sv^l' ^voit fait donner une atteinte à fon autorité, pouffée d'ailleurs<br />

(^fonCba. par ks inftigations de fa Nourice, ôc du GhambeUan, gens de<br />

^^'''"' baffe extradion, ôc incapables de fentimens d'honneur, corrompit<br />

quelques domeftiques de f Archevêque, qu'eUe eut la cruauté<br />

de faire empoifonner, avec .fon Chapelain.<br />

Reflexion Voik" ks fuitcs fâchcufes, qu'cpîouvent ordinairement lès<br />

politique, Peupfes, lorsqu'As Ont le malheur d'avoir des Princes incapables<br />

du gouvernement, ôc qui, ne voulant même pas fe donner la<br />

peine<br />

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DE CHYPRE. LirrxX. éat' • pi^<br />

^ine de s'en faire inftruire, l'abandonnent à des étrangers, ou<br />

k des Miniftres malicieux, ôcnon moins ignorans qu'eux; Tels<br />

que fétoient la Reine , ôc fes favoris , puisqu'outre les accidens<br />

funeftes, les irijuftkes, ôc les oppreffions , qui arrivent<br />

dans les Etats, As demeurent encore en butte aux infultes de<br />

tous leurs voifins, qui veuknt ks attaquer, parce qu'ils manquent<br />

d'ordre, de courage. Se de finances; ôc kurs Souverains deviennent<br />

le jouet, ôc la rffée des étrangers.<br />

Ceft pourquoi auffi leGrand-Caraman, qui n^ignorôit point ^^'^^^^^^<br />

k mauvaife conduite, ôc la foibkffe du Roi de Ci&y/r^, fuivant Ortnd'c».<br />

fexempk du Soudan d'Egypte ^ fe propok de l'affujettir, ôc de ""*°le<br />

rendre fon tributaire.^ Il fit, pour cet effet, de grands préparatifs<br />

par mer. Se par terre ; mais, comme A étoit plus pré^<br />

voïant que le Beig de Scandaloro ne favoit été , Ôc qu'A<br />

favoit que la feufe Religion de Rhodes pouvoit le détourner de<br />

cette entreprife, fl voulut famufer, en envoiant au Grande<br />

Maître un Ambaffadeur, avec de riches préfens, foit pour lui<br />

demander k continuation de fon amitié, foit pour lui faire favoir,<br />

quMant fait conftruire une bonne fortereffe, pour affurer<br />

le port de Stalicuri, qu'A avoit eftimé très-bon. Se (ijès- gn^jt^<br />

commode pour le commerce, il défiroit, que les Sujets de la décowtr.<br />

Religion en profitaffeftt', ôcy allaffent fibrement trafiquer; l'af'^'^' •<br />

forant qu'ils y trouveroient toute forte de bons traitemens.<br />

Cette Ambaffade5Ôc cette propofîtion,auroient &it d'autant<br />

plus de plaifir au Grand-Maître, qu'fl avoit autrefois recherché,<br />

pour fes Sujets, la liberté du commerce dans la Caramanie, &ns<br />

avoir pu l'obtenir ; Mais PHILIPPE MISTA CHEL , Ambaffadeur du<br />

Roi JEAN, arriva presqu'en même tems à Rhodes, pour l'informer<br />

des deffeins du Grand-Caraman fur flfe de Chypre, dont «44».<br />

le Souverain ne fe donnoit aucun mouvement ; fe contentant<br />

de recourir à ^affiftance de la Rèhgiôn, qui étoit fon refuge •<br />

ordinaire, Ôc dont les Habitans, imitant leurPrmçe, étoient<br />

djgvenus incapables de manier les armes; comme le Graiid-Maî-<br />

' Eee eee tre<br />

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k. extrêmement<br />

]^a effet,- fl connut autant; de, çbàgrip^ dp l^, réf$»Iul;ion. diji<br />

Grand-Caraman, que de^ i'inc^adjté ^ Roi, de Chypre, 4pfl|<br />

Hétoit à?, fon intérêt de cpnfervei: Igs Etatg^, foit par. i^port à k<br />

p'roxipfté, fçit par la cpnfî.déi;a,tipn ^ç çonfervjer les grands l?i^f^f<br />

qii'y çoflédoit fouÔrdre. ll fit afj^injîlèr le Co^efl, pouf:d^<br />

libérer fur les moïens. de détournçr çe nouvel orage, Àpîjéa<br />

plufîeurs propofîtions, 0|i ne typuva. pojnt. de ^ipiPèur e^é-<br />

^ dienjt;' que celiâ d'enyoï^r^ le, Çh^ajket. ^f>'Pf},• ^p VASJ^^I^NJ<br />

£?&' Commandeur 'de,p:oie,^ enChamp^^gpç;, en 4^î?ai[fadô au 0^<br />

RhodS ^^^^^ tapt.poiu:^lp,renjer.çier de,fon âi^^iju^.,^. îc de fes beamç<br />

dansc^te préff^fij qujs idp Coffir^,, qu'llf^foit; 4^fa4rQ recçvoir kvoi?îb}fe<br />

Maftm. . j^ç^^ dm^ fës. États l^s Sujets, de^ la Re%io^,, qui yo^droieij^ y<br />

dfer9Pïnpieccer,;''ôç.ppur.lui^^ ^nrey^e> lalqafq;^e%<br />

lemen|^,, qu'ils, yIferpient'a^qe^^^ avec tputç^/fpr^e d'amîtièfli<br />

Se c^ê.corpiajitéj ^qij'fl^, poi|i:^oiQpt, ^^touteljtçrté, ac;^^<br />

t^, ôc.yen^re ^toutes. les, .pi^ç^^flif^?, 4^V^^^ cojçivie^^Qieif tl<br />

^ f >fî?is.Q4 chargea^ e^^: i^e, ter;^?, ^ c;et i^^i^baf^eq^ ^, ^<br />

. rg^feul^f, ,, que^ fe Çfa^^,iv([aître, ni laR^lfgipj^, n^pQ^jroj^<br />

,,' éta))iir.,auçwi^ec9r;iefppu^ançeayqcj[uî^ si'il n^fç4^fî|lpif àup^n<br />

„ ravan,t.4^'la gpçrr.e,qij>l p^^t^d^ Roi de.Çiîi'/y'^j<br />

„ leur Allié, qu'i|s. étqi^Ç obligés, par J^0Wflrj>^,P^ ^ff^^>J^<br />

l'unique Pkc)3, qui,demeuroit au RjOi de Chypre,d^s triftruatfln • 4ii.C%yaIief VA^Sf^WN.<br />

9y te<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


»i CHYPRE. LIV. XX. ÛLL ^JI:<br />

fi ïè Cfen»^« voulût pèrfaier dans fon ddOrein,fln'ay^^^ qu'àpa^<br />

», fer promtement en Chypre,pmt en inftruire fe Roi^AH,Ôc<br />

i, pour fe'foUidtei* fortement k fortffl- de fa lédiargie. Se k agir<br />

„ avec vigu^r dans une affaite àuffi intéreffànte pour lui, ôc pour<br />

„ fes Sujets, qui aUoient courir risque de devenir Efokves, Ôc<br />

5^ lui même iributaîte dhm nouveau Tirm. -<br />

.^ C il A ï» t T R E IL<br />

Après iî^péditioUrde cet, Ambafkdeur , le Grand - Maitre AitideL<br />

renvoïa MISTACHIBL^au Roi JEAN, tant pour lui en rendre<br />

compte, que pour J'affurer» qu'outre k Galère bien armée,<br />

qu'A alloit lui envoïer, fe Couvent lui foumk'oit inceflamment;<br />

des.S^cQQXs bl^uçoupi fgixA confîdérables, en cas que fetCommanmahdeur<br />

de VASSELIN ne réùffit point dans k négodatioa auprts<br />

dyt Grand-Caraman. .> ,^


ffz HISTOIRE G E'N E'R A-LE *<br />

en n^pcia ion avec lé Miniftre du Grand-Maître ; Mais ce Chevalier,<br />

extrêmement offenfè d'avoir été la dupe de ce Barbare,<br />

fe. retira promtement en C&v^tf, de crainte qu'fl ne l'amufât enco*<br />

re par de fauffes conférences, ôc ne fit agir fa Flotte contre les<br />

Etats du Roi JEAN.<br />

jvisdonné l\ fît d'abord comprendre à ce Printe, qu'A falloir bien mucîiypre<br />

de uir fcs ports,ôctous Ics autrcsUcux,OÙfes Caraman^pouvoient<br />

•iL^Grand- ^^^^ dcfceute,'& dépêcher une Ambaffade au Soudan, pour<br />

Caraman. l'informer de la violence du Caraman, ôc lui demander l'affiftance<br />

néceffaire pour rej^endre le Château de Curco, ôc défendre<br />

fes autres Etats. Cependant, malgré toutes ^ces rémontrances,<br />

fimbécilité du Roi étoit fî grande, que tout ce qu'A<br />

fotkite, fut d'envoïer GALCERAN SUARES en i^)^/r, avec de<br />

riches préfens, pdur repréfenter au/So«


J DE CHYPRE. LIT. XX* CH. IL. pjj ><br />

ciierbit ijamais k le troubler dans fes Etats, ôc lui ff^droit au<br />

contraire tous les bons fervices, qui dépendroient de luL<br />

? LeRoi JEAN, qui n'étoit capabfe, ni d'entreprendre k guer- ^rtîcie a.<br />

re, ni de traitet de la.Paix, n'eut pas^plutôt reçu cette Let-^^iw, Eftre,<br />

qu'A en remit une copie au Chevalier de \ VASSE-^J^"^<br />

LIN, pour k porter au Grand-Maître de Rhodes. ^ Il fei écrivit ^«^^<br />

même, de l'avis de fon ConfeA, pour k prier de lui en dider<br />

la réponfe. Ce fage Chef de la Religion, qui connoiffoit mieux<br />

k foibkffe de ce Prince, que lui même, & l'impoffibilité où A . x<br />

étojt dattaquer, ni de fe défendre fans des fecours étrangers,<br />

lui fit réponfe, " qu'un bon accommodement ^ui paroifïbit pré-<br />

„ férable à une guerre, qu'il n'étoit point en état de foutenir,<br />

„ pourvu toutefois, que ce fût par feiitremife du Soudan, qui ne<br />

„ manqueroit pas dek faire obferver. 11 n'en fallut pas davan- iis'bumiut<br />

tage au Roi JEAN pour l'engager à fe conformer à foraçje de ^"^î|^J<br />

Rhodes^ II; n'étoit q^e trop difpofé à mamtenir fon repos, à quelque<br />

prix que- ce fut; 11-ordonna à fon Miniftre, qui fe trouvok<br />

auprès.du /5o»^tf« JACMACK MELEC-DAËR, de prkr '^^<br />

ce Prince d'interpofer fon autorité , afin que les conditions de<br />

k Paix lui fuffent le moins désavantageufes, qu'fl feroit^^poûlble;<br />

Et ce fut-là toute k faveur qti'A pût obtenir de k jÇo^r<br />

d^Egyptc^r- r,o\< . . ..-../.'^^<br />

Ce n'étoit pas fans raifon, que fe Grand-Maître de Rhodes^ /<br />

confeilloit la Paix au Roi de O^îX/y^^ 3 pùisqu'A n'auroit pu entreprendre<br />

k gjaerre fana. Troupes , 4ç kus argent, ôc que fès<br />

coffres en étoiçnC fi dégarnis, que, pour acquiteryk dette, que<br />

fe féi Roi JAN'U^^ fon Père,^voiçcontradée avec kRpligioi^<br />

à f occafîon d^ &n racliaù, ,fl fut obligé de lui céder le gros<br />

Bourg de T/^^/, aujourd'hui Arfos, avec toutesfpsdépenr<br />

imc09 dont ile ,Gçapd-Maî{re çommitjle foin au Çheyalier JA­<br />

QUES DE FossAT, indépendamment de kf grande Commande^<br />

rie, dontçe Bourg n'eft paê^f0rt éloignée., Toutes ces extrémités<br />

ne fureût pas capables'de rièn^hanger aux mauvaifes maximes de<br />

Eee* eee 3 ^^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


9 J4- H I B T- 0 1 ît" E G -E' N IS RALE<br />

nje tei/TeCé Prince timbédfe', ôc fainéant V ni le veaïdte ^« attentif ait^<br />

^"ll^Rei- gouvernement de fbn Roïattme, qui d&murck eoQjoms à k<br />

îT, îf/« diîpôfitioft de la Réiôè, & de fes créatures, les quelles toriti-<br />

'''^***'"' nuoknt à eii fdré un fi msltivais ukgb, que tôlit y alloit de<br />

mal enpis^^; defolte qu?fl ii^ft pas-'furprenant^ s^Afè trouvoir<br />

toujours diarts lés mêièefe néceffitéte, ôc fî tous tes petits iPrimces<br />

/«^/« des e&virôus faifoient^îontinueUeiti^t des entrqpri-<br />

'^^'•.. fe^.fur fes Etats.<br />

ArticiciJii LedBei^de 5(r^«^^/(9r&fur tout, quif, mtîgréleuraccommomehtpaifé,<br />

n'en avoit pas peïdu les idées, ^nimé pair l'exÈjmpfe<br />

du Caraman, fouhaîtoit feiuffi d^ faire quelque brèche;'<br />

mais, trop foible peiri- l'entreprendre feifl, fl s'allia avec divers<br />

iffu^R^^' ^"^res Princes de la Giliciei Ils âtttièrent COnjoÈStehient plumme<br />

de fiçtirs BâtiftiéHS de différentes gràÉdèOtt. Lellrs f répas«tife, que<br />

^'^* les chypriots auraient dû feépï-ifep, s'As âvoiéht eu l'^mfbre du<br />

COtii^deé HôÉnméé, les iiHàrmèrént fi fo^t^ Qu'ail Iku de fe<br />

mettre en-de^^dir dé iéfëndré leurs MôiîsV Uùfs famfllés, leur<br />

patrie, & letirflberté,ilàNèblëflbi ôc les Pëti|)tes, à Pexempfe<br />

de feur Roi, qiii, aux préirifers avis des deffeins de ces pe-'<br />

tits Sbâverains, fe'ééoit retiré dans le Château de Cérines, fe<br />

rêfbglè^ntdahëlèsCMteaux éfcarpés^dâilS les forêts i Ôtdans<br />

les lieux presque inacceffibles de file. Se abandonnèrent VAles,<br />

Bôtiigb, ôc Vfllàges, aux évèuèmens de k fortune; de forte<br />

chypre/tf- ^at kns kpromptitudfc, avec laqueflè le Commandeur JEAN<br />

courue par * i_ -, . A** i . .nt «; ± • /-• i<br />

ksCbeva- DÉ ViLLALBA, qui réfidoitenCîbf/JfiP, en (tonna avis au GrandaïodS.<br />

Maître, qui y-envoïa d'abord dfciKGalères, ôc plufieuw autres<br />

Bâtimens, fous les ordtes du Commandeur GEOKGE DE LAS-<br />

TIC, fon Neveu, ôc du Chevaher*GUILLAUME DE CHÂTEAU^.<br />

SECFj qui firent changer de conduite au Roi, Ôc à fes Sujets j<br />

fe Beig de Scandaloro, ôc fes Afliés, fe feroient fâçAement emparé!^<br />

de tout fe pays.<br />

Le Grand-Maîtite, non content d'avoir envoïé fes Galères<br />

au fecours du Roi JfeÀii» déj^êcha inctfàmment k Chevalin<br />

Pu*-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^ T BEilCHYÇRa Eiv,.XXriClï.H.i : p^^i<br />

BIEHRE^DECARRIOL, avec un Brigantin, vers fe Génâal BKIt^AJLD<br />

D£ VILLEAUIN, qui couroit les mers du Lea^ant, avec<br />

dix.Gafei|ea 4'ALPHONSE, Roi d'Amagon», pour l'informer da<br />

danger, qpe couroit le Rokume de Chypre, Se pour, le prier<br />

d'jdSftef un Fmnce C}brétien\, dont la confervation iqipoitoit) en<br />

gaiement à tous les autres J ôc lui! ac^uecroit en particufler une<br />

gloire, immortefle.<br />

Ce généreux Commandant Efpagnoi y ravi de ^ trouver une fî Articie/r.<br />

bdl^ occafion de fe fignaler, \ flembrafk avec beaucoup d^omp^f?fement,<br />

ôc fe rendit en Cbyfàe, où^fon,arrivée encouragea le^<br />

Roi, laNobleffe, Ôcle Pepple^ Savenue, au contraire, éton- ^seigip<br />

oafi fprtfesEonémiSi, qb'appréhendant de fuccomber eux mè- roXi^«î^<br />

mes, au liéude>furprendre, comme fls:fel'étoieHt5'propofé,ilsfe '^^ ^'^*'**<br />

defiftsèrent de leur^ntreprife, ôc deiaaHdè]:ent la paix une ^onde<br />

fois. DsPo^tim-ent^aAtec] autant de kcflitév que k première,<br />

parce que fes C^j^iptS'me pouvoient devenir Soldats ^ - ô(<br />

que feurs amis étoient fiuùgués d^ fréquens armemens, qu'il leur<br />

faUoit kire pour les foutenir: Auffi, leCommandeur dé LASTIG,<br />

à qui le Beig de Scandaloro s'addreffa pour la traiter, k conclut<br />

promtement, mais de manière qu'eUe fut affermie pour<br />

Ij^rteçpiS, j^uisje ^fi^%t-attaqué,^quçîjiqixe tems.^api?^. par><br />

le Grand-Caraman. Le Roi JEAN , a qui il eut recours, ôc<br />

qui n'avoit jama^été capable de défendre fes, propres Etats,<br />

prit les armes pour fe foutenir : Il attaqua fe Château de Stalicuri,<br />

Ôcle battit avecfant^ de fuceès,, que, pour ne, Je pas]aiÇ<br />

fèr perdre, le Caraman fot dbUgé de faire" fii-omtement la pai^<br />

avec fon voifin; '' ' H^ ^" ^<br />

Ceft la feule fois qu'on trouve que cq Prince ait, tijré r4>ée.^*^*«»<br />

Apffi, peu de temsaprèscet^e glorieufe expé;dition, kNoblef-yai^^^f/»,,<br />

feC^y^/à//f ,qui jusqtfaJlors s'étoit contputée.d^ murmurer con-,^"^°'<br />

trelé'mauvais gouvernement'de la Reine, perfoadée par cette,<br />

adion, qu'fl feroit devenu capable'de gouverner PÇtat par lui<br />

mpme, alk en corps lui repréfenter les injùitices, fes^vexationS)<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^S6 HISTOIRE GE'N E'R A LE<br />

tions, ôc les désordres, dont le Roïaume étoit accablé, „ ôc<br />

„ fe prier de reprendre lui même fes rênes du gouvernement ;<br />

„ ôc que fes Sujets étoient fi mécontens,' que, quelques atta-<br />

„• chés qu'fls lid fuflent, fl étoitii craindre qu'ils ne priffent en- •<br />

„, fin quelque réfolution, auffi contraire à fes intérêts, que pré-»<br />

„ judiciable à tout l'Etat." ils lui firent auffi entendre 5." qu'A<br />

» -étoit de fon honneur, ôc de k gloire, de corriger des abus<br />

„ fi dangereux, 'fi préjufliciabléij, ôc'fi dès-honorans pour un<br />

„ Prince, comme lui, qui ne devoit remettre à perfonne le gou-'<br />

„ vernement des Peuples ,. que Dieu-lui avoit foumis.!^ . ; i •.<br />

Quehjues prefkntes, ôc judicieufès que fuffent les rémohtrânces<br />

de la Nobleffe , ôc quelques igraiid» que fuffent fes griefs,<br />

^ dont As fe plaignirent fouvent à ce Prince, foit que fon imbéçilité<br />

nîM:urelle, ou Tafeendant que la Reine avoit iur fon. efprit,<br />

le fit d'abord retomber dans iès foihleffes, toutes feurs foUicita^<br />

tions furent inutiles; &;tout ce qu'ils purent en obtenir.^, après<br />

des redites infinies, fut de fe fitire confentir au Mariage de la<br />

Princeffe CHARLOTTE, k FiUe uniqite, avec JEAN DE POR^<br />

TUOAL, DUC de Coimbre.<br />

c H A p I T.R E ï IL<br />

Article f. /^ ettc afliance fot condue vers la, fir^ de l'an 14.5; 5. Ce Prinn.<br />

^rèfa' ^^ ce arriva'bientôt en Chypre, où, après avoir confomm^,<br />

om/^te foii Mariage, Aprit le Titre de/'r/^^ d'-^^i?^^ > que ppr-<br />

Ftiiemiqw toit déjà k Prinçcffe, fon Epoufe, Il ne démje^t;it point la bonv?cfeaA£<br />

ue ^opinion î que les grands du Roïaume avoient cpnçuç de<br />

Portugal, lyi^ Il s'apHqua d'abord à rétablir les araires du gouvernement;<br />

** ' fl commença par rendrç au QergéZtf/i«lapré-éminence, ôcles<br />

digqités^ dofit il avpit été privé;i4ç^ malgré les pppofitions<br />

de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIT. XX. CH. IIL 9ir<br />

^ k Reine, ôc de fes créatures, A le rétabht dans tous fes<br />

biens. lien ufa de même, à l'égard de diverfes perfonnes,//f*^^'<br />

dont les biens avoient été injuftement fàifis par ordre de cette ^"^''<br />

Princeffe. Continuant enfin fa judideufe appUcation, A déchargea<br />

le Peuple de divers impôts ; ce qui lui attira autant d'appkudiffemens<br />

des Peupfes,que la Reine, Ôcfes kvoris, s'en étoient<br />

attiré la haine, ôc les imprécations.<br />

. En effet, la conduite de cette Princeffe avoit été fi outrée en<br />

plufieurs occafions, que divers de fes propres partifans ne purent<br />

s'empêcherd'appkudir à ce changement, ôç au bon ordre, qu'ils<br />

voïoient dans le gouvernement ; Mais, comme A arrivé d'or-,<br />

dinaire que Içs bons fuccombent à la perfidie des méchans, k<br />

générofité, ôc la grandeur d'ame des premiers, ne leur permettant<br />

pas de foupçonner les autres de trahifon, ôc de baffeffe, fur<br />

tout les perfonnes qui leur font égales en naiffance, le Prince<br />

d'Antioche devint la vidime de fes ennemis.<br />

Il périç par k dépit ôc la jaloufie de la Reine fa BeUe-Mère;<br />

qui ne put fouffrir, que le gouvernement de PEtat pafïat en d'au-»<br />

très mains. L'amour, ôc la tendreffe, qu'elle auroit dû avoir<br />

pour un Gendre, qui travaifloit fi utilement au bien général du<br />

Roïaume ne purent attendrir fon mauvais cœur. Efle s'efforça<br />

inutflement, pendant près de deux ans, à k noircir auprès du<br />

Roi; faffurant, fans ceffe, que cet étranger, à qui ils avoient<br />

facrifié leur FiUe,ne fongeoit qu'à leur ravir k Couronne avant<br />

k tems. Efle park de la même manière aux Princes du Sang, ôc<br />

aux principaux Barons du Roïaume, fans pouvoir réuffir dans fes<br />

dffcours envenimés.. Tout fe monde étoit fi ktisfait de k bonne<br />

conduite, ôcde l'affabflité de ce Prince, que plufieurs des<br />

Barons, que k Reine vouloit foukver contre lui, ne purent<br />

s'empêcher de lui repréfenter le bien, qu'fl procuroit au Roïaume<br />

; Mais rien n'étant capable d'appaifer k fureur injufte. Elle<br />

vodut fe fatisfaire, aux dépens de fon honneur, ôcde kféflci^é<br />

de k Princeffe fa FAle. .*. . ^; * i<br />

Efffff ^' EUç<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


jçg HISTOIRE G E' N E'R A L E<br />

Article //. Efle eut enfin finhomanké de faire empoifonner fbn Gendre;^<br />

^^"îr' ôcde priver, d'une manière fî déteftable, cette jeune Princeffe d'un<br />

la /î Epoux fî vertueux, ôcfîdftçned'efle, auffi bien que lesCbyprioff^<br />

w! ' ^ ' d'un Priûce, qui kifoit toute leur efperance ; Ils étoient per*<br />

fiiadés, que fon adivitè, ôc fa bonne conduite, rétabUrok bien»<br />

tôt les affairés de l'Etat, ôc fe mettroit à couvert des infulteff<br />

de leurs voifins. D'aiUeurs, fls avoient plus que jamais fujet de<br />

^ï/JeTparS^krmerde ktcaïquête, que Sultan ME'H E'M ET avoit faitquelu'sTfui-<br />

^^ «iiiées auparavant de l'Empire de Conftantinoplt, que le$<br />

tan Méhé-Grecs avoient poffédé, pendant prés de douze fiècles. Tousle»^<br />

^^ HMorkns, qui ont traité de ce fâcheux évènemoit, ont remarqué,<br />

que te Grand CONSTANTIN, Fils d'H EX E'N E, en avoit été<br />

fe fondateur, & que CONSTANTIN PALE'OLOGUE, Ffls<br />

I d'une autre H fi'L E'Ni^, en fot le dernier Empereur. Cehii-ci<br />

fot tué, avec toute k femilfe , en défendant fa Capitale, dont<br />

k perte épouvanta fi fort tous fes Princes Chrétiens dt'Orient,<br />

que k ph^iart fe rendmsnPt volontairement tributaires du<br />

Sultan.<br />

Artîciei/z. Les Puiffanccs di Europe n'en forent pas moins aBarmées. CA-<br />

LïXTE lu, qui avoit ' fuccédé à NKXDIAS V. fe donna tous fe»<br />

Croifade mouvemens iinaginafefes, pour ks exciter à fe liguer contre l'enfrêebéepar<br />

n^jjji commun. Gc Pontifo fit prêcher k CrO^ade dans toute»<br />

ïope. les Provinces di'EuriJpe, écrivit de très-prefkntes Lettres à tou^<br />

les Princes Chrétiens , pour les prier de vouloir prendre le»<br />

armes, ôc le féconderons le deffein qu'A avoit formé d'arrêter<br />

les progrès des Ottomans^ Il fit même armer fcize Galères de*<br />

fai^gent, qu'avoient produit ks indulgences, qu'A avoit fait publier<br />

pour cet effet. Il les envoïa dans ks mers de VArchipel;<br />

mais cette expédition fut presque inutik, Ioit par le .défaut du<br />

Vstrl^che d''Aquilée, qui commandoit cette Flotte, foit par k<br />

^ réfiftance qu'efle trouva dans toutes fèècntreprffes. Ai^, ME-<br />

H«MET en fit-Afî peu de cas,qu'A ne fe détourna aucunement<br />

de k continuation de fes conquêtes dans k Falachie, oùflétoie<br />

entre ><br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


©E CHYPRE. Ltr. XXI CH. IIL p}ft<br />

éùtté, après k prife de ConU'aniinople ,kh tête de deux cens mflfe<br />

Hommes d'élite, ni de conduire fon armée vidorieufe dans<br />

k Hongrie, où A affiégea la forte Place de Belgrade; Et, quoiqu'A<br />

y échouât, par la bonne conduite du Vaivode, à qui le<br />

Roi ULADISLAS en avoit confié la défenfe, A n'en étoit pas<br />

moins rédouté des autres Peupks.<br />

Ce n'étoit pas fans raifon, ciselés Chrétiens d'outre-mer, fîir<br />

tout les Chypriots, qui, par la perte du Prince & Antioche, fe<br />

trouvoient kns aucun Chef,capable de les gouverner, ôc de les<br />

défendre, étoient confternés des différentes entreprifes, que<br />

faifoit le Sultan. 'Ils ne Tavoient ce qu'ils deviendroient, ÔC^^ÎT^O»<br />

étoient dautant plus embarraffés, qu'As n'avoient rien à eÇpb-ternatumT<br />

rer di Occident, où , malgré la bonne volonté, qu'avoient les<br />

Pontifes de ks affifter, les fecours étoient toujours tardifs, Ôc<br />

C mal conduits, qu'As n'en recevoient aucun foukgement; témoins<br />

les feiie Galères fous les ordres du Patriardie d'Aquilée,<br />

Se enfuite fous le commandement de l'Evêque de Tarragone,<br />

dont k voïage leur fut plus à charge, qu'utile.<br />

Auffi, le Grand-Maître de Rhodes, qui ne doutoit pas, que le<br />

mauvais fuceès du fiége de Belgrade, où le Sultan avoit perdu<br />

k fleur de fes^Troupes, ôc avoit été bleffé lui-même, ne l'enflammât<br />

de rage, ôc de dépit contre fes voifins, Se qu'A ne<br />

tombât avec toutes fes Forces fur fa Religion, s'appliqua,<br />

avec beaucoup de chakur, afaire augmenter les fortifications<br />

de Rhodes, ôc des autres Iks de fa dépendance, 6c k<br />

les munir , autant qu'A lui étôit poffibk, d'armes, ôc de<br />

provilfons. Il dépêcha, en même tems, divers de fes Chevaliers<br />

en Europe, pour informer k Pape , ôc les autres<br />

Princes du danger , que couroit fon Ordre d'être entièrement<br />

envahi par ks Infidèles. Il ne manqua pas de remoiir<br />

trer, par les Lettres, qu'A éo^ivit au Saint Père, l'intérêt,<br />

qu'avoit toute k République Chrétienne k k confervation d'un<br />

pays , qui coàtoit tant de peines. Se de fang, à fa Reli-<br />

^ Fff fff 2 gion.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ç6o HISTOIRE G E'N E'R AL E<br />

gion , ôc où efle avoit tous les jours les armes à la main,;<br />

pour défendre, ôc donner afife aux pèlerins, qui aUoient vifiter<br />

les Saints lieux.<br />

ArdcieJK. La furcurôc la rage de ME'HE'MET, après l'affaire de Belr<br />

furpnLns SV^^^ •> s'étant paffée, fon premier foin fut de faire un armede<br />

Méhé- hient naval, pour prendre, ou détruire les Iles, que les Latins<br />

^ poffédoient dan? r^ffo^/; mais l'entreprife de Trébifonde en<br />

retarda encore l'exécution. Il voulut fe vanger de k hauteur,<br />

avec laquelle USSUM-GASSAN , Roi de Perfe , l'avoit traité.<br />

Cétoit à ce Roi de. Perfe., que CALO - JEAN , Empereur de<br />

Trébifonde , avoit donné fa FiUe en mariage , dans l'efpérançe<br />

, que cette AUiance lui aideroit à conferver fes Etats<br />

de l'invafion.<br />

Le Perjan, qui s'eftimoit fon fupérieur en forces, ôc en dignité,<br />

écrivit à M E'H E'M E T de prendre garde de pouffer trop loin<br />

fon ambition, en ufurpant les Provinces de fes Voifins, principalement<br />

la Capadoce, qui étpit la dot dek Femme. ME'HE'-<br />

MET, outré d'un parefl compUment, s'avança jusqu'au bord<br />

de VEufrate, pour le rencontrer ; mais n'aïant pu fattirer au<br />

combat, après avoir fait de grands ravages dans tout le platpays,<br />

fl tomba fur la Papblag^nie, s'empara de Sinope, Se de<br />

toutes les autres VAles de cette Province, Se fe jetta enfuite fur<br />

celk de Trébijonde, la battit fi furieufement par mer. Se par<br />

terre,. qu'A s'en empara, prit l'Empereur même avec toute fa<br />

FâmiUe, ôc ks principaux Seigneurs de fa Goyr, qu'A conduis<br />

fit en triomphe kConJlantinople, ojùiA les fitenfuite cruellement<br />

mourir. Ainfi, cet Empereur finit auffi miférabkment fon règne,<br />

ôck vie, que l'avoit fait peu auparavant, celui de Conf<br />

t0ntinople, fans que k précaution de fon AUiance pût lui ferr<br />

.vir de rien. ^.^ ,<br />

Son vainqueur, au contraire, plus fier, ôc plus orgueiUeux<br />

que j[amais, park conquête de deux Empires, fit, fans perte<br />

de tems, augmenter k Flotte pour exécuter fe projet, qu'A<br />

avoit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIT. XX. CM. m: p6r<br />

avoit conçu fur les Iles de M Archipel; perfuadé qu'après de fi<br />

grands progrès, les Chrétiens confternés ne pourroient lui réfifter.<br />

11'ne fe trompa pomt Les Iles de Lemnos, Mordacio,<br />

Taxo,Se diverfes autres, qui font en face du Fleuve AchelaOs, ^JflJJ"^<br />

ou du Mont Athos, avec celle de Lesbos, tombèrent fous k /'Archipel,<br />

domination, les unes par force, ôc les autres par trahifon. La<br />

dernière fut flvrée au Général Turc par la félonie de LUCAIN ,<br />

parent du Seigneur de Cathalufe, à qui elle appartenoit.<br />

CeUes de 5/w/V, Lango, Lerro, Calamo, Se Nizzaro, appartenantes<br />

aux Chevaliers de Rhodes, avec un Bourg de k<br />

même Ile, furent entièrement ruinées ; de manière que la prife<br />

des unes, Ôck défoktion des autres,^jointes au maffacre de<br />

leurs Habitans, dont plufîeurs furent conduits à Conftantinople,<br />

Se furent affez kches pour rénier la foi de Jéfus - Chrifl, furent<br />

caufe que les Peuples des autres lies, épouvantés du fort de<br />

leurs voifins, allèrent volontairement implorer la clémence de<br />

M E'H E'M E T , ÔC fe foumettre à fa puiffance ; ce qui acheva de jetter<br />

la conftemation dans Rhodes y Se dans Chypre, dont Pennemi<br />

s'approchoit également.<br />

C H A P I T R E IV.<br />

Je reviens à ce Roïaume, dont la Princeffe CHARLOTTE kif^ Article/.<br />

foit les Peuples dans l'aflidion de tous kurs malheurs, ôc<br />

du pérfl qui les menaçoit ; car, foit qu'elk le crût encore<br />

éloigné, ou que la douleur, qu'elle fentoit de la mort précipitée<br />

de fon Epoux, ne lui permit d'être fenfîble à aucune autre disgrâce,<br />

au lieu des plaifîrs, ôc des divertiffemens, qui conveifDient<br />

à fon âge, ôc à fa naiffance, elle commençoit dès-lors<br />

à reffentir des chagrins très-vifs, ôc très-cmfans, ôc n'étoit uniquement<br />

occupée, que du défir de fe vanger, ôc de fe déflvrer pour<br />

Fff fff 3 jamais<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f6t H IS TOI RX IGE'N FR.A L E<br />

jamais de la vue importuné dè'fèà ^affins; màiSf pour comble<br />

dafilidionf efle voïoit triompher cher la Reine, fa nourice,<br />

ôc le GhambeUan, pendant qu'eUe n'ofoit presque s'y montrer.<br />

Tant cette Mère dénaturée lui préféroit ces indignes favoris,<br />

qui k rendoient odieufe à tous les Ordres du Rokume par les<br />

crimes, qu'As hii faAoient commettre envers k FAle.<br />

En effet, bien loin que la Reine gardât quelques mefures<br />

pour adoucir k jufte doukur de fa FAle, ôc qu'dle cherchât à<br />

fe juftifier de k mort tragique de fon Epoux, elle fouffrit, au<br />

contraire, que le Chambellan, qui en étoit l'auteur principal,<br />

revint de Famagoufte, où A s'étoit réfogié, après avoir accufé<br />

kuffement le Prince d'Antioche du meurtre d'un jeune Seigneur,<br />

que quelques Chevaliers de Rhodes avoient tué eii gens d'honneur,<br />

ôc dont les parens avoient doniné lieu à un foulèvement<br />

contre ce Prince, qu'on eut bien de k peine à appaifer.<br />

Le Chambellan, qui avoit, parfon impofture, câufê ce des^ordre,<br />

ôcqui ne pouvoit plus fe disculper de fes fauffetés, craignant<br />

avec raifon le reffentiment du Prince d'Antioche, s'étoit<br />

promtement retiré à Famagoufte.- Ainfi, ce fut lui, par<br />

fes fréquentes Lettres, ôc kMère, par fes affiduités auprès de<br />

la Reine, naturellement méchante, qui la portèrent à facrifier<br />

fon propre Gendre. Elfe fouffrit même, que ce fcélérat, couvert<br />

d'une infinité de forkits, Se noirci d'im crime auffi déteftable,<br />

parût dans fon propre appartement, comme pour en<br />

faire parade, Ôc infulteraux malheurs de k Princeffe CHARLOT­<br />

TE, qui, ne pouvant plus fouffrir fon infdence, ni k complaiknce<br />

que k Reine avoit pour lui, lui iit enfin défendre d'entrer<br />

davantage où eUe fe trouveroit.<br />

Mortificar Mats, bioi-loin de fe déUvrer d'une fi fâcheufe impcwtunité,'<br />

tion^mre- fà Jéfeufe uefcrvit ,qïi'à lui procurer unenouveUe mortification,<br />

^* ^'^ même fî mfuportabk, iqu'eUe acheva d'épuSèr fa patience. G*<br />

tis mortification étok, en effet, bien grande pour une Princefe<br />

Iç wiique 9 & préfoji)itive Hériti^e de la Couronnç. Car la<br />

' J Rei^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Lnr. XX CH. IV. i . pô^<br />

Reine, non contente de l'en avoir reprife aigrement, foi dit,<br />

„ que k GhambeUan ne venoit au Palais, que pour k fervice<br />

„ du Roi, ôc pour le bien de l'Etat, ôc k menaça publique-<br />

„ ment de la traiter, de manière qu'elfe auroit Iku de s'en ré-<br />

,-, pcntir long-tems, fî die continuoit de méprffer fes anciens<br />

„ domeftiques. Une conduite fî dure, ôc fî injufte, porta k<br />

Princeffe CHARLOTTE à prendre k réfolution den prévenk les<br />

effets, Ôc fe vanger des injures infupportabks, qu'efle recevoit<br />

tous ks jours.<br />

Pour y réuffir, elle S'adreffa k JAQUES, Ffls naturel du Roi,<br />

contre lequel l'autorité de k Reine avok toujours échoué, quelque<br />

grande qu'eUe fut. Ge jeune Homme étoit le fruit des<br />

amours de ce Prince avec MARIE PATRAS , Dame de l'Archipel,<br />

qui s'étoit retirée à k Gourde Chypre, après k perte de<br />

fes Etats. U aimoit fî tendrement ce cher Fils, beau, &, bienfait,<br />

que, quoique pût faire, ôcdire la Reine, fl lui avok été<br />

iittpoffibfe de le lui faire haïr. Au contraire, plus efle inventoit<br />

de calomnies contre lui, moins de foi y-ajoutoit fe Roi; deforte<br />

que ne pouvant avoir prife fur l'Enfant, cette Princeffe<br />

avoit attaqué la Mère, à >qui, après mAle injures, eUe ent k<br />

rage d'arracher le bout du nez avec fes dents, d'où vint que*<br />

ks Grecs l^appeflèrent depuis Cmomuthéne, qui veut dire 2^2;<br />

tronqué. n<br />

Ce fot donc à JAÇ^LTES, que le Roi avok nommé à l'Arche-^ Article n;<br />

véché de Nicofie, que CHARLOTTE eut recours. EUe lui fit un^/j^J<br />

récit fi touchant de fétat, où la rédoifoit i'infbdencc du Cham- ^^^ /"<br />

bdian, qu'fl en fot frappé, ôc promit k k Princefie de k van- vArcbeotger<br />

bientôt de ce téméraire ; foit qu'A eût quelque fiijet de mé- SJ^J^/r<br />

contement contre Kii; ouqu*fl ne pût fouffrir, que cevA étran- ^\^^^^<br />

ger troublât fe repos de k naaifon Roïaie. En effet, fl n'yman-


p6i, H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />

nir parole à la Princeffe, Ôc fe fatisfaire lui même, fl fe transporta,<br />

dès le lendemain, accompagné de deux fcélérats iS«:iliens,<br />

à k maifon du GhambeUan. Feignant d'avoir qudque fécret<br />

d'importance à lui communiquer, fl fit retirer tous les domeftiques<br />

; Ôc, pour tout compliment, fl lui porta un coup de poignard<br />

dans la gorge, en lui diknt hautement, "que c'étoit k<br />

^.^^^^^ „ récompenfe, que dévoient attendre ceux qui manquoient de<br />

//cèam- 35 refped pour leurs Princes. A' ces mots, les Siciliens s'avancè-<br />

^n^mîdeTa ^^^^ ' ^ achevèrent le Chambellan, fans qu'fl pût proférer une<br />

Princeffe, feuk parôlc, ui kus qu'fl fût poffible aux domeftiques de les<br />

h Reine! arrêter, quelques efforts qu'ils fiffent.<br />

Le Peupk, qui haïffoit le Chambellan, ôç qui cliériffoit JA­<br />

QUES , favorik k retraite dans l'Archevêché, où il fe fortifia, ôc<br />

affembla incefkmment tous fes amis, afin de pouvoir réfifter<br />

aux tentatives de la Reine, qui ne manqueroit pas de tout mettre<br />

en ukge, pour vanger la mort de fon favori; Mais A étoit,<br />

en même tems, perfuadé que, quelque reffentiment qu'efle pût en<br />

avoir, le Roi ne permettroit jamais, qu'eUe fe fervît de k force,<br />

ni de la violence, contre lui.'<br />

En effet, cette Princeffe vit manquer fon pouvoir dans une<br />

affaire, qui l'intéreffoit plus qu'aucune, qui lui fût jamais arrivée.<br />

Car,: malgré fes cris, fes emportemens, les grands mouvemens<br />

qu'elle fe donna, ôc toutes les remontrances, qu'elle fit au<br />

Roi, Ôc qu'eUe lui fit faire parle Vicomte de Nicofie, qui lui<br />

-; préfenta la Mère du^Giiambelkn, toute é{Aorée, ôç déchirant<br />

fes habits; malgré même les remontrances', que quelques Seigneurs<br />

lui firent, qu'A étoit de fon honneur, ôc de fon équité,<br />

de punir les afl^ms d'un des principaux Officiers de k Cou^,<br />

ronne: Tout ce qu'en put.obtenir la Reine fe réduifit àla confifcation<br />

des biens de f Archevêché, dont le meurtrier étoit en<br />

poffeffion ; Car, foit que la timidité naturelle, ou l'amour du<br />

Roi pour fon Fils,le fit agir, A déclara ouvertement à la Reine,<br />

pj qu'Ane voùlo^t point entyeprendte dç Iç fprcçr dans l'Arche-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7, JOÉ CHYJPREo Lrr. IIOL^CH; IV/ TT 5r57.<br />

,,. véché, crainte démouvoir ^elque désordre pkis confidéra- • -<br />

„ ble, que celui dek mort duÇhambdlan. , ...[ .<br />

Cepeiidant, comme A connoiOroit fhunieiir vindicative,:^e' Artîciewr..<br />

cette Prùiceffe, doat k doukur, ôc^k dépit avoient même fcnftTl<br />

altéré k fanté> ôc iqif fl iaraigiioit enfm, qu'au défaut de la for- •<br />

ce, eUe ne fe lervk du poifon, pour faire périr fon FAs, comme<br />

eUe favoit pratiqué envers le Prince d'-^«/wr^, il le fit fecret-.. .<br />

teraent averti^ de fortir promtemenc de. k ViUe, &;de paU^er à,<br />

lîjbo^tff, où A trouveroit un afile affuré. .; . -^ j<br />

, 11 écouta?, .ayec foumiffion, les/bons avis du^Roi;binais. Sj/ïr^wf/^<br />

voulut, ayant départir, tepter toute^;ks vpks, d^nti il put ,^2^^'^^ .^<br />

s'avifer, pour appaifer fdprit de la Reine. Il pria même. (^ con- P*^^fa faire<br />

fon 4nçUnatipn altière ) CALoaiAN SUARES , Connétable du'<br />

Roïaume ; JAQUES GURRI , Vicomte de Ni^fif ; ôc un Moine-<br />

Grec du Couvent de Mat^kana, qui étpit leÇon$bffeur de laReir:<br />

joe ,^ d'implorer fon pardon, Se k reftitutiQfi, de fes bien^.;, Mai^<br />

toutes fes fupflcations aïant été inutiles, ^flefcalada,^pendant<br />

une nuit, les murs dek ViUe, accompagné de ROLAND su<br />

MONT , fon Qiapqjaifi, ôç de^Aiii INENG, fon Ecuïer,, ô^rfc^<br />

resoçliçiaux Saj^s,- ou c^'fl fe crût plus affurié fur; une; Galère<br />

Flotentine, qu'il rencontra;, en fortant du Port, ôc^ntkCa-^<br />

pitainelvioffrk fes fervices, il s'yembHrqut, ôc paffaài^itz?»/?-<br />

^^ir,5pùfe.Çapka|B?e,ayQk,guelques affaù^esî^de^commerce, ol ^^^'r '^<br />

. :ît^ japuMeflc de ïe|n^rquewent[ de,jAQ|p»>dieva de^d^^^ •''--^'•<br />

P^rer k R|^5 .W .^ flattoit^l^p^î^^detr@^vel:ksi^<br />

de le facrifier aux mânes dé fon tàwri-nElfe fe^idéchaki^ contre<br />

k tendreffe, que le Roi avoit pour çe'bâtard ; Se, ^afin de le<br />

rendre plus odieux aux Peuples, ôc fufped à ce Prince, eUefit<br />

pubUer, qu'fl ne s'étoit retiré auprès des Génois de Famagoufte,que<br />

pour machiner contre fEtat,ôc pour engager cette Nation,<br />

qui en avoit toujours été crueUe ennemie,à lui prêter main for-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


p^' H IS TOI R-E-t G E'Sr B'^R A L E<br />

te pour ufurper la Couronne, ôc fe rendre fe tiran, ôc du Printe,<br />

qui lui avoit donné k viejr ôc de tous fes Peuples.<br />

Ce dffcours,(]fue k crainte, autant que k malice de kRehIe,<br />

faifoit publier par fes créatures, perfiiadée que, fie JA^BS avoir<br />

jamais le pouvoir, A ne ms^querok pas de les"facrifier tous ki<br />

fon^ rdfentimeiit, altérèrent pourtant Tàffedion, qôe le Roi avoit<br />

• peur lui. Comme- k foibleffe le rendoit ^xtiémement foiq^-^<br />

çonneux, il ceffa, non feulement de le faire fecourir dans fon*<br />

exA, mais encore, après^ avoir confolté fe Cônlëil fupérkur, il<br />

'^envoïa BERNARDRIZZON, Mdaréscli^l deCJtyprei kFdmOgoùfie,<br />

Pvarfwte P^^ fe demander aux G^wj, avec ^ ordre de leur dédarer k<br />

ctmeiui. ga&tte, s'As réfofoient de le donner.<br />

Ce Miniftre, qui étoit grand partifàn de la Reine, ôc ennemi<br />

fécret de JAQUES , s'acquitta , avec chaleur , de k commAfion.<br />

NOn' cpntent d'avoir fàit^de grandes infknces air<br />

Gouverneur de Famagoufte', qui sièxcufi de n'avoir aucun<br />

peravoir fur k Galère Florentine, où étoit embarqué la per-<br />

. fonne quil lui demàndpit, A fit encore tout fon poffible<br />

pour gagner le Capitaine, auquel il offrit jooo. Ducats<br />

d'or; mais ce Galant-Homme, préférant l'honneur à l'intérêt,<br />

bkn-lôin d'écouter k' propofîtion, s'ai! offenkfi fort,<br />

que, poiîr lui marquer le mépris, qu'A^ faifoit de fa perfonne.<br />

Se de fon argent, A lui tourna le dos, kns lui faire<br />

aucune* réponfe. 11'mit inceflamment à la voik, conduifit<br />

Barrivià fon- paffiiger à Rhodes, où le Grand-Maître, Ôc la Religioa<br />

"" fe reçutent, avec de grandes marques de diftindion , comme<br />

ils avoknt coutume dé le pratiqaer envers toutes feS'Perî<br />

pm99 de condition, qâi y sibordofent.<br />

CHÀ:<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fT J t)E CBYPILE, tiv.XX.^/ CH.-iv.r; r^<br />

C H A P I T R E V. ••)<br />

Pendant (pie JAQUES jouïffoit des bons traitemens des Cheva- Article/.<br />

Uersi, k Reine de G&y^^ préoccfipée de fes paflkms, ôc<br />

du dépit inconcevable qu'A eût échappé.à k vangeance, étoit<br />

extrêmement irritée contre fes Génois, sxe pouvant fouffrir, que,<br />

kns confidérer, qu'As lui avoknt autrefî^is accordé un afile^ pour<br />

fon kvori fe GhambeUan, dont elfe pfeuroit exicore la perte.<br />

As l'euffent donné à fon ennemi déckré; .par, une déteftable politique,<br />

qui fut enfîflte bien funefle à CHARLOTTE, k Fille,<br />

' efle profita de l'abfence dejA^QfJEs, ôcde l!aliénation de l'efprk ^^'jf'J<br />

du Roi, (pour opprimer tous ceux (^'çfle connoiffoit, ou qu^eUe Reine.<br />

foupçônnoit être dafisfesintérets de cette Princeflê. Sous divers<br />

prétextes , elle fit confisquer les biens des, uns, privant de char^<br />

ges, ou exiknt les autres, ôc les perfécutantrenfin tous, kns<br />

en épargner aucun.<br />

Le Père GUILLAUME GoifêME étoit du nombre de ceux que CàraSêre<br />

k Reine vouloit perdre. .C'étoit un Homme de mérite» ôc coifême^<br />

kvant, mais vindicatif, ôc peu fcrupufeux, H avoit pris l'Ha- 9"^*"*^<br />

bit de St. Augyftin, dans Pe^^ance de s'avancer à. k Cour de<br />

Rome : mais, comme A n'avoit point l'efpritfouple, ni k bourfe<br />

affez garnie, pour fatisfaire Ikvarice de,ceux qui, fous prétexte<br />

de .gratiffer, vendent dièrement fes grâces, qu'As accordent,<br />

A ne put réùffir. dans ^es projets. Ceft ce qui l'avoit engagé<br />

à revenir en Chypre, où A s'étoit attaché à JAQJ/ES ; ^Etril .<br />

avoit fu ^i bieu s'infînuër àk Cour, que .fc Roi l'avoit choifi<br />

pour fon Confeffeur.<br />

La Reine craignoit toujours, qu'il n^cut fai-effe de çsveifler<br />

la tendreffe du Roi pour fon bâtard. Le Père ÇoKêME,^qui,<br />

de fon çôté> nignproit pas, ^e fe Clokre, ni k.vk retirée,<br />

Ggg ggg 2 qu'Ai<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ç6o HISTOIRE G E' N E' RALE<br />

qu'A menoit, ne le mettoit point à couvert de Pindignation de<br />

cette Princeffe, afin de l'éviter, prit le parti de "piîteri*Rhodes,<br />

pour mêler fes mécontentemens à ceux de fonProtedeur;<br />

.' ce qui ne manqua pas d'-être biên-tôtd'rfn j^éjudice infini pour<br />

tout le Rpïaume de Chypre. , . ^<br />

En effet, JAQPES, bieri-îoïi de penfer à en troubler<br />

tranquilité, ôc eimuïédé fe trouviôr à Rhodes faiis sû-géiït, "<<br />

entièrement privé des revenus, dont le Roi, fon Père, favoit<br />

gratifié, s'étoi^ adrefle au Pape, ôc l'avoit très-humblemént fiiplié<br />

de votAoirémpfoïdrfon autorité;pour le faire inftaUerdâhs<br />

PArchevéchié dé Mcdfit*,^^ où ' A auroit jpùï- de fes revenus indépendamment<br />

dé k Rieine. . .:->iii-i i . - '<br />

La Reine Mais k préfence, ôç fes Confeils vjoiens du Père GoNêME,<br />

T^FrS' fans ks quds A n'aurok peut-être jamais entrepris ce qu'A fit dans<br />

j^"^^^J>;Ma fuite, joints àiix(Madee, qu'A trouva àkCoAr deiJow?,'<br />

des Lettres, k caufe des preflàutes Lcttrcs, qué^cette Princeffe avoit fait<br />

fue eecrtt. ^^j.jj.g contre luî aù Pôntifé, ôc dont quelques-unes,' qui tombèrent<br />

entre fos mains, lui aprirbtit k contiiiuation dé k fiaine,<br />

Se les mauvais offices, qu'elle lui rendort, par k minfllère<br />

de plufîeurs Grands de kCour; t;out'cela fit, qu'A ne fongea<br />

plus à l'Archèvéchê, ôç ^'occupa uniquement "des moïens de<br />

fe vanger de fes ennerhis, •^^'<br />

Article//. Sur CCS entrefaites, arriva à Rhodes le Père SULPICE, autre<br />

Religieux Auguftin, que GALIXTE IIL envoïoit en Chypre,<br />

pour ménager le mariage de BALTHAZAR BORGIA , fon Neveu,<br />

avec; la Princeffe.CHARLOTTE ; mais, foit que ce Miniftre<br />

eût de mauvaifes inclinations, ou qu'A crût mieux rèûffir<br />

dans fa commiffion, en rendant fervice à JAQUES, A eut l'im-'<br />

prudence de la lui communiquer. Se de lui fournir une fomme<br />

confidérable de fargent, que le Pape lui avôit confié, pour gagner<br />

les fuffrages deySdgneurs de la Cour, qui en auroient<br />

pu facAiter la conclufion. Ce ReUgieux s'oublia enfin fi fort,'<br />

que, quoique revêtu du caradère de Légat, A entra dans le<br />

raau-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


%i 3 pt CHYPRE. Lrr,XX. GH: "7: : pôi<br />

^mauvais deffein de-JAQUES, ôcde GoNêME^s.'émbarqaa avec eux^*'^***furuneGalèreÇi2#4/x exeès,<br />

^maflbn,^ Ôc •allèrent continuer leurs affaffmats fur quelques au-Jîît. ^**'<br />

très Barons, qui ne lui étoient pas moins contraires; Se ce ne<br />

.fof,(lue-fe retour du jour,qui termina cette fanglante tragédie.<br />

THOMAS GURRI , Frère du Vicomte, qui, par l'amitié,<br />

que MARTINENG, fun des conjurés, lui portoit, en fut le premier<br />

averti, publia ce desordre ; ce qui obUgea k bourgeoifie<br />

à prendre les armes, en attendant que le Roi y remédiât<br />

Cependant la bienveiUançe de MARTINENG ne put empêcher,<br />

que la Maifpn de THOAUS GURRI ne fut faccagée, comme<br />

l'avoit été ceUe de fon Frère; ôc les meiUeurs effets de fune,<br />

ôc 4e l'autre, furent tranfportés à l'Archevêché, où toute k<br />

troupe des r^vokés^fe retira.<br />

Ce nouvel attentat, qui étoit, en effet, plus criminel, que<br />

le premier, puisqu'A n'avoit coûté la vie qu'au ChambeUan,<br />

fit accourir non feulement toute ^k Npbleffe , mais encore<br />

tout le Peuple au Palais Roïal, où les plus zdés pour k juftice,0/»/«<br />

fécondant "fes exclamations de la Reine, s'éforcèrent de repré-ij."*'*<br />

Icnter au Roi l'énwrmité de ces entreprffes,' qui mcttoient k<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f^ H f .'S T O TR :E G lÊ/ n W RALE<br />

propre perfonne, ÔcièsmeAfeurs Si^ecs,dans le continuel chnger<br />

d'être livfés,, par un jeune Ôc éffréirô Mbertin, àla furcw<br />

d'une f troupe d'afÉflfins.<br />

f ^-; Le Confâil Jbpérieur, qui s'affembk d'abord, fut du niême<br />

fentiment; mais, malgré k crainte, qu'ils inl}>irèrent tous à ce<br />

-Frince, ôc BaHarme que diacun d'eux conçut en particufler,<br />

•toute Pémotion, ôc le fracas, que cauk f adion de JAQPES, fut<br />

modérée ; foit qu'on craignît quelque CatâHrophe encore j^u»<br />

grande, ou qu'on reconnût, que fe Roi n^étoit pas auffi fâché<br />

contre lui, qu'A -témoignoit.. ' Les principaux du ConfeA fuirent<br />

lies pcémkrs à excufer fes excès, attribuant fès viofences<br />

au défe%©ir de jfe voir privé de fes-revenus, ôc aux mauvais<br />

confeils des Perfonnes, qui fe» trou voient auprès de lm. Ils. fo<br />

contentèrent de faire'foplier ce Prince de kire fortir du Itoau-<br />

. me tous les étrangers, qu^A y avoit introduit», ôc de kti'feire,<br />

* ' en particufler, ; mie févère corredion, qui pût à l'avenk fe retenir<br />

dans foa idevoir. r<br />

ArticieJ/r. 11 fe Conforma à Ï leurs avis, ôc nomma les Barons BERNAI(DII«(<br />

2"j^"2g^ PALESTRIN, JULIEN DE I^EKRAS, ÔCPAUL CROCO, pour afler<br />

dédarer à JAQUKS la bonté, qu'il avoit àe lut pardpimer fa revolte.<br />

Se -fes' attentat^,, pourvu-qu'A fe comportât à favcnir;,<br />

avec fe refped, ôcfaffodion, qu'Adev^t à fà Perfonne, ôcà.<br />

fes/Etats. JAQUES témoigna d'abord beaucoup de reconnoiffance<br />

k ces Seigneurs du fervice, que le Confeil venoit de lui rendre,<br />

A: une grande'fertfibiliré pour l'indulgenee, ôc k continuation<br />

des bontés, /jue^ fe Roi avoit pour lui ; ^ mais , n'ofànt s'affurer<br />

de k tendreffe, ni fur les protef^tionsde ces Députés, crai-<br />

:gnant d'aiUeurs que, k Reine ne fit jouer qiiélquc kachme, qui<br />

xhangeât toutes ces bonnes difpdkions, A fut allez audadeu^<br />

pour leur déclarer; „ qu'U ne'kifferoitfbrtir de fbn Pakis aucun<br />

,„. dé.ceux qui^avoienëexpoféUeurvk,pour lui rendre fervice,<br />

„ fp^kRoi ne s'iengag^ypar HnA^'à''tentîqùe,it'fes kire<br />

.» rcaaâduifeiCiifiiitetéà^feuiS'Bât^ remis<br />

n lui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BÉ CHYPRE. m.XX. C£V. il 5»5<br />

i] lui même dans k jouïffance des Biens, qu'A tenait atipara*-<br />

„ vant de k libéralité.<br />

Quoique des difcours, ôc des prétenfioife fi hardies, dâffênt)^^rf^7taB^^<br />

aggraver le crime de JAQIÏB6S foit qu'on lippréheridàt-lès'entre-''^'«^'îûfer<br />

prifes, ou que le Roi n'eût point la- force» He^ lui rien réfuter,''^^^'^"'^"<br />

ce Prince fdufcrivit aycu^raent à toutes fes d&rafandès, fiés<br />

me en préfénce du Baiife' de Fénife, que JAQUE» avoit eu la té^<br />

mériré de prendre, comme garant du-Traité, qui n'étoit pas<br />

moins avantageux pour fès intérêts', que dè's4iortorant pour* le<br />

Roi. Il eft vrai, que la Reine s'y feroit immanquablement oppoféfe,<br />

fi fes indlfpofitionsle lui euffent permis; mais elk étott<br />

fî malade, & d'aiUeurs fi fîlchée, de ce que, malgré fon fentiment,<br />

dn avoit envoïé des Ambaffadeurs en ifcfvo^, pour condurre<br />

le mariage de la Princeffe CHARLOTTE j avec k Prince de<br />

Piémont, Fils aîné de Louis, Duc de Savùie^, & d'ANî«i' de<br />

Chypre, qu'elfe ne put avoir aucune connoifknce dé-ce-qu'on<br />

traita avec JAQUES , qui, accompagné du même Muiîftré Fénitien<br />

, Se de plufkurs perfonnes de qualité, que la poUtique y atitira,<br />

fe rendit auprés du Roi, comme fî fès forfaits lui euA<br />

fent fervi de triomphe. fi-<br />

' Il excita fi fort k tendreffe de ce foibfePrince, en fe jéttaiïtjExr^xrftf<br />

d'abord' à fes^ pits avecbeaucoup de foumiffion, que ce bon Pè- ^^' ''»<br />

re, oubliant toutes fes erreurs^ ôc les dépkifirs, qu'A en avoitfî/xn^i"<br />

reçus, n'eut pas la fwce de hii dire un mot de k corre(^n,"''<br />

qu'if s'étoit propofô de lui faire. Bien pkw, dès cette prémiè^<br />

re entrevue , fl' lui accorda-la €Îié»^ de Ficomte de Nkofie.i<br />

pour JANUS DE MONTOLIF , à Ptttduften de plufieurs Semeurs,<br />

qui y auroient. If fit même payer ies wkures, qui tran^rtèrent<br />

à C^mrJ les dépouifles des OfKckrs de k Couronne, dont<br />

lés maifony avient été pillées par les bngaadiJ, qu'il avoit<br />

amenés. '<br />

Si lès énormes entreprifes de JTIQUES demeurèrent inçunîe*;<br />

la conduite (ftr^lét du L^, &r fe mauvais ukge, qu'A fit<br />

de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


pôji. n i S T o IRE G E^N r.Çi A^ E<br />

de fon crédit, ôcdefon argent, reftèrent: également fans châtiment,<br />

par la mort du Pape, qui avoit hoHoré ce mauvais B^eligieux<br />

d'une fi belle çoihmiffipn.: Il fe. tenoit cach^ avec le Père<br />

GoNêME, fon compagnon, Ôc auffi vertueux qye lui, dan»<br />

f Archevêché, où JAQUES, dont les inclinations s'acçordoiciit •<br />

parfaitement avec les leurs, ôcqui, d'aiUeurs, leuravoit beaacoup<br />

d'obligation, les amufoit, autant qu'il lui étoit polîibk.^-<br />

Mais, fi le Roi fut»fi facAe à lui pardonner fes crimes, les<br />

Perfonnes, qu'A avoit offenfées, n'eurent pas la même indulgence.<br />

Ils ne purent oublier faffaffmat de leurs parens, ôc le<br />

pillage'de leurs Biens. ; THOMAS GURRI, quoi qu'Eccléfiafti.^ ^<br />

que, confervoit un fi vif reffentiment de'k mort de fon Frère,<br />

ôc du faccagement de fa propre Maifon, qi^'û méditoit, fans.<br />

ceffe, les occafions,. de^ s'en v^ger. * Pour y parvenir, A^ eiit;<br />

l'adreffe de gagner une Dame, à,kqueUe un jeune Homme de<br />

- > baffe cppdition, très-avapt dans ks^bonnes grâces de JAQUES,<br />

m médite avoit CU k. liardieffo de prétendre. Pour plaire à une Perfonne.,.<br />

jsques. qu'il aimoit tendrement, ce Ganimèdé oublia, h fiddité, qu'il<br />

devoit à fon Maître, ôc promit de laiffer ouverte Ja porte de.<br />

k Chambre, où ilscouchoientenfemble, malgré^lesmurmures»<br />

, que caufoit leur commerce inkme dansj tpute la famAle ; mais<br />

k bonne fortune, qui avoit toujours accompagné ce bâtard,,<br />

fe garantit encore du danger, auquel ce perfide, l'expofpit. ,.^<br />

• ^ GURRI ,^ Se. quatre Satellites,. mioiflres^ de k^foreur,. s^étant<br />

ihtTpd^its d^n$J'Arrfi^#:hé pendant la i^ui^, feroient jimma-^<br />

guabk|ûent parvenus jusqu'î^ lui, : fi quelques dpméfliques, q\â<br />

^'étoient amufés au jeu, rne kseuffoit ent^ndus^ de-fprte qu'As<br />

prirentfî promtement ks armes, q^e ceux qui étoient allés pour<br />

fes affaffinerpcnferent perdre vie eux^mêm^s, Ôç ne fefauvèrent^<br />

qn'àvec beauçoup^^de pçii^r l^'aUarme des.^domeftiqués fit<br />

éveAler JAQUES. IlTut d'abord informé de ce qui y avoit donnéjj^i^;<br />

mais,çopimcril cherchoit à réparer,ce.quê^ conduite<br />

j;dfe; avoit gâtié, Ai que fa. foibleffe étoit exceljivé .pour,, ce<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liy.XX. CH. V. r p6f<br />

)eune garçon, bien loin de fe plaindre, ni de faire aucun éclat<br />

de fa trahifon, A eut la complaiknce de le garder auprès de lui,<br />

ôc k générofité, non feulement, de pardonner à GURRI fon<br />

attentat, mais encore de lui confier fadminifb-ation des affaires<br />

de fa Cathédrale, ôcde k propre maifon, fans que fa grann<br />

de confiance, ni fes bienfaits pufïent lui attirer f amitié de ce<br />

Prêtre, qui, ne pouvant lui nuire autrement, s'avifa de l'accufer<br />

fauffement devant le Roi, qu'il tenoit BALTHASAR BOR­<br />

GIA, Neveu du Pape, caché dans J'Archevêché, dans la réfolution<br />

de lui faciUter fenlèvement de Ja Princeffe CHAR­<br />

LOTTE.<br />

La crédulité de ce Prince, ôc l'expérience qu'A avoit déjà Artide/r.<br />

faite des entreprifes de JAQUES, lui fit envifager cette affaire,<br />

comme très-importante , ôc très-fàcheufe , d'autant plus qu'A<br />

fe trouvoit engagé avec la Maifon de Savoie; de forte que, pour<br />

éviter cet accident, A prit k parti de fe retirer, avec fa famAle,<br />

dans la Citaddle, dont A fit même redoubler là garde ; ôc,<br />

voulant fe guérir de fon inquiétude, A envoïa chercher JAQUES ,<br />

qui, étonné d'une pareflle fauffeté, lui fit milk proteftations<br />

pour l'affurer du contraire ; ]' Se qu'A n'avoit jamais penfé à fa-<br />

,, vorifer le Neveu du Pape,- qu'autant que cela auroit pu fai-<br />

„ re plaifir à ,Sa Majefté : Le priant de confidérer, que ce n'étoit<br />

.„ qu'une continuation de la malice de fes ennemis, qui inven- '<br />

„ toient cette impofture, pour lui faire perdre fes bonnes gra-<br />

5, ces; ,ôc.que, pour preuve dek fincérité, A aUoit lui envoïer<br />

„ le Légat Apoftolique, afin qu'A apirît,) de fa propre bouche»<br />

„ la vérité^du fait, dont A s'agiffoit.<br />

Le Roi confentit à voir cet if^digne Miniftre, plutôt pour<br />

lui reprocher l'irrégularité de k conduite, ôcle mauvais ufàge,<br />

qu'A avoit fait de k commAfion, dont k Pape l'avoit honoré,<br />

que pour un plus grand éclairciffement fur une chofe, dont A<br />

commençoit à être perfuadé du contraire ; Et le Père SULPICE,<br />

qui étoit bien afle de commencer à fe juftifier de fes adions? y<br />

' ' Hhh hhh aUa<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


pèS H I 6 T O.ï R E CE' N È^R-A L E<br />

alk kns aucune difficulté, accohipagné de JEAN GRANDI,<br />

Chanoine de Ste. Sophie, qui s'étoit informéde toute chofe dans<br />

un vGïëge, qtfA'^vbit fait kRôme, ôc'même par k continueUe<br />

fréquentation, avec JA^ES; Mais la Reine, qui, pendsdat fes<br />

intervîflles^de fanté ; reprenok, avec fon autorité, toute k haiiîeyôc<br />

fa foreiir contre JAQUES y kns fe mettre en peine de k parole du<br />

Roi, fit arrêter lé Légat, ôc conduire prifonnier au Château de<br />

Cérines, où elle lui fit endurer plufîeurs tourmens, pour lui faire<br />

avouer ce que lui, ni fes complices n'îtvoicnt jamais fait^ ni<br />

pehfe? - '^ - -^ -^- . . . : (ff--<br />

Sa détention auroit été plus longue, ôc fes foufirancès'plus<br />

g;imndes,'^fi îeRôi, qui en fut enfin informé, n'eût appréhendé,<br />

que, quelque coupable que fut-ce Religieux, on ne lui reprochât<br />

qu'A avoit violé le Droit des Gens. Il le fit mettre en<br />

liberté, ôc fe contenta de lui recommander, que, s'A vouloit<br />

s'épargner de plus grands chagrins, A ne fe mêlât jamais des<br />

affaires de fon Fils, ni de ceUes de fon Etat; de forte qu'A<br />

«'efîima encore bienheureux d'en être quitte à fi bon marché.<br />

' La fàuffe allarme, qu'avoit eu la Cour fut bkntôt fuivk<br />

d'un véritable fojet d'afflidicm. Gé fut la nouille de la mort<br />

du Prflice de Piémont. 'Elle foiVk intoédiatement la concfefion<br />

de fon mariage avec GHARLOTTEÎ fe iarsq^^és'Ciiypri^i attendoient,<br />

avec empreffemènt:,' ce Prince, pour reprimerl^mi)ition,<br />

Ôc la pétulance de JAQUES. Il afpiroit fi ouvertement<br />

à la Couronne, que fes adhérens lui'donridient*déjà^ FiHè du<br />

B.di. La tendreffe de fon Pète étoit montée, jusqu'à ne4oaloirplus<br />

écouter les plaintes,-qu'on faifoit coiitlt-çë'Hlsj àe<br />

1 lui enremcttoitmême les'méhïokès. '"" '<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7 j »E: CŒÎYFRE. Lif. XX CH.-V[I.I; iSbSf<br />

i- -<br />

.1 o .1 Jl\, t -'<<br />

>:> :o . '. . ':> ... ';i/p ^'iIliKla<br />

: c H A FZvT.R E: -cVL>.oî.iî .coaui<br />

• . ' ., * • - ' » '1 V A<br />

Là Reine fût fî.pTqùée de cet aveuglément, qu'eUe en de- Article/<br />

vint comme PKrénétique ;'de forte que le grand'crédit de<br />

ce bâtard, joint aux foupçons, quek^nourice^db œtte'Prin- .^ ^^ceffè<br />

lui infpiroit, ^ lûr ^k àei^in, ' qu'A pouvoit' a^dr dîattenter 5"gi tt.r;l<br />

'tê-<br />

à fa vie, la rendirent fi craintive, qu'elle fit renforcer k garde ^^<br />

de fes âppartemèns, où elle'Vivoit avec tant'de litéfiàicê:; ôc jj-jc^. ,<br />

des drèénfpedièn,' qu'efle rtéfufoit même audience^ au* -perfon- "•;'>] ;'^,<br />

nés, qu'elle écoutoit-auparavant avec beaucoup^dô^pfeâffi-.<br />

f '^ Cette ^andê^ rétraite, là tobduite isapétieufoi dlîjA^ES,<br />

& le'deB^rdrë gâiéraldes afetrefe^de^'Et^,'éeôi(a^^^ que<br />

"drjcun s^ômprdfoit à'fôlîkker le R^,. dé JfiiaMèrp^bttfeement<br />

à k Frincèffe, k FiUe, un Epoux , ' qi* pût lui aider à remé-<br />

^er à^cous ces adieux iittonveniens. Se- que donnât Un Succeffeur<br />

à la Couronne. .zo'cû'r;^i<br />

^2^'GéTriâC€^y%o}è très-dîfpofé.L"es feules oppofî^ki^s de k<br />

-R^èieéii itt'àfrdëfentl'feffél?. Êlk avok JfôflerftiuA pkifîr fécret<br />

^ k-nSortd'iir'Frinee de PîémùnPl Se ne pouvoit entendre parler<br />

de la nouveUe AUiance,qu'on avoit propofeeâVec fe Comte<br />

de)jÇr«^^,fQn Frère ; Mais les. grandes jpbjig^tionsyqiie feRoi ^<br />

J J^AJ>^ avoit.^au Duc Louis.,, ,fpn Beau - Frère:, &^ l^a^dipn^ qu'il<br />

confervoit toujours pour If,Prin­ceffe fa Sœur, ne lui permirent<br />

JamaLs-'d:enXendre parler dr'aucune autre AlUance. Ces confidé^<br />

ration)^- l'emportèrent enfin fur tous ks fiy-upufes, ÔB for fes<br />

;çraint?qs ^ k Reine, qui.nepouvoit confentir à un mariage, fi<br />

jçont^rff


(J8 H I S T O I R E . G E' N' E' RALE<br />

SAT, Gouverneur de la Princeffe en Piémont, pour propofer<br />

fon mariage avec Louis, Comte de Genève,. .<br />

Le Duc, fon Père, reçut ces Ambaffadeurs, avec autant<br />

de plaifir, que de diftindion , ôc conclut avec eux cette Al­<br />

Uance, le lo. Odobre de l%n'i4.58. LesiArécles en furent<br />

arrêtés, ôc fignés le même jour, en prefence de plufieurs Prélats,<br />

ôc Seigneurs de la Cour. Les void: '<br />

Traité de ''• i°- QuefeComte de Genève, en qualité dé Mari de laPrinîî^wfa<br />

• ^^^^ CHARLOTTE, iprendroitsd'abord fe Titre de Prince<br />

Princeffe d'Antiochc. : \j[) . - : - f U; . I<br />

^Loïiif* • ^°« Qu'A feroit affigné à k Princeffe, fa Femme , pour<br />

^«lèvc '•-^" ^°^' k jouïffance de.Terres, ôc de Châteaux, jusqu'à la<br />

Somme de 6OOQ, Ducats dç rente. ,,<br />

3**. Qu'après la confommation de leurniarjiage, la Nobleffe,<br />

ôc tous les autres Ordres du Roïaumei ^ Çhy^^, lui renf<br />

1 ' droienti hommage, lui prêteroient :f^ment de ffdél^té, ôc<br />

Article //.<br />

:;:>•<br />

.(11.<br />

ite reconnoitroient pour leur vrai Souyeraip, en cas que<br />

le Roi, fon Beau-Père, vint à mourii: kns,Enfans mâles<br />

légitimes. .^: :or>(Ô ;: ij/n-:<br />

+**. Que, fî la Princeffe: GjgARLOTTjE, fon Epoufe,, venpit k<br />

décéder.i fans Enfans,rie Roïaume ne laiflerpit pas d^p-<br />

. (: partenir à fon Mari, comme vraij Ôc légitime fiérkier de<br />

k Couronne. /. ..(L ./,.,.<br />

Pendant que ces Miniftres réùffiffoient, avec^tant de -foccès,<br />

'dans leur Nêgodatiohï'jAQUE^, que cette Afiiaricej^ivoit de<br />

l'efpérance de la Couronne , ôc qui^ avoit jusqu'alors poffédé<br />

f Archevêché, Ôc fes grands revenus, qui y étoient attachés,<br />

même kns l'agrément de la Cour de Rome, où il n'avoit plus<br />

ofé faire aucune inftance pendant la vie de GALIXTE III. qui<br />

avoit de fî juftes fujets de plainte conf relui, recourut alors à<br />

E N E'E SIL VI o PI c o L o MINI, qui lui fuccéda au Pontificat,<br />

^us le nom de PIE. Il étoit d'une profonde érudition; ôc A ne<br />

fe<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XX CH. VI. p6p<br />

• fe fit pas moins admirer, en quaUté de bon Poëte, d'èxceflent<br />

Orateur, ôcde grand Hiftorien, que par fon zèle à conferver<br />

la pureté de la Religion Ortodoxe. t<br />

Ce fut à ce Pontife que la Reine, entendant mal fes intérêts, Dignitéde-<br />

Se ceux de la Princeffe fa FAle, écrivk fortement, pour H re- j^quts/**'<br />

préfenter le danger, qu'A y avoit de donner la conduite de la ^refùfée<br />

principale Eglife du^oïaume à un Homme fanguinaire, ôc vio- ^Tigueae<br />

lent, qui avoit déjà troublé l'Etat parl'affaffinat des principaux ^«*«*»«•'<br />

Officiers de la Couronne, Ôc qui ne pouvoit fake qu'un trèsmauvais<br />

ufage de cette Dignité. Ses inftances capfèrent à JA­<br />

QJJES le refus de ce qu'A demandoit ; Ainfi, rebuté des obftacles,<br />

qu^A trouva, A réfolut de prendre un parti plus convenable<br />

à fon inclination, ôc à fes intérêts, à quoi contribuèrent<br />

beaucoup les confeils de quelques Nobles Fénitiens, qui réfidoient<br />

en Chypre, principalement'MARC CORNARO:<br />

Ce jeune Seigneur, qui aimoit extrêmement la dépenfe 5 s'étoit<br />

fait quelques mauvaifes affaires à Fénife k ce fujet, Ôc avoit<br />

paffé en Chypre, pour y vivre avec plus de Uberté", ôc une<br />

pompe proportionnée à fon incUnation, Il n'y fut pas long-tems,<br />

kns être connu de JAQUES , devenkr fon,compagnon<br />

de débauche. Se lui attirer plufkurs partifans, ; fans que k Reine,<br />

dont la knté étoit entièrement 4>uAèê j pût y mettre obftacle.<br />

Elle s'étoit même retirée dans le Couvent de St. Dominique,<br />

efjiérant que le changement d'air contribueroit à/aguérifon<br />

;< mais elle y fut, au contraire, d'abord furprife d'une paralifîe,<br />

qui la rendit entièrement perdue, ôc ne lui laiffa rien<br />

de libre, que la langue. - ii -^ ^Î,^ - J - \ nSf.<br />

Dans cette extrémité, comme eUe envikgeoit PAlUance de<br />

fa Fille avec le Comte de Genève, avec encore plus d'horreur<br />

qu'auparavant, eUen'emptok les derniers momens de fa vie,<br />

qu'à tâcher d'en détourner l'accompliffement. Quèlqui:s Auteurs<br />

avancent même, 'qu'elle s'emporta,' jusqu'à lui donner k malé-<br />

3ïdion, fi eUe y confentok. D'autres Ecrivains,j que GUICHE-<br />

Hh\ hhh i NON,,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


97© H I S T O I R E G E'N E'R A.LE<br />

NON a fuivia, afftirent, au contraire, que ce fut k Reine elk<br />

même, qui propok. Se fit conclurre ce mariage. Le premier<br />

fentiment eft pourtant plus conforme à fon caradère, ôc à k<br />

Religion Gref^tt^; Coix quik foivent y font fifcrupuleufement<br />

attadiés, qu'aucune confidération ne fauroit ks engager à y dé*<br />

- t€>g&r. Se ne fe marient jamais que hors du quatrième degré<br />

d© confànguiniré.<br />

£.^'^ Quoiqu'A en lok, l'AUiance de CHARLOTTC avec le Comte<br />

de G^«^


m CïiYîPREi Xi»;^XX. 'ri VX i' ïï' y?»<br />

•entièrement à CHARLOTTE, ÔC au Coirite ée


X4S«'<br />

: r ,.<br />

^?ï HISTOIRE G'EN, DE CHYPRE. LI^.XX.CH.VI.<br />

ment fixe. Son corps fut inhumé dans PEglife de 5/. Dominique,<br />

avec plus de pompe, que d'éloge, ne laiffant à fes Sujets<br />

qu'un trifte fouvenir dek foibleffe, Ôc de fon incapacité, qui<br />

les avoit fouvent réduits à une extrême mifère, ôc fait effuier<br />

des^injiires, ôc des injuftices hien grandes, pendant près de<br />

ip. ans, qu'il avoit régné. ^<br />

-•••h<br />

HISTOI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE .,<br />

D E S V<br />

R O ï A U M E S<br />

CHY.RE../JÉRUSALEM.<br />

D' É G^Y'P T E.<br />

L I V R E XXL<br />

CHAPITRE P R E'M I E R.<br />

a mort fubite de ce Prince fit bientôt chan- article /.<br />

ger la face des affaires, fans pourtant les ren- nS^


j74^ H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

fiiite couronnée le prémkr jour de Septembre; Mais, foit que<br />

fes mauvaifes maximes, que kii avoitûnfpiré la Reine fa Mère,<br />

ou que les pernicieux Confeils des Ennemis de JAQUES^ la fif*<br />

fent agir, eUe le traita uvec fi peu de Confidération, malgré<br />

Phomieur qu'A avoit eude luifair^i^hoilimage k premier, ôcde<br />

lui prêter ferment de fidélité; G^Archevê


_.Dï CHYPRE. LIT. XXI.* CH. I. p??<br />

far'tout les Eyêques.de ce rite,qui publioient hautement,qu'A$ ^"^^^^^<br />

ne reconnoitroknt jamais.fe Comte de Genève, ni pour feur «m ja-<br />

Souverain, ni pour légitime .Mari de CHARLOTI^E, par raport 3"^r/r5f<br />

au premier déarré de parenté qu'A y avoit entre eux,ôc quiren- demdres<br />

- .« o , . , . ' . . . , . . 'i' '^ dans r Etat»<br />

doit, non feulement, feur mariage mvaude, mais qui attireroit<br />

encore la maledidion du Ciel fur tout le Roïaume, comme k<br />

feue Reine favoit prédit. jrr<br />

JAQUES , qui n'ignoroit pas, que les mauvais traitemens,<br />

qu'il recevoit de la Reine, provenoient des malignes im^^'effions^<br />

que lui donnoient fes Miniftres, liû en fit des plaintes , ôc<br />

s'efforça de k perfoader de la fincérité de fes fentimens, Ôc de<br />

fon attachemeiit à fes intér ts; l'affurant de plus, " que, màl-<br />

„ gré la découverte, qu'A avoit faite, qu'HECTOR CHYVIDES,<br />

5><br />

Vicomte de Nicofie ; BERNARD DE ROSSI , Connétable ; TRIS­<br />

TAN GIBLET, THOMAS PARDO, ÔC quelques autres des pré-<br />

mkrs de k Cour, avoient été caufe de l'affront, qu'on lui , .1<br />

avoit fait, en arrêtant k Suite à k porte du Château, & avoknt<br />

„ tellement furpris k religion, à elle même, par leurs calomnies,<br />

„ ôc même par kurs feux raports, qu'elk avoit ordonné au<br />

„ Confeil de le faire arrêter, pour le mettre en lieu de fureté,<br />

„ ôc hors d'état de pouvoir rien entreprendre, qui pût troubler<br />

„ fe Roïaume, il. vouloit bien oublier toutes ces injures; ôc<br />

„ que, pourvu qu'elle voulût lui rendre fes bonnes,grâces, Ôc<br />

„ l'honneur dek confiance, A n'entreprendroit jamais rien qui pût<br />

„ lui déplaire, ôcattendroit patiemment tout de k juftice; bien<br />

„ perfuadé, qu'elle .ne manqueroit pas de reconnoitre k cî^n-<br />

„ deur, Ôç fbn innocence ; mais n'aïant pu adoucir fon efprit, ni k<br />

faire revenir de fes préventions, A réfolut de ne plus rien ménager,<br />

ôc de travaiUer, de tout fon pouvoir, àfe vanger de<br />

tant d'ôuQ-ages.<br />

Il recourut au confeA d'xVNDRE' CORNARO, ÔC des autres Fé-^<br />

nitiens, qui, comme fes amis, ne kiffoient édiapper aucune<br />

lii iii 2 occa-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^Y6 H I S T OIRE G E'N' E'R A L E<br />

occafîon de fomenter fes' mécpntentemeris.^ Il les informa''de<br />

fes deffeins, Se les pria de lui fournir les moïens de les exécuter<br />

; ce qu'As firent avec joie. Il avoit d'autant plus befoin de<br />

leur fecours, que, pendant qu'A fes confultoit , BERNARDIN<br />

FRANCIN, Capitaine des Gardes de k Rdne, étoit allé, avec<br />

200. Hommes, à l'Archevêché, pour l'arrêter Cet Officier,<br />

fâché de ne l'avoir pas trouvé, kccagea foU Palais, fous pré*texte<br />

qu'A s'y trouvoit divers papiers de conféquence, concernant<br />

les affaires de l'Etat; mais, comme Ane toucha point aux<br />

écuries, jAQUEsfe confola fadkment du refte, Ôc ordonna à fes<br />

domeftiques de conduire fes meiUeurs chevaux au Village d'Aglagea,<br />

oùûfe rendit lui même à l'entrée de k nuit, & arriva<br />

jaques/.ffl/ «aux Salincs-zu point du jour> en compagnie de MELCHIOR PAtt!^^urfe<br />

TR AN,: fon Oncle maternel, du Père GoNêME, dc JEAN VERfaire<br />

un j^I , NiCOLAS MORABIT , PlRRON DE MARIN, PAUL CHUS,<br />

parti contre y - ^ - r » r r%t 1 ' o * t n<br />

? h Reine. GEORGE BUSTRON, fon Secrétaire, oc quelques autres de fes<br />

plus afidés; avec lesquels A s'embarqua fur un Bâtiment, qu'AN-<br />

DRE' CORNARO lui avoit fait préparer ; quoi qu'on prétende que<br />

Î459. ce fût fur la GaraveUe de MELCHIOR GARIMBERTI^, qu'A fretta<br />

lui même, ôc qu'A fit mettre inceffamment à k voile pour Alexandrie.<br />

Il y arriva fans aucun obftacle, tandis que la Reine,<br />

ôc là Cour, aUarmée de ce qu'on difoit, qu'A avoit voulu<br />

commetre de nouveaux maffacres, pendant la nuit, faifoient<br />

faire de grandes perquifitions dans Nicofie, où ils le croïoient<br />

encore: Tant As étoient^peu capables de conduire la moindre<br />

affaire. Ils n'aprirent que le lendemain fon départ des Salines,<br />

avec autant d'appréhenfion, qiie d'étonnement, perfuadés que<br />

fon évafion ne pouvoit être que très-funefte au Roïaume.<br />

:; La Cour fut bientôt confirmée dans cette opinion, par quelques<br />

Marchands de retour d'Egypte, qui affurèrent qjie le Sou-<br />

' dan MELECH-EL-SARAF l'avoit reçu favorablement. Cependant<br />

k crainte, qu'avoit la Cour, ne lui fit'pas prendre ks mefures<br />

néceffakes, pour s'oppofer. à fes entreprifes. Tout ce qu'ils furent<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


'f<br />

DE CHYPRE. LIV. XXI. CH. I. :î ^yr<br />

Tent faire dans une fi preffante occafion fut d'envoïer des Ambaf^<br />

fadeurs au Comte de Genève, pour preffer fa venue; mais, ^*^^<br />

comme , malgré toutes leurs inftances, ce Prince ne put fe<br />

rendre à Fénife, où A devoit s'embarquer, que vers la fin de<br />

l'Eté de 14^9. ôc qu'A n'arriva en Chypre qu'au mois dOdobre.<br />

JAQUES eut tout le tems, qu'A lui failoit3 pour avancer ^'g^^'*'<br />

fon deffein en Egypte, Se s'y faire un fi puiffant parti, que le Reine,avee<br />

bruit, qui s'en répandit, mêla beaucoup d'amertume aux fêtes, Ge?ève,$<br />

ôc aux réjouiffances, qui s'y faifoient pour le mariage, ôc le "^o"^^^/»»*<br />

couronnement du Comte de Genève, qui furent célébrés le 7. veiie.<br />

du même mois dans l'Eglife de Nicofie, où A reçut, dans un<br />

même tems, les trois couronnes de Chypre, Ae Jérufalem, Se<br />

d'Arménie.<br />

Au milieu de ces appkudiffémens, ce Prince reffentoit, en<br />

foii particufler , une féçrette inquiétude, d'être obligé de commencer<br />

fon règne dans une conjondure d'autant plus fâcheufe,<br />

qu'A trouva l'Etat dépourvu de tout ce qui auroit été néceffaire<br />

pour le foutenir, ôc qu'A n'étoit point à portée de recevoir de<br />

fa Maifon, ks fecours, dont A auroit eu befoin.<br />

C H A P I T R E IL<br />

La prefence 5 ôc les confeils de plufîeurs Seigneurs Savoïards, A«icie/,<br />

qui favoient accompagné, dont les principaux furent<br />

PHILIPPE DESÉISSEL, AME'DE GENE'VE, GUILLAUME D'A-<br />

LiNGE , ANTOINE BEUNCH , JAQUES DE LUIZIEUX , SIBUED<br />

DE LAURIOL, CLAUDE DE BRIORD, ANTOINE DE LA BALME,<br />

JEAN, Seigneur de Lornai, k Seigneiu: de Breffieux, Se le<br />

Bâtard de SALUCES, joint à la foumiffion, ôc à l'empreffement<br />

de fes nouveaux Sujets, dflïlpèrent, en partie, les appréhenlii<br />

iii 3 fions.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


p^B H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Le Roi, ^ fions, que ce Prince avoit au fi^et de JAQUES, ÔC. que fes |»o.<br />

xdl^d!^ grés, qu'A avoit faits auprés du Soudan, lui avoient caufées^<br />

^«^«^^ Afin de fe tra verfer, avant qu'il fes avançât davantage ^ ôc fe<br />

Soudan rendre ce Prince/»^^i^/(?. J&vorable, ce nouveau Souverain; lui<br />

ISf^Jf ' ^«voïa promtement RAIMOMD TOLONES, ÔC feBai^Ofi de RUN*<br />

magnifi- TAS, avec divcrs préfeus. . . ^- i<br />

p^. Mais, par un commencement d'infortune, ces deux Minif*<br />

tres moururent de k pefte , avant qu'As puffent parvenir. ai|<br />

Caire ; de forte qu'As kiffèrent encore le champ libre à ce dangereux<br />

ennemi, qui ne manqua pas d'en profiter, ll foUidta<br />

fortement le Fils du Soudan, ôc ks premiers Amiraux, auprès<br />

des quels A avoit un libre accès ; à quoi ne contribuoit pas pe»<br />

k beauté de fon vifage, fa force, Ôc fon adreffe à monter k<br />

cheval, au maniment des armes, ôc autres exercices qui occupoknt<br />

les Perfonnes de dfftmdion à k Cour d'Epypte.<br />

Le Soudan Ccs OfficicTs, charmés de fes beUes qualités, foUieitèrent fî<br />

faire mm- fort fe Soudan CU k ÊLveiu, qu'As en obtinrent enfin,. qu'A fè-<br />

S^leS roit non feulement reconnu, ôc prodamé Roi de Chypre, mais<br />

.rfcChypre, eucorc qu'A lui feroit incefkmment préparer ime Flotte, pour<br />

fen mettre en poffelTipn.<br />

Artide //. Les mouvemeiis, qui fe faifoient, à ce fujet, dans les ports<br />

'^Egypte , principalement à Alexandrie , Ôc la nouvelle de k<br />

mort des Ambaffadeurs de Louis, furent bientôt portés en Chypre.<br />

La plupart des Seigneurs de la Cour en furent confternés,<br />

Ôc les inquiétudes du Prince en redoublèrent. Il n'ofoit fe<br />

flatter de pouvoir réfifter à la puiffance du Soudan. 11 s'adrefÊi<br />

d'abord au Grand-Maître de Rhodes, qui étoit en paix avec hii,<br />

ôc le pria de joindre quelques-uns de fes Chevaliers à PHILIBERT<br />

DE SEISSEL, Ôcà PIERRE PODOCATORO, qu'A avoit réfohi d'envoïer<br />

en Egypte, pour foutenir ks Droits de la Reine, fon Epoufe,<br />

contre ks injuftes prétenfions du bâtard. Se pour fe<br />

foumettre lui même au Soudan, Se lui offrir k double du tribut<br />

«nnuel, que fes Prédéceffeurs avoieht coutume de lui payer.<br />

Il<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


:i J JDrrÇH^Yf^RÏ. :Liv.XXI,'iCH. IL I ^79<br />

^ pria eft ,B^e tems, le Grand*Maître de vouloir l'affifter de<br />

fes^b^ns cônfeAs, au cas que k Soudan ne voulût point accepte^<br />

;fe$ offres.-, ^. ; t • ! r j , '<br />

]r JLe Grand-Maît|e,îqui prévoïoit, que, fi k guerre s'aUu- ^^T^uefe<br />

jsiçit ci^ Chyprf ,slle cauferok immîuiquabfement beaucoup de donnent le<br />

peine, Ôc de dépenfe à fa Religion, qui ne pouvoit fe difpen- neY^ils'<br />

ièr d'aider k Roi Louis, dont fes Ancêtres avoient fi généreu- ^'Rhodw<br />

fement fecouru Rhodes, étant d'aAleurs de fon intérêt de dé- pourgaper agner<br />

le Soudan.<br />

fendre, ôc de conferver k grande Commanderie, ôcles autres<br />

iiens, qu'dle y poffédoit (de favis de fon Confeil) nomma<br />

JEAN DELFIN , Chevalier de grande capacité , pour paffer,<br />

avec les Ambaffadeurs Chypriots, en Egypte. ,<br />

Ces Miniftres ne furent, pas plutôt arrivés au Caire, que,<br />

par l'entremife d'un Renégat Chypriot de la Noble Maifon de<br />

Flatre, le Soudan leur donna audience. Ils lui repréfentèreot<br />

fortement les droits de k Reine GHARLOTI'E , " qui, comme<br />

„ FiUe légitime du Roi JEAN, devoit, felon ks loix Chrétienyg.<br />

nés, luifiiccéder, ôc pofféder entièrement fes Etats, auUeu<br />

„ quqijAQjJES, qui.étoit-bâtard, devoit en être excjus,^'fans<br />

3, y ;pouvoir aucunement prétendre." Ils ajoutèrent, "que<br />

„ la Couronna,. Ôt le Roïaume, appartenait de droit au Roi<br />

y, LOUIS, par fon mariage avec k Reine CHARLOTTE, qui en:<br />

5, étoit Punique héritière ; Que ce nouveau Souverain, qui,<br />

„ avec k couronne, avoit reçu "le Serment de fiddité de tous<br />

r,, lés Ordres du^Roïaume, avec beaucoilp d'applaudiffement,,<br />

„ ôc de fatisfàdion, ks envoïoit, pour l'affurer, que, bien-<br />

„ loin de vouloir ufurper aucun des Droits, qu'A avoit fur le<br />

„ Roïaume, A étoit prêt 'de lui en faire hommage. Se prêter<br />

„ fe Serment de fidélké, de la manière, que favoient pratiqué<br />

„ fes Prédéceffeurs, ôc de plus de doybfer le tribut annuel,<br />

„ qu'As avoient ccnitumé de lu; payer; Et iqu'il fe lui enverroit<br />

y ,pec toute Texaditiidè poffibfe; i<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


.^<br />

jSo H I S T O.I R E G E'N E'R A L E<br />

i Le'Chevaher DELFIN ajouta à ce discours, qui parut avoir<br />

fait impreffion fur l'efprit du Soudan, " que le Grand-Maître;<br />

„ ôc la Religion le prioient, en leur particuUer, de ne point<br />

„ confondre les loix*, Ôc coutumes du Roïaume de*Ci^^^, ni<br />

„ refufer aux C&r^//^«f, quil'habitoient, quoique fes Vaffaux,<br />

„ le libre exercice de leur Rehgion. ". Il lui fit auffi adroitement<br />

comprendre, " que, s'A en àgiffoit autrement, il pour-<br />

„ roit s'attirer quelque fâcheux embarras, puisque le Roi Louis ne<br />

„ manqueroit pas d'appelkr à fon fecours tous les Princes Latins,<br />

y, qui pourroient faire éprouver à l'Egypte des défoktions fem-<br />

„ blables à ceUes dont fes Sujets fe fouvenoient encore: Et il finit<br />

fa Harangue, par une grande proteftation de la reconnoif^<br />

fanpe, que le Grand-Maître, ôc la Religion confervoient à jamais<br />

, de k bonne juftice, qu'A rendroit à la Reine CHARLOT­<br />

TE , Ôc au Roi fon Epoux.<br />

Le Soudan- Soit que CC raifonuôment infpirât qucIquc crainte TLU Soudan,<br />

Frodmna- °^ qu'A fût touché dc l'intérêt, qui domine ordinairement ces<br />

tion de amcs barbares, A fufpendit, non feulem^ent la proclamation de<br />

Jaques. j^Qpgg ^ pQy^ lequel il avoit même fait préparer les habits Roïaux;<br />

mais encore il commencjia à fe déclarer en faveur de Louis, Ôc<br />

de CHARLOTTE ; de forte que tout fe


»K CHYPRE. LIV.XXI.CH.IL . p8i<br />

.plus grandes dAEcultés, qui confîftoit à débourfer pour le préfent<br />

30. miUe Ecus d'or {)our les fraix de l'armement, qui<br />

avoit été fait, en faveur de JAQUES, auquel As s'engageoient<br />

encore de faire une penfîon annueUe de dix miUe Ecus d'or.<br />

On en étoit à ce point, lors qu'A arriva au Caire un Officier Artide/i/.<br />

de Sultan M E'H ÉMET II. lequel, foUicité par les partifans de<br />

JAQUES , de favorifer la Nation Grecque, que M E'H ÉMET avoit<br />

presque toute fubjuguée, écrivit au Soudan une Lettre, qui fit<br />

malheureufement tout changer, ôc dont voici la teneur.<br />

ME'HEMET Empereur des Turcs, ton grand ami, a af^-is, Lettre de<br />

avec plaifir, que tu as reconnu JAQÏJES LUZIGNAN, Roi de ^Ç^^^^^'<br />

Chypre , ^ que tu prépares une Flotte, pour le mettre en pof- Soudan d'Efèjfion<br />

de cet Etat ; adion vraiment digne de ta grandeur, ^ dej^eurlie<br />

ta générofité, gjp qui convient infiniment à notre fainte Religion,pour &^^/<br />

les grands biens, qu'elle en peut recevoir. Cefl pourquoi, il ne orecs de<br />

peut revenir de P étonnement, que lui a caufé ton changement, en ^ ^^'^*<br />

faveur dejon concurrent, qui eft de cette Nation Latine, qui a fi<br />

Jûuvent affligé les Sarrafins, £s? les Turcs, ^ leur a caufé des<br />

maux,Sf des. pertes infimes ^ comme fi tu ignorois avec quelle haine,<br />

(f quelle fureur, cette Nation a toujourspourjuivi la nôtre,<br />

Ê^ les grands ravages que GODEFROI DE BOUILLON, Ô?, après<br />

lui, tous ceux defara^e, ont toujours faits fur nos Ancêtres, £«?<br />

principalement fur ton Egypte, qiCils ont mife plufieurs fois à feu<br />

(fàjang. Àinfi, fidèle à la haine, que toute notre Nation doit<br />

leur porter, je t'avertis, que, fi tu fais la paix avec le Latin,<br />

tu dois t'attendre à avoir la guerre avec les Turcs, de même qu'avec<br />

tes propres Si^ets,qui ne pourront foujfrir,que tu les jacrifies<br />

aux Francs nos Ennemis communs, au lieu que fi tu rentres dans<br />

tes premiers Jèniimens, 6? envoies ton Armée pour mettre JA­<br />

QUES LUZIGNAN, quieft Grec, ^notre ami, fiir le trône deJèn<br />

Père, f enverrai une des miennes contre tes Ennemis, (ft'enrieUrai<br />

de leià's dépouilles. ><br />

'^ Kkk kkk CHA--<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


p8*2: H' I S T é l R:^ E' G" fi' N: t 'Rf^Â L E<br />

e H À PI ft R È I I I<br />

... IA. . .. > •<br />

Article 7. f'^èlte Lettre renverk, tont dtîn coup, ks efiîérances èts Am<<br />

dSoT^^ baffadeurs de Loùis» Ils eurent la dmileor peu de jours;<br />

de Chypre après, ôc malgré, tous kurs mouvemens, de voir JAQUES revê-<br />

XnfK^^'tu des habks Roïaux, ôcfolemlielkment ptodaméilw * Cl^ipfi(^, '<br />

S^pte. u ^toit monté fur un fuperbe cheval, & accorapagrtê de^buis<br />

ks Grands dJ^î^yp/e. Il fut promené, comme éritri(^Bphe,,<br />

dans les principales rues dû Ci^/r^, Ôc pféffenréj aweck mêmef<br />

pompe, au Soudan, auquel il fit homihage, ôc prêta k Serment<br />

de fid(^léé Ce Prince Ir^dèk, qui étok en droit de tout prétèndtede<br />

fon nouveau Vaffal à l'exigea d'une manière, qui fit<br />

horreur à tous ies- Chrétiens. Les termes eh font éffèdivement<br />

Hien déteftable». PIE IL &, s^ès lur, divers^ autres Hiftoriens<br />

r«pport^t> qu'A fe prononça fur les Saints Evangiles;,<br />

comme ces barbares fe font pratiquer, brsqu'ik reçoiventtfe<br />

Serment des Chrétiens, & eh préfencc du Souverain tonfeA d'iS.'<br />

gà>te ) en la manière faivahtè. -<br />

1460. «y^ jiire par le Grand Die» vivant', haut ^ mlfériccréiéui^^.<br />

f^Sen-%J Créateur du Ciel, ^de la.Terre, .^f detoutes les chofes 1^<br />

mins du ^if tfiBfuvent ,* par ces Seùnts Evae^i&s, par le< Saint BàtMe,.<br />

Soudan, p^ §t. Jean Batifte, par tous ks Saints, 0par la Foi des Chcé^<br />

tfens, :que toutes lésibofes, quejéfaurai, :ou que je Recouvrai, je •<br />

les déclarerai à montrès4yaut Seigneur lé SoudOn^d^ypte,.du<br />

qfuel il plaifè à Dieu de .fiirtifiér le.Rèjgnek ' -•' -' * J -:»/;<br />

JtfenSi anudefes Omit, (^ ennemi de fes emèmi!^^ Jtneftùf^<br />

frirai jamais, qjf aucun Corfaire,,de quelque Nation^ ^qiUlftâge^-<br />

>'^ être,y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

I


X)te/


p84. H I S T O I R E G E'N E'R AL E<br />

LEITRE da Soudan MELECH-SALA à'LOUIS.<br />

Article //. H^u cs vcnu dcs poys Occidentaux, pour occuper en Orient te<br />

fUneïek Roïaumc d'autrui, Sfpour dépouiller le Fils de Phéritagrpatre<br />

duSo\^ernel; mais je rendrai ton deffein, ^tes penfées vaines, puisque<br />

LouS! ** ^^le de Chypre m'étant tributaire, il n^appartient, qu'à moi,<br />

d'en difpojer, Ê«P d*en mettre en pjjeftfion celui qui me plaira,<br />

Ainfi, je t'avertis, que, fi tu n'en pars inceffamment, tu mourras<br />

du glaive Egyptien. Cependant, fi CHARLOTTE, ta Femme,<br />

te tient au cœur, je te permet s de là conduire avec toi; ainfi ^ rCatens<br />

pas une féconde admonition pour fen retourner, £^ demeures<br />

en repos.<br />

Louis/e Une fi forte déclaration ne pcrmetok plus de douter, que<br />

retire a \Q Soudan u'cût réfolu de rendre JAQUES poffeffeur du Roïaume;<br />

uvecfon' Mais ks Chypriots, au heu de s'encourager, ôc de prendre un<br />

Epouje. p^j.^1 convenable à repouffer fes attentats, ne parurent plus oc-<br />

* cupés, quede leurs intérêts particuliei*s ; ôc, fiiivantl'exemple<br />

du Prince, qui fe retira dans le Château de Cérines, avec<br />

k Reine fon Epoufe, ôc fes plusafiîdés, kfuite commença à<br />

devénk génésak. Chofe bien furprenante, qu'un Prince de<br />

k Maifon de Savoie, fi féconde en grands Hommes, ôc en<br />

grands Guerriers, fe foit'malheureufement rencontrée fî fdible<br />

dans une occafîon, où la fermeté étoit fî néceffaire! Comme fî<br />

k terre de Chypre eut opéré alors fur les Savoïards le même effet,<br />

qu'eUe produifoit envers tous les étrangers, qui y abordoient<br />

dans le tems fabukux, où ks piaifirs faifoient oublier aux Héros<br />

le métier des armes. Il ne fut donc pas difficAe à JAQUES<br />

d'exécuter fon grand projet.<br />

Aiticiei/7. 11 partit triomphant du Caire , après avoir conféré f Arche*<br />

véché de Nicofie au Père GoNêME, fon fidde ConfeAler, ôc<br />

forcé l'Ambaffadeur PODOCATQRO, qui étoit fon prifonnier, à<br />

, don-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Liv. XXL CH. IIL pgy<br />

wdonnef l'Ordre de Chevalerie à NICOLAS MORABIT, ÔC à Riz- ,<br />

20N DE MAZIN, Siciliens de Nation, qui lui avoient toujours<br />

fervi de féconds dans fexécution de fes mauvaffes adions. Il<br />

s'embarqua à Alexandrie fur la Flotte du Soudan, forte de 80. .<br />

voAes, commandée par fe grand Teitar, Se aborda aux Salines.<br />

U y débarqua d'abord toutes fes mAices, à la tête des-»<br />

qneUes JAQÎJES fe rendit maître -, non feulement du pkt-pays ;<br />

mais il en occupa encore les meiUeurs poftes, à la faveur des Habitans,<br />

qu'A recevoit avec tant d'affabiUté, Ôc de courtoifie,<br />

qu'As courroient en foule s'offrir à fon fervice , ôc conduifoient<br />

abondamment tous les rafraichiffemens néceffaires à fon<br />

Armée : Auffi, foit par inclination, ou par le fuceès de fa<br />

defcente, chacun s'empreffoit à fe ranger de fon parti, fans<br />

que xreux, qui étoient intéreffés à s'y oppofer, y miffent<br />

aucun obftacle.<br />

Les Grecs , en particuUer , dont lé nombre étoit îe plus LM Grecs<br />

grand, commencèrent même à prendre les armes en k laveur, j^rcnS/**<br />

ôc à lui aplanir toutes les difficultés, pour parvenir à fentière r^JI*^/"-^*<br />

conquête de file. Il s'empara du Château de Siguri,bù commandoit<br />

THOMAS MORGES , GentAhomme Savotard, ôc mît â fa place ^,<br />

PIERRE PEZARO, Fénitien, qui s'y trouvoit prifonnier , pour<br />

avoir été contraire aux intérêts du Roi Louis. Tout lui fuccédoit<br />

fi heureufement, qu'il parvint enfin aux environs de la<br />

Ville de Nicofie. HECTOR CHYVIDES , qui en étoit Gouverneur,<br />

l'avoit abandonnée au feul bruit de fon approche; denu'dans'^<br />

forte qu'A y entra,fans être obligé de tirer l'épée,ôcy fut d'à-Njcofîe<br />

bord reconnu comme Souverain par tous les Habitans, qui lui Chypre,<br />

témoignèrent même , par leurs acclamations, la joie , qu'ils<br />

reffcntoient de fes profpérités.<br />

Cependant, comme il craignoit quelque revers de fortune,<br />

ôc quelque changement en faveur de Louis, ôc que la confervation<br />

de la Capkale lui étoic de. la dernière importance, A<br />

commença par mettre GoNêME en poffeffion de l'Archevêché,<br />

Kkk kkk 3 ôc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


pU H I s T o I R É : G E'N FR AXE<br />

ôc lui recommanda ks afSikeii du Godtvernement.' Il doena(1k<br />

MORABIT la Charge de Grand^Ficomte de Micqfte^ ôc y ajouta<br />

k Fid*du V'Alage de MZKU. ll nomma Maréchal du R»oIaiime, ÔB<br />

Seigneur d'Jl//«i;^itf, Rizzan DE MARIN. ^ détadia.^'en A^e?.<br />

me ten».. JAQUES ; SALVIATI^ NicoLiiiS nEx^AB, .Se AitW<br />

Gubs.^ Nobles Chypriot, qui «'étoient iddnaés à M, /^ttc bo».<br />

nombre de Troupes ISarrafines, Se ^Cb^tpriottes, pour ; slejttpifcrer<br />

des Chtoaiix de Liimjol, ôcde Baffo., qui fuivirent Jlexemple<br />

de Siguri, Se de Nicofie. Ainfî, toutes fes xtAeS Méridiom^,<br />

les de nie fe fournirent à k domination. Le feal Cliâteau de<br />

07/(?/^,'ôç fès dépendances, qui appartenoient aux Ghevalfers<br />

de Rhodes , ne furent ppiot inquiétés, xomme ijp 'Soudan favoit<br />

ordonné. t..<br />

jfcîSJi'*^09Ji;.«©©^. .«©©Ji ,v^©(î^.,•»©©». .•tB®w-^^©Sr^ ,viô®)j, .«TOi».,*^<br />

C H A P I T R E IV.<br />

Article/, ^pendant ;tant d'hèiu^eux évènemens en faveur de JAQUES,<br />

îi^'tMn- J^ Louis, retiré à Cérines, paffoit fon tems affez tranquAequiieà<br />

merit.^ dans fa chambre, kns qu'on pût -bien pénétrer, s'A y<br />

ét-oit tétenu par la méditation, ou par la mélancolk. Sa retrai*<br />

i»te, horsdekifon, tourmentok d'autant plus CHARLOTTE , Se<br />

les Perfonnes attachées à fes intérêts, qu'A leur étoit impofïibte<br />

de luiiàire prendre aucune réfolution, ^ qu'EUes prévoïoient,<br />

que, fî on ne'fedonnok de plus grands mouvemens pour arrêter<br />

les progresse ce dangereux Ennemi, A ne tarderok pas de<br />

les venir affiéger par mer, ôc par terre, parre qu'on n'avoit<br />

d'un côté aucunes Troupes en campagne à lui oppofer. Se de<br />

4'autre qu'une feule Galère, que le Grand- Maître de Rhodes,<br />

:avoit envbïée-à fon fecours.<br />

Ce que cette Princeffe avoit prévu ne tarda pas d'arriver.<br />

JA


^B4 é!ST?RE.;>Li^ XXI.'C»IV.f H ps


988 HISTOIRE G E'NE'R A LE<br />

feroit accommodé du préfent, qu'on luî vouloit fake, s'A avoît<br />

ofé l'accepter. JAQJJES, qui s'en doutoit, le prévint, en lui<br />

difant, que, " s'A étoit obligé d'abandonner le Siège, qu'A<br />

„ avoit entrepris, H koit lui même en porter fes plaintes au<br />

„ Soudan.<br />

1461. Si la tentative des Envoies de Louis fut inutAe, les batte-<br />

^p^rtide ^IQ^, dout JAQUES fit redoubfer le feu, furent îî infrudueufès,<br />

f€fortifie, que. Commençant à défefperer d'en venir à bout, A s'avifa de<br />

débaucher les Troupes.de la garnifon. Il fit jetter dans la Place<br />

quantité de billets, -par lesquels il promettoit cinq écus d'or<br />

d'engagement à chaque Soldat, Ôc des récompenfes propor*<br />

tionnées à la Nobleffe, ôc aux Officiers, qui fe rangeroient<br />

de fon partL<br />

Ces appas, joints à la difette de vivres, que les Affiégés<br />

commençoient à éprouver, obUgèrent plufieurs Officiers, ôc<br />

Soldats à déferrer. GALCERAN CHIMI , ôc AwroitiE SCINCLI-<br />

TiQUE, deux des premiers Barons du pays, furent du nombre;<br />

mais l'augmentation de fes Troupes diminuoit fî confidérablement<br />

fes Finances, que, pour ne point agraver les Peuples,<br />

il fut bientôt obligé de recourir à un expédient, qui déjAiit à<br />

tout le monde. U fk démolir fes magnifiques bams, qui fe<br />

trouvoient dans^divers endroits de l'Ile, afin d'en arracher fes<br />

baffins, ôcles chaudières de cuivre, qu'il fit convertir en mauvaife<br />

monnoie, avec promeffe d'en rembourfer la valeur, fersque<br />

k guerre feroit terminée.<br />

'Cette extrémité fut fuivie du départ précipité du Teitar;<br />

car, foit qu'A fût féduit parles préfens, qu'on prétend qu'il<br />

reçut enfin du Roi Louis, ou que la crainte de perdre k Flotte,<br />

qui avoit déjà beaucoup fouffert à la rade des Salines, J'obfigeàt<br />

à s'en retourner, A quitta le Siège de Cérines,, avec fe<br />

gros de fon Armée, malgi^é les prières, ôc fes fuplkations de<br />

JAQUES, au quel il ne laiffa que deux cens Chevaux, ôc mAle<br />

HomiB^s de pjé^ ipus )e çomipandemçnt d'un Renégat, nommé<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


©E CHYPRE. Liv.XXI. CH.rV. ^Sp<br />

TBié JEAN PEC Le Teitar fit rafraîchir fes Troupes, pendant<br />

quelques jours, dans la même Plaine de St.Démétrius, Se aUa<br />

enfuite s'embarquer, avec les dépouiUes, que fon monde avok<br />

butinées dans les Cantons de Baffb, Ôc de Limifol, particuUèrement<br />

dans les Bourgs de Crifoukou, Palendria, Se Fentaya,<br />

qui étoient des plus opulens de toute file.<br />

Son départ ne fut cependant d'aucun foulagement aux Affiégés.<br />

JAQUES, non moins courageux, qu'entreprenant, plusfadsfait<br />

du peu de Troupes, que le Teitar lui avok kiffées, que<br />

de fa prdènce même, continua k battre la Place, avec la même<br />

vigueur qu'auparavant, Ôc en tint les avenues fî bien gardées,<br />

que la rareté de vivres contraignit enfin les Affiégés à faire qudques<br />

Sorties, pour en aller chercher aux viUages circonvoifîns; _<br />

mais As perdirent bientôt f efperance d'en avoir par ce moïen.<br />

HECTOR CHIVIDES, qui, en abandonnant à JAQUES la ViUe céSs^^<br />

de Nicofie, s'étoit retké à Cérines, Se avoit le premier fait une #^5^<br />

Sortie à k tête d'un gros Détachement, eut la malheur d'être Tiwts.<br />

furpris avec tant de desavantage, que, malgré les efforts qu'A<br />

fit, Ôck valeur avec laquele A combatit, dans cette occafion,<br />

A perdit la plupart de fon monde, ôc demeura lui même prifonnier<br />

, a,près avoir reçu treize bleffures , fesqueUes n'empêclièrcnt<br />

pas JAQUES de violer les Loix de la Guerre, en lui faifant<br />

d'abord couper la tête, qu'A fit expofer fur fe pont de Ni-<br />

€ofie, où l'on exécutoit les criminels, fans aucun égard pour<br />

CHELVIS Ï^E. LUZIGNAN , fa Parente, que ce Seigneur avoit<br />

i^oufée. • -<br />

Un événement fi funefte découragea fi fort la Nobleffe, quî<br />

fe trouvoit affiégéé dans Cérines, qu'eUe aima fe nôurrk de Légumes,<br />

ôc de pain d'orge, que de s'expofer à rencontrer un<br />

fembkble fort. Louis, ôc CHARLOTTE, en furent eux-mêmes<br />

fi touchés, qu'ils défendirent abfolument de pareiUes entrejn-ifes.<br />

Ces Princes dépêchèrent un Galère, pour informer le Grand-<br />

Maître de RJjodes de l'extrémité, à kqueUe As étoient réduits;<br />

LU 111 mais.<br />

s<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


990<br />

H I S T O I R E G E'NE'R AL E<br />

mais, par une de continuation de malheurs, cette Gafete ne<br />

fut pas phitôt fortie du port, qu'elle effuïa une tempêt»,<br />

qiii la jetta fur les côtes de Pentaya, où eUe fe brifa; ôc k plô»<br />

part de fon équipage fut noïé. Ceux qui échappant du naufrage<br />

furent faits prifonniers par le Châtelain de ce Canton, qui<br />

les conduifit lui même à JAQUES , qui fut affez généreux pour<br />

donner la vie aux Barons THOMAS G A R E'N I , ôc GAUTÏER<br />

DE'NORES, à condition qu'ils lui demanderoient leur grâce à<br />

genoux, ôc lui jureroient fidélité. Le premier le fit, fans héfi^<br />

ter ; mais D E'N 0 R E s, mépriknt les avantages, qu'il lui pm*<br />

] mettoit, Ôc les menaces qu'il lui faifoit, foutint confhmménty<br />

qu'aïant prêté le ferment de fidélité à Louis, A ne pouvok,<br />

kns fe deslionorer, violer la foi. La fermeté de ce Seigneur<br />

paffa enfuite en proverbe, la Foi de Gautier; d'autant plus que<br />

JAQUÈS fot fî irrité de fon refus, qu'A lui fit confisquer trente fix<br />

Terres, qu'il poffédoit, ôc le réduifit à la dernière mifère, dans .<br />

kqueUô A mourut.<br />

' Le mauvais fuceès des entreprifes , ôc des projets de ceux de<br />

€érines, joint à k difette de vivres, qui y augmentoit tous les<br />

jOUrâi> fans qu'on àprît aucune nouvelle des fecours, qu'on y<br />

attendoit depuis fi longtems de Rhodes, ôc de Savoie, Se aux<br />

-fatigues tontinuelles, que les Troupes, ôc k Bourgeoifîe, ne<br />

pOuVoient plus fupportér, firent enfin réfoudre les Princes affiégés<br />

à faire foUiciter les Génois de Famagoufte de faire quoique<br />

irruption fur les lieUx, qui s'étoient donnés à JAQUES, afin de<br />

de rengager, par cette diverfion, à fe défifter de fon entreprife..<br />

L'sGé Les Génois, qui avoient déjà conçu quelque jaloufîe des proschrlnt<br />

petites de JAQUES, Ôcqui k connoiffoient d'humeur à ne les pas<br />

f^^gj fouffrir longtems. dans Famagoufte , s'A parvenoit à l'entière<br />

po^ffion du Roïaume, ne fe firent pas beaucoup prier, pour^<br />

chercher à lui nuire.. Ils fe jettèrent tumultueUfement for fe<br />

Canteh dé Carpaffo. ALEXANDRE TARENTIN , qui y commandait}<br />

fe fentant trop foible pour leur réfifter en campagne, fe<br />

retirai<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Lïf.XXI. CH.IV. ppî<br />

retira d'abord dans le Château, Se dépêcha promtement un<br />

Courier à JAQUES, pour l'informer de cette nouveauté, ôc<br />

du danger, auquel étoit expofé ce Canton.<br />

La déclaration des Génois fit tout Peffet, que Louis, Ôc<br />

CHARLOTTE, pouvoient en attendre. L'avis n'en vmt pas<br />

pas phitôt à JAQUES, que, fatisfàit des bons retranchemens,<br />

-qu'A avoit fak autour de la Place, que peu de monde pouvoit .<br />

tenir bloquée, ôc empêcher les fecours des campagnes voifines,<br />

A quitta fe fi^c, pour aller lui même remédier à ce desordre;<br />

ôc, quoiqu'une pût y arriver affez tôt pour empêcher les<br />

Génois, d'y faire de grands ravages, ôc de traiter divers viUa- i/a^f"°^*<br />

^es, avec la dernière cruauté, A eut au moins la fatisfàdion de<br />

fes faire repentir de leurs excès, en leur enlevant tout leur butin,<br />

après les avoir défaits entièrei^ent ; pendant que TAAEN-<br />

TiN, qui étoit forti en campagne, dès qu'il le fut arrivé, acheva<br />

la Vidoire par la défaite de f Equipage d'une Galère Génoife,<br />

qui avoit débarqué fur ces rives, pour foutenir leurs confrères.<br />

Il fit même prifonnier leCapitame de cette Galère, qui<br />

étoit de la Maifon. Cibo , avec plufieurs Officiers , que JA-<br />

r.<br />

d'aUer continuer le fiége d^'Cérines, Se quelque avantage qu'A inutue de<br />

pût fe promettre'^de l'impuiffance des Affiégés, l'oi:trage, qu'il femgo(!t<br />

avoit reçu des Gtnois,le fit réfoudre à tenter la furprife de Fa- ^^•<br />

magoîéfte, pour les chaffer d'une Pkce, qu'ils avoient fi injuftement<br />

ufurpèe.<br />

Il fit piéparer, en dAigence, tout ce qu'A crut néceffaire pour "<br />

cette entreprife, ôç fit affaAlir k Place du côté de l'Arfenal,<br />

où on favoit affuré qu'eUe étoit plus aifée à forcer ; mais, foit<br />

quW lui eût donné de mauvais avis, ou que les échelles, qu'A<br />

avoit fait préparer, fe trou vaffent trop courtes, A rencontra les<br />

G^^fV fî bien' for leurs gardes, qu'A fot contraint de l'abandonner,<br />

en attendant une occafion plus favorable. U retourna<br />

Lll lll 2 • devant<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


9p:2 H I S T O I R E G ET N E' R A L E<br />

devant Cérines^ où A ne fit pourtant, ni long féjour i ni grand'<br />

progrès. i^<br />

CHARLOTTE, qui avoit emploie inutilement Louis DE<br />

MAGNAC, Grand-Commandeur de Chypre (celui même qui a<br />

fait bâtir le Château de Cohffe, qui fubfifte encore en fon entier<br />

) pour ménager quelque accommodement avec JAQUES,<br />

avoit d'aboi-d profité de fon éloignement, ôc étoit allée elle même<br />

k Rhodes, pour obtenir quelque puiffant fecours; cependant^<br />

malgré fa prefence. Se fes follicitations^ fe Grand-Maître ne<br />

put lui accorder , qu'une Galère , une GaUotte y Se quelques<br />

provifions. La difette, qui regnoit alors dans cette Ile, ne<br />

^permit point à la Religion de fairp un plus grand effort, foit<br />

par raport à la crainte, qu'on y avoit, des armes du Turc,<br />

qu'an chagrin que reffentoit le Couvent de la détention du Chevalier<br />

DELFIN, leur Ambaffadeur, en Egypte.<br />

Avant de quitter Rhodes , CHARLOTTE eut k fatisfàdion<br />

d'y voir aborder un grand Navire Savotard, commandé par<br />

lipuisre- GHARLES DE MoRETTE,des Scigncurs de Fintille,qui lui conmrt^''<br />

duifoit cent Hommes d'armes, fous les ordres de FRANÇOIS DE<br />

LANGIN, Seigneur de Faygie. Ce fut avec ces renforts que<br />

cette généreufe Princeffe s'en retourna à Cérines^ dont JAQUES<br />

ceffa derechef de preffer le fiége, pour fe retirer à Nicofie, Se<br />

augmenter fes Forces, afin de réfifter aux entreprffes, que fes<br />

Ennemis pourroient tenter. Le Roi, pour profiter d'un fecours,<br />

après lequel il foupkoit depuis fi longtems, fe mit, en^<br />

fin, en campagne, dans le deffein d'aUer attaquer fUfurpateur<br />

dans fa Capitale ; mais fon étoile étoit fi mauvaffe, que tout<br />

confpiroit vifibkment à fa ruine^<br />

Son Ennemi, qui en fut d'abord- informé, lui dreffa, fi. à<br />

propos, une embufcade au défilé des Montagnes, où A faUoit<br />

néceffairement paffer, qu'A l'arrêta tout court, lui défit la plupart<br />

de fon monde, ôc k pourfuivit même jusqu'aux portes de<br />

Cérines, où le mauvais fuceès de fa fortie cauk autant.de donleur,,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE; Liv. XXL CH. IV. sy9j<br />

leur, 'ôc de conftemation, que les partifans de JAQUES en ref^<br />

fentirent de joie à Nicofie. GEORGE BUSTRON, Gouverneur<br />

des Salines, y arriva, peu de jours après, avec grand nombre<br />

de Recrues, qu'A avoit faites dans le Canton de Limifol, où,<br />

malgré la défenfe du Grand-Maitre DE MILLI , plufieurs Rhodiots<br />

s'étoient engagés au fervice de JAQUES, qui ne tarda pas<br />

d'aller recommencer le fiége de Cérines, fans que les Affiégés<br />

euffent le courage de s'oppofer à fon campement, tant ils avoient<br />

été étonnés de leur dernier'malheur.<br />

C H A P I T R E V.<br />

Cependant, comme, malgré fadivité de JAQUES , fes batteries Article/;ne<br />

faifoient pas grand effet, foit par le défaut d'expérience<br />

des Bombardiers, ou par la force des muraiUes, A fit occuper toutes<br />

les avenues de la Place, de manière que les Affiégés nepuffent<br />

recevoir aucun fecours du côté de terre, perfuadé que les<br />

provifions^ que CHARLOTTE avoit conduites de Rhodes, ne pouvoient<br />

longtems fuffire à la quantité de monde, qui fe trouvoit<br />

enfermé dans la Place, où, en effet, la difette ne tarda pas àdevenir<br />

plus grande qu'auparavant.<br />

' Les Affiégés.n'aïant point de plus courte reffource, que celle<br />

de Rhodes, y envoïèrent quelques Perfonnes' de diftindion,<br />

fans pourtant pouvoir rien obtenir, par raport à la mort du<br />

Grand-Maître DE MILLI, ÔC à fabfence de RAYMOND ZACOS-^<br />

TA, fon Succeffeur. Ce nouveau contretems obligea Louis, ôc<br />

CHARLOTTE , de configner au ChevaUer MESLE DE PIOSASQUE, .<br />

en qui ils avoient beaucoup de confiance, divers Reliquaires,><br />

ôc Joïaux de grand prix, pour les y aller engager à tdks Perfonnes<br />

qu'A jugeroit à propos, ôcemploïer en provifions les femmes,<br />

qu'A emprunteroit. Il lui recommandèrent de bienpren-<br />

LlMll 3- àre^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


P94-<br />

HISTOIRE GE'N E'R A LE<br />

dre fes mefures, afin que ces dépôts ne fortiffent point de Rbo-<br />

, des, d'où As auroient k kciUté de les dégager, lors qu'As feroient<br />

en état de le fake.<br />

La Reine "^^^ ' commc CCS effets u'étoieut point fuffifans, pour répava<br />

déréebef rer kurs bcfoins, ni même pour remédier à f extrémité, où k PkdTfecours<br />

CC étoit réduitc, Se qu'on commençoit à publier que PIE IL<br />

f^Miu-' ^^^^^^^ déclaré lui même Chef d'une Croijade pour le recouvrelie.<br />

ment de la Terre-Sainte ^ dans laquelle ce Pontife avoit engagé<br />

les Rois de France, de Naples, SedeUor^rie, le Doge de ^<br />

fort trifte équipage. La Galère, qui la portoit, fût affailliepar<br />

une Efcadre de Fénitiennes, qui la pillèrent entièrement; ôc,<br />

quoi quelle Sénat, au quel elfe en fit des plaintes, desaprouvât<br />

cette violence, Ôc ordonnât la reftitution de tous fes effets, divOT<br />

Seijjneurs de k Suite ne purent jamais en avoir raifon, principiÀe-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XXL CH. V: ppj<br />

"cipatement GUILLAUME D'ALINGE, Seigneur du Coudrée, qui *<br />

y avoit beaucoup perdu.<br />

Cet accident kcheux fit, que CHARLOTTE partit de Fénife Article //.<br />

très^niécontente. Il eft vrai, que le bon accueA, que lui fit le<br />

Pape, qu'elle alla trouver k Mantoue, la confola, en partie,<br />

du mauvais procédé des Fénitiens, ôc des biens, qu'eUe avoit<br />

perdus. Le St. Fère, informé du "mauvais état, ôc de l'extrémité,<br />

où le Roi Louis fe trouvoit kCérims, en témoigna fon<br />

affiidion à cette Princeffe ; ôc faffura, qu'il feroit tout fon poffible<br />

, pour engager les Princes Chrétiens à les rétablir dans leurs<br />

Etats. Le I^e LUZIGNAN dit, ^que PIE lui donna un Navire,<br />

chargé dc Provifions ; ôc GUICHENON affure, qu'il lui donna<br />

deux Vaiffeaux, Ôc quatre Galères, qu'A fit charger de blé, ôc<br />

de vin à Ancone, où CHARLOITE fe tranfporta elle même ; Et,<br />

impatiente de conduire promtement ce fecours à fon Epoux, fsVST*'<br />

eUe fit mettre à k voile, ôc rencontra le vent fi favorabfe, avec du feqù'eUe<br />

aborda en peu de tems à Baffo. Profitant de fa profpéri- "^^^'<br />

té, eUe voulut tenter le recouvrement de cette Pkce, perfoadée<br />

que fa prefence pourroit peut-être faire autant, que k force.<br />

EUe ne fe trompa point. MISTACHEL , qui y commandoit<br />

pour JAQUES, foit par incUnation, ou par la médiocrité de fes<br />

Forces, lui rendit d'abord le-Château. Elle en confia k ]gaide<br />

à PIERRE PALOL, ÔC continua fa route vers Cérines, où eUe<br />

eut bientôt la fatisfàdion de ranimer les Affiégés ; Mais eUe ne<br />

put avoir le bonheur d'en faire lever fe fiége. JAQUES k continuoit<br />

toujours avec la même perfévérance, puisqu'outre que j^auescon.<br />

fon camp étoit bien pourvu de toutes fortes de rafraichiffemens, tinue touk<br />

bonne fortune lui attiroit, kns ceffe, des fecours, qui le^deCénnis..<br />

mettoient en état de le pourfiiivre,. ôc de fe conferver les autres<br />

Places qu'A avoit conquifes.<br />

Par ïbrcroit de bonheur, MAKIUS CONSTANCE, GentAhomme<br />

Napolitain, vint presqu'en même tems, avec deux Galères<br />

bien<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


pp6 HISTOIRE G E'N E'R A L E<br />

bien armées, lui offrir fes fervices. JEAN VE'KZS FABHI-<br />

CE , ôc ONOFFRE REQÙESCENS , Nobles Efpagnols , en firent<br />

autant avec un gros Navire, rempli de Gens de Guerre. L'exemple<br />

de ces Seigneurs fut bientôt fmvi de divers autres de la mê^<br />

ine- Nation: ce qui augmenta extrêmement fes Forces; au heu<br />

que le Roi Louis, par lesfoibfes fecours, qu'il recevoit, manquoit<br />

continuellement de provifîons, ôc avoit la doukur dé vok<br />

périr fes Troupes par fes maladies, Ôc par la défertion, fans<br />

qu'eUes en vinrent jamais aux mains avec les Ennemis.<br />

A ticie/ii. peft pourquoi, avant que les provifîons, que le Pape lui avoit<br />

envoïées, fuffent entièrement finies, LOUIS dépêcha k Seigneur<br />

du Coudrée vers le Duc, fon Père, tant pour l'informer de k<br />

Seeoursre' trifte fituatiou, quc pour fe folUciter à faire quelque nouvel ef-<br />

•£{^ufs. fort en fa faveur ; mais cette Ambafïade fut également infrudueufe,<br />

par les embarras, dans fes quels fe trouvoit ce Prince , qui ne lui<br />

permettoient point de fe dégarnk d'Hommes, ni d'argent.<br />

Cependant, pour réparer> en quelque manière, ce qu'A ne<br />

pouvoit fake par lui même, A envoïa fe>même Seigneur du<br />

Coudrée, avec LAMBERT, fon Secrétaire , à ALPHONSE , Rc^<br />

d''Arragon, qu'A fe flattoit dp trouver difpofé de fupléer à fon<br />

dékut; mais ce Prince, s'pn éjtant excufé, toutes ces foUickar<br />

tions, ces aUçes, Sç ces venues, n'^eurent aucun effet, ôc ne<br />

firent que fufpendre les efpérances du Roi Louis, ôc de la Reine<br />

* CHARLOTTE, qui, fe trouvant alors plus embarraffés que jamais,<br />

remirent le gouvernement de Cérines à GEORGE np PIOSASQUE,<br />

.Se s'embarquèrent tous fes deux pour Rhodes, ;afin d'être plus li-<br />

/ bres, ôc plus à portée de foUiciter le Pape, Ôç le Duc de Savoie, '<br />

à leur envoïer du fecours, ôc à engager les autres PuiffancÇ;8<br />

- $ Europe à ne les point abandonner.<br />

"Ces Princes infortunés ne furent pas longtems à RJbodes, fans<br />

aprendre fe peu de fonds, qu'As dévoient faire fur les Puiffances<br />

Çp^^fienms J J^ajjS C^ÏAKLPTI^J^; np voulant rien avoir à fe repro»pbcr,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XXL CaV- 99?<br />

cher, réfolut de repaffer en BaMe, dans l'efpérance 5-que le Pa- ^^^ ^<br />

pe, touché de fes malheurs, lui donneroit encore quelque nouvel- fageinj^gle<br />

affiftance, ôc y engageroit fes autres Princes, comme A fe lui i^^charavoit<br />

promis. Le St.P^e lui fit dans ce voïage beaucoup plus ^| ^^'<br />

d'honneur, Ôcde careffes, qu'à fon précédent. Il envoïa au devant<br />

d'elle tous les Cardinaux, ôc la Nobleffe Romaine, Se la<br />

reçut avec une magnificence extraordinaire. EUe fut logée, Ôc<br />

défrayée de.même avec toute k Suite; Mais, pour les fecours<br />

effentiels, pour fodager fes maux, elfe n'en reçut que des promeffes<br />

vagues, furies queUes elle ne reconnut,que trop qu'A ne<br />

failoit point compter.<br />

MortAiée du peu de fuceès de fa tentative, elle prit congé<br />

du Pontife, ôc paffa en Savoie; ne pouvant douter, que l'intérêt<br />

particulier, que fon Beau-Père avoit à la foutenir, ôc à<br />

ne point abandonner fon propre FAs, l'obligeroit à tout mettre<br />

en ufage, pour empêcher, qu'As ne fuffent dépouillés de<br />

leur Couronne ; mais, foit que les fougues*guerres, que ce<br />

Prince avoit eu à foutenir, Peuffent épuifé,* ou que la crainte<br />

de perdre fes propres Etats, pour conferver Chypre, le retint;<br />

A lui déclara d'abord, qu'A lui étoit abfolument impoffible<br />

de rien faire pour elle. La douleur, qu'elle en conçut, dégénéra en<br />

dépit, qui k porta àfe plaindre ouvertement de Ton indifférence.<br />

CeTruice, defon côté, fenfibk à fes réproches, lui répondit,<br />

avec aigreur, "que le Roïaume de Chvpre avoit abfor-<br />

" bé toutes les dépouAles de k Savoie. Il eft vrai, qu'après<br />

ces duretés réciproques, la Ducheffe ANNE, tant par raport à<br />

l'Aidination, qu'EUe avoit pour fa Nièce, que pour conferver<br />

à fa nombreufe FamAle fe Roïaume de Chypre, en cas que<br />

CHARLOTTE vint à mourir kns Enfans, appaifa tous leurs démêlés,<br />

ôcm^agea un Traité, qui fut arrêté, ôc conclu, dans<br />

l'Abbaye de St. Maurice, en Chablaif, le 18. Juin, 14.62. par<br />

lequel ÇHARLOTIE lui en affuroit kSucceffion. Si eUe mouroit,<br />

fans.Enfans, avant feRoi, fon Epoux, ce Roïaume lui appar-<br />

Mmm mmm tien-'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ppg H î S T ÔTR É G E'NE'RALE<br />

o lu- ro tiendroit entièrement; ôc, fi lui venoit à mourir fans Héritiers^<br />

'nietdufe- A dcmeurcroit également'à la Ducheffe ANNE, ôcà fes Sucsïvoie?<br />

^ ceffeurs. Le Duc, de fon côté, s'obligea, par le mêmeTrai-<br />

:''^ té,.à lui fournir des Hommes, de Targent, ôc des vivres»<br />

Articie/r.--.i^près cet accord, CHARLOTTE, qui ne fe rébutoit d'aucune<br />

fatigue, reprit le chemin de Rome, accom^gnée' de FHEBUS<br />

DE LUZIGNAN, JEAN DE'NORES , HUGUES LANGLOIS , ÔC<br />

PAULIN CLANS, fes Chevaliers, ôc ConfeiUers. EUe kiffa à 7b»non<br />

le Seigneur du Coudrée, Ôcle Chevalier .MERLE DE Pio-<br />

^'/'sJfptsASQ,UE, afin, qu'ils hâtaffent l'^écution du Traité; fe flatre-<br />

tant que fes inftances réitérées engageroient enfin le Pape à joindre<br />

quelque fecours à celui qu'eUe attendoit du Duc de Savoie,<br />

fon Beau-Père.<br />

Mais le mauvais fort, qui favoit pourfuivie dès fa plus tendre<br />

jetmeffe, rendit encore tous fes foins, ôc fes travaux inutiles,<br />

ôc fit bientôt év^ouïr l'efpérance, qu'eUe-avoit conçue<br />

de conduire à Cérines dequoi foulager les Affiégés, dont elle<br />

aprenoit fouvent les miferes, Se les foufirances. Car tout le fecours<br />

, que purent obtenu les Seigneurs, qu'elfe avoit laiffés au^<br />

prés du Duc de Savoie jf ne côîhfiftoiènt 'qu'en qudques Som*<br />

mes d'argent. Les troupes:, Ôc lés vivres j qui dévoient être<br />

embarqués à Gènes, ne fe tronVèrént'point prêtsf; 'Ôc, quelque^<br />

inftances, que cette Princeffe pût faire au Se. Père, foit pour<br />

foi î^rcorder quelques Provifîons, ou pour fe fervir des-Ccrtfiffcs<br />

de l'EgUfe contre JAQirES, en le déclarant Cjfeyjw/^, lytiin.<br />

Se Allié des Infidèles i^tin que, fi les armes foiritudlern'étbiént<br />

point capables de le faire rentrét dans fon'deVbit,'^ tHés èftipê-<br />

J463. chaffent au moins ks Etrangers, qui en cdnndiBbient le pou-<br />

' voir 5 de prendte fon pajti.<br />

^^ Toutes fes foUidtations ne fèrvirent de rien. Elle ne put oh^<br />

tenir du Pontife, qu'un Bref ,addreffé au Grand-Maître de<br />

' Rhodes, par lequel A l'exhortoit de continuer à affifter le Roi,<br />

' ôc k Reine de Chypre, Se'de s'emi^ofer fortement k ménager<br />

m quel-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE C H Y P RE. .Lït. XXL Cô. V:. r^ pp^<br />

quelque accommodement entre JAQUES , ÔC ces Princes ; de forte<br />

qu'eUe fut obligée de fc rembarquer avec le peu de provifions,<br />

qu'eUe avoit pu acheter, EUe aborda heureufement k Rhodes,<br />

d'où, le Roi, fon Epoux, étok parti peu auparavant pour retourner<br />

à Cérines, crainte que fa longue abfence ne fît enfin déterminer<br />

les Affiégés à fe reiidre.<br />

; CHARLOTTE ne s'arrêta k Rhodes, qu'autant de tems qu'A en<br />

faUoit, pour conférer avec fe Grand-Maître fur fétat déplOrabfe<br />

de fes aflaires, ôcfur k manière de négocier leur acCommo- ^^ repoê<br />

vdement avec JAQUES^ EUe arriva à CVr/^f^j, où le petit fëisoiirs, «Caino.<br />

-qu*dle amena, étoit bkn néceffaire." Les Affiégés y fbuiîroient .^<br />

'beaucoup plus de la faim, que des attaques des Ennemis.<br />

: JVJ5 V. v.À J- ".' "O z . * y.<br />

C H A P I T R E VI:<br />

-J ->- r A; H A p I X R E Y 1. q<br />

Pendant que cette Princeffe animoit les Affiégés. par fes exr Article/.<br />

hortations, ôc encore phis par le courage,' av^c lequd eV<br />

jeexpofoit k propre vk pour leur procurer k fubfîftancenéjçefkire,<br />

le Grand-Maître de Rhodes envoïa en Chypre JEAN DE<br />

PuGALT, Prieur'de l'EgWè, JEAN D'EINLANDE, Commandeur<br />

de Faïence , pour tâcher d'engager JAQUES-à quelque parti,<br />

qui convint à la tr^nquifité duRpïaume; mais A.étoit bkn éloigné<br />

d'y ^nfen tir; Car, s'A reçut ces Miniftres avec beaucoup ^cco,nmodê<br />

courtoifie r^s^Ar affe(5a- n^qiae d'entrçr en négociation avec ^^'^j^"<br />

eux, ce ne fut, que pour fo ménager k;£iveurdç la.Cour'de ques.<br />

Rome, Se non qu'il:eût aucune intention,


looo H I S T O I R E GE'NE'R A LE<br />

nUrent, qu'A les amufoit, fe retirèrent, parce qu'As ne prévoïoient<br />

que trop, que leurs foUicitations, ôc leur plus long féjour, ne<br />

fervîroit qu'à donner du tems aux Perfonnes, que JAQUES avoit<br />

envoïées au Pontife j pour traiter de fon markge avec la Filfe<br />

fi^'mJrit ^^ Defpote de la Morée, qui s'étok refogiée k'Rome, zprès<br />

^avech que les Turcs eurent envahi fes Etats. Il fe flattoit; qu'en fadPia'hù-<br />

veur de cette AUiance, lePapekreconnoîtroitpour véritabfeRoi<br />

'^^' de Chypre, comme A fe qualAioit.<br />

Jl rejHtue - Ccs Miniftrcs n'oubliCTcnt cependant pas les intérêts dé leur<br />

^f^"'*-Religion; car, ne pouvant rienopéret en faveur de Louis, ôc<br />

y^i^odes, de CHARLOTTE , ils obtmrènt de JAQUE$ la refHtution de la gfan-<br />

OmSmde- de Gommandcric, ôc de fes dépendances, dôiit A s'étoit peu<br />

ChTOre ^^^ P^^ auparavant, plutôt pour ks punk.de leur partialité envers<br />

fon ennemi, que pour fe dédommager de k perte, qu'A<br />

avoit faite fur une Galère, que commandoit MICHEL DE MAL­<br />

TE , fameux Corfake , que le Commandeur de Chatelu avoit<br />

prife, avec un Vaiffeau Fétatien, dtnt ce Pirate s'étoit emparé.<br />

JAQUES fe flattoit, que cette générofité lui attireroit l'amitié<br />

du Grand-Maître, Ôc fengageroit à agir, en k faveur auprès<br />

du Pqntife, qui avoit pour lui beaucoup de confidération.<br />

ArtîdcJzr Le Père LUZIGNAN affure, que le St.Père^yoit reçu favorablement<br />

les Ambaffadeurs de JAQUES ; ôc qu^il avoit même confenti<br />

à fon mariage avec la FiUe du Defpote de k Morée ; Mais que<br />

ces Mmiftres avoient ordre fécret de ne point conclurre<br />

cette AUiance, qu'eUe ne fût précédée par l'Ade de reconnoiffance<br />

de la Roïauté; ôc que le Pape ne voulut point en entendre<br />

parler; ce qui fit échoiiër toute k négociation.<br />

LOREDAN, au contraire v affure, que le Pape rie voulut point<br />

attribuer à JAQUES k qualité de Roi, parce qu'A avoit refufé<br />

d'époufer une de fes Nièces, dont les mêmes Ambaffadeurs favoient<br />

informé, que la "conduite n^étoit point convenable à k<br />

naiffance; ôc que ce fut le feul motif, qui porta lé Pontife àfes<br />

renvoïer avec mépris, plutôt qu'à fes coiçédierj de k manière<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. Uv.XXL CH. VL lOOI<br />

.nière qu'A les avoit accueiUis ; ôc à traker JAQUES de Tiran,d'Apo- L«st.Père<br />

flat. Se d'Ufurpateur, amfi qu'A en parle dans unpetk Livre,{"J^gf^.^ri.<br />

qu'A fit imprimer à ce fojet, dans lequel lui impute tous les ire pubUc<br />

•vices imaginables, ôc décrit, tout au long, le ferment, qu'Ajfemd'mavoit<br />

prêté au Soudan d'Egygte, comme exécrable, ôc kcrAé-^^g^J|*^'*<br />

ge, afin (dit le même Auteur) de faire paffer fon reffentiment<br />

jusqu'à la Poftérité.<br />

Ce n'eft pas le feul endroit, où les Auteurs de f Hiftoire de<br />

Chypre ne s'accordent point. On y trouve tant de çontradidions<br />

en plufieurs endroits, foit pour la Chronologie, foit*<br />

pourles faits, que je fuis fouvent obligé de citer leurs différents<br />

fentimens, ôc d'en laAfer k décifion à mon Lcdeur.<br />

Mmm mmm %<br />

• ~ ^<br />

t<br />

1<br />

< • .<br />

• • ' ^ . . . - '<br />

HISTOI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


AïticleL<br />

.-»-'**.<br />

.ij- ;^<br />

HISTOIRE GENERALE<br />

R O ï AU M E S<br />

DE<br />

CHYPRE. D^ JÉRUSALEM,<br />

D' É G y P T E.<br />

L I f^ R E %XIL<br />