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Quelle politique De recHercHe ? un bras de fer s’est engagé entre la communauté scientifique et le gouvernement. Moins visible que d’autres conflits sociaux, cet affrontement porte sur une question de fond : de quelle recherche le pays a-t-il besoin ? © bsip/JOlYOt La politique suivie par l’actuel gouvernement repose sur deux piliers. Le premier est le déplacement du centre de gravité du système de recherche des grands organismes que sont le CNRS, l’Inria (informatique), l’Inserm (recherche médicale) ou l’Inra (recherche agronomique) vers les universités. C’est ainsi que le gouvernement a fait voter, deux mois après sa prise de fonction, la loi sur l’autonomie des universités qui renforce les pouvoirs brèves La France dépense environ 2,2 % de son Produit intérieur brut dans la recherche. Cet investissement est assuré aux trois cinquièmes par le privé et aux deux cinquièmes par le public. En euros constants – corrigés de l’inflation – tous les organismes publics de recherche accusent une baisse de 1 à 2 % de leur budget en 2009. Les universités voient leur dotation augmenter de 0,84 %. Surtout, le soutien à la recherche privée, via les crédits d’impôt, bondit de 44 %. Fondé en 1939, le CNRS emploie 32 000 personnes. Mais son découpage récent en 9 instituts thématiques fait redouter qu’il ne perde sa fonction essentielle d’organiser les échanges entre les différentes disciplines scientifiques. CCASinfos 301 - Mai 2009 des présidents et a affecté l’argent de la vente des actions d’EDF à son plan Campus. Le second est le renforcement du contrôle gouvernemental sur le choix des thèmes de recherche. Alors que les chercheurs, les laboratoires, ou les grands organismes de recherche étaient, dans une large mesure, libres de déterminer leurs priorités, la nouvelle politique vise à distribuer l’essentiel des crédits directement par le ministère, ou via une Agence nationale de la recherche (ANR) qu’il contrôle entièrement. Cette dernière ne finance des projets que pour quatre ans, et donne une large part aux recherches appliquées. Faire émerger de grands campus et abandonner les petites universités Si l’idée de renforcer le pouvoir des universités ne suscite pas d’hostilité a priori, la manière dont s’y est pris le gouvernement pour y parvenir a cependant mis le feu aux poudres. Son objectif est en effet de faire émerger en France une dizaine de grands campus de renommée internationale, au risque d’abandonner à leur sort les plus petites universités qui jouent pourtant un rôle local indispensable. Même dans les universités les plus renommées, le renforcement des pouvoirs du président – qui peut dorénavant recruter des enseignants, faciliter leur carrière, ou moduler la part d’enseignement et de recherche dans leur service – a suscité une forte irritation tant il heurte la tradition universitaire de collégialité. Les chercheurs seuls à pouvoir décider des orientations de leurs travaux Mais l’hostilité de la communauté scientifique n’aurait sans doute pas été si forte si le gouvernement n’avait, en parallèle, choisi de piloter directement l’essentiel de la politique scientifique française. Comme l’explique Bertrand Monthubert, ancien président de l’association Sauvons la recherche, « la logique du “qui paye décide“ ne peut pas s’appliquer à la recherche » car les chercheurs sont les seuls, vu l’extrême complexité de leurs travaux, à pouvoir décider dans quelles orientations ils doivent les mener. Albert Fert, prix Nobel de physique 2008, souligne de son côté qu’il n’aurait pu obtenir son prix « si n’avait existé que le financement sur projet de l’ANR ». Ses recherches très fondamentales sur le magnétisme qui ont, in fine, abouti à augmenter la mémoire des disques durs d’ordinateur, n’ont en effet pu être menées que grâce au soutien constant du CNRS qui ne se préoccupait pas d’applications rapides. La recherche a besoin de temps, et le gouvernement privilégie le court terme. C’est en définitive de ce choix que découle l’affrontement avec la communauté scientifique. Textes : Nicolas Chevassus 37
point de vue sur… pour un « protectionnisMe réFlécHi » Jean-luc Gréau, ancien économiste au Medef, analyse les causes de la crise actuelle. il esquisse quelques pistes pour en finir avec ce capitalisme mondialisé qui met en concurrence les salariés et déresponsabilise les prêteurs et les actionnaires. Que nous enseigne la crise actuelle sur le modèle économique et financier qui domine le monde ? Tout d’abord, ce n’est ni une crise conjoncturelle classique ni une crise financière classique, mais une crise systémique mondiale, dont l’épicentre est en Amérique, qui se manifeste par une crise du crédit sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale et une chute profonde de la production, qui atteint tout à la fois les pays ayant bâti leur prospérité sur le crédit aux ménages (États-Unis, Angleterre, Espagne) et les pays ayant joué la carte de la compétitivité sans concessions (Japon, Corée, Allemagne). Les modèles économiques qui nous ont été proposés depuis le début de la décennie sont en ruine. Le premier enseignement majeur, que les classes dirigeantes s’emploient à occulter, est que l’on ne peut se permettre de payer durablement le travail humain au-dessous de sa productivité et de sa qualité. La mise en concurrence des travailleurs du monde, bénie par les bourses, est à l’origine d’une déflation salariale, longtemps compensée par l’endettement des ménages occidentaux, qui produit aujourd’hui ses effets déprimants. Le deuxième enseignement est relatif à la déresponsabilisation des prêteurs. La faculté qui leur a été donnée de revendre leurs prêts sans limites a autorisé une pratique de crédit aventureuse, tout en rendant opaques les marchés de la dette. Le troisième enseignement est que la mondialisation commerciale et financière permet à tout séisme majeur, survenu sur un continent, de se propager sur les autres. Les solutions préconisées par le G20 sont-elles de nature à assainir le système ? La mesure principale adoptée par le G20 consiste dans le renforcement des moyens du FMI pour lui permettre deux choses. Premièrement, venir au secours des nombreux pays en faillite ou menacés de faillite. Deuxièmement, se muer en société publique internationale de crédit à l’import et à l’export pour suppléer les opérateurs privés défaillants. Le G20 s’est mobilisé pour sauver le commerce mondial déprimé depuis l’été 2008. Autant dire qu’il a voulu « sauver le soldat libre-échange ». Que proposez-vous pour en finir avec ce capitalisme fou ? Si l’on veut vraiment rompre avec l’organisation économique des trente dernières années, qui nous expose à la ruine, on doit agir avec détermination dans trois domaines. Premier domaine, celui du commerce mondial, où un protectionnisme réfléchi doit pouvoir être appliqué. L’Asie émergente agit en prédatrice en s’appuyant sur ses avantages compétitifs représentés par un travail productif fort peu cher. Elle entraîne au déclin les industries occidentales tout en s’emparant des marchés des pays pauvres, tels que les pays africains, qui ne peuvent guère trouver de place dans la mondialisation. Si l’Asie émergente veut accéder à nos marchés européens, elle doit le faire en venant produire chez nous, aux conditions sociales, fiscales et environnementales qui sont les nôtres. Deuxième domaine, celui de la responsabilisation des prêteurs. Imagine-t-on un producteur agricole ou industriel qui ne serait pas responsable de ce qu’il met sur le marché ? La France, l’Europe peuvent, pour leur propre compte, décider de limiter la titrisation qui a permis aux prêteurs de se défausser du risque de crédit. Des mesures réglementaires simples suffiraient. Troisième domaine, celui de la responsabilisation des actionnaires. L’ère de l’actionnaire exigeant et infidèle devrait être close. L’entreprise n’est pas une machine à faire de l’argent, mais une entité économique et sociale dont la pérennité doit être soutenue. L’exercice déterminant des droits de vote devrait être réservé aux actionnaires qui se sont engagés contractuellement avec l’entreprise pour la durée d’exécution de la stratégie qui a reçu leur accord formel. Entretien réalisé par Samy Archimède jean-lUc gréaU Diplômé de sciences économiques, Jean-Luc Gréau a fait l’essentiel de sa carrière au CNPF puis au Medef. Directeur des études législatives, puis directeur de l’analyse et de la recherche au sein de l’organisation patronale, il la quitte en 2003. Il est l’auteur de trois essais économiques et financiers publiés aux éditions Gallimard (collection « Le Débat ») : Le capitalisme malade de sa finance (1998), L’avenir du capitalisme (2005) et La trahison des économistes (2008). 38 CCASinfos 301 - Mai 2009 © C. hÉlie GAlliMARD
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