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Qui sème en vacances, récolte la conscience - CCAS

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livres<br />

© binet - M.Y.O.p. Frédérique<br />

cléM<strong>en</strong>çon,<br />

créer Du s<strong>en</strong>s au FonD Du DésorDre<br />

Ce<strong>la</strong> fait déjà dix ans que Frédérique<br />

Clém<strong>en</strong>çon s’est av<strong>en</strong>turée<br />

dans les sables mouvants des destins<br />

contrariés, des monologues intérieurs<br />

qui <strong>en</strong> dis<strong>en</strong>t long sur <strong>la</strong> brutalité du<br />

monde. En 1998, elle a tr<strong>en</strong>te et un ans<br />

quand elle publie ses premiers écrits.<br />

D’emblée, Une saleté impose un style,<br />

une manière de regarder <strong>la</strong> société de<br />

biais, une écriture à <strong>la</strong> fois incisive et<br />

poétique. Dans ce premier roman, une<br />

mère et sa fille rég<strong>la</strong>i<strong>en</strong>t leurs comptes<br />

<strong>en</strong> mê<strong>la</strong>nt leurs voix dans des récits<br />

croisés, convoquant leurs fantômes<br />

dans un univers confiné au goût rance.<br />

En 2003, avec Colonie, l’auteure nous<br />

plongeait à nouveau dans un huis clos<br />

familial et décrivait <strong>la</strong> vie de province<br />

étriquée, où l’on végète <strong>en</strong> rêvant<br />

d’exotisme.<br />

Loin de <strong>la</strong> « superproductivité »<br />

ambiante<br />

Pour chacun de ses récits, le tour<br />

de force de Frédérique Clém<strong>en</strong>çon<br />

réside dans cette manière toute singulière<br />

qu’elle a de créer du s<strong>en</strong>s au<br />

fond du désordre. Comme si elle <strong>la</strong>is-<br />

avec Traques, son troisième ouvrage,<br />

l’écrivaine discrète dépeint habilem<strong>en</strong>t le risque<br />

d’un monde déshumanisé, définitivem<strong>en</strong>t soumis<br />

aux lois du marché.<br />

sait à chacun de ses romans le temps<br />

de mûrir, loin de <strong>la</strong> « surproductivité<br />

» ambiante de l’édition française.<br />

« Comme <strong>la</strong> plupart des écrivains, je<br />

ne vis pas de mes livres et ai donc un<br />

autre métier, <strong>en</strong>vahissant. Je suppose<br />

que si je pouvais me consacrer <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

à l’écriture, j’écrirais des livres<br />

s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ts, mais peutêtre<br />

est-ce un leurre. Pour autant, et<br />

c’est sans doute là l’ess<strong>en</strong>tiel, j’écris<br />

ce que je veux dans les conditions qui<br />

sont les mi<strong>en</strong>nes, de sorte que <strong>la</strong> frustration<br />

que je pourrais éprouver à ne<br />

pouvoir m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> tous mes projets<br />

s’évanouit assez vite », expliquet-elle.<br />

Car Frédérique Clém<strong>en</strong>çon est<br />

discrète, poursuit à son rythme une<br />

œuvre rare, dont chaque roman a été<br />

salué par <strong>la</strong> critique et a é<strong>la</strong>rgi son<br />

cercle de lecteurs.<br />

Choisir des parcours<br />

marginaux ou isolés<br />

Son troisième roman <strong>en</strong> dix ans,<br />

Traques, est le plus habile de tous, <strong>en</strong><br />

ce s<strong>en</strong>s qu’il submerge le lecteur de<br />

sa prose délicate et musicale, le noie<br />

dans des intériorités m<strong>en</strong>acées pour<br />

mieux nous faire sortir <strong>la</strong> tête de l’eau.<br />

À nouveau, <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant des chemins de<br />

traverse, <strong>en</strong> choisissant des parcours<br />

marginaux ou isolés, elle ouvre une<br />

grande f<strong>en</strong>être sur notre société. C’est<br />

le risque d’un monde totalem<strong>en</strong>t déshumanisé,<br />

définitivem<strong>en</strong>t soumis aux<br />

lois du marché, du r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t et de<br />

<strong>la</strong> concurr<strong>en</strong>ce que dessine avec brio<br />

Frédérique Clém<strong>en</strong>çon. Un monde où,<br />

avec les croche-pattes, on ne se relève<br />

pas facilem<strong>en</strong>t des accid<strong>en</strong>ts de <strong>la</strong> vie.<br />

Pour l’écrivaine, « avec le temps, à <strong>la</strong><br />

faveur des comm<strong>en</strong>taires nombreux<br />

qu’il a fait naître, ce livre me semble<br />

pouvoir être lu de manières très différ<strong>en</strong>tes,<br />

selon qu’on se p<strong>la</strong>ce dans une<br />

perspective qui met les personnages<br />

au c<strong>en</strong>tre ou que, pr<strong>en</strong>ant un peu de<br />

hauteur et les considérant tous <strong>en</strong>semble,<br />

on adopte un point de vue<br />

plus politique : qu’est-ce que ce texte,<br />

à travers ces histoires certes singulières<br />

mais qui se font aussi écho, dit<br />

de notre monde ? Ces deux lectures<br />

ne s’exclu<strong>en</strong>t pas, bi<strong>en</strong> au contraire ».<br />

Et c’est bi<strong>en</strong> là toute <strong>la</strong> force de ces romans,<br />

cet <strong>en</strong>tre<strong>la</strong>cem<strong>en</strong>t subtil <strong>en</strong>tre <strong>la</strong><br />

réalité <strong>la</strong> plus brutale et le romanesque<br />

le plus s<strong>en</strong>sible.<br />

le chOiX de<br />

FrédériqUe<br />

cléM<strong>en</strong>ÇOn<br />

LE PEUPLE D’EN BAS<br />

Jack London,<br />

Éd. Phébus, 10 €.<br />

Une description minutieuse<br />

et magistrale du monde<br />

des exclus dans le Londres<br />

du début du XX e siècle.<br />

On est frappé à <strong>la</strong> lecture<br />

de constater combi<strong>en</strong>, un siècle<br />

plus tard pourtant, les mêmes<br />

problèmes toujours demeur<strong>en</strong>t.<br />

Une magnifique leçon de<br />

journalisme d’investigation.<br />

DE LA DÉCENCE<br />

ORDINAIRE<br />

Bruce Bégout,<br />

Éd. Allia, 6 €.<br />

Un essai sur <strong>la</strong> p<strong>en</strong>sée<br />

politique de George Orwell,<br />

saisissant d’actualité,<br />

lui aussi. À lire avec l’essai<br />

que Jean-C<strong>la</strong>ude Michéa a<br />

égalem<strong>en</strong>t consacré à cet écrivain,<br />

dont on reparle à raison.<br />

42<br />

<strong>CCAS</strong>infos 301 - Mai 2009

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