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Célébrer. Ils n'étaient qu'une poignée à l'avoir accompagnée jusqu'à ...

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Dossier<br />

12 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

Dossier préparé<br />

par Sarah Druet Lamy.<br />

<strong>Célébrer</strong>. <strong>Ils</strong> n’étaient qu’une <strong>poignée</strong> <strong>à</strong> l’avoir <strong>accompagnée</strong><br />

jusqu’<strong>à</strong> son envol ; ils sont aujourd’hui plus de 12000 <strong>à</strong> travailler<br />

pour elle dans toute l’Europe. Trente ans après le premier<br />

lancement du 24 décembre 1979, Ariane a su conquérir les plus<br />

réfractaires. Superbe, parfois capricieuse, toujours généreuse,<br />

elle a nourri les rêves de ceux et celles qui ont contribué<br />

<strong>à</strong> transformer ses essais en succès, son histoire en épopée.<br />

A l’heure où la belle dame célèbre l’âge de la maturité,<br />

c’est l’aventure collective de ces opérationnels liés par un<br />

objectif commun que nous avons décidé de vous conter.<br />

Car, bien qu’il ne soit pas dans nos habitudes de dévoiler<br />

les dessous des dames, c’est bien dans l’intimité de leurs<br />

aventures avec le lanceur que souffle “l’esprit Ariane”.<br />

Ariane, les Trente<br />

Glorieuses<br />

Un conte de Noël<br />

24 décembre 1979, H0 – 2 minutes 14 secondes au Centre<br />

Spatial Guyanais. Arrêt de la séquence synchronisée.<br />

Hautaine, Ariane semble toiser les spectateurs depuis le pas<br />

de tir de l’Ensemble de Lancement 1. Depuis une semaine,<br />

elle les a malmenés, les opérationnels présents pour l’assister<br />

dans son envol : non contente de leur avoir fait subir un départ<br />

avorté le 15 décembre, elle s’est soustraite au rendez-vous<br />

de la veille, <strong>à</strong> H0 – 52 secondes. Sur les traits tirés des<br />

spectateurs se lisent l’angoisse et l’épuisement des « sept<br />

jours de travail en continu […] nécessaires pour se remettre<br />

en condition de lancement », comme le rappelle Hubert Palmieri,<br />

du CNES, alors chef de mission. Quelques heures auparavant,<br />

ils en étaient encore <strong>à</strong> tromper leur angoisse en pariant<br />

sur les titres des journaux du lendemain. Mais l<strong>à</strong>, le cœur<br />

n’y est plus. On commence <strong>à</strong> croire que le réveillon se fera<br />

sans Ariane tant les aléas persistent <strong>à</strong> s’enchaîner avec<br />

une consternante régularité. C’est alors qu’<strong>à</strong> 14h14 minutes<br />

et 38 secondes précises, Ariane s’élance, svelte, dans le ciel<br />

de Guyane. Sur la base, c’est l’explosion de joie,<br />

le couronnement d’un étrange réveillon évoqué non sans<br />

humour par Daniel Philippe Erard, alors directeur des équipes<br />

propulsion pour la Société Européenne de Propulsion :<br />

« Ariane nous aura tout fait dans la gamme de caprices de jolie<br />

femme.


«Aussitôt après le lancement réussi» raconte Alexandre Merdrignac (ici au 1 er plan), «nous avons fait la première bataille de boules de neige en Guyane».<br />

A ses côtés, le regretté Hubert Curien, alors président du CNES.<br />

Depuis “non, non, je ne suis pas celle que vous croyez, je ne suis<br />

pas en état de partir”, <strong>à</strong> “vous plaisantez, je suis tellement sous<br />

la pression que mon clapet va lâcher” […] pour terminer bonne<br />

fille par : “bon, puisque c’est Noël, qu’il fait beau et que même si<br />

je trépigne, je n’aurai plus d’hydrogène, j’y vais”.» En un instant,<br />

il est vrai, le 24 décembre a retrouvé des allures de Noël …<br />

et même la neige est au rendez-vous pour récompenser<br />

les efforts des plus opiniâtres :<br />

« Aussitôt après le lancement réussi, nous avons fait la première<br />

bataille <strong>à</strong> coup de boules neige jamais organisée en Guyane.»<br />

confie Alexandre Merdrignac, ancien chef des opérations<br />

de l’Ensemble de Lancement Ariane, «[Au pied de la tour],<br />

toute l’évacuation d’oxygène avait formé un gros tas de neige.<br />

Ne pouvant y résister, nous nous sommes battus comme des<br />

gamins <strong>à</strong> coups de boule de neige... ». Il fallait bien cela en effet<br />

pour célébrer l’accession de l’Europe <strong>à</strong> l’indépendance<br />

spatiale, l’aboutissement de sept ans de développement menés<br />

sous l’égide du CNES. Avant d’offrir cet envol parfait <strong>à</strong> ses<br />

chevaliers servant, la belle avait dû conquérir <strong>à</strong> la conférence<br />

du 12 juillet 1973 <strong>à</strong> Bruxelles des Etats européens parfois<br />

réticents <strong>à</strong> se lancer dans une aventure d’envergure au<br />

lendemain de l’échec du programme Europa ; elle avait<br />

dû affronter l’hostilité d’une partie de la presse nationale qui<br />

la jugeait obsolète en regard de la révolutionnaire navette<br />

américaine. Mais elle avait <strong>à</strong> ses côtés depuis sept ans des<br />

adjuvants perspicaces et volontaires : les membres du projet<br />

“L3S”, placés sous l’autorité du directeur du développement<br />

d’Ariane Yves Sillard et du chef de projet Ariane Frédéric<br />

d’Allest.<br />

Et une, et deux, et trois Ariane…<br />

Financé <strong>à</strong> plus de 63% par la France, le lanceur bénéficie<br />

en effet de l’intuition stratégique de ces hommes issus de<br />

la Division des Lanceurs du CNES qui, d’emblée, lui assignent<br />

l’objectif de faire sa place sur un marché des lancements<br />

commerciaux alors entièrement dominé par les Etats-Unis.<br />

Frédéric d’Allest se souvient de l’audacieuse démarche<br />

en trois temps qui allait poser entre 1976 et 1978 les bases<br />

de la famille Ariane: «Premier élément : nous avons “déclenché<br />

les hostilités”, si j’ose dire, <strong>à</strong> l’occasion d’une demande d’Intelsat<br />

de lancer des satellites de la classe Intelsat 5. […] Nous avons<br />

eu un peu de culot, mon collègue Raymond Orye et moi-même.<br />

© 1979 SYGMA/NOGUES Alain<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 13


[…] Nous sommes allés expliquer que nous étions des gens<br />

sérieux, qu’Ariane serait prête et qu’on allait pouvoir faire des offres<br />

d’une qualité au moins égale <strong>à</strong> l’Atlas Centaure et certainement<br />

meilleures que celles de la navette spatiale américaine.[…]<br />

On a réussi notre coup puisqu’on a réussi <strong>à</strong> signer ce contrat dans<br />

le cadre de l’ESA […] Deuxième élément : lancer la production<br />

des lanceurs en série et arrêter la création d’Arianespace<br />

(alors Transpace) [créée le 26 mars 1980] pour faciliter la<br />

commercialisation des lanceurs. Troisième élément : nous avions en<br />

face de nous des prix complètement cassés […]. Notre seule porte<br />

de sortie a été d’organiser le lanceur pour faire des lancements<br />

de deux satellites simultanément. D’où la mise en place du système<br />

de lancement double SYLDA, l’adaptation des moyens charges<br />

utiles, l’adaptation du lanceur. C’est pour cela que l’on a fait Ariane<br />

3 et donc, dès 1976, on a lancé le concept de “famille Ariane”».<br />

Conçu d’emblée comme un lanceur évolutif, Ariane 1 a de fait<br />

<strong>à</strong> peine volé que le 3 juillet 1980, l’ESA décide le développement<br />

des versions ultérieures Ariane 2, 3 et 4. Plus puissantes,<br />

les nouvelles versions permettent de passer d’une capacité<br />

d’emport de 1,85 tonnes <strong>à</strong> 2,2 puis 2,7 tonnes pour Ariane 3.<br />

Une stratégie de performativité qui s’avère payante : un an<br />

après sa création, Arianespace récolte déj<strong>à</strong> un carnet<br />

de commandes de 1,4 milliards de francs et douze commandes<br />

de lancements. Dès 1985, en outre, la société réussit <strong>à</strong> capter<br />

la moitié du marché mondial des lancements commerciaux.<br />

Ariane 4 : le règne<br />

Toutefois, pour anticiper l’arrivée de nouvelles générations<br />

de satellites de plus en plus lourds, il faut aller bien au-del<strong>à</strong>.<br />

C’est pourquoi de nouvelles évolutions techniques sont<br />

envisagées dans le cadre du projet Ariane 4. Incarnant le cheval<br />

de bataille commercial de l’Europe, le lanceur s’impose non<br />

seulement par sa capacité d’emport de 4,2 tonnes en orbite<br />

14 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

GTO mais aussi par sa modularité : il se décline en six versions<br />

différentes adaptées aux missions et aux passagers. Son<br />

premier vol depuis l’Ensemble de Lancement 2 le 15 juin 1998<br />

inaugure un règne de quinze ans pendant lequel les succès<br />

s’enchaîneront <strong>à</strong> une cadence effrénée. Ariane 4, forte d’un<br />

taux de fiabilité de 97,4%, imposera un tempo d’environ onze<br />

lancements annuels. Un nouveau rythme qui n’est pas sans<br />

impliquer une standardisation progressive des modes<br />

opératoires, comme l’explique Pierre Ribardière, Directeur<br />

Des Opérations au CNES/CSG de 1983 <strong>à</strong> 2007 : «Nous<br />

sommes passés de l’époque de la science <strong>à</strong> l’époque du commerce,<br />

avec jusqu’<strong>à</strong> trois lancements dans le même mois. Il nous a donc<br />

fallu structurer et encadrer nos modes opératoires, les standardiser<br />

pour plus d’efficacité et de fiabilité. Pour ma part j’ai passé ma vie<br />

<strong>à</strong> écrire des procédures pour faciliter le travail des autres DDO,<br />

non sans l’aide précieuse de mon collègue Jacques Schrive.»<br />

Sur la base spatiale s’est en effet forgée une certaine culture<br />

Ariane, empreinte tout <strong>à</strong> la fois d’humilité et de fraternité<br />

opérationnelle. Tirant le bilan de l’échec de V36 du 22 février<br />

1990, causé par l’oubli d’un chiffon dans une tuyauterie<br />

du lanceur, l’ancien directeur des programmes Ariane 1 pour<br />

Au CDL1, la concentration des opérateurs n'a rien a envier<br />

<strong>à</strong> celle qui règne aujourd'hui au CDL3 les soirs de lancement.<br />

le CNES André Van Gaver en fera un facteur de progrès<br />

déterminant du programme Ariane : « Je crois qu’une des forces<br />

du programme, ça a été lors de cet échec, non pas de licencier<br />

la personne et de la montrer du doigt, mais au contraire de<br />

se réunir et de discuter : pourquoi, comment pourrait-on ensemble<br />

se prémunir du manque de fiabilité humaine et mettre des<br />

contrôles qui permettent de s’assurer que l’erreur ne passe pas…<br />

C’est ce qu’on a fait, <strong>à</strong> la fois du point de vue matériel et logiciel.<br />

Surtout, ça a introduit beaucoup d’humilité et un sens de l’équipe<br />

absolument fondamental parce qu’un lanceur qui part, c’est 2000<br />

personnes qui ont beaucoup travaillé, qui ont fait la chose du mieux<br />

qu’ils pouvaient faire ensemble».<br />

Le baptême d’Ariane<br />

Pour trouver le nom d’Ariane, le CNES avait lancé en 1973 un appel<br />

<strong>à</strong> idée. Mais c’est le ministre Jean Charbonnel qui imposera<br />

finalement son choix personnel, comme le raconte Michel Bignier,<br />

directeur général du CNES de 1972 <strong>à</strong> 1976: «Ariane ne figurait pas<br />

sur ma liste. Deux jours plus tard, le ministre m’explique qu’il est un<br />

passionné de la Grèce antique, qu’il aime le nom d’Ariane ; il est donc<br />

reconnaissant au CNES de lui avoir donné l’occasion de l’utiliser ».


Ariane 5, l’Europe simplement<br />

C’est sur ce socle que sera développé le programme<br />

du lanceur lourd Ariane 5, qualifié en trois vols malgré l’échec<br />

très médiatisé de son lancement inaugural. « Pour Ariane 5,<br />

on a eu <strong>à</strong> ce moment-l<strong>à</strong> une chance inouïe, on disposait au CNES<br />

et chez les industriels d’équipes qui avaient travaillé ensemble<br />

depuis 1973, donc de gens qui se connaissaient, on avait un retour<br />

d’expérience considérable», précise Roger Vignelle, alors<br />

directeur général chargé des systèmes de transport spatiaux.<br />

Mise en œuvre dans une optique de rationalisation du process<br />

de lancement, Ariane 5 n’est pas pour autant la simple<br />

continuité de son aînée avec qui elle n’a en commun que<br />

le troisième étage. En fait, la dernière née de la gamme fait<br />

souffler un nouveau vent de défi sur la base. Accueillie dans<br />

un Ensemble de Lancement 3 dédié construit par le CNES<br />

pour assurer une transition en douceur entre Ariane 4 et 5,<br />

le lanceur évolutif surprend autant par son architecture que<br />

par les nouveaux modes opératoires qu’il impose. Pour éviter<br />

le transport transatlantique de ses énormes propulseurs<br />

<strong>à</strong> poudre et faciliter le process de lancement, il a été décidé<br />

que les ergols solides du lanceur seraient produits dans<br />

une usine dédiée gérée par l’industriel italien Regulus tandis<br />

que la société Air Liquide Spatial Guyane se chargerait de<br />

produire les ergols liquides. A ce titre, le CSG se transforme<br />

en un véritable complexe spatial au paysage industriel redéfini.<br />

Les opérations de remplissage du lanceur s’effectuaient <strong>à</strong> l’aide de tenues de<br />

protection qui avaient la particularité de laisser pénétrer les vapeurs d’ergols<br />

et de les empêcher de sortir !<br />

Plus que jamais, d’ailleurs, au cœur du site multiculturel<br />

de mise en œuvre du lanceur s’incarne concrètement l’Europe<br />

spatiale en action et, comme le souligne l’ancien directeur<br />

du CNES/CSG Michel Mignot «un exceptionnel “ jeu collectif ”<br />

européen, évidemment Guyane comprise». Aujourd’hui, en effet,<br />

autour d’Ariane 5, 29 sociétés et filiales européennes réunies<br />

au sein de l’Union des Employeurs de la Base Spatiale<br />

oeuvrent <strong>à</strong> forger les succès collectifs sous l’égide des<br />

donneurs d’ordre Cnes et Arianespace, ainsi que sous<br />

la maîtrise d’œuvre industrielle d’Astrium depuis 2003. Entre<br />

le lancement du cargo avitailleur de la Station Spatiale<br />

Internationale ATV, la mise en orbite des satellites<br />

d’astronomie Herschel et Planck et celle, le 1 er juillet dernier,<br />

du plus gros satellite de télécommunications avec TerreStar,<br />

Ariane n’a jamais si bien démontré, ces dernières années,<br />

la capacité de l’Europe <strong>à</strong> accomplir les plus grandes prouesses<br />

scientifiques et techniques. A l’heure où Ariane 5 est <strong>à</strong> mi-vie,<br />

une nouvelle Ariane pointe le bout de sa coiffe. Il est donc fort<br />

<strong>à</strong> parier que le fil d’Ariane continuera <strong>à</strong> guider les générations<br />

futures sur les voies du succès. 4<br />

Les équipes campagne semblent bien plus décontractées il y a 30 ans<br />

qu'aujourd'hui… la mode vestimentaire y est sans doute pour quelques chose.<br />

Naissance d’un mythe<br />

Pour tout connaître des péripéties qui ont préludé <strong>à</strong> L01, l’ouvrage<br />

récent de l’ancien chef adjoint de la division opérations du CSG<br />

Jean-Pierre Morin fait déj<strong>à</strong> référence. Entre négociations<br />

commerciales et politiques, coups d’éclat piquants et anecdotes<br />

savoureuses sur fond de relations internationales tendues,<br />

“La Naissance d’Ariane” publié en janvier 2009 revient sur une<br />

gestation douloureuse et émouvante. A dévorer comme un bon roman.<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 15


Acteur<br />

Yannick d'Escatha,<br />

Président du CNES :<br />

«le CNES est le Père<br />

fondateur d'Ariane »<br />

Latitude 5 : Quel a été le rôle initial du CNES ?<br />

Yannick d'Escatha : Le CNES est le “père fondateur” de<br />

toute la famille Ariane, depuis Ariane 1 qui a effectué avec<br />

succès son premier vol de qualification le 24 décembre 1979<br />

jusqu’<strong>à</strong> Ariane 5, le lanceur le plus puissant sur le marché.<br />

Il est le concepteur, l’architecte système et le développeur<br />

de toute la famille pour le compte et dans le cadre de l’Agence<br />

Spatiale Européenne.<br />

Le CNES est aussi le “père fondateur” du Centre Spatial<br />

Guyanais (CSG), qu’il a conçu et construit sur les terrains<br />

que l’Etat lui a apportés en dotation (actuellement 700 km 2 ).<br />

Il est également propriétaire des Iles du Salut qui, situées sur<br />

la trajectoires du lanceurs, doivent être évacuées lors de<br />

la plupart des lancements.<br />

Le CNES est ainsi l’Autorité de conception de l’ensemble<br />

“système de lancement et base de lancement”, c'est-<strong>à</strong>-dire<br />

le lanceur et toutes les installations sol, y compris les réseaux<br />

de poursuite.<br />

Latitude 5 : Quel est le rôle du CNES aujourd’hui dans<br />

les programmes Ariane ?<br />

Y. D. : Le CNES a assuré les développements et les<br />

qualifications par délégation du Maître d’ouvrage ESA,<br />

et travaille aujourd’hui dans le cadre d’un contrat d’assistance<br />

au Maître d’ouvrage. Pour la phase de production, l’ESA<br />

et Arianespace nous demandent de contrôler le maintien<br />

de la qualification des lanceurs en exploitation, sur la base<br />

des informations fournies par le Maître d’œuvre industriel<br />

EADS Astrium.<br />

Par ailleurs, le CNES est responsable de la base spatiale<br />

de Guyane, Port Spatial de l’Europe. Cela signifie que nous<br />

sommes chargés de fournir <strong>à</strong> la France, <strong>à</strong> l’ESA et <strong>à</strong> l’Union<br />

Européenne une base spatiale toujours disponible, fiable,<br />

sûre et compétitive. Enfin, nous sommes également responsable<br />

de la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement,<br />

par délégation de l’Etat français, qui assume les responsabilités<br />

internationales d’Etat de lancement. Le CNES est ainsi<br />

l’Autorité de sauvegarde pour les opérations au sol et en vol<br />

du CSG.<br />

16 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

Latitude 5 : Quel sera le rôle du CNES <strong>à</strong> l’avenir ?<br />

Y. D. : Dans le rapport sur l’avenir de la filière des lanceurs<br />

en Europe, que nous avons réalisé, Bernard Bigot, Laurent<br />

Collet-Billon et moi-même, <strong>à</strong> la demande du Premier Ministre,<br />

qui bien voulu l’approuver en mai 2009, nous recommandons<br />

notamment, au-del<strong>à</strong> du développement Ariane 5 post ECA<br />

et ME lancé lors du dernier Conseil ministériel de l’ESA<br />

<strong>à</strong> La Haye en novembre 2008, de commencer <strong>à</strong> préparer dans<br />

le cadre ESA le développement de la nouvelle génération<br />

de lanceur européen “Ariane 6”.<br />

Et constatant que les développements vont repartir,<br />

Jean-Jacques Dordain et moi-même avons proposé de<br />

rapprocher la Direction des Lanceurs du CNES (DLA) et celle<br />

de l’ESA, en co-localisant l’ensemble des deux directions<br />

dans les mêmes bureaux <strong>à</strong> Paris pour faciliter l’intégration<br />

des équipes, au sein de la gouvernance ESA.<br />

En outre, les activités du CNES de contrôle du maintien de la<br />

qualification des lanceurs et de sauvegarde sur le CSG ont été<br />

codifiées par la Loi relative aux Opérations Spatiales du 3 juin<br />

2008. Ainsi, le CNES est chargé du contrôle de la conformité<br />

des systèmes et des procédures avec la Réglementation<br />

Technique édictée, de la coordination de la mise en œuvre<br />

des mesures de sûreté des installations et des activités du CSG,<br />

de la police spéciale de l’exploitation des installations du CSG,<br />

et enfin de la tenue du registre d’immatriculation des objets<br />

spatiaux lancés.<br />

Par ailleurs, la famille des lanceurs européens va s’agrandir<br />

prochainement avec l’arrivée des lanceurs Soyouz et Véga<br />

en Guyane, constituant ainsi une gamme complète de systèmes<br />

de lancement.<br />

Je pense que le CNES peut être fier de ses remarquables<br />

réussites tout au long de ces presque 50 dernières années.<br />

Il peut être fier aussi de tout ce qu’il continue <strong>à</strong> apporter<br />

<strong>à</strong> la France et <strong>à</strong> l’Europe, qui ont besoin de lui pour contribuer<br />

<strong>à</strong> doter l’Europe, de façon durable, de la garantie d’accès<br />

<strong>à</strong> l’espace et de la pleine utilisation des outils spatiaux au<br />

bénéfice des citoyens, des politiques publiques, de l’économie,<br />

de l’industrie et de la science. L’avenir du CNES et du CSG<br />

est tout tracé !


Rencontre<br />

«Lancer depuis le Centre<br />

Spatial Guyanais<br />

est un atout déterminant»<br />

Jean Yves Le Gall,<br />

Président Directeur Général<br />

d’Arianespace<br />

Leader incontesté sur le marché des lancements<br />

commerciaux avec 72% des contrats signés en 2008,<br />

Arianespace connaît mieux que quiconque les atouts<br />

dont Ariane peut se prévaloir face <strong>à</strong> la concurrence.<br />

Son Président Directeur Général Jean-Yves Le Gall le<br />

déclare sans ambages : le lanceur européen et son site<br />

de lancement font toujours recette auprès des clients<br />

internationaux. De la naissance de la première société<br />

mondiale dédiée au service de lancement <strong>à</strong> nos jours,<br />

retour sur le fabuleux destin commercial d’Ariane…<br />

et de son exploitant Arianespace.<br />

Latitude 5 : Pourquoi a-t-on créé Arianespace ?<br />

J-Y Le Gall : Arianespace a été créé en 1980 <strong>à</strong> la suite<br />

d’un double constat. D’une part, l’Europe avait développé<br />

avec succès le lanceur Ariane, parfaitement adapté au lancement<br />

des satellites géostationnaires et un nouveau marché était<br />

en train de se créer, puisque jusqu’au début des années 1980,<br />

il n’y avait pas vraiment de lancements de satellites commerciaux.<br />

D’autre part, compte tenu du faible nombre de satellites<br />

gouvernementaux européens, il fallait s’appuyer sur le marché<br />

commercial afin de garantir la fiabilité et la disponibilité<br />

indispensables aux missions de souveraineté. C’est pour cela<br />

qu’Arianespace a été créé en 1980, il y a 30 ans. La suite,<br />

on la connaît : nous venons de lancer la 191 ème Ariane et<br />

le 274 ème satellite.<br />

Latitude 5: Comment vend-on Ariane aujourd’hui ?<br />

J-Y. L. : Aujourd’hui, pour vendre des lancements d’Ariane 5,<br />

Arianespace dispose de plusieurs atouts ; je citerai les trois<br />

principaux. Le premier, c’est bien sûr la parfaite adéquation<br />

du lanceur aux besoins du marché et la capacité que nous avons<br />

de lancer avec succès (le Vol 191 était le 33 ème succès d’affilée<br />

d’Ariane 5) et <strong>à</strong> l’heure.<br />

Le deuxième, c’est le Centre Spatial Guyanais. C’est, et de loin,<br />

le meilleur centre spatial au monde, du fait des investissements<br />

réalisés depuis 40 ans par l’Europe spatiale, du fait de la qualité<br />

de l’accueil que trouvent nos clients et du fait que la Guyane,<br />

c’est la France.<br />

Le troisième, c’est l’héritage d’Arianespace. Nous vendons<br />

beaucoup plus qu’un lanceur : notre réseau commercial couvre<br />

le monde entier, nos clients savent que, de la négociation du<br />

contrat jusqu’<strong>à</strong> la mise en orbite de leur satellite, nous serons<br />

leur seul interlocuteur et que nous leur fournirons un service<br />

clé en mains comprenant le financement, les assurances,<br />

la garantie de relancement gratuit et bien sûr, le lancement<br />

proprement dit.<br />

Latitude 5 : En quoi le Centre Spatial Guyanais est-il<br />

un atout majeur dans la politique commerciale<br />

d’Arianespace ?<br />

J-Y. L. : Le Centre Spatial Guyanais offre d’abord une<br />

localisation géographique qui permet de lancer vers toutes<br />

les orbites. Il est placé sur l’équateur et offre aux lanceurs une<br />

performance maximale : ainsi en amenant Soyuz de Baikonur<br />

en Guyane, on gagne 50% de performance.<br />

De plus, ses installations sont remarquables, son personnel<br />

est particulièrement attaché au succès de la mission et au total,<br />

lancer depuis le Centre Spatial Guyanais est un atout souvent<br />

déterminant pour gagner un contrat.<br />

Ariane ne connaît pas la crise…<br />

Depuis le début de l’année 2009, Arianespace a remporté 14<br />

nouveaux contrats de lancement, disposant ainsi du carnet de<br />

commande le plus important de l’industrie spatiale : 30 satellites<br />

- <strong>à</strong> lancer en orbite de<br />

transfert géostationnaire avec<br />

Ariane 5 et Soyuz pour les plus<br />

petits (10 nouveaux contrats<br />

signés en 2009),<br />

- 7 lancements institutionnels<br />

d’Ariane 5 dont 6 destinés <strong>à</strong><br />

lancer les ATV,<br />

- 11 lancements spécifiques<br />

de Soyuz (4 nouveaux contrats<br />

signés en 2009).<br />

Forte de cette bonne santé<br />

commerciale, l’entreprise a<br />

signé le 30 janvier dernier un<br />

contrat avec EADS-Astrium<br />

pour la production de 35<br />

lanceurs Ariane 5 ECA.<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 17


Mot de l’ESA<br />

En 30 ans, la filière Ariane a donné naissance au<br />

«meilleur lanceur commercial au monde», au dire<br />

même de la NASA. Mais la garantie de l’accès<br />

<strong>à</strong> l’espace pour l’Europe <strong>à</strong> l’avenir est un défi constant<br />

de la politique de l’ESA. Antonio Fabrizi, Directeur<br />

des Lanceurs <strong>à</strong> l’ESA a fait le point pour Latitude 5 sur<br />

le passé, le présent et l’avenir d’Ariane.<br />

18 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

L’ESA : un rôle fédérateur de la genèse d’Ariane<br />

aux lanceurs <strong>à</strong> venir<br />

La 6ème Conférence spatiale européenne (CSE) <strong>à</strong> Bruxelles<br />

en juillet 1973 était celle de la dernière chance pour sauver<br />

la volonté d’un lanceur européen. Auparavant, 11 échecs<br />

du lanceur Europa venaient de mettre fin <strong>à</strong> l’ELDO (European<br />

Launcher Development Organisation).<br />

Le lanceur européen LIIIS, rebaptisé ensuite Ariane, fut sauvé<br />

in extremis <strong>à</strong> cette conférence, de même que l’accès<br />

indépendant <strong>à</strong> l’espace pour l’Europe. Pour la première fois,<br />

l’expression Agence spatiale européenne (ESA) fût prononcée.<br />

Son catalyseur allait être Ariane !<br />

«Ce n’était pas une coïncidence d’avoir décidé des deux programmes<br />

simultanément <strong>à</strong> cette Conférence. Même si Ariane et l’ESA sont<br />

nées ensuite <strong>à</strong> des dates différentes, la décision commune aux deux<br />

relevait du même processus mis en route alors par les Etats<br />

Européens», souligne Antonio Fabrizi, le Directeur des Lanceurs<br />

<strong>à</strong> l’ESA. «D’une part, il fallait réorienter l’organisation des Activités<br />

Spatiales Européennes en fondant l’ELDO et l’ESRO (European<br />

Space Research Organisation). D'autre part, il fallait aussi jeter<br />

les bases solides de l’accès européen indépendant <strong>à</strong> l’espace,<br />

non seulement en termes de principes, mais aussi en contenu<br />

programmatique, avec le développement d’Ariane.»<br />

Compte tenu de l’autorité insuffisante dont était dotée l’ELDO<br />

<strong>à</strong> la tête du programme Europa, la France proposa alors un<br />

projet unique de lanceur qui serait remis <strong>à</strong> un seul organisme,<br />

la future ESA.<br />

«A cette époque, le besoin était avant tout d’avoir une gestion<br />

unique et cohérente du programme de lanceur,» indique Antonio<br />

Fabrizi, «mesure qui fut confiée au CNES. La nécessité d’une<br />

Agence spatiale européenne répondait, elle, au besoin d’établir une<br />

base européenne solide pour pouvoir porter cette initiative.<br />

On réalisait déj<strong>à</strong> qu’aucun état européen ne pouvait <strong>à</strong> lui seul<br />

construire des lanceurs.»<br />

Cette Conférence fondatrice reprit aussi l’idée adoptée<br />

dès 1968 <strong>à</strong> la 3 ème CSE <strong>à</strong> Bad Godesberg (Bonn) de donner<br />

la priorité aux lanceurs européens avec un engagement<br />

des pays membres <strong>à</strong> en être les premiers utilisateurs <strong>à</strong> un coût<br />

raisonnable. «Il n’y aurait eu aucun sens non plus <strong>à</strong> construire<br />

des lanceurs européens sans s’assurer - <strong>à</strong> cette même Conférence -<br />

d’avoir des utilisateurs pour ces derniers. L’utilisation préférentielle<br />

des lanceurs européens fut l’un des principes adoptés.»<br />

Le rôle croissant de l’ESA<br />

Grâce au développement d’Ariane, confié dès 1973 au CNES,<br />

six ans plus tard son premier succès était au rendez-vous<br />

en respectant le calendrier et le budget assignés.<br />

«En même temps qu’assurer le succès, le CNES a permis aussi<br />

de créer le noyau de compétence en Europe dans le secteur<br />

des lanceurs,» explique Antonio Fabrizi. «En janvier 1980, quelques<br />

semaines seulement après le premier lancement, la Déclaration<br />

Relative <strong>à</strong> la Phase de Production des Lanceurs Ariane, décidée par<br />

les Etats membres, reconnaît le rôle du CNES comme l’autorité<br />

de conception et est <strong>à</strong> l’origine de la création d’Arianespace.»<br />

Dès sa création en 1975, l’ESA s’est impliquée d’une façon<br />

croissante dans le secteur des lanceurs. «Avec le développement<br />

des versions 2, 3 et 4 d’Ariane, l’ESA prend la responsabilité<br />

de la direction générale du programme, tandis qu’elle donne<br />

au CNES la délégation pour la direction technique, y compris<br />

l’approvisionnement et la mise en œuvre des contrats ; autrement dit,<br />

le CNES était l’interface formelle avec l’industrie. Pour l’exploitation<br />

d’Ariane, l’ESA, avec la Déclaration Relative <strong>à</strong> la Phase de Production,


devient le bras (ou le mandataire) des Etats membres pour autoriser<br />

Arianespace <strong>à</strong> assurer la production et la commercialisation<br />

du lanceur», ajoute-t-il.<br />

Cette organisation assura avec succès le développement<br />

et l’exploitation des Ariane 1 <strong>à</strong> Ariane 4. Néanmoins, l’année 2003<br />

marque un tournant puisque c’est lors de la réunion du Conseil<br />

de l’ESA au niveau ministériel de cette année que les ministresdes<br />

Etats membres décident d’introduire un changement<br />

fondamental dans cette organisation. «Lors de cette réunion,<br />

la décision des ministres fut de restructurer le secteur des lanceurs.<br />

Désormais l’ESA exécutera et gérera les programmes futurs d’Ariane<br />

conformément <strong>à</strong> la Convention et aux règles et procédures<br />

de l’Agence. Avec ce bouleversement, l’ESA devient l’interface directe<br />

avec l’industrie et le CNES assume le rôle d’assistant <strong>à</strong> la maîtrise<br />

d’ouvrage. <strong>Ils</strong> décidèrent aussi qu’un seul maître d’œuvre système<br />

lanceur <strong>à</strong> niveau industriel devait être responsable de la conception,<br />

le développement et la production. Ce changement prit d’autant plus<br />

d’importance <strong>à</strong> ce moment-l<strong>à</strong> que d’autres programmes de lanceurs<br />

s’étaient déj<strong>à</strong> mis en place avec Vega, Soyouz au CSG et le Programme<br />

préparatoire des lanceurs futurs (FLPP). De plus, la mise en place<br />

du Programme européen d’accès garanti <strong>à</strong> l’espace (EGAS) obligeait<br />

l’ESA <strong>à</strong> assurer une surveillance accrue de ce secteur et de son<br />

exploitation. Depuis six ans, l’ESA est au poste de pilote pour préparer<br />

les nouveaux programmes de lanceurs», souligne ce responsable.<br />

«Donc, en 30 ans le rôle de l’ESA a évolué, comme tout le secteur<br />

des lanceurs, pour servir encore mieux les intérêts des Etats membres<br />

en assurant la garantie d’accès <strong>à</strong> l’espace pour l’Europe», ajoute-t-il.<br />

Un futur prometteur<br />

Mais pour Antonio Fabrizi, « le meilleur est encore <strong>à</strong> venir ».<br />

La prochaine réunion du Conseil <strong>à</strong> niveau ministériel va<br />

représenter un tournant car elle permettra de forger l’avenir<br />

au-del<strong>à</strong> de 2020-2025. «Avec les décisions attendues <strong>à</strong> cette<br />

prochaine étape, nous allons vers un changement total<br />

Mot de l’ESA<br />

d’objectif : au lieu de nous concentrer, comme on l’a fait<br />

ces dernières années, sur la consolidation et l’exploitation<br />

de ce que nous avons, <strong>à</strong> savoir Ariane, nous allons évoluer vers<br />

un nouvel âge avec la conception de nouveaux lanceurs.<br />

Les ministres devront prendre une série de décisions telles<br />

que définir davantage les pré conditions de l’usage des lanceurs<br />

européens pour leurs propres besoins institutionnels comme<br />

ils l’avaient fait en 1973. Parmi les défis, il faudra commencer<br />

par consolider l’exploitation de Vega et Soyouz ; il faudra aussi<br />

faire des choix pour Ariane 5 post-ECA, définir son évolution,<br />

et envisager la prochaine génération de lanceur, Ariane 6.»<br />

Moins spectaculaire, mais non moins important, des progrès<br />

restent <strong>à</strong> faire dans le management des programmes sur la base<br />

des compétences existantes <strong>à</strong> l’ESA et dans les agences<br />

spatiales nationales. «Nous avons commencé un processus<br />

d’intégration des ressources avec les agences, en particulier avec le<br />

CNES qui représente la plus grosse partie de la compétence<br />

européenne pour les lanceurs. Nous devons travailler tous ensemble<br />

plus étroitement et plus efficacement pour tirer encore mieux parti<br />

des atouts européens», note Antonio Fabrizi.<br />

Si l’histoire est source d’enseignement, «il ne faut pas oublier<br />

que, de même qu’il y a 30 ans, sans Ariane ou sans lanceurs, il n’y<br />

a pas de programme européen cohérent pour aucun des Etats<br />

membres de l’ESA», conclut-il.<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 19


© 2009 Antoine Cercueil<br />

22 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

“Les fils d’Ariane ”<br />

Joël Barre, Directeur du CNES/Centre Spatial Guyanais<br />

“Ariane, une aventure humaine”<br />

La première fois que j’ai rencontré Ariane, c’était il<br />

y a vingt ans, j’étais alors un client d’Ariane 4.<br />

J’ai connu la forte impression d’un premier<br />

lancement au CSG, la visite de ses installations,<br />

le premier contact avec la Guyane, son climat,<br />

sa forêt…bref, tout ce que nos invités n’oublient pas<br />

<strong>à</strong> l’occasion d’un lancement au CSG. J’ai surtout<br />

connu l’extraordinaire émotion du client lors de<br />

la mise en orbite de son satellite, sur lequel il<br />

a travaillé des années <strong>à</strong> le concevoir et <strong>à</strong> le réaliser<br />

et pour lequel le moment de vérité du lancement<br />

est enfin arrivé… tout ce que j’observe aujourd’hui<br />

avec joie en salle Jupiter lorsque l’injection<br />

des satellites déclenche applaudissements et<br />

congratulations.<br />

Mais j’ai aussi connu Ariane dans la crise, après<br />

l’échec en vol, celui des deux premiers vols AR5,<br />

en configuration générique puis ECA. Et l<strong>à</strong>, après<br />

la déception voire l’abattement ou le désarroi<br />

des premiers instants, c’est l’extraordinaire capacité<br />

de réaction et de mobilisation pour faire face qui<br />

m’a profondément marqué : mobilisation de tous,<br />

Etats européens, agences et industriels réunis ;<br />

mobilisation de longue haleine, tout au long d’un<br />

plan de retour en vol qui a pu demander plus<br />

de deux ans d’effort ; mobilisation faite d’extrême<br />

rigueur, dans l’analyse et la correction de l’échec,<br />

mais aussi dans la révision, alors inévitable de<br />

l’ensemble du lanceur.<br />

Alors, oui, aujourd’hui j’ai beaucoup de fierté<br />

<strong>à</strong> poursuivre cette aventure humaine et <strong>à</strong> être<br />

le Directeur du CNES/CSG en cette année<br />

de commémoration des 30 ans d’Ariane. Et cette<br />

aventure humaine, faite de compétence et de<br />

dévouement, se poursuit aujourd’hui avec toutes<br />

celles et tous ceux qui font le succès d’Ariane 5.<br />

Ce sont ces femmes et ces hommes que vous allez<br />

maintenant retrouver <strong>à</strong> travers le portrait de<br />

30 d’entre eux, l’histoire de 30 métiers d’Ariane qu’ils<br />

ont bien voulu nous livrer. Ecoutons les raconter leur<br />

travail et leur émotion, ils sont la famille Ariane !<br />

Interviews réalisées par Federica Clarizio.<br />

Textes rédigés par Sarah Druet Lamy


© 2009 Antoine Cercueil<br />

Jean-Pierre BARLET<br />

Chef des Opérations Ensemble de Lancement<br />

COEL - Arianespace<br />

«Un lanceur, c’est comme un enfant. Quand il s’en va, on s’en sent<br />

encore responsable », s’exclame d’emblée Jean-Pierre. Chef<br />

d’orchestre des Ensemble de Lancements, le COEL assume il est<br />

vrai une lourde responsabilité dans le processus de lancement :<br />

coordonner les équipes en charge de l’intégration du lanceur,<br />

mettre en musique les opérations de chronologie jusqu’au<br />

décollage en coordination avec le DDO. «Dès la signature<br />

du contrat avec le client, ses besoins sont examinés par les équipes<br />

Arianespace et il faut faire en sorte que cette partition soit jouée sans<br />

fausse note. C’est une tâche complexe, qui réserve des moments forts.<br />

En 20 ans sur la base, Herschel-Planck a été ma plus belle campagne,<br />

longuement préparée et émaillée de petits aléas qui l’ont rendue<br />

encore plus passionnante <strong>à</strong> gérer. Il a fallu construire une installation<br />

spécifique de remplissage en Hélium d’Herschel au Bâtiment<br />

d’Assemblage Final (BAF). Les satellites ont connu des retards. Même<br />

la chronologie de lancement a été complexe, avec un début de transfert<br />

du BAF en Zone de Lancement <strong>à</strong> quatre heures du matin. Dans la nuit<br />

suivant ce transfert, nous avons enchaîné les opérations de chronologie<br />

finale. L’ensemble a été réalisé avec moins de deux heures de marge<br />

par rapport <strong>à</strong> l’heure de tir visée. Inutile de dire que je suis<br />

particulièrement satisfait de savoir que ces satellites d’astronomie<br />

accomplissent parfaitement leur mission, essentielle pour mieux<br />

comprendre les origines de l’Univers.»<br />

Jacques SCHRIVE<br />

Directeur Des Opérations, DDO - CNES<br />

Sous la férule habile de Jacques, les lancements Ariane trouvent<br />

leur rythme de croisière. Passionné de voile, le scrupuleux DDO<br />

pilote les opérations de lancement comme il manie son bateau.<br />

Avec hardiesse et adresse : « Je me souviens de mon premier<br />

lancement en tant que DDO. C’était en avril 1995. Pendant près<br />

de deux mois, j’avais sué sang et eau <strong>à</strong> la coordination de la campagne :<br />

support <strong>à</strong> la préparation satellite, actions sauvegarde, préparation<br />

de la base (télémesure, radar, télécommunications, optique/vidéo,<br />

météo,…). J’avais hâte de rejoindre mon pupitre au centre de contrôle<br />

pour piloter la chronologie de lancement du vol 85. Or, le hasard a voulu<br />

qu’en ce matin du J0, je sois convoqué pour l’épreuve pratique<br />

du permis côtier. Vous imaginez ! Piloter un bateau et une chronologie<br />

dans la foulée, avec ce que cette dernière implique comme<br />

concentration jusqu’<strong>à</strong> l’énoncé du décompte final ! En milieu<br />

de journée, je rejoignais, mon permis en poche, la salle de contrôle<br />

<strong>à</strong> JUPITER pour la chronologie, qui se déroula impeccablement, avec<br />

un lancement <strong>à</strong> l’heure dite. Quelques secondes après le décollage,<br />

lorsque j’ai entendu le grondement sourd du lanceur passant au-dessus<br />

de nos têtes, j’ai ressenti un grand soulagement : notre travail se terminait<br />

et celui des équipes satellites de mise <strong>à</strong> poste pouvait commencer.»<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 23


© 2009 Antoine Cercueil<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

24 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

Christian CABERIA<br />

Responsable des malaxeurs - Regulus<br />

A force d’officier dans la détonante cuisine de l’Usine de Propergol<br />

de Guyane, la recette au cœur du système de propulsion d’Ariane<br />

n’a plus de secret pour Christian : « Je cherche <strong>à</strong> fabriquer la pâte la<br />

plus homogène possible qui sera ensuite coulée et cuite <strong>à</strong> point, comme<br />

un gâteau. Sauf qu’ici, la pâte est composée de propergol, destinée <strong>à</strong><br />

charger les segments des moteurs des propulseurs Ariane 5 », expliquet-il.<br />

Une activité moteur dans le process de lancement Ariane, et<br />

par l<strong>à</strong> même surveillée avec attention. Surtout lorsqu’il s’agit d’un<br />

vol de qualification, qui plus est du vol inaugural d’Ariane 5 : « En 17<br />

ans sur la base, ce qui m’a le plus marqué, ça a été l’échec du premier<br />

vol d’Ariane 5, le vol 501. J’y assistais depuis le site Agami. Quand nous<br />

l’avons vu dévier et exploser en vol, ça a été la stupeur ! Les jours<br />

suivants, l’ambiance était pesante. Les investigations ont touché toutes les<br />

activités de la base et le soupçon s’est même porté sur la conception des<br />

Etages d’Accélération <strong>à</strong> Poudre. Heureusement, l’enquête a pu démontrer<br />

qu’elle n’était pas en cause. Et surtout, les succès ultérieurs ont montré<br />

<strong>à</strong> quel point on peut être confiant dans le système propulsif Ariane 5.»<br />

Reinhard HILDEBRANDT<br />

Adjoint au Responsable Intégration Lanceur - EADS-Astrium<br />

Dans son bureau de l’ancien CDL2 devenu le bâtiment Astrium,<br />

la maquette d’Ariane 1 côtoie la photo d’ATV. En 25 ans au CSG,<br />

Reinhard a pu suivre l’évolution du lanceur. «Chargé de la<br />

supervision de l’assemblage de l’Etage Supérieur Cryogénique au BIL,<br />

où Astrium est maître d’œuvre, je suis toujours en relation directe<br />

avec le lanceur. J’ai pu participer <strong>à</strong> plus de 180 lancements. J’ai suivi<br />

les évolutions du lanceur, de la petite Ariane 1 jusqu’au poids lourd<br />

Ariane 5 et pris part au nouveau rôle de maître d’œuvre d’Astrium.<br />

J’ai même participé <strong>à</strong> l’autre grande réalisation Astrium, la finalisation<br />

de l’ATV. Aujourd’hui les “balbutiements” du temps des pionniers ont fait<br />

place <strong>à</strong> la technologie de pointe et <strong>à</strong> l’industrialisation. Mais l’esprit<br />

de famille est resté. Nous avons sans cesse œuvré pour optimiser<br />

nos systèmes. C’est toujours vrai aujourd’hui, même si la famille s’est<br />

élargie, européanisée : EADS Astrium est le symbole du succès de<br />

la coopération franco-allemande. Et si tout fonctionne aussi bien,<br />

c’est parce que nous sommes fiers de notre lanceur, un des plus fiable<br />

au monde ».<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

Paolo CARDINALI<br />

Inspecteur qualité des EAP - Europropulsion<br />

Travailler au CSG, c’est aussi apprendre <strong>à</strong> s’orienter dans une<br />

forêt de sigles, d’usages, de termes d’initiés se référant aux<br />

différentes étapes de préparation du lanceur. Et quand on vient<br />

tout droit d’Italie pour assumer une fonction aussi exigeante<br />

que celle d’inspecteur qualité des Etages d’Accélération <strong>à</strong> Poudre<br />

d’Ariane, cet apprentissage est loin d’être des plus aisés. Paolo<br />

n’a pas oublié son immersion dans l’univers étranger du CSG :<br />

«Pour pouvoir livrer un compte-rendu précis des contrôles visuels<br />

et autres tests d’étanchéité menés sur les propulseurs assemblés<br />

par nos opérateurs, il m’a fallu suivre une double formation, technique<br />

et linguistique. Au début, ça n’a pas été sans mal au niveau de<br />

la langue. Imaginez qu’en arrivant, je croyais que le mot “outillage”<br />

désignait une procédure particulière ! Et lorsque je devais faire une<br />

annonce radio, je marmonnais des phrases en français apprises par<br />

coeur… Tout cela a bien changé. J’ai beaucoup appris dans<br />

l’environnement de travail international de la base.»


© 2009 Ronan Liétar<br />

Sandra DAMBO-CARÊME<br />

Analyste Gaz - Snecma<br />

Analyseur portable <strong>à</strong> la main et casque sur la tête, Sandra se tient<br />

toujours prête <strong>à</strong> traquer la moindre molécule de gaz susceptible<br />

de polluer les réservoirs cryogéniques ou les lignes de remplissage<br />

du lanceur. Une activité sous pression constante qui exige<br />

une disponibilité sans faille : « En plus de garantir la disponibilité<br />

des moyens d’analyse qui permettent d’apprécier l’état de propreté<br />

des organes d’Ariane, nous effectuons des contrôles de pureté des gaz<br />

utilisés sur le lanceur et les satellites, <strong>à</strong> chaque phase critique de la<br />

campagne. A ce titre, il n’est pas rare que nous soyons mobilisés <strong>à</strong> des<br />

heures tardives. En tant que mère de deux enfants, je dois évidemment<br />

composer entre la flexibilité inhérente <strong>à</strong> mon activité et mes obligations<br />

familiales. Mais l’enjeu stimule. Participer <strong>à</strong> des projets d’envergure<br />

comme le lancement du cargo ATV récompense largement les efforts<br />

consentis.»<br />

Thierry JEAN-LOUIS<br />

Responsable sécurité, Qualité, Environnement - ALSG<br />

Quand on est garant de la sécurité des opérations et du respect<br />

des règles concernant la qualité et l’environnement sur des sites<br />

tels que les usines de production d’oxygène liquide et d’hydrogène,<br />

on se doit de garder <strong>à</strong> l’esprit l’importance du processus de maîtrise<br />

des risques. «Pour garantir la sécurité des personnes intervenant sur nos<br />

installations, je m’assure du respect des règles et procédures de maîtrise<br />

des risques, je veille notamment au port des équipements de protection<br />

individuelle », rappelle Thierry. Une nécessaire prudence qui n’exclut<br />

pas l’enthousiasme : «En 14 ans, j’ai assisté <strong>à</strong> de nombreux événements<br />

marquants, et notamment au succès du vol 502, le second vol de<br />

qualification d’Ariane 5. Pour moi qui avais suivi tous les essais du moteur<br />

et de la table de lancement, et qui faisais partie des équipes de mise<br />

en œuvre de l’oxygène et l’hydrogène liquide indispensable <strong>à</strong> la propulsion,<br />

c’était l’aboutissement d’une longue histoire. Bien avant, j’avais d’ailleurs<br />

vécu l’augmentation des cadences Ariane 4. En tant que Guyanais, j’étais<br />

particulièrement fier de voir les yeux du monde tournés tous les mois vers<br />

la Guyane, et vers Kourou ! »<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

Judith BRÉANT<br />

Inspecteur qualité fluide sol - ESQS<br />

Il est des Saint-Valentin qu’on n’oublie pas. Aujourd’hui, c’est avec<br />

émotion que Judith se remémore son 14 février 2003, soir de<br />

la chronologie de la dernière Ariane 4, V159 : «Travaillant tout 2 sur<br />

les ELA, mon mari et moi avons eu la chance de vivre ces derniers<br />

instants dans le CDL 2. Aussi avons-nous passé cette soirée avec<br />

Ariane… dans une atmosphère plutôt triste et nostalgique, très intense.<br />

Lorsque le lanceur est parti le lendemain matin, un silence empreint<br />

de respect s’est élevé dans le CDL. A l’instar des autres opérationnels<br />

présents, j’étais très émue. Comme je le fais depuis 1997, en tant<br />

qu’inspecteur qualité fluide, j’avais suivi les équipes Sol sur les<br />

opérations <strong>à</strong> risque pour la mission et apporté mon support technique<br />

afin de résoudre les anomalies critiques rencontrées lors de cette<br />

campagne. Vous savez, c’est difficile de se dire que l’on fera ces gestes<br />

pour la dernière fois, mais heureusement l’aventure continue.»<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 25


© 2009 Antoine Cercueil<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

26 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

Rodolphe HORTH<br />

Chef de groupe chauffeurs - Endel<br />

Les routes du Centre Spatial Guyanais mènent parfois aux plus<br />

hautes distinctions honorifiques. Nommé Chevalier de l’Ordre<br />

National du Métier par Valéry Giscard d’Estaing, distingué de l’Ordre<br />

National du Métier par François Mitterand, Rodolphe Horth ne<br />

se lasse pas de remercier “son” lanceur: «J’ai commencé <strong>à</strong> travailler<br />

ici comme pompiste <strong>à</strong> 22 ans. Aujourd’hui, je suis Responsable du groupe<br />

Exploitation », dit t-il, une lueur de fierté dans les yeux. Chargé de<br />

la mise en place du matériel nécessaire au transport, notamment<br />

pour l’érection des propulseurs ou l’acheminement d’éléments<br />

du lanceur depuis le port, l’homme a veillé si souvent sur Ariane qu’il<br />

la considère presque comme sa propre enfant. N’était-il pas, il est<br />

vrai, <strong>à</strong> ses côtés il y a trente ans ? «J’ai vu sa naissance depuis la<br />

construction d’ELA1 jusqu’<strong>à</strong> l’arrivée de la première Ariane 1 <strong>à</strong> Dégraddes-Cannes.<br />

Ce jour-l<strong>à</strong>, je l’ai même touchée du doigt ! », confie-t-il. « Le<br />

jour du premier lancement, ma femme et moi étions présents, aux côtés<br />

des opérationnels dont les familles venaient d’arriver pour fêter Noël. Voir<br />

Ariane s’envoler dans le ciel de Guyane, c’était le plus beau des cadeaux.»<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

Henri SEC<br />

Géomètre - SATTAS<br />

Libre arpenteur du CSG depuis 15 ans, Henri connaît chaque<br />

centimètre du lanceur et de son environnement : «Quand on veut<br />

contrôler une forme, la taille de la coiffe du lanceur pour vérifier qu’un<br />

satellite peut y passer sans encombre, on fait appel <strong>à</strong> moi. J’interviens<br />

aussi bien en métrologie, pour mesurer les dimensions d’objets<br />

spatiaux, qu’en cartographie, pour produire les cartes d’installations<br />

et autres plans de survol de la base. C’est ainsi que j’ai participé aux<br />

mesures de contrôle des rails des installations du Bâtiment d’Intégration<br />

Lanceur. En quinze jours, il a fallu mesurer chaque rail, chaque système<br />

installé pour Ariane 5 pour vérifier leur conformité au plan. Sans<br />

téléphone portable, c’était épique, mais ça marchait ! Avant cela,<br />

<strong>à</strong> l’époque d’Ariane 4, j’étais chargé de repérer les propulseurs <strong>à</strong><br />

poudre après chaque décollage pour connaître la proximité de leur<br />

zone de retombée. Après un survol en avion, je me rendais sur le terrain<br />

pour les localiser dès le lendemain du lancement. Découvrir l’EAP<br />

de quatre mètres au beau milieu des feuilles et des lianes, juste après<br />

avoir croisé un singe ou un tamanoir, ça ne s'invente pas ! »<br />

Pascal PANTHIER<br />

Ergolier - Cegelec Space<br />

Avec son scaphandre et sa lourde tenue, Pascal ressemble plus<br />

<strong>à</strong> un cosmonaute qu’<strong>à</strong> un pompiste. Et pourtant, c’est bien du<br />

remplissage des réservoirs du lanceur en ergols stockables que<br />

s’occupe ce “pompiste du spatial”. Une fonction <strong>à</strong> risque assumée<br />

avec humour : «Indispensable en raison de risques d’inhalation<br />

de vapeurs toxiques, le port de la tenue occasionne parfois de petits<br />

tracas : dessous, il fait chaud, on a envie de se gratter…Un jour, un<br />

de mes collègues a été surpris par la présence d’un cafard dans<br />

son masque <strong>à</strong> air respirable, ce qui a provoqué l’arrêt de l’opération.<br />

Un autre a vu sa tenue gonfler <strong>à</strong> cause du blocage de la soupape<br />

d’évacuation de l’air. Mais le plus drôle, c’est le jour où l’un d’entre nous,<br />

qui racontait ses conquêtes féminines pendant une pause alors qu’il<br />

était toujours raccordé au réseau canal, a appuyé par inadvertance<br />

sur la pédale d’émission des messages radio intégrée <strong>à</strong> sa tenue.<br />

Tout le CDL2 a pu profiter de son récit !»


© 2009 Antoine Cercueil<br />

“ Le saviez-vous ?<br />

Richard LELIN<br />

Chef d’équipe entretien des salles blanches - Espacenet<br />

« En entrant au service de l’équipe d’entretien des salles blanches<br />

du CSG en 1999, j’ai appris plus qu’un métier. J’ai compris <strong>à</strong> quel point<br />

la mission des satellites qui y sont stockés est importante pour chacun<br />

de nous », s’exclame Richard, le sourire aux lèvres. «Grâce <strong>à</strong> mon<br />

travail, j’ai pu voir Envisat et même pénétrer <strong>à</strong> l’intérieur du cylindre<br />

de l’ATV pour participer <strong>à</strong> une opération de nettoyage. Ce sont les<br />

expériences exceptionnelles comme celles l<strong>à</strong> qui motivent au quotidien.<br />

Pas question de laisser la moindre particule de poussière dans<br />

l’environnement du satellite ! Il m’est bien arrivé de devoir chasser un<br />

oiseau qui s’était introduit au moment où les collègues site ouvraient<br />

une porte. Mais nous prenons toutes les précautions pour faire place<br />

nette.»<br />

Patrick CABARET<br />

Chef de site de l’Ensemble de Préparation<br />

des Charges Utiles S5 - APCO<br />

Les clients satellites habituels du CSG ne manquent jamais de faire<br />

un détour par le bureau de Patrick pour une petite conversation. En<br />

12 ans passés <strong>à</strong> planifier les opérations de support <strong>à</strong> la préparation<br />

des satellites, le quinquagénaire prend toujours plaisir <strong>à</strong> répondre<br />

<strong>à</strong> leur demande. Surtout quand la charge utile pèse 19,4 tonnes et<br />

se nomme ATV : « L’ATV, c’était un gros monsieur. Dès son arrivée, j’ai été<br />

sidéré par sa technicité et ses dimensions : il a tout de même pris ses aises<br />

dans les deux ensembles des EPCU ! Mais surtout, j’ai été frappé par<br />

l’organisation phénoménale qui l’entourait. Pour mouvoir ce satellite<br />

inhabituel, on disposait d’un support télécommandé par une sorte de<br />

joystick, alors que d’habitude l’opération est manuelle. Les clients<br />

s’affairaient, avec un planning très chargé, en constante évolution. Au bout<br />

de 6 mois, quand le cargo ravitailleur s’est envolé vers la Station Spatiale<br />

Internationale, j’ai évidemment été ému d’avoir contribué <strong>à</strong> sa préparation.<br />

Car un satellite, quelle que soit sa masse, c’est avant tout un symbole<br />

de ce que les hommes peuvent faire quand ils travaillent ensemble. »<br />

Satellite ou charge utile ?<br />

Contrairement <strong>à</strong> ce que l’usage pourrait laisser croire, les termes<br />

‘’satellite’’ et ‘’charge utile’’ ne sont pas synonymes. La charge<br />

utile est la partie du satellite correspondant <strong>à</strong> la mission qui lui<br />

est assignée : les transpondeurs et amplificateurs d’un satellite<br />

de télécommunications ou le télescope d’un satellite d’astronomie<br />

par exemple. Le satellite est composé de cette charge utile et<br />

d'une plate-forme assurant la fourniture d'énergie, la propulsion,<br />

le contrôle thermique et les communications.<br />

“<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 27


© 2009 Antoine Cercueil<br />

Fortuné ZELINE<br />

Responsable technique station télémesure Galliot - Telespazio<br />

Travailler est un dépaysement permanent pour Fortuné. Entre missions<br />

dans les stations aval et incursions houleuses en pleine mer, le<br />

responsable technique télémesure a souvent voyagé aux frais d’Ariane<br />

: « Dans le cadre de mes activités de maintenance sur la station Galliot,<br />

je veille <strong>à</strong> ce que les moyens de télémesure soient en état de suivre le lanceur<br />

en vol <strong>à</strong> tout moment, avec pour objectif de transmettre <strong>à</strong> Arianespace des<br />

données précises sur sa localisation et sa “santé”. J’ai été amené <strong>à</strong> effectuer<br />

des missions de maintenance et d’exploitation dans les stations aval <strong>à</strong> Natal,<br />

Libreville, Ascension ou Malindi. Mais l’expérience la plus mémorable reste<br />

ma participation <strong>à</strong> la récupération des EAP, notamment pour le vol 502,<br />

second vol de qualification d’Ariane 5. Comme je n’ai pas le pied marin,<br />

j’ai cru que je n’allais pas tenir tant le bateau tanguait. Après l’enregistrement<br />

des paramètres de télémesure jusqu’au moment de la retombée en mer,<br />

le bateau s’est rendu sur place pour la récupération des EAP. Et l<strong>à</strong>,<br />

nous n’avons rien trouvé : les propulseurs s’étaient désintégrés <strong>à</strong> l’impact !<br />

Pour le vol 503, en revanche, j’ai pu récupérer un morceau de la corde<br />

du parachute de l’EAP que nous avons ramené <strong>à</strong> Kourou.»<br />

28 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

Joël EGALGI<br />

Responsable Télécoms - CNES<br />

Au cœur des liaisons Télécoms de la base spatiale, Joël sait comment<br />

garder le contact ! Etre Responsable Télécoms, c’est en effet garantir<br />

le relais des communications sur la base. En campagne, c’est aussi<br />

adapter la configuration des réseaux (téléphone, Internet,<br />

radiofréquence, interphonie Opération-nelle…) aux attentes<br />

du client satellite pour lui assurer un contact permanent avec<br />

sa charge utile. Un suivi de longue haleine dont le jeune homme, fort<br />

de 12 ans d’expérience, connaît les exigences : «Nous devons faire<br />

preuve de réactivité et d’esprit d’équipe. Il est arrivé que le Dérouleur<br />

de Câble Optique tombe en panne lors du transfert du BAF en ZL.<br />

Nous nous sommes alors retroussé les manches et avons enroulé le câble<br />

<strong>à</strong> la main jusqu'<strong>à</strong> le ramener <strong>à</strong> bon port pour le déroulement de la phase<br />

finale du lancement.» Commencé entre deux mois et un an avant<br />

le lancement, le travail se poursuit même après le décollage. «Pendant<br />

que la fête bat son plein, nous sommes encore en place pour la<br />

configuration des moyens Télécoms et permettre la récupération<br />

des données des stations de poursuite par les équipes de la Télémesure ».


© 2009 Antoine Cercueil<br />

Jérôme MADWASIKIM-KARTADINAMA<br />

Technicien de maintenance en informatique - BT<br />

Enfant, Jérôme regardait depuis sa fenêtre les lanceurs s’élever dans le<br />

ciel de Guyane. Aujourd’hui, il assiste aux lancements depuis le CDL3.<br />

Une position nouvelle qui a changé son regard sur les opérations:<br />

« Mon métier de technicien de maintenance en informatique me permet<br />

de rencontrer les grands acteurs du process Ariane, <strong>à</strong> commencer par<br />

Jean-Yves Le Gall! Mais il m’amène aussi <strong>à</strong> côtoyer d’autres opérationnels,<br />

ces travailleurs de l’ombre qui oeuvrent jour et nuit pour Ariane et dont<br />

on n’entend pas parler. J’ai ainsi découvert des professions dont je ne<br />

soupçonnais pas l’existence, comme celle de planificateur. En fait, la base<br />

ressemble <strong>à</strong> une grande fourmilière organisée et hiérarchisée, où chacun<br />

trouve sa place. C’est presque une ville dans la ville avec ses métiers et ses<br />

cultures diverses. A la suite de mon père qui a travaillé au CSG depuis 1977,<br />

je suis ravi d’y représenter la communauté javanaise de Guyane.» Après<br />

avoir fait l’objet d’un article de la presse indonésienne en 1997<br />

<strong>à</strong> l’occasion du lancement d’un satellite local “CAKRAWARTA-1”<br />

au CSG, la famille Madwasikim-Kartadinama continue, on le voit,<br />

<strong>à</strong> assumer pleinement son héritage très “spatial”...<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

Jean Christophe SIMON<br />

Gestionnaire de configuration logiciel - Rovsing<br />

Pour Jean-Christophe Simon, lanceur rime d’abord avec rigueur.<br />

Garant de la configuration des logiciels utilisés sur les postes<br />

des responsables techniques permanents du groupement Antiope<br />

(Localisation, Météo, Sauvegarde vol, Opérations, Télémesure,<br />

Informatique et Télécoms), Jean Christophe sait qu’il n’a pas<br />

le droit <strong>à</strong> la moindre erreur de validation, eu égard <strong>à</strong> la nature<br />

de ces systèmes indispensables <strong>à</strong> la mise en œuvre des opérations.<br />

Une rigueur récompensée <strong>à</strong> sa juste valeur : « Installer <strong>à</strong> distance<br />

les systèmes de télémesure des stations aval, c’est un peu voyager par<br />

anticipation avec le lanceur. Ariane m’a déj<strong>à</strong> fait vivre des sensations<br />

fortes : moins d’un mois après mon arrivée en 2001, j’ai fait mon<br />

baptême en hélicoptère pour installer un logiciel sur la station optique<br />

de l’île Royale <strong>à</strong> l’occasion du vol V141. Il va sans dire que j’aimerais<br />

bien recommencer…»<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 29


© 2009 Antoine Cercueil<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

David MOURRAT<br />

Ingénieur Contrôle Commande Servitudes (CCS) - GTD<br />

Difficile d’arrêter une belle aventure commencée il y a huit ans !<br />

A quelques mois de son départ du CSG, les souvenirs de David<br />

affluent, vivaces : « Sur le dernier vol d’Ariane 4, j’ai vu les<br />

opérationnels coller des trèfles <strong>à</strong> quatre feuilles sur le lanceur pour<br />

lui souhaiter bon vol. Mais en tant qu’ingénieur CSS sur Ariane 5,<br />

c’est le vol 145 qui m’a vraiment marqué. Au titre de ma fonction,<br />

j’interviens toujours en support <strong>à</strong> chaque chronologie pour assurer<br />

la disponibilité de mon système informatique, qui permet de contrôler<br />

les installations au sol d’Ariane 5. Ce vol-ci, cependant, était vraiment<br />

singulier : 4 mois après l’échec d’Ariane 5 ECA, il s’agissait de lancer<br />

<strong>à</strong> heure fixe, sans aucune marge de manœuvre, le plus gros satellite<br />

jamais emporté : Envisat. Et l<strong>à</strong>, <strong>à</strong> l’arrivée en Zone de Lancement (ZL),<br />

une anomalie lanceur est détectée. A 17 heures, décision est prise de<br />

retourner au BAF. Jusqu’<strong>à</strong> 4 heures, nous restons au chevet d’Ariane…<br />

avec un retour en ZL vers 6 heures. Soit un aller-retour et demi en<br />

24 heures… pour un lancement magnifique, <strong>à</strong> point nommé. C’est cela,<br />

travailler sur Ariane: être l<strong>à</strong> quand le lanceur a besoin de nous.»<br />

30 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

Vincent DELATTRE<br />

Ingénieur informaticien - Thalès Alenia Space ETCA<br />

A la simple évocation d’Ariane 5, les yeux de Vincent s’allument.<br />

Pionnier du développement des Systèmes informatiques<br />

de Contrôle Commande (SCC), l’informaticien a vécu la gestation<br />

du lanceur comme un véritable défi : « Un nouveau lanceur exige<br />

de nouvelles fonctionnalités. J’ai donc participé <strong>à</strong> des séances<br />

de rédaction de spécifications au cours desquelles il a fallu définir avec<br />

les autres corps de métiers quelles missions assigner au système<br />

informatique destiné <strong>à</strong> contrôler les équipements sol. Puis j’ai contribué<br />

<strong>à</strong> la mise en service des SCC <strong>à</strong> Kourou. 17 ans après la bataille<br />

de boules de neige mythique sur le pas de tir d’Ariane 1, j’avoue<br />

d’ailleurs avoir succombé <strong>à</strong> la même tentation sur le massif d’Ariane 5<br />

après un essai de qualification! C’était une période très motivante<br />

malgré la pression. Inutile de vous dire qu’au succès du second vol<br />

de qualification, surtout après le découragement qui avait fait suite<br />

<strong>à</strong> l’accident de 501, nous avons laissé éclater notre joie. Lors de<br />

la soirée qui a suivi, le COEL de V502, connu pour ses mocassins blancs,<br />

les a même sacrifiés pour y boire le champagne! »<br />

Massimiliano CASTORI<br />

Ingénieur Gestion de Configuration Logicielle - Vitrociset<br />

A l’approche de Noël, la facétieuse Ariane aime décidément<br />

se jouer de ceux qui oeuvrent pour elle… C’est ce que<br />

Massimiliano a appris <strong>à</strong> ses dépens le 20 décembre 2008 :<br />

« En tant qu’ingénieur responsable de la gestion de configuration<br />

logicielle du Système de Contrôle Commande (SCC) d’Ariane 5,<br />

je participais <strong>à</strong> la chronologie depuis le CDL3. Puisque mon équipe<br />

a notamment pour mission de télécharger <strong>à</strong> J-5 le programme de vol<br />

d’Ariane dans le SCC, je me sens impliqué jusqu’aux derniers instants.<br />

Or, <strong>à</strong> quelques secondes du décollage, un “rouge ELA” est venu<br />

interrompre le décompte final. Il fallait faire vite pour résoudre l’incident<br />

<strong>à</strong> temps. Même si nous n’étions pas directement concernés, nous nous<br />

sommes fait prendre dans un tourbillon de vérifications …avec<br />

la crainte de vivre un report. Mais voil<strong>à</strong>, c’était presque Noël. Au bout<br />

de 20 interminables minutes, Ariane nous a offert son envol en guise<br />

de cadeau, nous laissant tous épuisés et ravis.»


© 2009 Ronan Liétar<br />

“Il y a trente ans, les barrières tombaient déj<strong>à</strong>…<br />

Petro DORNEUS<br />

Automaticien - Clemessy<br />

Depuis un an qu’il est entré dans la famille Ariane, Petro s’y sent déj<strong>à</strong><br />

<strong>à</strong> son aise : « En tant qu’automaticien, j’interviens pour installer<br />

et maintenir en état de disponibilité les automates de contrôle<br />

commande. A ce titre, je suis souvent amené <strong>à</strong> travailler avec des agents<br />

d’autres entreprises de la base. Ce qui me frappe, c’est <strong>à</strong> quel point<br />

les missions des uns et des autres sont interdépendantes. C’est vrai quand<br />

il s’agit d’installer l’automate qui permettra <strong>à</strong> EADS Astrium de tester<br />

le lanceur au BIL ou quand je contribue <strong>à</strong> installer de nouveaux automates<br />

pour les chaînes de production Regulus. J’aime les moments où des<br />

collègues d’entreprises différentes se serrent les coudes pour corriger une<br />

anomalie afin de ne pas retarder le travail de tous. D’ailleurs, ce bon esprit<br />

se retrouve même après le travail. Pendant la campagne Herschel-Planck,<br />

nous avons joué au foot plusieurs samedis de suite avec les clients<br />

satellite… Lors des soirées après tir, nous nous retrouvons tous,<br />

du technicien au client satellite. Le temps d’une soirée, les barrières<br />

tombent, les plus professionnels “se lâchent”. Nous nous amusons comme<br />

des enfants en l’honneur de celle qui nous réunit tous : Ariane. »<br />

Ah, les parties de football endiablées entre responsables et collaborateurs,<br />

les moments de fraternité où l’on oublie la hiérarchie …! Cette ambiance<br />

chaleureuse, presque familiale, fait partie intégrante de la culture<br />

Ariane. A lire ces propos de Marcel Francis, au service planification<br />

du lanceur Ariane de 1978 <strong>à</strong> 2006, on se sent en terrain familier :<br />

«Cet accueil, je ne l’ai retrouvé que 10 ans après en 1979 [au CSG] !<br />

Ces gens-l<strong>à</strong> c’était des pères…des pères de famille. La façon de gérer,<br />

de parler aux gens, je ne les prenais pas pour des patrons… avec eux,<br />

vous ne vous rendiez même pas compte que vous travaillez dans une<br />

entreprise de lancement de fusée, vous étiez dans une !»“<br />

famille<br />

Malek TAOUZINET<br />

Technicien de maintenance en climatisation - Axima<br />

La belle Ariane est délicate. Aussi exige-t-elle que les bâtiments<br />

où elle est assemblée, tout comme la table de lancement<br />

sur laquelle est transférée en Zone de Lancement bénéficient<br />

de conditions optimales de température, d’hygrométrie et de taux<br />

particulaires. La mission consistant <strong>à</strong> maintenir les conditions<br />

idéales de climatisation de l’environnement du lanceur ne souffre<br />

donc aucun répit : « Pendant les blocages de la Guyane en décembre<br />

dernier, toutes les activités de la base était en sommeil. Mais comme<br />

il était impossible de laisser le système climatisation sans maintenance,<br />

j’ai fait partie des rares personnes <strong>à</strong> être transportées en hélicoptère<br />

pour effectuer l’astreinte sur site. D’ailleurs, j’ai dû intervenir sur<br />

un problème de condensation au Bâtiment d’Intégration Propulseur »,<br />

raconte Malek. « Mais, le soir, aucune rotation n’était prévue pour nous<br />

redescendre <strong>à</strong> Kourou. Avec un collègue de l’énergie, nous avons donc<br />

récupéré des lits pliables pour dormir dans nos bureaux en Plateforme<br />

Nord. C’était épique ! » Mais que ne ferait-on pas pour le bien-être<br />

d’Ariane ?<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 31


Jean-Luc GAUTIER<br />

Mécanicien - Peyrani<br />

Les puzzles, Jean-Luc connaît. En charge de la remise en état<br />

des palettes, ces supports métalliques des propulseurs d’Ariane,<br />

l’ancien mécanicien auto se fait fort de les livrer sans défaut pour<br />

que l’intégration des EAP par les agents d’Europropulsion puisse<br />

se dérouler sans encombre. Conscient d’être une des pièces d’un<br />

large ensemble, il se dit « fier de faire partie de ce grand puzzle qu’est<br />

le CSG. Fier aussi de participer <strong>à</strong> remettre en état les deux supports des<br />

EAP, qui sont bien malmenés au moment du décollage ! » « La hauteur<br />

des deux couronnes nécessaires <strong>à</strong> maintenir les EAP <strong>à</strong> la verticale sur<br />

les palettes pendant les transferts et jusqu’au décollage ne fait pas plus<br />

de 14 millimètres. Il est donc facile de comprendre combien leur mise<br />

en place peut être minutieuse et combien notre travail de remise en état<br />

est crucial. », ajoute-t-il. « Ici, toute activité, même la plus anodine,<br />

est indispensable au bon fonctionnement de l’ensemble. C’est d’ailleurs<br />

pour cette raison qu’au niveau des équipes opérationnelles, l’ambiance<br />

de travail est chaleureuse. A l’époque d’Ariane 4, c’était encore plus vrai :<br />

on était comme une grande famille, c’était très convivial. »<br />

32 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

Armando DOMINGUEZ<br />

Chef de section adjoint Systèmes mécaniques - MT Aerospace<br />

Elevé avec Ariane, ce passionné d’aviation vit depuis 15 ans avec<br />

le lanceur une histoire d’ascension hors du commun : « Mon<br />

histoire se confond avec celle d’Ariane. Mon père faisait partie des<br />

2000 colombiens venus <strong>à</strong> Kourou au milieu des années soixante pour<br />

contribuer <strong>à</strong> la construction du CSG. Quand j’étais petit, j’avais, déj<strong>à</strong>,<br />

le désir assumé de travailler pour le lanceur. Aujourd’hui, j’ai pleinement<br />

réalisé ce rêve, pour la plus grande fierté de mes parents : en qualité<br />

d’ingénieur maintenance, j’assure les plans d’entretien de tous les<br />

équipements mécaniques et autres systèmes de levage indispensables<br />

pour mouvoir et hisser les éléments du lanceur et les satellites.<br />

Au travers de mon métier, je vis au plus près du lanceur, je participe<br />

<strong>à</strong> son édification. D’ailleurs, j’ai fait partie de ceux qui ont signé sur<br />

la coiffe d’Ariane 4 avant son dernier vol le 15 février 2003 ! C’était<br />

un moment d’une grande tristesse pour tous les opérationnels, même<br />

si nous sommes fiers des succès d’Ariane 5. Quand on grandit avec<br />

Ariane, on ne peut la regarder partir sans émotion.»<br />

© 2009 Ronan Liétar


Alain DARTIGALONGUE<br />

Ingénieur Sauvegarde Vol - CNES<br />

Au CSG, la probabilité qu’un lancement fasse des victimes doit être<br />

du domaine de l'infinitésimale. On comprendra donc l’attention portée<br />

par Alain <strong>à</strong> sa mission de protection des personnes, des biens, et<br />

de l’environnement : « Nous n’autorisons un lancement qu’après nous être<br />

assurés, études de trajectoire <strong>à</strong> l’appui, qu’il respecte nos objectifs de sécurité,<br />

ce qui peut prendre des années : la phase préparatoire a pris 8 ans pour<br />

l’ATV ! Le jour du lancement, la mission de la Sauvegarde Vol commence<br />

<strong>à</strong> H0 -6h. Au moment du décollage, je dois surveiller très attentivement<br />

le comportement du lanceur, voire le neutraliser s’il s’écarte de son couloir<br />

de vol. Un moment que j’aborde avec un mélange de concentration intense<br />

et de sérénité grâce <strong>à</strong> l’entraînement drastique dont nous bénéficions, et aux<br />

études préparatoires. Pour les vols de qualifications, le décollage est comme<br />

un saut dans l’inconnu. Ces vols particuliers peuvent nous conduire <strong>à</strong> innover.<br />

J’ai ainsi contribué au développement d’un algorithme permettant au lanceur<br />

de provoquer si besoin sa propre retombée en mer. Appliqué avec succès lors<br />

du vol 521, ce système a été largement développé pour l’ATV. C’est très<br />

particulier de voir “vivre” ces algorithmes ! »<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

Sabrina MARIE-SAINTE<br />

Ingénieur Environnement - CNES<br />

Travailler dans le domaine de l’Environnement au CSG, c’est<br />

d’abord se confronter <strong>à</strong> la démesure de cette base de lancement.<br />

« Pour surveiller l’impact potentiel du nuage de combustion issu des<br />

boosters d’Ariane 5 sur l’environnement, nous mettons en place un Plan<br />

de Mesures Environnement. Au moyen de techniques innovantes,<br />

un suivi rigoureux de la qualité de l’air, de l’eau mais aussi la faune<br />

et la flore est réalisé, et ce, sur un site presque aussi grand que<br />

la Martinique. », confie Sabrina. Un gigantisme que la jeune recrue<br />

de 27 ans a pu constater dès sa première incursion sur le terrain :<br />

« A mon arrivée en décembre 2007, ma collègue et moi avons effectué<br />

des prélèvements d’eau au niveau du carneau d’évacuation des gaz<br />

du Bâtiment d’Essai des Accélérateurs <strong>à</strong> Poudre. Et l<strong>à</strong>, ça a été un vrai<br />

choc ! C’est en voyant la profondeur du carneau et la hauteur<br />

des installations que j’ai réellement pris conscience de la puissance<br />

du lanceur! Aujourd’hui, je regarde les lancements différemment. »<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 33


© 2009 Antoine Cercueil<br />

34 / LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009<br />

“ Des lanceurs et des pians<br />

Richard VILLAGEOIS<br />

Chef de Quart - Securiguyane<br />

Réveillonner sur la base déserte, avec le massif d’Ariane en toile<br />

de fond, vous en rêvez ? Richard, lui, le fait depuis 17 ans.<br />

Le 31 décembre, en pleines JARTT, le chef de quart fait partie<br />

des seuls agents qui restent veiller sur les sites du CSG pour<br />

éviter toute intrusion. Une astreinte qui prend des allures<br />

de réunion amicale : « Entre agents de sécurité, nous nous concoctons<br />

des petits plats créoles. » Et pour cause : ce que Richard apprécie<br />

dans sa fonction, c’est le relationnel. « Qu’il s’agisse d’organiser<br />

le filtrage des accès sur site, un convoyage ou la protection d’un VIP,<br />

je rencontre des hommes d’horizons divers au CSG... Je me suis même<br />

lié d’amitié avec un client satellite canadien alors que j’assurais<br />

la fermeture d’accès de la route de l’espace pendant le passage<br />

d’un convoi d’Air Liquide. » Serait-ce <strong>à</strong> dire que la sécurité fait<br />

tomber les barrières entre les hommes ?<br />

© 2009 Ronan Liétar<br />

Grégory COOLENS<br />

Sapeur-pompier de Paris - BSPP<br />

« Le spatial, c’est l’avenir », déclare d’emblée le caporal-chef.<br />

Passionné par l’univers des lanceurs, le jeune homme n’est pas peu<br />

fier d’assurer la protection des personnes et des biens sur la base :<br />

«Travailler pour Ariane, le “taxi de l’espace”, c’est énorme ! Les dernières<br />

heures avant le lancement, quand les sapeurs-pompiers de la BSPP<br />

se déploient sur les sites opérationnels, on ressent bien sûr toute la<br />

pression. Même après le décollage, nous restons en Zone de Lancement<br />

puisqu’une de nos missions est d’assurer l’ouverture du site. Tout<br />

au long de la campagne, nous surveillons les opérations <strong>à</strong> risque<br />

comme les transferts ou les remplissages en ergols. Qu’il s’agisse<br />

des risques technologiques ou des risques liés aux animaux sur la base,<br />

il faut toujours chercher <strong>à</strong> prévenir les incidents potentiels. Le CSG<br />

est une véritable réserve naturelle : non seulement nous croisons<br />

régulièrement des moutons paresseux, tamanoirs et autres cabiais<br />

sur le site, mais nous avons déj<strong>à</strong> participé <strong>à</strong> la capture d’un anaconda<br />

de quatre mètres et d’un serpent <strong>à</strong> sonnettes qui prenait ses aises…<br />

juste <strong>à</strong> côté du Musée de l’Espace ! »<br />

Croyez-vous que les hommes soient les seuls <strong>à</strong> apprécier Ariane<br />

<strong>à</strong> sa juste valeur ? Que nenni ! Selon les anecdotes rapportées<br />

par les uns et les autres, les pians guyanais ne sont pas<br />

les derniers <strong>à</strong> avoir du goût pour le lanceur. Entre grignotages<br />

intempestifs de fibres optiques et tentatives de colonisation de<br />

ses bâches de protection, ces charmants marsupiaux cherchent<br />

régulièrement <strong>à</strong> prouver leur attachement <strong>à</strong> Ariane – et se font<br />

tout aussi régulièrement éconduire par ses gardes du corps zélés,<br />

les agents du CSG!<br />


© 2009 Antoine Cercueil<br />

Erwan PRIGENT<br />

Cameraman - IEC Sarvis<br />

Pour Erwan, Ariane est d’abord une histoire de famille : « Mon père<br />

travaillait au CSG. J’ai été bercé avec Ariane. Aujourd’hui, c’est moi<br />

qui garde un œil sur elle en permanence : mes films de campagne<br />

la donnent <strong>à</strong> voir au monde entier. » Pour filmer la belle sous son<br />

meilleur angle, le cameraman a un secret de tournage imparable :<br />

il s’invite jusque dans les zones interdites au public, notamment<br />

<strong>à</strong> H0: « Mon plus beau lancement ? C’était le vol 172. On avait obtenu<br />

une autorisation de la Sauvegarde pour filmer depuis l’embouchure<br />

des Roches. On était l<strong>à</strong>, <strong>à</strong> trois dans une coque alu instable, caméra<br />

au poing, <strong>à</strong> chercher le cadrage idéal. Et soudain, elle a décollé. Elle s’est<br />

élevée au-dessus de l’eau, superbe, comme pour nous seuls. C’était<br />

franchement un moment inoubliable ! »<br />

“ A 30 ans, Ariane n’a rien perdu des attraits de sa jeunesse.<br />

La fusée européenne attire toujours les visiteurs qui se pressent<br />

aux portes du Centre Spatial pour l’admirer. En 2008,<br />

avec 32500 personnes, le Centre spatial était le deuxième site<br />

le plus visité de Guyane après les îles du Salut. La même année,<br />

le musée de l’espace a enregistré 16700 visiteurs tandis que<br />

9570 personnes ont assisté <strong>à</strong> un lancement depuis un des sites<br />

d’observation mis <strong>à</strong> disposition du public par le CNES/CSG.<br />

Ariane au centre de tous les regards<br />

Source : Service Observatoire et Prospective du Comité du Tourisme de Guyane<br />

Samantha BARBAROSA COSTA<br />

Guide/ Hôtesse - Sodexo<br />

Conter Ariane. Apprendre <strong>à</strong> dire sa démesure, trouver les mots<br />

justes pour expliquer au public, l<strong>à</strong> le mode de fonctionnement<br />

complexe du lanceur et de ses installations, ici l’utilité<br />

des applications quotidiennes du spatial : tel est l’enjeu auquel<br />

Samantha se trouve confrontée chaque jour lorsqu’elle<br />

accompagne les visiteurs sur les Ensembles de Lancement.<br />

« On n’explique pas la propulsion de la même manière <strong>à</strong> un ingénieur<br />

du CSG, <strong>à</strong> un sénateur en visite privée et <strong>à</strong> des enfants de la crèche<br />

de Kourou. Mais mon but, c’est que chacun d’entre eux ressente devant<br />

les installations l’émerveillement que j’ai éprouvé en visitant le BAF<br />

pour la première fois. » sourit-elle. « Je m’adapte donc <strong>à</strong> leurs<br />

attentes, <strong>à</strong> leurs questions, même aux plus insolites. Evidemment, quand<br />

on me demande le nombre de boulons présents sur Ariane 5, je botte<br />

en touche… »<br />

“<br />

© 2009 Antoine Cercueil<br />

LATITUDE 5 / N°86 / OCTOBRE 2009 / 35

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