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LES
E PIERRE DE
RONSARD.
Volume Second.

© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
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LES QVATRE PREMIERS
LIVRES DE LA
FRANCIADE,
AV ROY TRES-GHRESTIEN, CHARLES
NEVFIESME DE CE NOM,
lAtiec les Remarques /f P, db Marcassvs^
Ccc i)
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IN PETRI RONSARDI FRANCIADA
IO.AVRATVS POETA R. E G I V S.
I Vmter è Phrygia fèruauit turre cadentem
FiElo dijjimulans Ajlyanatfa dolo:
Scilicet vt Francos mutato nomine reges
Conderet , vndefuos Francia iaSlat auos.
A loueferuatperiijfet tempore rurfus
AJlyanaÛea gloria tota domus, ,
Ni Jouis exemplum tu nunc,K onsaRDE, fecMtu
' Ficlisferuajfes AJlyanafta modis.
IN PETRI RONSARDI FRANCIADA.
; Emula
Smyrno contendens Mamua ciui
] Liquerat incertis nutantiapr#mia Mufis:
At nunc Jfirgilius magno nepugnet Homero,
Sujialit ambigu* tandem certamina palm
Francias fy veterem lïtem interieSla diremit.
Sic médius,Ronsard EtJèdes tanta arbiter ttrtis]
Vt neuter prïmus » fedfa tibi vterquefecundus.
SONNET.
Vi mofera nier la 'vieille opinion
I. Passerativs.
De naiftre en nouueaux corps,f dofie il confîderc
Reuiure en ceft Autheur Virgile auecq Homère,
Qui fembîables ne font quvne entière *vnionî
Trois vnitc% en toutfont la perfection:
Et pour la Po'ejîe en ces trois-vn parfaire,
IlfaUoit ce troijîefme au nombrefatisfaire,
Egal à la Romaine& Grecque nation .
Celuy qui veutportraire au viftoutes les Mufis,
Et les fainHesfureurs par Apollon infufes,
Et luy-mefme ^Apollon qui tes Poètesfait:
Bref qui veut en tableau montrer la Poëfie,
Dont vne gentille ame eft brufquement faifte,
$uil tire de R o n s a r dfeulement le portrait.
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A. Iamin.

PREFACE SVR LA FRANCIADE,
TOVCHANT LE POEME
H E R O I CLJ Ë-
Av Lectevr apprenti f*
Carmen reprehendite quod non
Multa dies & multa litura coêrcuit 3 atque
Trjèéîum decies non cafligauit ad vnguem.
L tic faut t'efmeruciller,Leâ:cur, dequoyien'aycompof©
ma Franciadc envers Alexandrins, qu'autrefois enmaieunefTe,
par ignorance, ie penfois tenir ennoftre langue lo
rang des carmes Héroïques, encores qu'ils refpondentplus
aux fenaires des Tragiques qu'aux magnanimes versd'Homcrc&
de Virgile, les eftimant pour lors plus conuenables
aux magnifiques argumens&aux plus excellentes conce¬
ptions de l'efprit, que les autres vers communs. Depuis i'ay
veu,cogneu,& pratiqué par longue expérience, que ie m'eftois
abufé:car ilsfentéttroplaprofe tresfacile,&fonc trop
éneruez &: flaques,fi ce n'eft pour les tradu&ions,aufqueîlcs
à caufe de leur longueur ils feruent de beaucoup pour in¬
terpréter les fens de l'Autheur qu'on entreprend. Au refte, ils ont trop de caquet,s'ils ne
fontbaftisdelamaind'vn bonartifan,qui les face autant qu'il luy ferapoflible haufTer
comme les peintures releuees,&quafifeparer du langage commun, les ornant Se çnrichiffant
de figures, Schemes,Tropes, Métaphores , Phrafes Se Periphrafes eflongnees
prefquedutout,ou pour le moins feparees de la Profe triuiale Se vulgaire (car le ftyle
Profaïque eft ennemy capital de l'éloquence poétique) & les illuftrantdecomparaifons
bien adaptees,de deferiptions florides , c'eft à dire enrichies de paflemens , broderies , ta-
pifleries Se entrelaffemens de fleurs poétiques , tant pour reprefenter la chofe, que pour
l'ornement Se fpiendeur des vers, comme cette braue& très- excellente defeription du
SacerdotedeCybele, Chloreus, enl'onziefmc liuredes yEneidcs: Se le catalogue des
Capitaines enuoyez à la guerre ; puis la fin du fcpticfme liure des iEneidcs : Se cefte
inueterce querelle de ces deux bonnes Dames Iunon & Venus au dixiefme. Relifant
telles belles conceptions , tu n'auras cheueu en tefte qui ne fe drefle d'admiration.
Et encore d'auantage , fi lu lis attentiuement le hui&iefme du mcfme Autheur, quand
Venus flatte Se enjolc fon mary Vulcan pour le perfuader de forger des armes à fon
filsiEnee:
Bixerati & niucù hinc atque hincDiita lacertù:
iufques au vers,
H

\ PREFACE.
^firhMfurlchautd'vnc lancé, il n'yacceur fi dur qui fc peuftcontenir de pleurer.
'Et tfabwlw^à Numanus beaufrere de Turne quiTe commence, Isfnmam
cefte lamentable plainte de Mezence fur le corps mort de fo^
teUes ecftatiques defcriptions, que tu liras en vn fi diuin Autheur , Icfquelle te reront
Poëte encores que tu fuiTes vn rocher, t'imprimeront des verues, &tirri eront les
naTfue & naturelles fcintilles de l'ame que dés lana ffance tu as receues, inclinant
ImSt Wftier qu l ceftuy-là : cartout homme d s le. naiftre reçoit en Urne ie ne
Ly quelles fatales imprefiions, qui le contraignent fuiure pluftoft fon Deftin que fa
^Use^ceilens Poètes nomment peu fouuentles chofes parleur nom propre. Virgile
voulant defcrirc le iouroulanuift, ne dit point Amplement & en paroles nues, Ilettoit
iour,Il eftoit nuict : mais par belles circonlocutions,
Puis,
Poftera Phcbea lufirabat lamfade terrai ,
Humentémque Aurora polo dimouerat vmbram.
Nox erat,& fhcidttm carpebantfejfa foporem
.Corpora fer tenus , fjluxque &fdua quierant
AEquora , cum medio voluunturfidera lapfu,
Cum tacet omnîs ager , pecttdes, ptôque volucres. Se mille autres.
Cefte Virgilianedefcriptipn delanuid eft prifeprefquedemotàmotd'Apolloine Rho-
dien. Voy comme il defcrit le Printemps :
Vere nouogeliâus canis ctim montibtts humor
Liquitur , & Zephyro futrùfe gleba rejoluit.
Labourer, vertere terram. Filer, tolerare vitam colo , tenuique Minerua. Le pain,Zto«4 laborauCererù.Levin,Pocula
Bacchi. Telles femblables chofes font plus belles par circonlo¬
cutions , que par leurs propres noms: mais il en faut fagement vfcr : car autrement tu
rcndrois ton ouu'rage plus enflé Se boufi que plein de majefté. Tu n'oubliras les defcri¬
ptions du leuer& coucherdu Soleil,les Signes qui fe leucntôc couchent auec luy , ny
les fereni tcz , orages Se tempcftes :
Jf/èfater média nimborum in nette corufca.
Fulmina molitur dextra: Puis,
Me fiagranti
Aut f^Atbon aut Rhodopen aut aita Ceraunia telo
T>eijcit . ingeminant Auflri & denfefiimtu imber.
Tu enrichiras ton Poëme par varictez prifes delaNature, fans extrauaguer comme
vnfrenctiq. Car pour vouloir trop éuiter,&dutout te bannir du parler vulgaire, fini
veux voler fans confideration par le trauers des nues Se faire des grotefques, Chimères Se
môftres, Se non vne naïfue,& naturelle poéfie ; tu feras imitateur d'Ixion , qui engendra
des Phantofmes au lieu de légitimes Se naturels enfans. Tu dois d'auantage, Lecteur,
illuftrerton ceuure de paroles recherchées & choifies &: d'argumcns renforcez, tantoft
par fables , tantoft par quelques vieilles Hiftoires , pourueu qu'elles foient briefuemcnt
efcrites Se de peu de difcours , l'cnrichiflant d'Epithetes fignificatïfs & non oififs , c'eft à
dire qui feruentàla fubftance des vers, Se par excellentes. Se toutefoisrares , fentences
: Car fi les fentences font trop fréquentes en ton ceuure Héroïque, tu le rendras
monftrueux, comme fi tout ton corps n'eftoit compofé que d'yeux Se non d'autres mem¬
bres, qui feruent beaucoup au commerce denoftre vie; fi ce n'eftoit en la Tragédie &:
Comédie, lefquelles font du tout didafealiques Se enfeignantes, Se qu'il faut qu'en peu
deparolcs elles enfeignent beaucoup, comme miroiiers de la vie humaine, d'autant
qu'elles font bornées & limitées de peu d'efpace, c'eft à dire d'vn iour entier.
Les plus excellens maiftres de ce meftier les commencent d'vne minuid à l'autre , Se
nondupoinftduiourau Soleil couchant, pour auoir plus d'eftenduë& de longueur de
temps. D
Le Poëme Héroïque, qui eft tout guerrier, comprend feulement les avions d'vne
année entière, & femble que Virgile y ait failly, félon que luy-mefmel'efcrit:
Annum exaclis completur menfibus orbis ,
: Ex quo relliquias dmmque ejfa fanntis
Condidimtu terra
Il y auoit défia vn an pafle quand il fit les jeux funèbres de fon perc en Sicile, &: toute
*ois iln aborda de long temps après en Italie.
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préface: jg,
Tous ceux qui efcriuent en Carmes , tant doctes puifïent-iîs eftre , ne font pas Poëtes»
Il y a autant de différence entre vn Poëte&vn Verfificateur,qu'entre vn bidet &vn géné¬
reux courfier de Naples | Se pour mieux les accomparer, entre vn vénérable Prophète Se
vn Charlatant vendeur de triades. Il me femble quand ie les voy armez de mefmes ba¬
ttons que les bons maiftres , c'eft à dire des mefmes vers , des mefmes couleurs des mef¬
mes nombres & pieds, dontfe feruent les bons autheurs, qu'ils reffemblentà ces Hcrcu-J
lesdefguifez es Tragédies, lefquels acheptentlapcaud'vn Lion chez vn peletier, vne
groffemaffue chez vn charpentier, Se vnefauffe perruque chez vn attiffeur : mais quandT
ce vient à combatre quelque Monftre,la maiTue leur tombe de la main, Se f enfuy ent du"
combat comme couards & poltrons. Ces verfificateurs fe contentent de fairedes vers"
fans ornement, fans grâce & fans art, Se leur femble auoir beaucoup fait pour la Répu¬
blique, quand ils ont compofé de la profe rimée. Au contraire le Poëte héroïque inuente&
forge argumens tous nouueaux, fait entreparler les Dieux aux hommes & les hom¬
mes aux Dieux, fait haranguer les Capitaines comme il faut, deferit les batailles Se affauts,
factions Se entreprises de guerre :fe méfie de coniedurer les augures, Se inter¬
préter les fonges : n'oublie les expiations Se les facrifices que l'on doit àla diuinité : tan¬
toft il eft Philofophe , tantoft Médecin , Arborifte, Anatomifte , Se Iurifconfulte , fe feruant
de l'opinion de toutes fedes, félon que fon argument le demande ; Bref, c'eft vn
homme , lequel comme vne mouche à miel delibe Se fucce toutes fleurs , puis en fait du
i miel &fon profit félon qu'il vient à propos. Il a pour maxime tref-neceffaire en fon art,
de ne fuiure iamais pas à pas la vérité , mais la vray-femblance , Se le poflible : Et fur le
pofîible,&: fur ce qui fe peut faire , il baftit fon ouurage,laiffantla véritable narration
aux Hiftoriographes, qui pourfuiuent de fil en efguille , comme on dit en prouerbe,
leur fubied entrepris du premier coinmencementiufquesàla fin. Au contraire,le Poëte
bien aduifé, plein delaborieufeinduftrie, commence fon ceuure par le milieu de l'ar¬
gument , Se quelquefois par la fin : puis il déduit , Se pourfuit fi bien fon argument par le
particulier accidentel euenement de la matière qu'il f'eft propofé d'eferire , tantoft par
perfonnagesparlanslesvns aux autres , tantoft par fonges, prophéties & peintures in-'
feréescontre le dosd'vnemuraille&desharnois,& principalement des boucliers, ou
parles dernières paroles des hommes qui meurent , ou par augures Se vol d'oifeaux Se
phantaftiques vifions de Dieux Se de démons, ou monftrueux langages des cheuaux na-
urez à mort: tellement que le dernier acte de l'ouurage fe cole, fe lie Se s'enchaifne fi
bien & fia propos l'vn dedans l'autre, que la fin fe rapporte dextrement &: artificielle¬
ment au premier poind de l'argument. Telles façons d'eferire, Se tel art plus diuin que
humain eft particulier aux Poètes , lequel de prirrie face eft caché au Lecteur, f'il n'a l'efprit
bien rufé pour comprendre vn tel artifice. Plufieurs croyent que le Poëte & l'Hifto- '"f7/**M^*f
rien foientd'vnmefmemcftier: mais ils fe trompent beaucoup , car ce font diuers ar- «*&* ^ ^'*^r
tifans , qui n'ont rien de commun l'vn auecques l'autre , finon les deferiptions ^////'/

iH PREFACE. }
defcriuentleurs conceptions d'vn ftyle nombreux, plein d'vne vénérable Majcft é , com¬
me a faid Virgile en fa diuine Enéide. Et n'en cherche plus d'autres Lcdeur en la
angue Romaine , fi ce n'eftoit de fortune Lucrèce : mais par ce qu il a efcnt fes frenaifies
lefquelles il penfoit eftre vrayes félon fa fede , Se qu'il n a pas bafti fon ceuure fur a
v vray-femblance Se fur le poffible , ie luy ofte du tout le nom de Pocte , encore que quel-
\ \ dues vers foierit non feulement exccllens, mais diuins. Au refte, les autres Poètes La-
tins nefont que naquets de ce bràue Virgile , premier Capitaine des Mufes , non pas
, '
Y Horacemefmes, ficen'eften quelques-vnesde fes Odes ;ny Catulle ,Tibulle, Se 1 ro-
\fi pcrce,encore qu'ils fûienttref-excellens en leur meftier: fi ce n eft Catulle en foni Atys,
j Se auxNopcesdePeleus :1c refte ne vautla chandelle. Stacea fuiui la vray-femblance"
/ énfaThebaïde. DenoftretempsFracaftor f eft monftré tref-excellent en fa Syphilhs,
bien que fes vers foient vn^umHêsTCesaiïtres vieils Poètes Romains comme Eucain,
v *
A se Silius Italicus , ont couuert l'hiftoire du manteau de Poëfie : ils euffent mieux fait a
\^ mon aduis , en quelques endroits d'eferire en profe. Claudian eft Poëte en quelques cn-f
droits,comme au Rauiffement de Proferpinc : le refte de fes ceuures ne font qu'Hiftoirej
de fon temps, lequel comme les autres s'eft pluseftudié à l'enflure qu'à lagrauité. Ça*
Voyans qu'ils ne pouuoient égaler la Majefté de Virgile 9fe font tournez à l'enflure, Se à
ie ne fçay quelle poinde,& argutie monftrueufc, eftimans les vers eftre les plus beaux^
ceux qui auoient le vifageplusfardedetellecuriofite.il ne faut f'efmerueiller , fi i'efti-
me Virgile plus excellent Se plus rond , plus ferré , & plus parfait que tous les autres, foie
que dés ma ieuneffe mon Régent me lelifoitàl'cfcole/oitquedepuisieme fois fait vne
1 dée de Ces conceptions en mon efprit (portant toufiours fon Hure en la main) ou foit que
l'ayant appris par cur dés mon enfance , ie ne le puiffe oublier.
Au refte , Ledeur , ie te veux bien aduertir , que le bon Poëte jette toufioursle fonde-i
ment de fon ouurage fur quelques vieilles Annales du temps patte, ou renommée inucteréc
, laquelle a gagné crédit au cerueau des hommes. Comme Virgile fur la commune!
renommée, qu'vn certain Troyen nommé JEncc , chanté par Homère, eft venu aux
bords Lauiniens , luy , fes nauires Se fon fils , où depuis Rome fut baftie , encores que le¬
dit ^Enéene vinft iamais en Italie ; mais iln'eftoit pas impoflible qu'il n'y peuft venir.
Sur telle opinion défia reçeuë du peuple il baftit fon liure del'Eneide. Homère au para-*
uant luy en auoit fait de mefme , lequel fondé fur quelque vieil conte de fon temps de la
belle Heleine Se de l'armée des Grecs à Troye , comme nous faifons des contes de Lancelot,
de Triftan, de Gauuain Se d'Artus, fonda là deffus fon Iliade. Car les propres
noms des Capitaines Se foldats Troyens qui parloyent Phi ygien,& non Grec, & auoient
les noms de leur nation, monftrent bien commç euidemment ce n'eft qu'vne fidion
de toute l'Iliade , Se non vérité : comme de Hedor , Priam, Poly damas, Antenor*
Deïphobus , Caffandre , Helenus, se prefque tous les autres forgez au plaifir d'Ho¬
mère.
Orimitantces deux lumières de Poëfie, fondé Se appuyé fur nos vieilles Annales, i'ay
baftymaFrariciade,fans mefoucierficela eftvrayou non, ou fi nos Roys font Troyens
ou Germains , Scythes ou Arabes : fi Francus eft venuen France ou non : car il y pouuoic
venir , me feruant du poffible , Se non delà vérité. C'eft le fait d'vn Hiftoriographe d'efplucher
toutes ces confiderations, & non aux Poètes qui ne cherchent que lepoffible:
puis d'vne petite fcintille font naiftre vn grand brazier, Se d'vne petite caffine fontvn
magnifique Palais, qu'ils enrichiffent, dorent &: embelliffent parle dehors de Marbre,
Iafpe Se Porphire,de guillochis,oualles,frôtifpiccs Se pieds-deftals,frifes Se chapiteaux,
& par dedans de Tableaux , tapiflerics efleuées Se bottées d'or Se d'argent, &le dedans
des tableaux cizelez Se burinez,raboteux Se difficile à tenir es mains , à caufe de la rude
engraueure des perfonnages qui femblentviure dedans. Apres ils adjouftent vergers 5c
jardins, compartimcns Se larges allées , félon que les Poètes ont vn bon efprit naturel Se
bienverfeentoutesfciences,&dignesdeleurmeftier:carla plus part ne fait rien qui
vaille , iemblables a ces apprentifs qui ne fçauent que broyer les couleurs , Se non pas
peindre. Souuienne-toy, Ledeur, denelaiffcrpafferfous filencc l'Hiftoire ny lafable
appartenantalamatiere&la nature, force &proprietez des arbres, fleurs, plantes Se
racines , principalement fi elles font anoblies de quelques vertus non vulgaires , Se ùZ
ros délirer. Tu n oubliras aufli ny les montaignes , forefts , riuieres, villes , republia ues
haures&ports, caucrncsfc rochers, tant pour embellir ton ceuure pS û/& ffie
groffir
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P k E F A c ë: jsy
groflir en vn iufte volume , que pour te donner réputation Se feruir de marque à la pofterité.
Quant aux Capitaines Se condudeurs d'armées Se foldats , tu en diras les pères Se
les mères , ayeux , villes , Se habillements, Se leurs naiflances, Se feras vne fable là deflus
s'il qp. eft befoin , comme ,
Hic Ammonefatm rafta Garamantide Tfjmfha.
Puis en vn autre lieu parlant d'Hippolyte.
Injtgnem quem mater Arïcia mijtt
EduttumEgerUlucù Hymettia circum
Littora.
Puis autre part , parlant d'Helenor qui eftoit tombé de la tour demy-bruflé :
J>>ttorumprimuu4 Helenor ,
LMxonio régi quemferua Licymnia furtim
Suftukrat^ vetittfque ad Troiam miferat armis.
Quant aux habillemens, tulesveftiras tantoft delapeau d'vn Lion, tantoft d'vn Ours,
tantoft
DemiJ/à ab Uua Panthère terga retorquens.
Tu n'oubliras à fortifier Se aflcurer ton efprit ( s'il eft en doute ) ou par vn augure , ou
par vn oracle , comme ,
At rexfollicitut monfirù oracula Fauni
fatidici genitorù adit. Puis,
Ajpice bisfenos Utantes agmine Cycnos.
Et en vn autre part,
Ecce leutsfummo de vertice vifus Iuli
Fundere lumen apex.
Il ne faut auffi oublier les admoneftemens desDieux transformez en vulgaires.
Forma tttm vertitur oris
Antiquum in Buten : hic Dardanio *Anchif&
i^irmiger antefuit.
Tu ne tranfpoferas iamais 1es-paroles ny de ta profe ny de tes vers : car noftre langue no
le peut porter, non plus que le Latin vnfolecifme.il faut dire, Le Roy alla coucher de
Paris à Orléans , Se non pas , A Orléans de Paris le Roy coucher alla.
Fayette d'opinion en maieunefl~e,que les vers qui enjambcntrvnfurrautre,n'eftoienc
pas bons en noftre poëfie ; toutesfois i'ay cognu depuis le contraire par la ledure des
Âutheurs Grecs Se Romains 3 comme ,
Lauinia venit
Littora.
I'auois auffi penfé, que les mots finiflans par voyelles Se diphthongues,& rencontrans
après vn autre vocable commençant par vne voyelle ou diphthongue, rendoitle vers
rude: i'ay appris d'Homère & de Virgile, que cela n'eftoit point mal-feant , comme,y»£
Jlio alto.lonioïn magno. Homère en eft toutplein. le maffeure que les cnuieux caqueteront,
dequoy i'allegue Virgile plus fouuent qu'Homère qui eftoit fon maiftre,& fon pa¬
tron : mais ie I'ay fait tout exprés,fçachant bien que nos François ont plus de cognoiffance
de Virgile, que d'Homère Se d'autres Autheurs Grecs. le fuis d'aduis de permettre
quelque licence à nos Poëtes François ,pourueu qu'elle foitrarement prife. De là font
venues tant de belles figures que les Poëtes en leur fureur ont trouuées,' franchisant la
Loy de Grammaire, que depuis les Orateurs de fens raffis ont illuftrées, & leur ont quafi
baillé cours Se crédit , faifans leur profit de la folie d'autruy .
Quant aux comparaifons dont i'ay parlé au commencement affez briefuement , tu les
chercheras des artifans de fer Se des veneurs , comme Homère , pefcheurs , architedes,
maflbns, Se briefde tous meftiers dont la nature honore les hommes. Il faut les bien met¬
tre & les bien arranger aux lieux propres de ta Poëfie : car ce font les nerfs Se tendons des
Mufes, quand elles font placées bien à propos, &: feruantesà la matière : finon , elles
font du tout ridicules & dignes du fouet. Ne fois iamais long en tes difeours, fi ce n'eft
que tu vueilles faire vn liure tout entier de ce mefme fubjet. Car la Poëfie Héroïque qui
eft dramatique , & qui ne confifte qu'en adion , ne peut longuement traider vn mefme
fujet, mais paffer de l'vn à l'autre en cent fortes de varierez. 11 ne faut oublier défaire, à
la mode des anciens, des courtoifiesaux eftrangers, des magnifiques prefens de Capi¬
taine à Capitaine , de foldat à foldat , tant pour commencer amitié , que pour renouueler
l'ancienne , Se pour auoir de pere en fils logé les vns chez les autres. Tu embelliras de
braues circonftances tes dons , Se ne les prefenteras tous nuas ny fans ornement^comme
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PREFACE.
Je preferit du Roy Latin à^Ënee: /../#
Stabant ter centum nitidi in prtfeptbut altu.
Omnibus extmplo Teucris iubet ordine duci
jnfiratos ojlro alipedes , pitiîfque tapetU.
Aurea pecionbm demiffa monilia pendent ,
Tetfi auro fuluum manduntfub dentibut aurum.
Abftnti JEnea currum , gwinofque iugales
j Semine ab atbcreoflirantcs naribuâ ignem,
lllorum de gente , patri quos dadala Circe
Supporta de matre nothosfurata creauit.
Et au cinquième:
IpjîsprMipues duttoribus addit honores ,
Vïttori chlamydem auratam.
Vn médiocre Poëte fe fuft contenté de cela, Se n'euft pas adioultc ,
Purpura Maandro duplici Melibeea cucurriu
Encore moins ,
lntextufque puerjrondojâ regius Ida
Veleces iaculo ceruos curfùque fatigat,
Acer anhelantifmilis* , .
Encore iamais vnmauuais Poëte ne fe fuft fouuenudece diuinhemitticnc,
Sauitque canum latratus ad aurai. #
Tu n'oubliras à faire armer les Capitaines comme il faut , de toutes les pièces de leurs
harnois , foit que tu les appelles par leur nom propre, ou par penphrafcs : car cela ap¬
porte grand ornement àla Poëfie Héroïque.
Tu n'oubliras auffi la pifte Se battement de pied des cheuaux, Se reprefenter en tes vers
la lueur Se la fplendeur des armes frappées de la clarté du Soleil , Se à faire voler les tour¬
billons de poudre foubs le pied des Soldats Se des cheuaux, courants à la guerre, le cry
des Soldats , froiffis de picques , brifement de lances, accrochement de haches, & le
fon diabolique des canons Se harquebufes , qui font tremblerla terre , Se froiffer l'air d'a¬
lentour. Si tu veux faire mourir fur le champ, quelque Capitaine ou Soldat, il le faut
naurerau plus mortel lieu du corps, comme le ccrueau, le c la gorge, les aines, le
diaphragme : Se les autres que tu veux feulemet bleffer,és parties qui font les moins mor¬
telles: Se en cela tu dois eftre bon Anatomifte. Si quelque excellent homme meurt , tu
n'oubliras fon Epitaphcenvnc demie ligne, ouvneauplus,engrauantdans tes vers les
principaux outils defonmeftier,commedeMifenequiauoit efté trompette d'Hedor,
puis auoit tiré la rame de bonne volonté foubs JEnce: car c'eftoit anciennement l'exer¬
cice de grands Héros Se Capitaines, Se mefme de ces quarante Cheualliers qui allèrent
aueclafonen Colchos.Tuferasinduftrieuxàefmouuoirlespaffions&affedions del'ame,
car c'eft la meilleure partie de tonmeftier, par des carmes qui t'efmouuront le pre¬
mier , foit à rire ou à pleurer , afin que les Ledeurs en facent autant après toy.
Tu n'oubliras iamais de rendre ledeuoirqu'ondoitàla Diuinitc,oraifons, prières,1
&facrifices, commençant &finiflant toutes tes adions par Dieu, auquel les hommes
attribuent autant de noms qu'il a de puiffances Se de vertus, imitateur d'Homerc Se de
Virgile qui n'y ont iamais failli.
Tu noteras encores , Ledeur , ce poind qui te mènera tout droid au vray chemin des
Mufes: c'eft que le Poëte ne doit iamais prendre l'argument de fon ceuure, que trois ou
quatre cens ans ne foient paffezpour le moins ,afin que perfonneneviueplusdcfon
temps , qui le puiffe de fes fidions& vray-femblancesconuaincre,inuoquantlcs Mufes

i
PREFACE. J87
lus rehauflees Se recherchées , bien affifesën leur lieu par art Se non à fa voile , donneuy
nom de Poëte, Se non au verfificateur, compofeur d'Epigrammes, Sonnets, Satyres,
Elégies , Se autres tels menus fatras , où l'artifice ne fe peut eftendre : la fimple narration
enrichie d'vn beau langage , eft la feule perfedion de telles compofitions.
Veux-tu fçauoir , Ledeur, quandles vers font bons Se dignes de la réputation d'vn ex¬
cellent ouurierîSuy le confeil d'Horace:il faut que tu les dcfmembrcs Se defafTçmbles de
leur nombre , mefure Se pieds , que tu les tranfportes , faifant les derniers mots, les pre¬
miers^ ceux du millieu,les derniers. Si tu trouues après tel defaflemblement de la ruine
du baftiment, de belles &: excellentes paroles, &phrafes non vulgaires, qui te contrai¬
gnent d'enleuer ton efprit outre le parler commun; penfe que tels vers font bons Se di¬
gnes d'vn excellent Poète. Exemple des mauuais vers.
Madame en bonnefoy ie -vous donne mon coeur,
N'vfeT^point enuers moy s'il vous platfi de rigueur.
Efface c Se rigueur, tu n'y trouuerasvnfeul mot qui ne foit vulgaire ou triuial : Où
fitulisceux-cy,
Son harnoù ilendojje , & furieux aux armes
Profenditpar lefer vnfeadron de genfd'armes :
tu trouueras au defmembrement Se defliaifon de ces deux carmes,qui te feruent d'exem¬
ple pour les autres , toutes belles Se magnifiques paroles , ffarnoè , endojfe ,furieux , armes,
profendit,fer , feadron , genfd'armes. Cela fe doitfaire tant que l'humain artifice le pourra:
car bien fouuent la matière ny le fens ne défirent pas telle hauffeure de voix , Se principa¬
lement les narrations Se pourparlers des Capitaines , confeils Se délibérations es grandes
affaires, lefquelles ne demandent que parole nue Se fimple, Se l'expoûtion du faid : car
tantoft il doit eftre orné , Se tantoft non : car c'eft vn extrême vice à vn Orféure de plom¬
ber de l'or. Il faut imiter les bons mefnagers , qui tapiffent bien leurs fales , chambres Se.
cabinets,& non les galetas, où couchent les valets. Tu auras les conceptions grandes Se
hautes, comme ie t'ay plufieurs fois aduerti,& non monftrueufes ny quinteffencieufes
comme font celles des Efpagnols. Il faudroit vn Apollon pour les interpréter, encor il
y feroit bien cmpefché auec tous fes oracles Se Trépieds.
Tu n'oubliras les noms propres des outils de tous meftiers, Se prendras plaifir à t'en
enquerre le plus que tu pourras, Se principalement de la Chatte. Homère a tiré toutes
fes plus belles comparaisons de là. le veux bien t'aduertir, Ledeur, de prendre garde aux
lettres} Se feras iugemét de celles qui ontplus de fon,& de celles qui en ont le moins. Car
A,0, V, Se les confones, M, B, Se les SS, finiffants les mots, & fur toutes les RR,qui font
les vrayes lettres Héroïques , font vne grande fonnerie Se batterie aux vers. Suy Virgile
qui eft maiftre paffé en la compofition Se ftrudure des carmes : regarde vn peu quel bruit
font ces deux icy fur lafin du huidiefme de l'iEneide :
Vna omnes ruere , ac totumJpumare reduttis
Conuulfum remù , rofirùflridentibus aquor.
Tu en pourras faire enta langue autant que tu pourras. Tu n'oublieras auffi d'inférer
en tes vers ces lumières , ou pluftoft petites âmes de la Poëfie , comme ,
Italiam mettre iacens, ,
qui eft proprement vnSarcafme: c'eft à dire, vnemocquerie, que levainqueur fait fur
le corps nauré à mort de fon ennemy.
Etfratrem ne défèrejrater.
Etdulcesmoriens reminifeitur Argos.
Seminecéfque micant digiti ,ferrûmque retrattant.
Au refte, Lecteur, fiietevouloisinftruirc&t'informer de tous les préceptes qui ap¬
partiennent à la Poëfie Heroïque,il me faudroit vne rame de papier:Mais les principaux
que tu as leu auparauant,te conduiront facilement à la cognoiflance des autres. Or ve¬
nons à nos vers communs de dix à onze fyllabcs,lefquels pour eftre plus courts Scprettcz,
contraignent les Poëtes de remafeher Se ruminer plus longuement: & telle contrainte
en méditant &rcpenfant,fait le plus fouuent inuenter d'excellentes conceptions, riches
paroles Se phrafes clabourées : tant vaut la meditation,qui par longueur de temps les en¬
gendre envn efprit melancholique, quand la bride de la contrainte arrefte& refraint la
première courfe impetueufe des fureurs Se monftrueufes imaginations de l'efprit , à l'e¬
xemple des grandes riuieres qui bouillonnent, efeument Se fremittent à l'entour de leurs
remparts : ou quand elles courent la plaine fans contrainte , elles marchent lentement Se
parefleufement ; fans frapper les riuages ny d'efeumes ny de bruit. Tu n'ignores pas, Le-1
deur,qu'vn Poëte ne doit iamais eftre médiocre en fon meftier , ny fçauoir fa leçon à de-j
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X
f
;S3
PREFACE.
my,mais tout bon, tout excellent Se tout parfait : la médiocrité eft vn extrême Vice enh
K, il vaudroit mieux ne ne i fen eu uiuibi méfier iau»w iamais , , la ««chandife bien
^^t^cnÀ^rf%fCîCbï^U t0Ut' T°UtCS ^"ces^ant foient-elles
Sus petits de Si"5 f"1" dC qUC qUC CLh°fc' COmmc les Plus fo'blcs membres, Se
ed^
gageqileX^
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quelle

PREFACE. j8*
quelle cendre des anciens, Se abbayer les verucs des trefpaffez,&: encore opiniaftrement
febrauerlà deflus,& dire, Iatteftc les Mufes que ie ne fuis point ignorant , Se ne crie
point en langage vulgaire comme ces nouueaux venus , qui veulent corriger le Magni¬
ficat: encores que leurs efcrits eftrangers ,tantfoient-ils parfaits, nefçauroient trouuer
lieu aux boutiques des Apoticaires pour faire des cornets .
Comment veux-tu qu'on te life, Latineur.quandàpeinelit-onStace, Lucain, Sene-
que , Silius Se Claudian , qui ne feruent que d'ombre muette en vne eftudej aufquels on
neparleiamaisquedeuxoutroisfoisenlavie,encore qu'ils fuffent grands maiftres en
leur langue maternelle ? Se tu veux qu'on te life , qui as appris en l'efcole à coups de ver¬
ges le langage eftranger, que fans peine Se naturellement ces grands perfonnagesparloientàleurs
valets, nourrices Se chambrières. O quantesfois ay-ie fouhaité que les diuines
teftes Se facrées aux Mufes de Iofephe Scaliger , Daurat , Pimpont , D'Emery , Flo¬
rent Chreftien,Paflerat,vouluttent employer quelques heures à fi honorable labeur ,
Galiicafe quanta attollet gloria verbis !
lefupplictres-humblement ceux, aufquels les Mufes ont infpiréleuriaueur,den'eftre
plus Latineurs ny Grecanifeurs , comme ils font plus par oftentation que par deuoir:
Se prendre pitié , comme bons enfans , de leur pauure mère naturelle : ils en rapporte¬
ront plus d'honneur Se de réputation à l'aduenir , que fils auoien t , à l'imitation de Lon-
gueil,Sadolet,ouBembe,rccoufuourabobinéienefçay quelles vieilles rapetafferies
de Virgile Se de Ciceron, fans tant fe tourmenter: car quelque chofe qu'ils puifTent ef-
crire, tant foit-ellc excellente, ne femblera que le cry d'vne Oye,au prix du chant de
ces vieils Cygnes, oifeaux dédiez à Phebus Apollon. Apres laprcmiere ledure de leurs
efcrits , on n'en tient non plus de conte que de fentir vn bouquet fani. Encore vaudroit-
il mieuXjComme vn bon bourgeois ou citoyen , rechercher Se faire vn Lexicon des vieils
mots d'Artus, Lancelot , Se Gauuain , ou commenter le Romant de la Rofe , que f amufer
aie ne fçay quelle Grammaire Latine qui a patte fon temps. D'auantage qu'ils confiderent
comme le Turc en gaignant la Grèce, en a perdu la langue du tout. Le mefme
Seigneur occupant par armes la meilleure partie de toute l'Europe, où on fouloit par¬
ler la langue Latine, l'a totalement abolie , rcduifant la Chrcftienté, dcfivaftc &Tgran-
dequ'elle eftoit, aupetitpied, neluylaiffantprefquequelc nom, comme celle quin'a
plus que cinqou'Iïx~riations7où la langue Romaine fe débite :&n'euft cfté le chant de
nos Eglifes , &Pfalmcs , chantez au lutrin, long temps y a que la langue Romaine fefuft
efuanouyc , comme toutes chofes humaines ont leurs cours $ &: pour le iourd'huy vautf
autant parler vn bon gros Latin, pourueu que l'on foit entendu, qu'vn affetté langage
de Ciceron. Car on ne harangue plus deuant Empereurs , ne Sénateurs Romains} Se la
langue Latine ne fertplus de rien que pour nous truchement^r en AUcmaigne, Polo-j
gne, Angleterre, Se autres lieux de ce pays là. D'vne langue morte l'autre prend vie,ainfi
qu'il plaift à l'arreft du Dcftin& à Dieu qui commande, lequel ne veut fouffrir que les
chofes mortelles foient éternelles comme luy, lequel ie fupplie tres-humblement, Le¬
deur, te vouloir donner fa grâce , Se le defir d'augmenter le langage de ta nation.
Quant à noftre eferiture, elle eft fort vicieufe& corrompue, Se me femble qu'elle a
grand befoin de reformation : Se de remettre en fon premier honneur , le K , Se le Z , te
faire des charadercs nouueaux pour la double N, à la mode des Efpagnols n , pour eferire
, Monfeigneur , Se vne L , double , pour eferire, orgueilleux.Ie t'en diray d'auantage,
quand i'enauray leloifir. A Dieu candide Ledeur.
Defcriptas feruare vices , operùmque colores
Cur ego,fi nequeoignoroque, Poëtafalutor?
Curnefcire pudens prauè quàm difecre malo?
Resgefbe regùmque, ducùmque Se triftia bella
Quo poffint feribi numéro , monftrauit Homcrus.
Omere defeience & de nom Mufirê,
Et le Romain Virgile affez, nom ont monfiré
Comment é-par quel art, & par quellepratique
Ilfalloit compofer vn ouurage Héroïque :
De quelleforte haleine % & de quel ton de vers
Hor*
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y

55>o
PRÉFACE.
"Varie dTargumens & d'dccidens diuers.
Fayfuyui leur patron : àgenous, franciade,
^idore l'JEneide, adore l'Iliade :
Reuere leurs portraits , & les fuy d'auft lotng
Qu'ils m'ontpaffi d'eftrit, d'artifice & defotng:
Miracle non eftrange à celuy qui contemple
Ces deux grands Demy-dieux, dignes chacun dyn Temple,
Vvn Romaineautre Grec, à qui les Cieux amis
Et les Mufes auoient tout dit & toutpermis ,
Et non à moy François, dont la langue peu riche,
Couuerte de haUiers tout les toursfe despche ,
Sans mots ,fans ornemens , fans honneur & fins pris ,
Comme vn champ quifaitpeur aux plut gentils eftrits
Des laboureurs afîifs a nourrir leurs mefmges,
gui tournent les guerets pleins de roncesfauuages
Et d'herbes aux longs pieds, retardement des boeufs»
A faute d'artifans qui n ont point deuant eux
Desjrichê ny viré la campagne férue:,
gui maintenant reuefche arrefte leur charrue,
Luittant contre lefoc d'herbes enuironné.
Mais quoy ? prenons en gré ce qui nom eft donne,
Acheuons noftre tafche, & croyons d'ajfeurance
Jgue ces deux eftrangers pourront loger en France,
Si la Parque me rit , refchaufant lafroideur
Des hommes bien adroits àfuiure mon ardeur,
Sans craindre des caufeurs les langues venimeufes,
Pourueu que nom rendions nos Prouinces fameufes ,
Non d'armes , mais £efcrits : car nom nefommes pas
De nature inclinez, àfuiure les combat,
Mau le bal des neuf Soeurs, dont la verue nous baille
Plus d'ardeur, qu'auxfoldarts de vaincre d la bataille.
Ils ne font vlcere\ffinon par le dehors,
Aux iambes & aux bras , &fur la peau du corps:
Nous aufond de l'eftrit & a» profond de Famé,
Tant l'aiguillon d honneur viuement nom entame.
La Mufe en telle part defon traitt va poignant:
Etencorquele coup riapparoiffefaignant,
Si efi- ce qu'il nous blejfe, & nous rendfantafliques]
Chagrins , capricieux , hagards, melancholiques ,
Vatjfeaux dont Dieufefert,foitpourprophétiser,
Oufoit pour enfeigner, foit pour authorifer,
Veftui d'habits grofiers , par paroles rurales,
Les arrefts de Njture & les chofesfatales.
Tels du vieil *Apolloh les Miniftres eftoient,
Oufuftfur te trépied, oufuft tors qu'ils chantaient x
Et tels ceux d'auiourd'huy : car l'antique Cy belle
( La Nature i'enten) n'a taryfa mammeUe
Pour maigre riallaiter les Siècles auenir,
Ny nefera iamais : ce ferait deuenir
Vne mère brehaigne en lieu d'eftreféconde.
» Tout tel quauparauantfera toufiours le Monde.
Or comme ilpUift a Dieu lesfiecles é les ans
Apportent à nos vers richejfes & prefans ,
Crédit entre les Rois : oufouuent par fortune
Vn prend le bien acquis à toute vne commune.
Cela s'eft toufioursfait , & toufioursfefera
Tant que le Monde entier en fes membres ferai
Maint court aux ieux d'olympe, vnfeul leprix emporte:
La chance des Mortels roule de telleforte.
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ARGVMENT DV L LIVRE DE
LA FRANCIADE, PAR AMADIS IAMIN,
SECRETAIRE DELA CHAMBRE DV ROY.
N ce laborieux ouurage delà Franciade,!'Autheur fcftpropofé
la façon d'eferire des Anciens, & fur tout du diuin Ho¬
mère : & combien qu'en ce premier liure il ait comme pas à pas
imité Homère & Virgile , fi cnVce que l'embarquement de
Francus eft à l'imitation d'Apolloine Rhodien. Il relTemble à
l'abeille , laquelle tire fon profit de toutes fleurs pour en fairefonmiel
raufli fans iurer en l'imitation d'vn des Anciens plus que des au¬
tres, il confidere ce qui eft en eux de meilleur, dequoyil enrichit ( comme
toufiours il a cfté heureux) noftre langue Françoife. Or pour venir à ce premier
liure, qui eft comme le fondement & projeâ: du refte du baftiment,f'argument
eft tel. Apres que Francus fut retourné du long voyage où fon oncle Helenin
l'auoitenuoyé en diuerfes nations pour en apprendre les m & façons, &
par telle cognoiffance fe rendre fage, ruzé & pratiq Capitaine ; ce qu'Helenin
auoit fait , ne voulant qu'il fuft recognu pour enfant d'Hector entre les Grecs,
lefquels penfoient pour certain que Pyrrhe fils d'Achille l'euft fait mourir, le
précipitant du faifte d'vne tour: Iupiter qui l'auoit fauué du faede Troye, &
en lieu du corps vray auoit baillé vne feinte de luy à fes ennemis, fe refbuuenant
du Deftin , pour lequel il l'auoit garenti de fî cruelle mort, & fe repentant
de la deftru&ion de Troye , enuoye Mercure meffager des Dieux vers Helenin
, oncle paternel dudit Francus, à fin qu'il l'aduertiiTe quelles font les defti-
néesdeFrancion fonneueu, lequel depuis vn an laiftbit éneruef fa ieunefïè
dJoifîueté,fans fouci de releuer-fus l'honneur de fes ayeuls. Helenin après auoir
ouy le commandement de Iupiter (aufïî que fon efprit prophétique auoit preuoyance
des Deftins , & prefageoit la Grandeur de fon neueu fils d'Hector) luy
fit equipper quelque nombre denauires, danslefquelles il f embarqua, biffant
Buthrote ville d'Epire , où il faifoit fa demeure auec fon oncle & fa mère An-
dromache. Le Poëte luy donne vne compagnie d'hommes guerriers par vne
belle & gentille inuention : car le iour du mandement de Iupiter tous les
Troyens bannis eftoient affemblcz par le congé des Princes de la Grèce, defquels
ils eftoient efclaucs pour chommerlafefte de Cybele leur Déeffe, tous;
equippez d'armes telles que fouloient porter les Corybantes & Curetcs,quand
ilscclebroientlafeftc delà Mcre des Dieux. Iunonfe courrouce, voyant que
la gloire des Phrygiens s'efForçoit par bonne & future deftinée de renouueller:
Troye, & de la faire reflorir. Cybele &: Mars fauorifoient Francion , 8c luy en-t
flament le cur du defir de louange &: de vertu. Helenin luy enfeigne fommairement
quel chemin il doit tenir fur la mer pour venir de Crète à l'embou-^
cheure du Danube.
Ddd ij
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&l
Si tant d?grands Guerriers, auc /a fiimceJ-ecom/e ,
Montra.Jous ta (^uw!VK,o^rand,^amiTT)F:ÛÎL^LOYS
. JLu/sent £>m ae~ naz -dirs, Cûmpattu/ous tes C&x ,
\ Ton. STejPtrc, eut coiyudle\1dus /es Septres , tiû ^fondê.
$ T~homas de JcuTTe : et eoccu:
Tu nos , Ronfârdj compofe cejl ouurage,
Il ejl forgé d'vne Royale main :
Charles fçauant, viflorieux $f Cage
En efi / Autheur, tu nés que lefcriuain.
S*
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LE PREMIER LIVRE DELA
FRANCIADE.
AV KOY TRES-CHRE.STIENS.
TRES-CHRE.STIENS.
Charles neufiefme de ce nom.
Y s e, enien-moy des fommets de\
Tarnaffe, , -, ,\-, ' .V
Guide ma langue,& me chante lai
race / t->> -, >; :
Ni pour mortel,pour Dieu, nypourDéeffe,
Que i'.eu U nuiél quon bruloit llion:
Quand le. cheual; preignant d'vn milion
D'hommes,guerriers ; defa voûtefermée
Des Rois FrançOI syJJusdéFrancion>\ Verfa dans, Troye. vne moijjpn armée
Enfant d'HeBor, Troyen- de 'nation; ;
Qu'on appelait enfa ieuneffe tendf¥e\ - " '
Aftyanax, &du nom de£çamàndre.
De ce Troyen conte-moy les trauaux ,
ÇuerreSy confeils,^. combienfuries eaux
Il a defois {en de[j>it de Neptune . . \ *f
Et de Iunon ) furmonté la -Fortune , j ^
Etfur la terre efchappé de péris, " .
Ains que bafiir les grandst mûrs de Paris.
Charles monPrince}enfierfhoy le couran
Pour ton honneur i'enirepren cet quurage :
Sers-moy de Phare fy garde d'abyfmer
Ma nef quiflotte en f profonde mer.
Défia vingt ans auoient laiffé derrière
Le iourfatal que la Grèce guerrière
Auoit brûlé le mur Neptunien :
Quand du haut Ciel le grand Saturnien
Baijfa lesyeux, & vid Troye deferte ,
Toute defable &de tombes couuerte,
Se courrouçant fa perruque ejbranla ,
Puis au confeil tous les Dieux appela.
T>'efyiettXyd'efcus , de tances ,($f de dans
Branle^- es. mains des Argiuesfoldarts.
Non feulemenf les Dolopes gendarmes
Paffoiençles corpspar le trenchant désarmes^
Mais, nos maifins (facrileges ) piUoient ,
Et de leurs [Deux lis autels deffouilloyentl
Qui reuere7fâr la ville Troyenne ,
Fumoyènt toufiours ^d'vne odeur Sabéennel
Laforcenoyent^deux Tygres fans merci,
Le grand Atride &, lepetit auffi,
Joyeux defang: le, carnacier Tydide ,
Et1 lefuperbe .héritier d'JEacide:
Là ljthaqûo{s chargé du grand bouclair,
Qui ne fut fien,brillant comme vn efclair
Qui ça qui là ftfclatte de la nue ,
Chault de cholere enfanglantoit la rue
D'vn peuple au liÛfurprins & deueflu ,
Dufer enfemble ($f dufeu combatu.
Ainfi qu'on voit vne fiere Lionne,
Que lafureur & la faim effoinçohne,
Affajfmer le débile troupeau :
Du Cield'airain lesfondemens tremblèrent Entre les dents fanglante en efi la peau H y
Deffous le pied des Dieux qui s affemblerent Qui pend encore enfa mâchoire teinte.) A
Tous marchans etordre en leur fiege apprefié : Le pafleurfuit qui fe pafme de crainte !
Lors Jupiter pompeux de Majefté,
Lesfurmontant de puiffance & de gloire,
Ainfi les Grecs detatlloient & brifoient
Le peuple nu : Les feux qui reluifilent
Se vint affeoir en fonthrone dyuoire Sur les maifons à fiâmes enfumées,
Le Sceptre au poing, puisfronçant lefourci, Donnoient lumière aux Princes des armées,
Renfrongné dire, aux Dieux parloit ainfi.
Iamais au cçeur ieneu telle trifiejjè
Au meurtre, aufang'.vnfi cruel effort
Monfiroitpar tout timage de la mort,
-* * Ddd iij
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i;-

LE I. L
Et toy ïunon defus lâporte affife ,
Hafio'u les Grecs ardans à l'entreprife,
AuecPaïïas, quifur le haut fommet
Dupremiermur, horrible en fon armet
Que la Gorgonne offrit de mainte efeaille,
A coup de pique ejbranloit la muraille,
"Bouffante d'ire, & d'vneforte vols
Comme vn tonnerre appeloit les Grégeois,
Les animant à la vengeance pronte :
Sftrits malins , qui riaue% point de honte
D'auoir deflruit vn Royaume fi beau ,
Faitqullion riefiplus qu'vngrand Tombeau,
Fait que *Triam meurdri deffw fa race,
De fonfitng tiède enfanglantafi ma face,
*I?namfut tué près l'autel de Iupiter.
Bien qu'il éhargeafi nos autels par-fus tous
Degrùs cuiffots de taureaux & de boucs.
Ce Roy pleurant fin eflat miferable
En éheueux gris , en barbe vénérable ,
Du cruelPyrrheaupoinéïde mortpreffé,
Tenoit des mains mon image embrajfé,
Quand il receut en fa gorge frappée
De l'Achillin le tranchant de l'efiée,
Qui d'vn grand coup le chef luy décolla:
Bien loin la tefie enfautelant alla!
Le corpsfins nom fflans chaleur , &Jànsface
Comme vngrandtronc brocha deffus la place.
x. Cet arrogant qui les Dieux defiitoit ,
Qui de fureurfon pèrefurmontoit ,
Non feulement d'vne rage maiflreffe,
Lefer aupoing, tuoit la tourbe efbeffe ,
Mais outrageait le fixeféminin ,
Qui de nature efl courtois ($f bénin.
jl pourfuiuoity au trauers dé laflame,
Dupreux Heflor Andromache la femme ,
Qui , déplorant pour néantfon defiin,
Sfcheuelée, auoit afin tetin
Prefféfon fils , en qui le vray image
Du père fien efloit peint au vifitge.
* D'entre fes bras ie defrobay le fils:
Lors en fa place vne feinte ie fis ,
* I'ay efté contraint de reprefenter Iupiter à la mode
des Poçtes tragiques, lefquels for parler vn Dieu, quad
la chofe eft du tout defefperée & hors de la cognoiffance
des hommes. Pqurce homme viuantn'euftfçcu
fçauoir comment Francus auoit efté fauué , fi Iupiter
mefmes, qui l'auoit garanti, ne l'euft raconté.
Que ieformay poitrlffant vne nue,
Qui fut des Grecs enfin lieu recognuë,
Du tout femblable à ïHéritier d'Hettor,
Mefmes cheueux crefielus defin or±
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Ivre de
Les mefmesyeux, lefront mefme, & la Mlle.
Puis ceftefeinte à la mère ie baille
Pourla donner àPyrrhe : & tout foudam
Gâchant l'enfant aux replis de mon *fim ,
C'eft ce que difentlcs Latins fin* c'eftoit vne oie-'
l'efpaule dextre , & du bout s en commuent la tefte :
car ils ne portoient point de bonnet. Iay veu des
vieilles médailles de telle forte.
le le fauuay de l'ej}ée homicide:
* Le vain fans plus fut proye d'JEacidel
* le -\*m ] La chofe vaine : Phrafc Grecque , c'eft à di¬
re , l'image.
le l'aduerti ialler trouuer après
Son fils au Temple, où deux Cheualiers Grecs
L'vne fur l'autre amonceloient la proye,
Tout l'or captif de Priam &de Troye,
Femmes,enfans, & vieillars enchaîne^,
De leurs maifons par les cheueux traine"^ :
Et qu'il auoit pour marque manifefie
JLWdantffilair d'vneflame celcîk
Ju haut du chef, vray figne qu'ilferait
Pafieur du peuple, & qu'vn iour ilferoh
Naiftre des Rois, à qui la Dejlinéc
Auoit la terre en partage donnée.
le n'auoy dit, que tout foudain voici
Tyrrhevenir, qui rauit tout ainfi
L'imagefeint hors des bras de U mère,
Qùvn Loup le Fan d'vne Biche légère.
Il le porta fur le haut d'vne tour,
D'où le rouant & tournant de maint tour
En tourbillons, d'vn bras armé le rue
Pied contre-mont fur le dur delà rué.
Ainfi tomba par pièces découpé
Le vain abus dont le Grecfut trompé:
Car Francus vit, &maugré toute enuie
Defes poumons va retirant la vie
Dedans Buthrote, en ces champs ou la vois
Vitprophétique es chefnes Dodonois,
Près Helenin & fa mère Andromache
Quifans honneur par les tourbes le cache.
Défia lafleur de fon âge croiffant
Va d'vn poil d'or fon menton iamiffant ,
Et toutfin cur bougonne deieunejîe:
le ne veux plus qu'il languiffe en pareffe
Comme incognu, (ans Sceptre &fans honneur:
Mais tout remfily deforce & de bon-heur,
le veux qu'ilaille oùfin Defiin l'appelle,
Tigfutur d'vne racefi belle.

EA FR
l 'ans plus en vain confommer fon loifir.
'arte de là : Tel eft noftre plaifir .
Il dit ainfi : les Dieux qui s'éleuerent,
* ^ousd'vn accord faparole approuuerent,
i în murmurant comme flots de la mer
, De qui lefront commence àfe calmer*
, Quand aquilon affoupit fon orage,
. 5t l'onde bruit doucement au riuage.
Au départir Mercureil appella :
, ,your obéir Mercure s'en alla,K
. °rompt meffager à la plante légère,
euant le Throneoù l'appelloit fon père:
'oie y mon fils , où Francus efi nourri,
uche les vents : dy que ie fuis marri
ontre fa mère & ceux quifans loiiange
rompentfon âge en vne terre efirange .
e ne l'auois du maffacre fauué \
'our eftre oififr, de parefifre agraue,
nfay-neant en la fleur defon âge:
ais i'efieroy que d'vn mafle courage
Iroit vn tour des Gaulesfurmonter
Repeuple rude ($ffafiheux à donter,
haud à la guerre , &ardant à la proye,
oury fonder vnenouuelle Troye :
Pource defloge, & Jefais en-aUer:
» Le temps perdu ne fe peut rappeller.
A peine eutdit que Mercure s apprefie,
Sa capeline affubla furfa tefie,
De talonnien fes talons affortit,
D'vn mandiUon fon efyaule vcÉit,
jPritfà houffineà deuxferpens ailée :
Puis à chef bas enfonçantfa volée,
yres à poinéle, ores d'vn grand contour
Hachoit menu tout le Ciel d'alentour:
Ainfi qu'on voit fur les bords de Méandre
L'aigle *foudrier au haut de l'airfe pendre,
* Foudrier, qui porte la foudre : comme Harquebufier
jui porte la harquebufe: Archer qui porte l'arc. Sur
:els mots défia vfitez & reçeus , i'ay forgé Foudrier,
iiyuant Horace.
Zicuitjfemperque hcebit
signatum prfente nota produarenomen.
Cela eft permis aux langages vifs , dont les peuples v-
cnt auiourd'huy, non aux langues mortes , comme la
jiecqne & Romaine, lcfquclles ne pcuuent plus rien
nnouer : comme celles qui ont fait leur temps , enfe-
îelies & du tout eftcintes.
Puis aduifant fia proye entre les joncs,
°anars, Hérons , & Cygnes aux cols longs,
Rodeà l'entour, $f tournoyant, ombrage
D'vn corpsplumeux tout le haut du riuage.
Après qu'il eut de (fiel en Qel volé,
A N C I A D ê: ^j
Vifle courrier, defon talon ailé
Se vint planter au pied d'vne vallée,
Où Andromache efioit ce iour allée
i^Auecfon fils , pour repaifire fisyeux
Des jeux facre^à la mère des Dieux.
Ce iour efioit lafefie folennelle
Que tous les ans on chommoit à Cybelle
Au mois d'Auril ,faifon où la rigueur
De fon Atys luy efchaujfa le cur,
Que lesTroyens auoient en reuerancê,
Lors qu'Ilion eftoit leur demeurance.
Or ces captifs par la Grèce ejpandus*
De tous cofie^aux jeux s'efloient rendus,
Par le congé des Princes de la Grèce,
Pour célébrer le iour de leur Deeffe.
Eux équippéZ de boudoirs £7* de dars
Qontre-imitoient ces antiquesfoudars,
Les Corybans , qui d'vne efyeffe bande
Danfoient autour de Cybelle la grande.
Là les vieillards d'vn bafionfecourus\
Là les garçons eftoient tous accourus,
Femmes, maris, leur fouuenant encore
TJlde & de Troye, où la Mère on adore,
A ïimpourueu Mercure efi arriué,
Qui loin du peuple Helenin a trouuê
Difiourant feul : la Verue prophétique
Luy preparoit vne humeur ecfiatique,
Défia rauy defin entendement.
Ce Dieu luy dit: Oy le commandement
De Iupiter, qui courrouce m'enuoye
Parler à toy par la celefievoye.
Va (m'a-t'il dit) où Francus efi nourri i
* Huche les vents: dy que ie fuis marri
* Huche,vicil mot François , qui fignifie appcller. Ds
là vient vn Huchet,c'eft vn cornet , duquel on appelle
les chiens Se les laniers à la chaflè.
Contrefit mère , & ceux qui fans louange
Cachent ce Prince en vne terre efirange.
le riay Francus du maffacrefauué,
Pour eftre ainfi depareffie aggraué,
Vn fay-nean t en lafleur defon âge : .
Mais i'efberoy que d'vn mafle courage
Iroit vniour des Gaulesfurmonter
Le peuple rude & fafiheux à donter,
Chaud à la guerre, & ardant à la proye,
Poury fonder vne nouuelle Troye,
Dont la mémoire en tout tempsfloriroit,
Et par lefeu iamais ne periroit.
Pource Helenin, & toy mère Andromache;
N'amolliffe7 en pareffefi lâche ^
Ddd iiij
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jtf LE I. LI
Venfant d'Hettor, ami les (jeux amis
Ont tant d'honneurs & de Sceptrespromis :
Qui doit hauffer la maifon Priamide,
Domter la Grèce , & la race Macide,
Doit vaincre tout , & qui doit vnefois
Eflre l'eftoc des Monarques François,
Et parfur tous d'vn C H a R L E s, qui du
Monde
Doit en la main porter la pomme ronde.
Fay-l' equipper d'hommes & de vaiffeaux;
Fay-le marcherfiurï efichine des eaux
k^4ux lieuxpromis , où fon Defiin le même.
1 >, L'honneur s'achepte auxjef[>ens de lapjind
I ^/riauoit dit , que plûftojfqu'vn eficlair,
Loin de leurs yeux s'euanouit en l'air,
Sniteloppé dans l'obfcur d'vne nue,
Laiffantla mère en efinoy détenue,
Etfin mary de frayeur tout tranfi,
De peur d'vn Dieu qui les tançoit ainfi.
. En ce-pendant la ieuneffie Troyenne
fcjjVtJjU' \ Haut inuoquant la 'Berecymhienne,
/ D'encens fumeux parfumoit fon autel,
Sacrant maints vaux à fin nom immortel.
Les vns auoient les perruques couuertes
De nouueaupampre aux largesfueiUes vertes,
Frappant le col de leurs cheueux feuffiéZ:
Les vns battoient les tabourins enflé?,
i , t Les vns au fion de la flûte percée
â&Msfmlaj y^f if^v^^aloiept armc% vne danfe infenfee,
Ja*lû\
Et rechantant des Hymnes tour à tour,
Faifoient fonner les riues d'alentour.
Les bons vieillars à tefies grifonnees,
Les iouuenceaux aux plaifàntes années,
De pieds , de mains, fy de voix refpondoient,
Et leurs chanfins auxflufles accordoient.
LePreflre orné d'vne Sotane blanche,
ÇrinjjLmdvmdtMLÀeffw de la hanche,
Mitre de pin la troupe deuançoit,
Et les honneurs de Cybelle danfoit.
Enten du Ciel tes louanges, Cybelle,
Mère des Dieux, Tlerecynthe la belle,
Qui as ton cloef de cite? attourné,
Qui as le cloar en triomphe tourné
Par deux lions , quand toy Mère honorée
Montes au Ciel à la voûte dorée,
Pour aller voir tes Fils & tes Neueux,
Et t'abreuuer de Netfarauec eux.
Sois-nous propice, o très-grande Déeffe,
*^S de mJ^ikliîn ïu±mL£ï!Îfr>
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VRE DE
Et de captifs mets-ndUs en liberté. ^
Vadés vingt ans ton peuple eft arrefte
Serffous les pieds de cefte uArgiue audace.
Donne qtt-vn iour quelcun de noftre race
Refonde Troye , (fy refiabliffe encor
Vn nouueau Sceptre aux reliquesd'Hector :
Donne à tonpeuple vn Royaume, &rafiemblt
En vn monceau tous les Troyens enfemble :
Afin qu'aymérju Deftin le plus fort,
Nous remuions heureux par nofire mort.
Ainfipriantfit redoubler la dance:
Le peuple fuit le Preftre à la cadance :
Le Temple en bruit! Cybelle qui oiiit
La voixTroyenne , au (fiel s'en réjouit.
Comme ils prioient,la prompte Renommée
Au front de vierge, à l'efchine emplumée,
Xë cor enbom^e , auoit ja Iftffiândû
Que Mercure eft du haut Cieldéfendu,
Et qu'ilauoit d'vne voix courroucée
Tar Iupiter Andromache tancée,
Et parfus tous Helenin , quifçauoit
L'arreft certain que le Defiin auoit
Eficrit au Ciel pour celuy qu'on appelle.
CAfiyanax , qui fans honneur recelle
Son âge en vainfurie bord efiranger,
Sans du malheur lesTroyens reuanger.
f Cefte Deeffe à bouche bien ouuerte,
\ D'aureilles, d'yeux & de plumes couuerte,
Semoit par tout qu Aftyanax eftoit
Vray fils d'Heclor,$> qu'on luy apprefioit ]
Mainte nauire au combat ordonnée,
Tour alkr fuyure ailleursfi defiinée,
Prince fatal, & quefa main feroit
QueleTroyen du Grec triompheroit :
Et qu'ilfalloit que la ieuneffie aftiue,
Qui par la Grèce efi maintenant captiue]
Suiuifi Francus futur père des Rois,
Quif en alloit dedans le camp Gaulois
Replanter Troye & la race Heélorée,
Poury régner d'éternelle durée.
Ainfi difoit la Nymphe : ce-pendant
Helenin fut fongeant & regardant
Au mandement que Jupiter luy donne :
Décent difours en Joy- mefme refonne,
Or'pleindejoye, ores plein de douleur,
Mais ce confiai luy fembla le meilleur:
Ceil d'obéir au grand Père celefle,
Donner Francus au Defiin : &au refte
l^Ei^ttîÈLé' "Mires$ gens

*
LA
Sur terre & mer atfifs fydiligens,
P RANCI A DE.
A éhef branlé d'vne longue trouerfe
07
Non engourdis de pareffe ocieufe,
Lefait tomber tout plat àlarenuerfe
Ains qui pouffe^ d'vne ame induflrieufe, Auec grand bruit. Le bois estant bronché,
Sçauront prudens les périls éuiter, Fut par leferartifan detranché,
Et par trauail louange mériter.
Comme ilpenfoit, auifia d'auanture
Fer bien denté, bien aigu, qui par force
A grands efelatsfit enleuer l'efiorce
En l'airferein le bon-heur d'vn augura
S'offrant à luy pourfigne tres-heureux.
Du tronc du pinfur la terre efiendu,
En longs carreaux fy en poutresfendu.
Fut le combat d'vn Faucon généreux,
Qu'vngrand Vautour prouoquoit à laguerre
Plus fort de bec, d'efiomac, & deferre,
Pleine de bois la Charrette attellee
Va haut & bas par mont & par vallée,
Qui gemiffant enrouéfous l'effort
Etfins repos par le (fiel le battoit, Du pefantfaix , le verfoitfur le bord.
Tournoit, viroit , pourfuyuoit, tourmentoit, Le manouurier ayant matière prefie,
Ne luy donnant ny refait ny haleine-
Def échapper par U celefie plaine.
Or fon compas , orefa ligne apprefie
Soigneux de l'suure, & coignant à grads coups
Luy pour-néant au combat fanimoit, Dedans les ai?^ vne fuitte de clous,
Car le Vautour déjà le déplumoit, D'vnart maifirier les vieuxfiapins trasforme,
Quand Iupiter, miracle! le transforme
En la hagarde & chagrigneufe forme
De larges naufs leur fait prendre la forme
Au ventre creux, & d'artifice pront,
D'vn Aigle noir d'audace reuefiu. D'vn bec defer leur aiguifeHe front.
Comme vn rafoir luy fit le bec pointu,
Aigu , courbé, $ 'fes ferres tortues
L'vn allongeant le chanure à toute force
Pli deffius pli, entorfe fus entorfe,
Plus quedeuant fit dures & pointues. Menant la main ores haut, ores bas,
Fait le cordage , & l'autre pend au mai
Lors ombrageant d'vn grad ombre les chaps,
Prit en fes pieds aiguife^ & trenchans
Le grand Vautour, qu'à coups de becil tué,
Puis,fait vainqueur,fen-vola fus la nue.
Le bon augure auenu dextrement,
Fut du Prophète entendu promptement :
Lors toutjoyeux en fin cur délibère,
( Prenant l'aduis d'Andromache la mère,
Et des Deuins & des Pères grifens )
Luy apprefier des venteufes maifons,
Pour nauiger à rames mefurées
Deffusle dos des ondes apurées,
EfTen aller au gr'c de lupiïtr:
*» Contre le Ciel on ne^peut refifier.
Incontinent par toute Châonie "
Se refiandit vne tourbe infinie
De bûcherons , pour renuerfer à bas
Maint chefiie vieil touffu de large bras.
Par lesforefisfefearte cefle bande,
Qui ore vn pin ,orevnfapin demande,
Guignant de l'ail les arbres les plus beaux,
Et plus duifans à tourner en vaiffeaux.
Contre le tronc fonne mainte coignée
D'vn bras nerueux à l'auure embefengnée,
Qui mainte playe & mainte redoublant
Coup deffius coup contre l'arbre tremblant,
A double rang des voiles demy-rondes
IBoufes de vent pour volerfur les ondes]
Voiles quifont les ailes d'vn vaiffeatt
Qui courtfortune & vague deffius l'eati.
Incontinent qu'accomply fut l'ouuragel
Deuant la proué on bêche le riuage
Comme vnfofié large & creux, pour p^ffer
Les nefs qu'on veut dedans la merpouffer.
Là maints rouleaux à la courfe gliffante
Près l'vn de l'autre au milieu de lafente
Sont efiendus , afin qu'en fefiuiuant
Les grands vaiffeaux glijjaffent en auant
DeJJur leur dos, qui craquetant fe vire
En rond, chargé dufaix de la nauire.
Les matelots à la peine indonte?,
Deçà delà rangea de deux cofie% ,
En trépignant du pied contre la place,
De mains , de bras , d'efiaules , Çr de face
Pouffoient les nefs pour lesfaire rouler.
Vne fueur ne ceffe de couler
Du front moiteux \ vne pantoife haleine
'Bat leurs poumons, tant ils auoient de peine
A toute force en hurtant d'efloranler
Ces orosfardeaux pareffeux à couler.^
Mats à la fin les nauires poifiées
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Droiéles en l'eau tombèrent efiancées :
La mer fon fin enfouurant leur prefia,
Puis l'anchre croche au bord les arrefia.
Il efioit nuiél, & le éharme dufemme
SiUoit par tout les paupières de l'homme,
Qui demy-mort par lefommeil lié,
Auoit du iour le trauail oublié.
Tous animaux, ceux qui dans l'airfipendent.
Ceux qui la mer à coups d'ééhinefendent,
Qeux que les monts (£>r les bois enfermoient,
LE L LIVRE DE
Or cegrad Roy qui fieul comade aux Dieu*,
Qui honora Heéor &nos oyeux,
La nuit queTroye eftoit en grand carnage,
Sauua l'enfant par vne feinte image:
Sans Majefiépriué ie I'ay tenu,
De peur qu'ilfuft des Grégeois recognu.
le I'ay tranfmis par vne longue voye
Tantofi versTbebeg? tarïtofi deuers Troye,
Voirie tombeau de fon père , $f auffi
Les noirs enfans de Memnon , qui d'ici
Pris du repos à éhefbaifié dormaient»
Mais Helenin quifoucieux ne cefifie
De repenfer enfin Neueu , n'abaiffe
L'eil au dormir, ains veillant ($f réuant,
Or fe couchant, & ores fe leuant
Sont éloigne?, noble race HeÛorée,
Et de l'Aurore habitent la contrée.
En maint pais ie I'ay fait voyager:
lia cognu maint peuple fy maint danger,
Cognules murs des hommes,pourfefaire
Mille difcaurs difcourt enfa penfée.
Guerrier pratique en toute grande affaire.
Du Dieu courrier la parole annoncée
Depuis vnan ce Prince efi de retour,
Lepreffe tant , qu'à toute heure, en tous lieux, Sans aélion mangeant en vain le iour,
Jl a Mercure au deuant defesyeux, Vn fay-neant déuoyé de la trace
Et en l'efirit la belle Defiinee, Defa tres-noble (^ vertueufe race,
Qui pour Francus au (tel efi ordonnée, Bien qu'ilfoit braue &feus bon afire né,
De qui lefang ($f Troyen & Germain Et pour hautsfaits hautement defiiné.
Doit enferrer le Monde dans fa main. Toufiours pour luy ce grand Prince metact]
Incontinent que l'Aube aux doigts de rofes Prince de l'air qui les foudres eflance,
Eut du grand Ciel les barrières déclofis,
Prompt hors du lit ce bon Princefortit,
Sa camifole& fin pourpoint veftit,
Puisfin fayon , puis fa cape tracée
A fils d'argent fur l'épaule atroufiée,
Prit fon effée au pommeau ci?elé.
Ainfi vefiu dans la place efi allé,
Dequoy fi tard ie le retiens ici
Sans de fon bien auoir autre fouci:
Encor hier ,fia puiffance ïattetfe
Que par le fiel en clairté manifefie
Je vy Mercure arriuer deuers moy,
Qui me tança de la part defion Roy.
Si tu rias foin , dit-il, de ta lignée,
Le dardau poing,commandant qu'on affembl Si la vertu de l'heur accompagnée
Grands & petits au confeil tous enfemble*. Ton c ne pouffe à voyager plus loin,
Lors les Heraux, claire-voix, ont fonné Au moins n'efiouffe afin premier befio'm
De toutes parts le confeil ordonné: De ton Neueu la bouillante jeuneffe:
Le peuple népour nouuelles apprendre Fay-l' efchapper des liens de la Grèce.
Droit en la place àfoulefe vint rendre: /» Le jeune fang defireux de ha?art
Luy defin Sceptre au milieu s'appuya, \» Trouue toufioursfin mieux en quelquepart,
Puis de tels motsfa langue defilia.
Pource,Troyens de race magnanime,
PeupleTroyen, Dardanienne race,
Si la vertu natale vous anime>
Qe Iouuenceau qui par la populace
Suiue% ce Prince & le vueille% choifir;
Vit.fans honneur , Afiyanax nommé,
Tout vofire fang fioit bouillant d'vn défit
Efi fils iïHettorque tant aue% aimé,
D'accompagnerfa vaillante entreprife
Qui magnanime en fi longues batailles,
Que le Defiin dextrement fauorife.
Dix ans entiers a gardé vos murailles,
Cefi plus d'honneur en liberté mourir
Qui le rampart contre terre rua,
Et parfonfang lafranchife acquérir,
Des Grecs tremblons, qui Patrocle tua,
/ Que de languir en hontefi vilaine.
Et retourna pompeux dedans la ville
\^»X)nbeau mourir orne la vie humaine.
Le dos vefiu du corfelet d'Achille.
Il dit ainfi : puisfe leuant de là,
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'Prefiédu peuple en fon palais alla.
Mars qui aimoit Heêlor durantfa vie,
De fecourir Francion eut enuie :
En fafaueurfit fon coche atteler,
'Puisfouettantfes éheuaux parmy l'air,
Qui à bouillons foufloient de leurs narines
Fiâmes defeu ardantes ($f diuines,
Vint s'abaifferfeus le pied d'vn rocher
Prés du riuage , où faifant détacher '
la franciade:
Ses beaux courfiers le long d'vne verdure,
Trèfle ($ffàin-foin leur donna pour pafiure.
Puis comme vn trait roidement sefiança
Parmy la troupe oùfia forme il laififia,
Et prit le corps , l'allure fy le vifage
Du vieil G V I s i N quoneflimoittres-fage,
Lequelfuiuoit aux batailles Heélor:
Celuy portoit la grande targe d'or
De cet Héros, quand pour garderfa terre
Sa main efioit plus crainte qu'vn tonnerre.
Ce Capitaine auoit toufiours efté
Pourfa valeur en grande authorité.
En fenfemblant ce. Dieu guerrier fe éhange^
Autour du front des cheueux blancs arrange,
Se laboura de rides tout le front,
Marche au bafion comme les vieillardsfont,
Et d'vne voix toute caduque & ronce a
Francus aborde, & en cepoinél le tance.
Vraye Troyenne,& n on Troyen, as~tu
Déjà d'Heélor oublié la vertu,
Qui t'engendra pour eftre l'exemplaire
Comme il efioit du labeur militaire,
Futur honneur des peuples ($f des Rots t
kAs-îu, couard, oublié ton harnois
Tour ( alléché d'ocieufes plaifiances)
Vfer ta vie enfeflins & en danfes,
Ffiire l'amour, & tout le iour en vain
Pleines tourner les coupes en la main f
Honte £

, Et
Coo LE I. L I
Deffious le pied du foldat qui chemine
Vole vne poudre, & deffius luy quifuit
Pour s'embarquer la terrefait vn bruit.
Tant à grands pas les plaines ils arpentent:
Trop tard les Grecs du congé (e repentent.
Ils s'affimbloient d'vn piedferme range^,
De dards, d'efeus & de piques charge^,
Faifant vn cri fur les riues chenues,
Ainfi qu'on voit les bien-volantes Grues
Craquer aigu quand paffier il leurfaut
La mer pourviure en vn pois plus chaud.
Autat qu'on voit d'oiféaux de tous plumages
Aumoisd'Auril, hofies des marefcages,
S'amonceler pour pondre ,& pour couuer:
L'vn tremouffant fes plumes veut louer,
L'autrefeus l'eau tient fes ailés plongées,
L'autre l'aualle a friandes gorgées,
l'autre tourne alentour de fon ny,
Peuple qui vole en troupes infiny,
Et * criaillant fur les riues cognues,
Sepreffe enfimble auffi efiais que nues:
* Criailler, eft vn verbe fréquentatif de Crier : c'eft à
dire , crier fouuent. Mot fort vfïté en Vendomois,
Anjou, & le Maine.
^Autant venoient le corfelet au corps
D'hommes à foule au premierfront des bords.
La terre tremble,& tesflancs qui emmurent
Les flots fale% deffius le pied murmurent
De tant de gens au riuage arrefie? ,
i Tous heriffe^ de marions crefie?.
Comme vn Pafieurdti bout de fa houlette,
Sous la clairté de Vefter la brunette,
%Au premier foirfiepare les cheureaux
Des boucs cornus, des béliers les agneaux:
Ainfi Francus d'vne prompte allegreffe
Tiroit à part la gaillarde ieuneffie
Aufang hardi, & laiffoit £autre part
Vieilles, vieillards & enfans à l'efiart,
Quifioids riauoient ny tefie ny poitrine
Pour fupporter la guerre &> U marine,
Peuple fans nerfs, & fans ardeur, que Mars
N'enroUe plus au rang de fesfeldars.
Francus vefiu d'armes toutes dorées
Des\ains d'vnmaifire artifan labourées,
Comme lefeu d'vn tonnerre luifolt, ^
Etfigrand peuple en ordre conduisit,
Monftrant guerrierfa taille bien formée
Tel qu'on voit Mars au milieu d'vne armée
Lesmorions, les piques des feldars,
&_ksharnQis fourbjsjejoutesjmr^
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VRE DE y
Et lemerydes lames acereei, A *\
Frappe?^ menu défiâmes etherees, ^fJ
Et du rebat du Soleil radieux,
Vne lumière enuoyoient dans les Çieux,
De qui l'efclair à flammèches menues
En tremblotant s'éclatoitdanshs nues,
Ainfi que luitfous lardante clairté
Mainte bluette au plus clair de l'Efté.
Adonc Francus quifeulmaifirecommandt
En fe brauant au milieu de la bande,
Voulantfa main d'vne lance charger,
D'Aftyanax en Francusfit changer
Son premier nom enfigne de vaillance,
(et desfildatsfut nommé Porte-lance,
ÏPheré-enchos,nom des peuples vaincus
(Malprononcé , & dit depuis Francus/
Lance quifut à nos François commune
Depuis le temps que la bonnefortune
Fit aborder en Gaule ce Troyen
Poury fonder le mur Parifien.
Comme il eftoit furie bord de la r'me
Tout éclatant d'vne lumière viue,
Ainfi qu'vn afire au rayon efelairci,
Voici venir Andromaéhe , £

XIômmTfoufiien ie mafoible vieillejfei
Lai Hepenfoy qu'au iour de mon treffias,
Quand l'écrit vole, & le corps va là bas,
Que tuferois mes obfequesfunèbresi
LA PRANÇÎÂDE.
Clouant mesyeux enferme^ de tenebreii
Me louerois le corps froid de tiède eau,
Et dega?ons me fero'is vn tombeau
Pour m enterrer au bordde ce riuage,
(Car aux bannis il rienfaut d'auantage)
Serrant enfemble en vn mefme repos
Démon mary les cendres & les os.
O Iupiter,fi la pitié demeure
Là haut au (fiel, ne permets que ie meure,
Ains qu'il fefiace en armesvn grand Roy,
Et que le bruit en voleiufquà moy!
Donne,grad Dieu,qu'au milieu de laguerre
Puiffe ruerfes ennemis par terre,
Mordants la poudre , en leurfang renuerfe?,
D'vnegrand' playe en l'efiomac perfe%:
Que des cite? la puiffante muraille
Trebuéhe à bai en quelque part qu'ilaille,
Soit à éheual,feit à pied guerroyant,
Et que quelquvn s'eferie en le voyant
( Fauorifé defortuneprofiere)
Lefils vaut mieux auxarmes que le père.
Difant ainfin , vn habit luy donna
Quefa main propre ouurierefaçonna,
Oufut pourtraite au vif la grande Troye
En filets d'or ioints à filets de foye,
Auecfes murs, fes rampars&fisforts.
Là Xanthe erroit paffementant les bords
Des plis tortus defa lente riuiere.
Là s'efleuoit la cymeforefiiere
D'Ide pineufe, oùfourçant fauteloit
Maint vif ruiffeauqui en la mer coulait.
Au pied du montfut en riche peinture
Le beau Troyen qui chaffoit d'auenture
Vn ferf au bois, où Iupiter le vit,
Qui parfin Aigle en proye le rauit.
Ce ieune enfant emportépar les nues,
Tendoit en vain vers Troye les mains nues :
Ses chiens en l'air qui pendu le voyoient,
L'ombre de l'Aigle& les vents aboyoient.
Heélorauoit cefie robe portée
Le iour qu Hélène en triomphe abordée
Entra dans Troye;& depuis ne l'auoit
Mife :fans plus de paradeferuoit
Au cabinet où lesplus chères chofes
De ce grand Prince eftoient toutes enclofes.
&o
Là luy donnant, Prenè%, dit-eïïjnonfiUi
Ce beau prefent que de mes mains iefis, F
Pour gagefeur d'amitié maternelle,
Ayant de moyfouuenance éternelle.
Ainfipleurant, Francus elle accolla:
Le corps toutfeul au logis s'en alla,
L'ame demeure en fon fils attachée:
Puisfur vn liélfesferuans l'ont couchée
Pourla donner au fommeil adoucy
Qui des mortels enéhante lefoucy.
En-x;é-pendant Helenin prend la corne
D'vn grand taureau au colpefant (èf morne^
Au largefront, & feins aucun effort
De fon bon gré l'ameinefur le bon :
Puis vn grand coup de maillet luy diffirre
Entre lesyeux : le taureau tombe à terre
Sur les genoux, fur lefrvnt eflendu:
Il l'efgorgea : le fang s'efi reff>andu
A longs filets dans le creux d'vne taffi:
Parmy lefang quefumeux il amaffe
Méfia du vin, par troisfois l'efeouU
Deffius la mer,puis Neptune appelle
Père Neptun, Saturnien lignage,
A qui par fin la mer vint enpartage^
Que le Soleil n'a peu iamais tarir,
Pour te laiffer toutes chofes nourrir,
Enten ma voix: donne que la nauire
De ce Troyen fillonne ton Empire
Sous tafaueur,(^f ceffe le courroux
Que dés longtemps tu gardes contre nous]
Neptune ouyt la Troyenne prière
A chefhaufféfur l'onde marinière,
Etfe plaignant encore ctllion,
Vne partie oftroye, fy l'autre non.
Iloélroya que laflotte Troyenne
Pourroit aller defjus l'onde Egéenne:
Mais ne voulut l'autrepart otfroyer,
D'y feiourner long temps fans la noyer.
Lors Helenin addreffefa parole
Afin Neueu :& 'ainfi le confole.
Courage,Prince , iltefaut endurer:
Tu dois long temps maint fillon mefurer
De la grand mer, auant que tu arriues
Fatalement aux Pannoniques riues.
Tous riireT^pas : c'cfi l'arrefi du Defiin :
Mais pour cela nefauls à ton chemin ,
Que ie te veux non tout du long apprendre,
Depeur qu'vn Dieu ne m'en vienne reprendre ,
Sortant du port gaigne la grande mer,_
Eee
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i
jffo*
Pay ta gaïerèa tour de"bras ramer
^Ta main nefoit du labeur affeiblie)
Entre Coryce & l'Jfle JEgialie.
Quand tu fieras au flot Ldconien
Trcnà main dextre, & fitge auife bien
De ne heurter au roéher deMolée,
Où l'onde en l'onde à bouillons eft méfiée.
Là maint gpfier des éhiens marins gloutons
Hument les nefs, puis comme pelotons
Roùe^en l'air, par morceaux les vomiffent
Deffius les bords des riues qui fremifjent
D 'abois rompus foubs le pied des rochers,
Glacent de peur tout le fang des Nochers.
De là pouffant tes nauires armées
Outre la mer des Cyclades femées,
ReuoirrasTroye ffi lesfunèbres lieux
Pleins des tombeaux de tes nobles oyeux.
De là finglant à rames vagabondes
Par le deflroit des homicides ondes,
Voirras le Pas oùfe noya la S
Pendue aux crins de fon Bélier mal-feur.
Tuferas Vàile au Thrarien "Sofihore,
OùlTnachide eftant vefiué encore
D'vn poil de vache , à coups d'ongles paffia
En lieu de rame , & fon nom luy laijfia.
Puis approchant du grand Danube large,
Qui parfept hui? en la mer fe defiharge,
Viendras à IIfie, à laquelle les fins
Donnent le nom : là fçauras tes Defiins
L'vn après l'autre, hofie de la riuiere
De qui la corne efi fi braue &fifiere.
Ce fieuue ayant fur la tefte vn roseau,
Etfous l aiffelle vn vafieàfource d'eau,
Et du menton verfant vne fontaine,
Te dira tout Sivne bouche certaine . *
A tantfe teut.' Iunon qui défendit,
En le tançant la'voix luy défendit. ""
Tandis la troupe au trauail non oifiue,
Le taureau mort renuerfifurlariue :
Ils ont le cur en tirant efcorché,
Puis efiripé, puis menu déhaché
A morceaux crus : ils ont d'vne partie
Sur les charbonsfait de la chair rofiie,
Embroché loutre , ($r cuite peu à peu
De tous cofie% à la chaleur Au feu,
L'ont débrochée, en des paniers l'ont mife,
L'ont découpée, & fur la table affifie,
Ont pris leur fiege , ont détranché le pain,
Ontfait tourner le vin de main en main
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LE I. LÏVRB DE ^
Zoiuant de rang à taffes couronnées, ^
I D'vn cur ioyeuxïvn à l'autre données,
^jtpres qu'ils ont du boire $f du Manger
Ofié la faim , ils s'allèrent loger
Au premier front de la riue mouillée
Sur des licols faits d'herbes & defueillée,
Où toute nuitf iouyrent du repos,
Ronflant lefiomme au murmure desflos.
Au découcher de l'Aurore nouueUe
Le vieil Vando'ts du fflet les appelle
( Qui feul eftoit le Pilote ordonné)
Voyant le vent en poupe bien tourné.
Vn bruit fefait par les bancs du nauire,
Puis àfa tafche vn chacun fe retire.
Soudain Francus le fiflet entendit:
Lors tout arméfa main dextre eflendit
Deffius la terre, & fesyeux vers la nue:
Eftant debout fur la riue chenue
cirioit ainfi: 0 grand Patarean,
A l'arc d'argent, tire- loin , Thymbrean,
Garde,^Apollon , entière cefle troupe,
Dieu d'embarquagc ,& permets que ie coupe
Sous heureux fort la * Commande qui tient
Ma nef au bord. A peine eut dit qu'il vient
* Commandc,eft iagroffc corde qui rient le bateau s
les Grecs l'appellent >spufmmr,le* Latins, rudtm.
Hors du fourreau tirer fia large e]j>ée :
Du coup la corde en deux partsfut coupée}
Qui la nauire au riuage arrefioit .
Ferme attachée à vn tronc qui efioit
D'vn chefinevieilfoudroyé du tonnerre
De quatre pieds efteuéfur la terre : .
Puis vers le vent addreffafon parler.
Vent, le balay des ondes çjr de l'air,
iQui de la nue en cent fortes te joués,
Qui ce grand Tout éuentes $r fecouës,
Qui peux cent bras & cent bouches armer}
, Si
Vien-t'en poupierton haleine enfermer
Dedans ma voile , afin quefeus ta guide
l'aille tenter ce grand Royaume humide.
Dieu qui le Ciel régis de ton fourcy,
des humains tu as quelquefioucy,
lEnten ma voix: donne, Père celéfie,
En mafaueur vn figne manifefie :
Tu le peuxfaire : on dit que quelquefois
Tu fis voler deux pigeons par ces bois : '
L'vn fut donné àf afin pour efeorte:
Donne-mqy l'autre, afin qu'heureux ieporte
De monfalut le figne très-certain,

LA FR A
Efiant couuert du fecoursde ta main.
Comme ilprioit,des Dieux lepère & maifire
Fit par troisfois tonnera main fenefire :
Et ce-pendant les rudes matelots,
rn ppuplr farouche ennemy du tyymc,
D'vn cry nouai hors du riuage proche
Démarent lanchre à la maéhoire croéhe,
Guindent le mafl à cordes bien tendu.
Chafquefoldat enfin banc s'efi rendu
Eficheu par fort : de bras &* de poitrine
Ils s'efforçoient : la nauire chemine !
Lés cris, les pleurs dedans le fiel voloient
Deffius l'adieu de ceux qui s'en alloient!
A tant Francus s'embarque en fon nauire s
Les ouvrons à double rang on tire :
Le vent poupier qui droitementfoufla
Dedans la voile à plein ventre l'enfla,
Faifiant fifler antennes & cordage:
La nef bien loin s'efcarte du riuage!
L'eaufous la poupe abboyantfait vn bruit,
)« vn traiéld'efttmejiijmïTi^ntpourfuit^
Qui vid iamais la brigade en Ikdanfe ~
Frapper des pieds la terre à la cadance
' D'vn ordre égal, d'vn pas iufte & conté.
Sans point faillir d'vn ni d'autre coflé,
N C I A D E. co)
Quand la ieuneffe aux danfes bien dpprife
De quelque Dieu la fefie folennife :
Il a peu voir les outrons égaux
Frapper d'accord la campagne des eaux.
Cefle nauire également tirée
Salloit traînant deffius l'onde a?urée
juA dos rompit^, ainfi que par les Vois
, Ayant
(Sur le Printemps au retour des beaux mois)
Va la éhenille errante à touteforce ^
Auec cent pieds , fur les plu d'vne efeorce.
Ksiinfi qu'on void la troupe des tloeureauk
A petits bonds fuiure les pafioureaux
De/ters le foir au fon de la mufette :
Ainfi les nefs d'vne affe? longue traitte
Suiuoient la nef de Francus , qui deuant
Coupoit la mer fous lafaueur du vent,
A large voile, à rond cercle entonnée,
defleurs la poupe couronnée.
L'eaufe blanchit fous les coups d'auirons:
L'onde tortue ondoyé aux enuirons
De la carène, & autour de la proue
Maint tourbillon en eficumantJe roue,
La terrefuit i feulement à leursyeux
Paroifi la mer & l* voûte des deux.
FIN DV PREMIER LIVRE»
Eee ij
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

A MONSIEVR DE BAILLEVR
SEIGNEVR DE VALLETOT SVR MER^
ET DE SOYSY SVR S E I N E, C d N S E I L L E R DV ROY
en fes Confiais d'Eftat & Priué, & Lieutenant Ciuil de la Ville , Preuolte Se
Viconté de Paris.
ONSIEVR,
Si vous iuge?qu'ily a de la témérité à vous prefinter ces petites Re¬
marques que i'ay faites fur la Franciade de Ronsard, riayant
l'honneur de vofire cognoiffance que depuis trois ou quatre iours , aceufe^-en
U parfaitte cognoiffance , £

REMARQVES SVR LE
PREMIER LIVRE DE LA FRANCIADE
DE P. DE RONSARD.
Par P. de Marcassvs.
DV POÈME EPI QJV E.
A r c e qu'il y a plufieurs qui tranchent du Pocte,& ne fçauent point que c'eft que
Poëte ou Poëfie : i'ay trouué bon d'obeïr à vn des plus grands Génies de France, Se
qui peut à bon droicT: eftre au nombre des meilleurs Poètes de noftre temps,
m'ayant coniuré par l'amitié qu'il me porte d'eferire en parlant quelque chofe fur
ce fuiecT;, afin de faire recognoiftre à ces efprits de pierre-ponce, que la vraye
Poëfie ne confifte pas en la ftruéturc d'vn Sonnet fait à la foldade , par contre-bat»
teric,ou d'vne Stance contrepointee comme vn corps d'vne Dame voûtée : & qus
s'ils font quelque chanfonnette ils ne doiuent point faire comme les poules qui réueillent
tout vn village pour faire entendre à tout le Monde qu'elles ont fait vn uf. PoUr parler du Poè¬
me Epique,defa nature & de fon originc,ie croy qu'il ne fera pas hors de propos de rechercher la naiffàncedela
Poëfie, & d'où eft venu ce nom de Poète. Quelques Grammairiens auffi fors que quelques-vns
de noftre temps,ont creu que le nom de Poète eftoit venu du mot Latin,/»çw, qui fignifie/«Wre , parce
que le Poëte fe fert ordinairement des fictions en fes poëmes ; mais cela n'eft pas vray , car le Poëte fe ferc
auffi bien des chofes véritables que des feintes : Le nom de Poëte donc,felon la verité,a efté fait de ce mot
Grec wiSi , qui fignifie/

1^
** " LE L UVRE DE fêtai*
Il femble donc que Tes Cnanfons aycnt efté inuentees en ?^^^£E£
pouîîaftlesBergersàtefmoignerleurs contentemens P^^S^^bruit que font ordinaî
ils fe fuffent mis à les imiter , ou en entendant le murmure des ru fléaux { auroç i-^UTt.
Etplusfacilementcftoient-ils portez encore àfcfaire l'amour en ce qu'ils eftoient inuitez par la dou¬
ceur du temps, par la folitude , & commodité des lieux : principalement cftans prcfque tous nuds & mal
couucrts : car bien que les Bergères allaffent couucrtcs, fi cft-cc quelles portoient vne forte d'habit qu'ori
appelloit yajri(MieÀ qui eftoit fcmblablc à celuy que l'on voit aux pourtraicts des Nymphes aux¬
quelles nous voyons les bras& les cuiffcsàdcfcouucrf.d'où ie croy que l'inuention de ceft habiit eft
venue de ce qu'au commencement on portoit deux peaux de cheure, l'vne deuant , l'autre derrière , at¬
tachées par les deux bouts fur les cfpaules. Delà eft venue la Comédie : car comme ils euflent commen¬
cé à fe propofer des prix d'honneur entre-eux à ceux qui chanteroient le mieux, celuy qui auoit vaincu
fon compagnon s'en alloitauec le bafton ,1a panetière, le pain, & le vin de fon aduerfaire par tout le vil¬
lage, &chantoit fes louanges & la honte de celuy qu'il auoit vaincu, ce qu'il pouuoit faire en toute)
liberté: ce qui tourna en Comédie, &de Comédie en Satyre, de Satyre en Tragédie, & ainfi des au*
très fortes de Poëmes félon que le temps vint à fe polir : ce qui feroit trop long à raconter. Seule¬
ment nous dirons que de tous il n'y en a pas de plus noble & plus excellent que le Pocme Epique, qui
contient tout ce que tout le refte peut contenir, les faits d'armes des grands Héros , les fieges, Ici
batailles , les confeils de guerre & de paix , les deferiptions de tout ce qu'on fc fçauroit imaginer*
dont les inuentions doiuent eftre admirables & ne refTentir en façon quelconque l'homme: la diction)
gencreufe où il n'y ait vn feul mot qui ne foit graue & diuin. Que s'il aduient qu'il faille parler des)
chofes baffes, il les faut tirçrde leur baflefle par vne diction plus diuine qu'humaine, comme lePocta
des Poètes lefçaitbien faire, comme quand il parle du Sabot, [
ille aflus habena Curuatis ferturftacùs ?
& des Abeilles, Magnammôfquedwes totiufiue ex ordtnegentù,
Mères , tyfludia , & fofmos prdia dicam.
Quant à la difpofition , il faut que le defordre férue d'vn ordre bien meilleur que fi l'on racontoit vn«
hiftoire parfaitement bien : pourquoy il faut auoir vn grand Génie. Pétrone nous en a tracé dans pcU
de mots le plan quand il dit : Non emm resgefi* ^erftbm eomprehendendtfunt, fed ver ambages Deorumaue mtnk
fienum Cr fabulofum fentennarum tormentum frtnptandus efihber foritus, -» tonus furent» ammt ^anunaùo api
fareat ,MW retyofe oratton» fubtefibnfides. Cefte ceuure de laFranciade eft prefque toute inuentee d'Hoi
mère & de Virgile : nous pc nous amuferons pas àcharger l'impreffion d'vne infinité de paffages d'imi¬
tation qu on y poutroit apporter veu que celaneferuiroitgueresifonefclaircifTcmcnt.
Mufe, enten*moy ] A 1 imitation des Poëtes Grecs il inuoqueles Mufes premier que de propofer ce qu'il
taS^SoïïrT" """^^^^ "am PCUdCm°tS ICU" fUJCtS' &PU" im*l°ieat
Virgil. ^trm* ytrùm^ue cano, Trot* qui primus ab eris
Italiam fatoprofugus lamna^ue lienit
Lutora.
didfeêf LMaTuxSn PerfB^°tiC C?faCrCr^ ^UfCS'U dit d" f°mmetS> ParCC^ «**^gne eft
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il auoit
les mu«
i promeflè que le Roy Laomcdon leur fit de recognoiftre leurpcinej

la franciaîdè: t^r
ce qu'il nefeit point, mais fe moqua d'eux : dont du depuis Neptune en a voulu aux Troyens. Douant à
tunon, elle a efté toufiours portée de mauuaife volonté enuers eux à caufe de Paris fils dcPriam,qui
ayant efté efleu luge des beautez de Iunon, Venus , & Mincrucfur le mont Ida, donna le prix à Venus.
le mur Neptumen ] Que Neptune auoit bafty , comme nous auons défia dit. Le Grand Saturnien ] Iupil
ter fils de Saturne. Du Ciel d'airain ] Pour monftrcr la grauc defmarche des Dieux , il dit ce que Virgile
mefme dit , que le Giel trembla fouz les pieds des Dieux. Les Anciens croyoient que les Dieux marchoient
bien d'vne autre façon que les hommes. Voyla pourquoy /Enec au premier liure de Virgile
ne recognoift fi mère qui eftoit deguifée en habit de chafferefle qu'à fa defmarche. Virg. *
Et yera incejfu futun Dca.
Quand le cheual ] Les Grecs ne pouuans prendre la ville de Troye , s'auiferent de faire vn grand cheual
de bois , le ventre duquel ils remplirent d'hommes armez, & firent fcmblant de leuer le fiege , enuoyercnt
Sinon tout garrotté , qui leur fit à croire qu'il s'eftoit efchapé des mains fanglantes des miniftres
comme il eftoit preft d'eftre facrifié , fait femblant de vouloir eftre des leurs. Cependant comme on l'in¬
terroge fur la grande mafTe que les Grecs auoient laifféc ; il leur defcouure , & leur fait à croire que leur
bon-heur dependoit de ce cheual , fils fe pouuoient garder del'offenfer, eftant confacré à Minerve, &
que s'ils le pouuoient faire enrrçr dans leur ville, qu'il feroit impoffiblc de là aux Grecs de venir iamais
à bout d'eux. Preignant ] Mot nouueau , pour dire gros ou remply. ^Crgiues ] C'eft à dire Grecs , ainfi
appelez de la ville d'Argos. D'imeodeur Sabéenne j C'eft à dire d'encens, à caufe que l'encens vient de
l'Arabie heurcufc:& la ville Métropolitaine de cefte région fe nommoit Saba. Stac, centûmque Sabau
Nubibus. Legrand

LE L LIVRE DE
£08 r
la Dccflc Cy^
10UWUKIU1.H.. ."»- , .- «-../Vn-i-snarties dont il auoit orrenie : oc non content ac
belelefitdeaenitfifiineox ^.^^'C°TSbleu Sky & le transforma en pin. Corybans]
ce fupplice >^^^£^^^^!^^uc^n^ fa.foient4fols ,fufqj
f le déchiqueter en pie J defagreable^ quelques perfonnes : mais il fau fçauoir qu en
l^^tl^?GMd'SScc les Jcien. Poêle. X Homère par tout vfe de ces mefmes
«SL. i ^-^««IC-eft à dire Cybele , ainfi appelée d'vne montagne de Phryg.e qui fe non*
ml SI ecvnche où elle efto t adorée. Balaient ^rme^ne danfe ] Parce qu'en danfant ils fe coupoient
hs meSes ^C>fa i£*3* fW» rnoduLtionL fVi membraUmabant. DeCW^O. la
lesmemDres j j ^ t qu'elle eftoit auffi laTerre. TfcjHser *« *«"**] Ce font lesDieuX
figuroit ainfi , parce qu
ou & , >& , &> de déplumes de déplumes plumes ] Parce que la
Renommée en vn moment voit tout, oit tout , & va par tout. Voy Virgile en fa dcfcnption incompara¬
ble serres] Autrement mains. De^enteufes maifons] Il nom me ainfi les vaifleaux, parce quils vont foubs
la fkueur des vents, chaome ] C'eft vne contrée de l'Epire dans la Grèce. De larges bras j Rameaux, à l'imi¬
tation des Poètes Latins qui les nomment auffi brachia. Contre le tronc] A l'imitation des Poëtes Grecs Se
Latins , il exprime la chofe mefmes. Virgil.
fonat ifla fecuribus ilex.
Mainte playe ] On peut fort bien appeler playes les coups que rcçoiuent les arbres : ne fuft que parce
que les anciens Mythologiciens ont feint, que les Dryades h'abitoient fous leur efeorce. Voyla pourquoy
ie Poète a dit d'vn arbre,donec fupremùm congemuit : pour monftrer fa cheutc & fa moxi.^fchef branjlé] Concujfo
yertice nutat. D'im art maijfrier ] D'vn maiftre art. Toiles fâfont les aijles] C'eft ainfi que Lycophron le»
appelle en fa Caffandre parlant dc la nauire de Paris. Commelinfofié] Tout ce qui fuit eft à l'imitation des
Poètes Grecs, qui ne biffent rien fans le deferire par le mçnu. Tous animaux] Pour tous Us animaux, tant
ceux qui Sec. Pendent] Locution imitée des Poëtes Latins qui difent des oy féaux , librantfe per aéra. Dc
repenfer en fin neueu] C'eft à dire, à qui le foin qu'il auoit de fon neueu Francus ne permettoit pas de clorre
l'il, Du Dieu courrier] C'eft à dire Mercure, qui eft le meflager des Dieux. llaMercure] Le mefme dit
Virgile d'^Enee , depuis qu'il luy fut annoncé de la part de Iupiter, qu'il faloit dcfloger de Cartilage.
JEt Germain] François, le monde dansfa main] G'eftà dire, doit eftre Maiftre dc tout le monde. Ontfin-
»/]Pour,ont appelé au Confeil tout le monde. Ne pour nouuelles ] C'eft à dire curieux de fon naturel.
Dardamenne race ] Parce qu'ils venoient de Dardan Roy de Troye. Du cerfeletd'^fchitlc] Nonpas qu'ill'cut
pris fur Achille: mais fur Patrocle qui auoit endofTé les armes d'Achille, pour efpouuanter lesTroyens:
tandis qu'Achille digeroit la colère en laquelle il eftoit contre Agamemnon au riuage de la mer. Les noirs
enfitns de Memnon] Les peuples du Leuant. llacognu] Il dit de luy ce qu'Homère dit d'Vlyffc tout au com¬
mencement de fon liure. Grand Prince ] Iupiter. Encore hier ] JEnec s'exeufant à Didon fur fon départ , dit
la mefme chofe. Si tu nos foin ] Le mefme dit Mercure de la part de Iupiter à ^£nee de fon fils Afcagne. m
ieau mourir ] Pukhrumfte morifuccurrit m arm'u. En fon femblant. ] A l'ifnitation de Virgile , qui fait chan¬
ger en vieille vne des Furies pour ynûct ïTmnus. fraye Troyenne cr non Troyen] A l'imitation dc Virgile,
O liera Phrygia, neaue emmPhryges.
Oublié] Pourperdu. Puis il luy foufielme horreur] Ainfi Venus afin que fon fils fuft plus beau Se plug
auenant , Se qu'ifpeuft plus puiflamment donner de l'amour à Didon j luy infpire toutes les grâces & les*
bcautez qu'elle peut,
« namtjue ipfa decoram
Ca-fa-nemnato gtmtrixiluménque iuuenta '
Purpureum Gr Utos oculis affiarat honores. -
lafortune ayde] audacesfortuna muât, le corfelet au corps] Armes. Mtrions trefteT] Sur lefquels flotoient
, de grands panaches. vtfptr ] L'eftoile qui paroift la première. Emery ] Pour l'efclat des armes. Mot des
Armuriers. Hebre] C'eft vn fleuue de Thracc , qui naift dumontRhodopc, & fe defgorge dans la
mer ^gec. Thrace ] C'eft vne partie de la Grèce, llion ] Les reliques dc Troye qui fut nommée llion , du
Royllus lluseratdumres fient ùiaregno. Portedmce ]En Grec 9{mxt ^ * 9ifl j * umurPan-
fien ] C eft vne figure dont les Poètes Grecs & Latins vfent alfez liccncicufement pour dire Paris, llnhye 1
Ainn nommoit- on Iunon qui prefide aux couches des femmes, clouant ] Fermant pour iamais. Me Le-
rots le corps j Selon la couftume des anciens. -
Tarquinij corpus bona fminalauit ey Imxit.
xanthe] Autrement Scamandrc fleuue de Troye. ide] Montagne de Phrygic près de Troye, où Paris
ayma Oenone. Pmeufe] Couverte de Pins dont elle abonde. sou%ant] Mot que Ronfard a for^é c'eft â
vojifdwtt^";^
'-feuitque canum latratm in auras.
l7i?Ltf0c"?!'l Po"r e,XPrimcr au vif,a ra§e_dc ccux

LA FRANCIADE. cou
feu aux nouueaux mariez. Que de long temps] Neptune eftoit en colère contre les Troyens, depuis que
Laomedon ne luy auoit point tenu la promeffe qu'il luy auoit faite, quand il alla baftir les murailles de
fa ville. Panncni^ues riues] Il entend la cofte d'Hongrie, qui a du cofté du Septentrion l'Alemagne & le
Danube de l'Occident , l'autre Pannonie du Midy, l'Efclauonie de l'Orient. Lagrande mer ] La mer Ioni.
que. Coryce ] C'eft vn efcueil proche de Crète en la mefme mer. ^fegialte ] C'eft vne Ifle en la mefme mer
proche de l'Etolie. Flot Lacomen] Il entend ceft endroit de la mer qui bat le Peloponefe. Malee ] C'eft vn
efcueil en Laconie, qui s'eftend bien auant dans la mer, près duquel fait grandement dangereux. Cyclades
] Ce font de petites Iflesdans la mer ^£gee, femees à l'entour-de l'ifle de Dclos : elles ont efté appellees
ainfi de leur fituation , ^ « joiW, lequel elles imitenr. Pas où fi noy4] C'eft vne mer eftroite entre la
-mer jEgee, & la Propontide, qui fepare l'Afie de l'Europe. Dans cefte rher fe noya Helles fille d'Athamas
Roy deThebes, s'enfuyant fur vn bélier auec fon frère Phryxus, dont la mer a efté appellee du depuis
Hellefpont, comme qui diroit la mer oùfenoyaHelles. Thracien BoJphore]Ce& vn deftroit de la mer,
qui fepare l'Europe de l'Afie: il fe nomme Boiphore, comme qui diroit le paffage de la Geniffe, à caufe
qulo fille du Roy Inachus,quelupiter auoit changée en vache, paffa par ce deftroit de mer. Danube]
Fleuue d'Alemagne. ils ont d'T>ne partie ] Tout cela eft defcrit par le menu à l'imitation d'Homère. ^Ataffes
couronnées] C'eft ainfi que les Poëtes Latins Se Grecs difent des taffes toutes remplies. Virgile ,
'- & "vina coronant.
ofie' la faim ] A l'imitation de Virgile , qui dit des Troyens :
Pofiauam exempta famés epulit menfeau» remota.
0grand Patarean] Surnom d'Apollon d'vne ville de Lycie, où il rendoit les Oracles fîx mois de l'an."
L/f/'arc d'argent ] C'eft l'epithete que luy donne Homère , au premier liure de fon Iliade , comme auffi Tire-loin,
ivjt-mCJuç. Voyez les commentaires Grecs fur ce fubiect. Thymbrean ] Apollon a efté furnommé
ainfi d'vn fien Temple, qui eft dans le territoire de Troye, qui fe nommoit Thymbra , à caufe de la quan¬
tité de farriette qui y croift , que les Latins Se les Grecs appellent Thymbra. Commande ] Il prend , comme
il a dit luy mefme , la commande pour la grofTe corde qui tient le bateau , que les Grecs appellent «f^h-
ew , les Latins rudens. Tire fa large efiee ] Le mefme fait ^£nee dans Virgile. Tonner a mamfenefire ] C'eftoit
vn bon augure , à caufe que ce cofté-là eft le droit à l'endroit des Dieux , comme remarque Cicer. aux \U
ures des Diuinations. Dtjleurs lapoupe couronee] A caufe du Dieu : ou de la fauue-garde du nauire.
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ARGVMENT D V
SECOND LIVRE.
E P T V N E gardant encor fon courroux contre les
Troyens, à raifon dupaiure Laomedon , employé ( outre
fes forces) la puiflance delunon, d'Iris, &d'Eole, pour fe
veno-cr fur Francus, voulant enfeuelir luy & Tes Deftins fous
la Mer. Francion tourmenté destempeftes , & ayant perdu
tous fes vaiffeaux , le fien excepté , fut poulîé contre des ro~
chers de Tille de Crète , en laquelle vn Roy nomme Dicée , c'eft à dire, Roy
iufte& droi&urier, le reçoit auec toute courtoife libéralité. Ce Roy courant
vn Cerf, rencontre d'auenture ces Troyens endormis fur le riuage, recreus.du.
trauaïl& lafïjtude. Cybele auoit enuoyé à ce Roy le Dieu de Somme en fon-*
ge, pour luy donner enuie d'aller àlachaiTe ce mefme iour. Francion fait en¬
tendre à Dicée fon nom, fon pays & fa ville, &l'occafion de fon nauigage,'
& fon naufrage. Les fantaumes de fes compagnons , que la tempefte auoit
engloutis, fe prefentent à luy la nuict fuiuante : aufquels il dreffe des Tom¬
beaux vuides, appeliez xooto/oi, & leur fait des obfeques. Apres il fupplie
la Dceffe Venus qu'elle le vueille garder & fauorifer. Venus enuoyc fon en-i
fant Amour pour bleffer & rendre amoureufes les deux filles du Roy Dicéc,'
nommées l'vne Clymene, & l'autre Hyante. Au mefme inftant Francion &
fes compagnons couuerts d'vne nué arriuent au chafteau. Vn feftin folcnncl
fe fit après fouper, où Tcrpin chantre très-excellent dit vn excellent Hymne
d'Amour. Dicée trifté conte à Francion la caufe de fatrifteffe, & comme fon
fils Orée eft détenu prifonnier fous la tyrannie du Géant Phouere. Francion
f offre à le combattre ; ce qu'il fait défi magnanime courage, & auec telle
proiïeffe & dextérité , qu'il le tue, & retire Orée de fa captiuité. Onnefçauroit
lire vn fi braue duel en tous les Poètes Grecs & Latins. Dicée bien ioyeux
embraffe le victorieux & chante fon honneur, &folcnnife fa victoire.
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LE SECOND LIVRE
DELAFRANCIADE.
ES puijfans Dieux laplus
gaillarde troupe
Eftoit ajftjje aufommet de la
croupe
Du mont Olympe, oùVulcan
a l'efcart
Fit de chacun le beau Palais apart*
Qui contemplaient laTroyenne ieuneffe
Fendu la mer d'une prompte alegreffe :
Flot dejfusflot la Nauire

t,T- ' LE II. L
Noftre eau commune ertet mon ennemy>
Mais d'vn grand vol retourne vers Eole:
Dy-luy qu'il tienne auiourd'buyfit parole,
Et le ferment qu'en la dextre il mefit,
Quandpar mon ayde* f/ercule ildefconfit.
* Hercule fe prend icy pour le Soleil , due les vents
femblentdefconfire, quar/d efpeffiffant l'air de nuées
ils offufquent fa clarré.La plus grande partie des nuées
fort de la mer.
Quedefonfeeptreilface vne ouuerture
Aux vents enclos en leurcauerne obfcure:
Qjuil les deftache , fyporter d'vngrandbruit
U?arge7 deflairs, de tempefteffi de nuit,
Par tourbillons enfle la mer de rage,
Et ces Troyens accable d'vn orage.
Dy-luy qu'il rompe au trouers des rochers,
Pour me venger , nauires {$f Nochers.
Ah , digne n'eft telle gent pariurée ,
Devoir longtemps la lumière etherée!
AJftz & trop malgré nous a vefiu
Ce fang maudit par tant defou veincu.
A peine eut dit quilvid la meffagere
Iris voler d'vne plume légère ,
Sortant de l'eau , laquelle reuenoit
De voirTethys , & au Ciel retournoit
Grojfe d'humeurs. Ce Dieuf approcha d'elle,
Luy tendlamainjacareffe ^"l'appelle.
Honneur de l'air , va conter a Junon
Que les Troyens ennemis defon nom
Frappent la mer à rames retournées ,
Enforcele% defauffes defiinées.
Si le courroux bout encor enfon cueur,
Si le défait d'vne vieille rancueur
Son efiomac encores efpoinçonne ,
C'eft maintenant que le Defiin luy donne
DeJe vanger le temps & le moyen ,
Perdant Francus^- tout le nom Troyen.
Dy quefoudain mette la moin .a l'uure,
Que fa puijfance en l'air elle deficuure ,
Braffant contre eux vn amas pluuieux.
A tantfe teut : Iris remonte aux (jeux
Tirant vn arc deffus les ondes perfes
Tout bigarré décent couleurs diuerfes:
Tuisflous le throflne à Iunonfe cacha,
Où de biais afes piedsfe coucha
Comme vn limier, qui craintif& fidelle
Oyant aux boule Veneur qui l'appelle,
( Cerfs erfangliers & buiffons oublie^)
Vient àjôn maiftre & fi couche afis pie?.
Incontinent maintes troupes de nues
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VRE DE
Sont filera-file à leur Royne venues >
Comme troupeaux qui bêlent a l'entour
De leurpafleur quand la poinéle du iouf
Et la roflée aux herbes les conuie:
Et lors Iunon d'vn tel amasfuiuie
Les preffie enfemhle & enfin giron prefl
Leurforme vn corps toutainfiqu'il luy plaifi.
L'vne elle enfloit de monfirueux images,
L'autre de pluye & de venteux orages:
L'autre en bruyantfur l'autrefe roulêit,
L'autre blafarde & noirafire couloit,
Ayant d'azur la robe entre-femée,
Et l'autre efioit defeu toute allumée.
Tandis les vents auoient gaigné la mer,
Qu'à gros bouillons ilsfiaifient efcumer,
La renutrfant du fond iufques au fefle:
Vne importune outrageufe tempefie
Sifflant, bruyant, grondant,& fefieuant
Amonts boffusflous lefloufler du vent ,
Branlefltr branle,

*
LA FRAN
Tour mon flepulchre , abufé de l'efioir
Que tes deftins mefirent conceuoir.
Comme il difoit , le tonnerre & la pluye,
Et le vent plein d'vne ardanteflurie
Soufflant emporte a l'abandon de l'eau
Six grands vaiffeaux efloigne^du troupeau:
Mais à la fin la bonaffefortune
(Toufiours ne vit le courroux de Neptune)
Loin les aborde au riuage incognu
De la Trouence ,où le Rhoflne cornu
entre rochers roulant fa vifle charge ,
Très Aiguë- morte en la merfle deflcharge.
Là ces Troyens fur le fable arriueT
Furent long temps d'hoftelage priuez
Sans maçonner vne muraille neuue :
Touche-^ après de la beauté dufleuue ,
Loin dllion plantèrent a Tournon
De leurpatron les armes & le nom,
Braue guerrier , qui gros de renommée
1oignit depuis à Francus flon armée.
Sept autres nefls contraintes par l'effort
Des fouflflemens impétueux du Non ,
Pirouettant deffus la vague perfle,
Auecq grand bruitflentent à la renuerfi
Tomber le maft : l'antenne qui lefluit
Broncha deffus : les cordes font vn bruit,
Comme vn Pin tombe auecques fies racines,
Quand vn'torrent des montaignes voifines
Le fiait broncher ,flracaffont eir courbant
Tous les buiffons qu'il rencontre en tombant.
Deux tourbillons en ont deux aualées
A gorge ouuerte en leurs ondes flalées ,
Piteux regard ! Pallas branlant es mains
Sesfleux , terreur des Dieux fy des humains,
Lance vn efilair dedans l'autre nauire :
Lefeu mangeard qui fle tourne &fi vire
En tourbillons courant de part en part,
De banc en banc, de rempart en rempart,
Prit le Pilot , le maffacre & le tue,
2t my-brûléflur les vagues le rue,
Ayant encor le timon dans le poing,
Tant en mourant defon art il eut floing.
Vautre nauire oppoflant l'artifice ,
De la tempefie euitoit la malice ,
De toutes parts en doute refiflant.
Ainfi qu'on voit vn hardi combatant
Deffus le mur de. la ville ajjiegée
Se planter flerme en fa place rangée
Pour l'ennemy du rempart décruchcr:
C I A D E. et)
Enfin luy-mefme efi contraint de broncher:
Défis genoux lesforces luy défaillent :
Car entre mille & mille qui l'affaillent,
'Un par Jus tous le plus bruflque & gaillard
Tout arméfaute au deffus du rempart,
L'enfleigne au Poing, & en donnant paffage
A fis foldats leur donne auffi courage.
Ainfi de mule ($p milleflots voûtez
Qui r'offoilloient la nef de tous coftez,
Vn le plus haut & le plusfort s'auance,
Et d'vn grand heurtfur le tillac s'eflance
Victorieux, puis les autres effais
Qui çà qui là s'entre-fùiuant deprés,
Rompent les bords, les bancs &la carène}
Et la nauire enflondrentfous l'arène.
L'vn vers le Ciel pour fecours defon mal
Tendoit les mains , l'autre comme à cheual
Preffoit le dos d'vne antenne caflée.
Là des Troyens la richeffe amaflée
Partant de Roisflur les ondes roiioit,
Semant aux vents & auxflots de iouet:
Armes , boucliers , robes de riche ouurage
Nageoient flur l'eau, la proye du naufiagel
Trois flois la Lune fy trois fois le Soleil
S'efloient coucheZ, que l'Hyuer nompareil
Armé deflclairs*(j^f de vagues profondes^
N'auoit cefié de tourmenter les ondes :
Sans plus la nefl de Francus refiftoit
Hauteflur l'eau, qui encoresf efioit
Seule fauuée & des eaux & desjhmes]
Ayant perdufis voiles & fis rames,
Quand vnfiort vent ailé de tourbillons,
Voûtant la mer boffuë de filions ,
En la finglant d'vne bien longue traite
La chafje au bord du riuage de Crète,
Vn banc efioit de flablon amaflé
fUoifln du bord où Francusflut chaflé,
Haut deflalaize & de bourbe attrainée:
Là pour mourir la fiere defiinée
L'auoit conduit : dé tous coftez le bord,
Le banc , la mer, luy prefentent la mort.
Comme il pleuroit flur le haut de la poupe,
Il fladuifla d'eflire de fa troupe
Vingt Cheualiers , qui depuis ont efté
( Ainfi eftoit dans le Ciel arrefté)
Tiges fy chefls desfamilles de France:
Les choiflffant tout le dernier s'eflance
Dedans l'eflquifl, aimant trop mieuxpérir
Au bord , qu'en mer honteufement mourir.
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Fff

IVRE DE
LE IL 61+
Leurs pieds n eftoient apeine enlanaffelle,
Que le courroux d'vne vague cruelle
Les fit par force au riuage approcher
Et leur naffelle empreint contre vn rocher, '
Roéher qui dur ,efyineux& flauuage
Defin grand dos remparait le riuage,
Ayant du vent toufiours le éheflbatu,
Les pieds duflot aboyant ^ tortu.
Là le Démon qui prefde à la vie,
L
Leur deflroba kfoin & la lumière.
Tandis Cybele en fon courage ardoit
Dequoy Neptun flon Francus retardoït :
>£ar elle aimoit ( comme eftant Phrygienne )
L'enflant d'Hettorfy la race Troyenne :
Pourcefloudain flon char elle attela,
Bat fes lions & vers le Somme alla .
Le Dieu vieillard qui auxflonges prefide*
Morne habitoit en vne grotte humide;
En tel danger leur fit naiftrevne enuie
Defattaéher à ces reéloers boffus,
Deuantflon huis maint pauotfleuriffoit,
Mainte herbe à laiélque la Nuiéichoififfoi oit
Et s'efforcer àgaigner le deffus.
Comme ils vouloient auecques la main croéhe
Pour en verfer lejus deffus la terre ,
Quand defis bras tout le monde elle enferre,
D'ondes aigus grimper contre la roche,
Le premierflot qui les fit approéher
Du haut d'vn roc vn ruiffeau fleflcoulo'yt
Remply d'oubly, qui rompufle rouloit
Contre le bord, repoufiédu roéher
Par les cailloux, dont le rauque murmure
Les recula: la mer qui fe courrouce, D'vn doux répart lesyeux de l'home emmureÇ
D'vn fécondflot encores les repmffe
Aux bords pierreux , raboteux & trentloans.
Laces Troyens aux cailloux s'accrochons
Somme, dit- eïï, le doux forcier desyeux, '
Le cher mignon deshommes& des Dieux, <
Par qui le mal tant foit mordantf oublie,
De pieds ,de mains s'aheurtent &fie bandent, Par qui l'efirit loin du corpsfedeflie,
Et en grimpant contre le rocfle pendent, Va { ie le veux ) en cefte Ijle oùflouloient
Se defchirans les longues peaux des dois. ladisflauter les hommes qui balaient
L'vn s'attaéhoit aux racines d'vn bois, Auflon du ciftre , & de cliquantes armes
L'autre effayoit d'empoigner vne branche,
Puis main fur main, & hanche deffur hanche ,
S'entre-choquant, auantureuxgendarmes"
Et d'ail veillant, en l'antre Dittéen
Coudeflur coude,en haletant deffort, Gardaient le *bers du grand Saturnien
Par les cailloux montèrentflur le bord. *Bers , Berceau, mot Vendomois.
L'eau de la mer des cheueux goûte à goûte
Depuis lefont iufqùau pied leur dégoûte
Terre fertileanciennes retraites
Des CorybanSyDatfyles& Curetés.
Blanched'eflcume,& kurs membresfloufleT
De tant de vents fle boufirent enflez:
Là de leur race efi encor auiourdhuy
Vn Corybanjefeufiien &l'appuy
Les flots faleT de la gorge vomirent,
Euanouis leurs efcritsfle perdirent ,
De tant de maux débiles $f lafihez,
Comme corps mortsflur la riue couchez
De touthonrkur ,defiiencefemblable
Au vieil Chiron Centaure vénérable.
Quandil auoit le fang plus généreux x
En fa ieuneffie il deuint amoureux:
Sans refiirer,flans parler: mais à l'heure
Que le taureau qui tout le iour labeure
Franc du collier retourne à la maiflon,
Ces corpsfinis de longue paflmoiflon
Baiflent la terre & la riue venteufle.
Quiconqueflots , terre ffois-nous heureufie ,
(Ce difoient-ils ) &loin de tous dangers
Sauuë en tonfiin nous pauures eflranqers,
Qui ontflouffert mainte durefortune
Tar le courroux des ventsfy deNeptune.
Comme ilsprioient , le dormir ocieux,
Qoaffe-foucy, leurvintflller lesyeux,
Et tvtte à l'autre attachant la paupière,
Siqu'enpreffantàfla chèrepoitrine
Dedans vn antre vne Nymphemarine,
D'elle conceut deux filles £r vn fils.
Lesfillesfiont ainfique deux beaux Lis,
En la maifon de leur père croiffantes,
En âge , enlace , en beautéflorijflantes :
Le fils captiflanguit depuis vn an
En laprifon d'vn barbare Çean
Qui les mortels à flon Dieu facrifie,
Et d'vn maillet leur deflrobela vie: *
Puis flurfla porte où diflille le fang '
Du tefl des morts, les attache de rang-.
CcRoy remply d'honneur& de richeffe
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^F

LA FRA
Tientfa maiflon ouueriedëlargeffe
Aux efirangers, tantilagrand defir
Entrevn milier d'en pouuoirvn choifir
Qui le reuanche, (^ffonfils luy redonne
Seulhéritier défia noble couronne.
Va-t'en vers luy>& en te transformant
Prefente-luy,quandilfera dormant,
Autour du liél centformes effandues,
^Piqueurs, veneurs, trompes au colpendues,
Leffes & chiens, bocages &fortfts ,
Larges efyieux, cordages & filets ,
Limiers ardans , Cerfsfluiuis à la trace ,
Et tout le meuble ordonnépour la chaffe :
Prefente- luy des hommes incognus
En longs habits àfit riue venus,
Sous quifinfils les armes doit apprendre,
Etpar leurs mainsfia liberté reprendre.
D'vn mefme vol affubléde la nuiél,
Fantaume vain,porte-toyflur le lift
Où va dormant l'vne &l autrepucelle :
Fay-leurfiembler qu'vne eftoile nouuelle
Viued'eflclairSy d'vn voyage lointain
Paffant la mer vient loger en leurfin ,
Et rayonnée enflâmes bien efirifes
Baifle leur chair fins ardre leurs chemifles .
Va-t'en après au bord où les Troyens
Dorment recreus desflots Neptuniens :
Deffus leur tefte arrefie ta volée,
Leur ornefait enfongeant confiée
Sans auoirpeur des habitons du lieu :
Carja Mercure enuoyédugrand Dieu,
Des citoyens afiechy le courage
Pour en bon-heur conuertir leur dommage.
A-tantfi teut}& le Roy du fommeil
Tout chafifleux ,ennemy du réueil,
D'vn chefpanchéque lentement ileline,
Et du menton reflrapantflopoitrine,
Se refècouë,&forty deflon lit
Le mandement de Cybele accomplit.
Incontinent que l'Aube aux doits de rofes
Eut dugrand Ciel les barrières déclofis,
Le Roy Dicé' ( de telnomfi nommoit
Ce Coryban qui la iuflice aimoit)
Riche d'honneur, de terres, fy de race,
Dreffe l'appreft d'vne aboyante chaffe :
Sonpaleflroy àgros bouillons fumeux
Remafihantl'ordefonfieinefiumeux
Eft à la porte, où à foule je rendent
leunespiqueurs quideuifantl'attendent :
V C I A D E.1 tf;-
Maint chien courant couplera couple tes fuit :
De touscofte? la meute flait vn bruit !
Tar bois flueiUus ,parmonts& par volée,
Pleine de cris cefte chaffe eft allée.
Maint grosflanglier de dents croches armé,
Maint Cerfcraintif au largefiont ramé
Efioit ja mort, quand au gré de Cybelle
Vn Cerflpoufiepar embuflche nouuelle
De la Déeffe , haletant fy mourant
De foifpantoifle , alla vifle courant
Vers le riuage : ^f le père Dicée
Suiuant fis pas par la poudre tracée,
Comme le Cerflà la riue aborda,
Où ces grands corps incogneus regarda.
Lors lesTroyens en flurfautfléueïUerent t
Qui de le voir au cur s'efmerueillerent :
Luy plein defflroy en paflmaiflon deuint,
Et de flon fange à l'heure luyflouuint.
D'où eftes-vous ( dit-il) de quelle place f
Quels font vos noms,& quelle efivofire race?
Quelleflortune, ou quelle merflansfoy
Vous a trahis ?hoftes,refiondez~ moy :
Car à vous voir ( bien que pleins de miferes)
N'eftes mefihans ,nyfils de meflehans pères.
Alors Francus baignant flesy eux depleurs }
Etfloufifirant aigrementfes douleurs ,
Luyrefiond.it: Si iamais les merueilles
Des Phrygiens ontfrappé tes oreilles,
La longue guerre & les dix ans daffaux^
Le fier Achille autheur de tant de maux,
Le flac , la prifle & laflame flunefle
Du brasier Çrec tnous en flommesle refte.
Làpour fauuer maiflon , temples & Dieux,
Femmes, enflons, moururent nos oyeux,
L'vnfur le mur, l'autre au milieu des armes:
Hcélor l'honneur des valeureux gendarmes
Qui m'engendra , ayant cent millefois
Trempé lefable au meurtre des Grégeois,
Gardantfon père ,(^ fa mère,&flt ville,
Yfut tué par la traifon d'Achille.
Comme vnfapin par lefer abbatu,
Son corps broncha defis armes vefiu,
Faiflam vn bruitfur la poudre Troyenne,
Où du veinqucurla roue JEmonienne
( Aéle vilain & plein dimpieté)
Troisfois le traîne autour de la cité,
lefus fauué de laflame cruelle
( Miracle grand ! )pendant à la mammelle:
Toy du veinqueurfléchi defllous la Loy,
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tff 9

la fr;a
Gefi,o Troyens , vofire ancienne mère
Crète, dontTeucre autrefois efliffu,
De qui le nom pour tiltre auez receu :
Vne autre Ida que la vofire Troyenne
S'efieue icy , la demeure ancienne
De vos oyeux, & pource ofiez du caur,
Comme affleurez* le floupçon & la peur,
Et déformais rappelez l'efierance,
Surgis au lieu quifut vofire naiffance.
De peu de gens ce Trince enuironné
En flon Palais penfifl efi retourné;
^D'où libéral il enuoye au riuage
Douze moutons, vn boufde grand cmfitge,
Gras, bien charnu, $ flix borraux de vin,
Coupes , habits , & chemifes de lin,
Pourfleftoyer & couurir cefte bande
A qui loflaim outrageufe commande.
Rien n'efi meilleur pour l'hommefloulager
Apres le mal que le boire & manger!
Eux affamez ces viandes rouirent ,
Qui d'vne autre orne au befoin leurfiruirent
Rauigorant la force de leurs corps.
Çar le manger rend les hommes plusforts !
'Tandis la nuiél à la voûte efioilée
'Auoit la terre en toutes parts voilée
D'yn manteau noir ombreux ($f pareffcux,
Lors que voicy lesflantaumes de ceux
Dont la grand mer en vagues départie
Auoit les corps & la vie engloutie ,
EnfleZ> boufis, efiumeux & ondeux,
Aux nez mangez,auxviflàges hideux,
Qui pépiants d'vne voix longue & lente
( Comme poulets cherchons leur mère abfente)
De mains , de pieds , figurons leur mefchef,
De Francion enuironnoient le chef.
Enflons dHeélor{difioient-ils)nous nesomes
Plus ces corps vifs , maisfeinte de ces hommes,
Que bien armez & prompts à tous hazards
Sn tes vaiffeaux tu choifls pourfloldards*
Sur qui les vents aufort de la tempefie
Ont renuerflé cent gouffresflur la tefie:
Nos corpsflotans apaftent les poijjons,
Nos efirits(lasl) en cent mille façons
Dépriflonnezde l'humaine clofture,
Deffus lesflots errent à l'auanture.
Fay^ nous au moins flur le bord de ces eaux
Le trifte appreft de quelques vains tombeaux,
En attendant que les mers poiffonneufis
Repoufferont aux riuesfablonneufes
N C I A D E. *
'Pour venir voir les montaignes Idées,
Prife d'amour d'vn pafteur Phrygien,
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Fff iij

LA FRANCIADE.
Défis oyeux les hardis tefmoignagçs :
Lances, plafirons, morions & plumages,
TLongs arguments danciennes iotailïes :
Autres de rang fur la place apportaient
Butins geignez des ennemis vaincus,
Naus , gallions fy leurs efirons becus,
Tapis ouurez, les autres appreftoient
Les liéls enfleT de couuertes velues,
Et des cite? les portes arrachées
A grands crochets dans le mur attachées.
En-ce-pendant que d'il prompt tardant
Autres dreffbient les viandes efleues,
Autres chargeaient les hauts buffets dorez
De grands vaiffeaux d'hifloires décorez.
Francus alloit le Palais regardant,
Frizes,fefions ,guillochis , fy ouales,
Sur vn efguiere en raboteufe trace
Des Corybans efioit peinte la race:
Dicée orné de dignitez royales,
Comme'Briare en amourfurieux ,
Defefieré defia Nympheaux beauxyeux,
Accompagné de deux cens iouuenceaux
D'âge pareil, aux mentons damoifiaux, KSÎlloit toutfeul par mont & par boccage
Au doux accueil, d'vne counoifieforte lettant vn cri comme vn lion fauuage,
Vint careffer Francus outre la porte Etfantaftique errant par les buiffons
Le bien-veignant , &d'vnvifiage humain
Le tient, l'embraffe, & luyferre la main.
Changeaitfon corps en cent mille flacons,
Tant en amourforcenoitfitfolie
Prés de ce Prince en robes flolennelles Pour mieux iouir de fa Cymopolie :
Eftoitfafemme & fes filles pucelles,
A qui fuzeaux &fil tout à la fois
Eftoient de hafle efcouleT de leurs doits,
Mais à la fin fe changeant en Serpent,
A dos rompufur le ventre rampant,
La tintferré , (fèf l ayant embrafiée,
Tant eÏÏ auoient vn chaud defir en lame D'elle conçeut les oyeux de Dicée.
De voir Francus -.mainte amoureufleflame, Sur vn bajfin Saturne eftoit graué,
Qui de leursyeux à paffades voloit,
Gaignantle cur dans lefangdeualoit.
Tandis le Dieu qui les curs nous defrobe,
En cheueux blancs, de vieillefie agraué,
A la grand'faux, qui auoit la mâchoire
Dufang des flens foute relente fy noire :
Laiffa la porte, &fe mit fous la robe Sa femme Rhée à l'autre bord eftoit,
De Francion :puis décochant deux traits,
L'vn plein d'amours , de grâces ç*r d'attraits,
Qui pour fon fils vn caillou prefentoit
A ce vieillard , les appas defin ventre:
Qui doucement gaignent lafantafie, Deffiusfes piedsfe heriffoit vn antre, '
Et l'autre plein dardante ialoufie,
Où Iupiter viuoit emmaiUotté
Tirez desyeux du Troyen les pouffa, Du laiéî diuin de la Chéure alaitté,
Et leur raifon à-demy renuerfa,
Craignant Saturne affamé de nature
Les tourmentant de penfers & d'augures
lAuant- coureurs de leurs peines futures :
Puis en tirant & fautelant, de là
Ce faux garçon dans le (fiel reuola
Qui fies enflons deuore pour paftme.
Quand toutfut prefi, ce Princepour mieux
voir
Son eftranget ,' à table le fitfleoir
Comme vn larron , qui fubtil en fineffe, Droit deuant luy , à cafté défies filles
Son larcin faiél,fefcoule de la preffe,
Puis quand il efipar la troupe échappé,
Se rit ioyeux du fit qu'il a trompé,
Toutpreft encor défaire autre entreprife
S'il trouue ailleurs vne auffi belle prife.
Auxyeux arme^Jl'amoureufes fcintilîes:
Puisfilon l'ordre & l'âge &les honneurs,
Qui haut qui basf offrent les Seigneurs.
D'vn cur joyeux cefte gaillarde bande
Mit promptement les mains à la viande,
A-tant Francus entra dans le Chafteau, Et fleftoyant le Troyen efiranger,
Sonjauelot pofia contre vn rafléau
Où mainte pique enfion long eftenduë
Contre le mur au croc eftoit pendue.
¤n ce Chafteau par bandes frémiffoient
Prompts feruiteurs, dont les vns tapiffoient
De tapis d'or lesfuperbes murailles,
Le conuioient doucement à manger.
Incontinent que la foiffut efteinte,
Et de la faim * l'ouidité nftreinte,
* L'dtiiditc'] L'ardeur de manger. le ne fçachc point de
mot François plus propre , encores qu'il foit mendie
du Latin.
xAyant le Royjour office diuin
Fff iiij
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Ci?

6iô
A Jupiter verfé le dernier vin,
LE 1 1. L IVRE DE '
Dieu Xenien qui aux hoftes prefide:
La bande alors Uiffant la table vuide
Se tint debout, enuieufe d'aller
Apres flouper deuifier & baller.
Vn bruit fe fait : la gaillarde ieuneffie
Qui riafloucy deéharme ny de fort,
De toutes deuxtenoit l'orne efchaufféc,
Et de leurs c auoit faitfon trofêe.
Prenant chacun la main defa Maifireffe, Tantofl leur iouë en tremblant rougiffoit,
Soffre à danfier : maintflambeau qui reluit
Duplanéher dor, vainc l'ombre de la nuit l
Le vieilTerpin qui de fleurs fle couronne,
Son dos appuyé au flanc d'vne colonne
La lyre au poing, fy joignant à la vois
Le pied certain trepigt
Dieu (difoit- il) qui tiens l'arc en la main,
Fils de Venus , hofte dufang humain,
Qui dansnos clurs, tes royaumesJoabiles,
Quiçà qui là de tes ailes petites
Voles par tout iuflquauflond delà mer,
Faifant d'amour les Dauphins allumer,
Dont l'afire trait a féru lapoitrine
ï)es Dieux là haut, là bas de Profirpine;
Père germeux , génial , & qui fais
Comme il te plaifi les guerres & la paix,
Démon ($f Dieu nourricier de ce monde,
Qui du Chaos la cauerne profonde
Ouuris premier, typaroiffant armé
De traits defeu, Phanete fus nommé:
Double,jumeau , emplumé de vifieffe,
Torte-brandon , archer , que la jeuneffe
Au fiang bouillant courtife pourflon Roy :
O gr-and Démon , grand Prince\eficoute-moy,
Soit que tu fois au milieu de la bande
Desplusgrands Dieux où taflèche commande,
Soit qu'il te plaifi habiter ton Paphos,
Soit que ton chef tu loues dans lesflots
De lafontaine Erycine : ou que vuide
De tout fouci , de tes vergiersde Gnide
Couuert de fleurs tu aimes la verdeur,
Vien allumer nos curs de ton ardeur:
De cefie dame efibauffe le courage,
cBroffant flous moin quelque bon mariage.
Ainfi chantoit Terpin le bon vieillard:
Les baladins hauffans le cri gaillard ,
Les derniers vers du chantre recoupèrent,
Et de leurs voix les foliueaux frappèrent:
Rien ne peut tant lesfioucis enéhanter
Quvn menefirier appris à bien thamer!
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Dexes deuxfurs l'vne auoit nom Hyant
L'autre Clymene : Hyante eftoit"flouante
E4 l'art Magiq' : mais amour le plusfort,
Palle tantofl , tantoftfie blanchiffoit,
Etfimprimant de mainte efirange tache,
Monftroit au front le mal que Je cur cache,
Iamais lefront ne celle le fouci
Du trifte cur que l'amour a tranfi.
Seul à l'efcart appuyé contre vn coin,
Veuf deplaifir , plein d'angoifje fy defoin,
kA fiourci bas , à poitrine poufiée
De longsfànglots , efioit le Roy Dicée:
Vn fleuue efiois de fiesyeuxfefioula :
Francus l'auife & ainfi luy parla :
Cefi à moy , Prince, à pleurer& à trairai
Tant defitnglots à qui tout efi contraire,
A qui la mer, l'air, la terre, (y les deux
Sont obfiine^ ennemis enuieux,
Qui m'ont trompé deffous belle apparence.
»> // n'eft rien pire aux mortels qucfteranccl
Mais toy Seigneurfiflage & fi prudent,
En biens, citez, {

LA FRAN
Quand moy touéhé d'vn naturel humain,
Luy fisfçauoir que les befies fauuages,
Tigres , lions enuenimeT de rages,
Quifins raiflon viuent parmi les bois
Gros animauxfans pitiény fans lois,
S'entre-tuoient & mangeaient leurfemblablc:
Mais l'homme né d'vn efj>rit railonnable,
Enfant du Ciel, ne doitfaire mourir
L'hommefin fiere, ainçois le fecourir.
Ce grand Gean oyant cefie nouuelle,
Enfla fon fiel de colère cruelle,
Et bouillonnant, efiumant ($r grondant,
Sans m'aduertir defin courroux ardant,
Vint de furie au pied de ma muraille
Me défier en plein champ de bataille.
En telle peur foudain armer te fis
Mon ieune Orée (ainfia nom monfils)
L'accompagnant de bien peu de gendarmes
Mieux equippeTde courage que d'armes.
Ce jouuencel a qui le blond coton,
Premièrefleur, fort encordu menton,
Fort & hardi fit auancerfit trope,
Et le premier affaiHit le Cyclope,
Le y and Phouére, ( helai ! on nomme ainfi
Ce fier Tyran aux ploya endurci : )
Maispour-neant ce ieune enfant s'efforce,
Qar du Gean la monftrueufè force
Leprit captifau beau milieu des flens,
Puis attachant de vergpngneux liens
Sa troupe fy luy, de fin bafton lesmeine
Comme vn pafteur fies moutons en la plaine.
Depuis ce temps par vn meurtre cruel
De iour en iour a tuéfur l'autel
L'vn des captifs pour offrandef unefie :
Ilsfont tous morts : hà, ie meurs ! & ne refie
Sinon mon fils quifentira demain
L'affaJJinat défit brigande main.
Ainfi difoit,verfant fous fia paupière
De tiedes pleurs vne large riuiere,
A grosfianglots entre- rompantfit vois,
Lors que Francus, le tige de nos Rois,
Meu de pitié le confie & leflate,
Et luy refiond : l 'aurois vne orne ingrate,
Fils d'vn roSher , ou d'vn tigre conçeu,
Si mefurant le bien que i'ay reçeu
De toy , Seigneur, à ma douleur extrefime,
Pour teflauuer ie ne t'offrois moy-mefme,
Et cefie dextre, &ce glaiue trenchant,
Affcz^poinéluj>ourpunir vn mefihant.
blADE. en
Fay-moy,grandPrince, apprefier fur laplace
Armes,cheuaux : oins que demain fe pafifi
Il cognoiflra qu'vn père valeureux
A flon malheur m'engendra vigoureux,
Pour neflouffrir régner vne malice
Sans que mon bras vangeurne la puniffe.
A-tant Francus afin parler mit fin,
Puis l'Efihanfon ayant verflé du vin
A longs filets en l'honneur de Mercure,
Efiant la nuiél ($f profonde & obfiure,
la les Trions commençons àpancher,
Chacun fe leue & s'en alla coucher.
Incontinent que l'Aube iour-apporte
Du grand Olympe eut defbarré la porte,
Et le Soleil par les Heures preflé
Eutfon baudrier en biais retroufié,
Traçant du Ciel la voye coufiumiere,
Au chef coifé déclatante lumière,
Dicée enuoye au Gean vn Héraut
Pour lefiommer.La colère enfurfaut
Qui renflamafa rage naturelle,
N'eut pas loifir d'efiouterla nouuelle:
Prompt de vifteffe à la muraille alla,
Et fa partie au combat appella,
La lance au poing, le morion en tefte}
Qui bien crefté reffembloit la tempefie
Que Iupiter élance aux mois d'Efié
Sur lefiommet d'vne iniufie cité.
Pourfin deftrier preffoit la forte échine
D'vne caualle: elle auoit la poitrine
Planche, ty le fi-ont , le refte de la peau
Iufqu'à la queue eftoit de poil moreau,
Quvne Harpye en amour efihaufiée
Conceut du vent deffus le mont Rifiée .
Luy tout armé d'vnfaut brufique & diffios
En laflattant fauta deffus fon dos,
ëllefintit la charge defin maifire.
* Kiffe, ie croy que tu ne voudrois eftre
Sous autre main, ny ne voudrois changer
Ton vray feigneur pourfiuiure vn eftranger.
* Kiffe ] Kiffa eftoit le nom de la caualle de phouércw
Kiffe en Grec fignifie vne pie.
Longtempsy a que ta racefans vice
Fait gênereufieà la mienne fieruice,
Mes bifayeux ont nourry tes oyeux:
Pour ce iourd'huy rends-moy victorieux:
Va, vole, cours, la campagne pouldroye,
Que ce mignon deuienne noftre proye,
Pour attacher fon morion Reloué _
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6i% LE IL L
^Auhaut du temple à mon père voué.
* cloué ] Les morions des anciens auoient yn clou
ou deux , ou trois d'or ou d'argent ou d'autre métal,
fus le haut de la crefte , lefquels eftoient creux & cauez
par dedans , où ils plantoient leurs pannaches & pa»
nonceaux , faits le plus fouuent du poil de la queue
d'vn cheual, & quelquefois de la queue toute entière.
JTels pannaches ou pluftoft criniers f'appelloient ]*
We«^

\Mais bien la vie & lefling du veincu s
Et la cerueUe en la place efiandue,
,Les os fèmeT&la teftependue,
LA FRA
four eflonner parfehorrible effroy
feux qui voudraient combatre contre moy.
Puis quitte plaifi d'vne braue eficriture
JEtd'vn beau filtre orner ta fepulture,
Vien au combat , tu n'auras a defdain,
Quand tu mounas d'vnefiforte main.
Tandis Francus qui le combat defire ,
Songneux dés l'Aube auoit defia nauire
Fait apporter le harnois quevefioit
Tro'ile àTroye alors qu'il combatoit
Contre Pelide, imitant la vaillance
Pu bon Heétor & non pas lapuiflance :
Que pour prefent Helenin luy donna
Le iour qu'au vent fa voile abandonna,
Et le pria pour eterne mémoire
JDe le garder bien cher en fon armoire.
Quand leTroyen au combat animé
De tefie en piedfutfiurement armé,
Le bon Dicée enfieret le confiille,
Et loin à part luy s'acoute en l'oreille.
Si defortune , hofie Troyen , les (jeux
De ce mefichant tefont victorieux,
Et qu'à tes pieds tu l'abbatesà terre,
Trenéhe-luytoft la veine qui luy ferre
Le mol talon: de telle veinefort
Non d'autre lieu la caufe defa mort.
Tandis là haut Iupiter,qui ordonne
Les faiéts humains, la viétoire te donne:
*Bien que defia foitfilépar Clothon
Qui de vous deux doit aller chez Pluton.
Ces Champions enfiamez de colère,
Icy Francus , de l'autre part Phouére,
Tous deux degarbe & de courages grans,
Donnons l'écrit aux cheuaux par lesflancs,
D'vn mafle cur au combat s'efiancèrent,
Et leurs harnois rudement enfoncèrent :
Du coup donné le riuage trembla ,
La merfrémit,1arène fie troublai
Etpar efilats les lances acérées
Furent toucher les voûtes etherées.
Tantfut leur bras vigoureux &nerueux,
Quefur la croupe en arrière tous deux
(omme arcs voûtez longuementfi courbèrent»
£t leurs éheuauxfur les genoux tombèrent
Comme béliers qui vont s'entre-choquant:
Puis iufqùaufangleurs defiriers repiquant,
N C I A D Ë. a$
Hauffant la bride en fin les relouèrent .
* Et de la main leurs coutelas trouuerent
Bien aiguifzqui de l'arçon pendoient,
Et de leur trenche vn acier pourfendoieni.
*L'autheur arme ces deuxCheualiers à la mode de
n os gendarmes François, la lance en la main, la coure
lace ou la mace à l'arçon, & l'efpée au coftéi
Deffous leferfiflant comme tempefle
Ores leur io'ùe ,oresfonnoit leur tefie ,
Ores la temple : vn coup qui l'autrefuit,
Grefie, menu defienddit d'vngrand bruit,
(omme lesfléaux qui refinnent-en l'aire
Frappons les dons de noftre antique mère.
Du bon Troyen le cheualfut adroit,
Qui fions frayeur tournoit en tout endroit,
Et la couale en crainte efioit frappée
Oyant l'effroy dufifflant de l'effée.
L'vn reffembloit à ceflot * dizenier,

6z4
Frémir de peur & trembloter des ailes
Sous l'efieruier aux ongles bien trenéhans ,
Qui loin du nid s en-voloient par les champs,
Trouuer de l'orge & des graines, pourpaiftre
Leurs doux enflons qui ne font que de naiftre :
Ainfi tremblait en l'eftomac le cnur
Des ieunes fieurs tout efroyé de peur,
Quamour brûlait d'vne viue flaméche ,
Et en leurfang tenoit teinte fa flèche.
En ce pendant Francus eut le loifir
De fe refoudre, & de fçauoir choifir
L endroit certain pour auoirfa reuanche.
Ore il fihauffe & ores ilfepanche
De toutes parts d'vn àil prompt gardant,
Le corps maffif du Gean regardant
Pour à fon hofte en remporter la tefie,
Et fe brauer d'vne telle conquefte :
Tource au combat promptement retourna
Et de la pointe en pouffant luy donna
Contre la gorge , où la boucleferrée
Du gorgerin lafchement futferrée ,
Et my-pafine fur l'arçon l'abbatit :
Le fang caillé de fa gorgefinit
Méfié deficume $f de bauegluante,
Jnfeélant l'air d'vne haleine puante.
De mille coups martelezfur l armet
Le pommeau cheut , le coutelas fie met
En cent morceaux reluifansfur la place ,
Comme au Soleil les morceaux d'vne glace.
Lors de cheualf empoignent corps à corps,
Et s'embraffans à bras courbes & tors
Sefont tire? d'vne fi forteferre ,
Que l'vn fur l'autre à bas trebuéhe à terre
Entre-accroéheT : vnefureur les fuit :
Deffus le dos leurs harnoisfont vn bruit :
Auffifloudain que la terre prefferent,
Fiers au combat tous deux fe redrefferent
Front contre fiont ,fi bien qu'à toutes mains,
Avuides coups , à coups fermes & pleins,
Depoinâte, taille, & de reuers ruèrent,
Et en cent lieux leurs mailles déclouèrent.
Iamais. Mauors difienfiur des lauriers
Ne vit le pair defi vaillons guerriers. '
JEn fin mattez de fueur & de peine ,
en haletant vont ramaffant l'haleine
De l'efiomac que les poulmons pouffaient :
Et toutefois ilsfi remenaffoient
Chauds de cholere,^1 d'vne ardeurferine
Qui bomllonnoit au creux de leur poiélrine.
LE IL L IV RE DE
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'O gloire humaine, eft-il rien quvn bon cur
N'endure afin de fi faire veinqueur!
lors defgainant leurs flambantes efiées
Qui defiendoient à ceintures houppées
Le long desflancs en des fourreaux brodeA
Sefont encore au combat hazardez:
Comme taureaux (quand la flaifon nouuell<
Les appétits de Venus renouuelle)
Se vont tuant (§f naurant pour l'amour.
La ieune troupe eft muette a l'entour
Qui les regarde, ignorant qui doit eftre
D'vn tel duel le vainqueur & le maiflre.
Francus voyant que le iour luy failloit,
Et quefa main pour néant trauailloit :
Comme vn Gerfaut qui de raideur fe laiffe
Caler à bas ouurant la nue eftaiffe
Deffus vn cygne amufé fur le bord:
lAinfi doublant effort deffus effort,
D'vn corps ployé s'eflança de rudefie,
Adiouflant l'art auecques la prou'effe :
Sous luy fe rue & de près l'approcha :
La gauche main afin col accrocha,
St de la dextre en-contre-bas le tire :
Jl le fouleue, il le tourne, il le vire,
Le choque, heurte, & d'vn bras efiendu
Le tient en l'air longuementflufiendu :
Puis du genou les 'tombes luy trauerfe,
Et de biaiz le vire à la renuerfi.
Phouére imprime en tombant deflon long
Le mol fabUn, comme bronche le tronc
D'vn chefne , oracle es forefts de Dodonne]
Quand vn torrent, ou la gorge qui fonne
Du vent l'abat de maint faufile bruyant.
< Quittant leurs nids les oyfiaux en criant
Volent autour courroucez qu'on leur ofte
Le verd logis de leur ancien hofie.
Ainfi tomba Phouére tout à plat,
Faifant vn bruit auffi haut que lefdat
Qui rompt la nue,($f dufon des tempefles
Fait peur aux curs des hommes & des beftes.
De bras nerucux,& d'ongles bien crochus
(ent fois effaye àfe remettrefus,
Se debatant, mats en vain il s'efforce:
(ar du Troyen la vigoureufèforce
Tient le genou comme viétorteux
Sur l'efiomac, le poignardfur lesyeux.
Trois quatrefois de toutefla puiflance
L'auoitfiappé, quand il eut fouuenance
Que le trefias de ce cruelfélon
Ejloh

LA FRA
Efioltlnclos aux veines du talon :
Pource ilfi tourne & promptement affine
L'endroit certain où treffaiUoit la veine :
Dufer poignant coup fur coup la chercha,
Et veine (ffp vie enfimble luy trencha.
Le fang quifort d'vne rouge fecouffe ,
Bien loin du corps rendit la terre rouffe
A longs filets : ainfi que d'vn conduit
S'efihappe l'eau qui ialliffant fe fuit ,
Et dvne longue & filante roufée
Baigne la terre à l'entour arroufée :
Ainfi lefang bouillonnant s'en-alla ,
Et par lefiangfbn ame s'efcoula,
D'horreur , de rage,& de chagrin fluiuie,
De perdre ainfi la ieuneffie fy la vie.
Ce corps tout froid & affreux fe raidit :
Comme vn glaçon l'efiomac luyfieidit,
Et defisyeux l'vne & l'autre prunelle
Fermafin iour d'vne nuiét éternelle ,
Fin dv second livre.
N C I A D E.1 ci$
N*efiant plus rien de~PVouére, finon
Quyn tronc bronéhéflans face ny fans nom%
^Atant Dicé" d'vneface ioyeufe,
Vintfialiier la main viétorieufè,
Baifa Francus , le couronna defleurs :
Tu as {difoit)effacé mes douleurs,
Vray héritier de la gloire ffeâlorée ,
Tuant Phouére, ($f fauuant mon Orée:
Le bon Démon qui de nous a fouci
*Pour monfùpport t auoit conduit icy,
Noble Troyen de prouèffe l'exemple,
En corps mortel digne dauoir vn temple,
et comme Hercule adoré des humains,
Tant a d'honneur la force de tes mains.
Comme il chantoit cet Hymne de viétoire,
Voici la nuiét à la courtine noire
Qui vint aux yeux le fiommeil efiancher:
Le balfini chacun s'alla coucher.
REMARQVES DE R DE
MARGASSVS SVR LE SECOND LIVRE
de la Franciade dc R o n s a r.d.
lympe] C'eft vne montagne delaGallogrece,dontle fomtriet eft fi haut, que ceux qui y mon.;
toient, interrogez où ils alloient , refpondoient qu'ils montoient au Ciel , dont le nom luy en dcmeuradepuis
: les Grammairiens font en difpute d'où vient ce mot. Euftath. fur Homère en don¬
ne plufieurs etymologies , mais ie croyquela meilleure eft celle-cy. Olympe a efté nommé de
_,.. . _ huit nùç mJttt, à caufe que la hauteur laffe extrêmement. 2»» contcmpleient] A l'exemple d'Ho¬
mère qui met fur vne haute montagne les Dieux pour eftre fpectateurs des coups des Grecs & des Troyens.

M LE II. LIVRE DE
tase. Apres trac Iupiter, Neptune , & Pluton eurent chafféleur Père Saturne du Ciel , ils diuifcrent le Monde
en trois parts , & tirèrent au fort. Le Ciel efcheut à Iupiter , la Mer à Neptune , & à Pluton les Enfers. Fier
de fon tjy ] Icy le char fe doit prendre pour les Dauphins qui traitient le char dc Neptune par la mer, & fe glori¬
fient de leur peine. A l'imitation de Virgile ,
nec audit currtts habenat.
Triton ] C'eft vn Dieu de la mer fils de Neptune , & de la Nymphe Salade , que les Poëtes ont fqint eftre le trom¬
pette d? Neptune , entre autres Virgile , quand il parle de Mifene trompwtc d'once.
; dum perfonat tcpuorx concha,
j Dtmtns y ©- cantu "\ocat in certamina diuos ,
j ^/Cemulus exceptum Triton (Ji credere dignum tjr, &c.
Voy lé rauiflement d'Europe dans Nonne. Vnfeul lupin ] C'cftla mefinc opinion que Virgile tient au premicrde
foi\ iEneide , quand il dit :
hic yajh rex ^teolus antro
luttantes ")/entos tempejtateffue fonoras
Imperio premit ac yinclit çy carcere frenat.
llti indignantes magno cum murmure montis
Cireur» clauflra fremunticelfa fedet ^¤eolus arce
Sceptra tenens , mollîtaue animos ry tempérât iras.
Ni faciat, maria ac terrât coclumque profundum
Huippe ferant rapidi fecum , "ïerrântaue per auras.
, Scd Pater omnipotens jfeluncu abdidit atr'u
Hoc metuens , molémaut ty montes infuper altos
Impojùit, regémeue dédit , &C.
Mamaifon] C'cfUamcr dont ils fe iouënt àplaifir: c'eft pourquoy Homère l'appelle venteufe. Ennemy"] Fran-I
eus. _.- Eercu _^ -j j Ronfard _ prcn(l , prcn(l , Hercule icy , comme il dit luy mefme , pour le Soleil que les vents femblcnt def-
confire quand md ils ils offufquent ottulqUi.ni. offufquent ottulqUi.ni. fa i^vian.., fa i^vian.., clarté , .u au ,uujku moyen u.» des >»>.. nues \jU, qui s'efleucnt ^s'efleucnt ^ ui^utui la mla m plus uim part uaii de uc de uc la ula u mer, mer. Que y,ueue Que y,ueue de fon ion fon ion GenréY iceptrei
ms Virgile Jl /--- *--»--! j-r__ ./_.-... r.;. * * . J J r J
Comme dans Virgile, quand le mefme i£ole d'vn coup dc fon cfpicu fait vne ouuerture aux vents dans Jeflanci
de la montagne, par
xerorme
mtagne , par où ils fortent à foule. 2»» les defiache ] Parce qu'ils font enchaifncz , comme Virgile le dit, '
cauie qu -- , . 1 _ «.»,. , ^w. xnuna m i\jj « i^cpmnc, oc a
Apollon , comme nousauons ditcy deuant. la lumière etheree] Le iour. Tant de foit yaincu ] Troye a efté fac-i
cagee trois fois, comme tient Lycophron, vne fois par Hercule. Iris ] C'eft ce que nousappcllonsl'atcduV
Ciel : les Poëtes difent que c'eft la Meflagere de Iunon. qeuenoit De lioir Tethys] A caufe que l'Arc en Ciel n'eft au-t
tre chofe qu'vnc nue frapee d'vn rayon de Soleil : & les nues , comme nous auons dit ,1e plus fouuent s'efleucnt
de- la mer, laquelle eft defignee par Tethys fa Dceffc. Voyez comme ilfc fait dans les excrcitationsdcl'Efcala
contre Cardan. Ennemis de fon nom ] Tout au contraire c'eftoit elle qui les haïifoit à mort : & il faut que enne¬
mis fe prenne icy paffiuement.Les taifons pour lefquclleslunon cn.vouloit aux Troycns.cftoient à caufe que Pâ"
ris auoit préféré la beau té de Venus à la fienne , & que Iupiter auoit chafle Hebé fa filie , pour mettre en fa Diaco
Ganymcdcfrcredc Laomedon. En l'atr] Parce qu'ilnefaloit pour les perdre, que faire efleuer vnç terapeft»
fur la mer , fur quoy elle deuoit efmouuoir l'air. Tirant 1» arc ] Virgile ; *
Mille trahens yarios aduerfo foie colores.
.Alcur m&* ] A fçauoir Iunon que l'on prend pour l'air. De monfirueux images ] Ainfi Ariftophane en fes Nues
dit , qu elles «ment les perfonnages , que les mortels louent en ce monde, échangeant tantoft en cerfs pou"
reprefenterles couards -, tantoft en loups pour contrefaire ceux qui pillent le public , & ainfi du refte!"KS
feufe robe ] C eft a duc , noire comme de la poix . à l'imitation des Poètes Latins qui appellent hnVàpiceamll
defcription de cefte tempefte, eft imitée de cellequi eftau premier del'^neide. E^Jî/W Si iî
fau craindre ala façon des Anciens le naufrage à Francus , comme ^nee l'appréhende dam VigTe l « n'eî
ftoit pas fans raifonqu on detcftoit anciennement ce genre dc mort. Car on crovoir a» 1« VJ^À 4
eftoient noyez n'entroient point dans les champs Elvfez- mais erro rnrL^S q j m" dc CCUX ^
pareilles autour du fleuue Styx : ce que l'on^^peufapprend'rTde vT^ïlTÏ A'T' d" ,mP*ticnccs n°H
contra le pauure Mifene qui s'eftoit ^r^^^J^^x-^^^^1111^^^
-

LA franciade: ¤l7
l'gyuer] L'Hyuer fe prend icy pour la tempefte , comme dans Virgile , Vicit hiems. Vn banc ] Bancs en fait d<
e
qu'il eftoit dePhrygieoù elle auoit efté grandement reueree. Bat fes Lyons] On luy fait traîner fon char par
cefte efpece d'animaux dans tous les Poëres Grecs & Latins. Grotte humide ] A caufe que l'humidité du cer-
ueauprouoque à dormir, & le Pauot& le murmure de l'eau & d'autres chofes femblables. L'eftnt loin du corps
fe deflie ] Hippocrate au traité qu'il a fait de infomnijs, dit que noftre arae eft libre durant le fommeil, que tous nos
fens font affoupis , & ne laretiennent pas. En cefte ifle ] Il entend I'ifle de Crète, où les Corybantes chommoient
lafefteàCybele. Gardoient le bers ] Saturne ayant appris du .Deftin qu'il auroit vn enfant mafle de Rhee, qui
feroit plus grand que luy ,deuoroit tous les garçons qu'elle luy faifoit. De forrune Rhee trouua le moyen de
fauuer Iupiter, qu'elle enuoya en Crète dansvn antre pour y eftre efleùé:& àfinque Saturne ne l'ouift poinc
pleurer, elle le donna en garde à fes Preftres , leur commanda de faire vn grand tintamarre , pour empefcher
qu'on nepeuft ouyr le petit Iupiter. ^/C» fon duftftre ey cliquetantes armes ] Le mefme diiént ces vers
d'eux :
K»p»7»v iBfynpai %St>not yivnç ' olç fuhoç cu>*£t ,
KvK\ee, 7!dJZ> (MjMkvnt , È a.aziJbt

4lî LE IL LIVRE DE
.^Ct Venus obfcuro gradientes Aire fepfit,
Et multo nebuU circum Dca fudit amittu,
Çernere ne fuis eos,neuepuis contingere pofet,
Moltriue moram , aut -veniendi pofcere caufas.
Emmantela 1 Mot tiré de manteau, pour couurir ou enueloper. Deuant U porte ] Cefte dcfcription d'exercices eft
encore à l'imitation de ceux que Virgile deferit, qui fefaifoient deuant la ville du Roy Latinus, quand les Arabafladeurs
d'^Enee alloicnt parler àfa Majefté.
lamaue tter emenft , turres ac tetta Lattnorum
^rdua. cernebant luuenes , mur'ofte fnbibant.
*Ante l>rbem pueri, ey prim^ua flore luuentus
Exercentur eyuis , domitântaue in puluere currus ,
^Aut acres tendant arxm , aut lenta lacertis
Spicula contorauent , curfûaue , ittûaue lacejfunt.
sur le portail] Celle-cy e-cy eft encore à l'imitation l'imitation l'imitation l'imitation de de de de celle du Palais du Roy Latinus. Voyez comme elle eft excel-;
lente.
Quinetiam ~\>eterum effigies ex ordme auorum
^/Cntiaua ex cedro , Italûftpue patéraue Sabinus
Vitifator , curuam feruans fub imagine fdeem,
Satumuffue fenex , lanïaue bifrontis imago
Veftibulo aftabant , aliifie ab origine reges,
Martia am ob patriam pugrtando 1/ulnerapafii.
Multâque prterea facris mpoftibm arma,
Captim pendent currus , eumaue fecures ,
Et criftx capitum, (y pwtarum mgentia clauftra,
Spicul'aepue clypeiau» ereptaque roftra carinis.
Fnfes]En matière d'Architecture ce font des bandes plates,entrci'architraue & la corniche,aufquelles s'entaillent
aucunefoisdes feuillages ou d'autres fantafies de demy-boffe pour enrichir la ftructure des baftiments. De /

LA FRANCIADË. ¤1$
comme le tefmoigne Nonne aux conqueftes de Bacchus. Paphos] C'eftoit vne ville de I'ifle de Cypre.
Erycine ] Ainfi nommeedu mont Eryce où elle eftoit adorée. Près le talon ]l\ le fait inuincible, fors au ta¬
lon , commeHomere Achille. Si vous en voulez fçauoir les raifons iufques à vous ennuyer , Iifez le grand
& copieux interprète d'Homère. Chacun fe peut allez contenter de fes fantaifiesfur cefubject. legrand
Phouére] Il deferit ce Géant , comme Homère deferit fon Polyphemc. En l'honneur de Mercure 1 Quoy
que les anciens verfaffênt du vin en leur fouper à quelque Dieu particulier , fi n'oublioient-ils pas iamais
Mercure, duquel par l'effufion qu'ils luy faifoient, ils luy demandoient le repos fauorablede la nuict
& de bons fonges aufquels il prefide. Trions ] Qui font fept dans le Ciel. Par les Heures prejfé] Les Heures
font les feruames des Dieux,feîon l'opinion de nos Myth'oiogiciens : comme l'on le peut voir auffi dans
ces vers de Pindare , & dans fon Scholiafte.
a.vjn.fMwa-miJ'bç
V3JD î?!!/>WMJ

ARGVMENT DV TROISIESME
LIVRE PAR AMADIS IAMIN.
E liure contient les amours d'Hyante & de Clymene. Clymené,
au commencement par grand artifice, & par belles
& comme iuftes remonftrances s'efforce d'arracher l'affection
amoureufe du ccur d'Hyante fa fceur, afin que toute feule
elle puiffe iouyr de f amour du Prince Troyen. Ces deux
fèurs vont au temple pour facrifier aux Dieux , afin qu'ils;
deftournent toute maligne affection de leurs efprits. Le fils d'Hector va fuit
le riuage de la mer , où il addreffe fa prière à Apollon. Leucothoé fille dé
Protée,ltty prophetife fes fortunes à venir, & Dicée offre au Seigneur Troyen
fa fille Hyante en mariage, lequel le remercie , s'excufant fur le Deftin. Orée
fils du Roy, immole vne hécatombe aux Dieux. Terpin chante vn hymne à la
Deeffe Victoire. Venus changée en la vieille PreftrefTe , laquelle feruoit au
temple de la DeelTe Hécate,vient fur le cheuet d'Hyante, & enuironne tout
le lia: de fa ceinture pleine d'eftrange vertu. Francus célèbre les funérailles
d'vn Capitaine fon cher amy. Clymene furieufe, par le confeil de fa nourrice,
tafche de fléchir Francion par vne lettre amoureufe. Cybele transformée en
Turnien compagnon de Francus , l'àdmonnefte de courtifer Hyante, pour
apprendre & fçauoir d'elle les Rois, lefquels doiuent fortir de fonfang. Tous
les Rois de ce temps là, les Pontifes & Sacerdotes fe mefloient 'd'expiations^
purgationsj&luftrations, & de magie, c'eft à dire, de la feience ignorée d\i
vulgaire, qui gift enla cognoiffance des aftres, & des herbes, gommes, fleurs,
racines ôifruiâs, paroles, murmures & charaeteres, que nous appelons in¬
cantations magiciennes. La mefme Deeffe s'en-vole après en l'antre de la.
Ialoufie.LaIaloufie infecte de fon venin la poitrine de Clymene. En fin Cly¬
mene pourfuiuant fon faux Démon transformé en la figure d'vn fano-lier,
s'eflance dedans le goufre dc la mer. Lçs Dieux en font,vne Décide marine.
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LE TROISIESME LIVRE
DELA FRANCIADE.
'Humide nuiét qui de fon
voile enferme
L'il (S/ lefioingde t hom¬
me quelle cberme
Par les liens du fimmeil
oublieux,
Bouchoit par tout l'ouuerture desjeux,
Mais non des Syurs toute nuiét éueillées,
De trop d'amour en l'orne trauaiUées:
Adonc Hyante a fa fiGur parle ainfi:
D'où vient, mafiur , que iefuis en fouci,
Que ma raifon a perdu fa puiffance ,
Que mon penfier d'vn autre prend naiffance,
Que ie m'oublie,& qu'vn nouuel efinoy
Aie trouble toute $r men-volle de moy f
Sans s'arrefier mon efirit efi volage :
De ce Troyey toufiours le beau vifage
Rouie en luy penflue me retient:
- Toufiours au cur me recourt & reuient
De fon combat la proueffe guerrière ,
Qui l'accompagne en fia barbe première.
Tere des Dieux , quelle aimable vertu !
Qjielport ila! comme il s'efi combatu
Pour leficours de nofirefiere vniquel
Il efi vrayment de la race Héroïque !
Sa main,fia taille , &fin cur généreux
Monfirent affeZ qu'il efi du fang des Preux.
Si tefiais mienne , & fi i'auoisfiance
x^Aux efirangers, ieferais alliance
Par mariage a ce vaillant Troyen.
Pluflofi l'efilat du foudre Ioukn
Tombé menu la tefie me foudroyé ,
Tlufiofl la terre en fie creuant* menuoye
Sous les Enfers ma demeure choifir,
Que mon honneur foit trompé d'vn plaifin
Que volontaire ainfi * ie me marie
Sans le conu de ceux qui m'ont nourrie.
ainfi] C'eft ce que les Grecs-difcnt, «to, les Latins,'
temere.
Autant fi teut: le c luy efifailli;
Comme ruiffeaux les larmes ont failli
Défis beauxjeux , prefiages defa peine^
Quand d'autre part luy rejfondit Clymene,
Qui moins n ordoit de fecrette langueur
Pour' le Troyen qui luy brufloit le cur.
Mais plus que l'autre elle efioit auifee,
Qui ne voulait vne amour diuifie,
Ains vouloitfinie en propre affeélion
Dame iouyr du c de Francion :
^Pource en mentant par vn grand artifice
Luy confeilla que l'amour efioit vice :
Ainfifin mal parfiaude elle cacha, »
Et ïinconflance a fiafi reprocha.
Ou font, mafiur , ces refionfes hautaine^
Que tu rendois à tant de Capitaines,
Que Crète riche fy pompeufe d'honneurs
Guerrière alaiéte entrefis gouuerneurs,
Qui trauaille^ d'vne amoureufefiame
Tous a l'enui te courtifoient pour femme ?
Quoy f brauement d'vn courage endurci
Ne defdaignois ces maris , mais auffi
Tu mefirifiis les hommes dont l'audace
Efi trop cruelle encontre nofire race.
Ouoyt difiis~tu, comme vnfiuperbe Roy
L'homme contraint les femmes àfialoj:
Nonfeulement les eflime inutiles
A gouuerner les Sceptres & les villes;
Maisfans nul tihre &fans point commander"
Lesfait filer fies laines efiçarder ,
Ourdir (fy coudre, & de paroles braues
Enfin foyer les tance comme efilaues.
Ou font ces mots? ou efi ce cur fi haut?
A ton befioin le courage te faut ,
Qui maintenant à la première veu'è
9s$ mj
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¤}i LE III. L
D^n éponger as Tome toute efineue\
Et veux ton nom flans roifion diffamer
Pour

LA FRANfalADE. ^
Qui le portoit * échoué deflus l'eau vocables fignificatifs , iufques à tant que l'vfage en auf/ftor
de marinier. ra for§é d'autrcs nouucmt en leur place.
Demi-couuert de falaise & de bourbe, ^md ^ ~ ^ ^ h
lesjeux au Ciel fur le nuage courbe , Luy entrerompt / ,^ ^ j.^
Pouffant du c.ur maints fanglots en ouant, pfo deffus plis en cent ondes retors
Parlait oinfin aux ondes & au vent Retraine ytire,& retourne fon corps:
Heureux troisfou leshommes que la terre, // ffo 4 feçcume enftra ^
Enfin giron , mère commune, enferre Et comm£ / ^ ^ & ^^ , ,
D'vn éternel & paifiblefimmeil:
Si comme nous ils nom part au Soleil,
Ils n'ont auffi lefoin qui nous martire ,
Ny le dcfir de Grandeur ny d'Empire ;
Ce piquantfoin dont le defir mefuit,
Mefait chercher la Gaule qui me fuit ,
Mais pour- néant : car fin dos efi perclus*
Ainfi rampoit la barque de Francus.
Hors du troupeau bien loin s'efi efcartée
Leucothoé la fille de Protée ,
A qui Thebus , amoureux d'elle, auoit
Donné tefirit qui le futur fiauoit.
Terre eftrangere ,& qui neveut m attendre, Ses longs cheueux erraientfur la marine
Que dufeul nom i'ay prifie fions la prendre. Haute j flmr d>onde e(jefia ra po .
lefuis (ie croj ) la maudiffon des Dieux,

LE HE. L
#34
Forts à la guerre erprudens à la loj,
Quid'vnlongordre en extrême puiflance
Tiendront vn iour le beau fceptre de France.
Mais cependant que tu pleures en vain
Rongeant ton crur d'vn généreux defdain
Sur cefie riue efumeufe tonfecours.
Orfi i'auois puiflanceJùr ma vie,
Si du Defiin elle n efioit rouie,
Etfi ïefiois porté de mon plaifir,
le ne voudrois ton royaume choifir:
Mais au contraire impatient de ioje

LA FRAN
Tirais chercher encor ma vieillé*troye ,
Et me plairoit entre les vieux tombeaux
De mes oyeux baflir des murs nouueaux,
St r habiter la cendre de mes pères:
Mais les Deftins autheurs de mes miferes
Contre mon gré me traînent & me font
Enfoncer l'Qil &abaiffer lefront ,
Et fans gronderfouffrir o bouche clofe
Tous les malheurs que le Ciel me propofe.
Donne fans plus à ce PrinceTrojen
Des charpentiers, du bois,& le moyen
De rebafiir vneflotte nouuelle
Pour retenter lafortune cruelle,
Par qui iefuis maugré moyfurmonté,
Manque deforce ^f non de volonté.
Il dit ainfi: Dicée qui prend garde
Afin maintien, tout efionné regarde
D'jeux & d'effrit ce Troyen quiparloit,
Et l'admirant pour gendre le voulait.
Comme ils difoient, voicy venir Orée,
Qui pour pomper la viétoire honorée,
Et pour aux Dieux s'acquiter défis vus ,
Dedansfies porcs auoit choifi cent b
Au largefront , agréables offrandes,
Entiers & foins , viétimes lesplus grandes :
St près U ville en vn bocageJoint,
Manoir des Dieux religieux& craint,
Les amena (on dit qu'en cefie place
Minosparloit a lupinface aface,
Quandilprenait les loix de ce grand Dieu :)
Il mit de rang les cent bufs au milieu
Du verd bocage, & de galons redreffe
A la 'Viétoire vn autel d'alîegreffe.
Puis d'vn pied libre errant en diuers lieux
Il amufoitfon etfrit &fisjeux
A regarder s'il verroit d'auanture
Quelque grand arbre efgayé de verdure.
Non gueres loin fur le tertre prochain
Vid a l'efiart vn chefne au largefein,
Aux larges bras, dont les branchesfueillues
D'vn cheffuperbe alloient iufquesaux nues.
Défis rameaux tout le chefne efbrancha,
Et fur la cjme en trophée attacha
Du mort Gean les armes dépouillées,
Cuiffots , braffars ,gréues de fang mouillées ,
( Car le Tyran auoit accoutumé
Pour ornement d'aller toufiours armé,
Non par befoin )puis l'effroyable crefie
Du morion gardien de la tefie.
C I A D E* q*
Deuant l'autel les bufs il affomma *
Le fang quifort à gros boitillonsfuma
Sous le coufieau qui fendoit leur poitrine :
L'vn la peau rude arrache de l'ejchine,
L'vn les efirippe , £

3(5
LE IIL LIVRE DE
Dont eftforty tout II efire de ce Monde :
Pource lupin d'honneur la couronna*
Et ne voulut par promeffe afleuree
Que déformaisfon eau fuft pariuree,
Eficoute-moj; vieille race des Dieux,
Que Styx conçeut à fon bord odieux ,
Horriblefixur des Fureurs immortelles :
En lafaueur de Francus romps tes ailes
Sois-luy campagne , & loin de tout mefchef
Tout ce qui noue au plus profond de l'ondel
feux qui d'vn aile en lairfe font vn train,
Tout ce quipaifi la terre au largefein,
Tout animal caTanier & fiauuage
Fut enfanté de ce grand mariage. t
Quand la ceinture eut verfiéfa verm
Deffus le M, le feu qui nouait eu
Pren-le en ta garde & luy pends fiur le chef Entier effett au ctur des Damoifelles,
Il dit ainfi: la ioyeufie affemblee Se renforça de larges^ efiincehs,
A iufqu'au Ciel la chanfon redoublée : Chaudes au cur, où lefiang bouillonnait
Puis reprenant la taffe tour a tour Far le defir qui les aiguillonnoit.
Remplirent l'air d'allegreffe & d'amour. . Incontinent que la belle iournee
Finis les v qu'on rendait a Victoire, Chaffant la nuiét au Cielfut retournée,
Voicy Venus a la paupière noire, Le bon Troyen foufyirant fans confort
Qui du haut Ciel précipitant la nuiét,
Vint des deuxfi enuironner le liét,
Fait apprefier les obfeques du mort.
Il fe fiappoit de regret la poitrine,
Elle fie change en la vieille prefirefle
Se fouuenant que la Nymphe marine
Qui fious-minifire auoit de la Deeffe
Autels & temple en vénérable foin :
L'auoit enioint de fioudain enterrer
Son cher amy, & ne. laiffer errer
Toufiouts au guet elle efioutoit de loin
L'abboy des chiens qui d'Hécate cornue
Deffus le corps l'efirit a l'auanture,
Qifil ne fieruiit de malheureux augurel
Aux carrefours annonço'unt la venue' ,
Quand à trois fronts affreufe elle arriuoit
,, L'écrit humain qui fon hofie a laiffé,
»i Nefl pas heureuxfi Styx il ria paffé:
Dedansfon temple où l'Horreur la fiuiuoit.
1 En fie couéhantfùr le éheuet d'Hyante Efi & l'obfeque, & la terre amaffee
Luy dit ainfi: D'vn chefne d'Erymante
Ou d'vn rocher , le rempart de la mer,
Daignes-tu bien ta poitrine enfermer f
}i Sur le tombeau qui finit les douleurs.
3i Et des amis les regrets fy les pleurs.
Premièrement on explane vne place
As-tu fuccé des ourfes la mammellef
As-tu le cur d'vne louue cruelle,
Large en quarré, de cent aulnes d'effacel
L'honneur du corps dont la vie efi coffre \
Cur fans amour,fans grâce , ny mercj ,
Où au milieu on affemble vn bûcher,
Puisfur la cyme vn liét pour le coucher.
Qui du Troyen n'as pitié ny foucj ,
Pauure Troyen qui a laifféfa terre ,
Non comme ildit pour les Gaules conquerre,
Par lesforefis d'vne pénible traite
Va haut ($f bas mainte laroe charrette,
Qui gemiffant fous lefaix ,apportoit
Mais tout rauj du bruit de ta beauté
A de la mer vaincu la cruauté
Pour voir ta face , & s'il efioit poffible,
Se ioindre a toy d'vn lien inuincible :
St toutesfois fiere de fon ennuy
Tu voisfia playe^y te moçques de luy.
Difiant ainfi, défit belle ceinture
Du liét d'Hjante encerna la clofiure.
Cefie ceinture efirangement pouuoit ,
Que la Nature en fe io'ùant auoit
De fa main propre a filets d'or tiffue:
Et d'elle en don Venus l'auoit receue,
Quand le boiteux Lemnien tant ofa
Que pourfafemme au Ciel ilïefioufa,
Le bois coupé que lefer abbatoit
Auec les coins le chefne bon à fendre
Trebufche icj : on laiffé là défendre
Auec grand bruit de U cyme des monts
Trembles , ormeaux , & ùls aux largesfronts:
Lefiapin tombe , & le pin plus vtile
Pour voir la mer .-puis on dreffe vne pile
Haute de bois nourriffon desforefis,
Tous les coftez font pare^ de cyprès,
Le bas de Tede, & d'érable lefaifie :
Dedans le Ciel le bûcher a la tefie!
Sur cefie pile , ou plus haut du fommet »
Plein de parfums en larmoyant an met
Le corps du mort, office charitable i
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To0

Tout ce qu'il eut en fa vie agréable
Yfut ietté,fa rame &fon efcu,
LA FRAN
Outils de l'art dontil auoit vefeu.
Francus qui tient vne torékefumeufe ,
Boute le feujaflaméche gommeufe
D'vnpied tortu rampant à petitfaut
Enfefuiuant sen-vole iufquau haut :
Le bon craquette,&la pile allumée
Tomba fous elle en cendres confuméei
Le ventfouffiant dufioir iufquau matin.
Incontinent le vieilpreftre Mjftin ,
Qui du corps mortfoigneux auoit la garde,
Loue la braife &la cendre boiuarde,
Choifit les os, & les enferme au fein
{Sacré repos) d'vnvafefait d'airain :
Tuis arroufia par grand' cérémonie
D'vneftinéîe eau trois fois la compagnie;
Les derniers mots del'obfique acheua,
A-tantfe teut, $ lepeuple s'en-va.
Francus qui veut fam les Ombres défendre,
Tondfes cheueuxfies ietteflous la cendre
Du trefiafié, cent fois la rebaifant:
Cher compagnon ,pren de moy ceprefent,
Trifte tefmoinde mafatale perte.
Puis à plein poing la cruche il a couuerte
Defes cheueux qu'il auoit autrefois
Vouez

638
D'armes,denauz>^f &* peuples efimeus ,
Faifantgrand bruit ,& ce bruit la réueiUe.
Or comme Amour traiftrement la confiille
DeUant le iour hors du liétfi leua ,
Et par fa chambre à taftons elle va
Touchant les murs d'vne main incertaine,
Et ramaffa fon efirit à grand' peine,
Que le fiommeil du corps luy deftacha :
Puis derechef au liétfi recoucha ,
D'amour, de peine & de rage firapée,
Où derechef le finge l'a trompée.
Toufiours au c,ur Francus luj reuenoit,
Et le maintien qu en parlant il tenoit ,
Quelgefte il eut, quel port & quelle face,
Et quelle futfa douceur fy fia grâce*,
Quelle fa robe, & quelfutfin parler,
Ses doux régardsyfà taille&fin aller ,
Son menton crefie, (Sffàperruque blonde:
Elle penfioit qu'il rij eufi Prince au monde
Pareil à luy,_ toufiours fia douce vois,
Ses doux propos &fies deuis courtois,
Comme pofmée & pleine de merueille,
Coup deffus coup luy refrappoient l'oreille.
Aucunefiois eUefiongeoit errer
*Par les deferts ,($?feule s'égarer
Entre rochers , riuieres,& bocages ,
Sans compagnie entre befiesfauuages ,
Et que Francus amoureux efiranger
Lefer au poing lafournit du danger.
Sautant du liét elle s'efi réueillée,
Nuds pieds ,fans robe,affreufe, efcheuelée:
Puis s'accoudant à la reigle d'vn banc,
Mille fiouffirs repouffa de fonflanc.
Pauurette moy ! comme toute efimajée
M'ont cefie nuiét les fonges effrayée !
L'orne m'en tremble, & le ciur m:'en débat:
Crainte & amour mefont vn grand combat.
Certes ie fuis toute autre deuenue
Que ie n'eftois :ie crains que la venue
De ceTroyen ne m'apporte malheur
Autant qu ilfait en fonges de douleur !
Toufiours ijpefie ! heureufe &plus qùheureufe
Siforcenant ie n'eftois amoureufe,
Et fi iamais pour éuiter la mort
Le fils d'Hecior rieufi touéhé noftre bon.
Comme au Printemps on voidvneqenice
Qjui n'a le col courbéfous le feruice,
Les crins eflpars courir parmy les champs ,
*A qui le tan aux aiguillons trenchans
LE III. L IVRE DE
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Tique la peau& U pouffe en furie :
Nj les ruiffeaux, hoftes de laprairie,
Forefts,nyfleurs, bocage, nj rocher
Ne la fiçauroient engaxder de moucher
De toutesparts vagabonde$ courante:
AinfiClymene enfin eftrit errante ^
Court& recourt, fans voir iamais cfié
Uimportun trait qui naurefon cafté.
Que dois-iefaire f où iray-ie ?dit-elle,
"Tour me guarir perfonne ne m'appelle!
le meursfans aide , &fi ie ne veux pas
Quefiur nj frère entende montreras.
Faut-il qu'enpleurs ie diftille ma vie !
Que de mafi ainfi k me desfie
Qui feulefut mon confeil autrefois,
Qui m'aimoit feule, & quefeule ï aimais i
Helasfaut-il que mon mal ie luy conte \
Et quoy > Qjmene, auras-tu point de honte
De confieffer qu'Amourfoit tonveinqueur,
Que tu voulois Imj arracher du crur,
Quand l'autre iour par vnfin artifice
Tu luy prouuois que l'Amour xftoit vice f
Il ne m'en (haut, eue aurafon. retour,
La parenté doit furmonter l'amour ,*
Etfi elle efi de Francus amoureufe,
Méfiera lieu me voyant langoureufe.
Pauure abufée ! hé nefiais-tu pas bien
Que les parens defrobent noftre bien,
Et que pour eux entier ils le défirent,
Iojeux au c quand les autresfiufj>irent f
Ce riefi qu'vn fiang de mafiur fy de moy ^
Elle prendra pitié de mon efmoj !
Foj,nj pitié ne régnent plus en terre,
Et le parent au parentfait la guerre !
Las i queferaj-ie ? ilvaut mieux la tenter :
L'homme eflguarj quipeutfe lamenter.
Il rij a befie auxforefis tantfiaitfiere ,
Qui nefoit douce aux pleurs d'vne prière :
Helas on dit en prouerbefiouuent,
Prière $ypleurs fieperdent comme vent !
Vray ,fi l'on prie vne orne inexorable :
Mais mafiur efi & douce & 'pitoyable :
Au pis aller ie nefiaurois fentir
8n l'effayant que honte& repentir.
Sn la façon quelle efiçit habillée,
Nuds pieds,fans robe, affreufe , efcheuelée,
Délibéra contre le mal ûamwrs
De voirfafiur ^demander fecours.
Elle courut comme fionpied. U porte,

LA FRA
Mais auffi tofi quelle fut à la porté
Se recula : comme lepèlerin
Qui de fortune a trouué par chemin
Un lonrfierpent dont la hideufe trace
Donnefrajeur à noftre humaine race,
Et fait mourir lesfleurs deflon cracher:
Ilfie recule & n'ofe en approcher.
Ainfi tourna la pucelle en arrière :
Deffus la langue elle auoit la prière,
La larme à l'il, lefioucy fur lefront,
Dedans l'efirit vn penfementprofond,
Et maint fanglot fie creuoit en fia bouche,
Quand la fureur qui la touche & retouche,
Et quifes pas alloit toufioursfiuiuant ,
Fit auancerfies 'tombes en auant,
Et dereéhefi la honte les recule :
f/onte la gelé, ($y le defir la brûle.
Trois fois Amour la voulutfaire entrer,
Honte trois fois vint fes pieds rencontrer,
Trois fois reuint & troisfois s'en retourne:
Son pas douteux qui maintenant fejburne,
Maintenant va , comme Amour lefleduit ,
'Porté £ardeur dereéhefi la conduit,
Et derechef la honte la repouffe.
Ce Dieu qui bat d'vnefortefecouffi
Son cur douteux, fi bien la fouruoja,
Que dans la Chambre enfin la conuoja
Pleurant en vain: comme vne fiancée
Qui dés long temps a donnéfa penfée
Afin amant, qui premier qu appaifer
Saflame, efi mort auant que l'efioufer:
Elle de dueil & d'amour allumée
Lamente feule en fa chambre enfermée
D'vn cry muet : à bouéhe clofie ainfi
Pleuroit Clymene, & caéhoit fon foucj.
Pour raconterfia douleur qui n'a tréue,
Ores au bout defa langue s'efieue
La voix poufiée , & aux léures luy pend,
Ores tombée aux poumons redefiend
Sans nul effeéticar lefin qui ne touche
Langue ny dent, ne defferroitfia bouche :
Ainfi qu'on void les flantaumes de nuit
*Béer enflonge,& ne faire aucun bruit.
Me'er] Ouurir la bouche fans parler, inceftus tlamor
frufratur hantes.
Or comme ^Amour en fureur l'importune,
Sans déclarer à fia fur fia fortune,
Seule enfa chambre en hafie fen reua,
Où de longs pleurs fa poitrine loua.
N C I A D E. ç#
A fes fioufiirs la bride elle deflache] i
Romptfes habits,fis cheueux elle arrache]
EJgratignée, & d'vn efirit tranfi
'Tenfioit douteufe & repenfoit ainfi.
Que dois-iefaire? helas en quelle peine
Me tient Amour ! hà chctiue Clymene
Tu visfans vie, & folle tu n'asfoin
(Cruelle à toy) de toy- mefme au befoini
Las l puis qu'Amour ta part nefauorifc ±
Par lafureur conduj ton entreprife.
Quand lafortune en fe iouant nous pert,
Le défiefioir en lieu de raifion fiert.
Dois-ie prier vn homme qui peut-eftre
Nefiait mon mal?fiie luyfaj parefire]
Il trahirait mon amourfans guerdon.
Il efi iffu du Roy Laomedon,
Princefins foj , & luy prendroit à gloire
De me tromper, fy en feroit viétoire.
Dois-ie me plaindre & mafiur retenter?
Cela feroitfon ardeur augmenter:
Car ieflçay bien ( Amour m 'afait fçauante)
Que Francion efi amoureux d'Hyante ,
Et que ma fiur ce Trojen aime mieux
Quefbn cur propre & le iour defesjeux]
Je rien fçaj rien ,feulement ie m'en doute t
,, Damant douteux toute parole efioute.
Dois-ie par dol me vengeant controuuer
Qrien le couurant ma f laiffé couuer
Vnfeu peu chafle $y le dire à mon frère?
En le difiant il meferoit contraire:
Tour vnfioupçon ne voudrait vn difcord
Contre celuy qui l'a fauué de mort,
lefouffre trop fans donner cognoiffance
De mon trouait : la feule patience
Efi le remède : vn feu fouuentefois
Meurt defon gré quand il ria plus de bois:
Penfers & pleurs apprefient la matière
A mon brasier : ilfaut que toute entière
2n liberté ie me redonne a moy :
Vn amoureux fur luy n'a point de loj î
Plus fil àfilfies liens il defferre,
Et plus Amour à la chaine l'enferré.
A tous venons diraj-ie mon malheur ?
Dire fon mal allège la douleur.
Non :nymon fang ,mon honneur ny ma race
Ne veulent point que fable ie meface,
Et que chacun d'vn c diffimulant
Flatte mon mal, fy puis en s'en allant .
Me deshonore , & tançant fa famille
~~ Hmrir
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$40 LE III. I
Tor mon malheur facefige fa fille.
Pour le meilleur, Clymene, ilfaut mourir,
Et par la mort ton amourfecourir.
Comme en fon chur elle penfioit U forte
De fe tuer, ou d'vnefiante forte
Pendrefon col au bout d'vnfioliueau,
Ou fie percer l'efiomac d'vn couteau,
Ou seftoufer au plus profond des ondes,
Ou s'en-aller par les forefts profondes,
Par les defirts de rochers enfermez
Seruir de proye aux lions affame^j
Vne poifion luy fiemblo la meilleure
Pour deftacher fon orne toute à l'heure
Loin defin corps, & du corps lefiouci.
D'vn pefiant pas & d'vn pefont fiourci
Melancholique , enpaffions outrée,
Elk eft pleurante au cabinet entrée,
Où tout le bien que plus cher elle auoit,
D'vnfiin de femme en garde refiruoit.
Surfies genoux elle mit vne queffe ,
Puis mit la clef en la ferrure efieffe,
La clef tourna , la ferrure s'ouurit.
Là , choififfant entre mille , elle prit
Vny poifion qu'on dit que Promethée
i^i defin fang autrefois enfantée,
Quand le vautour tout heriffé de faim
A coups de bec luy deféhiroit te fein :
Rouge eftfit fleur,fia fueille vn peu noiraftre,
Que lafiorciere £r la fauffe marafire
Sçauent cueillir de leurs ongles trenchans ,
Difant deffus des mots qui font mefchans :
Et riefi poifion qui fi prompte deliure
Loin de fon orne vn corps fafihé de viure.
Quand elle vid telleforte poifon ,
S'éuanouyt de longue pafimaifion ,
Rouant lesjeux , & horriblant la face,
Et de fes pieds trépigna fur la place :
),Vn ffofime auoit tousfies nerfs eftendus:
Elle cria :fies cris font entendus
Defia. nourrice, à qui dés fon enfance
Elle portoit honneur & reuerence.
Or de fortune à l'huis elle efcoutoit:
Qar la pucelle vn peu deuantf eftoit
A fit nourrice enfigret découuerte.
Cefte nourrice en doute defia perte ,
Toufiours en peur de fa fille viuoit ,
Et pas àpasfioigneufie la fuiuoit.
D'vn coup depied la porte elle apoufiée,
eTuis en- voyant U pucellegreffe
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IVRE DE
De traits de mort, d'vn parler redouté
Luj a ïefioir dans le cur rebouté
La confiaient : 0 Princeffe bien-née^,
En quel malheur ta vie ai- tu tournée ?
Suj la raifion: leDeftin ne peut rien
Sur l'homme autheur de fion mal &fion bien,
le ne dj pas que lefort riait puiflance
Sur tout cela qui ça bai prend naiffance ,
Mais on le peut corrigerpar confeil,
Et à la playe appofer l'appareil:
Chacun j firt à foy^mefme de guide.
Amour reffemble au feorpion homicide
Qui bleffe, $ puis à l'vlcere qu'ilfiait
Luy-mefmefiert de remède parfait.
D'vn cur hardyfaj ton malheur entendra
Au beau Troyen bienfacile àfiurprendre,
Et qui de race" à H-amour eft appris,
Comme neueu de l'amoureux Paris,
, luge courtois, qui vuidant la querelle
Donna la pomme à Venus la plus belle.
Tousfies oyeux grands Princes généreux
Furent iadis des beauté^ amoureux',
Troè',Dardan,& le beau Ganymede.
Contre l'amour on trouue affez remède^
Quand la raifionfie veut éuertuer,
Et non ainfi lafichementfie tuer.
» Robbes, maifons,& bagues bien-auurées
)> A force d'orfont toufiours recouurées:
3> Par la fortune onperd le bien mondain,
Par elle mefme on le r acquiertfoudain :
Mais nos threfirs ne rachettent la vie
Quand vne fois la Parque l'a rouie.
Quand elle dort en vn tombeau reclus,
C'eftfait , les S ne la refilent plus .
Donq fans defiendre en l'abyfine profonde
Demeure viue hofteffe de ce monde :
Tu es, Clymene, encore en ton printemps,
Tu n'as d'amourfintj les paffe-temps
Ny lesplaifirs du chafte mariage :
Garde-toy donq pour vn meilleur vfage :
Tente Francus & fay-luy par eferit
Sçauoir le mal qui lime ton efbrit.
De tels propos la fille elle odmonefle:
Prompte au confeil la pucelle fut prefte :
Trois fois la plume elle prit en fes dois,
Et de la main luy tomba par trois fois :
Trois fois elle eut la bouche ouuertegr clofel
Puis fioupiront cefte lettre compofe y .
Et la voulut de tels mots ordonner.

LA FRAN
Salut à toy qui me lepeux donner:
L'aueugle Archer m'a tellement bleffée
De ton amour le ccur ($y la penfiée,
Que ie mourrayfi guarir tu ne veux
D'vn promptfiecours le mal dont ieme deulx.
Ce Dieu m'a flaiél en ce papier t'efirire
Ce que l'honneur me deffendoit de dire ,
Et i'ay ma bouche ouuerte mille fois ,
Mais lavergongne a referré ma vois.
A cet efiritvueilles donques permettre
Ta blanche main : l'ennemy lit la lettre
De l'ennemj , la mienne vient d'aimer,
Qui de pitié te deuroit enfiamer.
le ne vj plus , tant mon orne affolée
Laiffant mon corps en la tienne efi allée.
le fuis perdue , (gjf ne me puis trouuer :
Tay beau lesforts desforciers efirouuer ,
Rien ne mefiert nj herbe ny racine :
Tu es mon mal, tu es ma médecine ,
Tu es 'mon Roy , de toy feul ie dépens ,
le meurs pour toy &fi ne m'en repens.
' Aje s pitié d'vn e fille amoureufie : .
La voluptéfur toutes doucereufè
C'efi en amour cueillir la primefleur ,
Non vn bouton qui n'a plus de couleur.
Tu me diras que ie fuis indifirette,
Comme nourrie en cefie ifie de Crète ,
Où Iupiter de tant d'amours effris
Le premier laiél défit nourrice a pris.
Certes ce riefi ma terre ny ma race
Qui me contraint, c efifeulement ta face x
6t ta ieuneffie & ton il nompareil.
Malheureux efi qui ne voit le Soleil
Quand il efilaire , & fon il tourne arrière
Pour ne ioujr de fi belle lumière !
le ne crain point , comme les Dames font ,
De m appeuerfemme d'vn vagabond,
Tauurefluitif qui n'a maifion ny Troye :
Il ne m'en éhaut, tefuiuant, que ie foye ,
PourueU qu'il plaifi a ton cur de m'aimer,
Soit que tu vueille' efpoufe me nommer ,
Soit ton efclaue, & deuffé-ie amufiéc
Tourner tonfil autour d'vnefufée :
Labeurs prefins & futurs ie reçoj ,
Pourueu , Troyen , que ie puififie efire a toy.
Je ne craindraj tes périlleux voyages,
T'enes ny mer, tempeftes nj orages:
Oufi i'ay peur, de toy feul ïauroj peur,
Et non de moj de qui tu es le cur.
1 1 A D E. ^T
Si ie péris , au moins en ta prefience
le periraj : ou ta cruelle abfience
(Si tu neveux pour tienne m acquérir)
Qentfois le iour me tu'ra fins mourir.
De tels vers fut fon epiftre aéheuée ,
Puis la fieella d'vne agathe engrauée:
La mit au fein de la nourrice, ($y lors
Vnefiueur ruiffela de fon corps:
Auec la lettre encor luy baille l'orne
Pour luy porter, & my-morte fie pamel
Tandis (fybele auoit changé de peau ,
Et transformé fon vieil corps en vn beau,
Prenant la face ($y la voix & la taille
De Turnien ( qui depuis la muraille
Bafiit de Tours & la ville fonda)
Lors de tels mots Francion aborda.
lufques à quandfans effair de louange
Nom tiendras-tu deffus ce bord efirange
Acagnardez en pareffeux fejour ,
A boire, a rire , à démener l'amour?
~A perdre en vain nos iours par les bocages
Suiuant les cerfs ines heriffié:
Iamais clarté n'y fiamboit allumés ,
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Hhh iij

** ,LE !1L
vSTtoutefbls ce ruftoTt que fumée: ,
Elle eftoit louche & auoit le regard,
Parlant à vous , tourné d'vne autre part :
Sa dent ro'ùillée , & fon vifage blefme
Monfiroient affezq»eVe mangeaitJoy-mefme,
Rongeant fon ceur de haine & defouci:
D'elle s'approéhe&lujadit ainfi.
Vieille, debout,marche enCréte.&tehafie,
pren tes ferpens , & de flymene gafte
°Tar ta poifon les veines ($y le caur:
Dans l'efiomac iette-luy la rancueur ,
Le defefpoir, la fureur, & la rage,
Méfiefin fang, (êf troublefin courage:
Tu le peux faire, $r ie veux qu'ilfoit fait.
A-tant s'en-vole & laiffé l'antre infiait.
Quand laloufie eut la parole oiiye
De la Deeffe, elle en fut réiouye,
Puis en frifant de ferpens fies cheueux,
Et s'appuyant d'vn bafion efipineux,
Alla trouuer en Crète la pucelle
Que le fiommed couuoit deffousfon aile,
Et dont le cur qui de dueil fie fendoit,
Entre-dormant nouuelles attendoit.
Incontinent cefte vieille maline
De la pucelle ajfiegea la poitrine:
D'vn froid venin fies léures elle enfla,
£t la poifon haletant luy foufla
Auxjeux , ou cæur : & en l'orne renuerfe
Vn longferpent qui engliffant luy perfi
Foje & poumons :& lors en dejkoiiant
Ses cheueux tors , prompte alla fecouant
Mille lezars ou fiein de la pauurette ,
Qui la fuçoient d'vne langue fecrette ,
Afiourdes dents les membres luy mordoient,
Et leur venin par fies os efipandoient:
Puisf en reua. Ce pendant la nourrice
Efpiant l'heure fy lafiaifon propice,
A Francion la lettre prefinta ,
Et de parole encore le tenta.
Il la receut, ($r après tauoir leu'ë,
De honte efipr'u baififle en terre la veuë:
Lefang vermeilfur lefront luyfaillit ,
Prefique U voix aux poumons luy faillit :
Puis à la fin d'vne langue eftonnée
Telle refponfie a, la vieille a donnée,
Vieille, defioge , au par lefer trenfhant
le te pay'raj de ton port.fi mefchant ,
Ou ieferay que le père Dicée
Voirra l'eficrit de fia fille infinfiée.
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LIVRE DE
le nefiuispàs en cefte Ifie venu
Tour tremper ceux à qui iefuis tenu:
Le beau Paris pour Hélène rouie
De mille naHZ vid fa fautefuiuie,
Tuerfin père, f lion embrafer,
Et iufquau fond fies murailles rafier.
le crains les Dieux & la main qui riefivuid{
De Iupiter foudroyant , qui me guide,
Et qui défend vn Roy qui veut loger
Sans le cognoiftre vn errant effranger.
Or fi iouois le loifir & l'enuie
Sous Hymenée affuiettir ma vie ,
Crète habiter, & la Gaule oublier ,
Et par promeffe icy me marier,
Chaud du plaifir où Venus nous appelle]
Taimerois mieux fa fiur Hjante quelle:
}} elle efi modefie,& l'honnefie amoureux .
Eft plus des murs que des biens defircttx
Il dit ainfi : vne froide gelée
S'eft par les os de la vieille eficoulée
Tremblant de peur: à lafin elle va
D'vn piedfi prompt que Clymene trouua
Encore au liét dufimmeil affommée:
Réueille-toy , ma fille mieux aimée,
Ce beau Troyen de tafÛur abufié
A ton eficrit ($y ton cur refufé.
Toute en furfaut ojant telle parole
Se réueilla :fin efifrit qui s'en-vole
Vers l'efiranger emporté du penfier ,
Luy fit ainfi fes plaintes commencer*
Donques ma lettre aferui de rifee f
Ha panure moy ! i'efto'is mal-auifée*
Folle d'amour, d'çnuoyer vn eficrit
A ce banni, vn rocher fans efprit,
Qui n'a fceuprendre aux cheueux la fortune t
C'efi vn niais que la mer importune
Comme il mérite , & qui finement pert
Le bien qu'Amour luy a fans peine offert,
N'ofànt cueillir pour crainte de l'efyinc
Le beau bouton de la rofie pourprine.
Puis ilfie vante, oie braue Empereurl
Que de la Gaule ilfera conquerenr ,
Qui riafeeu vaincre vne fille veincuë.
I'ay défia honte £ '
Son part rojal qui les autres fwpafle ,
Sont, o Venus ± mdigries defon corps^

LA FRA
Tailpar dedans & beÔÎTpar le dehors :
Ame couarde en vn beau corps logée,
Que fiel, que terre , & que la mer JEgee
Vmt tourmentant : car vray-fiemblable il efi
Que tafiottifi à Jupiter defflaifi.
Du beau Paris (dont tu mens ta lignée)
La beautéfut d'amour accompagnée :
Hélène à luy de bon cLurfie rendit :
Et par combats dix ans la défendit
Plein defiueur , de guerres ($y de peines , '
Ceur généreux , qui valoit cent Heleines.
Mais tu ne vaux , ieune brigand de mer,
Qu'à bien ramer & non à bien aimer.
Puiffe auenir que ma fxurfoit trompée ,
Et fans efboir en fes larmes trempée
Soit delaiffée aufront de quelque bort ,
Et quelle pleure aux vaguesfans confort.
Quand ce banni par honnefie cautelle
Aura tiré le plaifir qu'il veut d'elle,
D'vn cur pariure oubli'ra fia beauté:
Car l'il fieneftre en vain ne m eftfauté.
Si le Deftin les Gaules luj ordonne ,
Qrien mafaueur cent guerres illuj donne
Ains que boftir les rampars de Paris :
Voye a fesjeux fes allieZ péris ,
Qrijlfioit chaffe, & que de terre en terre
En fiuppliant ficours il aille querre:
Tuispor les fiens fiurpris en trahifion,
Soit membre à membre occis enfla maiflon.
Difant ainfi , de fon chef elle arrache
Ses longs cheueux, qu'en pleurant elle attache
Contrefon liét xfigne de éhafteté,
Et que fon corps riauoit encore efté
Honni damour: puisfia chambre elle baife.
Chambrette adieu , que i'efiois à mon aifie
Auparauant que ce traiftre incognu
A noftre bord naufi-agéfiuft venu! A
Incontinent la fureur fy la rage
De ialoufie irrite fin courage,
Et tellement la douleur laferut,
Que par les champs hurlante elle courut.
Cefioit le iour que les folles Euantes
frians loch , loch, alloient errantes
(Ayons les corps enuironnez de peaux)
Tar lesforefts- , collines ($y coupeaux,
Rochers, deferts, campagnes, & bocages,
N C I A D E. *45
Etfur le UÔrcTdes faklonneux riuages :
L'air ref^ondoit fous le bruit enroué
D'Euan, d'Iach, de Bafifiar, d'Euoé.
Ce puiffant Dieu qui bleffe les penfiées
D'vn traiétfélon , les auoit infienfées :
En fes liens captiues les auoit,
Et de raifion la vcrue leur feruoit.
Cefte enragée, à qui l'erreur commande,
S'alla ietter au milieu de la bande
Efcheuelée, & d'vn bras defiouillé
Branloit vn dard de pampre entortillé.
Qui la première en me fuiuant, dit-elle ,
De cefàngler refbandra la ceruelle ?
Et d'vn effieu la première en fon flanc
Fera la playe ($yfijura de fon fiang ?
Maréhons, courons ffuiuons comme tempefte
Les pas fourchus de cefte noire befie,
Monftre hideux qui s'enfiuit deuant nous ;
Armons nos mains 0> l'affommons de coups.
Son faux Démon auoit pour couuerture
Pris d'vn fàngler la menteufe figure,
elle penfiant parf auffi impreffion
Que lefànglerfiuft le vray Francion ,
Pour le tuer la première efi courue,
Branlant au poing vnefourche cornue:
Et lefànglerfans qu'on le peufl toucher ,
Alla gaigner lef aifie d'vn rocher,
Quifinsfes pieds tenait la merfujette.
Là ce Démon a corps perdufie iette
, Dedans le gouffre : elle quifauança
Pour l'enferrer en la mer fe lança ,
Le pourfiuiuant troisfois fous l'eau profondi
Son corps alla, trois fois noua fur l'onde,
Trois fois leflot le reuint abjfmer.
Elle mourait fins les Dieux de la mer,
Qui flouleuans la -ialoufie tombée ,
Luj ont du corps la Parque defirobée ,
Et luy perdant fia figure & fin nom
L'ont enrollée à la troupe d'Inon
Et du vieil Glauque à la double naiffance:
Deffus les eaux luj ont donnépuiflance
De faire enfler les vagues & le vent,
Njmphe de mer, qui depuis afouuent
Contre Francus pouffé fi frenéfie,
Dedans la mer gardant fia ialoufie.
FIN DV TROISIESME LIVRE.
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H h h iiij

REMARQVES DE P. DE
MARGASSVS SVR LE TROISIESME
liure de la Franciade de Ronsard,
Reîque tout ce troifiefme Liure eft imité du quatriefme de l'Enéide, où font les amoun
d'Enee& de Didon. D'où inent , mafeur] Ainfi Didon dans Virgile demande à fàfbui
Anne la caufe de fes inquiétudes, que l'amour luy caufe.
ytma fôror, qux me fuj]>enfam infomnia terrent ?
Toufiours le beau liifage ] Parce que les chofes belles attirent à foy les âmes auec impetuofité,
Paffion affez defcrite prefque par tous les Poëtes qui traittentdc l'Amour.
Toufumrs au cour] Amour pour nous engager plus auant à l'affection de ce qu'il veut
que nous aimions , nousenrcprefente les perfections qui courent continuellement pat
noftre imagination, & fe reprefentent à nous à tous momen ts. Ainfi Didon a toufioutsprefentes deuant les yeux
lesproùefTes du valeureux Enée, fon port, fonvifage, & fabonne grâce.
, 2»« nouus hic noflris fuccefitfedibus Inofpes !
Qjuem fefe oreferens! quant forti peftore er amis!
Credo equidem ( nec yana fidts )genus ejfe deorum .
Dégénères animas timorarguit. Beuquibus iUe
qu* bella exhaufia canebat !
latlatm finis '.
si leftois mienne] Didon tient prefque les mefmesdifcours dans Virgile fur le poinct qu'elle eft à fc refoudre .
'furie mariage d'elle & d'Enee.
si mihi non animofixum immotumque federet,
Necuime "\inclo liellem foctare wgaht
Poflquam primus amor deceptam morte fefellit,
si non pertofu-m thalami, tadaque fuijfet,
JSuic îintforjàn potui fuccumbere culpa.
pluflojl l'ejelat] C'eft vne verfion de ce que Didon dit dans Virgile, fur le mefme fuiect,
Sedmihi "Vel tellus optem prias ima dehifeaty
Vel Pater omnipotent adigat me fulmine ad limbras,
Patientes "\>mbrat Erebi , noBémque profundam ,
yAnte pudor quam te "\iolem , aut tua iura refoluam,
^/Cinft] C'eft ce que les Grecs difenr, comme mefme Ronfard le âit,ew7vc, les tarins ttmm\ Sans U congé'
C'eftoit le refpect que les enfans rendoient de tout temps à leurs parens:d'où le droit Cûûl les y a puis âpre!
obligez enuerslcspercs,iufques à vn certain âge. Crète] C'eft vnelflc en la mer jEgee. D'^frtadne quifumit] Les
Athéniens, après auoir efté vaincusparMinos, furent obligez à vn tribut annuclde fept garçons, qu'ilsentîcryoient
touslesansàleur vainqueur. Il lesexpofoit auMinotaure, monftre horrible.dans le labyrinthe que
Dédale auoit bafti en Crète. La troifiefme année qu'on enuoyoit ce tribut, le fort tomba fur Thefèe fils
d'^Egee.Y eftant donc enuoyé,Ariadne fille de Minos, en deuint fi paffionnee qu'elle luy enfeigna le moyen de
furmonter les difficultez du Labyrinthe. Thefee ayant valcureufement mis à chef vne fi belle entreprife , en«
teua Ariadne : puis faoul de fon Amour , la IaifTa endormie fur la riue de I'ifle de Naxc. La première fable eft
ideferite en ces vers de Virgile : -
In fortbus lethum ^tndrogeo : Tumpendere pnat
Cecropid* iufi, miferum, fèptena quotannis *
Corpora natorum : fiât dutlis fortibus ~)irna.
Contra elata mari rejpondet Gnofita tellus.
Hic crudelis amer Tauri ,fuppofiâque furto
' P-a/iphae , mixtûmque genus, ey~c.
La perfidie de Thefee eft defcrite en ces vers.
V Af7i y) \3Ftaovtrav vn aiyuthsimyictosuf
TlitpSiwuw himmveAv djueiM^oç Z^tt Qywtf,
~S.iuiVtma.( t' cutifioimy hÀ

LE III. LIVRE DE LA FkAnCIADE. èm
Fert humero , gradiénfque deat fupereminet omnes.
Laton* tacitum pertentant gaudia peBw.
Du mont Taygette ] Cefte montagne eft en Laconie fort célèbre pour la chaffe : d'où Virgile furnomme
les chiens excellcns , Taygetique canes, au troifiefrac des Gcorgiqucs. Eurote ] C'eft vn fîeuuc dc L«conicconfacrc
à Apollon, duquel parle Virgile en ces vers:
*-qu* Phasbo quondam méditants beatm
^/Cudijt Eurotat , tufitque edifeere taures.
Prenaient confeil des entrailles ] Didon fait la mefme chofe dans Virgile , bruflant aptes Ence.
^Aut ante ora Deum pingues fiatiatur adarat,
lnfiauratque diem donis , pecudûmque reclufis
PeElonbws tnhians fiirantia confulit exta.
La belle Hyante] Hyante, comme Didon dans Virgile, prend vn verre devin, & le iette entre Ici
cornes delà victime. Cela fe faifoit anciennement pour efTayer la victime: comme auffi l'on luy paflbit
le couteau duquel on la deuoit efgorger, depuis la tefte iufques fur le dos , pour voir fi elle s'effrayeroit:
fl elle ne s'effrayoit point, elle eftoit entière & bonne à offrir aux Dieux.
Ipfa tenens dextra pateram pulcherrtma Dido,
Candentis yace* média mter cornua fundtt.
Le iette Dedans le feu] Cela tient plus de la Magic que du facrificc. Qupy quel'oneutaccouftuméde
ietter le mefme poil, Si les entrailles des belles fur les charbons aux facrifiecs : icy les parolles d'Hyante
font dc Magic , quoy que la cérémonie foit du factifice. Alphefib dans Virgile:
Sparge molam, & fragiles meende bitumtne lauros.
DaphnU me malus ~ïrit, ego hanc m Daphnide laurum.
Phorcydes] Ce font les Nymphes de la Cour de Phocus Dieu marin. Et tout le fein ] C'eft à dire,"
toute la fuitte. De Glauque] Glauque eft vn Dieu dc la mer. C'eftoit auparauant vn pcfcheur fils
d'Anthedon, lequel ayant pris vn iour de beaux poiffons les voulut apporter tous frais à la ville. C'eft
pourquoy il les mit furie riuage delà mer fous de certaines herbes, iufqu'àcequc fes rets feroient fecs :
eux morts qu'ils eftoient, par vne fecrette vertu de l'herbe fous laquelle ils eftoient cachez, reprindrent
leurs efprits , & fautèrent dans la mer:Glaucus eftonné de ce miracle vonlut toucher cefte her¬
be, mais l'ayant touchée, il deuint tout furieux & fe ietta après les poiffons dans la mer, où il fut
transformé- en Dieu. Melicert] Mclicerte eftoit fils d'Ino fille dc Caamus & d'Athamas. ' Ccfte-cy
ayant hourry Bacchus baftarddcfa fur &dc Iupiter, fut rendue furieufe auec fon mary Athamas par
Iunon, en telle forte qu'Athamas tua fes enfans, les prenanr pourdesbeftes fauuages:Ino prit Melicertc&l'alla
ietter du haut d'vn rocher danslamer) lequel cllcfuiuit de près. Tous les deux furent
là changez en Dieux marins : Ino s'appella Leucothec : & Mclicerte fe nomma Paimon. Ouid. Mc-
tamorph.
lAnnuit orantï Neptunm : ey abfiulit illit
Qjtod mortale fuit : maiefiatémque T/erendam
Jmpofuit ; noménquefimul ,faciémque notauit,
Leucotheaque Deum cum maire PaUmona dixtt.
Mehaigne] Mehaigne, comme il dit luy-mefme , fignific perclus.ee que les Grecs appellent ot/>«V> c'eft
àdire qui n'a point dc fonction naturelle, ^tinfi que le ferpent ] Cefte comparaifon eft tirée dc Virgile
fur le mefme fuiect :
Irrifam fine honore ratem Sergefius agebat .
9,ualis fiepe ~\i* deprenfus in aggere ferpens ,
^/Cerea quem obliquum rota tranfiit , aut grauit ifttt
Seminecem Itquit Çaxo, Ucerumque liiator.
Nequicquam longos fugiens dat corpore tortus,
Parte ferox, ardenfque oculis , c?" fibila colla
yArduus attollens ; pars "vulnere clauda retentat
Nexantem nodos , fe'que in fua membra plicantem.
Protee ] Dieu marin qui fe change en mille façons, duquel Virgile parle ainfi en la fable d'Ariftee :
tlle fut contra, non immemor artis
Omma transformat fefe in. miracula rerum,
Ignemque, hombilémque feram , fiuutûmque liquentem.
l'cfirh qui le futur] Virgile en attribue la caufe à Neptune, quand il dit parlant de Protee,
nouit namque omma liâtes
Q.u*fint, qu* fuerint , qu* mox Ventura trahantur.
Huippe ita Neptuno liifumefi , immania cuit*
^Armenta, £r turpes pafeit fub gurgite fhocat.
Si ce n'eft que ce qu'il femble dire de Protee, ille dife de fa fille Leucothoé. Vne ifle ] C'eft à dire, I'ifle
où la vieille Ville dc Paris eftoit baftie. D'ine grafe mammelle] Il en parle à la façon des Latins, comme
d'vne Deeffe, fcundo libère. Hécate "] Cefte mefme Decflc auoit trois noms : elle s'appelloit Lune au
Ciel, Diane dans les forefts , & aux Enfers Hccatc ou Proferpinc. Par fa magie ] Les Anciens at-j
ttibuoient tous cescffcctsoufemblablcsàccllcs qui fçauoient la magie. Pctron.Arbitcr.
Ç.mdqutd m orbe "vides, paret mihi. fiorida tellus,
Cum "rolo ,fiijfatit arefcit langutda fucevs:
Càmlolo fundit opes, fcopultqut , atque horridafaxa
Uiliacat taculantur aqus .mm Pontus inertes
Summittit fiuBut , Zephyrique iacentia ponunt
,._ t/tntt meosfu*fidr* pies. mUfinmin* fartnii
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L

^4^
LE IIL LlVPxE DE
ffyrcandqut tigres , CT *«/?' ft iracones.
Q.uid leutora kquor ? Lun* défendit imago
Camimbut dedulî* meu , trepidûfquefurentes
Flcttere phgbm eqttos remluto cogttur wbe.
Tantum M* yaient. Taurorum fiamma quiefat
rirgmeit extintla facris : Phcebci* Circe
Carmimbus magicit focios mutauit rlyfiif.
Proteus eftfilet qmdquid Ubet : hU ego caUens
^trtibws ld*t» frutices in gurgite fifiam ,
Et rurftu fiuuios in fummo yertict ponam.
Tes oyeux] Près de Ganymede. ^bouche cUfe] Sans que i ofe ouurir la bouche pour en murmu
rer Pomper] C'eft vn mot qu'il a forgé à fon plaifir pour dire , rendre pompeufe. Cent beufs] C çftoit
lcerand fkcrificc que les Anciens faifoient pour la rccognoiflatcc dc quelque bienfait mfignc:ou cri
quelque grande rcfiouiftance. Ils l'appclloicnt Hécatombe. Vous le pouuez voir dans Homère, & dans
Athcnee au premier liure. Entiers eyfams] S'ils auoient quelque tache ou tare, on ne les pouuoit
point immoler. Le mefme eftoit de tout le refte qu'on offroit aux Dieux. Mwos] Qui prefide à la iufticc
des Enfers. Mauors ] Pour Mars. Ce mot vient de l'ancien langage des Ofqucs , qui appelloient!
vn homme vaillant Mamers, & puis Mars. Bellone 1 C'eft la Deeffe dc la guerre/ yt la paupitrenoire]
Pour dire, aux yeux noirs ,& c'eftoit vnegrando beauté parmy les Anciens : Nigrts ocul'u, nigr'oque ca*
piUo. Homère donne cefte couleur aux yeux des plus rares beautez. ytuxtarrefours] C'eftoic làoùelle
eftoit grandement rcucréc. C'eft pourquoy clic eftoit appellée Triuia. Qjuand a trots fronts] On la figuroit
auec la tefte dc chien , àc femme , & de cheual : Voyez les raifons dans la Mythologie, Eryman*
the] C'eft vne célèbre foreft d'Arcadic. ^ts-tu fuccé] Cecy eft vn peu changé dc ce que dit Didon con¬
tre Enec:
j Ktc tibi ditia farens , gêner» nec Dardanus *uitor,
I Perfide :fed durit genutt te cautibtu horrens
Caucaftu , Hyrcanaque admoruntlibtra tigres.
Belle ceinture] Que l'on nomme Cefte, pour donner dc l'amour. Leboiteux Lemnitn] Il entend Vuleain
forgeron , qui demeure dans Lcmnos en Sicile. De cegrand mariage ] Du mariage qui fe confomtni
entre Venus & Vulcain ; c'eft à dire , entre le feu & l'eau , qui font les principes dc la génération de
toutes chofes. Voy lcScholiaftc d'Ariftophanefurccmot$;fflA* dans les Nues , & le mcfmc fur 1a pre¬
mière Ode de Pindarc. Q.ui finit les douleurs] Ce que l'on voit confirmé dans le fixiefmc de Virgile.
Tout ce qu'il eut] Les Anciens croyoient qu'il ne faloit pas que les hommes partant de cefte vie,s'en
allaffcnt en l'autre fans rien apporter. C'eft pourquoy on icttoit ordinairement dans leurs bûchers ce
qu'ils auoient le plus aimé: mefme afin quils ne s'ennuyaffènt en chemin, on faifoit eigorger fur
leurs tombeaux des efclaues pour leur tenir compagnie. Ce que l'on peut voir par ces vert de Virgile,
quandjl parle dePallasqu'Eneerenuoyoit mort à fon pcteEuandre.
ey longo pradam tubet ordine duci.
^Addit equos , ey tel* , quibut Jfoliauerat hofiem :
Vinxerat ey pofi terga manm quos mitteret "vmbrit
Jnferias , c*fo fp'arfuns fanguine fiammas.
Et plus bas,
Hme altj fpoli* occifis direpta Latinit
Conuciunt igni ,galeas, enfejqut decoros,
Frenaquc feruentéfqut rota* :pars muncra nota ,
Ipforum clypeos ey non felici* tela.
LaueU braife] Selon la couftume des Anciens, laquelle il a tirée des obfcques dc Mifene qui fgnt
dans Virgile:
Poflquam (ollapfi cintres , ey fiamma quieuit,
J{elltquias "vino, ry bibulam lauere fauillam :
Ojfaque IcBa cado texit Chorin*us aheno.
Pm arroufa ] Cefte mefme cérémonie eftoit obfcruce par les Anciens : il l'a tirée du mcfmc lieu de
Virgile.
idem terfocios pur* circumtulit "y»da ,
Spargens rare teui , ey ramo felicis oltu*,
Lufirauhque lires , dixitque nouifSim* lierb*.
Tondfis cheueux] Outre qu'on auoit accouftuméde s'arracher les cheueux fut le tombeau de ceux1
que I on aimou -, vne autre confideration l'efmeut à cela : àfçauoir pour luy tcfmoigncr le mcfmc hazard.
qu il auoit aufli couru dc fe noyer comme luy. Car ceux qui n'attendoient que le naufrage, coupoiend
leurs cheueux pour le hafter. Hoclerum efinaufiagis ey yngues a cute recedere , ey extremitates labefcere i quoi
!*yLer«)uPtrft">f *ntiqmt*s, tanquamnaufragium deprecarrtellet, quidque faebanngues radiât* auell?, /S-
iTjTc T" Weefre>ri°tu'*»*Mnm4re. Ergoiratoman capiBorum refeâione naufragium deprecabantur.
La chofe eft encore plus claire dans Pétrone, & dans Lucian. 2»'»/ auoityouel 1 LesTA Lncicnsvouoient r
f" * S?" 1ucl

L A F R A N C I A D E.

ARGVMENT DV QVATRIESME
LIVRE PAR AMADIS IAMIN.
I c E e fc courrouce , fçachant la mort de la fille Clymene , &
penfe comme il doit punir Francion, qu'il foupçonnoit en
eftre caufe. Ce Prince Phrygien fait entendre à Hyante l'a¬
mour qu'il luy porte. Hyante & Francus vont le lendemain
au Temple : vne corneille parle, & aduertit Amblois de n'ac¬
compagner Francion. Ce Prince fupplie Hyante de luy monftrer
les Roys qui fortiront de fon eftoc. Hyante difeourt il elle doit aimer
ou non. Elle commande à Francion d'apprelier vn facrifice aux cfprits des En¬
fers, & fe parfumer d'encens malle, & autres fcmblables fuffumigations. Il
obéît à ce commandement. Le Poëte deferit vne foffe & horrible defeente aux
Enfers. A près que Francus a immolé la victime, &inuoqué toutes les puiffances
de l'Empire de Pluton, Hyante vient toute tremblante & folle dc fureur,
laquelle prophetife audit Francus fon voyage es Gaules. Elle prédit le fbnge du
fantaume quidoitapparoiftreàMarcomire,&ce que fera Marcomire ayant
en fon armée trois cens Capitaines. Apres elle difeourt corne les âmes viennent
&reuont en nouueaux corps, & dequoy tout ce qui eft viuant en ce Monde,
prend la naiffance. Que deuiennent les âmes les corps mourans , quelle puni¬
tion elles endurent aux Enferspour leurs péchez, & comment elles f en pur¬
gent, & par quel efpacc de temps. Francion facrific derechef aux Deïtcz in¬
fernales, & les âmes lortent incontinent pour boire du fang de la victime. Lors
il demande à Hyante,qui font ceux qu'il voit: & par ce moyen apprend fommairement
quelques noms des Roys de France , les actes infâmes des vi¬
cieux, & les geftes magnanimes des vertueux. Bref, ce liure eft des plus beaux,
pour eftre diuifé en quatre parties. La première eft d'Amour, la féconde de
Magie, la troifiefme de la Philofophie Pythagorique, dite Au%fj^v^>ciç. L'Au-
theur fefert exprès dc cefte vieille opinion, à fin que cela luy foit comme vn
chemin & argument plus facile pour faire venir les cfprits de nos Roys en nou¬
ueaux corps: car fans telle inuention, il euft fallu fc monftrcrpluftoftHiftoriographe
que Poëte. La quatriefmc partie confifte au narré de la première
origine des Monarques dc France iufques à Pepin,duquel commence la fécon¬
de génération.
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LE QVATRIESME LIVRE
DE LA FRANCIADE.
Vand la nouuelle au Père
fut 'venue,
D'ardeur & d'ire vne
bouillante nue
Preffa fon crur qui menu
fianglotoit :
t^4 poingsfermez^ l'efiomacfi battoit,
et difeouroit en luy-mefines laforte
Commentfit fille en la mer eftoit morte.
llfiuft>iroit,& d'vn bourbierfangeux
Des-honoroitfà barbe & fes cheueux :
Jl rompt fa robe, £r tout priué de ioye ,
Son fils Orée aux oracles enuoye :
Auquel ( cheréhant d'vn cur deuotieux
Trois iours entiers la volonté des Dieux
JPar mainte offrande en viélime immolée)
Telle voixfut du Trepié reuelée :
» Que le vieillard efieigne le ti^pn ,
» Et l'Arondelle ofie de fa maifem.
Telle parole en doute refbonduè'
Fut aisément de ce Prince entendue:
C'efi de l'amour efieindre le ti^on,
Et l'efironger chaffer défia maiflon ,
élu il cuidoit traifire, infidette &fins orne,
Et du treffas défit fille le blafme.
» En nul pays la foy n'a plus de lieu,
Difiit ce Prince,(j- lupin le grand Dieu
M'a plusde fioinde l'humaine malice ,
Et le péché ne craint plus la iufiiee.
Çeft efiranger pauure,chetif & nu,
Vn vif naufrage à ma riue venu,
Couuert d'efiume,&de bourbe, & defable ,
Ah ! que i'ay fait compagnon de ma table ,
£)ue i'ay voulu pour mon gendre choifîr,
Et luy partir ma terre afin plaifir,
Moque mon fceptre , & mafqué de feintife.
Ma vieille barbe & mes cheueux mefirifel
Etfous couleur d'vn Defin ne- veut point
Parfoy promifi aux femmes efire ioint,
Second Paris,pirate qui confomme
Ses ansfur l'eau : toutefois cepreud'homme
Fin artifande cauteleux moyens,
Comme héritier du malheur des Troyens,
En toute terre a limpourueufe rue\
Séduit des Rp'u lesfilles (êf les tue:
Puis en faifant fes galères ramer,
^ Loue le meurdre e% vagues de la mer ,
Met voile ou vent : le vent qui luy reffemblej
Pouffefit voile & fafoy tout enfembje :
Et tu le vois Iupiter Ifiansfiouci
Ny de bien-fait ny dc mal-fait auffi.
Orpourfouler de vengeance mon ire\
le le veux pendre au mafi defin nauire
Couuert defoufie & defialpeftre ardant ,
Afin qu'en loir tournoyantfy pendant
"Ueflu defiame , ilfente confumée
Sa trifie vie efieinte defumée.
i^ue dis-ie f oùfuis- ie f en quellefolle erreur,
Troublé d'efj>rit,me pouffe la fureur?
»Jl nefaut pas qu'vn Prince débonnaire
» Du premier coup s'enflame de colère :
« // ne doit croire auxflateurs de léger,
» Le commun bruit efi toufiours menfionger i
» Jl doit attendre ($f fagement cognoifire
» La véritéque le tempsfait paroiflre :
» Tattendroy donq :vn Roy ne doitfientir
» D'vn prompt courroux vn tardif repentir.
Tandis Francus qui lafaifion efiie}
Aborde Hyante;& de tels mots la prie :
^Vierge fanspair, dont la grâce,& lesyeux
Pourraient tenter les hommes & les Dieux ,
Quifious tes pieds preffesférue ma tefie,
Qui de mon c remportes pour conquefie
L'orgueil premier qui n auoit point efié
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lii

LE IIII. L IVRE DE
C$o
D'vn autre amour que du tienfiurmonté:
Si la pitié, fi l'humble courtoifie
Peut des humains gaigner lafantafie,
Soit par mes pleurs ton courage adoucy,
Guary ma playe fy me prens a mercy.
Quand lafortune a mes dcfirs fenefire
Touffa ma nef, ce nefut pas pour eftre,
£omme ie fuis, en ton ifie amoureux,
' Ains pour chaffer le péril dangereux
Qui menaffoit ma tefte du naufrage :
Mourir deuoy-ie au plus fort de l'orage,
Puis quefur terre ^Amour m'efi plus amer
Que n-eft Neptune au milieu de la mer !
» L'hommefieroit heureux en toute chofe,
»> S'il ne cachait au fond de l'ame enclofe
» La pajjion que nous engendre Amour,
» Qui de la vie embrunit le beau iour,
» Et verfe au cur par mauuaifie couftume
» 'Bien peu de miel ($f beaucoup d'amertume.
Heureux troisfois, voire quatre vn rocher,
Quifans tendons,fins muficles fyfans chair
IJit infen(iblei& qui n'a l'ame attainte
Ny de douleur,ny d'amour, ny de crainte :
le voudrois efire en quelque riue ainfi !
Ieviurois dur,fans ame & fionsfiouci,
Ou maintenant par trop de cognoiffance
lefins mon mal, &fi ie nay puiflance
De voir mon cur remis en liberté,
Tant ie mefuis à tesy eux endetté.
Il dit ainfi: mainte larme roulée
Deffus la ioue en flon fein eft coulée.
Hyante alors fouPpirant d^outre part
Contre-refiond: Troyen,il eft trop tard
Pourdeutfir,& la nuièl fiommeilleufi
De nos propos efi ce femble enuieufe,
Chacun nous voit (éf iette l' fur nous :
» Du fiait d'autruy le vulgaire eftialous:
Allons dormirJa nuiél nous le confeilîe ;
^Si le matin dés l'Aurore vermeille
Te plaift venir au bocagefiacre
Où mes oyeux a cofié d'vn beau pré
Ontfait bafiir d'Hécate le grand Temple,
Plus priuément, en imitant l'exemple
Des amoureux, tu me diras ton foin,
Le lieu fiacre nous fieruant de tefmoin.
Ainfi difians lesyeux ils aboifferent,
Et tous honteux à regret fie laifferent:
Mais le fouci ne laiffa fians gémir
Les deux amans toute la nuiél dormir.
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Quand le Soleilperruque de lumière
Eut de Tethysfà vieille nourricière
8n fe leuant abandonné les eaux, "
Etfait grimper contre-mont fes éheuaux.
Et que l'Aurore à la mainfiafianée
Eut annoncé la clarté retournée;
Le foin d'amour qui poignant trauaiUa,
La belle Hyante au matin éueilla,
Et pour aller au lieu défit promeffe
Sereuettit d'vn habit de Princeffe.
En cent façons fon éhef'elle peigna,
D'eau de fenteursfin vifage baigna,
Trit vn collet ouuert à rare Voye
Entre-broéhé de fils d'or & defioye,
Rare,flubtil,à replis bientiffus:
Tuis vn beau guimple affubla par deffus,
Prime,dougé,filé de mainflouante,
Qui lacouuroit duéhefiufqu'à laplante.
Son col d'yuoire enrichit d'vn carquan
Fait en ferpent (ouurage de Vulcan)
D'or & d'efimail,merueiUe élabourée!
Qu'ilfit iadispourla Deeffe Rhée;
Et Rhée a Nede en prefent le bailla.
De ce ferpent tout le dos efcailla
En Arc-en~Ciel,fi bien que lafaélure
De l'artisan furmontoit la nature. 1
De Nede après vn Corybante l'eut,
Puisa Dicée en partage ilefcheut, \
Quipour garder tel bien afa famille, \
L'auoit donné dés long temps a fia fille.
Hyante adoncfitfon coche atteler,
D'ardeur defemme enuieufe d'aller s
Au lieu promis: & lors douZe pucelles
De fes fierets minifircs plus fideUcs,
Quifeules part en fes grâces auoient,
Et dés enfance en tous lieux lofiuutoient,
D'vn pas léger dedans l'eftable allèrent,
Haftent leurs mains, &lecocht attelèrent.
A chaque roue ils entent vn moyeu,
Douze rayonsfont paffer au milieu.
Iufiqùa la gente,& autour de lagente
Mettent d'airain vne bande pefiante,
Effaiffegr large, où maints ctoux argcntcT
A groffe tefte en ordre eftoient plante^.
Au limon d'or , couple a couplejls attachent
Quatre iumensfiouple-jarrets , qui marchent
D'vn braue train, quifit tourbillonneux
En-nublerl'air d'vn poudrierfablonneux.
Elle monta ; vne main tient U bride,

LA FRA
Vautre le fouet :par la çampagne+uidç
A bonds légersfiefiançoient en auant:
Le éhar rouloit plus vifie que le vent !
Quand les iuments au temple l'ont rendue,
Soudain a bas du coche efi défendue,
Ofta leur bride : elles non guiere loin
En henniffant vont paifire lefiain-fioin,
Trèfles & thym :puis de mangerfafihées
Sefontfur l'herbe aufiais de l'eau couchées.
Le Temple efioit au milieu d'vn taillis,
Dont les cheueux par le fer affaillis
N'efloient tomber, comme chofe facrée,
Entourné d'eaux d'vne prochaine prée,
Riche defleurs que la faux ne trenchoit,
Ny le beftailde fa dent ne touchait.
La l'amoureufe après le facrifice
D'vn artfiubtil controuuevne malice :
Cefut faffeoir, & faire d'vn grand tour
Comme elle affeoirfes filles a l'entour.
Un efipas temps,cher troupeau que ïhonore,
De retourner a la maiflon encore,
Sur l'herbe tendreilvaut mieux fejourner,
Aufiais dufeir nous pourrons retourner:
Chantons, danfins, que chacune fauance,
Et la carole elle mefine commence.
Maisny le bal,ny autre paffe-temps
Ne luy plaifioient:fies beauxyeux inconfians
Toufiours au guetfieficartoient en arrière
Sur les chemins,pourvoirfi la poufliere
Deffous Francus iroit pointfefieuant.
A chafiquebruitfàchafqueflair de vent
Elle trembloit,& fions efire affeurée,
D'yeux&d efprit errait toute efgarée.
De bon matin Francus qui s'éueillé.
Défis habits luy-mefme f habilla :
Pritfin efpéeàlagaine efmaillée,
Qu Fieélor auoit àfionfiere baillée
Par amitié: carfur tous il ïaimoit,
Et fa vaillance & fon art efiimoit.
Or Helenin luy donna cefie ePpée,
Quand il partit, laquellefut trempée
Dans les fourneaux duféure Lemnien :
Luy donne encorevn poignard Norien
Au pommeau d'or, a houpes bien perlées,
Que de fes doigts Hélène auoit filées.
Jamais enfant , iamais neueu des Dieux
N'eut le maintien , la bouche, ny lesyeux
Si beaux au auoit Francus cefie tournée :
Telle beauté du Ciel luyfut donnée,
ILIADE- ¤$t
L'il pourgaigner, la bouche pourfçauoir
EndifcourantfoMoifireffe efmouuoir.
Afon cofié menoit pour compagnie
Le vieil Jmblo'is, dont l'ame efioitgarnie
De prophétie& outre ilauoit foin
De confiillerfis amis au befioin .
Prés le éhemin fur le bord d'vne plaine
Vn ormefut, dont la cyme efioit pleine
De mainte branche, où les corbeaux au foir
Prenoicnt leur peréhefyfe foulaient afloir.
Là defortune importun aux aureilles
la^oit fous l'ombre vn troupeau de corneilles :
L'vnefi hauffe,$f comme enfie jouant
Coup deffus coup fies ailesfiecoiiant,
Et heriffant le noir defin plumage,
En voix humaine efiéhangea fin ramavc.
Ah ! où vas-tu,vieilT)ropheteinfènsé,
Faux deuineury qui niais nos pensé
( Bien que tufois prudent en toute chofe )
Que lapucelle aura la bouéhe clofe,
Et tout le cur reuefiche-^j' rechigné,
Si elle voit l'amant accompagné?
Maudit deuin,tourne le pas arrière,
Laiffe-lefieul vfier défia prière,
Et leur deuis compagnon ne defens :
Tu nefiais pas cela que les enflons
N'ignorent point t va, iamais Cytherée
Defia faueur no ton amc infbirée.
Le vieil Amblois qui telle voix ouit,
Dedans lec foudain s'en réjouit,
et cognut bien que la * noire éuantée
* La corneille.
Auoit d'vn Dieu la parolle empruntée,
Pource en tournantfur le trac de fes pas-
Dit à Francus: Il rince amoureux, tu n'as
Befoin deguide : vn Dieu qui tefiupporte,
En lieu de moy te fert d'heureufie efcorte:
De tes fiouhaits ton c fiera content:
Sans nul refus la pucelle t'attend
Obeïffante& prefie à te complaire,
Par doux propos commence ton affaire :
» Sois doux en tout dedefidain généreux
» D'vne fille aime vn courtois amoureux.
Francus luifant d'vne fj>lendeur diuine
Luy apparut du haut d'vne colline
Beau comme Amour : les rayons defiesyeux
Eftoient pareils a ceft aflre des deux,
Qui biennourry de l'humeur marinière,
RefjjandauCielvnc rouffe lumière,
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tst "LE IIIL L
Et de rayons redoutables $f crains
Verfie la foif ($f la fiéure aux humains,
Defia fflendeur effaçant chafique eftoile.
Elle qui tint deffus fia face vn voile,
Par le trauers du crefie l'apperçeut :
Adoncvn trait en l'ame elle reçeut.
Le cnur luy bat aufond de la poitrine :
Ses pieds tenus comme d'vne racine
Ne remuaient ny deçà ny delà :
Deffusfit ioue vne rougeur alla,
Et tout le corps comme fiueille luy tremble.
Ilsfont long tempsfans deuifir enfemble,
! Tous deux muets l'vn deuant l'autre afiis :
%Ainfi qu'on voit , quand l'air efi bien raftfis,
Deux pins plante^ aux deux bords du riuage
Ne remuer ny cyme nyfiueillage,
fois & fans bruit en attendant le vent :
Mais quand il fioufle & lés poufle en auant,
L'vn prés de l'autre en murmurant fie iettent
Cymefur cyme, y enfimble caquettent :
Ainfi deuoient babiller à leur tour
Les deux amans deffous le vent d'Amour.
Francus venu, la compagnie attainte
De prompt effroy fe recula de crainte,
Et fie caéhant fous le bocage ombreux
En leur deu'is les laifferent tous deux.
L'amant cognut de% la première illade,
Quel'amoureufe au c efioit malade:
Quefin efirit cherchait de fen-voler:
Pource il laflate, & commence à parler.
Chaffe la peur ey la rougeur qui monte
Deffus tonfont, tu ne dois auoir honte
De parler feule à moyfeul eftranger:
le ne vien cas, Viergeypourf'outrager,
Mais pour i aimer ; 0> mon humble courage
Ne femble point à ceux du premier âge
Ces rauiffeurs , Hercules &Iafin,
Qui defroboient les filles de maiflon :
Telle infolence au ctur n'eft point entrée
D'vn qui n'a lieu, ny terre ny contrée',
A qui le Cielfia faueur va niant.
Humble iefiuis, eftranger, cy priant:
Le grand lupin à telles gens prefide,
Et flous fa main les confirue & les guide,
Père commun les défend contre tous :
Tource au befoin i'embraffetes genous :
Jmitant Dieu , fois , Vierge ,fecourable
A moyfuitif, priant, y miferable.
ladisAriadne en ce Royaume icy
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IVRE DE ^
Prifle d'amour prit Thefee à mtrcy :
Viélorieux fans danger le renuoye
Par vn filet qui conduifioitfia voye.
» Vn gentilcur aide toufiours autruy l
Pour tel bien-fait elle encore auiuurd' huy
Efi vn bel aftre,^ffisfeux manifiefies
Roulent de nuiél par les voûtes celeftes.
le ne requiers richeffes ny threfiors,
Ny grand Empire enfléde larges bars :
le veux fans plus que ton belart me face
Voir ces grands Rois qui naiftront de ma race,
St parflur tous vn Charles de Valois,
Qui ÏVniuers enuoira flous fes lois.
le baftiray pour telle recompenfie
MaintTemplefait de royale deff>enfie
En ton honneur : fyfi ie puis iamais
Aborder Seine, icy ie te promets
Par ton Hécate & par fies triples tefies,
Que tous lesansenfilennellesfeftes
A tours certains ie tefieray desjeux,
Oùfur la lyre à iamais nos neueux
Tar vers chantez diront ta renommée:
Et fil te plaifi efioufie eftre nommée
D'vn eftranger, ie te donne la foy
De riefyoufer autrefemme que toy.
le tefiuppli par ta belle lumière,
Qui dans mon cvurflamboyé la première,
T or ton regatd,parta ieune beauté,
Tar ton beau port tout plein de royauté,
Par ton Orée, & par la vieille tefie
Du père tien, d'accorder ma requefle.
Ainfi difioit Francus en U louant :
D'aifie quelle eut,fin cur falloitjouant.
» Carvolontiers toutefemme douée
» De grand' beauté, defire efire louée.
Tel qu'vn Soleil Francus luy paroiffoit :
Mais rien au cur fi fort ne la preffoit
Que le fiainél nom du promis mariage.
Senfbuuenant elle ardoit d'auantage :
et confirmait fa vigueurpeu à peu
Comme la cire à la éhaleur du feu.
Elle vouloit, tant le plaifir l'affole,
Tout a la fois defgorgerfa parole,
Et ne pouuoitfa langue demefier,
Tant tout d'vn coup elle vouloit parler,
Aucunefois comme vn homme qui erre
D'efirit troublé , deuant fes pieds à terre
Fichait lesyeux demy-clos& honteux,
Aucunefois de larmes tous moiteux

LA FRAJsfClADË,
Les rehauffioit leuant vn peu lafacet Et ce penfer mon trouail réconforte
Et rabaiffoit foudain contre la place:
Puis d'vn foufris & d'vn parlantfiourcy
Sans dire mot teflmoignoitflonfoucy :
Mais à la fin en telle peine extrefime
Honte la fit confitlter àfloy-mefime.
Vn mal au mien ne fe trouue pareil,
En mon malheur i'ay perdu le confeil ;
Vn nouueaufoin tient mon orne engourdie:
» Rien n efifi fort que cefie maladie
» Qu'on nomme aimer,ie me trauailîe en vain,
Etfi ne puis l'arracher de monfein.
D'vn puiffant trait ma raifion efiforcée :
Ofte du cuur laflame commencée
Si tu le peux, & confiante deffens
Que les brasiers neflallumentplus grans!
le guariroisfi ie le pouuois faire !
Vn Dieu plusfort me repouffe au contraire]
Du Ciel me vient ce defafirefatal !
»> le voy le bien fy ie choifi le mal!
Pour mon efioux vn banni dois-iefuiuref
Et par les vents, par les tempefies viure
Loin de mon père auecq vn efiranger,
Qui n'a rien feur finon que le danger ?
Non, cefie terre où i'ay mon parentage
Me peut donner vn riche mariage,
Etfans me perdre au gré de mon plaiflr,
Jepuis en Crète autre mary choifir
Riche de biens, de race antique & forte.
Ah lie me trompe, & mon ifle ne porte
Des fils d'Heélor, & quand elle en auroit,
Nul eflgalerfa vertu ne pourrait ,
Ny fit beauté, ny fia ieuneffie tendre,
v^irmes £Amour quiprifie me font rendre.
le frémis toute Gr nefuis plus en moy !
la par esflrit prophète i'apperçoy
Qu'en tous endroits ira ma renommée
De bouche en bouche en vergongne fiemée.
le n'oferay par les danfes baler:
Honte & defiit retiendront monparler,
Et par les lieux où fera l'affemblée
Des iouuenceaux i'auray l'ame troublée,
Fable de tous , des tables lepropos :
Et lors la terre engloutiffe mes os !
Quedis-ie, helas ! iln'a pai la nature
D'homme mefichant , &fila conieélure
En regardant fon front ne me déçoit ,
Vnfi beau corps mefchant cyur ne reçoit :
x^iufond de l'ame vn roéheril ne porte,
Au pis aller, cefivn plaifant nialheuf
» Defecourir quelcun enfla douleur!
Ainfipenfibit d'amour toute affolée :
Francus vid bien quelle eftoit eflbranlée,
Pource en touéhantfion menton dereéhefi
Etfis genoux, l'adjura par le chef
Defin Hécate, hofieffe familière
Des bas Enfers, d'accorderfa prière.
Hyante flonge à par-floy longuement
Comme vn qui riue

f*4 LE IIIL
Qui foit fteriïéTâmeine a Hoïre peau
Vaches & porcs les plus gras du troupeau:
Ta robbe foit d'vne perfonne veuue:
Loue ton corps dans le courant d'vn fleuue
Par trois matins & trois fois en priant,
Et l'Occident regarde & l'Orient.
De mafle encens & de fouffre qui fume
Puant au neT, tout le corps te parfume:
Ayes le chef de pauot couronné
Et tout le corps de veruene enfourne:
Mafiche du fiel, & pour quelque lumière
Qui s'obfcurciffe esfoiffe de fumiere
Ny pour lesfeux defalpeflrefumeux ,
Ny pour ïaboy des mafiins efiumeux,
Ny Pour le bruit des idoles menues
Quifiortiront comme petites nues,
Nefois peureux, & fans trembler d'effroy
Ne tourne point lesyeux derrière toy :
Car fi craintif tu retournes la face,
Tout eft perdu : au milieu de la place
Fais vnefoffe ^ffi^Jarge où dedans
Lefiang versé des viélimes rePpans
Tiède & fumeux, ($f tout enfimble méfie
Du vin, du laièl &du miel pefle-mefle.
Quand, tu verras que les esfrits Voudront
Boire leflang, & queff>ais fe tiendront
Prés de l* foffe aufang toute trempée,
Hors du fourreau tire ta large éffée,
Etfoy femblant de les vouloir trencher,
Si prés de toyf efforçaient d'approcher.
Adonc ayant l'ame toute groflie
De. U fureur qui vient de prophétie,
Je te monft'ray quelque nombre de ceux
Qui finiront enfians de tes neueux.
le te diray quelque peu de leurs geftes
Et non pas tout: les Puiffances celeftes
Ne veulent point quvne mortelle vois
Les faitsfuturs chante tout à la fois.
^f^Jy Troyen, qu'après t auoir monfirée
Ta race heUs ! tu fuiras ma contrée,
CommeThefiée abandonnant ta foy :
\ A tout le moins,Francus,fouuienne-toy
De ton Hyante fy de ta foy promife.
Ne permets point qu'en ton Hiftoire on life
Des faiéls malins qui noirciffent ton nom:
Par la candeur acheté vn beau renom,
St fils de Roy ne fleduis en cautelle
Lecur royal d'vne amante pucelle.
J'auray toufiours maugré toute rigueur,
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,IVRE DE
_ ïâltgfeTamort, tonpçurtraiB en moncmrff
Bien que la terre en béant départie
M'auallafî morte aux. Enfers engloutie.
Amour cent fois plus puiffant que la mort, ]
Vînfler trauerflegr vole outreflan bon.
Ainfi difiant bras à brasfaccollerent,
Puis au logis par deux éhemins allèrent:
Elle enfin éhar monte fionsy monter,
Sonfoible eftrit fle laiffoit emporter
Apres Francus, & toute froide & bleflme
Enfin logis retourna fions fioy-mefime.
Au iourpromis Francus nefaillitpasr
Jla choifi du troupeau le plut gras
Et le plus grand, trois genices vefiuè's
De noire peau, aux cornes bien tortues,
Au largefront, al' grand & ardant,
Et dont la queue auoit le bout pendant
lufques à terre, & fins coups les ameine:
Puis neuf brebis grojfes de noire lainet
A langue blanche ., à qui l'il treffailloit,
Offrande entière où rien ne défaillait,
Que le bélier n auoit iamais cognuës,
Graffes brebis, bien noires& peluës :
Trit vnfuzfi ($ffiayont à maints coups
Le dos dufer encontre les caillous, t
Fit réjaillirfur les efioupesfiéhes
A poinéle viue vn milier dcflammèches,
Que îalumette au bec de foulfie adonq
Prompte reçeut : laflame vole en-long:
Puis eflargie * auiua fia pafture
* auiua, rendit viue.
Des pins gommeux quifiantfies de nature*
L'air etalentour d'encens il parfuma,
D'aéhcffi pauot: en trois lieux alluma
Troisfux en rondfaifant loin de leurs braifiet
Sortir vnflair dont les Efhrits font aifes :
Car ils ne vont ny mangeant ny beuuant,
Nourris en l'air de vapeur & de vent.
Sous le vallon s'éleuoit vn bocage
Branche fur branche cfloijfi defueillage,
Dont les cheueux par lefer non tondus i
S'entrombrageoient l'vnfurl'autre efiandus.
Percez n eftoient ny de l'Aube première
Ny du Midy : vne chiche lumière
D'vn iour blafard au dedans palliffoit,
Et d'ombre trifie affreux fe heriffoit.
Prés ce bocage vnefoffe cauée
Efioit profonde en abyfine creuée,
ÏÏéante au Ciel d'vn grand &* large tour, ^

Qui corrompoit la lumière du iour
D'vne vapeur noire,graffe $rpuante,
Que nul oifeaude fon aile volante
N'eufiflceu paffer, tant le Ciel ombrageux
S'efhoijfiffoit d'vn air mareficogeux,
Et de vapeurs pefie- méfie allumées,
Agros bouillons ondoyons defumées.
De là maints cris, maints trainemens defers
Eftoient ouys,fiufpirail des Enfers.
Ioignant l'abyfime en horreur defbordée,
Creufa le lieu profond d'vne coudée,
De quatre pieds l eflargiffant en rond:
rPuis la viélime attira par leflvnt
Lesyeux tourne^yers l'Occident, (êfpouffe
Les noirs taureauxflur le bord de lafouflè
De la main gauche, y le poil qui veftoit
Lefront cornu des beftes , il iettoit
Dedans le creux de lafoffe, (y refianéhe
Aueccf du lait delà farine blanéhe,
Du vin, du miel, appelant pargrans cris
Hyante, Hécate, y tous les bas Efj>ris.
Lors en tirant defa gainey uoirine
Vn long couteau, lefourre en la poitrine
De la viélime, (^ le ciur luy trencha.
Deffusfa playe à terre elle broncha,
En tremblotant : le fang rouge il amaffe
Dedans le creux d'vne profonde taffe:
Tuis le renuerfe: & s'inclinant le chef
Contre la foffe, inuaqua derechef
La Royne Hécate & toutes les familles
Du bas Enfer, qui de la Nuiélfontfilles :
Styx odieux, Çocyt & Phlegeton ,
Le Chien tefiu, Profierpine y Pluton,
L'Horreur, la Peur, les Ombres, le Silence,
Et le Chaos quifaitfa demeurance
Deffous la terre en la profonde nuit,
Voifin d'Erebe où le Soleil ne luit.
Il acheuoit , quandvn effroy luyfirre
Toutïefiomac:vn tremblement de terre
Se creuaffantpar les champs fie fendit :
Vn long aboy des maftins s'entendit
Par le bocage, ê* Hyante eft venue'
Comme vn Sfj>rit affublé d'vne nue.
Voicy, difioit , la Deeffe venir :
le fens Hécate horrible me tenir ,
le tremble toute, y fa veruepuiffante
Tout le cerueau me refrappe y tourmente.
Plus ie m'efforce aienter fin ardeur,
Plus d'aiguillons elle me lance au cur
LA FRA^NCIADE.
. t ¤Jf
Me tranfiortont,ftbien que ie n'ay veiné
Ny nerffur moy,nypart qui nefoit pleine
De cet efprit eflranger qui reçoit
Le mienpour hofie , fy ma raifon déçoit.
Plus que deuant vne rage l'allume,
Elle apparut plusgrand' que de coufiume :
De tefie en pied le corps luy friffonnoit, '
Et rien d'humain fit langue ne fonnoit.
Lors enrouantfesyeux à demy-morte
Deuers Francusjuyditen tellefine.
Prince Troyen anobli de trouaux,
Quiflur la mer as flouf en mille maux,
Et qui en doispar longue & longueguerre
Souffrir encor déplus grandsflur la terre,
En Gaule iras, mais tu ne voudrois pas
Y efire allé: mille y mille trefipas,
Mille périls plus aigus que tempefie
Défia tous prefis te pendentfur la tefie.
Comme ton père en défendantfin fort
Sentit d'Aiax fy d'Achille l'effort,
L'vn germe d'homme3y l'autre de Deeffe :
Ainfi couuert d'vne eflrangere preffe,
Tu do'isvn iour fentir à ton malheur
Mille ennemis renommezdc valeur :
Si que le cours de la Gauloifi Seine
DufiangTroyen ondoy'ra toute pleine]
Et dansfies eaux l'vnflur l'autre tombez
Voirra cheuaux & boudoirs embourbeT.
Toy paruenu vers la fioide partie
Où la Hongrie efi iointe à la Scythie,
Tu baftiras prés le bord Ifirien,
Séjour des tiens, le mur Sicambrien ,
Que tes enflons par longfluccés de race
Tiendront après pour leur royale place.
Legrand Soleil qui voit tout defesyeux,
Voirra tesfils, les vns malicieux,
Les autres bons : la Nature noffemble
Toutes vertus en vne race enfiemble:
Mois en méfiant le bien auecq le mal
Tient la balance en contre-poids égal:
Tous neantmoins honorez de trophées
Auront de Mors les ornes efichoufées.
Par mainte guerre en maints lieux donteront
Huns, Gots, Alains, ($f au chefporteront
Mille lauriers en figne de viéloire
Que leurs voifins fieront place à leur gloire.
la deux milans aurontfini leur tour,
Quand ta Sicambre &les champs d'alentour^
Seront quitteTde ta race germaine
lii iiij
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\& LE IIII. L IVRE DE
Conduite en fort par vn grand Capitaine,
Qui par Morfiée en fiommeillant inftruit,
Verra, miracle! vn fantaume de nuit :
( De Dieu certains ça bas viennent lessoges,
Et Dieu n'eft pas ortiflan de menfenges.)
Ce grand fantaume aura trois chefs diuers,
L'vn de (fho'ùan auxyeux ordans (éf pers,
L'autre d'vn Aigle ,& l'autre la figure
D'vn grand Lion à la mafchoire dure:
Puis tous ces trois en vn s'affembleront,
Et ces trois Corps vn hommefembleront ,
Qui murmurant fi voudra faire entendre :
Mais Marcomir ne le pourra comprendre.
Lors amaffantfon peuple y le rangeant
Sous trois cens Ducspratique , ira chargeant i
Le corps des fiens défier y de cuiraces,
Et leurs regards de fieriez y d'audaces:
Mars en leurs caurs fiera fi bien entre,
Quils laifferont leurs maifions de bon gré,
Trenans congé des vieuxDieux de leur terre.
Loin deuant eux courra la trifie guerre !
Des laboureurs les champs abandonnez
Deffous leurs pieds trembleront eftonneT,
Et des ruiffeaux les courfes azurées
N eftancheront leurs gorges altérées ,
Treflque eftuiftz ittfquau profond des eaux+
Ou foit par eux , ou foit par leurs cheuaux,
Peuple inuincible en toutesfortes d'armes,
Vaillons piétons , cheualeureux gendarmes,
Fiers, courageux, au cnur gros y ardant,
Qui d'Orient iufiques à l'Occident
Victorieux efiandront leurs armées.
Les champs de Tyr, les terres Idumées
Les cognoiftront, ($f toyfleuue quifuis
Dedans la mer defigorgé parfebt huis:
Et d'Apollon la roche inacceffible
Cognoiflra d'eux la puiflance inuincible:
Voire tous Rois fe verront fiurmontc?,
Si les Gaulois ne font de leurs coftez-
Or à la fin de troupe plus ejhaiffe
Que n'eft la nege , ou la grefie que preffe
Le vent d'Hyuer, qui bond à bond fefluit,
Etflur le toiél des maifionsfait grand bruit:
Et plus efpais quefueilles d'vn bocage
Du Rhein venteux guigneront le riuage :
Puis fiurmontant par l'effort du harnois
Phryfions , Gueldrois , Zelandois , Holandois ,
Verront la Meufie , y par viue puijfance
De leurs voifins prendront obeyfiance,
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De toutes parts aimez y- redoutez
Comme guerriers aux arme^ indomtez»
Terreur des Rois y des fortes murailles."
Sous Marcomire auront longues batailles
A leurs voifins :ty de ce Duc ie veux
Comme en paffant te monfirer les neueux]
Et quelques Roisyffus de ta lignée,
Par qui la Gaule vn iourfiera gaignée ,
et qui tiendront (flang Troyen y Germain)
Le Sceptre entier laifféde main en main.
A-tant la Vierge vn petitfle repofie,
Et Francion luy demande autre chofe.
Vierge, l'honneur des Dames

LA FRAN
Vn effritvifqui le corpsfait mouuoir,
Et chaud y prompt par les membres a place :
Ainfi la grande vniue'rfelle mafle
Verrait mourirfis membres difcordans,
S'elle n auoit vn Sfirit au dedans
Jnflus par tout qui l'agite y remue,
Par qui fa courfe en vie efi maintenue,
Efirit actif méfié dans le grand Tout,
Qui n'a milieu,commencement,ny bout.
Des elemens , corruptible matière,
Et du grandDieu,dont l'effence efi entière,
Incorruptible, immortelle , fy quifiait
Viurepar luy tout ce Monde parfait,
Vient noflre genre,^f les poiflons qui nouent
Et les oifiaux qui parmy l'air fe ioiient ,
Les habitons des bocages rame? ,
Et les métaux fous la terre enfermeZ,
Voire du Ciel les diuerfes Puiffances,
Tous les Démons,$ les Intelligences
Vont de ces deux comme nous feformant,
De Dieu l'efirit , le corps de l'Elément.
De là nous vient la trifleffe & la crainte,
De là la ioye en nos c efi emprointe ,
V amour, la haine, y les ambitions :
De là fefont toutes nos paflions.
Or de nos corps la qualité diuerfe
Smpefiheynuitque nofireame n'exerce
Sa viueforce enclofe en la maifon
De terre, ainçois la bourbeufie prifon
Des mébres lourds,qui la chargent ypreffent,
Et vers le Ciel retourner ne la laiffent ,
Tant lefardeau terreflrefy ocieux
Ne luy permet de reuoler aux Çieux.
Elle d'enhaut noftre hofteffe venue
Eft par contrainte icy bas détenue,
Où n'employantfia première vigueur ,
Par habitude (iypar trait de longueur
Confient au corps,&faut qu'en défait d'elle
S'efiant infufe en la chair corporelle
Elle fefouille y honniffe aux peche^
Dont les humains ont les corps entachez-
Or quand la mort aux hommesfamilière
Diffipe au vent nofire douce lumière,
L'ame pourtant après lefroid trefpas
àLaiffantfion corpsfin taq ne laiffé pas
Nyfia fio'ùiUeure : elle emporte l'ordure
Empreinte en foy qui longuement luy dure :
Pource aux Enfers comme vnfonge léger
Elle deualleafln defe purger
C I A D E.
Et nettoyer Ta macule imprimée
cn
Qjfelle receut dans le corps enfermée.
En l'air , en l'eau ,par lefeu , dans le vent
Vont expiant, y purgeant, y louant
Les vieux délits de leursfautes commifles
A l'examen de Rhadamant 'fournifes.
En ces tourmens ordans y violons,
L'vne efl mille ans}($f l'autre deux mil ans]
L'autre trois mil, ($r ne font floulagées
Qu'elles nefloient parfaitement purgées,
Et que la tache adhérante ne foit
Nette auflouffrir du mal quelle reçoit.
Quand vn long tour deflecles & d'années
A pieds gliffans pas à pas retournées
Ont nettoyé la macule ,& ontfait
L'efirit diuin efire pur $fparfait,
¤t que le feu de tres-flmple nature
Ne tient plus rien de la terreflre ordure,
Tout auffi pur comme il efioit alors
Que pur (gyfimple il vint en noflre corps:
Adonc Mercure à la verge d'yuoire
Les affemblant aufleuue lesfait boire]
Fleuue quifait toute chofe oublier:
Car autrement nefi voudraient lier
A nouueaux corps,& ne voudraientplus efire
Tour /acquérir des maux par tant renaiflrel
Ainfi quaigneaux en troupes amaffeT
Par le baflon de Mercure pouffez,
Les âmes vontflur la riue guidées
'Boire lefleuue àfriandes ondées :
Puis à l infiant perdent tout fouuenir,
Apres l'eau bue ils flentent reuenir
Nouueaux defîrs de reuoir la lumière ,
Pour fle reioindre à leur maffe première]
A-tant fie teut: Francion toutfloudain
Prend vn couteau au manche fiait d'airain ,
Et d'vne truye infertile y brehaigne
Ouure la gorge : en tombant ellefiaigne
A gros bouillons , dont lefang renuerfé
Tiède, fuma dans le creux du floffé,
Priant Mercure ($f lesfiurs Eumenides,
Noms craints là bas, vouloirfleruir de guides
A ces Ecrits qui deuoient quelquefois
Venir aux corps des Monarques François.
Comme il difioit, entrefiufies fyfiâmes
Voicy venir de l'abyflme les âmes :
Vn tourbillon tournoyant fy flumeux,
Vnfeu de poix reflneux ^rgommeux
Allât deuant,qui de puante haleine
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6j8 LE IIIL
Infeéloit l'air, le taillis y la plaine
Auecgrand fon, comme vn tonnerre bruit
Qui rompt grondant l'e^effeur d'vne nuiél.
fe iour Hécate aux Enfers redoutée
Les reueflit d'vne forme empruntée,
D'vn corps fantafque, efblou'iffant lesyeux
Faits d'air eftais pour les cognoiftre mieux.
^Adonc Francus ayant tome frappée
De froide peur, au poingflaque l'effée
Les menaçant :puisfle tirant à pan,
Sur vn terreau qui pendoit à l'eflcart»
Pour mieux pouuoir leur viflage cognoiftre,
Sçauoir leurs noms , leurs forces y leur eftre ,
Les contemploit,y comme tout tranfi
Appelle Hyante $" luy demande ainfi.
Quel eft celuy de royale apparence
Qui d'vn grandpas tous les autres deuance,
Et d'oliuier fe couronne lefiontf
Elle luy dit: C'eft le bon Pharamond,
Qui ralentant la hardieffe y l'ire
Des vieux Germains nourrisfeusMarcomire,
Et le bouillon d'endoffer le harnois,
^Adouciraies armes par les lois,
Et la fierté Sicambroife y Scythique
Prendra fous luy l'ordonnance Salique,
Pour refroidir du chaud meftier de Mars
Le curfélon défis brauesfeudars.
Quel eft ce Prince appuyéd'vne hache
Qui toutflon éhefl ombrage d'vnpanaéhe,
Aufrontfeuere,auxyeux gros, & ardans,
A longue barbe,a longs cheueuxpendons;
Qui rien qu'horreur nemonflre enflon viflage ?
QeftClodion,qui l'ocieux courage
Des peuples fiens refiéhaufera d'ardeur,
Les empliffant de forcey de vigueur,
Donnant courage à leurs maftes poitrines
Pour furmonter les prouinces voifines.
Luy tout bouillant du fieu deguerroyer,
Enfant de Mars, doit vn iourfoudroyer
L'orgueilRomain .-puis d'vne vertu viue
Du Rhin Gaulois outrepaffer la riue,
St la floreft Charbonnière percer.
[ Doit
Aflone moin doit vniour renuerfcr
Les Turingeois, y la muraille ancienne
De Mons, Cambray,fy de Valencienne,
Et deTournay,y doit rougir les bors
De Somme chaude au carnage des morts :
bien auant en Gaule faire entrée :
Nulle puijfance en armes rencontrée
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LIVRE DE
Luy nyfion camp flupporter ne pourra:
Comme vne foudre enBourgongne courra,
Vaincra TholoT^e fy les * Gots d'Aquitaine
Comme fiapins efiendrafur la plaine :
* Les Gots qui auoient conquis l'Aquitaine.
Puis en donnant exemple àfes neueux
De liberté,portera longs cheueux,
S'éjoiiiffantpour remarque immortelle
QueCheuelu toute Gaule l'appelle.
Quel efi celuy qui marche le premier
lApres ces deux , au viflage guerrier ,
Qui tient la flace aux aftres éleuéef
C'eft le vaillant y iufte Merouée,
Afbre ennemy des Huns , qui defleendront
Plus dru que grefie, y par forceprendront
Pillant, brufiant, àfiâmes enfumées
( Mars toutfiançant conduira leurs armées)
Tréues, Colongne,& milleflons chofteaux
Que le grand Rhin abreuue de fies eaux,
Et ru'ront Mets à l'égal de la terre ;
Cruelle engeance, indontable à la guerre.
La mer ne iette aux bords tant de fablons]
Que de Germains hideux en cheueux blonds
Samafferont trope venantfur trope,
Pour mettre àfiac l'Occidentale Europe
Sous \Alttila cruel Prince inhumain,
Extrêmefléau de l'Empire Romain.
Contre vn telpeuple efioinçonnéde rage]
Tout aéharné de meurdre y de carnage,
Craint commefoudre à trois poinéles tortu]
Ce Merouée oppoflantfa vertu,
Auprès (halons doit atterrer l'audace
De ces félons menu deffus la place.
L'vn deffus l'autre adentez^tomberont,
Les vieux corbeaux leurs corps en-tomberont,
Et des maftins les gorges affamées
Qui vontflairant le meurdre des armées.
Luy le premierfluiui de fes Troyens,
Regaignera les bords Tarifiens,
Sens, Orléans, y la cofle de Loire.
Puis de ton nom, Francus,ayant mémoire,
Le nom de Gaule en France changera :
Tonflang trahipar armes vangera ,
Et nul des tiens chargé de tant deproye
Ne doit poufferfi haut le nomdeTroye,
Vaillant Monarque,inuincible,inuaincu ,
Victorieux : autour defin efleu
( Frayeur, horreur des guerres efehaufées )
Naifiront lauriers,y palmesy trophéest.

LA FRA
Et te premier fera voir aux François
Que vaut l'honneur acquis par le harnais,
» Puis il mourra : car toute chofe née
» Efi en naiffant à la mort defiinée.
De flon grand nom les vieux Sicambrîens
Seront longtemps nomme? Merouéens,
Et fis vertus auront tant de louanges,
Qu'aimé des fiensredouté des efiranges,
^Apresjà mort, d'inuiolable loy
Nul tant foit preux n'aura l'honneur de Roy
Portant au éhef la couronne éleuée,
S'il n'eftyffu de la gent Merouée.
L'autre qui vient baiffant vnpeu lesyeux
Enflemble trifte fy enfemble ioyeux
Eft-il des miens? dy-le moy ie te prie.
C'eft Childeric Roy de mauuoife vie,
Ord de luxure, inflet de volupté,
Au ceur paillard des vicesflurmonté,
Prince prodigue , exécrable en deffenfles,
Qui pour fournir àfis folles bombances
Dedansfia gorge engloutira les os
De fes flujets , doublera les impos,
Tailles , tributs, y de florde injure
Faite aux François nourrira fla luxure:
Il rouira des pucelles lafleur,
( Honte aux parens, des pères la douleur ! )
Etfera plein de telle nonchalance,
Que déniant aux peuples oudiance,
Perdra en vain * les filles du Soleil,
Sans voir iamais ny Palais ny confeil.
* Les Heures.
Pource la France à lenui coniurée
Contrefit vie ainfi démefiurée,
Le choffera defin throfine royal:
Fuira banni vers fon ami loyal
Roy d'Auftrafle, oùfluiuantfin vfage,
Sans reuerer le fainct droit d'hoftelage
Et Iupiter proteéleur d'amitié,
Opiniaftre en toute mauuaiftiê,
( Dieux deftoumez *vn aéle tant infâme
Du ciur des Rois ! ) luy honnirafa femme
Pour le loyer de l'auoir bien receu.
» L'homme courtois aifiément efi deceu !
Il doit après par entreprifies hautes
Se corriger, y amenderflesfautes
Pour effacer defes péchez le nom :
Braueau combat , ne taflehera finon
Que la vertu par les armesfiuiuie
Perde le bruit déjà première vie.
N C I A D £, 6&
Son bras armfMiRhin fle fàipra .
Lesfiers Saxons en bataille occira-,
Il tu'ra Paul de nation Romaine,
Et d'Orléans tirant iufquau domaine
Du riéhe %^4.njou, hasardeux aux dangers>
Sefera Roy victorieux d'^Angers,
Et des Romains les armes eftoufées
AuDieu de Loire appendra pour trofées*
Vo'ts-tu Clouisgrandhonneur des Troyens?
Qui le premier abhorrant les Payens
Et des Gentils les menteufes eflcoles,
Pourfluiure Christ laifferafès idoles,
Donnant Baptefme aux François déuoyeT f
Et lors du (fiel luy feront enuoyez
Vn Oriflame, eftendart pour la crainte
De fies haineux, (^fïAmpoulle treffainte,
Huile facré, Onélion de tes Rois.
Ses eflendars deshonorez de trois
Crapaux , prendront pour marques honorées
En champ d'azur des Fleurs de Lis dorées,
Prefent du (fiel: D i E v qui le choifira,
De cur,de force, fy d'honneur l'emplira]
Luy conduiflant vne gaillarde armée
( Sans voir que peut la fortune emplumée )
Outre le Rhin contre les AHemans,
Peuples hardis, aux guerres vehemens,
Sera prefié d'vnefl grandefluitc,
Que tout honteux depenfirà la fuite
en fon péril aura recours à DiEV:
Lorsfleflançantfurieux au milieu
Du camp haineux , defa Françoife efiée
Rendra de fiang la campagne trempée,
Tu'ra leur Roy, y des peuples donteT
Tributs chaque an luy feront apportez-
Lors enrichi des deffouilles conquifies,
kAu nom ^Christ baftira des Eglifis:
Puisfi chargeant ( comme Prince inuaincu)
Lefiont de palme, y le bras de l'efeu,
Ira de Vienne aborder le riuage.
Vn cerf chaffe monftrera le paffage
Au camp François, grand miracle diuin!
Près de Poitiers fera trembler le Qlm
Deffous fies pieds , aheurtant defurie
Alaric Roy des peuples de Gothie.
Déjà le vent branle les eflendars,
Pied contre piedfie fichent lesfioldars
Ioyeux de fiang: tout le cur leur bouillonne,
Vne poujjiere en rond les enuironne,
Et fans relafihe au milieu des trauaux
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

Sont renuerfe\éheualiers y cheuaux.
Le Roy Clouis ardant à la conquefle,
Perçant fan camp oppofiera fa tefie
Contre Alaric: là d'vn caur hasardeux
Ces puiffans Rois s'affronteront tous deux
Comme lions,ou plufioft comme foudres.
Sous leurs cheuaux deux tourbillons depoudres
Noirciront l'air, &fins auoir repos
Ici Clouis, ici le Roy des Gots
Touffez, tournez de fortune diuerfè,
Seront portez-toTts~'deux à la renuerfe :
Le mol flablon imprimera leurs corps;
Haleine prifi , ($>f releuc^Jplusforts ,
Se marteUant efiandrontfur la place
Gréues, cuiffots,morions,y cuirace,
Suons tous deux de colère y de coups :
Mais Clouis plein d'vn généreux courrous,
Fera du Goth viélime à Proferpine,
D'vne grand' playe enfondrantfit poitrine :
Ainfi Clouis Alaric occira :
L'ame Gothique aux Enfersflen- ira :
Son corps tombé bruira fur la pouffiere
Comme vn Bélier, qui fur vne riuiere
Congne des poux, le fondement d'vn pont :
Le fleuue en bruit, tout le Ciel luy refiond.
De ce grandRoy l'acquifi renommée
Serafi large y flou loing femée,
Que Je* enflons neferont maintenus
Sn leur grandeur, que pour eftre venus
D'vn père tel , lequel durant fa vie
Ne vaincra pas tant feulement l'enuie
Des Rois vaffaux àfenglaiue pointu,
Mais fi fameufe eftendra fia vertu,
Quenfieueli deffous la terre fombre
Fera trembler les ^Princes de fon ombre :
Et plus pourront en la tombç enfermez
Ses os , qu'vn camp de grands Princes armez-
Voy Childebert y (lotaireflon frère,
Qui tous ardans d'vne iufte colère,
Que Çondebaud,commeTrince cruel,
Aye meurdry leur oncle maternel,
Deffus finfils Sigifimond delïourgongne
De telle mort vengeront la vergongne.
Les Rois vnis, y leurs camps compagnons
Feront laguerre enflemble aux Bourguignons,
Les accablons d'vne férue mifere,
Gratifions aux larmes de leur mère,
Quifloufiiroit de ne voir point vengé
Le corps Royal deflon père outragé.
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IVRE DE
Ce Childebert & Clotaire grands Princes]
Tour augmenter les bords de leurs prouinces,
Rompant après la nature y la loy,
» ( Entre les Rois iamais ne vit la foy,
» fantledefirde régner leur commande)
Frères germains ,fiuiuis'd'vne grand' bande J
D'hommes arme\, partiauxy mefchans,
Voudront,helas! de leurs glaiues trenéhans
S'entre-tuer, y rougir les batailles
Du fang tiré de leurs propres entrailles :
Maisflur le poinél qu'ils voudront s'affaillir,
Voicy du iour la lumièrefaillir :
Neiges, y vents, y tourbillons, ygrefle
Du Ciel creué tomberont pefle-mefle
Entre-flemez de foudres $y d'efclairs :
Hommes, éheuaux,morions $r boudoirs
Seront frappez d'vn orageux tonnerre.
Vn tel miracle appaifera la guerre
De ces germains : le bon Dieu l'a permis :
Puis de haineux deuenus bons amis,
Frères deflangyde cur fans rancune
Ramafferont leurs puiffonces en vne,
Fiers aux combats,inuaincus cheualiers ;
Puis en pouffant milliers deffus milliers
D'hommes armez>par hautes Deflinécs
Iront gaigner les cymes Pyrénées,
Trinces hardis, meflfrifleurs de trauaux:
Les monts d'Sfiagne au bruit de leurs cheuaux
Retentiront,&le cours des riuieres
Sera huméde leurs troupes guerrières.
Lors Alaric Roy des Gots,qui tiendra
Sous luy l'Ejbagne, ardant les affaudra
( NouueaufuTil de ^ancienne noife)
Mais pour néant : caria vertu Françoifi
Se bandant toute &,de veines ($f d'os,
Fera broncher fur la poudre les Gots.
Leur Roy voyant fa puijfance coupée
Dufer Gaulois , fçaura que vaut l'efiée
De Childebert, qui luy perçant la peau,
Coftesycur,ira iufquau pommeau
D'vne grand' playe en la poitrine ouuerte:
Auec lefangfuira l'ame deferte
Du corps Gothic , qui grinçant maudira
Dequoy fltoflflon printempsfien-ira.
Eux anoblis d'vne gloire éternelle,
Viendront reuoir leur terre paternelle :
Puis fins enflons, des vieillards le confort,
Comme tous Roisfieront pris de la mort.
L'autre d'après qui tout mornefefaféhe]
Qui

DE LA FRA
Qui tientfi gorge,y qui marchant remaféhe
Mainte menace ($r reue tout à foy,
Cefi Childeric indigne d'efire Roy,
Mange-fujet , tout rouillé d'auarice,
Cruel tyran , fleruiteur de tout vice,
Lequel d'impoflsfin peuple defiruira :
Ses citoyens en exil bannira,
Affamé d'or , y par armes contraires
Voudra rouir la terre de fes frères,
N'aimant perfonne, y deperfonne aimé:
Qui de putains vnferrail diffamé
Fera mener en quelque part qu'il aille,
Soit temps de paix oufoit temps de bataille:
En volupté confiommera le iour,
Et nauraDieu que le ventre & l'amour.
TelTrincefiemble aupourceau qui feveautre
En vn bourbier : vn plaifir tire ï autre.
Déjà le Ciel par flgnes le prefihoit
Que d'vn tel Roy la vie lefafihoit.
Les eflcoliers n'auront les bénéfices,
Les gens de bien ny honneurs ny offices,
Tout feferaparflateurs eshontez,
Et les vertus feront les volupté**.
Jamats les vents la terre ne creuerent
En plus de lieux : iamais ne s'efleuerent
Plus longs Cheueux de comètes aux deux,
De fon malheur monfires prefagicux.
Et toutesfois pour ces menaces hautes
Ce meflChant Roy n amendera fies fautes :
Mais toutfuperbe, en vices endurci,
Contre le Ciel éleuant lefiourci,
(O cfur brûlé d'infâme paillardife ! )
Efioufera contreflafoy promifi,
(en honniffant le fainél liél nuptial)
Sa propre efioufe, efyoux tres-defloyal.
Ny liétjiyfoy,ny la nuiél amoureufe
Ne défendront Galflonde malheureufe,
Qu'en luy preffant le gofier defia main
Ne la fiuffoque, homicide inhumain!
ACle d'vn Scythe &non d'vn Roy de France,
Lequeldeuoit s'oppofir en deflence
Pour la fauuer, & luy-mefinesf offrir
Pluflofi cent fois à la mort , queflouffrir
De voir flo femme oucaptiue ou touchée:
Et toutefois auprès de luy couchée,
lointe àfin flanc, le baifant enfin liél,
Seure enfis brasj'efiranglera de nuiél.
Cruel tyran! à qui deffus la tefie
L'ire de Dieu pend déjà toute prefte:
NC I A DE. ¤¤l
Son proprefangfin crime louera,
Et fa putain fa femme vengera :
Ah ! apprenant aux defiens de fa vie
» Que l'homme eftfol qui aux putainsfe fie]
Or elle ayant affotéfon mari,
Tour mieux io'ùir defon ribaudLandfi
Qui du Royaume auoit toute la Charge,
Folle d'amour, à deux meurdriers encharge
A flon retour delà Chaffe bien tard
De luy percer la gorge d'vn poignard.
Ainfi mourra par les mains de fa femme
Ce Childeric desPrinces le diffame.
Ellefans peur nydeDiEVny deLois,
Toute effrontée ayant encor les dois
Rouges du fang de fon mari,pour taire
Par vn beaufait le meurdre ($r l'adultère]
Ira guerrière au milieu des combas,
Tiendrafin fils de trois mois en fes bras,
Traifire pitié! pendant àfa mammelle,
Dontfon paillard aura pris la tutelle.
Puis cefie Royne abominable, ainçois
Ceftefurie exécrable aux François,
De qui la teftf attendoit le fupplice, S
Comme fi D'i EVfauorifoit le vice,
Viurdfept ans en pompes fy honneur
AuecLandri des François gouuerneur:
et qui pis efi, morte on lafera Sainte ; '-
» Ainfitout vapar fraudes yparfainte]
L'autre quifuit efi (lotairefon fils,
Parquiferont les Saxons defionfis,
Nefoujfrant viure en leur terre occupée
Mafle debout plus grand que flon efiée,
Sage guerrier, vïélorieux effort,
Qui pour l'honneur mef^rifera la mort.
De Brunehaut,Princeffe miferable,
Doit chafiier la malice exécrable,
ïambes y bras à deux cheuaux tirez -'
Ses vieux cheueux des ronces deflehire?
Seront effars, comme flocons de laine
Que la brebis alaifléfur la plaine
Par les chardons ou poignans hameçons,
Et deflon flang rougiront les buiffons.
» Rien fi malin qn vne femme peut naiflreA
» Ny rienfibon,quand bonne elle veut efire,
(Je gentilPrince, entrefies nobles faits,
Voyantfes gens en bataille desfaits,
Et Dagobertfin fils iufqu à la taye,
Couure-cerueau , attaint d'vne grand' playe
Perdre le fiang en longue pafmoifo)
Kkk on.
» Ny rienfibon,quand bonne elle veut efire,
(Je gentilPrince, entrefies nobles faits,
Voyantfes gens en bataille desfaits,
Et Dagobertfin fils iufqu à la taye,
Couure-cerueau , attaint d'vne grand' playe
Perdre le fiang en longue pafmoifo)
Kkk on.
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at le nu.
Reueftirafin chauue poil grifon
D'vn morion , armes de la ieuneffie,
Et tout fan corps refroidi de vieilleffe
Réchaufiera d'vn c,ur ieune y gaillard:
Puis en broffant les flancs de fon Boyard,
Chaud de colère y de vengeance fiere,
Paffant à nou le fil d'vne riuiere,
Ira trouuer le Roy fur l'autre bord
Qui fle moquoit de fon fils demi- mort.
Alors ces Rois d'vn valeureux courage
Front contre frontfur le premier riuage
S'acharneront comme loups au combat.
Le bon Clotaireolarenuerfle abat
Son ennemi , fy fia tefte coupée
Embroéhe droit au bout defon effée,
Auec gam cru repaffant vers les fiens :
Aéle Gaulois y digne desTroyens,
Defiecle. en fiecle à iamais mémorable,
Tant vaut vn père à fon fils pitoyable !
L'autre qui vient en magnifique arroy,
Qui de maintien reprefente vn grand Roy,
Eft-il des miens f dy-lemoy ie te prie.
C'eft Dagobert.fleur de cheualerie:
En fa ieuneffie aura le c hautain,
Reuefehe en mrurs,coupera défia main
(ACle impiteux} la barbe de fon Maiftre:
Puispar le. temps venant,fon âge à croiftre,
De Princefier deuiendra gracieux,
Tant feulement en deux po'méls vicieux,
L'vn de nourrir par trop de concubines,
Vautre de faire exceJJîues rapines
Sur mainte Eglife, afin d'enrichirvn
Mouftier à part du reuenu commun :
Au refte grand , qui fiera fions contrainte
L'amour des fiens, de fis voifins la crainte
Qui les Lombars par guerre deftruira:
Qui les Gafions rudement punira,
Et qui rendra la nation feruile
Des Poiteuinssy qui Poitiers leur vêle
Saccagera par glaiues y parfeux,
Et la fera labourerpardes b
Semant dufilou furent fis.murailles : -
Qui deftruira les Hongresipar batailles,
TrenChmt -au fer tant dépeuples armez '
Des os des morts les champsfieront fimez,
Et les Cheuaux nageront iufquau ventre,
Souillez defang: la riuiere qui entre
(Dedans lamer,àpeineparfis bords ..
fourra cmltr,tant die aura de morts.
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LIVRE DE
Luy tout enfléde gloire militaire,
Rendra fous luy Bretagne tributaire,
Et leur Royaume en Duché changera . . ,
* Tout au contraire , amy, defichargera ]
( Aux vns hautain, aux autres débonnaire)
Les fiers Saxons furmonte^par fon père,
De trois censb qu'ils deuoient tous les ans:
Puis défiant defies membres peflans
L'ame légère, après mainte viétoire
Rendra fin nom d'éternelle mémoire.
L'autre quifuit d'honneur enuironné,
Qui a le front de palme couronné,
Quija les Turcs menace de laguerre.
Sera (louis, lequel ira conquerre
Hierufialem,yles Sceptres voifins
D'Egypte iointe aux peuples Sarrasins:
Puis retourné viClorieux en France,
De fies enflons punira l'arrogance;
Qui parflateurs , par ieunes gens deceuS,
Vers celle ingrats qui les auoit conceus,
De tout honneur dégraderont leur mère,
Et donnerontda bataille à leur père.
Leur mère adonc, ah ! mère fans merci,
Fera bouillir leurs iambes ,& ainfi
Tous mehaigne? les doit ietter en Seine :
Sansguide iront où lefleuue les meine
A l'abandon des vagues & des vens :
Grauefupplice ! afin que les enflons
Tar tel exemple apprennent à nefaire
Chofie qui puiffe à leurr parens defelaire.
Bien que ce Royfoit magnanime &fart,
, Soit aumofinier, des pauures le fupport,
Tounant fon ame,aux vices inclinée,
De trop devin fe verra dominée.
L'amour, la gueule $f les plaifirs quifont
Rougir de honte vn Prince, leferont
Efclaue Roy de vilaine luxure,
Trompant fon nom , foy-mefime y la nature*
Vois-tu ceux-cy qui abaiffent lesyeux, *
Honteux de voir la lumière des deux,
Qui ne deuroient au Monde iamais naiflre,
Ny moins auoir Heélor pour leur anceftret
(lotaire eft tvn , y tautre Childeri,
Theodoric l'autre en délices nourri,
Trois fainéants , greffes maffes de terre,
Ny bons en paix, ny Ions 'en temps de guerre}
La maudiflon du peuple defiité.
L'vn pourfouiller flon corps d'oifiueté,
Pour n'aller point au confia, ny pour faire.
l

Chofe quifoît au Prince neceffaïre,
Pour ne donner audience à chacun,
Pour n auoirfoin defoy nydu commun,
Pour ne voir point ny Palais ny Iuftice,
Mais pour rouiller fa vie entre le vice,
Traifire à fion peuple y àfioy defloyal,
Sans plus monter en fon Throne royal,
Ains le fraudant defon naturel guidet
A Ebrouin en lafichera:la bride,
Et lefera,foit en guerre ou en paix,
Chef du (onfeil&Maire du Palais.
Cet Ebrouin aurafein des batailles,
De la finance ($f d'augmenter les tailles,
Et dereffondre à tous Ambaffadeurs :
Etfion efiotaura tant de grondeurs,
Comme chargé d'vne peine honorable,
Qujl deuiendrofi craint & redoutable
( En cependant que les Rois amufiz
*_A bouffonne-r, desfemmes abufez ,
Sans nul confeil, trahu de leurplaifance,
Sont Rois de nom , Ebrouin de puijfance)
Qujen peu de iours ces Maires approuuez
De tout le peuple , aux honneurs éleueTj
Tuiffans defaits,de parole ($r d'audace,
Des premiers Rois aboliront la race,
Etfi feront , d'autoritépourueus,
Eux-mefimes RoisJeurs filsy leurs neueus.
PourcefTroyen, ne commets tellefaute,
« N'éleuepoint en dignitétrop haute
» Quelque vaffahton dommage en dépend.
» Quand vn Royfaut,trop tardil s'en repent.
L'autrefécond, de luxure tout polie,
Terdra longtemps fit dignitéroyale,
Etfeins égard aflon flang défendu
De tant de Rois, fera moine tondu
Et renfermé dedans vn Monaflere.
Le tiers qui vient penflf èrfolitaire,
Defesfuiets comme pefie hay,
A contre-cur des Seigneurs obey,
Chaud de colère , à régner mal-habile,
Fera fouetter le Cheualier'Bodille
Sn lieu public lié contre vn poflcau,
Tout defiéhiréde veinesfy de peau.
Bodille plein d'vn valeureux courage,
Toufiours penfif en fi vilain outrage,
Ne remafChant que vengeance enfin c
Lairra couler quelque temps en longueur:
Puis fans refiecl de Sceptre ou de (ouronne
JfTantUdefhit furieux tefhoinçonne)
^^^ ^ ' " - - ^ J ^fL. V
LA FRA NCIADE.
1 out allume de honte y de furent,
¤fy
Fera payera ce Roy flon erreur
Parflonflangpropre^n rougiffant fa dextre j
Dedans le cur defion Princey fon Maiflre,
Et d'vn telfielfia vengeance emplira,
Que le Roy mort, la Royne il occira
Etfon enfant enclos enfles entrailles.
» Ilfaut qu'vn Royfeit cruelaux batailles,
» Mais doux aux fiens :ilfaut que lafierté
» Soit aux lions, aux "Princes la bonté,
» Comme mieux- neT^, y quiontla nature
» Plusprés de D i E v que toute créature.
Ce Roy doit efire abufiépar flateurs^ \
Pefie des Rois, courtifans y menteurs,
Qui des plus Grands offegeant les am'tilles, '
Font les dificrets & leur content merueilles :
Pource, Francus,file Ciel tefaitRoy,
Sage entretiens des vieillars près de toy3
Qui te diront leurs raifensflansfeinnfe,
En longs cheueux,en longue barbe grife.
Ne vueilles point pour (onfeillers ckoifir
Ces ieunes fols qui parlent à plaifir :
Le plusfouuent les Princes s abefliffent
De deux ou trois que mignons ils choififfent]
Vrais ignorons quifont lesfluflïflans, '
Qui nefleroient entre les artizans
Dignes d'honneur,groffes lamesferrées
Du peupleflmple à grand tort honorées]
Qui viuent gras des edks, ($f des maux
Que les Rois font à leurs pauures vaffaux :
Tant lafaueur qui lesfautes efface,
Fait que lefit pour habile homme paffe !
Quellefureur qu'vn Roypère commun
Doiue chaffer tous les autres pourvn,
Ou deux, ou trois f & bleffer par audace
Vn mafle c iffu de noble race,
Sans regarderfi leflateur dit vray f
Ce Childeric doitcognoifireàl'effay
Le mal qui vient de croire ofiaterie,
Perdant d'vn coupflemme, enflant & la vie.
Voy, Francion, ces autres Rois captifs
De vin, d'amour, des vices les outils,
Qui abeflis en vn monceaufe preffent,
Et le regard contre la terre baiffent.
Vne grand' nue efj>arfeflur leur firont
Les obfiurcit : regarde comme ils vont
Efféminé? , y d'vne alleure lente
Monfirent au firont vne orne nonchalante.
Ah malheureux ! ilsferont fils des tiens,
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4
04
perme maulit,Troyennes,non Troyens:
Qui tant s'enfaut qu'ilsfioient en Frace dignes
D'auoir au chef les couronnes infignes,
Quils ne font pas,peftes du genre humain,
T>imesd'auoir l'aizuillon en la main,
o . r r .r
Roisfans honeur,jans c,ur, fans entreprije,
Dont la vertu fiera la paillardife.
Leur beau Royaume acquis par le harnois
De tant d'oyeux tres-inuincibles Rois,
Par la fiueur de tant de Capitaines,
Parflang, parfer ,par difcours & par peines,
Tout en vn iour par lafihete de cur
Perdra puijfance, accroiffance y vigueur .
LE IIII. LtVRE DE
» Que tout Royaume augmete en accroiffance
» Par la vertu, (êf non par la puijfance :
» £rfl«eDlEV feul qui toute chofle peut,
» Perdy maintient les Sceptres corne ilveut:
» Pour lesgarder ïhomme en vainfle trauaille,
(or c'eftluyfiul quiles ofte y les baille.
Qui font ces deux qui vont marchant àpartf
O lui ui de de de de la la la la troupe troupe troupe troupe efiongnez à l'efiart
Dificourentfieuls degranspropos enfiemble .
A voir leurport l'vn (fff loutre me fiemble
Sage guerrier, y nul ne s'efi monftré
De tant ^honneur ny de gloireillufiré.
? Celuy, Troyen, quifait bruirefis armes,
Grand (apitaine & pufteur degenfidarmes,
Ne vois-tu pas comme Clouis enpleure f _ _ . _ .
» Tay-toy,grond Roy, rien çà-bas ne demeure Qùj* l* m*m fir vne lance met,
» En fon entier : tant plus le Sceptre eft haut, Qû d'vn panache ombrage fon armet,
,
» Et plus il tombe à terre d'vn grandfaut. lAufier maintien , au fiuperbe courage
Ces Rois hideux en longue barbe efieffé,
Sn longs cheueux ornez preffeflurprefle
Qui rien que Mars ne monftre enfin viflage,
Sera Mortel gpuuerneur des François,
De éhaiflnes d'or y de carquans grauez*
Hauts dans vn char en triomphe éleuez,
Vne flots l'an fle flerontvoir en pompe
Non Roy de nom, mais le maiflre des Rois.
Iufquesau Cielfera monter l'Empire
Du nom Gaulois, y nul deuantfon ire
EnfleZd'vn fard qui le vulgaire trompe, Nopppfera ny lance ny eflcu,
Quittant leur Sceptre aux Maires du Palais,
Dont ilsfleront eflclaues y valets,
Qu'il nefoit pris, oufuitif, ou vaincu.
Voy quels lauriers,marques de fltconquefte]
Maflques de Rois, idoles animées,
Et non pafteurs ny Princes des armées,
Vontplisflur plis enuironnantfla tefie !
Voyfin maintien combienil efi gaillard,
Qui fle verront, honnis de voluptez,
De leurs vaffaux à la fin furmonteT -
Et de quelsyeux il enfonce vn regard !
Jl occira par bataille cruelle
Appren,Troyen,comme vn lafiche courage Desforts Saxons la nation rebelle:
Perd en vn iour fon Sceptre ^ffion lignage.
» Il nefaut eftre aux affaires rétif:
Ceux de'Bauiere à mort deflonfira :
Les AUemans tributairesfera
» La Royauté eft vn meftier aélif.
Iufquau Danube, & la terre Friponne
Voy Chilperic le dernier de la race Rendra flujette àfla riche Couronne.
Moyne razfl pour fia lubricité,
Prendra d'affaut,inuaincu Cheualier,
Niflmes, Marfieille,^4rlesy Montpellier,
Vn fainéant moifl d'eifiueté,
Qui ja, cefiemble, aux plaiflrsf abandonne.
(eftuyperdra le Sceptre y la Couronne
Du grand Clouis, & fin Maire Pépin
Bezjers, Narbonne, ($r toute la Prouence
Feraferuile à fon obeïjjance :
Prendra Bordeaux y Blaye,y tous lesforts
Que la Gironde arroufe defles bords.
S'en fera Roy par ne fçay quelDeftin,
Voicy comme 2ude Empereur d'Aquitaine
En transférant l'ancien Diadeflme
Les Sarra^ns,peuple innombrable ,ameine
De U maiflon deflon Maiflre àfloy-meflme. Contre Martel, à la guerre conduits
Bien qu àgrad'peine ait quatre pieds de corps, Par Abdirame antique fang des Iuifs,
i De Pharamond, comme il baiflfle laface,
Bas de ftature, & de membres peu forts, Qui d'Abraham y de Sarrafiafemme
Il aura l'ame aCliue y vigoureufie, Se vantera : ce cruel Abdirame,
Et deeonfiil^r de prudence heureufi: (ruel déport, demouftaéhe, &de cur,
Ildontera la force des plus Grans;
Pource,Francus,partelexempleapprens
Despuiflans Dieux & des hommes mocqueur.
Tout acharné de meurdre y defurie,
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LA PRA
enflé.d'orgueil, enflé devanterie,
Doit amaffer lesflens de toutes pars,
Femmes, enflons, vieux (Sf ieunes floudarS}
Valets, bouuiers, marchons, afin que l'onde
D'vn fi grand ofl effroye tout le Monde.
Ces Sarrazjns ou trauail obftine?,
Outre-paffons les cloiftres Pyrene^,
Et file à file efiuifians toute Efiogne,
Se planteront au pied de la campagne
Auec grands cris , tels que les grues font
Quand queue à queue en ordre s'en revont,
Hautes aux vents, ($f déhachant les nues
Vont reloger en leurs terres cognues
Fuyant l'Hyuer : vn cry trenchant y haut
Sefait en l'air, tout le Ciel en treffout.
La mer ne pouffe aux riues tant d'areines,
De tant de fleux les voûtes ne font pleines
Au Ciel la nuiél, que de peuples preflfiz
Deffous ce Roy fle verront amaffez-
Ils tariront le coulant des fontaines :
Deffous leurspiedsfieront trembler lesplaines,
Grands comme pins en hauteur eleuez :
Prendront Bordeaux ô* les peuples laueZ
De la Gironde, & d'ardeur violante
Viendront puifer les eaux de laCharonte,
Ne pardonnons à Temples ny Moutiers:
D'auares mainsfiaccageront Poiéliers,
RaZans chafléaux y villes enfermées,
Etprés de Tours camperont leurs armées.
Là l'inuincible Jndontable Martel
Ne feflonnant de voir vn nombre tel,
Mais d'autant plus ayant l'ame eflchauflée
Qu'il verra grand le gain defin trofiée,
Chaud de louange, au péril haTardeux
Jra planter fion camp au deuant d'eux
Les menaçant : la Deeffe BeUonne
Courra deuant, y Mars,qui aiguillonne
Le c des Rois, pourfiauuer demefChef
Ce vaillant Duc,luy pendra fur le chef
Ce iour Martel aura tant décourage.
O
Quapparoiffant en hauteur d'auantage
Que de couflume, on le dira vefiu
D'vn corps diuin renforcé de vertu.
Le Sacref ait, ÎW o s t i e eftant rompue
Et départie à la troupe repue
Du vray fiainél Pain, chacun armé de
Diev
S'arme defier, y s'arrange en fion lieu.
Luy tout horrible en armesflamboyantes,
N Cl A DE. SSj
Méfiant le fifre aux trompettes bruyantes,
St de tambours rompant le Cielvoifin,
Sueillera le peuple SarraTin,
Qui l'air d'autour emplira de hurlées.
Ainfi qu'on voit les torrens aux volées
Du haut des monts deficendre d'vn grad bruit,
En efiumant la rouine fe fuit
A gros bouillons , y maifirifant la plaine^
Gafte des beufs y des bouuiers la peine :
Ainfi courra de lafureurguidé
Auec grand bruit ce peuple defiridé.
Or comme on voit alors qu vne tempefte
D'vn grand rocher vient arracher la tefie,
Puis la pouffant y luy preffant le pas
La fiait rouler du haut iufques à bas :
Tour deffus tour, bond défias bond fe roule
Cegros morceau qui rompt, fracaffc y foule
Les bois tronquez, & d'vn bruit violant
Sans refiftance à val fie va boulant.
Mais quandfa cheute en tournant efi roulée
Iufquau profond de la creufie volée,
S'arrefte coy : bondiffant il ne peut
Courir plus outre, & d'autant plus qu'ilveut
Rompre le bord, fy plus ilfie c ourrouffe,
'Tins le rempart le chaffe y le repouffe :
Ainfi leur camp en bandes diuisé .»
Ayant trouué le peuple baptisé,
( Bien qu'acharné de meurdre y de tu rie )
Sera contraint d'arrefier fia fiurie.
Chacun de rang en flon ordre fe met,
Le pied le pied , l'armet touche l'armet,
La main la main, y la lance la lance,
Contre vn cheual l'autre cheual s'eflance,
Et le piéton l'autre piéton affaut.
Icy l'adreffe , icy la force vaut,
Sort (èf vertu pefie-mefie s'affimblent:
Deffous les coups les armeuresqui tremblent,
Font vn grand fon : Viéloire qui pendoit
Douteufi au Ciel, les combats regardoit.
Au mois d'Efté quand la pauurefamille
Du laboureur tient en main la faucille,
Et fi courbant abat de fon fiigneur
Les efj>ics meurs, des compagnes l'honneur:
Tant de moiffon, tant de blonde iauelle
L'vne fur l'autre efiais ne s'amoncelle
De tous coflez efj>arfe fur les champs,
Que dc corps morts par les glaiues tranchons
Seront meurdris de la gent SarraZine.
En moins d'vn iour hofies de Trojerpine
Kkl ru
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\tte~ ' LE IIII. LIVRE "D
Iront là bas trois cens mille tuez»
L'vn deffus l'autre -en carnage ruelr\
Mille ans après jes Tourangelles plaines
Seront encor de carcaffesfi pleines,
D'oz j de harnois, de vuides marions,
Que les bouuiers en traçant leurs filions
N'orrontfonner flous la terreferuë
Que de grands oz hurteZ de la Charrue.
Telau wmbot fera ce grand Martel,
Qui plein degloirey d'honneur immortel
Perdra du tout par mille beaux trofees *
Des Sarrazjns les races eftouflées, , *
Et des François le nom viéîorieux
Tar fa proueffe enuoyra iufqu aux (ieux.
Loutre eft Pépin héritier deflonpere
Tant en vertu qu'en fortune profiere,
Qtù mari'ra la iuftice -au harnois,
Et régira les fienspar bonnes lois.
Luy bas de corps , de c grand Capitaine,
Tar neuf conflits affaillant l'Aquitaine,
De Gàîfier occira lesfloudars :
Il rendraflerf le Prince des Lombars
Doutant feus luy lesforces d'Italie.
Rome tpuifut tant defois affailîie,
Sera remifi en fon premier honneur :
E LA FRANCIADE.
Tar luy /e P AP E en deuiendm Seigneur
! Et des François prendra fion accroiffance :
Tant le bon zèle aura lors de puijfance!
Tar cent x&mbats , par cent millefaçons
Doit renuerfer le peuple des Saxons,
Peuple guerrier, des François aduerfàire,
Et fousfia main le rendra tributaire.
La loy pendra fur fon glaiue pointu
Craint de Chacun : tant vaudra fa vertu
De la fortune heureufe accompagnée!
Sous luyfaudra de Clouis la lignée,
Si qu'en perdant lefang très-ancien
Des premiers Rois ,fera noifire lefien.
Donnant lumkre àfia race nouuelle
Par fies- hauts faits de fa dextre immortelle.
» Nefiere rien au monde de certain :
» Ainfique vent tout coule de la main :
» Enfant d'Heélor , toutfi Change y re¬
change :
» Le temps nousfait, le temps mefme nous
mange :
» Princes y Rois ($f leurs racess'en-vont,
» De leurs trefias les autres fe refont,
»> Chofe ne vit d'éternelle durée,
» La vertu feule au monde eft affeurée !
FIN DV QVATRIES ME LIVRE
DE LA FRANCIADE.
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REMARQVES DE P. DE
MARCASSVS SVR LE QVATRIESME
liure de la Franciade de Ronsard.
l{epie] C'eftoit vn fiege à trois pieds d'où la Sibylle infpirée d'Apollon rendoit les Oracles an¬
ciennement dans la Grèce au Temple de D#!phcs. Voyez le Plutusd'Ariftophane, &fonScholiafte
Grec fur ce fuiect. En doute refondue ] C'eft à dire , douteufc. Et l'effranger ] Il cxpofe l'eftranger
par l'hirondelle , à caufe quec'eft vn oifcau pafTager , qui reuient au commencement du
Printemps , l'aduenement duquel les Poëtes defcriuent quelquefois par l'arriuée de ceft oifeau :
entre autres Anftophane au commencement d'vne de fes Comédies. Pétrone appelle l'hirondelle eftrangcrc.
Jtiuif exul hyemk , fifulus tepidt tembork.
En nulpays J C'eft vn vers de Virgile qui eft prononcé de la bouche de Didon.fur le départ d'Ence :
Nujjuam tutafides.
N'a. plus de foin ] Ce fens eft equiuoque. Il faut ncantmoins entendre qu'il veut dire , que les Dieux ne fe
fouciem plus de punir les crimes des mefchants,& qu'ils n'y prennent poinegarde. Cefi efiranger] Les tnef-
mes difeours prcfques tient Didon , reprochant à Enée la réception qu'elle luy auoit faite. Vn Tuf naufrage ]
C'eft vn mot efeorché du Latin, jsfaujragus, par lequel on entend vn homme qui feul eft refté de tous Ces
biens qu'il a perdus en mer. second Paris) Il l'appelle fécond Paris, parce qu'il croit qu'il ait defbauché fa
fille : comme Paris defbaucha la femme dc Menelas , chez qui il logeoit en Grèce. Touffe fa yotle & fa foy]
Ccftvn vers d'vne des epiftresd'Ouide, par laquelle Didon, fiiene me trompe, reproche la mefme chofe au
perfide Enée,
fidem ~\entU & "Ws,'reJrat Magna mater, Dmdymene,
quelquefois Ceres , quelquefois Jfts. Nede] C'eft vn des fleuues delà Grèce qui paffepar la lifiere du pays
des Meflèniens. Corybante] A fçauoir vndc la race des Preftres de la Deeffe Oybele, dcfquels nous auons
parlé. Del'arttfan] Vers pris d'Ouide,quand il deferit le chat duSolciljl dh,Materwm fuperabat oput. Vomies
cheueux ] Anciennement on n'ofoit point toucher aux forefts qui eftoient confacrées particulièrement à quel¬
ques Dieux. Ce que vous verrez dans Virgile & tous les autres Poëtes Epiques , principalement en vne foe-
cicufêdefcription qu'a faite Lucain d'vn bois facré au Silence, àlaNuict,&à l'Effroy. Yeux inconfans] Qui
fontà l'erte, comme ceux des Amoureux qui ne s'arreftent iamais nulle parr, abfent du fûict qu'ils voudroienc
voir.Lcs Latins les nomment ~)*erfatiles oculos,&c Homère parlant dc la fille du Preftrc d'Apollon qui eftoit efclaue
d'Agamemnon, pour dire qu'elle auoit les yeux amoureux & brillants qui ne s'arreftoient nulle part, l'appelle
ihix&TnJk KDvpUu. ^¤ chaque brun] Il exprime la grande paffion qu'Hyante auoit pour Francus, par cefte crainte
qu'elle a des chofes mefmes qui font incapables de nuire : & cela à l'imitation de Virgile , qui pour exprimer le
grand amour qu'Enee portoit à fon pere.dit que le moindre vent luy donnoit de la frayeur quand il lefauuoit
du faede Troye fur fes efpaules. ^¤fon frère] Helenin. Dtt feure Lemmen] Du forgeron de I'ifle de Lemnos,
c'eft à dire, Vulcan. Toutes les excellentes armes des grands Héros ont efté fabriquées par luy félon
l'opinion des Poètes Grecs & Latins. Norien] Fait au pais qu'on nomme à prefent pais deBauieres,où
anciennement on faifoit d'excellentes armes. Terleesl C'eft àdire, dont les perles, à fçauoir, les pommes des
houpes eftoient bien faites. Poitrgaigner ] A fçauoir les curs de tout le Monde. E» ~)>cix humaine] Il fait
parler les Corneilles ny plus ny moins que Virgile les Harpyes, & Homère les Cheuaux de Diomedc. Cytheree ]
Venus,du monr Cytheres. Noire éuantee] C'eft à dire, la Corneille, comme il dit luy mefme. dut defrobotent]
Hercule Deianirc, fille d'Ocnus,Iafon Medée fille à'&ezz. yCnadne ] Thefee ayant efté enuoyé d'Athènes
J>our le tribut que les Athéniens faifoient au Minotaurc de Crète, Ariadne fille du Roy en eftant amoureufe
uy enfeigna les moyens par lefquels il lefurmonta. sa~\oye] Elle luy donna vn peloton de fil pour rctrouticr
les deftours du Labyrinthe après la victoire. Virgile en parle au 6. liurcde ion Enéide en ces termes.
Mmotaurui mejr t Veneru monumenta nefand

4-
66%
LE IIIL LIVRE DE
Marnum F^gm*fed enim miftrom omorem
D*àalm, tvfe dolos teBt ambagefaue refolutt,
C*caregemfl° yfS"- ,,. , ft re$ d'Ophiuchus, comme on peut remarquer
Eflynbel aftrt] Quon nomme la CoronnedAriadne qui e«pre»u r > r *i
par ces vers des Dionyfiaques de Nonne. ^ _ _
nS^ur i^hiityl* *fe*il Ce nombre eftoit grandeur myfterieux pour les charmes comme vous voyez dans
t ^ Pharmaceutricde Virgile & dans le 6 . 3e l'Eneide.dans Aufone, Pétrone, Martial & prefque tous les autres
Poëte LS AbbasTrithemius&Cornel. Agrippa. Brebûnoire] On n immoloit iamais aux Dieux des Enfo°rqu;des"ctimesnoires&fteriles,ouquin'auoicntpointPorte.
Voila pourquoy Virg.ledit:
fleriUmtiue ubi Proferpma l>accam.
Vaches] Vaches fe prend icy pour geniflès qui n'ont iamais porte, comme au précèdent palTagc de Virgue
Vacca. Mafle ] L'encens malle feruoit , félon l'opinion des Anciens , aux fortileges, comme auffi la veruenc :
Virgile dans fa Pharmaceutrie.
Verbenaftue adole pwgues er mafcula thura.
Fumiereï Pourfumee. Faisane foffe] Cefte inuention eft pnfc dc 1 Odyffec d Homère. Hors du fourreau]
Parce que les Caballiftes tiennent que les efprits craignent la folution de continuité. Voila pourquoy ceux qui
veulent inuoquer les Démons de l'aduis dc leurs raaiftres fuperftitieux, s arment d vn glaïuc , ou quelque puiffant
nom dc Dieu eft graué. Lifez Petrus dc Abano , où vous verrez de femblables fott.fes. Monfl ray) Pour,
monftrerav. Q.m finiront] Cecycft à l'imitation dc Virgile qui au 6. defon Enéide fa.tqu Anchifes monftre
à Enee ceux qui doiuent fortir dc fa race. Comme Thefee ] Qui laiffa Ariadnc fur le nuage de Die , après
auoir receu d'elle routes les faueurs qu'il en pouuoit efperer. Voyez la Plate-peinture de Philoftrate, Nonne,&
Catulle en fon Epithalamc,& l'excellent poëme du ficur Caualicr Marin qui eft dans Ces Idylles. ^Cux cornes!
Les victimes qu'on immoloit aux Dieux deuoient eftre parfaites & entières. Voila pourquoy Ronfard la def¬
erit après en auoir prins le modcllc dans le troifiefme des Georgiqucs de Virgile en ces vers.
optima torute
Forma bouts, cm turpe caput, eut plurimo ceruix,
Et crurum tenu* a mento palearia pendent.
Tum longo nulltu lateri modus : omnia magna,
Tes etiam , £r camuris hirU fub cornibut aures.
^f langueblanche]CcAokvnedes perfections des brebis & des béliers d'auoir la langue blanche. Voila pour4
quoy Virgile £a mefme liure dc fes Georgiques confeillant les Bergers , leur dit que pour les béliers il faut qu'ilsl
ayentla langue blanche. Car s'ils nel'auoicnt point blanche, ils engendreroient des petits deiqucls la lainej
feroit noire, comme on peut voir par ces vers:
Continuoque grèges ~nllit lege mollibnt albos.
lUum autem (quamuis ânesfit candidus ipfe )
Nigra Jubejr ~vdo tantum eut lingua palato,
I{ei]ce , ne maculis infufcet Sellera pullis
Nafcentem , plenotpue altum circumftice campo.
^fuiua] Comme il dit, rendit viue. Dont les efînts font aifes] Voila pourquoy les Magiciens fe feruent desj
fuffumigations aux euoeatiorts des cfprits. Q.ui corrompait ] C'eft ainfi que Virgile deferit l'entrée des Enfers enj
ces vers cy.
Spelunca altafuit, ")>aflôjue immams hiatu,
Scrupea , tuta lacu nigro , nemorumque tenebris :
Qjuam fuper haud m* poterant impune Violantes
Tendere iter pennis : toits fefe halitus otris
Faucibus effundens fupera ad comtexa ferebat.
De là maints cris] Virgile dit la mefme chofe parlant des tourments qu'endutoient ceux qui eftoient aux En
fers,& des cris qu'ils iettoient quand Enee y entroit. Styx] Ce fontles trois fleuues des Enfers, chien teflu]
Cerbère à trois reftes. L'horreur] Il en parle comme des Dcefles. Voicy ] U la rend furieufe, à l'imitation
dc Virgile qui en fait autant de la Sibylle qui conduit Enee aux Enfers où clic dit:
Deus ecce Deus : eut talia fanti
^¤nte fores fubito non "Quitus, non colorlmus,
Non compu manfere comte : fed pellus anhelum,
Et rabie fera corda fument : moi'onput Itidtri,
Nec mortale fonans.
^Ciax ] D'homme, à fçauoir deTelamon, & Achille fils dc la Deeffe Thctis. sicambnen ] Pays deçà & déjà
le Rhin. Huns] C'eftoient des peuples de Scythic qui habitèrent iadis près des palus Mcotidcs :puis ils fol
] Le pais d'Alemaigne. Morcomir ] C'eftoit vn Roy des Sicambriens qu'il
s'empara »w...r».» s'empara »w...r».» des v._ Gaules ^a«».JW.itUnvujFuc[uij[ic & fe fit Roy de tout le pays paysqui qui s'eftend seitena iufqu'à îuiqu a la ia Meufc. Meuic. Voyez v oyez l'Hiftoire i HUtoire dc de France. r ranci
Les ' champs "" de """"'""" Tyr ] Les champs ' de ' Sarmatie. Terres idumees ..-_..- ] Pour les batailles qu'ont gaignées en la iTerre '
Saincte les François. Parfept huis jll entend le Nil, & l'Egypte. Laroche d'Apollon J le croy qu'il entend Par-
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DE LA FRANCIADE. 66)
nafTe,& par ParnafTe la Grèce. J{hin] Fleuue d'Allemagne. Meufe ] Fleuue de la Gaule.' Prendront obeijfance]
Se feront obeïr. ^f/e»rj]Pour,auec leurs voifins.
mouuoir Se entretient tout ce grand Vniuers.
s'elle n^auoit] C'eft cefte Ame dont parle Virgile qui fait
Spiritusmtus dit, totam^ue infufa per artus
Mens agitât molem &~ magno fe corpore mifeet.
vient noflregenre ] Voila pourquoy on a dit que noftre amc eftoit particula aurx diuin*. S.ue mfrrt ^îme"\ C'eft
l'opinion d'Hippocratedanslctraictéqu'ilafait^et»/ôw»yî. Rhadamante] Souuerain luge des Enfers, ^tdonc
Mercure ] C'eft le Meffager des Dieux, qui rappelle çà haut les Ames des Enfers,& les y conduit auec fa verge dc
laquelle Virgile parle en ces vers :
7"»»» yirgam capit : hac animas ille euoeat Orco
Patientes , alias fub triffia Tartara mitit:
Datfomnos adimitaue O" lumtna morte rejîgnat.
Eumenides] Ainfi l'on appelle les furies d'Enfer. Pharamond] Premier Roy de France. Turingeois] Peuples
d'Allemaignc. Mons ] Ville des Belges en Henaut. Cambray, Valenciennes,Toumay ] Villes du Pays-bas. Gots]
Qui eftoient maiftres de la guerre. Treues ] Cité illuftre en armes de la Gaule Belgique. Cologne ] Ville de dcçaleRhin.
Mets] Ville fronrierede France. ^f«*7

J
t-jo
L'AVTHEVR PARLE.
SI le Roy Ch A R L E s eufi vefiu,
J'euflfe acheué ce lonz ouurage :
Si tofl cfue la mort l'eut vaincu,
Sa mort me vainquit le courage.
Nil intentatum noftri liquêrc Poéta?,
Nec minimum meruêredecus,veftigia trita
Auiîdeicrerc, &celcbrare domeftica facta.
DE LVY-MESME.
VN lift mon liure pour apprendre,
L'autre le lift comme enuieux:
Il eft aifé de me reprendre,
Mais malaifé defaire mieux.
DE LVY-MESME.
LEs François qui mes vers liront,
S'ils nefont ^r Grecs y Romains,
En lieu de ce liure ils n'auront
Qu'vn pefantfaix entre les mains.
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ELEGIE SVR LE LIVRE DE LA
-CHASSE DV FEV ROY CHARLES IX.
. RECVEILLY ET RAMASSA PAR LA DILIGENCE
». de Monfieur de Villeroy. *
Oit que ce liure icy ne viue qu'vn
Printemps,
Soit qu'ilforce la Parque y viue
plus long temps,
Par maintfiecle endurcy contre lafaux dentée
Des ans,dont toute chofie a la fin efi domtée,
Iamais on nepourrait {fansjetter larmes d'ail)
Le lire en le voyant ainfi vefiu de dueil,
Mon comme vn orphelin qui a perdufin père,
Mais cornevn auortonjà qui la main contraire
De Lucinea trenché lefil,fans auoirfieu
Ny cognoislre ny voir celuy qui ïaconçeu.
Tel enfant & ce liure ont pareille naififance,
Qui ri'eurent de leur père oncques la cognoif¬
fance:
Toutefois vn chacun en contemplant le traiSl
Defon corps imparfait!,voit bien qu'il efi ex¬
traie!
De Royale lignée y de haut parentage,
Rapportant défi race aufiront le tefimoignage.
Orfonpère nefut de ceux qui par les champs
Renuerjent lesfilions de leurs coutres trenchas,
Ny de ceux qui gardons la troupe camufiette
Des brebis,ont es mains laflufte ô" la houlette:
Mais Seigneur desFraçois,en vertus nopareil,
En la terre auffigrand qu'auQel eft le Soleil,
Qui pour nempoijonner les ans defla fiuneflfle
D'amours,ny de fleftins,de jeux, ny depareflfle,
Et pour tromper l'ennuy des ciuilesfureurs,
Aima chiens y cheuaux,cognoiffleurs y cou¬
reurs,
St de meute & d'abois par brufque violence,
Desforefts y des cerfs réueiller lefliltnce.
jl flefitfi pratique en l'art de bien chajfler,
Qu'aux heures de loifir il en voulut tracer
Le projet de ce liure, aimant la renommée
Quif acquiert par la plume y par l'encre
animée,
Mieux que le vain honneur de bafiir des cha-
fieaux,
Ouurage defiablon,de chaux & de marteaux,
Qui tombent pièce a pièce, y leurs teflesfiu-
perbes
Se couurent en cent ans de lambrunfches y
d'herbes.
Mais la ialoufle mort defiite d'vn telfaifl,
Ne luypermit de voirfon ouurage parfaitf.
Ainfipar la tempefie à terre on voitfleflrie
La Rofle Adonienne auant qu efirefleurie.
O C H ARLES, dont lefioçt eft vefiu do
laurier,
Tu tepeux bien vanter que tu es lepremier
Des Monarques François qui rompant U couftume
Des Princes, tes acquis louangepar la plume]
Allongeant au tombeau d'vn renom efilarcy
Les ans victorieux de ton âge accourcy.
Ta peine toutesfois par ton liurefiemée
Se flufl en l'air perdue ainfi quvne fumée,
Si le tien Villeroy, des Mufes le fup~
port,
N'eufi arracloéton fils des griffes de la Mort,
Et rouy de ta cendre. ^Ainfi la main fidelle
De Silène fiauua du ventre de Semele
Bacchus germe imparfait}, parle foudre a-
uorté.
Etfl le fentiment la bas ne t'efi ofié,
^Aggraué de la tombe y de la froide cendre,
Tu dois pour recompenfie vn grand-merci luy
rendre
D'auoirforcé ta mort, ainfi qu'Herculefit
ladis celle d'Alcefic : y cela nousfiuffit
kA tous deux , V i L L E R o Y ,pour donner
a cognoijhe
Que les bons firuiteurs aiment toufiours leur*
maifire.
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pt AV ROY CHARLES IX.
MARCASSVS.
, -, t » n,.ri«TV lai(r

AV ROY CHARLES IX.' *7|
Il fautJùiure ton Roy, qui t'aime par-fus tous
Pour les vers qui de toy coulent braues y doux:
Et croy ,fitu ne viens me trouuer a Amboife ,
Qi£entrc nous aduiendra vne bien grande noifi.
MARCASSVS.
J^onfard] Le Roy Charles defïrant voir Ronfard, luy enuoya ces vers par raillerie, où il n'y a rien quï
doiuc eftre explique. Les paroles des Roys, & les penfées font claires & nettes.
RESPONCE AVX VERS PRECEDENTS
du feu Roy Charles IX.
HARLEsra^i le (Jieltou¬
tes grâces inflj)ire,
Qui as le c^ur plus grand que
nefl grand ton Smpire,
Vne orne prompte y viue , vn effiritgene-
reux,
De vertus, déficience ,fy ^honneur amou¬
reux;
Quipajfcs tes oyeux d'vn aujfilong efiace
Que l'Aigle, les Autours, dont l'aile nefi
Envolant outre l'air d'approcher le Soleil:
\s4infln entre les Rois tu n'as point de
pareil
Que François ton grandpère :y fi
ïhonnefle honte
Le vouloit, ie diro'is que Charles le
flurmonte,
D'autant que noflreflecle eft meilleur que le
flien,
Et que le temps prefent vaut mieux que
l'ancien:
Et d'autant qu'ilfut doéle au déclin de
vieiUeflfe,
Et tu es tout fçauant en lafleur de ieuneffie.
Carfi ta Majeflé{ après lefloin commun
Qu'elle prend du public, & d'efleouter cha¬
cun,
Permettant à ton peuple vnefacile entrée)
Jioit enprofi ou en verspourplaifir fe recrée,
Donnant quelque reloflcheaton diuin efirit,
Qui fi monfire floy-meflme en monftront
fon eficrit,
Et rien s'il n efi parfait ne médite ou corn-
$ofe,
Ronsard tt cède envers,^ A My d t
en. profe :
Etfuis marry d'auoirfi longuement vefiu
Au giron des neuf Saurs ,pour efire ainfi
vaincu.
N efioit- ce pas ajfe^de m auoir en cent
fortes
Monflté l'affeciion qucMaiftre tu mepor^
tes,
Sans encor me vouloir défier en mon art,
Et en vers appeller au combat ton R.ON-'
SARD,
Defcouurant contre moy lafureur de ton
AinfilegrandAugufie eficriuoita Virgile:
Virgilequi l'effirit defion maiflrefiuiuoit,
Pour luy donnerplaifir luy contre-reflcrU
uoit.
Tu m'as donné des vers, tres-magnanime
Trince,
Afin qu'en imitant ton exemple, ïapprinfle
Que peut ton caur fuperbe,y pour auoir
auffi
Toufiours teffrit touché d'vn vertueux
fouci.
Toutesfois te ioiiant, grand Monarque
de France,
Tu asplusauancé que ta plume ne penflè :
Car tes faits quelque iour par le tempspe^
riront:
En mon liure à iamais tes beaux vers fe li-i
ront,
Que ie veux engrauer enuironne? degloires
Sur l'autel le plusfaintf du temple de Me^
moire,
LU
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c?4 AV ROY CHARLES IX.
Pourmieuxfairecognoiftreàlapofterité
Qu'en France i'ay vefiu régnant ta Ma-
Et que ta Majefté deffous elle aveu mittrc
Ma Mufle qui fi plaifi de jeruir vn tei
jefté, Maifke.
MARCASSVS.
Charles ] Il vante Charles IX. de l'excellence de fon efprit & de la grandeur de fo^ courage
Conffffe que fes vers cèdent aux fiens & luy font hommage. Un'y a nen en cefte pièce qu vn enfam
n'entendift.
VERS DV ROY CHARLES
à Ronsard.
IX.
O N S A R D ,fi ton vieil corps reffembloit ton efyrit ,
\Jefleroy bien content d'auoiierpar eficrit
Quilfympathiferoit en mal auec le mien ,
Et qu'ilferoit malade auffi bien que le tien.
Mais lors que tavieilleffe en comparaifon ofi
Regarder ma ieuneffle, en vain eh propofle
De fi rendre pareille à mon ieune Trintemps :
Car en ton froid Myuer rien de verd nefl dedans :
Il ne te refte rien qu'vn efirit grand y haut,
Lequel comme immortel iamais ne te défaut.
Or donc ie te diray que bien-heureuxferois
Si de ton bon efj>rit vn rayon ie tirois,
Ou bien que fans t'ofter rien du tien fi exquis,
Tar efiude y labeur vn tel m eftoit acquis.
Ton efirit efi, Ronsard, plus gaillard que le mien :
Mais mon corps eft plus ieune y plusfort que le tien.
Tar ainfi ie conclu , qu'en fçauoir tu me paffe,
D'autant que mon Printemps tes cheueux gris efface.
MARCASSVS.
J^nfard] Le Roy vante Ronfard d'auoir l'efprit auffi ieune, prompt & vigouteux qu'il a le corps
cafTé< (Té& vieux, tout au contraire de luy quia le corps , comme il dit, icunc & difpos , & l'efprit vn peu
pefant: & cbnehid que fi Ronfard le paiTc en la difpofition dc l'efprit , auffi fait-il en l'agilité du
corps. .-. ~
RESPONCE AVX VERS PRECEDENTS
du feu Roy C,h a r l e s I X.
, de retour; ^ " R0fii
Et comme hors des dents la parolefinie Au matin vn bouton , a vejbre elle eft efi
Ne retourne iamais après quelle eft par- clofe,'
tie-i - Sur lefoireUemeurLio bellefleur^bifi
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AV ROY CH
Vniottr efi tanaifflance & ton trejhas auffi.
Si éhafteaux , fi cite^de marbres eflo-
fées,
Si tant de vaillans Rois anoblis de trofées
Vieilliflflent, ie puis bien en imitantle cours
De nature décroiflre , ($f voir vieillir mes
iours.
Je vous paflfle , mon ROYide vingt fy
deux années:
Mais les vofiresferontfi fôudain retour-
nées,
Qu'au prix du long fijour quefait l'Eter¬
nité,
Qui les flecles deuore en fin infinité,
Vingt, trente, quarante ans,voiresent mille
flemblent
Vn grain prés d'vn monceau où tant de
grainsfaffemblent :
Et qui meurt ce iourd'huyfiit riéhe ouflouf-
fireteux,
Quant al'Eternité, meurt a l'égal de ceux
Qit'engloutit le Déluge en l'eau demeflurée.
» Tout terme quifinit, n'a pas longue du
ré».
Etfit toft oufoit tard ilfautvoir le trefias,
Et défendre au parquet des luges de la-bas.
Heureux troisfois heureux,fi vousauie%
mon âge
Vous ferie^deliuré de l'importune rage
Des Chaudespaffions , dont l'homme ne vit
flanc
Quandfon gaillard Printempsluy efcloauf-
fe!efan*\
Delà l'ambition, de là la conuoitife,
Delàvientlathaleur que Venus nous at¬
tifé,
Etl'Ire qui abbat leflortdelaRaiflon,
Ennemis incognus du bon peregrifin.
Vous verrieT, mon grand Trince, en
barbe vénérable
Voflre race Royale autour de voflre table,
Comme ieunes lauriers : y Monarque
puiflflont,
Vous verriez deffous vous le peuple obe'if-
fant,
Voflre ëj^argnefournie,y vos villesFran-
Çoifis,
iMarfloe^haurcs, y ports , loin de ciuiles
^noifieii^
ARLES IX:
*7S
Riched'honneur,depaix^ de biensplantu¬
reux,
Et vieillardvous ferie^ plus qu'en ieuneffie
heureux.
Il nefaut eflimer que la mèreNature
Lesfiaifins des humains ordonne à l'ouon*
ture,
Comme vnmefihant Comique enfin théâ¬
trefait "1
Le premier aEle bonJe dernier imparfait:
Elle compofi tout d'vne meurefageffe :
Si la ieuneffie efl bonne, auffi efi la vieil*
lefife.
La ieuneffie efigaillarde y difeourt libre¬
ment,
Vieilleffe a la raifion, eftrit & iugement :
L'vne a l'opinion y l'autre laprudence:
L'vne aime les oifieaux\chiens, amour, cheuaux,donce:
Vautre aime le bon vin , le bon liét, le bon.
feu:
Ainfitoute fiaifin diffère de bien peu,
Et prefque l'vne al'autre à l'égal fe rapport
te:
Chacune aflonplaifir, mais de diuerfeforte.
Tourquoy en vous moquant mefaicles-*
vous ce tort
Dem'appellerSqueletey l'ame de la mort}
Et de me peindre auxyeux vnefinfi pro¬
chaine,
Quand démon chaud Efté ie nefors qu'a
grand peine,
le n'entre qu'en Autonne, & nepuis arriuer
De vingt ans pour le moins aux iours de
mon Hyuer:
Et vous puis (file delà ma vie efi propice)
Faire encore long temps agréablefiruice :
Et quand le corpsfieroit detrop d'âge dontéM
L'âge ne peutforcer la bonne volonté.
Deforce & de vigueur mal-gré moy ic
vous cède :
Vouspoffedez lafleur, l'efiorce ie poffede :
Et ie vous cède encore engénéreux efirit i
Qui m'appelle au combat par vn Royal
efirit.
Et bref, s'il vous plaifiit vn peu prcnl
dre la peine
De courtifer la Mufle, y boire en lafon*
tains
LU ij
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AV ROY CHARLES IX.
«L %* ÏHdico» fa grs& k vMR^KA^o^U^d^
MARCASSVS.
, .«.««r.rpré.dentsreDrochélavieilleffe. Il luy monftre qu'elle ne doit
Charles'] LeRoy luy auoit aux vers P"«dents "P'°"° n'cft autre chofe que s'auancerau lieu
iamaisapjortctdela honte à Pmf°n^ *W s'il vieillit , il
de repos , au hcuquc venir au monde c e« «wer^«ans '« ff . , . ^^ -, pour f.
facre aux Mufes en Brotie.
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L E
BOCAGE ROYAL
DE P. DE RONSARD,
GENTIL-HOMME
VENDOMOIS.
T> Et> I E' A H E N R T III. %0Y
de France & de Pologne,
Non quiuis videt immodulata poçmata Iudcx.
Auec les Remarques de P.deMarcàssvs.
lu nj
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677

£*7^ £*7^
Omme vn Seigneur praticq tyfbigneux du mefnage
Regarde en faforeft ou dedansfin bocage
Mille arbres différents defueilles fy defiuiéi:
L'vn pour l'ouurage efi bon , l'autre indocilefuit
La main de l'artisan; l'autre dur de racine»,
Tantofl va voir la guerre, $ tantoft la marine :
L'autre eft greftef^f chancelle, y l'autre ffacieux,
Ses bras durs y fueillus enuoye iufquaux deux:
Ainfi dans ce Bocage on voit de toutes fortes
D'arguments différents , comme tu les apportes,
O Mufe ! au laboureur qui fiait bien déficher
Ton domaine, fyfiuant le cercler & beêher,
Prodiguant tes prefiens à celuy qui f employé.
Stace entre les Romains nous en monftra la voye,
Combien qu'ilfuftfans art, de fureur transporté,
^Beaucoup plus ampouUé que plein de Majefié:
Car tous ceux qu'on oyi braire, y heurterà la porte
Des Mufes , n entrent pas en leur Temple, deforte
Qu ilfautpar long trauailfie purger y lufirer
De nuiéîen leurfontaine auant que d'y entrer,
S'initier nouice en leur dance priuée :
» Le labeur ajfidu force toute couruée.
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A MONSEIGNEVR MESSIRE
CHARLES DE BALSAC EVES QJV E
& Comte de Noyon, Pair de France.
gTgONSEIGNEFR,
Si nom fommes obligez, de recognoiftre par quelque
hommage ceux qui parmy les Grands font efiat des let¬
tres, & qui les poffedent abfolument :Vout ne trouuerez> pas efirange que
ie mette a l'aBry de vofire nom ces petites Remarques que i'aj faiâes,
pour aider ceux qui nefçauentpas beaucoup en la lecture ds ce Bocage»
L'efpritdu Poète en cefi fuure efifi clair, çf les penféesy fontJi bien mifes
que daller grofiir d!explications ou de paffages fon Liure, fèroit luy
impofer vn trauail & vne peine qu'il ne prit iamais. Au lieu que nota
voyons quefa veine efioit icy principalement aifée, & qu'il ne fongeoit
pas a imiter ny cefiuy-cy,ny celuy-laimau qu'ilfuiuoit la naturelle li¬
berté defon grand Génie. La grandeur de vofire naturel ne dédaignera
pas, ie m affleure, cefie offrande, quelle quellefoit. Elle imitera en cela U
Soleil quijettefa veuè aufii bienfur les petites buttes que fur les hautes
montaignes. i>es grands perfonnages de l'antiquitéfe font quelquefois
amufez, fur le riuage de la mer a confiderer les excréments de cefi Elé¬
ment : &J d'autant que voflre efflrit vous efieue à la confideration des
chofes hautes, d'autant vofire bon naturel çtf vofire courtoifie vousab-
baiffera à voir ce qui part de la main de
ïMONSEIGNEFR,
Vofire tres-affetfionneferuiteur
De Marcassvs.
LU ttif
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éyp

L E
BOCAGE ROYAL
CONSACRE A HENRY III.
ROY DE. FRANCE ET
"'DE 'POLOGNE.
PANE G Y R I Q.V È' ÙE LA RENOMMEE,
A V D I T S El G N'eVr ROY.
Out le cmr me débat d'v¬
nefrayeur nouuelle:
J'entens , deffus Parnajje)
Apollon qui m appelle,
J'oyfà lyre &fin art bran\
1er afin coflé: ; ' * \
Qutlquepart que monpied vagabond foit.por- .
té ' r
Ses lauriers mefont place,/&flèns 'mafantafie
Errante entre les Dieuxfefouler d'Ambrofiel
Fuye^,peuple ,fuye%: des Mufes fouory
Ventreflacré cToëtc au Palais de Henry
Pour chanterfies honneurs : afin que dés l' Au¬
rore, ,
Ds ï Occident, del'Ourfe, y du riuage More
Sa vertu foit cognu'é, y qu'on pognoiffe auffi
Qifvnfi grand Prince auoit mes âhanfims en
fouci. l . ' . '
J v MARCASSVS.' « ' - -
Bocage en matiete de Poëfie, eft yn .ramas de certajns petits pocmes.On luy a dpnnéce nom à l'imitation des
anciens Poètes, à caufe des diuers fuiets qu'ils trait tent : & ainfi 1'* remarqué C^uihrilian , & après luy le fieur dc
l'Efcalc. Stace Poëte excellent a donné ce titre à fes petits poèmes. PANEGYRic>yE]Pour bien entendre ce que
c'eft que Panégyrique-, Il faut fçaUoir que les Anciens Grecs auoient vne couftume de s'aflèmbler en vn lieu à
de certaines feftes de l'année, afin de former leurs efprits par le moyen des bons préceptes que les plus fages
d'entre eux donnoient, ou dc s'enflamer à l'amour delà vertu par émulation, voyant là les belles actions les vns
des autres j& pour fe réjouir. Car-encesafTemblées les Poëtes recitoient leurs vers, les Orateurs leurs haran¬
gues^ les Hiftoriens y lifoient leurs hiftoires , comme on trouue qu'Hérodote fit. Outre cela on y couroit fur
des charriots,& à cheual. On s'y battoit à coups de celles, & y pratiquoit-on tous les exercices vertueux. Les
Poëtes mefmes Comiques & les Tragiques y faifoieht reprefenter leurs pièces. On impofa donc le nom à cefte
afTemblée de ma*yuw> » m*W »V'P"» à caufe que tout le monde s'y affêmbloit. Là ceux qui en quelque exer¬
cice que ce fut gaignoient le prix de la victoire, eftoient publiquement louez, afin qu'ils fuffent obligez par les
louanges qu'on leur donnoit de conferuer la bonne réputation qu'ils s'eftoient acquife par des fcmblables
actions. Or parce que ce qu'on faifoit à leur louange eftoit prononcé dans cefte affèmblee, ilenprint le nom,
de forte que de muYiyjy.c , on a appelle nwmyjeAiùi > d'où vient Panégyrique. Tout le cur me débat] Il loue en
ceftepieccle grand Henry III. le miracle de tous les Roys qui ont iamais efté & qui feronr. Il le loue pour les
incomparables tefmoignages qu'il a donné de fa valeur & dc fa pieté, principalement à la pourfuite de ceux de
la Religion prétendue qui auoient femé des diuifions dans fon Royaume : Il n'oublie pas fa libéralité, la gran¬
deur de fon efprit, fon éloquence, &la parfaietc cognoiffance de toute la Philofophie :1a counoifie & l'humi¬
lité dont il feruoit d'exemple à toute la terre. D'ime frayeur] Les Poëtes quand ils veulent chantet quelque
chofe de releué, feignent qu'ils font tranfportez d'vne fureur diuine , afin de donner crédita leur poëfie.
Claudian :
lamfuror humanos noftro de pettore fenfus
Exfuht , c totum fyirant pra-cordta Phbum.
f^rnafe] Montagne de B où les Théologiens croyoient que les Mufes Se Apollon deitez qui pre»
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LE BOCA GE
o * . Procul o procul rire pror*»t. /«,,.-. r «
. , ^irAu^Xril/îcTpc^ïOrientoùelIefcleiie. iWl L'Ourle eft prifeicy pour U Ile»
fcl^ AÏÏitM»^»- « ] Lcriuageoùlespeuples fontbafancx.quicftauMidy. Y
I'ay les yeux ébloiiys , tout le cerneau me
J n
Euxarrogansde voir leurs voiles trop en-
fiées,
foy Momie panthokj'auife ce me femble Duvent delà Fortune heureufemenifiouffiées,
Sur le haut des citeT vne femme debout,
Qui voit tout,qui oyt touty qui déclare tout.
T>'abonder-infilens enflucce^de bon-heur,
V'obfiurcir leurs voifins d'Empires & d'hon¬
te a centyeux aufiont,cent aureilles en tefte: neur,
Vans les voûtes du Cielfion vifage eUearrefie, G'eanscontrele Ciel, d'vne audace tropgran-
Et de fes pieds en terre elle preffe les monts, de,
Vne trompette enflant de fes largespoumons. N'auoient crainte de D I E V quiaux Sceptres
le voy le peuple à foule accourir auprès
jeUe
commande,
Ains contrefitgrandeur obfiinant le fourcy,
.» Le Peuple volontiersfie paifi d'vne nouuelle. Auoient contre fa main le courage endurcy:
Elle va commencerjl m enfaut approcher: Quandla bonne Adrafiie en vengeant teU
., Le temps ne fe doit perdre , il n'y a rien fi . le iniure,
far. CiteTcontre citez deflattions coniure,
Peuples qui mefeoute^pendtts à ma parole, Fit le foc & le coutre en armes transformer]
N'eftimeTmes propos d'vnefemme qui vole : De leurs vaiffeaux rompus paua toute la merx
Mou que éhacuny donneauffiferme crédit
Quefi les Chefines vieux d'Epirel'auoient dit.
Lesplaines de leurs os, renuerfa leurs murail
les,
La Deeffe ennemie aux teftes tropfluperbes, Et mit leurpropre glaiue en leurs propres en
Qui les grandeurs égale à la baffeurdes herbes,
Qui dédaigne la pompe y le fard des hu-
trailles :
Si que leurfang vingt ans aux meurtres 4
mains, fourny,
A chaftiél'orgueil des Pragoispar leurs mains. 2t Dauid ne vit oncqfon peuplefi puny.
MARCASSVS.
fayksyeux] U exprime par des autres accidents fa fureur poétique. Fnt fttnmt j II deferit icy U Renom¬
mée comme Virgile la deferit au quatricfme de fon Enéide , en ces vers.
JTvf-^ftMfe/j* TtPfU^ ********* J+ »* {"a*/** J «4M *Vu/.,af
Extemplo Liby* TtPfU^ ********* J+ »* {"a*/** J «4M *Vu/.,af
Extemplo Liby* marna* it fama fer yrbes,
Fama malum , j«o non almd mocim ~yllttmf
Mobditate "\iget, Tiirefauc acautrit eundo.
Pâma met» primo , mox fefe attollit in amas,
Jngredkûraue folo (y cafut tnter mbiîa condit.
Monjïrumhorxendum, ingens, eui qtiot funteorpore plum4f
Tôt vigiles oculi . j fubter, , mirabtle . ..._, dtttu,
. Tôt hngH4, totidem ora fonant, totfubrigit aurts.
yefnesYteaxd'Ejnre] Il y auoit vne foreft dans l'Epire, partie delà Grèce, oj^lcs Colombes rendoient Ici
Oracles de deffus les chefncs. LaDeeJJi] C'cftNemefis, auttement nommée Ajraftie, quiauoit la charge de
punir 1 orgueil & l'infolcnce des hommes. Geam ] C'eftoient cettains fils de la/Tetre, qui fc bandèrent con¬
tre les Dieux & les voulurent dépofleder du Ciel. cite\ ] Il entend les guerres ciuilcs qui furent depuisl»
mort de Charles IX.
_ Maintenant la Deeffe encline à leurprière, Ains,pour guarir nos maux, neuffuitprt~
Douct-netetteplus leursplaintuiïLêrrier^ ^d'milaï, *-»--
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oyal: a$
Qjten lieu de Iupiter le Ciel voudrait pour
foy :
L'vn tenant cefl article, y tautreceftuy-là.:
Maisfi tofi queflon front en France eflinceU
Qui parmille vertus enfin orne logées, Rayonnant de vertu, chacun à flon exemple
Des Rois fies deuanciers lesfautes a purgées,
Ainfiqu vne vitâime expiant le forfait
Que lepeuple a commis& qu'elle no pasfait.
Encor que la Nature en naiffant l'aitfait
Embraffa noflre Edifie & mefyrifla le Temple,
Et des nouueaux prefcheurs nefut plus eu-
rieux,
Zélateur de fin Prince y défis bons oyeux»
Trince Si tofl legouuernailne tourne la nauire
Monarqued'vnegrande ($ffertile Prouince, Errante augré du vent, que le peuplefevire
Qùilait désfon enfance auec le laiéîfùccé Vers les mrurs defin Prince , y taflche d'i-
Lbonneur qui flon renom aux oftres a poufié,
Voire y quefia vertu, qui la terre enuironne,
miter
Le Roy qui va deuant afin de tinuiter.
Luy metteflur lefront vne double Couronne : Ny priflon, ny exil, ny la flere menace
Encor qu enfloieuneffe,auant queflon menton De la corde,ou dufeu,ny la Loy,ny laface
Se firifiaft de lafleur de fon premier, cotton, Du Sénat empourpré ne pouffent tôt les curs
Ait(6hargé du harnois) deux batailles gai- Du peuple à la vertu , que font les bonnes
gnées, mµurs
Remis fur les autels les Messes dédai- Du Prince vénérable, & quand lefceptre égale
gnées, La bonne$ iufle vie a laforce Royale.
Rendu la reuerence aux Images brifeT, Pour atteindre aufommet d'vne telle équité,
Affemble^ en accordfis peuples diuifiZ, Il faut la Pieté ioinâle à U Qharité,
Et fions bouffir flon cfur£vne noire colère, Et la Religion dont relie^nous fommes,
%yî tousfefoit monfiré non pas Prince , mais Tant elle eft aggreable y aux Dieux y aux
père, hommes,
JJ ne doitfefafSher file publique fon La Loy ( toile d'araigne ) efi tropfoible,&
De ma trompe luy tlnante encore vne chafon. nepeut
Le Princegénéreux doit les aureilles tendre, Le Prince enuelopperfi luy-meflme neveut
Et d'ire ne s'enfler quad on le veut apprendre.
» Dieu nefi voit iamaispar la faute affaillir:
S'en-réter de bon cnur, la croyant eftre faite
De D I E v , ô" non de l'homme à plaifir con-^
» Le naturelde l'homme eftfouuent défaillir. trefaite,
Au retour du pays où vafoujflant Borée, S'il ne la garantifl ,fi premier ne lafuit,
Iltrouua fla Couronne en Jctfes fleparée, Si luy-meflme fy lesfiens par elle ne conduit.
MARCASSVS.
Maintenant] II marque le temps auquel Henry III. vint à la Couronne. JD'yn l{oy] Henry III. '^tinfi\
Voila vne des plus excellentes comparaifons qu'on puiffe iamais voir,cu cfgard à fon application. Double Cou-
ronne] Celle dc France & celle dc Pologne. Deux batailles] Celles de Moncontour & de Iarnac. Du />«js]Dc
Pologne, parce que ce vent foufle dc ce cofté. En fettes ] A caufe de la prétendue & vraye Religion. Si tojl
legouutmail] Il a imité cefte excellente comparaifon d'vn excellent Poète Latin fur ce mefme fuier. Ny pnfon,
ny exil] Cecy eft encore imité d'Horace en l'Ode en laquelle il deferit la confiance dc l'homme de bien. L*
Loy toile d'araigne ] Ainfi dans Plaute vn certain perfonnage fe plaignant des vices, dont il voyoit tous les cfprits
des habitans corrompuz, difoit qu'ils apprehendoient auffi peu les Loix que l'eau froide. Ne peut Le Prince enuelopper
] Parce que félon l'opinion des vieux Iurifconfultcs les fouuerains ne font point fuiects aux Loix par la
Loy Regia fondamentale dc leur fouueraine puiflance.
Quand le ieune Phénix fur fon effiaule De fies ailes ramant , admirentfon image,
tendre Non pour luy voir le corps de mille couleurs
Porte le liclfunèbre & l'odoreufie cendre,
Reliques de fionpère, y plante en appareil
peint,
Non pour le voirfi beau,mais pource qu'ileft
Le tombeau paternelau Temple du Soleil : faint,
Les oyféaux ejbah'u en quelquepart qu'il nage Oyfeau religieux aux Mânes defon père,
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$84 L E
BOCAGE ___
TanTc^UPiete Nature J>ônnc mère flfiert d'vn fianTvofJoir, quand il eft ne?
TanTc^UPiete Nature J>ônnc mère flfiert d'vn fianTvofJoir, quand il eft ne?
~A planté déslenaiflre en l'air y dans les ceffaire /
r Qu'on lefacefiermr:plus vn Roy debonnairt
LaTuaceflemence es ceurs des animaux ! Luy veut lafeher la bride& moins il eft outré,
' Donques le peuplefiuit les traces defin mai- Plus luy-mefmes laflerre,y flert defon bon
(Ire - %f'e>
ihenddefesfaconsM îimite,y veut eftre
Son difiiple,& toufiours pour exemple ïauoir,
Se met la tefte au iougfious lequel ilf efforce,
Quilfiecou'roit du colflon luy mcttoitparfor*
Etfieformer en luyainfiqu'en vn miroir.
' Cela quelefioudart aux épaulesferrées,
ce.
C'eft alors que le Prince en vertus va de¬
Que le cheualflanquéde bardes acérées
Nepeutfaire par force,Amour lefaitfleulet,
Sans ajfemblerny camp ny vefiir corcelet.
uant,
Qu'il monftre le chemin au peuple lefluiuanti
QuilflaiU ce qu'il commande,y de la loyfu-
Les vaffaux fyles Rois de mutuels offices préme
Rend longueurplus douce obèiffant luy-mefi
4 Se combattent entreuxjes vaffauxparferui-
ces.
Les Rois parla bonté: le peuple déformé
Aime toufiours fon Roy quadilfen voit aimé.
MARCASSVS.
me, ;-
Et tant il eft d'honneur y de louange efioint,
Que pardonnant à tous ne fle pardonne point.
Quand le ieune ] Vous trouuerez cefte mefme comparaifon dans vn excellent Poème qu'a fait Buchanan,
fh Nous lifons dans les commentaires des chofes remarquables qu'on a dcfcouuerr par mer, qu'il fe
Voit vn Ph dans de certaines Ifles des Indes de la nier Méditerranée. Les habitans du lieu le nomment Se*
*»wM

oyal: c%ï
Mon quand vn molflablon par vn petit La Vigne lentement de fles tendres rameaux
monceau Grimpefinfinuant aux faifies des ormeaux,
Se couche entre les deux, ilfleéhit la rudeffe Etfleplie a l'entour de l'efirangere efiorce
De la mer , y l'inuite, ainfi que fion hofieffe,
A loger en fonfein : alors leflot qui voit
Par amourfeulement , £r non pas parlafor-à
ce:
Que le bord luy flait place,engliffantfle reçoit Puis marieT enfimble, y les deux n'eflant
Augiron de la terre , oppaifie flon courage,
Etlaliéhant fi ioue à l'entour du riuage.
qu'vn,
Font a l'herbe voifine vn ombrage commun.
MARCASSVS.
pieteux ] Pour,picux. leureter] Voir faire les petits aux Heures, dc mefme que l'on dit , chienner. L'enflure
des balons] Il parle à la façon des Grecs pour,les balons enflez. Le Prince guerroyant] Qui eft en guerre. Qui Je
maintient ] Qui eft en paix, i'"V» tient la rame ] Qtri eft paifiblc. L'autre efiie ] Qui eft en guerre. Efi laprudence]
En celuy qui le tient en paix. La fortune] En celuy qui fait la guerre. Mais «uand >» mol] Excellente comparaifon
s'il en fut iamais,par laquelle il monftrc que les Roys le plus fouuent gaignent plus parleur douceur que
par leur rudeffe. Luhant] En ce terme il a imitéla commune façon des Poètes Latins, dc laquelle ils fc feruent
pour exprimer l'action des eaux quand elles baignent les riues, ils difent que les ondes lambunt littora.
Lapefie desgrans Ro'uflont les languesfla- Et du Soleil quifait le flen tout au rebours,
teufies, Il a voulufi auoir des Planètes les dances,
Efyonges & corbeaux des terresflouffreteufles : Tours, afieéls y vertus , demeures y diflan-
Maislemal leplusgrand qu'vn Prince puiffe
auoir,
Cefi quand il hait le liure , y ne veut rien
ces :
Il a voulu fçauoir les cornes du Croiffant,
Comme d'vnfeu baftard ilfie va rempliront,
fçauoir. Second Endymion amoureux de la Lune.
Le Roy dont ie vous parle y que le Ciel lia voulufçauoir que c efioit que Fortune,
approuue, Que c'eftoit que Defiin , fi les influxions
Iamais en fla maiflon l'ignorance ne trouue, Des aflres commandoient à nos complexions.
Ayantfait rechercher (d'vne belle orne efbris )
Par tout en fispays les hommes mieux appris,
Près de luy les approche,y les red vénérables,
S'honorant d'honorer les hommes honorables :
De parolle il les loue', y de biens auanceT,
Puis défendant plus basfous lefécond efioge
lia cognu du fleu la nature volage,
Il a pratiqué l'air combien il eftflubtil ,
Comme il efi nourrijfier de ce monde flertil,
Comme il efi imprimé de formes différentes.
Comme ils le meritoient les a recompenfle^. lia cognu la foudre & fles flèches errantes
Il a voulufçauoir ce que peut la Nature; D'vn grand bruit par le vague,y fli le Soleil
Et de quelpas marchoit la première cloflure peint
DuCiel,qui tournoyantfle re-fluit enfion cours, L'arc au (Jiel enfubfiace}ou s'ilapparoififeint.
MARCASSVS.
La pefie] Les anciens les ont ainfi appcllez,& les ont comparez comme Ronfard aux corbeaux : entre autres
Plutarque, en ces mots, Kftriïit '6hi «V itt«t»estt^ n »; ntt kÔmuic ipinoù* «i^yo-mc n*foif, oî efi Çanat tcdiwmr. Et Ariftophane
parlant dc Cleon qui perdoit l'Eftat par fes flatcries, dit, qu'il a la tefte d'vn corbeau. La première clofiu-
re] Il entend le premier mobilc,qui d'vn mouucmcnr rapide emporte les autres Cieux. Toutau rebours ] Parce
qu'ilafonmouucmentdc l'Occident à l'Orient, & eft ncantmoins emporté par le premier mobile par vn ef¬
fort tout contraire au fien dc l'Orient à l'Occident. Les dances ] Il parle ainfi , parce que ceux dc la feetc dc Pythagorc
ont creu que les mouuements des Cieux & dc tous leurs aftrcs eftoient mefurez à vne certaine cadence
muficale i d'où vient qu'on a depuis dit le bal,la danec des aftres.pour leurs mouuements. Tours ] Les chemins
& les routes qu'ils font. ^CfieEls ] Ce font les rencontres qu'elles font auec les autres aftres. Venus ] La puiffance
qu'elles tirent de leurs afpects fur les chofes d'icy bas. Demeures ] Les Aftrologucs les appellent Mailons.
Difiances ] Qui font entre elles. Feu bafiard j Parce qu'elle ne luit que par le moyen de la lumière qu'elle em¬
prunte du SolciL Endymion ] C'eftoit vn homme de grand efprit, paffionné après l'Aftrologie , lequel pour
auoir le premier defcouucrt le cours de la Lune,lcs Poëtes ont feint en auoir efté grandement amourcux.Voycz
Apollonius Rhodiusaujj.liur.de fes Argonautes. Second efiage\ Il entend la haute région de l'air. Pratique')
M mm
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LE B0C A G E
¤8y parjraues
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Pourfçauoir afin peuple en vertus efilairer,
Pour luy lafiher la bride ou pour la luyfer¬
rer,
Cognoiffantpar effecl toutes vertus morales.
H?uis entrant fous la terre aux caues infer¬
nales,
kA cheréhé les métaux,y d'efirit diligent
Cognu commefefiait l'or, le plomb & l'argent
Quelle humeur les engendre es veines de U
terre,
Et le cuiure y le fier infirument de laguerre
douceurs
Leurtirer defia voixpar l'aureille les curs]
Commefion deuancier Hercule, dont la langui i
EnShainoitles Gaulois du fil de fa harangue.
Nul Trime, tantfioit grand, n'a le bruiï
auiourd'huy
De mieux recompenferfesferuiteurs queluy]
Nyflaire tôt d'honeur à leurs cèdresfunèbres, ,
Les rappellant au iour en deîfiit des ténèbres:
Roy quine peut lesfiens ny viuans oublier.,
Ny quand la mort les vient de leurs corp
defiier,
Fauorifiant les vns de fesflaueurs premières,
Les autres d'oraifins, de vux y deprières.
Quand la Parque ennemie aux Va L o I i
nous rouit
C H a r L E s,aftre du Ciel,par toute Franct
on vit
Les Mufesfie caéher:Ph nofloit rien dire, '
Ny le Dieu voyageurinuenteur de la lyre :
Les lauriers eftoient fiées,fec le bord Pimplean, ]
Le filence effroyont tout ïantre Cyrrhean :
T)e limon jjjf defable,y de bourbe efioupse

oyal: *g7
Claire ne couroit plus lafource %^4ganippee. Voyant ce grandHeNRY^w peuples con-
Let Mufles maintenant honoronsfon retour,
Couuertes de bouquets oflènt reuoir le iour :
quereur,
Les aimer, y fe plaire en leur doucefureur,
Phnbusnaplusla main ny la voix refroidie, Std'vne ardeur qui vit d'Apollon toutepleine,
Et des lauriersfanisfit tefie efi reuerdie, Faire parler Thesflie, fy fourcerfafontaine.
MARCASSVS.
L*antre Piéride] C'eft la cauerne des Mufes qui eftoit en Grèce. Euterpe] C'eft vne des Mufes. Imitateur
d'^fchille ] Achille fafché contre Agamemnon à caufe qu'il luy auoit ofté Brifeis, fc retira au riuage dc la met,
où il ioiioit bien fouuent du luth pour paffcr fa mclancholie. Fils d'^ftrée] Agamemnon. Le Priamide] Il
entend Hector fils dcPriam. Si doué] Pour doué d'vne fi heureufe mémoire. De miel^ Comme onditd'Homere
que les Abeilles firent leurs ruches dans fa bouche. Pithon ] C'eft la DecfTe dc perfuafion, du verbe Grec
m%>, qui veut dirc,pcrfuader. Hercule ] Il y a eu , fi nous croyons les autheurs, vn Hercule en France qui iet-'
toit dc fa bouche des petits chaifnons d'or, par lefquels il attachoit par les aureillcs tous ceux qui l'efeouroient.
De mieux récompenser] H le feit paroiftre prés dcSainctClou après lesbarriquades, où il donna à vn vieux
Capitaine qui le vint faliier, cinq cens efeus qu'il auoit feulement porrez en fa retraite. Les rappellant autour]
Il entend parler des monuments qu'il fit dreffer à Qucflus & Maugiron , & des beaux vers qu'il fit faire fur la
mortderAdmiraldcloyeufe,àfind'cternifer leur mémoire.
chéries & fauorifecs que François premier fon grand Perc.
Les Mufes fe cacher] Parce qu'il les auoit autant
Ny le Dieu Voyageur] Il entend Mercure, parce
qu'il eft le meffager des Dicux,& qui le premier trouua le moyen dc faire vn luth de la coquille d'vne tortue.
Horace :
Mercuri facunde nepos ^yttlantit,
Qui feros cultut homtnum recentum
. Foce formafii catus , ey décor*
More paUfirx :
Te canam , magni loua ey Deorum
Nuncium, curuteque lyr* parentem,
Calltdum quidauid placmt iocof>\
Condere furto.
Pimplean] Pimple,eftoitvne montagnede Macédoine, au pied de laquelle y auoit vne belle fontaine çonfacree
aux Mufes, de laquelle Ronfard parle icy. Cyrrhean] Cyrrhc eftoit vne ville du mont HeliconenBotie,
présde laquelle y auoit vn antrefacréaux Mufès,dont parle icy noftre Poète, ^igamppee] Aganippé eftoie
vne fontaine de B aux Mufes dc laquelle parle Virgile en fes Bucoliques prefque fur vn mef¬
me fuiet, lors qu'il dit que les Mufes l'auoient quitée aux larmes & aux fanglots que Gallus iettoit pour l'amour
de Lycori», après laquelle il mouroit. Contpiereur ] Pour conquérant. Thèfiie ] Thefpic eftoit vne ville de Bo-
tie proche du mont Helicon: à caufe de quoy l'on nomma lesMufèsThefpiades & colle qui leur commande,
comme la fouueraine d'entre elles, Thefpic. Sourcer] C'eft à dire, ouurir les fourecs delà fontaine des Mufes,
Se faire venir l'eau qui y eftoit faillie.
Nul Poëte François des Muflesfleruiteur,
Ne preflenta iamais ouurage a fa hauteur,
Qùiln'ait recopenféd'vn prefent magnifique,
Honorant le belart que luy-mefimes pratique,
Et ne l'ait carefléd'accollades ou d'yeux,
Jnuitant l'artisan à faire encores mieux.
Tels efioient les bons Rois de l'âgeplusfleurie,
Numa le Saccrdote inflruit par Egerie:
Tel eftoitNumitor , fy ces pères Romains
Qui auoient du labour les ampoulles es mains :
Tel Euphrate, empalmédeflon riuage humide,
Vit Salomon régnerflur le Throne Iflacide,
Dont les Sceptres efioient des peuples redoute^
Parla loy queportoient leursglaiues eftointc%t
x^iyant en lieu du fier la douceur pour leur
marque.
Telfut le Roy Françoise» Princes le
Monarque.
Telefi ce bon H ENRY, qui Prince trefihumain
Porte defis Jujeéls tous les curs enfla main.
Ny corceletsferre?, ny targues,ny heaume,
Ny cheuaux , ny foudars ne gardent fion
Royaume,
Ny foffeXj, ny rempars, mois la feule vertu
Qui le peuple combat fans eftre combatu.
Au contraire Alexandre affamé d'auarice,
Enflé d'ambition qui réduit en feruice
Le Sceptre Perfien ,yqui fitfon harnois
Luire corne vne foudre aux terres des Indois,
Et ces fiers Empereurs delà maifireffe Romme
Qui couuroient vnAffiic fous la forme d'vn
homme,
£fions Princes cruels eurent cruelle fin
Ou par lefer meurtrier, ou par lefroid venin
Ont efianchéleur vie,& mortsfinsflepulture,
Ont efié des corbeaux & des chiens la pafture,
Sans auoir le loiflir que les cheueux grifons
Vinffent blanchir leur tefte en leurspropres
maiflons.
Le bo PrinceTraian y le bo Marc Aurefo
M mm ij
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CAGE
488 L E B O
OnrvieiUarsaccomply leur vie naturelle,
Ont veu pour leur trefias la Republique en
De l'image qu il porte ilfouille le pourtraiéi»
Si quelquvn le diffame, empoifonne ou mafi
pleurs,
Etleurs tombeaux couuers de Cheueux y de
fiacre,
Dieu jaloux de l'honneur definJoint fimula-
_ fleurs.
Nature quipeut tout,dont le ventre defferre
Legerme d'vn ChacunRefait naiflreflur terre
Rien fiparfait qu'vn Roy modefie & modéré,
cre,-
Tunira leforfaiél,fans laiffer impuny
D'extrêmes chaftimens cil qui l'aura honny,
Et ne fouffrant en terre vnfeulpas défit trace:
Perdra luyfes enfans,fa maifon yfarace:
Au poids de la vertu iuftement mefiuré.
Seul entre les humains il a peinte au vifage
De Dieu la vénérable y redoutable image :
lien efi le miroir:fi par vn vilain traicl,
Puis moy qui de ma langue annonce vérité,
En Chanteray l'hifloirea la poflerité.
Ainfidifl la Deeffe, y de fa bouche ronde
Enuoya de Henry les honneursparleMode.
MARCASSVS.
L'artifan ] Par tranflâtion il nomme le Poète du nom que les Grecs luy ont donné proprement, l'appellantj
mm-mc. Les Latins ny les François n'ont point encore de mot propre en leur langue qui foir de leur creu pour le
nommer. i\rw/»rf]C'eftoit le fécond Roy des Romains,qui pour donner crédit aux Loix qu'il vouloit faire paf«
fer parmy le peuple, difoit qu'il auoit la compagnie d'vne Nymphe qu'il nommoit Egeric, de laquelle il receuoitlesaduertiffementsquiconccrnoicntrauancementdefbnEftat&Ie
bien de fon peuple. Numitor] Qéftoit
le grand père de Romulus. Empalméde fon nuage ] C'eft à dire,dont le riuage eft tout couuert dc palmes.
Eupbrate] Fleuue célèbre dc la Paleftine. Mau la feule ~\ertu] Cyrus dans Xenophon remonïlre la mefrhe
chofe à fes enfans: A fçauoir,Que laconferuation de leur Eftat ne doit pas dépendre de leurs forces , mais de la
pofleffion des bons amis & de la vertu. Cquuwentlm ^ïjflic] Comme Tibère & Néron. Voyez Suctone. Pottché
ronde] U a emprunté cefte faconde parler desLatins,qui difoient ore rotundo, pour facundo. "1
A LVY-MESME.
/ l'honneur de porter deux Sceptres en
la main,
Commander aux François y au peuple Ger¬
main,
Qui de l'Ourfle Sarmate habite la contrée :
Si des Vénitiens la magnifique entrée,
Si auoir tout le front ombragéde lauriers,
Siauoirpratiqué tant de peuplesguerriers,
Tant d'hommes, tant de murs,tant de façons
efiranges :
Si reuenir chargédegloire ($f de louanges,
Si ja comme vn Cefar conceuoir l'Vniuers,
Vous afiait oublier le chantre de ces vers,
R o Y,dont l'honneur nepeut amoindrir ny ac-
croiflre,
Sans vous dire fion nom vous lepourre? co4
gnoiflre.
j C'efi,Prince,cefi celuy qui d'vn cur cou-\
j rageux
Grimpa deffus Tarnaffe en croupes ombrai
geux,
Importunant pour vous les filles de Mémoire^
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Quand Dieu prés de Iarnac vous donna la
viétoire,
Quandvofire bras arméfut le iour des Fran\
' çois,
Quand la Charante ,fleuue au peuple Sain
élongeois,
Vous veitprefique fions barbe,ainfiqu'vn ieunè
Achille,
Foudroyer l'ennemy fiur fa riuefertile,
Remirant m fes eaux vos ormes fy l'efilair
De voflre morion y de voslre boudoir,
Quiflamboient tout ainfiquefait vne (Jomete,
Quigliffantpar le (fiel d'vne crïneufle traite
Tombe deffus vn champ, y vafignant les
Cieux
De cheueux rougi/fonts d'vnfleupreflagieux.
Cefut quand vofire main, a craindre com¬
me foudre,
De logent Huguenotte enfantanta lapoudre:
Quand nos Autelsflacre? reuirent leurs bons
Sainâls,
Quand de nos ennemis les eflendars depeinfls,
et tous relents defiang,pour immortels exeples
D vn, long ordre attache^ pendirent à nos
Temples. _________

R O Y A L: *#
Encore quvn teTaCîe illuflre de bon-heur, Nos~Autelsj$os maifions, vous-meflmes & vos
Eufi deu trouuer o l'heure vn fluperbeflonneur frères,
Qui d'vn bruit héroïque eufi enflé les trom- Et vofire Merejbelasl quide peurfrémiffoit,
petes : Et tout le Cielpour vous d'oraifons empliffoit:
Si efl-ce que la voix des plus braues Toètes
De peurfut enrouée,y le vent de leurfein
Vous , dy-ie, enorgueilli deforces animées,
Auprès de Montcontour campafles vos ar-
Nefiortit pour enfler la trompette d'airain, mées,
Chacun craignant fa vie enfiaifion fidouteufi :
Ou celuy fans tremblerd'vne crainte honteufe
Liurofles la bataille,où Dieu vous regardoit,
Et fa Croix deffus vous Iesvs-Christ
Qui vous efirit ces vers, affeurévous Chanta: eflendoit.
Sur le haut d'Helicon vos trionfles planta : Lafurent enuoyeT par vos mains Mar-
Etfli en combatant voflre lance ficeut poindre,
Célébrant vos honneurs f langue ne fut
tiales
Sei^e mille mutins aux ombres infernales;
moindre:
Oeuurefi agréable à vous Prince vainqueur,
ViClimede pluton :fi que tout MontcontoUK,
La riuiere de Diue, y les Champs d'alentour
Que vous louafies l'Hymne $r l'apprifiespar Sonnoient deffous vos corps, qui pauerent les
cour.
Mois quand toute la France a tromper
places,
Champs, Cheminsfy guerets de puantes carbien-aifiée,
caffles,
D'ardentesfaclionsy deguerre embrafée,
Efioit fious le raToir,y l'horrible meChefl
Soutenu d'vn filet nous pendoitfiurle Chef,
Et d'offements de morts l'vn fur l'autre ar-
range^.
Les filions du pays enfurentfi charge?,
Bt la viCloire neutre errant entre les armes, Voirefi engraiffeZ de Charongneux carnages,
PartïTanne efbranloit le c de nos genfl- Et les ventres des chiens y desbeflesflauuages
dormes, (Tombeau des ennemis)flgrasy Jîrefaits,
Incertains quiferoitpar lafaueur des Cieux
D es deux campsfi puiffants lefeulviClorieux.
Que l'on peufl égaler ce moindre de vosfaits
Au plusgrand des Romains, tant mérita de
Vouspourflauuer le Sceptre , & nos Saints gloire
tutelaires, %^4 l'extrême péril v.ne telle viCloire.
MARCASSVS.
Si l'honneur de porter] Au retour du Roy Henry III. noftre Poëte luy addreffe ce Poëme, qui contient les
beaux exploits que fa Maiefté fit contre ceux de laReIigion,cftant encor Monfieur.Le prie de luy vouloir porter
la mefme amitiéqu'il luy portoit deuant qu'aller en Pologne, &luy confacre de mefme affection fa plume
qu'il l'auoit confacrée au Roy Charles fon Frère. Deux Sceptres] De France & de Pologne. L'ourfe Sarmate]
L'Ourfe eft du cofté de Septentrion, & la Pologne auffi du codé dc Septentrion. Magnifique entrée ] Lors qu'il
y paffa s'en reuenant de Pologne en France. .Amoindrir] Pour eftre trop affeuré. Ny accroifire ] Pour eftre
parfaict. Parnajfe] Mont confacre aux Mufes. Lesfillesde Mémoire'} C'eftà dire les Mufes .-ainfi lesappelle,fi
ie ne me trompe, Hefiode. Bonclair] Pour bouclier, signant] C'eft à dire, marquant la partie des d'eux
fous laquelle elle tombeaueevn certain prefagede malheurs qui doiuentarriuet fous ce climat, comme rienncntlcs
fuperftitieux. D'yne crineufe traifte] Ces feux femblent à voir qu'ils rcfpandent autour d'eux vne
cheueleurc. Voila pourquoy les Latins les appellent Criniti cornet* & dm, à caufe qu'ils prefagent toufiours
quelque chofe de malheureux. Quand Vofire main] Quand il faifoit la guerre à ceux de la Religion prétendue
qui s'eftoient mutinez fous fon Frcrc. Dépeints ] A caufe du fang , & des coups qui en effacent les armes &
les blafons. Sonneur] Chantre ou Poète. Bruit] Pour, ton. Le lient de leur fein] L'haleine. Chacun crai¬
gnant] Perfonne n'ofoit eferire en faueur de l'vn ny dc l'autre party , à caufe des ligues des Grands.
Celuy qui la chanta , roui d'efprit alla Semafi vofire renom par cegrandVniuers.
Sur les bords de Permeffe, aux Mufes il parla, Vn iour qu'il celebroit lefeu Roy vofire
Les entretint de vous,&vousfit vn tel Hynne
Que Dauratgrandflonneur de la lyre Latine
fiere,
^«Charles ,flonflàgneur, Prince tout
Le daigna bie tourner, afin quvn double vers débonnaire,
M mm tij
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Vo L E B O
~~Devousfinner vne Ode enfi baffe ieuneffe,
Et faifiCZjout rauija tefte fou-leuant,
"Le tançant luy difoîtTN'efcriue^ point de ~~
EfiriueT^de mon firere , efcriuex.de fia foy,
Et commefa vertu prodigue de proueffe
S'immolant en mon lieu le Sceptre me redreffe.
Admirant telle amour qu'au monde on ne
voit plus,
Il battit de Caftor le Templey de Pollux,
Et vous le dedia,pour remarque immortelle
D'vne rare amitiéfi fainCle & fraternelle.
Qeft celuy quipour vous en cent millefaços
Fitfonnets & dificours, eclogues &Chanfons,
Mafcarades, tournois, & Chiffresy deuifies,
Et brefqui o chanté toutes vos entreprifes.
Mefme a voftre berceau,quand encor vous
pendieT
Ex bras de la nourrice,^r vers elle tendie"^
Les mains envousiouantfil prift lahardieffe
CAGE
MARCASSVS.
Semblant de voftrefront detaller approuuanu
Quand vousfuftes efleu Monarque de Po-
longne,
Quand Dieu furvoflre tefte en pofia la Cou¬
ronne,
Et qu'ilfalut partir d'entre les brasaime^
De vosplus chersparens en larmes coflommexj
Qu'il vousfalut laiffer le douxair de la Fran-
Capitaines,foldats, amis $f cognoiffance,
Que chacun vousfiuiuoit d'vne humble affe-
Clion,
Il ne chanta iamais de telle Eleélion,
D'autant qu'elle emportoit des François la
lumière
Pour enpays efirange eflairer la première.
Celuy qui la chanta ] Il dit que pour chanter dignement vne fi grande victoire , il falut qu'il eut la conuerfationd'Apollon
& des Mufes fur le mont de Parnafle,qui eft en Grèce, demeure ordinaire dés Mufes. Vn tel
Hymne] C'eft l'Hydre deffair, que Daurat traduifit ce Latin. Q.t*ilcelebroit] Il parle de luy- mefme. Aba¬
ttit] Par Caftor & Pollux en ccftHymne,comme on pleut cognoiftre, il entend Charles IX. & Henry III. U
cftdediéàColligny. Vne ode] Cefte Ode, fiie ne me trompe, commence , Tant feulement pour cefie foit.
Or à voftre retour, qui luiH comme vn So¬
leil
Sortant de l'Océan en flammes nompareil,
Qui donne iour auxfiens diffipant les ténèbres,
Et de noftrefieuKoY les complaintesfunèbres,
Il a,gros d Apollon, célébré ce retour.
Leshommes volontiers honorent plus le iour
Que la nuiél tenebreufe , & Vefter n'eftfi belle
Que ï Aurore au matin quifort toute nou¬
uelle :
K^iujfi voflre apparoifire aux François fiait,
fientir
Plus d'allegreffe au cur que voftre départir.
Mais ainfi que le iour defcouure toutes cho-
fa
Queïombrefiommeilleufie enfles bras tenait c/o-
fles,.
'Brigandages, larcins,y tout ce que la nuit
Recelle de mauuais quand le Soleil ne luit;
Ainfinous effierons que lesguerres ciuiles,
Licences defoldatsflfiaccagemens de villes,
Qui régnaientfansfrayeur de voftre Majefté,
S'enfuiront efblouis deuant voftre clarté.
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Chacun d'vn il veillant vos aClionscon^
temple:
Vous efies la lumière affifre aufront du Temple.
Si elle reluit bien, voflre Sceptre luira :
Si elle reluit mal, le Sceptre périra.
« Ilfiaut bien commencer : celuy qui bien com¬
mence, <
» Son ouurage entrepris de beaucoup ilauance.
S I R Ej commenceT bien a vofire aduenement,
De tout aCle lafin fuit le commencement.
Ilfiaut bien enfourner : car telle (pu efiïentrée,
Volontiers tellefin s'efi toufiours rencontrée.
Vous ne vene% en France a paffer vne mer
Quifloit traquille & calme & bonaffe à ramer:
Elle eft du haut en bas de flaclions enflée,
Et de religions diuerfiementfiouflée :
¤lle a le cur mutin , toutefois il ne faut
D'vn bafion violant corriger fion défaut,
jl faut auec le temps en fon fins la réduire:
» D Vnchaftiment fiorcé le mefichant deuient
pire .
Ilfaut vn bon timon pourfifçauoir guider»
Bien calfeutrerfa neffa voile bien guindi

oyal; ^
7a certaine BoujJolle efi d'adoucir les tailles, La complainte dupeuple, & vospropres afiai-
Eftre amateur de paix,y non pas.de batailles, res
Auoir vn bon Confeilfa Iufiice ordonner,
Payerfes créanciers, iamais ne maçonner,
Efirefibre en habits, efire Princ^axcointoble,
Vous prefiheront affe% : cepapier feulement
S'en- va vous faliier, $ fçauoir humblement:
De voflre Mafifié,fi'vous,fon nouueau mai-
Et n'ouyr nyflateurs ny menteurs à la table. Jbre,
On efiere de vous comme d'vn bonmar- Le pourreTparfia Mufie encores recoçnoillre.
chand, Il n'a pas l'Jtalie en pofle trouerfé
Qui vn riche butin aux Indes va cherchant, Sur vn cheualpouffifl, fuant y haraffe,
St retourne chargéd'vne opulente proye, Qui a centfois tombéfion maiflrepar la courfe:
Heureux par le trauaild'vnefi longue voye: Il n'a vendu fion bien à fin d'enfler fa bourfe
Il rapporte de l'or, y non pas de l'airain. Pour vous aller trouuerjZfpourparlera vous,
Auffi vous auriez^faitfi long voyage en vain,
Veu le Rhin , le Danube , y la grand' Aile-
Tour vous baifier les mains,embrajfier vos qe-
nous,
maigne,
La Pologne que Mars y l'Hyuer accompai-
adorer voflre floce : il ne le fiauroit faire,
Son humeur fantafiique efi aux autres con-
gne, traire:
Vienne, qui au Cielfie braue de l'honneur Ceux qui nont que le corps font nais pour tels
D 'auoir fieu repouffer le camp du Grand-Sei- mefiiers,
gneur,
Venifle marinière, y Ferrare laflorte,
Thurin quifut François, & Sauoye quiporte,
(eux qui n'ont quelefirit ne leflontvolot'ters.
Toutefoisfins couriry flans chager déplace
Il efiaffeuréd'eftre en vofire bonne grâce :
Ainfique fiait Atlas,fur fa tefie les Cieux : Encor le defifioir ne l'a pas combatuj
En vain vous aurieTyeu tant d'hommes,tant L'honneur aime l'honneur, la vertu la vertu1.
de lieux, S'il vous plaifi l'appellerions farder vne^
Si vuide de profit en vne barque vaine
Vous retourniez en France âpresfi longuepei~
excufie,
Il vous ira trouuer auec la mefmeMufi
ne. Dont il Chanta H e n KY,fen Charles,1
Ilfiautflaire, mon Prince, ainfiquVlyffefit, & auffi
i Qui des peuples cogneusfieutfaire fonprofit. Vous a prefentfion R O Y des Mufies le fouci :
Mais quoy ? Prince inuaincu, le fort nem'a Ouflvoftredijgrace à ce coup il efflaye,
fait efire II fiera caTanier comme vn vieil morte-paye,
Si doCle que iepuiffe enfieigner vn telmaifire :
En difiours fi hautains ie ne doy m'empefiher,
Qui renfermeJà vie en quelque vieilchafteau,
Acrochontpareffeux fies ormes ou râteau,
Et ne veuxflaire icy l'office deprefiher: Au pays inutile,^ moifi de pareffe
Ma langue fie taira: vosfirmons ordinaires, Près deflon vieil harnois confinefit vieilleffe,
MARCASSVS.
Nofire feu Hoy] Il parle de Charles IX. Méfier] C'eft I'Eftoille qui paroift la première fur le foir. De
factions enflée] A caufe des Princes & du party de ceux delà Religion prétendue. Vienne] C'eft Vienne d'Auftrichc.
Ferrare] Ville d'Italie &fouueraineté. Thurin quifut François] Henry II. l'auoit en fes mains & le
pofTcdoit. Mais il fut rlndu, auec tout ce que l'on tenoit du Piedmont,par le mariage qui fut fait de Marguc»
rite f du Roy auec le Prince dc Piedmonr, du depuis Duc de Sauoye : & tout après la bataille de S.Quentin.
^ftlat] C'eftoit le fimulachre d'vn haut homme, que les Poëtes ont creufouftenir le Ciel. Qjivlyfe] Vlyfîê
eftoit vnRoyde I'ifle d'ltaquc,qui après auoir efté auficgedeTroye fut dix_ans vagabond parle mondes
l'hommele plus fin & leplusrufé de fon temps, & qui auoit fait profit de toutec qu'il auoit veu. Voila pour¬
quoy Homère commence fonOdyiTëc par ces mots:
Et puis,
asMuf J[ cu3fù!7rtsf iJit «n« k. roor tyra.
En pofie trauerfe] Comme Chemeraut, qui après la mort de Charles IX. fut enuoyécn pofte par la Roync
Mère en Pologne, pouraduertir le Roy dudecésde fon frère Charles: lequel fit telle diligence qu'il arriua
Mm m iiij
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6$î. LE BOC AG E
6$î. LE BOC AG E __
dans treizeioursTCr^nTl^ aUCC h mcfmC ^"^
Henry ] Deuxiefme.
. Cefi
A LVY-MESME.
Vom race de Rois , Trince de tant de
'Princes,
Qui tene^Jeffous vous deuxfigran¬
des prouinces,
Qui par toute l'Europe efilaire% tout ainfi
Qu'vn beau Soleild'Efiédéfiâmes efilairci,
Que l'eflranger admire y lefiuiet honore,
Et dont la Majefié noftre fiecle redore.
A vous qui aueTtout, ie nefçaurois donner
Trefient , tant foit-il grand, qui vous puiffe
efirener.
La terre efi prefique vofire , y dans le Ciel
vous mettre
lenefiuispas vn Dieufie nepuis lepromettre,
C'efi à faire auflateuf: ie vous puis mon me- -
fiier
à vous,mongrand Prince,afiupporter
mafajge,
Et me louer d'auoir l'ameflùperbe y haute,
Et l'efirit nonfieruil,comme ayant de Henry
Vofirepère &de vous trente ans efie nourry,
Vngentil Cheualier qui aime de nature
A nourrir des harats, s'il treuue d'auanture
Vn çourfiergênereux,qui courant despremiers
Couronnefionfieigneur depalme & de lauriers,
Et couuert defueur, d'eflcume fy depouflfiere
Rapporte a la maiflon leprix de la carrière :
Quand fes membresfontfioids,débiles &per¬
clus,
Que vieilleffe l'affaut,que vieilil ne courtplus,
N'ayant rien du paffé que la monfire honora¬
ble,
Son bon maiflre le loge auplus haut delefiable,
Luy donne auoinc yfloinrfoigneux de le pen-
Promettrefieulement,de l encrey du papier.
le nefuis courtisan ny vendeur de fumées,
fer>
Et d'auoir bienferuy lefait recompenfier:
L'appelleparfon nom, (^ffi quclqu'vn arriue,
le nay d'ambition les veines allumées, Dit : Voye-^ ce cheual qui d'haleine poujjiuc
le ne fiçauro'is mentir, ie ne puis embraffer Et d'ahan maintenant batflesflancs à l'entour
Genoux, ny baifer mains, ny fuiure,nypreffer
Adorerflonneter, ie fuis trop fantafiique:
Tefiois montédeffus ou camp de Montcontour:
fe l'auois à Iarnac, mais tout enfinfi Change.
Mon humeur d'eficoliery ma libertérufiique Et lors le vieil çourfier qui entend fia louange,
Me deuroit excufir ,fi la fimplicité
Trouuoit auiourd'huy place entre la vanité.
Henniffant ($f frappant la terrefefiou-rit,
Et bénififin Seigneur quifi bien le nourrit.
MARCASSVS.
^C\ow race de it^ys] Apresauoir deferit fon humeur franche & Iibre,nullemcnt portée à la flateric,il dit qu'il
eftrefolu de reprimer l'infolence des vicieux parles pointes de la Satyre, & qu'il ne fe foucie pas d'encourir la
haine de qui qutTcefoit, pourucu qu'il n'offenfe pas fa Maiefté. En cefte pièce il n'y a pas beaucoup de chofes à
expliquer. Deux prouinces ] La France & la Pologne. Lamonfire ] L'apparence d'vn bon cheual. le l'auoit
à Iarnac ] Où le Prince de Condé fut tué. Sou-rit] Il Té réioiiit. Virgile dit que les cheuaux de leur naturel
entendent quand on les loue. Le mcfmc en dit Xenophon en fon Art de monter à cheual.
Vous aure% enuers moy(s'il vous plaift)tel
courage,
Sinon a vous le blafime, y a moy le dommage.
Je réue ! vofire main me doitfaire fentir
Que U maifon des Rois ne loge vn repentir.
Mais ie fuis importun, laperflonne importu
ne
Ne rencontre iamais vne bonne fortune :
Laiffmsfaire au Deflin qui nous donne la
h*- .
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Le Deftin degrand Duc vous afait vngrand
Roy :,
» Puisil ne faut iamais'ou parler afion mai¬
flre,
»» Ouflaut de douxpropos les aureiUes luypai-
flre*
Sire, voici le mois où le peuple Romain
Qui, tenoit tout le Mode enclos dedas la main,
Donnait auxfiruiteurs}par manière de rire,
Cmgéderacotermtsequ'ilsjiouloientJke^

. Tant
royal: Cn
Donnez- moy ( s'il vous plaifi) vn femblable Seront laffes dufaix des affaires Vrgentes,
congé,
Toy la longue de rongne & lepalais mangé,
Aux heures de plaifir vous pourrez voftre
efirit
Jlfaut que ie lesflotte ou ilfaut que ie meure, Ejbatre quelquefois en liflant mon efirit.
le malgrateleux me démange a tout'heu- S'ily a quelque broue ou mutin quifefafche,
re- Et qui entrefis dens des menaces remafche
La bile abonde en moy,voicy le Renouueau,
Ilfaut contre quelqu'vn defiharger mon cer-
Pourfle voir ou de biens ou defaueur de[dit:
Si vn plus qu'il ne doit veut monter en crédit:
ueau. Si quelqu'vn enfaueur defa faueur abufe,
FuyeT^mefehansfuyeT^ : maisfans vofire ay- S'ilfait le courtifan y s'arme d'vne rufie :
de,SiK e, Si quelque viloteur aux Princes deuifant
le n'ofie enuenimer ma langue a la Satyre.
Si efl-ce que la rage y l'vlcere chancreux
Contrefait le boufonje flot , ou le plaifiant :
Si nos Prélats de Cour ne vont à leurs Eglifis]
Me tient de compofer : le mal efi dangereux
Qui defblaift a chacun : mais fi ie vous puis
Si quelque trafiqueur, qui vit de marchanda
fies,
plaire ,
lime plaifi, vous plaifiant, d'eferire , fy de dé-
plaire.
Veut gouuerner l'Efiatfiaifiant de l'entendu :
Si quelqu'vn vient crier qu'ila tout dejfendu
En Pologne,y qu'ilbroue enfléd'vn telvoya-
Qui , bons Dieux ! n'efleriroit voyant ce ge,
temps icy f Etpour lefien accroiflre a tousface dommage:
QuadApollon nauroit mes chanfons enfiucy, Siplus quelque valet de quelque bas meflier
Quand ma languefleroit de nature muette, Veut parforce acquérir tous les biens d'vn
Encores pardefiit ie deuiendrois Poète.
Cefi trop chanté d'Amoury en trop de
quartier :
Si plus nos vieux corbeaux gourmandent vos
façon, Finances,
La France ne cognoifl que ce mauuaisgarçon,
Que fies traits, que fiesfeux: ilfaut qu'vne
Siplus onJe defiruit d'habits & de defiences]
Etfi quelque affaménouuellement venu
autre voye Veut manger en vn iour tout voflre reuenu,
Parfentiers incognus fiurParnaffe menuoye, Qu'il craigne mafureur, d'vne encre la plus
Pour me ferrer lefront d'vn laurier attaché, noire v
D'autre main que la mienne encores non tou- le luy veux engrauer lesflaits deflonhifloire
ché.
x+Apres que vofire effirit y vos mains dili-
D'vn long trait fur le firont , puis aille où il
pourra,
gentes Toufiours entre lesyeux ce trait luy demourra.
MARCASSVS.
Vous aurelQ C'eft à dire, Vous me traicterez en ma vicillcfTè, comme le bon Efcuyer traittefon cheual géné¬
reux en fes vieux ans. DegrandDuc] Car il eftoit Duc d'Anjou. Enclos dedans ] Car les Romains ont efté
maiftres de tout le Monde. Congéde raconter] C'eftoit vne certaine fefte qu'on nommoit les Saturnales: en la¬
quelle lesmaiftres faifoient les valets & les valets les maiftres. Ils ioiiiiToient d'vne cfpece dc liberté. Auffi
dans la Grèce quand ils alloientfacrifier auec leurs maiftres, ils auoient des couronnes fur leurs telles. Voila
Fourquoy Cation dans Ariftophanc dit à fon maiflre qui le menace : oJju* 7iwto«/c stfarov î^>'&.'}i. La bile ] C'eft
humeur melancholique , & les Poëtes la prennent pour l'enuie qu'ils ont de mefdire. Par defiit] C'eft ce
que dit Iuuenal, fi ie ne me trompe:
Si natura negat, facit indignatio "yerfum.
si lin ] Il taxe icy quelqucs-vns de fon temps , defquels on pourroit dire quelque particularité. Mais ce n'eft
pas bien fait de taxer la mémoire des morts, & en leur perfonne offenfer ceux qui font en vie.
lefieroy comme vn ours que le peuple ai-
guillonne,
Degrand ny depetit ne me donnantfouci,
Si ïuure vous agrée& qu'ilvousplaifi ainfi.
Qui renuerfe la tourbe & mord touteperfonne, I'ay trop longtempsfuiui le meflierHéroïque,
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^4 L E BO
Lyrique, Elegiaq : ie feray Satyrique,
Difoy-ie à voftre fiere,a Charles mon Sei¬
gneur,
Charles qui fut mon tout , mon bien y
mon honneur.
(e bon Prince en moyont fe prenoit afourire,
Meprioit,m'enhortoit,me comandoit d'eficrire,
D'efire tout fatyriqueinfiammentmepreffoit:
Lors tout enfléd'eftoir dont le vent mepaiffoit,
%^4rmédefa faueur ie promettois de t eftre:
Cependant i'ayperdu ma Satyre fy mon mai¬
flre.
Adieu Charles adieu,flommeilles en re¬
pos :
Cependant que tu dors iefiuiuraymon propos.
il n'y a ny rheubarbe , agaric ny racine
Qui puiffe mieux purger la malade poitrine
De quelquepatient fiéureux oufurieux,
Quefait vne Satyre vn cerueau vicieux,
Pourueu qu'on la defirempea la mode d'Ho¬
race,
Et non de Iuuenalqui trop aigrementpaffe :
ilfiaut lapréparer fi doucey fia point,
Qu'à l'heure qu'on l'aualleon ne lafientepoint,
Et que le mocqueur foit à mocquer fi adefire,
Que le mocqué s'en rie ,& nepenfie pas t efire.
O Prince monfiupport, heureux & malheu¬
reux î
Heureux d'auoir l'efprit fivifify généreux,
Et malheureux d'auoir dés lapremière entrée
Voflre France rebelle en armes rencontrée,
D'ouïr de tous coftez refionner le harnois,
Violerla Iuftice y meijrifier les Lois,
et prefque tout l'Eftat tomber alorenuerfie
Par vne deftinée à la France peruerfie.
Receuez , s'ilvous plaifi, d'vn vifageferain
St d'vn front déridé mon efirit, que la main
Des Mufes a diClé cefie nouuelle année,
Pour en vous eftrenont voir leur troupe eftre-
née.
Ne les mefirije^jpas, bien quefioyezyffu
D'vne race & d'vn fangde tant deRoiscon-
ceu,
Et nefermez aux versl'aureille inexorable:
CAGE
MARCASSVS.
Minerue autant que Mars vous rendravcl
nerable.
Homme,nepenfizeftre heureufement par¬
fait:
De mefmepeau que nous Nature vous a fait.
D I E v tout feul efi heureux, noflre natun
humaine
Mifirefurmifère en naiffont nous ameine :
Et nefaut s'efbahir fi nous auons icy
Tourpartage éternel la peine y lefiucy.
On dit quePromethée en peftriffant l'argih
Dont ilfit des humains ïeffence trop fragile,
Tour donner origine à nospremiers malheurs\
En lieu d'eau la trempa de fueurs$[ depleurs:
Car plus l'homme efi heureux , plusfortune
l'eff>ie;
A telle qualiténous tramons noflre vie.
Mais cefi trop babillé, ilfi faut dépefCher,
Souuent en voulant plaire on ne fait quefafi
Cher.
Quand Hercule ou Atlas ont Chargéfit
l'efihine
De ce grand Vniuers la pefiante machine,
Que de coly de tefie ty de bras bien nerueux]
Se bandentfous lefaix, qui tomberoit fans
eux :
Si quelque fafiheuxfiot arriuoit d'auenture
Quivint les amufier d'vne longue efleriture,
Ou d'vn maigre difeours ,fioit en profieou eyi
vers,
Offenferoit-il pas contre tout l'Vniuers ?
Malin i'offenferois contre toute la France,
Dont vous porte% lefaix dés voflre ieune en-»
fiance,
S'importun i'amufeis vofire diuin efirit
(Aux affaires bandé )par vn fafiheux efirit.
Dieu ne demandepas (car Die-u rien ne de¬
mande)
Qii]on charge fies autels d'vne pefiante offran¬
de: ,
Il n'aime que le clur , il regarde au vouloir,
Lafeule volontél'offrandefait valoir.
Ainfifiuyuant de Dieu la diuine nature,
Vous prendrez mon vouloir , y non mon efcriture.
jcU mode d'Horace] C'eft à dire , en riant. Horace a imité Plaute qui mord en rianr,& fi doucement , qu'i
grand peine ceux qui font touchez s en appercoiucnwls. Dtluuenal] Iuucnal au contraire a imité Arifto^
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# ,*

oyal: ¤9i
phane quia chaque coup emporte la picce. ^efonner le harnoii ] A caufe delà Ligue; Promethée] C'eftoitvn
parent de Iupiter qui ayant appris que Iupiter auoit refolu de perdre rout le genre humain; voulut efprouuer
vn moyen de le reparer quand il feroir perdu. Il fit donquevn homme de boue, & pour l'animer alla defro-
bcrlefeudu Ciel. Iupiter en fut grandement offenfé ; furquoy il l'enuoya attacher au mont deCaucafe par
la Force & par Vulcain , & ordonna qu'vn Vautour fc paiftroit éternellement de fon c.ur. Virgile:
Caucajèâfifue refert ~ïolucres furtùmyue Promethei.
Voyez la Tragédie qu'en a fait /£fchylc.
SONGE
L V Y-M E S M E.
Os pères abuflez penfloient que le fionger
Du matin n efioit point ny flaux ny
menfionger.
Au contraire,mon KoY,ie penfleque tousfin
ies
o
Sans rienfignifier ne font que des menfionges,
Et que Dieu ne voudrait ( Dieu qui ne peut
tromper)
De fantofmes confins nofire orne enueloper,
S'opparo'iffant à nous, quand le fiommeil com¬
mande
Au corps enfieuely devin (S/ de viande :
Maisplufiofi enplein iour, alors qùil efi per¬
mis
De veiller &d'auoir les fins non endormis,
Et fçauoir difiernerfi l'image légère
Qui pouffe nofire efirit, efifoufie ou menflon~
gère.
Or fions tant difleourir ie vous diray lefait :
» L 'ouurage commencé s'en va demy-parfait.
le flongeoy l'autre nuiél que peu deuant
l'Aurore,
Quand du Soleilnaiffant les cheuauxfont en¬
core
En la mer, (flff leurs crins s'efiandent par les
Cieux,
Qu'vn buiffon efiineuxfi moftroit à nosyeux,
De ronces remparéffortifié d'eau viue
Et d'vn largefoffé,dont la giflante riue
Me monfiroit que du bas iufquau plus haut
du bord
Lepaffage efioit clos, tant le parc efioitfort.
Dedansflaifoitfla bauge vne befleflauuage,
Qui iamais autre part ne Cherchoitflongaigna-
tff>
MARCASSVS.
S'auiandant de glands quifies fi defioboient
Des chefines en Autonne & à terre tomboihnt.
Lesvoifins du pays l'appelloient La-merueille :
Sa gueullc efioit dentée,effroyable l'aureille,
Ventre large y panfiu , la peau rude au tou¬
cher,
Etfin frontfi dreffoit en poinCle de cloCherl
Il n'y auoit feigneur, marchant, ny gentil¬
homme
Qui neuft couru labefte , ainfli qu'on faiCtà
Romme
Le Bufle par la ville, alors que les Romains
De traiCls iette? fur luy fle déforment les
mains.
Tran^ortéd'vneforte y chaudefrenaifle,
Apres tant de coureurs il me printfiantaifie
Delesdeuancer tous ,& comme bon veneur,
Faire bien mon enceinte,& en auoir l'honneur.
Nos pères abufe^] Ce n'eft que le récit d'vn fonge pris fur la Chaffe, pour monftrer qu'il n'eft rien dc fi fort
& de fi confiant que la force de l'argent n'cfbranle, félonie dired'Ariftophane , dcyueÂa ot»8' L~T>TOWnt|. Du
matin ] Ils croyoient que c'eftoit le feul fonge, par lequel les Dieux nous aduertiffoient des chofes à venir , Se
que les autres ne venoient que des fumées qui montent au cerueau de ttop de repletion, ou du frais obiect des
chofes que nous auionsveuës au iour précèdent, au lieu qu'en ceux du matin rien de tout cela ne s'y pouuoit
renconttfer , la digeftion eftant faicte & les objects eflongnez de tout l'efpace de la nuict. Voyez Euftarh. fur
Homère, quand il parle des fonges qui viennent par la porte d'yuoirc, & de ceux qui viennent par la porte de
corne. Que de menfonges ] Epicure efioit de cefte opinion fi nous en croyons Pétrone ôcTertullian. Petron.
Videbatur trnhi fecundumquietemPriapus dicere : Enco!pion,^ttod quarts , fcttoàme m nauemtuam ejfe perduilum. Exhor»
rutt Tryphana : cr,Putes , mauit , ~)ina nos dormijfe.Nam çr mihi fimulachrum Neptuni cjiiod Saifior afcylo notaueram,~ridebatur
dicere, In naui Licx, Gitona wtienies. Hmcfaes,mautt Eumolpus, Epicurum hommem ejfe diuwum , j«> eiufmodi ludihria
facetifiima rattone condemnat. Tertul. au chapitre 46. Vanaxn totum fomnia Epcurtu tudicauit .- liberamt à negottjs di-
uinitatem. Voyez Lucian dans fa Pfcudomantie. Bauge] Mot de laChafîe,qui fignifielelict d'vn fanglicr.
Caignage] Signifie premièrement les fruicts qui viennent des terres labourées :& en terme de Chaflc les
champs &iardins où font bleds & potages, ^/tutandam] Ce qu'on dit, paiftre, des autres animaux, on dit
^Viander, en terme dc ChafTe,des cerfs & des fanglicrs. La-merutiUe \ A caufe de fa grandeur. Dentet\
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*,* LE BOCAGE
. . -. ,. -. c -- «^nVr^^rrhafTc des cens de cheual qui courent après la befte.
mcfmc mot Cwgere.
Cela ne m effroya, ny nepallit ma face, Auplusfort du taillis vngros hallier eftoit,
Voyant dt mes voifins les chiens mortsfur la Où four bien fle bouger leflanglierfemettoit
place Hallier que le Soleil defies rayons ne perfe,
Et les outres blejfiz au logis reuenir : Tant rameauxflur rameaux d'vne obfiure,
Maisplufloft irrita mon courroux à tenir trouerJe
Fort contre le flanglierfluiuant mon entreprife, Enfrmble entrelacez le haut s effiefiifloit
Oumouriroucombat,ouvoir labefie prifie. Etlebasplein d'effroy d ombresJe noirciffoitl
le defeouplay mes chiens tyflor-huant après, *Au milieu croufiffoit vne mare flangeufe :
Les nommâtpar leurs noms,iln'y eut nyflores, Là fouloit à midi cefie befle outrageufe
Montagnes, ny chemins , ny lande inhabitée
Qui nefiffentvn bruitfeus ma chaffe ameutée.
Fouiller, (§; tout fion corps de bourbe reuefiir.
Là iepouffe mes chienspour lafairefinir:
Errant égratigné de ronces par les bois, Là l'efiieu dans la main courageux ie deuance
Tantofl d'vn tram de trompe , fy tantoft de Ma chaffe de vingt pas, ie la tance y retance{.
la voix le la preffe & la hue allant tout à l'entour,
Je leur donnoy courage $ leur monfiroy la Mais en vainxar pluftoft ie vy faillir leiour\
voye: Quelle ofiaft approcher du monftre pour le
Mais coïïars fions la mordre ils aboyoient la mordre: \
proye Au contraire il s'élanceJ&les mit en deferdreï
Agpeulc ouuerte, ainfique de nuiCl en réuant
Leurs dents mordent en vain les ombres y le
Maffacrant la moitié\puis en lesfecouant
Du groin les enleuoit , & s'en allait io'ùant,
vent. j Ft morts les eflendoitfiur le dos de la plaine:
I Je fy fionnér pour chiens : U trompe les Troisfois recreu d'ahan, troisfois reprin{
affemble: haleine:
Coulpables de leurfauteilsfle rendent enfemble Je retourne au combat defureur tranfiortei
Tous craintifs à mes pieds d'vn vifage abaifié, Quvn flanglierflur mes chiens eufi l'honneur^
Puis comme des poltrons ainfi ie les tancé. emporté.
Chiens indignes de fluiure vne befle à la U efioit déjà nuiCl,yla Lune première j
trace, Doroit le haut des bois d'vne blonde lumière^
Chiensgris qui démentez vofire première race, Quand regardantfin arc nouuellementplié
Dont le bon SainCl Hvbert par lesflonfis D'vne corne voutee , ainfi ie laprie :
cherchoit Lune,l' de la nuiCl, qui reluis à troisfa-
Lesfangliers,y leur hure afin huis attachoit: ces,
Rendez-moy maintenant , rendez la recom- Deeffe des Veneurs, des chemins ,y des chafi-
îenfi / ,
fis,
Du floin que i'ay de vous riépargnant la défi Tu as courbétroisfois tes voûtes en vn rond,
penfie, Et troisfois replanté tes cornes à ton front,
Ny le bon traiClemetpour vousfaire nourrir, Depuis le iour qu'errant par ces bois ie mqÀ
kA fin de furpaffer les autres à courir. mufie -
Ains que le Soleil plogé'& nous cachefia tefie A future pour néant vne befie qui rufle :
,
Retourne1^ au logis troues de la conquefie, . Guide ma main,Deeffe, & m'enjeigne le lieu
Le mujfte enflanglanté, le corps nauréde coups, D'où ie pourrayJànglant retirer mon efyieu
Ou vous fire^cefeir le carnage des loups. I Etfais par ta faueur que mon fouhait ad-
Ainfi les menaçant, monftrerent au vifage, uienne,
Abboyant cotrt l'air,d'auoir meilleur courage. O des afires l'honneur Vierge Latonienne.
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M A R C A S

Royal 7
MARCASSVS.
For-huant ] C'eft à dire , parlant aux chiens & les animant contre la belle à grands cris, ameutée 1 Éieri
pourfuiuie par mesmeutes. Sonner pour chiens] Onditles appeller. chiens gris] Il entend lesgrisargentez.
Car ils ne fonr pas bons, ils craignent le chaud, & la foule. Ils n'aiment point la befte qui rufcj
font opiniaftrcs & de mauuaifc créance, font fuietsà prendre le change. Il y en a d'autres gris qui font fort]
bons. SatnEl Hubert] Qui eftoit vn grand Chafleurqui fe feruoit de chiens noirs, qu'on nomme encore
chiens de Sainct Hubert. Bure ] C'eft la tefte du fanglier. Hallier ] On appelle cela le fort du fanelier»
ou le buiffon, ou la bauge. Ma chajfe ] Mes meutes. ^C trois faces ] Quand elle eft tout à fait nouuelle 8c
puisquand elle apparoift en croiiTant tout formé, &puis pleine. Deefedes teneurs] En cefte qualité elle'fè
nomme Diane. Des chemins ] En celle-là Triuia. Tesl/oûtes] Decroiifanttuesdeucnuë pleine. Il entend
trois mois, à la mode des Anciens qui comptoient leurs mois par Lunes. g»»' rufe] C'eft à dire, qui ne
tire pas pays : mais qui rode pour s'efehapper des chiens & n'eftre pas forcée. Laionienne 1 11 l'appelle ainfi,
parce que les Poètes ont feint qu'elle eftoit fille de la Deeffe Latone.
Comme ainfi ie prioy , la Lune m'enten- Puis me difles ainfi : Quelfort te mena-
dit, çant
Quifloudain deflon Ciel en terre défendit :
Tuis dejjouillant finfront y fia corne argen-
Te tientfi tard au bois à l'ombre du Qroiffant,
Quand les hommes laffez& quand touteautine,
tre chofe
Prift laforme y l'habit d'vne mienne voi- Oubliant le trauail enfin liCl fie repofle f
fine, Conte-moy ton mefichef: cefi lefait d'vn bon
Qu'on difioit toute nuiél parler aux animaux, Roy
Et par charmes tirer les effirits des tombeaux,
Enforceler les bleds, y faire à contre-cour-
D'aider à fionfujet en peine comme toy.
O Prince, mais o Dieu, dont la celefie
fe face
Lesruiffeouxefbohys retournera leur fiource. Ne s'apparufi iamais à nofire humaine race
En me hurtantdu coude ainfi me vint tan- Sinon pourfaire bien , s'il vous plaifi mepre-
fer: fier
Ah ! malheureux Veneur, tu es fit depenfir Vofire aureille, en deux mots ie vous le veux
Quvn Monftrefit cruel foit né delà nature conter.
Des autres animaux : quitte ton auantu- Six mois fent ja pajfiz , queJùantfeus U
re, peine
Et cherche autre porty : ou bienfois diligent Je pourchaffe vn flanglier d'vne efberance
A trouuer vn limier (Sf des chiens tout d'or- vaine.
gent :
La befte ne fe prendflnon en telleflorte.
Vne vieille ma dit que ie fois diligent
De trouuer vn limier fy des chiens tout ctar-
Atant s'éuano'ùit: l'air venteux qui l'em- gent,
porte , Si ie veux telle befle en mes toiles flurpren-
Fifl vn bruit par la nuiél,ytout floudain la
peur
dre:
^autrement ie m'abufi , y ne flaut m'y at-
Sfioutant telpropos me vint glacer le cnur. tendre.
Comme ie m'eftonnoy de fia refionfe ob~
feure,
Jefiuis tout efbahy des propos qu'elle dit,
A qui la raifion mefme y le fins contredit:
Je vous vy ce me fiemble en vne clairtépure Car iamais chiens d'argent ne furent en na-
Reluire autour de moy , mefmefont , mefmes ture :
yeux Cefi tout ce que peutfeindre vne vainepein*
Que vous auez alors qu'entre les demi-dieux ture.
De vofire foinCl Confeil adminifireT iufli- Vous rejjondifies lors : Dieu riefi iamais
ce, l'appuy
Honorant Uvertu , y chafiiant le vice. D'vn cur quifie défie $fne s'affeuré en luy.,
Nn~n
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oyal: 499
Vne horreur le faifit, il Jànglotte en fon Près les murs de Milete vn Temple s'éleàme,
Et outréde douleur contre terre fie pâme :
uoit,
Où Cerésfes honneurs y fes autels auoit,
Puis àfoy reuenu , renfiongnant leflourci, Et ce iour defortune on célébraitfiesfefies,
D'vnevoix effroyée au Gaulois ditainfi. Nosfemmes couronnant d'effiics de bled leurs
Quoy ! efi-celà lafoy que tu m'auoispro- tefies,
mifie f Stportât en leurs mains les prémices desfruits
Efi-ce la tonferment f efi- ce la dextre mifie Que la terre nourrice enfin fein a produits,
En la mienne, o parjure ? après auoir receu Supplioient la Deeffe,&fia Semestrefille,
La rançon pour mafemmeainfi m'as-tude- Leur donner bons maris, y planté defa-
ceu t mille,
Du iour que le harnoisfionna fur tes efiau- Santé,beauté, richeffe & lagrâce des Dieux,
les, Le parfum de l'encens fumoit lufques aux
Qifefiuifant la ieuneffie & laforce des Gaules, Cieux :
Et qu'à ton camp nombreux les ondes des ruif- Autour du Temple alloit la danfie mefiuree,
fléaux Quand voici, comme loups à lagorge altérée
Nebaftoient àfournir breuuage à tes cheuaux, Oudufangdes aigneauxou du fiang des bre~
Et que l'ambition que rien ne raffafie,
Tefaifoit comme vn feu faccager noflre Afie,
bis,
Venir ton camp vefiu deflamboyons habits,
le preuy mon malheur, y preuy que nos Quifans crainte du lieu les autels deflpoïullechamps
rent,
Ne feroient qu'vn tombeau par tes glaiues Etfans refieCl d'honneur nosfemmes violetrenChans
: rent,
Mais ie lepreuy mieux, oyant la renommée Autant que l'appétit vainqueur lepermettait,
Que ton camp ajjiegeoit noflreville enfermée. Et la ieunefureur quifans raifion efioits
MARCASSVS.
lOi&'we] Pour monftrer l'équité des vieux Gaulois, Ronfard fait vn conte d'vn grand Capitaine, comme
pourroit auoir efté Godefroy dc Bouillon, qui ayant pris en guerre vne belle ieune Dame,comme fon mary luy
fuft venu porter fa rançon promit de la rendre auec de grands compliments,& feignit vouloir faire vn facnfice
pour fon heureux retour en fon pays. Neantmoins contre la foy qu'il auoit donnée, au lieu d'immoler la vi¬
ctime qui auoit efté préparée il coupa la tefte à celle Dame. Ce qui fembla au mary de premier abord vne
extrême cruauté & perfidie. Mais après qu'il eut appris dc luy comme fa femme l'aaoithaï, iufqucs là qu'elle
auoit fouillé fon lict auec luy, il ceiTa de la regretter ,& dc blafmcr le Capitaine Gaulois. Tout ce conte eft
de l'inuention du Poctc,commc ie croy . Pafieurdes armées ] I'ay defia dit autre part qu'il appelle ainfi les Souuerains
des armées à l'imitation d'Homcrc, qui nomme Agamemnon mufyJx **oSr. idumees] Elles ont efté
ainfi appcllcesd'ldumevilledclaludce. Sfuifi] Elle expia fon crime par famort & le lauade fon fang.
La dextre mife ] C'eftoit le compliment des Anciens pour baftir leurs amitiez , 8c fe promettre réciproque¬
ment la foy. Virgile.
Pars mihi pacit erit dextram tetigijfe Tyranni.
Milet] C'eft vne ville de Calabre baftie par certains Milefiens d'Afie. Cere's ] Deeffe des bleds. Ses fe-
fies] Que les Grecs nommoientSta^oçoata, dcfquelles fi vous voulez voir quelques parricularitez , voyez les
Commentaires d'Ariftophane fur la Comédie intitulée SioptopteAd^neaf. Semefire] C'eft Proferpine. Il l'ap¬
pelle Semefire , à caufe que les Poëtes ont creu qu'elle demeuroit fix mois aux Enfers & fix mois auecque nous.
Flamboyants habits ] C'eft à dire, dc harnois reluifans.
On dit que de Cerés le vénérable image Que leursfemmes efioient laproye des Çaulois+
Fremiffant affluant abaiffa fon viflage : Le iour efioit fous l'onde, y la nuiél efioi-
Son autel en trembla, fit couleur en mua, ' lee
Et trois fois de deffit la tefte remua.
Soudain la Renommée à l'aile bien agile,
Auoit d'vn habit brun la terre emmantelee,
Quand la clameur fefift,y des enflons pieu*
Deffus le mur rampee efbouuanta la ville, reux
Annonçant aux maris d'vne effroyable vois, Et des pères priue"^ de leurs lits amoureux»^
Nn n ij
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700 LE B O
Non autrement de loin sentendoit U com¬
plainte,
Que fi déjà la ville eufi veu l'image peinte
De la Mort enfies murs, fy les feux indonte^
Riblantparles maifions voler de tous coftez-
Bnfinfur la minuiCl en laplace s'affemblent;
Où de mille confeils les deux meilleurs leurfem-
blent
Deprier l'ennemy, y d'vn foin diligent
Apporter la rançon,y fléchir par argent
(Poifion des cuurs humains) l'arrogance bar¬
bare,
Qui de fon naturel efi tirante y auare.
Lefauf-conduit venu, ayons les pleurs a
l'mil,
Et triftement veftus de noirs habits de dueil,
AupremierpoinClduiourfiortirent de laporte.
Mercure alloit deuant qui leurfieruoit d'ef-
corte,
D'vn air enuelopé. A la fin paruenus
En ton ofly voyant tes hommes incognus,
Haranguèrentainfid'vne douce prière,
Pour amollir les cfurs de la troupe guerrière,
Qui braue enfin harnois donnoit d'vne autre
part
Affeurance auxprions d'vnpaiflble regard.
Teuples enflons de Mars , héritiers de la
guerre,
Qui courez noftre Afie, ainfi que le tonnerre
CAGE
| Oufi
! et
MARCASSVS.
Court grondantparmy l'air ,($?àvos Dieuti
Gaulois
AppendeTpour trofiéey nous & nos harnois:
Ne vueillei' point fouiller, magnanimes genfi
dormes,
Vos honneurs illuftre^par la splendeur des
armes
Aufangvil & couard de nosfemmes,qui riont
Ny corflelets au dos ny morions aufront
Pour reuoncher leur peau,de nature amufées
Afiler leur quenouille, & tourner leursfufiées:
Ou bien fi mefirifiant les Dieux y les hu¬
mains,
Viuez ainfique loups du meurtre de vos mains,
Tournez le fer trenchant en nos mafies poi¬
trines,
Et courtois pardonnezaux'ames féminines:
vous craignez DieuproteCleur de la loy)
lafortune humaine inconfiantey fansfoy
(Croyant que vos voifins peuuent rouir les
voftres .;,..
lAinfi qu'en cepays vous rauiffezj.es noflres\
Vous contre-iniuriant de pareille façon)
Rende^les s'il vous plaift, y prenez leur
rançon,
Afin que déformais exemptes duferuage,
Libres en nos maifionsfacent nofire mefinagf,
Et fans plus afferuirle refte de leurs ans,
Aillentfaire nos liCls,y traiter nos enfans.
Fremifant (yfuant\ Les Anciens ont donné des apprehenfions pour les hommcs,comme l'on voit affez dans
Homere,& des horreurs des mefchefs.comme icy noftre Poète. .Virgile auffi dans le 2. liure de fon Enéide, dit,
que quand on trainoit le cheual des Grecs dans la ville, l'image de Pallas en eut horreur , & fautela plufieurs
fois donnant plufieurs tefmoignages du refTentiment qu'elle en auoit.
Necdubus eafigna dédit Tritonia monfiris.
Fix pofitum cafirisfimulackrum, arfere corufca
Lumimbm fiamm* arreftis , falfâfaue per artm
Sudor ut : te'rque ipfa folo ( mtrabile diftu )
Emicuit,parmâmaue ferens hafiâmque tremendam.
Emmantelee ] Mot feinct , pour dire , couuerte de fon manteau. Leurs lifts ] A la façon des Poëtes Grecs , i
prend icy licts,pour femmes. Mercure ] A caufe que c'eft le Dieu de Perfiufian & du Gain, & l'on auoit befoiii
de 1 vn & de 1 autre : ceftuicy pour perfuadcr, l'autre pour eftre perfuadé. luttent faire nos lifts ] Ainfi parle A4
gamemnon dans Homère, quand il ne veut pas rendre la fille du Preftrc Chryfes,il dit qu'il la veut garder poui
faire fon lict. * ' ^ .
Ils parlèrent ainfi. Tes guerriers de leur » Que l'artperfuafif d'vne douce oraifon.
telle teft telle teft
t ......
~ Les vnespar argent retournèrent troqu
Firentjfgneauxpriasd'accorderleurrequefte. Les autres qui s eftoient déjà domeftiquees
» Il n efi rien qui tant l'homme ameine à la En l'amour <
* BHki ' lars
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'ees:
rdes Gaulois, les penfant plusga.il-

ROYAL. 7oï
Aux combats amoureux que leurs marisvieil- Mepriaient de tirer leur mère deprifin.
lars, » AffeClion d'enflons de nature eflfligrande,
torréfièrent au cap,mefij>rifiant leurs Pénates, » Quelle obtient des parens tout ce qu'elle de-
LiCls,enflons & maris,pourfluiure les Galates. mande.
Mafemmefut rouie. ^Ambaffadeur alors Pour recouurer ma femme, ainçoisplufiofi
Tefiois loin du pais,pour rompre les effors mon cnur,
Et l'infantefureur d'vn Martial orage, Sans qui ie viuotois en extrême langueur,
Qui déjà coniuroit contre noftre riuage. le vendi tout mobiemque menfleruoitï vfage,
Sitoflqu'àmon retourl'hifloire ïentendi, Quand mon meilleur treflor efloit ailleurs en
Leflang gela mon cnur de crainte reflroidi :
La honte y le defiit mefermèrent la bouche,
A terre renuerflé comme vnefroideflouChe,
Pleurant ma Chère eifoufe ,fy riayant pour
gage f
Toufiours à chaquepas en ma flemme réuant,
Chargéde mon auoir ie mis la voile au vent.
Le vent en mafaueur,quipouppierfe réueille,
confort Me pouffa de Milete aux riues de MorfeiUe.
Remède enmo malheur que l'efij>oir de la mort* Du lieu de ta demeure aux voifins ie m'enquis:
En tous lieux que i'allois où ie l'auois cognue,
Soit veillante, ou dormante,ou floit en robbe,ou
Mais l'honeur de tesfaitspar les armes acquis
M'enfiigna le chemin : car il n'y auoit trace
nue, Qui rieufi ouy tint er lebruit de ta cuiraffie.
Au iardinyen la Chambre, au cabinetfigret, Entrant dans ton Palais d'ede iefus cognu :
Toutleciurme creuoit dedueilfy deregret. Puis t'enquerat de moypourquoy i'efiois venu,
D'vnpied mal-affeurémillefois en vne heure
le Changeais de logis,deplacey de demeure :
^Ainfite refbondi. L'ajfeflion extrefme
Que ieporte à mafemme,helas!plus qu'à moy-
Mais en vain :car tous lieux me fiembloient mefme,
odieux, Lespleurs verfiz pour elle & les regrets amers1
Et toufioursfia beauté me recourait auxyeux. M'ontfait vendre mon bien ypaffer tant de
Enfonge toute nuit me reuenoit mafemme,
Et tout cela de douxqui nous Chatouille l'ame,
mers
A fin de racheter vnefi chère chofe.
Et dont leflouuenir efi plaifiant au penfier,
QUAmour mefait au cur centfois le iour
Puis tout foudain duprix auec toy ie compofi,
Et le mis en ta main : mais ton c généreux,
pofifier : Plus cetfois de l'honeur que de l'or amoureux*
Laface qu'elle auoit quand elleflut rouie, Forçant ta nation qu'on eftimefifiere,
Toufiours me reuenoit : comme elle pourfiuiuie Ne voulut accepter de moy lafimme entière:
Couraitparmi le Temple embroflant les autels
Et les images fiaints des hauts Dieux immor-
Tu mis cefie rançon en quatre lots àpart,
Vne quarte à ma femme y l'autre pour ma
tels,
Taflmée, éCheuelée, y nonplusfemme viue,
part,
L'autrepour mes enflons ($fïautre pour toyt
Et s 'échappant de l'vn de l'autre eflre captiue, maiflre.
N'ayant autre confort enfin péril,finon
M' appellera d'auoir en fia bouChe mon nom .
Tu me fis vnfefiinju maffis à ta dejbre,
le beu dedans ta couppe,^ d'vn front adouci
Tuis toufiours mefimbloit quelle me venait Humainement traiClétu m ofias le fouci.
tendre Quand le vinfut verfléen l'honneur de Mer-
Ses bras craiz^Z. en l'air, afin de la défendre.
Deuxfils coceus de nous.germes de noftre chair,
cure,
Et la nuiélfut venue à la courtine obfcure,
Vray gage d'amitiéaux deuxparens ficher, Tu me liuras ma flemme,& m enfis approcher,
Qui du tout reffembloient au portraitl de leur Tuis en vn mefme liCt enfiemble nous coucher,
mère, Sansplus retenir droiCl nypouuoir deffus elle.
AJflis flur mesgcnous redoubloient ma miflere, Toutefois , o cruel , o barbare infidelle,
Et de leurs tendres mains touchant mon poil Apres auoir comme hofie en ton Pa,ais logé,
^grifin, En ta coupe rebeu, à ta table mangé,
Nnn iij
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,702.
LE BOCAGE ^
' Atres mon orlaffltTtpr"

oyal: 7o3
ioiïyTTouppîer] Ceft celuy qui enfle la voile , & qui vous pouffe heureufement où vous aucz deffcin d'aller*
En l'honneurde Mercure] Apres fouper les anciens auoient accouftumé de verfer du vin en l'honneur dc Mer-
cure,à caufe qu'il prefidoit au fommeil & aux fonges. Voyez Athenee. En te baifant arme'] Comme fait Hé¬
lène à Paris dans Homère. Poupere honnefie ] Horace l'appelle ainfi :
Nec mdecoro puluere fordidos.
Gothifie] A caufe des Gots qui s'emparèrent de la Gaule; gens perfides & barbares. Voila pourquoy elle luy
faifoitee reproche. Et toutperdut] Voila vn vers excellent. Lemourir] A la facondes Grecs, pour la morr,
tetétv pour SaVarof. Le reprocher ] Pour, par le reprocher.
Baille-moy ton poignard pour nous tuer
tous deux :
En- tombefi tu veux, ou donne aux chiens
ta femme,
le te firay defunCle vnfiantofme hideux, Ou lajette en la mer, ou la baille à laflame:
le rompray tonfommeil, ($f contre toy marrie *Un corps tronqué de tefie efi vnfardeau pe¬
lé tefiuiuray toufiours, importunefurie, font,
Te donnant à manger ton filspour ton repas: Ne remporte en ta villevnfi vilain prefent.
Ainfidoux ( me vengeant) méfiera le trefias! Or quant à la rançon que i'ay reçeu pour elle,
Que dis- ie ? mon amour ne mérite vn fiup- Et au refte du bien que ta dextre me celle,
plice: Prens toutM rien veux rien, à fin qu'en ton
Viuons donc à tes pieds pour te faire feruice, pays
Et perdons mon mary ce caufleur effronté, Tu faces au retour tes voifins eflbays,
Qui de tout noflre bien qu'il auoit apporté, Leur contant nos vertus: va CherCher ta de-
T'o bailléfeulement la moitié de lafemme,
IJray aCle de larron,fy nonpas depreud'hom-
meure:
Adieu , donne la main , va-t'en à la bonneme.
heure.
Elle me difi ainfi. Le fiang froid s'affembla
Tout autour de mon c quifoudain me trou-
Henry,dont le renom rieftfieulement aile
Aux peuples eflendusfeus lePôle gelé,
bla,
Douteuxfi ie deuois l'enuoyer tout à l'heure
Mais de l'Europe entièrea rempli toutl'ejbacel
Tune tiensfeulement en la (joule la place
En ces lieux ténébreux où le Trefias demeure, Que tenoit ceguerrier, mais auffi l'équité,
Ou bien fi ie deuois mon courroux retarder, Les vertus, les honneurs ($f la fidélité.
Et te conter lefait à fin de tegarder.
J'ay feint ce facrifice fy feint de te con-
le voudrais que ton peuple en armes redouta*
ble
duire, Se monflrafi enuers toy ou autant équitable
Pourimmoler ta femme, y auffipour te dire Que tu es enuers luy, ou qu'ilfuft enuers toy
Que vous eftes deceus de blafimer les Gaulois, Aujfifidelîe y bon que tu luy es bon Roy:
IJous autres Aflens,comme peuplesflans lois, Lesguerres tous les ans ne feraient attendues,
Barbares & cruels,tranfiorteT parle vice, Tes villesflous ta main fleroient déjà rendues,
Ennemis d'équité, de droiCl & de Iuftice. Les harnois nefieraient vn faix à. noflre dos,
Deffous la loy eflerite enfiigneT vous vi-
ueT,
Et tesflujets viuroient en paifible repos.
Cependant il te plaifi en telle défiance
Et doCles en papier lepapier vous fluiuez '
Nous autres nous riauons que la loy naturelle
Vaincre non par lefler, mais par la patience:
Vy heureux cefie année y cent autres encor,
Sferite dans nos ciurspar vne encre éternelle, Et en régnant vieillis autant quefit Nefior,
Que nousfluiuons toufiours fions befioin d'au- Et m'efireine ,grand Roy, ainfi que ie tetre
eficrit, flreine.
Commeportons nos loix en noflrepropre efirit. Du labeurprofitable agréable efi la peine.
MARCASSVS.
taitU'moj] C'eft la mefme paffion dont eft agitée Didon après qu'Ence s'en eft allé.
Omnibus ~\mbra loc'u adero : dabis tmprobt p
_&

704
LES PARQVES.
A L V Y-M E S M E.
LE BOCAGE
fes Pôle nlé\ U entend le Pôle Arctique : c'eft à dire, ïe Septentrion où il fait vne extrême froid. Nefior]
C'êft vn Prince du Royaume de Pylc , qui fur à la prife de Troye , & qui vefquit trois ou quatre ficelés.
Es Parques, qui leur chef de chefne
couronnèrent
Le iour que tu nafquis , ton corps enuironne-
rent,
Puis enfilant ta vie autour de leurfufiau,
etparfumant d'odeurs ton liél^f ton berceau,
Te Chantèrent ces vers que les Dieux approu~
uerent,
Et pour efire garde? au Ciel les engrauerent.
Enfant, en qui le Ciel renuerfefon
bon-heur,
Te rempliffant autant de vertusy d'honneur
Qu Hercule enfut repli le iour defa naiffance,
Crois pour tefaire vn iour l'ornement de la
France.
Crois donc, & deuiensgrand, y d'vn bras en¬
fantin
Riant dés le maillot embraffe ton Defiin.
Qomme Alcide quiflut d'vneflorce indonteej
Souffrit mille trauauxflousfinfiere EuryfieeJ
Tu dois deffus le tien mille peinesfiouffrir,
Et d'vn cnurgénéreux aux batailles t offrir,
Et faire craqueter dés ta ieuneffie tendre
Le harnoisfur ton dospourfon Sceptre defen
dre.
Nous voyons la Charante,yles bords d'a¬
lentour
Déjà rougir deflang, ($f l'air de Moncontour
S'infeCler de corps morts, y fes plaines fe-
mees
MARCASSVS.
D'os , porter à regret les mutines armées.
Déjà nous te voyons au milieu des trauaux
Renuerfer à tes pieds Cheualiers y cheuaux,
Etpendreflur ton front,pour éternellegloire,
L'honneur y le bon-heur, la force y U vi-
ctoire.
Lbs Paroles ] il célèbre par ce petit Pocmc la naiffance de Henry III, fait prédire aux Parques tout
ce qu'il doit faire,com me Virgile fait du fils de Pollion. lesParaues ] II les fait prefider à la naiffance de Henry
1 1 1. àcaufe qne ce font elles qui filent , félon l'opinion de tous les Poëtes, nosbonnes ou mauuaifes deftinées.
Voila pourquoy Virgile dit:
Taliafecla fuit dixerunt curriie fufis
Concordes fiabilt fatorum numme Parc4t
Q^Hercule] On dit que toutes les vertus qu'Hercule auoit eftant homme fait, luy furent données du Ciel en
ralliant. Voila pourquoy on feint que Iupiter mit trois nuicts en le faifant,& qu'il eftouffa des ferpens horribles
ne vcnantque de fortir du ventre d'Alcmene. qiantde's le maillot] Les anciens croyoient que c'eftoit vn mau¬
uais prefage quand les enfans ne rioient pas au berceau , & au contraire vn bon figne quand ils rioient. Mille
biens furent prédits & arriuerentàZoroaftre,àcaufèqu'il auoit ry le premier iour de fa naifTànce. Virgile ex¬
horte le petit Saloninus de fouf-rirc à fa merc: *
Incipe parue puer rifu cognofeere matrem.
Matn longa decem tuleruntfafiidia menfes.
Incipe parue puer : cui non rifere parentes,
Nec Deus hune menfa , Dea nec dignata cubili efi.
\Alcide ] C'eft le mefme qu'Hercules. Euryfihee ] C'eftoit vn Roy qui auoit vn tel afeendant fut les volonrcz
d'Hercules qu'il luy commandoit tout ce qu'il vouloit,& Hercules ne l'eut ofé efeonduire pour la vie. Dejfout
le tien] Deffous ton frere Charles qui te fera ce qu'Euryfthce eftoit à Hercules, charante] C'eft vn fleuue proche
deMontcontour. De Montcontour] A caufe de la notable iournée que Henry IH.cftant Monfîcur,y gaigna
contre les Princes. I
C'efllors que tu rendras aux François leurs Tu foudroyras leur camp infidèleyfélon,
Autels Ainfi que Brennefutpar les traits dApollon.
Et les Templesfierez de leurs SainCls immor- Tour rendre fia vertu dauantage hono-
tels Yee
Que la main Huguenotte aura rue^par terre. Herculealla courirla terre Hyperboree :
Mais comme on void les Pinsfoudroyez de Et tu dois commander en cefiepart, où droifi
l°nfierIc' , Le Pôle Boréal raidit toufioundefeaiu -
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ROYAL. 70?
DelàpaffantViënne,ylefleuue quibaU Etfonfleuuefauter de ioye enfin riuage.
gne
D'vn courslarge &profond laplus hauteAl-
Apres que la vertu, quifuit ta Majeflê,
Aura deffous tes pieds ton ennemy donté,
lemaigne^
Tu voirrasIJtalie,y Venifi en la mer,
2t la longueur du temps ioinCle à l'expérience
T'auront appris de vaincre auec la patience,
Qui ne veut d'autres murs que deflots s'enfer-
mer :
Par eh tefaifant des Monfires le vainqueur,
Efileue après au Ciel le courage y le cuur.
Et trauerfont le Po,tu dois voir dans les nues Efiime tesfujets , corrige ta Iuflice :
Les rempors monflrueux des grands %Alpes Foy que lesarmesfiaient des Nobles l'exercice:
chenues, ~ Honore la fiience, honore lesguerriers :
Dont les cheueux toufiours de neiges font ve- Les vieillars au Confeilfloient toufiours les
fhts,
Et les pieds de torrents rauagçz$f battus.
premiers,
Reuere leur vieilleffe,& tespères les nomme.
Tuis tu voirrasla terre,applaudi de la race
De tespeuplesFrançois :fi qu'iln'y auraplace,
Chemin ny carrefour, qui en te beniffant
Puis venupar vieiUeffe en l'âge oùfe con-
femme
La viey la chaleur, tu monteras aux Cieux,
N'aille dejeux,de ioye & de bruit fiemiffant. Et boirasdu NeClar à la table des Dieux,
Tar les Temples fitcreT,fainClcs Maifions
de villes,
Les ieunes & les vieux,les mères & les filles
Qomme lepreuxHercule,efioufant la Ieuneffe,
Et Caflor & Pollux, DeïteZ que la Grèce
Mifi au Ciel,fy leur nomJema par l'Uni-
D'vn longordre en chantant,feit denuiClfioit
' deiour,
uers,
Tant valent les vertus , les Mufes fy les vers)
Rendrontgrâces à Dieu pour ton heureuxre- Ainfiprès de ton liCl les trou Parquespar-
tour, lerent,
Lyon doit lepremier reuoirtonfainCl vifage, et baifiont ton berceau dedas l'air senuolerentl
MARCASSVS.
fefilorsjueturendrai] Car il exterminera vne partie des Huguenots. Brenne] C'eftoit vn grand Capitaine
des. Gaulois, qui auec trois cens mille hommes entrant dans l'Italie vainquit les Romains à laiournée d'Allia:
puis print la ville de Rome & la mit tout à feu &à fang, excepté leCapitole où la Nobleffè Romaine s'eftoitretirée,
qu'on fauua par coropofition. Camillus lechaffa puis après. Brennus, du depuis, eftant entré dans le
Temple d'Apollon pour le piller , le Dieu le rendit tellemenc furieux qu'il fc tua Iuy-mefm c. Properce en parle
en ces vers: Vf ' V .
Torrida facrilegum tefiantur limina Brenmtm,
Dum petit intonji Pythia régna Dei.
^/¤t mons laurigero concujfut yertice durai
Gallica Parnafiifiarfit in arma niues.
la terre Hjperboree ] Cefte Hiftoire eft prife d'vne Ode de Pindare qui dit la mefme chofe. A fçauoir que Her¬
cule alla au paysHyperboree pour exercer fa vertu ; d'où il apporta l'arbre dont on couronnoit les vainqueurs
aux Ieux Olympiques. Voyez le Scholiafte dc Pindare fur ce luicct. Pôle Boréal] C'eft à dire.cn Pologne qui eft
fous le Pôle du Septentrion. Ftenne] Vienne en Auftriche. Qjii baigne] Il entend le Rhin. lePo] C'eft
vn fleuue d'Italie qui fc va defeharger dans la mer Adriatique. Les .Alpes ] Montagnes qui feparent l'Italie d'a-
ucclaFrance. Retour ] De Pologne. Sonfieuue ] Le Rofnc. Tonennemy] Le party de ceux delà Religion pré¬
tendue. Le Neftar] C'eft le breuuage des Dieux, & l'Ambrofic la viande. Cafiorcr Pollux] Frères d'Helenc,
dont l'vn voulut partir auec fon frère l'immortalité qu'il auoit à fon choix de prendre.
Tauifay l'autre iourvne troupe de Grues,
D1ALOGVE ENTRE LES Chii d'vn ordre arrangé,^ d'vn vol bienficr-
MVSES DESLOGEES, ré
' & Ronfard. Reprefentoient en l'air vn bataillon quarre,
D'ouïrons empliime?$r de roides Cecouffes
Cherchant en autre part autres terres plus
A L V Y-M E S M E. r-l 1 ï . . J J\f
Euant lesyeux au Ciely contemplant douces,
les nues, Où toufiours le Soleil du rayon defesyeux
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706* LE BO CAGE
706* LE BO CAGE
Rend la terre plus graffe y les champs plus
joyeux.
Ces oifeaux rebatant les plaines rencontrées
Del'air,àgrands coups d'aile ailoient en leurs
contrées,
Quittant noftre pais y nos froides faifions,
Pour refaire leur race & reuoir leurs maifions.
Les regardant voller,ie difiois en moy-mef
me:
le voudrois bien, Oifeaux, pouuoir foire de
mefme,
Et voir de ma maifion laflame voltiger
Deffur ma Cheminée,y iamais rien bouger,
Maintenant que ieportejniurié par loge,
Mes Cheueux auffi gris comme eft voftre plu-*
mage.
Adieu peuples ailez, hofles Strymoniens,
Qui volant de la Thrace aux ^Ethiopiens,
Sur lebord de la mer encontre les Pygmées
Menez* combat léger, vosplumeufes armées :
AlleT en vos maifins. le voudroisfaire ainfi.
» Vn hommefionsfouyervit toufiours en fou-
CJ' \; i
Mais en vain ieparlo'is à l'efeadron qui
voile :
Car le vent empot'toit comme luy maparolle,
Rempliffant de grands cr'ts tout le Cield'alen¬
tour,
Ioyeux de retourner au lieu de flon flejour.
De l'air abaiffant l'nil le longd'vnevalee,
le regarday venirvne troupe haftee
Lafie de longtrauoil , qui par mauuais defiin
Auoitfait ( cefembloit) vn pénible chemin.
\ EUe efioit mal en conche y pauurement
veflue:
Sonhabit attachéd'vne efiinepoinClue
Luypendoitàl'effaule, y fion poil dédaigné
Erroit folle & poudrenx,craffeux >& mal-peigné.
Toutefois de vifage elle eftoitaffeT belle :
Sa contenance eftoit d'vne ieunepucelle,
Vne honte agréable eftoit deffusfion font,
Et fon il efclairoit comme les aftres font:
Quelque part qu'en marChant elle tournaft la
face,
La vertu la fuiuoit, l'éloquence y lagrâce,
Monftrant en centfaçons, désfonpremier re¬
gard,
Quefa race venoit d'vne royalepart,
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Silien qu'en U voyant toute amcgenereufiTt
Se réchaufant d'amour en eftoit amoureufe.
Deuant la trouppealloitvn ieune iouuenceau,
\
Qui portait en Courrier des ailes au chapeau,
*Vne houjfine en main de ferpens tortillée,
Et deffous pauure habit vneface éueiUee:
Et monftroit afin port quelfang le conceuoit,
Tant la garbe de Prince au vifage ilauoit.
Toutfurieux d'eftrit ie marchay vers U
bonde,
le luy baifie la main , puis ainfi luy demande
( Car l'ardeur me pouffait defion malconfier,
M'enquérirdefin nom, y de l'ouyr parler.)
Ronfard.
Quel eftvoftrepa'is, voftre nom,y la ville
'ui fie vante de vous ? L'vne laplus habile
D e la bande refiond.
Mufes.
Si tu as iamais veu
Ce Dieu qui defion char tout rayonnédefe»
^Brifie l'air en grondant , tu as veu noftre Père :
Grèce eftnoftrepais,Mémoire eft noftreMère.
Au temps que les mortels craignoient les
Deitez,
Ils baflirentpour nous & temples y citez:
Montaignes& rochers &fontaines,&précs,
Etgrottes&forefts nous furent confàcrées.
Noftre meftier eftoit d'honnorer les grands
Rois,
De rendre vénérable & lepeuple fy les lois,
Faire que la vertu du mondefuft aimée,
Efforcer le trefias par longue renommée:
D'vneflame diuine allumer les effirits,
%Auoir d'vn c hautain le vulgaire à mef\
pris,
Ne prifier que l'honneury la gloire cherchée^
Et toufiours dans le Cielauoir l'ame attachée.
Nous eufimes autrefois des habits precieuxt
Mais le barbare Turc de toutviClorieux,
Ayant vaincu l'Afie$f 1Afrique, y

Ronfard.
Des Mufes ? di-ie lors. Efies-vous celles-là
Queiadis Helicon les neuf Ssurs appella?
Que Cyrrhc^que Phocide auouoient leurs
Maiflreffes,
Des vers & des Chafions les fiçauantes Déeffes?
r o y a l:
MARCASSVS.
707
Vous regardant morCher nuds pieds y mal-
en-poinCh
I'ay le crur de merueille y de frayeur
efioint,
Etmerepens d'auoir vofire danfle fiiiuie,
Vfiant à vos mefliers le meilleur de ma vie *
Leuant ] Pour monftrer l'ingratitude & la barbarie dc fon temps , auquel la vertu eftoit mefprifee & les Icti
très en horreur j 11 feint d'auoir renconrré les neuf Mufes, qui bannies dc la Grèce parl'infoIcnccduTurc»
crroicnt vagabondes par tout pour voir fi elles trouueroicnt de la counoifie en quelque lieu du Monde Se
s'y arrefter. Elles demandent d'eftre logées en France, & fupplient noftre Poète d'en vouloir impetrer la
faueur dc fon Roy. Ronfard leurrcfpond, que l'importance & grand faix des affaires que fa Majefté fup-i
porte ne luy permettra pas dc fonger à elles. D'Jnordre arrange] Les Naturalistes tiennent, comme il eft,
vray, qu'elles marchent toufiours comme en bataille rangée. D'auirons emplwne7] Cefte tranflation eft ford
fréquente aux Poëtes Latins, & quelquefois aux Orateurs. Virgile parlant dcDcdalus: |
Hedditus hit primùm terris tibi Phube Jacrauit
l(emigium alarum , pojiiitaue immania templa.
Et Apulée en fes Floridcs : ^/Cquilaenimuero cùm fe nubium tenui altifiimè fubhmamt alarum wderejsù rerrùgùs. Vndc
cunEla refiiciens, eyc Laflamme] Cela eft imité d'Homerc, chez qui Vly fle dit, qu'il s'eftimeroit heureux
s'il pouuoitapperceuoirla fumée fortir de fon fouyer. strymomens ] Strymon eft vn fleuue qui fepare la
Macédoine de la Thrace : naift du mont Hermc, & fe defeharge dans le golphe de la mer /Egée. Les Grues ha¬
bitent ce fleuue. Virgile :
Strymom'amaue gruem , aut album detecit olorem.
Thrace ] Pays de la Grèce. Ethiopiens ] En Egypte : quittent le froid pour trouuer le chaud. Pygmees ] Ce
font des peuples qui habitent les plus eflongnees montagnes des Indes. Ils font ainfi appeliez à caufe qu'ils no
font que de la hauteur d'vne coudée. Leur nom eft prins du Grec wt^juVto;. Car m%te lignifie vne coudée. On
dit que ces peuples montezfur des béliers & fur des cheurcs , s'en vont tous en armes furie riuage delà mer,
pour prendre les yufs & les petits des Grues :& qu'autrement ils ne pourroient leur refifter. Quelques vns
afTcurent qu'il y a encore de ces beaux hommes dans laThrace. Elle efioit mal en conche] Il deferit icy la
bande des Mufes, vagabondes & exilées en mauuais eftat de leur pays. . Sgyalepart] Elles font filles de Iupi-
tet, félon l'opinion de tous les Poëtes Grecs, lonuenceau ] Il deferit icy Mercure compagnon des Mufes,meffager
des Dieux, & luy-mcfmc Dieu dcl'cloqucncc. Vne houfiine] On la nomme Caducée. Q.uel fang ]
Il eft fils dc Iupiter èVdc la DccfTcMaia. Garbe] Mine ou contenance. Ce Dieu] C'eft Iupiter qui fepromcnc,comme
dit Pindarc.daus le char du tonnerre. Forcer le trefias] Rendre immortels ceux que nous vou¬
lons malgré la Mort. Le Turc] C'eft luy qui a chaffe les Mufes dc tout ce pays-là, & au lieu d'elles y a logé la
Cruauté & la Barbarie. Helicon] Montagncde laGrecefacrec auxMufcs. Cyrrhe] Antre delaGrcce auffi
facreaux Mufes. Phocide] Phocide eftoit vne petite contrée de la Grcce, en laquelle Apollon rendoit fes Ora¬
cles. Les monts dc Parnafle & d'Helicon y eftoient auffi.
le penfiois qu Amalthée euft mis entre vos
mains
L'abondance y l'argent, l'autre orne des hu¬
mains : *
Maintenant ie cognois,vousvoyont affamées,
Qu'en effirit vous paijfizfieulcmet defumées,
Et d'vn titre venteux antiquaire y moyfi,
Quepour vn bien folide en vain auez choifi.
Pour future vosfureurs miferables nous
femmes.
Certes vous reffemblcT aux pauures Gentils¬
hommes,
Lors que tout eft vendu , leuant la tefte aux
Qeux,
N'ont plus autre recours qu'à vanter leurs
oyeux.
>ue vousfertlupiter dot Vous eftes lesfilles?
Quefieruent vos chanfions, vos temples & vos
villes ?
Ce riefi qu vneparade,vn honneur contrefait,
RiChe de fantafiey non pas en effet.
Vertu, tu m os trompé, te penfant quelque
Chofe i
le cognois maintenant que le malheur difiofe
De ny qui ries que vent ,puifque tu rias pou-
uoir
Deconferuer les tiens qui errent fans auoir
Ny faneurs ny amis , vagabonds d'heure en
heure
Sansfleu,fans lieufions bienfans place ny de¬
meure.
Mufes.
Hà que tu es ingrat de nous blaflmer ainfi 1
Quefuffes-tufans nous qu'vn efirit endurcy^
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7oS LE B O
Confirmant ,cafianierJeplus beau de ton âge
En tapouure maifon, ou dans vn froid vilage, *
Incognu d'vn chacun ? où t ayant abreuué
De NeClar,y ïefirit dans le Ciel efleué,
TauonsfaiCl deflreux d'honneur & de lotion- ,
ges, -
Et fleméton renom par les terres efiranges,
De tes Rois eftimé, de ton peuple chery,
Ainfique noftre enfant en noftrefein nourry.
Dieu punit les ingrats : à tous coups que la
' foudre
Trébuchera de l'air,tu auraspeur qu'enpoudre
Tu nefentes ton corps y ta tefie brifier
Pourlapunition d'ainfinousmefirifir.
Pource adioufie créance a qui bien teconfieilîe:
Ayde- nous maintenant , (if nous rens lapa¬
reille.
Ronfard.
Que voule?-vous de moy? L'vne des Suurs
alors
Qui la bande paffoit de la moitié du corps,
Me contre-refiondit.
Mufes.
;., Nous auons ouy dire
Que le Prince qui tient maintenant voflre
Empire,
et qui d'vn double Sceptre honoreflagrandeur,
Efi deffus tous les Rois des lettres amateur,
Careffe les flçauans,y des liuresfait conte,
Eflimant l'ignorance eftre vnegrande honte:
Dy-luy de noftre part qu'il luy plaifi chan¬
ger
CAGE
MARCASSVS.
Y
En mieux noftre fortune , y nous donne àloi \
En mieux noftre fortune , y nous donne àloi \
er.
Ronfard. ,
Vous mimpofez au dos vne charge inégale : ?
I'ay peu de cognoiffance àfa Grandeur royale}
C'eft vn Prince qui riaime vn vulgaire pro¬
pos,
ît qui ne veutfouffrir qu on troublefon repos,
Empefiché tous les iours aux chofies d'imporA
tance,
Souflenant prefque feul tout le faix de fA
France,
Méditant comme il doitfin peuple gouuerner]
Etflaire deffous luy l'âge d'or retourner,
Honorer les vertus & chaflierleVice,
Defienfeurde la loy , proteCleurde lufiice.
le n'ofe l'aborder, ie crains,fa Majefié,
Tant iefiuis ejblo'ûy des raizdefia clairté:
Pource cherche? ailleurs vn autre qui vous
meine.
Adieu troupeflçauante, adieu belle Neuuaine)
Trince qui nous fleruez de phare fy de
flambeau, ' '
Nelaijfizpoint errer,fins logis ce troupeau]
Troupeau deflang illuflre & d'ancienne race]
Tauure, niais de bon c digne de vofire
. grâce. .
Iupiter le conceut lequel vous a conceu :
xAinfide mefme père enfimble aueT receu
L'efire y l'affinité :Vous comme le plus rc-j
che,
A vospauures parens ne deuez efire chiche.
le penfois

D'cfhtfous vous les lumières de France.
Hercule auoit pour habit le plus beau
Le rude cuyrde l'effroyable peau
ROY
D'vn grand Lion, monfirantpar vn telfigne
Qu'vn riche habit des Princes riefipas digne,
Mais la vertu, qui iamais ne fie pert,
St qui de robe en tout âge leurfiert.
Vous corne luy,bien quefoyez grand Prince,
St riche Roy de fi grande prouince,
Ayant vertu pour voftre habillement,
AlleT toufiours accoufiréfimplement,
Blofimant l'orgueil des grands Rois d'AJJyrie,
Qui tous chargeT de riche orfieurerie
D'argent &d'or>demy-Dieuxfie monfiroient
Enfle? de pompe à ceux qu'ils rencontraient,
* Faifiant eflot de robe fiomptueufie,
Et non d'auoir vne orne vertueufie :
Ainfi mafique? reluifoient par-deuant,
Mais au dedans ce riefioit que du vent.
Or cet Hercule à tous labeurs adefire,
Vne maffué auoit dedans la dextre
Dont ilfiappoit les hommes depraueT:
Dedans la main le Sceptre vous auez
Dont Vous domtez l'impudente malice,
Gouuernant tout d'vne égale police.
Hercule alloit la terre tournoyant,
De tous cofteT les Monftres guerroyant :
Et vous tournez voftre Royaume, S IRE,
TourflainClement nettoyer vofire Empire
De tout erreur, y des Monftres qui vont
Sons plus auoir de hontefiur lefront.
Hercule aimoit y l'arc ($f les fiagettes:
Pour paffe-tempsfi bon archer vous (fies
Et fi certain, que le trait efiancé
Frappe le but par vosy eux menacé.
Safi Voilas, Deeffeforte y fige,
Leconduifioit bien-heurantfion voyage:
Et vous auez voflre Mère, quifait
Voftre voyage heureufiment parfait.
%Apresfla mort Hercule magnanime
Au Ciel monta, de floy -mefime viClime,
Efiantpurgé fur le mont OEtéen:
Vous defeoùillé du manteau terréen,
Irez auQielàla gloire éternelle.
Et c'eft pourquoy , S I R E, ie vous appelle
Nofire Herculin, qui feré^jvne fois
Par vos vertus l' Hercule des François:
Cor c'eft à vous à qui le Ciel ordonne
Du Monde entier le Sceptre y la Qouronne.
a l: 709
Ainfi de vous l'a promis le Defiin
Inexorable auflufeau aimantin,
Dur, acéré, d'inuincible puijfance :
C'efl que feriez en voftre adolefience,
Eftant bien ieune orphelin demeuré,
Vn peu troublé: car rien n'eft affeuré.
Mais auffi toft que la blonde ieuneffe
Aura doré d'vne toifon efieffe
Voflre menton, ($f qu'aux guerres diflos,
Lefort harnois bruirafur voflre dos,
Branlant au poing le hampe d'vne hache,
Et remuant les crefles du panache
D'vn morion reluifànt tout ainfi
Qu'vn beau Soleil défiâmes eficlarci,
Jrez vainqueur es Prouinces lointaines;
Où eonduifant vos batailles certaines,
Et vos floldats fous le fer fiemiffans,
St vos cheuaux au combat henmfljans,
Le Lys François planterez fur la riue
Où du Soleil le chariot arriue,
Quandvers lefioirlafié defies trauaux
Dans l'Océan abreuue fies cheuaux
Fumans,fiuons, yfioufians des narines
Le iour tombé dans les ondes marines :
Et fur le bord où ilfiort hors de l'eau,
Frais, gaillard, ieune, ainfiquvn iouuenceau
Qui pour l'amour defit belle Guerrière
Monte à cheualy pafle vne carrière.
En ces deux mers le Qtelfera louer
De vos harnois lespoudres , y grauer
Du bout trenchant de voflreJorte lance
Le nom facré

710 LE B O
Polie-vermeil, le vifage vn peu long,
Les yeux Chafiains, la taille droite & belle,
Pofié maintien , la grâce naturelle,
Vne voix douce, vn parler fiage ($f pront,
Belle la gréue & la main y le front,
tAyant au corps vne ame génèreufie,
Et la ieuneffie aCliue yvigoureufe:
Au refle humain,non trompeur,non moqueur,
Non renfiongné, non remply de bas c .
Non abufieur,non controuueur de rufies,
St par-flur tout grand hofielier des Mufis:
Qui de la main en laquelle il aura
L'efioc Jonglant, en fia tente eferira,
Comme vn Cefiar,des limes dont la gloire
Des ans vainqueurs combatro la viCloirc,
Portant au front deux replis de laurier,
Pour eftre enfiemble & fiçauant y guerrier :
Qar pour bienfaire ilfaut quv'n Royfleferue
De l'vne & l'autre excellente Minerue.
Or en voyant tous cesflgnesenvous,
lefluis certain (ainfi le croyons tous)
QfueftesceRoy de qui la Parquefage
A tant rendu par efirit tefmoignage,
Vous ordonnant tout ce grand Vniuers :
St cefi pourquoy ie vous offre mes vers
Auec l'ouurierfqui bouillonne d'enuie
D'vfir pour vousfis plumes & fit vie.
Donq auffi tofi que la viue vertu
Vous armera du fiort glaiuepointu,
Et qu'on oyrra pour l'honneur de Vos Gaules
Le corfilet fonner fiur'vos effaules,
Ayant lafleur de la ieuneffie attaint,
Des ennemis comme vne foudre craint :
AUe^combattre,allezà la bonne heure
Conquérir tout feus fortune meilleure,
Etfait vainqueur, rapportez à foifon
Mille lauriers dedans voftre Maiflon.
Moy plus arméde plumes que d'effiée,
! Suiuray du camp la ViCloire trempée
Au fiang vaincu. Si quelque Cheuaker
Fait vn beau coup entournéd'vn millier
Des ennemis, ie fieroy fions ma plume
Sonner fion coup comme vnfierfur l'enclume,
Quvn noir Vulcan, des deux hanChes tortu,
Bat ou marteau défiâmes reueftu.
Toy d'vne ardantey brufiquefantaifiç
Dés la mammelle aimé la Poèjie,
Ainfi qu'on voit les hommes volontiers
Ou par defiinfuiure diuers meftiers,
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^
CAGE
OuparïinftinCl de leur propre nature,
L'vn la mufique,y l'autre la peinture:
\ L'vn va du Ciel les aflres reCherChant,
Et l'autre vit ouguerrier ou marChand.
Moy qui l'honneurplus que les biens eftime\
Néd'vric race antique y magnanime, .
Franc d'auarice y pur d'ambition,
Libre de toute humaine paflion,
D'vn efirit vif, ardant y volontaire, 1
Tour la vertu i'ay quitté le vulgaire, '
Villes,Chafteauxflourgades,& marchez'
Et fuis allépar les antres cache"^.
Parles defirs,riuages,& montagnes,
Suiure les pas des neufMufes compagnes,
Qui toute nuiCl m enfreignentpar les bois
A ne chercher autres maifires que Rois,
Et à pouffer iufiqu'aux troupes celeftes
Ceux qui enguerre ont oféde beauxgefies,
Et qui d'vn cur auantureux y fiort
Vne louange achètent par la mort.
Quiconque aura pour marque mémorable
i Dans l'efiomac vne playe honorable,
S'en-vienne à, moy .fon coup fi noble y beat, '
Priué d'honneur n'ira fous le tombeau.
Pource,mon Koy,fil vousplaifique iefaa »
La Franciade, uurede long efhace,
Oyez nies vlux : Il fierait bien faifion
Queujfiézefgord à mon cheueul grifion,
Sur qui déjà l'Autonnaletempefie
A fiait grefler quarante ansfur la tefie : <
Bien tofifemblable au bon cheual guerrier
Qui,fiouloit efire au combat le premier,
Et tout couuert d'vne belle pouffere
Goignoit vainqueur le prix de la carrière,
Le chef orné de rafles; maintenant
Languit pouffifl à l'eftable,prenant
Sans nul foucy defleurs ny de bataille
Le peu defoin quefin maiflre luy baille.
Donq silvousplaift, SiRE,riattendezplut
Qjie ie fois vieil, impotent y perclus,
FafiCheuxJbargneux, ayant l'ame eflourdie
Et tout le corps de langue maladie.
Mais or que i'ay toutl'efjrit vigoureux,
Le genou fort y lefang généreux,
Qammandel^-moy & maimeTtout enfiemble
Et m'honore^" : ces troispoinéls (ce mefiemble)
Font le Poète heureux ^glorieux,
Lefont gaillard, lepouffent iufiqu'aux Qeux,
Car fians honneur la Mufle confimmée,j

R O Y A L.1 7
2?

Si
-I2, LE BOCAGE
Et que d'enflure ils ajrit lame grojfie,
craignent-ilspourtant la Trophetie.
Que Confiantin efieut pourfa demeure,
Rompre leur Sceptre,y d'vne Foy meilleure
C'eft qu'vn grandRoy de France doit vn Gaigner Us cfurs des peuples Afiens,
f0tir% De Circoncis en faire des Chreftiens, .
En les dontanty chaffant du flejour François d'habits, de mvurs & de langage.
MARCASSVS.
si les fouham ] Il exhorte CharlesI X. à prendre les armes contre le Grand Seigneur qui renoit fondre fur
la Sicile: il le comme d'aller deliurer la Grèce , qui foufpire fous la tyrannie des Barbares. II luy en reprefen-
te les boautez qui merirent d'eftre recourues d'entre les mains de ces infidclles. Stx bons ans] A caufe que la
minorité de ce Roy faifoit leuer rrop licentieufement les ailles aux Princes en ce temps- là. Q.ri

Sçeut le Defiin fy ce qu'on dit Fortune:
Cognut le haut & le bas de U Lune,
L'vn immortel, l'autre amy du trefias :
Sçeut U raifion pourquoy tombent çà bas
Flammes,eflairs,y foudres,y tonnerres :
Cognut de l'air les accords & lesguerres,
Cognut la pluyefy la neige fyle vent.
Tuis telsficrets hautement eficriuant,
De main en main les fift à l'homme apprendre,
Et tout leQielen terre fift defiendre,
Nelaiffant rien en lavoûte des Çieux
Dontfin labeur nefiuft victorieux.
Brefcefte Grèce, eil du Monde habitable,
Qui^ n'eut iamais ny n'aura de fèmblable,
Demande,helas ! voftre bras très- Qhreftien
Pour de fon col defferrer le lien,
Lien barbare, impitoyable y rude,
Qui toutfin corps genne de fèruitude
Sous ce grand Turc,qui prefque de tefirit
Du peuple Grec a cbafié Iesvs-ChrisT,
Et lity pillantfies enflons fyfies villes
Le rend efilaueà chofies tresfferuilîes.
Orfi la Foy vous efimeutà pitié,
Si aux captifs portez quelque amitié,
Vous deueT , S ï R E, armer vos mainsfidelles,
Pour racheter tant d'ornes immortelles
Quifous Mahom fen-vont déjà périr,
ROYAL.
MARCASSVS.
7'3
S'il ne vous plaifi bien tofi lesfecourir.
Ahlfiie puis iufiqu'à tel ageviure
Que vos combats ma plume puiffefuiure,
Tout au milieu de vos afiauts dîners,
Fifres, tabours, ie chanteray mes vers
A l'enuy d'euxflîbien qu'on pourra dire
Que vos canonsferont place à ma lyre.
Alors Davrat qu'Apollon a nourry,
B E L L E A v des Surs le noumffon chery,
Ne me Vaincront,non pas Apollon mefme :
Car plein d'ardeur & d'vne enuie extrême
De bien chanter comme tout furieux,
Voflre beau nom i'enuoiray iufqu'aux Dieux.
Tandis la paix en vos terresfloriffe,
La paix le peuple » immortel] A caufe que les Cieux font incorruptibles, & tout ce qui eft
çàbas paffc,& cftfuietàvn perpétuel changement. La raifon ] C'eft la cognoiffance des Météores. Et
tout le ciel ] Par le moyen de la Sphère , par laquelle nous cognoiflons la difpofition des Cieux & des Aftres:
& tout cela nous le deuons aux Grecs. Daurat ] Excellent perfonnage précepteur de Ronfard. Bclleau ]
Excellent Poète François, & qui eut ietté de la poudre aux yeux de ceux de noftre temp« s'il fuft né dans vn
meilleur ficelé. Non pa* Apollon] Il fe vante à la façon dc Virgile, lequel dit, que fi vne fois il fc met à chanr
tet les louanges de Saloninus, qu'Orphée 5c Linus luy céderont.
0 mihi tam long* maneat pars "\ltima "Hte,
Spirttuf ey quantum fat erit tua diceref alla.
Non mecarmtmbus ~»incet, nec Thraciw Orpheus,
Nec Linut : huic mater auamu'u , ataue huit Pater adfit,
Orphei Callioped, Lino formofus Apollo, * *
Augufit ] Qui fut nommé perc dc la patrie. \t '>
O oo u
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7H
LE B O
A TRES-HAVTE ET
TRBS-ILLVSTRE ET TRESvertueufe
Princelîe, Elizaber,
Royne d'Angleterre.
On ceur efmeude merueilles fie ferre
\ Voyont venir vn François d'Angle¬
terre,
Lors qu'il difeourt combien vofire beauté
Donne de luftre à voflre Royauté.
Alors ie dy, Si cefie Royne Angloife
Efi en beautépareille à l'Efeoffoife,
On voit enfiemble en lumière pareils
Dedans vne Ifle eficlairer deux Soleils.
Ou bien on voit deuxfiâmes efilairantes
De mefme feu, mais defort différantes.
On dit qu'au temps que les Dieux vifi-
toient
CAGE
La bonne terre, y les peuples hantoient,
Quel'Ifle voftre alloit librefiur l'onde,
Comme Delos errante & vagabonde,
Et quefion piedpar vn nouueau Defiin
f N efioit ferré d'vn lien aimamin,
I L'a
1 Puis
MARCASSVS.
Moisfions tenir à nulle chaifine dure,
Flot deffurflot erroit àl'auanture. "*"
Souuentefois le nocher Hirlandois
rencontrée au riuage Flandrois
Prés de fit neffur la vague efieuee,
Puis au retour bien loin l'a retrouuee :
%Aucuneflo'is fautant comme vn mouton
S'alloit io'ùer au riuage 'Breton,
Puis enflotont où fon pied luy commande,
Se blanchiffoit de l'efume Normande :
Aucunefoisfen-venoit balloyer
Leflot qui vient à Boulongne ondoyer^
toutfeudain flauteloit à la riue
Où l'Océan à Graueline arriue :
Tu'ts alloit voir les Orcodes, aptes
D'vn long Chemin retournait vers Calais]
'1 '1
Mon c Celle pièce contienties louanges d'Angleterre, qu'il traite en faueur delà Royne Elizabet^
par vne excellente fable faite à l'imitation de celle de I'ifle de Delos. Il feint que rifle d'Angleterre eftoit flo4
tante par la mer, & que Protee l'ayant rencontrée en deuint amoureux & pria Neptune de l'arrcfter dans la-
mer : te qu'il fit. ^C l'Efcojfoife] Marie Sruart la plus belle Princcffc qui fut iamais. Vne ifle ] D'Angleterre.
Labonne terre ] le croy qu'il entend l'Egypte. Car c'eft là que les Dieux s'alloientle plus fouuent réjouir comJ
me au lieu le meilleure^ le plus délicieux de toute la terre, comme l'on peut voit dansHomere,& dansles1
Dionyfiaques de Nonnus. Noftre ] D'Angleterre. Comme Delos ] C'eft vne Ifle de la mer /£gec , la plus belle
ôc la plus renommée de toutes les Cyclades. Elle eftoit errante par la mer : mais Iupiter la rendit ferme pour les
couches de Latone, Virgile en parle en ces vers : . " .
Sacra mari colitur medio' gratifima tellus
Neréidum matri , & Neptuno ^tegao :
Quam pin* ^Arcttenens , orat zy littora circum
Errantem, Mycone celfa , Gyarotpue reuinxit,
Immoûmaue coli dédit, & contemnere yentos.
, Orcades } Ce font des Mes du codé du Septentrion datjs l'Océan au delà de l'Angleterre. Elles font : en nom
bre de trente, comme croit Pomponius, les vnes bien proches des autres.
Vn.iour efiant vers Qalais arrefiéc,
Voicy venir leDieu marin Protee,
Qui deflon gré vagabond flabfenfoit
Bien loin d'Egypte où Prophète habitoit,
Ayant laifiéfa demeurefertille,
Trop irrité contre fa propre fille,
Qui par prefent l'auoit mis dans les las
( Comme il dormoit ) du Prince Menelas.
Or ilauoitpar vn long nauigage
Déjà pafiéd'Hercule le bornage,
TouchéMarfiille, y ja voyoit la mer
Contre les bords de Gafiongne eficumer :
Déjà plus bas à U riue voifine
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. Leflot
f, ,
Voyoitflotter la vague Poiteuine,
Suiuant toufiours en nouant plus auant
qui va la Bretagne louant*
Comme il eftoit à la riue qui bagne
Le port Icin d'vne ondeufi campagne,
Ilvit voftre Ifle, y fitofi qu'il la veit
Flottant fur l'eau,fia beauté le rauit '
Lors abaiffant contre la merfia tefie,
Fiji à Neptune vne telle requefte:
Tere Neptune, à qui leflot chenu,
Tiers lot du Monde, en partage eft venu,
Lors que vous trois, Saturnien lignage,
De cegrand Tout diuifiez l'héritager _~

ROY
Aux autres Dieux ne laiffans rien finon
Que lafrayeur de voftrefacré nom :
O Pouffe-terre, Embraffe-terre, o Père
Dont le fiourcy la marine tempère,
Si de tonfiang, Prince, ie fuis florty,
Et que vers toy ma mère rioyt menty,
Donne à ma peine vnepaufe meilleure,
Et me permets cefie ifle pour demeure.
A peine eut dit que Neptune l'oiiyt,
Et de la voix de flon filsféjo'ùyt :
Puis fendant l'eau de fon efchine bleue,
Mit fur la mer fa tefte Cheuelue',
Et luy refiond: Ce rieft pas toy monfils
Qriondoit nier , à qui père ie fis
Don des troupeaux qui ronflentfur l'arène
Dormons aux bords d'Egypte y de Paliène :
Entre en cefle 1fie yen don la reçoy,
Qui efi, mon fils , affeT riche pour toy.
Difant ainfi,de toute la puijfance
Defion Trident frappa le bord de France,
Et tellement fion bras il efiendit,
Quenle frappant en deux parts lefendit :
Puis defiiant de la racine entorfe
Lefondement, le pouffe à toute force,
Et le tirant en arrache vn morceau
Qu'ilfit roullerbondà bond deffur l'eau
lufques à I'ifle, y les vnit enfiemble:
Comme vn maçon qui de fia chaux affemble
Pierre à la pierre, y à coups de marteau
De deux rochers nefait qu'vnfeul château.
a l:
MARCASSVS.
7tf
Puis en plongeant deffous tlfle qui erre
Encor flous l'eau , la lia contre terre
D'vn efbroit n comme vn Tifferanfait
Quand en ouurant fia tramefe défait:
Adonc il prend des deux trames enfemble
Les bouts rompus,y d'vn nuud lesaffemble
Fil contrefil, puis d'vn filet entier
Ourdifi parfaite vne toile au mefiier.
*Adonc Proté' ioyeux en fion courage
D'vn telprefent,gaigne le bord à nage,
Baifit la riue, y la terre aceolla,
Puis vray Prophète à I'ifle ainfiparla.
Ifle quifusfilitairey deferte,
D'afires buiffons & d'efpines couuerte,
Haute maifion des flangliers efiumeux,
Et des grands cerfs au large front rameux»
Qui rieuz iamais la poitrineférue
Du fie aigu de la croche charrue:
Vn temps viendra (y le voicy venir)
Qu'on te doit voir triomphante tenir
Le premier rang entre toutes les Iflles
Quifint en biens ($f en peuplesfertiles :
Et quand Nepturi,de la mer gpuuerneur\
Appellera les 1fies par honneur,
Tu marcheras deuant I'ifle de Crète,
'Bien qu'ellefloit la nourrice fiecretc
De Iupiter, & marcheras auffi
Deuant Samos de Iunon le fouci,
Et deuant Rhode' ingenieufie, encore
Que le Soleilflur toutes elle adore.
Protée] C'eft vn fils de Neptune qui garde les troupeaux de la mer, qui fc change en vne infinité dc formes.^
Voyez des parricularitez touchant la fable dc ce Dieu dans la Caffandre de Lycophron,en ce lieu où il dit qu'au
heu d'Helene il donna vn fantofme à Paris, où Prophète ] C'eftoit celuy des Dieux marins, qui ordinairement
predifoit les chofes à venir. Voila pourquoy il l'appelle Prophète : & Virgile.
Efi m Carpathio Neptum gurgite liâtes
Ctruleus Proteiu.
C'eftoit en effect vn Roy d'Egy pte,qui ayant chez foy Paris & Hélène fraifehement rauic , luy commanda dc fc
retirer, & retint Hélène pour la rendre à Mcnelas: comme il fit après que Troye fut rafee. Il parle de ce Roy
neantmoins comme d'vn Dieu,& de I'hiftoire comme d*vnc fable. Lebornage] LcsColonnes d'Hercules.
Marfeille ] Ville maritime en Prouence. Poiteume] La mer qui parte en Poictou, comme celle qui pafle à la
Rochelle. Tiers lot ] Saturne ayant efté chaffe du Ciel, [es enfuis fe partirent le Monde. Par fort à Iupiter
efcheut le Ciel , l'Enfer à Pluton, & la Mer à Neptune. PouJfe*tcrre ] C'eft l'Epithete qu'Homerc luy donne
ordinairement, àronjajoç, ou ànà^ut. Voyez Euftathiusfurcesmots.il eft vray que les eaux & les vents enfer¬
mez caufent les tremblemens de terre. Paufe] C'eftcc qucles Latins nomment?*»/*», c'eft à dire, relafchc.
Eut du] Pour, eur-il dit, D'Egypte] C'eft la première prouinec dc l'Afie & la plus fertile. Pallene] C'eft
vne ville maritime de Macédoine, félon Stcphanus. Le bord de France ] Il a feint cefte fable pour exeufer les
guerres qu'ont fait les Anglois en France, ^tl'jfie] D'Angleterre. Satfa la nue ] C'eftoit la couftume des
Anciens de faliier la terre à l'entrée de quelque pays. Vous voyez allez cela dans Virgile & dans Apulée.
Samos ] C'eft vne Ifle de la mer Ionique, comme le tefmoignent Ptolemec, Solin,Pomponius & Strabon.EHo
s'appelloit anciennement Partbema. C'eft le lieu de la naiffance de Iunon. Voyla pourquoy elle luy eft confiuj
crée. Virgile:
Quam Juno fertur ierr'u magis omnibus "\natn
Pofihabiu eolmjft Sarm.-
O oo iiij
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7
16*
j^W* ] C'eft vne Ifle dans la mer
LE BOCAGE
Méditerranée, laquelle a efté autrefois aux Cheualiers de
Malte*
Loin te fuiuant les Orcades viendront
Apres ta queue, y feruantes tiendront
Rang après toy ,efiant Princefft telle
Que de ton fein à la large mammelle
jfaiCteras mille voilions Artus,
Grands Rois armez defer y de vertus :
Du fiangTyran les mains auront trempées,
Et des grands coups de leurs grandes efiées,
En combattant pour l'honneur de l'Amour,
Ferontfionner les forefis d'alentour.
De telsguerriers courra par tout le Mondi
L'honneur fameux, y de leur Table ronde,
Mais innocent à la prouince Angloifè,
Et de Cerés fera nommé Ceruoife,
Qui fe pourra fi gracieux trouuer
Que tes voifins fen voudront abreuuer.
Bien tofi verras ta terre fiuClueufe
Eftre en Palais fiuperbe y fomptueufe,
Et en citeZ yen ports ffiacieux,
Dont les fommets voifirteront les Cieux.
tAlors (Jerés,d'Amalthe la compagne,
Fera jaunir de froment ta campagne,
Et tous tes Champs auront le ventre plein
De mines d'ory d'argent y d'efiain,
Grands Patladins de proueffe animez,
Qui aux combats arme^y déforme^
Qriau plus profondde tesplus riChes veines
Legrand troupeau des Nymphesfiouterraines
Tour lefiecours des pauures DamoifcUes,
Hardu feront des emprifes fi belles
Iront cherchant, choififfant, affinant,
Louant, cuifant,$r d'vn marteaufennant
Que le vieil temps n'en fiera le vainqueur, Deffur l'enclume à lafournaifie neuue,
Tant vaut l'Amour efj>ris en vn bon ceur.
De là viendront les Preux y lesgenfdar-
Feront d'argent ondoyer vn grandfleuue%
Qui doit fleruir de monnaye à chacun :
mes,
Car à chacun l'argentfiera commun.
Delà viendront les eficolles des armes,
D'autre coftélelong de tes riuages, -
Combats, affauts, barrières y tournois, Entre lesfleurs,au milieu des herbages,
Et de brifer leferfurie harnois.
Entre ces Preux doit régnervn Prophète,
Oufiur les monts aux verdoyons coupeaux]
Verras errer mille y mille troupeaux
Que vif y foin vne femme parfaite Blancs comme laiCl, dont la Lune amoureufe
En art Magiq enfermera dedans
Vn fioid tombeau poury finir fes ans.
De leurs toifensfieroit bien defireufict
Carcomme on dit, la Lune eut le cur pris
En ce tombeau l'amefieraviuante, D'vne toifon blanche de riche prix.
Et dedans l'ame vne voix reformante Ainfiqu'on voit deffur l'arène blonde
Entre les os, qui dira les Defiins
De la grand mer, vne ondefiuiure vne onde,
Et les dangers aux nobles Palladins, Tuisfur vne autre vne autre s'éleuer :
Oyant l'Oracle en mainte &r mainte forte Ainfi verras à l'efiable arriuer
D e la deff ouille enfiemble viue y morte. Deuers le fioirou à Midyfius l'ombre,
De tous les Dieux tu feras en honneur: De grands troupeaux vne foullefans nombre
. Mefmes Iunon reffiandra le bon-heur
Deffus tes champs de fia mammelle pleine :
L'vn après l'autre, & marchant en auant
D'vn ordre eftois irontfientre-fuiuant,
Vnfieul Bacchusdoit febouferde haine
Contre ton lfie,y comme à tes voifins
Troupeflur troupe empliffant les efiables :
Les vnsfieront d'âge & de poil fiemblables,
N'enrichira tes coutaux de roifins.
Les vns cornus, & les autres laineus,
Mais quelque iour Cerés la vagabonde
Ayant tourné les quatreparts du Monde,
Dont les toifens crefies de mille nuds
Perdant par art leur première nature
Cherchant fafille au trouers des humains, Se changeront en diuerfie teinture,
Tenant deux pins allume? en fis mains,
Doit arriuer lafiee à ton riuage,
Qjie les grands Roys tourneront en habits
Ornez du don de tes riches brebis.
Qui pour du vin te doitfaire vn breuuage
Non corrofif ny violent ny fort,
Trouble-cerueau miniftredelamort,
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Bien tofi verra la Tamifiefiuperbe
Maints cygnes blancs , les hofies de fon herbe,
Chantants en l'air d'vnfen mélodieux,

R O Y A L. 7I?
TournerfieVborÛs & rejouyr les Cieux : . Adonc Proté,voyant tant Je genfidarmes,
Oifeaux facrez à Thebus pourprédire
Que les neuf Snurs, & tautheur de la lyre,
Changeant la Grèce,y feront quelque iour
Qui deflroient de nature les armes,
Pareils en âge, en force y en vigueur,
De tel propos leur molliffoit le ctur.
Qomme en Parnaffe vn defiréfejour,
Pour enuoyer aux nations eftranges
Contente?-vous, enfans, de vofire terre,
et fi ardans ne coure? à la guerre:
Des Rois Anglois lesfameufis louanges. Qomme amoureux du fiangne bataillez*
Tuis fie tournant deuers le pied mangé Et vos voifins par armes riaffoillez :
D'vn chefine creux, oduifie vn camp logé Par vous nefioient en poignantes efiées
De blonds fourmis, qui dedans leur tefniere
Brilloient couuerts de paille y defougère.
Change, Neptune, en peuple ( ce dit- il)
Tout ce monceau diligent y flubtil
Nyvos râteaux ny vosfaux détrempées,
Et ne creufiz'Vos fiopins en vaiffeaux,
Et pour le gain ne tourmente? les eaux.
Soient vos effrits amoureux déficience
A trauailler, y à mettre en refirue Du cours du (Jiel} aye? expérience
D'vn prudent foin le bien qui nous conferue, Des arts humains quifont l'homme courtois:
Pour efire aClifs (Sffeigneux tout ainfi Vos grand's cite? orne? de belles Lois,
Qriefl le fourmy au labeur endurcy.
A peine eut dit que le chefne remue
Ne les changeant quand elles font receué's
Pour autres loix nouuellement conceuè's :
Sans aucun ventfa perruque menue, Aime? les bons, chafliez les mefchans,
Et en branlant fies rameaux accorda et bien-heureux viuez parmy vos champs.
Qe que Protee en priant demanda. Las ! i'ay grand peur que ce morceau de terre
Lors cesfourmis en hommes fe trouuerent: Qui de la France eft ioinclà l'Angleterre,
Vnplus grand corpsfur deuxpieds efieuerent : Caufie ne fioit de malheur auenir :
Aux deux coflez des efiaules leur pend Comm e eftranger ne fe pourra tenir
Comme rameaux des grands bras : y plus De retourner au lieu défia naiffance,
grand Et vous après auecq'forte puijfance
Deuint leur chef, &plusgrande leur bouche: pour le r auoir franchirez voftre bord,
Et pour le creux d'vnefauuagefeuche Mettant fans fin vos terres en dificord.
Vont par les champs de rang, comme ilsfeu- Nojfenfie? point par armes ny par noife,
toient Si m'en croyez^ la prouince Gauloifie :
Aller l'Eftéquand les champs ils pilloient, Car bien qu'ilfuft deftiné par les (jeux
Lors qu'ils chargeaient fur leur dos porte- Quvn tempsfierie? d'elle viClorieux,
proye Le mefime Ciel pour elle a voulu faire
Les grains de bled par vne efiroitte voye. Autre defiin ou vofire tout contraire.
Ces animaux de nouueau transformez,
Degrands outils fie virent tous armez'
Le Gauloisfiemble au fiaule niïrdiflant :
^m on k C0UPe &plus il eft naiffant,
L'vn plante aux champs vneforte charrue, Et re-jettonne en branches d'auantage,
L'autre en*fies mains porte vne bifiagu'ê, Prenant vigueur de fion propre dommage:
L'vn tient vn van, l'autre tient vn râteau, Pource viue? comme amiables fisurs :
L'autre vnefourche,Qf l'autrevn grand cou- » Taries combats les Sceptres nefontfieurs .
teau: . Quand vous fiere? enfiemble bien vnies,
Mais la plus-part branloit,armes guerrières, L'AmourJa FoyJ.eux belles compagnies:
Haches,poignars,piqucs, lances flrefinieres, Viendront çà bas le cur vous efchaufier,
Arcs voûtezd'If,flèches, traiCls, h carquois, . Puis flans harnois,flans armes $ffionsfier,
Et furie dos leurfinnoit le harnois, Et fans le do?^ d'vn corflelet vous ceindre,
Race de gens vaillante y magnanime, Fere?^ vos noms par toute Europe craindre :
Afireau combat,y qui guerrière eftime
L homme eftre heureux & comblé de bon-heur
Et l'âge d'or verra de toutes pars
Fleurir les Lis entre les Leopars.
^guandpar la vie il açhette l'honneur. Tu neferas, Ifle bien-accomplie,
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7i8 * LE BO
Claire d'honneur y de vertu remplie,
Sinon au iour qu'vneRoyne naiftra,
Qui comme vn aftre icy apparaiftra :
Elle aura nom Elisabet,)? belle
Qriautre beauté ne fiera rien près d'elle.
CefteTrinceffe au caur Royaly haut,
Pleine d'vn fiangtout magnanime & Chaud,
Ieune dcface&r vieille de prudence,
Par grande ardeur fera la guerre en Fran¬
ce,
Couurant le dos de Neptune venteux
De Caraconsydc vaiffeaux ventreux,
Qui de leur creux,fur l'arène fiemée
Feront effondre vne moiffon armée
D'hommes Charge? de harnois firemiffans,
Bt de Cheuaux aux combats henniffans.
Mais rencontrant vne Royne prudente
Qui des Françoisfiera fiage Régente,
Viued'efijrit y meure de confeil,
Doit retirerfoudain fon appareil,
MARCASSVS.
CAG E
Apres auoir fa glaire Accompagnée
Au premier bord d'vne ville gaignée.
Puisfins auoir deMars trop defouci,
Elle eftant Royne,& l'autre Royne auffi,
Efiimeront les Martialesfiâmes
Duire pluftoft aux genfidarmes qu'auxfemï
mes,
Qui de nature ont lefixe plus dâux,
Enclin à paix, ennemy de courroux.
Tource on verra bien tofifleurir entré
elles
Des amitié? pour iamais éternelles,
Qui lesferont plus craindre que les Rois
Quifur le dos ont toufiours le harnois,
D'autant qu'on voit U paix efire meilleure
Que le difiord qui fans amis demeure.
%A tantfi teut le Dieu marin Proté, v
Qui du riuage en la mer efiJouté:
La mer l'enferme, y l'eau qui pirouette,
Fit miUe^toursfur le ChefduTrophete.
Orcades ] Nous en auons parlé. ~

Vn pot d'honneur,l'autre moins honorablef
D'enfaire vngrand, l'autre plus eflreci,
Tlomber celuy & dorer cefluy- cy f
Qui voudroit donc accufier d'injuflice
R O
if Tovt-PVIssant comme auteur de
malice,
Si d'vne maffe ilfiait vn Empereur,
Et de la mefme vn pauure Laboureur f
Il efi matière, & nous fiommes laforme,
Qui afin grénous changey nous transfor¬
me.
Il nefaut point pour ma caufe approuuer
Vn tefimoignageés hifioires trouuer,
Ny rechercher les hifioires antiques
Ny des Romains ny des hommes Attiques :
Toy,P HILEBERT, Duc des Sauoyfiens,
M'en fourniras plus que les anciens :
Donquesà toy ma parolle i'adreffe,
Mettant à part les hifioires de Grèce.
Quandparfortune,oupar le vueildesQeux
Lepère tien eut veu deuant fesyeux
Tout flori pais réduit fous la puijfance
Defion Nepueu,vnpuiffant Roy de France :
Et d'autre-part qu'vn Empereur plus fort
Le maiflrifioit fous ombre de fupport,
Et qu'en ta terre en cepoinCl occupée
Ne te reftoit que la capeyl'efiée,
Simplefiigneur, ayant de ta maiflon
Perdu le bien contre droiCl & raifion,
Toufiours en doute efhiant la Fortune
Qui ne tefut qu'à regret opportune:
» (Car volontiers lefin impétueux
» Rompt le deffein de l'homme vertueux.)
Qui eufi penfié qu'après tant de trauerfès,
Que tes beaux faits de tesguerres diuerfes
En ton pais , grand Duc, teuffent remis,
Efiantamidetoustes ennemis,
MARCASSVS.
Y A L. 719
Comme celuy qucMaUors accompagne
Sous la faueur du Monarqued'EJfagnef
Or tu n'as pas commepar vn defiin
Mis feulement ton entreprife afin,
En regaignant tes terres détenues,
Qui fous ta main volontiersfont venues ;
Ou tes ayeux,vnpeu moindres que Rots,
Tarfi long temps auoient donné leurs lois :
Tu as auffi comme par defiinée
La S du Roypour efioufe emmenée,
La M A R g v e R 1 T E en qui toute bonté,
Honneur,vertu , douceur (^f majeflé,
Toute nobleffe fy toute counoifie
Ont dans fion cur leur demeure choifie.
Et bien quemille & millegrands Seigneurs^
Riches de biens, depeuples y d'honneurs,
LrfMARGVERiTE enfemme euffent rcÀ
quifie,
La Defiinée à toy l'auoit promifie
Pour jouirfeul de ce bien defiré,
Pour qui maint Prince auoit tantflôuffirc.
Or cefie Vierge en vertus confiommée,
D'vn cdur très-haut defidaignoit d'efire aimée}
St comme vn roc qui repouffe lamert
Hors de fin cur pouffoit lefeu d'aimer,
Ainfiqu'on void vne belle genice,
A qui le col riefi prefiédu firuice,
Loin des taureaux par les champs fejouant, ]
Aller du pied l'arène fiecoiiant,
Hauffer le front y marcherfins feruoge
Où fin pied libre a guidéfen courage,
Sans point encore auoir tout à l'entour
Du c fienti les aiguillons d'Amour:
Ainfl marchoit y ieune & toute belle
Et toute àfoy la Royale Pucelle,
Comme vne Nymphe errante par les bois,
Qui fuit Diane , (êfporte fon carquois.
Vous Empereurs] Il loiicencefte pièce Philbert Duc de Sauoye, qui fut marié à Marguerite fille dc Fran¬
ce. Il le loué principalement pour auoir eu le bon-heur d'emporter, ce rare exemple dc toutes vertus & de
beauté par deffus tous les Princes de la terre, qui foufpiroicnt après vn fi beau fuiet. Vn pot d'honneur] Que
les réueurs qui fe méfient de prefeher de laPrcdeftination,à laquelle ils n'ont iufqucs icy rien entcndu,ny entendrontiamais,
apprennent de ces vers que laraifon pour laquelle Dieu a voulu ou veut que cecy aille d'vne
façon,cclà de l'autre.eft fa feule volonté qui eft toufiours conforme à fa Iuftice. Roy de France] C'eft François I.
nepueu du Duc de Sauoye & coufin de Philbert Prince dc Piedmont , depuis Duc de Sauoye du cofté de ia
mcreLouyfedcSauoye,qui fut mariée auec Iean Comte d'Angoulcfmc le père de François I. Toutfin pays ]
François I. voulant palfer en Italie fut arrefté par le Duc de Sauoye fon oncle, à la follicitation dc Charles le
Quint, qui luy promettoit monts & merueilles. Le Roy François I. outré de cefte difeourtoifie luy prit pref¬
que tout le Piedmont. Empereur] Châties leQuintqui letrompa fur de belles promeffes. f eufent remit]
Henry IL aptcsla bataille de Sainct Quentin rendit à Philbert Duc de Sauoye tout le pays que François I.
auoit conquis fur fon père, & luy donna en mariage Marguerite dc France. Sous la faueur ] Car U eftoit Lieu-
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7_o
LE BOCAGE
tenant genetal de l'armée du Roy Philippe. Sa f,ur ] Marguerite , four du Roy Henry 1 1. Diane ] tfccfTe
des bois & de la chaffe.
^Aucunefiois auecfies Damoifielles,
Comme vnefleur afflife ou milieu d'elles
Guidait l'aiguille, y d'vn art curieux
Ioignoit la foyeà l'or induftrieux,
Deffus la toille ou fiur la ga?e peinte
Defilenfilpreffoitla laine teinte,
Et d'vn telfoin fen ouurage agençoit,
Que d'Arachné le meftier effaçait.
Mais plusfon cur elle addonnoit au liure,
A lafeience ,àce quifait reuiure
L'homme au tombeau, & les doCles mefiiers
De CaUiope exerçoit volontiers,
En attendant que Fortune propice
Euft ramené toy fionfutur Vlyffe :
Seule en fa chambre au logis t'attendait,
Et des amans chafiefie defendoit.
Mais quand tu visfauteler lafumée
De ton pays, elle inaceouflumee
*Dufeu d'aimer,par vn trait tout nouueau
Receut d'Amour tout lepremierflambeau,
ui déglaçafa froidure endormie,
MARCASSVS.
EtdefarouChe en fift ta bonneamie:
Fléchit fon clur, lequel auoit appris
D'auoir Venus y fies jeux à mefiris.
Et comme on voit vne glace endurcie
Sous vn Printemps feftouler addoucie; *
Ainfi le froid defion cnurfieficoula,
Et en fia place vn Amoury vola :
Voyont celuy auquel ains qu efire née,
Pourfemme efioit par Defiin ordonnée.^
Or viue? donc, heureufiement viuez,
ët deuant l'an vn enfant conceue?^
Quifoit à père fy à mèrefiemblable,
D'vn beau pourtrait à tous deux agréable :
Viue? enfiemble & d'vn efiroit lien
Ioigne^tous deux lefang Samyfien
Et de Valois en parfaite alliance:
Si qu'à iamaisfioupçon y défiance
Soit loin de vous,& en toutesfoifions
La paixfleuriffe entre vos deux Maifions
De ligne en ligne &fur les fils qui d'elle
Naifiront après d'vne race éternelle.
jf^frathne'] C'eftoit vne belle fille Libyenne, fille d'Idmon, qui filoit patfaictement bien & faifoit de fi ex¬
cellente toiIc,qu'elle ofa comparer la gloire de fes ouurages à celle de ceux de la Deeffe Minerue. Mais Minerue
après l'auoir furmontee en l'art qu'elle pretendoit fur elle déchira fes ouurages jdc quoy fafchécArachné,fc
pendit. Minerue puis après la transforma en Araignée. Ouide en deferit la fable en ces vers.
Ter ouater idmonia frontem pereufitt ^rachnes.
Non tulit infoelix : laaueoaue ammofa ligauit
Guttura : pendentem Pallai miferata leuauit.
^Atque ita "V>«« auidem, pende tamen, improba , dixit.
Pofiea difeedens fuccit Hecatéidos herbu
Sparfit , çr extemplo trifii medicamine taB* v
Defiuxere cornu : cum «.ueif (y naris ey aures,
Fitaue caput minimum ,' toto auoaue corpore parua efi.
In latere exiles digiti pro crunbus harent,
Cetera "Venter babet : de «m tamen tlla remittit x
Stamen ,

R O Y A L. Ht
Ijfii Je CHAKLEM AI G W, y de ce Neparle?Joint auffi: car voftre tfoCte vois,
GODEFROY Qui fiait gaigner les clurs des peuples y des
Quipar armes fie fift de Palefîine Roy, Rois,
Ny oncle de la Royne, ou celuy qui la gloire %^A qui la triple Grâce, y Pithon où abonde
Remportafer Lutherd'vneJainCle viétoire : L'éloquence,ont verfe le mielde leurfaconde,
Ou celuy qui ce Règne a purgé de mutins, Vousfaifiant vn Nefior, trop diferte,f croit
Aéîeplus grand que ceux des Empereurs La- Que le tort éloquent du droiCl triom fheroit.
tins.
Maisilfautpenficr eftre vn d'entre le vul-
» Toute mauuaifi caufle auec art bien plaidée
» Eft plus que le bon droiClfouuent recom
gaire, mandée.
Et perfonnepriuée ; autrement mon affaire Doncflans vouloirparartla mienne défini'C
Aurait mauuaifi iffuè',Crfians heureux fucces Mon Aduocat vous veutfimplement ac;unr
lefero'is en danger deperdre mon procès. *
Pource ne venez point comme vn Dieu de
Se fiant enfion droiCl ( toutluge véritable
Donnepour l'innocent la fientenee équitable )
la France,
Aduocat neprendroit contre vous ma defence:
Etfi vous ennuye?de vous voirfiut monté,
l'en appelle à vous feul} y à vofire bonté.
MARCASSVS.
i'ay procès intenté ] Ronfard reproche icy au Cardinal dc Lorraine la difeourtoifie, dont il auoit vfé ehucs
luy, en ce que luy ayant donné vn aduis de quelque pièce vacante pour fe la faire donner, il en recompenfô v i
defamaifon. CaUiope] C'eft vne des neufMufes, mère d'Orphée, ainfi appelléeà caufe dc la douceur dt {&
voix& des charmes de fon eloquenccjcomme qui diroit,7j'i«(.'Mof9OTfé^Kffa. il meplaifi] Il dit qu'il a pour fou
Aduocat fon plaifir Se fa volonté. Prince ] Eftant defeendu de la maifon de Godefroy de Buillon , fouche c ->
la maifon dcGtiife. VelaPalefiine] DelaTçrre-fainctc. Oncle delà Hoyne] Dc Marie Stuart femme dc Frai -
çois 1 1. & du depuis Royne d'Éfcoffe : niepec de feu Monfieur de Guyfe qui fut tu*1 en trahifon au fiege d Or¬
léans, par vn nommé Poltrot. Sur Luther] Il dit cela à caufe que ce grand Cardinal prefehoit auec vne grai e
érudition & éloquence dans Paris , contre ceux de la Religion prétendue : & le zèle de ceft homme d bi xi
faifoit vne grande brèche àl'opiniaftreré de ces mefereans. ^f purge de mutins ]P m l'es prédications, fu n fi¬
lant rherefie& la reprimant auec des efforts d'cfprit nompareifs. Triple Oraé] Les Anciens croyants «s
tout ce que les hommes auoient dc rccommandable en eux leur venoitdu Ciel, en cela mille fois plus pieux
que la plus paît dc ceux de noftre temps,qui, s'ils ont des biens,n'cn tecognoifTent point rAuthcurjfe figurèrent
qu'ily auoit trois Deïtez de qui dependoit la bien feance de toutes leurs actions,tant de l'efprit que du coi ps.
Ces Deïtez furent nommées par eux Grâces: ils en adorèrent &recogncurent trois feulement, qu'ils creurent
accompagner toufiours les aimables beaurez.VoyezNoédc Comtes. Pithon] C'eft la Deeffe dc l'éloquence
& deperfuafion. Nous en auons parlé ailleurs. Nefior] C'eftoit vn Roy de Pyle& le plus éloquent qui foc
iamais : par le confeil duquel les Grecs firent plus que parles armes d'Achille. Voyez Homère. Tort éloquent ]
Comme dans les Nues d'Ariftophane, où les deux difcours,à fçauoir, le Iufte Si Plnjufte,debatent cnfemble le
prix de mieux perfuader.
Or de vous accufer il prend la hardieffe,
De riauoir vers Ronsard gardé vofire
promeffe.
» Tout homme qui ne veut fia promeffe tenir,
» Se doitfilon la loy fieuercment punir:
» Puis d'autatplusfie doit tenir la foypromifè,
» Qu'elle vient & d'vn Prince & d'vnpafieur
lEglifie:
*> Ou nepromettrepoint.peu ethoneur efi receu
" Qrandpar legrandfeigneur lepetit ejl deccu.
' lîdit par fis raifons que dés lafienne en¬
fance
(Si cela peut fieruir) eut devons cognoiffance,
Et en mefme Collègey fions mefme Régent :
Il ditqu'en croiffant d'âge ileficreu diligent
A vousfaire feruice, & vous a quant au refie
En tous lieux honoré comme Chofe celefie:
Puis quand les aiguillons d'Apollon y l'er¬
reur
Dontfiéchauffent les curs le miret enfureur,
et que la Mufie Grecque & la Mufie Latine
Luy eurent viuement enflamé la poitrine,
Ilconceut vos honneurs, y en toutefaifion
No cefié de Chanter vous y vofire Maifon.
Quand voftre fiere oifiné,par fiuperbe en¬
treprife,
Engarda que de Mets la cité nefufi prifie,
Et que Cefar enflé de a engeance y d'orgueil,
Vid en lieu d'in trophée vn horrible cercueil
Défies hommes tuez» quiplus ne remportèrent
Ppp
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7__. LJE B O
L^Aigle'que pour enfeîgne esfoffeTjts plan¬
tèrent:
Il chanta la desfaite,y fi haut il vola,
Quefin vers généreux la viCloire égala:
Et fil eutparla lance vne belle viétoire,
Ce Ronsard n'eutpas moins parfiaplu¬
me degloire.
MARCASSVS.
CAGE
Puis quand par la vertu qûTfh^uTâc^olnl
pogna,
Voflrefrère à Renty la bataille gaigna,
2t que tous les Fiâmes & les peuples d'Sfiaigne
Afin brasfoudroyant quittent la campaigne,
Il célébrafaghire,yparflon vers fut mis
La honte doublement au front des ennemis.
. En mefme collège] Ronfard & luy eftudiercnt enfemble au collège dcNauarre, fous vn mefme Régent qu'on
, nommoit DeVailly. L'erreur] Il entend la fureur qu'Apollon Dieu des Poëtes & des Mufes infpire dans
l'ame de fes chantres. La Mufe Grecque] Ores que par la lecture des Poètes Grecs 8c des Poëtes Latins il eut fôrtifié
l'imagination , il eft impoffible de bien faire fans auoir leur lecture , quelque grand naturel qu'on ait. A
caufe que labonne Poëfie confifte en partie en l'imitation.Ic ne mets pas au nombre de Poëfie ces petites chanfonnettes
de plufieurs Poètes de noftre temps. Pétrone, vn des plus grands efprits ac des plus admirables Gé¬
nies qui ayent efté, confirme mon opinion : quand il monftre par ces parolles qu'vn homme qui n'eft point fçauant
ne doit rien produire au iour dont il efpere le bien dc l'immortalité. Multos o tuuenes carmen decepit; nam~\t
quifane Tierftim pedibw infiruxit , fenfûmque tenerioremlierborum ambttu mtexmt , putauit fe continua in Heliconem >*
mjfe. Sicforenfibus mimfienjs exercitati , fréquenter ad carmin'u tranauiïïitatem ,tanquam ad portum faciliorem confuge=>
runty credentes faciUm Poima extruipo£e,fiam controuerfiamfententiolit yibrantibw piÛam. Cterùm neaue generofior
fimtus yamtatem amat.nefue concipere aut ederepartum mens poteflnifi ingenti fiumine literamm inundata. Vofire fit
aifne] C'eftoit François de Lorraine qui fouftint valcureufement le fiegeàMets. Et que Cefar] Il enter
Charles leQuint,àqui il fit leuerle fiege de deuant. Mets, âpres auoir receula honte d'vne grande tuerie
dc fes'gens. L'^Cigk ] Ce font les armes de l'Empire qVil auoit à fes drapeaux, s'il eut j François de Lorraine
qui gaigna la bataille de Renty en Picardie.
Puis qudnd les Chiquaneursfe tourmen-
toient d'enuie
Dequoy vous reformie?lesprocès & leur vie,
Sans craindre leurfureurjeurfraude y leur
courrous,
Vous facra la Iuflice & la mift dedans vous:
A Rome vous l'enuoye,oùpoint nefut deceu'é,
Car ellefut de vous benignement receuë,
Comme en vn cur gentil de vertus remparé,
Qui luy eftoit du Cielpour logispréparé.
'Puis quand voftre parent le grand Duc
diuAuftrafie
Eut la fille du Roy pour efioufie choifie,
Et que le Palais veufi deprocèsy de plaids
Vid, en lieu d'Aduocats ,diuerspeuples efhais
Crier Hymen, Hymen,, (ëff lesf milles fia-
crees
Orner de fes pofleaux lesfiuperbes entrées : .
Pafieur mena fia Mufe au chafteau de Meudon,
Il célébra la Grotte,y vous en fit vn don.
KTout Meudon treffauta fous les vers quifonnerent
Le beau Qoat nuptial, lesforefts l'entonnèrent,
ECho les reChanta, & plus de mille fois
Voftre nom fut appris aux antres & aux bols:
Tant vaut legentilfindjyne Mufefacrée,
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( Qui
Quand par vn bon Deftin aux Princa elle
agrée.
Lors qu'ilfallut Changer s^f tourner le
difeord,
Difiord hydre tefiu, en vn paifible accord,
Vousfuftes enuoyé comme vn fiage Mercure
A Chafleau-Cambrefls pour en prendre U
cure,
Et vous faire apparoiftre au milieu du Fla¬
mant,
De l'Anglois,de libère,vn diuin truchemant:
Ilcompofia voftre Hynne,($f comme vne pu¬
celle
va parmy lespré? en la faifion nouuelle
Pour chargerfion paflnier ô"flongiron defleurs
Qui bigarrent les champs de diuerfis couleurs :
Elle ne laifféfleur ny petite nygrande
Sans enfaire vn bouquet,puis va trouuerfa
bande
Qui l'attendfur la riue,^ verflantflon giron
Monftre toutes lesfleurs desiardins d'enuiron:
Ainfin il ne laiffa ny grande ny petite
Vertu quifiuft en vous, quelle nefuft deferiteù
Jl en ourdit vn Hynne&fiortant défis maint
Vous enfift vnprefent^fin que les Germains,
L'Efiagnoly l'Anglois, y toutel'affemble:
( Quidediuifions errait toute troubléeJ

oyal: 71|
Apprinffent vos vertus, y qu'il eufi ce bon- : Il neferait icy par ma bouchefa plainte.
heur Ha le caurfl haut qu'il aime mieux mourir
D'eflreauxpeuples lointains chantre de voflre Sansflupport &fians biens que de les acauerir
honneur. m Par importunité corne ceux qui vous preffent*
Quand les François mutins, ainspeftes de la Et iamais en repos vos aureilles ne laiffent.
France,
Armèrent contre vous l'erreury l'ignorance:
Quand le peuple incertain errant deçà- delà
Tenoit l'vn cefiefoy, & l'autre cefte-là :
Et que mille plaçons diffamoient voflre race,
il appofia fia Mufie à leur félonne audace,
Et toutesfois,Seigneur, après que ce Ronh
s a r D
A defiendu pour vousfion labeuréf fion art
Avous redre immortel,pour toute recompence
Vn autre a pris le finit defa vaine ejberance
Vous netignorant poinf.carparvofire moyen
Les défiant tout feul, (fff hardi tant ofia , (L'ayant mis en oubly)vn autre aprisfion bie:
Que fla poiClrine nue à leurs coups oppofla, Il vous en aduertit y vous enfit requefîe:
Bien peu fefondant de leur rage animée,
Pourueu qu'ilfuftfauteur de vofire renom-
mée,
Il tendit les filets, vn autre prit la quefie.
Mais fiortune y faueur, qui ont laplus
grand' part
,.
*>U '
(f^Ùu &'
'
Vn chacun fe taifiant : car on neflçauoit lors Du Mode & de la four,n'y eurentpas efrard:
Qui des deux camps aurait les deftins les plus » Ainfi les gros taureaux vont labourant la
fions. plaine,
Il réueilla B a i F pour repouffer l'iniure » Ainfilesgras moûtos au dosportent la laine,
Qu?on vous faifoit à tort,parfit doCîe efcritu^ » Ainfila moufihe à miel en fin petit eftuy
re :
D Es- AVTELS y B ELLEAV,(^r mille autres
» Trauaille enfie tuantpour leprofit d'autruy,
Hà ! que vonsfufies fols,pauurespères, de
efirits faire
Furentparfon confeil de vos vertus effris : Apprendre à vos enflons le mefiier literairc:
lln'eficriuit iamais qu'iln'euftla bouchepleine
Des illuftres vertus de Charles de
Mieux vaudroit leur apprendre vn publique
meftier,
Lorraine,
Que mille $r millefois, en mille & mille lieux
Vigneron,laboureur, maçon ou charpentier,
Que celuy d'Apollon,ou celuy qui amufe
Efifarfies ilfiema comme efioiles aux Cieux. Lesplusgentils efirits des bayes de la Mufie,
Quand ilauroitfierui leplus cruel barbare, Titres ambitieux, quifans eftre auance?
Encoreflonfiruice &Jà plume affe?rare Lesfait eftimer fois, furieux, infienfiz-
ëfichaufieroit vn Sçythe,& bénin le vaudroit Sainct Gelais^/ efioitl ornement
Fauorifir fiur tous y luygarderfin droit. de noftre âge,
Adiouftezd'autrepart qu'ilne vous impor- Quipremier des Fraçois nous enfieigna l'vfage
tune, De fçauoir chatouiller les aureilles dc - Rois
Et foit bien oufoit malfil fouffrefo fortune, Parfia lyre accordâte aux douceurs de la vois,
Se confiant en vous fans talonner vos pas, Qui au Ciel égalaitfia diuine harmonie,
Sans vousfiuiureau chafleou,à la chambre,ou Vid(mal-heureux mefiier!) vne tourbe infinie
repas, De poltrons auance?, y peu luy profitoit
Comme ce vieilPrélatJas ! qui nefie contente
De voir en fit maifon cent millefrancs de rente.
Son luth,qui le premier des mieux appris efioit.
DvBellay^j auoit çrimpé deffus
Mifirable Prélat ! ny fin chef tout grifin, Parnafi,
Ny le repos aimable en la vieillefaijon,
Ne l'ont peu retirer que flerfl ilnefie rende,
Qui auoit effiuiflé toute l'eau de Pegafe,
Et dedans mefmegrotte auecques moy dance,
Et au vouloir d'autruy fla liberté ne vende. Neflut,flecle de fer ! d'vn feul bien auance.
Celuy pour qui ieplaide efid'autre naturel,
'Bien peu fe fiouciant de ce bien temporel
Quif enfuit corne vent;&n efioit la cotrointe,
O cruauté du fiel, o maligne contrée,
Où iamais la vertu qu'en fard nef eft mon-
firée !
Ppp ij
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724 L E B O
Puis que lesfols, lesfots , les ieunes courtifans
Sontpouffez en crédit deuant les mieux difansl
Ilfiaut donner des biens à ceux qui les méri¬
tent,
Bien qu'ilsfloient loin du Prince : ainfiles biens
profitent
Quand ils font peu cherche?^ : de là vient le
bon-heur,
Etparlà fi cognoifi le vouloir du Seigneur.
Iepenfio'is, oPrelat, qui n'as point de
femblable,
De qui l'efjrit eflvifardant y admirable,
Que vous fieriez fauteur dé ce troupeau diuin,
Mais Phebus en cela mefut mauuais deuin, '
Puis qu'en vofire prefence y deuant vofire
veue
Cefte innocente troupe eft par vous defiour-
ueu'ë
CAGE
De faneurs & de biens,tautre orne des tu-
mains,
Que vouspouue?^ donner flans appauurir voy
mains.
Ainfi dit [alliope,& Phebus vous fit taire
De peur d efire vainqueur : puis confiultanv
l'affaire
tAuecle bon Nefior Cardinal deToumon,
Et le doCle HosPlTAL immortel de re¬
nom,
isipres auoir tous trois la matière épluchée,
Et d'vne y d'autre part la raifion reCher-
chée,
Vous fuftes condamné à l'amende vers moy,
A payer mes defiens, mon Prélat, y ie croy
Que vous acquitere?bien tofi de voflre dette ,
'Tour n'encourir l'aigreur d'vn medifânt Poè¬
te.
- MARCASSVS.
Vous facra la Itifiice ] Ronfard luy enuoya l'Hymne qu'il a fait de la luftice. Duc d'^ufîrafie ] C'eft Charles
Duc de Lorraine. Du^oy J Henry 1 1. Lafille] Claude fille de Henry 1 1. Hymen] C'eftoit le Dieu que les
anciens croyoient prefider aux mariages , & qu'ils inuoquûient à leurs nopces, Pafieur mena fa Mufe ] Ronfard
enfa faueur feit vne Eclogue qui fe lit dedans fes uures, qu'il appelle la Grotte deMeudon. J/f» chafieau*
Cambrefis]Le Roy Philippe auoit efpoufé Marie Royne d'Angleterre.Or pour faire la paix entre le Roy Philippe
& Henry IL le Cardinal de Lorraine fut au Chafteau de Cambray,qui eft à l'EuefqucdeCambray.- Gironi
Giron fc prend icy pour tablier. Vn Hymne ] Il eft dans fes L'erreur ] Quand l'hefefic commença i
pulluler de tous coftez. lloppofa ] Ronfard efcriuit contre ceux qui s'attaquèrent à ce Cardinal.à caufe qu'il cri
vouloit à ces mauuais Religionnaires. iàif] Excellent Poète de fon temps. Des-^utels] Gentilhomme
Bourguignon,& Poète excellent dc fon temps. Belleau] Excellent Po'étc du mefme temps. Cornme tè \iel Pfeï
lat] C'eftoit vt Prélat fort aiié,que l'auarice rendoit efclaue auprès des Grands. Il n'eft pas befoin dé le nomrncrj
pour ne diffamer point fa mémoire. Beaucoup de noftre temps auec tous leurs biens font plus miferables & plus
fordides qu'il n'eftoit. Printla tpuefie] H luy reproche d'auoir donné, comme il fit, vn bénéfice vacant à vn des)
fiens,apres en auoir eu l'aduertiffement de Ronfard,& apresluy auoir promis, ^/tinfiles gros taureaux ] Ces vers!
font imitez d'vn Epigramme qu'on attribue à Virgile.
Sic ~Vos non Ttobù fertis aratra boues.
Sic ~)ros non "vob'vs Sellera fertis oues.
sic"))osnonl>obifnidificatisaim.
Sic "Vos non~\obis melttficatis apes.
SamB Gelais] C'eftpitMelin de S. Gelais excellent Poète du temps de Ronfard. DuBellay] On voit la rareté
dç fon efprit en fa Poëfie encore auiourd'huy. Parnajfe ] Mont facré aux Mufes dans la Beotie. L'ean de Pegafi]
L'eau de la fon raine de Hippocfene.que le cheual Pegafe, félon l'opinion des Poëtes, d'vn coup de pied fit
fourdre. Troupeau diuin ] C'eft à dire , des Poètes qui font en la protection d'Apollon & des Mufes. Cardinal
de Tournon ] C'eftoit vn des plus grands perfonnages de fon temps , & de ceux qui prefiderent au Colloque d*
Poiffy. Hofiual] Chancelier de France, que les gens de mérite euffent defiré ne mourir iamais, pour le grand
fçauoir.la prudence aux affaires du monde, labonté,la counoifie qui eftoient en luy.
A TRES-VERTVEVX
seignevr François de
Montmorency,Marefchal
de France.
E petit Aigle après auoir efié
Sans plume au nid tout le long del'E-
Incontinent que la faim y la mère
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Le vont chaffant, la na'iue colère
Lefiait fiortir hors de l'aire, y s'enfuit
Ou le fang chaud, y le cur le conduit,
Faire laguerre aux cygnes de Méandre,
Ou aux canars lefquels n'ofient attendre
La ieune ardeur de ceguerrier nouueau,
Ains froids de peur fie muffent deffous l'eau.
Le beau poulainyffu de bonne race,
Brufique y gaillard , laiffant deffus la face
Etfur le col pendrefes longs cheueux,
T*"-".

En dejhouant fies jarrets bien nerueutf,
Court de luy-mefine, y brufque enfla furie
Fait mille bonds le' long d'vne prairie,
Se façonnant pour deuenir guerrier,
Et d'vn grand ceurfieflancer le premier
Sur l'ennemy , portant entre les armes
Labarbe auxflancs y au dos l'homme d'ar-*
mes,
Rendant flon maiflre y foy- mefmes appris,
Pour du Laurier enfiemble auoir le prix:
Car le 'Cheual qui la viCloire apprefte
R O Y A L.
MARCASSVS.
72;
A fion feigneur, veut part à la conquefie.
Ainfijnon Duc, d'vnfioge pèreyffu,
De pareil germe aue? efié conçeu :
Vous aue? pris de luy la preuoyance,
Le iugement, le confieil, la prudence,
Le meur aduis , la figeffe fy l'honneur,
Et qui plus efi, la trace & le bon-heur :
Ayant de luy la matière affe? ample
Tour vous former au paternel exemple,
Patron naïf, qui de luy-mefinefait
Tourfis enflons vn exemple parfait.
Le petit ^Cigle ] Il loue par des excellentes comparaifons François de Montmorency Marcfchal de France, &
pour lors Gouucrncur dc Pâris,& fils aifné d'Anne dc Montmorcncy,& frerc de feu monfieur le Conneftable.
Nâiue] Pour, naturelle. Méandre] C'eft vn célèbre fleuue d'Afie, duquel le cours eft rendu fi vagabond
par la multitude des fleuucsquis'y defchargenr, que l'on a creu qu'il s'en retourne à fafource. Il eft fort abon¬
dant en Cygnes. Mujfent] Vieux mot pour, cachent, il vient du mot Latin mufare, quifignifie fe cacher, ne
dire mot ou marmoter entre les dents j ou exprime quelque autre action que la peur ou la honte nous faict
faire quand nous cherchons d'eftre à couuert. ^^ Jtf &. t>ti'ff± -t&T

7-6 LE BOCAG E
fut deuen^rand.ils'enretournaàfonpaïs pour prendre en main lesrcfnesdeîon Empire quefon oncle tc^
noi TvXsl voyàntdefircuxd'honneur &Pde gloire luy confeilla, pluftoft que de femcfler des affaires de fon
Royaume de l'en aller en Colchos conquérir la Toifon dorée , croyant par ce moyen fe deffaire de luy en vne
fidangereufe entreprife. Iafon donc fit viftement fréter vn vaifreauquonnommaArgo.dunomdecclay qui
l'auokbafty, pour s^en aller à cefte expédition auec vne grande partie de la Noblefle de Grèce, qui brufloit
d'impatience de l'y accom pagner. Il fe met donques en mer, & dans quelque temps arnuc a Colchos : là la fille
duRoy en eftant del
le moyen de mettre
d'endormir le Dragon qui gard^xv..».^^.. , * . - ,.
tourna auec Mcdee en fon païs. Cueillers ] Il appelle ainfi les rames par tranflation. Soliueaux] \\ nomme
ainfilesnauiresparvnemcfmefigurc. Cesdcux] Iafon & Achille. Dmxmefiiers] Des lettres & des armes,
^/Aww] Première ville delà Grèce, où les arts,lcs armes & les lettres ont autant flcury quen ville du Monde.
le m'efbahis des paroles flubtiles
Du grand Platon, qui veut régir les villes
Par vnpapier & non par aClion :
Cefi vne belleydoCle inuention,
Qui toutesfois nefiauroitflatisjaire:
Elle eft oifiuefilfaut venir aufaire :
Ainfi que vous qui fiçaue? contenter
Tar l'action, & nonpar l'inuenter,
Tenant Paru deffous vos loix prudentes
Pleine d'humeurs y d'ornes différentes,
D'hommes diuersd'vn efifier, l'autre efidoux,
L'vn efi bénin, l'autreplein de courroux,
L'vn qui veut tout, l'autre rien ne demande,
Etfi à tous lafeule Loy commande.
Commevn Pilote à fion tillac affis,
Craignant l'efcueil , d'vnfinsfroidy rajfis \
Guidefa nefparmy les vagues perfies,
Bien quellefoit de cent pièces diuerfes,
MARCASSVS.
De voiles, mafi, de cordages diuers : *
L'vn va tout droit , l'autre va de trauers,
St toutesfois l'aduis d'vn hommefage
Toutfeulpar art conduit tout cemefnage:
Tant J>ar-fur tous on doit l'homme efiimer
Qui^efi prudent enterre yfiur la mer,
Dont le fouci bien modéré tempère .
Sous luy le peuple à la guifie d'vn père,
Non d'vn tyran de fureur allumé,
Craint d'vn chacun y de perfonne aimé:
» Car en tous lieux la douce counoifie
M Du peuple accort gaigne lafiantaifie,
» L'ame, le chur, le courageJf la main,
» La cruauté engendre ledefdain,
» Et ledefdain la haine qui bouillonne
» D'vnefureurfantafiiquey félonne.
» Pource vn tyran ne vit iamais bien feur
»> Le vray bouclier d'vn Prince eft la douceur]
Par lin papier ] Par les préceptes qu'il donne aux liures dc fa Republique, ^fu faire ] C'eft vne façon de
parler fort commune aux AutheursGrecs.de mettre les infinitifs pour des noms, comme #» pour fc}, viure
pour vie, boire pour boiffon, & ainfi du refte. Par (ihuenter j Pour par l'inuention, par la mefme façon de|
parler. '
A MONSIEVR
DE F O I X.
On bon confeil, ta prudence y ta vie
Seront Chantez du doCle Outhenouie,
A qui la Mufe a mis dedans la main
L'outil pourfaire vnvenGrec & Romain.
Jl eft bien vray que fieultu deurois dire
Ta vertu propre,y toy- mefme t'eferire:
Caria Nature excellente t'afait
Enee mefiier arti?an tres-parfait :
Mais le labeur de ta Charge publique
Où ton efiiritfeigneufement s'applique,
Nepeut fettffrir que tupenfes à toy,
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Du tout penfif aux honneurs de ton Roy.
Puisque ta peine autrefeucy demande,
en lieu de toy mon deuoir me commande
De te louer, y d'vn mal-plaifiant fon
Chanter ta gloire enfi baffe Chanfin.
Hà que les Glixfont heureux quifommeillent
Six mois en l'an y point nefie réueillentl
Helas ! De F o I x, ie voudrois volontiers
lAuoir dormi trois bons ans tous entiers:
le n'euffe veu, o Megere enragée !
^Par fis enflons la Francefiaccagée :
le n'euffe veu le tort bien debatu
Se defguifer du mafique de vertu :
le n'euffe veu violer l'innocence,

RO
Et toute chofe aller par impudence :
leneuffeveu les hommes tranfforte?
De paffion faillir des deux cofitZj,
Sons plus auoir la raifion pour leurguide,
Comme vn cheual qui gallopefions bride.
le n'euffe veu nos peuples eftonne?,
De crur ,defiens, d'effirit abandonne?,
Tons efberdus comme atteintsdelorage,
Trembler de peurflansforce ny courage.
le n'euffe veu les Minifires fouffiez
D'vn nouueau vent ,y foire,tous enfle?,
Del'Euangile vne chiquanerie,
Pouffant le peuple en ardantefurie,
*Tlus mitoiiins auiourd'huy que ne font
MARCASjSVS.
Y A L; 71-r
Nos mendionsfenefire? par le front.
Je n'euffe veu nos terres défilées
De laboureurs y ny nos citez volées ,
Nos bourgs deferts, las ! y fi n'euffe veu
Ny rauager, nyflamboyer lefeu
Sur lefommet des maifions embrafees,
Ny nos Autels profane? de rifiées,
Où nos oyeux en la bonnefiaifon
Souloient à Dieufaire leur oraifin.
Mais fiommeiUant fous la terre poudreu-
Teuffe dormy d'vne pofiade heureufe,
Et en mapart ie n'euffe pointfenti
Le mal venu d'vnfîecle peruerti.
Ton bonconfeil] C'efticy vn petit Panégyrique d'vn Confciller du Parlement dc Paris delà maifon deFoixJ
qui fut du depuis Ambaffàdeur pour fa Majcfté en Angleterre, où il futaffezmal-ttaictéà caufe de la Religion»
outhenouie ] Grand Poëte Latin & Grec, qui floriffoit du temps dc Ronfard. Charge publique ] Il eftoit pour
lors Confeillcr d'Eftat. dix] Ce font des petits animaux cendrez, fcmblables prefqucs aux fourix, qu'on
croit dormir fix mois de l'année. Minifires ] C'eftoit du commencement que la guerre commença en France,
à caufe de la Religion, que les Minifires faifans les caffars & les hypocrites prefehoient la fèdition & la difeorde.
Hàl quantesfois ay-ie defiréd'efire
Dedans vn bots vn gros Chefne Champeflre,
Ou vn rocher pendu deffur la mer,
Pournouyr point ce vieilfiecle nommer.
Siècle defer qui la vertu confomme:
Le haïffant il me fafiChoit d'efire hommet
Et maudiffoy ma raiflon quifaifoit
Que le malheurfe vif me défilaifrit.
Or le malheur d'vn fifafiheux eflclandre
S'eflen tons lieuxfi loin laifié refiandre,
Qm toy qui fus en Ksimbaffade abfient,
As enduré autant comme prefent,
Ayantfeuffert dedans cefie lfie Angloijè
Beaucoup de malpour la guerre Frangoiflè,
Rigueurs,prifons : auffiefi-ce, De F o I X,
"Bien la raifion qu'vn parent de nos Rois,
Comme tu es, coure mefmefortune,
Et qu'à la leur la tienne foit commune:
» Le plus fouuent par vn mefme mefichef
» Les membres ont la peine qu'a le chef
le finis marri qu'vn fi cruel naufrage
Vienne s'efijandreau milieu de nofire âge,
Lors qu'on voyait de maint hommefçauant
"MARCASSVS.
Et le labeur ^ le nom en auant, . ,
Et la ieuneffie affez dextrement née
Efire du tout aux lettres addonnée :
» 'Bien que toufiours les Monarques feep-
n Soientfoupçonneux despeuples trop lettre*^
On dit bien vray que lors qu'vn populaire
Eft tropflçauant, que promptil délibère
Vnfait hautain , pour du colfecouer
Le joug Çeruil qui trop le vient nouer,
Et pour le rompre il fie bande (S/inuente
Mille moyens d'acheuerfon attente.
Ce font ceux-là qu'ilfaut craindre, & non
ceux
jti ont l'effirit groffer y pareffeux,
Maffede plomb au fiel non efieuée,
Et vrais chartiers à porter la couruée :
Toy bien ru?e aux affaires,fiais bien
Lifiant ces vers fîiedi mol ou bien.
Or il efi temps que ce propos ie change
Tour re-vifier au blanc de ta louange,
Dont ie m'eftois en tirantfieparé,
Plein de courroux qui m auoit égare.
»

;7z8 LE BOCAGE-ROYAL
enfonEftat. llfikmde) Ceft a*dire, il fc roidit. La Loy qui rend] Il entend lailuftice que les Iurifconfuhcl'
nomment diftributiucàncaufe quelle rend le droid à vn chacun,& quelquefois félon 1 ordre géométrique, du-j
quel parle Ariftotc en fes Ethiques»
Toy le premieryffu de haute race,
Abandonnant du vulgaire la trace,
Asembrafié, remplyd'authorité,
La Loy qui rend à chacun équité,
FaiCl Sénateur de cefie (Jour fiupréme,
Qui enfiçauoirn'a pareil qu'elle mefime,
Où tuluifiois en vertu tout ainfi
Quvn beau Soleil de rayons eficlarci,
Quand balançant d'vne main équitable
Le droit douteux, iuge non corrompable,
Faifo'is iuflice, y fans efigard d'aucun
Rendois la loy roturière à chacun.
Puis te hauffant par mérites honnefies,
De Confiiller fins Maifire des Requefies,
Puis enuoyé en Ambaffade,àfin
Que ton efirit prompt i$rgaillardy fin
Ne fi roiiillaftfions manier affaires
Qui fiant au peuple & aux Rois neceffaires.
L'effrit oififfie roiiille tout ainfi
MARCASSVS.
Quefiait le corps qui n'a point defeuci.
Quandvne terre efi de nature bonne
SUe produit le froment qu'on luy donne,
Pleine d'vfiure : auffi tu as produit
iA double grain fertilement lefruit,
Dont tu auois enfemencé ton âge ^
Par les leçons d'Ariftote lefiage,
Et de Platon , qui te feruent de fort
Contre le heurt du Defiin y du Sort.
Car en puifiant de leur claire fontaine
Tant de fçauoir, tu en as l'ame pleine,
Quifie defiorde, & monftrepar effeCl
Quelefçauoir rend vn hommeparfaiét
» ConioinCtau bien. Toute vertu commune
» N'eft rien que ventfans la bonnefortune:
» Et lafortune heureufi nepeut rien
»Si la vertu ne luyfiert defeuftien :
Biens que le Ciel en peu d'hommes affemble,
Et que toutfeul tu poffedes enfiemble.
Tu luifoU] 11 dit cela à caufe qu'il n'eftoit plus Confeillct du Parlement , mais d'Eftat. Corrompallt ] Pour^
corruptible. Roturière ] Roturière fe prend icy pour commune.
FIN DV PREMIER. BOCAGE ROYAL.
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SECONDE PARTIE
DV BOCAGE ROYAL.
A TRES-ILLVSTRE ET TRES-VERT VEVSE
PRINCESSE, LA ROYNE CATHERINE
de Medicis, merc de trois Roys.
O Y N E , qui de vertus pajfis
Artemifie,
$ Et Torde y Lucrèce, à qui la
Po'éfie
Et l'outil immortel des bons Hifloriens
Ontfait rouir l'honneur des fiecles anciens,
Etfemmefurpaffer les hommes de leur âge
En puiffance,en cofieil,enprudence,en courage,
Manfirant à leursfiuiets deparolle y défait
La vertu de leurfixe inuincible & parfait.
Si à plus hautdifiours ton effirit ne s'en¬
vole,
Prefie-moy ton aureille(^f entens maparole,
Pour me plaindre de toy & du bien mal donné
Quifut ou temps pafié des pères ordonné,
Non pourrecompenfier les enflons ny lesfem¬
mes,
Mais les hommesfanons minifires de nos
âmes.
L'autre iour que i'efiois,comme toufiours ie
finis,
Solitaire fy pcnfif( carforcer ie ne puis
Mon Saturne ennemy)fi loin ie me promeine
Quefeulie m'efigaray deffur les bords de Seine,
MARCASSVS.
7ij>
Vn peu deffous le Louure, où les Bons-hom¬
mesfiant
Enclos étroitement de la riue y du mont.
La comme hors de moy i'accufois lafortune
La mère desflateursja marafire importune
Des hommes vertueux, en viuant condamnez
Afouffrir le malheur des aflres mal-tournezi
Je blafmois Apollon, les Grâces,fy laMufe,
Et le fiage meflier qui ma folie amufe :
Tuis penfiant d'vne part combien i'ayfaicl
d'efcris,
Et voyant d'autre part vieillir mes cheueux
gris
t^ipres trente yfiept ans, fions que la defiinée
Sefoit en ma floueur d'vn feulpoinCl inclinée,
le hayffois ma vie , & confieffois auffi
Que l'antique vertu n'hobitoit plus ici.
le pleurois Dv BELLAY^»» eftoit de
mon âge,
De mon art,de mes m.urs & de monparetage,
Lequel après auoir d'Vnefi doCle vois
Tant de fois rechanté les Trinces y les Rois,
Sfi mort panure, chetif fions nulle recompenfle,
Sinon dufameux bruit que luygarde la Frace.
K?yne] Il fe plaint dc l'ingratitude du temps où les bons cfprits font mal-recompcnfez. Et remet deuant les
yeux delà Royne Mcre les peines qu'il a endurées pour combler d'honneur & dc gloire fes trois enfans qu'elle
vit Roys,& le peu dc fortune qu'il fit apres la mort de Charles I X. qui cftoir fon vnique fupport. ^frtemtfte ]
C'eftoit la femme de Maufole,vne des plus vertueufes Roy nés qui ait iamais efté. Cclle-cy aima fi tendrement
fon mary , qu'eftant decedé elle le voulut enfeuelir dans fon propre corps, à fin d'eftre fon fepulchre : elle en
beut donques les cendres dans du vin,& luy fit dreffer le plus magnifique tombeau , dont l'antiquité ait iamais
tait cftat. Porcie] C'eftoit la fille dc Caton, & femme 4c Brute , laquelle ayant receu les nouuellcs dc la mort
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73ô IL BOCAGE
de fon mary coufut à vn ferrement pour fe tuer,mais luy ayant efté arraché .furîeufc quelle eftoit de la perte
d'vn gage q'uUuy eftoit fi cher , elle Sa. recours à des charbonsardents pour fe mettre hors du monde en defc
pitdeceuxqm l'en cmpcfchoient. Martial a fait vn excellent Epigramme lut fa mort.
Coniugis audijfet fatum mm Porcia Bruti,
Et fubtraflafèi qaaireret arma dolor:
Nondum fatu , ait , mortem non pojfe negari ? j
Credideram fatk hoc "»« docuijfe patrem.
* Dixit , er ardentes auido yorat oh fauilla*. " }
1 mac , cr ferrum , turba molefia , nega. _ !
Luctece] C'eftoit vne ieune Dame Romaine parfaitement belle, qui de regret quelle eut d auoir efte violet
par le fils de Tarquin le Superbe, fe deffit elle-mcfmc.Voyez ou Flore ou Tue Liue.tout au commencement dk
IcurHiftoire. MonSatume] Saturne eft pris icy pour l'aftre qui prefide alamelanchohe: &. I AftronornieluL
diciaire tient que ceux qui naifTent fous cefte Planète font triftes, mornes, Se pennts, h ce n eft que l afccndanr
de cefi aftrc foit tempéré d'vn autre plus bénin. Mefmes dans les Comédies Grecques , comme dansAnftophau
ne,on dit que ceux qui font ainfi mornes & ftupides fentent leur Saturne. Voyez la Comédie qui s intitule 1er
Nues. Maltoumel ] Il parle félon l'opinion de ceux qui adiouftent foy à 1 Aftronomie Iudiciauc, qurcroyen
que les aftres font noftte fortune bonne ou mauuaife, félon leurs afpects heureux ou malheureux. Sage mefliel
II entend la poëfie. Car mefme les autheurs Grecs & Latins nomment les Poètes artifices. Peut. j
Magifier artis ingemajut larguer
Penter, negatai artifex fequt "ïoees.
D'ynfeul poinB J Il parle icy de la fortune à la façon des Poëtes.qui la mettent fur vne roue qu i tourne & s'in
dine dc degré en degré , ou de poinft en poinct vers ceux-cy, & s'eflongne dc ceux-là, Pu Bellay ] C'eftoit vt ,
excellent Poète, dont fes uures le tefmoignent encore auiourd'huy.
Et lors tout defdaigneuxy tout ïemply En l'antreThefflien m'apprindrent leurs med'efmoy
Regardant vers le (fiel, ie difiois à par-moy:
Quand nous aurionsferui quelque Roy de
fliers,
A bien faire des vers, à bien pouffer la lyre,
Afçauoirfredonner, àfçauoir deffus dire
Scythie, Les louanges des Rois,y en millefaçons
Vn Roy Got ou Gelon, en la fioide partie j - Afçauoir marier les cordes aux ebanfions ,*
Où le large Danube eft le plus engjacé, I Us mefirent dormir en leurgrotte ficrette,
Noftre gentil labeur ferait recompenfé. Me louèrent trois fois y me firent Poëte :
Ainfi verfiont del'il des fontaines ameres, Menflamerent l efirit de furieufe ardeur,
Dedans mon cerueau creux ie peignais des Et m emplirent le cur d'audace y degran-.
Chimères, , deuy.
Quand ievy arriuervn Deuin, qui auoit Lors ie n'eupourfiuiet les vulgaires perfin- '
La face de Rembure à l'heure qu'il viuoit : nés,
Son front eftoit ridéffa barbe mal-rongnée, Mais hardy ie meprès aux Roisparte-couron
Saperruque à gros poilny courte ny peignée, j nés:
Ses ongles tout crafjeux Jequel me regarda (O doCle Roy F RA N c O I sfitu euffes vefiu
Desj>ieds iufiqu'à la tefie3& puis me demanda: Teuffepor tafaueur mon noirDefiin vaincu!)
Dou es- tu, où vos- tu, d'où viens-tu à etfie le celebray H E N R Y &fis uures guerrières^
"ture.
De quels parens es-tufy où efita demeure?
Voire en tant defaçons & en tant de manières,
Que les plus nobles Preux quj. viuent auiour^
Je luy reffons ainfi: le fuis de Vendomois, d'huy
le n'ay iamais ferui autres maifires que Rois, Par tencre,nefiont pas tant célébrez que luy:
I'ay longtemps voyagéen ma tendreieuneffie, Que me vaudroit icyfies louanges redire,
Defireux de louange, ennemi de pareffe. Puis qu'en mille papiers vn chacun les peut
A lafin ^Apollon &fis Surs volontiers lire f
MARCASSVS-
«iSheT 1Sfj" fCg n n qui S'cfte,nd du cofté du Scprcntrion, qui eft diuiféeen deux parties par les Geo^
322 c fleuue Tir"^"1"^ de[EuroPc>& celle qui tient de l'Afie. Celle qui tient de l' Europe s'eftend
Euxin L'Avril! 1 qn , H Danubc' & PaCc Par la liflcrc dcs raarefts Meotides, & les nuieres du Pont]
taeni «des ITriï PU1SlCSïT5" °PP°fcz aux amres> iuf1ucs dans l'Orient. Les peuples en font graJ
4cmentrudes& barbares. Got} Les Gots eftoient décrois peuples dc Scythie, habitans vers la contre* qui1
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*

ROYAL. jfi
fcioint à l'Europe du coftédaSeptcntrion,voifins des Danois & des peuples de Noruegue. Ce furent ceux qui
rcduifirent ïadis fous leur obeiflancc l'Italie, rafcrent Rome , & remplirent tout l'Vniuers dc barbarie.
Gelon] Les Gelons eftoienr encore des peuples qui habitoicnt le milieu delà Scythie, qui pour donner plus
de terreur aux ennemis à la guerre, fc peignoient le vifage d'vne terrible façon. Ce font ceux de qui Virgile
dit qu'ils beuuoient du fang des cheuaux auecdulaict. Danube] C'eft vn des plus grands fleuues d'Europe,
dont nous auons parlé ailleurs. %embure] Ce deuoit eftre quelque Aftrologue, qui de fon temps faifoit profeffion
de prédire les chofes futures, comme Noftradamus,Imberc de Billy,& autres. %ongnee ] Faite. The
Bien] C'eftoit vn antre confacre aux Mufes,& à Apollonjqui eftoit proche dc la villcThefpie dans la Baotie,non
gueres loin du mont Helicon, d'où les Mufes ont mefmes efté appellees Thefpiades. ils me firent dormir] Les
anciens Poètes ont feint que pour auoir vn diuin enthoufîafme ils auoient ou beu dc la fontaine des Mufcs,ou
dormy dans leur antre, & apprins par vne fecrette courtoifie deces Deïtez l'ame d'vn beau vers qu'ils faifoient.
Dcquoy Perfc fe moquant, dit en la préface dc fes Satyres :
Nec fonte labra prolui Caballtno,
Nec m bicipm Jommajfe Parnajfo %
Memini yt repente fie Poi'ta prodirem.
I Trois fois ] En tous les myftercs des Anciens ce nombre eftoit fainct & d'vne grande vertu. Voila pourquoy
en leurs purgations,Iuftrations,imprccations,& autres actions qui dependoient dc la religion des cfprits, ou
dc la magic,ils n'auoient de nombre prefix que le Trois. Tous les Poëtes en font pleins d'exemples. Virgile,
idem terfocios pura circumtulit ~vnda.
Nette tribus nodis ternos ^Amarylli colores.
François] C'eft François Lia gloire des Roys,quichaflà la barbarie de toute la France pour y loger les Mutes
qu'il aimoir plus que les autres ne les haïffent. Mon noir Defiin] C'eftàdirc, i'eufle triomphédema mauuaife
fortune. Les Anciens defignoient la bonne ou mauuaife qualité par la couleur noire ou blanche. La mauuaife
principalement par la noire, comme quand ils dikm,atral/enena, c'eft à dire, pernicieux, mortels : atra fata,
atramnoBem, & ainfi du refte. Vous en trouuerez des exemples dans tous les Poëtes Grecs & Latins à chafque
pas. Henry] C'eft Henry II. le meilleur Prince qui fut iamais, &quimeriroit de porter éternellement la
Couronne que le Defiin luy arracha de la telle, au defefpoir de tous les bons François.
* x^Apres ie celebroy çn mille chants diuers Pource ie la choifi leflujet de ma lyre,
La Roynefen effioufie, honneur de l'Vniuers, Laquelle ayant l'efprit de fion père , eut àgré
Etfis de tous cofie?^ aux Nations eflranges
Par le vol de maplume effondre fies lo'ûanges.
Le labeur que i'auois à fis pieds confacre:
Et comme vertueufie y d'honneur toute plcQ
le chantay la Grandeur defes nobles oyeux, ne,
Et de terre éleue? ie les mis dans les Cieux: S'oppofant à mon mal, charitable mifipeine
Je Chantay les eaux d'Ame , y Florencefia D'auancer ma fortune, $f fille y fur d'vn
fille, Roy
Comme le beau Phebus nomma laTufque Daigna bienjo bonté l fefeuuenir de moy :
ville Mais enperdant,helas ifa clairtécouflumiere,
Du nom de la pucelle, après auoir efié Comme aueugle ie finis demeuréfions lumière.
Ardentement rouidesrais de fabeauté, Toufiours en fia faneur,foit fiyuer,foit au
Et comme Ame prédit du milieu defion onde
Que Royne ellefieroit laplusgrande du Mon-
temps
De la chaude moiffon,puiffe naiftre vn Trin-
de : temps
Et que le nom defemme autrefois à meffris, Sur les monts de Sauoye,& quelquepart quel'
Tar elle emporteraitfiur les hommes lepris. le aille,
Mais ainfique Veffier la Cyprienne efioile Toufiours deffous fis pieds vn pre de fleurs
Déplus larges efclairs illumine le voile
De la nuiCl tenebreufe, y fur tous lesflam-
s'efimoiUe,
Dedansfa bouche naiffe vne Manne de miel^
beaux Et luyfoit pour jamaisfauorable le (fiel.
Dont le Ciel eft ardant, lesfiensfont les plus Fleur y perle deprix, Marguerite par~
beaux : faite,
Ainfin y la vertu, la grâce fy le mérite Apres que la bonté de Nature t'eutfaite,
De la feinte y diuine y chafte Marguerite, Affemblant pour t orner vne confection
Fille du Roy François^ la fur de De ce qui efi plus rare en la perfeClion,
Henry, Elle en rompit le moule, à fin quefans pareille
Et du Duc d'Orléans qui ieune m a nourry, Tu fuffes icy-bas du Monde la merueille.
Me fembleret auxyeux furies autres reluire. Quête diray-ie plust apresauoirvje
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7*4 IL BOCAGE _
Cordesyluthyfuftjteme fuuabufé Cerés n'a pas eftC Deeffe renommée 7
A Chanter les Seigneurs : auffi ie n'en rap- Tour auoir defan bled noftn terre Jêmee,
pme jslyPaUaspourauoirmonftrelart.de filer,
En lieu defin loyer qu vne etyerance morte. Èfiarderles toifins,ou l'huile difiiler: ;
»Sieft-ccquelesvers ont aux hommes mor- Les Huresfeulement de mortelles Prmceffes
te[s (Et non pas leurs mefiiers) les ont faites
Jadis fait ériger & Temples & ^Autels. Deeffes.
MARCASSVS.
La Èoyne fon efboufe ] Catherine de Medicis. Les eaux d'Orne ] Riuiere de la Tofcane. Il les a chantées en
l'Ode qu'il a faite pour la mefme Royne Catherine dc Medicis, qui commence, lefuu trouble de fureur. pU,
rence fa fille ] 11 a feint à l'imitation des autres Poëtes.qu'Apollon deuint paflionned Ame Nymphe d Hctruric*
& qu'il l'engroffa de la belle Nymphe Florence. Toute celle fiction s'accommode proprement à rafïictre de
Florence & d'Arne. Tufque Tille ] Florence ville capirale de la Tofcane. Delà pucelle J Florence. ^Crne ]
Merc de Florence & Maiftreffe d'Apollon, refier ] C'eft l'eftoille de Venus qui précède la nuict , comme l'Au¬
rore deuance le iour. De Henry ] Henry 1 1. Duc d"Orléans ] Troifiefme fils du Roy François I, qui mourut
de fleure peftilentieufe à Ferraontierprcs la ville de Rue, en lage de vingt & trois ans, l'anj^r. qu'il for au
voyagecontrelesAngloispourlerecouurcment deBologne. M'anourry] Ronfard, comme ie croy, foefon
page. s'oppofantàmonmal ] Ce fot lors qu'elle le défendit fort & ferme , quand Mellin de Saint Gelais fort
eftimé à la Cour pour les rares qualitez de fon efprit, auec certains rymeurs de fon temps blafmoient Ces
ures déliant le Roy. Fille] DeFrançoisI. Etftur] DeHenry II. DeSauoye] Parce qu'elle y fut mariée.
Ceres] Deciïc des bleds, Palias] Deeffe des fciences,des arts, & des armes. Ou l'huile ] C'eft elle qui pre¬
mière trouua l'vfage de planter des oliuiers & d'en faire de l'huile. Virgile.
oleyue Minerua . *
Inuentrix. ' * -.;-
Lesliuretont à Mars les armesfaitporter,
Le trident à Neptun Jafoudre à Iupiter,
Les ailes à Mercure;($f leur belle mémoire
Sans les verspérirait aufonds de l'onde noire.
« L'autre iour que i'efiois au Temple à Saint
Denys,
Regardant tant de Rois en leurs cachottes mis,
ui n'agueres faifoient trembler toute la
France,
ui^ tons enfle? d'orgueilJe pompe y d'effe-
rance
Menoient vn camp armé,tuoient & comman¬
daient,
Et de leur peuple auoient les biens qu'ils de¬
mandaient,
Et les voyant couchez, n'ayons pins que l'ef-
corce,
Qomme buChes de boisfinspuijfance ny force,
» ledifoisàpar-moy.fjenefi rien que desRois:
D'vn nombre que voicy , à peine ou deux ou
trois
MARCASSVS.
Viuentapres leur mort,pour n 'auoir efié Chi~
< CheS
Vers les bons efiriuains & les auoirfait riChesi
Puis me tournant , helas l vers le corps de
Henry,
le diflo'is,0 mon R o Y,qui viuant as Chery
Les Mufles qui flontflturs des armes voleta
reufes,
Ton amepuiffe viure entre les bien-heureufes :
Au haut de ton cercueilfloient toufioursfleu-
riffans
Les beaux illets pourprez y les liz blan-
Chiffans,
Stleur fiuaue odeur iufquau Qielà toy monte,
Puis que de ton R o n s a R D tu as fait tant
decontel
leporterais mon mal beaucoup plus aifémet,
Si en fraudant les bons,lefort inceffamment
N'auançoit les mefChans : mais quand en mon
courage '<
le voy tout aller mal,de dueilprefque ï enrage.
ftS^^^lnT ^-°&sà^tMt' en laquelle ce grand efprit voulant faire recognoiftr.
3 ^tL£ *nu"* L"1'" ?_ le* rcndent »ort=Is> dnq«"l y a eu d'auffi brauef Héros
Se s auS d°nt Ia SIoirea ^ teHe°' femeepar tout
I Vmuers,qu elle yitencore^iourdhuy.dansla bouche des hommes : mais^ue lepeu d'eftat cp'ils ont fait de
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R O V A L m
ceux qui les pouuoient rendre immortels, a efté caufe que leurs beaux faits font demeurez enfeuclis d'vn éter¬
nel oubly. Mars^ ] Dieu de la guerre. Neptune ] Dieu de la mer. Trident ] C'eft le fceptre de Neptune qui
a trois pointes, d'où il a pris le nom. Jupiter] Dieu du Ciel. Mercure] C'eft le Dieu de J'cloquence,des mef-
fagers & des marchans, & le courrier des Dieux. On le dépeint auec des ailles à fon chapeau & à fes talons,auec
vne verge qu'on nomme Caducée^ où l'on void deux ferpens entortillez. L 'onde noire] C'eft l'eau du flcuuo
de Styx,où la mémoire de routes chofes fe perd quanc elley paffè. Samtt-Denys] C'eft vne petite ville pro¬
che de Paris, *où les Roys de France font enfeuelis. De Henry] Henry II.
le me fafiChe de voir les hommes efiran-
gers,
Changeurs, pofieSjplaifians, vfiuriers, menflon-
grs.
Qui n'ont nyla vertu ny lafeience apprifie,
Poffeder auiourd'huy tons les biens de l'Eglifi:
Delà font procède? tant d'abus infinis,
Et tulesvois,o D ï e v , (gjr tu ne les punis!
Et nous fiacre troupeau des Mufies qui ne
fiommes
Vfuriers,ny trompeurs, ny affaffineurs d'hom¬
mes,
Qui portons IesVs-Christ dans le
c
Ne femmes auance?finon depauureté:
L A M B i N,D avrat,Tvrne B,lumie-
res de nofire âge,
DoCtesfy bien-viuans en donnent tejmoigna-
Que vous eftes trompe? de vos intentions,
O pauures trefiaffez'- qui par dénotions
Enfraudant vos parensfondafies de vos mes
is4 nos riches Trelats les mitres opulentes :
Mieux eufi vallu jetter voftre argent en la
mer*
Que pour telle defience en vain le confiumer !
Tels biens nefontflondezpour efire recom-
penfie
De ceux qui en la guerre ontfait trop de dé-
penfie,
Pour enpouruoir leursfils:ou les donnera ceux
Quifiont aux Cours des Rois des pilliers pareffenx.
Tels biens nefaut donnerparfaueur nyprière,
Ny à ceux qui pluftoftfont volerlapouffiere
Sons les cheuaux depofte, ô" haletant bien fiort
Apportent lespremiers nouuelles de la mort :
Mais à ceux que l'on iuge eftre de bonne vie,
A ceux qui dés enfance ont la vertu finiuie,
Et à ceux qui pourront viuement empefCher
De ramper l'herefie àforce de preficher.
Vn nombre bien petit efioigné d'auarice
Accomplit auiourd'huy flainementfon office,
Prefihe,prie, admonefle , y prompt àfion de-
uoir
t^/Luec la bonne vie a conioint lefçauoir.
le me deuls quand ie voy ces ignorantes be~
fles
Porter corneguenons les mitresfur leurs tefles,
Qui parfaueur, ou race, ou importunité
Sont monte?^, o vergongne ! en telle dignité.
Bienquede

734 IL BOCAGE
raHoistetyrit gaillard & leciurgénéreux fis ont trenché mon cours au milieu de mes
Pour faire vn fi grand nuure en toute har-
jjn
vers:
Au milieu des rochers,desforefts,des deferts
Malau befoin lesRoys m'ontfailly de pro- Ils ont fait arrefterpar faute d'équipage
effi; me e.
Francus quileur donnait llion en partage.
MARCASSVS.
Lambin , Daurat, Turnebe] Tousces trois eftoient LedteursduRoy , & grandes lumières de leur ficelé, entre
lefquels Daurat auoitla gloire d'auoir vn excellent Poète comme eftoit Ronfard. Mofquetes] Pour.Mof
quees. M'ontfailly de promeffe ] Henry 1 1. comme on peut voir en l'Ode première du premier hure, 1 auoit
porté à faire la Franciade, laquelle Une fit point pourtant que fous Charles fon fécond fils régnant. Mais
Henry 1 1 1. ne Fincita pas beaucoup à f acheuer,de quoy il fe plaint par ces vêts :
si le Koy Charles eut "yefeu , \
feujfe acheué ce long ouurage.
Si tofi que la MortTeut Vaincu,
Sa mort me "vainquit le courage,
llion ] Troye eftoit ainfi nommée de fon ancien Roy Ilus, comme Troye dcTros. Voyez Virgile qui éh
parle près dc ce vers:
llut eratdum resfietit llia regno.
Pource i'ay refiolu de m en ahr d'icy
[Pour tramer autrepart ma plume y mon
Troisfois mefit cracherfur lafeichepouJJierei
Trois fois efternuer,y troisfois en arrière
feucy Me retourna les bras, troisfois les ramena :
En efirange paysferuont vn autre Prince: St trois fois tout autourd'vn rond mepromet
*» Souuent le malheur chante en changeant de no :
prouince. Fit despoincls contre terre , après il les aflem-
£ar queferoy- ie icyfans aide &JànsJùpportt
L'efroir qui me tenait,fi perdit parla mort
Du bon Prince Henry lequelfut l'efieronce
De mes vers & de moy, y de toute la Fran-
ble
en mères tout d'vn rangfy en filles enfiemble :
11 en fit vnfommaire, y en rouant lesyeux
Trou fois deuers la terrey troisfois vers les
ce. Çieux,
Alors le bon vieillard qui mdrrefta le pas, Me dit à baffe voix : Monfils, la Poëfie
Me mefiura lefront auecqnes vn compas, , Eftvn mal de cerueau qu'on nommefrenefie,
Me contempla des mains les lignes qui font Ta tefie en eft malade, il te la faut guarir,
droites, Autrement tufierois en danger de mourir.
Celles qui fiont en croix, celles quifiont eftroi- Tu reffembles aux chiens qui mordent en la
t£$> rue
Celles d'autour le poulce, y celles des cinq La pierre qu'vn paffant pour lesfrapper leur
mons, Yuë:
Les angles malheureux , les angles quifiont Ainfi tu mors autruy commefol infenfié,
b°ns ' Et non toy panurefit qui t'esfini offenfie.
MARCASSVS.
Henry] Henry II. Me mefura lefront ] Parce que par la hauteur & la longueur les Phyfiognomiftes iugent de la
fortune & du naturel d'vn homme. Cinq monts ] On diuife la main par cinq monts, pour les accommoder à
tout autant de Plancttes,& y recherche-on les mefmes caufes qu'on tireroit de la naiffance qui fe feroit fous ces
aftres. Troisfois cracher ] C'eft ce que les anciens faifoient pour les fortilcges. Enothee en fait tout autant dans
_. . , . - -, ... »»....... .vjpQinCtS pour ic» ruumw «.»....-.. ,
Planettes qui dépendent des autres. Cellcs-cy il les appelle meres,& les autres filles. Frenefie ] Dans Pétrone
a ce propos vn certain dit au Poète Eumolpus : Nifieiuras hodiemam bikm, ego auotue fmum meumfam orurabo,^
_^HotiefcmqHecosptru4tetxirtt fangmmmnbtl capte mutant. '«522/ J ___!__-
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ROYAL. ?3f
En quel âge o bons Dieux f ores penfes-tu Qu'auiourd'huy que la Royne auecquefapru-
eftre f dence
Penfes-tu que le Cielpour toy face renaiflre Par naturelle amourgouuerne nofire France:
Encor le fiecled'or, où l'innocence efioit Ce qui efi arriuépour faire reflorir
Sur le haut de la faulx que Saturne portoit f L ancienne vertu qui s'en alloit périr.
Cebeaufiecle eftperdu, ynoftreâgeen- Sans elle &fions fia race en oublyfufi Athènes,
rouiUée Et tant de nomsfameuxJàcre? par tant de
(Qui des pauures humains lapoitrine afo'ùil- peines.
. lée Platon,Socrate, Homère, euffent efié occis
D'auarice (Sf d'erreur) nepermet que le bien D'vne éternelle mortfans ceux deMEDI-
Aux hommes d'auiourd'huy viennefansfoi- c i s.
re rien. Cefte Royned'honneur de telle race iffuë,
Tource auecques trauaililfiaut que tu lac- Ainçois que CaUiope en fon ventre a conceuè^
quieres, Tour ne degen erer de fespremiers ayeux,
Non enfaifant des vers qui nefleruent de Soigneufe a fait CherCher les liures les plus
guieres, vieux,
Non àprier Phebus qui efi deuenu fiourd : Hébreux, Grecs y Latins, traduits y à tra-
Maisil tefaut prier lesgrands Dieux de la duire,
Court,
LesfuiureJes fleruir,fi trouuer àleur table,
Et par noble deffienfie elle en afait reluire
Son chafteau de SainCl-Mour, à fin quefans
Difiourir deuant euxvn conte deleCtable, danger
Les courtizerjes voir, y lesprefferfouuent: Le Fraçois fufi vaincueur dufiçauoir efirager.
Autrement ton labeur nefieroit que du vent, Sifia bonté nonfeinte, auplus beau du Ciel
Autrement tafcienceyta lyre eflimee née,
( Pour n'vfier d'vn tel art ) s'en iroit enfu- Ne Change, corne Royne, en mieux ta defiinée,
mee.' Laiffé l'ingrate France,& va chercher ailleurs
Le defàfire malin qui tourmenté t'auoit, ( Si tu les peux trouuer ) autres defiins meil-
Se tourner deuers toy plus doux nefi deuoit leurs.
MARCASSVS.
Sur la faulx de Saturne] Les anciens Théologiens ont pris Saturne pour leTemps, &Ies Grecs ont appelle
tous lesdeux d'vn mefmenom,ou pour lemoinsfort peu différend. Or pour monftrer la puiflance du Temps (
qui moiflbnne toutes chofes, ils le dépeignirent auec vne faulx: Se pour nous faire encore voir que le premier
Temps eftoit le meilleur, ils ont peint auffi auprès de ce Dieu l'Innocence. sans faire rien] Selon le commun
ptouerbe des Grecs, «/ 9w» mtoietâmn» àïï

73* I L B O
Seroit-ce point le Rhojhe impétueux ?
Le cours de Seine auxgrands portsfruClueux
Eftplus plaifiant. Serait-ce point Marfeille ?
Non, car Paris eftville fans pareille :
Bien que Marfieille en fes tiltres plus vieux
Vante bien- hautfies Phocenfies oyeux,
Qui d'Apollon fuyons l'oracle ($f l'ire,
Afin riuage ancrèrent leur nauire.
L'air plusferein des peuples eflrangers
CAGE
1 Mars
MARCASSVS.
Et le doux vent parfumé d. Orangers
De leur douceur vous ont- ils point rouie?
La Pefie helas l vous a toufiours fiuiuie.
De Languedoc les polies Ùliuiers
Sont-ils plus beaux que les arbres fruitiers
De vofire Anjou? au lesfruits queTouraine
Plantezde rang enfis iardins ameine ?
fe croy que non. Y vit-on mieux d'accord?
en tous lieux,de voflregrâce, efi mort.
Commet] 11 exhotte la Royne mère, fclaconiure P^ff 'fJ^rsToy T?JZ EuDuc
reucnir à Paris au temps qu'elle faifoit voir le Royaume a Charles I X. pour lors Koy ac France, «3c au Duc
S^du depuis RoyHenry III. H luy dépeint la defolation de toutes chofes que fon abfence caufe :& U
bonXorqSreïr-ndron. fi elle daigne ïeuenir. C'eft le commun art.fice des Poètes de faire affliger
mefme les chofes infenfibles de l'efloignement de ceux dont ils défirent la prefence. Virgile en eft tout plein en
teZ^Uq^W**] Pour,reta§rdei«ent. Pend] Pour, dépend. Veux icunes Princes] De Charles IX.
pourlors Roy , & du braue Duc d'Anjou du depuis Roy; qui vifitoient leRoyaumeaucc laRoyne-mere.
P rJk Ll] Quand vn an fera paffé: parce que le Soleil en vu an parcourt e Zodiaque, ou fontlesdou.
ze figncs/dintchiunprefide à vn Lis de l'année. Pardou^fois ] *^

ROYAL 737
le Poète pour monftrer l'enuie dont la Cour ïTAugufte mouroit dc voir Virgile, fait dire àtityte par Melibec.
Mirabar auid mafia Deàs yCmarylli T/ocarcs,
Cm penderefua patereris in arbore poma.
Tityrushmc obérai : ipfie te Tityre pmus,
Ipjï te fontes , ipfa h

73S IL BOCAGE
Verfeduvinfurla place:& aux Cieux SupplieàDllV qyn faméjres-parfaite^
Dreffant les mains ^feuleuant lesyeux, Vtuie?jent ans en la paix qu auezfaite,
MARCASSVS.
\rou^ys^ngrandDuc] François L Henry 1 1. François 1?°^^J^ *T^
I. frère de l'vn, êc oncle de l'autre, leunejfe ] Il cnrend les Allemans qui font deçà & delà le Rhin. Bon d»
auoit pas long temps queles Romains les auoient adiouftez à l'Empire du Monde quils poffedoienr, Voila
pourquoy il dit:
Et penim toto diuifos orbe Sritannos. Sritannos.
Fontainebleau ] C'eft vn lieu de plaifancc qui eft au Roy. Unm] Excellent farceur de fon temps. Dalmde]
C'eftoitvnecertainepiccc qui fut reprefentec de fon temps. Papaux & Huguenots] Ceftoient mots deteproche,entre
ceux delà Religion & les Catholiques.
" ~~~ Aboiffafes beauxyeuxfur lepeuple de Fran-
AMOVR AMOVREVX. ce,
IladuifiaParis,yvintaupoinCl du flair
A LA ROYNE DE NAVARRE CommevnoifeaulegerflurleLouures'affoir.
Marguerite dc France. De fortune la belle y chafle Màr-
E Dieu quifi repaifi de nofire fang hu-
GVERITE,
Terle &'fleur des François , immortelle Chamain,
rite,
Ayant au dos la trouffe (§f l'arc dedans U Des diuines beautez le patron éternel,
I main, Reuenoit desjardins du Palais maternel.
' Voulut depuis deux iours enuironner la terre, L'honneur & la vertufiuiuoient cefie Pr'm
Et voir combienfes traits aux hommesfont de ceffe,
j
guerre.
Commeil alloit le Qel& la mer recherchant,
%Ainçais ce beau Soleil qui tiroitvne preffe
Des Damesy d'Amours autour defioncofié.
Uvit dés l'Orient iufquau Soleil couchant, Elle, race des Rois, marchoit en granité
Dés l'Afrique brufiée aux motaignes Riphées, JH milieu défit troupe,&paffoit lesplus belles]
Qrùè tout le Monde entier n efioit quefies tro- Qomme l'Aube la nuift defisfiâmes nojtueUes,
phées, - Si toft qu'Amour la vid, il enfut enuieux,
Et qu'iln'y auoit Prince, Empire, ny cité, Auffi'prompt quvn efelair fie jetta dans fies
Qjù ne tremblafi au nom de fia diuinité.
Jlvit Iupiter pris de nos mortellesfemmes,
yeux ;
Hfi fit inuifible , afin quefia venue
Neptune fous la mer n'efieindre pointfiesfla- Nefuft que d'ellefeule èr non d'autre cognut
mes> L'homme qui efi mortel n'eft pas digne dt
EtTluton aux Enfiersfientir la cruauté
Qu apporte dans les curs vne douce beauté.
Alafin tout lafiéde voler par le Monde,
A l'heure que Phebus fie cache deffous l'onde,
Les Dieux en leur effence, y moins les re~
ceuoir:
£eji vn vaijfeau fa urn momnédefaibleffe,
Quand nous voyons le iour en la nuiétfiechan- L'humain cherche l'humain,^ b T)ieu U
lîr> Deeffe.
Amour chercha par tout vngifteàfi loger. Jncontinent qu Amour fe fiutlagé dedan.
RamaJJantdvnlongvol fan aile recueillie,
Tantofitournoitksyeuxfiurlabelleltalie,
Cesyeux fi pénétrons,fi beaux y fardons
Arme?i vne vertufi diuiney ficlaire,
Tantofi dejjurl Effiagne, ytantofi d'outre le me trompe>dit-il,iecroy qnecefimamere
r & m j> a i , ^ 4J*' aH0lt emprunté les membres d'vn mor-
Sur l IJle d Angleterre abaiffoit fion regard. te[ .
Trefiê de filoger par la nuiél qui commence, Vni'l, s'il n efidiuin, nefiauroit eftre tel. .
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voir

i
ROYAL. f39
MARCASSVS.
Ce Dieu ] Le Poète voulant monftrer le pouuoir des beautez dc laRoyne Marguerite fcUr de Henryt f L quî
fut en fa vie l'vnique miracle de beauté, &fupport des Mufes j dit que l'Amour après auoir fubiugué les hom¬
mes & les Dieux, voulut auoir le plaifir dc courir tout le Monde; pour voir fes victoires Se fes trophées, 8c
sfpondoient de prés à l'efclat qu'elles auoient rendu de loing : qu'il fut tellement engagé en
l'admiration par les nouuelles beautez qu'il dcfcouuroit à tous moments, que le foir le furprit dans les yeux de
ceftePrinccffc.&quedelà l'ayant veue déshabillée il en eftoit deuenu paffïonnément amoureux. De nofire
fanghumain] Vn certain autheur Grec le compare à ce propos à IaDeeile Diane dc Taure, qu'on ne pouuoit
appaifer que par le fang : & Pétrone auffi cognoiffant bien le naturel de ce Dieu dit en la perfonne d'vne Dame:
Nuntpiam finies hune ignemnifi fangmne extmxeris : Se Vlzatc^Apage mihi ifias forores yu* hommum forbent fangumem.
Enuironner] Pour,courir routa l'entour de la terre. Afrique] C'eft vne partie du Monde, qui s'eftend du
Midy iufques à l'Occident , où les chaleurs font excefliues. Voila pourquoy il l'appelle brufiee . J^iphees ] Ce
font des montagnes du cofté du Septentrion. De nos mortelles femmes] Comme d'Io, d'Europe, d'Alcmene,
d'/£gine, de Semelc.dc Die, d'Antiopc, deDanaé,dc Plote,& d'autres. Neptune] Car il fut amoureux de
Tyre, de Bcroé,& d'autres. Pluton] Car il fut amoureux dc Profcrpine. ^Cux Enfers 1 II n'eft rien qui ne
face ioug à l'Amour. Voila pourquoy dans vn excellent Poète Grec Venus ditàfon fils.
jUpnç Aneidifitty is-tu, defjlédeurtufiurpaffes Desyeux defion hofieffe efiedoitfies deux ailes,
Venus y Pafithée : y par tout ie ne voy Et feichoit fonpennache à leur belle clairté:
Rien qui puiffe égaler ta beautéfinon toy.
Maisfi tofi quellefut en fa chambre ar-
Maintenant aiguifloit fles raisflur leur beauté:
Maintenant il prenoit des cheueux de la belle
riuée, Tour refaire afin arc vne corde nouuelle:
Qu'alentour defin corpsJa robbe fut huée, Maintenant toutfon arc racoufiroit de nou-^
Que toutesfies beautezfie monfirerent à nu, ueau,
Amour efi toutfioudain amoureux deuenu, Se refondoitfoy-mefme & fiefaifoitplus beau!
Il fioufrire, il languit en vne peine extrême, Jl oublia le Ciel, fa celefte origine,
Et fient au cour les maux qui viennent de luy-
mefme.
Regardant fon beau front d^ynoire blan-
et penfoit que le Ciel d'elle n'eftoit pas digne:
et tellement Amour defin feu sembrafia,
Que mille y millefois fesyeux il rebaifa :
chiffant, La prioit, adoroit, y vaincu de martyre
Et fies fourcis tourne?enforme de Croiffant,
Où il prit de fin arc la vouturepremièrei
Fut contraint à la fin telle parolle dire,
Soufjirant aigrement tout trifteytout défi
Puisfientont de fesyeux la celefte lumière, fait
Le vray logis dHonneurJumiere qui pourroit Parlecoup que luy-mefine àfoy-mefme auoit
R'animer d'vne illade vn homme qui monr- fait.
roit, Or ie finis chaftié des rigoureufies peines
Efibranler les rochers, appaifer la marine, Que iefionlois donner auxperfionnes humaines.
Et tirer d'vn regard lecur de la poitrine : Les fioufyirs y les voix y les pleursfioucieux
LumièrefainCle,douce,angelique, qui fiais De ceux que i'ay bleffez font venus iufiqu'aux
Et couler (£rfintir iufiqu en l'ame tes rais; Cieux.
Jl deuint efyerdu d'efirit y de mémoire : » Nerhefis m'a puny : c'eft la loy de Nature,
Vaincu fions refiflance il quitta la viCloire, » Celuy quifait du mal que du mal il endure.
Et nefift que penfier le moyen de pouuoir lefuisfansfoy , fans loy, vagabondy léger,
Viure toufiours en elle , fy pour Dame la- Menteur,flateur, trompeur,caujeur ymen-
uoir. fonger:
Q^q iiij
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740 IL B O
La merconceutma mère enfa vague profon¬
de:
Jefuis vn Phaëthon qui brujle tout leMode :
Je renuerfie les loix $ff les villes a bas,
Et comme d'Vnjouet du Monde ie méfias.
zfMaintenant de mes maux iefiouffrepeni-
tance,
le me confeffç à vous,ou caur i'ay repentance : j
le demande pardon, & fçay que iufiement
De mes pèche? commis i'endure chaftiment.
lefçay que peutl ennuyJesfiaucis &les plain¬
tes,
Lesfrtnglotsjesfloufiirs & les larmes nonfein¬
tes.
Le mal me touche au cuur qui mefait langou¬
reux:
Et pource déformais , o pauures Amoureux,
l'auray pitié du feu qui caufe voftreperte,
Tleurant voftre douleur comme l'ayant fionf-
ferte.
MARCASSVS.
CAGE
^Aïnfidifeit Amour plaignantJatêertT:
Mais vous quifiçaueT^bien comme ilefiar-
refte
Prifionnier de vosyeux,deuene?^gtorieuJè
D'efire d'vn fi grand Dieufeule viCiorieù-
Vous defirobe?fon arc,fes fiâmes &fis traits,
et comme ordans eflairs vous lesjettez efiais,
Sansfaillir, droiClauxc de ceux qui vous
regardent,
Que corfeletsferre^ne boudoirs ne retardent,
Tant ilsfent floudroyans,pénétrons y poin¬
tus,
Acerez y forgez par les mefmes Vertus.
Doncques, Perle d'honneur,que la Beauté
couronne,
Il nefaut déformais que la France s'eflonne,
Sifeule vous blejfez les hommes & les Dieux,
Puis qu Amour efi voftre hofte, y demeure
en vos yeux.
Pafithée ] C'eft vne des trois Grâces, autrement nommée Aglaïe, fille de Iupiter & delà Ny mpheEurynome^
furdeThalie&d'Euphrofyne. Nemefis] Autrement nommée Adraftee ou Rhamnufie. C'eft la Deeflc qui
punit les mefchans & recompeufe les bons : elle eft fille dc Iupiter & de la Neccflité : & les Egyptiens luy don
noient fon fiege au deffus de la Lune, pour cfpier toutes les actions des hommes. La mer conceut ma mère T
Nonne dit à ce propos que la froideur de la mer n'efteignit point en aucune façon l'excez des fiâmes amou-
reufesde Iupiter qui latrauerfoif,&queIamcr ne leur eft point contraire depuisque les eaux groffesde la
femence du Ciel enfantèrent la merc d'Amour.
LES BLASONS
Armoiries.
OV
x Auiicur de Sanzay.
\Vfiit que les marefts de l'Egypte fe-
{ conde
Soient pères limonneux des hommes de ce
Monde,
Soit qu'ils fiient engendrezdes vieux ckejhes
creueZi
Ou foit que des rochers ils naiffent eleue? :
Si efi-ce, mon Sanzay, que fansfaueur
de race
Les hommesfiont iffns d'vne pareille maffe:
Jls eurentfiang pareil , pareil entendement,
Etfurent tous égauxdés le commencement :
Sanspoint fe foncier d'honneur ny de noblefie
Efioientfans nulmeflier,sas art &fans adreffé,
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Et viuoientpar les bois, corne peu courageux}
De glands tombez menu des chefnes ombra¬
geux.
Si tofi que les vertus les hommes éueiUerent,
Effoinçonnez d'honneur à tenuy trauaille-
rent:
L vn creufla lesflapins,yfi donnant au vent
Alla trop conuoiteux d'Occident an Leuant :
L'autrepour agrandir les bornes defa terre,
Fift des picques de fiefine , $ courut à la\
guerre :
Ilsbaflirent cite?^, ils chaifirent des Rois,
Ils drefferent des camps, $ chargez de har¬
nois, ,
Les armes en la main,au combat fepouffèrentï
Et les grandes cite? à terre renuerfirent.
' Lors l'Honneur qui voloit deffus les campi
armez,
Les rendoit viuement aux armes anime?.
De forte que chacun auoit plusgrande «£ -

ROYAL. j4t
De la mort,que fauuer honteufiment fa vie : » Et la belle louange efi toufiours éternelle.
Et plufiofi defiroit à la guerre mourir,
Que viure enfia maifon fans louange acquérir.
Celuy qui defiroit de monfirer fa venu,
Portoitfiur le harnois dont il eftoit vefiu*,
.» Noftre vie mondaine eft caduque y mor- Ou deffusfon bouclier, vne recognoiffance,
telle, Afin quepar lapreffe on cogncuft fia vaillance]
MARCASSVS.
OufoityuelesMarefis] Ce petit Poëme eft intitulé les Blafons, qui vaut autant à dire, comme lcsDeuifes oii
les Armoiries. Il monftre comme la couftume de porter ces refmoignages de Noblefle eft venue depuis que les
hommes quittans le repos qui les rendoit tous égaux , fc mirent à fuiure le chemin dc la vertu,qui par de belles
actions les éloigna dc ceux qui demeuroient dans les feules inclinations qu'ils tenoient dc la nature. De là il vint
que pour eftre recognuz plus nobles ôc plus parfaits que les autres, ils prindrent de certaines Deuifes qui de¬
meurèrent dans leurs maifons : inftitution plus ancienne que celle que quelques- vns ont voulu tirer des Che¬
ualiers errants , qui mettoient leurs deuifes fur leurs efeus de defenfe. L'on la peut prendre depuis le fiege de
Troye, comme on le peut remarquer en l'Iliade d'Homcre,& dans l'Enéide de Virgile, quand il dit qu'Encc
après auoir bafty vne petite ville l'appella de fon nom,&y cftablit les Armoiries de Troye,
yrbi nomen dedtt, armaque fixit
Troia.
Les Grecs portoient en leurs boucliers vn Neptune, les Troyens Minerue : Vlyfle portoit vn Dauphin peint en
fon bouclier. Agamemnon la Frayeur,ayant la tefte d'vn Lyon auec vne infeription. Les Lacedcmoniens vn A.
les Meffeniensvn M. Alcibiades l'Amour auec fes flèches. Soient pères limonneux] Les Poëtes ontereu que
les hommes auoienr prins leur naiffance des motes de terre animées par les feux du Soleil , & ce dans l'Egypte.
Celle fable fc voit en la traduction que i'ay faite d'Argenis en ces vers :
^/tupays où le Nilparfept larges ruijfeaux
D'yn lieu qu'on ne liait point donne à la merfis eaux,
OÙ iadit les humains apperceurent laflame ,
Dont les premiers du Monde ils auoient eu leur ame, ".
Quand de motes de terre ils furent transforme^
Par les feux du Soleil en hommes animè\.
Veineux chefhes] Ce fut auffi l'opinion des anciens Mythologiciens. Voila pourquoy Virgile parlant des
hommes dit :
dura robere nati.
Des rochers] Il fait allufion à la fable de Deucalion &Pyrrhe,qui après que le Déluge eut ceffé, pour re^
parer le genre humain qui auoit efté englouti par les eaux , de l'aduis de l'Oracle femerent des cailloux qui prin¬
drent le corps & l'ame des hommes & des femmes. Virgile en parle en fes Bucoliques en quelque vers dont
ie ne me fouuiens pas, mais en voicy la verfion :
il charité puis après les Ineux cailloux fime"^
Que Pyrrhe en les iettant apperceut animel^.
Ace propos Iuuenal, fi ie ne me trompe, appelle les hommes mollia faxa> Sanzay] Il eftoit Colonel des
Arrieres-Bans de France.Il a fait vn liure des Blafons & des Armoiries:c'eft pourquoy Ronfard luy addreffe ce¬
lle pièce. Sans faueur de race] C'eft à dire, fans que la naiffance les fift les vns plus grands que les autres.
Des glans] Tousles Poètes ont tenu qu'au premier fieele, deuant qu'on eut trouué l'inuention dc (èmer
dubled, les hommes viuoient de gland : ce qu'on peut voir en plufieurs endroits de Virgile, nommément en
vnIieudcsGeorgiques:oùildit , que fi le laboureur ne mer peine à cultiucr la terre, & apporte tout le foing
qu'il faut pour l'aider, qu'il faudra qu'il prenne la façon de viure de fes anciens pères.
*Ntfi l>ot'is yocauerù tmbrem,
Heu fiufirà alterius magnum fietlab'u aceruum,
Conctijfâque famem m fyluis fdabere quercu.
ils choifirent des Xeys] Comme Sallufte dit des Romains: Binm Sièges annuos Confules fibi fecere. l'honneur]
II en parle comme d'vn Dieu. Car les anciens donnoient des Deïtez à toutes chofes, comme à la Gloire,»
l'Honneur, à la Fiéure,à la Pcftc, Se ainfi de tout le refte .
L'vn auoit vn Serpent , l'autre auoit vn
Lyon,
A pouffer leur vertu outre le populaire,
Et à contregarder par nobleffe de cur
Vn Aigle,vn Léopard ; ainfivn million L'honneur que leurs parens ont acquispar la-
Par lesfiecles paffe?d'enfiignesfint venues, beur.
Queles races depuispour marque ont retenues, Mais tout ainfi qu'on voit lafortune mon-
Eficuffons 6" Blafons de leurs premiers oyeux,
Que la guerre ennoblit parfaits victorieux :
daine
Aller en décadencey n eftre point certaine.^
Auffi pour inciter leurs races à bien faire, Auffi ne voit-on pas en chacunefiaifian
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74_
Toufiours enmefime estât vne mefine maifon,
Ains fouuent elle change y d'armes @ de
race :
» Car toute chofe humaine en ce bas Monde
paffe.
La tienne, mon S a n z a y , fions auoir
rien mué,
A toufiours fionhonneur en mieux continue,
Comme le vifflurgeon d'vne race éternelle
Qui fins l'aide d'autruy reuit toufiours en
elle:
Tige du noblefang des Comtes de Poitiers,
Dontfispredeceffeursfurent vrais héritiers:
Qui aux fiecles pafifie? en prenant alliance
E? plus riches maifions du Royaume de
France,
Ont iuflques auiourd'huy auecq authorité
Maintenu leur noblefie y leur antiquité.
IL BOCAGE
MARCASSVS.
Or toy qui les vertus de tes oyeux pofiedes
Et qui de droite ligne à leurs ormes fiuccedes,
Tu n'as voulu fiouffrir que leur nom ennobly
De tant de beaux honneursfufiprefié de /'o#-
bly:
Mais tirant du tombeau leurs armesy leur
loire
Tu as dedans vn liure efirit toute l'hifioire,
Portrait leurs Efiufionsy leurs 'Blafonsi afin
Que ta noble maifon neprenne iamais fin,
Etquemaugré lésons ta ligneflorifiante
Croifie defils en fils à iamais renaifrante.
Toufiours puifie ta race augmenter en hon¬
neur,
Et toufiours ta maiflonfloitpleine de bon- heur,
llluftre de vertu, y toufiours puifie viure
La race JmSanzays eficrite dans ton li¬
^¤ leurs armes ] Les aifnez des maifons , félon la couftume de France , fuccedent entièrement aux Ar¬
mes , les Cadets feulement en partie : ce qui fe voit affez dans l'Hifloire. Ligne ] Pour , race. Pans ton
liure ] D'Armoiries. '
AV SEIGNEVR
b G E C I L E,
Sicilien.
OCte Cécile ,à qui la Tieride
*-A fiait goufier de l'onde Aganippide,
A deficouuert les antres Cirrheans,
Afait danfer fur les bords Pimpleans,
A mené voir baigner en la fontaine
Sur Helicon cefie belle Neufnaine
Que Iupiter en Mémoire conceut,
Et pour fa race enfin fiel la receut:
Je te confit-fifie heureux en millefortes,
Non pour le nom flifameux que tu portes,
Venant detIfle où le Gean Typhé
Prefque de fouffre y de foudre eflouffé
( Gean rebelle à fiouffrir indocile)
En fie tournant efiranle la Sicile,
Eflant lafié de porter d'vn cofié
Le fiouff>iral de Volcan indonté:
Non pour autant que le grandfleuue Al~
phée,
Ayant iïamour la fofirine_e[cljaufée,
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ure.
' " ~"
Reuoit s'amie à cachettes, laiffant
Son bordflacré d'Oliuiers paUiffant,
Et fous la mer,flansy meflier Ton onde,
Coule léger d'vne voye profonde,
Ne fe laiffant à Neptune enfermer,
%jAfin que pur de vaguesfur la mer
Vienne embraffer fen x^Arethufie Chère,
Ses Oliuiers luy donnant pour douaire,
Et fon foblon des Athlètes cognu,
Bfiant defleuue vn Plongeon deuenu :
Non pour-autant que la Mufle Latine,
La Mufle Grecque ont mis en ta poitrine
le nefçay quoy de grandy de parfait,
Qui. paffe en France , y reuerer tefait
De ces efirits à qui rien ne peut plaire
S'il n'efi du tout efioigné du vulgaire.
Non pour-autant que courtois & humain]
Aux efirangers tu ne caches ta main,
Ma ts doucement les traites y careffes,
Les bien-veignant d'honneurs (^fde ricbeffes:\
Mais pour-autant que tu vois de plus près
Que nous le port y lesyeux $f fes traits
De la ffilendeur de ton Prince,quipaffe
\ L Honneur d'honneur, & les Grâces de_grace^ -

ROYAL.
CE c I L E, on dit qu après que les Geans~lDe telle gent \ du haut CïetdeuaUa\
74?
Furent bruflez, fonflur l'autre Cheans Et bras à bras nofire terre accolla,
Aux Champs de Phlegre, & que tardantefou- La rempliffant defiafimence heureufiè,
dre Semenceforte , ardente fy vigoureufe,
Leur triple eflchelle eut brifié commepoudre, Digne de luy, que la Terre receut,
(Foudre que l'Aigle enfion bec apportait) Dont toutjoudain les Rois elle conceut,
Que Iupiter pompeufiment efioit
Hautain d'auoir defichargéfia vengeance
Surfi mefichante & malheureufie engeance.
Portraits fiacre? de la hauteJuftice,
Pour chaflier les Geans y leur vice
S'il en reftoit :puis ce Dieu defiroit
Et touteflois,commevn vainqueur douteux
Qjfil ne reftaft quelque racine d'eux,
Defle mirer aux enflons quilaurait,
Et par les Rois cognoifirefa puijfance;
Qjn de nouueau troubleroit fa viétoire:
Pour effacer la race y la mémoire
» Car du grand D ï E V les Rois font la fiem-
blance.
MARCASSVS.
DoBe Cécile ] Cefte piece-cy eft addrcfîee à Cécile Sicilien , qui eftoit Sectetaire d'Eftat en Angletetre , & eft
mort depuis peu dc temps. C'eft luy qui opina à la mort de la Royne d'EfcofTc Marie Stuard,&dc nouueau
à celle du Comte d'Effés mignon dc la Royne Elizabet. Le but de ce Poëme eft de le louer à la mode dc Pindare,
non pas tanr pour les rares & belles qualitez de fon cfprir fçauant au poffible, que pour l'honneur qu'il auoit
d'eftre auprès d'vn Roy puiffant enquelquc confideration. Puis il fait vne digreffion fur vne fable qu'il forgo
de l'origine des Roys, les faifant,comme il a veu bien fouuent dans Homère, enfans dc Iupiter. La Piéride]
La Mufe ainfi appellée d'vne montagne de Thrace, facrée aux Mufes, à Apollon, & à Orphée. ^Cganippide]
C'cftvnc fontaine nommée Aganippé, qui eft au pied du mont Aonien.facrce aux Mufes, dont l'eau
faifoit faire des vers félon l'opinion des anciens. Cyrrheans ] C'eftoient des grottes facrecs aux Mufes dans la
Phocide contrée dc Grèce. Pimpleans] Pimple eftoit vne fontaine facrée aux Mufes dans la Macédoine,
SurHeltcon ] Montagne de Bcotic factée aux Mufes. Que Iupiter ] Les Poètes ont tenu que les neuf Mufes
eftoient filles de Iupiter. Pour le nom] Parce qu'il l'a pris de rifle de Sicile. L'ifie ] C'eft la Sicile, dans la-.
quelle eft IcMontgibcl, où l'énorme Gean Typhée eft enfermé parmy les fiâmes.
lama efi Enceladi femufium fulmine corpus
Virgile en parle. "
F'rgeri mole hac, tngentémque infupef StEtnam
Impofitam ruptis flammam expirare caminis :
Et fejfum queties mutât latus , intremere omnem
Murmure Trinatnam, cr clumfubtexerefumo.
Et nous en la vetfion d'Argenis :
Oubienfrapt des coups de la mai» qui dejferre
Sur le chef des mefehans les traits defon tonnerre,
le Montgibel jettant fis abois furieux
T'engloutiraiil "vif dans l'antre fiacieux,
OÙ l'énorme Encelade outré des maux qu'ilfoujfre
Exhale en foufiirant des fiâmes cr dufouffre ?
Le foupiral] A caufe que dc cefte montagne fort vne grande quantité de flammes. Voyez la raifonde cela
dans Pline, ^flphee] C'eft vn fleuue d'Elidc,qui va fondre fous terre dans l'Achaïe : & par des fecrets conduits
coulant par deffous la mer fe vient rendre depuis la Grèce dans la fontaine Arcthufe qui eft près de Syracufe.Cc
qui a donné oecafion aux Poètes de feindre que ce fleuue eftant amoureux de celle Nymphe,la fuiuoit par tout
où clic alloit. Virgile en parle en ces vers.
^/Clpheum fama efi hue Eltdis amnem
Occultai egijfe "yiaifubter mare, qui nunc
Ore ^rethufa tuo siculis confunditur Imdit.
S'amie] Pour, fon amie, à fçauoir Arcthufe. Sansy méfier fon onde ] On tient qu'elle pafle par le milieu de¬
là mer, &confcruc la douceur dc fes eaux. Virgile faitallufion à cefte opinion quand parlant d'Arcthufc il
dit:
Sic tibi, cùm fiuBut fubter labere sicanos,
Dor'u amara fuam non tntermifceat "yndam.
Des athlètes cognu] Acaufede la ville de Pife, où l'on auoit accouftumé de fairedes exercices de lacourfe.de
la luitc & des autres honnorables actions vertueufes. ^fthUtes] C'eft à dire proprement, combatans : c'eft
vn mot Grec, «flw^.qui vient de aW, qui fignifie combat. Bien^eigner] C'eft vn vieux mot, qui fignific.ac- "
cueillir courtoifement quelcun, &luy defircr toute forte dc biens, ou fc réjouir auec luy de ceux qui luy font
arriuez. Prince] Le Roy d'Angleterre. phlegre] Ce font les champs qui font à l'enuiron d'vne certaine ville
de Macédoine, ainfi nommée. L'aigle] Les Poëtcs,entre autres Pindare, ont creu que ceft oifeau porsoit
toufiours au collé dc Iupiter la foudre, quelque part qu'il allaft. Gent] Des Geans.
Quand la douleur d'enfanter U preffa, %A corps preignant efiendre fe laiffa
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V
744
Sous vn grand palme : $r comme enfa gefine
Troisfois appelle à fon fecours Lucine,
¤lle inuoqua Jupiter qui des Cieux
lettoitfur elle (^fin clur $f fies yeux :
Puis au milieu d'vne longue trenchée,
En s'efforçant des Roys est accouChéè,
La Mojefté fies grandes mains auoit
Sons les enflons: la Fortune feruoit
Defige-femme , y la Uertu chenue
Efioit du fiel pour commère venue.
Tous ces enflons ne fle refimbloient pas:
Les vns auoient petit corps , petits bras,
T eûtes moins les autres au contraire
Auoient grands mains y grands bras pour
deffaire
Sous eux le peuple, &fius euxfaire armer
D'hommes la terre,fy de vaiffeaux la mer.
L'vn en naiffant efioit vieillard yfiage,
L'autre n auoit ny force ny courage,
Vnfai-neant , y l'autre généreux
2fiait de gloire y d'honneur amoureux,
Etprefque enfiant ne penfioit qu'à la guerre
Et d'abaifferfions luy toute la Terre,
Comme le noflre à qui lesQeux amis
Ont de grands dons dés naiffance promis,
IL BOCAGE
MARCA
i
Pour ioindre vn iour par fidellê alliance
Voftre Sicile auecques noftre France.
Jncontinent que Iupiter les vit,
L'ardante amourflon courage rouit,
Et bouillonnant en flon c de grand' aifiet
Impatient les accolle y les baife
L'vn après l'autre,y d'eux père commun,
Bailla fia foudre enprefins à chacun,
Difiant ainfi: Ma race , ie vous donne
(Outre l'honneur,le Sceptre & la (Jouronne -
Que vans tiendrez deffous mon bras puiffant)
Comme à mes fils lefoudre puniffant : -
Non pour bleffer au pour tuer la race
De l'innocente y Jimple populace,
Mais pour punir les Geansflerpens-pieds,
Si par audace enfiemble ralie?
Me guerroyaient , oufi gros d'arrogance
Ils confinaient contre voftre puijfance :
Lors n'efiargne? la foudre, & la rue?,
Et comme moyfaccage? y tue?
D'vn feufeuffré la race Titanine:
Renuerfiz-rnoy Brianfins Arine,
Et de recheffous Etne renfermez
Typhé couuert de charbons allumez»
Et rembarrez Porphyre en Tenarie,
v '
sv s.
lucine ] C'eft la Deeffe qui prefide aux couches des femmes groflcs, autrement appcllce Iunon. Terencëî
luno Lucina fer opem -.ferua me, obfecro.
Des Roys efi accoucha] Celle fable eft forgée fur ce qu'Homère appelle toufiours les Roys cnfans de Iupiter.1
Ses grandes mains ] Pour monftrer leur puiflance, comme ce Poëte qui dit :
^/Cn nefiis longas regibus ejfe manus ?
La fortune] Ce font eux qui la font aux autres, ou la deftruifent. La "»ertu] Pour monftrer qu'il faut
que les Roys foient plus vettueux qu'heureux. La foudre] C'eft à dire la fouueraine puiflance qu'il pouuoit
prerendre en terre,afin qu'ils releuaflent dc luy fêul,& non d'autre. Titanine] C'eft à dire,la race des Geans que
les Poëtes ont appelle Titans: ainfi appeliez pour eftre fils de Titanus frère de Saturne, & fils du Ciel &dc
Vefta la Deeffe. Bnare] C'eftoit vn des Geans qui confpirerent contre le Ciel. \Arme] C'eftoit vne monta¬
gne près vne ville de mefme nom , qui eftoit dans la Mauritanie , auiourd'huy nommée Te^la. Etne] Mon-,
tagnede Sicile,maintenant nommée le Montgibel, duquel eft accablé Typhée. Porphyre] C'eftoit encore vn
des Geans. Tenarie] C'eft vn promontoire du Pcloponcfe, à prefent il Cabo Marapan,Sc Mumi, ou Moine.
Quand vous voirre?que leur fette furie
Sera domtée yferue deffous vous,
A mon exemple arrefiejr le courrons,
Et n'exercez d'vne rigueurfélonne
Toute vengeance ainfi quvnelyonne,
Ou comme vn tigre aux grands ongles trenchans,
Qui d'ffyrcanie erre parmy les champs:
Croye?^, Enflons, que chofe tant n'approche
DiPjt bonté, ^jdeffauuerfon proche,
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et pardonnera beaucoup qui auront
Sansy penfler trop haut drefié lefiant.
Si ie voulois toutes lesfois qu'en terret
L'homme m'offenfe , efloncer mon tonnerre;
Eftant toufiours de courroux animé,
En peu de temps ieferais déformé.
Mais pour donner aux peuples vne crain-^
te,
Souuent d'Athos ou la cyme efi atteinte,
Ou du Ceraune, ou iefais trébucher
Deffous

Deffous mon bras ta tefie d'vn rocher,
Ou ie renuerfie vne tour qui menace
Mon Ciel moqué de fia voifine audace,
Ou les forefis , dont les arbres d'autour
Sontfii efpais qu'ils defirobent le iour.
Ceflontles buts flur qui père ie vifle
Les traits armez de ma cholere efjrife,
Ne refiandant à tons coups de ma main
Mes dards defeu deffur le genre humain.
Et cefi afin que le peuple qui tremble
De voir morceaux deffur morceaux enfiem¬
ble
D'vngrand rocherpar les champs renuerfie,
Sçachequc D i EV là haut eft courroucé,
Qiïil règne au Ciel,& qu'il darde la fondre,
Et qu'enfin lieu les rochers fiont en poudre.
Et lorsprenant exemple à mapitié
S'entre- aimer-ont viuant en amitié,
Adouciffant l'ardeur de leurs courages
Sansfi tuer comme beftes fiauuages.
Diflant ainfi il enuoya les Rois
Ses chers enflons régner en tous endrois,
Et fur leur chef efiandantfa largeffe,
Aux vns donnoit vne grande richeffe,
Aux autres moindre, ainfiqu'il luyplaifloit,
Car àflon gréflon vouloirflefaifoit.
MatsparJùr tous les Princes delà terre
Aima la France,ëf^agne fy l'Angleterre^
Les couronna degloire & de bon-heur,
ROYAL. W
MARCASSVS.
Et iufquau Ciel en enuoya l'honneur,
Sacré berceau de Cerés la très-belle
Qui nourrit tout de fia graffe mammelle.
Tefmoins enfant Archimede, y celuy
Qui courti?on auoit vn double efluy,
L'vn plein de vent $f l'autre de finance,
Et ce Pafleur quifut des fon enfance
En Arcadie , yjur Menale vit
Tan qui fleutoit , dont le fion le rouit.
Or comme en voit que les Rois en ce Monde
Apres leurpère ont la place féconde,
Haut efleué? en grandeur y en pris:
Des puiffans Roys les hommesfauoris
Tar la vertu , ont la troifiefmeplace
pfaut- efleué? deffur la populace.
Ainfique toy,Q e c i l e, dont le norfi
N'eft enfermé deffous vn bas renom,
Mais en volant aux deux bouts de ton Ifie
x^ifait ta gloire abondante ($ffertile,
T'afait dupeuple & des Grands bien-aimé:
Tant vaut l'honneur quand il efi renommé.
Non fieulement ta viue renommée
Nefl chichement de ta mer enfermée,
Mais fianchiffant l'Océan desAnglois
S'efi apparue augrand peuple Gaulois,
Et fait cognoifire à nies Mufies facrées^
Pour te porter en diuerfes contrées,
Etfaire aller ton nompar l'Vniuers :
Car ta louange efi digne de mes vers.
Hyrcame ] C'eft vne contrée d'Afie. D'^Cthos] C'eft vne montagne qui eft entre la Macédoine & la
Thrace , qu'ondit que Xerxes fit couper pour faire paffer à trauers fes nauires. Ceraune ] C'eft vne des mon¬
tagnes d'Epirc, de laquelle parle Lucain,
ortque malignos
^¤mbracid portus ,fcopulofa Ceraunia naut*
Summa timent.
Efi courroucé] C'eft ce qui a fait croire aux hommes qu'il y auoit quelque puiflance fouueraine par deffiis
eux,comme dit Pétrone en ces vers.
Primm m orbe Deos fecit timor, ardua cwlo
Fulmina cum codèrent.
Sacré berceau] C'eft à dire.la demeure que CcréslaDeeffè des bleds aime fur tontes les autres, ^frehimede]
C'eftoit vn grand Mathématicien natifde Syracufe. Pafleur] Il entend Thcocrite. ^Crcadie] C'eft vne con¬
trée du Pcloponefc facrec au Dieu Pan. Menale] C'eft vne montagne d'Arcadie. Tonifie] Sicile.
Et iamais le mefiier en qui l'homme efi expert,
Abandonnant l'ouurier partage ne fie pert.
Bien que le Philofopheait la tefie chenue,
Son efirit toutefoisfi pouffe outre lanuë:
du collège dc Boncourc.
Plus le corps efipefiant ,plus il eftvif&pront,
Et forçantfe prifion s'en-vole contre-mont.
On G A L L A N D, tous les arts appris L'Orateur qui le peuple attire par laureille,
A IEAN GALLAND,
Atrebate, Principal
dés la ieuneffie, Celuy qui diffiutant la vérité réueille,
Seruent à ïartiz^n iufques à la vieilleffe, Et le vie'd Médecinplusilcourtm^uant,
Rrr
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74* . IL BO
^Ardante, impatiente, y n apoint de repo$
Plusilade pratique,y plus deuient fiauant.
Mais ce bon-heur neflpropre à noftre Poë¬
fie,
Qui nefie voit iamais d'vnefureurfaific
Qttau temps de la ieuneffef^f n'apoint de vi¬
gueur
Si lefiang ieune y Chaud neficume dans le
ciur;
Sang qui en bouillonnant agite la penfiée
Par diuerfisfureurs brufquement eflancée,
Et pouffe noftre effirit ore bas,orehaut,
Comme lefiang de l'homme efi généreux y
Chaut,
Et filonfen ardeur nous trouuans d'auenture
Au meflier d'Apollon preparezdenature.
Comme on voit en Septembre aux tonneaux
Angeuins
Bouillir en efeumant la ieuneffie des vins,
Qui Chaude enfin berceau à touteforcegrode,
Et voudroit tout d'vn coup finir hors défit
bonde
MARCASSVS.
CAGE
De s'enfler , d'eficumer,dejaillir àgrosflots, >'
Tant que lefroid Hyuer luy ait donnefaforce,
Rembarrantfiapuijfance aux berceaux d'vne
efiorce:
Ainfi la Toëfie en la ieune foifion
Bouillonne dansnoscaurs,quin'afioinde yai
fion,
Serue de l appétit, y brufquement anime
D'vn Poëtegaillard lafureur magnanime:
Il deuient amoureux, ilfuit les grands Sei¬
gneurs,
Il aime lesfaueursjl Cherche les honneurs,
Etplein de paffions en l'effrit ne repofe
Que de nuiCly de iour ardant il necompofii
Soupçonneux, furieux,fiuperbe y défilai
gneux :
Et de luyfeulement curieuxy fiongneux,
Se feignant quelque Dieu : tant la rage fé¬
lonne
Defion ieune defir fon courage aiguillonne.
i . .
Mon Galand] Il fe plaint à fon intime amy Galand, Principal du Collège de Boncourt, de l'ingratitude"
des Roys qui n'ont pas inuité fa Mufe par des honncftes rccompenfes , à chantet quelquechofe de haut & de
lôgue haleine quand le fang luy boiiilloit dans le corps, & qu'il auoit des boutades chaleurcufes.il luy fait voit
* auffi que où plus le corps vieillit & plus l'efprit de l'homme raieunit pour toutes les chofes du Monde, excepté
pour la Poëfie, qui n'eipoufc iamais vn âge auance. Sa prifon] C'eft le corps.Noftre ame eftant toute diuine,
comme elle eft, fe potteroit à des chofes diuines & à des cognoiffànces nompareiiles, fi noftre corps ne la
tenoit comme enchaifnee dans vne prifon. Qui difiutant] Le Philofophc. De la ieunejfe ] Voyla pourquoy
lesanciens Poètes ont feint qu'vne perpétuelle ieuneffe accompagnoit toufiours Apollon & les Mufes. jttê
mefiier d'Apollon] A la Poëfie.
Mais quand trente cinq ans ou quarante
ont tiedy,
Ou pluflofi refioidy lefiang aco'ùardy,
Et que les Cheueux blancs des catharres appor¬
tent,
Et que les gênons froids leur bafiiment nepor-
| tent,
Et que lefontfi ride en diuerfiesfaçons :
Lors la Mufief enfuit & nos belles Chanfens,
Pegaféfietarifi,y n'y a plus de trace
Qui nous puiffe conduire aufiommetde Parnaffe:
Nos LauriersfontfeChe?,y le train de nos
vers
Seprefente à nosyeux boiteux & de trouers :
Toufiours quelque malheur en marChant les
retarde,
Bt comme par deffit U Mufe les regarde.
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Car l'ame leur défautJaforce,y lagrandeur
Qneproduifloitleflang enfa première ardeur.
Et pourcefe quelqu'vn defire efire Toete, -
Ilfiaut quefans vieillir efire ieune ilfiouhéte,
Prompt,gaillard^tmoureux : car depuis que le
temps
Aum deffusfia tefie amaftéquarante ans,
Ainfi qu'vn Rojfignol tiendra la bouche clofie,
Quiprès défies petitsfans chanter fie repofe.
Au Rojfignol muet toutfemblableiefluis,
Qui maintenant vn vers defgoiflerie ne puis,
Etf alloit que des Roys la counoifie largeffe
( Alors que tout monfang boiiillonnoitde ieu^
neffe)
Tarvn riche bien-faiCl inuitafi mes efcrits
Sans me laiffer vieillir fions honneury flans
pris: >
Mais Diev ne l'a voulu, ne la dure FortUBL
a

ROYAL. 747
Tar mùn noble trouait ils font deuenu s
dut les poltrons efleué, cy les bonsimportune.
Entre tous les François i'ay fieul le pins
efirit,
Dieux,
I'ay remply de leurs noms les terres y les
El iamais (Jalliope envn cfur nefe prit
Si crdont que le mienpour célébrer les gefies
Cieux,
Etfi de mes labeursqui honorentla France,
De nos Roys que i'ay mis au nombre des Ce- le ne remporte rien quvn rien pour recom-
Uftes. penfe.
MARCASSVS.
Tiedy ] Pour, attiedy. ^'g"fe ] Pour la fontaine que le cheual ailé fit jaillir du pied du mont Hclicon d'vn
coup dcpicd. Parnajfe ] C'eft vne montagne dans la Phocide, où l'on difoit que iadisles Mufes s'affembloient
auec Apollon pour inftruire en la Poëfie ceux qui prenoient la peine d'y monter. Nos lauriers font
fiche"^] Dans ces montagnes où Apollon fc faifoit voir aux Poëtcs.y auoit vne grande quantité dc lauriers
aimez du Dieu. ^ofiignol] Par ce qu'il ne chante plus quand il eft vieil. CaUiope] C'eft vne des neuf
Mufes.
LE VERRE.
Eux que U Mufie aimera mieux que
moy
( Comme vn D A V R A t , qui la loge che?
fiy)
Deffus leur luth qui hautement refenne
Diront en vers de la race Brinonne
Comme à l'enuy les grades, y l'honneur,
Dignefiuiet d'vn excellent fionneur.
Moy a effirit bas qui rampe contre terre
Diray fions plus les louanges d'vn Verre
Quvn ^«Brinons m'a prefinté le iour
Que l'an commence àfairefen retour.
MARCASSVS.
O gentil Verre ! oferoy ie bien dire
Combien ie t'aime, y combien ie t'admire f
Tu es heureux, ($fplus heureux celuy
Qui tinuento pour noyer nofire ennuyl
Ceux qui iadis les canons inuenterent,
Et qui d'enferlefer nous apportèrent,
Meritoient bien que là bas Rhadamant
Les tourmentafi d'vn jufte Chaftiment:
Mais l'inuenteur, qui d'vn esjrit agile
Tefaçonna (fuft-ce le grand Virgile,
Oufuft quelque autre , à qui Bacchus auoit
Monftre lefien, ou gaillard il beuuoit)
Meritoient bien de bailler en la place
De Ganymede à Jupiter la tafife,
Et que leur Verre auffi tranffiarent qu'eau
Sefift au Cielvn bel AJbre nouueau.
Ceux que la Mufe] Vn fien amy nommé Brinon luy ayant fait prefent au premier iour dc l'an , d'vn beau
Verre, il fc mit à en deferire les loiiangcs & les effets qu'il fait par le moyen du vin dont il arrofe les amcsles
plus gaillardes. Daurat ] Poëte tres-exccllent de fon temps & maiftre de konfard. Noyer nofire ennuy ] Il
verfe les flots oùles fâcheries & les pleurs font naufrage. Rhadamant ] C'eft le luge fouuerain des Enfers, qui
ordonnelcs peines de ceux dc qui les actions qu'ils ont faites en ce Monde , mentent d'eftre punies en l'autre.
Bacchus ] Le Dieu dc la beuucric & de la dcfbauchc. Ganymede ] C'eftoit le frere dc Laomedon, beau au
poffible, que Iupiter fie rauir à fon Aigle: puis le fit dans le Ciel fon Efchanfon, au lieu dc fa fille Hebé.
Virgile en parle au premier de fon Enéide, quand il dit :
Et genut tnuifum ey rapti Ganymedis honores.
Non, ce n'eft moy qui blofime Promethée
D'auoir laflame à Iupiter oflée :
llfifl très-bien :fions le larcin dufeu,
Verre gentil, iamais on net eufi veu,
Etfeulement les fougères ailée1*
Euffent fieruy aux Jorcieres pelées.
Auffi vrayment c efioit bien la raifion
Quvn feu venant defi noble maifon
Comme eft le (fiel,fuft la caufe première,
X)erre gentil, de te mettre en lumière,
Toy retenant comme cekfliel -
Le rond , le creux ,yla couleur du Qel :
Toy, dy-ie,toy, le ioyau deleClable
Qui fers les Dieuxy les Roys à la table,
Qui aimes mieux en pièces t en-aller
Quà ton Seigneur la poifion receler:
Rr r ij
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ino tentai, Lifez fur ce fuiet le premier liure d'Athcnee. Q.uele "Vieillard] Homère parle de cefte taffe,& dit
qu'elle eftoit fi grande que dix hommes,» ie ne me rrompe.dc fon temps l'euflènt peu à grand' peine foufleuerJ
Nefior] C'eftoit vn courageux & éloquent PrincedePyle,quifut deuant Troye auec les Grecs, dont la fa-j
geffè eft affefc remarquée dansles vers d'Homère. Lapithou ] C'eftoient des peuples deTheffalie , fe tenans
furies montagnes dePinde&d'Otrys, foiets du Roy Pirithous. Cefonteux qui lesprerniers donnèrent^
frein au cheual » & le trauaillerenr,çomme le tefmoignc Virgile par ces vers :
Frana Pelethronij Laptth gyrofme dedere ,
Impofiti dorfo, atque equitem docuere fub armis
Infultarefolo , & griffus glomerare fuperbos.
Demyrheuaux] C'eft à dire, les Centaures: qui eftoient des peuples deTheffalie fe tenans près du montPe-
îion. -Ceux-cy ayant eftépriez aux nopees dc Pirithous fe biffèrent tellement dominer au vin, qu'ils fe mirent
en dcuoir de rauirl'efpoufée: mais les Lapithcs& Thefee qui eftoient au banquet en tuèrent vne partie & mi¬
rent les autres en fuite.
C'eftvn plaifir que de voir renfrongné,
Vngrand Cyclope à l'uure embefengné,
Qui te parfait de cendres defougère,
Et dufeul vent defon haleine ouuriere.
Comme l'efirit enclos dans l'Vniuers
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t
Engendrefeul mille genres diuers,
Et feul en tout mille esfleces diuerfes,,
Au Qiel, en terre, y dons les ondes perfii :
Ainfi le ventpar qui tu esformé,
De l'arti?an en la bouche enfermé.

Large,petit,creux ou grand tefaçonne
RO
Selon l'efirit y lefeu qu'il te donne.
Que dirayplus fpar efyreuue ie crqy
Que Bacchusfut iadis louédans toy,
Lorsque fa mère attointe delà foudre,
En ouorta plein defang y de poudre :
Et que dés lors quelque refte defeu
Te demeura: car quiconques a beu
Vn coup dans toy, tout le temps de fia vie
Plusy re-boit,plus a déboire enuie,
et dexSacchns toufiours le feu cruel
Y A L.
MARCASSVS.
w
Ardfin gofier d'vn chaud continuel.
le tefaluë, heureux 1Jerre,propice
Tour l'amitié y pour lefacrifice.
Quiconquefeit l'héritier qui t'aura
Quand ie mourray , de long temps ne voirra
Son vin ne gras ne poufiédansfa tonne :
Et tons les ans ilvoirrafiurl'Autonne
"Bacchus luy rire, & plus quefies voifins
Dansfin preffouer gennera de raiflns :
Car tu esfeul le meilleur héritage
Qui puiffe aux miens arriuer en partage.
Cyclope ] Cyclopefe prend icy pourvn ouurier. Lors quefa mère] Iupiter félon fa promeffe vint trou¬
uer Semcle, non fansvn grand regret, dans fa chambre, enuironné des mefmes feux, & des mefmes flames
qui l'accompagnent ordinairement au lictde fa Iunon. LapauurcScmele en fut toute réduite en cendres
& le petit Bacchus à demy grille. Iupiter, à ce que dit la fable , lebaillaauxNymphespour le lauer. Main¬
tenant noftre Poète dit, que ce ne fut pas dans le berceau dc quelque fleuue, mais dans vn verre. Tonne]
Pour, tonneau. Gennera] Pour,preffera.
AMOVR LOGE'.
A ^MONSIEVR DE POVGNY
DE RAMBOVILLET.
Sjïjfê» Maur auoit d!vn art malicieux
Surpris la foudre à Iupiterflon père:
Luy qui pardon a fafaute n'efpere,
Tour efihapper abandonna les Cieux.
Dedans la main auoit vn piftolet
Bien efmorcé, la pierre bien ajfifi :
L'air luyfiait voye ,y le vent fauorife
A ce grand Dieu quiflenfuyoitfieulct.
De l'Orient iufiques à l'Occident
Vn iour entier erra de place enplace :
Lagrande mer qui noftre terre embraffe,
Sentit combienfion brandon efi ardent.
La froide humeur les poiffons ne défend,
Ny les fiorefts les animauxfiauuages:
Bois y roChers , riuieres y riuages
Sont enflame? d'vn fi petit enfant.
Il riefjargnoit ny ieune ny gfifon :
Prompt àfiapper, d'vn coup en bleffa mille :
De bourg en bourg il va, de 'ville en ville,
Et peu firuoitanx hommes la raifion.
Il eftoit las d'errery de tirer,
Et plus au vent fies ailes ilriallonge,
Quand fiur le poinClqne le Soleilfe plonge,
CherCha logis voulant fe retirer.
Trois, quatrefois, à l'embrunir du iour
Il fit fionner le marteau fiur la porte:
Soudain du liét vers le bruit ieme portée
l'entr'ouure l'huis, lors ie cognns %^4mourl
Vnefrayeur plusfroide qu'vn glaçon
Saifit mes os, ieperdis contenance:
Cardés long-temps i'auois eu cognoiffance^
A mon malheur,de ce mauuais garçon.
Nefl-ce pas toy qui fus long-temps à
moy,
Quandtout tonfang bonilîonnoit de ieuneffe,
Qui te donnay mainte belle Maiflreffef
Ouure ton huis, ie veux logerche?-toy :
O ni te preflay mesflèches & mes dors,
Qui tebaillay tons mes fiecrets en garde;
Qui le premier deuant mon auant-gorde
Portais l'enfieigne entre tous mes foldarst
le luy reffions ,Tu ne m'es eftranger:
le te cognois,artizan de malice :
Malheureux eft qui vit à ton fieruice,
Et pins maudit qui te daigne loger.
Petites mains,petits pieds, petits yeux,
Oifieau léger qui vole d'heure en heure,
Sansfoy,fans loy, fans arreft ny demeure,
Que la pareffe a mis entre les Dieux :
Sorcier, charmeur, afifeté, mefidifiant,
Confit en miel y en fiel tout enfiemble,
Ton coup de flèche au coup d'aiguille femble,
Rr r iij
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y
yso I L B O C A G E
Petit* playt,y le malbien-cuifiont. Larmes,fangtots,defis}airy ta rage,
Tes meilleurs biens ce font fousjirs y Vne langueur qui trouble le courage
i Prifions, regrets, complaintes y douleurs.
MARCASSVS.
\Amour auoit ] Cefte pièce eft addreffée à vn braue Seigneur de la maifon de Rambouillet, nommé Pougny5où
il feint à l'imitation d'Anacreon qu'Amour s'abfenta du Ciel ayant offenfe Iupiter , & qu aptes auoir rode tou¬
te la terre & la mer, las de voler il vint demander à loger à Ronfard : rcizxs Ronfard ayant fcnty long-temps au-
parauant les amertumes & les douleurs qu'il luy auoit fait endurer,de peur de tomber de fieure enchaud-mai,.!
le renuoya à l' Efcu d'Alençon à Blois,ôc de là il fut renuoyé à l'Hoftel d Anjou pour y trouuer de quoy exercer
fapatience&famodefties'ilenauoit. sa faute] D'auoirdcfrobela foudre a Iupiter. ramer] LOccanfc
la mer Méditerranée. Mtmbrumr ] Il parle àlâ façon des Grccs.pour dire, fur le poinct que le temps s oh-
fcurciffoitàl'approchede la nuict. La parejfe] Quelques-vns ont tenu que ceftoitla nourrice de 1 Amour,
Tes meilleurs biens ] Mmrores, *gritudinesfiufiiria,lacbrim«Mfunt amorti bonaM quelque amoureux dans Plaute.
Lifezlafeenc qui commence: Credo egoamorem apnd hommes carmficmam wuentum : Ou vous trouuerez aflez de
chofes fur ce fujet.
' Tu perds le temps,finet , à me prier:
Va-t'en ailleurs, tel Dieu ie ne reuere :
Tu os befein d'vn hofie plusfin ère
Oui tons les iours tevueille Chafiier.
fe fuis trop doux,il tefaut vn Seigneur
Qui te commande y quifoule ta tefie,
Quirudement ta ieuneffeadmonefie:
Tune vaux rien fans vn vieil gouuerneur.
Il me reffond, QjteUe ville efi-ce cy t
Efi-ce pas Blois? ie lapenfe cognoiftre:
J'y paurroy bien pour vne nuiCl repaifire,
Quelque amoureux aura de moy foucy.
Vrayment,Amourjetevoy bienpuny
D'allerfi tard y mendier ton gifle-
Il efi minuiCl:parce marCheplus vifte,
Monte au chafteau, & demande P O V g N Y.
Il eft gaillard,courtois y généreux,
Il cognoift bien tes traits $f ta nature : "
Celuyfera bien-heureufle auanture
Loger Amour comme eftant amoureux.
Mon Cher P o V G N Y, puis que lefort
fatal
Mefait errer, logc-moyie te prie:
Ainfitoufiours puiffes-tu de t'amie
Auoirfaueurfans crainte d'vn riual.
jPovgny reff>ond,Ie reuere ton nom,
le fuis des tiens ,ilfaut que ie t'enfieigne
'. Place à loger : va t'en où pend t'enfieigne
Du Cheualier, le logisy efi bon :
Tu trouueras en diuerfifaçon
AJftzde lieux : caria (Jour riefipas grande :
Chaque logis pour hofie te demande,
Maislemeilleurc'efil'Efiu d'Alençon.
?î {__? eftffà* *ù W(*x t'enfieignefou
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Tu logeras : & pource ne regrette
Le temps perdu, la meilleure retraitte
Qui foit icy, cefi àl'hofield'Anjou.
Là tu auras ,fi tu es arreflé,
Vn gifte feur : maisfi tu es fauuage^ >
Fier,defdaigneux, inconftant fy volage,
N'y loge pas, tuferois mal-traiété.
Cebelhofteleflenrichy d'efinail.
De perlesfont les portes efiofées, *
Palmes, lauriers, couronnesy trofées
Pendent de rang fur le haut du portail.
D'vn tel logis le Seigneur redoute
Va couronné d'honneur y de ieuneffie :
Mars y Pallas,la vertuJa proiieffé,
Tour compagnie honorent fon cofté.
Le vicieux en ce Palais nefait,
Comme lieu fiainCl, nyfiejour nyfinie :
Telle maifon par le Cielfut bafiie ,
Poury loger vn Prince tres-parfait.
Il difi ainfi, & Amour s'en alla
Vers toy Seigneur de la terre Angeuine :
C'efivn enfant de nature maline,
Qu'en lieu d'amer Amour on appellas
Ilfiaut le battre y lefaire crier, *
Romprefion arc, luy ofier toutes Chofies,
Carquois ytraiCls,&dechaifinesderofès
Jambes ybraseficlaue le lier.
Et fi Venus apportoit enfit main *
Rançon pour luy , pren lefils y la mère,
' Les puniffant d'vne jufie colère
Comme ennemis de tout legenre humain» .
Mais s'ils vouloient tous deux abandon
ner,
Craignant ton nom, leurs mauuaifis penfées,
»

ROYAL. 7,1
firJonnT, Prince faleltrsfautes pafiées : » Vn Prince doit lesfautespardonner.
MARCASSVS.
Du Chevalier] C'eftoit vne enfeigne à Blois , où peut-cftie on faifoit l'amour en ce temps-là. Mars ] Pat
Mars il entend fa vaillance, & par Pallas fa fagcffe, par vne certaine façon de parler , par laquelle les Poëtes
mettent les autheurs des chofes pour les ehofes mefmes : comme Bacchus pour le vin, Cerés pour le bled, 6c
ainfi du refte. le lier ] Comme il eft crucifié, fi ic ne me trompc,dans Aufonc.
"" "
SONGE.
'", Auplus haut dufommet de ce roCherpointu»
Efi vn Temple d'airain qu'a bafii la Vertu :
D'airain en eft laporte, &par grandartifice
AV SIEVR DE LA D'airain plus clair que verre efi parfait t'e-
R O V V E R E. difice.
Là de tous les cofie^de ce grand Vniuers
'Eftoit au poinCl du iour (quand lesplu- Les peuplesfont affis en des fieges diuers :
mes du Somme L'vn bas & l'autrehaut en fion rangy habite,
NecouuentquàdemilesyeuxUjfizdel'hom- Etchacuna fion lieu felonquil lemerite.
me,
Quand tout enfiemble on veille, & tout enfiem-
Auprès d'elle efi afffie à fion dextre cofie
L'Eflude, la Sueur, le Labeur indomté,
ble on dort L'Honneur,la Preud'hommic,& ontpour leur
D'vn ail entre-furpris dufiere de la Mort) voifine
Lors que roui d'efirit,comme vne idole vaine Andronique y Phronefie , ffi leur fiaur So-
Quifanscorpsfur le bord d'Achcron fepromei- phrofiyne.
ne , Ce peuple à l'enuiron de la Nymphe efiandul
lernevy tranfbortéflur le haut d'vn roCher, De corps,d'eff>rit& d'orne en elle efi efferdu,
Duquel on nefiauroit fans ailes approcher, Qui nèfle peut fouler de la voir : & l'appelle
Ou bienfins vn efirit qui vaut mieux que les Son caur,flèsyeuxfon fiang,fia maiflreffe&fk
ailes, belle,
Quandgaillard ilfe pouffe aux chofes immor- Luy offre corps & biens , y tafiche à defferuir
telles. Sa grâce pour l'aimer y pour la bien ficruir.
MARCASSVS.
f eftoit au pointa] En ce Songe-cy il deferit le Palais de la Gloire, qui eftant efleué for vn pénible rochcr,n'eft
acccffible qu'aux âmes genercufcs,& qui par mille peines & par mille & mille trauaux grimpent à force au faille
de cefte montagne. Les curs faineans font arreftez au pied de ce mont par la Volupté,qui leur donnant le
gouft des fales plaints leur fait haïr les belles & louables actions. Somme] Les anciens ont donné des ailes à ce
Dicu,à caufe qu'il faut qu'il fe porte en tous lieux où la Nuict marche. Du frère de la Mort] C'eft le Sommeil.
Idole ] C'eft vne ombre ou image de ce qui eftoit , eft, ou peut eftrc,à proprement parlcr,& vient de aAç,qui
veut dire,image. Idole icy fe prend pour l'ombre d'vn homme mort. ^Ccheron] C'eft le fleuue que les anciens
ontereuque toutes les ames des trefpaflezdeuoicntpaffcrpour aller aux Enfers, duquel Virgile parle en ce
vers :
Portitorhas horrendus aquat & fiumina feruat.
v
D"1airain ] Il deferit icy le Templa de la Gloire, qu'il dit eftre bafty par la main dc la Vertu. Il le fait d'airain,
fuiuant l'opinion des anciens , qui croyoient qu'vnc certaine efpccc d'airain eftoit plus precieufe Se dc plus de
durée que l'or mefme, ou aucune autre forte de métal. Voila pourquoy Virgile auffi parlant des degrez , des
gonds, & des autres ornements du magnifique Temple de Didon dit .qu'ils eftoient d'airain.
Hictemplnm Iunom ingens Sidonia Dido
Condebat , donu opulentum ©" numme diux -.
^ferea eut gradibus furgebant hmma , nextque
^/Cere trabes , foribm cardo firidebat ahen'u.
L'EfiudeJa Sueur] Il en parle comme de grandes Deeffes, par le moyen defquelles l'on paruient au Temple
de la Gloire. andronique ] C'eft la DccAe qui prefide à la grandeur de couiage ; ou fi vous voulez, la gran¬
deur de courage mefme. C'eft vn mot Grec qui vient dc àrip , & d _>»/>» «V>«oç , qui lignifie fort & vail¬
lant^ de ceftui-cy l'autrc.qui lignifie vaillance ou grandeur décourage. Phronefe] C'eft la DcefTc qui prefi¬
de à la feience^ou la feience mefme. C'eft encore vn mot Grec, w'rH?iu~J°phr°J}ne ] C'eft la Deeffe qni prefide
Rrr iiij
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75i IL BOCAGE
Si , £?GlSe. W«- /"- * ] C'eft à dire, ne faire point cftat de fa beauté, s expofer aux coups
& à la laideur, pour pouuoir entrer dans le Palais dc la Gloite. , f
. i
auxbelfcs avions; ou la fagefTe mefme. Ceftcncore vn mot Grec , «ep*»»», qui eft à dire, prudence & fageffc;
La Deeffe rieftpds decorps efféminée Teflattant de ces mats: Ami,que le troupeau,
Comme celle qui efi des flots de la mer née : Des Mufis allaita Chèrement au berceau t
Son ail eft doux y fierfonfiurcilvn peu bas, ' De leurspropres tetins pour future merutille:
Son regard eft fiemblable à celuy de Pallas Puis quand tu deuins grand, l'induftrieuft
Quand fa main eft paifible ,& l'horrible 'Bel- abeille
\onm Defin miel amaftéfiur les fleurs du Prin-
Contre les fiers Geans n'irrite fia Gorgonne.
Tant plus elle eftaimée, y tant plus elle
prend
Plaifir à contr aimer,y iamais nèfle rend.
Que par honnefteté, douceur y counoifie,
temps,
Enl'antreThefJien te nourrit bien long-temps,
Ou Phebus $f Pithon y la belle Cythere
Et Mercure qui eft des bons efirits le père,
Ontfi bien ton mortel en diuin transformé,
N'ait de fis pourfuiuans gaigné lafiantaifie,
Et ne leur ait par figne y par prenne mon-
Que tufus dés enfance vn miracle eftimé,
Ayant choifibA o R E L pour vertueufie guU
ftré de,
Qu'en la quefte d'antour ils ont bien rencon- Qujfurmonte Chiron le maiflre d'Eacide.
tré. Tu riauoispas dix ans, quoyant publique-
Aucunefois fur l'vn fin regard elle jettes
Sur l'autre aucunefois : car elle eft tant flujette
Aux pajfions d'amour, quefin cur ne pour-
ment
Tes propres oraifions fionnerfi doBement,
Et toyont difiuter outre ton âge tendre
roit Des arts qu'on ne fiauroit qu'en la vieille^
*Uiure àfen aifie vn iour s'il nés enamouroit. apprendre,
Quandelleaime qnelcun, comme Maiflreffe lefins toute rouie,fy dés le mefme tour
douce ' Que ie te vy, ie mu dedans toy mon amour]
Le fouleue aux honneurs, aux magiftrats le Tu t'en apperçeus bien : car toufiours depuis
pouffe, ' l'heure,
Luy donne entre les Roys vn honorable lieu, Songneux,tu as cheréhé laplace où ie demeure,
Et le faitdu vulgaire admirer corne vn Dieu:
Mais à ceux qu'elle hait,commefiere ennemie,
Où tu es arriuépar cent mille trauaux,
Tar roChers ,par torrens,par plaines y par
Leurpromet deshonneur,prifion &infamie. vaux,
Sur tous fis pourfuiuans, d'vn ail vifi^f Tar halliers, par buiffons qui les autres re-
ardant tiennent,
Cmrtoifie elle t alloit doucement regardant, Et recreus du chemin à mon Palais ne vien-^
Mon tres-doéle R o v V e r e, y commea- nent
mourla touche, Ainfique tu asfait , afin d'yfejourner :
Tout ainfique le caur elle t'ouuroit la bouche, Car le fioucy mondain les en fait retourner.
MARCASSVS.
La Deejfe] La Gloire.. Comme celle] C'eft Venus.qui eft fille de la mer. Nonnus,
rioM« (iàfm ixiréVi da.h.oL»iajiLuu AçptJÎvir.
Belionne] C'eft.la Deeffe de la guerre. Gorgonne] C'eftoit vne desfillcsdcPhorcus,nommceMedufe,àqu
1 criée couppal horrible telle , & l'attacha au bouclier dcPallas, auec lequel il la vainquit. Le regard en effoi
arrreux & horrible ; d ou ie croy que le nom luy fut impofé : car «-j, fignifie horrible,d'où Medufc fut appellét,
Gorgonne, c'eft ad.re,affreu(e & effroyable. Contr aimer ] Par vne excellente inuerfion il fait que la Gloire e4
autant paflionnec des belles & genereufes âmes , que ces âmes le fonr d'elle : pour monftrer , comme ie croy
que a louiiianccn en eft pas beaucoup mal-aifee, puis que fon humeur la difpofe à vouloir du bien à tous ceurf
qui luy en veulent. Houuere ] C'eftoit quelque bel efprit dc fon temps qu'il aimoit , comme il aimoit Iuyj
mcfmela vertu, & eftoit dçfiteux de Gloire, abeille] On dit de plufieurs hommes eloquens que lesmouchç*
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ROYAL. Wj
à miel auoient fait leur miel dans leurs bouches lors qu'ils eftoient au berceau : à quefy Ronfard fait allufion.
- . , qui lignifie perfuadcr.
Çytheree] C eft la mered Amour, ainfi nommée d'vne Ifle dicte Cythere proche de Crète, dans laquelle
on dit que Venus aborda premier dans fa coquille. Mercure ] C'eft le Dieu dc l'éloquence & des belles inuentions.
Morel] C'eftoit vn Gentilhomme d'Ambrun que Ronfard aimoit grandement, pere de Madamoifelle
Camille dc Morel grandement renommée pour la parfaite cognoiffance qu'elle a dc la langue Grecque &
delà Latine. chiron] C'eftoit le fage & le fçauant Centaure fils dc Saturne & de la Nymphe Philyrc, qui
«fleua iadis Thefee , Mclanion , Aiax, Vly ffe , Achille , Se d'autres braues Héros. Voyez le commencement du
traicté dc la Chaffe dc Xenophon. ^Ceacide ] Il appelle /--acide Achille, parce qu'il defeend dc la race
dVEacus.
Au bas de ce rocher au milieu d'vneprée QuenyureZ de plaifirs , de tels mots les re-
Demeure vne Deeffe en drap d'or accoufirée : tarde :
Ses brasfiont charge?^'or, y fon cold'vn car- O pauures abufiz > ^ue ^ nom de Vertu
can, Afaujjementfeduits ! panure peuple vefiu
Labeur ingénieux desfenures de Vulcan :
Son front efi attrayant , fia peau tendre y
D'vne robe de boue, à laquelle Nature
Trop chiche ria donnéfinon la pourriture :
douillette,
Son ail tt aifire (Sf lafiififitface vermeillette,
Vous penfe?^ vous,mortelsfaire de nouueaux
Dieux,
Etfies cheueux onde?\ annelezy trèfle?^ Et de terre charge? voler iufiques aux Cieux?
Sont de fueiUes de Myrte y de Rofle enlacez: Laiffe?-moy ces deffeins qui nefont que
Sa main eft molle y grafle , fy fion ail ria- menjonges,
bandonne Que Chimères en l'air , que fables y que
Le fommeil pareffeux que Midy ne rayonn e : fenges s
Au refie elle eft en danfie, en fefiins y déduit,
Et rien fors le plaifir, indifirete, ne fuit,
Et mortels , riefj)erc?Jînon que le trejha*
Qui efi vofire héritage, y vous finit pas àpaà
Pompeufe,Jùperfluë,&'pour eftre apparente Quelle fureur , humains, quelle ardente
EUe a déjà vendu le meilleur déjà rente. manie
Toufiours auxgrands chemins en cent mille Vofirefiotte raifionfi follement manie,
façons
Elle ourdift des filets,y tend des hameçons
Que vouloir par trauail, en cheueux blancs
chercher
De délice' apoftë?, quelle en diuerfie forte Je ne fçay quelle femme affife en vn rocher,
Auxgeftesfik la voix y auxyeux elle porte De qui le nom eft vain ($f vaine ï entreprife f
Pourprendre lespaffans,fi bien que le plus fin Hé! qu'en rapporte?- vousfinon la barbegrife
( Sans l'aide de raifion ) s'y empefire à la fin : Tour tonte recompenfi , ou quelque mal fou-
Tant elleprendfouuent ma coiffure, {^ftrans- dain
forme Qui vousfait trefiaffer du iour au lendemain?
Son mafiqne &fiafieintife en ma naine forme. En-ce-pendant les ans de la ieuneffie tendre
On dit qu'vn iour Venus fans pere la con- Que vous deuriez enjeux & enplaifirs defjen'
cent,
Monftrefier y cruel,du dueilquelle récent
dre, *
Seperdent comme vent,& ne ranimentplus
QriHebè ieune Déefie effoufoit en lieu d'elle Vos corps de longue efiude impotens &perclus.
Hercule deftouilléde fa robe mortelle : Si Vertu ne filloit vosyeux de piperie,
Et auorta du part, en opprobre & defdain Vous cognoiftrie?^ bien-toft quelle efifla men-
Qu'Herculedeffur elle auoit mife la main, terie.
Et luy auoit laiffé au fiontla cicatrice La Naturey répugne,& vous monftre cobien
Qui defiouure à chacun fion nom ($ffa malice. Vertu pipe vos curs fous ombre d'vn faux
Or cefie Volupté ( ainfi fie fiait nommer
^Celle qui veut fia vie en plaifirs confiommer )
Arrefie les paffons , (eftant elle efi mignarde,
bien .
Qeluy qui fuit Nature efifiage, y ne fie laiffé
Séduire des appas de telle enchanter effe'. \
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7j4 II, BOCAGE
MARCASSVS. ,.
Dée/Te lit deferit merucilleufcment bien la Volupté. Vulcan ] C'eft l'ouuricr & le fotgefon des Dieu*.
à qui les Poëtes attribuent la gloire de tout ce qui eft parfaitement bien fait par artifice. DehceJ] Pac
licence poétique, pour délices. Car il n'eft pas en vfage au fingulicr. Hebe ] C eft U Dccfle dc icunefTe, qUe
la Deeffe Iunon .comme les Poètes fcigqent, conceut en mangeant vne laictuequ Apollon luy auoit accom¬
modée. Celle Deeffe Hebé fut mariée à Hercule dans le Ciel. Retarde ] Voy cz vn Dialogue qu'il a fa;ft
de la Vertu & de la Volupté qui fc prefentent â Hercule , comme il eft furie poinct de prendre vn des deux
chemins de la Vie humaine. chimères] Ce font des chofes que l'efprit fantafliq s imagine, qqi n'ont
iamais efté, ne font, ny ne peuuent eftre. Au refte, Chimère eftoit vne montagne dcLycie, qui vomit de fa
cymcdesflamcs.furlaquelleondifoitquedeslyonshabitoient, & au milieu il y auoit de bons pafturagcs, &
des cheurcs: ôcau pied, des ferpens: d'où on a feint queChimere eftoit vn Monftre , quivomiflbit desfeux
par les gueules des lyons , dont fa tefte eft parfemee : qu'elle auoit le ventre d'vne cheure , & la queue d'va
dragon. Lucrèce en parle en ce vers:
Prima Léo, pofirema Draco , média ipfa chimara.
Et Ouide plus expreflement .
Uuoque Chimara iugo medus in partibus hircum,
Pelius &" ora leo, caudam ferpentis habebat.-
Que "Vouloir] Par licence poétique, pour, que de")iouloir.
i
Quacquift iadis Socrate , Ariftote C? Pla~ Puis que tu as dom.té heieufie Pareffe,
] ton, » Etflans auoir ouy la voix de Volupté,
. Pythagore, Thaïes, Theophrafiey Criton Par trauail y fiueur tu es icy monté.
\ Malheureux
, Qmlfcnt,quilvoit,cpidoit,quinefait
Pour aimer la Vertu,fors vne renommée Cefie ieune rufiée efififort cauteleufè,
Qui fiera par les ans,comme ils fiont, confom- Q£en lieu de te fouler d'vne douceur mielméc?
leufe,
Dequoy fin le renom au mort qui nefient Teuft prefenté du fiel , y comme àfen 4-
rien ? mont
eft celuy , ce-pendant qu'il efi Donné vn frefte verre en lieu d'vn diamant!
fien,
bon-
Donques tu mas aimépour l'amour de moyl
mefme *'
ne chère Sans ej^oir de loyer: auffid'amour extrême
' Sans confiumerfia vie en pénible mifere Je t'aime en recompenfie, y n'auras en re-
, Ici
1 Icil'homme
Apres ie nefçay quoy qu'on nepeut acquérir tour
Quepar longue trifteffe, en dangerd'en mou- De m aimer de bon cur finon que mon arir.
Que voirrez-vous là haut que ronces y
mour.
Toufiours mes amoureux ont de moy jouif
qu'orties? v fmce.
vous ne voirrezquefleurettesfinies » Les mondains amoureux viuent en infa
Dufein du Renouueau.ici le beau Printemps, gence j
La Ieuneffie y l Amour habitent en tous » Defiront la Beauté, & l'homme defireux
temps: Pour riauoir fon fiouhait efi toufiours mal-
vieillit en plaifirdeleClable, heureux.
Et s'en-vafioul de vie ainfi que d'iinc table. Mais mon fidelle amant fions ardeur incon^
De tels mots Volupté arrefie les paffans, fiante
Qui malfainsducerueau,nefontaffezpuif
fam*
Ainfiquetu asfaitjefie boucher l'aureiHe
Se contente de moy,de luy ie me contente:
Etfans plus defirer il a tant de plaifir,
Que ie fuispour iamais lafin defendefir.
i Pour joiiyr du plaifir qn'ieyie t'appareille. Pour mefaire l'amour il nefaut qu'onfi
Tonne mon cher amy, dés enfance co- farde,
r&m' Qriau miroirpareffeux laface onfe regarde,
TufeuenmonPolaisleplus que bien-venu, Qu'on foit bien parfumé, ou qu'on fiitbim
3lfautl*eietMl>raffe,cyqueietecareffe^ veftu ^
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ROYAL yst
D'vn drap d'or par rayons à lafoye battu, S'enferme d'vn rempart clos de Philofiophie,
Quonface des tournois,qu'onforte en la cam- Qni mefirife le Temps y Fortune défie.
paigne,
Qu'en armes ongalopevn beaugenêt d'ëffiai-
gne,
Il efi riChe fions biens , ilvit heureufiment,
St enfia fuffifance il a contentement :
Ilfiait tout , ilvoid tout , & la lourde igno-
Quonfeit bien goudronné: le ne veux point ronce
cela,
Mon amour feulement fi donne à celuy-là
Dedans fon eflomac ne ffaiCl point demeu-
ronce :
Qui m aimeplus que luy,qui mefinit à la trace, Jlfie cognoififiy-mefmejïf ne doute de rien :
Et de rien n'eft foigneux que de ma bonne Sans ailleurs fiefigarer il demeure tout fien;
grâce.
Tel amant eft heureux,admirabley par-
fait:
Et nulle paffion foit dire oufoit d'enuie,
De douleur ou de peur, ne tourmentefa vie.
Tel fut le mien Socrate , y ceux qui ont
Il ne penfie iamais, nyne dit, ny nefait gr^y
Rien dont ilfi repente , ($f en foy-mefmefer- Sur mon tertre efiineux,où contente ie vy :
me, Tel tu es, mon Rowere;^ pource ie
Jl efifon but,fa fin,fion limite &fen terme, tapprefte
Son parfait y fin tout : quand le fiel tom- Vne triple couronne à pofierfiur ta tefie.
beroit, Orfins embraffe-moy , tant pour auoir cefi
L'eficlatfions l'effroyerfia teftefrapperoit.
Tous humains accidensildefdaigney mef
heur
Que d'eftre d'vn grand D v c fidelleferuiprife,
Jl defdaigne laflame enfla maiflon effrifle,
Prifonjterrey argent , trahifons de valets,
Perte dhabiUemens,de biens$ de Palais,
teur :
Grand Dvcje Cher effous de nofire M A R-
GVERITE:
Et pour-autant auffi que tafoy le mérite,
Defemmes & d'enfans,y confiant ilfe ioue
De l'aueugle Fortune, y des tours déjà
Qui ne pourra iamaisfe feparer de moy:
Car vn bon amoureux iamais ne romptfafoyl
roue.
Jlriaiamais fioucy du Change desfoifons :
Ainfite difl "Vertu defa bouChe vermeille :
%*A-tant le iourfut grand, y ffurce ie rrie-^
Car tout enuelopé d'immobiles raifions ueille.
MARCASSVS.
socrate] C'a efté le premier & le plus fameux Philofophe. Si vous voulez voir commentce perfonnage
eftoit efleué par deffus les qualitez qui ont rendu admirables les hommes qui font venus après luy ,(ifcz les
Commentaires dc Xenophon. Jfrifiote cr Platon] Ce font d'excellens Philofophes , qui tous nous ont
donné des préceptes de bien viure fclon la nature. Qju'il efifien] Qujilcftà foy, c'eft à dire qu'il vit, &
qu'il ne s'eft point rendu encore à Dieu, à qui il eft. Quand le Ciel tomberoit] Cefte rodomontade cil prife
d'vne Ode d'Horace , où il deferit la confiance & la refolution d'vn grand courage.
SifraUui illabatur orbis,
Jmpauidum ferient ruina1,
il demeure tout jkn ] Les anciens croyoient que c'eftoit la vraye fagefle, que dc ne fortir iamais hors de
foy-mefme. Voyla pourquoy Perfcconfcille à celuy qui veut faire profeffion d'eftre fage, dc demeurer en
foy.mefrae:7>«M»( dit-il )habita. Grautr] Vieux mot , pour, ramper. Rguuere] Gentilhomme du Duc de
Sauoye Se de Marguerite de Valois fa femme.
Prudent enueloppa la chofie véritable,
A MONSEIGNEVR DE Afin que le vulgaire au trouers feulement
Cheverny Chancelier De la nuiét vift le iour y non réellement;
de France. // nefut l'vn de ceux qu'vn corps mortel en-
ferre,
Eluy qui le premier du voile d'vnefa- Mais vn Dieu qui ne vit des prefens de U
Ifle, terre.
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1$c' II. BOCAGE
Les myfleresfierez du vulgaire entendus, Pourcecehy quihir de fes foudresfieparef
Reffemblent aux bouquetsp*rmy l'air efian- Lefifttomber du Ciel au profond du Tor¬
dus tare>
Dont l'odeur fie confiomme au premier vent Mourant deffoifftn l'eau , de faim entre le
qui s'offre, f& .
Et ceux durent long temps qu'on garde dans ^Au contraire, Mmosfut Jagemcnt in.
vn coffre. flrult> .
Noflre mère Nature entre les Dieux tynotts II eut la bouchefiobre: y mge véritable
Que fift Deucolion du jet de fies caillons, S'offit de Iupiter par neuf ans a la table.
.Mift la Lune au milieu qui nous fen de bar±
rierej
Puis reuenu çà bas fonda de bonnes lois,
Fut Prince droiturier : fi bien que les Cre-
Afin que des mortels l'imbecille lumière tois
S'exerce à voir la terre, ty.d'art audacieux
N affemble plus les monts pour efiier les
Le voyant abonder en Iufiicefiuprefime,
Le penfloient eftre fils du grajnd Iupiter mefi
Cieux. me.
Pource nos deuanciers ont ditpar artifice, Voila comme les vieux ont dextrement
Qriautrefois Iupiter récent à fon firuice tafiche
Deux hommes différents de maurs (fff de de- D'emmanteler le vray d'vnefable caché.
a\nj ' Jupiter ne fut onc,ny Minos en lafiorte
Dont la diuerfie vie eut différentefin. . Que nos pères l'ont feint : tout cela fi rap-^
Il lis repeut tons deux de celefie ambrofie : porte :
Ils auoient à fa table vne place choifie : Aux Roys , aux Magifirats, $f à leurs (Jon{
Rien n'eftoit bon au Ciel qu'ils rieuffent ap- feillers .
pronué, Qui gouuernent l'aureiUe, y fontfiesfomi^
Et premiers (Jonfieillers defion Confeil Priue. liers.
Participaient enfiemble à la Grandeur royale. Ta prudence, H V R A V L T , ton firuicefî-
'L'vn auoit nom Minos, l'autre auoit nom délie, >
Tantale) \ Ta bonne confidence,& ton R o Y qui t'appelle
L'vnfage,l'autrefol: ce Tantale effronté , A l'honneurfeuuerain (l'ayant bien mérite)
Aux hommes reuela des Dieux la volonté: T'ont donné des François l extrême authoté*
MARCASSVS. '
Celuy qui le premier] Par l'exemple dc plufieurs fables, principalement pat celuy dc Tantale & de Mi*
nos, il monftre comme ceux que la capacité a appeliez aux affaires d'Eftat reçoiuentde grandes recompenfes
du Ciel, du Prince & du peuple, eflants eftimez , honorez & aimez dc tous, quand en l'exercice de leurs
charges ils font paroiftre qu'ils ont toufiours la crainte dc Dieu deuant les yeux : qu'vn extrême defir
les poffede de voir l'Eftat floriffant, & le peuple bien-heureux. Comme au contraire ils font maudits
detoutleMonde, chaftiez par leurs Roys & par le Dieu qui voit tout, s'ils ne fongent qu'à s'engraiflèr
en leurs charges, Se conniuent auec les Grands pour eftre en leurs bonnes grâces. Il tombe puis après
fur laiuftice, l'intégrité & la prudence de Monfienr Hurault de Cheuerny , que fes mérites auoicnteiîcué
à la charge de Chancelier de France. - il nefut] Pour, nefut pas. Deucalion ] Ce fut ce fils de Pro-
methee, qui eftant relié feul auec fafemmePyrrhadu Déluge vniuerfel qui fubmergea tout leMonde, re¬
para le genre humain par l'aduis dc la Deeffe Themis , qui luy confcilla de prendre les os de fagrand'-mere,
qu'il interpréta la terre, & lesjettaft derrière luy ;& que tout autant qu'il en jetteroit feroient conuertis en
.,.-.. . , . ,_, ._ ,. queiay
intitulée, La Redognoiffance des Amans informnez en la fefte d'Amour, ie faisdireà vne Bergère qui repro¬
che I'infenfibilité à vn certain Berger qu'elle aime , fans qu'il ait de l'affection pour elle :
Va, roche de mefirù , la plut mal animée
' " " 2«e le mary de Tyrrhe-ait au Monde fimee.
La Lune] La Lime fe prend icy pour le premier Ciel, où elle eft. Pour efiier les Cieux 1 Comme firent
les Geans dans les champs des Arimiens, dans lefquels ils entaflerent plufieurs montagnes pour approcher dit;
Ciel, &fair«rquirer leur feiour aux Dieux. & ,
r
* * *
Jam fuperimpofiti fuper afira, Typh9ha montes '.,
Extuliranti
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Extuïerant, timutre Dei : necfeua Tonanten»
Fulmina, necfeu* Phebum iuuerefagitta;,
Nonferre infignu Mauors , non Gorgonefeu*
Pallas, 0"c.
Voyla ma verfion.
Huand l'effroyable amas des monts audacieux
Eut efleué Typhee aufii haut que les Cieux,
On -ne fceut plut a quoy l'on f* deuoit refoudre.
Jupiterfut luy mefme empefchi de fa foudre.
Le Soleil laijfa choir fesflèches c fis dars,
L'ejpieu tomba des mains de Vinuincible Mars,
ROYAL. m
Et la fiere Gorgonne en foy'mefme refirainte
Sur le brai de Pallas fe herijfa de crainte,
^tmbrofie ] C'eft la viande dont fe repaiflent les Dieux dans le Ciel. Mtnot ] Ce fut vn fils de Iupiter $£
d'Eutope ,felon l'opinion d'Homère, & félon l'opinion d'autres, fils de XantheRoy dcCtctc,& d'Europe,
Ariftorc en fes Politiques, parlant de fa iuftice dit, qu'il cfpoufa Pafiphaë fille du Soleil. Iupiter ayant recol
gnu fa capacité & fon intégrité de vie, le fit eftre de fon confeil long temps dans le Ciel, & puisl'cnuoya
aux Enfers pour eftre luge fouucrain des âmes. Virgile au fixicfmc dc fon Enéide deferluant les Enfer»
dit : «
Quafitor Minos ~\rnam mouet.
Tantale] C'eftoit le fils de la Nymphe Plotc& de Iupiter, qui fut condamné 1 eftre en l'eau iufques ail
menton & mourir de foif, & à voir des pommes fur fa tefte fans en pouuoir manger. Il fut condamné à ce
fupplicc pour auoir dcfcouuert les fecrets confeils de Iupiter, aufquels il auoit efté admis. Les Poëtes Tragi¬
ques Grecs l'appellent babillard. Nonne au contraire croit que c'eft pour auoir defrobé les mets des Dieux. J
£ yD iç êjm
Pxanç 7,itcKpeiiSMc mfopyifSfjêÇy cfçycfvrùVffii
Teufa'holiçy.ûw ttinypcitt (pôîçp. «m M aie.
Cretois ] Peuples dc I'ifle de Crète qui eft dans la mer /Egec.
La France maintenant qui tes aCles re- l'aime les gens de bien qui ont cequ'ils niï*
garde, ritent,
Te baille noflre Prince y fa Couronne Qui vers eux, vers le peuple , fy vers le Roy
engarde : facquitent,
Tu l'as comme en depoft,y de luy ce-pendant Qui au Confeild'Efiat ne viennent tppreri^
Aux peuplesfiesfiubieCls tu t'esfait refeodant. tis,
Henry nefaudra pas, Hvravlt Qui donnent audience aux grands ($f aux
fera la faute : petits.
Pource tu doispreuoir d'vneprudence coûte Je n'aime point ces Dieux qui font trop*
Quelle Ourfie doitfia nefconduire par la mer. grands leurs Temples,
La vague enfe faueur ne fie veut plus cal- Qui de fimple mortels (trompe^par faux
mer,
La tempefie l'aprinfe, y faut beaucoup d'v-
exemples )
Veulent,auantpurger leurspropres paffions,
fage Commander aux humeurs de tant de nations,
Pour la mener au port entière du naufrage. Etfions ceffer de boire ainfi qu'vn hydropillffaut
pour gouuernervn peuple diuifé que,
Auoir, comme tu as, l'efprit bien aduifé, S'en-graiffer feulement , y non la Republi-
Non pas àfaire pendre, ou romprefur la que ,
roue, Harpyes de Thinée , ah ! qui ne font qu'vn
Iettervn corps auffeu dont laflamme fie iou'é,
A faire vne Ordonnance, àforger vn Edit,
iour
De Zete y Calais attendre le retour.
Quifouuent efi du peuple en grondant con- Je ne fiaurois aimer l'impudente entreprife
tredit : D'vn qui cherchefortune en vne barbe grife,
Ceft la moindre partie ou prétend la Iuftice.
Lajuftice ( croy- moy ) c'eft d'amender le
Et moins vn affetté, vn bafteleur de Qourt,
Qui la faueur mendie, fyfinit le vent qui
vice , court :
Se Chafiier foy-mefime, efire iuge de foy, Mais i'aime vn homme droit, nonferuiteur
Eftrefin propre maiffre y ffe donnerla loy, du vice,
? ff
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7ÎS II. BOCAGE
Quipreffefins lespieds la Court cy l'auarice, Au refte galland-homme , jfr qui prend fin
Qui mieux voudrait mourir que corrompre U
l
plaifir
Quandfia charge publique en donne le loifir,
Qui aime plus l'honneur qu'vn mandement ,
Sans
vouloir par Joueur aux autres faire
deRoy, croire
Quilaiffeàffamaiffonlobonnerenommée, Que la corne d'vn Buffle eftvne dentdyuoi-
Et nonpas la richefle en vn coffre enfermée: re.
MARCASSVS.
Nofire Prince trfa Couronne en garde ] Le Chancelier auffi n'eft autre chofe que le tuteur de l'Eftat, Ourft]
C'eft l'eftoile du Pôle , par laquelle tous les Pilotes fe gouuernent, " Donnent audience ] Auffi la loy le com¬
mande -, qui parlant de celuy que le Roy a commis pour rendre la Iuftice , dit : Facilem fe prabeat m adeundo.
ÏUrpyes de phmee] C'eftoient des oyfeaux monftrueux, fils de PontusSc de la Terre, qui furent enuoyez.
^pour tourmenter Phinec que les Dieux aueuglcrcnt, parce qu'il auoit luy-mcfme poché les yeux à fesenfans
Ôc efpoufé fa propre fur. Virgile en parle en ces vers, par lefquels yous pourrez cognoiftre quels Monftres
| c'eftoicnt,& comme elles traitoient Phinee.
f dapibûfque epulamur opimif.
^/Ct fubito horrifico lapfu de montibus adfunt
.Harpyix, _r* magnis quatiunt clangoribus al#s ,
Diripiûntque dapes , contaBuque omnia fadant
Immundo , tum yox tetrum dira inter odorem.
Et vn peu plus haut.
Strophades Graio fiant nomine ditt*
JnfuU Ionio in magno , quai dira Cel*no
Harpyi colunt alia iPhineia pofiquam
Claufa domuf, menfâfque metu liquere priores.
Triflius haud illis monfirum , necfauior ~)>lla
. Pefiis ,

ROYAL. 7/9
teftant par le ferment que les Dieux ne pouuoient en aucune façon reuoquer, quequoy qu'il demande, ilnc
ferapoinr efconduir. Ce téméraire enflé d'vn defir devoir tout le Monde, luy demande à gouaerne'r fon
dur pour vn iour. Le Soleil fut bien marryde fa prçmeffc : maisncpouuant lareuoquer.il fut contraint dc
luy en bailler la conduite , qui petdit ccft infenfé. Cat les cheuaux du Soleil fentans bien qu'vne main plus foible
gouucrnoit leurs refnes, prirent le frein aux dents ,& l'emportèrent tantoft haut, tantoft bas j d'où l'cm-
dc vouloir voler trop haut luy fit faire vn faut mortel dans la mer,qui du depuis a efté appellee Icarienne, Cefte
aduenture eft defcrite par Virgile en ces vers:
D*dalus ( ytfama efi ) fugtens Mmo'ia régna,
Prapetibus pennit aufusfe credere cylo,
Infuetum per ttergelidas enauitad ^Crftos.
Hedditus hit primum terris tibi Phobe facrauit
Remigium alarum fpofuitque immania templa.
Et après vne belle defeription du frontifpice du Temple, il adioufte.
tu quoque magnam
Partent opère m tanto (fineretdolor) Icare haberes.
Sis conatus erat cafut effmgere in auro,
Sis patria cecidere manus.
iXrgw ] Argus fe prend icy pour Clair-voyans. Car Argus eftoit vn certain fils d'Actor , que les Grecs appclpeloient,
murène, patec qu'il eftoit tout d'yeux. Dans Plaute Euclio parlant de la difficulté qu'il y a de fe gardex
des fcmmeSjdit : Q.uaffe yCrgus feruet, quioculeus totut ,is nunquamferttet. EtOuideplusexpreffément:
Ctntum lumimbus cmflum caput ^/Crgus habebat ,
In que fuis yuibus capiebant bina qimtem,
C

76o IL B O C A G E
LrpeuplenevoitPastellesgcnsdebonpé: Et plus defis citerne voir tcTffuHérUiHeT,
"Cor ils nefont monte^de degré en degré^ Et que l'Eglifi en poix, fions payer tant de
Ainfi que tu asfait,qui as dés ton ieune âge
Auconfiildes grands Rokfait ton apprentif
ffage, *
fois,
Pn'ra comme elle doit pour lame de
Rois:
nos
Sans defirober l'honneur, d'où bien fiouuent il Que lesgens de fçauoir auront les bénéfices,
faut
Que le ieune ignorant trébuche £vn grand
Les hommes vertueux lesgrades des offices.
Car noftre Prince eftbon,tres-iuftey
fiant. tres-Chreflien,
Voypar nos Rois paffeT^les dignitezdon- Quiffera toufiours bienfion le confiille bien,
néeSi Vray bonpere & bon Roy défit France loyale.
Et voy leurs Officiers depuis quarante années, Lôrs repeu d'ambrofie à la table Royale, *
Tu rien verras vn feul qui ait long temps Tu feras le commis de nofirî Iupiter,
duré. Sonprudent Confeillerpour luyfaire euiter
Ou lepeuple contre eux a toufiours murmuré, Parmi les flots mondains les rades perilleu^
Ou bannis de la Cour ontfientiladifgrace. fes,
» Quand laffaueur ne rit, la fortune ffe paffe. Et le mener au port des Ifles bien-heureufes:
Il nefaut pour cela comme vnfaux ci- Puis comme vray Minos ,parla ffilendeur des
toyen
Perdreforce ny caur,mais mettre tout moyen, Tu feras auffi dit le Thare des François. *
Artifice y fçauoir,mefme la propre vie Ces efirits Demfdieux des H V RA V L Ts
Pouraiderfecourir &firuirfapatrie: tes anceflres,
Et desprefins des Rois nefefaut retirer Qui ont eu comme toy nos P RI n C E s polir
Quandils n ousfont donne^Jàns trop les défi- leurs maifins,
rer. Seront tons rifinis,quand ils oyront là bas
- La France s'éiouifi,qui tes vertus admire, Que tufinis leurs vertus , leurs^efies y leurs
De quoy tu veux guider le cours de fen na- pas.
uire:
En lieu de voir l'orage&les vagues s'armer
Bloisflen réjouira y tonfleuue de Loiret
Et moy qui des François célèbre la mémoire,
Elle effere JainCl Herme apparoiftre en la < Chanteray , nouueau Cygne, en mes vers ta
mer: Grandeur,
Elle efiferefions toyffefoulager de tailles, Comme celuy qui vit ton humblefferuiteur.
MARCASSVS.
Phaè'thons] C'eftoient des téméraires, qui ne cognoiffànt point leur portée, prenoient des charges qui don*
noient plus de fubiet dc rire à tout le monde , que fi l'on auoit fait chef du Confeil d'Eftat, Pierre du Puy s , ou
lean Guerio. Il n'y a que trop de ces gens-là en France.à la honte & ignominiedu fiecle. ^fpres la mort] C'eftoit
l'opinion dc ce grand homme de bicn.àquiCrefusfît voir fes threfors qu'il eftima encore moins queluy,difant
, qu'on ne pouuoit point iugervn homme heureux que par fa mort. Nonpour l'amour de luy] C'eftpourquoy
Tacitcdit, que ceux qui parlent d'ordinaire aux Grâds,parlcnt plus fouuent à leur fortune qu'à eux. Corbeaux]
Tous les anciens,nommemcnt Ariftophane.ont defigné les flateurs,& les peftes dc l'Eftat par ceft oifeau. Voyez
fa comédie intitulée la Paix, où il parle de Cleon.Ôe dit qu'il a la telle d'vn corbeau, t-J ««>-*£_ 4-w* «>:ce
(|ue le Scholiafte Grec interprète, d^«f H*mpt

ROYAL. yCl
* Thetis, mifi en auant vne parolle telle:
ORTHEE.
Mes plus chers compagnons choifis entre
lesGrecs,
Leuant vn peu lesyeux vous verre? icy
A IACQ^ AVGVSTE J J
DE THOV, SEIGNEVR ^u^aifiede ce mont, dans vn antre effroya-
D'EMERYjMAlSTRE DES - ' -r J rt r
n n j itt n. i ^a maifon de LbironJ entoure vénérable:
Recpeftcs de lHoftei Cefl liiyqui u lojdonne Aux habltansd>ldt
d" R°y- // aime lajuftice, y d'elle il afouci:
Il cognoift fansfaillir par longue expérience
$$% E Chante icy, De T H o V , les anti- Des herbes $ desfleurs la force y la puiff-
&#î quesfaits d'armes, fiance:
Et les premiers combats de ces nobles genff- Jl pouffe quelquefois la lyre (S? quelquefois
dormes II enfle le cornet, quelquefois le haubois,
Fameux Arge- Nochers , qui hardis lespre- Et fa voix $fffa main exerce en la CMufitniers
qne:
Sillonnèrent la mer, hazardeux mariniers. Car de l'vn y de l'autre il entend la prati-
Je veux en les chantant mefiounenir d'Or- que.
fée» A peine mon enffantjmonpetit Achiltin,
Qui auoit d'Apollon l'ame toute effehaufiée, XAon petitmignonnet, mon petit poupelin
Et qui laiffant àpart fijournerl'auiron,
Offa pincer la lyre y reffondre à Chiron.
^Auoit trois ans parffoiCls que Thetis le def-
roye,
Cefut aupoinCl du iour que la belle (Jour- Et de nuiClle caChant dans les plis defa robe,
riere A Chiron l'apporta , pour auoir ce bon-heur
Du Soleil apportoit aux hommes la lumière,
Ouurant tout l'Orient y le femant defleurs,
D'apprendre la vertu fous vn tel gouuer-
nmr.
Qui tomboient de fen fein en diuerfes cou- Iebrufledele voir, l'amitié paternelle
leurs : Ne ffçauroit plus durerfans en fçauoir nou-
Quond du mont Pelion la verdoyante croupe ueUe.
Apparut à Tiphys qui conduifoit la troupe. J\lon

J62.
1 1. B O C A G E
MARCASSVS.
7e chante icy, De rhou] Celle pièce s'adreffe à feu Monfieur le Prefident DeThou,rareornement&lumiere(Je
noftre âec, excellent Poëte, excellent Hiftorien, &c grand homme d'Eftar, qui en fa vie agloneufement ferUy
les Roys Henry 1IL Henry II II. & Louys le Iufte. Elle contient en foy la rencontre d'Orphée auec
Chiron au voyage des Argonautes: & les belles chanfons que l'vn dit à l'enuy de l'autre. Chiron chanta
les amours d'iphis , & fon changement de fille en garçon. Orphée redit les regrets qu'il hr ayant perdu faftm.
me, par lefquels il efmeut à pitié tout l'Enfer. ^Crge-nocher ] Ceft à dire, Argonautes ,ap>^7U) , comme qu,
* diroit i les Pilotes du nauire d'Argos. Il faut fçauoir que Peliasfe voulant deffairçdc Ialori fon nepueu.pourne
luyrend
d'honneut
fon courage
la plus courageufe voulut eftre de la partie. On fit donques faire vnvaiffeau pour ce voyage, qu'on nomma
Argos , de l'architecte qui le baftit , & cesbraues Héros, Iafon, Tiphys, Caftor , Pollux, Calais, Zetes, Hercq.
les, Hylas,Telamon,Orphee,Nauplie,Mopfus,qu'il portoit, Argonautes ou Argc-nochcrs. Chiron] Çeûoit
le fils de Saturne & de la belle Nymphe Philyre,demy-homme&demy- cheual. Pelton] C'eft vne monta-*
gne deTheffalie, qui s'auance dans la mer Ionique.
ces vers,dans vne de (es Eclogues.
Tiphys] C'eftoit le Pilote des Argonautes. Virgile en
^/[Ifer erit tum Tiphys , & altéra qux "vehat ^/trgo
Dele&os Heroas.-
I(enuerfer U mer ] Façon dc parler tirée de Virgile, l{emk ~>ertunt aquora. Méfier ] C'eft la première eftoille
quiparoiftfurleCiel, que les Poëtes ont creu mener toutes les autres par le Ciel fous fa conduite. Troupeau]
C'eft par métaphore qu'il appelle la troupe des Aftres, troupeau. Si ce n'eft qu'il aye cfgard aux diuers ani¬
maux qui font dans le Ciel des Aftres, comme le Bélier, la Cheure, les OurfèsJe Lion, &c.
prefque de mefme, quand il dit:
Virgile en parle
conuexa polus dum Jydera pafeet. ' '.
lepere ] C'eftoitPelee,qui fut marié à Thetis.Voyez fes nopees dans l'Epithalamc de Catulle. Thetis] Deeffe
delà mer, &mcre d'Achille. Duc] Pelée.
Si tofi qu'il vit entrer dedans fin antre
ombreux
'Par cas inefieré ces magnanimes Preux,
Met ffa moin en leurs mains, leurfift la bien¬
venue,
Les. appelle par nom, les baifie y lesfialuë,
Repara flon manoir de tapis cramoifis,
Dedans des vaiffeaux d'or verfio des vins
choifis,
Les fiftfélon leur grade affeoir, y les ffeftie
De viande de porc y de chéure rofiie.
, ^Apres que le defir de mangerfuft ofié,
Et que le vin dernier par ordrefuft goufté,
Le Centaure s'efieue, y pincetantfia lyre
'Pour imiter Orphée vne Chanfionva dire:
» L'hommeperd la raifion quifemocque des
Dieux:
Ils font de nofire affaire y de nous fioucieux,
Et du Ciel ont là haut tonte force dr puifflance
Sur tout cela qui vit y prend icy naiffance.
Jadis viuoit en Crète vn homme , dont le
nom
Efioit Lygde^ffeTbos d'anoir y de renom,
Qui haïfloit à mort la race féminine,
Comme race inutile , enuieufefy malme.
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Quandfin efioufie ffut proCbaine d'accoun,
1 , Cher,
Luy dift, Ma Tekthuffe, autant que iefufc
cher
A toy que ie cognois fidèle à ma famille,
Quand tu accoucheras,fi tu fais vne fille,
le te prï,fans pitié qu'on la fiace mourir,
Etfi c'eft vn garçon qu'on le fiace nourrir:
La charge d'vne fille efi toufiours odieufie,
Et celle d'vn garçon n'eft iamais Jbucieufi.
Lefioir que Telethufie eut ce commandement,
Lucine s apparut à fon liél clairement
Auecques cBubafiis,Anubis yOfire,
Et le Dieu qui défend defon fiecret ne dire:
Et luy diflJTelethufie, il ne fiant perdre cur,
Bien que de ton mary dure foit la rigueur, \
le riay pas rejette ta requefte en arrière,
I'ay tes vux exauce?, tespleurs & taprière:
Pource fins auoir peur, t affleurantfur ma
Carde l enfantement quifinira de toy,
Onfiait fille ou foitfils. fAinfidifi l Immor¬
telle,
Et fettdain lapanurette enfante vne femelle,
Laquelle , o Tekthuffe, en cachette tu fis ,
Nourrirpour vngtfyon,&la nommât Ipbis
Du nom defion ayeul. Orfia fiaceffut telle,

ROYAL. -7tfj
Qifautant etlêfimbtoit vne ieune pucelle Et fion accoufirement efioit propre à tous
Quvn ieune damoifieau,tenant le milieu d'eux, deux.
' M A R C A S S V s'.
Preux ] Preux, femble venir du mot L&nn,probus. le fçay bien que c'eft vn beau mor,dont prefque tous les ex~
cellens Romains fe font feruis,pour dite.vn homme excellent aux armes, vaillant Caualier. Vous le trouuerez
bien fouuent dans les Amadis. Manoir] Pour,demeure. r

IL BOCAGE
Forçant la majeftéde la loy naturelle. %

R O Y A L. . 76f
l^yJùlûyTôriconfeil^par toy feule i'ayfait
(Siforfait ily a ) l'équitableforfait,
Vouloit comme certaine accomplir ]a~pro-
meffe.
Mafille rienpeut mais,opuijfance très- haute: Hors du Temple fiortie à peine riefioit pai
Si malheur en auient , à nous en eft lafaute,
A toy de commander y à moy d'obéir !
La mère, quand Iphis lafuit d'vn plus rrand
pas :
» Les Dieux quifont bénins , ne voudroient
pas trahir
Sn lieu d'vn teint vermeil vne barbefollette
Cottonne fion mentonfapeau tendre y doiiiU
» Par leur comandement l'humaine créature: Iette
» Leur parolle autrement ne fleroit qu vne
iniure !
Deuintforte cyrobufie,y la mafle vigueur
Luy efihaufa lefiang, les membres y le cgur :
Ainfidit Tekthuffe,& le Temple immortel, Ses cheueuxfent plus courts que de coufiume:
Le SifireJesflambeauxJesportes & l'autel y fimme,
S'émeurent tout d'vn coup,figne que la Deeffe En lieu d'vne pucelle elle deuint vn homme.
MARCAS'SVS.
Tantale ] C'eft celuy qui pour auoir defcouuert ce qu'on propofoit au confeil des Dieux , ou pour auoir , fe-*
Ion l'opinion d'autres.defrobé leur plat , fut condamné à vne faim & vne foif perpétuelle. Pronube Iunon 1
C'eftoit la Deeffe qui prefidoit aux nopees , qui pour plufieurs confédérations appartenantes à ce fuiet, auoit
plufieurs noms parmy les anciens, Pronuba Iuno, Vnxia, Cmxia, & d'autres. L'ornement de fa tefie ] Prefque tout
cecy qui fuit eft artificieufement imité de ces vers d'Ouide.
at illa
Crinalem capiti yittam, nataque fibfque
Detrahit , crpafiis aram complexa capillh,
ifi Parathomum, Mareoticâque artta , pharonque
Hua colis , _r feptem digefium in cornua Nilum,
1er precor, inquit , opem, noflrôquc medere timori.
Memph'is] C'eftoit vne ville d'Egypte,dont parle Martial pour la rareté de fes fepulchres miraculeux. PharosJ
C'eftoit vne Ifle d'Egypte, que le Dieu Protee habitoit la plus part dutemps,cftendué iufqu'à vne des emboucheures
du Nil. Voyez ce qu'en dit Euftathius fur Homère. F/f«we] Il entend parler du Nil qui fc defehargo
dans la mer par fept canaux : ce que vous pouucz voir par ces vers traduits de l'Argenis:
tsfupaïs où le Nil par fept larges ruijfeaux
D'yn lieu qu'on ne feait pat donne à la mer fes eaux.
' sifire] C'eftoit vn infiniment deMufique,dontonfc feruoitaux my itères &: aux cérémonies delà De«ffe>
Ifis. Voyez Apulée au dernier liure dc fa Transformation,où il defcrit-la proçeflion de la Deeffe Ifis, fi ic ne mo
trompe. D'ynplusgrand pas ] C'eft vne imitation d'Ouide fut ce mcfmc fuiet.
crepuitqui fonabilefifirum.
Non fecura qmiemfaufio tamen omine Uta
Mater abit templo :fequitur cornes Iphis euntem
Q.uam folita efi maiore gradu : nec candor m ore
Permanet : ey yires augentur : O" acrior ipfe efi
Vultui , (y incompt'ubreuior menfura capillis:
vli'fque yigor'is adefi , habuit quam femtna : nam qu

./
O Prince pi t«r fi» « % * « ** ^^-.^^/J^rfeLïfc
Monde, f)u bien files rochers t'enuironnent le cpur\
PuH^r^^hV
Monde, f)u bien files rochers t'enuironnent le cpur\
PuH^r^^hV Si ?unevLruelaUeger malangueur, A
^conceudemortel!oPnncelhjin sh^me^ÂPri^L^.
De tout Lnrr:LL l horrible Me- Me- ie le ne veux veux, veux veux, retourner sas ma j femme,Qrtu r peux
t mj ^» _ ^ réjouir de la mort de tons deux.
FYr "' . r x. .j. m*f, J**, c h tié Faifant telle oraifion, les âmes font venues
Ma femme quvn fervent a morje dans le pie, -**/ j » J
MeLveXJstoypoHrytLuerpim. M'I" egreflon' grejkttes &memes,
ri W tëfs diffnéLfifafihmxvoy^, Pépier, l emour - mon kè qmfinno*
M*AJr*L** mes pieds & mm Etiefon chant pneuxhs Mânes ejlonnct.
i G La Parque que iamais Pleurer on n auoit vene\
courave: ^ ~f i J , r * \ _/ r r -
Cellvn Dieu quilàhaut eft bie cognu detous, Effcoutant ma chonfion a pleurerfm efimeus:
%tie croy quicybasil l'efioujfide vous, Tantale neutfiucy défia punition,
l commencentUrne aue^receufiaplaye, , Sifiyphe definroc ,defiaroue Ixton:
' Sithi(loirequ'onditde Proferpine efivraye. ' En repos ffut la cruche & la main décides,
Pour ce ie te fiuppli par ces lieux pleins Et dit-on que longtemps des Jieres Eumemdes
d'effroy, La face en larmoyant defrayeur fie pallit,
ParceprofondChaos,parcefilencecoy,
Tarées images vains,red^ne- moy mafemme,
Tant ma douce chonfion le cur leuramollit!
Plutonquieut pitte d'vn maryfi fidelle,
Et refile à fa vie vne nouuelle trame .
Toute chofi t'eft deuë , y le cruel trefias
Me redonna mafemme a condition telle
g)ue ie ne tournerais en arrière mesyeux,
Suffit bien à la fin nousameinecà bas:
Nous tendons tons icy, y tagrand Courplaniere
Qui reçoit vn chacun eft la nofire dernière,
% nefiefaut chdlloir mourir en quelque en-
Tant que leufffereueu la clairtéde nos Cieux.\
Vnfientier efi là hos tout obficur fy tou§
fombre, j
Entremefiéde peur & de frayeur & d'ombre*]
Par ce chemin ie fors,

^/Cs tafché a enleuer U fille de ton Princej
Trop orgueilleux amant de quiVambition
$end le defiin femblable à celuy d'ixion,
ROYAL* -^
Qui penfant embrajfer Ime Deejfe nui'
Frufiré de fon efioir nefireignit qti~)/ne nui'.
Belides ] C'eftoient cinquante petites filles dc Bclus & filles de Danaus fils de Bclus. Beîus auoit appris de l'O^
racle qu'il deuoit eftre tué par vn lien gcndre.Eftant donques contraint de marier les fillcs,il les fuborna toutes
& leur fit couper la gorge à leurs marys : ce qu'elles firent excepté Hypermneftrc. Pour punition d'vn fi énor¬
me forfaict,elles forent condamnées aux Enfers de remplir d'eau vn tonneau deffoncé : ce qu'elles tafehent en
vain de faire. Eumenides ] Ce font les Furies. Si Pluton ] Cela eft imiré,comme prefque le refte, dc la piece de
Virgile, cncclieuoùil dit,parlant de la faute mefme.
Cumfubita mcautum dementia cepit amantem,
Ignofienda quidem , firentfi ignofeere mânes.
Refiitit , Eurydicemque fuam ïam lucejub ipfa
Immemor heu ! \ic~liifque ammi refiexit. ibi omn'tf
Effufus labor, aique tnuiilt rupta Tyranni
ï
La mon labeur ffut vain ffeffcoulant en Etfil n eufi eu pitié de mon extrême ennuy,
rifiée , le deuois enuoyer mon orne débitée
La ffut de ce Tyran la promeffe briffée : Hors de ce panure corps fions tonde Acheron-^
Je voulois l embrajfer,quand fa piteufe vois, tée,
Comme venant de loin , i'entendy par trois
fois :
Et noyer deffous l'eau mon corps y monfiouci,
Pour ne languir en vain fi longuement ainfi.
Quel malheureux Defiin nous perd tons deux De iour en iourfiuiuant ffamenuiffoit ma
enfiemblef vie,
Quellefureur d'amàur nofire amour defi-afi- le nouais de Bacchus ny de (Jerés ennie,
fiemble f Couché plat contre terre, y de moy ne refioit
Pourm'efire trop piteux tu m'as eflécruel. Quvne voix qui mafemme en mourant re-
Adieu mon cher effioux d'vn Adieu éternel,
Le Defiin me rappelle en ma place ancienne,
grettoit :
Quandoyont d'Helicon maplaintefi amere
Et mesyeux vont nouant en l'onde Stygienne. Auecquesfis hu.iét Saurs voicyvenir ma mère
Or Adieu mon amy ! ie remeurs derechef,
Vne nuiét ombrageufe enuironne mon éheff.
Tar trois fou retourné ie la voulu re-
prendre,
Qui me leua de terre, & repouffa la Mort
Qui déjà de mon c auoit gaignélefort.
Monfils ,ce me difoitj'amour qui efi entrée
Dans ton cur, fi doit perdre en changeant de
Et l'Ombre par trois fois ne me voulut at- contrée.
tendre ' » En trouerfont la terre y en pafifiant la mer
Sedeffrobant de moy, ys'en-volo deuant
fomme vn leger ffeftu fen-volepar le vent.
» Tu perdras lefiouci qui vient de trop aimer,
Pource,fi le defir de louange t'anime,
Helas , queuffé-iefait ! de quelle autre prière
Euffé-ie peu fléchir Proferpine fi fiere l
Réueille la vertu de ton cour magnanime,
Etfiuy les nobles Preux qui loin de leur mai-
Mapanurefemme efioit déjàfiur l'autre bord, fin
¤t le Nocher d'Enfer ne m'offroit plus le port. S'en - vont deffur la mer compagnons dejafon.
Je fus ffept mou entiersfous vn rocher de Ainfipour mon profit me difioit (Jalhope :
Thrace
Près dufleuue Strymon couchécontre laplace,
Ainfifuyant mon mal ie vins en cefie trope :
Non tant pour voir la mer, fes vents y fis
Pleurantfions nulconfort, y foufiirant de- poiffons,
quoy £hte pour guarir mon mal, y ouïr tes chanle
n'eftois retourné la demander au Roy. fins.
Las (difois-ie a par-moy ) que iefluis mifiera- kA- tant fie teut Orphé1. Les animauxfiau-
bleï
uages
Apres ïres aauoir
aauoir
tronué Pluton fifauorable, Erroient deuant la porte : oifeaux de tousplu-
le deuois retourner pour chanter deuant luy : mages
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4.
7$6-_ IL BOCAGE ROYAL:
Voletovent deffur luy, y les Pins qui baifi- De T h o v mignon des Cieux, en te
Çoient voulant donner
Les tefiespour louir deuant l'antre danfoient,
Tant leurplaifioit lefion d'vnefi douce lyre,
Que depuis dans le Ciel les Dieux ontfait
L'honneur que ie te doy, toy quipeux eftonner
De tes vers exceUens les vers du premier âget
l'honore de ton nom mon nom&monouHra*.
reluire. ge.
Qjttl malheureux ] C'eft encore de Virgile.
MARCASSVS-
llla, Ç.m Cr me,, inquit , miferam, (y te perdidit, Orpheu ? '
Quis tantusfuror?
Nocher ] Charon. strymon ] C'eft vn fleuUe de Thrace, où les Grues fe plaifent grandement.

LES ECLOGVES
DE P. DE RONSARD,
GENT I_L-H OMME
VENDOMOIS.
A L A M E M O I RE T> E
TRES-ILLVSTRE ET TRES-VERTVEVX
PRINCE FRANÇOIS DE FRANCE, D V Ç
D'ANIOV, FILS ET FRERE DE RoY.
Auec les Remarques de P. deMarcassVs.
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A MONSIEVR DE MES M ES
SIEVR D'AVAVLX, CONSEILLER
DV ROY EN SON GRAND CONSEIL
ONSIEVR,
La douceur que ie trouuay en voftre conuerfation le pre-
\mier iour que ïeus ïhonneur d'efire cogneu de vous, chez, le
\fieur Caualierçjklarino , que vous prifê? tant pour la rareté
^ff) ïincomparable grandeur de fon Génie, réueiUa l'inclination que i'ay à
adorer les bons eïflrits : ffl par confequent mefit naifire ïenuie de vous tefi
moigner , comme par quelque forte de tribut , ïhonneur que ie porte au
*voftre : qui outre les rares parties qu'il a refeues du Ciel , s'eft acquis la>
cognoiffance d'vne infinité de belles chofes, que ceux de vofire fortune riont
pas, pourfonger plus aux biens du temps,ou du corps,qu a ceux de leuramem
Vous ne vous tiendrez, pets defobligé fi ce que ie vous offre eft autant
au deffous de ce que vous méritez» , que ma bonne volonté eft au deffus
de ce que ie puis. Si vous defirez, quelque chofe de plus grand, il faut
que vous permettiez, que ïacquifition s'en face chez,-vous , & qu'on vous
prefente ce que l'on aura gaignè au bien de vous voir. Si vous mefaiftes
l'honneur d'auoir agréable mon jufie defir, vous ne trouuerez, iamais plus
d'affefiion ny plus de zjde en perfonne du monde, a prïfer çg defcouurir les
grandes qualitez, qui vous mettent en confideration parmy les hommes , qu'en
celuy qui defire d'efire,
oMONSIEF^,
Voftre trefhumble & très*
affectionné feruiteur,
De Marcassvs.
Ttt ij
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RE M ARQYE S DE P. DE
MARCASSVS SVR LES ECLOGVES I
DE P. DE RONSARD.
DES ECLOGVES.
O v r bien fçauoir quel genre de Poëme c'eft que les Eclogues , il femble qu'il
efttres- neceflaire de le prendre depuis l'origine de laPoëfie: afin qu'eftans biér
informez de fa naiffance nous ne doutions aucunement de fa nature. Si nous
confiderons la qualité de toutes les chofes qui feruenc à noftre vfage, nous troulierons
que les vnes font nées auec la neceflité que nous en auons eue : que la
autres doiuent leur naiffance à l'vtilité qu'elles apportent au» hommes ; & les autres au contentement
que l'on en tire. Ledifcoursdoitfescommencemensàcestrois-là : foitquenouj
l'ayons par le moyen de la nature ; foit que le temps nous en ait donné l'vfage. Et certes fi noU<
jettons les yeux fur la fin pour laquelle l'homme eft enee monde, nousiugerons inconti¬
nent que fa perfection dépendant entièrement de la cognoifTance des chofes qui font en la
Nature, il ne pouuoit aucunement fe pafTer de ceft inftrumcnt, par le moyen duquel il deuoit
s'acquérir vne prudence, qui feule le pouuoit efleuer par deffus tout le refte des animaux. Lç
difcourseftle vray truchement de nos âmes, par lequel nous acquérons la cognoiffance de U
vérité, nous la communiquons aux autres, nous defcouurons nos penfees, & faifons voir^
defcouuert comme dans vn miroiter tous les fentimens de noftre ame: bref c'eft luy qui entreticntla
focieté ciuilc parmy les hommes. Nous auions befoin de difeourir auec nos feinblables
pour leur faire entendre noftre volonté aux chofes qui nous eftoient neceffaires : le;
rencontres, les hazards , &: vne infinité d'autres occafions ont dénoué la langue aux hommes;
pour donner à entendre de viue voix ce que la preffante neceflité ne leur permettoitpas dc
celer. Apres que la neceflité eut donné de bienroibles commencemens au difeours, la curiofîte
deshommes femit en peine de luy donner quelque peu d'ornement pour la commodité
de la conuerfation humaine. Comme celuy qui faifoit eftat de mefurer la quantité de toutes
chofes,commença premièrement à confiderervn corps en gros: puis en trouua hhauteur,la
profondeur,la largeur ô_ les angles. Ainfi les hommes ayans autant de mots qu'il leur en faloit
pour s'en feruir à exprimer ce qu'ils ne pouuoient taire, &C lés employant fans aucun or¬
dre,& bien fouuent auec des equiuoques qui les mettoient en peine; ils fe mirent à les ranger
dans de certaines règles, par lefquelles vn certain ordre leur eftoit donné, certaines inflexions
&correfpondancesqui leur faifoient expliquer les intentions affez nettement. Les hommes1
ne fe contentèrent pas de l'auoir mis hors du defordre & du galimatias par leurs règles; ils.
voulurent qu"il ne fuft pas feulement neceflaire, hiais qu'il pleuft. A cefte occafion tous les
beaux efprits fe mirent en peine de temps en temps de luy donnet la policeffe que nous remar¬
quons en chafque langue par fes âges. On s'eft donques du depuis feruy de fa beauté & de fa
bonne grâce dans les armées, pour mettre le cur au ventre aux folda ts, pour leur faire voirie
j peu d'importance des hazards, pour arrefter leurs efmeutes,pour manier, en fin, &: fléchir à
diferetion les puiflancesde leurs âmes: & tout cela fe doit à la neceflité que les Grands en
auoient L'vtilité l'a veu fleurir dans le Barreau,& le plaifir & le contentement fur les Théâ¬
tres. Dé là vient que les hommes s'en font feruis diuerfement; les Philofophes l'ont tenu
pour neceflaire , à fin de defcouurir la vérité : la focieté ciuile pour le commerce & les affaires
dumpnde, donton pouuoit tirer du profit. Les Comédiens pour faire voir l'excellence de
leur efprit en donnant du plaifir au monde, parlacenfure de toutes les mauuaifesa&ions&:
la rifée qu'ils en faifoient. Lesautres s'en fontferuis es récits qu'ilsïmoientà faire fur vne infi¬
nité de fujets qui fe pouuoient rencontrer. Entre lefquels les vns ncs'égaroient iamais de la
vérité, au nombre defquels les Hiftoriens tenoient le rang le plus fignalé. Les autres; demeu
rènt le plus fouuent dans les chofes fabuleufes , incertaines, ou vray-femblables. Les pre
miers font fans fard. Les autres ont vn plus grand appareil, & doiuentparoiftre auec vn plus]
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grand efclat,ô_ vne plus grande magnificence. A ceux-cy la Poëfie doit fa naiffance. Son na¬
turel eft de faire voir non feulement les chofes qui font , mais encore celles qui ne font point,
comme fi elles eftoient, ou comme elles doiuent eftre. D'où il eft bien aifé à juger qu'-elle a
pour fujet tout ce qui eft, & ce qui n'eft point,que l'efprit de l'homme fe peut imaginer. De là
fevoyent tant de fortes de Poëfie ; lefquelles neantinoinsfe peuuent reftraindreà la nature
vniuerfelle de ceux-cy. Les vnes ne confiftent qu'en vne fimple narration , comme la Poëfie
de Lucrèce: les Grecs appellent cefte forte de \? oimes^ iï»7*^T.K&,iZ*y»^x^,dSiHy*^-n>ut,. Les au¬
tres ne confiftent qu'en des Dialogues, du nombre defquels font les Comédies &les Tragé¬
dies. Les Grecs appellent ces Poëmes, ^w^W, &; du gefte qu'on adioufte en leur recitation,
tyetfutTiicd. Les autres tiennent de ces deux-là, où le Poëte parle & en fait parler d'autres. De ces
trois fortes de Poëfie, les Poëmes Paftoraux font les plus anciens, c'eft à dire, les Eclogues,
comme nouslemonftrerons.Les Comédies vont après, defquelles font nées les Tragédies,
puis les Poëmes Epiques,les Hymnes,les Odes,les Satyres,les Chants Nuptiaux , les Elégies,
lesChanfons,lesEpigrammes,Infcriptions ouEpitaphes;& d'autres petits menus fatras de
Poëmes. Les Bergers donc furent ceux qui les premiers firent des vers .-parce que de trois
conditions de gens qu'il y auoit au commencement du monde, ce furent eux, qui feuls eu¬
rent le loifir de mettre leurs paflions fous des nombres, & de les chanter. Les commencemens
de leur Poëfie furent grandement foibles; la plus part du temps fans art, fans ordre nydemy:
iufques à ce que le temps vinft à polir leurs ouurages. Car comme leur iugement fe forma , ils
commencèrent à recognoiftre les bonnes ou mauuaifes penfées qu'ils mettoient en leurs
Chanfons, defquelles ilsvoulurentfairechoix,àfin de s'acquérir lagloire de mieux faire : &:
de cefte élection qu'ils en firent,ils appellerent leurs copofitions , Eclogues , c5me qui diroit,
eflite ouchoix. Il y en a de trois fortes. Dans les vnes le Poëte parle toufiours iufqu'àlafin du
Poëme , recitant les plaintes, les débats ou quelqueautre paflion d'vn ou de plufieurs Bergers.
Telle eft la féconde de Virgile. L'autre où le Poëte ne parle iamais, mais les Bergers entr'eux,
comme dans la cinquiefme du mefme Poëte. Les autres tiennent de l'vn & de l'autre genre.
Maintenant il faut fçauoir que les vnes fe doiuent entendre félon le pied de la lettre,les autres
non : A caufe que fous des Bergers elles comprennent des perfonnes d'autre qualité, comme
vous pourrez voir en celles-cy de Ronfard.
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\^^ydu pris de _ce^m^fâ,i&jpm£l)u£z notaient rteft
Çe/êuCvent de/on Ds/om, ctoufvit leur JLriuye :
Çefwuwir des^ranor'Tsws , tramf/oit ddsous ie Sien:.
:.JLt Ineur. ae/on rais, Jmoit d?Jans fa zye^. ..' .,
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TRES-HAVT, TRES-VERT V E VX,
ET TRES-AVANTVREVX PRINCE,
FRANÇOIS DE FRANCE, DVC D'ANIOV,
fils ôc frère de Roy.
Andis que la vaillance , a-
me d'vn bon courage,
Vous pouffe a regaigner
l'ancien héritage
Des Princes vos ayeulx,&
qu'amidu harnois,
Vous marque^plus auant les bornes des Fran¬
çois, * :
Aimant mieux la fueur\ la poudre y la
proueffe,
Que rouiller au Plejfisvos beaux ans de pa7
reffe:
'Taris me tient icy, où par l'impreffon
Tenuoye mes enffans en toute nation
Qoncensde mon eficrit par vne ardente verue,
Ainfi que Iupiter dufien conceut Minerue,
M'ouurant (fions emprunter de Vulcan le
couteau )
Parpeine &partrauailmon fertile cerneau.
» Les enffans de t eficrit vn long fiecle demeu¬
rent,
» Ceux des corps iournaliers ainfique les iours
meurent.
le vous ay confacremes Eclogues ,àfin
Que vofire beau renom ne prenne iamais fin,
Nonplus quelesPafieurs ,lefiuiet de ce liure.
MARCASSVS.
Les Roys y les Tafleurs ont mefime efiat de
viure ,
L'vn garde les troupeaux , ($f l'autre les cite%,
Et les hommes quifiont mortelles Deïte^.
Pource Homère, qui vit par longues renom¬
mées,
Appelloit lesgrands Roys les Pafieursdes ar
mées.
David d'vn fimple Paftre ($f de bas
fiang iffu, [
Par les Prophètes oing:, ou throneffut receu :
Puis deflrant l'honneur où tout Monarque
; ' afjire,
Tins outre par la guerre augmentafin Em¬
pire.
Moyfie d'vn 'Bergerot deuint Legifiateur,
Deuintgrand Capitaine, y commevngrand
Pafleur
Guida par les défierts fies troupes vagabondes,
etfitpafferfion peuple entre les murs des ondes.
Pource ne dédaigneTce vulgaire prefint :
Et croye^, mon grand D v C , que rien n'eft
fi duifiant
Ny qui tant fie conforme aux grandes Sei¬
gneuries
Que t efiat des Bergers y de leurs Bergeries.
Tandu aut la Vaillance ] Il fait vn beau parallellc entre les Roys & les Bergers : fait voir à Monfieur le
Duc d'Anjou qu'il a fuiet de luy dédier ceft ouurage , quoy qu'il ne fente que les champs : puifquc la mefme
fagefTe & la mefme conduite qui eft neceffaire à bien régir vn Empire, eft enfongcnreneceffaircàbicn conferucr
vn troupeau. Car les Bergers font fur leurs troupeaux, ce que font les Roys fur leurs peuples. Il luy
monftre d'autre part, comme les grands Poëtes ayant reçognu le rapport qu'il y auoit entre ces deux char¬
ges, n'ont point fait difficulté d'appellcr les Généraux des armees , Pafteurs des peuples .comme tous ceux
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qui ont pris la peine de lire tant foit peuHomere , ont veu. Si vous en délirez voir encore d'excellent*
comparaifons.lifezIaPrefiicedelaCyropcdiedcXcnophon. L'ancien hérita^ ]ll entend le Pais-bas, qui ap.
partenoit aux Roys de France, où Monfieur Duc d'Anjou Êls de Henry 1 1. faifoit pour lors la guerre. U(t
Pkfiis 1 C'eft vn fort beau Chafteau tout proche dc Tours, belle & heureufe ville.ne feroit que pour auoir pro¬
duit le braue Lagreuc. Mes enfans ] C'eft à dire, fes liures. Conceut Minerue ] Les Poètes ont 'feint que Mil
neracquieftlaDceucdesarts&dcs feiences, eftoit née du cerucau de Iupiter. C eft pourquoy Catulle &p.
pelle Patrima.
y«ô^> o patrima "virgo,
TÏm "V»o maneat perenne feclo.
Et Nonnus en fes DionyCaques en deferit la fable en ces mots , eftant tombe fur la naiflance de Bacchus» U
parle >dc Iupiter.
dptat ya.Tf>) hl^&jt iramp è mm* /vsmp ,
tâ eîJïùç -nui «Mo», im\ yvhrn tstfMÇ
oç mpof o">w» aançw t^ar tytui/Mtl *op*ï)
Sam emprunter ] Cela touche à la fable de Minerue : car on dit, que Iupiter ne pouuant enfantet Minerue,'
fçfitouurir la tefte par Vulcain. ïafieursdes armées] Il appelle bien fouuent Agamemnon mitât!* \aeS,. j
oingt] C'eftoit vne ancienne couftume parmy les Iuifs d'oindre leurs Roys pour ren dre facrees leurs perfonnés.
C'eft pourquoy dans l'Efcriture il eft dit des Roys, Nolite tangert chrifios meos. C'eft à dire , Ne mettez pas les
mains fur la perfonne des Roys que i'ay oingts. legijlateur] Duquel nous tenons encore le Dccalogue. Stè
troupes j II fit paffer aux enfans d'Ifraél la Mer rouge à pied fcc. ~1
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BERGERIE.
LES PERSONNAGES
Le premier joueur de lyre dira le Prologue.
S'enfuit après le Chiur des Bergères.
E N T R E-T A R L E V R S.
Orleantin, Angelot, Nauarrin, Guifin, Margot.
P V is,
Le premier Pafleur voyageur. Le fécond Pafteur voyageur.
P v i s,
Le fécond joueur de lyre.
P VI s,
Deux Pafteurs dedans vn antre, l'vn reprefentant la Royne, l'autre
Margverite, Ducheiîe de Sauoye.
LE PREMIER IOVEVR DE
LYRE COMMENCE.
Es éhefines ombrageux que fions Miffant par contrainte en vn tuyau doré
art la Nature dlu milieu de la court d'vn Palais honore.
Plus belle eft vne Nymphe en fit cotte agrafée,
Aux coudes demy-nuds , qn'vne Dame coifée
D'artifice fioigneuxytoute peinte de fard:
\ Par fies hautes forefts nourrit
, a l'auanture,
Sont pins doux aux troupeaux , y pins fiais
aux Bergers
Que les arbres enteT d'artifice es vergers.
Des libres oifilets plus doux efi le ramage
Que nefl le chant contraint du Roffignol en
caze;
Et la fource d'vne eau faillante d'vn rocher,
Efi pins douce au paffont pourfia fioifi eftan-
cher
{Quandfions art elle coule en fa veine rufiique)
Que n'eft vnefontaine en marbre magnifique,
» Car toufiours la nature eft meilleure que
l'art.
Pource ie me promets que le chant fiolitaire
Desfiauuages Pafleurs doit d'auantageplaire,
(Dautant quileftndifi, fans art & ffansfa¬
çon)
Qu vneplus curieufi y fiuperbe chonfion
De ces maiftres enfle^d'vne Mufie hardie,
Quifont trembler le Ciel fions vne Tragédie,
Et d'vn vers ampoullé , d'vne effroyable vois,
Redoublet les malheurs des Princes & des Rois^
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77 g E C L O
1 Ce
EficouteXdoncJPofieursJesmnfitttesfiacrées
De nos Princes Seigneurs de diuerfes contrées,
Quifont diuerffemét tout ainfiqu'il leurplaifi
D'amoureufes chonfionsfionner cefieforefi.
ne fontpas Bergers d'vne maifon cham-
pefire,
Qui mènent pourfialaireaux champs les bre¬
bis paiftre,
Mais de hauteffamille, y de race d'oyeux
Fils de Roys, dont le Sceptre a fait en diuers
lieux
Trembler toute l'Europe , yen toute affeu-
rance
fionfierué les troupeauxpar les herbes de Frace.
Le Choeur des Bergers compofé dc dou¬
ze, afïîs dedans vn antre ; fix d'vne
part, & lîx de l'autre.
MARCASSVS.
G V E -L >
la première partie du cofté dextre
commence en chantant.
SI nous voyons entre fleurs y boutons
Paiftre moutons,
Et nos chéureaux pendrefur vne roche,
Sans que le loupfur lefioir en approche
Défia dent croche :
Si lizflorir ($frofles nonsfentonS,
Voyans mourir, toute herbe firpentine:
Si nous voyons les Nymphes à minuit
En leurfimple vafiquine
Menervn bruit,
Danfians aux bords d'vnefource argentine:
Si nous voyons lefîecle d'or refait,
C'eftdu bienfait
De la Bergère C AT H ER IN E.
lis cbefnes ] Ce commencement fi excellent eft imité de l'Arcadie de Sannazare, duquel il a pris beaucoup
de chofes, comme luy a fait de Virgile & de Theocritc. Si ienc rapporte pas icy toutes fes imitations,le Le¬
cteur m'exeufera. le n'ay point 1*Arcadie de Sannazare, & prendra à gré ce dont ie pourrayme fouuenir.
Sauuages Payeurs ] Sauuage, icy ne fe doit pas prendre en mauuaife part, mais pour celuy qui ignorant toute
forte d'artifice , fuit les inclinations de fon naturel. Comme on dit, Vn rocher fauuage , vne grotte ou autre]
chofe, c'eft à dire, où l'excellence feulement de la Nature paroift. Fers ampouUé] Cefont ceux où les mots]
font enflez. Ariftophane fc moquant d'vn Tragique de fon temps, à caufe que fa diction eftoit trop faftneufei
dit qu'il met dans fes Tragédies, pVf~ra hiuCmu. \o

Et de douleurs]
Deuant nosyeux nous auronsfin image.
Le Choeur des Nymphes toutes enfemble
fe prend par la main, & dit ce¬
fte Chanfon en danfant : puis
fc retirent en l'antre d'où
elles eftoient
forties.
Nous auons veu d'vn Prince la ieuneffie,
7)'vn Prince fils d'vne grande Deeffe,
Dont la beauté, la grâce y les valeurs
Ornent nos champs,comme au matin l'Aurore
ECL/O cvë i. >9
MARCASSVS.
Orne le Ciel, quandfion beau font colore
Tout l'Orient de perles y defleurs,
Tuiffentfes ans croiftre comme laroffe
Qu'vne pucelle en diligence arrofie
Soir y matin pour s'enffaire vn bouquet,
Afin quvn iourfi hautement il croiffe,
Que fur les Roys autant il apparoiffe
Qu vneforeftpar deffus vn bofiquet.
Au bonCARLlti lefielface lagrâce
De voirça bas les enffans déjà race, (
Pere des Roys, des peuples adoré :
Ceft ce Carlin promis desDeftinées,
Sons qui courront les meilleures années
Du vieil Saturne &du fiecle doré.
Quand nom irons ] C'eft vn précepte que Virgile donne aux Bergers dans fes Gcorgiqucs, de baigner les trou¬
peaux.
Vulcibtu ideircofiuuijs pecus omne magijtri
Perfundunt, 1/difaue aries ingurgite ~)/illis
Merfatur, miJfûfaHe fecunda defiuit amni.
Jnuoautrons ] Ce font les traits couftumiers de flaterie que les Poëtes ont donnez dans leurs Eclogues. Vir¬
gile en fait tout autant àlulcs Cefar , en ces vers :
Sii bonus, ô,f tuu. En auattuor ara* :
Ecce duos tibi Daphni , du'oaue altaria Phabo,
Pocula bina nouo jp'umantia lat~lc «uotannts
Craterkfaut duosjratuam tibtpinguis oliui.
Et puis.
Hax tibi femper trunt,ty cum folemni* "\oU
Heddemm Nymphis, (y cum lujhabimtu agros.
Se nourrira depleurs] Les amans ont creu que l'Amour ne prenoit iamais tant d'aife, que quand il pouuoic
nager dans les larmes. Cefte penfee de Ronfard eft imitée de cefte-cy de Virgile.
-ufrmr non talia curât.
Net lachrymis crudelis ^¤mor , necgramina nuis,
Nec cythtfo faturantur apes , nie fronde capella:
D'yneDtefe] Catherine de Medicis. Ornent nos champs] Les Bergers dans les Poètes croyent fermement
que le bon-heur ou le malheur de tout ce qui eft dans leurs champs dépend de la prefence ou de l'abfçncc dc ce
qu'ils aiment & qu'ils honorent.
^¤t fi formofus ^mynta*
Moniibm h'ts abeat, Indeas çr fiumina fteca.
S.u'yne forefi] Comparaifon imitée de ces vers de Virgile, quand ilparIcdeManrouë& dcRomc.
Perùm h

-»#&7*9
-»#&7*9
ECLOGVE L
IcfentrëTespiûs les Zephyres s entendent. En rondeur le Croiffant quiJe repini enfijj^
Nosflûtes cependant trop pareffeufispen- ble.
dént IIvafini ypenfifou fion pied te conduit :
A nos cols én-dormis , y femble que ce temps Maintenant desjfbrefts les ombragesiljki^
Soit k nous VnHyuer,oux autres vnPrinteps. On fe mire dans luu (tvnefource moufful,
, Suïdonquèsen cet antre on deffous cet om- On s'endortfions le creux d'vne roéhd bojfite.
bragè Puisil retourne aufiir, y gaillardprend dit
Difions vne chonfion : quant à ma part ie gage
fP'otir leprix de celuy qui chantera le mieux,
Vn (Jerff apprïuoiffé qui me fuit entons liettx.
pain t
Tantofldeffus la table y tantofl en ma mairi
Saute a l'entour de moy,y défia corne effaye
Je le deffroboy ieune aufond etvne vallée
Afin mère ou dos peint d'vne peau marte¬
lée,
St le nourryfi bien quefouuent le gratant,
Le éhatouillant, touchant, lepeignant, y fla-
De coffer bruffquemet mon maflin qui t'abaye
Fait bruirefin cleron,puis ilfie va eouéher
Augiron de Thoinon qui l'efiimefi éher.
Il fouffreque fa main le cheuefire luy mette
Faifl a houpes defoye & a mainteffonnette:
tant, Deffusfon dospriuémet le bafi embourré
Tantoft auprès d'vne eau , tantoftfiur la ver- Defougère y de mouffe, $r d'vn c aft
dure, fienré,
En douce ietournayfiafiauuage nature. , Sans crainte de tomber , le tientpar vne corne
le I'ay toufiours gardépour ma belle Thoi- D'vne main, y de l autre en centfaçons elle
non, orne f
Laquelle en ma faueur l'appelle de mon nom : Sa Croupe de bouquets y depetits tameaux:
Tantofl elle le baffe, (gjf defleurs odoreufes
Ennironneflon front y fies cornes rameufis,
Et tantoflfin beau colelle vient enfermer
D'vncarquanenrichy de coquilles de mer,
Tuis le conduitaufoir à lafraifiheur des eaux]
Et defa blanéhe mainfeule luy donne à boire.
Or quiconquesaura ïhonneur de la viétoire.
Sera maiflre du Cerf, bien-heureuxy con*
D'où pend la croche dent d'vnJànglier , qui
reffemble
tant
MARCASSVS.
*De donnera s'amie vnprefent quivaut tant.
Orhanm ] C'eftoit Monfieurle Duc d'Orléans; frère du Roy Charles I X. JC *« Certesforefts ) On croyoit %
que les Dryades qui viuoient fous l'efcorcedes arbres, apprenoient les chanfons qu'elles oyoient dire aux
Bergers. Voila pourquoy Virgile dit en vne Eclogue :
Formofam refonare doces ^îmaryllida jyluas.
Et en vne autre. ,
Ommaïaua Ph~bo quondam méditante beatm
^/Cudijt Eurotas , iufiîtaue edifeere lauros.
lllecanit:pulfereferuntadfjderayalles.
le le defrobay } Cecy eft encore à l'imitation des cheurcuilsque Corydon veut donner à Alexjsv /
Praterea duo nec tuta mihi Italie reperti
Çapreohjjfarjis etiam nunc pellibus albo;
Bina die ficcant ouïs libéra, t^uos tibijèruo.
Enuironne fonfront] C'eft encore à l'imitation de ce beau Cerfappriuoifé qu'Afcanius tua,qui eftoit fi priué
Se duquel Syluia faifoit rant de cas.
CeruiKs erat forma praftahti , _r cornibm ingens,
Tyrrhid pueri «mm matrU ab libère raptum
Nutribant, Tyrrheuf^ue pater , cui regu parent
^Crmenta , ©° latè cujfodia crédita campi.
^AffkeWm imperijs firbr àmni.SyluiU cura.
MoHibm mtexens arnabxt cornna fertU ,
* Fettebat^ue ferum,puro^ue in fonte lattabat.
llle manum patiens menfeqtie affuetttt herili, Cfc
Angelot. Conduit [èul vn troupeau comme

ECLOGVE i. 7fc
ïïruflqne,prompt , éueillé, Joutant y bondiff Trefique tout au milieu du gobelet efi peint
fiant, Vn Satyre cornu , qui défies bras efireint
Qui gratte en ffe jouant de l'ergot de derrière Tout au trouers du corps vne ieune 'Bergère,
(Regardant lespaffans) fa barbe mentonnière. Et la veut faire choir deffous vne fougère.
Il a le frontJèuere & lepas mefiuré, Son couureéhef luy tombe ,fy ode toutes
La contenance fiere ($f tceil bien affeuré: pars
Il m doute les loups , tantffoient-ils redouta- A l'abandon du ventfies beaux cheueux ejbars:
blés, Dont elle courroucée, ardante en fon courage"
Ny les maflins armeT^ de colliers effroyables,
Mais plantéfur le haut d'vn rocher efpineux
Tourne loin du Satyre arrière le vifiage,
Effayant d'efihapper, y de la dextre main
Les regardepaffer & fi fie mocque d'eux. Luy arrache le poil du menton y dufein,
Son fiont efi remparé de quatre grandes Et luy fioiffe le neTde l'autre main finefirej
cornes, Mais en vain ; car toufiours le Satyre efi le
Les deux proches desyeuxfiont droites comme maiflre.
bornes Trois petits enfans nuds de jambes y de
Qu'vnpere defamille efieue fiur le bord bras,
^efion champ qui efioit naguères en dificord : Taille? au naturel,tous potelé^ y gras
Les deux autres quifiont prochaines des au- Son^graueZa l'entour: l'vn par viue entrereilles,
En dou%e ou quinzeplisfie courbent a merueil-
prifi
Ueutfaire abandonner au Satyre fiaprifi,
les Et d'vne infiante main par deux (^fpar trois
D'vne entorfe ridée, & en tournant s'en vont fois
Cacher deffous le poil qui luypendfur lefiont. Prendcelle du bouquin, & luy ouure les doits!
Dés la poinéte du iour ce grand "Bouc qui L'autre enfléde courroux,d'vne dent bien
fômmeille * aiguë
N'attend que le Pafieur fion troupelet réueille,
Mais ilfait vn grand bruit dedans tefiable,
y puis
Mort ce Dieu rauiffeurpar la cuiffe peins,
Se tient contre fia gréue, (êffifort l'a mordu
Que le fangfur lajambe eftpar tout défendu,
2npouffant 2npouffant le crouillet,defio corne ouure l'huis, Faifiont figne du pouce à l'autre enfant qu'il
Et guide les chéureaux qu'à grands pas il de- vienne,
uance Et quepar l'antre cuiffe à belles dents le tienne:
Comme de la longueurd'vne moyenne lance,
Puis les rameine aufioir à pas conte? y Ions,
Mais luy t ontrefi-ongné,pour-neantfiupplié,
Se tire à dos courbé vne effine dupie,
Faifont fions fes ergots poudroyer les flablons.
Iamais en nul combat n'a perdu la bataille,
AJfisfiur vn ga%pn de verte pimpernelle,
Sans fle donnerfloucy de l'autre qui l'appelle.
Ru%é dés fa ieuneffe en quelque part qu'il Vne geniffe auprès luypendfiur le talon,
aille Qui regarde tirer le poignant aiguillon
D'emporter la viétoire : auffi les autres boucs T>e l'efiine caéhee au fond de la chair viue,
Ont crainte défia corne,y le reuerent tons. Et toute eft tellement à cefiait ententiue,
le le gage pourtant : voy comme ilfferegarde,
Jl vaut mieux que le Cerfque ta Thoinon te
Qnebeante elle oublie a boire & a manger :
Tant elle prendplaifir à cepetit berger,
garde. Qui engrinçant les dents tire à la fin tefiine^
Nauarrin. Et tombe de douleur renuerfiefiur l'efichine.
I'ay dans magibbeciere vn vaiffeaufiait Un houbelon rampant à bras longs & re"
au tour, tors
De racine de buis , dont les anffes d'autour De ce creux gobelet paffemente les bors>
D'artifice excellent de mefirne bois fiont ffaites, Et court en ffe pliant à l'entour de l ouurage:
Où maintes chofesfont diuerfèmentportraites. Telqu'ileft touteffo'me lemets pour mon gage*
Vu u
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-]H
ECLOGVE L
MARCASSVS.
angelot] C'eftoit Monfieur le Duc d'Anjou frerc du Roy Charles IX. *

E C L O G V E L ^
MARCASSVS.
Guiftn] C'eft feu MonficurdcGuifc. Houlette] C'eft le bafton des Bergers,dont ils fefcrUoient ancien¬
nement dans la Grèce à plufieurs vfages: c'eft pourquoy ils luydonnoienr aufli de diuers noms. Tantoft ils
l'appelloicnt ***-*, & les Latins Pedum, à caufe qu'il leurferuoit à s'appuyer. Tantoft xa^CÔKcr, pource
qu'ils s'en feruoient à la chaffe pour faire leuer le liéurcs quelquefois pour le tuer. Tantoftwp_i^_,àcaufe que
le bout d'embas eftoit en forme de maffuc. Elle eftoit d'ordinaire toute couucrre dc neuds^ftant faite d'cfpinc
ou de quelque autre bois fcmblable. Virgile la deferit parfai&cment bien en ces vers.
^¤t tu fume pedum, quod me cùmfiepe rogaret,
No» tuht antigènes , çr erat tum dignm amari,
Formofum paribtu nodis atque are , Menalca.
l'endurçy] Il a fait ce mot le tirant du Latin, pour, telefs endurcir, ^f la fumée] C'eftoit ainfi queles païfans
faifoient endurcir leur bois.&l'cfprouuoient à la fumec. Car, dit Scruius , probat* foUditatis funt ligna, fi
fumo rimas minime fecerint. Narn^ue ad exfudandum fuma adhibita fi rimai faciunt er fcifluras , mala funt Cr infirma.
Aufîi Virgile après qu'ila donné l'aduis aux payfans,dc faire le foc de leurs charrues durant que le mauuais
temps les empefehera dc trauaillcr aux champs , leur commande auffi toft de laiffcr le bois à la fumec , afin d'efprouucr
s'il eft bon.
C

784 E C LLO LLO O GV G V EL EL L i.
WiTeféolite-en ces bois thmter aux paflou- Car iUpprendpar csur tout cela qu'il entend,
r^reUeS: Et bien qu'il me (oit cher ,ie le gagepourtant.
MARCASSVS.
Margot] C'eftoit Madame Marguerite Duchefle deSauoye. Uynnth] Il appelle ainfi la Cage. En»,
mafchaè 1 On dicautrement, ruminer. Pour retenir ] C'eftoir vne gentilefle affea rare au temps deviens,
de voir des oyfeaux qui parlafTenc,commc on peur remarquer du perroquet qui faluoit Cefar en Grec,a Rome.
xandrm] Par Xandrin.il entend Henry III. qui auoit efté nommé fur les fonts,Alexandre. T amour] Par
.»"«,..» j . ,»-
licence Poëtiquc,au heu de tonamour.
Les Chanfons des Pafteurs.
Qrleantin.
Quel poignant creue-Caur, quelle amere
trifleffe
Voustenoitjo forefts, quand la blonde ieuneffe
Qui fient toufiours la biffe éuenter fin harnois,
Sans crainte briganda fe Sceptre des François?
Et s'enflant de l'espoiràvnefanffe viétoire,
"Vint boire en lieu du Rhin les eaux de noftre
Loire
Contre vn ieune orphelin,dont le pere indomté
Auoitleux nation remifle en liberté?
EncetempsconiurélaFraceen deffiitd'elle
Portoft deffur l'efichine vne gent fi cruelle,
Envoyant entre foy tant de guerriers nou¬
ueaux,
Sbufienoitpardefjit lespieds de leurs tkeuaux.
Ph recula, y U fiaifion chargée
*De neiges, appjerceut cefte troupe enragée
Saccager nos maifions au milieu de l'Hyuer:
Car iamais le Soleil ne voulut approuuer
Si cruel brigandage , abhorrant que le vice
Allafi le fiont huéfions crainte de Iuftice.
Lepeuple auoit perdu toute fidélité,
Le citoyen eftoit banny defia cité,
MARCASSVS.
Les Autels deffouiUe?^de leurs SointsTute-i
laires,
Les Teples reffemblaientauxAefimflolitaires,
Sansf enffans oraiffon,yles PrefircsJàcre?
Seruoient de proye aux loupsfiur l'Autelmaj
fiacre^.
Nul tant maigre troupeau ne ffe trainoit
fur l'herbe
Qu'il nefiuft égorgépar l'ennemyfiuperbe,
Qui dlvne main barbare emportoitpour butin
Gras & maigre troupeau,&Pafieurs & mâtin»
Les Faunes fa les Pans, y les Nymphes
compagnes
Se cachèrent d'effroyJaus lecreux des monta*
gnes,
Abominons lejàngjfales glaiues trenchans,
St nulle De'ité nhabitoit plus aux champs.
La. honte de mal-ffaireerrait entre les ar¬
mes,
St lesharnois craquasJur le dos desgenfdàrmes
Luifioient de touscofie^brefilny auoit lieuiç,
Tantfuffent eflongne?ny reculeçjdcsyeux,
Il n'y auoit montagne , oupendante vallée,
Oudefiert,ou forefideverd emmantelée,
Ousrocher fi pointu qui neffentife la main
et la barbare voix de l'auare Germain.
Olfielpoignant creue*cur] Cefte complaintçeft imitée de celleque>fajt Virgile pour Gallus.
2»< nemora aut^u'i^lios faltH hahuere ,puell*
Naiades , indigna cum Gallus amore periret?
Oa bien-de celle que fait Mopfé fur là mort de Iules Cefar.
Extmttum NymphaitrudeU funere Daphmm ->
Elebanf.lioscorylitejtes tjtflumina Nymphe,&c.
la blonde ieunefe]\l entend les Allemans.quipafferenten France contte Charles IX. bien que Henry II.' fdn
pere eut entrepris le voyage d'Allemaigne fi fafcheux & fi pénible pour la dejfcnfedc leur liberté- contre l'Em»
pereur Charles V, J{bm] C'eft vn fleuue aflèzrenommé, qui paflè parle milieu de l'Allemaignc. loire]C'e&
/S«. Voyez Euftarhius fur Homère. Faunes ] C'eftoient des Dieux champeftrcs/olaftres ,au poffible, qui ppuuoient
apporter de grandes incommoditez aux fruits dc la terrequand il» vouloient. VôiU pourquoy Virgile-
les înuoque en fes Geprgiques.
Et "vos *gr(ftt*mjrafentia mmina Fauni,
. r i / o
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Ferlefimul Satyrfque pedtm Dryadefaue puelléc:
Mutera liefha cano.
E C L O G V E L - yH
Pans] C'eftoient des Dieux champeftres. Mais les anciens en ont misvn fouuerain par deffus toutes les
autres Deitez des champs,!cqueUls faifoient Dieu de toute la Nature.Voila pourquoy ils luy donnoient le nom
vniuerfcl déroutes les chofes, p«r. Emmantelee] Pour, couuerte ou tapiflee.
le mot Latin , car il s'appelloit en cefte langue , Germamctu.
Germain] Allemand: c'eft
Les herbes commençaient à croifire par les Chaffa loin de nosparcs la peur y le foucy.
rués, Et pource , tous les ans à iours certains de
Oifiuespar les chapsfie rouilloient les charrues: fefies
Car la terre irritée y dolente de voir Donnons repos aux champs , à nous y à nos
Ses fils s'entre-tnerjeur nioitfin deuoir, befies,
et en lieu de donner des moiffons abondantes,
Ne pouffoit que chardons y qu'efjines mor-
Luyferons vn Autel toutpareil qu'à Iunon,
St long tempspar les boisfiera chantéfen nom.
dontes. Les bois le chanteront y les creufes vallées,
Voire,yfidu haut Ciel quelque bon Dieu
n'euft mis
Et les eaux des rochers contre-bas dénotées
Le diront à l'enuy, y Ecloo qui l'oirra
Vn remors vergongneuxau cjur des ennemis,
La France eftoitperdue',fafa terre couuerte
Sifouuent rechanter,fouuent le redira.
II n'y aura fioreft où fion nomfiur l'eforce
Aller en autrepart implorer autres Saints. J^n]y aura'Bergerfoit qu'au matinil meine,
Mais a;»BoVRBON quiprend fa celéfie Soit qùilrameine aufioirfion troupeau porteorigine
laine,
Du tige de nos Roys,& vneC AT H ERIN E Quifingeant y penfiant y ffaiffant vn diff-
Ont rompu le dificord,y doucement ontfait cours,
Que Mars, bien que grondant,fie voitprisy Que d'elle feulement efi venu fion fecours,
desfiait. Ne luy verfie du miel, & qu'ilne luy nourrifffe
Cefie Nymphey Royaie, y digne qu'on Apart dans vneprée vne blanche geniffe:
luy dreffe Ne luy fiacre aux iardins vn Pin lepins efiaisl
Des autels tout ainfi qu'à Talés la Deeffe, Vn ruiffeau lepins clair ,. vn antre leplusfiais,
La première nous dit : Pofteurs , corne deuant Et luy offrantfies vuuxjhautement ne l'appelle
Defgoife? vos chanfions & lesjoue^au vent,
Et auxgrandesforefisfi longuement muettes
R'apprene^les accords de vos vieilles mufittes,
St mene^defirmaispar lespre^ vos taureaux,
La mère de nos Dieux la Françoifie Cybelle.
O Bergère d'honneur, lesfiaules nefiont pas
Aux aignelets fiéure?fi gracieux repas,
Ny le Printemps n'eft pointfi plaifiant aux
St dorme?fieuremétfions lefrais des ormeaux. fleurettes,
Elle nous rebailla n os éhamps & nos bocages,
Elle nousfit rentrer en nos premiers herbages,
Ny la roflée ouxpre?, ny les blondes auettes
N'aiment tant à baifier les rofies fa le thin
Et nospremiers Courtils,& d'vnfiont adoucy Que i'aime à célébrer les honneurs de CATi N.
MARCASSVS.
Vn Bourbon ] C'eftoit Louys de Bourbon Prince de Condé. Catherine] Catherine de Medicis Royne- Mère.
HjtppreneTfes accords] Cecy eft imité delà première Ecloguc de Virgile.où fous le nom de Tityrc il raconte la
counoifie qu'Auguftc luy fk,de le remettre en fon bien.
Hic mthi reftonfum prtmw dédit ille petenti :
Pajcite,~ytantè , boues ,ùueri, fubmittitetauros.
Echo ] C'eftoit vne belle Se ieune Nymphe fille dc Iunon,quc fa merc changea en voix pour la punir de fon
babil,dont clic l'cntretenoit à toutes les rencontres qu'elle efpioit lupitcr,afin qu'il euft le moyen dc faire fauuer
les Nymphes, auec lefqucllcs il prenoit fon plaifir. Voyez les Metamorphofcs d'Ouide. Vne gemjfe^ Pour luy
fâcrificr. Ainfi dans Virgile Menalquc veut faire le mefme à Pollion,quand il dit :
Pollio w ipfe facit nouacarmma -.pafcite taurum
Iam cornu petat ty pedibus qui fiargat arenam.
ÇybeUe] C'eftoit la mete dc tous les Dieux qu'on appelloit dc diuers noms.Ops, Terre, Ifis, Cerés.
Vu u iij
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1
f^Ss ' E C L O
Angelot.
Quand le bon H E N R I o T par fiere defti-
née
x^uant la nuiét venue accomplit fia iournee,
Nos troupeauxpreuoyans quelquefutur dan¬
ger,
Languiffoient par les champs fions boire ny
manger :
]t befians y crions y tapis contre terre,
. Abominant
Gifioient comme frappe-^ de l'eficlat du ton- s
nerre.
Toutes chofes ça bas pleuraient en defconffort:
Le Soleil s'en-nua pour ne voir telle mort,
Et d'vn creffie rouillé cachaflatefie blonde,
la terre en vices fiffeconde.
Les Nymphes l'ont gemy d'vne piteufè
vois,
$Les antres l'ont pleuré, . les roéhers & les bois:
Vous leffçaue?,forefts>qui viftes es bocages
Les loups mefme le plaindre y lestions fiau- '
uoges.
Ce ffut ce H E N R 10 T qui remply de
bon-heur
Remifi des Dieux bannis lefiruice en honneur,
Et fie monftrant des arts leparfait exemplaire
Efieua iufquau (Jiel lagloire militaire.
Tout ainfi que U vigne efi l'honneur d'vn
ormeau,
Et l'honneur de la vigne efi le raifin nouueau,
Et l'honneur des troupeaux efi le bouc qui les
meine,
Et commeles efj>ics fiont l'honneur de Uplaine,
Et comme les fruits meurs fiont l'honneur des
vergers,
G V E L
Ainfi ce HENRïOT/tff thoneur des Bergers,
Quantes-ffo'vs noflrefoc depuis fa mon
cruelle
iA fendu les gnerets d'vnepeine annuelle !
Quin ont rendu finon en lieu de bons eflpics
Quynraie,quaubifioin, queponceaux inutils !
Les herbes parfit mort perdirent leur ver¬
dure,
Les rofes y les lis prindrent noire teinture,
La belle Marguerite enprifi trifte couleur,
Et l'nillet fiurfla fueille efiriuitfion malheur;
Tafieurs , en fiafaueur feme% defleurs la
terre,
Ombrage^ les ruiffeaux depampre & de lierre,
Et dega?ons herbus en toutefaifon verts
DreJ]e?-luy fin fepulchre y y graue% ces
vers,
MARCASSVS.
L ame qui n'eut iamais en vertu fon éga¬
le,
Icy laifla fon voile allant à fon repos :
Ghefnes , faicles ombrage à la Tombe
Royale,
Et vous Manne du Ciel tombez deffus
fes os.
O Berger Henriot., en lieu de viure
en terre
Sanglante de diffeord, de meurdres y deguer¬
res ,
Tu vis là haut au (Jiel, où mieux que parauant
Tu vois deffous tes pieds les afires y le vent,
Tu vois deffoustespieds les afires y les nu'és,
Tu vois l'air fa la mer fa les terres cognuës,
Commevn Angeparfait defliéduffoucy,
Etduffardeau mortel qui nous tourmente icy
fi*»gel°\ ] C'eftoit le Duc d'A njou , duquel nous auons parlé auparauant. Henriot] Il entend Henry
IL duquel il chante vn chant funèbre, que les Grecs nommoient Kb*«JW. U eft prefque tout imité de celuy de
Iules Cefar , fous le nom de Daphnis dans Virgile. Nos troupeaux ] Virgile donne ce mcfmc reflentiment de la
mort dc Daphnis aux troupeaux en ces vers.
Nonlilli paftos tllk egere diebwt
Brigida Daphni boues adfiumina : nulla neque amnem
Libauit quadrupes,necgraminis attigit herbam.
S'en-nua] C'eft vn mot que Ronfard a fait pour dire , fc cacha d'vne nue. Et cTyn crefbe roUillé] Il a voulu
exprimer le regret que le Soleil en eut , comme de la mort de Iules Cefar dans Virgile , fur la fin du premier litire
des Gcorgiques : ° r
Itte etiam ( parlant du Soleil) extmBo miftratm Cafare tJPam,
Cum caput obfcura nitidum ferrugine texit,
Impiique Aternam timuerunt fiecuïa noétim.
CreprcuiU/]inyoa\ncxpdmctccsmots,obfcura ferrugine, les Nymphes] Ainfi dit Virgile de Daphnis: ,
Extmttum Nympha crudeltfuture Daphnim '*
Plebant:-\oscoryliteftes£rflnmin*NympbU.
la loups] Le mefme dc Daphnis.
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E C L O G V £ t: ^
Paphnt, tuum Pxnos ctiam ingenuiffe leones
lnteriti m , montéfque fcrifyluxque loquuntur.
Tout ainfi que la liigne ] Ces vers-cy font de Virgile fur la mort dc Cefar^
Vttis "Vf arbonbus decori eft, "Vf Intibtu "ru*t
Vt gregibus tauri , fegetes "Vf pinguibus aruii :
Tu dectis omne tuis. Poftquam te fata tulerunt,
Ipfa Pales agros atque tpfe reliquit ^fpollo.
Nous les auons traduits ainfi dans lesTJucoliques de Virgile.
De mefme que la liigne eftf ornement plus rare,
Dont pour fe fairelioir Imbel arbre fe pare,
Q.ue l'honneur de laliigne eft leraifinmeury,
Des troupeaux le taureau , des champs le bkdfleury \
i/finfi,mon cher Daphnis , ta 1/ertu nompareille
Tefit eftre des tiens la plus rare merueille.
Depuis que le Defiin ennemy de nos biens
T'eut rany de ce monde augrand regret des tiens,
Paies abandonna les campagnes femees,
^Apollon les quitta quoy qu'il les eut aimées,
la tnfte Marguerite] Il fait allufion delà fleur aunom delafnutdc Henry II. qui fut grandement affligée
de la mort de fon frère. Pafteurs ] Encore cecy eft imité dc Virgile , quand il dit, parlant de Daphnis qui
eftoit mort:
Spargite humum folijs , inducite fontibus~vmbrM,
Paftores : mandatfieri fibi talia Daphnis,
Et tumulum facite ejr tumulo fuperaddite carment
Daplmitego m fyliiis bine "vfqite ad fydera notus,
Formofi pecoris euftos formoftor ipfe.
Au refte , on faifoit ces ombrages, parce qu'ils croyoient fermement que les âmes des Demy-Dicux habitoient
ces lieux folitaires & frais.
O belle orne royalle au (Jiel la plus hauffée, De leurs fiurgeons ondeux qu'H ENRIOT eft
Qui te mocques de nous y de noftrepenfiée,
Et des appas mondains qui toufiours font
vn Dieu.
Soispropice à nosv le tefferay d'ynoire
fèntir Et de marbre vn beau Temple au riuage de
Apres vn court plaifir vn trefilong repentir. Loire,
lAinfi qu'vn beau Soleil entre les belles Oùfur le mois dAurilaux iours longs &nou?
ornes,
Enuironné d'efilairs, de rayons fa défiâmes,
Tu reluis dans le Ciel, y loin de toute peur,
ueaux
Jefferay des combats entre les Paftoureaux
Ajouter, à luiterfiur l'herbe nouuelette,
Fait Ange , tu te ris de ce monde trompeur. Pendant auprochainpin leprix d'vne mufiette.
Où tu es, le Printemps neperdpointfia ver- Là fiera tonlxnoT,qui chantera tes
dures
Vorage n'y efipointJe éhaud ny lafroidure,
faits,
Tesguerres, tes combats , tes ennemis desfaits,
Mais vn air pur y net, y le Soleil aufoir Et tout ce que ta main d'inuinciblepuijfance
Comme icy ne fie laiffé en la marine choir. Offa pour redreffer la houlette de France.
Tu vois autresfiorefisju vo'u autres riua- Or adieu grand Verger : tant qu'on verra
ges,
Autres plus hauts rochers , autres plus verds Souftenir lespoiffons,& le vent les oifeaux,^
bocages, N ous aimerons ton nom,fa par cefie ramee
Ues Ues eaux
Autres pre?plns herbus , y ton troupeau tu D'âge en âge fuiuant viura ta renommée,
pais Nous ferons en ton nom des Autels tous
D'autresplus bellesfleurs qui ne meurent ia-
mais.
les ans
Verds dega?ons de terre,y comme aux Egi-
Et pource nos fiorefis , nos herbes y nos
plaines,
pans,
Aux Faunes,aux Satyrs,tefierons fiacrifice:
Nos ruiffeaux fa nos pre?, nosfleurs fa nos Ton P E R R o T lepremier éhantera lefleruice
fontaines En longfiurpelis blanc, couronnéde cyprès,
Se fionuenant de toy , murmurent au milieu Et aufin du cornet nous ferons aux forefts
Vu u iiij
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'7$8 ECLOGVE I.
Apprendre tes honneurs , afin que ta loùon- Plusforte quelamortfleuriffanteen tout tïps
££ rpar cesgrandesfforejts commefleurs au Prin-
Redite tous les ans,par les ans ne fe change, temps.
MARCASSVS.
Efi-\nDieu] Virgile donne le mefme traiétdeflaterie à Augufte, touchant fon pere:
Ipfilatitialioces ad fydera taBant
Intonfi montes : ipfit iam carmma rupes,
Ipfa fonant arbufla : Deus Deut ille, Menalca.
Soispropice] Encore cccy,& le deffeinde ce Temple eft pris à l'imitation dc Virgile, quand il dit,parlanta
Daphnis : '
Sis bonus$ , felfxque tuis. en quattuor arat :
Ecce duos tibi Daphni , duoque altaria Phibo.
Tant qu'enverra] Le mefme dit Virgile de Daphnis enecsvers:
Dum iuga montis aper , fiuutos dum pifeis amabit,
Dumque thymo pafeentur apes , dum rore cicada;
Semper honos , noménque tuum laudéfque manebunt. f (
Egipans ] Ce font les Pans mefmes , ainfi appeliez à caufe qu'ils ont les pieds dc cheurc ; & «,£, fignific vne
chéure.
Nauarrin. Les proceTfn auoient lieu, laguerre ny l'enuie.
Les vieillardsfans douleurfertoient de cefie
Que ne retourne au Monde encore ce bel vie
âge Comme enfionge, y leurs ans doucementfinif
Simple,innocent & bon,où le meffehant vfage
Del'acierfa duflern'eftoitpoint en valeur,
floient,
Ou mangeant de quelqueherbe ils fie raieuniff-
Trop enprix maintenant à nofire grand mal- fiaient :
heur? 1amais du beau Printemps la fiaifionefimaillée
Ho i belâge doré, où l'or n auoit puijfance! N'efioit ( ainfi quelle efi)par l'Hyuer défi
Maisdorépour-autant que lapure innocence, po'ûiUée.
La crainte de mal-foire, & lafimple bonté Toufiours du beau Soleil les rayons fe
Permettaientaux humains de viure en liberté. voyoient,
Les Dieuxvifiblementfie preffentoient aux Et toufiourspar les bois les Zephyresfoyoient!
hommes, Toufiours le rojfignol chantait par la verdure:
St Tafleurs de troupeaux par ces champs où
nonsfimmes
Tous ces vilains oifiaux dabominable augure,
Orfiayes fa Chouans qui font huppe? au
kAu milieu du beftail ne ffaiffoient queffauter, front,
apprenant aux mortels le bel art de chanter. Sur le haut des maifions ne chantoient comme
Les bdufs en ce temps-là poiffons parmila ilsfont.
plaine
L'vn a l'autre parloient , y d'vne voixhu-
La terre par le Qelencor n'eftoit maudite^
Sonfein ne produifoit encores l'Aconite,
moine, *- Vitrioli Arffenic, ny tous ces végétaux,
Quand les malheurs vençient ,predifioient les Ny le prompt Argent- vif, principe des me-<
dangers, Uux>
Etfferuoientpar les champs d'oracles auxBer- Ny tout ce que Pluton cache en flonpatrimoi-
&rs'
Jl ne regnoit alors ny noife ny rancune,
ne,
Ny desfortespoifons l'exécrable Antimoine:
Les champs n efioient borne^, & la terre corn- Mais Myrrheprecieufie, & l'Amome qui fient
mune,
Sonsjemer,nyplonter,bonnemere,opportoit
Si doucement au ne^yleBaflne&l'Encent:
Chacun fi repaiffoit deffous les fiais ombrages
Lejrmélqui deffoy-meffmeheureufemcntfer-
mt:-
Oudelaia,oude glanAu défraies fiauuages.
Car lebuf laboureur, après auoirffué
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ECLOGVE L ^
[omme ilfait fous lejoug,pour lors n'eftoit tué; Maintenant on ne voit que Circes, que
Ny la fimple brebis, qui nos vefiemens porte, Medées,
Aux eftanx des bouchers au croc ne pendoit Que Cocus eshonte?aux mains outrecuidées,
morte; Que

; La
79o E C L O G V E L
4
««*>« «iroft 1 Cefte comparaifon eft prifcdc Plaute,chez qui vn maiftrc s'interrogeant à vn autre d'vn CcrJ
tain efcornffleur , dont il fc vouloit feruir,& luy demandant, Q»'t*l eum mamfifto tentsiL autre reipond,^»,&
e), elabtttir. Voyez les Commentaires dc Cafaubon fur ce Prouctbc , qui eft au premier liure d Athencc , .^g;
/] mefouuientvn iour qu'aux rothers de
Beart
Tallay voir vne vieille, ingenieufi en l'art
D'appeller les effirits hors des tombes poudreu-
Delà Gaule aimeront les Pafleurs Nauarrois,
Toufiours leurs gras troupeaux paifiront fiur
les montagnes,
Lefroment iaunira parleurs blondes campai
ffes,
D'arrefter le Soleil ylesfeurces ondeufes,
gnes,
Et n'auront iamais peur que les proches voi¬
Et d'enéhanter la Lune au milieu deflon cours, fins
Et Changer les Pafteurs en tigres y en ours. Emportent leurs moiffons ou coupent leurs rai-
Or elle preuoyant par magique figure
Quela bontéfaudroit en lafaiffonfuture,
fins.
Pource,ieune Berger,il tefaut dés enfance
Me conduit dans vn antre, où elle me monftra Aller trouuer C A R L I N legrandPafleur de
Un tableau qu'à main dextre attaché ren- France :
contra, Taforce vient de luy. Lors fiùyuant mon De-
Et le liflant m'apprifidés enfance à cognoiftre ftin
Le grand Pan des Bergers de toutes chofes En France ie vins voir le grand Tafteur
maiftre: Carlin,
Me monftra mille maux en cefie table efferis, C A R L i N que i'aime autant qu'vne verA
Dont les hommesfervient en peu de tempsffur- meiUeroffe
pris:
Aime la blancloe main de celle qui larrofe,
guerre , le diffeord, mainte feéte diuerfie, Que lesprez les ruiffeaux, les ruiffeaux la veA
Et te monde eferanlétomber à la renuerfie. deur:
Mais pren eaur(ce diffoit ) car tant que les Car defen amitiéprocède ma Grandeur.
grands Rois
MARCASSV;
îeart] C'eft l'extrémité de laFrance du collé d'Efpagne. D'arrêter le Soleil] Les anciens croyoientque eti
forciercs par dc certaines coniurations pouuoient arrefterle Soleil, faire defeendre en terre la Lune, & mille
autres chofes qui furpaffent le pouuoir humain. Si tous les Poètes n'eftoient pleins de ces exemples, l'en
mettrois icy. Pan] Il entend le Roy Charles IX. Selle] L'hcrefic, qui caufa durant fon regnetant de
mauxpar toute l'Europe. Carlin] Charles IX.
Guifin.
Houlette qui foulois es plaines ldumées
(Jomme troupeaux range^coduire les armées,
Qui as régi Sicile y les monts Qalabrois,
Et la ville, tombeau dela Serenevois,
Maintenant ie te tiens de pere en fils laiffée,
Qui, dure , n'as efiépar les guerres cafiêe,
Et qui dois gouuerner encore deffous moy
Les troupeaux ^Carlin mon Pafleur &
mon Roy.
Icy lesgrandsforefis que les ans renouuellent,
IçyCARLl N, icy lesfontaines t'appellent,
Les rochers fa les pins, y le Ciel qui plus
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Se tournepour complaire à ton règne nouneaui
Totitetloofe s'efgayeàto belle venue,
L'air nefi pins attriftéd'vnefafiheufi nue,
La mer rit enfesflotsSans foufles efi le venu
Et les afires au Ciel luiffent mieux que de-<
uant*
O grandPafieur C A R L I N,ornement de
nojtre âge,
pfofie-toy d'allervoir tonffertil héritage,
Enuironne tes champs y conte tes taureaux}
Et entens déformais les v des Taltou^
reaux. |
Catherine ta mère à ta maindextreaffiffe,
D'vn voyagefi beau conduira l'entreprife^ 4
.^LÎLfh^Pdferpar tes villes, ainfi ,

Quepaffejarle Ciel vn bel aftre efilairci.
L'honneur y la vertu iront deuant ta
face,
Lesfleuuesjes rochersJes bois te ferontplace,
St le peuple joyeux, en chantant,fimera
Tous les chemins de fleurs où tonpied paffera :
Cartu es cey and Roy quêtant de deftinées
Nouspromettaient venir après longues années
Pour gouuerner ta France , y pour eftre le
Roy,
Mais pluftoft le Reéteur despeuples fa de toy.
On dit, quand tunafiquis, que les Parques
fatales ,
Ayansfufeaux égaux & quenouilles égales,
Et nonpas le filet fa la trame, qui efi
T>e diuerfie façon tout ainfi qu'il leurplaifi,
Iettant fur ton berceau àpleines mains déclo-
fes
Des sillets,fa des lis,du fiafron & des rofies,
Commencèrent ainfi: Charles qui dois
venir
Au Monde,pour le monde en repos maintenir,
2t quipar le Defttn en France deuois naifire
Pour eftre des gtands Roys le Seigneur y le
Maiflre,
Enten ce que Themis au viflage ridé
Sur nos fufeaux d'airain a pour toy deuidé.
Durant ton nouueau règne ( auant que l'â¬
ge tendre
Laiffé autour de ta léurevn cref^e d'or effon¬
dre)
L'ambitionJ'erreur, la guerre y le diffeord
Par les peuples courront, images de la Mort :
ECLOGVE L
i
MARCASSVS
in
Onfiera pour tenir les villes affeurées,
Desffoffe?, des rempars, des ceintures mu-,
rées,
Et l'horrible canon parle fioulphre animé,
Vomira de fia bouche vn tonnerre allumé.
On fiera des râteaux des poignantes efiées*
Les ffaucilles feront en lames détrempées,
L'auantureux Nocher, d'auarice conduit,
Ira voirffous nospieds l'autre Pale qui luit.
D'autres Tiphys naiflront, qui pleins de har-
dieffe
Efiiront par la France encore vne ieuneffe
De Cheualiers errons dans %*Argon enfer¬
me?:
Encores on voirra des Achilles arme?
Combattre deuant Troye , y les riuieresplei- \
nés
De carcaffes de morts rougirparmy lesplaines.
Mais (îtofi que lésons en croiffant t'auront
fait,
En lieu d'vn iouuenceau, homme entier y*
parfait r
Lors laguerre mourraJes harnois &les armes; \
Les querelles mourront, les plaintes y les lar*
mes, f
Et tout ce qui dépend du vieil Sièclefferrê
Senfuira, donnant place au bel Age doré.
Les hommes reuoirront lesDieux venir en
terre:
Le Ciel,fans plusffarmer d'vn grommelant
tonnerre,
Sans pins faire la grefie y la neige couler,
Fera deffur les champs la Manne diftiller.
Guifm 1 C'eft Monfieur de Guifc. E\ plaines ] A caufe de Godeftoy dc Bouillon dont il defccnd,qui con-
quift la Terrc-Sainde. Sicile ] Il y a eu des Roys dc Sicile des defeendans dc Godefroy. Calabre ] C eft
vne Ifle non guercs loin dc Sicile. Delà Scrcnetoix] Il entend Naples,auttemcntParthenopc,ainfinommco
d'vne Sirène dc ce nom. qui y a efté enfeuclic. Pétrone parlant- de cefte ville dit:
Sirenâmque domos.
icy Us grands forefts] C'eft vne imitation delà première Eclogue de Virgile.
ipfa te,Tityre,pmw,
Ipfi te fontes , ipfa hac arbufta Itocabant. t
Hafictoy] Parcequ'il dcuoit faire le tourde la France auec la Roync-Merc. Themis] Ccftoit laplus an¬
cienne Deite, & qui première rendit les Oracles, Deeffe delà Iuftice. l'autre Pôle] L'A ntar&iquc, pour al¬
ler aux Antipodes. D'autres Tiphys ] De nouueaux Pilotes. Car Tiphys eftoit le gouucrncur du Nauire des
Argonautes. Cela eft imité dc Virgile:
^Clter erit tum Tiphys , cr altéra qua liehat ^

79î
ïlirit l^U iMfirfHala liiYum te fecerit atas,
Cedei eripfe maril>éÛor,neC nautica pinus
Mutahit menés : omnis fetet omnia tellus\
Lespins,vieux compagnons desplus hautes
montagnes,
En nàuires creufie? ne voirront les campagnes
De Neptune venteux i car fans voguerfi
loin
La terre produira toute chaffefans foin;
Mère qui ne fera comme deuantfferu'ê
De râteaux aiguifiz,ny defie de éharruë:
Car les Shamps de leur gré, fions taureaux
I mugiffans
, Ira
Sous lejoug, fe voirront defroment iauniffans.
Les moiffons n'auront peur desfaucilles voû¬
tées,
Ny l'arbre de Bacchus desfirpettes dentées :
Car toufiours par les pre^" l'ondoyant ruiffetet
coulant de vin,de neétar & de laiéî.
Le mieldiflillera de l'eficorce des éheffnes,
Et les rofies croiftrontfuries branches desfreff
nés:
Le bélier en paiffant au milieu d'vn prévert,
E C L* O G V E L
MARCASSVS.
Se voirra tout le dos d'efiarlate couuert,
De pourpre l'aignelet,falabarbe deschéures
Deuiendra finefoye à l'entour de leurs léures :
Les cornes des taureaux deperles, fa èncor
Le rude poildes boucs iauniradefin or.
Breftout fera changé& le monde difforme
Des vices d'auiourd'huy , prendra nouuelle
forme
Deffous toy qui croifiras pour auoir ce bon¬
heur,
Des râteaux ] Cecy eft encore imité dc la mefme pièce dc Virgile ;
Non raftros patietur humus , non 1/inea falcem.
l{obuftus quoque ïamtaurk mga foluet arator.
Dis chefnes ] Virgile dit encore cecy au mefme lieu.
Et dura quercus fudabunt rofeida mella.
te bélier] Il dit encore le mefme.
Necliarios difeet mentm lana colores,
Ipfifid in pratit aries iam fuaue-rubenti .
Murice , iam croceo mutabit lieltera luto.
Sponte fiia fandix pafeentes lieftiet agnos.
Margot.
Soleilfeurce deffeu, haute merueille ronde,
Soleil, l'ameffefirit,l'il Ja beautédu Monde,
Tuas beau t'éueillerde bon matin, y Choir
'Bien tard dedans la mer, tu ne fiçaurois rien
voir
Pins grand que nofire France : fa toy Lune
qui erres
Maintenant deffnr nous, maintenantfions les
terres,
En errant hauty bas tu ne vois rienfigrand
Quenos Roys, dont lefang de Iupiter défend.
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O P R i N C E bien-heureux,d'efirefingouuer-
neur.
x^Ainfi fiur ton berceau ces trois 'Parques
chenues
Chantaient,qui toutfloudain volèrent dans les
nues :
Et alors les Pafleurs en l'eficorce des bois
Grauerent leur chonfion , afin que tous fô
mois
Auxflûtes des Bergers ellefuft accordée, r
Etparmy lesforefts dans les arbres gwdee.
Jl nefaut point vanter cefie vieille Arca¬
die,
Ses rochers,flesforefis, encore quelle die
Que fes Pafleursfiont nai?^auant que le froif-
flont
FufiouCiel,commeil efi, de nuiél apparoiff-
ffant,
LoFrance lafurpaffe en antresplusfiaumges,
SntaiUis,enforefis,enfeurces, en riuages,
En Nymphes y en Dieux, qui béninsfont
contents
Deffe monftrer à nous y nous voir en tout _
temps. j
Obieti

ECLOGVE I. yn
0 bien-heureufe France abondante fafer-
tile !
Si l'encens,fi le bafime en tes éhamps ne diftile,
xAu vmu des laboureurs d'vffure redoubléf
Que dirons- nous d'Anjou, y des éhamps
de Touraine f
Si l'Amome Afien en tes vergers ne croifi,
Sit'Ambrefiur les bords de ta mer napparoïfl :
T>e Languedoc, Prouence,où l'abondanceplei-
ne
lAujfile Chaud extrêmefa la poignante glace De fiUon en fillon fertile fie conduit,
Ne corrompt point ton air : y l'orgueilleufè Portant fia riche corne enceinte de beaufruit f
race Que dirons-nous encor de cent mille riuieres
Des Tigres , des Lions, arme?^ d'ongles tren- Qjù leéhent les rempars de tant de villesfieres,
éhans, Dont lefront nousfaitpeur en allant au mar-
Comme ilsfont autre part , ne gafie point tes éhé,
cloamps : Tantil efi dans le Cielfiuperbement caché ?
Ny le venin boueux des fils de la Gorgonne C'eft celle bonne mère en fiemenceféconde,
Tes iardins ny tespre?jiy tesfleurs nempoi- Dont legerme aproduit les miracles du monde,
fionne,
Ny l'Aconit , enflant de l'infernalportier,
Ces braues Cheualiers aux armes prompts &
chauds,
Qui croififiur les roéhers , ninfieéle ton quar- Ces Trifions,ces Ogers , ces Rolands , ces Re-
tier. naulds,
Que dirons-nous d'Auuergne, en montai- Et cegrand Charlem a igne,& Martel
gnes qui hauffe
Sonfront iufiques au (fiel, de Champagne fa de
qui deuore
Les ans parfion renom: fa toy Charles
îieauffe f encore
Vvne riche en troupeaux Jes deux autres en Qui crois pour deuenir lafflédeur de nos Rois^
blé Afin que toute Europe aille deffous tes lois.
MARCASSVS.
Margot] C'eftoit Marguerite DuchefTe dc Sauoye. le fang de Iupiter ] Les Poètes ont appelle les Roys
après Homère, enfans dc Iupiter, ou lupiters mefmes , humanos loues. ^treadte ] C'eft vne région du Pcloponefè,
fameufe pour l'excellence & la magnificence des Bergers & la bonté des pafturagcs. Les habirans de
cefte contrée fc difoient plus anciens que la Lune. o bien-heureufe France] Ces louanges de 1a France font
imitées dc celles que donne Virgile à l'Italie en ces vers:
Sed nequt Medorum fylua , ditifiima terra,
Nec pulcher Ganges , atque auro turbidut Hermus
laudibuf Italia certent, non Bâtira, neque Indi,
Totâque thurtfer'u Panchaia fmguis arenis,
Mac loca non tauri ftirantes naribm ignem
Inuertere , fatis immams dentibws Hydrt.
Et ce qui s'enfuit.
^¤t rabida tigres abfunt, ey fatta leonum
Semina , nec miferos fallunt aconita legentes :
Nec rapit immenfos orbes per humum, nequetanto
Squammetu m ftiram trallu fi colligtt anguis.
Des fils ] 11 entend le venin des ferpens, De l'infernal portier ] De Cerbère, qu'on croit de fa baue engen¬
drer l'aconit,poifon mortel. ^/Cuuergne] C'eft vne prouincede France fort montagneufe. Entroufeaux]
L'Auuergne. Les deux autres] LaBeauflè & la Champagne. Corne] U fait allufion à la Corne d'Amalthéc,
où la fertilité de toutes les chofes du monde eftoit. Lèchent ] Celle tranflation eft prife des Poètes La¬
tins qui difent que les riuieres lèchent les murs ou les riues, lambunt. CesTnftans] Ce dénombrement des
braues Caualicrs François, eft à l'imitation de ceux que Virgile loue , parlant de l'Italie en ces vers:
Bac genm acre "vtrûm , Marfos , pube'mqut Sabetlam,
^fjfuetumque malo Ligurem , Volfcofque "rerutos
Extulit : hac Decios , Martos , magnofqut Camitlos,
Sctpiadas duras bello, cr te maxime Cafar,
Qui nunc extremis ^

*94 ' ECLOéVEL'
_
Cefi la mère fertile abondante en la race^ Qui court àgrandefoule, à fin défaire hon-
D'hommes , mafies efjrits , qui deffdaignant la
neur
A ce fane de V A L o I s qui caufe leur bon¬
maffe
De la terre brutale,ontpoufféinfiqu'aux(Jieux
Non ffeulement le cdur, mais lefoin & lesyeux
Aux afires attache? par la Thilofiophie,
Et dugrand Iupiter ontgouftê l'Ambrofle:
Vn Turnebe/vn "Budé/vn X)atable,vn Tuffan,
heur.
Que dirons-nous encor de la Maifion de
France f
Si vn panure Pafteurfi lamente enfiouffronce,
S'il a perdu fies b,ufs, s'il eft mangédes ours,
Et toy diuin Daurat, des Mufes artisan,
®uï1>remier, amoureux de leur belleWeuff-
"^ -
uame,
Tar les outils des Grecs defionpas lafontaine
D' Helicon,ypremier aux François as tour¬
Cefte noble Maifion eftfeule fion ficours,
Luyéhaffe loin de luyfi honte miferMc
Luy redonne fies b:ufis,fis champs, fa fion
efiable,
Ouïefiait d'eftranger dômeftique Pafleur,
Luy ofte de l'efirit lafiombre pefianteur,
né
Permeffe en l'eau de Seine au bord non cou¬ Le rend riche &gaillard y luy apprend à dire
ronné ,
>De Lauriers comme Eurote , oins d'hommes,
| dont l'enclume
A forgé tant d'efirits par l'outil de laplume.
Parles hautesforefts les éhanfons de Tityre.
Làfleuritla vertu, l'honneury la bonté,
La douceury eft jointe auec la grauite,
Le defir de louange & la peur d'infamie,
'^Adioufle^ afion los tant de Palais 'dore?^, St tout ce qui dépend -de toute prend%mie%
Tant de marbres polis à force elaboure\, Là les pères vieillards en barbe & cheueux^
Entrailles des roéhers , quifiont par artifices
Maintenant l'ornement des royaux édifices.
gfi*
Conduifint leurs enfanspoury efire nourris,
loignez àfia richeffe y l'vne y l'autre mer Etpour mettre vne bride à leur ieuneffe folle:
Qui viennent aux deux coins de la France eff- Carde toute vertu la Cour efi vne effcolle.
cumer, " Ie te ffalu'è,heureufe y féconde Maiffon, i
Etgroffes de vaiffeaux apportent en trafique Quifleuris en tout tempsflans perdre taffaij
De bien loin à nos bords la nouuelle Amérique. ' fon
Adiouftez d'autre part tant d'arts qui font
meilleurs,
Engraueurs yffondeursjmagers & tailleurs :
Adioufte?la mufique, adioufle?la peinture,
Mère de tant de Roys,mère de tant de villes, J
D'hommes,havres &ports, y prouincesffer-\
tilles. " 1
Voire tons les prefiens que la riche Nature
Le bon-heur te conduifie, y iamais le diff-\
cord
Et le Ciel plus bénin ont versé de leurs mains Nepouffe tes Bergers au périlde la mort :
Pour embellir la terre & les pauures humains.
Quelle Mufie pourroit égaler tes mérites f
C'eft toy qui as nourry deux belles M A R-
GVER1TES,
Mais vnis d'amitiépuiffent deffur leur tefie
Des ennemis vaincus rapporter la conquefte,
Etpuiffent en tons lieuxfi monftrerfiruiteurs
De leurT rince C A R L ï N le maiflre des Pa-
Qui paffent d'Orient les perles en valeur :
L'vne vit dans le (ici exempte du malheur
Que cefiecle a roiiiliédefiÛes y de noifies,
Ayant régi long temps les terres Nauarroifieurs:
Afin quepour iamais nofire France reffemble
Aux troupeaux bien-vnis qui feferrent en¬
fiemble.
fies.
L'autre prudente yfiage y ffeconde Pallas,
Fidèle àfion grandDuc, embellit défis pas,
Les hauts monts de Sauoye , y comme vne
Deefie
Marchepar le Piedmot au milieu d'vnepreffe
Toufiours ta terre foit abondante en froment:
La nielle, quelair en efié va formant,
Ne ronge tes ejbics , y iamais la gelée
Nenuoye à tes brebis ny tac ny clouelée :
£a ffaminey la pefte aille bien loin de toy,
Et bien-heureufie vy deffous vn fi bon Roy.
[
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E C L O G V E L ^
MARCASSVS.
Turnebt] Homme illuftre du temps dc CharlesIX. Ledeur Royal, comme Budee,à qui nous deuons la lan*
gue Grecque en France , comme le refmoignc Buchanan par ce Diftique :
Gallica quod Graca eft, quod Gracia barbara non eft,
VtraqueBudao débet ytrumque fùo.
VataUe] Vatablc&Tufan eftoient deux grandes lumières de leur temps. Daurat] Poëte Royal,de Li¬
moges, maiflre de Ronfard. Permefe ] C'eft vn fleuue ou vne fontaine de Beotie facrée aux Mufes. Eurote]
C'eftoit vn fleuue de Laconic tout bordé dc lauriers. Virgile en parle.
qua Phmbo quondam méditante beatua
^/îudut Eurotat ttufiitque edifiewe lauros.
Tant de Palais] Virgile dit le mefme dc l'Italie.
ufdde tôt egregtas lirbes , operûmque laboresj
Totcongefta manu prarupt'i» oppida faxit,
Flumtnâque antiquos fubter labentia muros.
Vl/ne CT l'autre mer ] L'Océan & la mer Méditerranée. Virgile:
^/Cnmare quod fupraeft memorem,quodque aliutt infra ?
La nouuelle Amérique ] A la façon des anciens Poètes, il met ce qui contient pour ce qui eft contenu, l'Amé¬
rique pour fes richcUes. Marguerites ] La Royne dc Nauarrc fuur de François 1. & Madame dc Sauoye fnur
de Henry II. faniepee. Duc] Il entend le Duc de Sauoye, à qui clic eftoit mariée. Sang de ralois] Elle
eftoit dc la race des Valois. Les chanfons de Tityre ] C'eft à dire , luy apprend à chanter fon bonheur parmy les
infortunes des autres. Tityre eft vn certain berger dans Virgile, à qui Augufte donna les champs qui luy
auoientcftéoftczpar le droit delà guerre. Voyez la première Eclogue dc Virgile. Le defir de louange] Le
defir d'eftre loué Se l'apprehcnfion que l'on a de l'infamie, rend vn homme parfaitement amoureux de la vertu,
comme le tcfmoignc fort bien Ariftotc en fes Morales.
Le premier Pafteur voyageur. Car vn nombre fi grand ma mémoirefur-
monte.
L'ardeur qui la ieuneffe efichauffede louange, Mais leplusgr-and plaifir dont ie repeu mon
M'a fait errer long temps en mainte terre cur,
efirange, Ceffut quand ie cognu que ce Prince , vain-
Pour voirfi le mérite égalait le renom
Des Roys, dont l'ay cognu lesfaces fa le nom.
queur
Des hommes y defoy , aimoit tant noftre
I'ay pratiqué leurs murs , leurs Grandeurs, France
leurs Alteffes, Qu'ilfinftenoit CAR L ï TS,appuy de so enfance,
Leurs troupeaux infinis, leurs fuperbes richefi- Et qu'en lieu defiurprendre onde rouir fis bies,
fis, 'Bonfiere luygardoitfies fiuieéls anciens,
LeurspeuplesJeurs cite?,y les diuerfies lois
Dont fiefont obeyr les Princes y les Rois.
Luypreftoit fesguerriersJe couuoitfions soaile,
Tant vaut vne amitié quod elle efifraternelle,
le vypremièrement legrad Pafteurd'Sfiagne, Iamaispour ce bien-fait nepuiffes-tu,grand
Afffie à fon cofté ïapperceu fia compagne,
Qui prendfia noble race fafin efire ancien
Roy,
Sentirfie rebeller tes peuples contre toy,
DesVALOisdefiendusdu noblefiangTroyen, Et iamais en ton liéînepuiffe arriuer noifie,
Fille de H E N R 1 o T , f ^CaRLIN, Puiflque tu es fi bon à la terre Françoifè.
y fille Paffant d'autre cofté i'allay voir les ^4n-
De C AT la, le furgeon de ft noble famille, glois,
levycedemy-Dieu en Efiagne adoré, Région oppoffée au riuage Gaulois:
le le vy d'Orient tellement honoré, Je vy leur grande mer en vagues fiuélueufi,
Que pour riche prefent fonjnde luy enuoye ffe vy leur belle Royne honnefte yvertueufe:
Cent vaiffeaux tous les ans éharge^ de ianne
proye.
Autour de fon Palais ie vy ces grads Milords
Accorts, beaux y courtois, magnanimes .fa
le le njy craint , aimé, reuere, redouté, forts,
Plein d'vne ornegaillarde & d'vn cdur indoté, le les vy tons aimer la France leur voifine,
Roy de tantde troupeaux que ie n'enfiçay le
conte:
le les vy reuererCARLin & Catherine,
Ayant iuré la paix, y ietté bien-auant
X xx ij
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79*
E C LO G
La querelle ancienne aux vagues & au vent.
le vy desEfioffois la R o Y n Ejàge y belle,
Qui de corps & d'efjrit reffemble vne Immor¬
telle:
Tapprochay de fesy eux, mais bien de deux So-
teils,
Deux Soleils de beauté qui n'ont point leurs
pareils :
le les vy larmoyer d'vne claire roffée,
le vy d'vn beau cryfial fia paupière arrofiée
Sefiouuenant de France,& du Sceptre laiffé,
Et defin premier feu comme vnffonge paffé.
Qui voirroit en la mer ces deux Roynes,
ffameufis
En beauté, trouerfer les vagues efiumeufis,
Certes on les diroit à bien les regarder,
Deux Venus qui voudroient en Cythere abor¬
der.
Face bien tofi le Ciel que leur ieuneffe eff-
clofe
Qomme vne bellefleur,ne reffemble à la roffe
MARCASSVS.
V E L
Quifanififiurl'ejj>ine,ylanguiffantepend
Sa tefte y fon parfum pour néant fie refianà]
perdant odeur y teint, y grâceprintaniere,
Tour n eftre point cueillie en fia fiaifion pre¬
mière.
Quand vne tendre vigne efipendante aux or¬
meaux,
Enforce & en vigueur elle eftendfes rameaux,
Fait ombrage aux Pafleurs : maisfl rien ne la
ferre,
Sansforce &fins vigueur elle languifl à terre,
Rampe deffur la place, y d'vn brasfleftrifi-
fiant
Enfoy-mefine languifl, lemeffir'u dupaffant.
Soient donques à deux Roys leurs ieuneffis
liées
D'vn amour eternetfafin que mariées,
Roy nés,fions perdre temps, enfantent d'autres
Rois,
Tuis que leurs Maiefie% aiment tant les
François.
Tafteur d'Eftagne ] C'eft Philippe 1 1. grand-pere de noftre Royne. Sa compagne ] C'eftoit Elizabct fille de
Henry II. femme du Roy d'Efpagne. Elle mourut âgée de vingt ans.
Francus. Fille de Henriot] Fille de Henry II. De Carlin] De Charles IX.
Troyen] Parce qu'ils font ifïus de
DeCatin] De Catherine. Demi»
pieu] C'eft le Roy d'Efpagne. laune proye] D'or. Carlin] Charles LX. oppofée] Du cofté delà Nor¬
mandie ...--... - - -
Mari
premier j
Pour n eftre pomtcueiUie ] Toutes ces comparaifons font prifes de ceft incomparable Chant Nuptial dc Ca-
tulle.
Le fécond Pafteur voyageur.
La mefme ardeur degloire, y la bouillante
enuie
De voir les eftrangers3m'afiait voir l'Jtalie,
Terre graffe y fertile, où Saturne habitoit
Quand le peuple innocent deglanfie contenu
toit.
I'ay veu le grand Pafleur de tant d'ornes
Chrefliennes.
Toy veu dedans vn lac les barbes anciennes
De ces pères Bergers qui gouuernent fions eux
Parprudence & vertu vnpeuplefiheureux.
I'ay veu le grand 'Berger de la belle Flo¬
rence,
Florence quifie dit de C ATj n la naiffance :
Tay veu lefleuue d'Arne y le Mince cornu,
Qui efipar le berceau de Tityre cognu,
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Où le Duc Mantouan ennemy de tout vice
Auxpeuplesfesffuiets odminifire lufiiee.
De là m'en retournant, contremont i'allay
voir
Le beau Palais d'Vrbin,efiolle defiçauoir.
Je vy des Ferrarois leTafleury le mai¬
flre,
Quiffe vanted'auoir de Roger prisfen efire :
Jevyfa forte ville & le Tau menaçant,
Qui va comme vn taureaupar les champs mu-
giffant:
Grands Pafteurs,grands 'Bergers, qui ont la
ffoyiurée
Au grand Prince Carlin d'éternelle du*
ree,
Qui aimentfia Grandeur , y qui d'vn cur
loyal
Redreffentffa Couronne yffon Sceptre Royul

ECLOGVE L
'De là m'en retournant ie pris ma droite La mère des vertus, quiiufiement mérite
voye D'efire enfiemble vne perlefa vne Morgue^
Parles éhamps de Tiedmont,par les monts de rite.
Sauoye, 'Bien loin defia maifion foit malheur & mef-
Où ie vy cegrand Duc qui n'apoint de pareil éheff:
Sons la voûte du Ciel en armes ny confeil; Le doux mielfeus fispiedsJa Mannefurfon
Animé d'vneforce y prompte y vigoreufe, éheff
Ayantpris des Saxonsfa race gênereufi,
Et du Ciel flon efirit, qui magnanime fa
Puiffie toufiours couler, & les lis & les rofes
xAu plus froid detHyuerfloient pour elle défhaut
clofès
xA touffiours pourffujet vn penfer grand y Aux buiffons de Piedmont : y en lieu d'vn
haut.
Afion dextre cofié ie vyfiafemme afffe,
Fleurfaperle d'honneur que noftreficeléprife,
Torrent
Le laiél par la Sauoye aille toufiours courant,
Murmurant fion renom,puis que tant elle efti-
LatantedeCKKLmquclaGraccanourry, me
Lafille de François,^ la fi,ur de Les chanfions des Pafieursjeursflûtes y leur
Henry, rime.
MARCASSVS.
où Saturne] Saturne après auoir efté chafTé des Cieux par fes fils, félon l'opinion de tous les Poètes, vint
demeurer en Italie : d'où vient qu'ils l'ont du depuis appellcc,Terrc de Saturne. Dcglan ] Durant l'âge d'in¬
nocence le peuple pefle-mefle viuoit de glan dans les forefts, comme les belles. Grand Payeur ] C'eft U Pape,
ynlac] Il entend Vcnife, qui eft baftie fur vn lac. Barbes anciennes] Il entend les Sénateurs de la ville,
parle confeil defquels la Seigneurie eft gouuerncc. Legrand'Berger] Le grand Duc de Florence. D'Orne]
Fleuue de la Tofcane. Mmct] C'eft vn fleuue dc Venifc, qui vient faire vn lac deuant Mantouc. Virgile
parlant de fon pais :
Ji'tc lundis tenerapratexit arundine ripas
Mwcim , e'quc facra refonant examina quercu.
Palais d'rrbin] En Italie où eftoient les liurcs de Catherine de Medicis, qui font maintenant dans fa Bi¬
bliothèque du Roy. %>gtr] D'où eft venue la maifon d'Eft commandant à Fcrrarc.d'où font venus Meilleurs
de Guife derniers morts, du cofté de Madame de Nemours leur mere, femme dc François de Lorraine Duc do
Guifc, qui fut tué au fiege d'Orléans par Poltrot. Pau] Fleuue d'Italie. Duc] C'eft le Duc dc Sauoye. Des
Saxons] Ayeulx delà maifon de Sauoye. sa femme] Marguerite. De Carlin] Dc Charles IX. DeFran»
fois] François L De Henry] Henry 1 1.
L'autre Berger voyageur. Tous les Bergers des champsy courent d'vn
grand pas,
Que faites-vous icy, 'Bergers,qui furmon- Tous les chéuriers des monts en défendent à
te? bas,
Les Roffgnols d'Auril quand d'accord vous
éhante^f
Et les plus durs rochers abaiffent lesaureilles
Sur l'antre pour ouyr défidouces merueiUes.
Quefaites-vous icy? vous perde% cemefiem-- Maintenant en cherchant mon Bélier eficarble
Laparole y le temps à rioter enfiemble :
té,
I'ay veu les deux Bergers en l'antre defierté,
Çnfemblc partiffe? le prix victorieux, Qui ont déjà la flûte à la léure pour dire
Bftans également les chers mignons des Dieux. le neflçay quoy de grand qu Apollon leur in¬
Apollon & Pallos fa Pan vousfauorifcnt, fiire.
Et tous vos bonspatrons vous honorent fa Vene? doncq les ouyr flans difjuter en
priffent: vain,
Doncques abandonne-^ vos friuoles difiords, Ofte?de vosfiogeols & la bouche & la main:
Et vene% efiouter les merueilleux accords Vous efies tous vnis d'amitiémutuelle,
De deuxpères Bergers, qui deffous vne roche Puis la paix entre-vous vaut mieux que la
JVont dire vne chanfon dont Tityre n'approche^ querelle.
Xxx HJ
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797 **
797 **

79*
E C L O G V E I.
MARCASSVS.
des Bergers, pour dire, qu'ils font fçauans,gentils,&heuieux. "£ J rr »
mitation des anciens & des modernes Latins. TÏfjreJ II entend y irgue.
Le Chfur des Bergers.
I'*-Ayflongéflur la mi-nuit
Cefie nuit,
Quand le doux femmeil nous lie,
Que mille Cygnes chant oient,
Qui fiortoient
Du cofié de l'Italie.
, l'en oy veu i autres après
Pins efj>ais
IJenir de la part d'Espagne,
Et d'autresforts y puiffans
Blanchiffans,
Du coflé de l'Allemagne :
Tuis en volant tout en rond
Sur le front
De Carlin luyfaire ffefie, «
Et doucement leflàtant,
En chantant
Luy prédire vne conquefie.
J'ay veuprefique en. mefme temps
Le Printemps
Florir deux fois en l'année:
Dieu ces fanges nous permet;
Qui promet
Quelque bonne Defiinée.
Apres auoir long temps difiouru de grands
chofes,
Qui aux entendements de tous hommesfini
clofes,
Appelèrent Carlin leur petit nourtiçon,
Et luy firent par ordre vne belle leçon.
Or d'autant que leurs mots contenaient la
doélrine
Qu'ilfaut qu'vn ieune Roy retienne en fa
poitrine, j
Portant dedans lec,ur leur précepte imprimé,
S'il veut eftre des fiens bien craint y bien
aime ;
Les Pafteurs dîicyprès,pour neperdre lagloire*
De tels enfiignemensfi dignes de mémoire, j
Par vnv fiolennel aux Dieux ont ordonne.
Qu'en ce mois tous les ans à iour déterminé,
Couurant l'antre defleurs y lès prc% deca-\
rolles,
DeuxTafteurs rediroient mot à mot les pa4
rolles
Qu autrefois ^Carlinctc Bergères onA
dit,
Et que la viue Echo par ces bois reffiandit :
Afin que des Pafteurs la ieuneffe nouuelle
Apprenne tons les ans vne leçon fi belle.
Or ils vont commencer, fil vous plaifi les\
Le fécond joueur de lyre.
ouïr,
D'enfiignemensfi beaux vouspourrez réjouir,
Vn iour au mefirne lieu où nousfiommes Et vous couchant aufoirpres du feu les redire
icy, . A vos ieunes enffans afin de les inftruire :
Deux Bergères ayons de leur race foucy,
Bergères de renom , defamille excellente,
L'vne mère du Roy, l'autre du Roy la tante,
L'vne venant de France y l'autre de Tied-
> mont,
Se trouuans en cet antre où ces deux Pafteurs
font,
MARCASSVS.
» Car ny large moijjon, ny troupeaux en-
groffe?,
» Ny bleds dans les greniers l'vn fiur l'autre
amaffe?
» Ne voilent kfçauoir, de l'efprit l'héritage:
» Par la feule leçon le Pafteur deuient fitge.
1 tyfionge tyfionge ] H feint qu'il qu'il a fongé qu'vne qu'vne infinité de Cygnes ( par lefquels les Poëtes font defigncz.qui defigncz.qui bienfou^ bienfou^
uent :nt infpirez de Dieu prophetifent les chofes à venir ) voloient d'Italie, d'Efpagnp,& d'Allemagne, & venoient
chanter autour de Charles IX. la gloire d'vne viétoire qu'ils luy predifoient. trous ht] 4_bupit tellement
nos fens, que nous fcmblons liez. cygnes ] Les Poëtes font defignez par ceft oifeau^ parce que hvctedulei
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ECLOGVE L
72$
antiquitésTeftfaiiîéeperfuader que plus ils approchoient de leur fin, & plus ils chantoient doucement : ce que
le$ Poètes croyent d'eux-mefmes. Que les Poëtes foient entendus par ces oyfeaux, vous le pouucz voir par ces
vers de Virgile:
Vare tttttmnomen (fiiperet modo Mantua nobis)
Contantes fubUmè firent ad fydera cygni.
DeCarlin] Du Roy Charles IX. Deleurrace] De leurs enfans. Mère] Catherine de Medicis. Tante]
Madame de Sauoye. Carolles ] Vieux mot, pour, dances. Echo ] C'eft vne Nymphe , de qui ne refta rien
que la voix. Nous en auons parlé ailleurs.
Le premier Pafteur.
Puis que tu es,mon Fi Ls,de tant de Pafteurs
maiflre,
Que D I E v dons ton herbage a mis tant de
troupeaux,
Il nefaut feulement fçauoir les menerpaifire,
Sçauoir les engraiffer , fçauoir tondre leurs
peaux.
Le fécond Pafteur.
(e n'eftrien deguider mille beufs enpafture,
îl faut les confiruer y en auoirfouci ;
Ilfiaut de ton beftail cognoiftre la nature,
Corriger tes Bergers, te corriger auffi.
> Petite
i.
Quand lespetits Bergersffont aux champs
vnefaute,
elle ne tire vn repentir après:
Mais des maiftres Tafteurs elle dénient fi
haute,
Quellepaffe engrandeur les pins hautesfo¬
refts.
ii.
Et pource, mon N E v E V , ilfiaut dés ta
ieuneffe
Apprendre la vertu, pour guide lafuiuant:
' » C'efi vnferme trefior qui les homes ne laiffé,
» Les autres biens mondainsfien-volent com¬
me vent.
i.
Tour viure bien-heureux, croin Di E V
fiur toute éhofè :
Seul ilfaut l'adorerfa au c l'imprimer,
Et le prier au fioir quand le Soleil repofie,
Et dés l'Aube du iourquand IIfiort delà mer.
ii.
» Lefieul commencement 6" la fin déficience,
» Eft craindre le Seigneur, & maintenir laffoy
Despeuples cfiandusfions ton obe'iffance,
Qui ffont enfans de DlEV auffi bien corne toy.
Sois paré de venu, non de pompe Royale :
» Lafinie vertu peut lesgrands Roys decoren
» Sois Prince libéral: toute orne libérale
» Attire àfoy lepeuple, y ffefait honorer.
ii.
Porte deffur lefiont la honte de mal-faire,
Anxyeux lagranité, y la clémence au cur,
La Iufiice en la main, y de ton aduerfiaire,
Fuft-il moindre que toy, ne fois iamais mo¬
queur.
i.
Rens le droit à éhacun, c efi la vertu pre¬
mière
Qu'vn Roy doit obfferuer : fiois courageux y
fort :
» Laforce du courage eft la viue lumière
» Qui nous fait mefjrifer nons-mefines y U
mort.
ii.
Nefoispoint arrogant, vanteur ne teme-^
raire^
Iureur, opiniaftre, y fiuperbe à la main,
» Mutin , éhagrin ,defiit : le Prince debon-*
naire
» Doit eftre gracieux,amiable y humain.
i.
Mefirife la riéheffe, y toutesffois defire,
(omme Roy valeureux,d'augmenter ton bon¬
heur,
Et par armes vn iour agrandis ton Empire
Moinspour auoir du bien quepourauoir hon¬
neur.
ii.
Soisferme en taparole,& de vainepromeffe
Nabuffe tesfiubiets,& aux trompeurs ne croy:
Celuy qui par le ne% comme vn Bufle fe laiffi
Menerpar lesflateurs, n'efi digne d'efire Roy
i.
Sois tardif à courroux,y point ne te con-
fieiUe
Tar ieunes éuente^ qui rauiffentle tien :
Xxx iiij
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!8oo E C L
Maishonore les vieux yleurprefte l'aureille,
Etfeul de ton cerneau n'entreprens iamais
rien.
ii.
Sois confiant fa hardy aux fortunespreff-
ffées,
^Magnanime au perd, prompt d'efj>rit& de
main ,
Et iugeant l'auenir par les chofes paffëes,
louy du temps prefent, n'atten le lendemain.
i.
Chaffe l'oifiueté, la mère de tout vice,
Et grand Seigneur, appren les mefiiers d'vn
fioldart :
Sauter, luiter, courir, eft honnefte exercice,
Bien manier cheuaux 6* bien lancer le dort.
ii.
Exerce ton efirit aux chofisd'importance,
Aux affaires quifiont de ton Priué(onfieil,
> L efirit en eft plus fiain d'oifieufie négligence
*» Sille lesyeux des Roys d'vn vicieux fom¬
meil. $
i.
Tu dois cognoiftre ceux qui teffont dufier-
uice,
Les aimer, Us chérir pour leurfidélité:
Et afin qu après toy honorer on Uspuiffe,
Haujfe-tes aux honneurs comme ils ont mé¬
rité.
ii.
Parflateurs,par menteurs,yparfemmes
ne donne
Nypreffens ny eftats , malheur fien eftffniui :
Que la feule vertu feulement on guerdonne:
Si tu lefais ainfi, tu fieras bien ferui.
i.
Ne renuerfie iamais l'ancienne police
Du pays où les loix ont fleurifi long temps:
Ce n'eft que nouueauté quicouuevne malice:
Si vn s'en réjouift , mille en fiont mal-con-
tens. , (
MARCASSVS.
OGVE L
ii.
Iamais,fi tu m'en crois, nefiuffre par la
tefte
De ton peuple ordonner tes ftatuts ny tes lois :
» Le peuple variable eft vne eftrange befte,
v Qui defon naturel eft ennemi des Rois.
i.
N'offenfe le commun pour aider à toy-
mefme,
Des grands y des petits fois toufiours lefiup-
port :
» La propre confidence efivnegenne extrême,
« Quand nous auonspéché, qui toufiours nous
remord. .
u.
Et bref, mon cher NïVEV, pour régner
prens exemple
Aux Roys tes deuanciers, Princes cheualeu-
reux :
Si leursffaitspour patron ta ieuneffe cotemple,
Tufieras non pas Roy , mais vn Dieu bien¬
heureux.
Le Chur des Bergers.
TOut ainfi qu'vne prairie
Efipourtraite de centfleurs, . «
Cefte neuucBergerie
Eftpeinte décent couleurs. . ...f.
Le Poëte icy ne garde
L'art de l'Eclogue parfait : : ;;-;

- E C L O G V Ê i. foi
commencement defonHiftoire. Nam diuitiarum acforma gloriafiuxa éc laJilueft'.^irttis cïara alernaaue habetur
CramDteu] Selon le précepte de Pythagorc:
A3atefZtf {S/j taejrm hi{, ri/xa ai ^KintLf, lift*.
Et Virgile auflï donne ce premier précepte aux laboureurs :
In primis yenerare Deos.
Le feul commencement ] Ce quatrain eft tiré de ce précepte delà Sainéle Efcriture , _wl *,_< ^e]^^, _'£doucesbreb'u,paiffe^cefie ne,
Te chanter ma complainte : ayant ouy la mien-
herbe tendre, Secondant ma douleur tu me diras la tienne.
Ne pardonne-^ auxfleurs : vous
n'enfiaurie? tantprendre Frefnet. ;
Par lefpace d'vn iour,que la nuit enfuyuant
Humide n'en produife autant qu'au-para- Ma belleMorion, dont le éherfeuuenir
uont.
Delà vous deuiendre?plus graffes , y pins
Mefait comme Niobe en rocher deuenir,
Pourl'abfence de toy ie hay ma propre vie,
belles, Qui defidaignant mon c maugré moy t'ai
L'abondance de laiél enflera vos mammelles, fiuiuie,
Et fiujfire?affe? pour nourrir vos aigneaux, Tourlogeren tesyeux, qui ores defiloin
Etpour flaire en tout temps des fromages non- Me rempliffent le c de trifieffe y defiin.
ueaux. Rien ne m efi agréable après fi longue ab-^
Et toy mon chien Harpaut, fieure &fidelle
qarde
De mon troupeau camus , leue l'nil y pren
garde
fience,
Tefiere fions efjoir : lapeur fa l'efierance
(ombatent ma raifion, mais l'amoureufie peur
Affaut ma patience y vainc toufiours mon
Que ie nefioispillépar les loups d'alentour, cfur.
Ce-pendant qu'en ce bois ie meplaindray d'A-
mour.
Rien ne me réjouit :foit que la ieune Aurore
De rofies y d'illets l'Orient recolore,
Or-fins, mon A L V Y O T, allon ie te fupplie Soit que le Soleil pouffe en la merfes cheuaux,
Soulager en Siantant lefoin qui nous ennuyé, Ilvoid mesyeux enpleurs & mon ceur en tra-
Allon chercher le frais de cet antre monfiffu, uaux.
Qreufiédedans leflanc de ce tertre boffu:
Et là nous fouuenons de nos chères amies,
Quand le ffoir eft venu ie conte ma fortune
Maintenant auxf orefis,maintenant à la Lu-
Quifiont de nos langueurs doucement enne- ne:
mies> terre de bois en bois, car en lieu de dormir,
Tous deux en deuifiantpor ordre nous dirons Impatient d'amour ie ne fais que gémir :
Nosplaintes aux rochers qnifiont aux enui- Si ie dors defortune, yficeluy qu'on nommt
ronc. Lefrère de la Mort,mt'déçoitpar le femme,
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Sot E C L
(fient fantojmesdiuers fapparoiffêntjmoy.
Qui meffont en dormant trembler le ciur d'eff-
fioy:
le rauaffe en efirit,ie bâilleje m allonge:
Tantoft fon beauportraiél,quime renient en
fm£e> . r .
Meffuit, meffuit , me tient , y en le pourjui-
uant
En lien de l'embrajfer ie ne prens que du vent.
C'eft grand cas que d'aimer! vne amoureufe
playe ^
Ne fe guarift iamais pour éhofe qu on ejjaye:
Pins on la veutguarir, y plus leffouuenir
Lafait toufioursplus viue en nos curs reue-
nir.
Toy beau me promener au trauers d'vn
bocage,
I'ay beau paiftre mes brufs le longd'vn beau
riuage,
I'ay beau voirie Printemps, orne des arbrififfeaux,
Ouïr lesRoffignols,ga?o'ùillerles ruiffeaux,
St voir entre lesfleurspar les herbes menues
Sauter les aignelets fions leurs mères cornues,
lloirles boucsfle éhoqner, y tout le longdu
iour
Voir les béliers ialouxfe battrepour l'amour.
Ceplaifir toutefois,non plus ne me contente
Quefi dufroid Hyuerlo fiffiante tourmente
Auoit terni les champs,y en millefaçons
Rué deffus lesfleurs la neige & lesglaçons,
Et que le feinét troupeau de cent Nymphes
compaignes
Ne vinffent plus de nuiél: danfer en nos mon-
taignes. ,
Bien que mon parc ffoiffonne en vaches y
taureaux,
MARCASSVS.
G v e n.
Efquejous ma faueur vTuent cent paftou-
reanx
Qttifiauent tous iouër des douces cornemufes,
Lés mignons d'Apollon, de Mercure y des
Mufis '
Bien que mon doux fiogeol, fiur tons le mieux
appris,
Quand il me plaifi chanter,feul emporte le
prix :
Bié qu'en nullefiaifon le doux laiélne mefaille;
L'vne part dénient crefine fa l'autre partfie
caille,
Loutre dénient fromage , vn mol,l'autrefi¬
ché,
Le mol eftpour manger, le fècpour le marché:
Et bien que mes brebis nefloient iamais bre-
haignes,
Bien que mille troupeaux befientpar mes com¬
paignes,
le voudrois n auoir rien, Marionffnon toy
Que ie voudrois pour femme en mon antre
che?-moy,
Etparmi lesforefls,loin d'honneury d'enuie,
Vfier en te baiflant le refte de ma vie.
L'orage eft dangereux aux herbes y aux
fleurs,
La froideur de ï Automne aux raifins quifiont
meurs,
Les vents aux bleds de May : mais labfence1
amoureufe
A l'amant qui effiere efi toufiours dangerenfi.
I'aypour maifon vn antre en vn rocher ou-
uert,
De Lambrunchefauuage & d'Hierre couuert.
Qui deçà qui delà leursgrands branches efianM
dent,
St droitflur le milieu de laporte les pendent. \
^Aluyot cr Frefnet ] C'eftoient d'Aluye & dc Frefne , Secrétaires d'Eftar. Paife^douces brebis ] Ce com
mcnccmcnt eft imité de Virgile quand il parle de la fertilité du territoire dc~Mantouë en ces vers:
Non liauidi gregibm fontes, non gramina défunt,
\ Et quantum longk carpent armenta diebw,
Exigua tantum gelidus ros noBe reponet.
Marion] C'eft Marie fa féconde Maiflreffe qu'il a tant chantée en la féconde partie de Ces Sonnets. .
mobe] C'eftoit vne belle Nymphe, fille dc Tantale, qui fut mariée à Amphion Roy dcThebes. Celle-cyf
ayanteu dc fon mary douze beaux enfans, fix malles & fix femelles , s'ofa préférer à Latonc qui n'en auoit que
deux;de quoy la Deeifc indignée portaDianeSc Apollon à tuer les enfans dc cefte téméraire à coups de flc4
ches, ce qu'ils firent :& comme leur mère en maudiflbit Latonc, Latone la pouffa auec vn tourbillon de vent
dansTAfie, où elle latransforma en vn rocher pres la ville dc Sipylc. Ouide en parle en ces vers,
De multit minimam pofco, clamauit , & Imam ;
Dûmfue togat,pro yua rogat occidit: orba refedit
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Eclogvèiî;
Exammes inltr natos, natâfjue,yirum^uet
Diriguitaue malts, nullos mouet aura capillos :
In ~vultu color eftfine fanguine \lumina maftit
Stant immota gent* : mhil eft in imagine "\iuumiey'c.
Brehaignes] Vieux mot, pour, fteriles. L'orage eft dangereux] Ces vers-cy font imitez de ceux. cy dc
Virgile :
Trifielupwftabulis , matur'u fiugibm imbres,
^/Crboribiu yenti ; nobis ^tmaryllidis ira.
D'Hier»] Pour.de Lierre. Delà porte] Ceft antre eft deferit à la faconde celuy dc Virgile.
Siue antro potiùs fùccedimui , aftice~vt an\rum
Sylueftris raruftarfit labrufea racemif.
Vn Mefiier nciiaiUeux ombrage le portail,
Oùfins crainte du chaud remafihe mon be-
fiail:
T)u pied naifl vnruiffeau dont le bruit déle¬
ctable
Senroue'entre-caféde cailloux & dufiable,
Puisautrauers d'vn préfierpentant de maint
tour,
Arroufe doucement le lieu de mon fiejour.
De là tupourras voir Paris la grande ville,
Où de mes paftoureaux la brigade gentille
Porte vendre au marché ce dont ie n'oy be-
ffoing,
Et toufiours argent frais leurfenne dans le
poing.
La s'ilteplaifi venir tu feras la maiflreffe ;
Tu me feras mon tout , ma Nymphe y ma
Deeffe,
Nous viurons& mourrons enfiemble, y tons
lesiours
Vieilliffans nous verrons rajeunir nos amours:
Tous deux nous efiendrons deffous vn mefime
ombrage,
Tous deux nous mènerons nos b en paflu-
rage
Dés lapoinéle du iour, les ramenant aufioir
Quand le Soleiltombant en l'eaufie laiffé choir:
Tous deux les mènerons quand le Soleilfie cou¬
che,
Et quand de bon matin il fort hors défia cou¬
che:
A toute heure en tous lieux enfiemble nous iros ,
Et deffous mefime loge enfiemble dormirons.
Puis au plus chaud du iour eftans couche? à
l'ombre,
Apres auoir contéde nos troupeaux le nombre,
Pourchaffer lefommeil ie diray des chanfins
Quepour toy iecompofi en diuerffesfaçons.
Alors toy doucementfur mesgenoux affifi,
Maintenant tu fferois d'vne doucefeintife
3°ï
Semblant deflommeiller, maintenant tu fferois
Semblant de t'éueiller,puis tu me boferois,
Etprefferois mon col de tes bras en la forte
Quvn orme efi enlacéd'vne vigne bienforte:
Maintenant tu romprois mon chant de ton
baifler,
Maintenant tu voudrois ton ardeur appaifer
En m'oftant leflageol hors de la léure mienne,
Poury mettre en fion lien le coural delà tienne:
Puis me rebaifferois,& me voulantflater
Tu voudrois quelquefois auecque moy chan¬
ter.
Quelquefois toute feule & comme languiffante
le te verrais mourir en mes bras pallïffante,
Puis te reffufiiter,puis mefaire mourir,
Puis d'vn petit fou-ris me venirfecourir,
Puis en milleffaçons de tes léures vermeilles
Me re-fuccer lesy euxJa bouche,y lesourdi-
Us,
St coupfiur coup jetter des pommes fiur mon
fein,
Que i'aurois &d'eillets &de roffes toutplein,
Pour rejetter au tien qui maintenant pom¬
melle
Commefait auTrintemps vne pomme non*,
uelle:
Sein on logeoit Amour, qui le trait me tira
Au cur, qui autre nom depuis neflouffira
Que le tien,Marion : teffmoin en efi ce chefne,
Où ces vers l'antre iour ïengrauay d'vne
alefine :
Les ondes refuiront contremont les
ruifTeaux,
Sansfueilles au Printemps feront les arbrifTeaux,
Venus fera fans torche, & Amour fans,
fagette,
Quand le PafteurFrcfhet oubli'ra Ma¬
riette.
Sus troupeau defiogeonjayclefiliffe & d'ofierj
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U

ECL
804
Acheuant ma chanfon, acheué mon panier.
Voicy la nuit qui vient, il méfiant mener boire
Mongrand bouc eficorné qui a la barbe noire.
Or adieu, Morion, ma chanfion fa le iour:
Le iour melaiffe bien,mais non pas ton amour.
Ainfidifoit Frefinet : ^Aluyot an contraire
Tour l'amour de fia Dame vne chanfion va
faire.
Aluyot.
Ma Ianette ,mon c'ur, dont ie n'ofie ap¬
procher
Tant Usyeux font ardans,pluspolie à toucher
Que la plume d'vn Cygne , y plus frefihe y
plus belle
Que nefl au mois d'Aurilvne rofie nouuelle :
Plus douce que le miel,plus blanche que le lait,
Plus vermeille en couleur que U teint d'vn
aillet :
Voicy ( /'/ m'en fionuient ) le mois fa la 'tournée
(O douceffouuenance , heureuffefafortunée ! )
Où premier ie te vey peigner tes beaux che-
. ueux,
Ainçoisfilets dore? , mes liens y mes n]uds:
le vy déjà main propre Amour les mettre en
ordre,
Etfilet àfilet en deux treffes les tordre:
J'en coupay les plus blonds y lesplus crefje-
Uts:
Les tournant en cordons t en ffy des brafffelets
Que ie porte âmes bras,figne que tu tiens prifi
Sn tes creffes cheueux mon caur &mafranchiffe
:
le les garde bien cher, car en nulle faifen
le ne veux efichapper défi belle prifion.
Mainte fille en voyant mafiace ieune y ten¬
dre,
Ou la barbe commence encores à fefiendre,
^ii'a choifi pour amy : hier mefime Margot
Quifaitfauterfis b aufon du larigot,
Tu la cognoisJanette, enuoya îaqueline
Vers moy,pour me donner defa partvn beau
Cygne,
Et me difi, Cefie- là qui te donne cecy,
Auecquefion prefient à toy fie donne auffi':
Prenffon prefent y elle, affe^elle mérite,
lAyant lesyeuxfi beanx,d'efire taffauorite.
Mais ie la reffuffay : car plnftofi que d'ai
mer
- ^m* îue. toyjnon cxur,douce fera la mer,
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0GVE IL
Le doux miel coulera de l'eficorce d'vnFrefne,
Et Us rofies croifiront fiur les branches d'vn
chefne,
Les buiffonsporteront Us illets rougiffans,
Et leshalliers ronceux les beaux lisblanchiff.
fans.
'D'autant que du Printemps la plaifiante
verdure
Efipins douce aux troupeaux que la trifiefroi¬
dure,
D'autant qu'vn arbre enté rend vn iardin
plus beau
Que le tige effineuxd'vn rude fauuageau,
D'autant qu'vn Oliuierffurpaffe en la cam¬
pagne
D'vn Saule palliffant la perruque brehagne,
Et d'autant qu'au matin la belle ^Aube qni
luit
Surmonte de clarté Us ombres delà nuiét :
D'autant, ma Ianeton, deffur toute pucelle
Tu fiembles à mesyeux plus gentille y plus
belle :
(es Houx m'enfiont te/moins , & ces Pins que
tu vois
Surmonter en hauteur la cyme de ces bois,
Oùmeflbatant vn iourïengrouay flur l'eficorce
D'vn chefne non ridé, cefi Epigrame àforce.
Quand Aluyot viura fans aimer Iane¬
ton,
Le Bouc fe veftira de la peau d'vn Mou¬
ton,
Et le Mouton prendra la robbe d'vne
Chéure,
Et aura comme vn B ouc barbe de lTous la
léurc.
J'ay l'ame toute efmeu'é & lecur tout rouu
Quand iepenffe en ce iour oùpremier ie te Vy
Porter vn beaupanier ( ainfi qu'vne Bergère)
Allant cueillir des fleurs au iardin de ma
mère :
Si tofi que ie te vy,fi toft ie fin deçeu,
Je me perdimoy-mefime,y depuis ie n'ay fçeu
Soulager ma douleur; tant l'amoureufeflame
Défendant iufquau cur niauoit embraflê
l'ame.
Tu auois tes cheueux fins ordre deflie%,
Frife%> cre/f>e%,retors , primes y déliez
Comme filets defloye : y de houpesgarnie
Tefendoit aux talons ta belle feuquenie.
Tafui

ECLOG
Tafiaur alloit après, tallois après auffi:
Et comme ievoulois te conter mon fouci,
Los ! ie m'efluanoùy , & l'amoureux martyre
Qui me preffoit le cuur ne me laiffa rien dire.
^A la fin reuenu de telle pafimoifion,
Le bouillant appétit fiurmonta la raifion,
letecontaymonmahmais toy fions efire attointe
De ma trifte douleur te moquas de ma plainte.
Or comme tu cueillois vnefleur de ta main,
Parfeintifi,vn bouquet te tomba de tonfeîn
( Où mainte fleur efioit l'vne à l'autre arren-
Lié de tes cheueux y defioye orengée :
Iel'amaffe y l'attache au bord de mon cha¬
peau,
St bléqu'il foitfiany,toufiours mefiemble beau,
Comme ayant la couleur de mafiace blefimie,
Qui maugré mon Printemps fiefleflrifl pour
m'amie.
Ainfi que ie pleurois pour mon mal ap¬
paifer,
Tu fautes à mon col me donnant vn baifler :
Ha ie meurs quand i'y penfle ! y de ta bouche
pleine
De rofles,me verffas en l'ame ton haleine.
Ce doux baifler paffa ( dont i'ay veflcu depuis)
Soudain de nerfs en nerfs, de conduis en con¬
duis,
De veine en veine après, de mouelle en mouelle,
M'allumant tout U fiang d'vne chaleur nou¬
uelle:
Si bien qu'en toutes pars, en toute place fa
lieux
I'ay toufiours ton baifierau deuatde mesyeux:
J'en fins toufiours l'haleine, y depuis ma
Muffette
N'a 'peu éhanterfinon le baifler dejanette.
Douce efi du Roffignol la ruflique Chanfion,
Et celle du Linot y celle du Pinçon :
Doux efi d'vn clair ruiffeau le fautelant mur¬
mure,
Bien doux efi lefiomme'dfiur la ieune verdure :
Mois pins douce eft ma flûte ër les vers que de
toy
le chante deffous l'ombre affifie auprès de moy.
Toy toufiours dans mon antre vne bellefon¬
taine:
VE IL to}
Derofesefi mon liét, ma place efi toute pleine
De toifens de brebis,que le ventfit broncher
L'autre iour contre bas duffaifie d'vn rocherl
Del'ardeur du Soleilautant ie me fioucie,
Qtfvn Amant enchantédes beauté^ de s'amie
Se fioucie d'ouïrfen pere le tanfier:
Car Amour ne lefiait qu'en fia Dame penfier.
Autant qu'on peut finger en dormant d: richeffes,
Autant i'ay de troupeaux : ffur leurs toifons
efjiffes
En Hyuer ie m'endors, fions me donner efimoy
Du fioid : car la froideur ne vient pas iujqu'à
moy.
Mais ce-pendant qu'en vain ie chante ma
lanette,
Veffier reluit au Ciel d'vne clarté brunette:
Le temps coulefi tofi que ie ne le fienspoint,
Le Soleil efi couché : mais l'ardeur qui me
poingt
Ne fie couche iamais,& iamais ne fiaiente
( Donnant tréue à mon c tant elle efi
violente .
Remède contre Amour ie nefiçaurois trou¬
uer,
Voire eufié-ie auallé tons les torrens d'Hyuer]
Et beu tous Us glaçons des montaignes Riffées,
Tant i'ay defa chaleur les veinesefchauffées.
le nepuis qu'en chantant ma douleur cotenter:
Par ta langue mon cuurpeut fin mal enchan¬
ter.
La Cigalefi plaifi du chant de la (igale,
St pafieurîayme bien la chonfion pofiorale :
L'aigneoufuit l'herbe courte, & le doux Ché-
ureffueil
Eftfiuiui de la (heure, y le bois du (heureil :
Chacun fuitJon defir, fa i'aime maMufette
Poury chanter deffus les amours dejanette.
Or adieu, lanetonJe iour & ma chanfion:
D'vnruiffeau murmurantfi plaifiant n'efi le
fion,
Lefommeiln'efifi doux , nyles tendresfleu¬
rettes
Du Printemps nefont point fidouces aux A-
uettes,
Que les vers mefont doux, voire autant que
tes yeux
Quiffont toufiours Amour de moy victorieux.
Yjy
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EC LO G V E IH.
So«£
~~~' 0 MARCASSVS.
m mefiier ] Ainfi parle le Cyclope à Galatce de fon antre, dans Virgile :
Hic candtda populm antro
Imminet, o* Icnta texunt "vmbracula tites.
Luy fonne ] A l'imitation dc ce que dit Tityre dans Virgile:
Non ynquam rrauu are domum mihi dextra redtbat. ;»,.,..* ,
Tous deux nous eftendrons] Licence poétique . au lieu dc dire novmut eftendtm. Ma* »o»pat tm amour}
Prefque dc la mcfmc forte fe plaint le gentil Corydon dans Virgile:
^fp'wt , aratra iugo référant fuftenfa iuuenci ,
Et fol crefeentes decedens duplicat ymbras;
Metamen > amor.ttuit tnimmodus adfit amon?
allant cueillir desfleurs ] C'eft ainfi que Damon dans Virgile deuint amoureux de fa Maiftreflc , 1 ayant ren-
conttée auec fa merc qu'elle cueilloir des pommes vn beau matin d'Automne: Ronfard en a imite les vcrs,com.
me Virgile les auok imitez dc Thcocrite.
Sepibtu in neêris paruam te rofeida mala
( Dux ego -yefter eram ) 1/idi cum matre legentem :
^>dter ablindecimo tum me iam ceperat annm :
Iam fragiles poteram à terra contingere ramos.
rtyidiiyt peruiyt memalufabftulit error!
Souauenie ] C'eft vnccfpcce dc iupe. Doux eft d'y» clair ruifeau ] Ces vers font imitez de ceux-cy que pro¬
nonce Mopfe pour louer la chanfon de Menalquc dans Virgile.
ÇL.ua tibi , qua tait reddampro carminé dena ? ,
Namneaue me tantum yenientisfibilut ^Cuftri,
Nec pcrcujfa iuuantftuBu tam littora, nec aua
Saxofas inter decurruntflumina yaUes. . ^
Foire eufié.ie auaUé] La vehemente paffion en fait dire de mefme a Gallus dans Virgile.
Non illum noftri pojfunt mutare labores :
Nec fitfrigoribm medi/s Hebrûmaue bibamus,
Sithoniafque niues hyemis fubeamus aauofit :
Necfi, cummoriens alta liber aret in ylmo,
tsfethiopum ytrfemus ouesfub fidere Cancri.
Omaia y'mcit amor : O" nos cedamm amori.
Jlipke'es] Ce font les froides montagnes de Scythie. Chacunfuitfon defir] Celle gradation eft imitée de
;ccllc du Berger Corydon dans Virgile en ces vers :
Tor»a leana lupum feauitur , lupus ipfi capellam :
Florentem cytifumfeauitur lafaua captUa,
Xe Corydon, s ^tlexi : trahitfua auemque yoluptat.
Toufiours après le loup lalyonne cftardanre,
Pour lachéure le loup fanscclfc fc tourmente:
La chéurc fuit fans fin le fleuty cytifon .
Corydon d'vn defir qui charme fa raifan ,
Court après Alexis pour fa blancheur extrême.
Chacun eft entrainé par le fujet qu'il aime.
ECLOGVE III.
o y
CHANT PASTORAL,
SVR LES NOPCES DE
Monseignevr Charles
Duc de Lorraine, ôc de Madame
C l a v d e , fille du Roy
Henry 1 1.
LES P ASTEVRS.
Bellot, Perrot, Michau.
N Tafleur Angeuin, y l'autre Vm-
,domo'is,
pien cognus des rochers,desfleuues,y des bois^
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
Tons deux d'âge pareils, d'habits , y de hou-\
Iette:
L'vn bon ioueur de flûte, y l'autre de mu-\
Jette,
L'vn gardeur de brebis, fa l autre de ché-
ureaux,
S'efforterentvn iour d'entre les Pafloureaux
Tandis que Uurbeftail paiffoit parmy bk
plaine
Tout auprès dcMeudon, au riuage destine,
Laifferent leurs moftinspouy abboyer les loups,
Bien arme?^ de colliers tous heriffe?de doux :
Puisgrimponsfur le dos d'vne colline droite
Au trauers d'vne vigne, en vnefiente efiroite,
Gaignerentposa pas la Grotte de Meudon,
LaGrotteqmC h ARLOT^ChàRLOT
de qui le nom

ECLOGVE IÎL 8o7
Eft feint par les forefts) afait creufirfi belle Troisfois entournet l'antre, & d'vne baffe voit
Pour eftre des neuf Siurs la demeure eter- Appellent deMeudon Us Nymphes par trois
nelle:
Ssurs qui en fafaneur ont meffriféles eaux
fois,
Les Faunes, les Syluains , y tous les Dieux
D'Eûrote, y de Permeffe , y les tertres iu- ffauuages
I meaux Des prochainesfforefis, des monts, & desbo-
Du éheuelu Parnaffe, où laffameufeffource cages :
Prifi du Cheual-volanty le nom & la courfie, Puis prenons hardieffe ils entrèrent dedans
Pour venir habiterfin bel antre efima'iUé, Le fiaint horreur del antre,y comme tous ar-
dans
Vne loge voûtée en vn roc entaillé. >
Si tofi que ces Pafteurs du milieu de la De trop deDe'ité',fintirent lenrpenfiée
rotte De nouuellefureur brufquement infienffée.
Apperceurent lefront de la diuine Grotte, Ilsfurent efiahis de voir le partiment
S'enclinerent à terre ,y craintifs honoroient En vn lieu fidefirt d'vnfi beau baftiment *
De bien loing le repaire où les Saurs demeu^ Le plan,le fiontiffice, y Us piliers rufliques
rotent. Qui effacent l'honneur des colonnes antiques :
Apres loraifon faite, arriuent à l'entrée
( Nuds de tefte y depieds ) de la Grottefia-
crée :
De voir que l'artifice auoitportrait les murs
De diuers coquillage en desrochersfi durs :
De voir les cabinets, les chambres,y lesfolles,
Car ils auoient tous deux y fiabots y cha- Les terraffes,ffefions,guillochis & oualles,
peaux, Et l'effmail bigarré, qui reffemble aux couleurs
Reuerans lefeinél lieu,pendus à des rameaux. Des pre? quand lafaifion Us diapré de fleurs:
Eux deuots arriue?au deuant de la porte, Ou comme l'Arc- en- ciel qui peint à fia venue
SalïierentTallas qui la Gorgonneporte,
St le petit Bacchus qui dans fies doigts mar-
De cent mille couleurs le deffus de la nue.
Lors Bellot & Perrot ( de tels nomsf appela
brins loient
Tient vn pampre chargé de grappes de raifins: Les Pafteurs qui par l'antre en reuerence al^
Se louent par troufois de l'eau de lafontaine, loient )
Se ferrent par trois fois de trois plis de ver- NeJe peurentgarder de rompre lefilence,
ueine, Et le premier des deux Bellot ainficommence?
*
MARCASSVS.
Bellot] C'eftoit Du Bellay Poëte excellent de fon temps, & grand amy de Ronfard. Perrot] C'eft
Ronfard luy-mefmc. ^Cngeuin ] Du Bellay. Fcndomois ] Ronfard. D'âge pareils ] Comme ceux dc Vir¬
gile, dcfqucls il dit:
Compuler'anttpue grèges Corydon (y Thyrfis in ynum ;
Thyrfis oues , Corydon diftentai latte capetta* :
^Ambo florentes atatibus, arcades ambo:
Et cantare pares , çr rejfondere parait.
Meudon] C'eft vn lieu de plaifance tout proche de Paris. Chariot] Il entend le Cardinal de Lorraine qui
fauorifa grandement les Mufes dc fon temps , frère de François dc Lorraine Duc dc Guifc. D'Eûrote ] C'e¬
ftoit vn fleuue dc Laconic.facréà Apollon & aux Mufes , comme vous pouuez voir par ces vers de Virgile.
Omma tpua Phebo quondam méditante beatus
^fudijt Eurotax , lufiitaue edifeere lauros.
Pcrmejfe] C'eft le fleuue qui baigne le pied du mont de Parnaflc Parnaffe] C'eft vne montagne de Biotie,
qui a deux cymes confacrccs aux Mufes. Cheual-yolant] Les Poètes ont feint que Pcgafe Te Cheual aillé,
3ui naquit du fang de Medufc,ayant volé fur la montagne de Parnafle.frappa le rocher d'vn coup dc picd.dont
fit faillir vne fource d'eau, qu'on a creu fipuiflante qu'elle donnoit la fureur poétique à ceux qui en beuuoient.
Touslcs Poètes font pleins dc ces réucrics-là. Lenom] OndcPcgafiennc. %ouc] Licence poéti¬
que pour la commodité delà rhythme, au lieu dc noutt. Saurs] Les Mufes, à la façon des Poètes Latins.qut
les appellent abfolument, forores. Car ils auoient] Il y a vne légère inuerfion dc ces vers , dont l'ordre eft.
Car tons deux reuerans U (am& lieu amuerent leurs fabots cr leurs chapeaux pendu* à des rameaux. Se lauerent
trotsfois ] Ces cérémonies fc faifoient ordinairement par les anciens , quand ils arriuoient en quelque
lieu où ilsdefiroicnt trouuer les Deïtez fauorablcs. Faunes, Syluains] Ce font des Dieux champeftres,
que les Latins appellent Deos Mtdioxumos. Horreur \ Ilprcndicy Horreur,! la façon des Poètes Latins, pour
Yyy ij
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8o8
vnre
EC LO G V E III.
queCharl
celledcsMufes, & luy donne les mefmes ette^d '"^"^^^odité du vers, au lieu dédire, Vomi
rcfped& auec crainte. Le partment] Il a tronque le mot pour i*"partiment.
Bellot. Gar c'eft vn Demi- dieu à qui plaifient noi
fions,
Printemps, naifffe? , croiffe?,yde mille Qui frit cas des Pafieurs, qui aime leurs
façons chanfons,
Coule? les ieunes preK defleureufes moiff- Qui garde leurs brebis de chaud y défraie
fions dure,
Afin qu'en lescueillant y tirant ieffaçonne 6t entantes fioifionslesfournit de pafiure.
TourlefrontdeCu ARLOT vnebelle cou- Quelque part que tu fois, Chariot,
ronne. pour ta vertu,
Pafteurs,puisqueCn AKLornous dai- En tes lêures toufiours fauourer puiffes-tu
gne regarder, Le douxfucre y la manne, y manger tout
Comme nousfoulionsfaireil ne ffautplusgar- enfiemble ^
^r Le miel qui en douceur a tes propos reffemble:
jpourla eminte des loups nos brebis camufittes, Et toufiours quelque part que tu voudrois
Qui fins crainte paifiront au bruit de nos mu- aller,
Jettes.
Car eux y nos aigneaux enfiemble couche-
Tuiffent deffous tes pieds lesfontaines cou^
1er
rmt, De vin y de Nefior, y loin de ton ber*
Nos taureauxleur viande à l'ombre tnafféhe- bage
ront Le Cielpuiffe ruerfitfoudre y fin orage t
Deuxfou en efeoutant les chanfons de Ty- ' Les cornes de tes b ffepuiffent iaunirdtorl
tyn : D'or U poil dp tes boucs , & la toiffon ençor
Et nous autres Bergers ne ferons plus que >De tabreb'ufoit d'or, ylespcauxquiberif*
rire, ' fent
Que iou'ér , quefluter, que chanter, que dan- De tes chéures le dos,defin or fie iauniffenil
cer, Tan le Dieu chéure-pied des Pafieursgouuer-
Commefi l'Age d'or vouloit recommencer neur,
A régner deffous luy , comme il regnoit à \*Augmente ta maifion, tes biens, & ton hon-
l'beure neur:
Que Saturne ffaiffoit en terre fia demeure. Toufiours puiffe d'aigneaux peupler ta berge-
Nousfferons de galons flon Autel comme à rie,
Pan,
Nous chommerons fia ffefie, y au retour de
De ruiffeaux argentins arrofler ta prairie,
Et toufiours d'herbe effiaiffe emplir tes gras
l'an,
Tout ainfi qu'à Paies ou à Qerés la grande,
herbu, *
De taureaux ton eftable y ton parc de bre~
Trois vaiffeaux pleins de laiél verferons pour bis,
offrande, Tuis que tu esfi bon , y que tu daignes pren-
Inuoqucrons fion nom, y boiuant à l'entour dre
De l'Autel, nousfferons vn banquet tout le
j°ur,
Quelqueffoin des Pafteurs & leursflûtes en*
tendre.
Oùjanot Limofin pendra fia ehoUmie
%A tous Bergers venons pour l amour de
samie:
A-tantfi teut Bellot, & àpeineauoit dit,
Qu'en pareille chanfion Perrot luy refton-
^
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ECLOGVE III. uj
MARCASSVS.
Fleureufes ] Mot inucnté par Ronfard, ou tiré de quelque vieux Romand.au lieu de.floriffanres. Chariot]
C'eft Charles de Lorraine , à qui Meudon appartenoir. Saturne ] C'eft le Pere des Dieux , fous lequel l'âge
d'orregnoir. Comme à Pan ] Cefte offrande eft à l'imitation de ces Bergers de Virgile, qui promettent des
autels à Iules Cefar fous le nom de Daphnis, & des facrifiecs & dcsfeftesfolennellcs.
Su bonusto,fnlixque tuis. en auattuor aras :
Ecce duos tibi Daphni , duôaue aitaria Phcebo.
Pocula bina nouoftumanti* latte quotannis,
Craterâfaue duos ftatuam tibi pingu'u oliui, £rt.
Tout ainfi] Ces vers font traduits dc Virgile pour vne pareille occafion.
Vt Saccho, Cereriaue ,ttbifie yota quotannis
^fgricola facient : damnabis tu quoqtie yotis.
Paies ] C'eft la grande Decfle qui prefideaux troupeaux. Voila pourquoy Virgile l'inuoque en fon troi¬
fiefme liure des Georgiquesoù il a traité du beftial.
Te quoque magna Pales, zy te memorande canemus
Paftor ab ^/fmphryfo.
Cerés ] C'eft la DccfTc des bleds, ferons "V» banquet ] Celle refolution eft encore prife du mefme lieu de
Virgile, duquel nous auons parlé.
Et multo m primis hilarans conuiuia Saccho,
^tnte focitm , fit fiigu* ertt ;fi mefi'u, in ymbra',
Vinanotium fundam calathts ^/truifia netlar.
Cantabunt mihi Dam ey Lytttus ^iEgon.
Saltantes Satyros imitabitur ^/tlphefib
Il y auoit fort peu de feftes parmy les anciens où on ne fit la defbauche. lanot ] U entend Iean Daurat Limo
fin Poëte Royal, s'amte] Pour la commodité du vers au lieu dc,/è» amie. Qui garde] Tout cela eft dit
fousvn autre fens; comme fait Virgile en vne infinité de lieux dans fes Bucoliques. Ce Charles dc Lorraine
eftoit en fon temps l'vnique fupport des bons efprits qu'il entend fous les noms des Bergers.
il dit que c'eftoit l'vnique Pan qui auoit foin de leurs troupeaux &dc leurs pafturagcs.
C'eft pourquoy
Perrot. Et à ceux qui voudront à la Grotte venir,
Nymphesfilles des eaux , des neuf'Mufes
Thebus Us infiruira des fhofies à venir.
C H a r L O T,ie tefiupplï ne rougis point
compagnes, de honte
Qui habite^ les bois, Us monts,y Us campa- De nosfimples Bergersfaire vnpetitde con^
gnes,
Permette^-moy éhanter vofire antre deMeu-
te:
Apollon fut Berger, y le Troyen Paris :
don, Et le ieune amoureux de Venus Adonis,
Que des mains dfeCHARLOT vous receufies Ainfi que toy portoit au flanc la panetière^
en don. Et par Us bois fionna l'amour d'vne Berge-
Comme ^Amphion tira Us gros quartiers de
pierre
re:
z^îa'is nul des Pafioureaux en l antiquefiai-
Pour emmurerfia ville au fon défia guiterre :
Ainfi ce beau fejour CharLot vous a
fon
Comme toy n'a bafii des Mufes la maifion.
confiruit Toufiours tout à l'entourla crefije mouffey
Des reéhers quiffuiuoientdefia voix le doux naiflfi,
bruit. Le Thym^ le Toliot, la Mariolaine efieffe :
Ceux qui viendront ,CharLOT,c# Le Lierre Bacchic , replié de maint tour,
boire en tafontaine, Puiffe au haut dcfon front grimper tout à
OuJ'endormir aux bords ,fe verront l'ame tentour,
pleine Et la Lambrunche errante enffemble entor"
Deffainéîe Poè'fie, y leurs vers qnelquefiou tillée,
Tourront bien réjouir les aureillesdes Rois. Laiffé courir fes brasfiur la Grotte efimaillée:
Ici, comme iadu en ces vieux tabernacles L'auette en lieu de ruéhe agence dans les troux
De Delphe y de Delos ffe rendront les Ora- Des rufliques piliersfia are y fion miel roux,
des : Et le frefion armé qui les raifins moiffonne,
ryy-lij
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*io E C L O
De fon bruit enrouépar l'antre ne bourdonne :
Mais bien les Greftllons, qui de leurs cris tren-
éhans
Salu'ront les Pafteurs à leur retour des chaps.
Maintegentille Nymphe$ mainte belle Fee,
L'vne aux cheueux plie?^, y l'autre deflcoifiée,
Auecque les Syluainsy puiffent toute huit
Fouler l'herbe des pieds anfin de l'eau qui
bruit.
Toufiours cefte maifon puiffe auoir arrofiée
Lepied d'vneffontaine, y le cheffde roffée :
Toufioursfiait aux Pafteurs fion taillis ombra¬
geux,
Sans crainte de la foudre, ou dufer outra-
geux:
Et iamais au fbmmet, quand la nuiél eft ob-
fiure,
Les Chouans, annonceurs de mauuaifi aduen-
ture,
G V E 1 1 1.
Nefy viennentpercher,mais les Rojfignolets,
Voulans chanterplus haut que tous nosflageo¬
lets,
Ydécoiffent toufiourspar la verte ramée
Du bon Pafteur Charlot/^ belle renom¬
mée,
Afin que tons les vents l'emportent iuffqnoux
Qieux,
Et du Cielpuiffe aller aux aureilles des Dieux.
Ainfifinift Perrot, (§fl'vn y l'autre en¬
fiemble,
( A qui tout U pied droit par bon augure
tremble )
Sortent hors de la Grotte , y à fin de pou¬
uoir
MARCASSVS.
Mieux chanter à, loifir, s en-allerent affeoir
L'vn deffus vn billot,l'autreJus vnfiuche :
Et lors de telspropos Bellot ouuritfio bouche.
Filles des eaux] Elles fe nomment Naïades. Permette\^moy chanter] Pour, Permette\-moy déchanter. \Am J
phion] Il eftoit fils de Iupiter & dc la Nymphe Antiope*. Ccftui-cy ioiioit fi parfaitement du luth , qu'on a creu
qu'aux accens de fon inftrument il auoit attiré les pierres , & bafty les murailles de Thcb es, & qu'il n'y auoit,
animal fi farouche qu'il n'adoucift. Horace en fon Art Poétique :
DiBus c?" ^/CmphionThebana conditor arctt
Saxa montre fono teftudmis.
Et Virgile parlant de luy :
Mulcentem tigres

ECLOGVE II î.
JÇfalslïon telqu^efMichau, ou Lancelot qui D'artifice enlacé de vergettes d'o?ier,
fionne r " » » »
Largey r " » » »
Largey rond par le hout,qui toufioursdimi
Si bien de la mufitte aux riues de Garonne, nue
St mon éhantau prix d'eux eft pareil au Pin En tirant vers U bas d'vne poinéte menue:
con,
Qui veut du Roffignol imiter la chanfion.
Touteffois,mon Bellot , iene te veux defldire :
Si tu es bon Thyrfis, ie fieray bon Tityre.
Commence,ie n'ay point le couragefailli :
L'affailleur bien fouuent vaut moins que l'aff-
ffailli.
il faut pour le vainqueur que nous mettions
vn gage : .
Quant à moy ,pour U prix ie depofevne cage
Que ie fis l'autre iour voyant paiftre mes
bCufs,
Deuifant à Thoinet qui ségalleà nous deux.
Les barreaux font de til, y laperchette blan¬
che
Qnitrauerfi la cage eft d'vne coudrefranche :
De pelures dejonc i'ay tiffn tout le bas :
A l'vn des quatre coings la coque d'vn Limas
Pend d'vn crin de cheual, voire de telleforte
Qu'on diroitàla voir qu 'elle-mefime fe porte.
I'ay creufié d'vnfiureau tauge bien propre¬
ment,
et les quatre pilliers du petit bafliment
Sont d'vne groffe ronce en quatre parts fen¬
due:
Et U cordon trefié duquel elle eft pendue,
Belin me l'a donné,houpé tout à l'entour
Des couleurs qu'ilgaigna de Qaiin l'antre iour.
I'ay dedans prifionniere vne ieune Alouette,
Qui dejgoifè fi bien, qu'hier ma Caffandrette,
Que i aimeplus que moy, m en offrit vnveau
gras
Au fiont déjà cornu, voire &fine l'eutpas :
Toutefois tu l'aurasfi tu as la viéloire :
Mais plufiofi quel'auoir, la nege fiera noire.
Bellot.
Pour la cageyl'oiffeauie veux mettre vn
pannier
U
L'anffe eftfaite d'vn hous qu'àforce i'ay cour¬
bé:
En voulant l'attenuir le doigt ie me coupé
Auecque mafirpette: encores de laplaye
le me deuls,quand du doigt monflageollet'iefe
fiaye.
Tout ce gentilpannier eftportraitpar-deffus
De Mercure y d'Io , & des centyeux d'Ar¬
gus:
Io eftpeinte en vache,y Argus en vacher :
Mercurefait le guet qui du haut d'vn ro¬
cher
Roulle le corps d'Argus, après auoir coupée
Son col dufer courbédefa trenchante efbée :
Vne Nymphe eft auprès enfimple corfiet blanc,
Qui tremble de fiayeur de voir jaillir le
limefiert à ferrer des ffrai?es y des rofies,
Jl mefert à porter au marché toutes chofes;
Mon Oliue, mon cour, defire de levoir,
Elle me veut donner fon mafiin pour l'a~
uoir,
MARCASSV S.
Et fi ne l'aura pas :ie te le mets en gage,
l'en refuffe troisfois la vente de ta cage.
Mais qui nous ingéra f qui en prendra leffoinï
Vois-tu ce bon vieillard qui vient à nous de
loin f
A luy voir au menton la barbe vénérable,
Le cheff demi-counert d'vn poil gris honora-
ble,
La houlette en la main d'vn noiiailleux cor¬
mier,
Le hauqueton d'vn Dain/eft Michau Upre¬
mier
Des Pafteurs en fiauoir, auquelffont reue-
rence,
Quand il vient en nos parcs,tous les Bergers
de France.
Michau ] C'eft Michel de l'Hofpital Chancelier de France , excellent Poète Latin de fon temps. Lancelot]
C'eftoit Lancelot Caries , grand Poète. Garonne ] Riuiere qui paffe àTholofe. Thyrfis ] Il dit cela i caufe
que Thytfis eft vn Berger , qui dit de belles chanfons dans Virgile, & Tityre eft vn autre Berger , par lequel on
entend Virgile mefme. L'ajfatlleur] Motnouueau,pour,raggrcncur. Beltn] Il entend Du Bellay excellent
Poète. Et fi t* l'eut pas] Ainfi Corydon pour gaigner les bonnes grâces d'Alexis, dit qu'il luy garde deux
beaux fans qu'il a refufez maintefois à la belle Theftyle.
Yyy uij
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8a ECLOGVE III. ^
Praterta duo nec tula mihiya lie repertî
Capreoli , fiarfis etiam nunc pellibus albo,
Bina dieficcantouis ybera -.quos tibi feruo.
lampridem a me illos abducere Theftylis orat :
Et faciet, quoniam fordent tibi munera noftra.
l'attenuir] C'eft vn mot tiré duLatin,
Et menoient maugré nous leurs bufis en nos
herbages.
Là nefie doit dreffer vn vulgaire ffeftin :
Depuis leffoir bien tard iufquaupremier ma¬
tin
Laffefte durera, ($f les belles Naïades,
Les Faunes, les Syluains, Dryades, Oreades,
Les SatyresJes Pans tout U iour balleront,
Et de leurspiedsfourchus Iherbetteffouleront.
De ce beau mariage entonne? vosmufettes,
Monftre?-VQUS auiourd'huy tels fonneurs
que vous efies,
Chante?cefte alliance ^f cet accordfiacre :
Les deuxfieres Lorrains vous enficauront bon
gré.
Pany tiendrafia Cour en majefté royale,
^Auprès de luy fera fin efjoufi loyale,
Etjonfils déjà Roy, y fa diuinefiur
Qui paffe de fion nom $ la perle y lafleur.
Sus donc chante, Bellot, & ta mufette appre-
fte:
Dy le liét nuptial, Perrot dira laffefte:
Caril vaut mieux , Enfans, célébrer ce beau
iour,
Qujvfir vos chalumeaux à éhanter de l'a¬
mour.
MARCASSVS.
J aJ}eur lwrrM» ] Le D«c de Lorraine. Parent de ces Pa-
i-r
Roykniy II £eK , ^TL ChAt]eS V' *** Wgne , occafion pour laquelle le
amena S Dn T "Z\H " f' fineffe & par le moyen du Connétable Anne dCP Montmorency,
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ëclogve m: to3
duquel coup iTguarit miracuTcufement. Naïades] Ce font les Nymphes des eaux: Les faunes] Faunes &
Syluains, ce font des Dieux champcftres. Dryades ] Ce font des Nymphes des bois, ainfi nommées des
Chefnesqui fc nomment en Grec, 4»Jtç, dans lefquels on croyoit qu'elles viuoient. Oreades] Ce font des
Nymphes des montagnes nommées comme les autres des monts , qu'on nomme en Grec >. satyres 1 C'e¬
ftoient des Dieux lafeifs, qui ont efté nommez ainfi.à caufe dc leur bouquiniere,de m-w , qui fignific vnéché."
ure, animal grandement iafeif. rare auffi parmy les anciens Grecs fignifioi%faleté ou paillardife, d'où les
Satyres ont efté appeliez. les deux frères] François Duc de GuifeSc Charles Cardinal de Lorraine'; Panl
Le Roy Henry 1 1. Son Eftoufe ] Catherine dc Medicis. Son fils déjà %oy ] François 1 1. appelle déjà Roy
Dauphin, à caufe qu'il auoit cfpoufé Marie Stuard, du depuis Royne d'Efcofle. sa diurne Siur] Marguerite
dc Sauoye f:ur dc Henry 1 1. Perrot] Ronfard. *
Bellot. Deffende^ la Mufitte , & de branfies diuers
O Dieu qui prens lefioin des nopees, hfy-
Chantera ce C H A R L o T des chanfens &
des vers.
menée, . Qujlte tarde beaucoup qneVeffer net'a-
Laiffe pendre à ton dos ta chape enfiafianée, meine
Ton piedfioit enlacéd'vn beau brodequin bleu, Déjà la nuiélpour mettre vne fin à ta peine!
Et portes en ta main vn clair flambeau de
feu :
Soleil, hafie ton cours, accourci ton fejour,
Charlot* plus befioin de la nuiét que
Efternuë trois fois : ta tefte éheueluë du iour.
Efbranle par troisfou : troisfois à ta venue
Voy ClavdINE^Charlot, afin
que déformais
L'amitié, la beautéJagrâce$r la ieuneffe
Apprefteront ton liét, $rpargrande largeffe
Vnepluye dî deffusy femeront,
Le mariagefioit heureuxpour tout iamais. Et d'ambre bien-fintant les draps parfume-
Ameine auecqnes toy la Cyprienne fainte ront.
Tfvn demi-ceinfttifffu deffus Us hanfhes cein- Mille Amours emplume?de leurspetites ailes
te : Voleteront deffus, comme es branches nouuel-
Stfion enfantAmour tenant lare enfes mains, Us
Pour fe caéher es yeux du Prince des Lor- Des arbres au Printemps voletent les oifeaux
rains.
Ce n'eft pas vn Berger qui vulgaire y
Qui fe vont efgayant de rameaux en ra-
meaux.
champefire La vigne àfion ormeaufifort nefioit liée,
Meine aux gages d'autruy vn maigiretrou- Qu'alentour de ton col ta ieune mariée,
peau paiftre :
Mais qui a cent troupeaux de vaches y de
Qui d'vn baifer permis ta bouche embajmera,
Et d'vn autreplaifir ton cfur allumera.
beufs,
De boucs y de béliers poiffons les pre? her-
Cefi vne primefleur encore toute tendre :
Efioux , garde-toy bien de brufquement U
beùs prendre,
De Meuffe & de Mofille, èr lafertile plaine II lafaut laiffer croiftre , fy neffaut fimple-
De Bar quiffe confine aux terres de Lorraine.
Il s'éleue en beautéfur tous les Paftoureaux
ment
Que tenter cefte nuiél U plaifir feulement.
Commevn broue taureaufiur les menus trou- Comme tes ans croiftront , Usfiens prendront
peaux: croiffance:
Ou commevn Pin gommeux au refionnant Lors d'elle à pleinfiouhait tu auras iou'iffancc,
fueillage Et trouueras meilleur mille fois leplaifir:
Tient fon cheffpommelu par-deffus vn bocage. » far l'attente d'vn bien augmente le defir.
Qui plus efi,fion menton enfia ieune fiaifion
Neffeffait que crefier d'vne blonde toiffon.
Bergers, faites ombrage aux fontainesffa-
Or lefloir eft venu , entre?^ en voftre cou-
che,
Dorme% bras contre bras y bouche contre
crées, bouche:
Semé? tous Us chemins de fleurettes pour- La concorde à iamais habite en voftre lit:
prées, Chagrin, diffenfion, ialoufiefy defiit __^
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&4 ECLOGVE III.
Ne vous troublent iamais , ains d'vn telma¬
riage
Puiffe naiftre bien tofivn généreux lignage
Méfié du fiang L o R R A I N y du fang de
Valois,
Qui Parthenope vniour remettefinsfis lois,
MARCASSVS.
Et puiffe couronner fies royales armées
Sur le bord du Iourdain de palmes Idnmées.
Atantfe teut Bellot,$ Perrot toutgaiU
lard
Enflant flon chalumeau luy reffiond d'autre
port.
Bymenée ] C'eft le Dieu qui prefide aux nopces, que les anciens Romains appellercnt Thalaflîo, à caufe que
quand les Sabines furent rauies.il y eut vn certain Berger qui porrantdans fes bras vne des plus belles Dames
nommée éc Herfilia,dit -. à vn aurre qui -, luy , demandoit à qui * il portoit i- cefte belle Dame,qu'il - la portoit à Thalaflîo.
Ceftui-cycreut que ceThalaffio eftoit lepremier qui auoit commencé le rapt : c'eft pourquoy il fe mit à crier
Thalaflîo Thalaflîo de ioye, Se tous les autres le fuiuirent : d'où depuis la couftume eft demeurée défaire les
mefmes exclamations aux nopces. Quant à Hymen, il eft trcs-afTeuré que c'eft vne petite peau dans la nature
des fillcs.qui fe rompt quand on les dépucelle : d'où vient que les Grecs qui faifoient des Dieux de toutes chofes
appellercnt le Dieu qui aidoit à rompre cefte peau, Hymen ou Hymenée. Enfafianée ] C'eftoit vn voile de
couleur de fafran , qu'on donnoit auffi aux efpoufées pour s'en couu'ir la tefte, à fin qu'on ne peuft point voir
les mouucmens dc leur vifage quels qu'ils fu fient. Les Grecs appelloicnt ce voile , Uni ou r&.y.m&., & les Latins
fiammeum. Vnflambeau] Dc ià vient qu'on portoit au deuant dcfefpoufcevn flambeau. Pétrone: Iam em»
baficxtaspraferebatfacem-.iamebria mulieres longum agmen plaudentes thalamum mgefta exonerauerant yefte. clau»
dme ] Madame Claude , fille dc Henry 1 1. Chariot ] Charles Duc de Lorraine. Cypnenne ] La Dcelfe de
l'Ille de Cypre , Venus. D'yn demi.cemt] C'eft la ceinture que les anciens croyoient eftre la caufe première
delà génération. Meufi] C'eft vne riuiere de Lorraine, Mofa. Bar] Ville dc Lorraine, Sarrum. fejber'X
C'eftreftoille qui deuanec la nuiél. Parthenope ] Parthenope, eft le nom dc l'vne des Sircncs qui fut enfeuc-
licà Naples.dont depuis le nom luy demeura de Parthenope.
Perrot.
O Lucine Iunon, qui aux nopces prefides,
Et de Paons accouple^, où ilteplaifi, tugui¬
des
Ta coche comme ventfiur terre &ffur Us (Jieux,
Broue de Maiefié:comme Royne des Dieux,
Amené Pafithée y la Mufe diuine
Qui prefide aux banquets , aux nopces de
Cl A VD i N E.
Comme vne belle rofie efi l'honneur du iardin,
\ Qui aux rais du Soleil eft eficlofie au matin,
C L a V D I N E efitout ïhonneur de toutes les
Bergères,
Et les paffe d'autant qu'vn cheffne Us fougè¬
res :
Nulle ne l'a gaignée àffçauoirffaçonner
Vn chapelet defleurs pourflon chef couronner:
Nulle nefiait mieux ioindre au lis la fraifihe
roffe,
Nullemieuxflur laga?e vn deffein ne com-
t°fe t
Defil d'or &defeye, y nulle nefiait mieux
Conduire de Pallas les arts ingénieux.
Commeparmi ces bois volent deux tourte¬
relles
Que ievoy tous les ioursjè carejjerdes ailes,
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Se baifer l'vne loutre y ne sentre-eflongnef,
Mais confiantes defoy toufiours f accompa¬
gner,
Qui de leur naturel iufqu àla mort n'oublient
Les premières Amours qui doucement les
lient :
Ainfipuiffes-tu viure en amoureux repous
Iufqu à la mort , ClaVDINE, auecque
ton Sffious.
le m'en voy fiur le bord des riues plusfe-
crettes
Cueillir en mon panier vn monceau defleu¬
rettes,
Afin de Us fiemerfur ton liét génial,
Et chanter à l'entour ce beau Chant nuptial.
D'vnefi belle fille efi heureufie la mère,
Ton pere efi bien-heureux , bien-heureux eft
tonfrère,
Mais plus heureux cent fois y cent encor
fiera,
Qui d'vn mafle héritier enceinte tefera :
Heureux fiera celuy qui aura toute pleine
Sa bouche de ton ris,fy de ta douce haleine,
St de tes doux baifers , qui paffent en odeur
Des pre?^ Us mieux fleuris la plus flouaue
fleur:
Heureux qui dansfes bras preffera toute nue

E C L O G
Toy Clavdine aux ïeauxyeux dufang
des Dieux venue;
Qui hardi tafiera tes tetins verdelets
Qui fimblent deux bonttons encore nouuelets:
Et qui l'tcentié d'vne libertéfianéhe,
Reboifiratonfront,yta belle main blanéhe,
Et qui démefiera fil àfil tes cheueux,
Follaftrant toute nuiél>$fffaifant millejeux :
Celuypri'ra la nuit que cet nuits dure encore,
Ou bien que de cent iours nefféueille l'Aurore,
Afin que pareffeux long tempspuiffe couuer
Ses amours en ton fein^ point ne ffeleuer.
Mois leffoir eft venu,fy Xleffer, la four¬
rière
Desombres, a verffépar le Ciel fia lumière:
Jl ffautffaller coucher. Quoy? tu frémis du
cmur,
Ainfiqu'vnpetit Fan qui tremble tout depeur
Quandilaveu leloup,ou quadloingdefia mère
Il f effraye du bruit d'vne ffueille légère.
Il neffera cruel: car vne cruauté
Nefiauroit demeurer auec telle beauté.
Demain après auoirfin amitiécognuè',
Tu voudrois millefou que U nuiétfiuft venue
Pour retourner encore aux amoureux combas,
Et pour te rendormir dans le pli de fes bras.
Sus,des-habille-toy, & comme vne pucelle
Qui de bien loinfia mère à fonfiecours appelle,
N'appellepoint la tienne, fyvicn pour te cou¬
cher
Tresduffeuqui te doit tes larmes deffecher.
Celuy puiffe conter le nombre des arènes,
Les eftoiles des Çieux^y les herbes des plaines,
Qui contera les jeux de vos combats fi dons,
Deffquels pour vne nuiél vous ne fire? pas
fiaouls.
Orfus efbate?-vous,y en toute lieffe
Trene?lespaffe-temps de la courte ieuneffe
Qui bien tofif ?enffuira,& au nombre des ans
Qui vousfuiuent tons deux égaU% vos en~
fans.
MARCASSVS.
ve ni: 8)J
Ton ventre déformaisfi ferthVpuiffe efire,
Que d'vn fiangfi diuin puiffe en breffaire
naifire
Des filles & desfils: desfils quiporteront
Les vertus de leur Pere empreintesfiur Ufront,
Et qui dés le berceau donneront cognoiffance
Que d'vn Pere trèsfort auront pris leur naifi
fonce :
Lesfilles en beauté^, engrâcey en douceur
Tarfignes donneront vn tefimoignageffeur
De la pudicitéde leur mère diuine,
Qui de noftre grand Pan reçoit fin originel
Ainfi diffoit Perrot, qui retenant Uffon
De fin pipeau daueine acheua fia Chanfon.
Eého luy refjondoit : les bois qui rechanterent
Le beau Chant nuptial, iufqu au Ciel U por*
terent.
Lors M i C H A V feficriantfaffeitau mi~
lieu d'eux,
Puis dit enapprouuant la chafion de tous deux,
Michau.
Vofire flûte , Garçons,à l'aureille efi plus
douce
Que le bruit d'vn ruiffeau qui ja?e fur U
mouffe,
Ou que la voix d'vn Cygne,ou d'vn Rojfigno**
Ut
Qui chante au mois d'%*4urilpar le bois nou*
uelet.
De Manne à tout iamais vos deux bouches
feient pleines,
De rofies vos chapeaux, vos mains de marjo¬
laines :
Iamais en vos maiflons ne vous défaille rien,
Puis que les chalumeaux vous entone% fi bien.
Que chacun par accordffentre-donne ffon
Perrot,pren lepanier,y toy Bellot la cage:
Retourne-^, mes enffans , conduire vos tau¬
reaux,
Et viuc% bien- heureux entre les Pafioureaux.
o Lucine] C'eftoit b Deeffe qui prefidoit aux nopces & aux accouchements. Paans] C'eft l'oifcaudc Iunon.
Pafuhce ] C'eftoit vne des Grâces, filles de Iupiter & dc la Nymphe Eurynomc , f de Thalic Se d'Euphro-
fync. Patios] Deeflc des fcienccs& des arts. J{epom] Pour la contrainte de larhythme,pour,r*pw. LtQ
gfntal] Ilatraduit icypurcmcntle Lutin,genialitltclus,cc(ii dire, le liél que ton bon Ange garde, bel dc plai¬
fir, liél hcurcux,&c. Pn'ra ] Voui,frtera. Iufqu a» Ciel] Ainfi dit Virgile de la chanfon dc Silène;
lllecamt; pulpe referunt ad fydtrayaUet.
Il chante,& les valons rebatus de Ces vers
Le portent aux flambeaux qui parent l'Vniuers.
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?t
%\6 CHANT PA storal:
%\6 CHANT PA storal:
ç&CO N O L O GV E
o r
!CHANT PASTORAL,
A TRES-ILLVSTRE ET
vertveVse Princesse
Madame Marguerite de France,
DuchefTe dc Sauoye.
E mefofchois de la pompe des
Rois,
Et pourla Cour i'errois entre les
% bois
Seul à par-moy fiauuage ($f ffelitaire,
Loin des Seigneurs,des Rois,& du vulgaire :
Plus meploifioit vn roéher bien poinétu,
Vn antre creux demouffe reuefiu,
Vnlong deftour d'vne feule volée,
IJnviffffourgeon d'vne onde reculée,
Vn bel efmail qui bigarrelesfleUrs,
Voir vn beau pré tapiffé de couleurs,
Oiihr ia'ftr vn ruijjeau qui murmure,
Et m endormir flur la douce verdure,
Quefireàla Cour, y mendier en vain
Vnfaux efioir qui coule de la main.
Au mois de May que l'Aube retournée
Auoit efclofie vne belle tournée,
Et que les voix d'vn million d'oifiaux,
Qomme àl'enny du murmure des eaux,
Qui haut qui bas contoient leurs amourettes
A la roufiée,aux vents y auxfleurettes,
Lors que U Qel au Printemps fe feu-rit,
Quand toute plante en ieuneffefleurit,
Quand toutfint bon, y quand la mère terre
Ses riches biens de fin ventre defferre
Toute ioyeufle enflon enfantement:
Errant tout feul, tout fiolitairement
l'entre en vnpré,du préen vn bocage,
Et du bocage en vn defirtfiauuage,
Et là i'auife vn Pafleur qui portoit
Deffus ledosvnhobit qui efioit
'De'la couleur desplumes d'vne grue :
Sa panetière à fion cofté pendue
Eftoit d'vn loup, y l'effroyable peau
D'vn ours pelu luyferuoit de Chapeau.
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Luy appuyant vn piedfur fa houlette,
De fon bifide aueindvne mufitte,
La mit en bouche (§f fes léures enfla,
Puis coupfur coup en haletantfloufla,
Et re-floufla d'vneforte halenée
Parles poumons reprifiey redonnée,
Ouurant les yeuxfy dreffont Ufiourcy :
Mais quand par tout le ventrefut grofiy
T)e la chéurette,^/ qu'elleffut égalle .
^A la rondeur d'vne moyenne bail?,
A coups de coude en repouffa la vois;
Puis ça , puis làffaiffant faillir fies dois
Sur les permis de la mufittepleine,
Comme fiaifi d'vne angoiffeufie peine,
Poliey penfiff auec le triftefen
Defia lourette. ourdit telle éhanfon.
Petits aigneaux qui paiffe? fous magar
Plus que deuant il vousffaut prendregarde
De voftre peau pour la crainte des loups,
St de bonne-heure auffoir retirez-vous:
Pins neverre?fauter parmy les prées
Ny les Syluains ny les Mufes Jacrées :
Car nos pafi'vs ne font plus habiteT
Comme ilsfeulaient desffainétes Dette?.
Plus nepaifiréTpoliot nylauande,
Le dur chardon fera voftre viande :
Et fi verre? en toutes Us fiaifions
La ronce aigué eficardervos toifens.
Et toy,Harpaut, qui tefeulois défendre
Contre les loups, maintenantfaut appren^
dre
D'efire humble fy doux & neplus abboyer :
Il faut apprendre ).fléchir y ployer,
Et te couchant (puis qu'il n'y a plus d'ordre)
Flatter les loups quand ils te voudront mor¬
dre.
Et toy,mufette, à qui prefquei'amis
Parffept conduits donné la mefme vois
Qujàffon fiageol auoit donné Tityre,
Plus tu n'auras ce plaifir d'oiiir dire,
La belle Nymphe afait cas de tes chants,
far fla Grandeur abandonne nos champs.
Tins ne voudra cefie Nymphe diuine
A fion grandV a n qui la France domine
Comme autrefois tes chanfons célébrer.
Quetardes-tu f va-t'en te démembrer
De pièce à pièce, &fi tu peux transforme
Ton corps venteux enfia premièreforme :
{Tuffu\

ECLOG
(Tufus iadisffurla riue d'vne eau,
S'il m'en flouuient , de pucelle vn rofleau)
Et là toufiours quand tu feras atteinte
Du premier vent ne fionne que maplainte.
Dedans U creux d'vn rocher tout couuert
De beaux lauriers efioit vn antre vert,
Où au milieu fiourdpit vnefontaine
Tout à l'entour de violettes pleine :
Làfle trouuûient toutes faiflons de l'an
Deux bellesfleurs, la Rofie , & le Safran,
L'vne honteufie & l'autre que l'on donne
Pourffacrifice à la Nymphe Pomonne :
Et l'Ancolie enfimence f enflant ,
Et le Narcis que le vent vofioufftant,
Le blanc Neufiart à la longue racine,
Et le Glayeul à lafleur-arcquencine :
La Pâquerette & le Paffe-velours,
Et cefiefleur qui a le nom d'Amours.
Cefiefontaine en ruiffeauxfieparée
Baignoit lesfleurs Svne courfie égarée,
S'cntre-laffant en cent mille tortis,
Que ny chéureaux, ny vaches ,ny brebis
D'ergots fourchus n'auoientiamaiffoullée,
Ny les Pafieurs de leurs leures fouillée.
lin iour d'Efiéqu encores le Soleil
N'a fiei Cheuaux deualle^au fommeil,
Et qu'il qutl qu'il qutl ffe fe monflre encor plus haut qu'' vne
aulne
Dedans le Ciel tout bigarré de iaulne,
De pers, de bleu : ie vy près d'vn roCher
Vn grand troupeau de Nymphes f approcher,
Toutes ayons en leurs frefches mains blanches
Vn beau cofintiffu de ieunes branches.
Sn-ce-pendant que l'vne fie baignoit,
L'autre fiantoit y l'autre fie peignoit,
MARCASSVS.
VE III. 2if
le vis venir vne belle Charité,
Que les humains appelloient M ARG VERITE.»
Des immortels Pafithée auoit nom,
Toute diuine enffaiéts y en renom.
Elle marchant à treffes décoiffées
Apparoiffoit la Princeffe des Fées :
"Un beau fiurcot de lin bien replié,
Frangé, houpé, luy pendpit iufquau pié:
Etfies talons qui ffouloient la verdure,
Deux beaux patins auoient pour couucrturc :
Vn carquan d'or fin col enuironnoit,
St fon beaufein fans branler fie tenoit
Prefiébien haut d'vne boucle a?urée,
Ainfiqu'on peint la belle Cytherée.
Slle cent flots d'vn fini traiét de fiesyeux
Auoitflechy les hommes y les Dieux
Sans fefléchir : car la flèche poufiée,
De l'arc d'^Amour ne l'auoit point bleffée,
St fienne fy franche auoit toufiours efié
Parmy Us fleurs en toute liberté.
Apeine auoit dans les ondes voifines
Loué fis bras &fis 'tombes marbrines,
Que tout fiudain ( ou fait qu'il vinft des
Cieux,
Ou fioit qu'ilffUftvn Faune de ces lieux)
Je veis venir par efirange auanture
Vn Dieu cachéfions mortelle figure,
Qui refiembloit U Pafleur Delien
Gardeur de bufs au bord Amphryfien:
Ou le Troyen dont lardante ieuneffe
Donna la pomme à Venus la Deeffe.
Ses beaux cheueux fins vn Zephyremal
En petitsflots ondoyoient afin col:
Sesyeux ,fon front,fion allure,y fiongefte
Efioient pareils à Iunon la celefie.
Parles poulmons] A caufe que la refpiration vient des poulmons. Tityre] Qui auoit égalé Virgile en
chantant. Pan] LeRoy. De pucelle] Syringe eftoit vne des plusbclles Nymphes d'Arcadie, qui fc voyant
preffée par Pan, pria fes f'ursdclafccourir. Elles la changèrent en rofeau, dont Pan fitvncfluta. Ouide en
parle en ces vers:
Panique , ckm prenfamftbi iam Syrtnga putaret,
Corpore pro Nymph* calamos tenuijfepaluftres :
Dumque tbi fuftirat , motos in arundtne yentos
Ejfecijfe Çonum tenuem , fimilemque querentif
^Arte noua, yocifque Deum dulcedme captum,
Hoc mthi colloquium tecum , dixijfe,manebtt:
^/Ctque ita dijparibm calamis compagtne cera;
Inter fé iunttis nomen tenuijfe puella.
X>'>«M»]DufleuucLadon. Pomonne] C'eft la DcefTe des fruits de l'Automne. Narcis] VoutNarafe.
-'eft la fleur qui haquit du beau Narciflc qui quu qui quu fc mirant dans vne fanraine deuint tellement amoureux de luy-
mcfmc,quc voulant embrafler fon porrrait il fe noya dedans l'eau qui le reprefentoit. ^trequeneme] Pour.de la
couleur defArccn-ciel. Cytheret] C'eft Venus, ainfi nommée du mont Cytheros où elle faifoir ordinaire-
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SiS
ECLOGVE III.
ment fon feiour» Faune ] C'eft vn Dieu des champs. Vclien ] CeftApollon.qui fut payeur du Roy Ad»
ufquit dans I'ifle de Dcle. ^Cmphryfien 1 Amphryfe eft vn fleuue dc Theflalie où Apollon dc-
porta
i. C'eft au iugement dc luy que iunon, fylmeruett: venusiuu'"»"""-"'*"" . i . w,H
le prix. Mol] A la facondes Latins,wo^^jm,pour,^»^. Iunon] Femme & fur de Iupiter.
Comme vn Pafleurportoit dedans fia main
Vne houlette à petits doux d'airain,
Où fur U bout,deffus l'eficorce dure,
'' De deux béliers ffut peinte la figure
Qui fie Choquaient : y auprès d'eux efioit
Vn gros maftin qui les loups aguettoit.
Si toftqu'ilvid cefte belle "Dryade,
Blefié d'amour en deuint tout malade.
Or comme vnffeu qui aux buiffons fe prend,
Puisfbufletépar les ventsffe refjand
De tous coftez trouuant pafiure prefle,
Et desforefts vient embrafer la tefie:
Ainfi l'amour tellement l'embraffa,
Que cefie Nymphéa lafin il ofa
Rouir au dos l'enleuant en Sauoye,
Comme vn Lyon le doux fiuc d'vne proye.
Seulementffoible on entendit la vois
Euano'ùie au milieu de ces bois
Qui paruenojtaux aureiUes à peine,
Qomme leplaint de quelque Nymphe en peine.
Or en voyant en ces champs l'autre iour
Vn Pigeon blanc empiété d'vn Autour,
Qui l'emportait dedans ffa ferre aiguë
En la Sauoye, vn ^Atlasporte-nué,
lepreuy bien l'infortunefutur,
MARCASSVS.
Etlengrauay dedans le tigedur
De ce coudrier: encor l'efforcé verte
T>e lengraueure apparoifi entre- ouuerte:
Y adiouftant ces vers pleins de fioucy
Qu'encore vn coup ie vais redireicy :
A ton départ Us gentilles Naiades,
Faunes , Syluains , Satyres (gjr Dryades,
Pans, Mgipons , de ces antres reclus,
Sont diffarus yn'apparoiffentplus.
Loingde nos champs Flore s'en efi allée,
D'vn habit noir Pomonefiefi voilée,
Et Apollon quifut iodis Berger,
Dedans nos champs ne daigne pins loger,
Et le troupeau des neuf\^îufes compagnes
Ainfiqu enfriche ont laiffénos montagnes
Pour te regret de leur dixiefime Sur
Qui les paffoit de chant y de douceur :
Bref de nos bois toutes Deïte^Jaintes,
Cyprisla belle drffes Grâces defeeintes,
En nous laiffant pour fi piteux départ
' La larme àt«il habitent autre part.
Pins les rochers ny les antres rufiiques
Nefieront pleins defureurs Poétiques :
Echofe taifiy ne veut plus parler,
Tanta regret de te voir en-aller.
Dryjtdes] C'eft proprement vne Nymphe des bois, par laquelle il entend Madame Marguerite Ducheflc de
Sauoye. Or commeyn feu] Celle comparaifon eft prife des Georgiques dc Virgile, quand il parle d'vn vieux;
cheual à qui l'amour réucihe le courage. Naiades, Pans, ^tEgipans J Nous auons parlé ailleurs dc toute cefte
forte de Dieux. Flore] C'eft la Décfîe des fleurs. Pomone] LaDeeflc des fruits Automnaux. Ont taifie]
Ainfi dit Virgile dc l'abfcnce de Daphnis.
/ Ipfa Pales agros atque ipfe reliquit ^fpollo.
Cypris] C'eft Venus ainfi nommée de fon Ifle dc Cypre. Defeeintes] Il parle à la facondes Poëtes Latins
qui àiïeni,difcintt* Grati

E C LO G
0 terre ,ô fiel, ô.fontaines yvens,
Faunes, Syluains & Satyres y Pans !
Et toy Clion quifus iadu ma Mufie,
En cent morceaux caffe ma cornemufie,
Puis qu auffi bien fans faneur y fans los
T endroit en vain vne charge à mon dos.
Pafieurs François n'enfle^ plus les mufiettes,
Pourfion départ elles fieront muettes :
En l'air venteux leur chant éuanouy,
Comme ilfionloit ne fiera pins o'ùy.
Sim'encroye?allon en Arcadie,
Etflechiffon de noftre mélodie
Rochers fy bois,tigres, lyons,y loups,
Tuis que la France eft ingrate vers nous :
Tuis que la Nymphe en quiffuilefieronce
MARCASSVS.
V E III. tf
Des bonsflonneursfolfiente delà France,
i^4llon-nous-en fions demeurer icy
Poury languir enpeiney en fioucy.
Qui fera plus d'vn annuel office
Tarmy Us bois aux Mufies fiacrifice f
Qui pins defleurs Us ruiffeauxfimera?
Quiplus le nom de Paies nommera
Parmy Us champs f fy quiplus aura cure
De nos troupeauxpour leur donner pafiure f
Qui plus à Tan daignera prefinter
Les Pafionreoux pour les faire chanter ?
Qui de leurfiute appaifira les noifies t
Qui ingéra de leurs Chanfions Françoifies f
Qui donnera le prix aux mieux- difons,
Etfiauuera leurs vers des médifians f
Hue ronces ] Virgile dit le mefme dc l'abfcnce de Daphnis. --^ .. (-
Grandia fiepe qttibus mandautmus hprdea fulcis,
Inf lolium grftcrilcs domtnantur auena:
Pro molli yiola,pro purpureo narctjfo
Cardtiu* , çrjp'inis furgit paliurus acut'u.
Vn ^¤iax ] C'eft à dire, vn malheur fcmblablc à celuy d'Aiax qui après auoir recognu fa folie fe tua : du fang
duquel nafquit 1 hyacinthe, qui retint emprainte fur fa fleur le pitoyable cry qu'il ietta en fc donnant le coup , à
fçauoir, Aï. Hyacinthe] Hyacinthe eftoit vn beau ieune feigneur qu'Apollon ScZephyre aimoient, qui fauorifant
plus Apollon quo le Vent,fut tué d'vn coup dc palet qu'Apollon luy ietta fur la tefte ioiiant auec luy.'
Le Zcphyrè de rage l'y pouffa pour fe venger dc fon riUal & de celuy qu'il aimoit. Et qu'en Soulcy ne iauntjft Cly*
tu] Clytic eftoit vncbelle Nymphe, qui fc voyant niefpriféc du Soleil, qui l'auoit grandement aimée, deuint
feiche peu 1 peu de rcgtet,& à la fin fut conuertic en Soulcy. Lifcz la lettre qu'en a faite lo ficur de Croifillcs,
vn des plus fçauans & des plus rares cfprits de noftre temps : qui a mis la puce à l'aureillc aux plus enuicux, Se
qui croyent eftre quelque chofe dans le monde. Marfje] Comme vous pourrez apprendre d'vne des Floridcsd'Apulce,eftoitvn
monftre de Nature, qui voulut fe préférer à Apollon deuant les Mufes. Apres auoir
ioiié dc (es flutes,toutel'affiftanco le condamnai eftre efeorché tout vif à caufe de fa remerité : ce qui fut fait. Il
fut conuerry en fleuue. Manto] C'eftoit vne vierge de Thcbcs fille dcTirefias ..qui prophetifoit les chofes i
venir,&qui eftant venue en Italie baftit la ville dcMantoué,commequelqucs-vns croyent. ^fEgerie] C'e¬
ftoit vne Nymphe qui fetenoit danslaforcft Aricinc, auec laquelle le Roy Numa difoit qu'il conuerfoit de
nuiél pour apprendre les cérémonies dont il falloir adorer les Dieux. Clion ] C'eft vne des neuf Mufes.
arcadie] C'eftoit vne contrée delà Grèce, floriflante en Bergers & en troupeaux à caufe dc fes bonspafturages.
sonneurs] Sonncursfc prend icy pour Poètes. Çjtt fera plus ] Cecy eft imité des regrets que fait vn
certain Berger dans Virgile ayant ouy le danger que Virgile auoit couru d'cïlrc tué : voyez les vers .
Heu cadtt m quenquam tantum feelus ? heu tua nobit
Penèfimul tecum folatia rapta , Menalca !
Huis caneret Nymphas? quis humum florentibus herbid
Spargeret ? aut yiridt fontes induceret ymbra ?
Paies] C'eft la grande DccfTedu bcftail.
Adieu troupeau qui près moy fioulois vi¬
ure,
Adieu Vendôme, adieu,ie la veux future
Taries roChers , les antres y les bois,
Sauo'ifien en lieu de Vendomois.
Dans le pays où la belle Atalante
Mettra les pieds, toufiours deffousfia plante,
Fufi-ce en Hyuer,lesrofisféficlou'ront,
Et de Liél doux lesfontaines courront,
Les chefnes creux parleront les oracles,
Tins que iamais on voirra de miracles:
Car les rochers noftre langue apprendront,
Et les pinçons rojfignols deuiendront :
Tous les Pafteurs au retour de l'année
Luy dédiront vne fiefte ordonnée,
Feront des vaux (^f donneront le prix
A qui fiera de chanter mieux apprisi
Si qu'à iamais comme vne colombelîe
Tar les Pafteurs volera toute belle
De bouche en bouche, y par mille beaux
vers
Son nom croiftra dedans les arbres verds,
*ZzK ij
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Szo
Qui garderont dans Fcfcôrce entamée
A tout iamais fia viue renommée,
Pour deuenir pins vieille quelque iour
ECLOG
Que 'ces rochers, nos rempars d'alentour.
Tant qu'on voirrafiur les Alpes chenues
Ou fiappuyer ou dégoûter les nues:
Tant qu'en Hyuerles torrensrauageux
Tomb'ront des monts à gros bouillons neigeux:
Tant que les cerfs aimeront les bocages,
L'air les oifeaux, les poiffons les riuages :
Tant que mon fang mon corps animera,
Tant que ma main ma Mufitte aimera,
Toufiours par tout,fins repos yfiansceffe
le chanteray cefie belle Deeffe
LalAARGVE&n:E,honneur de nofire temps,
Dont la vertufleurit comme vn Printemps.
Et toy Qhanfon fi rudement fionnée,
Demeure icy ou ie t ay façonnée,
Dedans ce bois , au pied de ce rocher:
Il ne faut plus de la Cour approcher
MARCASSVS.
VE IV.
Oùfans appuy tu rougirois de honte,
Et de ta voix onferoitpeudeconte.
Or Jus paiffeZspaiffeXjaunres brebis,
Allez par l'herbe, empliffe^-vous le pis,
Broute^, ronge?jefte douce verdure
Pour emporter aux aigneaux nourriture,
Qui enbeftant dans le toiéi ont defir
De vous fiuccerle laiéî toutàloifir.
Et quoy troupeau ! tu es infiatiable,
La nuiét arriuejlfaut gaignerl'eftable :
Voicy les loups qui ont accôuftumé
De brigander quand le iour eft ffermî,
Jlsffont Uguetifplus de rien n'ont crainte,
Caria bonté par les champs eft eftainte.
%A tant le iour peu à peuffembrunit,
Et le Pafleur comme le iourfinit
Son Chant rural: dcfenflafit mufitte,
Dedansfia main empoignafa houlette,
Chaffont deuant U troupefet menu,
pfarpaut ffon chien $ffen béliercornu.
' galante] Il appelle Madame Marguerite Duchefle de Sauoye, Atalante. Atalante eftoit vne belle Prin-
çefle derifle dcScyro, fille du Roy Ccnee. Elle couroit fi bien que fes nopces furent promifes à celuy qui la
pourrort furmonter à la courfe, & la mort à ceux qui demeurcroient vaincus. Voyez Ouide. X« +Atyes ] Ce
font les montagnes qui feparcntla France dc l'Italie. Tomb'ront] Pour, tomberont. 'TantfueUt eerfs ] Ces
» vers font à l'imitation de ceux que dit vn Berger dans Virgile en faueur deIules Çcfàr.
Dum iuga montit aper,fiuuios dum pifeis amabit,
1 Dumqut thymo pafeentur apes , dum rore cicada,
' semper honos nomenque tuum laudefque manebunt. ,
Tandis que le Sanglier aimera les montagnes,
Que le poiffon fendra les flotantes campagnes,
- Que les moufehes à miel de thym fc fouleront,
Que les pleurs de l'Aurore aux cigales plaironr,
Ta gloire floriffante en tous lieux afleuree
Auec le temps fera d'éternelle durée.
Et quoy troupeau] Ceux-cy font encore imitez deceftui-cy de Virgile.
Ite domum pafti , fi quis pttdor, ite mutnei.
ECLOGVE III L
o y
D V-T HIER.
LES P ASTEVRS.
*
Bellot, Perrot, Bellin.
|8| E fortune Bellot & Perrot deffous l'om-
% bre
D'vn vieil chefne touffu auoient conté par
nombre
Lvnfipartfis fyws^ljtutrcfes chéureaux,
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St tons deuxfur la léure auoient des chalu~
meaux:
L'vn & l'autre tenoit fon efchine appuyée
Sur l'efiorce ctvn chefne, or la tombe pliée
En croixfurla houlette,& leur maftin eftoit
Couchéprès de leurs pieds qui Us loupsaguet-
toit.
Ce-pendant que Bellot chatoitfa Dianette,
Et que Perrotfaifoit apprendre àffa mufitte
LeJoint nom deChar lot, y (tAuxoT*
que les bois,
Lesfleuuesyles monts ont o'ùy tant defois
Redire àfenflageol, que mieux ils le cognoif^
fent

Que ne font Us troupeaux le thym dont ils ffe
paijfent-'
Voicy venir Bellin quifini auoit erré
Tout vn iour àéheréher fin bélier adiré,
Qu'à peine il ramenoit, ayant liéfia corne
A vn lafifiet coulant d'vn tortis de viorne,
OrceBellin eftoit de Chanterbon ouurier,
D'habits y defaçons refembloit vn cheurier,
Jl auoit en la main vne houlette dure,
Sa Mufitte pendoit au long de fa ceinture,
De moelle de jonc il portoit vn Chapeau,
En lieu d'vn paletoc fie vefioit delà peau
D'vn cheureul marqueté de couleur noire y
blanche,
Quvneboucle d'airain luy fferroitffur la han¬
che:
D'vne chéure à long poil vn baudrierilauoit :
Son maftin a gros poil pas àpas leffuiuoit,
Qui abayoitflon ombre y mordoit à la ffeffe
Le bélier qui trainer parla corne ffe laiffé.
Si tofi que ielevy fitoftie le cognu,
Et luy criay de loin : Tufois le bien-venu,
Couche-toy près de nous, ou file mol ombrage
Du chefine tedeJJ>laifi,voy cefiantre fauuage :
Aufond de cevallon nous ironsfi tu veux,
Et Là tu chanteras , le tiers auec nous deux.
Au bout de l'antrefionne vne viuefontaine,
E C L O G V E IV. fci
MARCASSVS.
Ses bords font pleins de mouffe & lefondd'v¬
ne arène
Que l'onde en fautelantfait jaillir çày là,
Et dit-on qu'autrefois la fontaineparla.
Vne vigne fauuage efi rampant fur la.
porte,
Qui d'vn nnud repliéfur le ventrefi porte
D'vne longue trainée, y du haut iufqu à bas
D'infertiles raiflns laiffé pendre fes bras.
Les fieges fiont de tuf, y autour de la
pierre
Comme vn paffement verd court, vn fiep de
lierre.
L'antre n'efi guiere loin, tu le verras d'ici
Si tuveuxt'ergotter, ou te tenir ainfi
Debout comme ie fiuu,ou grimpera ce Joule,
Ou bien d'vnfinit léger monterfur mon cfeau*
le.
Mou ne bougeon d'icy, cefi ombrage efi bien
fiais,
Cefte Eclogue-cy eft faite à l'imitation de celle de Virgile, qui commence,
Forte fub arruta confederat tlice Daphnis :
Et bienfiais eft le vent qui vient de cesforés : .
Bien doux eft ce ruififfeon, bien douces ces Ber-^
gères
Qui deffgoifent leur chant auprès de ces fou¬
gères :
Ton bélier les oit bien , qui ne fait qu'eficoutef,
Et depuis leur chanfion n'a fiouci de brouter.
Où deux Bergers font à mieux chanter, & pour le prix du vainqueur mettent chacun fon gage, & puis chan¬
tent à l'cnuy de grandes deheateffes, qui encheriffent les vns fur les autres, tant celles qui font faites à plaifir
que celles qui conticnncntvn fens caché. Du-Thier] C'eftoit vn Secrétaire d'Eftat , qui fauorifoit les bons
cfprits. De fortune Bellot] Ce commencement d'EcIoguc eft imité dc Virgile, où la rencontre de deux Ber¬
gers fc fait, qui fe mettent a mieux chanter àl'cnuy :
Forte fub arguta confederat ihce Daphnis,
Compulerantque grèges Corydon, ey Thyrfis inynum:
Thyrfis oues, Corydon diftentas latte capellas :
^/Cmbo florentes éttatibus, ^treades ambo ,
Et cantare pares ty reftondere parati.
Bellot ] C'eftoit du Bellay. Diamtte ] C'eftoit Diane de Poiélicrs, Dame d'Anet , Maiflreffe de Henry 1 1.
d'où eftoit venue feu Madame d'Angoulcfmc, que du Bellay chantoit fort. Perrot ] Ronfard, chariot]
Charles Cardinal de Lorraine, ^fnnot] C'eftoit ce grand Anne de Montmorency Conneftablc dc France
parfonmerite. Bellin] le croy que c'eft Bcllcau Poète François, qui eftoit du temps de Ronfard. ^fdire"]
C'eft à dire, efgaré.
Bellin.
Ne bougeon,mon Perrot, l'ombre du chefine
efi bonne:
Icyparmy lespre^ la belle herbefleuronne,
Icy Us papillons peints de mille couleurs,
Et Us moufihes à miel voletentfiur les fleurs :
Icyfur les ormeaux fe plaint la tourterelle,
Icy le colombeau baifie fit colombellc,
Philomele fie deult, y d'vn gentil babil
Progné d'vne autre part lamente fionJtyl.
De vous deux vne Eclogue à ïenuy fioit
jouée.
Perrot, les loups m ont veu, ma voix efi en¬
rouée,
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*>* ECLOGVE IV*
îe ne Jçàurois Chanter, $ quand ie le vou- Où tu vois cefte coudre tnfloit mtafentpur
drots Les veines defon col,pour vouloir contrefaire
(Je iure par ton bouc) quencorie ne pour- Bellot : mais le pipeau nele vouloitpasfaire,
rou: Ains d'vn fion miferablc irritait par les
Car onm'a pris d'emblée àcefie matinée champs
L'anChe de mon bourdon que tu mauois don- Les geais (§p lespiuers à refiondre à fies chants.,
née:
Et moy, i'ay bien perdu ma lourt toute en-*
I'ay bien veu le larron qui s'enfuyait de moy, tiere,
Et tanfplus à Thenot ie U monftrois au doy,
Pins il oaignoit le bon y ffe cachaitderrière
( ^Afin qu'on ne le vift) d'vne effieffe ron-
Que Pernet defroba dedans mapanetière:
le hafiay mon maft'm apresde lorronneou,
Qui fiprès le fuiuit qu'il le prit au manteau,
ciere^ . Il ffeJâuuapourtant, y de la bure mienne
] Perrot. * Sonne toufiours depuis, y iure quelle eft
Ce n'efipas d'auiourd'huy qu'on voidforce fienne.
larrons ' Ianotfiait bien que non, car il me la bailla,
Entre les Paftoureonx :par tons les enuirons Et de nuiél$f deiour curieux trauailla
De ces prochains taillis on ne void autre Cho-
fi .
Pour m enfaire iou'e'r , contrefaifant la Mufie
Du Pafleur quiflutoit aux bords de Syracufie*
Cefi pourquoy mon mafiin toute nuiétne re- Ne laiffépour cela , mon Bellot , de chanpofe
Et nefait qu'aboyer. Bellot encore hier,
ter:
Les bois nefont pasfourdsjtu lespeux enchan^
(Jomme ildormoitfeuletffous l'ombre d'vn cou-
drier,
Perditfa Chalemie y fon pipeau d'auaine
ter.
Echo nous refondra, y nousferons égales
Nos rufliques chanfons à la voix des Cigt^
Qui valoit bien d'achat quatre toifens de lai'- les.
ne. Chanton l'vn après l'autre , y en cefte f a?
Depuis ie vyThoumin qui dans le carre* çon i
four Que Phbus aime tant,difon vne chanfion,
MARCASSVS.
Icy parmy Uspre'Tf] Ces vers font imitez de la chanfon du Cyclope, qui inuite Galatecdc quitter le fejour
de la mer pour celuy de fon antre.
Bue ades, o Galatea : quis eftnam Indus in yndis i
Sic yer purpureum , yarios hic fiumina circum «
Fundit humus flores : hic candida populm antro
Imminet, ey lenta texunt ymbracula yites.
Ou bien de ceux-cy :
Hic tibi qu* femper yicinoab limite ftpes
HybUis apibusfiorem depafta faliili
Sape leui fomnumfuadebit inire fufurro.
Philomele] Elleeftoit fille dc Pandion Royd'AthenesjTcrcefonbcaufrerelaforçaenchemin comme il
l'emmenoit d'auprès dc fon pere pour voir fa frur :& afin qu'elle ne peuft s'en plaindre il luy coupa la langue.
Elle fut puis après changée en vn oifeau dc fon nom. Progné] C'eftoit la femme de Tetce, qui tailla fon fils
pys en pièces & le feruit à la table de fon mary, à caufe qu il auoit violé fa fhur Philomele. Ce qu'ayant re-
cognu,Tereeluy voulut donner vn coup de couteau s mais en vain, car elle fut auffi toft changée en Aron-
delle. Eft enrouée] Les anciens & mcfmc beaucoup de gens fupcrftiticux dc noftre remps ont creu Se croyent
que le loup nous voyant le premier, eft capable dc nous faire perdre la voix. Ce vers eft imité dc Virgile.
yox quoque Mnm ,,
Iam "fugit ipfa .- lupi Mxrim yidere prions.
Plus ilgaignoit U bon ] Cefte inuention eft tirée de ce reproche que fait Menalquc à Damcte.
Ce n'eft pas]
- Non ego te yidi Damonts , pefiime , caprum
Excipere tnfidijs, multum latrante Zycifia?
Et cum elamarem , Quo nunc fe proripit Ole ?
Tityre , coge peeus : tu poft carttla latebas.
^*iî é^inif*cJMi » Ai^fi*jf^ **b*f* *
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ECLOGVE IV. $o|
Toute nuift j Pour, de toute la nuiél. irritait par ] C'eft àl'imitation de Menalqae qui dit à Dametc ;
Cantando tu illum? autynquam tibtfiftula etra
lunfta fuit ? non tu in triuus indoBe folebas
Stridenti miferum ftipula difp^erdere carmen?
Du Paftcttr] DeThcocrite natifde Syracufe, ville de Sicile. Lestais nefont] Virgile dit la mefme chofe.
Kon canimusfùrdis ; refpondent omntafylu*.
Que Phbus aime tant] Il l'aditàl'imitationduBcrgctquiptefctitlafaçonde chanter à deux autres qui font
*n débat dans Virgile:
* ^ilternis dicetis , amant alterna Camena;
Bellot. Bellot.
Mes vers au nom de Pan ilfaut commen¬
cer, Mufes:
'Pan efi Dieu des Pafieurs , & d'euxil a fouci,
Il daigne bien danfier deffous mes cornemufes,
lia foin de la France y de mes vers auffi.
Perrot.
AufiatnClnom de Paies ilfiaut que ie com¬
mence:
Paies ainfi que Pan aime les Paftoureaux :'
Au bruit de monflageol bienfeuuent elle dan-
ce,
Elle afein de mes vers & de tous mes taureaux.
Bellot.
Diane qui les cerfs vafuiuant à la trace,
\si qui tout le beau front en ÇJroiffant appa-
roifi,
Ne cognaift pasfi bien, en courant à la chaffe,
La meute défis chiens comme elle me cognoifi.
Perrot.
Phebus le cheuelu, Dieu qui prefide à Cynthe,
M'aime plus quefin luth : iefiais Ja volonté,
Toufiours fies dons ie porte, au fiein fion Hya¬
cinthe,
Son laurierfiur lefiont,fia trouffeàmoncofté.
Bellot.
Deux petits ramereaux ie porte à mon
Oliue,
Déniche^ d'vn grand orme à grauir malaifé,
Afin delà boifier s'elle veut que ie viue :
Autrement ie mourray fiiie n'en finis baifié.
Perrot.
le portay l'autre iour deux tourtres à fjaffffandre,
Et monprefent y moy beaucoup elle prifa :
Défia blanchette main l'aureilîe me vintpren¬
dre,
etpins de millefois doucement me baifia.
finefaut comparer ma Bergère à la tienne,
Nonplus qu vnefleur viue à des boutons cueil¬
lis:
La tienne efi toute brune, y tufiais que la
mienne
(Tu la vu l'autre iour ) efi pins blanche que
li^.
Perrot.
La couleur blanche tombe , y la couleur
brunette
Efi toufiours enfaifionynefifiefiritpas :
On cueille du baciet lafleur toute noirette,
Le lïT, qui efi tout blanc , tombe fouuent à
bas.
Bellot.
le ne veux plus aller où ma Nymphe fe-
journe,
l'y pers toufiours mon cur qui ffantaffque U
fuit,
Qomme vn bouc adiré, qui lefloir ne retourne
Al 'efiable,($f d'amour s'égare toute nuit.
Perrot.
le n'ofie voir la mienne,elle m afiait malade
Plus de trois iours entiers en extrême lan¬
gueur:
le nefçay quels amoursfertoient defen oeillade,
Qui décent mille traits me percèrent le cceur.
Bellot.
Mon maflin,garde bien de mordre ma mi¬
gnonne
Si elle vient me voirons baifie-luy lespieds :
Mais abaye de loin fi de quelque perfonne
Au milieu de nos jeux nous efiions effie^r.
Perrot.
I'ayme bien mon maflin,par luy ie vy m'a-
mie »
L'autre iour, que le chaut mefaifoit fiommeil-
1er :
Elle jettoit desfleursfur ma bouche endormie^
Mon mafi'm abayoit afin de m'éueilîer.
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1 Et
UA E C LO G v e IV.
MARCASSVS.
Mufes ] Ce quatrain eft imité dc ces.vcrs de Virgile:
^¤b loue principtum , Mufie : Jouis ommaplena.
lllecolit terras ultime* carmina cura.
Et de ceux-cy de Sannazare:
E'I femicapro Pan ai\a le corna ' ^
^t la, fampogna mia,fonora ty bella,
Et corre e falta efugge , e pu ntorna.
isftifainiï nom] Ce quatrain eft à l'imitation deceftui-cy de Sannazare:
La fanta Pale intenta ode il mio canto,
Et di bei rami le mie chôme adorna;
Che nejfun' altro fe ne puo dar yanto.
^Diani qui les cerfs ] Ceftui-cy cil imité de ce diftique de Menalquc :

ECLOGVE ÎV. 2ii
Paiffe^-U de bonne herbe y luy enfle^le le ne voudrois pas efire vn Faune dc ces bois,
pfs. Perrot.
Bellot.
De laiétpuiffét couler les ondes de mo Loire,
Si mes brebis portoient vne toifion dorée,
Si i'auois ma Caffandre, y mes béliers cornus
Ses bords floient pour iamais ^hyacinthesffe- Auoient les ergots d'or, au cur de cefie prée
me7\ le bafiirois vn Temple àla belle Venus.
Et de ces bellesfieurs qui gardent la mémoire
Et le beau nom des Rois en elles transforme^.
Bellot.
la la chaleurfe paffe fy le Soleil s'abaiffe}
Perrot. Les ventsffont affoupisjes bois dormentfins
tZMon Loir coule de miel, fen arène fioit bruit:
pleine
De perles gr rubis, y fia riue d'efimail,
Ses coutauxde roifins,y de fromentfiaploi-
Mais le brader d'amour qui iamais ne me
lùffe*
Tinsf allume en mon ccur,plusffapproche la
ne, nuit.
De manne fiesforefis,^fies pre?\le befiail. Perrot.
Bcllot.
Mais d'où vient que mon bouc quifiautoitfi
La nuiél nourrit Jçmien que ie nepuis efiein-
dre, ^*
alaigre,
Qui gaillard dans ces pre% coffoit contre mes
Toute leau de la merauallermeffaudroit:
Mais pour boire la mer il nefferoitpas moinb
Depuis qu'il vid ta chéure efi deuenu (i mai-
dre,
Plus ie larroufieroisy plus il reuiendroit.
gre f Bellot.
Je neffçay quilauro'tt,ffil n'eftoit amoureux. Deffur deux chefineteaux hier à touteforce
Perrot. A V A n s o n ie grauay auecque^ vnpoinçon:
La chéure que tu dis,fur vne pierre dure Les deux chefin es croifiront , y la nouuelle efi-x
tAluorta l'autre iour : depuis elle ne paifi corce
NyJoule nefouteau,cefl vn mauuais augure :
Bellot,fi tu lefiais,dy-le-moy fil te plaifi,
Portera iufquau Ciel le nom de d'A V A N-
son.
Bellot. Perrot.
le cognois des Tafieurs qui nos b %si la Deeffe Echo quipar Us bois reffonnel
fforcelent Tapprens le nom D V-T hier fi fiouuent
De regards enéhanteT, puiffent-ils arriuer &fi bien,
Auecque leurs troupeaux,quand lesfleurs re- Que parmy les fforefts cefte Nymphe ne fenne
nouucllent, Ny entre les rochers autre nom que leffien.
Au Printemps en Afrique, en la Thrace l'Hy- Bellot.
uer. Hou maflin ! ffay venir mon bouc que ie
Perrot. voypendre
De ce taillis prochain deux vieilles font Sur le haut de ce roc,il pourroit trébucher :
firties, Qu'il vienne icy brouter où le Joule efi bien
Qui m'ont enfiorcelémonpouure taureau bloc:
Puiffent- elles dormir au milieu des orties,
tendre.
Si ie prens ma houlette! ilfiefiait bien cher-
\*Apres auoir gratté leurs corps iufques au cher,
fiang. Perrot.
Bellot. Près des mèrespaiffe^paiffe^parmy l'her-
Si i'auois mon Oliue, & les barbes des léurés
De mes boucs efioient d'or,y fi tant d'or ta-
bette,
Petit troupeau d'aigneaux,pour la crainte des
uo'is loups :
Que de poilffe heriffe en la peau de mes ché-
mes,
Tûufiours deuers le ffoir la befie vous aguettCt
Ne vous efloignc^pas, elle courrafiuryous:
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M E C L O G V E IV.
Bellot.
Dy-moy quelle herbefiait les hommes inui-
fibles
Miffe deffur la langue, auant que déjeuner,
De qui Catinfaifoit des chofes impojfibles:
Tu mefieras vnDieufila peux deuiner.
Perrot.
Mais deuine toy -mefime, y tuferas Pro~
phete
Le plusgrand des Pafleurs, de quelle herbe eft
change
Le crur d'vnepucellej& de cruelle eftfaite
Plus douce àfon amy quand elle en a mangé t
Bellin.
Il nefaut point entrer en fi longue difiute,
Monfieht mon amy to& de moy cefieflûte :
Fredel,cebonouurier,ae buis lafaçonna,
Etpar quatre permis le vent il luy donna.
Toy Perrot , prens en don cefie belle ché-
urette:
Son ventre efifait de cerfs ,ffon anche de cou-
drette,
MARCASSVS.
Son bourdon de prunier : iamais ne perd U
vent :
Car elle eft bien cirée & derrière$f deuant.
Perrot prit la chéurcttej&ffeulparles va-
lées
Et les bordsplus ffecrets des riues reculées
AUoitffonnant D v-T H ï E R.Dv-T hier,
fônnoit fa vois,
Et D v-T H 1ER reflondoient Us antresy
bois,
il le fionnoit au fioir quand le Soleilffe couche,
Leflonnoitou matin quand ilfforj deffacou~
che,
Lefionnoit à midy alors que les troupeaux ,
Remafchent Uur viande à l'ombre des ojv
meaux.
Car il aimoit D V-T H i E R autant que les
auettes
Aiment au mois d'Auril le douxfine desfleu¬
rettes,
Le trèfle les brebis : y dés cefte heure-là
Perrot laiffa lesboisyauje Roysffen-alla.
[Auanfon ] C'eftoit vn Confciller d'Eftat, grand homme dc fon teups & amateur desMufes, qui fut en'3
noyé en Ambaifade à Rome. DwThier ] C'eftoit vn Secrétaire d'Eftat , qui faifoit grand eftime des gens dèj
fçauoir. Ail refte Ronfard a mis eu ce quatrain les deux couplets de Menalquc & Damcte qu'ils prononcent}
en faueur de Pollio les voicy :
D A . Pollio amat noftram quamuis fit ruftica Mufam.
Piérides yitulam leltori pafiite yeftro. ,
Men. Pollio ey ipje facit noua carmina :pafiite taêrum,
Iam cornu petat eypedibus quiftargat arenam,
Quiconque aime ] Le mefme dit Damete dans Virgile dc Pollio :
Qui te Pollio amat , yeniat quo te quoquegaudet :
Mella fluant illi , ferat ey rukut afîer amomum.
Les beaux ] II entend l'hyacinthe, qui rcrient en fa fleur les premières lettres du nom du Prince qui fut changé
en cefte fleur. Ou bien il entend Aiax. On void bien que Ronfard l'a pris de ceft Enigme que Menalque propofe
à Damete , pour n'expliquer pas celuy qui luy auoit efté propofé auparauant :
Dk quibus in terris infcripti nomma regum
KTafcantur flores , ry PhyUida fiolus habeto.
Seru ius a penfé faire chopper Ronfard en fon imitatiomcar ie croy que Virgile n'entend parler en ceft Enigme
ny d'Hyacinthe ny d'Aiax, à caufe que l'vn ny l'autre n'eftoit pas Roy : car à ce qu'il dit qu'il prend les fils des
Roys pourles Roys mefmes, il n'y a point d'apparence. le croy donc que Virgile veut parler de certaine monnoye
où tout autour les noms des Roys eftoient, ic au milieu vne fleur. C'e^yn mauuais augure] A l'imita»
i troupeau qui cltoit grandement maigre, & fi il paiffoit dans vne tres-bclle prairie. Gcttq.
forte d'enchantement s'appelle Fafcination- Lifcz Virgile. Les vers dc Menalque font ceux- cy:
Ht* certè neque amor caufa cft-,yix ofiibus burent.
Nefcio quis teneros oculus mihifafcinat agnos .
^ L¤s.deux chefines] C'eft ce que dit Gallus qu'il fera pour l'amour deLycoris qu'il aimoit gtandement, quoy
qu elle l'eut quitté pour fuiurcAnroine en Gaule.
Certum eft in Jyluis interftelaa ferarum
Malle pati, tenerifque mees mfcribere amores
^/Crboribm : crefeent ilU , crefeetis amores.
~Z"?e/em?n D"u } A rimitation des Bergers dc Virgile,Damcte & Menalquc: après auoir long temps conr'
teitcilstcpreiententdesEnigmcsàfoudrc. Dieu] Emmhtmagniss^fpollo.
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ECLOGVE V.
LES P ASTEVRS.
E C L O G V E V. &?
Tous Us Bergers de France ont efiiméde toy
Que tu es plusfiçauant à bien Chanter que moy:
le vienspour t'effayer y te faire cognoiftre
Qit'en l'art de bien chanter ie ne trouue mon
maiflre.
Xandrin.
Carlin gentil Berger, iefuis prefi de
Carlin, JCandrin, Lanfixe.
Chanter:
Noms qui reprefentent le Roy Char- Mais auant le combat ilnefaut te vanter:
les I X. & le Roy qui règne auiourd'huy, Approche, iejùisprefi : ie tefferay cognoiflre
Henry III. qui auoit nom en fon pre- Quen l'art de bien éhanter ie ne trouue mon
mier âgeAlixandre,reprefentc par Xan- maiflre.
drin;Lanfac, Gentil-homme Sain6ton- Mais que veux-tugager f
geois , affez cognu pour fes rares vertus, Carlin.
f>ourlors Gouuerneur du Roy Char- Tout ce que tu voudras:
es IX. Jegage deux aigneaux,gage deux chéureaux
iffiEuxfieres Pafloureaux qui auoient
l§g0 pris naiffance
De Pan qui commandoit n'agueres à la Fran¬
ce,
gras.
Xandrin.
En lieu de tes aigneaux ie veux mettre vne
,af
Qui quatre-fois le prix de tongageffurpaffe,
Tons deux d'âge pareils , ffe rencontrons vn
iour
Nouuellement tournée : encores elle fient
La cirey le burin : vne vigne défient
Apprindrent auxfforefis àparler de l'Amour: Tout à l'entour des bords,qui de raifins chargée
Tous deux auoient appris d'enfler les cornemu- Eft de quatre ou de cinqpucelles vendangée:
fes , L'vne tient vn panier, l'autre tient vn cou^
L'vn deffous A M Y O T grand miniftre des
Mufes,
teau,
Et l autre à pieds defiChauxgaChelevin nou¬
Et l'autre deffous Selve, à qui Phebus donna
Sa Lyre y fen Laurier quandil le couronna.
Tous deux eftoient fçauans, bien appris àffe-
ueau,
Qui fiemble f écouler en la taffe profonde.
A l'ombre de la vigne eft vne Nymphe
mondre,
Bien appris à chanter, bien appris à refiondre :
blonde
A cheueux délie%,quiffe couure leflanc,
Tous deux apparoiffoient miracle de leur Les Cheueux & lefein d'vn petit linge blanc:
temps, Deux Satyres cornusfont auprès de la belle,
Faiffans naiflre desfleurspluftoft que leurprin- Qui ont lesyeux cnfle% de trop veiller pour
temps. elle,
Comme CARLINS» iour retournoit de la Bleffé^de flon amour : mais peu Je chaillant
chaffe d'eux,
( L'vn auoit nom Carlin, l'autre Xan-, Quelquefois deffur l'vn , quelquefois fiur les
DR in) ilpaffe
Auprès d'vne fontaine , où fon fiere X A N-
D r ï n
Paiffoitfis gras aigneaux de verd trèfle y de
deux
Mignottefion regard,yfeprendà fou - rire
Leur donnant le martel,& neffenfait que rire.
Vnpeftheur efi afifis ou bord du gobelet,
thym : Qui courbéfiaitfimblant de ietter vn filet
Auffitoftque Carli n l'apperceut, ilfieferie:
Carlin.
En la mer, defiployant les plis de fon entorce,
Puis de mains & de nerfs & de veinesf efforce
XANDRIN gentil Pafleur,chanton ie te
ffupplie :
Le retirerfiur l'eau :fies mufles grands Qfgros
Senflét depuis flon chef iufqu au bas defin dos:
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£iS > E C L O G
Tout le fiont luy dégoûte, y bien qu'il foit
vieil homme,
Le labeur toutefois fis membres ne conffom-
me.
Tant il eft cru vieillard, & dirieTà le voir
Qu?ilfine fy qu'il ahanne, ^p ne le peut r'ouoir
:
Ma léure augobelet n'a touchépoury boire :
Tu l'auras touteffoisfe tu as la viCloire.
Carlin.
legage vne mufitte an lieu de ton vaiffeau,
Qui me confie en argent la valeur d'vn tau¬
reau,
Que d'vn ligneulciréaugenoiiili'ayfiait cou¬
dre:
Son ventre eftpeau de cerf,fes anchesffont de
coudre,
Son bourdon eft de buis,fen pipeau de prunier,
C'eft vncheff-d'euure grand: Seluin ce bon
ouurier
En ces bois loutre iour mêla vendit bien che-
re
le la voulois donner ^Margot la Ber-
M A R G o T qui par Us bois garde icy comme
' gere>
nous
Les troupeauxdeCATin,y fait laguerre
aux loups.
Ou bien fitu ne veux, ie mets mapanetière :
D'vn auorton de biche efi lapeau toute entière:
Et tediray comment lefiort, qui les humains
Couuerne comme il veut fia mifl entre mes
mains.
L'autre iour en gardant mes buffs *n ce
bocage,
le vy qu'vn loup ffuiuoit vne biche fiauuage,
Stlapreffoitfifort que déjà la tenoit, *
Et d'haleine& depouls moindre elle deuenoit:
Elle battoit desflancs ; fa langue efioit tirée,'
Comme efiantja du loup la proye defirée :
Quand en prenant mon arc re U banday
feudain,
Je le courbe en (Jroiffant delà feneflre main,
lel'efioigne dufront,puis,comme bien adextre,
De l'autre ie l'approche à la mammelle dextre:
L'arcfeudainfie dejhande, y le traitfait vn
fin,
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VE V.
Qui paffont comme vent de buiffon en buiffon*
SÏfîant & fendant l'air, entama d'anenture
La biche fions le c:ur de mortelle ouuerture
Vn peu deffous teffiaule : elle tombe à genoux,
Et le loup s'enfuit fremiffant de courroux,
l'approche, y la découpe\, ($f*commc ie
m'arrefie
A vouloir décercler les tripes de la befie,
le vy trembler vn Fan,lequel mefiembla beau,
Détaches marqueté : t'en efiorchay lapeau,
l'en fis ma panetière , où quatre ou cinq ca¬
chettes »
Se trouuent là dedans comme belles chambret-
tes.
L'vne à mettre du pain , l'autre à mettre des
noix,
L'autre à mettre la fonde y mon vaiffeau de
bois.
Or tienne ellefiera , fi Pan teffauoriffe,
Efiant victorieux defi belle entreprife.
Xandrin.
Quiflera noftre iuge, & voudra fans faueur
Donner au mieux-difant la viCloire & l'hon¬
neur t
Appellonce Pafleur qui eftdoCte en mufiqui,
Qui de tels différents entend bien la pratique :
Cefi celuy que mon chien abbaye : vois-tu pal
Commegaillard il vient deuers nous le grand
pas?
A voirfia panetière &fagrifi iaquette,
Son chapeaufait de jonc, Jàfonde &Ja hou*
Iette,
Qeft le Pafleur L A N s A c,des Mufies Ufouci,
Dont le renom s'honore en autrepart qu'ici :
Le Tybrel'a cognu,y les eaux argentines
De laTounre qui court toute blanche de Cy-y
gnes.
Carlin.-
Iuge-nous ffans faueur , donne à celuy le
. prix
Qui fera de nous deux à chanter mieux appris:
Nos chants nefont combats, riotes nefineffffes,
Cefi pour guorir l'amour de nos ieunes Mai-
fireffes.
» Tons deux nefemmes qu'vn tbienffouuent
l'amitié »
» Par vn joyeux combat renforce de moitié.
MARCAS-

E C L O G V E V» __$
MARCASSVS.
Deuxtytres] Charles î X. & Henry 1 1 1. Pan] Du Roy Henry IL '^fmyot] Le plus grand perfon*
nage dç fon fiecle.àqui laFrance doit le Plutarque. UeftoitEuefqued'Auxerre, Grand Aumofnier dc Fran¬
ce, Se précepteur du Roy Charles I X. L'autre ] Henry 1 1 1. selue ] Il fut précepteur dc Henry III. ÔC
comme Fehn remarque, premier prefident à Milan fous François I. Bien apprins i femondre ] C'eft à dire,
tjui eftoient bien accors, & toufiours prefts dc fc faire vne gentille guerre à mieux chanter. Celle penfée eft prifc
de Virgile, quand il parle de Damete & de Menalque.
Et cantare pares ty refpondere paratt.
rne yignt ] La defeription de celle TafTceft à l'imitation de celle que vante Menalque dans Virgile, quand
il dit:
Verùm id quod multo tute ipfe fatebere mains
( Infanire libet quomam tibi)poctda ponam
Pagina , calatum dimni opus ^Icimedontis :
Lenta quibus torno facili fuperaddita yttis
Dijfufos hedera yeftit paUente corymbos.
Sannazare l'a auffi imité, Se Ronfard Sannazare. oltra di cioyn naponom di faggio ton due orecchie behfiimt Jt
bnedefimo legno,il quale da mgeniofo artefice lauorato tiene nelfuo meT^o dipinto il rubicondo Priapo che ftretifiimamente
Ubbracciayna Nympha, cramai grado di lei layol bafaare.Onde queUa d'ira accefit , torcendo ilyolto indtetro ,con tuttt
fue forXe intenta àfutluparfi da lui,

3d - E C L
QmWfont autourdihujyfinon vn peu d'om-
1 brage,
Deviendront quelquefois auffi hauts que ces
K bois.
Carlin.
Paiffe^Jouces brebis,paiffe^ en cefie plaine
Du trèfle , y toy mon Chien garde bien mon
| troupeau;
Quand i'aùray le loifir, toutes en fafontaine
Je vous iray louer pour vous blanchir la
peau.
Xandrin.
^ Bouc, qui frappes dupied, y de la corne
' .pouffes
Lefront de mes chéureauxfois déformais plus
dons:
Une faut irriter mes Chéures quiffont douces,
Autrement tuferoula paflure des loups.
Carlin.
Nereujfndra iamais cefie faiffon dorée
Où les Pafteurs Charlot s par les champs
fleuriffoient :
Quand la terre portoit,fans efire labourée,
Les bleds qui de leur grépar les Champs iau-
niffoientt
Xandrin.
^ Entre les hommes vifs toufiours vit l'cffie-
ranee,
Pren courage,Qa R L I u,ce bon temps reuien*
dra:
Les eaux courront de laid, U miel prendra
, naiffance ,
Des cheffnes,& l'Hyuer le Printeps deuiendra.
Carlin.
Fleuues,enffans de l'air,& vousfleurs bien-
atmeesy
Si deffous monfiageol raieunirievous voy,
PaiffeTà mon fiouhait mes brebis affamées,
EtfiX a N d R ï Nj» vientfaites- luy comme
à moy.
Xandrin.
Herbes qui boutonneT, vertes ornesffacrées,
Si fions mon larigot reuerdir ie vous voy,
PaifféZa mon ffouhoit mes troupeauxpar ces
prées,
EtJiCkKLi^fy vientfaites-luy corne à moy.
Carlin.
Nymphes,mon cherffoucy;permette^ que
~ ie face _/____
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O G V E V.
Des vers tels que F R A N C ï n te grandPat
fteur diuin:
Ou bien s'il ne vousplaifi me faire çejjf grâce ,
En v ie luy pendray mon flageola cepin.
Xandrin.
Bergers, en ma faueur faites vne cou¬
ronne ,
De lierre à mon fiont :fi le Ciel n'efi ialous
De mon âge nouueau, qui commevn préfleu-
ronne, .
l'effiere quelque iour me voir maiflrede vous.
Carlin.
De la mufitte vn iour puiffe- ie tant ap-,
prendre, ' '
Que ie chante à l'enuy Us honneurs de C ATiN
Qui douce m'anourry,commevne mère ten-
. dre
Son enfant U plus Cher nourrift defan tetin^
Xandrin.
Je veux ainfique toy chanter Us honneurs
d'elle,
Tefiperedefia maintes lauriers triomphons:
Douce elle m'a nourry, commeautres}ois Cy-\
belle
Sur les monts Idéans nourriffoit fies enffans.
Carlin.
le veux-de galons verds ,pour mieux lu
faire hommage,
Luy dreffer vn autel couuert de poliot,
Où de cormier taillé ie mettrayflon image,
Celle des deux Francins, celle de H E N-
R I O T. !
Xandrin.
1er veux chanter deux versfur mon tuyau
d'auéne:
Le vent les portera le long de ces paftis :
C a t i n temporifantlbuffrit beaucoup
de peine,
Pour garder nos troupeaux quand nous
eftions petits.
Carlin. *
Que ne tiens- ie en mes bras la douce paftourelîe
Qui le cur m'a rauyd'vn regard gracieux t
Qui de corpsfy de taille y 'de face eftfi belle
Que iefluis trop heureux de languirpourfles
yeux.
Xandrin. {
le nevoudrais auoir lesjroupeaux d'Arcadie^

i
ECLOGVE V. g3J
NyTeTptns riches Roys tes trejors plântiï^ Que maintenant fonchant nefijînon quedfâ^
reux : mour.
Si i'auoisfeulement vn baifierde momie Carlin.
Deffous ces verds coudriers, iefferois trop heu- Bouc , Colonnel barbu de mon troupeau
reux. champefire,
Carlin. Va dire à Galotée3 à fin de l'enflamer,
Si tofi que dans ces champs arriue Gala- Que le diuin Protee a fouuent menépaifire
tée, Du grand Prince Neptun Us troupeauxfous
Les herbes (£p lesfleurs naiffent par tout icy:
Maisfi tofi qu'antrepartfia veu'ë efi eftartéc
la mer.
Xandrin.
Pourfen aller de moy, les fleursflen vont Bélier,fidèle guide à mes brebisfertiles,
auffi. Va dire à Tafithée ( elle Chante icy près )
Xandrin.
Si tofi que dans ces Champs arme Pafi-
Que Pallas toute feule aille habiter les villes,
le veux auecquesTan habiter lesfforefis.
thée, Carlin.
Par tout où elle va le beau Printemps lafiuit : Cefi vne chofe trifie au bois que la fioi-
Maisfitofl qu'autre part fia veuë eft eficartêe
Pourfienfu'ir de moy , le beau Printempsffen-
dure,
Aux merles l'efireuier, aux riuieres l'Eflé,
I fuit. Au Pafieur amoureux vne Maiflreffe dure,
Carlin. Qui garde après la mort à Plutonfia beauté,
le garde à Galatée vn bel effein d'abeilles, Xandrin.
Qui. bruyant doucement la belle endormi- Seul ie ne fiens d'amour lesflèches trop
ront : cruelles,
le luy garde vn cheureau qui déjàfait mer- O pere Jupiter, o Deeffes, o Dieux,
ueilles Vous auef tous aimé, fy les beauteTmor^
De bondir deffus l'herbe , y de coffer dufront. telles
Xandrin. Vous ontfait autrefois abandonner les (Jieuxl
le garde à Pafithée vne linote en cage, Xandrin auoitfiny , quand C A R-
Que i'ay prifi à la glus , y fi bien l'autre L IN qui s auance
iour D'enfler vne autre flûte, à chanter recom-
Ie luy fis oublierflon naturel langage, mence.
MARCASSVS.
Or fus, afiifefyyoKt] Tous ces vers qui fuiucnt font imitez de ccux-cy que dit Palemon dans Virgile,
pour inciter à chanter Menalquc & Damete :
Dicite , quandoqutdem in molli confiedimus herba -
St nunc omn'u ager, nunc omn'u parturit arbos :
Nunc fondent fylu* , nunc formofifiimus annus :
Incipe Damrta , tu demde fequere Menalca.
^tltern't* dicetis : amant alterna Cajnn*.
Du puijfant iupiter] Homère les publie dans ces vers qu'ils font fils des Dieux, que ce font eux qui les font
viure & qui les entretiennent. Eftoient des taftoureaux] Comme on remarque de Dauid, & d'vne infinité d'au¬
tres. Voila pourquoy Homere,afin que leurs Majeftez fcrefouuinffcnt de leur ancienne condition, les appel¬
loit Pafteuts des peuples, mi^aç xaûr. ^Apollon ty Mercure] Nous l'auons déjà monftre. Pan] Le Roy
Henry IL Q.uehalliers] Virgile dit le mefme de l'Italie après la mort dc Cefar:
poftquam te fata tulerunt,
Ipfa Pales agros atque ipfe reliquit ^fpollo.
Pro molli yiola , pro purpureo narcifo ,
Horridus m fttnif Çurgtt paliurut acutit.
Quand t'auray le loifir ] Ce quatrain eft imité de ce couplet de Damete :
Tityre , pafeentes afiumtne reice capeUat :
Ipfe, ybi tempus erit , omnes in fonte lauabo.
Nymphes] Il fait ce defir pour fauorifer Henry III. qu'il entend fous lcnomdeFrancin. Comme Virg'Ic
le fait fous le nom de Corydon, poutfauorifcrCodrus,quafld il dit :
** AAaa if
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%_
E C LO GV E V.
jNymph*t»ofteramor, Ltbethndest aut mihïxttrmtn
Quale meo Codro conceditt : ( proxima Phasbi
Verfiibut ille facit) autfixonpojfumus omnes,
Hic arguta facra pendebit fifiula pin».
Bergers] Ceftui-cy eft encore imité de ccftuy- là:
Pajrores hedera creficentem ornate Poi'tam '
j¤rcad«s , inuidia rumpantttr "Vf ilia Codro.
*jtutfit yltra placitum laudarit, baccare ftontem
Cingite, ne yati noceat mala lingua futuro.
katin ] La Roync-mcre. Cybelle ] C'eftoit lamerc des Dieax qui furent nourris , fclon la fable, par
elle mère , fur le mont Ida : d'où vinrent les Preftres Idées , autrement Curetés ou Dactyles. Franàns ] H
entend François I. & François fon fils qui fut empoifonné, comme dit l'Hiftoire, à l'âge de vingt ans à
Tournonoùil eftoit chefde l'armée du Roy. Ce fut parvn Italien Comte de Montecuculo, qui fut tiré i
quatre cheuaux à Lyon. Il auoit efté à l'Empereur Charles le*OjH'nt. Henriot] Henry 1 1. Paftourelie] \\
parle de Madamoifelle d'Atrie fille de la Royne, & du depuis Comteffc de Chafteau-Yilain. Protee ] C'eft
le Berger de Neptune, duquel Virgile dit au quatriefmc de fes Gcorgiques:
JSTeptuni paficitfub gurgite phocas.
QjtePallas] C'eft ce que dit leBergcr Corydon à Alexis dans Virgile:
, Pallat quai condid.it arces
Ipfa colat nobis placeant ante omnia fiflu*. w
Ceft*î>ne chofi tnfte] Ce quatrain eft imité dc ce couplet dc Damete.
Tnfte lupus ftabulis , maturis frugibus imbres,
^Arboribus yenti, nobis ^maryllidif ira:
Carlin.
Loups amis de ces bois, qui de ioury de
nuiél
''Aguette^le troupeau qui par l'herbe mefuit,
Pardonne^ à mes b pardonne^ à mes
chéures
Et âmes boucs cornus qui portent barbe aux
léures.
Et quoy mon Chien Harpaut, te faut-il
fommeiUer,
Eftant près d'vn enfant quand tu deuffes
veiller f
Brebis, mangeT, broute%,rieff>argne% mon
herbage :
Tant plus il est tondu il renient d'auantage.
Paiffe^-vous de bonne herbe y vous enfle?
le pis:
Le laiCl que vous aureTfera pour vos petits
^ui beflentdans le toicl. Quoy f vous neflat¬
tes conte
De les allerpenffer? n'aue^-vouspoint de honte
De vouloir tout le iour par les pre^fejoùr-
nerf
Voicy la nuiét qui vient , il s'enfaut retour¬
ner.
Carlin vouloit partir, quand Xan¬
drin,^/ entonne
JU» autre chalumeau, telle chanfen en fionne.
Xandrin.
xAinfiqùvne belle ante efil'honneur d'vn
vergi en
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Et le troupeau biengras eft l'honneur du Ber¬
ger:
Ainfi, frère C A R L I N , l'honneur de noftre
enfance
Cefi nofire CATHERINE, ainçois de toute
France.
Le miel puiffe couler deffus elle en tout temps]
Naiffe deffous flespieds à iamais vn Printeps,
Que iamais le malheurfon Alteffe n'abatjffe,]
Quelle foit desFrançoii la nouuelle Déejfe,
Quelle écoute du Ciel nos plaintes y nos\
vux,
Etfloit garde à iamais de France y de nous
deux.
Lanfac.
Qeftplaifir qu'ouïrplaindre vne bellegeniffeï
D'ouïr le rojfignol, dtou'ir tonde quigliffe
A vald'vn haut roCher,d'ouïr contre Us bords
Lesflots de la grand' mer quand les vents ne
font forts.
Mais Cefi plus grandplaifir d'entendre vos\
mufettes
Quipaffent en douceur Us douceurs desauet-
tes.
Vos bouches à iamais fie rempliffent de miely
Et toufioursfoins y gais vous maintienne b
Ciel
En honneurs, en vertus, y en forces égales,,
Puis $toe vos deux chanfonsfurmontent les ci¬
gales.

LE CYCLOPE AMOVREVX.1 *3j
Que l'vn donnefen gage à l'autre de bon Viue^por tes forefis fions haine y fions re~
cuur, proche,
Car Ivn n'a point efté deffus l'autre vain- Adieugentils Pafkurs , adieu, U nuiétfapà.
queur: proche.
MARCASSVS.
Toiff] Il appelle l'cftablc Toiél, parvne forte défigure qui fc nomme Synccdoche; par laquelle on prend
vne partie pourlc tout, fort fréquente aux Latins, tcttum, pour vn eftablc ou vne maifon* ^Cmfi qtt'yné
belle ante] Ainfi vn Berger dans Virgile loue Daphnis.
FitUyt arboribtu decort eft, ytymbm yua;
yt gregtbus tauri , fegetes ytpinguibut aruit,
Tu deciuomnetuii.
Mait c eft yn grand plaifir] Ces penfeesfont à l'imitation de celles dont Mopfc vante la chanfon dc Me-<
nalquc, quand il dit:
$2«_ tibi, qu*. tali reddam pro carminé dona ?
Namnequeme tantum yementisfibilus ^fuftri,
Nec percujfa iuuantfluElu tam littora, nec qu*
Saxofas inter decurruntfiumina yailes.
LE CYCLOPE
AMOVREVX.
Ontrele mal d'amour qui tous les maux
excède,
L'artifice n'inuente vn plus prefent remède,
Soit piUule ou breuuage , emplaftres ou li¬
queurs;
Que lafeience apprifieàl'effchole des S1urs.
Vn chacun en chantant veut ffoulagerffa
playe :
Mais Amour de chanffonsfiiuoles ne fie paye,
Etneprefielanreille à tous les importuns:
Puis desfiçauantes Seurs Usons nefiont com¬
muns,
Et fuffitfi Nature, enfies facrée,
Fait naiflrevn bon ouurieren toute vne con¬
trée.
Iefiay bien,D'E s P I N A Y , que vousfica-
ue^comment
Onfi peut allégerd'vn fi gentiltourment :
Apollon Vous honorey cefie belle trope
Qui fuit par les rochers les pas de CaUiope :
Puis vous efies courtois , & iefiay bien auffi
Querien ne vous plaifi tant qu'vn amoureux
fouci :
Vous neprinftes naiffance en vn deffert rufii-
qne,
Germe d'vn tigre fier,ou d'vn lion d'Afrique:
Cefi pourquoy de Sicile au riuage Breton
I'enuoy ce Polypheme à qui tout U menton
Rudefefjaijfiffoit d'vne longue filace,
Qui luy couuroit lefiont , Us tempes , yl
face :
» x^Amourqui rechatouille en nous les appétits^
» DonteauJJi bien les grands comme ilfait le^
petits. 1
Par luy vous apprendre^ que tel Rois y leà
Princes,
Et les grands Gouuerneurs des Royales Pro3
uinces,
Qui ont U c hautain y lefang genereUx^
Nefiant pasfeulement des beauté^ amoureux:
Mais ceux qui les troupeaux conduifint en
pafture,
Les pauures idiots, les monftres de Nature
Cachent en lapoitrine vn vlcere arrefté,
D'effierance & d'ardeur ieunement allaiClé:
Commevn Cydopefit, qui l'ame auoit dontée
De l'amour qu'il portoit à vne Galatée,
Naiode de la mer dont il eftoit efjoint,
2tpourfia recompenfie elle ne l'aimoitpoint.
Or cegrand Polypheme, horreur de la Sicile,
Enfant Neplunien,oàxhoftes difficile,
Pourffefaireplus beau, d'vn râteaufepeignoit,
Et d'vnefauxfa barbe y fles ongles rongnoit:
Qui d'vn taillis de poil heriffoit fia poitrine,
Et quin auoit mirouer queleau delà marine:
Son corps efioit Geant,& au milieu du fiont
Contournoit vn grand comme vn grand
boucler rond :
AAaa iij
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

Jl tenait enJonpoing,autieu d'vnehouîette,
Vnfidpin efibranché:il auoit fa mnfette
Bruyante a cène tuyaux, y du haut du collet
Iufquau bas des genoux pendoitflonflageolet,
Qu'il enfloitdu matin iufqu'au fioir , menant
paiftre
Sur U bord de la mer fion gras troupeau cham-
peftre.
Sa Maiflreffe il n aimoit comme pour des
bouquets,
Pour de petits anneaux* pour vn tas d'affî-
quets
Que donne le Bergerfimptement àfiamie :
xsiins comme hors dufins & toutplein defu
rie
Apres elle enrageoit : les Mufes à lafin
A l'aide des beaux vers mirentfon malafin.
Vn iour voyant du bordfia cruelle Mai¬
flreffe
Qui fepeignoit fiur l'onde ainfiqu'vne Deeffe,
S'affiflfiur vn rocher, fy d'vn. larmoyant
ffon^
Tournédeuers la mer Chanta cefte chanfion.
, O belle Galatée enfiemblefiere y belle,
Pourquoy ieune beautétriefies-vousfi cruelle?
Pourquoy metue^-vous ? ne vaudroit-il pas
mieux
Memeurdrir de cent morts qui viennent de
vosycux
Mourant auprès de vous, que languir enfir-
uage
Banni de voftregrâce au bord de ce riuage t
LE CY ÇLOPE
MARCASSVS.
Vosyeux déiïansles mïënsont vërfé tant d'à- '
mour
Que pour eux ieffoufiire y de nuiét y dt
iour,
Etfluis tant alluméd'vnefiéure incurable,
Que mon troupeau toutfini s'en retourne à lefiable
Quand Vefler eft venu,& dés l'Auroreauffi
Sans conduite renient tout feul repaiftre ici.
Lesgrands vaiffeaux charge^qui me ffetuoient
de proye,
Leur coupant le Chemin au milieu de leur voyet
Serre% entre mes bras comme dans vn lien,
Font voile au grédu ventfanspins ne crain¬
dre rien,
Puis qu'ilvous plaifi, Maifireffe,yfiriaue;
enuie
1
D'vnfeul petit baifler me fiulager la vie,
A qui ja la vigueur& la force défaut :
Et ce qui pins medeult, c'eft qu'il ne vous en
chaut !
O montagne d'Etna que d'icy ie regarde
Vomir à Chauds bouillons vne flame qui gar¬
de
Sa nourriture enffoy ï comme vous au dedam
ïAmour m'a tout brufflé deflesflambeaux ordans,
Dont onpeut la Chaleur par mesfloufiirs com¬
prendre.
Helas ! voftre brafierfi couure d'vne cendre
Quiparfoisfe r'aUume,& couurir ie nepuis*
D'vne cendre lefeu dont embraffé ieffu'u.
Contre lemal d^mour] Ce Cyclopc eftoit vn énorme Géant, fils de Neptune, qui ayantvcu la belle
Nymphe Galatée, en deuint fi paffionné que quoy qu'il fuft brutal & fans efprir, l'amour neantmoins luy
tira quelques plaintes de la bouche pour fléchir le cur de fa cruelle Nymphe , qui n'auoitdes feux que pour
fon gentil Acis. Ronfard reprefente. en cepoeme fa paffion, Se luy fait reciter quelques plaintes. Q.ue la
feience ] Cefte penfée eft d'vn Tragique Grec, qui dit, qu'il n'y a rien au monde qui puiffe guarir vne ame de
quelque maladie quele difcours,qu'iï appelle à ce fuiet, lofes, c'eft à dire, Médecin de nos âmes. Snurs] Ala
façon des Poëtes Latins qui mettent abfolu ment, Sorores, pour les Mufes. Us le font par vne certaine coùftumc
de parler qu'ils ont, par laquelle quoy qu'ils ne mettent point le nom des chofes qui tiennent le premier
rang parmy les autres, ils les font entendre. Comme quand ils difeht, le Poète, parmy les Grecs ils entendentHomere,
& parmy les Latins l'incomparable Virgile. Ainfi quand ils difent, les Surs, par ce que les
Mufes font la plus noble & la plus rare compagnie des Surs,on l'entend d'elles facilement. CaUiope] C'eft
vne des Mufes. De Sicile] A caufe que Polypheme demeurbit en Sicile. Que l'eau] Dans Theocrite il
le mire dans la mer. Soucier] Pour, bouclier. Vos yeux ] Par ce que ce font les portes par ou l'Amour
entre. Ainfi Apulée parle à Photis : ilii tui ocult per meos ad intima prcordia deUf.fi in peflore magnum mihi mouent
(ocendium.
'""""/'""* &»*] C'eft le Montgibel, qui dedans la Sicile entretient vn feu éternel.
Ofontaine ^Arethufe, amoureufe ancien- De ceDieu quiprefideà l'onde Alpheïenne,
M _ le finis émerueillé qu'en bornant de vofire eau.
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AMO
Et my baignant fouuent , ie riefieins leflam¬
beau
Qu'^Amonr autour du cmur fi chaudement
m'allume,
2t que voftre froideur ma chaleur ne conjùme!
O rochers endurcis au bordde cefte mer,
le voudrois me pouuoir enpierre transformer
ffour nefientirplus rien comme chofe inutile,
Non pins quefiait Niobe au rocher de Sipylel
O forefts, que ie porte ennie à voftre bien !
fit d'autant oforefts que vous nefienteT rien,
Et d'autant que toufiours vofire cheff renou-
uelle
De Printemps en Printempsfaperruque nou¬
uelle;
Mais ie ne puis Changer mon amoureux efmoy
Qui toufiours m'accompagne y vieillit auec
moy.
O mer, bien que fioyeTfir cruelle y amere,
le ne vous puis haïr; car vous efles la mère
TDc cellcqui me tue : on chante que Venus
Nafiquit d'eficume blanche entre vosflots che¬
nus,
Toutefois elle efi calme :fy par nulle prière
lé nepuis adoucir cefte autre marinière,
Cefie Venusficonde en qui la cruauté
De la mer apparoifi auecques la beauté.
Taime pour mon confort de voir la pierre
Ponce
Qui nage deffus l'eau y iamais neffenfonce
Non plus que mon penfer,qui ça qui là nouant
Ainfi que Galatée en l'eau ffe va jouant,
l'aime bien des Dauphins l'amoureufe na¬
ture,
Quifiouslefroid des eaux ont fenti lapointure
D'aimer ainfi que moy : mais leurfiort amou¬
reux
Efi trop plus que le mien en amour bien-heu¬
reux.
J aimelefionge auffi , dautant qu elle eft
vtile
A meffuyer le pleur qui de mesyeux diftile.
J'aime auffi le courail, doutant qu'il efi
pareil
Aux léures de m'amie ^ à fion teint vermeil:
Seulement ie me hay, défiefieré pour riefire
Aimé de ce bel nil qui du mien fie fiait mai¬
flre.
O Nymphe qui m'aue^jout le clurembraffé,
vrevx; g,,
Tende^- moy vofire bouchea fin d'efire baifiéî
On dit qu'au Ciel là hautvn grandJupi¬
ter tonne
Qui defies feux ardas tous lespeuples efionne:
Voflre m'efi Iupiter, qui tout m'afou¬
droyé
D'vn regard que m'aueTdans le curenuoyé,
EtJîriaueTflouci d'efieindre en nulleflorte,
Non d'vn petit flou- ris,laflame que ieporte.
Las ! vous veneT icy pour io'nerfiur Us
bords
Quandfeule vous voye% que toutfeuliem en¬
dors,
Etpour me réueiller vous metireT l'aureilîe,
Puis en l'eau vous fiuyeTfi tofi que ie m'éueille
:
Seulement mes Harpaux qui gardent mon
troupeau,
Courent après voftre ombre ($f l'aboyent fur
l'eau.
Que maudit fioit le iour que ie vous vispre¬
mière
Cueillir parmi ces preT des fleurs auec ma,
mère !
le vousfiruois deguide,ahjen'ayfiçeu depuis
Moy-mefme me guider, tant efigaré ieffuis.
De tefte $f deflomach iedeuinstout ma¬
lade,
Mon il deuint terni,ma couleur deuint fade,
Ma mereffçeut mon mal,qui iamais nevoulut
Tantfiulement vous dire vn mot pour mort
falut: 0
Si elle vous eufi dit ma paffion nouuelle,
Peut-eftre queuffeTfait quelque chofe pour1
elle.
Hàqueie ffuismarry qu'en naiffant ie ne
pris
La forme d'vn poiffon, afin dauoir appris
A bien nagerpourvoir deffous Us eaux pro¬
fondes
Quel plaifir vousaueTà ioiierfeus les ondest
Toufiours à pleines mains ie vous eufffe porté
Des roffes au Printemps , des illets en Elle,
Dufiafran en Automne, y non pas tout en-*
femble,
Mais comme lafoifon diuerfiles affemble.
Au-moins i'euffe baifié vofire main y vos1
bras:
ffarbaifer voftre bouche il ne m'appartientpas.
AAaa iiij
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S3e cefiegrande merfioit battu de l'orage,
Mieux vaudroit en mon antre auec moy
demeurer
Pour faire du fromage y du laid preffurer,
Tirer deuers leffoir le pu aux vaches pleines,
Conduire les aigneauxpar les herbeufisplaines,
Voirfauter les chéureaux,coffer les bouuiUons,
Qrihabiter de la mer les flerillesfilions.
Sortes de vofire mer, veneTa la bonne
heure
Habiter lefiejour de ma douce demeure:
VousfereTà mesyeuxplus blanche que les lis,
Tins vermeille qu tillets nouuellement cueillis,
'Plus droite que le jonc, plus tendre y plus
" fleurie
Queriefi au mou d'Auril vne ieune prairie,
Qrivn iardin orroufié, qu'vn pré tondu de
frais,
Que l'ombrage en Efté des effaiffes forés.
* Si non,vons mefere^jlnsfierejo Galatée,
Quvn affiic, qu'vne mer, quvneflame éuen~
tée,
Tins fiuperbe qu'vn paon, plus volage que
vent,
Plusfuyarde qu'vn cerf que Igs chiens vont
fuiuant :
Plus fourde quvn rocher, y plus fauffe $r
menteufie
Que n'efi de vofire mer l'apparence venteufie .
Si vous m'auie^pour voftre entre vos bras re-
ceu,
VonsviendrieTfloeberger en mo antre mouffu.
lefinis riChe en troupeaux ,fioit à corne ou à
laine;
Les vns errent aux boisJes autres en la plaine,
Les autres pins légers grimpentfur le rocher,
Et Us autres fien-vontfiur les fleurs fie cou¬
cher,
L'vn repofe àtefiable,fy l'outre deffous l'om¬
bre:
Brefi'ay tant de troupeaux que ie rien fiay le
nombre,
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AMOVREVX.
Auffi fins Us conter ie fçay que tout efi mieh:
» Panure eft celuy qui ficait^ le nombre defin
bien.
le trouuay l'autre iour le cauerneux re¬
paire ,
D'vn e Ourffe bien peluë,y dedans,vnepaire
De petits Ourffeletsqui déjà pourront bien
Se jouer auec vous ffans auoirpeur de rien:
Ilsffont bien éueille^peufarouches, y ffem-
blent
Efirefieres beffons,tantfort ilsffereffimblent:
teles trouuaypour vousfieles vousgarde auffi,
S'il vous plaifi de venirfiur cefte riue ici
Mefierrer en vos bras,y pouffer hors de l'on¬
de
De voftre chefmarin la belle treffe blonde .
Vene^" donc m'embraffer fans vouloir dé¬
tourner
Vosyeux des beaux preffents que ie vous veux
donner.
Certes ie me cognois , mafiace rieft difforme,
le prens plaifir extrême à contempler ma ffor-
met
Vautre iour tout mon chef y mon corps ie
lauay,
Quand la mer efioit calme, y beau ie me
trouuay.
Si ma tefie aux longs crins comme vn taillis
ombrage
Mon effauUymondos,en fiu'ts-ie plus fau¬
uage f
Si de crins effoiffis mon eftomac efi plein,
Ne penfieZque Nature ait rienfiait de vi¬
lain.
Vn arbre n'efi point beau fans efiaiffeffueiUée,
Vn cheual fans longs crins : la laine entortillée
Fait belle la brebis, Us plumes les oiffeauç:
Longue barbe y long crin ffont Us hommes
plus beaux.
le nay qu'vn au front :le Soleil, qui
nous darde
Le iour de fes rayons , d'vn fieulil nous re¬
garde.
La Lune n'a quvn il fie n'ay quvn ailauffi:
Compagnon du Soleil i'allège mon fouci.
Adjoujk^ d'autrepart que Neptune eft mon
pere
Qui commande*à vos eaux : vous l'oureT^
pour beau-perc

E C L O G V E Vï. |fa
S'il vousplaift m eïfoufer, y fi paramitié Que d'efirefions rienfaire à chanter de ta-
T>e ce panure Cyclope aue% quelque pitié, mour,
Qui ne trouue allégeance au mal qui le tour- Ou en aimer vne autre,ou feindre dans toy-
mente,
mefmes
Sinon quand il vous void, ou bien quand il Que tu es bien-aimé de celle que tu aimes.
vous chante.
Panure Cyclope helas ! quellefureur a pris
(Fureur de trop aimer )follement tes efirisf
Il vaudroit mieux penfier à ton petit affaire,
Allaiter tes aigneaux (è? tes genices traire,
Et lacer tes paniers fiur ce bord tout U iour,
MARCASSVS.
Carfeindre defire aimé (puis que mieux on
ne peut)
Ks4llege bienfeuuent l amoureux qui fe veut
Soy-mefines fe tromper , fe guariffant U
playe
Auffi bien par le faux que par la chofe vraye*
o fiontauie yCretbufi] Arcthufe eftoit vne belle Nymphe, fille de Doris & deNeree, compaigne d'Elide
&dc Diane: comme vn iour Alphéela pourfuiuoit, Diane la changea en vne fontaine qui retint fon nom.
Voyez ce que nous en auons dit cy-deffus. le n'eftetns JDaphnis dans Longus dit le mcfmc, lors qu'il rariocine
fur la naiflàncc de fon amour qu'il necognoift point, & qu'il s'eftonne que s'eftant plufieurs fois baigné dans
vn fleuue , cefte chaleur qu'il reffent ne fe foit amortie. Ntobe ] Voyez ce que nous en auons dit auparauanr.
Ma mère] C'eftoit la Nymphe Thoofe félon Homère, je yom fiermu] A l'imitation de Damondans
Virgile :
Septbuf in noftr'u paruam te rofeida mala
( Dux egoyefter eram ) yidi cum matre legentem.
Soit balu del'orage ] C eft ce qu'il dit dans la chanfon que chante M dans Virgile :
Hue ades, o Galatea -.«uiteft nam ludui in îmdù ?
Htc yer purpurenm\yanos hicfiumma circum
Fuudit humus flores : hic candida populut antro - )
Imminet, (y lent* texunt ymbracula yttes.
Hue ades : infant feriantjine littora fluÛu*.
iouuillons] Mot nouueau, pour, veaux. Pauure Cyclope] Cefte fin eft imitée de celle de l'Eclogue de Vit'
gile, où le Berger Corydon,apres auoir deferit fa paffion & coniuré Alexis dc luy vouloir du bicn,dit : """
*/¤» Corydon , Corydon, au* te démentia cepit ?
Semiputata tibi fiondof* yttù in ylmoeft:
Qjuin tu altauid faltem potiùs, quorum tndigetyfut,
Vimimbu* molliaue para* detexere mneo ?
Jnuenies aliumfi te hicfiaftidit ^tlexis.
ECLOGVE VI.
SVR LA MORT DE
Margvertte de France,
four du Roy François
premier.
' Ien-heureufe y chafiecendre,
Que laJMort a fiait défendre
Deffous l'oubly du tombeau :
Tombeau qui vrayment enferre
Tout ce qu auoit noftre terre
D'honneur, de grâce & de beau.
Comme les herbesfleuries
Sont les honneurs des prairies,
Et des pre7les ruiffelets:
De l'orme la vigne aimée,
Des boccages la ramée,
Des champs les bleds nouuelets :
Ainfitu fins, o Princeffe
( Ainçois pluftoft , o Deeffe)
Tufins la perle & l'honneur
Des Princeffes de noftre âge,
Soit en filendeur de lignage,
Soit en biens,foit en bon-heur.
Jl nefaut point qu'onlSjFacc
Vn ffepulchre qui embrajfir
Mille termes en vn rond.
Tompeux douurages antiques,
Et broue en piliers Doriques
EleueT à double front.
» L'airainje marbrey U cuiure
» Font tant feulement reuiure
» Ceux qui meurentfins renom,
» Et deffquels la fepulture
» Treffe fous mefme clofture
«Le corps, la vie, ffi le nom.
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liî E C L O G V E VI.
Mais toy, dont la Renommée
^Torte d'vne aile animée
Par U Monde tes valeurs,
Mieux que ces poinéles ffnperbes
Te plaifent lesdoucesherbes,
Les fontaines y lesfleurs.
Vous Pafteurs, que la Garonne
D'vndemy-tonr enuironne,
Venez moufiches mejhageres,
Pliez vos ailes légères,
Faites icy voftre miel
Dites-leur', Troupes mignonnes,
Que vos liqueurs fferoient bonnes,
Si leur douceur égalait
La douceur de ffa parole,
Lors queffa voix douce y molle
Au milieu de vos pre% vers
Faites Jà tumbe nouuelle,
Graue^ vn tableauJus elle
Plus douce que miel coulait !
Dites que les mains auares
N'ont pillé des lieux barbares
Telle Margverite encor,
Du long cercle de ces vers :
Icy la Royne flommeille
Des Roynés lanampareille
Quifi doucement chanta :
Cefi la Royne Margverite,
La plus bellefleur d'élite
Qrionque l'Aurore enfanta.
TuisflonneTyos çornemufes,
Et meneîéjiu bal les Mufes
En vn cerne tout-autour,
Soit aux iours de la froidure,
Ou quand la ieune verdure
Feraffon nouueauretonr.
xJAux rais cornus de la Lune
TAffemble7jbus la nuiét brune
Sur Us bords d'vn ruiffelet
Vos Nymphes y vos Dryades:
DonneZ-luy dix mille aubades
Au douxfon du flageolet.
Tous Usons fait recouuerte
De gdZonsfà tumbe verte,
Et quvn ruiffeau murmurant,
Neuffffok recourbant jes ondes,
De neuf torches vagabondes
i^idlefa tombe emmurant.
Dittes à vos brebiettes,
Fuye^-vous-eJ^Mufittes,
GaigneT l'ombrette ces hois hois
Ne broute^ en cefte prée,
Toute l'herbe en eftfacrée
A la Nymphe ^Valois.
Dites qu'à tout iamais tumbe
La manne deffus fa tumbe :
Dites aux filles du (Jiel,
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Qui ffut parfon excellence
L'Orient de noftre France,
Ses Jndes y fion trefor.
Ombrage^, d'herbes la terre,
TapiffeTé-la de lierre,
Plante? vn Cyprès aufift:
Et noteZ dedans à force
Sur la nouailleufie eficorce
Dereéhefi ces vers icy.
Pafleurs,fi quelcun fiouhéte
D' eftre fait nouueau Poète,
Dorme aufrais de ces rameaux;
Jl le fierafans qu'il ronge
Le Laurier, ou qu'il fe plonge
Sous l'eou des tertres iumeaux. *
ScmeT après mille rofies,
Mille fleurettes déclofes,
Verfie\du mjel ($rdu laiCt :
Et pour annuel office,
Refjande? en facrifice
Le fang d'vn blanc aignelet.
Faites encor àfa gloire
( Pour en ffefier la mémoire)
Mille jeux $f mille ejbats :
Vofire Royne fiainCle y gr-onde
Du haut Qiel vous le commande,
^Pafieurs, n'yfaille? donc pas.
Jo, Io, Margverite,
Soit que ton efirit habite
Sur la nu'è ou dans les champs
Que U long oubly couronne,
Oy ma Lyre qui te fonne,
Et fouoriffe mes Chants.

ECLOGVE VI. %i9
MARCASSVS. .
Bicn-heureufc] Cefte Ecloguefert d'vn Epicede pour le trcfpasdc Madame Marguerite de France f.ur do
François I. Royne de Nauarre & grand-mere de Henry I V. Piliers Donaues] A caufe du marbre & de*
ouuners excellents, qui le fçauoicnt parfaitement polir. Pointes] C'eft à d.re , les pyramides qu'on éleuoit
fur les fcpulchrcs des Grands. Filles duCiel] Lesabcilles. Molle] Molle, icy fc prend commci.cn Latin,
c'eft à dire, agréable. Mamsauares] Il entend les Efpagnols qui alloient piller l'or du Pérou. ïelauner]
Ilditcclaà caufe que les anciens croyoienr qu'on auoit l'ame cfchaufcc des fureurs d'Apollon auffiroft qu'on
auoit mafchéquelqu'vne des fueillcsdc fes lauriers. Voyez Lycophron & fon Scholiafte fur ces mots J_^ça'-
yui

' ï
840
-H \ v*"* m »»
SONNET.
A JfAfiarade & Cartels ont fmns leur nourriture,
jy^L>eun des Italiens, l'autre des vieux Français,
Qui erroient tous armeTjpar defèrts &par bois,
Accompagnez, d'vn N/tin cerclant leur auenturef
L'honneur, des nobles ceurs gênereufi poinfture,
Les faifoitpar Cartels desfier aux tournois:
(Ou nuds en vn duel, ou arme^du pauois)
Ceux quiforççient les loix, U peuple & la droètfure.
L'accord Italien quand il ne veut bafiir
Vn Théâtre pompeux , vn coufieux repentir,
La longue Tragédie en JMafiarade change.
Il en efi ïinuentem : nousjuyuons fis leçons,
Commefis vefiemens,fis mnurs & fisfaçons,
Tant l'ardeur des François aime la chofi efirange.
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. ~»

LES
MASCARADES
ET CARTELS DER DE
RONSARD GENTIL-HOMME
VENDOMOIS.
D E D I E Z
A TRES-VERTVEVX, TRES-VICTORIEVX
ET TRES-MAGNANIME PRINCE, HENRY
de Lorraine, Duc de Guife, Se Pair
de France.
Auec Us Remarques de P. DE Marcassvs.
'B'Bby
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$41

l(Dim Grince uahureuslu uoU. icy limage,:
ûuvltusioA aw'DieujHatf leportrait anime''
Tfeaul \ esprit' diuin, et le hraw courage .
fesfiranaera iaâis tant craint, et tant aime/
.pA,
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A T R E S-I L LV S TRE ET
MAGNANIME PRINCE, HENRY
de Lorraine, Dvc de Gvise,
ôc Pair de France.
Rince, dont le vieil fang des Roys de France part,
( Puis que tu as efté la plus gaillarde part
T>e ces Tournois, Cartels & Mafiarades , pleines
De ieuneffe & dAmour & d'honorables peines,
Comme eftant de Venus & de Mars bien chery,
Et entre les Lauriers dés le berceau nourry,
Que ton Pere iacquift, te laiffant en partage
Et à toute ta race vne ardeur de courage
De vouloir imiter fisfaites victorieux,
Ou bien les égaler, ou bien défaire mieux)
Pren d'vn bon cil ce Liure, çtf déformais endure
Qupn inuoque ton nom , oufoit par eferiture
Appenduèa ton Temple auprès de ton Caftor, .
Soit par vuuz,folennels efcrits en lettres d'or,
Afin que par les ans nefoient point eftoufees ,
Les vertus ^Lorrains, ilîujlres de Trophées,
T>ont l'honneur & le bruit ne trouuent leur pareil,
Non plus quefans pareil au JMonde eft le Soleil.
*BaB bb y
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REMARQVES DE P. DE
MARCASSVS SVR LES MASCARADES
DE P. DE RONSARD.
DES MASCARAD ES.
E v x qui croyent que les Italiens font les autheurs des Mafcarades.
n'ont pas cuneufement recherché leur origine : veu que s'jls fen fuf
fentmisen peine ils euflent trouue que nous ne leur auons que l'o¬
bligation d'auoir conferué parmy eux la mémoire & l'vfage de ces
gentilleffes, dont parmy vne infinité de nations effranges les an¬
ciens fe feruoient pour exercer leurs efprits, &c rendre leurs corps
fouplesô-robuftes aux fatigues de la guerre par les mouuemens qu}
fouuentefois en exptimoient l'image en leurs Balets. Comme il faut auouer que la
Satyre a prins fon origine de la Tragédie, &la Parodie dc la Rhapfodic: ainfi Tonne
fçauroit nier que les Mafcarades ne doiuent leurs commencements à la Comédie.
Lors que la fouueraine puiffance appartenoit au peuple, les Comédiens , quoy qu'il!
femaffent la mcfdifance pat toutes les parties de leur Comédie, fi luy donnoient-ils
fa principale place en celle-là qu'on nommoit Ch où ils ne faifoient point au¬
cune difficulté de diffamer les mauuaifes actions de tous ceux qui fe comportaient
mal, les nommant par leurs propres noms, comme l'on peut remarquer dans toutes les
Fables d'Ariftophane. Apres que l'Eftat eut changé dc face, &quc l'authorité fouue¬
raine du peuple eut efté vfurpée par vn, ou par quelque petit nombre de Grands, les
Comédiens n'ofans plus mefdire ouuertement de peur d'offenfer ceux dont ils auoient
à apptehendet lccnaftiment, retranchèrent les Ch de leurs Comédies, &enleui
place firent vn concert de Mufîque devoixô-d'inftruments, & à la fin eutent des Ba¬
ladins qu'ils appellerent, Pantomimes, patee que pat le moyen dc leurs mouuements
réglez à la cadence ils teprefentoient toutes les actions, fables & hiftoites qu'ils auoient
cnuie de reprefenter. Ceux-cy eurent vn fi grand applaudiffement du peuple, qu'ils
creurent qu'ils pourroient fe pafTer de la Comédie, pourueu qu'ils fe conferuaffent le
crédit qu'ils f eftoient acquis dans le Monde. Mefmes ils eurent opinion de pouuoir
reprefenter par leurs geftes toutes les Comédies des autres: fur cefte afTeurance ils fefe-
parerentdcs Comédiens, &c firent bandeàpart. Déslors ilsinuentercnc vneinfinitéde
- beaux fujets dont l'hiftoite nous fait foy :S_detoutesfaçons;de graues , qri'ils nom-
moient les Tragédies muettes : de fripons Sz ridicules qu'ils nommoient, les Comédies
muettes. Comme ©neferit de cefte Mafcarade par laquelle on imitoitladiligencede
quelques ieunes hommes Athéniens qui déroboient des pommes, 6_ d'vn voyageur
qu'ils prenoient pour le maiflre du iardin. Ces gentilleffes femblerent fi honorables Se
fi vtilespout l'agilité des corps, que les Grands mefmes en chérirent l'exercice, &: mi¬
rent toute la peine qu'ils peurentpour fy rendre parfaits. Si ceux qui y excellèrent du
depuis , futent eftimez parmy eux , vous le pouuez iuger de ce que les Athéniens efleu-
rent pour leur Roy Phry nichus feulement parce qu'il auoit parfaitement faic en la Maf¬
carade qu'ils nommoient,Pytriche. Ceft exercice fut en vne fi grande eftime que Ho¬
mère, Hérodote, Platon, Xenophon, Strabon, Plutarque& Galien n'ont point fait
difficulté d'en eferire quelque chofe. Lucian mefmes, Pylades, Pollux Se Athcncc
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en ont faict mention de quelques vns en particulier. On crcut mcfmc que les Dieux
ou les Héros ne pouuoient receuoir de plus grands tefmoignages de l'honneur que
leur portoicnt les hommes, que fi à leur mémoire on reprefentoit en ces Mafcarades
leurs belles actions. C'eft pourquoy on en fit dc l'enfance de Iupiter le plus grand
des Dieux: en laquelle de icunes Seigneurs armez de pied en cap danfoient à la ca¬
dence, & imitoient tout le bruit & le tintamarre que firent iadis les Curetés fur le
mont Ida , à fin que Saturne n'entendift point pleurer ce petit Dieu qui eftoit dans Iç
berceau. En l'honneur d'Apollon, on reprefentoit enBalet fon Combat & fon Triom-j
phe : fon entrée en I'ifle de Deleauec Latonc Se Diane : la rencontte qu'il fit du ferpcnij
Python, la peur que fa mère en eut & fafiur:l'affeurancc qu'il, eut de mettre la main]
à fes flèches, dc le tuer. En l'honneur de Bacchus on reprefentoit tous les combats &;
toutes les rencontres qu'il eut aux Indes. En ltionneuATHercuIc on faifoit la Mafcara-<
dc qu'on nommoit Twfax^ç , & vne autre que les Grecs appelloient KsMitmt, en laquelle
on reprefentoit toutes fesaduentures. En l'honneur de Thefee les Athéniens faifoient
voir le Labyrinthe de Minos , le Minotaure , & le combat Se la victoire de Thefee 6. l'ac¬
cueil d'Ariadne. Ceux dc I'ifle d'Ithaque en faifoient vne plaifantc, en laquelle ils rc-
prefentoient toutes lesaduantures de leur Roy VlyfTe, principalement fa gueufetie:
c'eft pourquoy ils la nommèrent «ahwV, c'eft à dire, le gueux. Parmy les crotefqucs la
Mafcarade, que les anciens nommoient le Mactrifme, eftoit fort renomméc,cn laquelle
quelques Satyres venoient auec vne mait,de la pafte, ou des pains, ou des gafteaux,
quelquefois auec des facsô- de la farine :& d'autres auec des tables fut lefquellesils de-j
coupoientdela viande & faifoient les bouchers. Ils en faifoient vne bien remarquable,'
& que nos plus excellens Baladins auroient peine d'imiter: ils conttefaifoient tous les
changemens 6_ les infinies pofturcs du Dieu Protee : mefmes en leurs figures ils faifoient
les noms bien fouuent dc ce qu'ils rcprcfcntoicnt. Cefte fotte de Balec eftoit nom¬
mée fufpetg^içy ou t!t%7

w
DES CARTELS.
L n'eft pcrfbnne de ceux qui aiment les gentillc^^^âi^S
fois ietté les yeux dans les Amadis & dans les autres Romans , A. qui n ait
recoeneu de quelle façon les Cheualiers crrans venoientaux mains: il ai
e3ué que tous les Combats fe faifoient quelquefois pat rencontre,
iww comme quand quelque Cheualier qui auoit fon honneur en recom-,
manZ^rencoTtro2 quelque autre qui faifoit quelque mauuaife adion, il en tiroit
mandation,rencontroic q h , ? Combat eftoit prémédite : comme quand
^^S^i^S^aok fait tortà quelque Dame, qui 1W prié
Tt Z2 vlX :Suy qui la vouloit rendre fatisfaite par fes armes de l'offenfe
a efté appelle par nos vieux Gaulois, Cartel.
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LES
M__A S CT1 A DES
COMBATS ET .CARTELS,
FAITS A PATRIS7ET AV CARNAVAL
D Ë F O N T A I N E-B L E A V.
bEPIEZ A TRES-VERTVEVX, TRES-VICTORIEVX,
ET TRES- MAGNANIME PRINCE, HeNRY
de Lorraine, Duc de Guife , &c
Près auoirpour l'Amour
combatu,
Suiuant le train d'honneur
&de 'vertu,
Etfaitfçauoir d'vne main
valeureufe
Que peut l'ardeur d'vne famé amoureufe:
xsiprés auoir Us Dames feu vanger
Et trauerfé maint pays eflranger :
Plein de ieuneffe & d'amitié loyale
Je viens d'Irlande en cefle Cour Royale,
Ou de tout temps on void de toutes pars
Des Cheualiers auffi vaiUans que Mars.
t^Amour qui peut les pins vaiUans con¬
traindre,
Ne ma conduit icy pour me complaindre,
Pour aceuferfes traits ou fa rigueur:
Carfon bel arc n offenfe point mon cÉur ,
Ny lefouci quifait naiflre Us larmes,
T)e larges pleurs ne baigne point mes armes.
Vertu, qui efl nourrice démon feu,
M'a tellement d'vne Dame pourueu,
Quen la feruant ie ne veux autre attente :
De fes beauxyeuxjans plus ie me contente.
Pair de France.
CARTEL I.
-A
En defrant ie ne defire rien,
Ne jouyffant iejouys démon bien,
Tout mon parfait habite en ma parfaite,
Ma volonté de fon vouloir eflfaite.
Je vis en elle, elle vit dedans moy,
Ce nefl quvn cÉur, qu'vne ame & quvne
Et quvn efyrit qui tient lie% enfemble
IJn double corps , qui du tout fe reffemble :
Elle efl heureufe,& ie fuis bien-heureux,
Et bien-aimé iefuis bien amoureux.
En fonpenfer vit toufours ma penfee,
Son ame en moy , la mienne en foy paffee
Fait que cherchant ie me trouue enfesyeux*
Et m'y trouuant ie ne cherche pas mieux.
AinfiAmour qui a toute puijfance,
Fait de nos cyurs & de nous vne effance :
Carie ne veux pour mon contentement
Sinon l'aimer & la voir feulement
Et l'honorer comme chofe tres-fiinte.
Et c'efl pourquoy ie nlay point l'ame at~>
tainte
De trifle ennuy comme vn toi d'amoureux
Qui fans ej^oirfint toufiours langoureux.
BBbb iiij
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S48
MASCARADES.
Doncfiquelqu vn de la troupe vent dire
Que la beauté dont la grâce m'attire,
Toutes beauté^ ne furpaffe d'autant
Que deffur tous ie meftime contant ,
MARCASSVS.
Vienne au combat tenter ma hardiejjèl
x_Auant partir ilfaudra qu'il confejfc
Que rien riapproéhe au prix de ja beauté,
Ny nullefoy près de ma loyauté.
\j¤j>m auoif pour l'^monr) Prefque toutes les belles actions des Cheualiers errans doiuent leur gloire a l'A*
rnour nourqui en a efté la première caufe. Quand quelqu'vn auoit reccu l'accolée & qu'il auoit efté fait Cheual
ii ier, , ucnoniiioit il choifîffoit quelque quelque Mautreiie, Maiflreffe, au au nomociaqucnc nom dc laquelle u il anou alloit par par touces toutes icsvjuuisqcs les Cours des Princes rnnecs pour poi trou+
uer les belles occafions, dans lefqucllcs, pour la gloire de la Dame qu'il feruoit, il defiroit fîgnaler fon courage]
en eu en eu fouftenant que le fujet, dont fes plus belles paflions s'entrerenoienr, eftoit le plus beau & le plusaccomply
du Monde, fes efperanccs plus belles que celles des autres, fon amour & fa confiance fans pareil. Icy vnChe-r
ualierlrlandois vient fbuftenir^n uuiii.iiiiT.ii i»v

mascarades:
MARCASSVS.
*4_L.
^fjdnt Vcetl tnjîe ] Comme quelque traictement rigoureux qu'vn parfait Amant puiffe receuoir de fa
Dame, le rend plus content que fi l'Amour ne luy eut pointdonné la vie pour mourir auprès de cefte Beauté
qui le traire auec tant de rigueur : Ce Cheualier prefcnte le combat à tous ceux qui voudroient fouftenir
que fon malheur ne fuft plus honorable & plus à defirer que quelque iouïflance qu'on peuft alléguer: tant
la mort qui vient d'vne belle main eft plus glorieufeque d'vne autre qui donne la vie.
CARTEL III.
/ le renom des Cheualiers François,
Et la vertu des magnanimes Rois
Dont vous tire^voflre racefi belle,
Neujfent voulu de tout temps fouflenir
Les afflige^, 'V0HS ne voime^ venir
Vers vous icy cefle humble Damoifelle :
Laquelle vient, S I R E, vous requérir
De nous vouloir au befoin fecourir,
Nous redonnant la liberté rauie:
Et pour auoir de nous compajjion,
Vous plaife o'ùir de quelle oppreffion
Vn fier Tyran tourmente noftre vie.
D'iUuftrefangty d'antique maifon
Fufmes deuxfnurs qui viuons en prifon,
En bonne grâce fy en vertus parfaites :
Heureufes las ifi nous neujfions porté
Deffur U fiont tant de ieune beauté,
Etfile Ciel plus laides nous enfl faites1.
Noflre beauténous afait vn grand tort .
Carpour auoir trop de beauté^, trop fort
D'vn gfand Tyran \klat ïfommes aimées,
Qui ne pouuant nos éhaftete^forcer,
Son trop d'amour en haine a fait pajfer,
Nous retenant en prifon enfermées.
Ce glorieux £%^Arcalausyffu,
Par artifice édifier afeu
Vne grand tour inacceffible & forte,
Où il nousfait cent mille maux fentir,
Et pour n auoir liberté définir,
Deux Cheualiers a mis deuant la porte.
Or nous auons par Vrgande entendu
Que U malheur deffus nous defiendu,
Etlamifere où nofire vie abonde;
Ne fe perdra finon par Us efforts
De deuxguerriers ieunes courtois &forts,
Enfans d'vn Roy leplus vaillant du Monde.
Et pour-autant, S ï R E , que U vigueur
Qui de proueffe allume voflre c
Et celle auffi (/cHenry voflre Frère
Vousfont enfiemble rouuer ta valeur
Te meine à ce Qhafleau,entens lesauentures
Que tu dois acheuer, difficiles fy dures.
Encores que tu fou vaillant & martial,
Si tu n'es Cheualier a ta Dame loyal,
Tu ne pourras pajfer vne arche quifitreuue,
Où la fidèle amour des Cheualiers feffreuue.
Donques depajfer outre effayer il nefaut,
Si la ferme amitié dans le c te défaut,
Et fi parfaitement celle tu n'as feruie
Que tu deuois tenir plus chère que ta vie.
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_Jjo M ASC A p. AD ES.
Ce Chafteau que tu 'vois n'a feulement U
mur
Sauuagesfolitaire , inacceffible &dur,
Mais il eftpar dedans encoreplus terrible,
Tlein de peur &d 'effroy & d'vne crainte
horrible
Defiantomesd'Efirits

MASCA
LE TROPHEE D'AMOVR
a la Comédie de
Fontaine-bleau.
fSjlsE E fuis Amour U grand maifire des
£$fè Dieux,
le fuis celuy quifais mouuoir les Cieux,
lefuis celuy qui gouuerne le Mondç,
Qui le premier hors de la maffie efilos,
Donnay lumière & fendi U Chaos
Dontfut bafli cefle Machine ronde.
Rien nefiauroit à mon arc refifier,
Rien ne pourroit mesfleéhes éuiter,
et enfant nud ie fais toufiours la guerre :
Tout m obeït, les oifeaux efmaiUe^,
et de la mer Us poiffons efiaille^,
et les mortels héritiersfiur la terre.
La paix, la tréne , O4 la guerre meplaift;
Du fang humain mon appétit fie paift,
Et volontiers ie m'abreuue de larmes :
Les plus hautainsfont pris à mon lien,
Le corfelet aufoldart ne fert rien,
Et le harnois ne défend les gendarmes.
le tourne& éhange & renuerfefy desfais
Ce que ie veux,fy puis ie le refais,
Et ae mon feu toute ame efi efehaufée:
MARCASSVS.
RADES.'1
8;i
lefuis de tout le Seigneur & le Roy :
Rois fy Seigneurs vont captifs deuant moy,
Et de leurs csurs i enrichis mon trofée.
De Iupiter U Sceptre i'ay donté,
Iufqu aux Enfers i'ay Plutonfurmonté,
Et de Neptune ay blefié la poitrine :
De rien nefert aux ondes la froideur,
Que UsTritons nefententmon ardeur,
St que monfeu n'embrafe la marine.
La Volupté, la Jeuneffe mefinit,
L'Oifiueté en pompe me conduit,
le fuis aueugle & fi ay bonne ven'è,
lefuis enfant & fuis pere des Dieux,
FoibU & puiffant , fiuperbe & gracieux,
Etfans vifer ie fiappe à l'impourueus.
L'homme efi deplomb.de rocher & de bois,-
Qui n'a fienti les traits de mon carquois:
Seul ie lefais & courtois & adefire :
Les c fans moy languiffient refroidis,
le les rends chauds, anime7& hardis,
Etbrefie fuis de toute choJe Maifire.
Qui ne me void, an Monde ne void rien :
lefuis du Monde & U mal & le bien,
le fuis le doux & l'amer tout enfemble,
le n'ay patron ny exemple que moy,
lefuis mon tout , ma puijfance £

!$£_
LE TROPHEE DE
Chasteté' en la
mefme Comédie.
M A S C A
LA
Our mon Trophée en ce char triom¬
phant
Pris & captif ie meinè ceft Enfant
Qui des mortels a furmontéla gloire:
le vous dirdy comme ie I'ay vaincu
Par la vertu d'vn merueiUeux efcu
Qui de ceDieu ma donnéla victoire.
^Amour voyant quefeule entre Us Dieux
I'auois vn traift du fien victorieux,
Et que du tout ie n'eftoisfa fujette,
Pour me domterprift l'arc en vne main,
Lefeu dans l'autre>,& m'affaiUant en vain,
Perdit d'vn coupfafamé @>fa fagette.
armes.
MASCARADES FAITES
A B a r-l e-d v c
LES QJATRE ELEMENS
parlent au Roy.
La Terri.
MARCASSVS.
E t'ay donné, C H a R L e s Roy
des François,
Non pas vn fleuue, vne ville ou
vn bois,
Mais en tournant ma richeffeféconde,
De tons les biens que i'auois esfargné
Depuis mille ans, ie toy accompagné
Pour eftrefait leplusgrand Roy du Monde.
A
dos-
dos-
La Mer.
Vtantque ïayd'efcumes&deflos
Lors que les vents cheminentfur mon
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RADES. ___^___
Pour refifter a ce Prince animé,
D'vn fort bouclier l'efiomac ie m'arme*
Fait de confiance (§; de perfeuerance,
Oui'Amoureux au trauersfi miroit,
Et tellement iufqu en l'ame efclairoit,
Qjtilcognoiffoitd'vn regardfin offenfe.
Voulant fion arc contre moy defcocher,
Trouua l'efcu auffi dur qu'vn rocher
Tout à l'entour enuironné déglace,
Qui defin arda puijfance amortit,
Et fen ardeur en froideur conuertit,
Et tonsfies traits brifa deffur laplace.
Lors U voyant fans armes $f tout nu.
Pour prifennierie I'ay depuis tenu,
Sn le menant deuant mon char en pompe :
¤t par défait i'ay cafié fon carquois,
Efteintfinfeu, rompufon arcTurquois :
Cefi bien raifion que le trompeur on trompe.
Et que le Ciel à Neptunefait guerre^
Autant deforce & d'honneur i'ay donné
ji ce grand Prince heureufement bien-né,
^our eftre Roy le plus grand de la Terre,
L'A i R.
j
IE nourris tout , toutes chofes i'embraffe,
Et ma vertu par toute chofe paffe,
^
Je ferre tout-, ie tiens tout en mes mains :
Et tout ainfi que de tout ie fuis maiflre,
Pour commander au Monde i'ayfait naiflre
Ce ieune Roy le plus grand des humains. \
L E F E V.
CE que i'auois de clair $ de gentil,
De prompt, de vif, de parfait, defiubtil,
le I'ay donnéà Charles Roy de France,
Pour illuftrer fon Sceptre ± tout ainfi
Qt£on void le Ciel de mesfeux efilairci,
Et que D i E v mefme 4 de moy fon effence.
MARCAS;

MASCARADE! M
MARCASSVS.
lar-U'Duc ] C'eft en Lorraine. let'ay ] C'eft icy la Mafcarade des quatre Eléments qui fc viennent vanter
d'auoir donné tous leurs plus rares threfors à Charles IX. La Terre faitgloiredc luy auoir donné «eurcs fes
richefles, l'Eau fes tempeftcs& fes orages pour en battre fes ennemis, l'Air la fubnlité de l'efprit, & le Feu
fa clairté Se fa viuacité.
i
Et fila Mer veut dire que c'eft elle,
ES QVATRE PLANETTES Je dy que non,fionfienant que cefi moy.
respondent.
Le Soleil.
Satvrne.
IE fais long temps les Royaumes durer,
Et lesgrands Roys longuement profferer,
En efl pas toy, Terre, qui ce grand
Roy
As tant rempli de puijfance, ceft moy
Quand d'vn bon iil i'efcUirealeur naiffance,
Comme à ce Roy que i'ayfait de ma main,
Et non pas l'Air, mol,variable&vain :
De qui l'afyeft aux Roys donne la vie,
Et peut leur Sceptre en gloire maintenir.
S'il le foufiient , qn'ilfe mette en defenfe.
Donc fi tu veux ton direfouflenir,
Vien au combat, icy ie te desfie.
M E R C V R E.
IE donne aux Roystaduis & l* prudence,
Mars.
IE fais les Roys valeureux ($f guerriers,
Etfur leurfront ie plante Us Lauriers,
Quand en naiffant monflambeau leur cfclai-
St le confeil qui paffe 'la puijfance,
Qomme i'ayfait ^Charles cegrand Roy Car Ufeu efi de nature infertil,
Pour gouuerner U Terre vniuerfelle: Etfil le dit iefoufiiens le contraire.
re:
MARCASSVS.
Lefeu riafaift vn Prince fi gentil:
Ce nefl pai toy] Apres les quatre Elemenrs viennent quatre Planettcs, qui démentent les quatre ElemensJ
&afTeurent que fi le Roy a quelque chofe de grand & de remarquable qu'il ne le tient d'ailleurs que d'elles.
De oui l'aJfecT:] Il eft vray félon l'Aftronomieludiciairc, que l'afpcctdu Soleil aucevn autre heureux pre¬
fide à la vie & à la fortune des Grands. ledonne aux Hoys] Non feulement aux Roys, mais encore aux au¬
tres. Mercure en fon afpeâ: fortuné donne de l'inuention, dc l'efprit & du iugement. lefais long temps]
Comme Saturncauec la conionotionde quelque malheureux aftre quece foit, eft luy-mefme grandement in¬
fortuné : ainfi il eft grandement heureux fécondé d'vn autre afpect fauorablc.
LE IVGEMENT DE .
. I V P I T E R.
$£} Ppaiftz-vouf, ne ioiïe? plus des mains,
"Vous Elemens, & vous quatre Pla¬
nettcs,
Qui fous mon Sceptre auffi humble vous efies,
Que deffous vousfont humbles les humains.
I'ay, non pas vous,par mes propres deffeins
MARCASSVS.
Mis en ce Ko y tant de vertus parfaites
Pour gouuerner Us terres que i'ayfaites :
» Car du grand D iev/« uures ne font
vains. #
Et bien qu'ilfoit encore ieune d'âge,
Dés maintenant ie veux faire vn partage
Auecque luy de ce Monde diuers :
l'auray pour moy les Cieux & le tonnerre,
Etpour fa part ce P r i n c E aura la Terre:
Ainfi tons deux partirons l Vniuers.
^pMft'^otu ] Apres cela Iupiter pour les accorder, dit', qu'il veut partir 1 Empiicdc l'Vniuers auec
leRoy.qu'il (e veut contenter des Cieux,&qu'il levcutlaifîer pofPireurde lalerre,afin que l'on puifie dire
de luy ce qu'on difoitde Cefar:
Dtuifum imgcrium cum Joue Cafar kabet.
CCcc
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%
STANCES A CHANTER
SVR LA LYRE, POVR
l'auant- venue de la Royne
d'Efpagne à Bayonnc.
i.
Oleil, la vie & la force du Monde,
MASCARADES.
Grand eil de D i EV, Soleil pere du
iour,
Monte à cheual& tire hors de l'onde
Tonéhar qui fait poumons trop de fiejour:
Hafle ton cours, & en France accompagne
L'autre beau iour qui' reluit en ëffagne.
ii.
Lune, ornement & ïhonneur dufilence,
Qui par le Ciel erres en cent trauaux,
Retien la nuiél& arrefle la dance
Des Aftres clairs conduits par tes éheuaux:
Foyplace au iour dont le bon-heur affemble
Fils,mère &fillefy deux Sceptres enfemble.
ni.
// nefaut point qu'au iour de la venue'
Le Soleil luife,vn autre iour viendra,
Qui de l'Europe efilaircira la nue,
2t tout le Monde en lumière tiendra,
Tant les vertus du fils & àe la mère
Et de la fille efiandront de lumière.
IV.
O fiecle heureux & digne qu'on l'appelle
Le fiecle d'or,fioncque en fut aucun,
Où ïëffagnol d'vne amitié fidelle
Aime la Fr&ce,&Us deux nefont quvn :
Cefi vn plaifir qu'en l'efirit ilfaut pren¬
dre,
Le corps n'efi pas digne de U comprendre.
v.
Le Ciel defyit défi belle affemblée,
Qomme jalouxfen vouloit irriter:
Ayant de l'air la fureur redoublée,
Faifoit grefter & pleuuoir fy venter:
Le mois de Juin, qui defire la gloire
'Dételle veue,a gaigné la viftoirc,
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vu
Tarmi les éhamps croiffent lesfleurs dê-
clofes,
Car telle veueefl dign e du Printemps :
entre les lysJes & les rofies
Elle doit efire fy non en autre temps :
Qomme les fleurs croiffent en nos Prouinces.
Ainfi croiflra l'amitié de ces P R i n C e s.
Vu.
L'autre Printemps laRoYmvitfiafille^
Et ce Printempsfen autre elle verra :
Vne efl déjà la mère defamille,
L'autre bientofl d'vn beau fils lefiera:
En-ce-pendantfa France elle vifite,
et par exemple a bien faire l'incite.
Vin.
Vn Aftreheureux,o ROYNE,ttfiflnaiftre:
Car feulement tu n'es mère d'vn R o y
Qui des François tient le Sceptre en la dejkc*
Et d'vngrand Duc quipromet tant de foy:
Mais tu esfeule entre tant deTrinceffes
Mère de Roys,de Roy nés £f Duchéffes.
IX.
Par Us chemins oùpafferont les Dames,
Naifiront lesfleurs>& les ruiffeaux prendront
Legoufl de miel; Us odeurs ($f les bâmes
et Us parfums par les champsfefpandront :
Deffous leurs pieds la campaignc arrofée
S'éjoiiira de manne fy de rofée.
X".
Le vent tiendra fen haleine endormie,
Vulcan es mains n'aura point de marteaux :
Tantfeulement auec Floref amie
Zephyre ira parmi lespreT nouueaux :
Toutfera plein de joye & d'allegrcffe
A l'arriuerd'vne telle Princesse.
xi.
La charité & l'amour maternelle
Se desfi'ront d'vn combat généreux,
La mère ayant fis enfans autour d'elle,
Et les enfans leur mère à l'entour d'eux:
Q'eft paffion qui fi fort nous enflame,
Qt^on nepeut dire & qu'on fient dedans l'ame.

xir.
Si U lion &le tigre effroyable
Par les roéhers défirent voir leursfans,
Hà,combien donc l'hommeplus raifonnabU
Doit defirer de reuoirfes enfans !
Qui fuit Us fiens, efi digne qu'on U nomme
Vn Monftrefierfeus la forme d'vn homme
xm.
Chaffe la nuiél & te monJbrcs,\*Aurore,
Et de la mer apportes en tonfein
mascarades: $#
MARCASSV S.
Le iour heureux que parpenfer ihonore,
Qommepropiceà tout U genre humain :
Puis vole au Ciel, fy d'vn aile légère
De ce beau iourfois aux Dieux meffagere.
x i ï ï r.
Hà le voici !ja voici la barrière
Du iour déclofi ($y U Ciel feffanir.
Sns,enuieux, reculeT-vons arrière,
Qe n'efi pour vous que ce iour doit venir,
Qjq d'vn nQudferme efireindra l'alliance
Pins que iamais de Qaftillc&'de France.
Soleil, la "V/e] Ces Stances tefhjoigncnt le contentement que tout le Monde reccut de l'entreueue' qui fe Et
iBayonnede Charles IX. la Roync-mere& fa fille Elizaber Royne d'Efpagne. Lf\ie ] C'eft pour ce fujet
que les Erymologiftes Grecs ont dit,qucle mefme Soleil s'appelloit

M A S C A ïtA D E S.
M VoyansURoynecyfesfilsen basant
Par les forefts forefts les Syluains Syluains habitoient, habitoient,
De tous coftez, tourmemeTje la guerre;
Faunes& Tans aux boccages chantoient,
Pour ne fouiller leursyeux en regardant
Etfur les monts danfoient les Oreades :
Le fang verfédeffous le
La
fer ardant , '
La
fer ardant , '
mer auoit fion Glauque &fen Neptun,
Pargrand defyitficaéhercnt feus terre
Deffur Us bords venoit io'ùer Portun,
L'vnf L'vn fenferma enferma dans le creux d'vn d'vn ro-
2t les ruiffeaux abondoient de Naiades.
Mais quand le Ciel,qui ne fe peutfléchir
*Tar nos foufyirs , fie voulut enrichir,
O Qiel cruel! de la mort d'vn tel P r I N C E,
Le Monde fut defiouilléde bon- heur,
Fut déueftu d'ornement & ^honneur,
Et la vertu laiffa noftre Trouince.
En lieu de paix,d'amour (fy de bonté
Vint la malice au vifage éhonté,
Haines,difiords &f allions de villes :
Defir de fang Us hommes fit armer,
L'ambition après vint allumer
Le grand brasier des querelles ciuilles.
Le peuple adonc tranfiorté d'appétit,
Tout infenfé d'armes fe reueftit :
Lors la raifion deffous la pieds fut mifie :
Brefle Françoisparfa defloyauté
Defion pays arraéha la beauté,
cher, ,
L'autrefialla dans vn arbre tacher,
Vautre en vn antre, & l'autre fous les ondes
Ainfiquenous, quidepuis ce temps-là
Que le malheur d'icy nous exila,
N'auions an Ciel monftre nos treffes blondes :
Sinon ce iour de longtemps attendu,
Où Charles Roy de Henry deficendu,
Vray héritier des vertus defen pere,
Deffur fin peuple a maintenant pouuoir:
Et c'eft pourquoy nous venons icy voir
Ce ieune P Ri N CE en qui la France effrere.
Nous venons donc,o R o Y,félon raifion
Tefialuër en la belle maifion,
Que ta largeffe à ton fiere a donnée:
Oufil te plaifi, pour te rendre plus feur^
Comme vn jardinfaccagé de la Bife.
Alors les Dieux d'vn telfait defilaifans,
De l'auenir,oy les vers de ma Saur,
Qui va éhanter toute ta defiinée.
MARCASSVS.
De l>immorul\ Ces Seteincs-cy chantent lesvertus de Henry Il.difant que l'innocence, la iuftice&les
bonnes murs ont régné auccqueluy, & que fa mortalafehéla bride a tous les vices Se routes les infolcncesl
qui ont régné du depuis. LesEnfins] C'eft ainfi qu'Homerc les appelle, nommément Agamemnon qui!
appelle a,£ dit. Henry ] Henry 1 1. Des lumières ] L'Aftronomic Iudiciaire croit que le bon-heur ou le
malheur que nous reccuons en ce monde, nous eft caufé par les Aftres qui ont prefide au pomâ: de noftre naif-
! fance. Voila pourquoy il dit que les Aftres fortunez luy ont departy toutes leurs bonnes influences. Mars ]
Le Dieu de la guerre. C'eft vn mot Ofque , qui lignifie, vaillant. Saturne ] Ocftoitlc perede Iupiter , deNc-
! prune & de Pluton, fous lequel régna l'âge qu'on nomma, dore, a caufe de 1 innocence & du bon-heur qui
l'accompagnoit. ^Cftree] C'eftoit la Deeffe qui ptefidoit à la Iuftice. Sjluains] C'eftoient des Dieux bocca-l
' gers, qui ont efté ainfi nommez du lieu de leur habitation. Faunes cr Fans] C'eftoient des Dieux charmse-l
'lires, oreades ] C'eftoient des Nymphes qui habitoient les montagnes , ainfi nommées du nom Grec, tfH,
Naïades] C'eftoient des Nymphes des eaux. DefirdeCang] Il parle à la mode des Latins, pour dire, le defir
'efplancher du fang. Saccage] Hardie métaphore prife de la guerre. La qoyne ] Catherine de Medicis. ,
PROPHETIE DE
féconde Sereine.
LA
Prince heureufiement bien-né,
S Qui fus beny dés ta naiffance
Par /'Eternel ,qui t'a donné
[Toutes vertus en abondance :
Crois, crois, O* d'vne Majefté
KMonjbre-toy lefils de ton Petr,
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Et porte aufont la chafteté
Qui reluit auxyeux de ta mère.
Car en eftant comme tu es
Aux vertus nourri dés ieuneffe,
Tu pajferas tous les mortels
De bon efprit & de prouèffe.
La France fie peut affleurer
De fie voirfeudain efirenée
Des honneurs qu'on doit efferer
D'vne Royautéfi bien née. .i

M A SC
Et bien qu'on puiffe apperceuoir
Par les rayons de ta lumière,
L'heureufefin que doit auoir
Vnfils nourri dételle mère :
Si veux-ie encor pour lauenir
( Des Deftins Prophètes nousfemmes)
T'ouurir ce qui ne peut venir
En la cognoiffance des hommes.
Nonjèulement paàfiras
Du tout la France difeordante,
Mais pins que iamais la feras
De biens (gjf d'honneurs abondante.
Et menant en guerre auec toy
Ton fiere appuy de tes louanges,
Vainqueur des Roys, leferas Roy
De maintes nations efiranges.
Sons toy la malice mourra,
L'erreur, la fraude & l'impudence,
Et la menfionge ne pourra
Refifler deuant ta prudence.
Puis ayant vefeu comme ilfiaut,
DefiouillerasU mortel voile,
a rades:
MARCASSVS.
Etprès de ton Pere là haut
Tu feras vne belle efloile.
Et toy Mère, réjoiiy-toy,
Mèrefur toutes vertueufe,
Qui as nourri ce ieune Roy
D'vne prudencefi foigneufe :
'Bien tofi auras de tu trauaux
Le loyer que le Ciel te donne,
Quand tu verras tonsfes vaffaux
Snumilierfionsfa Qouronne.
Et toyfion fiere en qui refiand
L'aftre fin heureufe influence,
Ta force ($f grandeur ne dépend
Qu'à luy porter obe'iffance.
Ton auantâge vient dufien,
Ta gloirefans la fienne efi vaine,
Ton bien procède de fon bien,
Comme vn ruiffeau de fia fontaine.
Viue? donc amiablement
Faifans vos noms par tout efjtandrc]
Viue? tous trois heureufiement
8J7
Charles, Catherine, Alexandre:
0 Prince] Cefte Sereine prédit au Roy Charles IX. vne vie heureufe, pleine de vertus Se de vidtoiresj
vn indicible contentement à la Royne. merc, qu'elle aura devoir fon fils fi comblé d'honneur & de gloire.
^tlexandrt] Ainfi fe nommoit en fa ieuneffe le Roy Henry III.
CHANSON RECITEE
par les Chantres.
D i E V reffemblent les Rois,
Qui fous l'ordre défis lois
Le cours des Afires enferre,
Parfait,fans fin,fans milieu :
A l'exemple du grand D I E v
Les Rois gouuernent la terre.
Ils ne font égaux d'honneurs,
Les vns font pauures feigneurs
Ou d'vne ifle infiuftueufie,
Ou d'vn lien chaud _$r mal-fein :
Mais le noftre eft Souuerain
D'vne terre bien-heureufe.
Sons luy font mille cite?,
Peuples en guerre vfite?,
Forefis, campagnes, vallées,
Et fleuues au large fiont,
Qui bruyant Charles ,fien~vont
Rendre les plaines falées.
Luy , éhaffant les efirangers,
Saunant les fiens des dangers
A rendu fia France viue,,
A tué Marsfen meurdrier,
Faifant naifire d'vn Laurier
Les beaux rameaux de. l'Oliue.
Charles des Roys eft le grand,
C'eft le grand Roy qui refiand
Sur la France fa lumière,
Qui croifi ieune,fort, eybeau
Comme vn clair Soleil nouueau
Qui va prendre fa carrière.
Quand Iupiter maria
Sa Thetis , il conuia
Les plus grands Dieux à la fefle,
Pallas, Mercure, Apollon,
Neptune $f Mars tout félon
Que mur ny ville n'arrefle.
Tout ce que les Cieux pouuoient,
Tout ce que les Dieux auoient
De riéheffcgr d'excellence,
C Ccc iij
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*JB MASCARADES.
Tut ce iour en appareil: " Le Sceptre inuincible

mascarades: ^
Où les vieux Preux autrefois auoient eu
Vn lieu d'honneur , loyer de leur vertu.
CARTEL POVR LE ROY Or defdaignant Us ha?ards delà zuerre
/- -. . iv 1_.I.;M^ ... r, ' P , , V .9
Charles IX. habillé en Qomme donteur desMonfires de U terre,
forme de Soleil.
Omme lefeu fnrmonte toute chofe
Qui deuant luy pour refifter foppofe,
^Ainfidufer de mon glaiue pointu
Par haut defir au Ciel ie fuis monté,
Où du Soleil i'ay l'habit emprunté,
Afin defaire aux efioilles celeftes
Comme aux mortels mes vertus manife-
Tout Cheualier à terre efi abatu :
fies.
Doncfi quelqu'vn,fait d'enhaut oud'em-
Les plus vaiUans redoutent ma puijfance,
bas,
Et la Mort pendfiur le bout de ma lance.
i. j
x^imour me pouffe errant de toutes pars,
Veut eftrouuer ma puijfance aux combas,
ii i jj
S'adreffe à moy,ie luy feray cognoifire
Pour effayer Usfortunes de Mars, A coupsferre?combien poifie ma deftre,
Et de mon nom remplir la terre & tonde,
Pour auoir place en cefie Table-ronde,
En l'Vniuers ne trouuant mon pareil.
Qui pafferoit de vertu U Soleil f
MARCASSVS.
Comme le feu ] Comme c'eft la couftume de prendre le perfonnage de quoy que ce foir, le Roy reprefen-
teicyle Soleil, comme celuy qui après auoir domtétous les Monftres qui affligeoient la terre, & ne trouuant
plus icy bas de matière à fa valeur, a efté forcé par vn beau defir démonter au Ciel pour fîgnalcr auffi bien
l'on courage parmy les Dieux,qu'il l'a fait paroiftre entre les hommes.
CARTEL FAIT POVR VN
combat que fift le Roy en l'Ifle
du Palais.
! Efort
Soleilnefoffenfè des nues,
Ny mes vertus par la terre cognue's
N'ont iamais peur des combats ou-
trageux :
C'eft mon defir, mes efbats &mes jeux
Que de porterfur le dos la cuirace,
Mon ennemy renuetferfur la place,
Et bien broffer le deflrieraux tournois,
En centfaçons efilater le long bots,
Et de gaigner le prix à la carrière,
Et d'efire fini vainqueur en la barrière.
MARCASSV S.
Et fi quelqu'vnpar vn combat nouueau,
Veut effayer ma puijfancefur l'eau,
Ilfentira qu'autant ie fçay de guerre]
Deffus les eaux comme deffus la terre.
lefuis errant, vagabond eflranger,
Qui vais cherchant en tous lieux U danger,
Afin qu'au monde en armes on me voye
Suiure Vertu par toute honnefie voye.
Mon ennemy (auant que U Soleil
Tombe en la mer ) de fen fiang tout vermeil,
A fen malheur me pourra bien cognoiftre,
Portant au dos les marques de ma defire.
Jl ne verra mon couragefaillir,
Et l'affaudray en lieu de m'affaillir,
Pour retrancher par leferfon audace.
» Tel agrand peur qui bienfouuent menace.
Lefort Soleil] Ce dcfrin'a rien qui ne foitaifé. On fçait bien qu'en matière dc defKsIabien-fcancepcr»
mettoit aux Cheualiers errans, pour fignaler leur valcur.de fcvanter,&dc raconter leurs beaux faits commo
fait ceftui-cy. Efclater] Motinucnté par noftre Autheur, pour dire, mettre en efclats,ou rompre, en ter*
mes dc lice.
CARTEL CONTRE
l'Amour.
E deux Amours on voit la terre plei¬
ne,
L'vn eflfans mal,fans trauail & fanspeine,
Prompt erfoudain,qui loin de ce bas lieu
Nos curs efleué aux myfteres de D I E V '
Si que laiffant les terres & Us nues,
Cherche duQiel les traces incognuës,
~* CCcc Ht]
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Sô*o
MASC
St parvn vol à î efprit couftumier
Reloge l'ame en fon logis premier:
Et laioignant à fia première effence,
De cegrand Tout luy donne cognoiffance,
Si bien que l'homme en contemplant fi fait
Non-plus terreflre,ains celefte parfait.
Telle amour eft aux vertueux très- belle,
Qui d'autantplus toutes amours excelle,
Que l'efprit eft defon bien jo'ùiffant,
St que UQiel la terre va paffant.
De telle ardeur comme chainons dépendent
Qent mille ardeurs qui çà bas fie refiandent
Dedans nos ciurs,& nousferuent de loy,
Qomme de craindre fy reuererfion Roy,
Bon citoyen defiendrefa patrie,
Et pour Us fiens abandonner la vie,
Son compagnon en armes ficourir,
Pour le renom Us lauriers acquérir,
St meff rifer toutefortune extrême,
Et le publiq aimer mieux quefoy-mefme.
Or ie n'appelle Amour,finon celuy
Qtù nous maintient & nous tire d'ennuy,
Nous pouffe au Ciel, nous faitl aimer nos
Princes,
Et d'vngrand cuurfecourir nos Prouinces:
Pour les amis fi monftrer hasardeux,
Afin d'auoir U mefme fecours d'eux
Quand quelque mal outrageux nous offence :
Pour tel effect l'amitiéfe commence.
Or l'antre Amour qui maiftrifeles caurs,
Sfi l'artifan de toutes nos douleurs,
Auengle enfant, que l'humaine malice
A mis au Qiel pourfauteur de fon vice.
Mille combats au Mondefont venus
Par U moyen de la folle Venus :
Thebes & Troye enfurent faccagées :
MARCASSVS.
A R A D E S.
Car de l'Amour Us fureurs enragées
Par vn defiitfatti?anspeu àpeu,
D' petit bots allument vn grand feu.
L'homme bien~né fe [ouille de diffame,
Idolâtrant Us beauté^ d'vne femme,
Ieune auiourd'huy , demain vieille, & qui
nefl
'Belle,finon d'autant quelle nous plaifi,
St par vn teint qui pippe noflre veue:
Au refle elle efl de bon fiens deffourueuè,
Prompte, légère, inconflante, &fuiuant
Le naturel des vagues & du vent.
Malheureux efl & digne de miftre,
Quifait appuyde 6hofefi légère,
Qui momentaine en rien féuanouit,
Et de fafleur dou^e ou quinze ans jouit.
Toute beauté n'efi que chofefardée,
Haie autant comme elle eft demandée.
L'homme groffier les femmes aimera,
L'homme gaillard ne Useftimera,
Sans valeter vne fotte Maiflreffe,
Sinon d'autant que l'affaire U preffe :
Par la contrainte il aura d'ellefoin,
Comme cherchant le remède au befein^
Se fondant dcfoy-mefme,& non d'elle:
Laiffer la vieille,& prendre vne nouuelle,
Sans paffion : car c'eftvn grand plaifir
Sn n'aimant rien de changer & choifir.
Donc,Cheualier, pour chofe ynalheureufe
Nous detefions vnefiame amoureufe,
Etfiouftiendrons contre tous affaillans
(Quand ce fieroient de ces fameux Rolans)
Que Cupidoneftvn Dieu d'ininftke,
Qui la ieuneffe appafte de tout vice,
Et qu'on le doit, comme pernicieux,
bannir bien loin de la terre & des Cieux.
De deux amours] Ce Cheualier- cy plus enclin à la vertu qu'aux félonnes parlions qui trauerfent le repos
des Amans, veut fouftenir au péril de fa vie, que ce Dieu , de qui tous les Amans relcucnt , eft vn auengle , vnë
Deïté feinte fans raifon, vn fantofmequi gclne d'vn prétendu refped l'ame des malheureux qui fe foubmet-j
tenta fonobeïfTancc:&quclc feul amour dc la cognoiffance dc noftre fouuerain bien eft l'vnique Dieu, aaJ
quel nous deuons ériger des autels. De Thebes ] A caufe de l'incefte que le fils commit auec fa merc. Lifez
parmy les Tragédies Grecques , ifà cm elfe,;. Troye ] A caufe dc la querelle de Menclas Se de Paris. l'en
ay parle ailleurs.
AVTRE CARTEL POVR
l'Amour.
'Homme qui n'aime eflvn Scythefau-
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Viuantfans c fans ame& fans courage
On ne fiauroit fe pajfer de l'Amour
Nonplus qu'on fait du Soleil & du iour.
Ainfi que l'ame en noftre corps entrée
Efmeut le corps, ainfi l'Amour facrée^

M ASC
Entrée entame efmeut tame parfoy,
Pour luyferuir de patron £rit,quifie puiffe enflamer
Tantfeulement du feul honneur d'aimer,
Ne cherchant point de fon ardeur extrême
Autre loyer finon que l'amour mefime,
Qifen bien aimant de fie voir bien aime f
Qui dautre fiort e a le cur allumé
Ou d'auarice, ardeur ou conuoitifi,
Jndigne il efl qu'Amour le fauorife.
Telle Amour eft pleine de paffion,
Qui ne cognoiflque la perfection,
D'Amour nefl rien qu'vne ardeur mutuelle,
Qui fe commence & fefinit en elle.
A R A D E £ s#
Tource,Seigneurs, qui les armes fuiue?,
Et aux TalaU desgrands Princes viue?,
Si m'en croye%, apprene?flés ieuneffe
A bien éhoifir vne belle Maiflreffe :
» N'en prene?Joint de laides :la laideur
» Cache toufiours vne lente froideur,
» Qui hors du cur la chaleur nous arrache:
» Vn corps difforme vne ame laide cache.
Or tout ainfi qu'vn vifage fians fard,
Courtois (Sy beau, tout gentil& gaillard
Efi le mirouè'r d'vne ame bienparfaite :
**Ainfi la face horrible & contrefaite
EfiU mirouè'r où l'on voit par dehors
Efire vn efjrit auffi laid que U corps.
Pource autrefois Us Mufes immortelles
Ont les Vertus peintes en Damoifilles,
Pourfaire voir clairement à chacun
Que Us Vertus & Us Dames nefl qu'vn.
Les Damesfont des hommes les efiolles :
Les chaflians de leurs ieuneffesfolles,
Lesfont courtois, vertueux (éf vaillants!
Tels ont vefiu ces fiuperbes Rolands,
Renauds;TriJians , pleins d'vne ame amou~
reufe, 1
Qui defireux degloire auantureufe,
Comme les Dieux s'acquirent des autels^
Faifiant partout des gefles immortels.
Cefut x^Amour autheur de telle affaire:
Carfans ce Dieu ils n'euffentfceu rien fairel
Qui voudra doncfoy-mefimefe donter,
Et iufqu 'au Ciel par louange monter,
Et qui voudrafon cur faireparoifire
Grand par-fur tous,& de foy-mefme mai±
flre,
Soit amoureux d'vne Dame quifiait
Rendre l'Amant vertueux éf parfait.
L'homme mal-né qui Us amours meffrifi,
Nacheuera iamais belle entreprife,
Ains tout perclus defins & de raifion
Ne bougera,poltron,defia maifon.
Aux temps f>affez&Jafon cy Thefee
De mainte affaire efirange &mal-aifee
Sont retourne^ ennironne^d honneur,
^Ayant Amour pour guide &gouuerneur.
Les Dames fiont pleines de counoifie
Ont le cur haut, haute lafantaifie.
On voit toufiours la femme de moitié
Surpaffer l'homme en parfaite amitié:
Tefmoin en eftlavertueufe Alcefle,
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Quifi
S

CARTEL POVR LE
Henry III.
M~A STTA R A D FSf~
ROY
Ainfi le blanc comme fimplefurpaffe
Toute couleur où la mefieure paffe.
Efi habit blanc que ie porte , Madame,
Simple efi le blanc, lerefie eft compofé,
Où l'artifice a le fard appofé:
Qar en tombant défit fimple nature
S'efi corrompu par diuerfie teinture,
Efipour monfirer la blancheur de mon Et n'eftplus beau par la mutation,
ame,
Qomme efiongné défit perfeclion.
Et cefiefoy parfaite en loyauté
Donc qui voudra,pour accoufirement porte
Qu'au crur ie porte aimant voflre beauté. Vn habitpeint de mainte efirangeferte,
Toute vertu, tantfoit- elle admirable, Soit bigarrédu corps comme du clur,
Ne fut iamais à la miennefemblable, Tonte couleurfeins la blanéhe couleur
D'autant qu'on voit affe? d'autres vertus, Nefià bon droit parfaite ny louable:
» L'homme loyal icy nefe voitpins.
Que l'incarnat tant qu'ilvoudrafe vante,
Le iaune auffi, qui ïamoureux contante,
Le blanc naiffeulement efi capable
De receuoir toutes couleurs, & peut
Changerfa forme en tout cela qu'il veut,
Et le verd-gay que Venus aime tant Où l'accident des autres n'a puijfance
Telles couleurs ne me plaifint,d'autant De retourner en vne blanéhe effence.
Quvn teint fardé leurs beauté? a fouillées Le Ciel efi blanc, la Lune, çf? leflambeau
L'vne dans l'autre efirangement méfiées. Dugrand Soleilpour efire blanc efl beau :
Comme lefimple en tout efi pins parfait
Que U méfié qui de plufieurs fefait:
Pour eflre blanche efl belle la lumière :
La couleur blanche efl toufiours lapremière.
MARCASSVS.
Ceft habit blanc] Le Roy Henry III. pour faire paroiftre à fa Dame la candeur de fon amour, fc fait voir
en habit blanc, qu il préfère a toutes les autres couleurs, de mcfmc que les corps fimplcsfont préférables j
ceux qui font mixtes ou compofez. Au refte il n'y a rien de mal-aifé.
DIALOGVE POVR VNE
Mafcarade.
Amovr et Mercvre.
Amour.
Eraut des Dieux, qu'vnefille d'Atlas
Conceut léger, pren tes ailes cognuès,
Et trauerfant le long chemin des nues
Laiffé le Ciel,& t'en-vole là bas.
Mercure. '
Fils de Venus, qui portes en tes mains
iL'arc qui aux Dieux &aux hommes com¬
mande, *
Tourquoy veux-tuque duQielie deficende
Tour aller voir la terre des humains?
Amour.
Iupiter veut par le confeil des Dieux
Qu'ailles trouuer U pins grand de larace
Des trois commis à conquérir la place
Et tons Usforts du Chafieau périlleux.
Mercure.
Quelle contrée a produit ce bon-heur f
Qui mettra fin à fi haute entreprife t
Qui efl celuy que le Cielfauorife
Surtons les trois de proueffe ^y d'honneur t
Amour.
%Gf
le te diray le pays & le nom
De ce guerrier qui a tant depuijfance:
Ch\rle' efifon nomJôn pays efila France,
Dont les vertusfurpajfent le renom.
Mercure.
Cefi affe%dit:tu me donnes la loy,
le vaypartir, ilfaut que i'obeyffe:
Il faut,Amour, qu'on tefaceJeruice,
Les plus grands Dieux obeyffent à toy.
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$_+
MASCARADES.
MARCASSVS.
t
Btrm des Dieux] Amour enee petit Dialogue commande à Mercure d'aller troauer en terre Charle*
" efte du Chafteau périlleux de l'Amour , qu il dit ne pouuoir eftre forcé par autre
IX. pour luy offrir la conqu
que par luy
MONOLOGVE DE
Mercure aux Dames.
50 Ames, iefuis le courrier Atlantide,
Qui trauerfiant le grand efface humide
Comme vn oifieau de fon vol foufienu,
Porté du vent,fuis en Francevenu
Par le confeil de ce Dieu qui tempère
Hommes &Dieux, de toute éhofè Pere,
Pour enuoyer vn Cheualier François,
Affre à la guerre & le pins fort de trois,
A qui le Qielfens bonne Defiinée
A dés longtemps la conquefle ordonnée
I Dufort Qhafteau périlleux , que l'Amour
Tient remparé de périls à l'entour.
Il nefaut point qu'vn Cheualierfappre-
Au long labeur d'vne telle conquefle,
S'il nefl aimédes Dieux & duDeftin:
Quiconque fioit qui la doit mettre afin,
Sera éhery des Cieux & de Nature,
Et referuépour fi haute auanture.
Premièrement d'vn courage indonté
Verra ÏSnfer quiflamboyé à cofié,
i Et baignera fies armes homicides
Au tièdefiangdes fieres Eumenides,
Et des fureurs des Gorgonnes, qui ont
Vn iil farouche enfoncé fous le fiont.
Rien de Pluton ne vaudra la proùeffe,
Soulphre , fumée$- groffeflame effeffè
Contre celuy dont le puiffant bouclair
iTc^Tr^
MARCASSVS.
Ne craint nyfeu nyflame ny efclair. .
Victorieux du péril de la defire,
L'autre péril l'attend à la fieneflre :
Cefont trauaux & labeurs vehemens,
Gennes, horreurs, la maifon des tourmens,
Où mainte voix enfonffirs eflendue
Horriblement de loin efl entendue
Des malheureux qui autrefois riauoient
Gardé lafoy qu'aux Dames ils deuoient.
Pource , Amoureux , garde% l'Amourfi^
délie,
Depeur d'entrer enpeinefi cruelle.
Ayant forcé ce dangerpar vertu,
Et par l'effort de finglaiuepointu,
Se couronnant de louange& de gloire,
D'vn tel Chafieau gaignera la viéloire :
Puis il doit voir vn beau iardin , ainçois
Vn Paradis, des délices le chois,
Oùfleurs & firuifts en 'abondance naiffini,
St à l'enuy l'vnefur l'autre croiffent :
Où les plaifirs & les Amours iumea'ux
Vont voletant de rameaux en rameaux.
Là le troupeau des Nymphes & des Fées]
D'illets, deli?, & de rofes coiffées,
Leferont digne, au regard de leursyeux,
St de la table & du NeÛar des Dieux,
En luy donnant entière ioniffance
De tons Us biens quifiont en leur puijfance :
Voire de ceux que ce grand Vniuerr
Fait naiflre au iour pourfies tourmesfouffers:
Tant vne fin de tout plaifir efi pleine,
Quand la vertu fachettepar lapeine.
Dames, ie fuù ] Icy Mercure déclare le fujedt dJ fon Ambaflade, les conditions aue doit auoir celuv
*£!Zliï-m^t ' dfqucllcs nous auons fi aiflpIcraem parlé W'il ".'cft P" bfifoi"
OorZnne ^ïïonr l^F .T"* 5 à??1 T''?1**' &t°Ut «** Cn *«"» du Roy. *«**_*;'
T
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POVfl

mascarades: ty
De ma maifon, fans me le faire enten*dre,
POVR VNE MASCARADE. Mars (fr^Amour ont bien ofié défendre,
Accompaignant trois Cheualiers de nom,
I V P I T E R. Qui eftrangersfont aborde? en France,
?§[P Efuk des Dieux le Seigneur ey U
Pour le cognoiftre fy voirfi fia puijfance
Efioit pareille au bruit defon renom.
mwk Pere, Or ie cognoy ce Prince magnanime,
Tout Slement à mon Sceptre obtempère,
Le cours du Ciel ma reigle vafuiuant:
Qui les combats pins que la vie eflime :
// leur voudra fon brasfaire fentir,
Dedans la nue armé de mon tonnerre,
le fay trembler Us ondes ey la terre,
D'vn braue caur affaillant ces Gendarmes,
Et par t effort de toutes fortes (Parmes
Haut- efleuéfur les ailes du vent. Leur attacher au fiont Urepentir.
Bas à mes pieds Us peuples ie regarde: Pource ie vien lefeuflien deceVKinCE,
Roys,Empereurs font en ma fauuegarde, Sans endurer qu'en fit mefme Prouince,
Etparfiur tons Charles que i'aime mieux: Des eflrangers puiffe efire combatu:
Entre nous deux, pourfupréme auantage, Tour fion ficours T 'allas ie luy ameine,
Du Monde entier auons fait vn partage,
A luy la Terre ,&à moy tons Us Ceux.
Qui punira de vengeancefeudaine
Mars par la lance, Amour par la vertu.
MARCASSVS.
le fuis des Dieux] Amour & Mercure au defeeu de Iupircr ayant mené à la Cour du Roydc France troiâ
Cheualiers Errans , pour faire armes ; Iupiter, recognoiffanr la valeur du Roy, qui ne les laifTeroit pas aller fan*
les contenter en la lice, defeend en terre & luy meine Pallas la Deeffe qui prefide au bon fens Se au bon iuge¬
ment -, à fin que comme il eft allez courageux & aflez fort pour les vaincre, il foit aufli diferet Se fage pour bien
conduire fon bon- heur,&vfer iudicieufement dc fa victoire. ""*
. Loin de mes bras comme vne poudre au veniï
A A Quand Qupidon par blandice ou cautelle
PALLAS. Me ^ y^ dej-ajiecjjC crueUej
Ou de mon corps finement approéher,
IfeJS V haut du Ciel ie fuis icy venue Deuantfesyeux ie monftre ma Gorgonne,
c!S4 Deffus le dos d'vne légère nuë,
Traçant en l'air vn voyage nouueau,
Qui d'vn regard telle crainte luy donne,
Que froid, fans ame, il deuient vn rocher.
Par la prière en courroux animée Ces ieunes Dieux contre Charles
De ce grand Dieu qui mefit toute armée, mon fiere
Malgré Junon, naiftre defion cerneau. Ontfait armer vne force contraire:
Moy,fiuur des Roys, en armes ie protefte Seule ie puis empefeher leur moyen,
Donnerficours à ma race Qelefie, En luy donnant ey ficours (y remède,
Et d'enfermer mon corps de toutes pars Qomme ie fis au vaillant Diomede
De deux harnois : l'vn efifait defageffe,
L autre trempé d'ardeur (fgdeproùeflje,
Qui combatoit deuant U mur Troyen.
le veux ruer ainfi que d'vne foudre
L'vn contre Amour, ($y l'autre contre Mars. Ce gentil Mars terrafiéfur la poudre,
Marsfurieux tout allumé de rage,
A millefois prouoqué mon courage,
Et en defiit de fis trois combatans
Le defarmemau milieu de la guerre,
Et meffrifé ma force en fe brauant : Ou l'enuoyer là bas deffous la terre
MaU quand ma lance au combat le mena- Bien loin du Ciel auecques Us Titans.
ce , Etfi Amour approche de ma lance,
Jl perd le cur £

i f
W ' M'ASCAR ADES.
3ien m autre part mon bras il ait cognu: Fendray fon arc , efleindrayfis flarneéhes, ?
le briferayfon carquois& fisflèches, Rompray fon fi) fon fi) aile & l'enuoiray tout nu.
MARCASSVS.
Du hdut duC'ttl] Pallas felonla promefle que Iupiter en auoit fai&e, paroift fur les rangs, délibérée de
vaincre l'Amour & Mars, pour fouftenir le droicî de Charles IX. qu'elle nomme fon Frerc, à caufe que comme
elle eft fille de Iupiter, ainfi il en eft fils auec rous les autres Roys de la terre. NAiftede fon cerueau ] C'eft
pourquoy Catulle l'appelle, Patnma , &Nonnusnomrne Iupiter mm* /Mi*f, parlant de 1 accouchement qu'il
fit de Pallas. Gorgonne ] C'eftoit la tefte dc Mcdufc , qui couuroit le bouclier dc Pallas , à l'afpecT: duquel tout
fechangectit en rocher, comme vous pourrez voir en cefte Stancc dcl'HymnedePallas,quci'ay traduite de
l'Argenis. ,
Cefi toy qui "Hois deuant toy U Vitloire
Mener ton char er te combler de gloire, '
Unifiais marcher la Force au deuint de U Mort:
Qui des trifies effecls de tes puijftntes armes,
Fais efclater des crû, des fanglots £r des larmes,
^ Et naifire de tes jeux le bon ou mauuais fort.
^¤u feul a/feBde cefie Targe,
où la crainte &- l'horreur ont tant de Monftres mis,
Tu "\ois en des rochers changer tes ennemUy
Que fur eux ta Medufe en cholere defeharge.
Diomede] Ceuxqui ont leu Homère, fçauent en quelles rencontres. Titans] C'eftoient des Geans, fils
de la Terre, qui firent iadis la guerre aux Dieux.
CARTEL ENVOYE' PAR
le Nain des hvict
Cheualiers Eftrangers.
Viél Cheualiers de nation efirange,
Autant
louange,
vaiUans qu'amoureux de
Rauis du nom qui parléMonde court'
De vos vertus, S i r e , $f de 'vofire Court,
Efioient partis eïf>oinçonne% de gloire
De remporter des combats la viftoire :
Mais U éhemin & le trop longfiejour
Les a trompe?j car ne venant au iour
De vos tournois, ont perdu l'efferance
De plus monflrer en armes leur vaillance,
S'il ne vous plaifi leur faire ouurir le Pas,
Et commander autres nouueaux combas.
DonqueSygrand R O Y, que tout le peuple
eflime
Snfant de Mars,fi l'honneur vous anime,
Si la vertu vous efchauffe le cur,
Ne permette^ que leur ieune vigueur
Se refioidiffe, & leur éhaude proueffe
Sans l'employerfi rouille de pareffe:
Ilsfont tous prefis aux combats de monflrer
Que plus vaiUans on ne peut rencontrer.
Jls combatront, comme hardis gendarmes,
Iufqu a la mort, de toutesfortes d'armes,
Et à cheual{y àpied: car ils ont *
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
Laforce en main, l'audacefur U front.
Jlsfent vefius d'vne diuerfiforte:
L'vn du haut Ciel la riche couleur porte.
Le bleu, qui efifigne certain auxyeux
Quefion efirit efifauory des Cieux.
L'vn la couleur d'vne Colombe a prifi,
Pour tefmoigner qu'Amour Ufauorife:
L'autre accoufiré d'vn habillement blanc]
Apparoift iufie çy magnanime (yfranc:
L'autre qui prend la noire couuerture,
Se monfireferme & confiant de nature:
Le Cheualier paré d'vn habit verd,
Efi d'efferance fy d'amitié couuert:
L autre accoufiré de couleur grife, monfire
Qrien bien aimant toute peine on rencontre;
Celuy qui a l'incarnat deffus foy,
Monftre du cur la confiance & lafoy :
Et U dernier qui l'habit iaune porte,
D'vn bon effoir fin amour reconforte.
Voyla les huiél qui veulent batailler,
S'il vousplaifi,Sl R e, en armes leur bailler
Lieu de Tournoy, & ne vouloir défendre
Que deffous vous laguerre onpuiffe apprendre,
Or pour-autant que les ieunesfondât tars
Sans Cupidon ne font chéris de Mars,
Jefupplïray les Damesfauorables
A ce befein leur efire fiecourables :
Car bien fouuent le plusfort eft donté,
Si l'art d'Amour ne défend fon coflé*

mascarades: m?
MARCASSVS.
fluitt cheualiers ] Scion la couftume qu'ont les Cheualiers crrans , vn Nain vient de la part dc huict Cheua¬
liers demander le champ de bataille au Roy , pour faire preuuc de leur valeur. Tout eft fort aifé.
AVTRE CARTEL.
,Rois Guerriers incognns, de nation
eftrange,
Ont laiffé leur pays, defireux de louange,
Tour venir efirouuer auecque le harnois
Laforce fyla vertu des Cheualiers Fran¬
çois:
Afin qu'en acquérant honneur par leurs
proueffes
Soient dignes d'efire aime^de leurs bcllesMai-
fireffes.
Chacun courra trois coups en mafique, çy
qui mettra
Pins de fols en la bague, Amour luy permet¬
tra
De gaigner feul U prix, rieftant pour rien
contées
Les attaintes quifontfans effcél emportées :
MARCASSVS.
Et quand les affaiUans & Us tenans feront
Egaux & non vaincus, derechefils pourront
Recommencer la courfe & retenter lagloire,
Tant que l'vn deffus l'autre emporte la victoire.
Tremier que de courir, ces guerriers bien
appris
Jront autour du camp, & toucheront Us pris
Tels qu'ils voudront choifir fins refbeél de
perfonne,
Qui feront attache? au haut d'vne Qolonne :
La main viélorieufie aura U prix tontine,
Que le vaincu pay'ra, honteux de fion péché.
Suppliant humblement que le R o Y nous or¬
donne
Des lugespour garder nofire droiél, & qu'il
donne
Faueur à la valeur du Qheualier vainqueur*
» Lafaueur d'vngrand Prince efl l'ame d'vn
bon csur.
Trou Guerriers incognus] L'Autheur a caché du myftere fous ce Cartel , qui fc doit tout interprète! dc la
vray lice d'Amour , en laquelle il faut toucher le prix, ne compter pour rien les courfes aufqucllcs on n'en aura
pas emporté la baguc.&c.
MASCARADE POVR LES
Nopces de Monseignevr
A nne Duc de Ioyeufe, Admi¬
rai de France .
A v X Dames.
%8fâ Everrois à regret la lumière du iour,
SJrfi faurois ingratfoldat combatu fions A-
mour,
Portéfes eflendars, & fiuiui fes armées,
Si voyant maintenantfes armes diffamées,
Et luyfait prifonnier, lié contre vn rocher,
le ne veno'is icy fes liens détacher,
St luy rendre auiourd'huy fia liberté paffee,
Comme Andromède l'eut par les mains de
Perfie.
Cefi bienfait de domter ces cruels ani¬
maux,
Et ces monfires quifont aux hommes tant de
maux,
Qui de fang ($f de meurtre ontfanglante U
face:
Mais d'outrager Amour pere de nofire race,
Le mener en trophée , $ luy ferrer les mains,
Q'efi enfiemble offenfer les Dieux fy Us hu¬
mains.
Celuy finça U laiél d'vne fiere lionne,
Qnj Venus iniurie,fyfon fils emprifonne,
Sans reffeéler ce Dieu,qui vengeur doit venir
Bien tofi l'arc en la main àfin de U punir.
Dés le premier regard, fans autre tefmoi-
gnage,
Voyant fin poil, fon front , fiesyeux çyfen
vifave,
DDdd jj
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UZ MASCARADES.
Il deuolt bien penfier qu'vne diuinité Ceft luy qui de groffiers nous a rendus hon-
Eftoit en ceft enfant : mais trop de vanité neftes,
Aueuglafa raifion pourfes fautes accroiflre, Qui nous appriuoifiant nonsfiepara des beftes,
Qomme aux Tyrrheneans qui ne peurent co- Et de fes beaux deffeins rempliffant nos raignoiflre
fions,
Sacchus en leur nauire,&depuis en la mer Nous apprift à baftir bourgades Q> maifions.
Se virentparleur faute en Dauphins trans- Ceft luy qui des Vertus nous enfieigne U
former: voye,
Ainfi Niobe apprit par fon orgueilfunefle Cefi luy qui, par efyrit aux Démons nous
Qu'on ne doit offenfir la puijfance Celefie.
Efi- ce pas faire au Ciel iniure $ des-
enuoye,
Qui nous rauift de nous, cy qui nous loge aux
honneur Qieux,
De direque l'Amour du monde gouuerneur Et nous rcpaift de manne à la table des Dieux,
Soit mefehant & cruel & autheur de tout Torté:deffus fion aile,eflairé de fiesfiâmes,
nj'ice, Couuert de vos faneurs, ie viens icy , mes
Et luy attribuer nofire propre malice* Dames,
Contrefa Dette Geans nous bataillons : Pour vengerfon injure,& l'ofter hors d'efinoy.
Amour nefaut iamais,nous somes qui failloss » Le deuoir d'vnfujet cefi aider àfen Roy.
M A R*C A S S V S.
le Verrait a regret] Ce Chcualicr-cy entreprend la deffcnfe d'Amour contre celuy qui l'a taxé dc témérité t
Se dc malice : prouuc que c'eft par fon moyen que l'on fc met en eftime parmy les hommes : que c'eft luy qui
fraye le chemin dc la vertu,brer de qui toutes les plus louables actions dépendent. Andromède ] C'eftoit vne
belle Princcflc , fille de Cephec Roy d'Ethiopie & dc Cafliope, qui fut attachée à vn rocher &expofceà Yn
Monftre marin, à caufe qne fa mère auoit mefprifé les filles de Neréc : en fin elle fat deliurée par Perfcc qui tua
ce Monftre. Propcrcc en parle en ces vers :
Andromède monfiris fuerat dénota marinu :
Hquifagement lesguide
Tar art obeïffant à la loy de la bride,
font entendre Tantofl vous Us verrez à courbettes danfiery
Que leurs premiers ayeulsfurentfils deMean- Tantofl fie reculer, fiapproéher,fauancer,
dre, S'efearter,fiefloigner,fieferrer,fe rejoindre,
A qui lefleuue apprit à tourner leurs cheuaux D'vnepoinéle allongée,& tantofl d'vne moin-
Comme il tourne çyfie vire tyfe plie en fes dre,
eaux.
Pjrrhe en cellefaçonfur le tobeau d'Achille
Contrefaifant la guerre au femblant d'vnt
paix,
Fit vne danfe armée : cy aux bords de Sicile Croifie?^, entrelaffe? de droiél$f de biais,
Enee, en décorant fon pere de tournois, Tantofl enforme ronde, cy tantoft en carrée.
Fit fauter les Troyens au branle du harnois, Ainfi cpu'vn Labyrinth, dont la trace égarée 'r
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MASCARADES. fc7
Nous abufie Us pas en fies diuers chemins :. Autant qu'il efiparfaicl cy le plus grand du
uAinfi qu'on voit danfier en la mer Us Dau- monde,
phins :
Ainfi qu'on voit voler par le trauers des
Ces Centauresarme? à nofire âge incegnus,
Au bruit d'vnfi haut Princew France
nues font venus
En diuerfes façons vne troupe de Grues. Pour les peuples* inflruire, & les rendrefaciles
Or pour voir noflre fiecle où prefide Autant que fous le frein leurs éheuaux font
Henry, dociles,
En toute difiipline honnefiement nourry, Etfaire defen nom tout le monde rauir,
Où laperfeélion de tous mefiiers abonde, Afin que toute chofe apprenne à Uferuir.
MARCASSVS.
Ces nouueaux cheualiers] En ce Balet que l'on danfa à cheual il parle de l'excellence Se dc l'antiquité des
Cheualiers. Méandre] C'eft vn fleuue d'Aficaffcz renommé, dont le cours eft merueillcufement diuerfific
de mille deftours. Pyrrhe] C'eftoit le fils d'Achille , qui fur le tombeau de fon pere firdanferdes hommes
armez, dont l'vfage en demeura puis apres parmy les anciens. Nous auons parlé de cefte forte dc Balet en
l'auant-difcours de ceft ouurage. ^CEnee ] Voyez Virgile, où /Enee fait les honneurs funèbres à fon pere
Anchife. Centaures ] C'eftoient des gens my-cheuaux Se my-hommes.
Le Ciel pour cefie nuiél nous quittons volon-
CARTEL POVR LES tiers,
Chevaliers Célestes, Et defirons encore,Jmmortels que nousfem-
ou Diofcoures. mes,
R'effayer les combats cy Us trauaux des hom-
\Ousfemmes ces Gémeaux, dont la va- mes.
leur extrefime Doncfi quelqu'vn vouloit en armes maintenir
Nousfit efiimer fils du grand Jupiter mefme, Que Us ieunes guerriers que U tempsfait vc-
Quifendiflmespremiers,compagnons de Iafon, nir,
Neptune d'auirons allant à la Toifon : Paffaffent de valeur ceux à qui l'âge antique
Quipar terre &par mer vainquifmes les bra- Jmprimoit dedans l'ame vne ardeur héroïque,
uades Et vueille les mortels fur Us Dieux efieuer,
Des Colchiens en terre, en mer des Symple- Qu'il vienne fur Us rangs : nous voulons luy
gades,
Et quifuyans le peuple cyfen éhemin battu,
Fufmes afires du Ciel conduitspar la liertu,
prouuer
A combat de éheual,par lancefy par cfyéc,
Quefen opinion fauffement efi trompée,
Dont les rayons pour marque encore fur nos Et que Us demy- Dieux par la Vertu nourris,
tefies Sur tous les Cheualiers doiuent gaigper le
Reluifint,redoute^des vents cy des tempefies.
Tous deux memoratifs de nospremiers me-
pris,
Leurf aifiant confiefferpar prenne manifefle
filers, Que l'homme doit céder à la race Celefle.
MARCASSVS.
Nous fommes ces Gémeaux ] C'eft vn Carrel que Caftor & Pollux fils de Iupircr, Aftres tant rcucrez des Nart.
tonnicrs,prcfentent à tous ceux qui voudroient fouftenir que les Cheualiers de ce temps furpaffent en addreffe
Se en grandeur décourage les anciens.de qui le los eft monté iufqucs dans le Ciel, cerneaux ] Caftor & Pollux,appellcz
dans le Ciel,GVmi0/. Compagnons de Iafon ] Ils furent a la conquefle de la Toifon d'or auecque luy,
comme nous auons dit auparauant. Neptune ] Pour la mer. Colchiens] DeshabitansdupaysdcColchos.qui
eft en Afic. Symplegades ] Ce font deux petites Iflcs près dc l'cmboucheure du Pont-Euxin,que les anciens ont
creu s'approcher Se s'cflongner l'vne dc l'autre.
. DDdd
iij
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&70
CARTEL POVR LES
Chevaliers delà
Renommée.
T ce char triomphant, cyfe Dame ha-
J billée .
D'a?ur,qui décentyeux efi toufiours éueillée,
St ce courrier ailé qui feul marche deuant,
Qui enfle la trompette cy l nos âmes,
Nous n'aurions point befein d'habits charge?
défiâmes:
Dés U premier regard ils voirroient qu'au de¬
dans
Nous nefemmes quefeux cy que brasiers
ardans :
. Maispuis que l'eil ne peut nofire accident co-
gnoiflre,
Ilfaut par le dehors le vousfaire apparoiflre.
Nos penfirs qui toufiours tournent tout à
l'entour
'pcUpcrfonnejLimée &fe meuuent d'Amour
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(Comme tout mouuement efl chaud défit na¬
ture)
Nous enflament le courd'vne flamefipure
Et fi belle}qu en lieu de nousfaire mourir
Nous fentons fion ardeur doucement nous
nourrir,
Jl nefaut s'efbahirfi nofire éharflè pare
D'artifices defeu ifi Vefiuue cy Lipare
Semblent brûler dedans : chacunfuitfion defir,
Et nonsfiuiuons lefeu comme noflreplaifir.
On dit qu'en Cypre eftoit iadis vnefournaifie,
En qui la Pjralide au milieu delabraifie
Entretenaitfa vie, eyfie mouroit alors
Que laflame,fia mère, abandonnaitfon corps»
Nous en femmes de mefme : ainfi vit cy
s'engendre
sAux fourneaux les plus chauds la froide Sa-^
Umandre.

K,-
mascarades: 87i
^fAinfifie paiffent d'air maintes fortes £01- Luy donnant des brandons , ne fit à ïauan-
fieaux, ture,
De terre la Couleuure & Uspoiffons des eaux. Mais par raifion , voyant que ce Dieu défit
Animaux qui prenc?dufeu vos origines, main
Vene? viure en nos csurs,vene?^ en nos poi- Bruloit cy mer fy terre cy tout U genre hu~
firmes, main.
Paiffe?-vous des ardeurs quel Amour verfi Eficoute,grand Amour}grand Démon char'
en nous, géd'ailes,
Et viuex. comme nous d'vn aliment fidous,
D'vn fi doux aliment, que mefme l'Am-
Quad la mort rauira nos defioiiilles mortelles,
Par tafiainélefaueur denenus transforme-^,
hrofie Nous voulons luire au Ciel deuxflambeaux
Si doucement au Ciel Us Dieux ne raffafie, allume?^
Viuans de noftrefeu , dont nous femmes con- Tu n'auraspas grand'peine à nous changer
tens, enflâmes,
Qomme mouféhes à miel des moiffons duPrin- Puis que lesyeux ardas de nos cruelles Dames,
temps. En ton traiél embrasé , qu'au cour auons
Celuy qui fit d'amour la première pein- receu,
ture, Auoient nos corps viuas déjà tourne? en feu.
MARCASSVS.
Si les yeux pénétraient] Ce font de malheureux Cheualiers, qui voyant que leur amour eftoit peu cogneuîè
dc leurs Maiftreflcs, fe font auifez de s'habiller tout dc flamcs.à fin dc leur dôner à cognoiftre par celles qui font
en l'extérieur la vehemence de celles qui lesbruflentau dedans. Vefuue] C'eft vne montagne de Campa*
nie, de laquelle fc fonrefpandus plufieurs fois des embrafemens par le plat pays, lipare] C'eft vne ifle femblablcala
première montagne. Cypre] Ifle delicieufe, ordinaire fejour dc Venus. Pjralide ] C'eft vn
petit animal , qui vit comme la Salemandre dans le feu , duquel il a pris fon nom.
A L'VNIQ^VE PERLE
Margverite de France,
Royne de Nauarre,luyprefentant
la Charité.
Omme de cent beaute?la voflrefe va¬
rie,
Ce liure qui vous efl humblement dédié,
De différents fujets efl icy varié,
Telle qu'efl en **Auril vne ieune prairie.
MARCASSVS.
I'ay voflre Royautépour defenfe choifie]
Afin que mon labeur nefoit point oublié,
Ny du peuple mordu , repris ny enuié,
Tant vofire Majefié luy donnera dévie.
Madame,file don de ce petit tableau,
Que iefiacre à vos pieds , n'efi ny riche ny
beau,
lions feule en efieê caufie,& cela me confie:
Car voulant à mes vers vos vertus égaler^
Tant s'enfaut que iepuiffe ou eferire ouparler,
Que ie deuien muet,fans plume nyparole.
Comme de cent beauW7f\ Il prefente par ces vers ce refte des pièces qui fuiuent, à la Royne dc Nauarrc,
femme de Henry le Grand', la plus grande fclaplus parfaite Princcffc qui fut iamais.
LA CHARITE.
E ieune enfant quifins raifon com¬
mande,
Qui par U Qiel, qui par U terre court,
Voyant vn iour les Dames de la Court,
Remonte aux Qicux,$ Venus luy demande:
Dy-moy,mon fils, volant de place en place
Comme tu fais,fansfoy ,fans loyauté,
As-tu point veu là- bas quelque beauté
(Ton ail voit tout) qui la mienne finrpaffe ?
D Ddd iiij-
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872, M A S C A
t^Amour reffond : Pren , ma mere,affeu~
> rance,
Rien nefiauroitfurpaffer ton honneur,
Fors vne Dame, en qui tontle bon-heur
Du plus beau Cielfe verfa dés enfance.
Elle rougit : les Damesfont despites
Quand leur renom en beauté n'efi parfait :
Et pour fçauoir la vérité du fait,
elle choifit l'vne de fes Charités.
Mon cuur,mesy eux,mon ame & ma pen-
fiée,
Si i'ay de toy quelque bien mérité,
Defien en France, cy me di vérité,
Si ma beauté d'vne autre eft fiurpaffie.
Tour obéir la ieune Tafithee
Tonte diuine abandonna les Cieux :
L'air luyfait place, cy Us vents gracieux
La fouflenoient par la vague emportée.
D'vn vol foudain elle fit fadefcente,
Fendant U Ciel, ainfi qu'on voit la nuit
Couler de loin vne efloile qui luit
Entre deux airs d'vne trace gliffante.
Beauté, vigueur, ieuneffe cy counoifie,
LeieuJ'attraift, les délices, l'Amour
Ainfi qu oifeaux voloient tout à l'entour
De ce beau corps, leur demeure choifie.
Son ûoef diuin, miracle dénature,
Eftoit couuert de cheueux ondele?,
Noiïe% , retors, recreffe?, annele?,
Vn peu plus noirs que de blonde teinture.
Son firont eftoit vne table garnie
De marbre blanc, fiege deMajefté,
Net cy poly, comme aux beaux iours d'Efié
On voit la merfans ondes toute vnie.
Ses feurcis noirs faits en arche d'Ebene,
De l'arc d'Amour laforme cy le pourtrait,
D'vn beau Qroiffantcontre-imitoient le trait,
Quand an tiers iour le mou il nous rameine.
Sesyeux efioient d'vneforce contraire,
L'vn gracieux r$ff ï autre furieux,
Deuxyeux ( ie faux , mais deux afires des
Cieux)
L'vn pour chaffer cy l'autre pour attraire.
En fiesy eux bruns toute délicateffe,
Traifts, hameçons ,fernages cy prifon,
Qui des plus fins affinent la raifion,
Seruoient d'efcorte à fi belle Deeffe.
Toutes beauté?^ en fiesyeuxfont coulées :
Almour riauoit d'autre logis trouue:
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RADES.
Son ne% fimbloit , hautement releué,
Vn petit tertre enclos en deux valées.
Sa tendre, ronde cy délicate aureille,
Blanche, polie, au bout s'enrichiffoit
D'vn beau Rnby, qui clair embelliffoit
Défis rayons fon vifage à merueille.
De vif Cinabre efioitfaitefa joue, ,
Pareille au teint d'vn rougiffant Oeillet,
Ou d'vne Fraise, alors que dans du laift
Tout an plus haut de la cr tfine fe joue.
Tontes lesfleurs dufang des Princes nées,
Narciffe, Aiax,rieurent le teint pareil
Aufien méfié de brun cyde vermeil,
Qui rend d'Amour le s âmes efloçnées.
Telle couleur à la nuiél efl commune,
D'vn peu de noir fiaface embelliffant,
Quand peu à peu U iour eflfinifjant,
Et ja h'feir tire deuers la brune.
Sa bouche efioit de mille refis pleine,
De lys,d'illets, où blanchiffoient dedans
A doubles rangs des perlespour Us dents,
Qui embafimoient le Cielde leur haleine.
De là fortoient les ris,cy les parolles
Fortes affe^ pour Us hommes charmer,
Et qui pouuoient Us roches de la mer,
En Us oyant, rendre douces cy molles.
Vn rond menton finiffoitfion vifage
Vn peu fendu d'affe^bonne effeffeur,
Gras, en bon point, dont la blanéhe efieffeur
Del'autre enfleure efi certain tefmoignage.
Son col efioit vn pilier de Porphire
En longs rameaux de veines fepare,
D'illets , de neige &de rofis pare,
Soutien du chef que la Nature admire.
Deux monts de laiél qu'vn vent preffe cy
repreffe,
Quiferle fein fans bouger s'efbranloient,
Comme deux Coings enfle^ je pommeloient
£n deux tetins mefiagers de ieuneffe.
Du refie, helas ! de parler ie riaygarde,
Dont le regard aux hommes efi oflé,
Sacréfejour , qu'Honneur cy Chafleté
Ainfi qu'Archers ont en fioigneufie garde.
Ses mains efioient blanches, longues, douil¬
lettes,
Qui treffaillaient en veines cy rameaux,
Puis fie fendoient en cinq fieres iumeaux,
AbboutiJJant en cinq bords de perlettes.
De marbre exquis taillé par artifice

MASCARADES. 873
Sa jambe efioit ,fis fieds efioient pet'is, Yfut premier en la voyant deceu,
Tels qu'en les feint a la belle Thetis,
Seur fondement d'vnfi bel Edifice.
Penfantau vray que cefufi fia Spur mefme.
Serrant fia main la conduit à la dame :
Qomme vn eficlair la Nymphe quifefiance,
Dans le Palais ^Charles arriua :
Qomme vne femme elle ne marchait pas,
Mais en roulant diuinement le pas,
Puis tout d'vn coup inuifible fien-va D'vn pied gliffant coulait à la cadance.
Dedans lafaite où fie faifoit la dance.
Il eftoit nuiél, & Us humides voiles
L'air efifoiffi de toutes parts auoient,
L'homme pefiant marche deffus la place,
Mais vn Dieu vole cy nefiçauroit aller:
Aux. Dieux légers appartient le voler,
Quand pour baller les Dames arriuoient,
Qui de clairté paroiffoient des efloiles.
Robes etargent & d'or laborieufes
Comme engendre^d'vne éternelle race.
Le Ko Y danfant la volte Prouençalle
Faifoitfauter la Charitéfe Seur:
Comme à l'enuyflambantes eficlattoient : ellefuiuant d'vne graue douceur,
Viues en l'air les lumières montoient,
A traits brillans des pierres precieufies.
Là mon grand P R i N C E fy nos Sei¬
A bonds légers voloit parmy lafalle :
x^Ainfi qu'on voit aux graffes nuits d'Autonne
gneurs fes Frères
Vn prompt Ardant fur Us eaux eficlairer,
Efioient venus orne^de Majefté,
Tantofi deçà , tantofl delà virer,
Pour compagnie ayansà leurxoflé Et nul repos àfiaflame ne donne.
Les loix, qui fiont plus douces que fieueres. Elle changeait en cent metamorphofes
Là MARGVERiTEjOr»fwe> denofire âge, Le c de ceux qui fion fiont regardoieni :
lApparoiffant en fia double valeur, Maints traicls de feu de fisyeux defeer}-
Et tantoft perle cy tantoft vne fleur,
doient,
D'vn beau Printemps honoroit fon vifage. Et fous fes piedsfaifoient naifiredes rofies:
Si tofl qu'au bal la Nymphe bien- aimée Au deuant d'elle auoient pour fenres gui¬
Se prefinta , fies deux afires iumeaux
Firent au double eficlairer lesflambeaux,
Et d'vn beau iour la nuiélfut allumée.
des
isiuccq l'Honneur la graue CMajefié,
Et la Vertu ,qui gardoientfa beauté,
Deuant fia felle vne odoreufe nue
Pleine de mufie cy d'ambref efiandit:
Comme vn Dragon lefiuiél des Hcfferidesl
Incontinent que la douce harmonie
Par tel miracle vn tloacun entendit Des violons en l'air plus nefouit,
Qu'vne Deeffe au bal efioit venuï
Qefte Charité au Qiel féuanouït,
Commevn Soleilfins rompre la verrière Abandonnant l'humaine compagnie.
Paffe en la éhambre ondoyant (§f pointu, Ainfi de nuiél la paupière fermée
Sans que l'objeft empeféhela vertu
De fit diuine ^r perçante lumière:
D'vn doux fommeil, en fongeant recognoifi
Quelque Démon qui fioudain apparoifi,
Ainfi la belle inuifible Charité
Puis tout feudain fe perd commefumée.
Qomme vn eficlair lafelle pénétra,
Adieu Charité , adieu Nymphe bien-née,
Et toute entière enfe cachant entra
Dedans le corps de nofire Margverite.
Ou monte au Ciel, oh vole où tu voudras,
En cefie Cour bien toft tu reniendras
Si bien fion ame en fion ame efl enclofi, Deffous le joug du nopeier Hymenée.
Si bien fia vie en l'autre elle logea,
Lors moy remply d'vn plus ardent cou¬
Si bien fen fang au fiang d'elle changea,
rage,
Que les deux corps rieftoientpins qu'vne chofe.
Si que mon Roy d'vn iugement extrême
le doubleray la force de ma vois,
Pourfaire aller iufiqu'aux éhamps Nauarrois
Sien clair' voyant,germe des Dieux conceu, L'accord heureux du facré mariage.
MARCASSVS.
Ce itunt enfant] Il feint qu'Amour interroge par fa Mcrc, s'il auoit ycu aucune beauté patcUIe a la fienne
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g MASCARADES. ^
mefme qu'il afait celles dc Marie, en l'Elégie qui commence :
rein-moy,Janet,pein>moyietefupplie. ,-,,-> n. j ^ _ ,-
, i a î- < chmtes i /.«

LES ELEGIES
DE P. DE RONSARD,
G E N T I L-H OMME
VENDOMOIS.
A TRES-VERTVEVX SEIGNEViR, ANNE
DVC DE IOYEVSE, PAIR ET ADMIRAL
de France, Gowernevr
dc Normandie.
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87J

Verfibus impariter lundis Querimonia primum,
Poft etiam inclufa eft voti fcntentia compos. Hor,
LE S vers de l'Elégie aupremierfurentfaiéls
Poury chanter des morts les gefles cy lesfaiéls,
IoincTs aufon du cornet: maintenant on compofi
Dînersfuiets en elle , ($r reçoit toute chofe.
Amourpoury régner en a chaffe la Mort :
Lesvieux Grammairiens entr'-euxfiont en difiord
Quipremier l'inuenta : mais la caufeplaidée
Pend au croqfions U iuge, ($f n'eft encor vuidée.
Encores au Lecteur.
S Oit courtel'Elégie en trente vers comprifie,
Ou en quarante auplus: Lefin Lefteur mefifrifie
Ces difeours, ces narre^ aujjigrands que la mer :
Ilfiaut demaint rempart ta langue renfermer,
Qui veut toufiours eaufier, toufioursparler cy dire,
Et referrer ta main qui bouillonne d'eferire.
Jl fiant dupremier vers conterfa paffion,
Et lafuiure toufiours,fi quelquefiftion
Rare nefitruenoitpour orner ton ouurage,
¤n deux lignes acheue cy non en d'auantage:
Tonfujetfoitpreffefans trancher l'autre vers,
Autant que tu pourrasfans courir de trauers :
Sois toufioursfimple cy 'vn,^ que tafinprenante
Tirefur l'Epigramme,vnpeu douce &poignante.
Si i'eufle compofé la meilleure partie de ces Elégies à ma volontc,& nonpar ex¬
prés commandement des Roys & des Princes, i'eulTe efté curieux delabriefuetc ;
maisil afallu fatisfairc au defir de ceux qui auoientpuiflance furmoy, lefquelsne
trouuent iamais rien de bon,ny debien fait, s'il n'eft dc large eftendué, & comme
ondit en prouerbe , auffi grand que la Mer.
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A MONSIEVR

A MONSIEVR DE LITOLFY
MARONY .SEIGNEVR DE GAVVILLE
ET DE FEVGVEROLE, &c.
Abbé de Sainct Nicolas Au bois.
ONSIEVR,
Si ie prens la hardieffe de "vous prefinter ces Remarques de
peu d'importance que i'ay faites en mejouantfur les Elégies
de Ronfard, ne croyez* pas que ce foit afin otue 'vousy ap¬
preniez, quelque chofe , ou queïeftime que vous ayez» befoin d'ejclairxiffement
tn leur lefture. Ceferoit manquer tout afait dejugement de 'vota vouloir
eficlairer en ce iour: après auoir recognu par la familiarité dont voftre ami¬
tié ma honore, auec combien de force & de vigueur voftre esfrit comme vn
Soleil d'Eftt diftipe l'obfiurité desficiences les plus nobles ff) les plusfafcheufes.
L'eflime que ie vous ay ouy faire de ce grand Génie ma fait croire que vota
auriez» aggreable qu il paruft encor au iourfom voftre adueu, auec cefi hom¬
mage que ie rends a fies cendres ; de defcouurir en partie les miracles dontfes
penfees efclatent en ce petit ouurage. cTout le Monde na point le bonheur de
tirerfon origine des grands PoètesjOU s'il s'en trouue quelques vns , il adulent
rarement qu'ils héritent des threfors immortels que la Nature leur auoit dé¬
partis en naiffant, comme vous quipouuez, vous vanter d'auoirfuccedê aux
dons de ïesfrit de cegrand Maron, Autheur de voftre maifion , que lesfie-
cles ont reuere çtf reuereront à iamais.Jl s'en trouuera a qui ce peu de ce que
i'ay fait aidera en la lecHure de ceft uure: & iefiuis bien affeuré que voftre
vertu qui va plus vifte que vos années, nefiera pas marrie que ceux qui ont
befoin dufiecours le trouuentpar le moyen de celuy qui eft,
ZMONSIEF^,
Voftre trefhumble & tresobeyffant
feruiteur,
Dr Marcassvs.
E Ee e
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q!fc
Ùe îoyeulë mourant eut mus araiide victoire
Contre la me/me Mort , que lermeny fur luy ,
lien rahuy ,
Qu'éternelle entre tous en fera la mémoire^ .
fCfûfhrant fCfûfhrant a mai/on tellement auwwi
Thom. de Lcu~~E~e. et rx ,
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EPITHALAME DE
MONSEIGNEVR LE DVC
DE IOYEVSE,PAIR ET ADMIRAL
de France, et Govvernevr
de Normandie,
OYï.VsEJfiuytonnomJquii Jfvoy deffius l'acier de tonfort coutelas
joyeux le conuie Tomber ey morions ey pennaéhes a bas:
Ajouir doucement d'vnejoyeufi ' Je te voy foudroyant combatrea la barrière}
vie,

m élégies:
le les voy,ce mefemble, vn déjà deftathér Le brodequin es pieds , le flambeau dans les-
Ta robe, & doucement dans le liél te coucher,
Te parfumer d'odeurs ,&dela mariée
mains,
Hymen confieruateur des noms & desfamiU
Vautre qui la ceinture a déjà defiiée,
Luy verfer dans lesyeux mille Grâces;àfin
Quvne fi fainte amour ne prenne iamais
les,
Séparer en deux rangs les garçons & lesfilles,
Et lesfaire chanter à l'entour de ton lit,
fin. Sfclaire^de fonfeu qui ta nopce embellit.
Mais d'âge en âge croiffe,autantferme enlacée Voy déjà de leurs pas la cadence ordonnée,
Que la Vigne tient lOrme en fes plis em- Joy toute la maifon nefinner qn'Hymenée,
' Jfo, Et le cornet a l'huisfaire vn bruit,pour nouir
Laparole ey le Ieu qui les Amans conioint,
Les baifers colombins ne vous défaillentpoint :
Les cris,qui en pleurant la feront réjouir.
La Concorde a iamais en t'a maifonfejour-
Que chaque membre face enfi doux exercice,
Comme pouffe^ d'amour, tout amoureux of-
1 fice :
ne:
Yfijoume la Foy, & que l'an ne retourne
Sans vnpetit I o Y E V X, qui reffemble à tons
Et de voflre bon-heur heureufiement contens, deux, *
CueilleT fein contrefein lesfleurs de vos Prin- Pourfairepereey mère enfiemble bien ioyeux:
temps.
Car l'âge le meilleurj ''enfuit dés la ieuneffe,
Afin que ta vertu d'vn telPrince appuyée,
Et aufang des Lorrains d'vn nEudferme
Et en fa place vient la mort & la vieiUeffe. alliée,
le,voy , cefemble , Hymen protecteur des Luife vn nouueau Soleil,priuant de fia clarté
humains, Ceux quifiront jaloux de ta félicité.
MARCASSVS.
lojteufc] C'eft vn petit Epithalame en faueur de l'Admirai de Ioyeufc, à qui Henry III. auoit donné fa
belle f fille de Lorraine en mariage. Selon la couftume des chants Nuptiaux il deferit l'aife & le contente¬
ment qu'il doit cueillit au fein dc cefte grande DéefTe , prie le Ciel de donner au Pere & à la Merc vn enfant qui
puiffe vn iour égaler fa gloire àla leur, &par la ioye de fes belles qualitez empefeher fes parens de vieillir.
^¤u ha~\re fe couronne ] Il parle félon lacouftume des anciens, qui arriuez qu'ils eftoient au port , rendoient
grâces aux Dieux de la mer , leur faifoient des facrifices, & particulièrement au Dieu tutelaire du Nauire, du¬
quel ils couronrioient l'image qui eftoit à la proue' , fi ic ne me trompe. Virgile a touché cefte coHftume en cos
vers:
Votkatte feruati foluent in littore nauU
gUuco, çr Panopex , £?" Ino Melicert*.
Et en vn autre lieu.
Ce» prejfie cum iam portum tetigere canna,
Puppihm ey l

REMARQVES DE P. DE
MARCASSVS SVR LES ELEGIES
DE P. DE RONSARD.
DE L'ELEGIE.
Omme les .Grammairiens confelTent ne fçauoir pas le nom de
celuy qui le premier lit des Elégies , quoy qu'il foit affeuré que
c'eft vn certain Poëte nommé Theocles de I'ifle de Naxe ; auffi
s'abufent-ils grandement quand ils penfent qu'elle a efté ainfi
nommée /©%£ to £ x%yav Tid, n^n^ÔA. Au contraire, elle a efté
ainfi appellée de fon premier fujet, qui n'a point efté, comme ces
gens eftiment, funèbre, mais amoureux, comme nous monftrerons. L'Elégie eut
donques fon nom dc ce mot eAeos, qui lignifie, complainte ou commiferation :
parce que par cefte forte devers les Amans ont fait voir la violence du mal qui les
gennoit. Ellcpourroit auffi venir de ce mot Grec, eAeAeu, dont il eft affeuré que
les Amoureux fc feruoient pour hafter leurs MaiftrelTes à leur ouurir la porte, de¬
uant laquelle ilsgemiffoient. Apres qu'ils auoient joiiy de leurs amours, ils celc-
Croient leur contentement par cefte mefme façon de vers, par lefquels ils auoient
tefinoigné leur martyre. La netteté, la delicatelTe & la brieueté modérée auec les
affections font les belles parties dc ce Poëme. Il reçoit prefque toute forte de fujets:
les plaintes, les colères, les prières, les vnux, les actions de grâces, la réjoiïiiTance, le
récit de quelque rufe d'Amour, la mefdifance, & ainfi du refte.
i
EE e e
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LES ELEGIES
DE P. D E RONSARD,
GENTIL-HOMME
V E N D O M O I S. -.i
AV ROT HENRI III. ^
E L E G I E I.
E reffemble,mon P R I N C t,au le m abfente de vous, ma Mufe eft refroidie,
Preftre d'Apollon, Parnaffe ey fies deux fionts me fèmblent des
Qui n'eft iamais atteint du poi- deferts,
gnant aiguillon
Ou foit de Prophétie, ou foit de Toëfie,
S'il ne fent defon Dieu fion ame eftrefaifie.
Etpour moy fe tarit la fontaine des vers;
h mefins transformé,^ tommefi le breuuagè
De Circt auoit charméma voix ty mon ««*
Mais alors que Phebus, quifait afion cofié ragei
Sonner l'arc ey le luth, quitte le (fiel voûté, Tant ma languefarrtfte à mon palais tout
Et vient voirfes autels,fesfeftes eyfenTem* court.
pie,
Son Miniftre foudain qui le voit &contem
Mais lors que ie retourne au temple de la
Court,
Et que ie voy H E N R Y, l'Apollon qui min-
pie
Et le reçoit en foy, effarouché ^horreur ffire,
Se trouble tout le fiang d'vne ardentefureur, Soudain ie me deféharme ey ma langue vent
Et Trophete dénient fous le Dieu qui le dire
preffe ; Les honneurs d'vn tel Prince,ey mefins r en-
Puisfon Dieu le laiffant ,fa fureur le de- éhanter
laiffé: TD'vn nounel enthoufiafme , afin de mieux
Monftrantpar telacce^ que noftre humanité chanter
N'eft finon le jouet de la Diuinité, Voftre vertu qui règne an Monde fans égale,
Tantoft plein, tantoft vuide , autant que veut Et toufiours vous chantant mourir voftre (fi¬
la grâce gale.
Du Ciel, qui courte en nous ou large en nous Ceft pourquoyie retourne a bafer vos ge^
famafle. , nous,
Pour ce trois fois heureux ceux aufquels eft Pour réchanfer monfang enm approchant de
permis vous,
T)e voir les Dieux de prés ey fie les rendre Et auffi,mon grand Roy,pour ofier fiatisfaire
amis. A vos commandemens,fil vousplaifi de m'en
Ainfi quand parfortune , ou quand par faire,
maladie Ne vous arrefie^ point à la vieilleprifon
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ELEGIES. m
Qu ut enferme mon corps, ny à monpoilgrifon, ( Encor qu'il aitgaignfdes bataillesfins luy)
A ' mon
mentonfleuri : mon corps nefl que l'ef Lors que la maladie, ou le commun ennuy
eorce,
Serue^-vous de l'efprit , mon effrit efi ma
D'vn chacun, la vieilleffe , accidentfans re-
fource,
force- Refroiditfes jarrets, & empefehefii courfe.
Le corps doit bien tofi rendre en Vn tombeau Maisfniue^ Scipion qui baflit fion Tompoudreux
Aux premiers elemens cela qu'il a pris d'eux :
beau
Sur Carthage,& qui onq nefit rien defi beau
L'efprit viura toufiours qui vous doit faire QiSenterrer prés defoy,pour honorerfiagloire,
viure-,
An moins tant que viuront les plumes $f le
Le bon pere Ennius chantre défia victoire :
Afin que vifey mort il eufi a fion cofté
liure. La Mufe qui auoit àfia race apporté
Quand tauray cet honneur fioit de vous Plus de Lauriersfiacre^, que n auoitfion efbée,
rencontrer
Sortant de voftre chabre, onfoitpoury entrer,
Aufang des ennemis tant defois retrempée.
Car de vaincre Hannibal eypouuoirpar fis
le vous fitpplï de dire (ey auffi ie ïefiere ) mains
Celuyfut éleuépar les mains de mon pere, Deftourner le bon-heur de Carthage aux Ro-
Par mesfrerès nourri, ey de moy bien aimé':
Ilfut l'vn despremiers qui de gloire aHumé
mains,
C'eftoit vn fuure grand dépendant de For-
Fit pajfer mon langage aux nations eftranges, tune,
Ornant ma race ey moy d'honneurs ($f de Qnife monfire à chacun également commune:
loiianges, Mais allonger fon nom , ey le rendre aiman-
Et monftra le chemin encores non battu
A mes nobles François defuiure la vertu.
tin
Contre la faulx du Temps, dependoit du De-
Nefaitespoint vers moy ainfi qu'vn mau- flin,
mis maiflre
Fait enuersfon cheual, ne luy donnant que
Comme le voftre,S i R E, ayant cepriuilege
D'efire aimé d'Apollon & de tout fion colpaiftre,
lege.
* MARCASSVS.
le reffemble] Ilditquecommel'abfencc defon Prince le rend morne Se ftupide-.qu'ainfi fa prefence luy
efchauffe tellement l'ame, qu'il fefent afïezfort pour pouffer le bruit de fes victoires par tous les coins de la
Terre, pourueu qu'il daigne regarder de bon Dil fes ouurages,& en recompenfer la peine de quelque douceur.
L'arc ] On donne le luth & l'arc à Apollon. Voyez ce qu'en dit Euftathius fur la prière que fait Chryfes à ce
Dieu au premier de l'Iliade d'Homerc. Circe ] C'eftoit vne Deeffe , qui par la force des herbes dont elle cognoifïbit
parfaitement la vertu, changeoit les hommes en belles. Virgile parle de cela encesvers:
Proxima Circxa raduntur littora ferrie,
Diues waccejfos ~\bi Sol'u filia lucos
^Afiduo refonat cantu , teflifipte fuperbU
Vrit odoratam noBuma m lumma cedrum,
^Arguto tenues percurrens pefltne telas .
Htnc exaudtrigemitm , iriatte Iconum
Vmcla reeufantum ,

884
ELEGIE II.
ELE
A PHILIPPES DES-PORTES
Chartrain.
»: Nous
Ons deuons a la Mort & nous ey
nos ouurages :
mourons les premiers , le
long reply des âges
En roulant engloutit nos ouures à la fin :
Ainfi le veut Nature ey le puiffant Defiin.
D I E v feul efi éternel: de l'homme élémen¬
taire
Ne refie après la mort ny veine ny artère :
Qui pis eft, ilnefient, ilne raifonne plus,
Locatif defcharné d'vn vicl tombeau reclus.
C'ellvn extrême abus, vne extrêmefolie
De croire que la Mort ( ' )fioit caufe de la vie :
Cefont poinéls oppofi^antant quel' Occident
S'oppofieà l'Orient, ÏOurfie an Midy ardent.
L'vne eftfans monuement,ey l'autre nous
remue,
Qui laforme de l'ame en vigueur continue,
Nousfait ouir ër voir, iuger, imaginer,
Difiourir du prefent, dufutur deuiner.
(l) Les morts ne font heureux, d'autant
que lame viue
Du mouuement principe en eux nefl plus
aéliue.
L'heur vient de la vertu, la vertu d'aélion :
Le mort priné de faire eflfans perfection.
Vheur de l'ame, eft de D i E v contempler la
lumière :
La contemplation de la caufe première
Eft fafinie aélion : contemplant elle agift :
Mais au contemplement l'heur de l'homme ne
Jl gift a l'ceuure fini, impoffible à la cendre
De ceux que U Mortfaitfins les ombres de*-
fendre,
Ceft pourquoy de Tluton les champs desha-
bite^
N'ont polices ny loix ny villes ny cite?.
Ortouurage ey ïonurierfont vn mefme
voyage,
Leur éhemin efi la Mort. Athènes ey Car¬
thage, _
GIE.S.
Et Rome qui tenoit la hauteur des hauteurs,
Sont pondre maintenant comme leurs fonda¬
teurs.
Pour-ce tes Grecs ont dit que glout de faim
extrême,
Saturne deuoroit fies propres enfans mefme.
Legénéralef ferme, ey'nefaitplace au Téps,
Le particulier meurt prefque au bout de cent
ans.
Chacun defion labeur doit en ce Monde at¬
tendre
L'vfiufinitfeulement, que prefent il doitpren¬
dre
Sansfiepaifire d'attente & (* ) d'vne éternité,
Qui n'eft rien quefumée ey pure vanité.
Homère , qui feruit aux neuf Mufes de
guide,
S'il voyoit auiourd'huyfin vaillant Eacide,
Ne le cognoiftroit plus, ny le doéle Maron
Son Phrygien Enee. ^Ainfî le froidgiron
Delà tombe affopit tous les fins de nature,
Quifont deubsa la terre ey a la pourriture.
Nousfèmblons aux Taureaux, qui de con¬
tres trenchans
A col morne eyfumeux vont labourant les
éhamps,
Sillonnantpar rayons vnegermeufè plaine,
¤t toutesfois pour eux inutile efl leurpeine:
Ils ne mangent le bled qu'ils ont enfemencé,
Mais quelque vieillepaille,ou dufoin enronce.
Le Bélier,Colonnel defa laineufi troupe,
L'efihine de toifion pour les antres fie houpe :
Car le drap , bien que fien, ne l'habille pour-*
tant :
L'homme ingrat enuers luy au dos le vapor-
tant
Sans luy en fçauoirgré. Ainfinoftre eficriture
Ne nous profite rien : c'eft la racefuture
Qui feule en lo'ùit toute , ey qui inge a loifir,
Les ouurages d'autruy, ($f s'en donneplaifir,
Rendant commeil luy plaift noftre peine efti-
mée.
Quant a moy ,i aime mieux trente ans de re¬
nommée,
Iouiffant du Soleil, que mille ans de renom
Lors que lafoffe creufie enfouira mon nom,
et
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lors que noflre forme en vne autre fe chage.
L'homme qui ne fient plus , n'a befoin de
louanie.

ELEG
Il eft vray quethonheur eft leplusgrandde
tons
Les biens extérieurs quifiontpropres à nous,
Qui viuons &finions : les morts n'en ont que
faire,
Toutesfois le bienfaire eft chofe necejfaire,
Qui profite aux viuans ,ey plaifi aux héri¬
tiers.
Les fils , de leurs oyeux racontent volon¬
tiers
Les magnanimesfaits : la louange illufirée
D'vn acle vertueux, nefut iamaisfiufirée
Defon digne loyer,foil futur ouprefent.
Le Ciel ne donne à l'homme vn plus riche
prefent
Que l'ardeur des vertus, les aimer ey lesfut¬
ure,
Vn t'enom excellent , bien mourir ey bien vi¬
ure.
D E s-p o r t e s, qu'Arifiote amufetout
le iour,
MARCASSVS.
I E S.1 88/
Qui honores ta "Dure, ey les champs qua*
l'entour .
Chartres voit de fin mont , & panchéles rt-4
garde,
le te donne ces vers, afin de prendre garde
De ne tuer ton corps, defireux d'acquérir
Vn renom iournalier qui doit bien tofimourir:
Mais happe leprefent d'vn cur plein d'ailegreffe,
Ce-pendant que le Trince, Amour,& la ieu¬
neffe
Ten donentleloifir,fans croire au lendemain.
» Lefutur efi douteux, leprefent efl certain.
ANNOTATIONS DE L'AVTHEVR. '
i. Que la Mort foit caufe delà ~ïie] Contre les Pytha-
goriques, qui penfoient qu'après la mort nos âmes
reuenoient en autres corps, & mefmes es beftes.
i. Les Morts ne font heureux] C'eft l'opinion d'Ariftote
qui «ft faulfe : car les Morts qui meurent en
Dieu, font heureux parfaitement.
j. D'yne éternité ] Contre les Poètes qui ne pro¬
mettent autre chofe à eux-mcfmes & aux autres par
leurs vers, que l'éternité.
Nous deuons à la Mort ] Par plufieurs raifons tirées dc la Philpfophie, il monftre qu'il n'eft rien dc fi doux que
lavie que nous panons en ce Monde,rien de fi noble que l'action, que la contemplation n'eft rien auprès d'elle.
C'eft pourquoy il exhorte Philippes Des-Portcs excellent Poëte, de n'abréger pas les plaifirs de fa vie par la
méditation des feiences. Pluton] C'eft IeDicufouucrain qui prefide aux Enfers. Deuoroit] Les anciens
peignoient Saturne, par lequel ils entendoient le Temps, auec vne pierre qu'il deuoroit,& de là iufqucsà Ces
enfans, pour monftrer que le Temps confomme toat, & ne pardonne à rien . Legênerai ] Il entend, l'eipcce.
leparticulier ] Il entend, l'indiuidu. Soit caufe ] Contre les Pythagoriciens, comme il dit luy-mefme, qui
croyoient qu'après la mort nos âmes entroient en d'autres corps, mefmes des beftes. Les Morts ] C'cft,com-
me il dit, l'opinion d'Ariftote , qui eft faufle: car ceux qui meurent bien, font parfaitement heureux. D^nt
éternité ] Contre les Poètes qui ne promettent que l'éternité par leurs vers. Eacide\l\ entend à la mode
des Poëtes Grecs Se Latins, Achille, petit fils d'Eacus. Virgile.
ELEGIE III.
1er quand bouche a. bouche affis
auprès de vous
Je contemplais vosyeuxfi cruels
(fyfi dons,
Dont Amourfit le coup qui me rendfiantafii-
que;
Vous demandiez pourquoy i'efiois mélancoli¬
que,
Et que toutes les fois que meverrie^ainfi,
Voulie^fçauoir le mal qui caufoit monfiouci.
Or afin qu'vnefois pour toutes ie vous die
Lafeule occafion de telle maladie,
Life% ces- vers , Madame', ey vous verrez^
comment,
Etpourquoy iemedeuls d'amour inceffam~
ment.
Quand iefuis près de 'vous,en vous voyant
fi belle,
Et vos éheueux frifieTd'vne crcfj?e cauteUe,
Qui vous feruent d'vn reth, on vous pourrieT
lier
Seulemcnfid'vnfilet vn Scythe lepins fier,
Et voyant voftrefiont ey voflre qui ref¬
femble
Le Ciel quandfis beauxfeux reluifent tous
enfiemble,
Et voyant voftre teint ou les plus belles fleurf
Perdroient le pins naïf de leurs viues couleurs,
Et voyant voftre ris, ey voftre belle bouche
QuyAmour baife tout feul, car antre neU
touche :
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886 E L E
Bref, voyant vofire port, voflre grâce ($y
beauté,
Voftrefiere douceur, voftre humble cruauté',
St voyant d'autrepart que ie nepuis attaindre
A Vos perfections, i'ay caufe de meplaindre,
D'eftre mélancolique; eyde porter aufiont
Les maux que vos beauxyeuxfi doucement
mefont.
I'ay peur que vofire amourpar le temps ne
fefface,
Je doute qu'vn pins grand ne gaigne voflre
race,
Toy peur que quelque Dieu ne vous emporte
aux Cieux :
le finis ialoux de moy,de mo cnur,de mesyeux,
De mon corps,de mon ombre , ey mon ame efi
effrifi
Defiayeurfi quelqu'vn auecques vous deuije.
le reffemble aux ferpens , qui gardent les
> vergers
Ohfont les Pommes d'or :fi quelquespaffagers
Approchét du iardin,cesferpens les banniffent,
Bien que d'vn fi beau fruit eux- mefmes ne
jouiffent.
Puis quand iefuis contraint d'auprès de
'vouspartir,
lefenshors de vosyeux vne vapeurfiortir
Qui entre dans les miens,dontfoudain eflfaifie
Ma raifion quifi laiffé allerpar fantaifie.
Alorsfans nulle tréue,à tonte heure,en tous
lieux
Vofire belle effigie erre deuant mesyeux,
Qui lefiang ey le cIur & l'ame me tourmente
Du defir de reuoir voflreperfonne abfente.
Mon efirit quifiefait du meilleur de mon fiang,
Se defirobe de moyy me laiffé fioid & blanc,
Et quittant fia maifion dedans vosyeux fiejourne.
Quelquefois au logis cetraifirefien retourne,
Et emmené mon ctur auecq' luy ppur vous
voir.
Mon ame court après afin de 1er auoir,
Mais elle pour- néant dreffe fon entreprife;
(far ainfi que le c à la fin elle efiprifi
En vn lieufi plaifiant, quelle perdfiuuenir,
Comme le c captif, de plus fen reuenir.
Que ie hay monpenjer, quifolprend hardieffe
Defen aller tOutfeul parler â ma Maiflreffe !
le l'aime fyfiile hay : ie l'aime pour-autant
GIES.
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\ Sonplus
Qnjl va fidèlement mes peines racontant:
lefe hay pour raifion que iamais ne m'appelle
Quand ilf enfuit de moy ey va parler a elle.
Las ! que n'eft tout mon corps en penfers transi
forme f v
La voyant nuiél ey iour ieferoy mieux aimé\
le reffemble a celuy qui tropauare enferre
riche threfor au plus creux de la terre:
Il a beau fen aller enpays eftranger,
De terres ey de mers eyde villes changer,
L'anarice iamais defon col ne détache:
' Carfon cur efi toufiours ah fin threfor fe
cache.
Toufiours ie ptnfie en vous, mon threfor,ey ne
puis
Viurefiparpenfier dedans vous ie nefuis.
Quand Thebus au matin vient eficlairer
au Monde,
Tirant dehors la merfia belle treffe blonde,
Deux hofles différents, l'efferance ^r U peur,
Comme mes ennemisfie campent en mon cur:
L'vne me veut mener au lieu de mon martyre,
Mepreffe de lafiuiure ; ey l'autre m'en retire :
lefinspar leur difiord deux effets dedas moy,
Maintenant leplaifir,& maintenant l'efmoy :
Enfi diuers combats tons les iours ietrauaille,
Etfinepuis gaigner ny perdre la bataille.
Puis quand la Lune anfioir auecq fis noirs
éheuaux
Va rappellant la nuit, elle appelle mes maux,
Me réueille lesyeux, & la nuift, qui appaifie
Lefioucy des humains, ne reuient pour mon
aifie :
Je nefoy dans lelifl que virer ey tourner,
le ne puis vn moment d'vn cofté fejourner
Sans me tournerfur l'antre , & d'vne ardante
efiince
Amour toute la nuicl mégratigne & me pincée
Si ce Dieu me permet vn moment fiommeiller,
lncontinent''en fonge il me vient trauaiUer,
Et jrayeur fiur frayeur dedans mon curafifimble.
Tantofl ie vous tiens prifi, ey tantofl ilW_
femble
Que vousfiuye% de moy^infique bienfouuent
S'enfuit vne fumée à l'arriuer du vent :
Ou comme fait vn Cerf voyant v.n Loup
fauuage,

ELE
ZAinflloin de mes brasfefar te vofire image.
Tantoft il vous transforme en tigre ou en lion,
Onfait dedans mesyeux voler vn million
Défigures en vain qui me tiennent en crainte,
Et qui font toute nuiél la caufe de ma plainte.
Or comme le Printempsporte toufiours les
fleurs,
L'Efté de fia nature ameine leséhaleurs,
Autonne les raifins , dont mon ame efi pour vous toute
pleine :
MARCASSVS.
G I E S. 887
Tuis donc vous demande^, me voyant amou¬
reux,
La caufe qui me faitfitrifie ey langoureux!
Si de vofire cofté vousauie^ apperceue
La moindre affecTio quepour vous i'ay receu'é,
Et fi vous , dont la flame a mon cfur tout
efimeu,
Auie% fienti l'ardeur qui vient de vofirefeu,
Me iugeant par vous-mefme , aurie^la co¬
gnoiffance
De mon propre malheur par vofire expérien¬
ce:
Vofire fiontfieroit trifie, & cognoifirieTcom-
bien
Amour done de mauxpour l'attente d'vn rien*
Hier quand bouche abouche] Cefte Elégie n'a rien de difficile; il rend feulement raifon à fa Maiflreffe de fa
melancholie, dont elle l'auoir tancé: luy dcfcouure le fujet qui le rend fi morne, & luy fait voir toutes les
pafîions qui trauerfent le repos de fon ame. FrifeT^d'l/ne crefye cautelte] Que vous auez frifez finement à deffein
de donner de l'amour. Le plus na'if de leurs^iues couleurs] C'eft vne façon de parler fréquente aux Grecs,
pour, de leurs plus na'iues couleurs. bergers] Ce font les Vergers des filles d'Hefperus où le Dragon qui vo-
miffoit du feu par la bouche gardoit les pommes d'or qu'Hercule conquift. ^A l'arnuer] Pour, à l'arriuée.
Les Grecs parlent ainfi le plus fouuent : car il n'eft rien de plus ordinaire parmy eux, que de mettre les infinitifs
pourdesnoms. Toute nuttt] Pour la commodité du vers, pour, ToutelanmB. ^
ELEGIE IV.
G E N E«V R E SA
Maistresse.
ENEVRE,« ff prie,efioute ce
difiours
Qui commence fy finit nos pre¬
mières amours :
Sonnent le fiouuenirde la chofe pafiée,
Quand on la renouuelle, eft doux a lapenfie.
Ton il brun a l'enui de l'autre apparoiffantl
La ie baifiay ta mainpour première accoin-
tance,
Autrement de ton nom ie n'auois cognoiffance:
Puis d'vn agile bond ie mefiançay dans l'eau
Penfant quelle efteindroit mon premier feu
nouueau.
Il aduint autrement: car au milieu des ondes
le mefenti lié de tes deux treffes blondes,
Et le feu de tesyeux qui les eaux pénétra,
Maugré la fioide humeur dedans mon c
entra i
Sur la fin de Iuillet que le chaud violant
Rendoit de toutesparts le Ciel eftincelant,
Dés le premier afifaut ieperdi l'affeurance :
le m'en allay coucher fians aucune efferance
De iamais te reuoirponr te donner mafoy,
Vn flair a mon malheur ie me baignoy dans Comme ne cognoiffant ny ta maifion ny toy
Seine, le ne te cognoiffois pourla belle G E N E V R E
Oh ie tevy danfierfiur la riue prochaine
Foulant du pied le fable, fy rempliffant d'à-
motir
Qui depuis me brujla d'vne amoureufifiéure :
xAuffi de ton cofté tu ne me cognoiffois
Pour Ronsard dont le nom a cours par
Et de ta douce voix les riues d'alentour. les François.
Tout nud ie me vins mettre auec ta corn- Si tofi que i'eu prefiéles plumes ocieufis
pagme,
Ou danfant ie brufiay d'vne ardeur infinie,
Démon liélangoiffeux,les peines foucieufes,
Qu'amour pour me liurer aiguife fur fa
Voyant fous la clarté brunette du Croiffant, queux,
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I Loin
SS8 ELEGIES.
Vindrent dcdas mon ceur allumer mille feux, Auffi D i E V ne fait point vne femmefi.
Efchaufant le defir de tepouuoir cognoiftre, belle,
Et de faire à tesyeux ma douleur apparoiftre. Pour eftre contre Amour de nature rebelle.
Auffi'tofi que l'Aurore eut appelle des eaux Cela me fait hardi de m'adreffer à toy,
Le Soleilfouffle- iour du ne% de fis chenaux,
Je faute hors du liél, &fiul ie me promeine
Puis que tant de douceur en taface ie voy.
Or ainfi que Telephe alla deuant la ville
desgens fiur le bord.deuifiant de mapeine. De Troye,pourprier le valeureux Achille
Quelle fureur me tient? ey quel nouueau De luyguarir fia playe; a toy ie viens ici
penfer Las ! pourguarir la mienne , & pour trouuer
Méfait doutenfement ma raifen balancer ?
Ou efl lafermeté de mon premier courage f
merci.
Harfeir enfejouant l'enfant de Çytherée
Et quoy, veux-ie rentrer en vn nouueaufier- Faifant de tes beauxyeux vneflèche acérée
liage f et mouurant l'efiomac,tout le cnur m'a percé,
Veux- ie que tout mon âge aille anplaifir d'A-
mourf
Et tu nefiais,peut- eftre, ainfi manoir blefié.
Cefieflèche mortelle aux os fefl arrefiée,
Que mefiert d'efire flanc du lien qu'à l'entour Et au fioye vlceré defiapoinéle dentée,
De mon col ie portais, quand Marie^ Que ie ne puis ofler, tant mon fang effandu
Cassandre M'a laifié de raifon ey defins efierdu.
Aux rets de leurs éheueux captifs me fleurent Tout ainfi qu'vn veneur defireux de la chaffe,
prendre, Qui de maints coups de traits mainte biche
Si maintenant plus meur, pins fioid ey plus pourchaffe,
grifion,
Je ne puisme fieruir dema fiotte raifen f
De cent il en bleffe vne &fi ne lefiaitpas,
Elle emporte laflèche, & hafiant fion trefias
Et s'ilfaut qu'à tons coups,corne infenfiéfiefioye S'enfuit par les rochers vagabonde & bleffee,
De ce petit Amour & la butte ey la proyet Pour fia playe guarir éhercher la rPanacee.
Non,ilfiaut refifler ce-pendant que l'erreur Tu es ma Panacée ,à toyie viens ici
Nefait que commencer, de peur que lafureur Pour guarir de maplaye,(^fpourauoir merci.
Par le temps ne me gagne , ey dedans mapoi- (Je n'eft le naturel d^vne Dame bien-nee
trine De viure contre Amourfièrement obflinee:
Sans remède ou confort le mal ne s'enracine. Aux lions, auxferpens quifiont pleins de ve-
^Ainfi tout Philofophe & de confianceplein,
Commefi'^Amour fuft quelque chofe defiain,
nin
Connient la cruauté, non au cpurféminin,
Ferme ie m'affleurais que iamais autrefemme Qui tant pins efl bénin , ey tant pins, ce me
N allumeroit mon cmur d'vne nouuelleflame. femble,
Plein défi beaux difeours au logis ie reuins, Aux Dieux qui fiont bénins de nature reffem-^
Ohplus fort que iamais amoureux ie deuins. ble.
Repaffant vers lefoir ie t'auife à taporte, Tu n'aurasgrand honeur demelaiffer mourir:
Et là le petit Dieu qui pour fies armesporte il vaut mieux doucement ma langueurfiecou-
Laflèche $y le carquois,figrad coup me donna, rir,
Que ma panure raifion foudain m'abandonna: Et me prendre che^-toy pourferuiteurfidelle,
Puis me murant le cur, en figne de con- Que me tuer ainfi d'vne playe cruelle.
q^efie
De fispieds outrageux me refoula la tefie,
Me lia les deux mains,& ma voix defiia,
A peine auoy- ie dit , quand d'vn fiuffir
profond
( Enfant de l'efiomac ou les regretsfefont)
Quipour auoir merci de tels mots te pria :
Madamef l'il peut iugerpar le vfage
'Bréuement tu reffons,que ieperdois mapeine,
Que i'efinnois en l'eaufrfemois dans l'areine,
L'affeâioneachée au dedans du courage, Quela MortfommeiUeufe efieignoit tonfiam-
Certes ie puis iuger en voyant ta beauté,
' ue ton cur nefl en rien tachéde cruauté._
beau
Et que tins tes defirs efioient fous letombeau
T'oyant
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ELEGIES.1 n*
Toyant ainfi parler confus ie m'en re- Lors tu fis vn foufiir, ey tes beauxyeux
tourne, fouillant
Ou, trifle, quatre iours au logis iefijourne:
Le cinqniefme d'après,defureur tranfiorté,
le retournepour voir l'appaft de ta beauté.
ll nefaut,ce difloy-ie,ainfivaincufle rendre :
De larmes, & tonfeingoûte àgoute mouillant,
Tu me refyons ainfi: Iln'y a que les marbres,
Les piliers, les cailloux, les roéhers, éf lesar-
bres
Plus vneforte ville eft difficile àprendre, Priue^ defintiment, qui fie puiffent garder
Plus apporte d'honneur à celuy qui laprend.
» Toute braue vertuflans combat nefi rend.
D'aimer quandvn belxil les dawne regarder.
Nous quifemmes veflus d'affeflions hu-
Or enparlant à toy de cent chofes diuerfes, maines,
filous efgarant tons deux d'amoureufies tra- De mufileseyde nerfs, de tendons ey de vei-
uerfes, - nés,
xy4 lafin priuément tu tenquis de mon nom, Qui auons iugement, & qui point ne portons
Etfi i'auois aiméd'autres femmes ou non. Vn roc en lieud'vnceur, quiviuons &fin~
le finis,dis- ie, Ronsard,^ cela tefujfifè; tons,
Qui ma bellefeience ay des Mufes apprife, Il efi bien mal-aisé de ne fentir laflame
Bien cognu d'Helicon,dont tardant aiguillon Que le gentil Amour nous verfie dedans l'ame. x
Mefit danfler au bal que conduit Apollon.
Alors que tout lefang me bouilloit de ieu-
Quant à moy. ie confeffe auoirfenti combien
Cepetit Archerotfait de maley de bien :
aejfe,
lefis aux bords de Loire vne ieune Maiflreffe,
S'ilteplaifi de l'ouirie m'en voy te le dire,
Et nefaut s'efbahirfimon c enfoujbire :
Que ma Mufe enfureurfa C a s s a n D RE II me plaifl de nouueau mon dueil te defeou^
- appeloit,
A qui mefime Venusfit beauté négaloit.
jem'effris en Anjou d'vne belle M A R i E
urir,
Bien que d'vnfi beau mal ie ne vueille guarir?
Six ans fbntjapaffeT qu'Amour conceut
Que i'aimay plus que moy,que mon ctur, que enuie
ma vie.
Son pays lefait bien,ou cent mille chanfons
Deffus la liberté nourrice de ma vie:'
Et pour me rendreferue à luy qui peut ofter
le compofay pour elle en cent mille façons.
Mais ( o cruelDefiin ! )pour ma trop Ion-
Le feu le pins ardant des mains deJupiter,
Me defioba le cour ,eyme fit amoureufe
gue abfence , D'vn amant dont i'efiçis contente & bien-heu-
D'vn autreferuiteur elle afait accointance,
Etfuis demeuréveufflansprendre autre parti
Dés l'heure que mon ceur dufien s'efl départi.
reufe,
Quefeul i'auois choifififage eyfi parfait,
Qi/à la belle Cyprine il eufi bien fatisfait.
Maintenant ie pourflny toute amour vaga- Il aimoit la vertu , ilabhorroit le vice,
bonde,
Ores ïaime la noire,ores i'aime la blonde,
Il aimoit tout honnefle ($f gentil exercice:
Il io'ùoit à la paume, il balloit, il thantoit,
Etfians amour certaine en mon cuur efirouuer,
le cherche mafortune ou ie lapuis trouuer.
Et le luth doucement défies doigts retentoit:
Il fçauoit la vertu des herbes ($y des plantes,
S'ilte plaifoit m aimer,par tesyeux ie te iure 11 cognoiffoit du (fiel les fieptflames errantes,
Que d'vne autre amitié iamais ie n'aurois Leurs tours & leurs retours, leurfioir, ($y leur
cure.
Mais dy-moyfie te pri',fil' Archerot vain-
matin,
Et de là predifioit aux hommes le defiin.
queur De Nature la grâce en tout il auoit eue,
Des hommes âïï des Dieux, ta point bleflé le
cnur f
L'eloquéce en la bouche,ô" l'amour en la veu'ê :
Et quand en luy le Qieln eufipoufiémon defir,
Et fi fon traiélpoignant qu'en nofirefang il Encorpour fit vertu ledeuois-ie choifir.
mouille L'efface de cinq ans nous auons prins en-
Se vid iamais fanglant de ta belle dejbonille? femble
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$20 E L E G
Lesphifirs que ieuneffe en deux amans affem¬
ble,
Etnefiepeut trouuer nyjeu ny paffetemps,
f)ont amour n'ait rendu nos ieunes ans con-
Je n'euffe pas fôuffert qu'on fle fuft approché
Du miferablc liél oh il eftoit couché:
Ou quefla proprefleur d'vn naturel office
Luy eufl touché la main ou luy euftflaiél fertens.
"Venus ne garde point tant de douces blandices,uice
:
Seule ie le traitois flansflecours d'eftranger,
Car fans plus de ma main vouloit boire ey
manger.
Tant de baifirs mignards,d'attraiéls & de de-
lices
Enfles vergers de Cypre à Marsfon éher amy,
Soit veillant enfles bras,fioit au liélendormy,
Que mon amant & moy, efeatant nos ieunef
fey,
Auonspris deplaifirs,d'efbats ey de lieffes.
Seul il efioit mon cinr, finie i'efioisle fien :
Seul il efioit mon tout,feule i'efioisfion bien .
Seul mon ame il efioit,feule i'eflots la fienne,
Et d'autre volontéil n auoit que la mienne.
Orflans auoir débat en-efeats fi plaifàns,
No'ns auions ja pafie l'efface defix ans,
Quand la cruelle Mort ingrate fy odieufè
Fut ( malice du Ciel ) fiurn ofire aifie enuieufe.
Cefie cruelle Mortflanche d'affeélion
Qui iamais ne logea pitiény paffion,
Qui n'a nyfang,ny céur, ny aureille, ny veuë,
Dure commevn roéherqne la marine efimeuë
Bat au bord Caffien , me bleffa de fiafaulx
Pins que le trait d'Amour qui commençâmes
maux,
Me rendant,commefiere,exécrable ey inique,
( le meurs eny penflant ! ) mon amant hydropique.
De iour en iour coulantfla force seficouloit :
Sa première beauté fans grâcefien-alloit
Comme vne ieunefleur fur la branchefleichée,
Ou la neige d'hyuer du premier chaud touchée.
Que le faible Soleil diflile peu àpeu,
Ou commefait la cire à la chaleur du feu.
Helas qu cuffé-iefait lfi cefie Parquefiere,
Qui nefi peutfléchir par humaine prière,
M'euft voulu pour viélime , & fien m'affom-
mant,
Elle eufl vouluflauuer la vie à mon amant,
Je meflnffe cflimée vne vraye amoureufe
D'acheter par ma mort vne amefi heureufe:
Mais cefie vieille fiourde, ingrate à mon defir,
Ne le voulut iamais,ainçois tout à loifir,
Pourpins me martyrer ey me rendre abufléet
De iour en iour tiroit lefil defaflufiée.
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IES.
Ainfide trifiespleurs laface ayant mouillée
(Ny de nuiél ny de iourfans eftre defioûillée )
l'efioisprés defen liél pour luy donner confort,
Et pour voir fi l'Amour pourrait vaincre la
Mort,
Or leiourqu'Atropos,qui nos toiles entame,
Auoit tout deuidé les filets defit trame,
Me voyant foufiirer, gémir ey tourmenter,
Me tordre les cheueux,crier $r lamenter,
Débile renforçafla voix àdemy-morte,
Et me tournant lesy eux médit en telle forte:
Mon ceur, ma chère vie , appaife tes dou¬
leurs,
le me deuls de ton mal,& non dequoy ie meurs:
(far ie meurs bien contant,puis que mourant ie
Uffi
Mon ame entre les bras defiéhere Maiflreffe:
le m en-vois bien-heureux aux riues d'Ache-
ron,
Heureux,puis qu'en mourant ie meurs en ton
giron,
Ma léurefiurla tienne, ey tenant embraflée
La Dame quela mort n'ofle de ma penfiêe.
Seulement ie me plains ey lamente dequoy
Mourant entre tes bras tu lamentespour moy.
Appaifle ta douleur,Maifireffefie teprie,
Apppife-toy,mon c vie.
Si treffaffant on doit fla Dameflupplier,
'Par tes cheueux dore^ quimepeurentlier,
Je teprie eyfinpplie, & par ta belle bouche,
Et par ta belle main qui iufquau Cur me tou¬
che,
Qu'encore après ma mort tu me vueilles aimer,
Et dedans mon tombeau nos amours enfermer.
Ou bienfita ieuneffe encoreflaiflche ërtédrc
lient après mon trefias nouueau feruiteur
prendre,
Au moins ie te fluppli de vouloir bien choiflr,
Et iamais en vn flot ne mettre ton defir,
Afin qu'vn ieunefiât à mon bien ne fuccede,
Ainsvn amy gaillard en mon lieu tepoffede.

ELE
Que iefierois marrifi aux Enflers là bas
Quelqu'vn me venait dire après ce mien tré¬
pas,
Celle qui fut là haut ton ceur ey ta penflée,
Qtfauecfi grand trauail tuasfi bien dreflée,
Aimevn flot maintenant '. ce deflit me fieroit
Plusgriefque les tourmens que Pluton mefle-
roit.
Or\*Adieu,iem'en-vois aux riues amou-
reufies,
Compagnon du troupeau des âmes bien-heu-
rçufes,
Deffous la grad'florefl des myrtes ombrageux,
Que l'orage cruel ny les vents ontrageux
N'éffueiUent tous les ans:ohfans ceffe fouffire
Par les vermeillesfleurs le gracieux Zéphyre%
Làportantfur le éhefdes rofles en tout temps,
Et autour de mon col les moiffons du Prin¬
temps,
fonchéfeus le bocage à lafiaifcheur de l'ombre,
î'iraypour augmenter des Amoureux le nom¬
bre,
Comme tout affeuré que les gentils efirits
Qui iadis ont aimé ne m'auront à mefiris :
Pres &euxmeferontplace,eyfi pcnfie,Mada¬
me,
Qu'ils n'auront point là bas vne plus gentille
ame.
Mats las Ipuis que mon corps qui t'afi bien
i aimé,
Sera tantoflflansforme en poudre confltmé.
Pour feuuenance au-moins garde bien ma
peinture
Ohfont tire^ au vif les traits de ma figure :
La voyant tupourras de moy te founenir
Etfouuentprès tonfein chèrement la tenir.
Et luy diras : Peinture^ ombre de ce vifage
Qui mort ($f mis en cendre encores mefoulage,
Que tu mes douce & chère,ayatperdu l'effoir,
Si ce neflpar la mort,de iamais te reuoir !
Obeau viflagefleintffeinte tefle, qui portes
Encor les aiguillons ey lesfiamefihes mortes
De ma première ardeur, tonfaux m'efi gra¬
cieux,
Etfeulement de toyfe repaiffent mes yeux.
Ainfi tu parleras,ayant quelque mémoire
De moy qui voy loger dans vnefoffe noire,
JEf qui rien au tombeau n'emporte auecques
moy
g i e s: 8-t~
Que le douxfiuuenir que i emporte de toy.
Tels ou femblables mots d'vne bouche mou-*
rante
Me difioitmon ami : & moy toute pleurante,
D'vn cur trifle ey'ferré rebaiflant millefois
Sa ieuneface aimée,ainfi luy reffondois :
Mon toutfie ne verrayfi tofifinir ta vie,
Que ta vie nefioit de la mienneflniuie :
Soit qu'elle aille aux înfers,foit qu'elle ailleU
haut,
Mourant ie lafuiuray : car certesil nefaut
Que lafafiheufl Mort en vn iour defiafléble
Deux corps qui ont vefiufi longuement en- \
femble ,
En parfaite concorde ey en parfaite amour.
Il faut que nous mourions tons deux en
mefime iour,
I Et qu'enflmble courions vne mefime auanture,
Et que foyons couuerts de mefimefiepulture.
Si tofi que taéhaleur en froideur fle mura,
L'exceffiue douleur au dedans me tu'ra:
i Ou bien s elle nepeut , d'vn coufteatt tout fur
l'heure
Jeperceray mon cur à cellefin qu'il meure.
Ainfide mefimeplaye aux Ombres fien-iront
Lïeffrit G" la douleur qui mon ceurdefli'ront:
Afin qu après tamort morte iepuiffe fiuiure
Toy de qui la beautém'afait mourir & viure.
Ce-pendant de ma bouche errante i'engar-
dois
Quel'ame ne fortift de lafienne, & tardois
L'effrit qui bouillonnoit à la léureau paffage,
SurfinpaUe vifage appuyant mon vifage,
Preffantd'vn long baiflerfla bouche,à cellefin
Que par vn doux baiferi'allongeaffe fiafin.
Luy tirant vn foufpirfur ma fa,ceil fen- <
cline,
Et fon cheflentement tombaflur ma poitrine,
Laiffantpendrefes bras,puis il me dit ainfi;
Mon fang, mon cour, mesyeux, mon amou¬
reux fouci,
Tune dois defloger de cefle vie humaine
Sans le congéde D i eV :pource demeure fiaine,
Viuante après ma mort , fydece mortel lieu
Ne bougefie tepri,flans le vouloir de D i E V.
Je defien le premier oh le Deflin m'enuoye
Te préparer là bas ey la place ey la voye :
Etfi après la mort il refte rien de nous,
lejurepar tesyeux qui me furent fi dont,
PFff ij
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t9% ELEGIES.
Que l'oubli ne perdra la chèrefouuenance le retourne, en la chambre embrajfer le linceul,
Que i'ay de ton amour, $ toufiours ma fem- St voyant , o douleur ! fia face defiouuerte,
blance
En tons temps, en tons lieux à toy viendra
De cent mille polgnars mon amefut ouuerte.
0,difeis-ie, t honneur des confians amo'uparler,
reux
Et viendra flans frayeur ton effrit confeler : Qui es mort & qui vis entre les bien-heureux,
Etfi ie ne reuiens fiantoflne véritable, Si vifs nous partijjions enfiemble nos molefles,
Tu croiras que l'Enferneflfinon qu'vnefable.
Helas ilne ïeflpas ! & pource tonte nuiél
Pourquoy n'auray-iepart entes ioyes celefles:
Helas ! après ta mort noflrefort nefl égal,
En dormant iefleray le Démon detonliél : Tout feul tuaslebien eyfiuleiay lemal,
De iour accopagnant ton corps en toute place , Tu esflanc defouci ey iefluis en mifere,
Çfomme vn petit oifleau tiray deuant ta face, Ton ame efi déliée, ey ie vis prifionniere
Je volerayfur toy, te contant les efias,
Lesjeux & lesplaifirs que ieprendray là bas,
Depeine & deflouci ($f de regret,dequoy
le tardefi long temps firns aller après toy.
Si t'en reçoy quelcun : mais ie nefiçaurois croire O beauxyeux oh Venus tenoit fia toréhe
Qrion prenne grand plaifir fous vne tombe ardante!
noire.
Finiffant ces propos il deuientfroid ô* blac,
O beau fiont dh d'Amour la trouffe efioitpen-
dante,
Vomiffant de fa bouche vn grand ruiffeau de Et d'ou fiortoient defeutantde rais fieffés!
fiang.
1Joilà,dit-il,mavie enfinfiang confumee,
Qui t'a depuisfix ansfi chèrement aimée:
Pren - la , ie te la donne. A peine ilacheua,
O bouche dont les mots m efioient autant de
rets!
O main quifi long temps m asprifi & retenuef
O grâce qui du Ciel efiois ici venue i
Quel'efirit amoureuxfions les myrtesfien-va:
Il tombe en mon giron fans pouls eyfanspa-
Los vous nèfles pins rien ! ey tantofl von*
efiie%
rôle, Lefeufiien de ma vie ey me réconfortiez!
Et pourfon corps aiméne refla que l'idole. farde vous feulement pendait mon affeuran-
Quipourroit raconter l'ennuy que iereceu, ce,
Quand deffur mongiro toutfioidiel'apperceu! Et vousperdant ie pers toute entière efiferace)
Mes fanglots au partir ne peurent trouuer Las ! auant quepartirparles encore à moy,
place, Defrobe dufommeil tes lumières,&voy
Tarrachay mes cheueuxfi efigratignay maface, En quellepaffion tu m'as icy laiffée,
le baignay de mes pleursfen vifage cyfionfein, çuii meurs de cent treffiaspour n efire trefiaf-
Nommant toufiours fion nom& l'appellant en fle,
vain. q r 4 dieu,cher ami, d'vn éternelAdieu,
Apres auoirprefiéde mes doigtsfispaupières pren de moy ce baifir,& legarde au milieu
et dit defins flon éhefles paroles dernières,
Ayant lec vaincu de regret $- d'ennuy,
E)es ondes d'Acheron, & maugréTroferpine
g^ toufioursfin haleine efîhaufe tapoitrine.
Soufiirant aigrement ie mepaflmayjhrluy. Ien'auois acheue qu'ilfut mis au cercueil:
Cependantfes amis qui trefiaflé le virent, Les torches qui flamboient ey la pompe du
Le tirèrent du liél & nud l'enfeuelirent, dueil
Fors le éheffeulement,qui flans eftre caché,
Deffus vnaurerflerfut longuement couché:
L'attendaient en la rue ou couchédansfabiere
On le mena pajfer l'infernale riuiere.,
Lors les parens du mort delà chambre mafle - U lefuiui de laing tant que peurent mes
rent>
Et commevn tronc de boisfus mon liél mepor-
yeux,
Nommant laMort cruelle ey les afires des
terem'
Maisfi tofi que iefçeu que le corps efioit
Cieux,
Afiresfiers & cruels qui m'auoient condamnée
lefi » Si malheureufement auant que d'efire née,
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ELEGIES. m
A me ronger le caurfans repos nyfejour, Car vn homme n aurait ny cour ny fan? ny
Pour eflre trop fidelle aux embufches d'%si- ame
mour' S'il ne vouloit mourirpour figentiUeDami.
Or ma douleur n'eft point par le temps di- Tu es encoreieune en lafleurdetes ans:
uertie*
Etneufmoisfont paffeîr^que ienefioisfinie
Vfie donc deïamour $y defes donsplaifans,
Etne feuffre qu'en vain l'Auril de ta ieuneffe
Du logis pour chercher quelque plaifir non- Au milieu defion cours fe ride de vieilieffe.
u£ait>
Sinon hier au floir que tu me visflur l'eau :
Nos ansfans retourner s'en-volent com-
mevn trait,
Car ie ne veux trouuer Médecin fiecourable, Et ne nous laiffent rien finon que le regret
Cheriffant mon ennuy comme chofe incurable. Qui nous ronge le cuur de n auoir ofléprendre
xAinfitoutepafmée & groffe de douleur, Lesjeux ey lesplaifirs de la ieuneffe tendre.
Tu mefispar l'aureiUe entendre ton malheur,
Quand ie te refiondis : Il n'efi rochefi dure
Madame,croye^-moy, ce n'efipas la raifen
Par vnfol iugement de trahir la fiaifion
Qui molle nepleuraft d'vne telle auanture, Dont tonpremierAurilen-jouuence taface;
Et tout ce que l'Afrique allaite deferin, Et pource en ton amour donne- moy quelque
Et le vieillard Protee en flon troupeau marin. place.
I'ay le corps tout débile ey l'ame toute molle,
Qui me bat lapoitrine au flon de taparolle.
I'ay lesfens efhlouis, i'ay le cfur efierdu
D'amour ç{y depitiéde t auoir entendu
Quand celuy qui là bas durement efl couché,
Entendra nos amours, il n'en ferafaflché:
far s ilfaifoit au monde encorfla demeurance]
II meferait peut- eflre honneur eyreuerence.
Aimer l'omble d'vn mort : car cefl chofe bien Puisfuiuantflon vouloir tu luy ferasplaifir
rare
De voir amitiételle en vn tempsfi barbare.
Toutefois à ton malilfaut trouuer confort,
Jlflaut prendre vn viuant en la place d'vn
Den auoir enfa place vnfet voulu choifir.
Tacheuoy de parler , lors que la nuifi om-
breufie
Mefitprendre congé de ta main amoureufe;
mort: l'allay trouuer le lifl,ohflans auoir repos
Lemort eflinutile à tefairefiruice,
Leviuantpour aimer efi duifant eypropice,
Qui fient^ qui oit , qui voit, ey qui peut dif
Me reuenoient toufiours to mort & tespropos}
Comme ayant dans le c du trait d'Amour
emprainte
courir, Ta beauté, ton difiours, tes larmes ($f ta
St quipeut comme l'autre en tefiruat mourir : plainte.
MARCASSVS.
Geneureftete prie] Voicy cefte Elcgie que les bons cfprits eftimcnt tant. Apres auoir recité le difeours que
luy tint vniour Gcneure , fur le trefpas d'vn lien certain Amant, dont elle nepouuoit fupporter la perte, il l'ex¬
horte à ne fe fouuenir plus d'vne chofe morte, mais en faifant élection d'vn autre en fa place, de ioiiir des contentemens
de la vie que la mort nous doit bien toft rauir. Il patfemc fa prière de mille amoureufes impatiences
qui la doiuent forcer à l'aimer pluftoft qu'vn autre. Del'autre] DelaLune. Penfant quelle ejlemdroit] Ainfî
le croyoit le Berger naïf dans le Sophifte Longus,qui fentaof vne chaleur amoureufe l'entlamer fc plongeoir
dans vne riuiere pour attiédir fonardeur ',en quoy il n'auança rien : fur quoy il difeourt affez plaifamment.
Marte er Cajfandre ] Ce font deux Maiftrefles qu'il auoit auparauant aimées. Telephe ] C'eftoit vn des fils
d'Hercule, Roy dcMyfic, qui ayant voulu empefeher les Grccs,qui s'en alloienr conrre les Troycns,de palier
f>ar fon pays fut blcffé par Achille : du depuis ne trouuant aucun remedeà fon mal, il confulta l'Oracle qui
uyrefpondit, que perfonne ne le pouuoit guérir que celuy qui l'auoit offenfé :fur laquelle affeuranec il s'en
alla au fiege de Troye fupplier Achille de 1g vouloir guérir : ce qu'il fit. Cytherée ] C'eft Venus , ainfi nom¬
mée de Cythercs où elle eftoit adorée. Elle emporte] Cefte comparaifon eft dc Virgile, quand il parle de l'a¬
mour de Didon. Panacée ] C'eft la DécfTe dc la Médecine. Voyez le Plutus d'Ariftophane. Heltcon ] Mon¬
tagne dcBotic facrée aux Mufes. Cafiien] C'eft le bord de la mer qui s'eftend vers le Septentrion. Profer'
pine ] Déeffc des Enfers. Ferine ] C'eft du pur Latin,/m»«* , pour.fauuagc. Moleftes ] Vieux mot , pour , fafcheries.
Protêt] C'eft le Dieu delà mer, qui garde les troupeaux de Neptune. Voyez la fable d'Ariftéc , fur
la fin du quatriefme des Georgiquesdc Virgile. *
F Fff iij
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S?4
ELEGIE V.
A MONSIEVR DE FICTES
Treforier de l'Efpargne.
iADO NI S.
ELEGIES.
I c T E s , qui nefl point feint
aux enfans delà Mufe,
Si ta charge publique au trauail
ne tamufle,
Vien lire de Venus le bien & le malheur :
» [aï toufiours vn plaifir eft méfié de douleur.
Amour voulant vn iour fie venger de fia
mere.
Efleut de flon carquois laflècheplus amere :
Puis en lunant fon arc enfiemble defiocha
Adonis &flon traiclqu'au fiangil luyficha,
Adonis & berger ey chaffeur tout enfiemble,
Dont la beautéparfaite aux images reffem¬
ble.
Ses yéUx eflinceloient comme vn aflre
efloillé
jQueTcthysfeusfa robbe a long temps recelé,
Eficlairantfur lefloir d'vne viue lumière,
Et le (fiel defles r^iX embellit la première.
Vn petit poilfollet luy couuroit le menton,
GreflejprimetflriXésplus blond que le cotton
Qui croifi deffur les coings, ou la floyefiubtile
Qui couure an renonueau le dos d'vne che¬
nille :
Ses lénres combatoient les rofles qu'au iardin '
On voit effanauir au leuer du matin,
Qu'vne ieune pucelle en fon giron amaffe
Auant que leur beau teint par le chaud ne
s'efface.
Bref ce ieune Pafleur efl tout ieune ey tout
beau,
Jlfemble vn préfleury que le Printemps nou¬
ueau
Et la douce roflée en fit verdeur nourriffent,
Oh de mille couleurs lesfleursfleffanoïïtffent :
C'eft luy- mefmes Amour: Venus n'euftfieu
choiflr
Vn Amant plus aimable à mettre fion defir.
Cefle belle Deeffe en amourfnrieufi,
Defoy-mefme n eflplus ny de rien floucieufle,
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Le Qelelle mefyrifi & les honneurs des Dieux:
Ses bouquets agence^d'vn art ingénieux
Luy viennent a mefj>ris, fy tant Amour U
donte
Quelle a perdu le foin d'Eryce ey d'Ama-
thonte .
Ses cygnes , fes pigeons qui fiouloient lapor¬
ter
Authrone vénérable ou fiefied Jupiter,
Afespieds puiffent l'herbe, & remplis de tri-
fteffet
D'vn pitoyable chant lamentent leur Mai-
Qu'vn Pafleur, quvn chaffeur tourmente
fans repos,
Et d'vn trait amoureux enuenime fes os.
Elle ne penfe en rien qu'en cefle belle bou~
che,
Qu'en fisyeux oh l'Archerluy dreffe l'efear-
mouche,
Qu'enfis crefies cheueux, & languiffantd'en^
nuy,
Soy-mefime fioubliant ne penfie plus qu'en luy]
Qu'en luy qui tient la clefdc fa doucepenfée,
Et la rend commeilveut ioyeufi ey courrou
cée:
Jamais ne l'abandonne, ou fit que le Soleil
Enpiquantfes cheuauxforte de fion réueil,
Soit au plus chaud Midy,feit à l'heure qu'il
guide
Son char en l'Océan ($f luy baiffe la bride.
Dedans vne cabane ils fiont au poinéldu
iour,
Ils font dedans vn antre àmidy leurfejour,
Au fioir ils fiont couche^ deffous le fiais om¬
brage
Ou d'vn chefne glandeux, ou d'vn antrefau¬
uage,
Eflendus deffus l'herbe, oh en cent mille tours
La mère des Amours exercefes amours,
En cent milleflaçonsTembraffe & le rebaife:
Luy qui fient en fin ame vnepareille braife,
Entonne Jà mufitte, ey pour la contenter
Leursplaifàntes ardeurs ne ceffe de chanter»
Elle tient enl'oyant contenance diilerfie',-
Tantofl en flongiron langttit à la renuerfe,
Et tantofl le regarde ,ey d'vn baiflerfouuent
Entre-romptfes chanfons qui fie perdent au
vent.

ELEGIES. fy
Elle cognoifîfes chiens , les nomme ey les Vne befie aux forefis qui famé de nature,
appelle, Soit d'ongles,feit de dents,ie te pri ne lafiuy,
Portela trompe au col, chaffereffe nouuelle,
En main le large efflieu, fy encerne de rets
De peur que ta valeur ne caufe mon ennuy :
Chaffe les daims légers , les chéureuils & les
Et de filets tendus le milieu desflorefis : cbéures,
$çait le nom defles bufs & du bélier qui meine Et les cyurs effroyeTdes connils & des heures:
"faifire en lieu d'vn Berger les brebis par la Laiffie en paix les flangliers , les tigres ey les
plaine, , ours,
Dénonçant brauement le troupeau d'vngrand St n'affaux les lions aux toiles ny aux cours :
pas
Ainfl quvn Colonnel deuancefles floldas.
Croy-moy , mon cher ami, l'autre éhaffe efi
meilleure :
O bien-heureux enfant ! donc la belle Cy- » Contre l'audacieux l'audace n'efi pasfleure.
there, Si tu mourois, helas ! de regret ie mourrois :
. La mère des Amours , à toy feul veut corn- Car viure après ta mort helas ! ie ne pourrois.
plaire ! Ainfldifoit Venus : mais les haleines molles
Seulette auecques toy veut tondre les brebis, Des ventsflans nul effeél emportaientfispara-
Et de fla blanche main leur preffurer le pis : les.
Et te baifant mener les boufs en pafiurage, Il efioit nuiélfermée, & les hommes lafifeT
Bfeliffer des panniers,(^faire du fioumage, Deffus la plume oifiue auoient lesy eux prefi
Et rapporter au feir enfengiron tronflé feT,
Vn aigneau qui. fa mère aux champs auoit Bnflerme^ du fommeil que la baffe riuiere
laiflé. De Styxfait difliUer deffur noftre paupière!
Pourueu qu'elle ait toufioursfla bouchefur la les aftres au (fiel faifoient leur demi-tour :
tes leures, Le celefte Bouuier, qui fe roule à l'entour
Elle necraint l'odeur de tes puantes chéures : Del'Ourfle, efioitpenché : tout ce qui vit es on-
Etpendue à ton col ne veut point reflufir # des,
La nuiél deffur la terre à tesflancs repofir, Qui vit par les rochers dans lesforefts prtP
S'endormir prés de toyfur les herbes relantes, fondes,
Et tembraffer au bruit de tes brebis bellantes, Poiffons, ferpens, lions du labeur trauaiUe^f,
Et de tesgrands taureaux,qui iuflqu aupoinél Oublians le fouci , du fiomme efioientfille^.
du iour Vn feul Mars veille au (fiel, qui plein de
Font(comme tu luyfais) auxgenices l'amour. flenaifie,
Le Dieu Mars cependant de regret fie con-
femme,
De rage, defureur, d'ire ($y de ialoufie,
Ny d'yeux nyd'eflomac ne reçoit lefommeil,
S'appelle miferable, &fle vaudroit voir homme
Pour mourir de douleur : il efl defiefferé,
Mais veille dans le liél fans raifen ny confeil :
Tantoft fur vn cofté& tantoft ilfie vire
Qu'vn "Veneur boccager foit à luy préféré! Sur l'autre coup fur coup : il lamente ey fou-
Jaloux eyfurieuxfa ronde targe embraffe, fipire,
Defiapique efbranlant les montagnes de Thra- Nomme Venus ingrate, & bruflant de defiit,
ce : lArmé de t efle en pied s'eflance di fion lit :
Son cqurplein de colère & fesyeux de moiteur,
Ne peuuent endurer pour riual vn Tafleur.
Orvn iour Adonis retournoit de la chaffe
Et comme la fureur le martelle d'atteintes,
Va réueiller Diane & luyfit telles plaintes.
Ma Sur,de qui defiend mon bien &mon
Panthois ey las de fihiure vn grand cerf à la ficours,
trace : Tembraffe tes genoux pour mon dernier re-
Auqueldu iarret dextre auoit couppé le nerf, cours :
Et vainqueur rapportoit la tefle du grand O Nymphe que la chaffe eyl'honnefle exer-
cerfl. cice,
Ami ( difoit Venus )fitu cours d'auanture Parmi la bois errante, ont efloigné du vice :
FFff iij
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%

ELEGIES. i9y
rAfait baignerîesyeux en l'onde Stygieufe !
Las !fi tu m euffes creu tu neuffes affailly
Je veux que mon Cefionfioit accoufiréde noirà
Et que plus ie ne porte en la main de miroir.
Vn plusfort : au befoin mon confeil t'afailly. Helas,panure Adonis, tous les Amours te
La rofefinit taléure, ey autour de ta bouéhe pleurent :
Ne vit plus ton baifier : toutesfois ie la touche, Toy mort,panure Adonis, toutes delkes meu-
Morte ie la rebaife , eyfentir tu ne puis rent! *
Ny mon baifler ny moy , mes pleurs ny mes Les bois auecques moy lamentent ton treffas,
ennuis. Les eaux te *vont pleurant, Echo nefen taifi
HelaSjpauure Adonis , tons les Amours te
pleurent:
pas,
Qui dedans fes rochers redoublant fi voix
Par ta mort,Adonisjoutes délices meurent ! feinte,
Ton baifler feulement ne m efioit pas plaifiant, Ayantpitié de moy va refonnant ma plainte !
Quand viuant tu baiflois ma bouche en te bai- Toute bellefleur blanche a pris rouge couleur,
fent : Et rien ne vit aux champs qui ne viue en
Mais en tebaiflant mort encor ma triflepeine douleur.
Sefoulage vn petit d'vne lieffe vaine : Helas,panure Adonis, tons les Amours te
Pource ie te rejchauffe & ne puis me garder
De te baiflerfouuent ey de te regarder.
Helas,paunre Adonis, tons les Amours te
pleurent :
pleurent :
Toy mourant,Adonis,toutes délices meurent i
Las,helas tu es mort, tu es mort,adonisl
Tu me laiffes au c des regrets infinis :
Par ta faficheufe mort toutes délices meurent ! Mesplaifirs, mes efiats auec ta mort languifl
Adonis,parle à moy, & me vien confoler, fient,
Baifie-moypour adieu auant que t en-aller. ' Et pour ne mourir point mes douleurs nefi~
O belleface aimée, oplaifante lumière niffent.
De tesyeux qui tenoient mon ame prifon- Furieufled'efirit, criant à haute vois-,
niere : Je veux efcheuelée errer parmy les bois,
O cheueux crefielus, o deuis amoureux , 'Pieds nuds,eflomac nud ; ie veux que mapoi-
Ofiouuenirdubien qui m'efi trop douloureux, trine
O l'Aurilde ton âge, opremière ieuneffe, Se laiffé égratigner à toute dure effine,
Qui mortelle aue"f pris le corps d'vneDéeffe! Je veux que les chardons me deflchirent U
Las ! vous nèfles plus rien, &ie me deuls de- peau,
quoy le veuxfeule grimper fiur le haut du coupeau
le fuis, ey que la Mori n'apuijfance fur moy. De ceprochain rocher, eyfolle de penflée
Helas,pauure Adonis, tous les Amours te
pleurent:
Mejetter dedans l'onde à tefle renuerfie,
Pour conter aux poiffons fy aux fleuues le
Toy mourant,par ta mort toutes délices meu- tort
rent ! Que la Parque m afiaitpar tafafiheufie mort.
Las ! auecques ta mort efl morte ma' beauté, Helas,pauure Adonis, tons les Amours te
Ma couleur eflternie ainfi comme en Efié pleurent :
Se terniffent lesfleurs : pour toy feul i'efioy Les beaute^parta mort ($y les Charités meu-
belle, rent !
Et pour toy feulement ievouloyfimbler telle. LuAmour ne vaut plus rien, la mort vaut
Je fuis maintenant veflue , ey porter ie ne beaucoup mieux,
veux Puis quelleprend à, floy les délices des Dieux.
Ny des bagues aux doigts ny l'or en mes che- Vous fles chiens , qui plore^ aux pieds de
ueux,
Etfi veux pour iamais ( tant la douleur me
vofire maiflre ,
Que par nom il foulait appeller ey cognoiftre :
tue) Vous toiles &filets,& vous mal-fiur effieu,
Que la mère d'Amour de noirfoit reuefiue : Dites à vofire maifire vn éternel Adieu,
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§5,8 ELEGIES.
Et coure? es forefts raconter auxVryades, Mes danfis ont prisfin, mes plus douceslleffes
Que du kl Adonis les plaifiantes aillades ! Se tournent parfia mort en ameres trifleffes,
Qui lesbrufioient d'amour , fiont mortes , ey Mon ris en defionfort,mon plaifir en malheur,
au auffi Etrien nevit en moy que la mefme douleur.
La mère des ^Amours efl morte defouci. Helas panure Adonis, tous les Amours te
Helas panure Adonis , tons les Amours te pleurent :
pleurent: Çar auecque ta mort toutes délices meurent!
Toy mourantpar ta mort toutes délices meu- Tondez-vous,mes enfans, mes Amours, ey
rent! jettc?^
Vous mes Pigeons coupleTj quiparmy l'air Vos cheueuxfur le mort :par pièces efilatteZ^
fouuent Vos carquois ey vos arcs,efieigne% vosflam-
TraineTjnon éhariot aujfitofl que le vent, mefiches,
JMonte? dedans le Ciel, ey raconte^ aux Et en mille morceaux brifi^ tontes vosflefl-
nuës ' ches:
Que mes lieffes font vnfonge deuenuïs, ' Vene7 autour de moy ey vous lamente^
Lequel s'éuano'ùit eyflans effeélfi pert fiort,
lAufifi tofi que noftre iil par le iour eft ouuert, St faites en plorant les obfeques du mort.
Ou comme l'onde coule,ou comme lafumée Que l'vn défies beaux doigts luy ferre lapau- \
Seperd du vent ftoufflé en replu confimmée. piere,
Vous Cygnes qui efiie? à mon coéhe atte- L'vnfiufieuefit tefie,eyl'autreparderrière
le? , L'éuente de fen aile, eyl'vn porte de l'eau?
le vous donne fi-anchifl, en libertévole? : Dans vn bajfin dorépour nettoyerfiapeau.
Vole? parmy les prc% ey conte% aux fieu- Helas pauure Adonis,tous les Amours te
rettes pleurent:
Que Venus a verfiéautant de larmelettes Par tafafcheufè mort toutes délices meurent!
Que de fang Adonis : du fang la bellefleur O troisfois bien-aimé,efieue vnpeu tesyeux,
De la Rofe vermeille a pourtraitfia couleur, Chaffe vn peu de ton chef le femme obli-
Etdu tendre cryftal de mes larmes menues uieux,
Lesfleurs des Coquerets blanéhesfiont deue- Afin que la douleur à ton auneilde vienne,
nues.
Et vonsfidelles S mes Grâces qui plo-
Et queie mette encor maléurefiur latienne,
Tembraffant en mon fein pour la dernière
rex, fois :
Mon mal, ey comme moy en larmes demeu- Car là bas aux Enflersé Adonis , tu ten-vois !
rtZ, Pour le dernierAdieu baifi-moyic teprie :
x^Alle^, laiffeZ- moy feule , alleZdouces com- Autant que ton baifler encores a de vie,
pagnes, Baifle-moypour adieu : ton haleine viendra
AlleT^ey raconte? aux plusfourdcs monta- Dansma bouche ey de là dans le cxur defeengnes,
dra,
Que mort en mongiron i'embraffe mon amy, Puis iufqu aufond de l'ame , àfin que étage
Qui ne reffemble vn mort,mais vn homme en- en âge
dormy Je conflerue en mon fein ceftamoureux breu-
Qn encores le flommeil ne commence quàpoin- uage,
dre: Qu'en tes léures baifint d'vn long traiélie
Dites-leur que d'odeursfion corps nefiepeut oin- boiray :
dre : Humant ie le boiray,puis au cnur l'enuoyray
Mes odeurs, mesparfumsfont en l'air reffan- Pour le mettre en taplace aufondde mapoi-
Ainfidifoit Venus (fui fa léure approchant^
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ELEGIES. $9$
Sur les leures du mort pleurante alloit cher- Auffi tofi qu'ilfut mort, Amour diantre
chant coflé
Les reliques detame ey les humoit en elle, Luy aplufiofique ventfin regret emporté, -
Afin de leurferuir d'vne tumbe éternelle : Si quelle qui efioit n'agneres tant efirife
Les baignoit defespleurs, ey d'vne hante vois D'Adonis, l'oublia pour aimer vn Anchife,
Rempliffoit les rochers , les riues$f les bois, Vn Tafteur Phrygien , qui par les pre% her-
S'efgratignoitlajouè', eyatteintede rage beux
Se rompait les cheueux eyplomboitflon vifage.
Luy, tournant vers le (fiel lesyeux,fit vn
De Xanthe recourbéfaifoitpaifirefes boufs,
Tellesfont &fieront les amitié-^ desfemmes,
fonfiir, Qui au commencement font pins chaudes que
Puuprefiéde la mort ilfie laiffé affoupir fiâmes\
Sansforce$f fans vigueur dans les bras de la Ce nefont quefiouffirs,mais enfin telle amour
'Belle,
Ainflqu'on voitfaillirfans cire vne chandelle.
Reffemble auxfleurs d't^Auril qui ne viuent
qu'vn iour.
MARCASSVS.
FiBes,yui n'es point feint] Le Poète pour monftrer la légèreté des femmes, qui ne gardent la mémoire de
ce qu'elles aiment le plus que tant qu'elles en jouïffent , raconte icy les Amours de Venus & d'Adonis l'incom¬
parable fils de Cynare- pour fa beauté 8c pour fagentilleffe : il en deferit les affections , les plaifirs & les contentemens:
la jaloufie que Mars fon ancien amy enconceut, qui ne pouuant fupporter l'injure que Venus luy
faifoit de le quitter pour idolâtrer les beautez d'vn vifage mortel, alla fupplier Diane de vouloir fiifcitcr le plus
inhumain & le plus furieux fanglier qui feroit dans le pais , dans lequel ce ieune Chaffeur deuoit vn iour ligna.
1er fa valeur aux yeux de fa Deeffe, à fin qu'il finift fa vie en luy voulant donner la mort : ce que Diane luy ac¬
corda volontiers. Il deferit puis après la mort dc ce ieune Prince , & le dcfplaifir qu'en receut la Décffe d'A-
mour,qui en fut mortefile Deftin luy euft voulu faire la courroifie de larendre mortelle. ^Aux images] C'eft
à dire, les plus belles. Il parle à la façon des Autheurs Latins. Pétrone parlant d'vne beauté parfaite, dit qu'elle
t&QVLomnihusftgnitemendatior. Tetbys] Il faut entendre la Mer par ce nom de Déefïè qui luy commande abfolument.
/^>£e] Parfarobe.il faut entendre les flots. L'^yCrcher] C'eft l'Amour. Mars ] Dieu de la
guerre. Moiteur] Pour, larmes. Thrace ] Pays de Mars & de la Grèce. Styx] C'eft le fleuue des Enfers,
dans lequel les Poëtes ont feint que le Sommeil alloit tremper fes ailles pourenfecoiier l'eau endormante fur
la paupière des hommes. Souuier ] C'eft cefte eftoile qui coftoye fans ceffe dans le Ciel la grande Ourfè.du
cofté du Septentrion : les Grecs la nomment à caufe de cela ^/CrUophylax , comme qui diroir, gardien de l'Ourfe.
Oubliansle fouci] Toute cefte circonlocution de la nuict eft prife de Virgile. Diane] Sa fur & Deeffe de
la ehaffe & des forefts, des plaines & des monts. Faunes ] Ce font des Dieux champeftres .comme auffi les
Satyres. Q.u'orion] C'eftoit vn fils que Iupiter,Neptune Si Mercure engendrèrent de leur eau, d'où il eft
nommé Orion >*m « eupS». Ceftui-cy fut grand Chaffeur,& compagnon de Diane , laquelle il eut vn iour for¬
cée , fans Mars qui arrefta fa violence : du depuis ayant efté mordu par vn ferpent qui le tua, Diane le mit dans
le Ciel, où il eft à prefent vn Aftre fafcheux au poffible pour les pluy es Se les tempeftes qu'il fufeitepar fon in¬
fluence. Perruqttoit] Mot nouueau pour, fefaifoir vne belle perruque de rais. De Vilain fumier] Ilnefaut
pas prendre ce vers au pied de la lettre, mais eftimer feulement qu'elle des-honoroit fes cheueux, les defchi-
rant & n'en tenant aucun compte. Ainfi parlent les anciens Poètes Latins : comme vous pourrez remarquer
affez fouuent dans Virgile,d'Euandre,dcPriam& du Roy Latinus. Cefion] C'eft cefte Ceinture de Venus,
tant célébrée par les Poëtes Grecs. Dryades] Nymphes des forefts. Coyuerets] C'eft vne herbe que les La¬
tins appellent Calicacabum. Proferpine] C'eft la Royne des Enfers. anchife] C'eftoit vn Prince Troyen,
duquel Venus deuint amoureufe, après la mort de fon Adonis.
pelle Scamandrc.
xanthe] Fleuue de Troye, autrement ap¬
Que languit en fon liél vn malade tranfi,
ELEGIE VI. Qui deçà qui delàfi tourne $ fle remue
Ayant dedans le flang la fleure continué,
iA GENEVRE. Qui réue ey fi débite ey ne fiait comme il
faut
E me fera plaifir , Gêneur e , de ( Ore entre lafroideur (§/ ore entre le chaud)
tefaire, Gouuernerfiagement fia raifion eftourdie
Eftant abflent de toy,mon amou- Des différents acce^ de telle maladie.
reux martyre. Ainfi quand le Soleilfie plonge dans la mer,
Helas ie ne vy pas ! ou ie vy tout ainfi Qfffnd il vient le matin les afires enfermer,
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ELE
J)O0
Et quand en plein midy tout ce Monde il
contemple,
le brufie impatient,ey mon malfert d'exem¬
ple
Aux hommes,qu'on ne doit deffous le iougplier
D'Amour, on toutfeudain le rompre ou l'ou¬
blier.
Cerces celuy meurt bien qui meurtparfian-
tafie,
Lorsque l'ame amoureufe efl tellementfiaifie,
Qu'en fuyant de fin corpspour reuiure autre-
part,
x^A fion hofie ancien fes vertus ne départ :
Mais priué d'aélion demeurefloideypalle,
Sansforce ey mounement ey fans humeur
vitalle,
Comme vn imagefait de bron?e ou de métal,
Qui (pour n eftre animé) ne fient ny bien ny
mal. .
le ne voy rien icy qui regret ne m'ameine:
Le iour m efi ennuyeux, la nuiél me tient à
peine:
Et comme vn ennemy très-dangereux iefuy
Le liélqui toute nuiél redouble mon ennuy.
Quand le Soleil défend dans les ondesfi¬
i (De
lées,
le medefiobe es bois ou me perses valées,
le me cache en vn antre ,eyfuyant vn cha¬
cun
peur qu'à mespenfiers nefie montre im¬
portun )
le parle feul à moyfeul i'entretien mon ame,
Dificourant cent propos d'amour ey de ma
Dame :
D'vnpenfler acheuél'autrefiudain renaifl,
Mon cmur d'antre viade en amour nefipaifi :
H mourrait fanspenfer, le penfier efifla vie,
Et ta douce beauté quefeule i'ay fiuiuie.
Ainfipar les defirts tout le ionrie me deulx,
Puis quand ïobfiure nuiél fie perruque de
feux,
Lefelitaire effroy hors des bois me retire,
Et iufques an logis Amour me vient conduire.
Quand iefuis en ma chambre encore pour
ce,la ce,la
le nefois k repos, leflomg deçà delà
Mefgratignc lec ey maplaye cruelle
Lors que ie voy mon lift s'aigrit ey renon-
uelle:
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G I E S.
Pour ne me coucher point ie cherche à dénifer}
Je lis en quelque liure ou feins de compofir,
Oufeul ieme promeine eyrepromeine encore,
Effayant de tromperl'ennuy quimedeuore.
A la fin mes vallets qui portent fiur les
yeux
Et dans le ne^ ronflant le dormir ocieux,
Entre-fllle?^duflomme ainfl me viennent dire:
Monfieur,il efi bien tard, vn chacunfe retire,
la minuiél efi fionné, quaue?-vous à gémir t
La éhandelle efifaillie , il eft temps de dormir !
Alors importuné de leurflotte prière
lelaiffé tout mon corps pancher en vne chaire,
Nonchallant de moy-mefme,& mes bras vai¬
nement,
et mon chefpareffeux pendant flans moune¬
ment.
Je fuis fans mounement» pareffeux ey tout
lâche.
L'vn m'ofle ma ceinture, ey l'autre me dé¬
tache:
L'vn me tire la chauffe, ey l'autre le pour^
point :
Ils me portent au liél eyiene le fins point :
Puis quand iefluis couché, Amour qui metrauaille,
Armé de mespenfiers me donne la bataille: '
Leliam'efivn Snfler, & penfie que dedans ,
On aitfiemédu verre ou des chardons mordas :
Maintenant d'vn coflé , maintenant ie me
tourne
Deffur l'autre en pleurant , ey point ie ne
fijourne.
Amour impatient qui eaufi mes regrets,
Toute nuitfur mon cŸur aiguifle tousfles traits,
M'aiguillonne,mepoingt,mepique & me tour¬
mente,
Et ta ieune beautétoufiours me reprefinte.
Maisfi tofi que le (foq platedeffur vnpau
kA trois fois falùé le beau Soleil nouueau,
le m'habille,&men-vois où le defir me meine
Par les pre?jnon fiaye? de nulle trace hu¬
maine,
Et laie ne voyfleur ny herbe ny bouton,
Qui ne me ramentoiue ores ton beau teton,
Et ores tes beauxyeux en qui Amourfie iouë,
Ores ta belle bouéhe, ores ta belle ioue:
Puis foulant la rofée,en penfiant ie m en¬
vois
Trouuer

E L E G I E S.1 poE
Trouuer quelque Gêneure au beau milieu d'vn A la Nymphe des bois quTfiepaifi deparoles.
bois, tAinfi ie parle à l'arbre, eypuis en le bai-
Oit loin de toutes gens ie me couche a l'om- fiant
brage Et rebaifiant encor ie luy vois redifiant :
De cefi arbre grené dont l'ombre me foulage : Genéure bien-aimé, certes ie te reffemble ;
le l'embraffe ey le baifle ,ey l'arraifinne Auec toy le Deflinfiympathifiant m affemble:
ainfi, Ta cyme efi toute verte ey mespenfiers tous
Comme s'il entendait ma peine ey mon fiouci. vers
Genéure qui le nom de ma Maiflreffe por- Ne meuriffent iamais : flur le Printemps m
tes, fers
Au moins ie teflupplî que tu me réconfortes %Â percher les oifeaux , ey l'Amour qui me
Couché fous tes rameaux,puis quabfent ie ne cherche,
puis
Ny baifler ny reuoir la Dame a qui iefluis.
Ainfl quvn ieune oifleau deffur mon ciur fi
perche :
le te puis affeurer que l'arbre de Theffale
De Phbus tant chery n'aura louange égale
Ton éhefl efl heriflé,poignant efl mon fouci,
Ta racine eftamere ffi mon mal l'efl auffi :
A la tienne amoureufe, ey mes efiritsferont Ta graine efi tonte ronde, (if mon amour efi .
Que lesGenéures verds lesLaurierspafferont. ronde,
. Or fus embraffe-moy , ou bien que ie t'em- Confiante enfermetéqui toute en elle abonde:
braffe,
Abaiffevn peu ta cyme àfin que lentrelaffe
Ton eficorce efi bien dure,& dur auffi iefluis
A fùpporter d'amour la peine ($p les ennuis.
Mes bras à tes rameaux, ($fque cent mille Tu parfumes les champs de ton odeurpro-?
fois chaine,
le baifie ton eficorce ey embraffe ton bois. Et d'vne bone odeur m amour efl toutepleine .*
Iamais du bûcheron la pénible coignée
kA te couper le pied nefoit embefengnée,
Tu vis dedans les bois, ey bocager ie vy
Solitaire ey tout feul,fi ie ne fuisfiuiuy
Iamais tes verds rameaux ne fentent nul D'Amour qui m'accompagne , ey iamais n?
mefichef: me laiffé
Toufiours l'ire du Ciel s eflongne de ton éhefi
Foudres,grefles & pluye :& iamais lafroidure
Sans me reprefenter noflre belle Maiflreffe:
Noflre , car elle efl mienne ey tienne .-puis ie
Qui éflueille les bois n'éfueille ta verdure. croy
Tous les Dieuxforefiiers , les Faunes ey les Que tu languispour elle auffibien comme moy.
Pans Ainfi ie parle à l'arbre, ($f luy,branlant
Tepuiffent honorer de bouquets tous les ans, la cyme,
De guirlandes defleurs, ey leur bande cor- Faitfemblant de m entendre, ey d'apprendre
nue ma ryme:
Face toufiours honneur à ta plante cognue. Puis la rechante aux vents ,ey fie dit bienkA
l'entour de ton pied,fioit de iour, foit heureux
de nuit, D'efire honoré du nom dont iefluis amoureux.
Vnpetit ruiffelet caquette d'vn doux bruit, Voyla,chère Maiflreffe, en quellefirenaifie
Murmurant ton beau nom par fis riues fia- ïAmour m'a fiait tomber pour feule auoir
crées : choifie
Où les Nymphes des bois ey les Nymphes des Voflre ieune beauté, que l'imaginer fient
%prées Auprofond del'efirit ,bien qu'il enfioit abfient.
Couuertes de bouquetsy puiffent tons les iours, I'ay certes efirouué par mainte expérience
En dànfant main à main , te conter mes a- Que l'amour fe renforce ey s'augmente en
mours, l'abfence,
Pour les bailler en garde, en fiaifint leurs ca- Oufait qu'en difiourant le plaifiantflouuenir
rôles, Ainfique d'vn appafl la vienne entretenir,
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poi E L E GI ES.
Ou foit que les portraits des lieffes paflées
S'impriment flaiflchement en l'ame ramaflées,
Ou foit quelle ait regret au bien quelle a
perdu,
Soit que le vuide corpsplusplein fie fioit rendu,
Soit que la voluptéfit trop toft periffable,
Soit que le fbuuenir d'elle foit pins durable :
Brefiie ne fçay que cefi , mais certes iefiay
bien
Que ïaime mieux abfent qu efiant prés de
mon bien.
Car quand il me flouuient on de ta belle
face,
Ou de l'heure ou du lieu , du temps ou de la
place
Qu"Amourfi doucement me fit parler a toy,
D vn extrême plaifir iefuis tout hors de moy.
Puis quandil meflouuient de tes douces pa~
rôles,
De tes douces chafens defquelles tu m affoles,
Me flouuenant encorde tes honneflete^.
\
MARCASSVS.
Et de ta counoifie,ey de tes priuaute%,
Et de l'affeélion enuers moy finaïue,
Quand mon corps eft malade & mon amepen-
fiue:
Et bref, me fiounenant de l*extrême dou
ceur
Qui part de tes beauxyeux dont ie nourris
mon ceur,
Pins mon amourf augmente &plus mon eflin-
celle
Efiant loin de mon feufaccroift & renouuelle.
Voyla mon naturel , ($ffi trompé ie fuis,
La faute vient d'iAmour, non de moy,qui ne
puis
M'eflongner dc l'ardeur de te reuoir prefiente :
Si ie finis abnfié mon amour me contente.
Maiflreffe, en attendant le bien de te reuoir,
Pour gages de mon ciur tu pourras receuoir
Ces vers que défia main ^Amour mefime te
porte :
En efermant de toy mon cuurfie réconforte*
Ce me fera plaifir] Il deferit toutes les impatiences dont Amour trauerfè fon ame, qui toufiours par les
objects diuers qui s'offrent aux.yeuxfcprcfente les rares perfections de fon inhumaine. Apres qu'il a aflcz fait
Voir mille pallions conrraires qui le trauaillent fans luy donner aucun relafche, il fait vn excellent parallèle
des qualitez de fa paffion à celles du Genéure qui porte le nom de fa Maiftreflè . L'arbre de Thejfale ] Il entend
le Laurier qu'Apollon aime par deffus tout le refte des arbres à caufe que fa Maiftrcffé y vit dans l'cfcorce.
Thejfale] Pour, Theffalic, qui eft vne partie de la Grèce, par laquelle paffe le fleuue Pence , pero.de la belle
Daphné Maiflreffe d'Apollon. Fit femblant] A caufe que les Dryades viucnt dans les arbres, on leur peut
donner vne partie des fentiments des hommes. D'apprendre] Comme Virgile dit des Lauriers du fleuue
Eurote.à qui le fleuue appritles chanfons d'Apollon qu'il auoit retenues, l'oyant chanter fur fa riue, '
ELEGIE VIL
/ l'Amour qui conduit des %^Amans
ï entreprife,
Eufl voulu mettre àfin maparole
promifie,
Et file fier Defiin, dont chacun eft donté,
N'euft contre mon vouloirforcé ma volonté,
l^enfif ie neflerou languiffant de trifleffe,
Et verrois accomplir enuers vous mapromeffe.
Mais puis que le malheur ey les Cieux cu-
nemts,
laloux de mon plaifir, tel bien ne m ont per¬
mis,
Ilfaut que le papier icy vous reprefiente
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Le plaifiant defflaifir qui le ceur me tour¬
mente.
O quantesfiois depuis vofire ennuyeux dé¬
part,
Solitaire ey penfifiay-ie fitul àl'eficart'
Errépar les rochers ! ey quantesfiois auxplai¬
nes, p
Et aux flablons deflert s ay-ie conté mes peines,
Et l'ennuyeux regret que i'ay de ne reuoir
Voflre face qui peut les rochers eflmouuoir!
Tout ainfl quvn paffant qui parmy 'la
nuiél brune
Errant dedans vn bois fans aydede la Lune
S'cfgare en mille lieux ; car de chaque cofté
Le chemin luy eft clos faute de la clarté:
Ainflfaute de voir voflre belle lumière,

ELEGIES. 50|
Qui eftoit de mesyeux la clarté couflumiere,
J'erre fieul égaréfeulement le penfir
Pourguide me conduit,& ne me veut laiffer.
Quvn Dieu le plus puiffantfleflumeroit hen-
reux
D'eftre de vos beauxyeuxidolâtre amoureux.
Je m en-vois bien fbuuent dans lesforefts Ce-pendant ie vous pn (par voftre belle
defertes, face,
Sur le bord des ruiffeaux,(Sfpar les riues ver- Par vos crefies cheueux dont le lien m'enlace
tes , Non feulement le corps mais l'efirit ey le
Où lepied me conduit ,pouflé du fouuenir
Quivonsfaitpar image à mesyeux reuenir.
ccur,
Et ie ne fçay commentflenflaifl maifire ey
Là,fioit quei'apperçoiuevn arbre folitaire, vainqueur)
Vnroéher,vnefleur, vnefontaine claire, D'accufler ma fortune à mon vouloir confepenfle
en les voyant vous voir, &finepuis traire,
Penfler en autrepart qu'en vous à qui iefuis : Et non pas le defir que tauoy de vousflaire
Ainfl bien loin de vous, de vous laylapre- En chemin compagnie ey vousfluiure en tons
fience,
Et la longueur des lieux n'eft caufe de l'ab-
lieux,
Pour jouirfans repos du plaifir de vosy eux,
fience. Et receue? en gré cefte Lettre qui vole
L'Aftre qui me domine auant que d'eftm Vers vouspour vn adieu en lieu de laparole,
né, m Qui ne vous peut, helas ! en partant de ce lieu,
M auoit pour eftre eficlaue ici predeftiné, Ainflquelle deuoit, dire humblement adieu.
Etne puis eflehapper que toufiours ie ne viue Hà,que iefluis marry que mon corps na des
Serf de peine ey d'ennuy quelque part queie ailes
fiuiue. Pour voler comme vent où fiont vos Damoi-
Si iefinis longuement en cefie Cour icy, filles !
lefieray prifennier de dueilfyde foucy : le leur dirois adieu, ey plus de mille fois
En cefie Courfaficheufie, odieufe, ey remplie En diuerfisfaçons leursyeux ie baifierois:
D'erreurs, d'opinions, de troubles ey d'enuie, le baifierois leurfein & leur bouche vermeille}
Où rien ne m eft plaifiant : car cela qui me Qui reffemble en beautél'Aurore qui fléueiUel
plaifl,
Ainfi comme il efioit pour cefte heure n'y eft :
Bouche de qui le ris d'entre les perlesfort,
Qui donne tout enfiemble & la vie ey la mori.
J'enten voftre beautéqui m eft pins agréable Puis que mon corpspefiant ne permetque ie
Que de mes propresyeux la lumière amia- Vole,
ble:
Etfi ie vais au lieu où vous faitesfejour,
Seulement du penfier abfient ie me conflole,
Et par lefouuenir, qui eft le finificours
le fieray priflonnier de ce fafiheux Amour. Des amans efiongne^, ie vous voy tous les
Mais vne libertételle prifon t'appelle,
Pour vous fçauoir en toutfi parfaite eyfi
iours :
Carl'abfence des lieux ne peut rendre effacée
belle, L'amour qui fe nourrit du bien de la penflée.
MARCASSVS.
Si Vamour] Il luy tefmoigne le dcfplaifir qu'il reçoit abfent de fes beautez, que l'Amour quelque lieu
qu'il aille luy reprefente auec vne telle violence dans l'efprit qu'il meurt après elles. Il fe plaint outre cela
dece que le Ciel n'a fait fon corps auffi agile & auffi vifte que fa penfée, pour auoir le bien dc pouuoir toufjoursfuiurc
faDécflc, dc qui dépend le folide contentement de fa vie & dc fon repos.
GGg£ ij
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504
ELEGIE VIII.
, Eluy
ELE
deuoit mourir de l'efelat du
tonnerre,
i Qui premier defeouurit les Mi¬
nes de la terre,
Qui bêchafes boyaux, eyhors défis rongnons
Tira l'Argent fy ï Or,deux mefléhans compa¬
gnons.
Unefutpas content de les tourner en lames,
De les battre au marteau , les affiner aux fiâ¬
mes,
Les mettre en la coupelle ey les refondre, afin
Que l'Or neflufl qu efirit & quildeuinfiplus
fin:
Cftiais il les defiguifia de centfortes nouueïles
Decouppe? par morceaux ey par tenves
rouelles,
Etfurent fis morceaux en efius transforme?,
En-noblis du portrait des grands Princes ar¬
me?,
Tenans droite l'effée, ou portansfur la tefle
Vn rameau de Laurier,figne de leur conquefle,
Ougraue% d'vne Croix, dont la fiainéîe vertu
Par faforce a toufiours le Monde combatu.
Mefmes lespuiffansDieux qui n'ontpoint
indigence
Des biens quifiant acquis par nofire diligence,
Voyans l'Orfiluifiant en firent honorer
Leurs Imagespompeux & leursTemples dorer.
Iufiice en fit iaunir fia balancefacrée,
Tant de ce flainél métal la fflendeur luy aggrée.
Les hommesforcené^ enragèrent après :
Ils vendirent leurfoy pour ïamaffer elles,
Tour captif l'enfouir en desfoffescauées,
Oupour lefaire battre en vaiflfelles grauées,
Afin que la viande en vn plat iauniffant
Allafl des conuie^ lesyeux ejblouiffant,
Et leur buffet éhargé de riche orféurerie
Fifl vn iour de la nuiflpar telle piperie.
Ils ont eflraint leur col de grofies chaînes
d'Or,
Ils ontfait des anneaux à leurs doigts , ey en
cor
Des carquans à leurs brasfigne que leurfian-
chifie
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GIES.
Eft férue de richeffe , & que l'Or ta tientprifi.
Ils furent fi deceus qu'ils ne cognurent
pas
Que ce métal eftoit caufle de leur trefias.
Par luy finit au iour la diflorde enragée,
Par luy fi renuerfia mainte ville afiiegée,
Par Iny vint leproce?^ lesguerres ey lefier,
Et tout ce qui habiteau portique d'enfer.
Luyfini bornâtes champs:par luy le propre
fiere
N'efi pasfiere au befioin, ny lepere neflpere :
Tar luylafbyfifauffe, ey mille maux diuers
Parluyfe'font campe^ en ce grand Vniuers,
Qui de toute bonté les terres défilèrent :
Puis Iuftice (^fVergongne au Cielfien reuo-
lerent.
Les hauts Pins qui auoientfi longuement
* efté
Sur la cyme des montsplante? en liberté,
Sentirent la cognée ey tourne^ en nauire
Voguèrent aux deux bords où leSoleilfe vire]
Pafférentflans frayeur les ondes de la mer,
Virent Scylle ey Charybde affrement eficu*
mer,
Conduits d'vn matelot, dont la mordante enuie
D'amafferdes trefiors baille aux ondesfi vie,
Afin de rapporter des pays efirangers
Des lingots recherche^ par cent mille dangers}
O bien-heureux lefiecle où le peuplefau¬
uage
Viuoit parles fiorefis de glan eyde fiuitage !
Quifins chargerfi main d'eficuelle ou de vaif¬
feau,
De la bouche tiroit les ondes d'vn ruiffeau:
Qui les antres auoit pour maifions tapiflées,
Et pour robbe l'habit des brebis herifiées!
Le velours n auoit lieujafeye ny le lin,
Ny le drap enyuré des eaux du Gobelin.
Les marche^ n efioient point, ny les peaux
des ouailles
Ne fernoient aux contraéls: les paifibles au-
reilles
N'entendoient la trompette : ains la Tran¬
quillité,
La Foy, la Preud'hommie, Amour ey (fha-^
rite
Regnoientaux curs humains, qui gardaient
la Loy fiainte

ELEG
De Nature eydeDlEV finsforce ny con¬
trainte :
Lardante ambition ne les tourmentoit pas :
Ils ne cognoiffoient point ny Eficus ny Ducats,
Nobles ny Angelotspy ces Portugaloifes
Qui fiement dans les csurs des hommes tant de
noifes.
Certes D I E v, qui tout peut,denoit (fige
Bâillon)
Faire que les roéhers fieruiffent de billon,
Et lesfueilles des bois qui tombent par la voye,
Seprinffent enpayment ainfique la monnoye:
Chacun à chaquepasfans peine ny fansfoin
Eufi trouue par les champs flecours àfon be¬
foin,
Sans mendier ceft Or qui ne nous veut at¬
tendre, i
Mais tant plus efl fluiuy ey moins fle laiffé
prendre,
Volant commevn oifieau ou comme vn traiél
poufié
Par la courbe roideur d'vn arc bien enfonce, i
Or quant à moy,B A i L L o N , ce métal ie
detefle,
le l'abhorre & lefiuy ey le hay comme pefle,
Et certes à bon droit:car i'ay toufiours par luy,
Enforçant ma nature, enduré trop d'ennuy.
Pour le penfier gaigner ïaycourtifé les Prin¬
ces,
I E S» 90^
8t les grands Gouuernéurs des royales pro¬
uinces '
J'ay fié, trauaiUé, eficrit ey compofié,
Quatre heures en la nuiâl à peine ay repofe,
le mefuis tourmenté fans nulle recompenfe:
Car enuers mes labeurs trop ingrate efl la
France.
Matspuis que ce metal,Cet Orfi glorieux
Efi ores le vainqueur de tons victorieux,
et que le cours du temps lapuijfance luy donne
D'inuaincu commandera chacuneperfonne:
Et qu'on ne vit tant d'air , ny d'eau ,ny de
Soleil,
Que par l'Or qui ne trouue vn métal fion
pareil:
Encor que ie l abjure& ïabhorre,ey le fiuye,
Si efi-ce toutefois qu'à ce coup ie leprie
Depajfer par tes mains pour fen- venir loger
Che?-moy qui le tiendra comme vn hofie
eftranger
Sans trop le careffer: carie ne flay pas conte
D'vn homme, flufl-il Roy,quand l'Argent /e
furmonte :
II en faut feulement pour la neceffité,
Et pour nous flecourir en noflre aduerfité :
Le refte efl fluperflu , qui ne fert qu'à nous
faire
MARCASSV S.
Ou proye des larrons, oufable du vulgaire]
Celuy deuoit] Il dcteftela puiflance dc l'Or & de l'Argent, & le pernicieux foin dc ceux qui fouillèrent les
entrailles dc la terre pour les trouuer. Il monftre comme roures les mefchancctez qui fc font dans le Monde
ne fe font que pour poffeder ces malheureux métaux. le drap] Il entend l'efcarlate qu'on teint de lapc-
titc riuiere qui paffe par les Gobelins au faux-bourg Sainct Marceau à Paris.
ELEGIE IX.
Inq ioursfontja paffe%,D E N I-
z o t mon amy,
Que ma Dame malade en repos
n'a dormy :
Tufiais combien fin mal de douleur me con-
fiomme,
Allonspiller les champs de ta Sarte & du Loir,
Et d'vne trifie mainfaifons noftre deuoir
De cueillir des pauots qui font fiacre? au
Somme.
Ha mon Dieu que i'en voy !ces champs en
fiont tous pleins !
Chargeons- en noflreflein^nos manches fy nos
mains !
Nous en auons affe%: apporte du lierre,
Puis de ga?ons herbus maçonne vn

f)çf; E L E G
Pere aime , nourriffier des hommes ey des
Dieux,
De qui l'aile en volant effand vnegelée
Sur l'humide cerneau, & bien qu'ilfuft rem-
pb .../;
D'amour ey de proce%, tu l'affoupis d'onbly,
Et Charmespour vn temps fa triffeffeflw.ee.
Tu enferres lesyeux de tons les animaux
D'vn lienfiait d'airain : de tons ceux qui des
eaux
Douces ($f de la mer coupent l'humide voye,
Et de ceux empenne? appris à bien voler,
Et de tons ceux qu'on laiffé en paflurage aller,
Et de ceux qui au bois fe nourriffent deproye.
Sans ton ficours mourroit tout ce grand
Monde icy:
C'eft pourquoy l'on t'appelle aime , deflîfloucy,
Donne-vie, ofle-fioin : tafiemblance admonefie
De contempler la Mort quand tu nous viens
toucher
Du bout de ton pauot lesyeux pour les bouéher,
Et quand d'vnflot Lethé tu nous baignes la
tefie.
IES.
Tu es du vueildes Dieux Prophète & mefi
fiager,
Cefi toy qui en dormam à l'hommefaisflonger
Son fiort bon ou mauuais : ($y fi nous eftions
figes,
Sages nonfeulement , mais auffigens de bien,
Rien ne nous aduiendroit que nous nefçeujfions
bien
Long temps deuant lefait , inflruits de tes
faces.
O Somme,ogrand Démon,o l'vtile repos
De toute ame qui vit,pren agréées pauots,
Cet encens , cefie manne, eyvien deffous ton
aile
Couuervn peulesyenx, les tempes ey lefiont
De ma Dame malade , ey d'vnfommeil pro¬
fond,
MARCASSVS.
Toutesfois réueillable, allège le mal d'elle.
C'eftaffe^D E N ï z o i, exaucé ie mefiens:
Defion hongre laflame efl prifi dans l'encensi
Et nefiçay quel Démon a la manne léchée :
Retournons au logis, le c me bat d'efyoir,
Qui prophète me dit que nous la pourrons
voir,
Sinon du toutguarie , au moins bien aliène]
Cinq tours font j a pdjfeï^] UprieDenifot fonintimeamy, devouloir auecque luy faire vn facrifice de pauotsau
Sommeil, à fin qu'il fe gliffe dans les yeux de fa Maiflreffe, qui de cinq iours en tiers ne l'a point gon¬
flé, de quoy il eft grandement affligé pour l'amour d'elle. Sarte] C'eft vne petite riuiere. Loir] C'eft
vn des beaux fleuues de France affèz renommé. Filsde laNuilî ] LaNuict a porté , félon les anciens Mythologiciens,
d'vne ventrée la Mort & le Sommeil. Lethé] C'eft le fleuue d'Enfer, dans lequel nous auons dit
que le Sommeil va tremper fes ailes. Il fe nomme Lethé de la qualité que les anciens Grecs ont creu qu'il auoit
dc faire oublier tout: car mIh , veut dire,oubly. Prophète ] C'eft par luy que les Dieux nous font deuiner les
chofes futufes. Voyez Pétrone, Hippocrate & Ariftotc de Infomnijs. Mefager] Comme dans Homère, lors
qu'il eft defpeché par Iupiter à Agamemnon. Defon bon gré lafamé ] C'eftoit vn bon augure , comme vous
pouuez voir dans ces vers de la Pharmaceutrie dc Virgile:
iAjftice,corripitit tremulis aitan a fammis
Sponte fua,dum ferre moror , cinis ipfe. bonum fît:
Nefcio quid certè efi : er Hylax m limine latrat.
Credimus? an ejut amant, ipjî Jibi fbmnia jîngunt?
Parcite^b ~\rbe l>enit, iam parafe carmtna,Daphnif.
ELEGIE X.
Aue^defin rempart ma raifion deffourueuë,
Si qu'en lieu d'efire Dame à mon dam ie lafiens
Vne raifion efllaue obéir à mes fiens,
\ ^4V1 ^ moyfi^ennemyfianscarfe^ Trompant mafiantafie ey me donnant pour
! WlAl mefains, maiflre
Puis tantofl de Fortune ey de Vn aueugle ,vn enfant qui ne vient que de
vous ie meplains, naiftre.
Accufant vos beauxyeux, qui par vn traiél Or de vous ie me plains qui tene?Ji\mut lieu,
de veu'e^ Quepour efirefieruie il vousfaudroit vnDieu.
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élégies:
Maïs plus que de nonsdeuxle me plains ie
Fortune,
Qui cruelle a mon malfins ceffe m'importune,
Me r'engregema playe ey'mefiaiél amoureux
De vous dont le bon-heurm a rendu malheu*
reux:
Car pour aimer trop haut , ey pour n auoir
égale
M apuijfance à la voflrefhelas ! iefinis Tantale
Qui meurs de fiifien l'onde,ey qui ne puis
toucher
Au douxfiruiél que ie voyflur ma léure appro-
éher.
Ainflpour eflre moindre & vous fiuperieure
De race & degrandeur ie languis à toute heure
Et re-visfins efioir de iamais acquérir
Ce doux malqui mefiaitfi doucement mourir.
Quand Tyrrhe ô" fin mary peuplaient les
vuides terres,
Ruant parmy les chaps lesfiemences despierres
Pères du genre humain, les cailloux qu'ils iettoient,
En dignité pareille également efioient:
En dignitépareille il nous faudroit donq efire,
Si voulions rejfimbler les autheurs de nofire
efire,
Sans que race ou crédit ou le bien temporel
Rompift l'égalité de noftre naturel.
Mauditsfloient les prefiens dont la taffefé¬
conde
De la belle Pandore a remply tout le monde !
Le peuple qui auoit également vefiu,
Se vit d'ambition ($f de gloire vaincu.
De là vint la Grandeur, de là vint la richeffe,
De là vint le haut nom de Royne ey de Prin-
ceffe,
Tiltres ambitieux : fy de là vint encor
Le defir d'enchaffer les gemmes dedans lor.
Lors la fimplicité abandonna la place
Aux crédits,auxflâneurs,aux Grandeurs>à la
race :
Et quittant lescite^, les villes ey les Rois
Auecques les Pafteurs habita par les bois.
Le doux fils de Venus qui fimple ey nud
defdaigne
Que toute Majefié le fluiue pour compaigne,
Trint l'arc dedans la main,ey raguifiant fies
traits,
Pas à pas lafiuiuit par les hautesforefts,
507
Et tirant doucement fesflefhes moins cruelles
Dans lec innocent des ieunes Taflourelles
Entre les durs roéhers, les bois & les deferts,
A laflaifléheur d'vn antre ou flous les arbres
verds,
Les apprit a aimer d'vne amitié non feinte
En toute liberté,fins danger ny fans crainte :
Les apprintàbaifer,à touéher,à tafler,
Et de la fimple amour flmplesfle contenter,
Loin d'inequalité qui trop efl dangereufle,
Et prefque infinpportable à toute ame amou¬
reufe.
L'ennuy quipins m'offenfé eyplus mefait
de mal,
C'efl qu'à voftre Grandeur ie ne finispas égal,
Et le cognoijfant bien ie cherche en tout'eforte
D'ofter hors de mon cur l'amour que ie vous
porte :
Mais plus ie veux l'ofter , ey tant plus mon
defir
Se laiffé r'engluer defion nouueau plaifir,
Drefiant à ma douleur, contre mon eflerance,
Vn rempart fait du temps & de perfiuerance.
Ainfipins ie defire à couurir ma douleur,
Plus ce m eft de plaifir de dire mon malheur,
Me combattre moy- mefime ey refifier aux
peines
Dont ces hautes amours difficiles font pleines.
Tantoft ïefiere tout,puis ie n'efiere rien,
Tantoftfur vospropos i'affeuré tout mon bien:
J'ay des ailes de cire, en volant ie mabaiffe,
Et pour auoir bon cur ie pers la hardieffe.
Madame, ie vous prï que vous riaye% efi
gard
A la noble Grandeur dont vofire racepart,
Etfaitesfilvousplaift,que cela ne vous garde
Que voftre il amoureux vn iour ne me re¬
garde.
Je fçay qneie fuisfol d'aimerfi hautement:
Mais volontiers Amour erre fans iugement,
Et toufiours la Raifion ne guide la penfée,
Quand elle eflpar Amour doucement infenfée.
Tout bon cur efifujet aux payions d'ai¬
mer :
On ne voitfeulement les hommes fenflamer
D'vnfi gentil defir, mais les Dieux n'ont pas
honte
D'abaifferleur Grandeur quand Amour les
furmonte:
G G gg~~iiij
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3oS E L E
Toufioursfige & diflret,des Dames eftimé:
Et veftant maintenant les plumes d'vn oifiau,
le fçay de quel honneur on reffeéle la grande,
Ou lepoil d'vn Satyre,ou celuy d'vn Taureau,
le fçay bien quel feruice vne veflue demande,
Abandonnent le Ciel pleins d'amoureufisfiâ¬
mes,
Pour eftre feruiteurs de nos mortellesfemmes.
¤n imitant ces Dieuxfil vous plaifloit vn iour,
Trenant pitié de moy, me donner voflre a-
mour,
le mettrois telle peine à vous faire feruice,
Qufen moy vous trouuerie?vn feruitenrfians
vice:
Et vous repentirie? que pluftoft ie naurois
Receu voftrefaneur, qui eft digne des Rois,
Faueur que ie nepuis à ma douleur promettre, '
Et qui d'homme mortel au Ciel me pourrait
mettre.
I'ay comme anantureux en diuers lieux
aimé,
GIES.
MARCASSVS.
Vnefille, vneflemme, & fi fçay bien comment
On fe doit en telflaiél gouuernerJugement :
le ne fis iamaisfaute & ne pourrais le faire,
Comme predefliné pour aux Dames com¬
plaire.
Maisfipar traiélde temps mafirueloyau'
te
Ne peut trouuer en vous que toute cruauté,
Etfi contre ma foy vous deuene?fi fiere,
Queie ne puiffe,helas ! vousfléchirpar prière :
Pour me donnerficours i'appelle à mon confort
Contre voftre rigueur Nemefls & la Mort,
Tourne vousfieruirplus de longue mocquerie,
Et mon ombre en tons lieux vous fioit vne
Furie.
moy feul ennemy ] Il maudit la boite de Pandore , par le moyen de laquelle l'inégalité fut mile entre les
De
mortels
mortclsTqui auparavant n'eftoient pas plus les vns que les autres : Us exeufe dc ce
mortels
mortclsTqui auparavant n'eftoient pas plus les vns que les autres : Us exeufe dc ce qu ilaimc pl« hautement
S ne deuroit fur l'outrecuidance de l'Amour.qui oftele iugement a ceux qu il domtc & les rend terne-
?aires Tan aie] Tantale eftoit fils de Iupiter & de la belle Nymphe Plote: il fur condamne par les Dieux
pourvoit^eouuertlesmyfteresduCielfàmourir de foif dedans l'eau^
Rendent furlatefte. Pyrrhe] C'eftoitla femmede Deucahon, qu. .eft- feule du Déluge vn u«W a-ec fon
Lry.àquiThemis commanda de femer des cailloux, pour repeupler le monde. Voyez Ou.de enfes Metamorphofk
Pandore ] Hefiode dit que c'eft la première femme qui fut dans le monde, que Vukain fit par le
commandement dc Iupiter, & à qui tous les Dieux donnèrent quelque chofe de particulier. Cefte femrne-
commandemenr ac iupiter , ce a qui cous ic» i^ivuA.uu.i.iv.'w.'. ^ j 4
* ' r » çy * fut ' cnuoy ée de la part r » çy fut cnuoy ée de la part dc Iupiter "i à Epimethée ,, auec vne boite k^;.nivirn!is où tous les maux eftoient enclos.afin enclos,afin enclos.afin enclos,afin Qu'ils qu'ils Qu'ils qu'ils fuf- fuf. fuf- fuf.
fent lent fent lent difperfez ciuperiez par par tout tout le ie Monde, muuuc, pour puui le it punir jjut..^ dc -w ce que -i-- Promethcc defroba le . feu «,n du n Ciel. - Otfeau] OtfeauX Otfeau] OtfeauX
i
Commequanà il fe conuertit en Cygne pouf iouir de Leda , de laquelle d eut Caftor & Pollux. Taureau ]
Pour ioiiu: d'Europe. Nemefts ] Autrement nommée Adraftcc, DeciTe qui punit les arrogans & les in-
grats.
ELEGIE XL
'Ay cherchémainte année &fiuï
tout enfiemble,
Que la longueur du temps qui
^ l'amour defiaffemble,
On difgrace,ou Fortune, ou voyage lointain,
Ou maladie ofiaft voftre amour de mon fein.
Mais plus i'opiniafire à vousfieruir,Ma¬
dame,
Plus les ans vont fuyant, ey plus ie porte en
l'ame
Maugrétons accidens,flans iamais eftre flanc,
Voflre beau nom qu'Amour m'a coulé dans le
flang.
Tantfenfaut que l'ardeur de mofeu diminue,
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Que nourry de vosyeux toufioursil continue
De renaiflre en mon ame , ey toufiours fac-
croiffant
S'augmente deflaflame £f deuientpinspuiffant.
Et pource defireux de vofire bonne grâce,
ïeffaye tous moyens de rééhaufler la glace
Qui ferroitfroidement voflrecur au dedans,
Défendant lepaffage à mesflouffirs ardans,
Si qu'en flentant d'amour la douloureufle
eftreinte,
kA par-moy bien fouuent ie fais ainfi ma
plainte,
Reconfortant mon cur. Tant plus vn bon
Soldart j
Se rend opiniaftre a garder le rempart,
Plus il efl ajfiegé d'vne puiffante armée,
Et tant plus ilf acquiert de bonne renommée,

ELEGIES: Je*
S'il refifie au danger, fyfibraue decur
Il fiefait au combat des ennemis vainqueur.
Mon mal que vofire orgueil n'a iamais fiçen
comprendre.
Donques en imitant le vaillant Qapitaine, Donques à tel ejfeél gardere^ cetefirit,
« Combatons le malheur: L'honneur gift en Afin qu'en le lifiant, voflre gentil efirit
la peine. S'affleure que le Temps ny la Mort ny For-
Ainfime confilant de tels braues propos, tune ,
Comme éharméd'Amour ie me fienty difios, Ny tout ce qui dépend d'enuie ou de rancune,
Et renforçay mon crur à vousfaireferuice, Nefiçauroit empeficher ny ce bien ny cet heur
\s4fin qu'en vous aimant mon Defiin ieflui- Que ie ne flou toufiours vofire humblefferui-
uiffi. teur,
Seule ievons appelle à tefmoin de cecy, Efelaue de vosyeux, où Amourmit l'enfieigne
Seule vous cognoiffe?jnon maley mon fioucy Qui le chemin d'honneur ey de vertu menfiei-
Sans rien vous reprocher : non qu'en pleurant gne.
iepenfie (far tant plus ie verray monfiait defifieré,
Tirer de monferuice aucune recompenfe, Plus ie verray mon cuur d'efferance affeuré,
( Vous feule cognoiffe?fi ma fidélité
Mérite d'efire bien ou d'efire mal-traité )
Etfierayfondement d'vne perfiuerance
Quand de plus efferer ie perdray ï efferance.
Mais afin que ma playe icy vousfuft déclofi: Mon mal d'vn tel difeordfe contente fy fie
Oufi vofire mémoireJheureufle en autre chofe, plaifi,
Oufi vofire belsilnefaifoit fin deuoir, Puis d'vne autre viande t^Amour nefie re-
Ce papier quelquefois vous peufi ramen- p^ifiteuoir
L'accord & le difeord luyfleruent de paflure]
Le tourment quei'endure, en vousfiaifiant en- De tel arbre telfruit : cefi d'^Amour la na-
>~ tendre ture.
MARCASSVS.
i'ay cherché mainte année] Il dit qu'il a eflàyé plufieurs moyens de fedcfpeftrer de fon amour , comme par
l'abfence d' vn temps affez long & par d'autres objects : mais qu'il n'a rien auance : que plus il s'eft debatu pont
fortir des fers, plus il s'eft rendu cfclaue : qu'en fin puis qu'il y a del'honneur à fouftenir les efforts de fi belles
armes.il fc refout de l'aimer éternellement, de tirer des confolations defesdeffkueurs,& de belles cfpcrances
diidefcfpoir. Tout eft icy aifé.
ELEGIE XII. fiées
I. HVRAVLT, SIEVR braffées?
Ne vois-tupas commentées Vignes enlafi
Serrent des grands Ormeaux les branches em-
de la Pitardiere. Regarde ce bocage, ey voy d'vne autrepart
Les bras longs ^r tonus du Lierre grimpart
1
Oicy le temps, H V R A V L r,qui Enfirpentfe virer à l'entour de l'eficorce
ioyeux nous connie De ce chefne aux longs bras , ey le baifler à
Par l'amour,par le vin , d'efbatre
nofire vie :
L'an reprend fa ieuneffe, ^r nous monfire
force.
N ois-tu le Rojfignol, chantre Cecropien,
Quifleplaint toute nuiét duforfiait ancien
comment Du mal- heureux Terée, ey d'vne langue ha~
Jlfiaut ainfi que luy rajeunir doucement.
Ne vois-tupas,HVR AVLTj ces ieunes Aron-
délies,
bile
Gringoterpar les bois la mort deflon ltyle t
H reprend, il retient , il recoupe le fon
(fes Pigeons tremouffans & du bec & des ailes, Tantofi haut,tantoft bas,defia longue chanfion,
Se baifler goulûmentfy de nuiél& de iour cApprifle fans nul maiflre, ey d'vne forte
Sur le haut d'vne tourfie fiulaffer d'amourf haleine
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ijio E L E G
Raconte de fa fleur les larmes ey la peine.
Ne vois-tu d'antre part les Nymphes en
ces pre%
EfimaiUe?,pcintnrex.,verdure?,diapreX4>
D'vnpoulce délicat moiffionner lesfleurettes
Qui deuoient eflre proye aux gentilles auettes,
Lefiquetles en volant defilions en filions,
Deiardins en iardins auec les papillons,
A petits branles d'aile amaffent mefinageres
Des printanieresfleurs les odeurs paffageres ?
Cela nous admonefie en ces mois fi plaifians
De ne frauder en rien ïvflnflruict de nos ans;
Voicy la Mort qui vient, la vieille rechi-
gnee ,
D'vne fuite de maux toufiours accompagnée.
Jlflaut en deffit d'elle empoigner le plaifir,
Non en ce mois de May,où l'âge ey le loifir
Réueillent nofire fiang qui ieunement bouil¬
lonne,
Et aux plaifirs mignards tons nos fins aiguil¬
lonne.
Mais lors quefioixante ans nous viendront
renfermer,
Ilfiaut le triquetrac fy les cartes aimer,
Sansfie laifferdomter à la rigueur de l'âge,
I E S. *
Qui nous fera là-basfaire vn fi longvoyage,
D'où plus on ne renient, au moins comme l'on
dit:
Si Catulle a menti mafaute eft à crédit.
Tu prens (ie lefçay bien) le confeil pour
toy-mefime
Que tu m'as ordonné : tu nos point le teint
bleflme
Ny lefiont renflongné: &penfè qu'à tevoir
Tu es vn gaillard homme $f prompt à t'efi-
mouuoir,
Quand tu as prés de toy quelque gentille Da¬
me,
Dont la ieune beauté tefait réjouir l'ame:
Puis tufers Apollon qui t'efihaufle le fein,
Et le pere Bacchus ne te 'vient à defdain.
le t'en reffemble mieux : car en mafian-
tafie
N'entra iamais ny dol, nyfard,nhypocrifle. '
le courtine Bacchus , Erycine, Apollon ':
Les trois picquent mon c d'vn poignant
aiguillon :
le les prensfebrement:fi ie faux d'auenture]
La faute n'eft pas mienne, elle vient de na¬
ture.
MARCASSVS.
Voicy le temps, Humât] il exhorte Ton amy de fuiure les plaifirs dc la vie , & d'imiter toutes les chofeà
de la Nature qui fc réjouïffcnt au Printemps , à celle fin que la Mort ne le furprenne pas fans auoir bien paffe
le temps. Chantre Cecropien ] C'eft à dire , Athénien , & Philomele eftoit d'Athènes, qui fut changée en Rof-
fignol. Du forfait ^Terée ] Parce que Tcréc Roy de1 Thrace qui auoit efpoufé fa feur Prognc, la força:
Nous en auons parlé ailleurs, si Catulle a menty] A caufe que Catulle dit, que perfonne ne fcréucille i»;
mais depuis qu'vne fois il eft endormy en l'autre Monde.
Soles ocadere,

ELEGIES. 9rï
La nuiét quand les fioldarsflur la terreflom- Vosgrâces, vos beauté? fidiuines fyfiaintes,
meii Ueni Par lepinceau di Amour dedans mon cuur em-
Delàguerre laffe?,mes penfers m e réueillent: praimes.
L'vnpreflentc à mesyeux voflre ieune beauté, Et lors iefluis certain qu'en regardât letrait
L'autre voftre douceurpleine de cruauté, Imprimédans mon fiang de vofire beau pour-
L 'autre vos doux propos que ie garde dans trait,
l'ame :
Tuisl'efferancevient, qui tout lecur nien-
Vous aurie% de mafoy parfaite cognoiffance,
Etflrie^ affleurée en mon obeïffance.
flame Madame,iefçay bien que toutfini ie nefuis
D'vn defir très- ardent d'aller bien tofi reuoir Qui deflre le lieu quegaigner ie ne puis :
Vosyeux qui me font viure ey fientir ey Vn homme feulement en terre ne regarde
mouuoir. La clairtédu Soleil quifis rayons nous darde.
Las! ie les aime tant que ie ne pourroy Jeflçay que vosgrandeurs,vos biens & vos
viure
Vne heureflans les voir,dont ï eficlair me flaiét
honneurs
Ont leferuice acquis de deux brauesSeigneurs,
future Grans de race & de biens, de qui la renommée
L'honneur & la vertu ey le chemin des Cieux, Reluit comme vne efloile à mi-nuiél allumée,
Tant iefluis redeuable à leurfeu gracieux ! Qui portans le harnois & leglaiue pointu,
le mourroisflans aimer leurgentille lumière Ontfaitpar leurs combasparoiflre leur vertu:
Qui m'embraî^a le clur d'vntflame première,
Et qui mefit fientir combien eflfiort & chaud
Si efl-ce toutesfiois bien qu'ils vantent leur
race,
L'Amour venant d'vn lieu fi honorable ey Courageux ey remplis de Martiale audace,
haut. le ne leur cède en rien : onfioitpourfaire armer
Iefluis la Salemandre,& nefuis à mon aifie Les galères bien loin furies flots de la mer,
Si mon c n'eft toufiours au milieu d'vne Soit pour combattre en terre, (if lefier de ma
braifie: lance
Lefieudevos beauxyeux tantfeulement me Arroufier dans le fiang des ennemis de France:
plaift, Mais ainfique la nuiélfi efface par le iour,
Stmonc&ur en brufiantfi nourrit &fipaifl. Tantfiyent-ils amoureux iepaffe leur amour]
Si d'vn cryftal bien net ma poitrine eftoit Or fi cefi bien aimer toufiours penfier en
faite, celle
Vous voirrie?clairemét mon amitiéparfaite, Quoneflime en beauté fnr toutes laplus belle,
Vous cognoifirie?flansfard maflame efiince- Neflonger, ne parler & ne réuer finon
1er, En fia douce beauté, enfi grâce, en fion nom,
Qui efilaire pins loin quand ie la veux celer : Et n auoir enpenfiantpourfinjet qu'vne chofle,
» ( Toutegentille ardeur éprifie en bonne place Eftre plein d'vn efprit qui iamais ne repofle,
» Ne fie cache iamais quelque chofe qu'on Ne viure plus enfoy, remourir mille flots,
face. ) Ne parler qu'à demi, entre -romprefa vois,
Vous voirrie?enmon c'ur viuement im- Dificourirfans difiours, viure de fiantafie,
prime? Tantoft efpris depeur, tantoft de ialoufie,
Vofirefiont^fire bouche ey vosyeux tant Se desfier de tout, ne f affleurer de rien,
aimez, Dijfimnkr le mal, fie promettre le bien,
Vos cheueux, les liens quiprifinniers me tien- Si cela efl aimer, ie confieffe, Madame,
nent, Que ie vous aime mieux que ie n'aime mon
Mespenfiers qui tousfinis en tous lieux m'en-
tretiennent,
ame,
Mesyeux,mon fàngymon cur: car ie ne veux
Voflre main qui moncur en fies beaux doigts aimer
eftreint : Moy-mefmes que d'autant qu'il vous plaift
Vous voirrie?au na'if voftre vifage peint, mefiimer.
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9U ELEGIES.
là deuxans fiontpaffe^que vous efies cer- Et tant pins elle a d'ern^ tantplus envon-
taine droit'
» Le vray contentement ne gtft en ïabon\
Combien pour voftre amour îaydc mal eyde ,
peine:
Etfil faut préférer celuy qui kpremier
dance,
» llgiftàlameflureeyàla fiuffifiance:
Ofi prier fa Dame
éhiéhe
De vousfairefur toute honnefle, bellefy ri-
Qui tua fon amy pour luy fembler trop
belle,
c"e> Et mort fous ce tombeau foufpire encor'
\Ilnefautreffembleràl'efiongeqmboit, pour elle.
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ELEGIE

1 flammes,
Sien
penfees
ELEGIES. t,tk
MARCASSVS.
ment,
aux moyens d'en auoir vn iour la jouiffance. U la fupplie de n'auoir pas plus d'égat_ ___i.tc» us _i.-~
corriuauxqu'ila, qu'à fon ardente paffion, qui eft fans pareille ,'& àfanobleffe &fa vertu, qui ne cèdent en
rienàcellede cesdeux pourfuiuans. Que fi elle demeure toufiours farouche en fonendroit,il eft content de
finir fa vie ,pourueu qu'on efcriuc deffus fon tombeau que fa Damel'a tuéparce qu'il l'auoit trouuéc belle
à fes yeux, Se amiable.
ELEGIE XIV. Sort:
Faifant maugré moy place à la rigueur du
Viconque ofle par force vne ieu-
Voyantflotter la nef i'aceuferois Fortune,
Qui meferoit (peut-efire ) auec mille commu¬
ne pucelle ne:
Loin des bras de celuy qui meurt Mais vn parent me l'ofie , S fiere cruauté!
pour l'amour d'elle,
Il a le cuur de roéhe ey l'efiomac defler,
Iamais entre parens n'habita loyauté.
%^4u temps de lafamine, en vengeance , la
Et l'humaine pitié ne le peut eflehaufler:
Il afiuccé le laiéî d'vne rouffe Lionne,
foudre
Sa cane eyflon grenier puiffe réduire enpoucAufiond
d'vne cauerne vne Tigrefélonne
L'a nourry de chair crue, ($y n'a dedans le
dre,
Et luy en la plus durefyplusfroideflaiflon
cuur Se puiffe refehaufler aufeu defia maiflon,
Que vagues,que roéhers endurcis de rigueur.
O Dieux ! ï aimerais mieux,fi i eftois Roy
Aille cherche*flon pain : fiesfils venus en âge]
Contre luy defiite^ luypuiffentfaire outrage
d'AJie, Par procez embrouille? de niille mefihans
Que la guerre mofiafl mon Sceptre que ma- tours,
mie. Pour la punition de rauir mes amours.
Safemmefioitpublique &foitpar la contrée
L'homme vit aifément en ce mortelfijour .
Sans auoir vn Royaume, ey non pas flans Au doigt de tout chacun vilainement moftrée:
amour, Soit toufiours en tauerne ayant vendu fis
» Amour qui efi la vie fydes Dieux ey des biens,
hommes. Etfiace deshonneur, comme putain, auxfiens.
Queflert d'amonceler les threfirs à grand's Dorme% en doux repos, o cendre Icarien-
ne,
Eflre Prince , eflre Roy,fans prendre le doux Deffous les myrtes verds vofire Idolefe tienne
fluiét Pour auoir bien aimé:fi vous aue^ vendu
D'vne ieuneMaiflreffe en fies bras toute nuiéîf Vojîrebien ieunement pourvne defiendu
Ah ! leiour ey la nuiét viennentpleins detri- ' Qui certes n'eftoit pas digne de voftre race,
fieffé '. DormeTi en doux repos : D i E V vous facefa
A celuy,fuft-ilDieu, qui languit finsMai- grâce :
flreffe. Tel vous pourra blafiner deuant les gens, qui
Las !fl quelque voleur ou pirate de mer fiçait
Faifiant en ce paisfles galères ramer, , Et cognoift en fion ctur que vous aue?Joien
M'auoit ofiéla mienne , ou quelque efirange fait.
Prince, Je ne fuis pas celuy qui cenfiurvous aceufe,
Patience forcée ilfaudroit que ie prinfie, Mais bien iefluis celui qui courtois vous exeufie,
Et ne me éhaudroit point de pleurerfur le Vous reffemblant d'humeur, ey qui fifis debord,
freux
HUhh
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9r4 ELEGIES.
Mourirainfique vous tres-fidele amoureux. Auant qu eftre amoureux loiierienepou-
Mon Dieu ! que fert d'aimer à la Cour ces uots,
Princeffes ? Comme fimple au mefiier , U guerre de deux
Iamais telle grandeur n'apporte que trifleffes,
Que noifles, que débats Ai/faut aller de nuit,
Il faut craindre vn mari,toute chofe leur nuit,
Ro ts
Paris $f Menelas, qui troublèrent l'Afie
Et l'Europe en faneur d'vnefi belle amie.
Puis pour leur recompenfe ils ne reçoiuent Or Menelas fit bien delà redemander
d'elles
Que le mefime plaifir des fimples Damoifilles.
Par armes, & Taris par armes la garder :
Carie tendre butin d'vnefi chère proye
Ils n'ont pas le tetin ny l'embonpoinét meil- Valoit bien vn combat de dix ans deuant
leur, Troye.
Ny les cheueux pins beaux, ny pins belle cou- Je les abflous dufait, ieflrois bien contant
leur, La demander dix ans, ey la garder autant.
Ny quand on vient aupoinéî des grâces pins
friandes.
Jl n'eft [ce diflent-ils) que d'aimer chofes
^Achille, ne defilaifle à ton Poète Homère,
Il t'a fait vngrand tort ! car après ta colère
Ieunement irritée encontre Agamemnon,
grandes, Il t'a flaiéi appointer pour ton mort compa-
Que d'aimer engrand lieu. Periffe la Gran- gnon:
denr
Qui toufiours flaccompaigne ey de craintefy
Tu ne deuois fluperbe entrer en telle rage,
Ou tu demis garder pins long temps ton cou-^
de peur ! rage.
Le ieune Dorylas en donne expérience, O le braue amoureux ! des cheuaux vifie-
Quipour aimer trop haut n'eut iamais pa- pieds,
tience, Desfemmes, des talens, des cite^ des trépieds
Malheureux de fin heur : Periffe la Gradeur Te firent oublier ton ire gênereuje,
Qui toufiours flaccompaigne ey de crainte ey Qu'à bon droit tu conceus pour ta belle amou-^
de peur ! renfle !
Tu diras au contraire : Vne riche Princeffe Tu deuois courroucé, flans tefléchir après,
Efi pleine deflâneurs , d'honneurs ey de ri- Brufler ou voir brufler les nauiresdes Grecs]
éheffe,
De Pages , d'Eflafiers. Hà ! quand on vient
Mats qui aurait , dy-moy, de te louer enuie,
Quand tu as plus aimé ton amy que t'amie f
au bien As-tu daigné coqu embrajfer Briflëis,
Du plaifir amoureuxja fuite ne vaut rien, Apres qu Agamemnon tes plaifirs a trahis,
Il fe faut cacher d'elle : en cela l'abondance Honnifflant tes amours ? (éf quoy qu'il iurafi
De trop defieruiteurs porte grande nuifance. d'elle,
Où quand on aime bas, iamais on n'eft épris Tu ne deuois penfler qu'il la rendift pucelle,
( Comme eftantflule àfeul) de crainte d'eftre Elle ieune& luy ieune, après auoir efté
pris : Couche-^ en mefme lift la longueur d'vn Eflê.
Ou bien fion eft fikrpris, ce n'eft que moquerie p/a ! tes 'geftesfiont beaux : mais tan amour
Qui n'apporte à l'^Amant querelle ny furie. légère
Quant à moy baffejnent ie veux toufiours Des-honore tesfaits , ey le Romant d'Ho
mère.
Et ne veux champion pour les Dames mar- Quant à moy,ny talens, nyfemme, ny cité
mer
Sans grande occafion : toute amour outragée,
Ne fiauroient appaifer mon courroux deffitc,
Queie neporte au cur vne haineufeflame
Hofleffe d'vn bon cfur defire efire vengée. (fontre ufauxparent qui nia raui mon ame.
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ELEGIES. ?V
MARCASSVS.
Quiconque ofle par force] Il difeourt delà neceflité qu'il y a d'aimer, des plaifirs qu'a vn heureux Amant en
amour, qu'au delà il n'y a point de contentement fonde: il fc plaint delà cruauté d'vn certain parent dc fa
Maiftreflè , qui jaloux de fon bien , luy a rauy fa chère moirié , il fait mille imprécations contre luy , & contre
rous ceux dont l'enuie trauetfe le repos des Amans. Paris ey Mcncla* ] Paris fils de Priam rauit de Sparre Hé¬
lène femme de Menelas, d'où vint cefte grande guerre de Troye. Compagnon] Iamais on ne peut appaifer
Achille apras luy auoir ofté fa Btifeïs que fon cher amy Patroclc ne fuft mort : le reffentiment qu'il eut dc fa
mort;luy fit reprendre les armes contte les Troyens.
ELEGIE XV.
'Ay ce
main
matin amaflé de ma
Ce beau bouquet digne de voflre
fein,
Si vn bouquet, tant foit digne, mérite
Toucher le fein d'vne telle Charité,
Dont la ieuneffe enflante mille fleurs,
Mille beauté?fujet d» mes douleurs.
Cegay bouquet qu'ici ie vous prefente,
Eftfait defleurs que la terre pregnante
Fait de flon fein les premièresfortir
Quand le Printemps le daigne reueftir:
Fleur qui le nomporte, tant elle eflbelle,
D'vn Dieu , d'vn Mois, de U Mer, eyde
celle
Qui la féconde en amour me gaigna,
St d'vngrandfieu le clur m'accompagna.
Or tout ainfique cefiefleur ne porte
(fauteur qui fioit d'vnefiemblable forte :
Voflre beauté diuerfe tout ainfl
Change de teint ey de grâces auffi.
Elle efl vermeille , ey vous efles vermeille,
Sa blancheur efl àla vofire pareille :
Elle efl d'azur, voflre effrit & vosyeux
Ont pour couleur le bel a?ur des (fieux:
Elle a le gris pourfla parure mifie,
St vous aimez la belle couleur grifie :
Slle bigarre fy colore flon teint,
Décent beauté? vofire vifiage eft peint:
Ellefient bon, (S/ vofire odeur efi bonne:
Gaye efi fit face,

9IS
ELEGIES.
MARCASSVS.
I'ay ce matin] Il prefentc vnbeau bouquet à faMaiftreffe, duquel Ucompare les fleurs; aux fleurs de fa
ieuneffe, la femond&l'inuiteaux contentements de la vie par le peu de durée queles plus belles chofes ont,
ïansccMonde. Prenante] Pour,groffe. D'vn Dteu] C'eft la fleur qu on nomme Marguerite qm porte
comme il dit , la première lettre du nom de Mars , de May , de Mer & de Marie fa féconde Maiftreffe.
ELEGIE XVI.
E finis certain que vofire bon
effirit
Dira foudain qu'il verra cet
eficrit,
Queie reffemble au marinier qui donne
Repos au (fiel quand la marine efl bonne,
Et defles vtux ne va point tourmenter
Neptune en l'eau, ny au Ciel Iupiter,
Lors que le vent em-poupe fin nauire,
Faiflant chemin où flon caur le defire.
Mais quand l'orage en la mer le fiur-
prend,
Et quand fia mort deffus la vague pend,
T aile ty tremblantfait cent mille prières,
Pour eflhapper, aux Nymphes marinières :
Si qu'en fi dure & fiaficheufie fiaifion
Toute fit bouche efl pleine d'oraifen;
Croire fies bras, ey en telle fortune
Promet en vtux des grands dons à Neptune.
Puisfie voyant eflhappé du danger,
S'enfuit gaillard, flans coulpable flonger
Comme il doit rendre aux Dieux fur le ri-
uao-e
Ses vrux iure% au milieu de l'orage.
Dételle erreur vouspourre? ptaceufler:
le le confleffe , ($y ne puis m'exeufier:
le fins ma flaute, ey flçay bien qu'elle efi
grande,
Et pour cela pardon ie vous demande.
Quand ie finis aifie à mon repos icy,
Sans paffians, affaires & fioucy,
Snfléd'honneur ey braue d'ejberance,
Je ne vous flay ny cour ny reuerence,
le ne voy point troubler voflre repos,
Rompre voflre aifie ou trancher vos propos:
Carfins mentir ie fierais confidence
D'abufier trop de vofire patience.
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Etfi ie faux, comme certes iefaux, ,
D'vnfui deuoir procèdent mes defaux,
St du reffeéî trop grand que ie vous porte,
En vous craignant ey honorant de forte
Que ie ne pws de vosyeux approcher,
Tant ie les aime & crainde les flaflher.
Mats quand Fortune icy m eft adu/erfiaire]
Quand ie ne puis defiecher mon affaire,
Quand quelque ennuy medeflrobe l'effoir,
Quand on ne veut ma Mufe receuoir,
Quand vnfafiheux Chryflophile réchine
%^A maprière, ou me tourne l'efihine,
Ou parle à moy par fraude ey par cour¬
rons,
Tour mon flupport ie me retire à vous, ,s
Je vous careffe ey courtifle ^ fiupplie,
Et par eficrit, Deeffe, ie vous prie
Comme mon tout , ey ne fuis abuflé:
Auffi devons ie nefuis reflufé,
Tant vousaue% l'ame gentille eypure
Qui les vertus aime defi nature,
Et qui nefiuffre, en defiitdu malheur,
Qifvn vertueuxfoit vaincu de douleur.
C'eft la raifion pourquoy ie ne confleffe
Que des Vertus la belle troupe ejbeffe
Soit retournée ( ainflqu'on dit ) aux Cieux,
i*Abandonnant ce Monde vicieux.
Car vous voyant , de Beavne,«
terrefiuiure
Toutes vertus, on les peut dire viure
Toutes en vous , ey en vous elles font
Apparoiffant toutes flur voflre fiont :
Si que celuy qui de présy prend garde,
Vous regardant, en vous il les regarde.
En cefte (four la plus-part font menteurs,
Trompeurs, caufeurs, mefidiflans, affronteurs,
Vous prefquefeuley efles véritable,
Phnnix d honneur qui n'a point de flembla*
ble.

ELEGIES.
MARCASSVS.
le fuis eertain]ll s'excufe à quelque Dame dc la Courdu peu dc foin qu'iladeluy faire la cour, qu'en le*
neceffitez où clic le peut feruir : il dcfguifc cefte oublianec du refpect qui le rend fi froid à fon accez qu'il n'ofe
prefque approcher d'ellc,que quand la fafcheufe neceflité luy pouffe malgré luy. chryfiphde] Il entend quel¬
que Treforicr de l'Efpargne,qui faifoit en fon endroit le chiche de ce dont fon Roy luy eftoit libéral. Chryfophilc.vaut
autant à dire comme, amy de l'or, ou auarc.
ELEGIE XVII.
Ous flfimes vn contraél enflemble
ï autre iour,
Que tu me donnerois mille baiflers
d'^Amour,
Colombins,tourterins,à léures demi-clofls,
Afenfbirs foufbirans la mefme odeur des ro-
A langue fierpentine , à tremblotans regars,
De pareillefaçon que Venus baifie Mars,
Quand il fi pafimed'aife aufein defla Mai-
ftreffe.
Tu asparfait le nombre, helas ! ie le confleffe :
Mais Amour fans milieu, ami d'extrémité,
Ne fle contente point d'vn nombre limité.
Qui fierait facrifice à Bacchus pour trois
&*Peh
A Pan pour trois aigneaux f Iupiter, quand
tufiapes
De ton foudre la terre, (ayant poitry dans
l'air
Vne poiffeufie nue enceinte d'vn eficlair)
Ta Majeflé fans nombre eflance pefie- méfie
Tluye fur pluye effpaifle ey grefle deffus
greffe
Sur champs , mers eyfiorefls , fins regarder
combien.
MARCASSVS.
n
Vn Prince eft indigent quipeut nombrerfion
bien.
Uabondance appartient à la Maifion Roya¬
le,
D'abondance en baiflers ma Maiflreffe t égale.
Or toy donques centfois plus belle que
n eftoit
Celle qu'aux bords de Cypre vne Conquepor¬
toit,
Treffurant les cheueux de fi tefie immor-
telle,
Encore tout moiteux de la mer maternelle:
Imite- moy ce Dieu,fins efire chiéhe ainfi
De tes aimes baifiers,dont mon c vit ici.'
Si tu ne veux conter les langueurs ey les
peines,
Ny les larmes quifiont de mesyeux deuxfon¬
taines,
Pourquoy me contes-tu les biens que ie re-
py>
Quand ie ne conte point les maux que i'ay
pour toy t
Car ce n'eft la raifion de donner par mefiure
Tes baifers , quand des maux innombrables
tendure.
Donne-moy donc au lift , enflemble bien v-
nis ,
Tes baifiers infinis pour mes maux infinis.
Noue jifmts"\n contrai! ] Ayant receu de fa Maiflreffe les baifers qu'elle luy auoit accordé, comme s'il n'en
auoit pas reccu vn feul,il la prie dc les luy vouloir continuer auffi amoureux que font ceux que la Dccflc d'A¬
mour les donne à Mars : Difant qu'Amour hait le compte limité,autant qu'il aime l'infinité, eftant luy-mcfme
l'infiny : &que fi elle defirc contenter ce Dieu.qui peut renger Ces volontez aux fiennes , elle luy donne do pa¬
reilles faueurs qui ne finiffènt iamais qu'auec l'immortalité de leurs affections. ^/t langue ferpentme ] C'eft à
dire, la langue dans la bouche : ce qu'on appelloit baifer en ferpent , parce que fon aiguillon eft fendu en deux,
de forte qu'il femble qu'il ait deux langues. Cefte façon dc baifer s'entend facilement dc ce que dit vn ieune
Amoureux dans Plaute à fa Maiflreffe : Fae me proferpentem bejtiam,duplieem "W habeam linguam. C'eft à dire , le te
prie que tu faces qu'en me baifanr i'aye deux langues en la bouche.à fin que ie reffemble le ferpent qui en a deux.
Pan] Dieu des Bergers. Vne Connue portoit ] Il entend Venus, quiabordaen I'ifle de Cypre dans vne co¬
quille. Maternelle]Lc Ciel cngroflit la Mcr,felon nos Mythologiftes, duquel embraffement nafquitVenus.
filmes] Pour, douces Se fauorablcs.
HHhh iij
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piS
ELEGIE XVIII.
Ans ame, fans efirit,finspouls,
eyfians haleine,
le n'auois ny tendon, ny artère,
ny veine,
Qui diffoutejiéfufidu combat amoureux :
Mesyeux efioient couuerts d'vn voile téné¬
breux,
Mes aureiUes tintaient, ey ma languefichée
Eftoit à mon palais de chaleur attachée.
^A bras demi-tombe^ ton col i'entrelaçais :
Nul vent de mes poulmons paflmé ie ne pouf-
fois :
I'auois deuant les yeux ce Royaumefiunefle
Oui iamais ne ioûit de la clairté celéfle,
Et du vieillard Çharon le bateau vermoulu
( Royaume que Plutonpour partage a voulu.)
Bref i'eftois demi-mort , quand tes poulmons
fenflerent,
Et d'vne tiède haleine enflouffvrant faufilè¬
rent
ETE GIES.
MARCASSVS.
Vn baifer en ma bouche entrecoupé des coups
De ta langue le?arde, ($y de ton risfi doux;
'Baifer vinifiant, nourricier de mon ame,
Dontîaime, douce, humide, ey refiaurante
flame
Sfloignade mesyeux mon trefias & ma nuit,
Et fit que le bafleau du vieillard, qui conduit j
Les âmes des Amans à la riue amoureufe,
S'en allaflans pafifier la mienne langoureufie.
lAinfl iefius guary par l'efirit d'vn bai¬
fer:
le ne veux plus, Maiflreffe, à telprix ap¬
paifer
Ma chaleur Cyprienne , ey meflmement à
l'heure
Que le Soleil ardantfins la Chienne demeure,
Et quefion Chaud rayon fur nos tefies iette,
Brufle tout noflreflang, ey r'enflame l'Sflé.
En ce temps flaiflons treue,efi argnonsnofire
vie ;
De peur que mal-arme^de la Phitofiphie
Nous ne fintions feudain, ou après à loifir.
Que toujwms la douleur voifine le plaifir.
Sans ame y fans efprit] Ilditqu'vn iour d'Eftéil fc lafla tellement en la lice amoureufe qu'il fut tout prefi
de rendre l'ame, il fa Maiitrefle ne l'eut retenue par l'efprit d'vn baifer amoureux qui luy rendit fes forces:
Il demande donques >fagequ'ileft deuenu à fesdefpens,tréuc de cet exercice durant la Canicule , proteftant
d'cmployerfescourfesenvne meilleure faifon. Eunefie ] Il entend l'Enfer. Charon] C'eft le Nautonnier
des Enfers, qui paffe lésâmes des trcfpafîez. Pluton] Dieu des Enfers. Cyprienne] Amoureufe. La chienne]
C'eft la Canicule, fous laquelle régnent les plus fafcheux iours de l'Efté.
ELEGIE XIX.
A ROBERT DE LA HAYE
Maiftrc des Requeftes de la
Royne de Nauarre.
Ii' eftois à renaiflre au ventre de
ma mère
{^Ayant,comme i'ayfiait,prati¬
qué la mifiere
De cefie paume vie, fy les maux iournaliers
Quifont des cuurs humains compagnonsfa¬
miliers)
Et que la Parque dure en filant me vint dire:
Leqnelveux-tu,K ON s a R v,des animaux
cfllire
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Pour viure à ton plaifir f certes i aimerais
mieux
Reuiure en vnoyfieauey voler par les Cieux
Tout plein de libertéi auoir vn beau plumage
Bigarréde couleurs, fy chanter mon ramage
De tailli?en failli^, de buiffons en buiffons,
St aux Nymphes des bois apprendre mes éhan-
fions,
Et de mon bec cornu parmy les éhamps me
paiftre,
Que par deuxfois vn homme en ce inonde re¬
naiflre.
Paimerais mieux veflirvnpoiffon eflcaiUé,
Et fendre de Tethys le fiejour efimaiUé
De bleu méfiédepers,ey du ply de l'efichine
Flotter de vague en vague au gré de la ma¬
rine:

ELEGIES: ^
Puis au plus chaud du iourferlant dufond Au contraire tes (ferfis, qui n'ontpoint di
des eaux, raifion,
Pareffeux me ranger aux monfirueux trou- Les poiffons, les oyféaux,fiontfins comparais
peaux fin
Du vieil Berger Protee ey dormirfur lefable, Trop plus heureux que nous, quifins foin e&
Que me voir dereéhefivn homme mifierable.
ï aimeroy mieux renaiflre en vn Cerf bo-
fans peine
Srrent de tous cofte? où le plaifir les meine :
cager, Ils boiuent de l'eau claire, ^yfie paiffent du,
Portant vn arbre auflont , ayant le corps fiuiél
léger Que la terrefans art d'elle mefme a produiéî.
Et les ergotsfourchus, eyfient eyfiolitaire Quefert (dit Salamon ) toutes chofes *»-'
Faire auprès de ma Biche es buiffons mon re- tendre,
paire, Rechercher la nature & la vouloir comprendre»
Saulterparmy lesfleurs, errer à monplaifir, Mourir deffus vn liure & vouloir toutfçauoir»
Et me laifferconduire à mon premier defir, Vouloirparler de tout ey toutes chofles voir,
Et la fiaiflcheur des bois ($f des fontainesfini- Et vouloir noflre effrit par eflude contrain-
ure, dre
Que me voir dereéheflen vn homme reuiure. %^4 monter iufquau Ciel où il ne peut attain-
De tous les animaux le plus lourd animal dre ?
C'efl l'homme , lefujet d'infortune & de mal, Tout nefl que vanité ey pure vanité:
Qui endure en viuant la peine que Tantale
Là bas endure mort dedans l'onde infernale,
Tel defir efi bourreau de nofire humanité.
(farfi nous cognoijfions noflre pauure naturel
Et celle de Sifyphe ey celle d'Ixion. Et que nousfiommes faits d'vne matière im-
V iffen Enfer il porte, ou par ambition, pure ,
Oupar crainte de mort qui toufiours le tour- Et mefime que le Cielfle monftre amy plus doua
mente,
Et plus vn mal finit ey plus tautre s'aug-
Etpereplus bénin aux animaux qu'à nous
Qui pleurons en naiffant, ey qui par lefup*
mente. plice
Toutesfiois à l'ouir difirettementparler, D'efire au berceau lie% ( comme fi ce fuft vice
Vous dirie% que fit gloire au Ciel s'en doit Dtflortir hors du ventre) à viure commençons,
voler, St toufiours en tourmens la vie nous paffons.
Tant ilflait enparlant de la befle entendue, Las !fi nous cognoijfions que nous n auons
Ignorant que les Dieuxluy ont trop éher ven- point d'ailes
due Pour voler au fejour des éhofies fupernelles,
Noflrepauure Raifion qui malheureux lefait, Nous ne ferions iamaisfoigneux ny curieux
D'autant que par-flns tons ilsefiime parfait. D'apprendre lesfècrets eflongne^de nosyeux :
Cefie pauure Raiflon le conduit à laguerre, ^Ains contens de la terre ey des traces hu-
Et dedans du flapin luyfait tourner la terre maines,
Ala mercy du vent,^ fi luy fait encor t Viurionsflans affeéler les éhofies fi hautaines !
Pour extrême malheur chercher les mines Mais que fiauroit voir l'homme au Monde de
d'or:
Ou le fait Gouuerneur des Royales Prouin-
nouueau f
C'eft toufiours mefime pfyuer fy mefime Re-
ces, nouueau,
Et quipis efi le meine au feruice des Princes : Mefime Eflé, mefime Autonne , ey les mefmes
Luy apprend les mefliers dont il n auoit be- années
foin, Sont toufiourspas à pas par ordre retournées.
Et comme d'vnpoinçon l'aiguillonne defiin :
St pour trop raifionner, mifierable il demeure
Ce Soleil qui reluit , luy-mefine reluifioit
Quand le bon Iofiuéfion peuple conduifeit,
Sansfie pouuoirgarder qu'à la fin il ne meure. Et noflre Lune auffi, c'eftoit la Lune mefime^
'""""* H H h h iiifl
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flo ELEGIES.
Qui luifoità Noé:ey la voûtefupréme Iemedeficauureà toy & mon cgur ie te laflhe.
Du fiel ani tout contient, c'eft cefie mefme- là Lors de mespaffions deflquellesie me deuls,
Où fur le éhar.flambant Helie s'en- vola. Tu gouuernes la bride, Èr ie vais ou tu veux
Ce qui eft a efté, & cela qui doit eftre, Tout ainfi qu il aduient quand vne tourbe
Decequi efi paflédoit receuoirfion eftre: efmeue
Lefait fiera desfiait eyptiis fera refait, Qj*i àeçà qui delà mutine fle remue
Et puis eflant refaitfle verra re-de sfait: De courroux forcenée, ey d'vn brasfurieux
Bref ce nefl qu inconfiance$ quepure men- Caillonsfiâmes & dardsfiait voler iufqu aux
j-onge deux,
De noftre pauure vie, ainçois de noflre fonge. Si de fortune alors vn graue perfonnage
L'homme nefl que mifiere, ey doit mourir ex- Surnient en telle efimeute , elle abatfion cou-
prés \ rag>
Afin que par fa mort vn autre viue après: Et d'aureille dreffée efioute ey fi tient coy,
L'vnmeurtJ'autre reuit,& toufiours lanaifl- Voyant ce fiage front paroifire deuant foy
rmce ' Qui doucement la tance, $f d'vn gracieux
Parla corruption engendre vne autre effence. dire
Mais tout ainfi, la Haye, honneur Flatte flon c félon & tempèrefon ire.
de noftre temps, | Ainfi
QUentre les animaux par les éhamps habi- | quenr,
tans !
lors que monfins de ma raifion vain*
De mille pafiions me tourmente le cour,
S'en trouuent quelques-vns qui en prudence Tu luyfines le fiein, corriges fon audace,
valent yAbaiffesfa fureur & le tiens enfaplace :
Plus que leurs compagnons $r les hommes éga- Puis me parlant de Dieu tu m'enleues l'efirit
lent %*A cognoiftrepar Foy que ceft que I E s v s-
Dé fiageffe & d'efirit : fouuentesfois auffi Christ,
Entre cent millions d'hommes quifiont ici, Et comme par fa mort de la mort nous deli-
S'en trouuent quelques-vns qui dans leurs are,
curs affemblent Etpar fionfiangnousfiait éternellement viure.
Tant de rares vertus , qu'aux grands Dieux ' En ce poinél de ta voix plus douce que le
ils reffemblent, miel
Comme toy bien appris , bien fiage ey bien Tu me rauis du corps & m'emportes au Ciel,
difiret, Tu romps mes pafiions, ey feul me fiais co-
Qui m'as diminué bien fouuent le regret gnoifire
De viure trop icy : car quand vn foin me Que rien plus fiainél que l'homme au Monde
fafiche, ne peut naifîre.
MARCASSVS. '
r si i'efiois a renaipe ] Il deferit la mifçrable condition de rhomme,qui eft en bute à tant dc malheurs. Mon¬
ftre qu'il feroit plus dcfirable pour viure heureufement, d'eftre quelqu'vne de ces beftes innocentes, qui cou¬
lent doucement leur vie dans le repos &dansla tranquillité. Puis il change d'auis quand il fonge aux graucs
difeours du Sieur de la Haye qui luy fait efpercr vne vie auffi heureufe après fa mort, qu'il trouue celle dont il
ioiiit à prefent infortunée. Tethys ] Pour la mer,par vne efpece de figure que les Grecs nomment Métony¬
mie, comme quand on prend Bacchus pour du vin, Cerés pour du bled, & ainfi du refte. ar la corruption ]
Selon l'opinion des Philofophcs qui tiennent que Generatio l>mws efi corrupuo alterm. Tettt amfi «h il admtnt 1
Cefie excellente comparaifon eft prife dc cellc-cy de Virgile:
^/Ccwuti magno m populo cum fiepe coorta. eft
SedttiOyftmt^ue animit ignobile -)>ulgMy
Jâm^ue faces *d tefta liolant :furw arma miniftut.
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ELEGIES:
Tutn pietate grattem ae meritiffi fort» \iru_m fiem
Conffexere, filent , arretlïfijite auribut aflant .
ille régit diiîis animas ZT peBora mulest.
La Haye] C'eftoit vn Maiftre de* RequeftesdelaRoynede Nauarre, fnur de François I.
ELEGIE XX.
A R E M Y B E L L E A V,
excellent Poëte François.
E veux,mon cher B E L L E A v,
que tu n'ignorespoint
D'où, ne qui eft celuy , que les
Mufis ont ioint
D'vn nlud fi ferme à toy , à fin que des an¬
nées
A nos neueuxfuturs les courfies retournées
Ne cèlent que Belle a v ($r Ronsard
n eftoient qu'vn,
Et que tous deux auoient vn mefme ciur com¬
mun.
Or quant a mon anceflre , ila tiréfla race
D'où le glace Danube efi voifin de la Thrace :
Plus bas que la Hongrie, en vne froide part,
Efi vn Seigneur nomméle Marquis de Ron-
S ART,
Riche d'or & de gens, de villes & de terre.
Vn defisfilspuifne? ardant de voir la guerre,
Vn camp d'autres puifne^ affembla ha?ardéux,
Et quittant fion pays,fiait Capitaine d'eux
Trauerfia la Hongrie ey la baffe Alîemaigne,
Trauerfla la Bourgongne eylagraffe (fhampaigne,
Et hardi vint fieruir Philippes de
Valois,
Qui pour lors auoit guerre encontre les An-
glois.
Il s employafi bien auferuice de France,
Que le Roy luy donna des biens àfiuffifance
Sur les riues du Loir '.puis du tout oubliant
Frères ,pere eypays, Françoisfi mariant,
Engendra les oyeux dont eftflorty le pere
Par quipremier ie vy cefte belle lumière.
Monpere de H E N R Ygouuerna la Mai¬
flon,
Fils du grand Roy François, lors qu'il
fut en prifon
Sit
Semant de fiur hoftage à fion pere en Efla-
gne :
Faut-ilpaS qu'vn firuant fin Seigneur ac¬
compagne
Fidèle à fla fortune, ey qu'en aduerfité
Luyfait autant loyal qu'en la félicité î
Du coflé maternel i'ay tiré mon lignage
De ceuxde /

9tt ELEGIES.
Ievins en^uignon, où Upuifiante armée
Du Roy F r A 5 co ï s eftoit fièrement ani-
y
Sinon elle quifut desflots fale^conuerte,
Et le bagage efhars que le vent ficauoit ,
£r qui feruoitflottant aux ondes de jouet.
cJ/r'cHARLES D'A VsTRiCH^Ô- D'Efcoffe retourne te flusmishors de page,
n- r j ' pt à beine feize ans auoient borne mon aze,
laie fus donne c,f a ï1" I * -, *.
Page auDuc d'O R L e A N s : après ie fus Que l'an cinq cens quarante auec V>Aisie
mené vins
Suiuant le Roy d'Eftoffe en Efioffoifi terre, En lahaute *Ahmaigne, où deffous luy i'ap-
Où trente mois ie fus eyfix en Angleterre. pnns
^A monretourceDvc pourPagemere- CombienpeutlaVertu: après la maladie
Par nefçay quelDeftin me vint boucher l'o'ùie,
.rm *
Long temps àl'Efiurie en repos ne me tint Et dure m'accabla d'affommementfilourd,
Qu'il ne me renuoyaft en Flandres eyZelan- Qu encores auiourd'huy t'en refte demi-fiourd.
°^/f L'and'apres^nAuriljAmourmefitfiurpren-
St depuis en Efcoffe, où la tempsfte grande dre,
^Auecques L a s s ï g n i çuida faire ton- Suiuant la Cour à ÏÏlois , des beauxyeux de
fljcr Caffandre,
Pouffee aux bords Anglais, ma neflcontre vn Soit le nom faux on vray , iamais le temps
rocher. vainqueur
Plus de trois iours entiers dura cefle tem- N'effacera ce nom du marbre de mon ceur,
pefie, Conuoiteux de fçauoir diflciple ie vins efire
D'eau, de grefle ey d'eficlairs nous menaçant DeDANKATa Parts qui fiept ansfut mon
la tefte: Maifire
__ la fin arriue% flans nul danger auport, Sn Grec ey en Latin : chez luy premièrement
La nef en cent morceaux fle rompt contre le Noflre ferme amitié print fin commence^
bord,
Noms laiffantfur la mde,($f point n'y eut de
perte
ment,
Laquelle dans mon ame atout iamais&celle
T>e noflre amy Baie flera perpétuelle.
MARCASSVS.
I /«*, j»o» cherBelleau] Il raconte icy àRemyBellcau excellent Poète de fon temps , fon extraction &
l'antiquité de fa maifon, auec vne bonne partie de fa vie. Dmube ] C'eft vn fleuue renommé d'Allemaigne.
Thrace] Partie delaGrecc. Marqua] C'eftoit eftre grand Seigneur en ce temps-là, car ilyauoit fort peu
dc Marquifats. Henry] Henry II. pour lors Duc d'Orléans. C'eftoit beaucoup que d'eftre en ce temps là
Maiftrc d'Hoftel du Roy : car ces charges ne fe donnoient qu'à de braues gens , & n'y auoit point de Valets de
chambre qui ne fuffent Gentilshommes. François] François I. qui fut pris deuant Pauie tout couuert dc
poudre Se de fang. Fut en prifon ] Le Roy François I. retourna en France ,& laiffa fes deux fils François
Dauphin & Henry Duc d'Orléans , du depuis Roy , en oftage en Efpagne. Trtmouille ] Dont Madame la
Princcffe merc de Monfieur le Prince de Condé porte le nom. Bouchage] De la maifon de Ioyeufe, pere de
Madame de Guife, mcredeMadamoifèlIcde Montpenfier. 1{oùahx] D'où eftoit ce grand guerrier Ioachim
Roiiaut Mareichal de France fous Charles VII. Chaudriers] C'eftoit vne ancienne maifon. Toutaufi
torque ne] Il dit cela à caufe que laDamoifcllequi le portoit quand on l'alloit baptifer , le laiflâ tomber furvn
f>ré. Voyez Claude Binet en fa vie. le ne fw le premier] De l'aifné font encore viuans comme petits fils de
a Poiffbnnierê & le Cheualier de Ronfard,& plufieurs filles des vns & des autres. Vailly ] Il eftudia au Col¬
lège dcNauarrc fous vn nommé de Vailly.fouslequcleftudia aufîi ce grand Cardinal de Lorraine. Charles
d'^Aufiriche] Empereur & Roy d'Efpagne, qui attaqua la Prouence, & qui fe vantoit d'auoir Paris comme
Madril. Voyez les Mémoires de du Bellay Lieutenant en Piedmont. Ducd'orleam] Henry II. eftant Dauphin
par la mort de François fon frère empoifonné àTournon par le Côte de Montecuculo. Le Roy a"Efcofe]Quznà
il en emmena Magdeleine fille de François l.qu'il cfpoufa dans Paris : Ce Roy eftoit grand Pere de IaquesRoy
d'Angleterre & d'Efcoffe à prefent regnant:il efpoufa en fecôdes nopces la fur de Monfieur de Guife François
de Lorraine, d'où vient le parentage qui eft entre Meffieuts dcGuifè& le Roy d'Angleterre. En Flandres] Le
Duc d'Orléans enuoya Ronfard qui eftoit fon Page en Flâdres & en Zelande pour quelques parolles de créan¬
ce qu'il cnuoyoit à fa Maiflreffe niepec de l'Empereur. Lapltçny] Seigneur François. Baif] C'eftoit Lazare
deBaïf Gentilhomme Angeuin, parent de ceuxdeLaual &deGuimené, Ambafladeur pour le Roy en Alle¬
magne comme il l'auoit efté à Venife, homme très- fçauant, tetmoinslesliuresqu'ila faits De rennuaHs^ £>ere
Tie/sana. U eftoit perc de Ian Antoine Baïf excellent Poète. ^
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ELEGIE XXI.
Vand l'homme ingrat fierait
tons les iours facrifice
D'vne hécatombe aux Dieux,
fraude defion feruice,
Nefiroit eficouté: car leursyeux deftourne^
Ne fi voudraient fouiller defles prefins don¬
ne? '
Tant l'homme ingrat defflaifl aux Dieux qui
toutpreuoyent,
Et qui de leurs tonneaux bien ey malnous en-
uoyent.
Si i'efloy, Lomenie , ingrat en ton
endroit,
La Mufie déformais rétine ne voudrait
Venir a mes éhanfions , ey pour-néant fia
traffe
lefluiuroyflur le mont du éheuelu Parnaffe :
Pour-neant ie boiroy des flotsioniens,
En vain ie dormirais es antres Thefiiens,
En vain ie nammeroy fin nom par les riua¬
ge s:
Car elle mefiniroit dans lesforefts fiuuages,
Elleey toutesfes Snurs, comme ne voulant
pas
ELEGIES. 9i$
Suiure d!vn homme ingrat ny la voix, ny les
pas.
Pource Pindare feint que le damnéTantale
t^Admonnefie à bon droiélparmy l'ombre in¬
fernale
Chacun debteur de rendre à fion tourte bien¬
fait
MARCASSVS.
Qu'vn autre auparauant amy luy aurafiait.
Quand ie t'auroy donné les threfors de l'A¬
fie,
le n'auroy peu reffondreàcefte counoifie
Dont tu m'as obligé de telle forte à toy,
Que la mort ne perdra les grâces que i'en
doy ,
Non certes à toy feul, mais enfiemble à ton
frère,
Que (falliope efiime ey qu Apollon reuere.
Car tant que mes chanfons auront quelque
pouuoir,
le veux qu'à nos neueux elles flacentfçauoir
D'âge en âgefuiuant (pour euiter ïoffenfiè
Où tombent les ingrats) qu'en finie recom¬
penfe
De tant d'honeftete?dont tu mas rendu tien,
le ne t'ay rembourflé, ny n'aypeu, d'autre bien
Que du bien des neuf S : bien qui pauure
ne cède
Aux pins riches threflors que l'Orient poffede.
Quand l'homme ingrat] Il faitvn remerciement à Monfieur dc Lomenie , de quelques particulières obli¬
gations qu'il confcffeluy auoir , lefquelles il dit qu'il faut ncccffairemcnt qu'il recognoiffe par toute forte de
deuoirs s'il ne veut encourir la difgracc des Mufes. cheuelu] A caufe des arbres qui font aux montagnes ce
que font les cheueux aux hommes. Farnajfe ] Mont facré aux Mufes.
ELEGIE XXII.
A MONSIEVR LE GAST
Maiflre de Camp dc la
Garde du Roy.
Ou lané dans les eaux d'vne froide fon¬
taine,
Oufins le frais d'vn antre , ou deffous la
froideur
D'vn éhefine dont les brasfloppofint à l'ar¬
deur.
Mais nyfleuues ny bois, ny antres floli-
taires
Efinis bruflé, leGast, d'vne Ne peuuent refroidir l'ardeur de mes arte-
double fhaleur, res,
L'vne hafle mon fiont , l'autre Ny l'ofter de monfiang, tant vn amour nou-
enflame mon câur :
Le hafle de monfront fie refraichit fiantpei-
ueau
Fait fion nid en mon c-ur, fy pond cemme
ne, vn oifiau,
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_i4 ELEGIES.
Semblable au Rojfignol qui après fon aimée Tous les autres oifiauxen quelque place naif-
Va volant au Printemps de ramée en ramée, fient,
De bocage en bocage, ey de mainte chanfion Ou d'herbes , ou defruiéts , ou de graines fie
Va dégoifiant fit peine. En la mefinefaçon paiffent,
Cet Amour emplumé fans demeure certaine Et viuent entre nous , tyfontparmy les bois
Paffe de nerfs en nerfs,paffe de veine en veine, Ou cognns par leur plume, au cognns par leur
En mon foye, en mon cur, en mes os,en mon ^ois.
ran 0.} Le mien m eft incognufon nom & fit nature:
Tuis % fon traiél aigu mvlcerant tout' le Ny d'herbe ny defruiétsil neprendfiapaflure,
flanCi Mais d'vnfloufiir cuifiant, ey d'vn penfir
Fait Vn huispourfiortir , ey quand plus ie
meffaye
profond
Quiflenflante au cerueau &[è tientfur leflot:
Qu'il ne me fiace au crur pourfiortir vne Serepaift d'vnfiouey que d'vn antre ilallonge,
piaye,
Me vient ouurir la bouche , eyfl fort il l'e-
Et en lieu d'abbreuuoir en nos larmesfleplonge.
Les autres en volant amoureux ey contents
flraint Font vne fois leur nid au retour du Prin-
Qne maugré que t'en aye à chanter la con-
traint.
temps,
Et le mien auffi tofi qu'en mon ceur il prit
La langueil me defiie,ey luy-mefines inuente,
Sn ma bouche caché,tous tes vers que ie chante.
place,
Fit fes pufs,puis couua,puis me fit vne race
Luyfini me les infiire, ey i'efir'ts feulement De petits Amoureaux, qui de iour (ffff de nuit
Nonpas ce que ie veux , maisfon commande- Demandent la bêchée ey mènent vn grand
ment. bruit.
L'homme nepeut tromper fia rude defiinée! En vn iour les petits deuiennentgrands &
Hé!n efi-ce pas grand cas qu'en moins d'vne volent,
tournée Ils volentfiur mon c memangent,& niafe
Cet Amourpar lesyeux a gaignéma raifion, filent:
Et fieftfiait non amy , mais Roy de ma mai- Car ie n'ay ny le fiang ny le fioye bafiant
fin f Pour loger telle engeance ey pour en nourrir
Et fans auoir efigard aux neiges de ma tefie tant.
( Qommefima desfaite efioit deffouilleprefte)
Nourrit mon c en braifi ey aufeu qui me
ïay tendu des gluaux ey despanspour les
prendre,
perd, Toy tendu desfilets -.ils ne veulent m attendre,
Qui brufle d'autant mieux que le bots n'eftplus Jls deçoiuent ma m^in^f en les pourfuiuant,
verd. En lieu de les happer i,e neprens que du vent.
[et Amour, cet oifeau,car oifèau iel'appelle, Ils nefiontpas,LE GAST,denaturegrojfiere,
Suente quelquefois ma éhaleur defon aile, De froide, lente, ey flombre, ey peflante ma-
Et mefiait par effoir quelquefois reffirer, tiere:
Me trahiffant afin de mieux me martyrer :
Commefait le vantonr dont la faim arreflée
Ne ronge coupflur coup le cur de Tromethée,
Ains allongeant fa peine il le laiffé àflejour
Ils font prompts eyfiubtils, chauds, tendres &
menus,
Commei autre lignée ey d'autre aire venus.
Ils nefont Touranjaux, mais bien de la con-
Vne nuiél repofler pour le manger le iour. trée
Je ne fçaurois par art , efiude ny couflume Où Laure iufquau cgur deflon Pétrarque
Cognoiftre bien ce Dieu qui eft veftu déplu- entrée
me ' Fit pour ellefl haut éhanter ce Florentin,
Efirange efiflonplumage, & ie crains à loger Que Cygne parfles vers fiurmonta le Defiin :
( Tour n eftre point deceu ) vnfi ieune efiran- i Si qu auiourd'huy le Rhofine , ey Sorgue, ey^
ger> VdcclttTÇ
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Murmurant

ÊLE
Murmurant fion renom, font cognns par fia
Mufie.
Toy, LE G A s T, dont ïhonneurJesgrâces
ey l'attrait
Monflrent qu'vn bel Amour t'a blefié d'vn
beau trait
Et que tu as an crur quelque belle penfiee,
isi qui Mars ey la Mufle en vnfleulamaflee
Ont prodigué leurs dons,

$i6
ELEGIES.
MARCASSVS.
trou* ymons.mon BtUeau\ Il monftre par les diuerfcs pafïïons qui troublent le repos de noftre ame , com¬
bien les animaux font plus heureux que les hommes, qui fontefckues de leurs colères , de leurs haines & de
leuramour,qui ontautant dcmaiftresquicommandenttyranniqucmcntaleur raifon qu ils ont de defirs ôc
d'ambitions.
ELEGIE XXIV.
kA GENEVRE.
E temps fle paffe, eyfie paffant,
Madame,
Jl fait pajfer mon amoureufe
flame,
Si que le feu d'Amour qui me brufloit,
Ne brunepins mon cuur commeil fiouloit,
Et maintenant fa flame efl auffi lente
Quauparauant elle eftoit violente,
Quand viue ey claire en mon ame croiffoit
Et flur mon front luiflante apparoiffoit :
Si qu'on difoit me voyant en la forte,
Qu'au cuur i'auois vne fleure bienforte.
Tons les tefmoinsqui décèlent\fAmour,
Logeoient che%- moy : ie floufiirois teiour,
Le lift m eftoit vn dur camp de bataille,
St toute nuiét i'auois vne tenaille
Qui floye ey cdur ey poulmons me pinçoit .
Ore ma face honteufe palliffoit,
Puis rougiffoit : ma voix mal-prononcée
De longs fouff 1rs efioit entre- caflée,
De mes propos ien'aéheuoy le quart :
Comme vn réneur qui flonge en antre part,
l'auoy toufiours voflre fiace celefle
Deuant mes yeux, les grâces ($f legefte,
Le chant, les pas que vous auie? alors
Que ie vous vy danfler deffus les bors
De voflre Seine, oui'auallayïamorce
Qui me tira d'vne gentille force
De l'efiomac le caur, qui bien-heureux
Se confleffoit de fle voir amoureux.
Deux iours après que ie receu la playe,
le cours en pofleà Sainél Germain en Laye
Seruirmon R o Y,bien qu'Amour plusgrand
Roy
Tour leflernir m'appelafi tout àfoy.
Ny pour picquer nypour donner carrière
%si mon cheual , iene laiffay derrière
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Le chaud defir qui dans mon c viuoit,
Et compagnon en croupe me fluiuoit:
Ny pour pajfer le large dos de Seine,
Qui fle jouant quatrefois fie r'ameine y
D'vn vague pîy , retors ey regliffant, '
Et quatre flotsfle remonflre au paffant :
Je n'eftouflay pour les eaux de cefleuue
Lefeu bouillant d'vne chaleurfi neuue,
Qui commefloulphre ou pailleflaUumoit,
Et tout mon c en fiâmes confiumoit.
Le court chemin d'vn fi petit voyage
Mefut plus long que le glacé riuage
Que le Soleil n'efihauffe de fiesyeux,
Tant ilm efioitfafiheux eyennuyeux:
Vn beau fientier meflembloit vne ornière^
Vnefontaine vne crenfle riuiere,
Les bleds vn éhamp de la Bi?e batu,
Vn plein chemm vn paffage tortu,
Et me fimbloit ,tant infinflé i'efioye,
Que ce n eftoient que defirts en ma voye;
Si qu'en marchant ilmefimbloit marcher
Sur vne effine ou deffur vn rocher.
Or àla finpiquéd'amour extrême,
le picque tant mon cheualey moy- mefme,
Que tout penfifeylc cnur hors du fein,
Troubléd'effrit, ïarriue à Saine} Germain,
Là i'oubliay tonte ma Poëfie,
Là ieperdy raifon eyfiantaifie :
Carne pouuant ainfi que ie vonlois
Chanter mes vers aux aurcilles des Rois,
Comme affoléd'vne fiéure tropfolle,
le perdy cuur, langue, efirit ($y parolle :
Si que mon P R i N C E en riant cognut bien
Afignes tels que ie n'eftoy plus mien.
La nuiélflnrnint ( qui des liens du Somme
Plus doux que miel ferre lesyeux de l'hom¬
me,
Parle prefent du repos adoucy )
Fermant du cur la peine ey le fioucy ,
Mais non le mien : car autant que la Lune
Laiffa courirfia belle coche brune,
Quvncampdefeuxfiuinoit tout à l'entour,

I
Ïe finffiray, impatient d'amour,
dedans mon liél, tournant de place enplace:
Tous vospropos, vosgefles,voflregrâce,
Qui toute nuiélprifionnier me tenaient,
L'vn après l'autre au ceur me reuenoient,
Et par-flur tous ce conte lamentable
Où vous pleurie? voftre amy regretable :
Si que rany & confus me fimbloit
^Que voftre main me fendoit, eym'embloit
Le crur du fin, comme à l'heure première
Que ma raifon demeura prifionniere.
nJiïtais auffi tofi que l'Aube aux doigts ro-
fins,
Efcheuelée , eut tous les lieux voifins
Remply de iour, & que la treffe blonde
Du grand Soleil s effarpillaflur l'onde,
fc m'en-allay , comme rauy d'eflmoy,
Non courtisan auleuerde mon Roy,
Non bonnefer vn Seigneur qui peut flaire
Plaifir à ceux qui luy veulent complaire-
Mais me tuant de mon propre couteau,
J'erre tout feul dans le parc du Chafteau,
Penflant , réuant à ce gentil vifage,
Dont maugré moy i'auois au clur l'image.
Si quelque amyvenoit me careffer
Entre-rompant mes pas ($y mon penfler,
lel'abhorrois , maudiffant la fortune
D'auoir trouuevne langue importune :
Mon corps d'ahangoutte à gouttefluoit,
En cent façons ma fiace fie muoit,
Ne refiondant,neparlant, ey ma bouche
A l'importun eftoit comme vneflouche,
Monftrant affe?que tout ce qu'il difoit
Comme la mort ou pins me defflaifioit.
kA la parfln Amour quife promeine
Auecque moy, hors du bois me rameine,
Et me plantant deffus le haut du mont,
Droit vers Parts me fit tourner le front.
Lors m allégeant d'vne rufi gentille,
le humois l'air de cefie grande ville
Coup deffous coup, qui m'entroit dans lec
Et mempliffoit deforce $r de vigueur,
Comme penfiant humer la douce haleine
De la beauté qui me tenait en peine.
Puis ie difois, Hà ville ! qu'à bon droit
Tu nos égale au Monde en nul endroit,
Non pour le nom fl fameux que tu portes,
Non pour auoir pins que Thebes de portes,
Riche de biens, riche de citoyens,
ELEGIES:
1 Sans
Sang généreux de ces premïersTroyens
Que Francionfit abreuueren Seine
Quand il baflit au milieu de la plaine
Tes mursfijour de toute Royauté -
S*?
Mais pour celer en ton fein la beauté
D'vne fins pair comme toy, qui efl telle
Que tout efl laid en ce Monde auprès d'elle,
Commeil me femble,eyfi ie I'ay malfeu,
En lieu du vray le faux m'a bien deçeu.
Que viens-iefaire en cefie Courpour efire
Seul dans ce parc comme vn homme champe-
firef
La (four peuplée, ey qui aux autres fert
Depaffe-temps,m'efivn vuide defiert.
Veux-ie emporter du R o Y quelque largeffe,
Quand à Paris efl toute ma richeffe*
Ny Cour ny Roy ne valent fiabfienter
Du moindre trait qui mefait lamenter,
Et des rayons d'vnefl belle Dame
Qu'au cur ie porte ey que ie fins en l'ame.
Veux-ie languir en fi trifiefijour
Sans plus reuoir la clarté de mon iour t
Veux-ie penflfl, deflert eyflolitaire,
courti?er,flans prier,fans rienfaire]
Fafcheux,honteux,fians ayde eyflans confort]
Efire à la Cour la proye de la Mortt
Pourcepartons ey retournons vers celle
Où de l'amour la chance nous appelle.
le n'auoy dit que ie monte à cheual,
x^Au grand galop iedefeen contre-val
Au premier port, ey puis ayant paflée
Seine au long cours en elle entrelajlée,
D'vnfort efiron ie broffe le éloemin
Qui meflembloit pané de Ioflmin,
Et Amour fit ma courfi fi agile,
Que i'arriuay commevn fonge àla ville,
Vn peu deuant que le Soleil couéhant
KAtllaflle iour dans les ondes caéhant.
Lors defortune en paffant parla rue,
Eftant la nuiét plus noire deuenuè,
fe vous auifie à ïefl'ùeil de voflre huis
Comme vn qui penfle ey réue enfles ennuis.
Lors vous voyant fi trifie contenance,
De tefie enpied à trembler ie commence,
Et tellement me laiffa la raifon,
Que tout muet ie rentre en la maifon,
N'ofant troubler voflreflace abaiflfee,
Ny vous plongée en fi longue penfle.
Incontinent que le Qel efloilé
I 1 ii ij
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518 ELEGIES.
Du manteau noir de la nuiétfut voilé, La différence eflgrande ey meruciUeufie
Et que le Somme, enfant de la riuiere D'entre l'Amour ey la rage amoureufe.
DeStyx,verfi fur ma lente paupière Adonclavrayefy fimple affeétion
le ne fçay quelle agréable liqueur, Loin de fureur , de rage ey paffion
Jlme fembla qu'Amour m ouurit 1e c'ur, Nourrit mon cur, paffant de veine en veine:
Me fiparant en deux parts la poitrine, Qui ne fut point ny flrinole ny vaine;
Et me plantoit vne viue racine Car vous ayant de mon amour pitié,
Non de Laurier le prix de la vertu, Me contraigniez de pareille amitié.
Mais d'vn Genéure ey poignant eypointu, Comme au Printemps on voit vne belle
Tout heriflé comme il a de couflume,
St plein d'vnfinit tout remply d'amertume,
ante
S'effencier en la nouuelle plante,
Et toutefois amer ne mefimbloit, Et de deux corps parvn accord commun
Tant en mon ceur de douceur affembloit. Se ioindre enfiemble ey fe coller en vn .
Des mains d'Amour la racineplantée, Ainfi tous deux n'eftions que mefime chofe,
En vn moment deuintfi augmentée Voftre ame eftoit dedans la mienne enclofie,
St leflommet de fueilles fi couuert, . La mienne efioit en la voftrefr nos corps
Que tout mon ciur n'eftoit quvn arbre vert.
Tons lespenfers que i'auois pour la belle,
Par fiympathie & femblables accords
N eftoient plus quvn :fibien que vous,Ma-
Venoient fions l'ombre enlaflueille noujielle dame,
Deçà delà, comme ieunes oifeaux Et moy n'eftions qu'vn feul corps ey qu'vne
Qui vont volant an fiais des arbriffeaux ame,
)uand la ronfle arroufe leurs plumages,
Saluantï Aube en cent mille langages.
Ayant communs ($f penflers ey deflrs^
Ah! quand ie penfle aux extrêmes plaifirs
De mesflouffirs l'arbre prenoit éhaleur, Que ie récent durant toute vne année,
^Sa viue humeur s'engendroit de monpleur, I'ay du penfer l'ame fi efionnée
Dont le Genéure abondait d'auantage, Quelle mefait tout tremblant deuenir,
Metransformat moy-mefme enfin ombrage. Tant du penfer m efi doux le fiouuenir.
Toute la nuiét Amour me trauailla, Quand le Printempspouffait l'herbe nouuelle]
Me réueiUa cent fois ey réueiUa Qui de couleurs flefaifoit auffi belle
En me difiant ; Soisjoyeux , ie te prie, Qu'eft la couleur d'vn gaillard Papegay
le viens d'ouurirïeftomacdetavie: Bleu,pers,gris, jaune, incarnat eyvert-gay,
Comme îay mis vn beau Genéure au tien, Dés le matin auant que les auettes
Vn beau Rofieri'ay planté dans le fien Euffent finccé la douceur desfleurettes
Que d'elle- mefme en penfintjlle arrofie :. Qui embafimoient les iardins d'enuiron,
Pource, auffitofi que l'Aubeaux doigts de rofie Vous amajfie?^ dedans voflre giron,
t-Aura verfié le beau iour de fonfein, Comme vne fleur entre les fleurs affiifi,
Va- t'en vers elle,($y luy baifle la main. La couleur jaune , incarnate ey la grifie,
Ainfll'Amour,cegrandDieu,meconfleille:
Maisaujfi tofi queïaurore vermeille,
Tantofl la rouffe& la blanche, ey auffi
Le rouge oillet, le jauniffant fioulci,
Allant deuant les éheuaux du Soleil, La pafquerette aux petites penfees :
Fit l'Orient de rofies tout vermeil, j L'vnefur l'autre en vn rond amaffees,
le fors du lift, ie m'habille ey m'apprefte, Vn beau bouquet flaifle^ de voftre main,
J'alîay vers vous & vous fiy ma reqnefte
A voix tremblante , en tout obéifjant
A ce grand Dieu fldoux eyfi puiffant.
Lors vous trouuant auffidouce &traitable
Qufouparauant vous n'efiie^ accoflablc,
L'offrefureur qui mes os pénétra
Que vous caéhie?vne heure en voftre fein :
Puis me baiflant ,aufiortir de la porte
Me le donme?^ d'vnefi douce forte,
Quêtant le iour ï en fientoy reuenir,
Lafleur à l'il, au cur leflounenir.
A mon retour des champs ou de la ville,
?JHarioiLlt> &

ÈLE
~Vous m'accoÛie?j Qfëncent ey cent lieux
Vous me baifie^eyla bouche & lesyeux
De voftre langue à baifler bien apprifie.
Tantoflfronde^ les plis dema chemifie,
%^A chafique ply me baifiant,au mordant
D'vn petit trait mon front de voflre dent:
TantoflfiiTjeX, de voftre main vermeille
Mes blonds cheueux à l'entour de l'aureille,
Ou me pinfiez , chatouillie?, & i'efiois
Si hors de moy que rien ie ne fintois,
Mort de plaifir, tant le plaifir extrême
>^Auoit perdu ma raifion eymoy-mefime.
Mats ce plaifir que i'atloy receuant,
En peu de ioursfle perdit comme vent,
Et l'amitié chaudement allumée
S'affoupit toute ey deuint enfumée,
Fuft que le (fiel le commandafi ainfi,
Fuji vofire faute oufuft la mienne auffi,
Fuft par malheur ou par cas d'auenture,
Fuft que chacun enfiniue fia nature
Partrop encline auxnouueUes amours;
AhlfierDefiin, nous rompifimes le cours,
Sansy penfer, deïamitiépremière,
Quandplus l'ardeur couroit enfia carrière:
Si que laiffant le vieilpour le nouueau,
MARCASSVS.
gies: 919
Par inconfiance eyfureur de cerneau,
Tous deux picque? d'eflranges fienaifies,
Sn autre part mifines nosfiantaifies:
Si quêtons deuxfiafihe^de trop de loy,
Fuflmes contents de rompre noflrefoy
Pour la donner à de moindres peut-efire :
AinflAmour de toutes chofies maifire,
Ainfi le Ciel&lafiaiflon des temps
Furent &font fy feront inconflans.
Puis de telfait lafaute efl excufiabk.
Venus quifut Deeffe vénérable,
Naurée au clur desfiâmes ey des dards
De fin enflant, aima bien le Dieu Mars,
Ce grand guerrier nonrriffon de la Thrace,
Tefte ey terreur de noftre humaine race:
Tuis en quittant les amours de ce Dieu,
Elle choifit Adonis enfin lieu:
Tuisfie fiafichant d'Adonis,fut éprifie
D'vn Pafioureau, d'vn Phrygian Ancbifè
Qui habitait lefimmet Idean :
Puis en laiffant ce Pafleur Phrygian,
Aima Paris de la mefme contrée,
Tant ellefut defin plaifir outrée.
Slle fit bien d'auoir de tous pitié:
» Rien n efl fl flot qu'vne vieille amitié.
1
le tempsfepajfe] Ce difcours contient les inquiétudes que l'Amour luy donne, auec quelques contes qu'il,
faitde fon malheur.qu'il n'a iamais peu cuiter quelque remede qu'il y air appliqué: il fe plaint que d'vn heur
extrême dont il jouiffbit, ayantlcs bonnes grâces de Genéure, le temps l'ayant changée, l'a plongé dans vne
mer de trauerfes Se de marryres - puis il exeufe foninconûancepar l'exemple delà mère mefme d'Amour, qui
quitta Vulcain pour Mars, Mars pour Adonis , Adonis pour Anchife, & Anchifc en fin pour Paris. Les tef*
moins ] Ce fontîes foufpirs, les inquiétudes, les larmes, la palleur,& tout ce qui defcouurc le martyre dc l'ame.
len'acheuoy le quart] C'eft la couftume de ceux qui font trauerfez de quelque violente paffion de ne parler ia¬
mais qu'àdemy. Voyez ce ieune homme dans Tcrencc, qui amoureux dc Thaïs dit :Bg6ne illam? qwe iuum'ju*
mêlait* norfcrc Se iouant quatrefois] le croy qu'il faut mettre cinq au lieu dc quatre : car il y a les deux que l'on
paflbitau port de Nully deuant qu'il y eut des ponts, les deux de Chatou & le port au Pcq, par lequel on des¬
cend à Sainct Germain : que s'il vouloit prendre les quatre premiers pour deux,il faudroit dire trois fois & non
quatre. Portes ] Les fept portes dc Thebes font affêz renommées dans les Poètes Grecs & les Poètes Latins.
Qofins] C'eft l'epithete qu'Homère luy donne à chafque pas. Troyens ]De Francus qui aborda en France.
.Adonis] C'eftoit ce beau icunc Prince fils de Cynarc Roy de Cypre que Venus aima tant. ^tnchife]
Pere d'Enee. ldean ] Idc eft vne montagne proche dc Troye. Shrygian ] Ce Paftcur dc Phrygie, à fçauoir
Paris.
ELEGIE XXV.
Apres qu'ilvoid queflon Prince & fin maiflre
Ne veut ingratfin labeur recognoiflre,
En barbe blanche ey en cheueulgriflon
Omme vn guerrier refroidi de Seulfle retire à part en fla maiflon,
proueffe,
Qui a perdu fia peine eyfia ieu-
Et làpenfint en ïhonneur qu'il mérite,
Se paflfionne ey s'enflefy fi defiite :
neffe,
Voire fion fiang, le teflmoin defi foy,
Croi?ant les bras & regardant les Cieux,
Jure,protefie & attejte les Dieux
Suiuant le camp tfvn Seigneur ou d'vn Roy, De ne veflir iamais en nulle place,
tlii iij
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$30 E L E
Pour (ruerroyer,ny armet ny cuirace :
Mat quand il oit le tabourin finner,
Chaud de laguerreily vent retourner,
Et fans refieft de ferment ny d'iniure,
prendfon harnois ey fuit fin anantnre.
le fuis ainfi: car ayantfait fijour
Longtemps en vain fins la charge d'Amour,
Ayant porté longuement flon enfàigne,
Tenu fous luy ï amoureufe campaigne,
Recen fla finie, & long temps trauaille,
Couru, cherché, affailli , bataillé,
Enflé de gloire ey de perfleuerance,
Ce fier Tyran pour tonte recompenfe
De mon feruice ey de ma loyauté.
M'a outraqé d'extrême cruauté:
Si que deffit contre fl mefihant maiflre,
le fis ferment de ne von loir pins eftre
Son firuiteur comme i'auois efté,
Et n'engager iamais ma liberté:
Mais monferment sen-vola dans la nu'è:
i> Serment d'Amant iamais ne continue.
Car auffitofi que ïapperceu vasyeux,
Yeux?.ie me trompe , ains deux aftres des
! (jeux,
Et vos éheueux mes liens, dont te moindre
Pourrait vn Scythe en firuage contraindre,
Et quand i'oiiy voftre parler quifait
Foy que ïefirit eft diuin eyparfait,
Lors i'oubliay mesfirmens ey mespeines.
Vnfioulfre ardant s'éprit dedans mes vei~
nés
Par vos rayons, lequelfe fit vainqueur
De ma Raifion , $r m alluma le cour
Du haut defir de conflacrer ma vie
\A vous que i'ay pour Maiftreffefluiuie,
Maiflreffe f non,mais Deeffe qui tient
Si bien mon ccur que plus ne m'en fouuient.
Jefçay combien cefte heureufe naiffance
Qui vous honore, efl haute de puijfance :
le cognois trop (($ydclà vient mon mal)
Qu'à vofire fang le mien n'efi pas efigal,
Etfi voy bien que i'ay taille trop baffe
Pour deuancer l'homme qui mefurpaffe :
Et le voyant , ie finis deflefferé
De paruenir au bien tant deflré,
S'il ne vous plaifi abaiffer la viétoire,
Et m'efiimcr digne de voftre gloire :
Car autrement fans à vous m'appeller,
Enfi haut lieu ie neflçaurois aller.
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GIES.
Souffre^ Maifireffe,au moins que ie Vans
aime
Plus que mon cur, que mesyeux, que moy
mefme,
Etpermette? que iepuiffe honorer
Voftre beauté qu'on deuroit adorer,
Tant l'abondante ($f prodigue Nature
Pour vous ornerflur toute créature
A defiouillé tous les Cieux, ey afait
En vous , Madame, vn éhefid' par¬
fait.
Encore l'homme élem la paupière
Vers le Soleil,& vit de la lumière,
Bien que le trait defesfeux radieux
En le voyant luy aueuglent lesyeux.
Ainfi fouffrCK, qu'^ mon ^am ievous voye,
St que ïautheur de mon malheur iefioye,
Puis qu'il meplaift de mourir regardant
Voftre bel il fi clair ey fi ardant.
Au temps paflé les Déeffes plus grandes
Quittant des Dieux les immortelles bandes.
Ont bien choifiçà bas pour fleruiteurs
Non pas des Rois, mais des fimples Pafieurs,
Et Iupiter plein d!amoureuflesfiâmes,
Laiffant Iunon a bien aiménosflemmes :
Car volontiers t^Anïour ey Majefté
En mefime lieu compagnons n'ont eflé.
Si Vins eftie?enl'Amour bien apprifi,
Vous nefirie?d'vn grand Seigneur eftrifi:*
Toufiours l'Amour d'vn Prince nous déçoit,
Dont tout le peuple à la fin flapperçoit
Comme d'vn feu qui brufie vne campagne :
Car la raifion fiafureur n'accompagne.
Mais quand Amour vient allumer le
ciur :<
D'vn Gentilhomme] en feruant il efl fiur,
Obëiffant ey craignant de defilaire,
Et ne commetfion plaifir au vulgaire :
Ains au rebours, afin qu ilne fioit veu,
Caéhefia playe ey recelé fin feu,
Le nourriffdnt d'vne douce penflée,
Sans queJa Dame en fait point offenflée,
Comme ie fiais:par ladificretion
le veux aimer, non par ambition
De m éleuer pour plus haut entreprendre,
Mais flagement : auffi tant pins la cendre
Caéhe ï ardeur qui nous brufle au dedans,
Plus du brasier les charbonsfintardans.
En cependant voflre orgueil qui me lime,

Ne doit trouuer mauuais fi ie l'eflime,
Si ie vous prifi, eyfi vous adorant
Je voy pour vousJi doucement mourant :
È L E G I E S."
5>3î
Car D I EV cent fois plus grand que vous
encore
MARCASSVS.
N'eftpas marry que le peuple l'adore.
Comme "V» guerrier ] Par vne excellente comparaifon d'vn foldat, qui après auoit vieilli fous les armes
fans recompenfe quelconque fe retire chez foy, fait ferment dc n'aller plus à la guerre, & qui au moindre
coup de tambour fauffe fon fermenr, il monftre le peu de confiance qu'ont les Amans quand les defdainsôc
les rigueurs dc leurs Maiftreffes les ont rengezducoftédu mefprisoudela haine qu'ils ne peuuent tenir que
forr peu de temps. Il ne faut que la moindre efperance pour Ieschanger tout à fait, & leur faire aimer auec plus
de paffion mille fois le fuier contre lequel l'impatience les auoit fait defpiter. Ce qu'il dit luy eftre aduenu.
Car fe voyant fi mcfpriféde fa Dame, voyant qu'elle auoit engagé fon affection à vn autre pour le quitter, il
s'eftoit vne fois refolu de ne l'aimer plus, mais fa refolution fut bientoftdiffipée par l'cfpoir que l'amour luy
fit conccuoirdc pouuoir fléchir fa cruauté.
ELEGIE XXVI.
Our vous aimer, Maiflreffe ,ie
me tué,
I'ay iour ey nuiél la fleure con¬
tinue,
Qui me confiomme& hafle mon treffas,
Mourantpour vous,ey ne vous en chantpas:
Vous n'aue?floin ny efigard qu'à vous mefi¬
me:
Pour trop aimervousnefies iamais blefime,
Fiéure ne mal pour aimer ne vous poingt,
Et pour aimer vous nefioufiire^point.
Franéhe d'effrit en

,932. ELE
Honneur icy ey vice en antre part:
Voila comment telflonneurfi demeine
Comme il nous plaift parflantafle humaine.
Et bien, Madame, encore que la foy
De ce pays donnaft vne autre loy,
Seuere loy qui nos cyurs emprifonne !
Ane?-vous pas la nature affectionne,
AffeT" de cour & affe^de moyen,
Affetd'efprit pour rompre ce lien ?
Certes ouy: toute flemme amoureufe
Efi de nature affe% ingenieufle.
Ne mettez donc le temps à nonchaloir,
Tant feulement ne faut que le vouloir :
» La volonté inuente toute chofe : '
» Et tout cela que voflre efprit propofle
» Efi acheué ou par temps onfioudain:
» Car du vouloir chambrière eft la main.
Femmes de Cour $f les flemmes des villes
Sont à tromper ey contes ey habiles :
(farflueiUetant nos linres , elï ont flçeu
Ce qui attife oh amortit lefeu :
Sçauent que c efl martel ey ialoufie,
Feindre & tromper, changer defiantafie, l
Diffimuler ey forger maint efirit:
Où la rufiique eypauurette d'efprit
Suit la Nature, fy rude d'artifice
T rend fion plaifirfansfiaude ne malice.
Vous qui aue?^ l'efprit gaillard ey bon,
Née ey nourrie en ville de renom,
Qui n'ignore? les preflens de Minerue,
Ne voule? point defieruiteur quifierue
i^Aux doux plaifirs des amoureux combas.
GIES.
MARCASSVS.
Vous le voulez eynele vouîe?ja$,
Vous le voule?& fine ïofie?J.ire :
Ne le diflant,vn amoureux martyre
Brufle voflre ame enfin continuel,
Qui trop refifle auplaifir mutuel.
Si tonte Dame en ce poinét vouloitfaire,
Le Mondefiuft vn defiertfiolitaire :
Villes ey bourgs,bourgades $r cite?,
Maiflons, chafteaux feraient deshabite?^.
Par ceplaifir bien fouuent on engendre
Vn grand Achille, vn Monarque Alexan¬
dre:
Princes & Roysflefont par tels moyens,
St tons humains du Monde citoyens.
Pource iadis la ville Hellefpontique
Fit vn grand Temple au vieil Priape anti¬
que
Qomme au grand Dieu de génération,
Tere germeux de toute nation.
Doncqnes ma chère & pins que chère vie,
Si vous aue? dedans le c enuie
Queie vous férue,ilfautfans long flejour
Eflroitement pratiquer nofire amour
En cependant que les vertes années
Pour cet effefl du Ciel nousfont données,
Sans pour- néant noftre âge conflommer.
Vn temps viendra qui nous gard'ra d'ai¬
mer
Par maladie, ou par mort, ou vieilleffe:
Lors regrettant en vain noftre ieuneffe,
St regardant nos membres tons perclus,
Nous le voudrons, ey ne lepourrons pins.
Pour ^ow aimer] Par le récit des rigueurs de fon tourment qui le fait mourir, il fe plaint de fa Maiftrcfle
comme de la plus effrange & la pluscruelle du monde, qui luy permettant dc labaifer ne luy veut point ac¬
corder la faueur que le mary tire dc fa femme. Il luyrcmonftre que l'amour ne confifte point ny aux douces
parolles,ny aux regards, ny aux baifers ;que le vray & le folide contentement gift en ce qu'elle luy va fi long
temps rcfufanr. se rajfembkr] Aux premiers iours1 de l'Vniuers l'homme & la femme ne faifoient qu'vn
corps félon la fable. &elleJj>ontique ] Les villes proches de l'Hellefpont drefferent des Autels à Priape Dieu
de la génération , comme à celuy qui eftoit né dans leur pays , & par qui le genre humain fubfiftoit.
ELEGIE XXVII.
Tuis qu'autrement mes amis ne l'ontpeu,
M'admoneftant d'vn conflit falutaire,
N long voyage ou vn courroux,
Que ie cognois eyque ie ne puis flaire :
Car tant iefluis par mes fins empefiché,
Madame,
Ou le temps fleul pourront m'o-
Qu'en m'exeufiant i'approuue mon péché:
Etfl quelqu'vn de mes parens maceufie,
Jter de I ame Incontinent d'vne flubtile rufie
Lajbtte ardeur qui vient de voflrefieu, Par long propos ie deflgnifle le tort
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ELE
Pourpardonneraïautheur de ma mort,
Voulant,menteur, aux autresflaire croire
Que mon diffame efl caufe de magloire.
Bien que ï efprit refifie à mon vouloir,
Tout bon conflit ie mets à nonchaloir,
Par le penfer m'encharnant vn vlcere
Au fond du caur; que plus ie délibère
Guarir ou rendre autrement adouci,
Plusflon aigreur fle paifl de monfiouci.
Quand de dejpit à par moyiefioujpire,
Centfois le iour ma raifion me vient dire,
Que d'vn dificours fkgement balancé
le remédie au coup qui m'ablefié.
Heureux celuy quifies peines oublie !
Va- t'en trois ans courir par l'Italie :
Ainfi pourras de ton col deflier
Ce lac?coulant qui te tient prifennier.
Autres cite%, autres villes eyfleuues,
Autres deffeins, autres volonté-^ neuues,
Autre contrée , autre air ey autres Cieux
D'vn feul regard t efilouiront lesyeux,
Et te fieront finir de la penfiee
Pluftoft que vent celle qui t'a bleffee.
Car commevn clou par l'autre eftrepouflé,
L'amour par l'autre efl fioudain effacé.
Tu es flemblable à ceux qui dansvn antre
Ont leur demeure où point le Soleiln'entre,
G I E S.
MARCASSVS.
m
Eux regardons en fi obficurfijour
Noflre lumière vne heure en tout leiour,
Tenflent qu'vne heure eft le Soleil, fy croyent
Que tout le iour eftcefte heure qu'ils voyent.
Incontinent que leur clur généreux
Lesfaitfinir hors dufijour ombreux,
En contemplant du Soleil la lumière,
Jls ont horreur de leur grottepremière.
Le bon Orphée en l'antique fiaifian ;
lAllafiur mer bien loin défia maifion »
Pour effacer le regret de fa flemme,
Etfion éhemin anéantitfaflame.
Quand le Soleil s'abaiffoiteyleuoit,
Toufiours pleurant ($f criant le trouuoit
Deffous vn roc, où fin ame bleffee
Se nourriffoit d'vne trifie penfiee,
Et reffembloit non vn corps animé,
Ains vn roéher en homme transformé.
Mais auffi tofi qu'il laiffa fa contrée,
Autre amour neuue enfin c efi entrée]
Et fe guarit en éhangeant de pais.
Pour Eurydice il aima Calais,
Empoifionnant tout fion cur de la pefie ?
De cet enfant :ieme tairay du refte:
De membre à membre il enfut detranche»
» Sans chafhment ne f enfuit le peché.^ ^
Vn long "Voyage ] Il raconte icy comme fa Raifon le voyant au piteux eftat où la cruauté de l'Amour l'auoit
réduit, iwuuu, réduit, iwuuu, luy luy periuaaoïcacquircricncuouercoitioDiet perfuadoitdcquitcr le lieu où eftoit l'objet ac de ion fon martyre martyre , ;que que lcu ceft cuuigucmcm efloignement ic le guciuu. gueriroit à
l'exemple d'Orphcc, qui après la perte dc fon Eurydice, pour diffiper l'cnnuy qu'il en auoû,fe mit fur mer.
Orphée] C'eftoit ceft excellent chantre dc Thrace, fils dc CaUiope, & qui fut marié à la belle Eurydice.
Calais] Fils de Borée & d'Orithyc, ^tUa furmer] Au voyage des Argonautes, auquclil aima Calais
y eftoit auec fon frerc Zctés.
ELEGIE XXVIII.
Ous qui paffe? en trifleffe le
iour,
Affujettis fous ÏSmpire iA-
mour,
(fruel Tyran des humaines penflees :
Vous qui viue% d'ejperances caffees,
Vous que Fortune, Amour, & la douleur
Vont abufiant, eficoute?jnon malheur,
Malheur efirange, autant efimerueillable
Qifcn mon tourment ie n'aypoint de fimbla-
ble, ; -
qui
Maispar où dois-ie en mes vers commencer
Le mal qui vient griéuement m'ojfenfcrî
Comme vn éhemin qui en croix fe trauerfi,
De mainte voye en carrefours diuerfil
Fait le piéton du éhemin efigarer:
Ainfi le maldiuers me fiait errer
De mon propos,fi que ie ne puis dire
D'où,ny comment procéda mon martyre:
Et toutefois icy ie le diray,
Me déclarant le mieux que ie pourray.
De mon malheur ïoecaflon première
Fut la durtéde ma cruelle mère,
Laquelle eftant flans curey fans pitié,
Fit auorter ma nouuelle amitié,
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534
Mère àfion fils à tort malgracieufi,
Parle rapport d'vne vieille enuieufe
Qui haiffoit ma Maiflreffe, $ faifoit
Qu âmes parens mon amour defpiaifoit.
Quiconquefoit cefte vieille maudite,
Teriffeflo Dieux liuftement interdite
De feu ey d'eau, & la clartédes Cieux
Ne fioit iamais agréable à fies yeux.
Lapauureté toufiours luy faceguerre,
Et finsficours aille de terre enterre
Cherchant fin pain, & trefpaffeàlafin
Nue, affamée, au milieu d'vn chemin,
Oùfins honneur d'aucune fipuhure
Soit des maftins & des loups la paftnre.
Son efprit aille errant parles tombeaux,
Ou reueflu des plumes de corbeaux,
Sur les maifions toute nuift fie lamente,
Et d'vn longcry les voifins efpouucnte,
Puis que parfiaude elle a voulu bleffer
L'honnefte amour qu'on ne doit offenfler.
Démon tourment iefis certain monpere :
Mais luy vieillard, qui du tout obtempère
Aux pajfions de celle qui me fit,
Parla pour moy, mais rien à mon profit :
Car remettant toute l'affaire à celle
Dont ie nafiquis, la rendit plus cruelle
Contre mon mal, comme ayantfeule àfioy
Pouuoir de pere ô* de mère fur moy. .
O cruauté d'vne mère obflinée,
Qui de fin fils corrompt la Defiinée !
Ma mère donq eft caufe du tourment
Qjie ie reçoy, & vous diray comment.
\Ainfi qu'on voit qu'entre ceux d'vn lignage
Lapriuauté fiaugmente d'auantage,
Et l'amitié s'enflame plus auant
Tar le moyen defe voir bien fouuent :
Ainflvoit-on qu'Amour, qui tout difpenfi,
Souuent fie méfie entre telle alliance,
Et tant' il efi gaillard ey vigoureux,
Que des confins ilfait des amoureux :
Comme iladuint à moy qui me lamente,
Trouuant vn iour vne mienne parente
En vyififiin (parente d'affe% loin)
Quiflut depuis l'argument de monfoin:
Car eftimant eflre chofe ciuile
D'entretenir vne Dame gentile
De qui i'eflois vn petit allié,
Jncontinent ie mefienti lié,
Fait prifiannier defion dents , fifi«e
ELEGIES.
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Qùileuftgfii$néiïvn Scythe le courage.
le me vy prendre efilauedefiesyeux,
Où les Amours courtois eygracieux
Eftoient loge?, arme% de fies eillades,
Qui d'vn feul coup mes fiens firent malades.
Si qu'en viuant en autruy loin de moy,
Plein de fouci, de trifteffe $y d'efmoy,
Autre penfer nouais en la penfiee
Que la beauté que i'auois enlacée
Au fond du cur, qui fiuiuoit entons lieux
Mon fouuenir,fie monftrant a mesyeux,
Et ne fouffroit,tant mefaifoit de preffe,
Que fur l'amour U raifion fuft maiflreffe :
Pource ie fus long temps malade ainfl,
Sans rencontrer ny pitié ny merci.
Mois comme on voit que la première en
me
D'vn ieune amant efifouuent affouuie
' Ou par ïeftnde ou par autre moyen,
fentre-rompi le n de ce lien,
Qui d'autre amour m auoit ferré la voye
Sfiantfort ieune, fy auffi que i'auoye
Vn frère aiflné en âgeflonffant,
Qui plus que moy efioitfort 5* puiffant,
St qui deuoitfélonfla defiinée
Aller bien tofiflous les loixd'Hymenée.
Or quand la Parque eut ce fiere rauy]
Et que toutfeul de mon nom ie me vy,
S9offrant à moy maint riche mariage,
L'amour première arrefta mon courage,
Dont ie gardois encores en ï efirit
Leflouuenir ey le portrait efirit.
Pour tout remède vn iour ie délibère
De raconter mes amours à fla mère,
Lafippliant n auoir le cuur marry
Si pour amy ie deuenois mary
De la beauté de fia fillefl beUe,
Qnautre deflr ie n'auois finon d'eUe.
La mère adoncf qui mes propos ouit,
Les accordant tout mon cur réjouit:
Maispour tel heur nefaillit ma mifiere :
Car la rigueur de mafiaficheufe mère
Fraudant mon c ma peine ey mon efpoir,
Opiniafire oppofia fin vouloir
Au mienforce, &pour mon malaccroiftre
Ne voulut oncf les vertus recognoiftre
t Ne la famille où ie voulais parti,
Ayantfin cur de mon bien diuerti
Par les rapports d'vne vieille Megere

Contre m amie infâme menfongere :
Et toutesfois ardent ie ne laifié
D'entretenir mon deffein commencé,
Faiflant entendre à mon pere la peine
De trop aimer, dont i'auois ïame pleine,
Diflant ainfi: Pere, fil tefiouuient
ELE
Dupremierfeu qui en ieuneffe vient
Brufler les cturs de flaflame amoureufe
( Heureuxflujet d'vne ame bien- heureufe )
le te fiupplie aide à mon amitié,
Et,pere,pren de ton enflant pitié,
De moy qui meursflans tenir embrafiée
Celle qui vit Royne de ma penfiee.
Ne fois, mon pere,homicide à grand tort
De tonfeulfils, qui n'attend que la mort,
S'il ne te plaift qu'il efleigneflaflame
En fi beau lieu qu'il defire pour flemme.
Las !fl tu veux à mon bien confientir,
Tu me fieras vn tel aifie fientir,
Mettant àfin ma vertueufe enuie,
Que doublement i'anray de toy la vie,
St doublement feras mon pere ici,
Me donnant vie eym'oflontdeflouci.
De tels'propos mon pere i'arraifinne :
Luy qui efioit dénature trefionne,
Me dit : Mon fils , i'ay pitiéde ton mal,
Lequel ne trouue en amoursfion égal,
Louant beaucoup ta volonté confiante,
Qui ne fle doit flruflrer deflon attante.
Mais pour-autant que vieiUeffe m'a
fiait
Par maladie impotent ey desfiait,
le nefiçaurois à ton vouloir complaire :
Car déformais ce n'eftplus mon affaire
De me méfier de nopces ny de rien:
Lefeul vouloir de ta mère efl le mien.
Tource, monfils,fléchi- la par prière :
Son ceur n'efi point d'vne lionnefiere
Ny d'vnflanglier, tu pourras par douceur
Snfiujpirant luy amollir le c:ur.
Ainfi difoit: Lors ie lamente ^y crie
Deuant ma mère, ey lo prie & reprie,
Et par douceur leffaye d'arracher
Sn fioufpirant ce fer ey ce rocher
Qui luy armoit la poitrinefi dure,
Pour nefiouter lapeine queï endure,
Mettant toufiours au deuant de fiesyeux
L'extrême ennuy de mon malfloucteux,
La nourriture ey beauté de lafille,
G I E s:
Et les vertus de toutefi famille.
Mais pour néant ieicuidou l'enfiamer:
Car millefois plus fiourde que la mer,
Qui parle vent fi roftUefuriefiable,
A maprière efioit inexorable.
Alors me dit celle qui m'engendra :
Ton pere vieilfiera ce qu'il voudra,
Card'vn Pere efi la puijfance bienforte:
Mais quant à moy,plufîofl millefois morte
Tiray là bas, que te vçir marié
Enfi bas lieu dont tu es allié.
Ce mot efioit le dernier coup d'efpée
Dont eW penfiit auoir du tout coupée
Mon efperance , helas ! quifloriffoit
D'autant pins fort quelle la meurdriffoit.
CMoy reflolu de pourfuture ma prifi,
lefy certains mes parens deïemprifie,
Qui tous d'accord louèrent mon confeil,
Et mon amour quin a point de pareil,
St la langueur véritable ey non -freinte
D'vne amitiéfi confiante eyfi fainte.
Adoncf penfant par le temps acquérir
Ce plaifiant mal lequel méfiait mourir»
Toufiours cherchais occafion expreffe
D'aller aux lieux où efioit ma Maiflreffe]
Longtemps après tant de trauaux paffe^
(Tar ta douleurl'vnfurïautreamaffeTQ
Preuoyant bien que ma peine dolente
vAuroitplantée vne amour violente
Dedans le ciur de Madame, & qu auffi
Autant que moy elle auroit defouci,
le refiolu ,pour foulager ma vie,
De viflter vnefl chère amie,
Dont le pourtrait dedans l'efprit 'ianois,
Et de luy feul en mourant ie viuois.
Or trouuantfinie vn iour mafeule Ai¬
mée
( (far la maiflon fbuiient m'efloitfermée,
De peur helas Iquefl la priuaute
D'vnefi douce ey plaifiante beauté
M'efloit commune, vne enuieufe rage #
Ne rallumafi ma mère d'auantage:
le luy contaylefieuqui me brufloit,
Dont la chaleur auxyeuxm efiinceloit :
le luy contay que ie mourrois fins elle,
Quefi beauté mefimbloitfinie belle,
Que defioufipirs mon cur ie nourriffois,
Que d'ellefeule attrifie ie penfiis,
Quelle efloitfinie ey ma vie & mon ame.
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9^

n6
ELEG
Monflang,montout,ma chaleur ey mafia-
me.
Et que mon cuur n auoit autre aliment
Que de fionger en ellefeulement,
Et maint propos ie difois, que foit dire
Amour alors qu'on conte fon martyre.
En- ce-pendant à longs traits ie humois^ ^
Défis beaux yeux les beaux traits que i'ai-
mois,
le menlaçois 'en fis treffet dorées,
Je contcmploisfies léures colorées
De frais lillets, eyfin front où eftoit
^Amourauguet qui mon cmur combatoit.
le contemplais fon maintien ey fa grâce,
Stflonbeau teint qui les rofis efface:
le defrobok de fis beaute^vn peu,
Doux aliment pour en eftre repeu
Enflonabflence, ainfi que l'homme flage
Qui entreprend défaire vn longvoyage,
Mainte viande amaffe dans flon fein
Pour refifter longuementà la faim.
Sa mère adonq furuenantfutjoyeufi
De tel.amour fitfiinte $vertueuft,
Etapprouuantma longue paffion,
De tons les deux loua l'affeéîion,
Mfdefcouurantfia volontécelée, ^ ^
Dont te.u depuis mon ame confilée.
Vn temps après vne nopcefluruint,
0 iour heureux ! où ma chère ame vint,
Qui paroiffoit au milieu de la preffe
\ Comme paroiftDiane la Deeffe,
Par-fur le (fhfur de fles Nymphes fautant,
Quand prés d'Eurote elle va fefiatant.
Là ne me pleut nydanfle ny aubades,
Ny boUodins aux difpofies gambades,
Fifres , cornets, ny les haubois qui font
^Aller la danfle également en rond;
Ny les fleftinsfles vins, ny les viandes,
Sucres, douceurs , confitures friandes
Ne me plaifloient .-feulement me plaifoit
Ce corps .diuin , qui éhafie mefaifoit
Viure ey mourir, contemplant en prefince
D'vn til goulu toute mon efperance.
D'vn fleu pareil nos flouffirs embrafi^,
Et nos dcfirsfurent beaucoup prifie?^
Desajfifians les plus grands delà bande,
Qui admiraient vne amitiéfi grande,
Et de ma mère accufioient la rigueur
QnifàppofloitficrueUeà^mon c
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IES.
La nuiétflumint , & Amour, qui me
ronle> ,,. r
Meprefenta mes délices en fonge,
Et parmi l'ombre en efirit mefift voir "7;
Tant de beaute?jue i'auois veu leflair.
Lors ie diflois : O Songe qui mabufes,
Mefortunant de fi plaifiantes rufes i
De tout mon bien ie fuis tenu à toy,
Qui flans pitié as eu pitié de moy : .
Siqu'end'ejpit delà fiere rudeffe
Oui tientma mère, accollant maMaifireffe
~UÏaybaiflee,eyfleultumasheuré, ^
Quand plus monfût eftoit dsflefperé.
Le verd pauot, ton propre facrifice, .j
Sur ton autel à toute heurefleuriffe,
Et puiffles- tu éuiter le courroux
De Iupiter , puis que tu m esfi doux.
Ainfi viuant enfi douteufi attente,
Des deux cofte^maint partifie prefiwe "
De mariage , ey nul ne vintàfin,
Efiant rompu par vn heureux Defiin]
Hàl quefierois-ie auprès d'yne autrefiem^
me
Sinon du plombfans vigueur& fions amef
Que fieroit-elle auprès d'vn autreauffi,
Que froide $y morte fy patte de fouci
Loin defion cour f ^Amour qui nous fait
plaindre
Ne nous fiçauroit en autre part conioindre,
Tant leDefiin,à tous les deux commun,
De nos efprits en noiffant nefift qu'vn.
Lors m efforçant d'vne complainte amere,
le retentay le vouloir de ma mère,
Luy déclarant le danger où îeftois :
Qu'vn telfardeau fur le ceur ie portais,
Qu'en bref, vaincu , ie laifferois U vie,
St flfloudain elle n auoit enuie
De m alléger ou me donner confort,
Qu?entre fes bras elle auroit vn fils mort.
Mais pour- néant ie luyfais ma requefte,
Tant de la vieille elle auoit en la tefte
Lesfaux rapports quelle luy racontoit,
Qite mes propos ny mespleurs n'efioutoit,
Eftant ioyenfi & braue de ma perte.
En- ce-pendant tafioirefnt ouuerte
De Sainét Germain , où ceux qui ont le cur
Adoloré d'amoureufe langueur,
Où ceux qui ont vne ardeur véhémente
D 'eftrebutin d'vne muuelle Amante,
. . Où ceux

ELË
0 n ceux qui ont vne ardeur de parler
A leur^îaifltreffeoù ils n'ofent aller,
Où ceux qu'Amour afin confeil demande,
Vont amoureux d'vnegaillarde bande.
Là par bon-heur ma Deeffe arrina :
Mon cnur deuant auecq elleflen-va,
Et puis mon pied me conduitpar la preffe
Où ie trouuay ma mortelle Deeffe.
Là ie nouais mon regard attaché
Ou fiurla floule ou deffur le marché,
Ou flur le bien quipendait aux boutiques:
Mais contemplant tanude grâces pudiques
Qui reluifloientflur lefl ont de mon tout,
le ne trauuois commencement ny bout
Enfit beauté : beauté qu Amour m'apeinte
Dedans le cuur comme éhofi treffainte.
Làdeuifiantdenos trifles malheurs,
Slle augmenta plus viues mes douleurs,
Se lamentant de ma mère cruelle,
Qui fins raifion ne fiaifoit conte d'elle,
De fis vertus , de fi condition,
Et quelle auoit mauuaifi offeélion
En fion. endroit,fi monflrant inflenflee
D'offcnfirceux qui ne l'ont offenfee.
Lorsfon courroux i'appaifoy doucement,
Luy remonflrantfion mérite, ey comment
Ma folle mère auoit tort de mefldire
De fles vertus que tout le monde admire.
Vniour allant, commefiuuent i'allois,
Voir vne Dame à qui parent i'eftois,
Et elle auffi, la mère prefque mifie
En defiefpoir, de courrouxfut efprifie :
Se lamentoit,pleuroit, & gemiflfoit,
Que les vertus de fia fille on paffoit
Deffous fllence , ey que tel mariage
Eftoit trop long(^f de trop de voyage.
Elle alleguoit enpleurant, ne pouuoir
Sa ieune fille en autre lieu pouruoir,
Tant elle auoit à mon dire affieurance :
Quefles parens luy en faifoient inflance,
St qu'afprement toufiours luy reproéhoient
De n auoirfioin de ceux qui luy touéhoient,
Pource elle efiant di ennuy atténuée,
Et de vouloir prefque à demi muée,
Aux Ehamps alla , menant auecquesfoy
Mon tout, mon c mapromeffe & mafoy :
On ie couru iïvne courfie haflée
Réconforter cefie dcflconflortée,
Auffi pourvoir lesJeux de cefle-là
g i e s:
Aufeu defiquels mon c fie re-brula.
A fion retour par heureufie rencontre
En quelque nopce encor iela rencontre,
Ou, pourfçauoir fldu temps la longueur
Ne m'auoit point effacé de fin ctur,
De maintpropos en propos ie l'attire
Tour la tenter, ne me voulant rien dire,
Ains retirée envn penfer profond,
Ny bien ny malfioide ne me refpond.
Mais à la fin de mon dire effrontée,
Rendit du tout mon ame confiée
En m affleurant de fa fidelle amour.
Lors tout roui iefiens naiflre a l'entour
Démon efprit vnejoye incognue,
$37
Qui par fi bouche au cur m'efloit venue.
Donq' pour toufiours à mon aifie la voir,
Soudain ie fis à fia mèrefçauoir
( Pour eonfommer mon uure propofiee)
Qu'elle fieroit ma future ejpoufie,
La choiflffant pourflemme déformais,
Et que pour Dame autre n aurais iamais:
le luy contay le danger de ma vie,
Et la rigueur de ma mère, fyïcnuie
Quvneflateufle auoit d'vn telparti,
Dont tout le mal, helas ! eftoitfini.
Lamereadonq de mes raiflons efirneûe]
Sage permit qu'vne fi douce veuë
Entre nous deux déformais fie feroit :
Que de fia part meurement penfieroit
Au mariage eyàma foy promifi,
Pour mettre fin àfl belle entreprife.
Voila comment , Maiflreffe, i'ay vefiu
Depuis le iour que mon eilfut vaincu
De vos beauxyeux : eyfioit que la 'tournée
Fuft au matin des ondes retournée,
Fuji vers le fiqir , quand le Soleil couchant
Va dans la merfies éheuaux deflachant,
Ou quand la Lune errante fle promeine,
Pour voflre amour ie n'ay languy qu'enpeine.
O grand Amour , grand oificau par le dos*
Qui t'es logé au profond de mes os,
Ayant choifipour maifon ma mouelle,
Qui es armé £vneflèche cruelle,
St d'vn flambeau que ie fins dans lefiein,
Oy ma prière ey mèflois plus humain :
Fayie te pri' que ma Maiflreffe voye
D'vn il bénin ce papier que i'enuoye,
Oùfont dépeints la plus part de mes maux:^
Quelle ne mette en oubli mes trauaux,
KKkk
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*
9JS E L E G I E S.
Et que toufiours elle ait en fa pensée
Noftre amitiéfaintement commencée,
Taufiours mettant au deuant de fesyeux
Deflon ami les ennuisfoucieux,
Sans croire pins les malheureuxpropos
De ce vieil chien contraire à mon repos,
QUI porte enuie aux vertus de la belle
Qui nafiemblable en tout ce Monde quelle,
Parfaite autant que mon mal bien-heureux
Et que fla mère antre part neflechifft, .
Et que le (fiel mon deffein accompliffi.
Foy que la mienne au courroux endurci,
En mon endroit ait le cLur adouci,
St qu'en lieu d'efire à tort infiupportable
S'amoUiffant deuienne pins traitable,
MARCASSVS.
Paffe ïennuy de tons les amoureux.
StfiôDieu, tu parfais ma requefle,
Je tappendray furie haut de la tefte,
Comme en trophée, vn rameau de laurier,
Tourte loyer de flauuer ton guerrier.
Vont mi Pajfel] Il ferok mal-aifé à ceux demabarbc de defcouurir l'intention particulière du Poète, parce
qu'il ne la defcouure aucunement. L'on voit bien qu'il fc plaint des rigueurs d'vne fafcheufe mère qui traucr,
foit fes amours, dont il recite quelques aduentures. Commeparoift] Cefte comparaifon eft tirée mot a mot du
premier de l'Enéide. Nous en auons ailleurs allégué les yers : il n'eft pas befoin d'en charger l'impreffion vne
autre fois . Heure] Pour, bien-heure. Pauot ] C'eft la plante facrée au Sommeil , parce qu elle 1 excite.
Coloré] Vieux mot, pour dire, tranfi ou trauerfé. Le refte eft fi aifé qu'on fe mocqueroit de celuy qui le voudroit
interpréter.
ELEGIE XXIX.
Dires, ov imprécations.
S| Onques voicy le iour qu'en
triomphe eft menée
Madamefous la loy du nopeier
Hymenée :
Donques elle eft menée aux rayons duflam¬
beau
Qui mieux eufl deu mener flon efpoux au tom¬
beau !
Donq'fles cheueuxfrappe^ parpetites remifies,
Des vents,fur qui i'ay dit cent($f cent mignardifis,
Sont couronne^ defleurs ! cheueux que d'a¬
mourfiol
I'ay baifi?,ey lie? millefois à mon col.
Faut-il quvn efiranger me rouiffe ma
Dame f
Faut-il qu'vn autre corps iouyffe de mon ame,
Et d'amoureux efforts du mariage arme?
Face brèche aux rempars que ïhonneur afer¬
me? f
Que maintenant te cours de Nature fe
change ;
Que tout foit transformé , que rien ne fait
efirange,
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Le chardon fioit la rofe, (j§y la vermeillefleur
De l'illet Aiacin prenne blanche couleur,
Puisque m m'as trompé, donnant la mefime
dextre
Que tu m*auo'upromifleàïeffranger ton mai-^
fire.
Mauois-tu pas promis qu'alors que les
fiaifions
Feraient nosfronts ride%,ey nos cheueuxgrP
fions,
Qu'cfloigne? du vulgaire irions par les vo¬
tées,
Par les monts,par les bois, par les eaux recu¬
lées
Herbes,plantes, &fleurs, & racines cueillir :
Puis lesfaifint ou cuire,ou fiiéher, ou bouillir,
x^iufieu les diftileren eaux alembiquees,
Tourfrauder le ciseau des trois Torques mo¬
quées,
Et de remèdespromts arracher hors des mains
Le tribut de Pluton, héritier des humains t
Tellefut Oenoné,ey noftre Melufine,
Et la vieille Manton ,fatidique héroïne :
Telsfurent Zoroaftre , Hippocrate,$y Chi¬
ron,
Quiflauuant par tel art les peuples dienuiran,
Firent d'eflrangesfaits,& donnèrent aux her¬
bes *

ELEGIES. 5£
Les noms dont ellesfont auiouMuyfifiuper- De chakur en la bouche, ey crache à tous les
bes;
Tant vaut en mefprifiant les honneurs $ les
coups
Les dents deffusfonfein effrontéde la toux :
biens Puisfagenciue eftant d^rempars déformée,
Profiter àfiy-mefime,aupublic,& auxfiens. Soit d'vne lente faim à la fin confimmée.
Aumatm quand tjdnrore eut tiré lalu- Toy Corneille (gjr Piuertfioifleaux mal-enmiere
Hors dufein de Tethys, toy marchant lapre-
contreux
A ceux qu'Hymen accouple au colier malheumiere,
reux,
Ou moy marchant deuant , eujfions de cent Deuie^ à mainfenefire,en trauerfiant la voye,
couleurs J Garder que ce voleur ne prifi ma chère proye.
Cueilli de mainfloigneufie vne moiffon defleurs.
A midi, quand Phebus plus hautement
Hà tu deuois, o Terre, afin de tempeficher,
Faire deuant fon coche éleuervn rocher
gouuerne Pour rompre fles cheuaux, ey verfler par les
Les brides deflon char, ou dans vne cauerne, boue's
Ou deffous vn vieilchefne, ou le longd'vn ruifi Cheuaux, cocher, limons,atteilages, ey roues !
fédU **. Tel quêtespourfiuiuonsd'Hippodamie,alors
Eujfions , en ramaffant en vn noflre monceau, Que Myrtile froiffa leurs coches ey leurs
Triétoutes lesfleurs,puis les ayant contées corps,
Les eujfions vers lefoir enfiemble remportées, Empeftre^ an cordage& à telle brisée
Les vnes an giron, les antres en la main, Rencontrèrent la mort en lieu d'vne efpousée]
Non pas en vn Palais auxgrands piliers d'ai- Tel qu'Hippolytefut , quand les monftres
ram, marins
\*Auxfioliueaux dore?^, mais en noflre her- Effroyerent de peur fis courflers aux longs
mitage crins,
Tapiflé de lierre ($f de vigne fiauuage, Et en luy deflehirant les mnficles ey les veines
Séjour plusgracieux que ces braues chafteaux Le renuerfièrent mortfiur les blondes are'mes.
Qui ontfienti laficie , ey le bec des marteaux. O terre,filefiang eufi efté refpandu
uAinfifiruant à tons parfi belle prati-
que,
Eujfions gaigné les c de la troupe rufti-
De ce meflhant voleur, i'euffe centfoispendu
Vux, offrandes,^ dons au plus haut des en-
trées
que, De ton Temple quiflouure à cent portes fit-
Et après que cent ans enffent nosyeux fler- crées.
me?, l'euffe mis vn tableau de durable renom,
De rofies nos tombeaux euffent efléfime?. Où fies éheuaux verfie?jyfia cheute ey fion
Mois tune tas voulu , defimentant tapro- nom
meffe, Euffent eftéportraits, à fin que dans ton Tem^ >
Aimant mieux vn mary qu efirefiaite Deeffe. pie
Thetisfit comme toy lors qu'elle s'allia Eflrangers ey voifins euffent veupar exem-^
EJpoufle d'vn mortel, tant elle s'oublia.
Quiconquefut la vieille ententiue aumefi
aze,
pie
Qu]on ne doit defiober les amours hors du fiein
De ceux qui ont la Mufie fy la plume en U
Qui première braffa ton maudit mariage, main.
Que les mafiins paillards la compiffent toufi- Que i'aime la flaiflon où le mari de Rhee
jours, Gouuernoitflous fiafaux la terre bien-heurée !
Hurlant aprèsfin ombre entre les carrefours: Lors Hymen n'eftoit Dieu, & encores le doy
Que lafloiflen tous temps lagorge luy deffeiche: Ne cognoiffoit l'anneau, le Preflre,ny la
Tant plus elle boira, tant plusfente vne mei- Loy.
che " Le plaifir eftoit libre, eyïardeur neceffoire
KKkk if
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ELEGIES.
^° r n i t * induit en fon Temple dr la fert de Pft-
De Venus U germenfi eftoit par tout vul- La conduit enj f
£>atn' , i c .. T>(,ncenfee'

Ont le liét nuptial troisfois enuironné:
ELEGIES.
Puis d'vn charme à fions-vo'is l'ayant empoi- 1 1>
fi»nne,
Etfiafiiné la chambre en tournant leurs ca-
Du puant Tamarin, ennemy de Venus,
Soit la éhambre en-jonéhée, ey non deMarroles,
jolaine:
D'vn parler enroué, d'vn poil heriffonné, L'herbe qui prend le nom des Satyres cornus,
Reffondant l'vne à l'autre, ont dit tellespa-
rôles.
Ne naiffle point ici, ny laplante d'Maine.
\ i.
LES VIEILLES.
94*
Lesfilles dont les ans croiffent en leurs
Printemps,
La premièreVieille. N'y éhantentpoint Hymen,mais bien cesfurannées
O Hymen dont iamais le flambeau ne Qmont déjàpafléla vigueur de leur temps,
faillit, Et finsfleur eyflansfinitfien-vont toutes
fanées.
O Hymen qui le Cielà laTerre mariesj
Grâces , Mufies, ^Amours , ne éhante?à ce
lit,
Maisy chante la Parque ey toutes les Furies.
La féconde Vieille.
La Noifè djf leDifiordy danfintà l'en¬
tour,
Et mefime cefte nuiél, des nopces la pins belle,
Qufils deuroientfiembraffer, baifler,flaire l'a¬
mour,
Cenefloit que refus, morflures,$f querelles.
i.
Son mary la deçowe,($f volage ey Cha¬
grin
Cherche autre amour nouuelle, ainfi quefit
Thefee,
Quandparjurant fia foy deffus le bord marin
A la proye des Impslaiffa fin efpoufiee.
ii.
Deçoiueflon mary, ainfi que confintit
Eriphyleà la mort du Prophète Amphierre,
Quand vn goulfre béant à Thebes l'engloutit,
Etvif ey tout armé trebuéhafions la terre.
u.
Ne verfizfir ce lift des bouquets bien tifi-
flus
De la fleur d'Adonis, ny la Roquette vtile
A réchaufier l'amour, mais refpande^ deffus
La poudre oùfiefl veautrée vne mulefierile.
i.
Tous baiflers enfloientloin, qui moiteuxvon}
baignant
Les leures des amans à langues mi-finies;
Que la nuiél leur fioit longue , ey le liélplni
poignant *
Quefils efioient couche? au milieu des orties.
u.
cAdieu corps affemble? de différente hu¬
meur,
Adieu , de trop éhanter i'ay lavoix enrouée,
%^4uffi bien en ce coing i'aduifie le charmeur
Qui tient entrefles mains ïeflguillette nouée.
Le Poëte.
Comme ellesfen aHoient, i'enpris vne aux
J' cheueux,
Le Myrte toufiours double, à Venus dédié, Et liant toutfin corps de cordes ey de nuds,
De fies rameaux Cyprins iamais ce lift n'em- le ïarrefiay captiue ainfiquefut Trotée :
braffe: ' Tuis ie luy demanday.O vieille radotée,
Mais comme vnficp de vigne à l'orme non lié, Dy- moy,par quel moyen ie rompray le fouci
Sans enfans , fins amour tombe contre la Qui me tient en langueur pour cefie Dame
fiace. ici?
~^ ' ~ KKkk ijj
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TDy-moy, quelle mage,ou éharme ou chara-
Slere
Pourrait defiaciner mon amoureux vlcere,
^Afin quelibre eyfranc ie viue fans efimoy,
Pour chanter déformais aux Mufis ey a
moy?
Situ me fais ce bien,vn tourteau ie tapprefie
Faiét d'aulx ey de pauot pour endormir ta
tefte.
Cefte vieille en touffant fy fin éheflfle-
coiiant,
Et troisfois deffus moy fiesprunelles rouant.
Me rejpondit ainfi:
La Vieille.
J'uesvnfiat, de croire
Qtfvn charme, qui n'eft rien,fiurïAmourait
viétoire:
L'amour eft naturelle, & lafautficôurir
ELEGIES.
Par la mefme Nature afin de la guarir.
Si les charmes fiorçoient laflèche dejbandée
De l'arc que porte\Amour, la fiorciere Me-
iée
Eufi arrefiéIafon, ey (fine euflarreflé
TJlyffe dansfion liélfi doucement traité.
\ Mois charmes ($y mage , images ey paro¬
les,
Et figures ey poinéls en Amourfiontfiiuo-
- les :
On nefle peut guarir*par telle fiétion,
Ce n'eft que Poëfie eyflolle inuention,
Il faut venir au fait. Maintenant que l'an
née
Eft en flon mois de May ieunement retour
née;
Voyage ,fitu peux, ey changeant de pais
Laifle-moy tes parens au logis efiahis:
Foy-toy tirer dufang, ey chaffe de tes vei
nes
Par vn rouge canal tes fouets ey tespeines .
%*Attache ton efprit à contr imaginer
Quelque entreprife haute, afin de defionr-
ner
L'impreffion d'amourpar vne autre nouuelle.
Souuienne-toy des iours où tu ne U vis
belle,
Remémore enïefprit ce quelle auoit de laid :
Hante tes compagnons , ne va iamais fieulet :
Etfi quelque lacquais défis lettres t'apporte,
Fuy-te comme la pefie ey luyferme la porte.
Si tu as défis dons, ou bagues, ou tableaux,
Chifies, lettres, cheueux, romp-les en cent
morceaux,
De peur qu'en les voyant , la flame conflk-
mée
Par vn petit objet ne retourne allumée,
Efiant pins que iamaisfm eflclaue & vaffal :
» La recheute fouuent eft pire que le mal.
Orfi tu veux trouuer vnefiante parfaite}
fine faut confiulter Apollon le Prophète,
Ses trépieds nyfion Temple :en deux mots bré-
uement
Jeté rendray gaillard $f te diray comment.
Va où le cours de Seine en deux bras fe
diuifie,
'Baignant ce grand Paris : cherche Ieanne la)
Grifle,
DelJenw courratiere,ey entre le troupeau
Des filles quelle garde au logis, lepins beau,
Eflis d'vn accort celle qui plus reffemble
A ta Dame, eyfoudain en tefoulant affem¬
ble *
Ton flanc contre le fen, ey degaillards efforts
L'humeur pris en fis yeux rejette dans fin
corps.
Long temps cefie diette en chambre continue.
Si ta fleure amoureufe après ne diminue,
Tenfie que ta naiffance eut vn mauua'uDe-
fiin.
MARCASSVS.
Va faire ta neuuaine ou à Sainél Auertin,
Ou à SainélMaturin,& croy que tafurie
De long temps on iamais ne fe verra guérie.
Donfm ~\ouylelou,r] Voicy l'vne des excellentes pièces qui foient dans les Elegies.Son commencement
eft imité du defefpoirdeDamon: il fe tourmente comme luy de ce que faMaiftrefleaefrémarieeà vn autre,
comme Damon fait des imprécations contre les nopces, &les mariez; auffi fait noftre Poète, & principale¬
ment contre celle qui a efté médiatrice de ce mariage dont il eft defefperé. Duflambeau] Il fait vne allunon
à l'ancienne couftuine que l'on auoit de porter des flambeaux deuant les nouueaux mariez. Chalinus to.il»
che cefte cérémonie dans Plaute , quand il dit à Olympio fon riual , parlant de la gentille Câlina:
btcebjs nottas wtpu facem.
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E L È G î E s: Hî
le chardon foit h rofe ] Ceux-là font imitez de ceux-cy de Damon :
Certent £r cyrnis~)>lul
_
Toufiours nouueaux empruntsfiur nouueaux
interefts
Deuoiràïvfnrier, $f qu'en fin il confiomme
Tout fon bien à payer la principale fomme.
Que toufiours fans repos ne fiace en fin
cerneau
Que tramer pour-neant quelque deffein nou¬
ueau,
Porté d'impatience & de fureur diuerfi,
Et de mauuais confeil qui les hommes ren¬
uerfie.
Efcoute,Bucheron,arreftevn peu le bras:
Cène fiantpas des bois que tu jettes a bas;
JSle vois-tu pas le fiang lequel dégoûte a force
Des Nymphes qui viuoient deffous la dure
efforce ?
Sacrilège meurdrier , fion pend vn voleur
Pour piller vn butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de flers, de morts, ey de dé-
treffes
Merites-tu , mefihant , pour tuer nos Déefi-
fies?
Forefts, haute maiflon des oifeaux bocagers [ |
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P44
ELE
TIvk le Cerffilitaire & les (fheureuls légers
Ne poiftront flous ton ombre, ey ta verte cri
nière
Plus du Soleil d'êfté ne rompra la lumière.
Pins l'amoureux Pafleur fins vn tronq
adofle,
Enflantflon flageolet à quatre trous perse,
Son maflin à fespieds, afin flanc lahonlette,
Ne dira plus l'ardeur de fia belle Ianette :
Tout deuiendra muet, Echofiera fans vois:
Tu deuiendras campagne, fy en lieu de tes
bois,
Dont l'ombrage incertain lentement fi re¬
mue,
Tu fendras lefiocfe contre, ey la charrue:
Tu perdras tonfilence, & Satyres &Pans,
Et pins le Cerfl che? toy ne cachera fles Fans.
Adieu vieille Forefi , le jouet deZephyre,
Où premier i'accorday les langues de ma
Lyre,
Où premier i'entendi lesflèches raiflonner
D'Apollon , qui me vint tout le ctur eflon-
ner:
Où premier admirant la belle CaUiope,
le deuins amoureux de fia neuuaine trope,
Quand fia main fiur le fiont cent rofes me
jetta,
Et de fion proprelaiét Euterpe m'allaita.
Adieu vieille Forefi, adieu tefies facrées,
GIES.
De tableaux ey de fleurs en tout temps reue-
rées,
Maintenant le defdain des paffans altère^
QuibrufteZ en tEfté des rayons ethereT^
Sans pins trouuer lefiais de tes douces ver¬
dures,
Accufint tes meurtriers, ey leur diflent in¬
jures.
Adieu chefines , couronne aux vaiUans ci¬
toyens,
Arbres de Iupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers anx humains donnaftes a repai-
ftre;
MARC A S SVS.
Peuples vrayment ingrats, qui n'ontfiçeu re-
cognoiftre
Les biens recens de vous, peuples vrayment
grojjiers,
De maffacrer ainfi leurs pères nourriciers.
Que l'homme efi malheureux qui au mon^
de fiefie !
O Dieux, que véritable eft VaPhilofiophie,
Qui dit que tonte chofe à la fin périra,
Et qu'en changeant de forme vne autre ve-^
fiira l
De Tempe la volée vn iourfiera monta¬
gne,
Et la cyme d'Athos vne large campagne :
Neptune quelquefois de bléfera couuert,
» La matière demeure ey la formefie perd.
Quiconque aura premier ] Il detefte la malheureufb action de ceux qui ont couppé Vne Foreft facrée, Se
qui ont verfé le fang des belles Dryades quiviuoient aaifiblcment , defrobé le frais aux paffans, & misa bas
le fejour des Nymphes , des Satyres & des Pans : en fin fait mourir les arbres nourriciers de ceux du premier
Sicclc,&c. Euterpe] Vne des Mufes. Dodonéens] Par ce que la foreft de Dodone qui rendoit les Oracles,
eftoit la plus ancienne, & comme la mère de toutes es autres. ^epaiflre] Ces forefts nourriffbient les
hommes de leurglan. Couronne] Ceux qui auoient fauué la vie à vn citoyen eftoient couronnez parmy les
Romains de branches de chefne.
ELEGIE XXXI.
/ mes vers fèmblent doux,flils
ont eu ce bon-heur
D'honorer ma patrie, ils m'ont
rendu ïhonneur
Que Clothon m afilé: $f fiils font an con¬
traire,
Que me vaudroit, D V R B A n, d'auantage
d'en faire f
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Jeflerois vn grandfol. Si les Deftins amis
Double vfluflrniéi de vie à l'homme auoient
permis,
L'vn pour viure en plaifir, ey l'autre en dé-
plaiflance : '
Au moins enfla douleur l'homme auroit efpe-,
ronce
De viure aifleà flon tour après le malfine.
Mais puis que le Defiin à l'homme n'a
donné
Qu vne petite vie, encore toute pleine

ELÈ
( Sur tons les animaux) de trouait & de peine:
Refponde7^moy,chetifls, fy pourquoy fi fou¬
uent
Vous donnez-vous en proye à la fureur du
vent,
Afin de rapporter vneJjarqne charge,
Le naufragefutur de Carpathe ou d'Egée f
Etpourquoy,panures flots ,pourgaigner le
rempart
De quelquefort Chafteau mettez-vous ou
hasard
Si fouuent vofire corps, qui eftfi fioible ey
tendre,
G I E s:
HS
Qifa peinefi peut-ild'vnefiéure défendre,
Tant fienfaut d'vn canon f eypourquoy tant
de fois
Aîle^- vous mendier des Princes & des Rois
Vnefloible ey mondaine & chetiue largeffe,
Afin d'amonceler vne breue richeffe,
f ne voyez ^a mort qui talonne vos pas :
O pauures abufie^, hé ! ne fiauez-vous
pas
\Que vous estes mortels f ey que la fParque
fige
MARCASSVS»
Vous a de peu de iours bornévoftre voyage t
si mes Tiers femblent dwx] Toute cefte Elégie eft prefque prifedcTheocrite,par laquelle ilmOnftreque
les hommes n'ayants qu'à viure vne vie, deuroient la paffër le plus doucement qu'ils pourroient. Tout eft '
aifé.
ELEGIE XXXII.
Inue&iue.
Ource,Mignan,quetu es ieune
& beau,
Vn Adonis, vn Amour, vn ta¬
bleau,
Frizé,fardé, qui esyffu d'vn pere
Auffidouillet ey peigné que ta mère:
Qui n as iamais fluény trauaillé,
A qui lepain en la main eft baillé
Dés, ton enfance , ey qui n'as autre gloire
Qu auoir anflanc vne belle efleritoire
Peinte, houpée , & qui n'as le fçauoir
De lire, eflcrirè, &faire ton deuoir,
Ny d'exercer ta charge, qui demande
Ilne ceruelle eyplusfaine &plusgrande.
Tu ofies bien ou milieu des repas,
Ayant les mains lepremier dans les plats,
Gorgé de mets Ù de riches viandes,
De vinsfumeux & defiaulces friandes',
Tu ofies bien te moquer de mes vers,
Et te gauffant les lire de trauers,
A chaque poinéldiflant le mot pour rire !
Si tu flouais qu'ils confient à ejerire,
Si tu auois autant que moy fine,
Reflueilleté Homère ty remué,
Pour lafleience auec labeur apprendre,
Tu n oferois, petitflot , me reprendre:
Mais tout rauide merueiUe (jfp d'eflmoy,
En me chantant tu dirois bien de moy,
Et me voyant vn Aftre de la France,
Auroismonnom en crainte & reuerencel
le ne fuis pas (petit mignon de Court)
Vn importun qui court & qui recourt
Apres tes pas, quand vn Grand luy ordonne
Vnfroid prefent, qui an matin te donne
Bonnet, genoux, pour ta grâce acquérir :
le nefinis tel,i'aimeroy mieux mourir,
lefinisyffu de trop gentille race :
Ce n'eft pour toy que lepapier ie trace,
C'eft pour moy feul quand ïen ay le loifir,
Et cefi , mignon , faute d'autre plaifir :
Et me plaifiant ie veux bien te defilaire.
Orfi ta bane efihanffe ma colère,
Et fi ta langue en ton palais n'eft coy,
Les chiens, les chats pifferont deffus toy
Parmi la rue, & mille harongeres
Te piqueront de leurs langues légères,
Te brocardant de mots injurieux,
Et la vergongne enuoy'ront fiur tesyeux.
Et cependant, pour bien viure à ton aifie,
le teflouhaitte vne femme punaife,
le tefouhaittevncoquu bien cornu,
Et pour piafer vendre ton reuenu.
Puis neponuant au Roy tes Comptes
rendre,
A Mon-faucon toutfie puiffes-tupendre,
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j?4^ E L E
1 Hé,
Lesyeux mangzde corbeaux charongneux, x
Les pieds tirezdeces maftins hargneux
Qui vont grondant heriffeT^de furie,
Quand on approche auprès de leur voirie.
^Autre tombeau tu n'as point mérité,
Quiasmefdit de la Diuinité.
quefi-il rien pins diuin quvn Poëte f
¤fprit fiacre, qui tantoft eft Prophète
Hautfur la nu'è,(èf tantofl il eft plein
D'vn Apollon qui luy enfle le fein ?
Snfiant du (fiel ey non pas de la Terre,
Quifait toufiours aux ignorons la guerre,
Ainfi qu'à toyfittelet eshonte,
Enfant aifiné de toute volupté,
Toufiours finini de muguets tes femblables,
Mocqneurs , canfienrs, eficornifleurs de tables,
Qui bien repeus, autant de ne? te font
Qtfla de proboflce vn vieil Rhtnoceront?
Et toutefois tu flou de l'habile homme,
Comme nourri à Noples ou a Romme,
Poifiant tes yiots en balançant le chef,
Feignant de craindre vn dangereux mefichefi
Sur noftre France; & curant ta dent creufie
D'vne kntifique eflcumeufiey baneufie,
Trompes ainfi les pauures obuflelff
En laflacon que les marchons rufiZ,
Qui fifianiers, par mefchantes pratiques,
N'ont point de draps auxfécondés boutiques,
Mais monflrant tout dés le premier abord,
Font bonne mine, eyfle vantent bienfort.
Ainfi, Mignon,fians auoir dedans ïame
Rien de vertu, tu couures ton diffame
D'vn maflque faux & d'vnfront eshonte :
Ainfifardé de toute volupté,
Comme vn boufion ton vifagefie monftre
*Un vray Hibou de mefihante rencontre.
D ï EY qui neprend les hommespour con-
fedi.
N'aima iamais les hommes pleins d'orgueil,
Hommes poitris de ïimoneufie terre,
Frefles &prompts à caffer comme vn verre*
GIES.
MARCASSVS.
// hait Briare, ey tous ces orgueilleux
Geans mondains, qui tirent après eux -
( Pour n auoir point de compagnons)!'efichelle
Des grand's faneurs ey des biens, par la¬
quelle
fis font monte? en haute dignité :
St ce-pendant ils prefient charité
A quelquefit qui craintif les adore,
Et tels les penfle, ainfi quefait vn More
Qui peint les fiens auffi noirs comme luy ;
Et à foy- mefime il accompare antruy.
Mais fi lefiât vieïtliffant temporifi
Iufqu à porter au menton barbegrifie,
Il les verra trébucher d'vn beau,faut,
On fles enflons en verront ïefihafiaut.
» Toufiours du Ciel la bruyante tempefte
» Deshauts rochers vient fitccager la tefie;
» Où les efllats des foudres trébuchons
» Vont pardonnant aux collines des champs.
Heureux celuy qui du contre renuerfie
Son gras gueret d'vne peine diuerfi,
Tantoflflemant, labourant ($f cueillant,
Dés le matin iufquau foir trauaillant !
Si tant d'orgueil autour de luy n'habite,
Si tant de biens, quiflefoulentfi vite,
A tout témoins il loge en fia maifon
Moins defaueur, ey beaucoup de raifon,
Dont il gouuerne en repos fia famille,
Loin du Palais,du Prince ey de la ville :
Où tu languis aux portes bien fouuent
Des grands Seigneurs pour vnpetit de vent,
Pour lafaneur qui fienfluit comme vn hofte,
Que la Fortune en quatre iours nojns ofte.
'Beaucoup de biens tu apprens d'acquérir,
Mais tu n apprens,petit fit, à mourir,
Ny d'efire aimé, ny à fiauner ta vie, .
Ny à tromper la rancme fy l'enuie
Qui te pourfluit d'vne haine en fin ciur,
Et tout le Ciel accufie de rigueur,
Dequoy tu vis, ey dequoy ta carcaffe
De Mont-fiaucon ne pendfiur la terraffe.
Pource, Mignon] Cefte Satyre eft fans doute contre quelque Financier, qui s'eftoit mocqué de fes vers: en
recom mpenfe de quoy noftre Poëte le peint de toutes les couleurs d'vn fot&d'vn mçfchant homme, qui doit
par les actions mériter d'eftre pendu à Mont-faucon.
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. fie,
ELEGIES. Icm ^
A ta taUT2eTSëurs de leur fainéle Ambro-^
^
ELEGIE XXXIII. Quifeule donne l'ame à nofirepoëfie:
Plufieurs ant effayéce beau labeur en vain,
AV SIEVR BARTHELEMI Mais la Mufie à chacun ne donne de fionpain.
D E L-B enE gentilhomme Or les dons d'^Apollon , dont fe vid em-
Plorcntin , Poëte Italien excellent, bellie,
pour refponfe & reuanche à deux de Qu$nd Pétrarque viuoitfa natiuejtalie,
fes Odes Italiennes. Efioient perdus fans toy , des Mufes amou-
reux:
E l-b E N E ( fécond Cygne après Quiplein d'vne ame viue,ey d'vn cnurgènele
Florentin reux,
Que ïart,ey lefçauoir, l'Amour
ey le Defiin,
Firent voler fi haut fur Sorguela riuiere,
Ouurant le cabinet de leurgottefacrée,
Prefquefini as remis les vers en ta contrée.
Dorment en paix les morts , ie ne veux
Jhfillaiffa de bien loin tons les autres deniere, °fftnftr
Sinon toy, qui deprèsfuis fon vol, eyfla vois,
Pour éhanter les honneurs des Princes $f des
Ceux qui ontjapafféce -qu'il nousfautpajfer.
Sur leur tombe floriffe ey le Lis ey la Rofe.
Rois ) 3, Vn hommefait beaucoup quand feulement i£
Iepenfoy qu'en pur don ta Mufie m eufi don- oze.
née ' \~Amour,apreslamortdecenobleTufianl
Vne Ode fur ton Luth diuinement fionnée, De tonsfut mis en vente ainfi comme à l'en-,
Et que mon nom efioit de ton papier rayé : con :
Mats à ce que ie voy tu veux eflre payé.
le le veux cefi raifion : de moy pour con-
(fhacun le reflripoit,il n auoitplus de flèches]
Ny d'arc,ny de carquois,de torches, ny de mc~
tr'efihange éhes, f
Tu auras enpayment louangepour louange, Quand tu en euspitié,eyfloudain tu luyfis \
Vn chu repouffe l'autre : en la mefmefaçon ( Comme ce bon Dédale à Icare fon fils)
Tu auras vers pour vers, ey chanfon pour E>es plumes pour voler par toute l'Etruriel*
chanfon. Tes vers luy redonnant Temples ey Sei-4A
Comme on voit parfiaifions les ventres des
campagnes
gneurie.
Si tofi que ton menton par l'âge fut blan-z
Fertiles maintenant, ey maintenant breha- chi, ' \
o-nes, Et ton cur des ardeurs de Venus affranchi, '
Porter l'vn après l'autre &fiourment & buifi- Laiffant Amour à part, d'vn plus broue cou-f-
fions, rage ?
Et toufiours à,pleinfein ne iaunir de moiffons: Tu commenças d'ourdir vn difficile ouurage, *
^Ainfiles bons efirits nefont toufiours de- Imitant les Romains, les Grecs, (épies Fran~>
meure ,
Fends, en vn pois, mais changent d'heure en
çois:
Cefut de marier les cordes a la vois,
\
heure, Qelebrant Tuflquement,partes chanfons Lyri~f: -
Soit en fie repofant,floit en portant du finit. ques,
Depuis que ton Pétrarque eutflurmonté la
Nuit
De Dante, ey Caualcant, $ defia renom-
Les illuflres vertus des hommes héroïques :
Où ton doéle labeur lefiurpaffe d'autant,
Que le Rofiignol paffe vn Pinçon en changé
mée, tant,
Claire commevn Soleil, eut la terrefimée, Quand Auril tend l'oreille aux complaintes:'
Fait citoyen du (fiel; nul après luy n'apeu légères
Grimperflur H'eliconpoury eflre repeu Des oféaux amoureux, Sereines bocageres^ ^
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5?4S E L E
Cnr choififfam des vers ey mafies ey har¬
dis,
Et des mots courageux, en ta langue tu dis
Vn argument nouueau forgé fur ton enclu¬
me,
A toy-mefmes traçant vn cheminpar taplu-
me,
Pour monflrer que l'efprit inuente tons les
tours,
Sansvoir iamais tarir lafiourcedefion cours.
GIES.
MARCASSVS.
Sons les ombres là bas^ le Calabrois Ho¬
race
Entre les Myrtes verds te quitera fa place :
Et Pindare Thebain te cédera fion lieu :
Ainfi entre deux Dieux tu fieras nouueau
Dieu,
Tant la Mufi(ta Circe) ente changeante
force
De faire vn corps diuin de ta mortelle efi¬
corce.
VeUene,fécond Cygne] ilvfedcreuanchc enuers le fcigncurDel-bcnc excellent Poëte Italien, & Secrétaire
d'vn grand Seigneur Italien du temps de Pétrarque , & luy cnuoye des vers où fes louanges font comprifes en
reuanche dc ceux que luy-mcfmc a fait en l'honneur de Ronfard. Sorgue ] Riuiere de Prouence. Pétrarque]
Excellent Poëte Italien , comme auffi Dante & Caualcanr. Dédale a finfils ] La fable dit que Dédale pour
fe fauuer des prifons de Minos, fe fit des ailles & à fon fils Icarus pour palfer la mer qu'on nomma Icarienne,
après la chante de fon fils Icarus. Etrurie] C'eft cefte partie dcritalie,qu'on nomme à cefte heure , Tofca¬
ne.
Fin des Elégies.
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ODE

ODE
DE L SIGNO'R BARTHOLOMEO
D E L-B E N E.
AL SIGNOR PIETRO RONSA.RJ>0
gentil-hvomo Vendomese,
IMVândo auido hnomo , e induftre
i Qrede
L'intefte merci fine di Jeta Crd'oro
alla dubbiafè di mono illnfire,
ffhe mal difpenfla il riccofluo tefloro,
Nutrito i mefley gli onni
De promeffe ($f Jperanze 'vane °g,ni hora,
Per rifiorare i fiuoi paffati danni,
Nuoue merci ^eynuouo oro arriflchi ancora:
Et con nouello inéhioflro,
Et nuoui patti rotta fié rifilda,
Chefi raro fi troua alficol noflro
Ne ifiuperbi palazi intera ey fialda.
Toi ïhumil Mufia mia
Credette vn tempo éhe nouello carme
Defleria ilfouuenir , che in tedormia
Délie promeffe tue di chiarofiarme
Con le tue dotte carte,
Quai da mefiuron gia con fiofihe note
Le degne lodi tue dipinte eyfparte,
Et flatte, fi non qui, çantando,note,
eccellentifT Poeta Franzefe.
x^il men là d'Arno ail' onde,
Doue nacque il canoro Cigno , ey raro,
Délie cui opre,à nulï altre féconde,
Jmitator fei tu fiublime ey chiaro.
Ma di toi fpeme al fine
Caduti i vanni al mia lungo deflre,
Mirando le tue Mufe alte ey diuine
Speffo honorar del mio piu flcabro dire,
Fei quai rozo pittore,
Sperato in van d'effere al viuo efpreffo
Da mon più doua , ($y con più bel colore^
Ch' allô ffiecchio figura al fin fie fieffo r
Cofi me fieffo haggio
Pinto nelle mie carte al terfio fpeglio
Degliocchi del mio Sol fiereno $f pio,
Si cti altri nonugriharia ritratto meglio;
Se pur del noflro oprare
Tofica chiaro Academia il ver m'accenna,
Dicendo che'l mio fiil bafla à impetrare
Quel che indarno iofierai da latuapenna.
LLll
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«£
EL EGI A
NOMINE Rj RONSARDI
ADVERSVS EIVS
OBTRECTATORES
ET INVIDOS S Ç R I P T A A
Hospitalio, Francis Cancellario.
Agnificis auta cultoribus
atque Poëtis
Ha^c Loria fcribic valle
Poeta nouus :
Éxcuiarevolensveftrasquodlaîfentau-
res,
Obfeflbs aditus iam nifi liuor habet :
Excufarè volens quod fïcnouitatis ama-
tor
Verborû,cùm vos omnia prifca iuuét.
Atque vtinam antiquiveftrisita cordibusaltè
Infitus officij cultus amorque foret !
Non ego confciffusfuriali dente, labo-
rem
Spicula de tergo vellere fasua meo.
Non ego, qui tanti mihi caufTa fuere
doloris, »
Auxiliû à noftris verfibus ipfe petam.
Non ego nunc Mufas fupplex orare Latinas,
Rébus & afflidis pofcere cogar opem.
Nammt curpatriaconerdefenderelin-
gU3,
Quô rurfus vitio pledar,vt antè,meor
An rifum vt cumulém ridere volentibus
illis,
Et foluam duplici feria tanta ioco ?
Spero equidem veltrishascpoiTe Latina
probari
Aunbus,& venias me reperiffe locum.
Aur,minùs hase fi forte valebunt,nil lu-
betvltrà
Qua:rere,poftremus fit meus ifle labor.
Nulla noui cernentur in bis veftigia
Verbi,
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M I C H.
Necvocis nouitasvos odiofa premet.
Quod mihi nunc prvftat Romanae co¬
pia lingua?,
Paupertasnoftrae fuftulit antèmihi.
Vosantiquadari nullodifcrimine vobis
Pofcitis, in medio natacjue verba foro.
Nos referre putamus an hac feribatur,
an il!a;
Aucloris locuples linguaue pauper
erit.
Haec quoque pofteriùs vos nunc expen-^
ditemecum,
Quale boni officium debuit effe viri.
Si cui taxa fuit iuuenili in corpore virtus,1
Aufit vt infuetos ftultus inire modos :
Et cadat infelix confeftim in limine pri¬
mo,
Et madidû turpi verberet ore folum :
Quid facias ? transferre alio coneris , &
artem
Linquere prascipias, cui minus aptus
erat?
Sin valet ingenio,&quamuis non optima
fecit
Prima, tamé fpes eft pôft meliora fore:
Continué iubeas ccep.to defifterecurfu,
Aut regredi prima,qua ftetit ille,via?
Pergere commoneas potiùs,nifi triftis ab
omni
Oflicio prorfus corda remota geris.
^tas eft aetate regéda,fenifq; maligni eft;
Confilio iuuenem nolle iuuarc fuo:
Extremç fednequitiaemaledicere furdo,
Crefcere & alterius polTe putare malis,
Diceris vt noftris excerpere carmina li-4
bris,
Verbaq; iudicio pefïima quazque tuo

ELEGIA M. hOSPlTALIL _,$
Trunca palàm Régi recitare & Régis I Seudecuitfieri,fiueneceffefuit?~~
amicis : Prasfertim Grajcis cum fontibus illa tra-^
Quo nihil improbius gignere* terra hantur,
poteft. j Nec fint arbitrio nomina fi&ameo.
M onftrares intégra fuis cum partibus,& j Nam Graxi nifi multa noualTent atque
quo i Latini,
Dicta modo, quo fint ordine,quéque Non eaverborum copia vifque foret.
loco: Sed primi ftuduêre hommes fermonis
Virtutes parker meliorâque verba nota- ad vfum
res.
Copenfas paucis vel malaplura bonis:
Diuitias patrie fuppeditare fuse.
Rhetoribus parce res & tentata pu-
O caecum inuidiae crimen ! non cernis,vt denter
intus Examen populi iudiciumque fubir.
Non mea , fed mores rideat ille tuosf Pars mox ccpta coli , cùm pars reiecla
Solusnépè vides, aut fol tibi fcilicetvni fuilTet, 1
, Nafum & iudicij lumen habere dédit. Poft asquè placuit verfa per ora virûJ
Tu modo fî belle & feftiuè pauca locu- Liberiûs prifci fabricarunt verba Poëta:,
tus
Rifum aliis,rifum moueris ipfe tibi ;
Sed populiquç non vfibusapta foret.
Ipfos naq; putes aliéna fcribere lingua,
Magnû te feciffe putas:ea fcilicet ingens Tarn variis coftant difparibiifq; notis.
Magnâq-, fcurrilibus gloria par ta iocis.
Oftultiveratqueignari laudis, in ifto
Hçc quodam populus rifit,risêre Poëtaî
Ipfî principiô non fibi nota fatis.
Ducitis egregium vincere curriculo ? Vt mea tu rides, fie eft derifus ab illis
Quô prxftat vobis iratus feriba , vel is _¤fchyliis,&quietiam nomen ab aère-1
qui tulit.
Lcgatus nuper venerat Antipoli ? Nec poft cefTauêre noui noua conderë
Sed quifnam vobis hoc regni detulit, vt Vates
non Nomina verborû, parciùs illa tamen?
Arbitrio liceat fcribere cuique fuo ? Propterea Gra?ci feriptores atque Latini
Lex eft,abfentisfî quis maledixit amico, Et parce & timide verba nouare iu-
Si famam laefît, nomen & alterius : bent.
Si contra Regempetulantiprotulit ore, Qui poterit varios tenuis componerc
Aut eôtra fuperos impia verba Deos. verfus,
Prasterea fraudi nunquâ fuit antè Poëtis
Siuebonos verfus fcribere, fiuemalos.
Quis Rcges iftos, quis pollit ferre Ty-
Diuerfis eadem fada referre modis,
Ni vel multa nouât, velmutuaplurima
fumit,
rannos, Nivacataugendisingeniofa fuis?
Delatum & falfis vatibus imperium f Quid ? multos non ha;c regio tulit antè
Veftram omnes imploro fldem, teftor- Poëtas, l
que Poëta;, Carminaque à noftris multa leguntur
Libéra difficili foluite colla iugo. auis?
Veftrumiusadimi,libertatémq; finetis, Scripta quidem fateor:fed qua? tamen
Qu^iecus erepta verfibus omne pe- omnianullam
rit"? Ingenij laudemle&avelartis habent.
Nam fî omnes hase tam crudelia régna Non quifquis potuit numerosè claudere
feratis, verfum
Defertus vobis fîm licet, ipfe feram. Continuô vatisnomine dignus erit.
Verùmage, dicaliquid cur nolis verba Multa liabeat prouifa neceffe eft antè,
nouarij Poëtae
LLll tj
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9c» ELEGIA M.' H OS P ITALIE.
Egregij nomen quifquishabere volet. Immundiqjterentvilia noftra pedes.
Vt veterum edifcat monimènta-, nec vl- Ha:c tecum, tu fi quid habes modo luliusartis
minisintus,
Doarina^ve pium pe&us inane gerat : Attonitum nifi cor vel fine mente ge-
Vt pojfïït Reges & Regû dicere pugnas, ris:
Poffit ab armatis oppida capta viris. Quos mihi nunc animos , quantas in
Vt teneatquofcunqueanimisaccende- carmina vires,
re motus Et quam fpem reliqui temporis elle
Cùmvolet,accenfosvtcohiberefciat. putas?
Scilicet hxc tua funt,prazftabis & omnia Cum videam miferum torqueri verfibus
folus, * iftis,
Vnum te toto pedïore Phrbus amat. Qui mihi vix placeant ni tibi difpli-
Hax te poffe amens profiteris ? non ego: ceant.
verùm Non etenim noftri tam fum quàm fin-
Vt poffem , puero maxima cura fuit.
Sed me conantem Latio deducere Mu-
gis amator,
Vt mea confeftim qualiacumq; profas,
bem.
Atque illis patrio ponere templa folo, Mutem quinetiam vel te monitore li-
Turbaueremali vates,falfique Poëtac, benter,
Quos premit inuidiaî laus aliéna ma- Qux noua funt fcriptis vel peregrina
lo. meis:
Onimiiïm vere fapientem, qui fibitan- Vt mihi ne verè pofthac malè dicere
mm pofïîs,
Contentus patriislaudibus ipfe canit : Atratis mala nec pungere verba notis":
Nec longinqua virûm qu*erit volitare Vtqueadimâridere tibi,quodicerisvno
* pérora, Inter honoratos fcurra valere grèges.
Nomen & ad cceli fidera ferre fuum . Qui mos quàm facro C h r i st i fit prç-
NecprodefTe fuisvtpoffet ciuibusolim, fîde dignus,
' Inuidia: folus fubdidit ipfe caput. Videris id tute, Gallia tota videt.
Et tamen eft aliquid quo me confoler,
ande
At tibi cùmfuerit factura fatjs, ipfe vi¬
cilïîm
Auxilium plagis vulneribûfq; petam. Oris pone tui fpicula,ponc faces.
Defpe&us tibi fim,non fie mea carmina Non mihi femper erit circum patientia
vexes, pedtus,
Non rabido toties, vt facis,ore petas : Non tua perpetuô di&a faléfq; feram.
Non metuas iaceant lectis femel vt tua Inuitus , iuro, triftes açcingar Iambos,
noftris, Lxfus & expediam carmina mille tibi,
Non tacitus dicas, hei mihi quid fa- Quç miferum fubigant laqueum vel neciam?
Ii icnoseiicietregno, plebémquevideri
ctcrecollo,
Frâcicavelturpi linquerc régna fuga:
Efficict,turbas innumerafque dabit. Vt difeant homines, lingue fors vkiraa,
Vifa femélque audica placebunt ifta, &oris,
placebunt, Exitus^effreniquàmmiferelTe^crlet.
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LES HYMNES
DE P. DE RONSARD
GENTIL-HOMME
VENDOMOIS.
A TR E S -I L L V S T R E PRINCESSE
MARGVERITE DE FRANCE
DVCHESSE DE SAVOYE.
Commentez /w N i c o l a s Richelet, Tarifien]
L Lll iij
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E P I S T R E
D'ESTIENNE IODELLE
PARISIEN,
À MADAME MARGVERITE,
DVCHESSE DE S A V O Y E.
1 déformais vers toy,flous qui doit
eftre ferne
L impudente ignorance , on ad-
dreffe,oMiKER\l,
Tant â'

S>]6 EPIS
Aux vaiffeaux mafififis d'or, où la troupe
efionnée
Des deuots pèlerins aborde? en ce lieu
Bennoient de logue fluite auxfleftes de ce Dieu.
Car les ricloespreflens qui or cheZ-toyfl treu-
uent,
Prefentezpar Ronsard, tout ainfi nous
abrenuent,
I nuitan s tout vn Monde a louer ton honneur,
1nuitans tout vn Mande à louer ton donneur,
Qui recule en l'autel de ma grand' Mar¬
gverite,
Pourfaireplace a l'or, mon argile petite,
Où deuant iefiaifiis l'offrande à ta Grandeur,
jMon pas d'vnpareilprix, mais bien d'vn pa-
reilcur.
» Malheureuxfiont ceux-là, de qui les jalou-
fies
» Pour lesgenner tousfinis ont les amesfiaifies:
* » Malheureux efi celuy, qui pourpenfergai-
gner,
» D'vn admirable ouurierveut la gloire efi
pargner.
Dans les antres ombreux le jaloux d'vn bon
f auure \
Doit viure, s'ilne veut quefi rage on defcau-
ure»
Queft-ce quifiait les vers ffi leurs faimsar-
1 tifans
i Seruird'vnerifiéeàtant de Cpurtifians ?
Et que les Grands,quifont leur but de la mé¬
moire,
Dédaignet a tons coups ïouurier de tellegloire,
Aimons mieuxfie priuer mefime de leur efpoir,
Portons tout au cercueil,qu en viuant receuoir
Les vengeurs de leur mort f hé, qui fiait que la
France
Chargefiuuent d'honneurfin afineffe igno¬
rance,
Si ce nefl vne enuie f enuie qui ne veut
Souffrir vne vertu,qni tropplus quelle peut,
Seperdantpour la perdre t 11faut,ilfaut des
autres
Vanter les beaux labeurs pour donnerforce
aux noftres :
Tel admirefiuuent ce qu'il doit admirer,
Qui de floy-mefinefait d'auantage Çfperer.
« Car quant au pointf d'honneur, tant plus
vn homme en qnite,
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
T RE.
» Et pinsil en retient , eypïus il en mérite^ .
le feray toufioursflanc : ïhonneur que i'ay de
toy
isiu rebours de tout autre éueille vn c en
moy,
Vn c prompt $f gentil, qui fait que gay
ïadore
Celuy qui comme moy ma grand' Minerue
honore:
Etflfiait que de luy ie m accompagne, afin
Que ton nom & lefien vole auMonde fansfin.
Aux canardsfioit ïennie: oncqueson ne vid
efire
L enuie dans l'efprit courageux (j^r adefire :
Nul ne fiauroit fi bien fi faire plaire aux
Dieux
Que ie ne defiraffe encor qu'il leur pleufi
mieux :
Quand on a le c tel, bien qu'encore on ne
fiace
Ses traits du toutparfaits,ce brouec efface
Par vne opinion le traifl le plus parfait:
Tuis de l'opinion la véritéfi fiait :
Ainfi l'euure d'autruy doit fieruir à la vie
D'vn encouragement, & nonpas d'vne enuie.
Tant s enfaut qu'enuieux de nos hommes ie
fois,
Que ie iure ton chef, qu'entre tous nos Frarh
çois
( Tant ïhonneur du pais m'a peu toufiours
ejpoindre)
le voudrois qu'on me vifi(tel que iefinis) le
moindre:
le nefieruirois plusfors qu'à ton fiacre los
D'inciter, languiffant, les efprits pins difpos :
Mais pn'u que nous voyons croiftre en France
vn telnombre
De brouilleurs, qui nefiont finon que porter
ombre
A la vertu naiffante , il te fiant prendre au
poing
Ton glaiue ey ton bouclier pour ni aider au
befoin :
Et tant qu'encourageant mesforces à l'exem¬
ple
Du vainqueur Vendomois,*>fine de
ton Temple
Pourfiur les ignorons redoubler les efforts,
Et voir ces auortons anffnaft nais que morts:

EPIS
^Afin que l'heur dc France $ des Mufles ie
garde-,
Foifont après Ronsard lafinie arriere-
zorde.
, le les verrayfiondain fous mes traitsfiefirayer,
le les verray findainfions ta Gorgon muer,
Mais non pas de beaucoup : car efiant demi-
pierre
De l'efprit,ilnefautfinon que l'on reflerre
Leur corps,futur rocher, afin qu'on oflea tous
Le pouuoir defle nuire eux-meflmes de leurs
coups,
Arreflont par lesyenx de Medufie auec l'ame
Le malheureux Démon quifi mal les enfla-
me.
Or cependant qu ainfl tonficours i'atten-
dray, x
Et redoutable à tons au combat me rendray,
T R E. £j7
Embraffe-moy ces vers, que la harpe meilleure
Pour ta fiinéte Grandeur a fionnez à cefle
heure :
Embraffeyembraffe,& flayces beaux Hymnes
fionner,
Frères de ceux qu'on veit a flon O D E T don¬
ner:
Tant que depuis ton Temple entendent les
Eflranges
Des hommes ey des Dieux les plus belles
lou ouang es.
Confleffans qu'en ce fiecle ingrat, aueugle ey
las
Des troubles de la guerre , on void vne Pallas,
Quifait de nos vertus 6* de nos Mufes conte,
Autant qu'a l'ignorance ey ou vice de honte :
Prenant pour les flâneurs quefiait fia De'ité,
L'vflure quelle attend en noflre Eternité.
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A MONSEIGNEVR
MONSELGNEVR MESSIRE
NICOLAS DE VERDVN, CHEVALIER,
Conseiller dv Roy enses Conseils
d'Eftat 8c Priué, Premier Prefident en fa
Cour de Parlement.
ONSEIGNEVR,
Vn grandfrontispice ne conuient pas a vn petit ouurage*.
quatre ou cinq fueilles de papier nefontpas dignes d'vnegran-
__ de offrande. Et ceft ce qui ma fiait douter long temps, après
l"uure fait,fi ie deuo'u 'vous le prefinter. Car en effet cefi trop ,ala propor¬
tion & qualitéde mon labeur, que vofire illufire nomy foit infcrit: Si ce n'efi
qu efiant vn nom d'éternelle vertu, la confecration de l'Hymne de l'Eternité
luy appartient. Outre que vofire esflrit,plusgrand encor que'voftre grande di¬
gnité , vofire admirable humanité, intégrité, vofire refolution aux affilons
du bien public , vous portent d'elles-mefmesà l'Eternité. Et puisJes lettres que
vous aime'Z> auec paffion (vofire eminentfçauoir en efi tefmoin) peuuent- elles
auoir du deffiein,que ce nefoit a vous,nonpour vous etemifer, maispour s'eter-
niferen vofire nom ? 'De moy ce quet en ayfait, ria efié que pour macquiterde
mondeuoiren vofire endroit, çffl pour vousfairevoirau temps desX)acations,
le diuertiffiement que ie mefuis donnéfur vn Autheur, que i'eftime vn petit
moinsfçauant qu Homère. Cefivn miracle de voir ce qu'ilfçait,& qui efchap-
pe à qui rij a bon &il. Vn Eufiathe,vn Seruim,vn Aiacrobeyferoient bien oc¬
cupez,, çtf ie n 'en veux tefmoin que vous,a qui,comme augrand Prefire dufça¬
uoir,tout le myfierefaincT; des Grecs ® des Latins efi defcouuert. Tanty a que
vous aureZiCe contentement en lifant cet Hymne,dy voir la grandeur de celle,
qui efifeule capable de recompenfer vos mérites infinis,comme elle efi infinie. Et
quantamoy,ïauray affez, d'honneur,fi par ces prémices démon humble affe*
Bion,iepuis tefmoigner à tous,vous l'ayant agréable, que iefuis,
oMONSEIGNEVR
Vofire trefhumble & tresobeyffant
feruiteur,
Richelet.
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

?t5o
E s Hymnes font des Grecs inuention première :
Catlimaque'beaucoup leur donna de lumière,
De fflendeur, d'orn ement. Bons Dieux quelle douceur,
Quel intime plaifir fient-on autour du ccur
Quand on lit fi Delos, ou quand fia lyre fonne
Apollon & fia Saur , les iumeaux de Latonne,
Ouïes Bains de Pallas, Cerés, ou Iupiter ï
%^4h ! les Chrefiiens deuroient les Gentils imiter
A couurir de beaux Li^&de Rpfles leurs teftes,
Et chommer tous les ans à certains iours def efles
La mémoire & lesfaits de nos Sainéîs immortels,
Et chanter tout le iour auteur de leurs ^Autels:
Vendre au peuple deuot pains-d'esfiiee &foaces,
Défoncer les tonneaux , fiefler les Dédicaces,
Les haut-bois enroue-^ finner branles nouueaux,
Les villageois my- bsufs danfier fions les*ormeaux.
Tout ainfl que Dauidfautait autour de ï%^4rcheK
Sauter deuant l'Image, & d'vn pied qui démarche
Sous lefion du Cornet , fle tenant par les mains
Solennifler la fiefle en ïhonneur de nos Saincls.
L'dge d'afreuiendroit : les vers & les Poëtes
Chantant de leurs Patrons les louanges parfaites,
Chacun a qui mieux-mieux lefien voudrait vanter:
Lors le Ciel fiouuriroit pour nous ouyr floanter.
Eux voyons leur mémoire icy renouuelée ,
Carderaient nos troupeaux de tac & clauelée,
Mous depefle & famine: ^y confieruant nos murs,
Nos peuples $f nos Roys, l'enuoiroient che% les Turs, .
Ou loin flur le Tortare, ou auxpays eflranges
Qui ne cognoiffent DlEV,fes Sainéts, ny leurs louanges.
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
LES

L E
PREMIER LIVRE
DES
p.
H Y jM N. E S DE
DE RONSARD.
A T R E S-ILLV SftiR E_P R IN C E S SE
.Margverite de France, Ducheffe de Sauoye.
Hymne d e_Jl' E t e r n i t e'.
Commenté par Nicolaj RiCHELET,^r//îW
Ourmetéd'Apollon qui m'a
ïame efihaufiée,
le veuxplein defureur,fui¬
uant les pas d'Orphée,
Recercher lesfierets de Ma¬
ture & des Qeux,
Ouurage d'vn e[frit qui nefl point ocieux:
le veux, s'il m 'efipoffible,atteindre àla loiian-
De celle qui iamaispar les ans nefie change :
Mais bien qui fait changer lesfiecles ($f les
temps,
Les mots & les fiaifians & les iours incon-
fians,
Sans iamaisfie muer, pour rieflre point flujette,
Comme Roynefùprême,à la loy quelle afaite.
Trauoit grand & fafiheux : & toutefois
l'ardeur
D'ofirvnfihautfiait m'en conuie au labeur:
Puis ie le veux donner à vne qui mérite
Quauec t'Eternité fia vertu fioit eficrite.
Donne- moy, s'il te plaifi, immenfe Eter¬
nité,
Pouuoir de célébrer ta grande Deïté:
Donne l'archet d'airain & la lyreferrée,
D'acier donne la corde (^f la voix acérée,
Afin que ma chanfon fioit viue autant de
iours,
Qti éternelle tu vis fans voir finir ton cours :
Toy la Royne des ans, 'desfiecles & de l'âge,
Qui as eu pour ton lot tout le Ciel en parta¬
ge
R I C H E L E T.
La première des Dieux, où bien loin defouci
Et de l'humain trouait qui nous tourmente
ici,
Par toy-mefime contente, £

des hymnes; &&i\
^puiflance & majefté. Tu te ftsds ] Selon Platon,quï contraire aux autres PhiIofophcs,le/que's meilent Dieu
parmy la rnatierc,& le font fujet à ces châgemés,dit,qu'il eft aflisau haut du Ciel fur des fainéts fondemés,c'eft à
dire,fur le règlement & gouuernemét de la Nature,^ -mu «sfei dm *'« ^ %u,m in, ^m lycuça» IfyvAÏoç à> /idSpoif ârfoiç,
$îdtawa>LF 4>«'w «fec-p&o^Vc.PIutarq.^u trai

«X4 LE '' LIVRE
AU pmth Monâe&icton doux reps, Trahifen'ontrt ^UVm«h mtnaffi,
E, Ldroit , fil ï»w«t , rmgmircr U Vacmh Vern , # k thtffe m Snfer
CL Garrotte pieds & mains de cent chaijnes dt
Mais tout auffifloudain que cet ennemy brafife fier.
R I C H E L E T.
^ ton dextre cofté] C'eft icy vne élégante allégorie félon les qualité* immuables & toufiours vues de l'Etér
nité. Ainfi voy oni-nous que Conftani.n.enla première harangue qu'il fauenlaffcmblee de N.ce.vfed vne
excellente allégorie, pour reprefenter la grandeur de l'Eglife, iadimnite, fon eftendue fon fondement. Il
rpprefente donc l'Egl'fe, qu'il appelle ^^W^ ««m'e**. comme vne belle Se grande maifon, qui don¬
ne du comble iufqi"auCiel,^«^^^^^->&q«^'eftendPar toutelaterre. A cefte maifon ,1 donne
douze colonnes fermes & plus blanches que la neige, les douze A poftres qui en la puiffance deJa dia.ni te du
Sauueur affermiffent & eftabliffent fa foy , M,, è Jl** m Wt «»» ' X""* *W*&W 'f» P * m ntmwç,
«fJiç»(T» mçjit'-nms nt/Miir* lmnft(Awei/jiHUamto1at.llmetencoi't(c[Uifi comme fait icy noftre Poète) deux fenti.
«elles ou gardiens à la porte de cefte Sainéte maifon oct » we/.a.wc o7u>ç , -ùans SûopÀm* Vuxàictôi ty^â-n», la crainte Si
l'amour dc Dieu, qui font que l'iniquité n'ofe regarder feulement la porte , otMa 'Âwwc Suwo -iS ilirtv àttKMÎtnu.
tiré des ades du Concile de Nice. Franc) Pur & naturel. Viffie ] AlIaigre&gaye.Canlnyapointde
triftefleny de maladie enl'Eterniré. Etc'eft pourquoy les Dieux, ce dit Seruius, lurent parje Styx fleuue de
triftefle , c'eft à dirc,pat leur contraire , quia triftma eft contraria ttermtati. Ke fioit umatt ride comme les noftres ]
C'eft la différence qu'il y a entre le bas Si le hauc du monde , les chofes inférieures ÔC fupeneures; celles-là font
immuables, celles-cy muables. Les Anciens ont limité le lieu des chofes immuables & comme éternelles, -de
tout ce qui ebadgUi lunark exorduim iufqu'au firmament & au deflusj&des muables, tout ce qui eftdef- .
fous la Lune, qu'ils ont appellée "WM mortiffie confimum ,Macrobc. De la trifie yteillefe ] Parce que rien ne1
vieilliftauCiel,/f»w»fow excluait prouidaregnk, Marulle. ^Cfint Que UCielnelneiïïiJfie] Et ilne fçauroit vieil¬
lir , car eftant tiré fur vn patron étemel, il ne peut que rcflembler à fon idée, fans changement ny diminution}
huic nulla accefitofieri poteft nec decepo. Ioint que tout ce qu'il a de paffion vient dc luy-mefme& s'en nourrir,
confumpnonexer fimo fimalitur, ce dit élégamment Ciceron au liure dc l'Vniuers. Le Dtficord] La confufion
des elemens, les contrarierez defquelsTertullian appelle Antithefes; contre Marcionz.chap. dernier. Tout
ainfi que Philon luif appelle les elemens en leur accord, frères ,aVU?« çd/vm*. au liure ép-à

DES HYMNES. s>

^
9ce HYMNES.*
em^btune&IeSolcil.peut-eftreàcaufequ'ils font «>V^ .'* , Plutarqucauttaifté de la création de l'a.
^tencofi V àobferuer comment l'ordre des plantes s'eft cognu, a fçauoir par leurs echpfes & occul¬
te n^*^ foit fupeneur,& puis que la Lune quant a nous,
;Soleil,ilfautparnecefluéd'ordrequ'ellefoitfouSeux. ZuimuMe ± Et dvnemu-
fait eclipfer Mercure 8c le Soleil, il faut par neceflité d'ordre qu <
tati
dit
maines :& de fait que Philon luif remarque que ces fig'- , --
font de fept en fept iours , «fi éffA^ , & à caufe de la grande fympathie qu a ceft aftre , entre les autres,auec
laterre, il rappelle, ra5W^W ^WW* Allégories. J?» Ttne trtplefim*] *>mn. Trima, ce
dit Gcrmanicus, »W tribut fiungaturfigurk,^ «,'«*?>* #"»""» W«r, Phornums. 0«/ o»W *
b Awtf 1 Mais pluftoft de l'ombretife nuiél , fi ce n'eft à caufe des quahtez de ceft aftre, qui de fa nature eft vn
corps fombre&fans lumière, faxaùh, nec^ltra fiuperfiaem qmuis kce penetrabd^Sc lequeiauffi.ee dit Macro-
lofes°] Grands chiens de chaffe, Sc^wff^ns,multolegitaritamolo'foFenator,Smms. Fichant les yeux en elle] La
regardant attentiuement , comme quand elle va coupant fes herbes , ainfi que dit Virgile , Falcibusad lunam
mejfie,&r. Tu maintiens l'rniuers ] Qu'entcnd-il par là que l'Eternité maintient l'Vniuers î eft-ce qu'il veut
dire,que le Monde doiue eftre Eternehou bien qu'il foit fans commcnccment^snaç *?>£» Vtw *

hymnes: 7^7
( Thronequi de régner iamais ne ceffera)
Ta boncloe ne dit point , Ilfut, ou, Ilfera :
Et celuy dont le pas rieft encor auance,
Sont prefins a ton ail , qui d'vn feul clin re-
C'eflvn langage humain pour remarquer la garde
£"°fi:
Le temps prefent toutfini à tes pieds fie re-
Le paflé, le preflnt, voire celuy qui tarde
A venir quant a nous , & non pas quant a
pofiy toy,
Sans auoir compagnon : car tout le temps Nyd ton ailqui void tous les temps deuant
paflé, fiy,
R I C H E L E T.
Tu nat pat les mortels] Les chofes mortelles, les hommes. Hérite"^] Partagea. Par le fiucce7] Par ré¬
parer fucceffiuement ce qui dépérit des indiuidus. ^¤ laquelle Venus] Le plaifir naturel qui nous porte à cefte
propagation.
Vt res- per Venem blanditum fiecla propagent,
Ne genus occidat humanum. Lucrèce liu.2.
Par plaifir mutuel ] C'eft à dire , des deux fcxes : i fi amtna., ce dit Orus , \s Ma. t^^uS. «/>eW&. avia.yayàn
ut %uynt UffM-ilnwi, otSbv ityv/£t'o( ti&.Ttpto rûç ®e9f 9w.-/w KotvaAitÇ) aç t£u> ik ô/uvlv "folicnr. Pour garder fon eftece]
Et pour reiinir la fin à fon commencement par vne fuitte' perpétuelle. Et c'eft ce que médite encor excellem¬
ment Philon luif au liure «fe» KûirMsir. quand il dit, qu'en la création, Dieu a fait le commencement iufqu'à la
fin, i^uT^epçTj "Atoç, Se a fait retourner cefte fin à fon commencement, £ iÎmç eV ^àù ?£( 757saoc , & entant que ce fruiét, comme en la fin de
aplante,eftlafcmencedercfpece,xap57-ï- 4 amp/jut , cefte fin eft le commencement d'vne nouuelle plante, à»
KAtfj *^,&>£pilacommefe gardent & perpétuent les efpeces. sansreftaurer ton eftre ] Parce que l'eftre de
Dieu ôc de fonEternité.cftfafubftance Se fa nature mefme,voire fon intelligence & fa Deïté,ce dit Sainél Tho¬
mas. Et comme dit Sainét Auguftin, ejfein Deo non eft accidens,Sc confequemment ne fe reftaure point,parce qu'il
eft éternel & immuable,& non/uieél à aucun afFoibliffement ou diminution. Des Parques ] Dc la Moit,fiumpth
i parcendo^ocabulit, antiphraftice\ ce dit PetrusBlefenf.ep.1tf9. Egalant les Sceptres aux leuiers] ^tequansficeptr*
tigonibut, ce dit quelqu'vn. Car en cffeétj c'eft en la mort qu'eft la parfaite égalité : Inîtfùa hi aiïv , k^ Ï/mioi mûrne,
ce dit Lucian *, qua lienerarit (y qua defticit , ce dit Seneque ad Marciam , ~\nut exaquabit cm'tt. ^/C tes Dieux ] A
ces Intelligences créées qui font au Ciel. il fiut,ou,u fiera ] Parce que ces termes de futur Se du paffé concer~
nent les chofes creées,font marques & fymboles de génération , ^ônsytyiilmK «JV> *»V ZiJ,toV ssoj » ce dit élégam¬
ment Platon au Timée : mais à l'Eternité il ne conuient quel'eftre Se le temps prefent, ii î'n ^Vo-, «J1 m «JjdW hly>v>
d'autant qu'elle eft immobile & immuable, auquel cas les termes de futur Se du paffé ne s'y peuuent appliquer,
parceque,çommeditlemefmePlaton,ce qui eft éternel immobilement,7î .bi Fuit Cr Ent ejfie non pofttt. Dont le pas n'eft encor aduancé]
Lefutur. Sontprefiensatonil] C'eft ce que dit encor Sainél Auguftin au 12. defaCité.chap.ij.qu'au
mouuement de l'Eternité de Dieu,il ne faut pas dire que cela a efté, qui n'eft pas défia , ou fera qui n'eft pas en¬
core. Et Sainét Hierofme fur l'Epiftre de Sainél Paul à Tite, Toute l'Eternité eft vn temps en Dieu , & la raifon
eft de SainelHilaireaui.de hTnnuê,quiain atermtate, pofieriut antenufïe non congruit, nonplus qu'en latoutc*
Puiflance, ~validius infirmiûJîie.'Et c'eft pourquoy Dieu fc nommant foy- mefme, dit admirablement, crabfiolwta
de fie figmficatione , Ego fum qui fum, quia id ipfium quod eft, neque de/mentit eftaliquando,nequecpti. Tout les
temps deuant foy] Q.ma noneftDeut temporum poftenory ceditArnobe Pfal.^.JEO/^t temput , ab eo fiumpfit eXor'
ditm. Et encor Platon au Parmenide, paffe plus outre, car il dit, que le temps prefent mefme ne conuient pas
proprement à Dieu , ny àfon Eternité, parce qu'il eft temps,& le n «v , l'Eternité n'a point de temps , Se ne fc
peut rapporter àaucun temps en tout, d'autant qu'elle eft immobile & toufiours deuant tout temps, de forte
que nous ne pouuons conceuoir l'Eternité, que negatiuement, en difanr, qu'elle n'eft point tout ce que nous
pouuons énoncer ou imaginer d'elle. ^ .
M~Mmm tiij
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9*8 LE I. LIVRE »
Nous autres iournaliers ,nons perdons la Toute commencement, toute fin, tout milieu,
mémoire Sans tenir aucun lieu, de toutes chofes lien,
Des fieclesja coule^ , &fi ne pouuons croire
Ceux qui fiont a venir comme nais impar-
Qui fais ta Dette en tout partout eftcndre,
Quon imagine bien,$f qu'on ne peut cornfaits,
Encroufte^ d'vne argilie & d'vn limon efiois,
prendre.
Regarde-moy Deeffe au grand ail tout-
Aneugles & perclus de laflainfte Lumière, voyant,
Que le peéhé perdit en noftre premier pere : Royne dugrand Olympe au grand tourflam-
Mais ferme tu retiens dedans tonfouuenir bayant,
Tout ce qui efl paflé, &r ce qui doit venir, Grande Mère des Dieux , grande Dame £r
Comme hante Deeffe éternelle & parfaite, Princefife.
Et non ainfl que nous de majfie impurefaite. Si ie I'ay mérité, concède- moy ^Deeffe,
Tu es toute dans toy ta partie'fy ton tout, Concede-moy ce don : ceft qu'après mon trefi-
Sans nul commencement ,fions milieu, nefans pas
bout,
Inuincible, immuable, entièrefy tonte ronde,
[Ayant laifié pourrir ma deffoiïtileçà bas)
le puiffe voir au Ciel la belle Marguerite
N'ayant partie en toy, qui en toy ne reffon- 'Tour qui i'ay ta louange en cet Hymne defi-
de, crite.
R I C H E L E T.
Moût autres iournaliers] Subie&s au temps & aux iours. Encroufte!^ d'yne argilie] xs&tjuî'àthçyîiç qu'appelle
Plutarque ; nugatoria eyimbecilla corpuficula,ce dit Seneque au i. de lès Qucftions Naturelles, chap. i.fiutda , nec
magna molitwne perdenda, enfermez dans vn corps dc terre, par allufion à la matière du premier homme , qui fut.
du limon de la terre comme dit Moyfe,î'^tfS{. Il eft vray que ce ne fut pas,
dit PhilonIuif.au liure de la Création , d'vne terre indifférente, & telle qu'elle fe prefenta par hazard, mais
Dieu la choilit la plus nette,& la plus pure, ifexe/i/et'Ji Avant -n £»'aZssw , an >(&&*&( »*« » fw.3eipeèmnr > comme vn
parfait imager, qui vouloit faire vn parfait ouurage, pour feruir de maifon Se de Temple à fonimage, c'eft à
dire, à l'ame raifonnable : car, comme dit le mefme , noftre corps , cefte argilie ou terre choifie, qu'appelle no¬
ftre Autheur, eft la maifon & le temple facré de l'ame raifonnable , m; £ nàt hpos ^u^ç wm- ^Cueugle^ ey
perclut delà fainfte Lumière] C'eft à dire, dc cefte pure& fimple cognoiffance, auec laquelle l'ame raifonnable
fut créée, auparauant que le pèche l'euft aueuglée, d^fi-nv -n^w^mç çveiw w^h, ce dit Philon luif. MaisTrifmegifte
au Pimandre, impute cela à la mafîè du corps, qui contraint l'ame , immicum ~)>mbuculum, quodte dearfium
raptat, neforte conJficiAs lientatis decorem,atqueproximum bonum : hoc aciem interiorum fienfiuum hebetat & obtundit, crajjk
illam mAteria fiufocat. Car quant à l'ame, ce dit Seruius 6. elle a toufiours en foy , fa mefme clarté naturclle,mais
fon corps l'offufque \~\tfi leonem includat incaueam, impeditusyim fiuam non perdit ,fied exercere non poteft: lta antmus
non tranfit m yitia corpor'u, fied eiut coniunBione impeditut, non exercet "\imfiuam : animusperfie nthil patitur , fied laborat ex
corporis coniunftione; pernaturam fiuam non corrumpitur, fied per contaBum ra alterim. Que lepéchéperdit] Comme
s'il vouloit dire, que fans le péché l'ame euft conferué Se retenu fes facultezSc fondions &fa lumière, auffi
libres auec le corpseomme fans le corps ;ce qui eft vray , mais le peché luy atout ofté ; ademptaeftiUi , ce dit Ter-
tullian,contrcMarcionliu.î. chap.z. Paradifigloria, eyfiamiliaritat Dei,per quam omma Dei cognouijfiet ,fi obedijfieti
de forte que Macarius élégamment Homélie u. dit,qu'en cefte eftrange mutation l'homme eft demeuré mort
quanta Dieu, V£n»i23«* à^rtSare» viuant feulement quant à fa propre nature, in'iâa. eius ejfie m ftfèeft, ce dit Saind Hilaire
contre l'Empereur Conftantius , non altunde quod eft fiumens, fied tdauod eft, ex Je atque m fie obttnens. Ta partie
C ton tout] Marulle.
Ipfia eadempars, totumeadem, finefine,fine ortu,
Tota ortus , finifque , dificrimtm nullof
Tota teres , nullkque tut non confina parte.
Qui eft à dire, que l'Eternité eft Yne intégrité fimple, toute entière en chaque partie; car il n'y a point dépar¬
tie en l'Eternité de Dieu, qui ne foit tom; totus idem eft, ce dit Gregorius Beticus au liure qu'il a fait De Trinitate
eyfide,fiecundumfiubftantiam, nonpars espars , non membrum ey membrum , fiedfimplex neficio quid, ey tntegrum typer*
fiettum. sans nul commencement ] Qui eft la vraye marque de l'Eternité de Pieu, /MTfnK&>rUà , & proprement Optatus Mileuitanusliu.3. Genus Dei eft non habere genus , qui ex fie eft ey
manet matermtate. Et Tertullian contre M arcion, liure 2. chap. 5. non tempus habuit , ame tempus qua fiecit tempus,fic
->t nec witium ant* imtium, qua conftituit inittum: atque ita^carens ey ordme initu eymodotempom,de immenfia eyinter=
mmabiU atate cenfiebitur. Immuable ] Saind Hilaire élégamment à ce propos Pfal .z. Nthil maternam illam ey
perfie&am naturam nomm incidit, neque qm ita eft lit qualit eft, talk ey fiemper fit i ne aliquando non idemfit,
poteft efificitahquid altud ejfie quam fiemper efi. Et dc là eft que ks Platoniciens ont.recognu, que tout ce qui
fe voyoit au Monde efiant muable, Se receuant plus ou moins, ne pouuoit eftre la première efpece, ny
Dieu Eternel, qui eft toufiours confiant & immuable , ce dit Saind Auguftin au 8. de fa Cité chap. 6.
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des hymnes: p69
parte qu'il île fepeutfaire.ceditPfellusen fon Arithmétique, que ce qui eft vne fois vn, foit antre chofe que
toufioursvn, a.im.% fiiàiv, îr 'fii. Et fait à remarquer.que cefte Immutabilité de Dieu,a cela de particulier, que
quoy que conuerti en toutes chofes , il ne change point , ytltcètin omma conuerti pcfiit, tamen qualis eft perfieueret.
Et c'eft la différence qu'il y a entre luy & ce qu'il a créé , d'autant que fa conuerfion n'altère rien de ce qu'il eft,
au lieu que toutes les autres chofes, citm conuertuntur amittunt quodfuerunt , quia natttra conuertibdmm ea 1ère eft ne
permaneant in eo quod conuertitur, eyperdant conuertendo quod fuerunt, Tertullian au liureak carne Chrifti chap. i.
N'ayant partie entoy quientoy nere/ponde] D'autant qu'il n'y a rien del'effence Eternelle, qui ne foit Eternel}
rien de la fubftance Indiuifible de Dieu qui ne foit Dieu. Le mefme S. Hilaire encor Pfal.z. admirablement, dei
mntatwne non nouut eft qui origine caret : ipfic e{l qui quod eft, non aliunde efi : in fiefie eft, fècum eft,ad fe eft,fumfibi eft, ey ipfi
Jibi omnia eft.fibiipfe totut ey totum. Tout commencement, toutefin, tout milieu ] Suiuant ce que dit Clément Alexan¬
drin au Protreptic, que Dieu contient le commencement, le milieu, & la fin de toutes chofes, «?&!, i. ii^ébrUi,^
fdjar&ôr-mr- Sans tenir aucun lieu,de toutes chofes lieu] C'eft à dire, comprenant en fon Infinité(qui confequemmët
n'a point de lieu) toutes chofeS qui ont lieu,& defquelles elle eft côme le lieu. Si ce n'eft que nous difiôs, auec les
Pyrrhoniens.ee que dit Laertius,que le lieu n'eft que par fuppofïtion pour la demoftration.TsW /J> t?)

97o LE L
De qui la gloire doit toufiours eftre chantée. ,
Ainfin on vous defilaifl quand vous efles
vantée,
Et toufiours rougifle^fi d'vn vers importun
Quelqu'vn' bat voftre aureille en louant trop
quelqu'vn,
Ou ficoue^la tefie, on d'vn ail vénérable
Monftre^ quvn vilfiateurne vous efl agrea-
- ble.
Pource, illuftre Princeflfle , au figne que iay
veu,
Jl faut ne vous louer ou vous louer bienpeu,
Etfhiure flonfln'jet fans vous penfer complaire
Par louanges,ainfi qu'on plaifi au populaire.
Quand Iafon l'Argonaute a l'aide de Pal¬
las
Euft poufié Jouirons & deforce de bras
Au port 'Bithynien la barque qui première
De rames baUoya l'eflhine marinière,
Les preux dedans Argon comme envn ven¬
tre enclos,
LafleT^d'auoirtournétout le iour tant defiots,
D'vne ancre au bec crochu la gallere arrefte-
rent,
Puis an foirpourdormir au riuagefautèrent.
Là Iafon défendit, qui nefiaifioit encor
Quefiifierfion menton d'vn petit creffe d'or,
iafon legouuerneurde toute la nauire,
Qui luifiit en beauté comme aufoir on void
luire
L'eftoile de Venusjors que la nuiél no pas
Encor du tout voilé les terres defies bras.
Apres luy deficendit le chenelu Orphée,
Qui tenoit en fies mains vne harpe eftofiee
De deux coudes d'ynoire , ou par rang fi te¬
naient
Les cordes, qui d'enhaut inégales venoient
A bas l'vne après l'autre en biais cheuillees :
En la façon qu'on voit les ailes efbranlees
Des aigles en volant , qui depuis les cerceaux
Sefluiuent près à près, à rangs tons inégaux.
Ce noblejçhantre auoit par-fur tons priui-
lege
De ne tirer la rame, oins ajfis en flon fiege
Au plits haut de laproue auecquesfies chanfons
Donnoit courage anxTreux animeT défis
fins :
Maintenant parfis vers rappellant en mé¬
moire
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LIVRE
De leurs nobles oyeux lesgefles& la gloire,
Maintenant fe tournant vers Argon, la ha-
ftoit
D'vn chant perfuafif que le bots efioutoit.
Là fut lefltge IdmonJequel(bien que l'au¬
gure
Luy euftflonuent prédit fla mort eftre future
An bord Mariandin s'ilalloit en Colchos)
Efboint d'vn grand defir def acquérir du los,
Aima mieux viure peu perdant cefte lumière,
Quede trainerfions gloire vne ame cafianiere.
> O belle eïr douce gloire hofiefifle d'vn bon
c
i
» Seule pour la vertu tu nous ofies la peur.
Là print riuage Idas , & fin fiere Lyncee
Qui fouuent de fesyeux la terre auoit percée,
De fisyeux mi voyaient , tant ilsfurent ai¬
gus,
Les Mânes des Enfers, e£* les Dieux delà
fins :
Là défendit Phlias, là deficendit ëupbeme,
Augefils du Soleil, Acafle & Polypheme,
Polypheme quifutfivifte &fi diffos,
Qu'il couroit à pied fie furl'eficume desflots}
La vapeurfeulement de la vague liquide
Tenoit vn peu le bas défis talons humide.
Làfauta fur ïarène Ancé', qui neportoit
Jamais cuirajfeau dos ,feulement fe vefioit
( Comme cil qui penfioit qùon ne trompefion
heure)
Delà peau d'vngrand Ours qu'il vefioitpour
armure.
Luy fico'ùant ou poing vn brand armé de
doux
A la poinéîe d'acier , qui trenchoit des deux
bouts,
^Marchait comme vn Gean, & en lieu d'vne
crefte
La queued'vn cheual luy pendoit de la tefte.
Làprint riuage ArgusfiTelamon Or Tiphys,
et celuy qui auoit Achille pour fon fils,
Et celuy qui deuoit aux riues Enboées
Rendre des Grecs vainqueurs les nauires
noyées.
La deficendit auffi l'indontê iouuenceau
ffenée à qui lefer rebouchaitfiur la peau
Et contre-bondijfoit, corne on voit pefle-mefle
Bondir au teps d'Hyuerfir l'ardoife lagrefie;
Ou deffus vne enclume vn marteau par copas

DES H Y
Reffauter, quand Vulcan la fiappc à tour de
bras :
On dit que ce Cenee au milieu d'vne guerre,
De bufiches accablé, alla vif fins la terre,
Quand luy,qnitrophardy en fiapeaufl fia,
Les (fentaures tout feul au combat desfia.
Là Mopfhs aborda,grand Augure £$r Pro¬
phète,
Desfiecrets d'Apollon véritable interprète,
Mais éhetiflqni nefient prophetiflerfla mort :
Vn rameau de laurierpourpanonceau luyfort
Du haut defin armet>& vne robbe blanche
Faite à houpettes d'or luy pedpitfur la hanShe:
Tins bas que les replis deflon voile de lin
Ses pieds efioient éhaufle^d'vn rouge brode¬
quin,
Duquelflur le deuant vne corne fieflene
Quifie recoquiUoit iufqu à demylagreue.
Las ! le panure Mopflus , Mopflns qui ne
fiçauoit
Qu'aux bords Paga^eans ramener ne deuoit
xyirgon,& que fa rame, en regrettantflaperte,
fhommeroitfins rienflaire enfi place defierte:
Car d'vn tel auiron les ondes il rouloit,
Que nulaprès fia mort fi place ne vouloit.
Là Caftor & Pollux ,fleur de Cheualerie,
Prindrent du bord marin la froide hoflellerie;
L'vn qui euft mieux piqué vn beau Cheual
guerrier
Aux Champs Loconiensque d'efire marinier :
L'antre mieux eficrimé quefluer fins la rame.
Tout au haut de leur tefie vne nouuelleflame
Semblait déjà reluire, & de larges rayons
Trebloter au fommet de leurs beaux marions,
Morionsfaçonne^ d'inuention gentille
Sur le mefme pourtrait del'oualle coquille,
Qjie l'vn ($f ï outre auoit deffus la tefie, alors
Qu'vn mfide fies deux bouts les eficlo'ùit de¬
hors.
Vne robe depourpre,.ainfi quefeutreblante
Pendoit de leurs collets iufqu aux bas de leur
plante,
Dont leur mère Leda pour vn prefent exquis
Auoit an départir honoréfes deux fils,
Ounriere entrelaffant d'vne metaine voye,
Aux tenves filets d'or, tenves filets defoye.
Au milieu de l'habit TaygetteapparoiJJoit,
Oit le CheualCyllare entre lesfleurspaiffoit :
Et plus bas fur le bord de cefte robe neuue
~i T J * j 1
1-
m n e s:
§7*
Eurote fiefigoyoit ferpentant en finfleuue
A longs tort'is d'argent,où en maintesfaçons
Deffus le bord luittoient lesfitles aux garçons^
Vn'uf efioit pourtraiflfur l'herbe de la
nue
Fendu par la moitié, ou la peinture viue
De ffaftor à vn bout de l'uf fie prefintoit,
Et celle de Tollux à l'autre bout efloit.
Au milieu de l'habit de fioye blanche &fine
Uoloit au naturel la fiemblanced'vn Cygne,
Ayant le colfi beau & le regardfi dous,
Que chacun euft penfiéque Iupiter deffous
Encor aimoit caché, tant l'image pourtraite
Et du Cygne & de Lede efloit viuementfiaite.
Là Zethe & Calais les derniers du bateau
Sortiretpour dormir aupremierfiont de l'eau,
Aufquels de tous cofte^ corne deux belles ondes
Les cheueux d'orfiottoient deffus les ailes blon¬
des,
Et pleins de liberté? entremefloient dedans
Les plumespefle-mefle à l'abandon des vents.
Telle troupe d'Héros,1'eflite de la Grèce,
AccompagnoientJafion d'vn ceur plein d'allegrejfi,
Qui toute nuicl couche1^fur le riuage nu
Dormirent iufquau poinft que le iourfut
venu.
Auffitofi que du iour l'aubefut retournée^
Voicy venir au bord le malheureux Phinee,
Qui plus qu'homme mortel endurait du tour¬
ment :
Car lepauure chetifi n efloit pas feulement
"Banny deflonpays, & vne auengle nuë
N'eftoit (o cruauté) deffusfesy eux venue
Par le vouloir des Dieux, qui luy auoient ofie
(Pour trop prophetifier) le don de la clairté:
Mais à tons fis repas les Harpyes cruelles,
Démenons vn grand bruit, (êf du bec & des
ailes,
Luy pillaient fia viande, ey leurgriffe arra-
choit
Tout cela que ce Prince à fla lèvre approchait,
Vomiffant de leur gorge vne odeurfl mau¬
uaife,
Que toute la viande en deuenoit punaifi.
Toufiours d'vn craqnetis leur maflchoirt
cliqnoit :
Toufiours de pallefaim leur becf entre-cha*
quoit.
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LE I.
Comme la dent d'vnloup,quand lafaim ïefi
poinçonne,
Ou comme d'vn lyon, dont la mafichoirefionne,
Et béant , fy courant , £rfiaifant vn grand
bruit
Fait craqueterfagueule après vncerfquifinit:
Ainfi bruyoient les dents de ces Monflres in¬
fâmes,
Qui du menton en haut fimbloient de belles
fi
emmes.
De lefichine aux oifeaux,^- leur ventre trem-
bloit
Defaim, qui de grandeur vn bourbier refi
fimbloit,
Etpour iambes auoient vne accrochante griffe
En efiailles armée,ainfi quvn hippogrifie.
Cechetifine vinoit que de petits morceaux
Qui tombaient infit'étendu bec de ces oifeaux,
Etfuft mort de douleurflans laferme efferace
Qu'il auoit de trouuer quelque iour deliurance
Tar lesfils Boreans,que le noble Iafon
Deuoitpar là conduire allant à la Toifon.
^Aujji tofi que Phinee an riuage oiiit bruire
LesTrincesmeilleZ aufifflet du Nauire,
Ilfle leua du liftainfi quvnfonge vain ;
Appuyant d'vn baflon fia tremblotante main,
Et tafionnant les mursfinit hors de fiaporte
D'vn pied faible fy recreu , lequel à peine
porte
Le corps vieil & moifi: l'efihine defin dos
Ne monftroit aux voyons qu'vne carcaffe d'os
Sous vnepeau craffeufi, &fla perruque dure
Commepoil deflanglier fle heriffoit d'ordure.
Luyflânant defi chambre afifoibly des gê¬
nons,
Se trainoit vers le bruit bronchant à tons les
coups :
Or vn efiourdiment tout le cerneau luyferre,
Ore tout à la ronde il penfioit que la terre
Chancclloit deffius luy, & ores ildormait
Accablé d'vn fommeil qui fion chefafifom-
moit.
^Auffi tofi que les Preuxfur k bord l'aui-
Jerent,
Dememeille eftonne^au vieillard deufièrent
Titeux de fiafortune : à lafin foufiirant
D'vne débile voix qu'à peine alloit tirant
Definfaible eftomac& rouant la paupière
De fesyeux orphelins de la douce lumière,
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LIVRE __^
Et virantpour-neantfisprunelles en l'air,
Se tourna vers le bruit,& commence àparler:
O troupe dés long temps en mes v at¬
tendus!
S'ileftvray que fioye^ la mefime troupe efin'ê
QneJafion,maiftnfiê des Deftins de fion Roy,
An riuage Colchide emmené auecque foy,
Sillonnant les premiers de vos rames fiomeu-
fies
Le marbre renuerfie des vagues efinmeujès :
O troupegenereufle, enfans des Dieuxyffus,
Oubieneftans des Dieux ou nepueux on con-
cens.
OélroycT- moy degrâce vnepanure demande.
Par le Roy Iupiter, &par Innan la grande
le vont prie &flupplie, (y par Pallas auffi
Quifi loin vous conduit, & devons a fouci :
Ne me defdaigne^ point, Prince très - mifiera¬
ble ,
Ains auant quepartir foyeZ-moy fecourable.
Vn celefie courroux n'a feulement mes
yeux
Fait orphelins du iour, ny lefaix odieux
Delà trifie vieillejfie auec tremblantepeine,
D'vn baflon appuyé,feulement ie ne traîne:
Mais vn pins grand malheur me domte que
ceux-cy;
C'eft quand ieveux manger( Dieux que dy~
ie ! ) voicy
(fomme ces tourbillons qui deuacentles pluyes,
IJenir de tous cofté? les friandes Harpyes
Rander deffur ma nape, & d'vn becpajfiager
Defrober le difier que ie denrois manger :
Coupfur coup à mon ne% retournent & re¬
tiennent,
Puisfie perdons en l'air loin de terrefi tien¬
nent
Hautes deffus lèvent : derechef efiiant
Ma viande,du Ciel deuallent en criant.
Et fins les aduifier fondent àl'impourueuë
Deffus ma table ainfi qu'on voidfondre vne
nue
De tempefies armée, alors que le fien pers
Du tonnerre enfoulphréficcage les bleds verts.
le nepuis éuiter cesgourmandes cruelles:
le tromperoy pluftoft mon ventre affamé
quelles,
Tant ellesfiont auguet : car fi tofi que du doy
le touche U viande, elles volentfiurmoy,
Et mow

V*
DES HYMNES. §75
Et mon pauure manger hors des mains me ra-
uiffent,
Et comme tesparens nousfierons nofire effort
A venger pour le moins l'vne de tes iniures,
Et de mauuaife odeur lesplats empuantiffent. Pouruen queparferment à haute voix tu iures
j Delenrs morceaux tombe^ fanspins ieme Quele courroux desDieuxqnifiauance à loifir
, uaux
nourris:
Mais ilsfontfi punais,fi ords & fipourris,
Nos chefs
plaifir :
ne foudroyra pour t auoir fiait
Que de cent pas autour vn homme n'en ap- Car ce n'efi ta raifion de gaigner enfialaire
proche,
Eufl-il le ne% defir & l'efiomac de roche,
L'ire de Iupiterpour te vouloir bienfaire.
» Quand vnefois les Dieuxfi fentent irri-
S'il n'eftoit comme moy defaim eflpoinçonné, te%,
Ou bien à tel malheurpar les Dieux candam- » Soudain n'offenfient ceux qui les ont defbiné.
te%,
De tels puants morceaux ie trainé ou iour » Mais en temporiflantpunifient le mérite
ma vie, » Au double de celuy quipenfloit eflre quite:
Maugréant Atropos qu elle n apoint enuie Pource en tenant tes mains iure icy deuant
De trencher mon filet. Fuflé- ie trejpaflé tons,
Quand dugrand Iupiter le vueil ïoutrepoflé,
Tar mes oracles vrais rendant trop manifiefie
Que la rancdur des Dieux ne tombera flur
nous.
%^Aux hommes d'icy bas la volonté celefte ! Adanqnes te Vieillard eficlata des afielles,
,
Ce fini monfire importum quonfurnomme Et reffandit lefiang d'vn taureau deffus elles^
la Faim,
Qnide iour& de nuiét abboye dans monfiein,
Pour nourrir mon malheur, iette dedans mon
Qu'on auoit affomméle chef encontre-montt
Il fit troispetitsfeux en cerne tout en rond,
II mefla dans du laiét l'eau de la mer filéet
ventre Ilarrofia de vin la viélime immolée,
Vn defir de manger. Ventre,non, mais vn an-
tre ,
Effondra le taureau, entrailles & iambons
Defil bienflaupoudre^ iettaflur les charbons:
Pluftoft vne cloaque inftrument de mes maux,
» Combienfini aux mortels donnes-tu de tra-*
Tuis ayantfur le chefvne couronne pleine
De Myriqueprophète fy de chafie Veruene,
! Efleuantpour- néantfispaupières aux Cieux3
Toutefois le Ciel veut que les fils de Borée, ' Parferment fiolennel attefla tons les Dieux.
Compaignons du labeur de la Toifon dorée, Sçache le grand Soleilqui void tout en ce
Allègent ma douleur, d'autres nelepourraient, . Monde,
Et quand ils le voudraient certes ils nefiçau- Sçache la mçr, la terre,($f l'abyfmeprofonde,
raient, St l'aneugle bandeau qui me fille à l'entour
S'il eftvray que iefio'is Phinee Roy de Thrace, . Lesyeux pour ne ioiiir de la beauté du iour,
Et qu ^Apollon encore en mon ctur ait la Et le fçachent auffi les meflchantes Furies
place :
Etfiencore il eflvray qu'en mapremièrefleur
Qui mepillent ma vie enforme de Harpyes,
Que nul de tous les Dieux ( t'en iure) contre
Autrefois i'effoufityCleopatre leurfiur: 'vous _ i
Etfiencor il ejlvray qn'Agenorfiut mon pere,
Ayant pourfiur Europe & (fadmuspour mon
Tour m auoirfoulage nenuoira fon courrons.
I'ay preueu dés long teps lafin de ma mifire,
fiere. IefiaJ que Iupiter ne tientpins fia cholere
Lapitié naturelle alla lecur ferrer (Defia grâce ) fiur moy, lequelpour mon fiup-
De Zethés, quifle print chaudement àpleurer, port
Meu du nom de fia fiur :puis prenant lapa- A fiait aux fils des Grecs en ce lieu prendre
rôle, port,
Luy touche dans la main, ($f ainfi le confite. Ainfiportoit Phinee, &ja deffur lefiable
Ceflfle tes cris, vieillard, nousferons ton con- Les valets de ce Prince auoient drefié la table3
fort, De viures la chargeant & de vins à fioifion3
NNnn
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£>?4 LE L
Mets quils dénotent manger derniers enfla
maifon.
Les deuxfieres cachet fins vne roche creu-
fi-
De halliers herijfeefc d'vne horreur affreufi,
attendaient les oifeaux, ayant pendus aux
bras,
A dtmy retrouJftzJeurs trendons coutelas.
CependantTelomon en vne chaire ornée
Degalonsfit affeoir le malheureux Phinee,
Le priant de manger & de ietter bien loin
xsiux ondes & au vent fia famine & fion
foin.
Auffi toft que fis doigts touchèrent la viande,
On entendit en l'aircefte troupe gourmande
Criailler d'vn grand bruit, comme on oit dans
vn bois
Prés le bord delà mer vne confnfe vois
De Polies &cButors,quandvn larron ils trou¬
uent
Qui remarque leurs nids & leurs femmes qui
cannent.
Puis en Fondant du Cklfions les apperceuoir
(Ainfl qu'vn foudre ardant qui promptfe
laiffé choir
S'eficlatant d'vngrand bruit) deffus luyfi per¬
chèrent,
Et de leurs becs crochus la viande arrachèrent
Hors de fis vuides mains, haletant vne odeur
Qui empuantiffoit des (fheualiers le cnur.
La quelquepeu de temps en mangeant fieiour-
nerent,
Puis comme tourbillons en l'airfien retournè¬
rent.
Lors Zethe (y (falaïs happèrent leurs bou¬
doirs,
Dont l'acier reluifloit comme des aftres clairs,
Et fl&iï'ùant es mains leur cymeterre croéhe,
Comme vents orageuxfiortirent de la ro6he,
Commandant aux valets d'vn pied prompt
& léger
Rapporterflur la table encores à manger.
Apeine à peine eftoient les viandes feruies,
Que voicy derechef les gloutonnes Harpyes
Tournoyerflur la table\& de leur becpillard
Rauiffint la viande affamer le vieillard.
En mangeant ils craqnoient& du bec &des
ailes,
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LIVRE
Comme font ces corbeaux quifiucccnt les cer-
u elles
Des animauxpourris ; leurs gorges aboyaient
D'vne voix de mâtins qui lesGrecs effroyoiet.
Zethe dupremier coupfion aile ne remue,
Ny Calais la fienne : ains ainfiqu vnegrue'
Auance vne enjambée,ou deux au trois, auant
Qu'abandonner la terre ($ffie donner au vent:
^Ainfideuxou trois pas en fautant enjambe-
berent
Les enflons d'Aquilon,puis au Qels'efieuerent
Pendus entre dmx airSi efbranlantd'vngrand
bruit
Les ailes que leurpere en les faufilant conduit
Pour leur donner vifteffe : autrement par trop
lentes
N euffent iamais atteint les Harpyes volan¬
tes,
Qui de légèreté les foudres égalaient,
Ou foit en retournant , on foit quand ell' al¬
laient
Deuorer le repas de l'aucune Thinée
Condamnépar les Dieux à telle defiinée.
Les Preux deffur le bord s'arrefterent
béans,
Accompagnons desyeux ces grands Monftres
fuyons
Tant quilspeuuent en l'air,ayant l'amefiur^
prifi
Du defir defianoir lafin del'entreprife.
tAinfi que deux Faucons quivn cheminfi ,
font
En ïairfuiuant leur proye , & volent fiont à
front .*
Ainfivoloient ces deuxfiecauant à la dextre
L'efbee,&le bouclier en l'outre mainfineftre.
LesMoftrés en voyant leurs ennemis aile%,
Tournant autour du bord ne fienfiont en-vo-
le%,
Haut efiene? en l'air :fions plus d'vne aile oi-
fiue
Tournoient comme vn Milan à l'entour de la
riue :
Mais quandfifier l'effée ils ouïrent au vent
Desfieresquideprésles allaient pourfuiuant,
Haftet le vol en l'air, & de leursgueulespleines
Rendirent les morceaux pour voler plus hau¬
taines,
Comme on void vn héron ,pour eftrepins léger

des Hymnes. 37L
Quand ilfint vn gerfiault, fia gorge defichar- Et qu'il laijfie tomber vneflambante maffe
ger:
Ores dedans le (fiel les Harpyesfi pendent,
Tourfion dard, quand il veut, défis ardâmes
mains)
Ores plus bas en l'air à pelotons defendent, Tels chiens ila thoiflpourpunir les humains.
Et ores en laiffant prés de terre ramer
Les ailes , vont rayant les plaines & la mer.
Etpource retourne?i la chofe efi ordonnée
Qu'ils ne mangerontplus les viures de Phinee:
Comme vn heure prefié d'vne importune Innon le veut ainfl, t'en iure par les eaux
fuite ( Qnon ne doit parjurer) des marefls infier-
De chienspar mainte rw^e entrecoupefiafuite naux.
Maintenant d'vn defiour , maintenant d'vn %^4-tant fris fien-vole au (fiel en fa re¬
retour, . traite,
Pour tromper les chaffeurs amufie^à l'entour: I Et ces monftresfien-vont dans vn antre de
Tout ainfi ces oifeaux de rufles & d'entorces Crète,
Errant puis ça puis là, mettoient tontes leurs Ou depuis enferme-^ ne fiont pins détache^,
forces Si ce n'eftpourpunir des hommes les peche%.
De tromper cesguerriers,qnifionsfin ne repos lAu mandement d'Ir'u , la fille Thauman-
Haletat lesfluiuoient& leurpendoient ou dos, tide,
Toufiours dufer trenchant martelantfiur leurs
plumes :
Les frères ont ferré dedans leur gu aine vuide
L'efhee, & fions laiffer leurs ailes efbranler,
Mais autant eufl vain frapperfiur des encln- D'vn volerfiufpendu fie foufienoient en l'air,
mes :
Car iamais nulleplaye à la floair neprenait,
Les Princes cependant demeure^ au riuage
Arraifionnent Phinee , & luy donnent cou-f^
Et du coup fiur l'efiée aucun fiang ne venait. i"âge,
Ainfi que les bateurs qui frappent dans Luy louent tout le corps, luy baillent habits^
vne aire neufs,
Par compas lesprefins de noflre antique mère,
L'airefiait vn grand bruit, le fieau qui fie roi-
Et le font arrenger à la table auprès d'eux.
Luy qui mouroit defaim, de hafliueté grande,
dit Diffos à toutes mains, rauiffoit la viande,
Contre le bled battu, dedans l'air rebondit : Et mordoitgoulûment comme vn homme en
Ainfl ces toréons àgrands coups d'alnmelies
ChamaiUoientflur le chef,flur lesflancs,flur les
fiongeant
Rêne après la viande, & s'engoue en mon¬
ades, .
D'vn coupfiuiny menu : le dos engemiffoit,
géant :
Il bénit de Cerés le prefent fiauourable,
Et fans playe l'effée en haut réjaliffoit. Et dugentil Bacchus la liqueurficourable,
Si efi-ce qu'à lafin ils les euffent tuées II bénit la viande, & tout ce qu'on drejfoit,
Sur l'onde Ionienne aux Jfles fltuées Ioyeux de le manger, affamé beniffoit.
Entre deux grands rochers ( Ifles diètes des Apres qu'il eut du tout fiafamine appaifie,
Çrecs Et qu'il eut la parole en fiesflancsplus aifie,
Plotes enpremier nom, enfécond nom après Iafon qui vers lefoir encor ne voyoit point
Pour le retour d'iceux Strophades fe nomme- Lesfrères de retour, d'vngrand defir e(point
rent )
Sans que les (fheualiers delà s'en retournèrent,
De fçauoir les périls que luygardait Fortune3
La fin de fion voyage, & lesflots de Neptu-
S'apparoiffant Iris qui du (fiel deficendit,
Et depajfer plus outre ainfi leur défendit.
Ilfiffit ( ditfris ) race ^Aquilonienne,
ne,
Soucieux vers Thinée arrièrefi tourna,
Et d'vn parler en crainte ainfil'arraifonna.
De bannir iufiqu'icy la race Typhéenne : Sage fils d'Agenor qui cognois les augures,
De pajfer plus auant ilne faut attenter, >
de loin toutes chofes futures :
Quifiçaispreuoir
Ny de chaffierplns loin les chiens deJupiter : Puis quepar mon moyen maintenant ton fou-
Lc

$y& LE I.
T)efirédés long- temps à ton vueil eftparfait,
Entensàmon labeur, &amy prophetife
Quelle certaine iffuè'aura mon entreprife.
L'effoufeà Iupiter & fe fille Pallas
Ont charpentéma nef, & ne merepenpas
D'auoirfiuiuy leurs voix ,car iuflques à cefie
heure
le n'euffefien io'ùir de fortune meilleure.
Jldais plus i'arriueprés du Phafir & de Col¬
chos,
Pins vnefroidepeur s'eflcoulepar mes os :
Quand iepenfle aux taureaux qui ont laflame
enclofle

des Hymn'es: .-izj-
Ou de mer ta hache & de faire laguerre Et qu'humbles enuers Dieu,à DieUficours

978 LE I. LIVRE
Aux vns le corps en deuxfiera demy-party, Mange premier le pied ,puis le fiaifie elle aU-
Du col iufqu'on nombril ayant eftre &figure, me, ^
Et du nombrilaux pieds ce ferapierre dure. Puis tonte la foreft s embraie &fie confiume:
Les outres montrant les iambes en-à-bas,
Qui n'auront point encor d'effaules ny de
Vn repli defnmee entrefluiut de près,
Puisvn autre&vn autre,$ puis vn autre
bras: Tes
Et \es outres du chef donneront cognoiffance, Se voûte en ondoyant : ainfl de cefte befte
Henant lo motte en haut,de leurprompte naifi
rance^
Le dosfle va courbant de la queue à la tefte
De plis longs & tonus : toutefoisprenez cuur,
Comme vnhomme duquel lechamp eftende- Vn fini enchantement vous en fera vain-
bat, qnenr,
Debonmotin s'éueillc,&dc fit faux abat Etgaignere^lapeau de fils d'or ennoblie,
En hafle la maiffon toute verte tombée : Puis vous retournerez vainqueurs en Theffa-
Ilfie à toute main : la faucille courbée m lie.
Ne pardonne aux filions : en la mefime façon Apeine ce vieillard aux oracles des Dieux
Vous trenchere^ foudain la guerrière moifjon Sans ordre auoit mis fin, quand voici dans les
Des hommes Terre-né-^ qui neferont que d'e- (fieux
- are Lesfieres de retour,fiaifiantpar la nuiét fom-
Et fentiront la mort auffi toft que le naiftre . bre
Les filions de leurfiang à grandsflots on- Aux rayons de la Lune apparoiftre leur om-
doy'ront, bre:
Les vns deffus le fiont, les autres tomberont Ils furent longuement à tourner dedans l'air,
Renuerfezfur le dos, les antres de cholere
En trépignant mordront les mottes de leur
Puis d'vne poirféte en bas filaifferent caler
Sur le bout de l'antenne,& de làflur lefiable,
mere : Oit trouuerent encor leurs compagnons à ta-
St les autres trenche% (autant quiceuxadonc ble.
, Efleueront le corps) la moitié de leur tronc Ainfi que deux laniers qui ont chafié long
. Tantfoit
Coulera dans le Phofie aux poiffons lapafiure, temps,
Et l'autre engraiffera les chaps de pourriture. Ou parfaim qui les prejfie, oupour leur paffi-
Par charmes vous pourrez endormir le temps,
firpent Ayant onyla voix des maiftres qui lespenfient,
Qui couue fins le ventre en largeur vn ar- Reniement à leur cri ,puis en fondant s'eflanpent,
cent
De crefiésperruque, à qui iamais le fomme Sn poinéte de roideur fliir le leurre ietté:
peu iour& nuiél les paupières nafi Ainfi les Boreans après auoir eflé
fomme: Longuement attendus , contre-bas fe baiffie-
Ilalechef hortible, il aiesyeux ardans, " rent,
Sur la mafihaire largeil a trois rangs de dents, Et de leurs pieds légers le riuageprefferent
Etfa langue enflflantflbled'vne voix telle Haletant & tirant l'haleine à leur retour,
Que les petits enfans fie muffent flous l'aiffelle (fomme vn coureur d'Olympe ayantfiny fion
De leur mere en tremblant , quand luy fiai- tour.
fiant vn brait Ils content à lafin iufiques en quelleplace
Garde laToiflon d'or & veille toute nuiét. Aux Harpyes entair ils ont donné la chaffe,
(fomme on void bien flouucnt , quand vn St comme Iris iura par le fleuue d'embas
Pafleur qui garde Quepins ne reuiendroient defirober le repas
Ses troupeaux dans vn bois, (§f laijfepar mefi- Du vieillard, qui èyeux les embraffe & les
garde loue;
Choir en vn chefne creux quelque tifion de fien, Jl leur baifie la main, il leur baifie la ioiie,
Laflame en pétillantfe trainé peu à peu, Et de mille mercis rend grâce aux deux enfans
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des hymnes:
Qt/Aquilon engendra, leplus vifle des vents.
En cependant Tiphys qui vidflamber l'Au¬
9J9
Se traînerontfions nompar les tourbes menues'-
Qu'ils meurentfins honneur , puis qu'ils
rore,
veulent mourir,
Eueilla dufifflet ceux qui dormoient encore:
Il les fit foir de rang, les priant d'auoirfioing _
Engloutis en leur tombe : ^ffiaifins refleurir <
Celuy de ces lumeaux, de ces fieres d'Hélène,
D'empoigner brufquement les auirons au Qui viuent à leur rangau celefte domaine :
poing. Ils m'en fiçauront bon gré, fil'art induftrienx
! Adonque la galère également tirée Des Mufespeut monter fihaut que iufqu aux
j Alloit à dos rompu deffius l'onde apurée, Cieux.
Et de longs plis courbe? s'entre-coupant le
dos, " " '.
' -""
HYMNE III.
Se traînait en ronflant fur les baffes desflots:
Le riuagef enfuit & rien nefl manifefte
A leursyeux que la mer & la voûte celefte. D E PoLLVX ET d E
Or adieu (fheualiers aux armes excellons,
Castor.
Adieu noble Iafon, adieufieres volons :
Ou fioit que vousfiye% hommes de fiinétes A GASPAR DE COLLIGNY,
vies.
Sieur de Chaftillon, Admirai
Philafiphes confions, qui chafife?lcs Harpyes
de France.
De la table des Rois, lesfiatenrs, les menteurs
Qui deuorent leurs biens & de leurs fierui-
L me plaift,C ollign Y,d'i¬
teurs,
Oufioit que vous aye? la plantefi légère
miter le tonnerre,
ui deuant que ruerfi fureur
Qu'on aitfeint de vous deux la fable menfion-
contre terre,
gere, Grondepremièrement d'vnpetit bruit en l'air]
Que vous pafifie^ les vents (car la vifle Aèllon,
(felenon & fafur ne dénotent finon
Et reluit dans la niïê auec vn peu d'eficlair :
Puis findain coup fur coup redoublantfia tem-
Les fiouffies rauiffans des vents & des orages ) pefie,
Voguez heureufiment aux Colchides riuages. Son bruit fyflon eficlair, vientflaccager la tefie
Vofire Hymne efl acheué, ie ne vous louray D'vn fiuperbe rocher, & enflaitfur les eaux
plus. Et fiur les champs voifins efilater les mor-
Je me veux fouuenir de Caftor "" "* & c Pollux
*"*
Enfans de Iupiter,pour rendre leur mémoire
ceaux.
t^Ainfl du premier coup il ne fiant que ie
Parles peuples Françoisfleuriffante de gloire. tonne
Ils méritent mes vers : auffibien de ce temps
Les auares Seigneurs nefiontgueres contens
Vosgefies en-nobl'is des trauaux de 'Bellonne:
Qu^on deficriue leurs fiai:s , & fi quelqu'vn
attire
Par carejfe vn Taste àfis geftes defirire,
Il fiera le bragard $y ne voudra penfer
De vouloirpar bien-faits les Mufes auancer:
Bufies, qui aiment mieux faire grande leur
Il fiantfonder ma fiorce ,& m efbrouuer vn
peu,
Menervnpetit bruit, luire d'vnpetitfeu,
Faifant mon coup d'effay fitr les patrons
eflranges,
Auant que haut- tonner vos fiameufis louan¬
racey
Ou baftir des Palais,que d'acquérir lagrâce
D'vn fon digne de vous,pour viuementfimer
De voflre beau renom les terres & la mer.
D'^Apollon : o lesfit s qui ne cognoififent pas Ce-pendant ieferay comme vn joueur de
Qu'à la fin leurs chafteaux trébucheront à Lyre,
vos,
Et qu'en moins de cent ans leurs races inco-
Qui _ découpe vnfiedon auant que fia main tire
Filafil la chanfion,pour tenterfeulement
gnues Si la corde à l'efprit refpond fidèlement,
ges
' * NNnn iiif
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3>8o LE I.
lAinfipo'ur mieux flonner vas vertus &vos
geftes
( Qui vous égalerontpar renom aux Celeftes)
Ieviensà Chastillon ,fiurma Lyre
éhanter
Commepour vn fiedon lesfils de Jupiter,
LesJumeaux que Leda la Theftiodefille
Enfanta près d'Eurote enclos en la coquille
D'vn luf que Iupiter dons le ventre luy mit,
Quand d'vn Cygne amoureux il emprunta
l'habit,
Démentantfi Grandeur fins vne efirange
plume,
Brniédufeu d'Amour qui les pins grands al¬
lume.
Donques ie veux chanter ces deux Laco-
niens,
Cei deux fieres beffons Lacedemoniens :
Sus donq chantons deuxfois, voire trois, voire
quatre
Ces deux mafies garçons : Pollux bon à corn-
batre
kAux (feftes emplombe^y& Caftorfiuuerain
A picqnervn cheual& le ranger au fiain :
Qui fiuuent les foldats au milieu des armées,
I Quand les bataillesfint brufquement ani-
' mées,
Et quand les Cheualiers pefle-mefle aux com¬
bats
Sons leurs cheuaux tue%fint trébuchera bas :
Et qui fiuuent encor les nauires forcées
Des homicidesflots, quand ellesfint poufiées,
( Ou des Aftres couchons , ou des ^Aftres te¬
nons)
Comme pour leiouet de fortune & des vents,
Lefquels roule'nt la vague auffi haut que la
croupe
D'vn grand efcueil marin , maintenantfiur la
poupe,
Maintenantfur laprouë, auxflancs, oufur le
bord,
On de quelque cofté qu'il plaift à leur effort :
Le maft fi fend en deux, & l'antenne cafiée
Tombe aneque la hune à morceaux defbecée:
Legcuuernat fifioiffe, & le tillac deffus
Et deffous efi remply de largesflots boffus.
Le tonnerre enfioulphré (éclate de lanu'ê,
Vn eficlair quifeintille à longue poinfle oigne
Fait vn iour incertain du milieu de lannit,
+-
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LIVRE
Les cordes de la nef mngiffent d'vn grand
bruit,
La mer tonne àfes bords, que les vents pefle-
mefle
Martellent pleins i eficlairs, de pluyes & de
Toutefois vous fanne^ les pauures matelots,
Et retire? la nef de la proye desflots :
Vous endorme^ les vents , &fiatte% la ma¬
rine
D'vne tranquillité gracieufie & bénigne:
Les nuè's ça & là fie perdent dans les Cieux,
Et la Crèche & les Ours apparoiffient aux
yeux
Des mariniers tremblons, qui donnent tefi-
moignage
Que la merflefait propre (iy douce au noui-
gage.
O tons deux leficours, o tons deux lefiup-
port
De ceux quifur les flots n'attendent que la
Mort!
Chantres victorieux,Cheualiers, & Poètes,
Tons deux également mes chers amis vous efles.
Donquesjequel de vouslonray-iele pre¬
mier
Ou Pollux l'eficrimeur, ou Cafior l'eftuyer,
Vous célébrant tons deux f ta louange pre¬
mière,
O Pollnxje diray,puis celle de tonfiere.
Quand\s4rgon aborda (portant les fils des
Dieux )
Au port Bebrycien, Iafonfut curieux
De fçauoirfi la paixy regnoit ou laguerre,
Ennoyant fin Héraut pour defcouurir la
terre,
Quelles gensl'habitoient, pour viuresy éher-
6her,
Ftenues,&fraiflches eauxpour leurfioifiefianéher:
Ce meffager arma d'Oliuier pacifique
Saforte main guerrière en lieu d'vne grand'
pique,
Et d'vnpafie Oliuier couronna tout en rond
( Heureuxfigne de paix) la douceur de fin
fiont.
A peine auoit laifié la marinefoliée,
Qu'il apperçeut vn homme au fond d'vne
vallée,

D E S H
"Ains vnfantôme d'homme, en vain pleurant
le nom
Et l'abfinte amitiéd'vnfien mort compagnon:
lin auoit que la peaufeulement animée,.
Sa bouche de long ieun pallififoit ajfaméet
Sa barbefiaualloit d'vn poil rude £r crafifieux,
Son teint efioit plombé, fies yeux houes &
creux,
Etpour habillement luy pendoient dcsefichines
Les lambeaux d'vn haillon tout recoufu d'efipines
:
Si tofi qu'il vit Cephee, il accourt au deuant:
Quiconques fois (dit- il ) ne marche plus
auant,
Chetifi, retourne-t'en , las ! en cependant qu'o¬
res
Le viure & lefuirfint en tes pieds encores.
Cephé ne perdit crur oyant ces premiers
mots,
Mais voyant que celuy n auoit autrepropos
Que mort, queflang,quepeur, craignant quel¬
que dommage,
Retourne à toute hofte & gagne le riuage,
Menant auecques foy Timante, à qui le cfur
Friffonnoit en tremblant d'vne fimblable
peur
Qt^vn poifion qui tapit fon corps défions la
moufle
Quand lèvent Aquilon fion eficaille repouffe.
Lors pleurant il leur dit , Laiffi? ce bord
icy:
(fe neflpas vn riuage auquel on afloucy
Des lointains eflrangers, que l'ire deNeptune,
Ou le defir de terrey conduit defortune :
En lieu d'humanité, les meurtres & la mort
Et le fang efpondu moiftrifint tout ce bord:
Ce n'efi pas vn Royaume auquel lareuerence
Quj>n doit à lapitié facefia demeurance :
Non ce n'eft pas icy ou l'équitable foy
Tient le peuple en repos d'vne paifible Loy !
Comme les Etneans, engeance abomina¬
ble,
Soit de nuiél, (oit de iour errent deffus le fa-
ble J
Du bord Sicilien , afin de regarder
Si Porage d'Hyuerfera point aborder,
Contrainte par le vent, quelque nefi d'auen-
ture
^MNËS: __ t 4M
| Tour fieruir au Cyclop' défonçante pafiure
\>4infi les habitons de ce mefme terroy
Fourmillent à ce bord d'vn regardplein d'ef¬
froy,
Efpiant tour à tourfi la fortune ou l'ire
Du vent conduira point quelque pauure na-\
uire
Pleine ^hommes paffans , à fin de les lier
Prifinnier de leur Roy ,pour lesficrifier
A fin pere Neptune au deuant d'vne roche]
Comme fimples taureaux que le minifire ap¬
proche
Parforce prés l'Autel, puis en hauffant le
bras
D'vn grand coup de maillet lesfait tombera
bas.
Ainfi leur Roy cruel qu Amyeus onfur-
nomme,
Au deuant d'vn rocher finspitié les ajfimmet
Puis en rouant leurs corps deux ou troisfois en
l'air ~ *
Poiir nourrir lespoiffons les jette dans la meri
Ceux quifiont les plus fions , & de plus belle
taille,
Contraint en deffit d'eux de joufier en haï
taille
Contre luyfeula fini au milieu d'vn camp
clos,
Où d'vn grand coup deffefleil leur fioififie les
os.
Tantoft ce grand Gean viendra fiur cefie
riue :
Sa troupe en le voyant tremble toute craintiue,
Tant ilefigrand& lourd: il lavafurpaffant
De tout le fhefentier, comme vnpin fe haufi
fiant
Sur toute la fiorefi,ou comme la montagne
D'Olympe, dont le éfhefles afires accompa¬
gne,
Qui void des montsfins luy, encor qu'ilsfiient
biengrands,
Ne hauffer que leur tefie à l'égal de fiesflancs.
Aux hommes defaçon ny defiace il nefiem¬
ble :
(fent rides fiur lefiont l'vne fur l'autre affem¬
ble
Longues comme filions, que les coultres tren-
chans
Ont largement creufi%enJabouratle£cbamps£
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pSs L E I.
Les dents deçà delà luy grincent en la gueulle
D'vn bruit tout enroué comme d'vne grand'
meulle,
Que la force d'vn homme, ou d'vn ruiffiau
coulant
Tout autour du moulinfait fionner en roulant:
Comme le poil d'vn Ours fie raiditfia perru¬
que,
Vn taillis defiourcils hideufiement offufque
Ses grosyeux enflame?> enfantante? Qf roux
Comme l'^Aflre de Mars tout rouge de cour¬
roux :
isïu refle il a le bras & la iambe velue
Pins que la dure peau d'vne chéure peine,
Et demeine en marchant vn pins horrible
bruit
Qufvn torrent eflcumeux, qui bouillonnant
fiénfiuit.
Toufiours de fion cofté compagne luy pen¬
dille,
Comme pourfin iouet,vne creufe coquille
Retorfipar le bout £

DES HYMNES.' jq
(fambienfiontgracieux lesfoudres défia deflre. Les antresja contaient cela quils auoient veu:
Etpource ilne voulut dedans mon fang hu Les vns cherchaient vnfleuue , ou de lafareft
main,
(fomme en chofefi vile, enfitnglanterfi main :
Il m enuoya toutfienlfions viures& fans ar¬
mes
verte
Apportaient desfueillards fur la riue defierte
Peur enfaire des liéls,les autres appreftoient
Des viures pour difiner , & les antres luit-^
Dedans ce bais defiert , pour m eficonler de lar¬ toient
mes,
Toutfioudain qu'il les veit,fin cinrfiemit
etpour mourir de dueilflonsfioire ne manger,
de joye,
Bien loin de mon pais en vn bord eftranger : Snragé d'affommer vne fi tendre proye :
Si le vent auiourd'huy quelque paffant n'a- Neplus ne moins quefiait vn grand Tigre afi
meine
Pour joufter contre luy, ce foir il aurapleine
famé
Voyant vn (ferfou bois definfiont déformé :
La gorge de ma chair, &affs furie bort Lorsfions vfier vers eux d'humanité requifi
Humera tout mon fiang dedans vn teft de Quand quelques incognusfiur le bord on anifie,
mort. Nyfions lesjalùer, nyfans leur demander
Tource ie vousfiupplî par le Ciel refiirable, Quel befoin lesfaifoit à fin port aborder,
Par l'Air,par le Soleilfioye^-moy fieconrable, Quelles gens ils eftoient, leurs parens, ou leur
Rne^-moy dans la mer on m affomme? de race.
coups ips : Hautement fieficria d'vne telle menace :
Bref, fi i'ay ce bon-heur que de mourir par Si de voftre bongré vous abordezjcy
vous,
Pour joufter contre moy , approche^, me voi¬
Heureufe ie diray ma mifierable vie,
cy :
Au moinsfi ie la voypar les hommes rouie. Le plus broue de vous entre fies moins empon-
Ainfi difoit Timant , qui les genoux te¬
noit
Dejafin, que la peurau c efpoinçonnoit :
gne
Les armes feul àfienlfif fie mette en befingne:
Ou bien fi vagabonds & par la mer errons*
Tout lefang luy gela , tremblant de froide Vous ancrera mon bord de mes loix ignorons*
Sur l'heure à vos defpens ie les vous veux ap¬
crainte
Que fa barque ne fiuftpar le Gean atteinte.
prendre:
A-tant defins le bord voicy venir le Roy, I'ay fiait commandement qu'homme n'ofaft
Ayant lesyeux ordans d'vnmerueilleuxef- défendre
fioy .- Prenant terre à mon port ,fioit allant ou ve-*
Jlfermoit en fa dextre vne dure maffuë nant
Defauuage Oliuier, de toutes pars boffuë
De ntuds arme? de doux,dont il contait fies
Ou deuers le Midy,ou deuers le Ponant,
Sansfoire contre moy prenne de fa vaillance :
buufs On vifite ma terre à telle conuenance.
Quandflaonls ils retournoient des riuages her- Tource ,fans tant mufier,fioudain deffefibeux.
éfie?-vous
Comme vn loup tourmenté de faim, ($f de D'efiire en voftre troupe vn homme par fins
colère, tous
Oyantle plaint d'vn fan qui a perdufia mere, Quifie combatte à moy , ou fans plus vous le
Sort du bois àgrand' hafle,& defiang tout or- dire
dent
Heriflé fon efchine,&fait craquerfia dent :
le darderay lefeu dedans voftre nauire,
Et vous feray tons vifs eftouffer là dedans
De tel pas il aborde à la riue première,
Ou jafle promenoit cefte troupe guerrière :
Enfume^ &grille^fiur les Charbons ardans.
Les larmes ny les vux,ny les humblespriè¬
Les vns de deux caillonsfaifoient finir du
res ,
Ny les droits d'hofiellage ici nefieruent gueres :
feu,
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5>S4 L E I.
Icyl'onneflechift nos ceurs audacieux
Pour nous prefiher en vain la iuftice des
Dieux :
Des antres nations Iupiterfioit le maiflre,
En foit l'efiouuental , ie ne le veux c&gnoifire :
lefinis monJupiter,èr fans craindre autre efi-
fioy,
Ma main comme il me plaift,mefert feule de
loy:
St pourcerieffere?graces ny courtoifles : <
Jly a trop long temps que mes armes moifies
Poudrenflesfont au croc pendons fans faire
rien '
le vouspuis affleurer que i'engarderay bien
Que veftre bellenef trompe mes embuflcades,
Pour ottacljer les pieds des roches Symplega-
des.
Ces mots furent en vain d'^my cmpro¬
noncé?^
Qui de teficrime auoit tons lesyeux enfonce^.
La fiuperbe menace en colère alla poindre
Tout lefàngde Iafon : Idas qui nefiait crain¬
dre,
Grondoit entre les dents :fi faifoit bien encor
Meleagre, Tiphys , Telamon, ($f Nefior,
(Nomsillufire? d'honneur, nobles de renom¬
mée,
Roys de diuers pays, & pafieurs de l'armée,
Quifurpaffoientautat tous les autresguerriers
Que les petits Genefisfint paffe? des Lau¬
riers ) é
Bouillonnons en leur cnur de venger cefie in¬
jure :
Mais Pollux deuant tous, opplandy du mur¬
mure
Desfioldarsffcfienafientant bien enfion caur
Quvn fils de Iupiter deuoit efire vainqueur
Sur celuy de Neptun, contre lequel il fronce
Sesfiourcils, fy luy fit vne telle rcffonce :
Quiconque fois, cruel, ne nous menace
plus:
Moy le moindre de tons ÏAmyclean Pollux,
Tout fini obéiray,fansfaire d'autre élite,
Franchement à U loy que tu nous asprédite :
Etpeut- eftre,vanteur, qu'on tefera fientir
^A coups de gonds plombe^ trop tard le re¬
pentir.
Amycns d'vn reuers luy tourne la pau¬
pière,
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
LIVRE
Et luy riant des dents , d'vne meur-
trière
Luy mefluroit le corps, ainfi qu'vn grand
Lyon
Quifi void enfermé d'vn effais million
De Chaffeurs &de chiens , feulement il
lade
(feluy qui le pins prés luy dreffe l'embufiade,
Et le veut le premier ( comme vn hardy ve¬
neur)
JJfaillir & tuerpour en auoir l'honneur.
Ainfi le regardoit ce Monftre abominable :
Mais ne le voyant point ny déport effroya¬
ble,
Ny de maffie de corpsyains douillette lapeau,
Les yeuxfireins & doux, le teint vermeil&
beau,
D'vn hauffebecle mocque,&fiecoua la tefte
Qrivn tel mignon ofioit attendre fia tempefte:
Neplus ne moins qu'an CielTypheef irrita,
Quand le ieune Bacchus à luyfi prefienta,
Et la belle Patios viergeallementfiefonne,
Qui contre fies cent bras oppofioitfia Gorgonne!
A la fin l'abordant d'vne horriblefaçon,
Quiconquefais (dit-il) approche- toy , Garçon}
Pour ne remporter pins ce beau fiont à ta
mere,
Ny ce teint damoifieau, qui trop fine reuere
Les autels maintenant de tonpais en vain
Pour toy qui dois mourir fins mercy de ma
main.
' Icy ne fi fiont pas les luttes de Taygette,
Ny les jeux Pifians,où le vainqueurfie iette
Tout nud dedans Alphee, & fle baignant (ans
i peur
Loue esflotspaternels fla poudreufi fitenr :
Icy l'on ne combatpour leprix d'vne femme,
D'vn trépied, d'vn cheual, mais pour la vie
& l'ame,
Pour reffandre lefang, &pourfaire ficher
La tefie des vaincus au fiaifle d'vn plan¬
cher.
Iln'eutpas acheuéqu'à bas ilfie deficharge
De lapeau d'vn Lyon,qui fion efihine large
Luy counrvit iufqu'aux pieds, où encores de
dans
Se courboient les fiourcils , les ongles (if Us
dents.
Et nudfie vintplanter au milieu deîarene^
Monftrmt

DES H
Monfirant fia large effaule , & fa poitrine
pleine
D'vnefiorefi de poil: fes muficlcs ronds &gros
Rejfembloient aux cailloux que la courfie des
flots
D'vn grand torrent d'bïyuerapolis fur le fa¬
ble:
Au refle ilfie monfiroit en gefte reffemblable
±A Ivn de ces Geans, qui trop audacieux
Voulurent débouter de leur fiege les Dieux.
Pollux d'autre coftévne robbe dejhoiiille
Faite d'vn drapfilé fiur la mefime quenouille
Défia belle Maiflreffe ( alors que les Héros
Baiflerentpar amour les filles de Lemnos )
Qu'en partant luy donna pour auoirflouue-
nance,
En veftant cet habit, de leur douce accoin-
i tance.
Ilflecouoiten l'air à ruades fies bras
Efiarte% çà (*r là,pour voirfiils eftoient las
D'auoir tiré la rame, ou par longuement
' eftre
Engourdis fions branler les armes en la deftre :
L'autre rieffayoitpointfis membresgrands &
forts,
Maisfie tenantferré roidiffoit tout le corps
Enflambé d'vn defird'effondre la ceruelle
De ce ieune garçon, qui de foye nouuelle
Commençait à couurir fin menton damoi-
fieau,
Comme vn ieune duuet couure vn petit oi-
fieou.
Ce-pendant vn valetfiur le riuage apporte
Des Cefies emplombe^d'vne pareillefine,
Semblables degroffieur, largeur &pefanteur.
Pren lequel que vaudras, ce dit ce Roy van-
teur,
Sans fort, à cellefin que tu ne puiffies dire
Apres efire vaincu qu'on tait bailléle pire.
Ainfidit Amyeus , qui fans choix efiança
Les Qeftesflur ïarène, (ffff Pollux amajfia
Les plus prés de fles pieds fans en foire autre
compte,
Et le Gean lesfiens d'vne vifîeffeprompte.
En-cependant Ornyte& Arête valets
Pour la dernièrefois mirent les bourrelets
Aux deuxpoings de leur maiflre, &fes moins
ajfom'reffis
Lièrent plyfiur pty de ceintures efieffés.
Y M N E s: ^
Cafior d'autre coftéde courayes armait
Sonfiere,& deparole au combat l'animoit,
Lepriant millefois d'auoir en fouuenance
La Grèce,& de quel pere ils auoient pris naif¬
fance.
Si tofi qu'ilsfurent prefls, ils choifirent tons
deux
Vn lieu propre au combat,&fiaifiant autour
d'eux
Affeoir leurs compagnons en rond fy large
efface,
Seplantèrentfins peur an milieu de laplace.
Premièrement de coups refrappèrent le vent,
Puis efiongnant la tefte, allongent au deuant
Les braspour leurs rempars , ($r deprés accou¬
plèrent
Main contre main effaiffie , & leurs coups re¬
doublèrent:
Pollux adroiél&fin en l'art Amycleau,
L'honneur le pinsfameux dufablon Elean,
Maintenantfiplantoit deffus la jambe defire3
Maintenant fi vitvit fins la iambefinefire,
Oresfaccourciffoit, oresfiallongeoitgrand,
Ore à demy-tournéne monfiroit que leflanc]
Ores tout l'efiomac, & fi defimorchant ores
En frappant fie paroit & défendait encores',
Toufioursïenuironnant& l'effiant aufiont
Tour luy fioififer le tefi : ne plus ne moins que
font
Lesfloldats quipar rnfi,embufiade &finejfè
Sffient les abords de quelquefiortereffle, *
Deficouurant d'vn il prompt, ares bas ores
haut,
Le lien leplus commode à laprendre d'affaut.
L'autre commevn rocher qui defion poids
fiaffeure
Sur le bord JEgean, enfia pla ce demeure
Ferme deffus le pied,

#U LE I. LIVRE
Lors la fureur domine & la raifinfie trou-
yict
TaUtle menu troupeau,qui encores nefiait
Qui leur doit commander, & qui parmy
Vn coupfiurl'autre coupfions cefifi fie redouble, l'herbage
Qui pins menu quegrefie en bondifiant fie finit Vainqueur aura tout feul la vache en ma-
Oresfur l'efiomac quifonne d'vngrand bruit, riage .
Ores deffus le ventre, £r oresfur l'efchine : Depareillefureur les guerriers marteloient »
Comme on void les marteaux au bord de la Leurs tempes & leurs fronts, fy point ne re-
marine cuioient.
Des nerueux charpentiers redoubler degrands A celuy la vergongne, & à ceftuy ïeffreune
coups Del'ennemy cognu pouffe vne farce neune
Quand ils congnent àforce vnefuite de dons, Dans le crur vigoureux, & pourf eftre co-
Ponr enfiemble attacher les ai% d'vne nauire : gn us
Vn choqfiur l'autre choq ne ceffle de rebruire: Ils fontpinsfurieux &plusforts deuenus.
Le conerneux riuage& le vuide des bois Amycus enflaméd'vne bouillante rage,
Comme au creux d'vn théâtre en redonnent Ramaffant fion efirit redoubla flon courage,
la vois : Etfiaifiant reculer Pollux en chaque coing,
Ainfide mainteplaye & mainte qu'ils fe
donnent
Ores du poing feneftre, ares de l'antre poing,
D'vne main fins repos le tourne & le fi-
De leurs tempes caue% les deuxfioffis reffon- cône,
nent, % Et défis bourrelets luy faitfionner la joue,
'Et de coups redoublée l'vnfiur l'autre abon- L'efiomac (jr le flanc, ne laiffant fijourner
dans , Le Grec ,fins le pouffer, tourmenter & tour-
Font craquer leur mafihoire & claqueter leurs ner.
dents. Pollux aucunefois de la tefte baifiée
Vnefiuenr poudreufie enfumant goutte à Trompe la grandemainfiurfi tefie eflancée :
goutte Aucunefois d'vnpas, ou d'vn petit deftanr
Depuis lehautduêhefiiufqu au pied leur de- Euitoit mille morts qui bruyoient à ïen-
qputte:
Jls halètent de chaud, & ne peuuent tirer
tour
Defia douteufie aureille : il riauoit pins d'ha-
De leursflancs haraffe? le vent pour reffi- leine :
rer: , * De flangnoir & figéfiagorge fionnoit pleine,
Si bien que par contrainte ils reprindent ha- Qu'il craéhoit par la bouche , & de coups in¬
terne, ' finfié
Se reculons à part aux deux boutj de l'arène : Son chefdeçà delà luy pendait balancé:
Comme Mars quelquefois fichant fia lance à A lafin rencontrant du talon vne pierre
bas Où les nerfs fattachoieqf , tomba contre U
Fait repofèr deux camps au milieu des combas. terre
Puisfioudain enfureur la mortfie rappor-
terent,
Eflendufiur le dos : Lors les Bebryciens
D'aifie firent vn bruit, & les Theffaliens
Et de tefie & de mains lourdementfi heurte- " Efionne^ du ha?ard Pollux encouragèrent,
ren* ' Et de leurs voix au cur fia fora reloge-
Neplus ne moins qu'on void deux taureaux rent.
amoureux * Déjà ce grand Çean fans nul efigardve-
Faire au milieu d'vn pré des combats valeu- noit
reux, LUy floukr l'efiomac : mais Pollux qui tenoit
Etfi louer defiang la peau du colpendante, Les iambes au deuant , d'vnefineffe prefie
pfe tronquer du fiont la corne menaçante, Renuerfia le Gean contre-mont fiurfia tefie.
Pour l'amour d'vne vache : autour d'eux eft Pluftoftque deux eficlairs quifieflancent de
muet mit . '
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des Hymnes: _ &7
Se mutierent debout : vneguerre f enfuit Puu lefoulant aux pieds , luy dit en le tru-
Plusforte que deuant, & la vertu honteufie fiant,
Kallume dans leurs crurs vne ire gène- Va-t en conter là bas à Pluton , qu'vn enreufie:
fiont
Sans effargner les mains deçà delà diffos
Halettent l'vn for l'autre, & fie battent les
De Iupiter t'a fiaitfin Ombre mifierable :
Mon nom te fieruira defipulchre honora-
os, ble.
Et menrtrififant leur chair de leurs dures cou - A peinefiesyeux morts luy paroififoient au
rayes, ^ ^ fiont,
S'entrecaffent les dents , & s'enyurept de
playes.
A lafin t^Amycus ne pouuant endurer
Quvn enfant fi long temps deuant luy peuft
durer :
Son vifageJ$uffi,& fies leur esfi fint
Retraites dans la Shair , & le fiang comme
glace
Dans la barbe figé deshonnoroitfiafiace:
Pollux viétorieuxfiaouler ne fi pouuoit
^Ainfi quvn arc d'acier qu'à touteforce on
bonde
De regarder ce tronq, qui tant de morts auoit
Quand vif il efbranloit la dextre en la ba-
Tour en ruer le traiél, d'vne vigueur plus
grande,
Se banda tout le corps, & en dreffant le bras
taille :
Il regardefies bras , il regarde fia taillet
Son eftomac nerueux effroyable de crins,
Luy mefiura le chefpour ne lefaillirpas : Et le merueilleux tour de fies os Geantins :
Puis fioudain commefoudre il defihargea fi Ainfi que le Berger quifiurement regarde
dextre, * Vngfand Lyon tué, dont lagriffe pillarde
Mais en vain : car Tollux d'vne cautelle a- Souloitfioiffir fis bufs, & fans crainte d'a^
dextre bois
A chefbaifie coula feus luyfifinement Efioit l'efiouuentail des pafieurs & des bois^
Que le bras ne toucha que le dosfeulement. IncontinentJafion & toute la brigade
Lors de fia dextre main la fenefire luy Luy prefiferent le col d'vne ef^effe accolla-
- tire, de,
Et luy tournant la hanche , en le chargeant le Etfin fiere Caftor de fies mains defflia
vire LesCeftes,&du front le fiang luy reffluya,
Renuerfie fiur le dos; telfaut Amyeusprit, Et en le careflfant pourfi belle conquefle,
Que tout fion corps enfutfiur le fiablon efirit: D'vn chapeau de Laurier couronnèrent fia
Il fit en trébuchant vn grand bruit au riua- tefie.
ge, A l'enuy tout le iour ne firent que chanter
Non autrementquvn Pin, quand le venteux L'honneur de ce guerrier, enfant de lupi-
orage
Defiracinefiofiuche, $f le fait trébucher
ter,
Virilement iffu de la'Spartaine race :
Tout d'vn coup lourdement dufiaifte d'vn ra- Puisfaifiant tournoyer de main en main U
cher : tojfie
Ce grand Pin en tombant , d'vne longue tra- Pleine, qui eficumoit de vin tout à-l'entour,
uerfie Se fieftoyoient l'vn l'autre en attendant le
Auecques vn grand bruit tons les buiffons iour,
renuerfie. . ' Lequel fi tofi ne vint , quils pendent à U
Pollux qui lepreffajuy mifi fles deux ge- hune
v nous La tefte du Géant (jfrfniuent leurfortune.
Sur l'efiomac rebelle,& de cent mille coups le toy (hanté, Pollux : il me plaifi bien
\~Afan aifie donne%, luy deflehira les toyes encor
Du cerneau qui coulait du creux de mille Chanter ( comme le tien) le combat de Caplayes
: ftor.
" OOoo îf
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j niers :
"IO lesfilsputatifs du Spartoin Tyndarée,
Tons deux iufquau tombeau du vieillard A-
pharée
Lyncéfierepuifie parla premièrement
( Faifiantfinir fia voix du haut de fiafialade)
Fronçant lesyeux ardens d'vne cruelle
lade :
Demeurey^compagnons,pourquoy defirobeTl-
vaus
Sous ombre damitié le bien qui efi à nous t
Cesfilles qu'à grand tort vous emmene?,fint
nofires:
Homme ne lesfiauroitfins mentir dire vofires
:
Long temps a que leurpere a iuré par fiafoy
Enfemmes les donner à mon fiere & à moy.
Qui pins efi ie fçay bien que lesfillesfien dén¬
ient,
Et que pour leurs maris nullement ne vous
veulent :
Voy-leslà toutes deux, demandes-leurpour
voir
Lefquels en mariage elles veulent auoir.
Vous voirre^qrienuers nousfienclinent leurs
penfées,
Comme à nous par ferment dés long temps
fiancées :
Si quelques eftrangers nous les vouloient ofier,
En armes vous deurie% nos querellesporter,
Tantfien-fiaut que déniez vfier de ces rapines
LIVRE
f0$ LE L
f
Certes ie \efieuy,ma (honfin il mérite:
Enuers nous vos voifins & elles vos confines.
Je la luy ay promifie, ilfiaut queiemacqui-
robe
te.
O fameux Eficnyers , Caualcadours,Guer¬ Nos nopcespar argent,(è? d'auoir deflourbé
Sous ombre
riers ,
deprefent la volontédu pere :
Eficrimeurs , Voltigeurs , Soldas & Mari- Quel los remportez-vous d'vnfi grandvi¬
tupère
0$ LE L
Certes ie \efieuy,ma (honfin il mérite:
Enuers nous vos voifins & elles vos confines.
Je la luy ay promifie, ilfiaut queiemacqui-
robe
te.
O fameux Eficnyers , Caualcadours,Guer¬ Nos nopcespar argent,(è? d'auoir deflourbé
Sous ombre
riers ,
deprefent la volontédu pere :
Eficrimeurs , Voltigeurs , Soldas & Mari- Quel los remportez-vous d'vnfi grandvi¬
tupère
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Ce n'eft pas tour d'amis que d'auoir défi- \
En Sparte la Citéf tout homme par raifion
Ainfiqu'à des brigands vous clorra fia maifion.
Efi-ce en vofire pais que la loy veut per¬
mettre
Qu'en la moififion d'autruy la faux on aille
mettre?
C'efHrop penfiéde foy que de courir après
Lesfilles de renom dont les maris fiont près,
Qui ont l'efiée en main comme vous,pour dé¬
fendre
Qu'on ne viennepar dot leur mariageprendre:
Pource retirez-vous^ nous quittez le bien
Qui de raifion efi nofire auquel vous riauez
rien :
Nofire pais toutfeul n'engendre desfiemellesl
L'amoureufie Achaïe en produit de tres-^
belles,
Sifiait Sparte & Argos,&Mycènes auffi
Où lesfilles,fans chois,floriffent toutainfi
Engrâces & beautez es maifions de leur mere,
Que les fleurs des iardins en la fiaifion pre¬
mière:
Lefiquelîesfranchement bienfacile vous efi
Pour femmes les auoir fi quelqu vne vous
plaift:
Mefmes iln'y a Roy qui bien nevueille enten¬
dre
D'auoir che?-luy Tollux & (fafior pourfin
gendre :
Car vous efles très-beaux , vaiUans & gra¬
cieux,
Aux armes bien adroits & naiz du fiang des
Dieux.
Au reftefi quelqu 'vnparfiotte outrecuidace
Vous vouloit empeficher de trouuer alliance,
Ne nous efiargnezpoint,vous voirre?le defir
Que nous auons tous deux de vous faire plai¬
fir:
Ou bienfipar orgueil qnilesieunes maifirifie
Ne retire?yos mains de fifolle entreprife,
Etfi le ventfans grâce afouffié dedans l'air
En lieu de vousfléchir mongracieuxparler,

DES H
Nous les fieres puifnez combaterons enfiem¬
ble,
le dy (fafior & moy,ou vousfi bon vous fiem-*
ble:
Afin qu'vne maifion ne lamente quvn mort,
Les viuons donneront a nospères confort :
Puis fions aucun débatpar nopces fiolennelles
Coucheront dans le liél des deux ieunes pu-
celles.
Ainfi difoit Lyncé, mais le cruel Deftin
Ne mit pas tout cela qu'il auoit dit afin.
Lors lesfieres jumeauxfafche? d'vn tel lan-
gage '
Murmuraient en leurs dents, comme fiait le
cordage,
Les voiles & l'antenne £r le maft quand le
vent
Commence peu à peu àfloufpirer deuant
Les poftes meffagers défi proche Hfcnue
Quifiont bruire la riue & creffer l'eau che¬
nue.
De la fimple parole ils fiont venus aux
cris,
Des cris à lafureur,furieux ils ontpris
Désarmes en la main, comme vn vent qui a
peine
Afin commencement vn petit bruit demei-
ne,
Puis le bruitfie redouble, & fiait ruer âpres
Eficlattez par tronçons les membres des fo¬
rés,
Eflranle les rochers,& onde deffur onde
Renuerfie iufquau Ciel la gronde mer pro¬
fonde.
Les deux fieres aifne? mirent les armes
bas,
Et (faftor ($f Lyncé s'armèrent aux combas,
Furieux iouuenceaux, qui tons deux ieunes
d'âge
Egaloientles oifinez de force & de courage.
Caftor à l'vn des bouts du camp fe prefienta:
Et Lyncé d'vn pied ferme à l'antrefe planta,
Par ondes fiecouant vne pique d'Erable,
Quicouuroit tout le camp d'vne ombre efpouuantable.
Caftor du premier coup nefiaya que le
bon
j Comme
Y M N E S.1 tfj
De l'eficu de Lyncé'> qui pendait grand $f
fort
A fipt replis de cuir le long de la poiéîrine,
Lapoinéîe de la picque en trempe dure &
fine
Sans plus fi reboucha , & ne peut dans le
flanc
elle auoit defir teindre le bois de fiang.
Lyncé d'antre cofté contre fon aduerfiire
Droiétfur le morion tire vn coup fans rien
faire:
Car la poinfte trouuant le fer gjiffant &
rond,
en lien de fly ficher rebondit contre-mont
Iufiqu au fiommet du timbre,^ rient rien que
la crefie
Des plumes pour le fiang qu'il vouloit de la
tefie.
Ores en fie marchant flur l'vn & l'autre
pié,
Ores courbant le corps comme à demyplié,
Se trauailloient en vain d'allée & de venue
Si point en quelque endroit il voirroit la chair
nue':
Mais fie voyons tons deux fidèlement cou-
uers,
Prefque defiefierezy bande?^ d'os fy de nerfs
Se heurtèrent fi fort , que leurs piquesfior^
cées
Lynce demeura fiain,Caftor déport enpart
Eut (enfie defimarchant ) d'vn eficlat d'auan-
ture
Le bras gauche percé au droiél de la ioin-
ture.
Tolluxen deuint trifie , ^fldasqui efioit
Affis furie tombeau i aifie s'en debatoit :
Lefiang ieune fy vermeil fiur la moin luy
ondoyé
Semblable à la couleur de cefte rongefoye
Dont les filles d'Afie empourprent de leurs
doigts
Les riches veftemens des Princes £r des
Rois.
Apres en leurioignant tirèrent les effées
Qui leur pendoient auxflancs en des gaines
ées
OOêo i n
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

p*?0 LE I.
A boutonsfaits defoye, &fecouant en l'air
Le fier efiincellant viennent à chamailler
Leurs marions ferré? , qui rouges d'efiincelles
Luifioient deffous les coups des dures allumelles.
Les fleures de Vnlcanfiont pins lents &
tordis
xA démener les bras, que ces guerriers har^
dis
A manierles mains : le piedfermefiarrefie
Contre le pied haineux, la tefte ioint la tefte,
Lefer touche le fer, & troublez de courrons
Sans regarder l'endroit fe meurtriffent de
coups.
Caftor maiflre enfin art,qui les armes re¬
mue,
Feignit de luyporter vn efloc en la veu'ë:
L'outrepour luy parerfe defiounrit le fein.
Auffitofi que (faftor haute luy vid la main,
Des pieds,des bras, de tefte enfonça de furie,
Et droit en cefte part où l'homme a plus de
vie
Au creux de l'efiomac tout outre luyperfia
Les poulmons,& du co'up à bas ie renuerfia.
Le cfur qui fions faufiler en pajmoifon de¬
meure,
S'efiouffa dans le fang,fitforce la meilleure
Abandonnafis nerfs, &menn fanglottant,
De grosfiuffirs alloitfis entrailles battant.
Jl trepignoit despiedsfiur la rougepoufiiere :
Vn durfommeil de fier luyfilla la paupière,
Et rouant de trauers lesprunelles desyeux,
Comme ventfioufpiro fion ame dans les Cieux.:
(fhetifis qui ne deuoient accoller embrafiées
Nyfinfiere ny luy leurs ieunesfiancées.
Idas tout forcené de voir fon fiere mort,
Arracha du 'tombeau par violent effort
Vn piUierfiait de marbre ,& marchoit en co¬
lère
A grands pas pour tuer le meurtrier defion
fiere:
Mais Iupiter d'enhautfia race défendit,
Qui dedans vne nue horrible défendit,
Et fe courbant le corps haufifa la main armée
*
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LIVRE
D'vne vapeur foulphreufi en l'air tout allu^
mee:
Puufiur le ïïrfd'Jdasfia tempefte eflança,
Qnid'vnfieu prompt & vif tout le corps luy
paffa:
Laflame en pétillant l'efiomac enuironne
D Idas qui tient encor enfles mains la cou-
tonne,
Bronché mort flur la tombe : Ainfi en prend à
ceux
Qui veulent quereller à gens plus vaiUans
queux,
Mefmes à vousJumeauxpleins de forte puif¬
fiance,
Et qui d'vn perefortprinfles voftre naiffance.
Je vousfialuë enfans de Ledo qui récent
Vn Cygnepour mary quand elle vous conceut:
Noblesfrèresiumeaux d'Hélène la très-belle,
Donnez à ma Chanfion vnegloire éternelle,
Non mienne mais la voftre, & celle de Gas-
PART
Qui des Mufiesf efifait la gloire & le rem¬
part.
Vous aimez les chanfons quand elles fint
bien-faites :
Et pource au tempspaflé, les bien-difians Poè
tes
Furent de vos amis,(§f de tons les Hères
Qui fniuans Menelas acquirent quelque las]
x^4rrefle?par dix ans dans le port de Sigée,
Bien loin de leurs pays deuantTroye affiegée.
Homère le premier chanta l'honneur des
Grecs,
Des Troyens & de vous : & moy,petit, après
Sipeu que iefiçay faire, & fipeu que la Mufie
Me départ défies biens,&fipeu qu'elle rrivfie
Defaneur ie vousl'offre , & vans l'apporte
icy.
le fçay que vous auez les Hymnes enfiucy :
Caries Dieux ne fçaurvient receuoir de plus
dignes
Offrandes des mortels que les vers & les
Hymnes.

HYMNE 1 1 I I.
DE HENRY DEVXIESME
de ce nom , r oy de
France.
Vfies , quand nous voudrons des
Dieux nousfouuenir,
Ilfiaut les célébrant commencer &
finir
\^4u pere Iupiter, comme ou Dieu qui la bon¬
de
Des autresfiait trembler & maifire leur com¬
mande.
Mats lors que nous voudrons chanter l'hon¬
neur des Rois,
Il faudra par Henry Monarque des
François
Commencer & finir, comme au Roy qui fiur-
Engrandeur les plusgrads de cefie terre baffe.
» L'honneur efilefeul prix que demandent les
Dieux :
» isftujfi l'homme mortel ne leurpeut donner
mieux:
Et Iupiter après lafinglante viétoire
Des Geans, ne voulut receuoir autre gloire
Sinon d'oiïirfionner à fion fils Apollon (
Comme fion trait armé d'vnflambant tour¬
billon
D'efilats, de bruit, depeur, de foulphre , & de
tonnerre,
Auoit efiarbouiîiéleurs cerneaux Contre terre
Par les champs Flegreans , & comme leurs
grands corps,
Et leurs cent bras arme? efioient renuerfiz
morts
Sons tes monts quilsportoient, & commepour
trophée
De fa viétoire, Etna flamboyéflurTyphée.
Sus donc, diuines Seurs , de vos dons aidez-
moy
Pour dignement orner vofire fiere,mon Roy.
Le "Bûcheron qui ferre en fia main la coignée,
Entré dedans vn bois pour faire fa 'tournée,
Nefiait où commencer : ici le tronc d'vnTin
Seprefinteàl'ouurierjà celuy d'vn Sapin:
DES H y>i n e s:
35K
Ici du coin del'iil marque lepied d'vn Chefine,
Là celuy d'vn Fouteau , ici celuy d'vn Frefi
ne.
A lafin toutpenfifde toutesparts cherchant
Lequel il coupera, tourne lefier trenchant
Sur le pied d'vn Ormeau &par terre le rue
Pour enfaire vne nef oufaire vne charrue.
Ainfi tenant es mains le Luth bien appre-
fié,
Entré dans ton Palais deuant ta MaiesTe',
le doute, toutpenfifi, quelle vertupremière
De mille que tcasfiera mifie en lumière :
Tes vertus, tes grandeurs, ta iuftice $f ta
Ta bonté, tapitiéd'vn coupf offrent à moy,
Ta vaillance au combat , au confeil ta pru¬
dence :
x^Ainfi ie reftepauure, ^f le trop

p?_ L E L
^Armêde tefte en pied quand la guerre t'ap¬
pelle.
Or parle qui voudra de Caftor & Pollux
Enfans iumeanx d'vn Duf: tu mérites trop
pins
D'honneur que tous tes deux, d'autant que tu
affemble'
En toy ce qu'ils auoient à départir enfiemble.
L'vnfut bon Cheualierflautre bon efcrimenr:
Seul de ces deux meftiers tu as le double hon¬
neur :
Car au eft l'efirimeur quifi^armes approu-
che
De toy fans vergongneux remporter vne tou¬
che?
Ou fioit quedel'efféeâte plaifijouer,
Soit qu'en la gauche main te plaififiecouer
La targue, ou le bouclier,oufioit que ï onfiat¬
tache
Contre toypour ruer ou la pique ou la hache :
Nul mieux que toy nefiait comme ilfiant dé¬
marcher,
Comme ilfiaut vn coup feint fins les armes
cacher,
Comme on garde le temps , & comme on fie
mefiure,
Comme on ne doit tirervn coup à l'auanture.
Quant à bien manier& piquer vn cheual
La France n'eut iamais ny riaura ton égal,
Et femble que ton corps naiffe hors de lafelle
(fentaure mi- cheual,foit que poulain rebelle
Ne vueillepoint tourner, ou fioit quefaçonné
Tu lefaces volter d'vn peuple enuironné
Qui prés de toy fiaccoude au long de la bar¬
rière :
Ou fait quàfiautsgaillars, on foit qriàla car-
LIVRE
Son vent entre fies flancs ,monflrant par vn
tel figne
Qu'il cognoift bien qu'ilporte vne charge diui
ne.
Jay (quand i' eftois ton Toge) autrefois
JousGraxval
Veu dans ton Eficurie vn fimblable (fheual
Qit onfurnommoit Hobere , ayant bien co¬
gnoiffance
De toy montant deffus : car d'vne reuerence
Courbé te fialûoit : puis fions le gouuerner
Se laiffoit de luy-mefine en cent voltes tourner
Si vifte^ffi menu, que la veuë & la tefie
Tournons fefilouïflfoient, tant cefte noble befte
Auoit en bienfieruant vn extrême defir,
Te cognoiffantfion Roy, dc te donnerplaifir.
Or quand tu ne fierais ny Monarque ny
Prince,
Encor ontevoirroit par toute la Prouince
Comme vn Seigneur adroit deffus tous eftimé,
et bien tofi d'vngrand Prince , ou d'vn Mo¬
narque aimé
Pour les dons que le (fiel t'a donne? en par¬
tage,
Te fiaifiant héroïque & de broue courage.
Tefmoin eft de ton ccur cefte ieunefureur
Dont tu voulaisprés Morne affaillir l'Empe
reur.
riere. w,
Ou fioit qu'à bride ronde, ou en long manié
Ta main ait au chenalauecq le frein lié
Vn entendement d'homme, à fin de te com-
' plaire,
Et enfiemble efiahir lesyeux dupopulaire.
D'vnefueufe eficume il eft tout blanchiffant,
Defies nazeaux venteux vneflame eftyfiant,
Lefrein luyfionne aux dents, il bat du pied la
terre :
Jl hennit, ilfie tourne, aucunefois ilferre .
Vneaureille derrière, & fiait l'autre auancer,
Jl tremble tout/ans toy, gr ne peut r'amaffer
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Lequel ayantpaflé les riues de la Meufi,
Remenaçoit Paris ta grand' citéfiameufie :
Tu luy euffies,Guerrier, ta vertu fiaitfientir,
Et fie tirant le poil mille fois repentir
D'efire en France venu , fans vnepaix far¬
dée
Par quifut fon armée &fa vie gardée.
La liberté des Roys efl mal-fibre enpro-
Onpoint ou peu ne donne àfit langue repos,
On iure oufi deffite,ou fie vante ou blafiheme,
Oufle mocquant d'autruy eftmocquable elle-.
mefime :
Mais tu ries point inreur , blaffhemeur, ne
menteur,
(folere ne deffit, ne mocqueur, ne vanteur :
Tu es fibre en propos, penfif& taciturne,
Qui font les pins beaux dons de l'afire de Sa¬
turne.
Il n'y eut iamais Prince en l'antique faifin
Ny en ce temps prefent mieux garni de raifion,

D E S H Y M N E s: £$j
Ny d'apprehenfion que toy, ny de mémoire : ' Le volleur, le meurtrier, impunis ne demeu-
Or quant a ta mémoire on ne lefiauroit rent,
croire, Les hommes inn&censparfaux luges ne meu-
Quifamilièrement ne t'auroit pratiqué. rent
!&' tu as vne fou vn homme remorqué Corrompuspor argent : les coulpablesauffi
Où de l'humaine chairviuent les habitons, Car tu riespas cruel, & ta Royale main ^
Voire & fans retourner fiejournaft-il vingt Ne fie réjouit point du panurefinghumain,
ans: A l'exemple de D i E V, qui fies foudres re-
S'il renient defortune vn iour en ta prefince, tarde, t
Tu auras tout fioudain de luy recognoiffance : Et en lieu de nos chefs pour nous efionner
Vertu tres-neceffaire aux Monarques d'à- darde
noir, Ou les fiommets d'Alfas, on les (ferauniens,
Afin de n'oublier ceux qui font leur deuoir : Ou les cheflnes branchus des bois Dodoniens,
. » Car pour néant vn homme au danger metfa Ou le haut des cite?, & du boulet qu'il rue
vie Toufiours nous effiouuante & peu fiuuent
» Pour fion Prince fieruir fi fin Trince l'on- nous tue.
Mie. De toutes les* vertus qui te logent aux
Que dirons-nous encorfplus que les autres Cieux,
Roys Ta libéralité te rend égal aux Dieux,
'Tu es dur au trauail :fiils portent le harnois Libéraux comme toy, efiimans l'auari&e
Vne heure fiur le dos, ils ont l'efichine arnée, Vn péchémonftrueux, eficole de tout vice. .
Et en lieu d'vn roujfin prennent la haqnenée: Lequel plus efi remply &plus cherche à mon-
Mais vn iour voire deux tu fiouftiens le la- ger
beur De l'or très- mifierable acquis àgrand danger 1
Des armesfiur l'efichine & iiiges lafiueur Mais tu ne veuxfiouffrir qu'vn trefior dans le
Eflre le vrayparfum qui doit orner laface Louure
D'vn Roy quipour combatre a vefiu la cui- Semoiflffanten vain d'vne rouillefie couure.
race. On ne void artifin en fon art excellant^
Auffi deuant le temps lepoil blanc t'efi venu, Ny findartfignolé à la guerre vaillant,
Et io tu as le éhef& le menton chenu,
Signe de grand trauail & degrande fiageffe,
kA qui tapleine main de grâce n'eflargiffe
Vn condigne loyer defin noble artifice :
Qui de leurs beaux prefiens décorent ta ieu- Et ceft l'occafion, o magnanime R o Y /
ne tefie, Que chacun te recherche, grveut chanter de
Luy adiouftont le poids de meuregranité. toy.
Comme Prince aduifé tu as toufiours efté Tu ries à tesfuietsfeulement débonnaire : *
Prompt à croire confeil : car tune délibères
Rien finonpar l'aduis des vieux & fiages Pe-
Si quelque Totentat efipreflé de mifiere,
De perte depaysje menace de mort,
res, Ayant pitiéde luy tu luy donnes fupport,
Qui protiques,par l'âge ont iugement certain, Et de ta grande main à cefiait confiumiere,
Depeur de rencontrerpar vn confeilfioudain (fiez luy tu le remets en liberté première.
Du vieil Epimethé lafille Repentance, Nos Roys Princes desRois les font ou redé-
(fommeks autres Roys qui riontpoint de pru- font,
dence.
Le riche deffous toy ne craintpoint quefion
bien
Parfaux accufiment ne demeure plusfien:
Leur rabaififant la tefte, ou releuant lefiont.
Que diray plus de toy t & de l'obeïffance
A ton pere portée en ta première enfancef
L'honorant tellement comme tonpere$ Roy,
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LE L, LIVRE
SP4-
Que les autres enfans prenaient exemple à Luy oftala douleur que l'on fient engefine.
toy,
Adonc toy Filsfimbloblea ton Tere nofi-
Tant'peut la charité: derechef tu l'honores
Comme vn fils pitoyable aprèsfia mort encores,qu'is,
et fins armes noiffant,vn Royaume conquis.
Lors les Nymphes des bois, des taillis, & des
Enuironnant fin corps d'vn tombeau fimptueux,
prées,
Des plaines, & des monts , & des forefisfit-
, De
Où le bec d'vn ci?eau d'vn art prefimptueux
A le marbre animé de batailles grauées,
Et deguerrespar luy iadis paracheuées.
Dedans ce Manfiolée , enclos en mefime
- efiuy,
Tes deuxfieres efieints dorment auecques luy,
Et ta mere àfiesflancs : lefquels t'aiment &
prifient,
Et du Ciel oùilsfiont,tesguerresfauorifent
De leurs rayons ardents, réjo'ùys de te voir
leur Sceptre héritier faire bien ton deuoir
:
Et ton Pere,dequoy augmentantfa Couronne,
Tu lepàffes d'autant(quant auxfaits de Bellonne)
QriAchillefit Pelée,& qu'Aiax Telamon,
Et que le vieil\Atré' legrand Agamemnon.
Tu as[quelque defifein que ton cour délibère)
Toufiours de ton cafté lafortuneproffère
xAuecques la vertu& c'eft ce qui tefiait,
Pour t'allier des deux, venir tout afouhait.
Vray efl quant à tesfaits tu veuxfur toute
chofe
Qriauxgefles de ton Pere homme ne lesprepofie:
Mais la Famé qui vole & parle librement,
Quifiujettc n'efipoint à ton commandement,
Donne l'honneur aux tiens,& en cefie partie
De tes humbles fiujets ta loy n'efi obèie.
O mon Dieu que dejoy e & que d'aifie re-.
P çoit
Ta mere quand du (fiel çà bas elle te voit
Si bien régir ton peuple, & garder l'héritage
De fia noble Duchéqui luy vint en partage !
Laquelle aplus dejoye& deplaifir receu,
Det auoir enfion ventre hcureufiment conceu,
Que Thetis d'enfanter ^Achille Peleïde,
Ou Argie U Grecque en conceuant Tydide.
Si tojt quellefle vid voiflne d'accoucher,
ct queja la douleurfin c venait toucher,
S'en vint à Sainél-Germain, où la bonne Lu¬
cine
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crées,
Les Naïades de Seine & le bon Sainét ger¬
main,
Te couchant au berceau te branloient en leur
main,
Et difioient : Crois enfant,enfantpren accroif¬
fance
Pour l'ornement de nous & de toute la Fran¬
ce:
Iamais tant Iupiterfia Crète n'honora,
Hercule iamais tant Thebes ne décora,
Apollonfia Delos, comme ta renommée
Rendra France à iamais fur tontes efiimée.
Ainfi en te baifiant prophetifioient ces
Dieux,
Quand vn Aigle volant bien haut dedans les
Cieux
(Augure bon aux Roys ) trois fois deffus td
tefte
Fit vn grand bruit fiuiui d'vne gauche tem¬
pefte.
Ceux aufquels Iupiter enuoye ce bon- heur
*En naiffant, il lesfait Monarques pleins
d'honneur,
Poffejfeursde grands biens, dont le Ciel aura
cure,
Et n'aurontpoint au Monde vne louange obflcure.
Arternis aux Veneurs, Marsprefide aux
Guerriers,
Vnlcan auxMarefichaux,Neptune aux Ma¬
riniers:
Les Poètes Phebus & les chantresfait naifire :
Mais dugrand Iupiter les Roys prennent leur
efire.
Au Mode on nç void rienfi haut nefi diuin
Queles Princesficeptrez>nc qui tantfoit voi-
fin
Du grand Iupiter queux, dont la main large
&grande
Aux Soudars,aux Chaffeurs , &aux Chan¬
tres commande,

DES H Y
"Et bref a tout chacun : carfiauroit-on rien
voir
en terre, quinefioit plié fions le pouuoir
DesRois aux longues mains,qui leurs Sceptres
eflendent
De l'vne à l'autre mer& âpres D i E V com¬
mandent?
Iupiter efileur pere, & généralement
il fiait des biens à tons , mais non également :
Car les vns nefont Roys que d'vne petite
Ifle,
Les autres d'vn defirt on d'vnepauure ville,
Les autres ont leur règne en vn pays trop
froid,
Glacé,fouflé de vent, les autresflous l'endroit
Du (fanere chaleureux, où mil vent nefoulage
En Efiétant'fiit peu leur bafiné vifage :
Mais le nofire a le fien en vn lieu tempère,
Long, large, bien peuplé, de villes remparé,
De chafteaux,& deforts , dont les murs qui fi
donnent
Au Ciel, de leur hauteur lès eftrangers efton-
nent.
Cegrand D i e v bien fiuuent des Princes
l'appareil
Tranche au milieu de l'Pnure & leur rompt le
confeil :
Les vnsfiont en vn an leurs longues entrepri-
fis,
Des autres à néant les affaires fiont mifis,
Et tout cela qu'ils ont, bien quefiges,penfié,
S'enfuit comme le ventfins efire commencé.
Quant aux petits deffeins que noftre R o Y
commence
A penfer,ilsfontfaits auffi tofi qu'il lespenfi :
Quant aux grands, il lespenfi enfion liét au
matin,
Vers lefoirpar effeét il en voirra la fin.
TantJupiter l'honore & tant il efi profiere
\^4ux courageux aduis que fin cur délibère.
Mais,Mufie,ou ieme trompe,oufiansfrau¬
de ie croy
Que Iupiter afiait partage auec mon Roy .*
Ha prispour fapart lesgrefles &les nues,
Les comètesJes vents, &lespluyes menues,
Les neiges;lesfiimas, (if le vuide, de l'air,
Et ie ne fçay quel bruit entourné d'vn eficlair,
Et d'vn boulet defien qu'on appelle tonnerre :
Maispourfioy noflre Prince a retenu la Terre,
M N E s: ^e
Terre pleine de biensfclë~vtttes, & defortf, j
L * i J * \
Et d'hommes à la guerre $f aux Mufies ac^
corts.
Si Iupiter fie vante au Cielauoir en pompe
Tins de Dieux que tu n'as , de beaucoup ilfi
trompe. *
S'ilvantefia Bedonne,ou s'il vante fion Mars:
Tu en osplns de cent,refleurs dé tesfloldars,
' Qui ont de la vertu les ornes animées,
Capitaines rufiz au meflier des armées :
Et fi par deffus toy il fi vante d'auoir
Vn Mercure pour foire en parlant fon de-^
noir,
"Tu en nourris vn antre accort , prudent &
fige,
St tropplus que lefienfiacond enfin langage.
S'ilfie vante d'auoir vn Apollon chez luyl
Tu en asplus de mille en ta (four auiourd'huy*
Vn Carie ,vn Saint-Gelais , &iem'ofipro-j
mettre
De féconder leur rangfi tu m'y daignes met^
tre.
Doncques queJupiter enfion Palais-là haut
Se broue auecqfisDieux, mongrad Prince
il nefaut
Qu'on l'accompare à toy qui nous monftres a
veuë
De quelle puiffiance efi ta zJMajefié pmrueue.
Nul Monarque d'Europe en fia main ne
tint onq'
Vn Royaume quifioit fi large ne fi long, -
Pins abondant en bleds , vins, fiarefis & en
prées :
Auffi le trop de chaud riojfienfie tes contrées,
Ny le trop defroideur, ny le vent ruineux,
Nyle trac efiaillé des Dragons venimeux,
Ny rochers infiertils,ny fiablons inutiles.
Que diray pins de toyf de cinq ou defix
villes
Tu ries feulement Roy,mais mille & mille en-
cor
» *
Auec vn million pleines de gens & d'or
Te font obeïffance & t'honorent leur maifire.
Sur lefiquelles on void ton Paris apparoifire
Commevn Pin éleuéfiur les petits buiffons:
Où cent mille artifans en cent millefaçons
Exercent leurs mefiiers : l'vnaùx lettresfad-
donne,
Et l'autre,(fonfeiller, tes fàinétes loix ordonne^
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9*)6 L E I.
L'vn efipeintre,imager, armurier, entailleur,
Orféure,lapidaire, engraueur,efinaiUeur :
Les autres renfrongne? fondent artillerie,
Stgrands Cyclopes nudsfont vne batterie
A grands coups de marteaux, puis d'vn égal
compas
D'ordre l'vn après l'autre en haut leuent les
bras,
(On diroit que les moins de mille Salmonées
Sont en ton Arcenalde nouueau retournées,
Qui dans vn Chariotfait d'airainfi portoit,
Et coûtant fiur vnpont lesfoudresimitoit)
Et refrappentfi dru fiur la maflfie qui fionne,
Que le prochain riuage & lefleuue en refion¬
ne:
Le métal coule aufeu parla flame irrité
Qui doit vn iour rnyner quelqueforte cité.
Pour toy le iour fie leue en ta France, & la
mer
Fait pour toy tout autourfes vagues eficumer:
Pour toy la terre eftgreffe & tous les ans en-
I fiante :
Pour toy desgrand's forefts la fueille renaififiante
Tous les ans fi refiifi , & lesfleuuesfinon
Ne courent dans la mer que pour bruire ton
. nom.
Pourroit-on voir enclume , ouflame inge-
nieufie,
Ou forge en quelque part qui nefiufi curieufe
Defondre du métal &fiigneufi grauer
Ton vifage an noïfià fin de t'efleuer
Comme vnDieu par le peuple f il n'y aurait
ny rué
Nyplace oùton ne vifl ta Royale ftatu'è
Pour te flaire adorer du populaire bas,
I Si tu l'eujfcs voulu : mais tu ne le veuxpas,
Etlaiffesà bon droit au Roy qui fe desfie
Du peuple, quvn marteau fon renom déifie. '
Si tofi que le Deftin eut ton chefordonné
D'efire en lieu de ton Tere en France cou¬
ronné,
Lors que chacun penfioit que tu courais la
lance,
Que tu fiaifiois tournois ($f mafiques pour la
dance,
Et qu'en ris $f qu'en jeux &paffetempsplai+
fans
Détente oifiueté m roiUUois tes beaux ans :
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LIVRE
Au bout de quinze iours Francefut eflahie
Que tu auoisdéja l'Angleterre enuohie,
Et fans en faire bruit,par-mermilieux efforts
Tu anois ja. conquis de Boulongne lesforts,
Et par armes contraint cefie arrogance An-
gloifi
^A te vendre Boulongne (Sf la rendre Fron-
çoifie.
Tu nefins fatisfait de ce premier honneur :
Maisfluiuant tafiortune & tonpremier ban-
heur,
Deux ou trois ans après tu mis en la campa¬
gne
Ton camp pour affranchir les Trinces d'Al¬
lemagne.
Adoncque toy vefiu, non des armes quefeint
Homère à fin Achille, où toutde Ciel fut
peint,
Ains arméde bon cur, deforce & de prouefi
fi'
Tu ne misfeule aux éhamps la Françoifiieu- >
nefifie:
Mais Anglois, Eficpffois, Italiens & Grecs
Efionnezde ton nom, voulurent voir de près
Le port de ta Grandeur, & tous fiafifiujetti-
rent
A tes loix , & pour toy les armures vefii-
rent :
Où la peur d'ojfenferfie vid de toutespars
Si fiaintementgardée entre tantdefioudars
(Bien qu'ils fuffent diuers d'armes & de lan-
Que mefime l'ennemi nefientit le pillage,
( Merueille ) ($f pour ce coup l'efiée &le har¬
nois
Par ton commandement obéirent aux lois.
Tu pris Mets en paffant -.puis venu furla
riue
Du grand Rhin t apparut l'Allemagne captiue,
Laquelle auoit d'ahan tout le dos recourbé,
Ses yeux efioient caue?^,fion vifageplombé,
Son cheffeheriffoit à treffes défiliées,
Et de chaifines de ferfies mains eftoient liées :
Elle vn peuf accoudant de trouersfiur le bord
Du Rhin , ainfi te prie /OPrinceW-
reux&fiart,
Si Nature& la race aux Monarques com¬
mandent
^ Aider ,

D E S^H Y M N E s: $t>f
D'aider les panures Roys qui ficours leur de¬ En fit place commande horreur &fielonnie :
mandent,
Etfil fautpar pitiéficourir nosparens,
Qnoit de tous coftez les armeuresfionner,
On rioitprès de la Meufie autre chofe tonner
S'ilfaut de nos amis foigner les differens, Que mailles ($f boucliers,^ Mars qui fieprô-
Las l pren compajfion dc ma flerne mifiere,
Et fils,donneficours à moy qui finis ta mere.
Quand Francus ton ayeulde Troyefut chaffe
Il vint en mon pais :puis ayant amaffé
meine
A cofiéde Mezjere $y des bois de l'Ardéne,
S'efgaye enfin harnois dedans vn char monté
De quatre grands courfiers horriblementpor¬
Vn camp de mes enfans alla vaincre la Fran¬ té.
ce,
Et des miens & de luy les tiensprindrent naif¬
La Fureur & la Peur leur conduifient la bride,
Et la Fome emplumée allant deuant pour
fance.
guide,
Laiffé auec vn grandflot çà (j$f là parmy
Ainfidit l'Allemagne}($f à peine rieutpas j
tAlcheué quefis fiers luy tombèrent à bas,
Son dos redeuint droit , &fiesyeux ^ffiafiace
Reueftirent l'honneur de leurpremièregrâce :
Etfioudain de captiue en liberté fie vid,
Tantvn grand Roy de France au befoin luy
fieruit,
Ainfl qu'vn bon enfant qui defa mere a cure,
Et rieflpoint entachéd'vne ingrate nature.
Efiant faoul de la terre après tu fis armer
Laflatte de tes naux,& l'enuoyas ramer
Deffus la mer Tyrrhene,où elleprint àforce,
Maugré le Geneuois , la belle ifle de Corfle,
Afin deflaire entendre aux eflrangers loin¬
tains
Combien vn Roy de France a puiffantes les
mains.
Breffiaifànt par effreuue à l'ennemi cognoi-.
flre
Que par mer tu eftois &par terreflon maiftres
Forcé de ton Deftin ô" de tes nobles faits,
Humble tevintprier de luy donner lapaix :
Lors voulant à toy- mefme & à luy fiotis-
fiaire,
Pour le repos de tons la paix tu voulus faire.
Déjà la douce Taix vous accordoit tons
deux,
Quand il voilafisyeuxd'vn bandeau rancu-
neux,
Afindenepreuoir le fienfutur dommage,
EtqueD i e v par tes mains lepuriift d'auan-
tagei
Or la Paix eft rompue, & ne faut pins
chercher
Qriàfie meurdrir en guerre & à fie détran¬
cher :
La Foy ria pins de lieu, la pitié s'eft bannie,
l'air
Sons le vent des fheuaux flon pennage voler.
Ce Dieu qui deflon char les effaules luypreffe,
D'vn effieu Thracien contraint de la Déeffi
Les langues à crier des bruits (gjp vrais ($f
faux,
Pour effroyerISurope &la remplir de maux.
Tu feros, mon grand R o y, le premier des
genfdarmes
Contrefis ennemis qui vefiiras les armes
Enceint de ta Noblejfie : & lepremier feras
Qui de ta lance à iour leurs bandesfiaufferasl
\~Apres qu'heureufiement tu auras fçeu dé¬
faire
Tes ennemis vaincus, lors tu auras affaire
De mes Mufes ,o P R i N c E,£

yp8 LE L
Le donner à celuy qui doucement l'inuite,
St d'hanneftefaneur compenfie fon mérite.
Mais quoy f P R i n c E , on dira que ie
finis demandeur,
Il vaut mieux aéheuer l'Hymne de ta Gran¬
deur:
Car déjà ie t'ennuyé ayant éhofiefi baffe,
Tuis ja ma voix s'enroue & mon poulce fi
laffe.
Orpuis que nos deux Roys les plus grands
des humains
N'ont voulu receuoir la Taix entre leurs
mains,
Afin que tout le peuple euflfiait fon auure en
ioye,
Il vaut mieux prier D i E V qu'aux François
il enuoye
LïV^E
La vi&oire , & le Chef de nofire Roy guer¬
rier
Soit toufiours couronné de palme & de lau¬
rier,
Et que tantt de combats tournent à noftre
gloire.
Eficoutedonc ma 'voix, o Deeffe Viétoire,
Quiguaris desfioudars lesplayes,& qui tiens
Sn ta garde les RoysJes villes & les biens :
Soit que tu fois au Cielvoifine àla Couronne,
Soit que ta Majeflégrauement enuironne
Le Throne à Iupiter, ou l'armet de Pallas,
Ou le bouclier de Mars : vien Deeffe icy bas
Fauorifir HENRY, & d'vn bon ail re¬
garde
La France pour iamais & le pren en ta gar¬
COMMENDATRIX EPIS T. MICHAELIS
de.
HOSPITALII, FRANCIS CANCELLARII,
VIRI DOCTI&SIMI,
Ad Carolvm Cardinalem Lotharenvm.
Vam facile in mukis antiqui
noratHomeri
Carmen Ariftarchus, mif-
fum fimul ore fuuTet :
Tam citô cognofces, ac nullopenè la-
bore
Cuius & hoc fît vatis opus : nempe illius
omneis
Qui veteres vnus fcribendi laude Poëtas
./Equauit, dubiàmque facit tibiMantua
palmam.
Aipice quàmfetollit humo,quàmque
arduusaltum
Fertcilo caput, & clara inter fydera
condit :
Quos,vbi fxuacanitmagnorum pradia
Regum,
Dat fonitus,quae verba mit, velfulmi-
nisinftar
Vel torrentis aquç,quantas è diuite vena
Fundit opes : quàm mox fertur fedatus,
& ore
Copo/îto memorat iucûdç tépora pacis;
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Et quibus auxiliis , quo fît refpublica
more
Gefta domijlaudémque toga? fulgenti-
bus armis
Comparat,&pulchris lingue mel fuaue
triumphis.
Iamque tui dotes animi quàm fedulus
omneis "
Exequitur, quasque hoc bifïenosRege
perannos
Geflerisjincipiensàprimo flore iuuéta:,
Vt nunc implicitum bellis,qua2 maxima
noftrum
CircuriftantRegem, necdum fatis vnde
tuentem
Solueremilitibusftipendiapofîitauaris,
Expedias.lingua varios & moribus abfq;
Seditione regas eadem intra caftra maniplos.
Sic velut in tabula non,C arole,
pi6lus Apellis,
Pharrhafiiue manu es, Ccd nobilis arte
Poëta:,

des hymnes: >,j
Ec calanio vatum nulli cedente prio- Appellet tanquam ex tabulis pa&oquc
rum: Senatus,
Vt quotics h^rebis imagine fixus in illa, Ha:c erit vtilitas, praclarum hune, C A-
Non folùm oble&êre bonis tibi mune- rôle, frudtum
rc Diuum
Verfibus his capies & multum & fepe
Conceffis ; fed durus& afper cenfor,in
horas
Sis memor inque dies,à te(non credulus)
. ipfo
Tanquam depoilta; rationem pofçcre
fummaî :
Ne qua tibi virtus pulchro decedat a-
ceruo,
Ne qua fuum perdat vitiis infe&a deco-
rem,
Ne vel mentitum hune, quum fcribere t,
elfe Poëtam,
Veldicanthominespoft,tepeiorafecu-
tum.
Atque hiscarminibuspropètâquam
pignore certo
Obftrictam Regique fidem patrisque
mémento
ElTe tuam : vt laudum pofthac qusecun-
que tuarum
Abfuerit, feriptis huius celebrata requirat
terendis:
Ludicra ne poflhac & inania carmina
vatum
Effe putet quifquam , & tantûm palpare
legenti.
Talia cùm feribat Ronsard vs
Apolline digna,
Scribat ei,teretes puero cui Cynthius
aures
Prasbuit : alterius nec laudis egere videntur,
Nec prece,nec ftudio commendatoris
amici.
Illa (Xcio ) paflis manibus, veloque pa¬
tente
Excipies,excepta leges relegéfque libcn^
ter.
Nam neque tu poteras aliolàtcarminc
digne
Laudari:atque huius qui carminisxquct
honorem,
Etpatriaeximio reddat praconiavati,1
Continué Populus : te Rex & reghjs Nullus erit: quis enim Ronsarjdo
omnis digna reponat
HYMNE V.
D||CHARLES CARDINAL
de Lorraine.
't^Aurois efié conceu desflots de
la marine,
Vn roc en lieu d'vn ceur i'auro'u
en lapoitrine,
Et 'iourois efié néflans ame eyflans raifon,
Si iene te chantois & toute ta Maifion,
Mon C H A R L E s, mon Prélat , mon Lau¬
rier de Lorraine,
Efirit venu du Cielpourfiupporter la peine
Des François quand la France & le Sceptre
duKoY
appelloit à fin aide vn tel Prince que toy.
Or fi des grands rochers tes eflres nonpafi
Jibles,
Et les corps végétants des arbres infenfibles,
Et lesfiers animaux, cruels hofiesdes bois,
Et ceux qu'on appriuoifie à fiupporter nos lois',
Et des oifeaux pendants les troupes efimail-
lees,
Et du pere Océan les bandes efiaillees
T'honorent à l'enny, & files vents partout
Reffondent enfoufiantdel'vnà l'autre bout
Du Monde tes honneurs, dés la terre gelée
Des Scythes englacez,iufques à la hallée
Des Mores bafianez, &d'où noflre Soleil
Réueille fa paupière , ($f la donne au fom¬
meil:
Moy à qui ta louange efichauffe lapenfiee,
Des fiureurs d'Apollon brufiquement cflan~
cée,
PPpp ij
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jooo , L E L
Qui voy tesaflians & qui enfuis rauy,
Moy qui fuis animé, qui reflfire&qui vy,
Moy qui en lieu d'vn clur dans l'efiomac ne
porte
D'vn imployoblefer vne matière morte:
Envoyant tesgrandeurs quefieroy-iefinon
Renommer ta louange, & célébrer ton nom
Auec tout l'Vniuers, qui hautement confleffe
Combien peut la valeur , la force & /

D E S H Y M N E S. __ tôoî
Rubis,perles,faphirs ey diamans encore S'ilfaut de nos cite? éhaftier la Police,
Affimbkz pefle-mefle, ey de tellefiaifon . S'ilfaut ferrer lefrein aux hommes de Iuftice]
Enrichit fis parens ey toutefia maifon : S'ilfaut toute la France aux Sflots affembler,
Ainfi ma CaUiope à la fin retournée S'ilfiant tons les François d'vn clinfaire trem-
De ton Talais Royal renient enuironnee bler,
Décent mille ïoyaux quelle efiandàlafois Tu dis tout, tu fois tout: ey noftre Roy»(
Comme de grands trefirs deuant les.yeux treuue
François. Rien bonfi ton aduisgrauement ne l'appreuue.
Quelvers ira premier annoncer ta lo'ùon- Vn affaire acheué,vn autre te finruient
j ge Qui fertile renaifl :&fur-ceil mefouuient
Héraut de tes vertus parmy le peuple eflran- De l'Hydre (foit la fable ou menfongere ou
gef vraye)
Quel fera le dernier f comme Hercule le Qui, plus repulluloitfertile de fia playe,
grand Pins on couppoitflon éhefl,^f pins ilreuenoit,
Souflint de flesgrands bras tout ce Monde qui
pend,
Et toufiours afin dam pins teflu deuenoit :
Ainfiplus tu finis &plus il tefautfaire,
Le Veneur Orion ardant en fin efpée, ,
Et l'Ourfie qui iamais en la mer n'eft trempée,
Tant la France efivn Hydre abondant en af-
faire.
St le Bounier tardif quifion char va roulant
A fept rayons defeu^ leferpent coulant
A replis eftoilez , que la main enfantine
D'Apollon mit au Ciel, (èf en fit vn beau
figne,
Que diray plus de toy ? tu as eflé tranflmis
Vers les Impériauxpour nous les rendre amis :
Où tu fispar deuxfois la grandeur' apparoi-
ftre
Et du Sceptre de France, & du Ro Y noftre
Quand il tenditfin arc & Python il tua maiflre,
Dupremier coup de traiéîquapprentifi il rua: Etfi bien à propos par articles déduit
Et legrand Eridan de Phaëthon la tombe, Combien vne paix vaut , combien laguerre
St la mere qui crie ey de trifiefife tombe, nuit,
La tefie à fies genoux , ne faifiant que pleurer Qriilsfurent tons effris de honte ($f de mer-
Sa fille, qu'vn grand Monftre efl prefi à de- ueille
uorer.
En la mefime façon tu fiouftiens dés en-
Des perfiuafions de ta voix nompareille,
Rouis de tes dificours, eyde t'auoir cogneu
fiance, Au milieu de tes diflsfi ieune eyfi chenu. '
Non des bras, mais di!efirit les affaires de Vlyffifut tranfm'is aux Princes delà Grèce
France, Tour leurdire combien la Troyenne ieuneffe
Fardeau gros & pefiant , où l'on void que tu Les auoit offienfiz > luy-mefinefut après
as Auecques Chryfe'ts enuoyé par les Grecs
L'efpritplusfort &prompt , qu Hercule n'eut A fion pere Chryfiés, afin que fla prière
les bras : Appoifaft d'Apollon la flagette meurtrière,
S'ilfautfaire vn confeil , s'ilfaut qu'onfor- Qui par neuf iours entiers la pefie auoit tiré
tijie (antre l'oft des Grégeois grieuement martiré:
Quelque braue cité qui l'ennemy desfie, Tource qu'iAgamemnon riauoit pas voulu
^ilfiaut ou deftourner, ou tenter le danger, rendre
S'il faut auec prefins gagner vn eflranger, Sa fille ey la rançon en lieu d'icelle prendre :
S'ilfiautgarder la paix,s'ilfaut que l'onguer- (Ainfi l'on void fouuent lepeuple deffurfoy
roye, Souftenir innocent les foutes defin Roy. )
S'ilfaut leuer vn camp , s'ilfaut qu'on lefin- Comme luy ny le fioid des Alpes haut-cor-
doye,
S'ilfaut trouuer argentfil fautfaire vne loy,
nues
Quifiuftiennent le fiel de leurs croupes £be~
S'il faut remédier aux abus de la Foy, nues,
J - - PPpp HJ
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oc- L E L
Nourrices de maintfleuue eyde maint gros
torrent
^A gros bouillons enflez deflcendant ($f cou¬
rant,
Qui portent en tout temps fur leurs dosfio-
litaires
Les neiges, lesfrimas , les vents héréditaires:
Ny les dangers marins ne t'ont point en-
gardê
Qu'à Rome tu nefoisflur le Tybre abordé,
Mercure des François,defacondefi rare,
Pour faire entendre au Tape , a Venifie, à
Fenare
Le tort qu'onfiait au Roy,($f pour les animer
Engardantfinparty de iufiementfiarmer.
BonsDieux ! de quelle ardeur rauis-tules
courages
De ces Vénitiens, Pères quifintfi figes t
Quand leur Sénatpendant en tespropos miel¬
leux,
Tenoit en toy fichez& lA bouche ey lesyeux,
Sans fie mouuoir non plus quvn roc à la ve¬
nue
Ou des vents ou desflots du bord ne fi remue,
Admirons en leur cfur de grande affeétion
Et ta graue parole ey ta fiuaflon f
Car ta fiuaflon ey ta graue éloquence
S'égalent tout ainfi qu'vne droite balance,
Quand le poids ça ey là ne monte ne deficend,
Mais pair à pair fiarrefle ey iuflemnt fie
pend.
Qui apoint veu courir à bruyantes ondées
Vn torrent franchiffantfis riues defbordées,
Ou fur les monts d'Auuergne, ou fiur le plus
haut mont
Des cloifires Pyrenez, quand la neigefiefond,
Et que pargros, monceaux le Soleil la tonfom
me î
Il taveu renuerfir deuant le Pape à Rome
Les bouillons d'éloquence: ainfi qu'ait temps
iadis
Demofihene pouflfoit fies tonnerres hardis
%^4u milieu d'vnparquet,quandfla voix nompareille
Tirait des auditeurs les âmes par faureille :
Ainfldans le Sénat de Cardinaux tout plein
Tu flechiffois le cnur du grand Pafleur Ro¬
main,
Soit en luyfiuadant de ne tromper la guerre
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LIVRE
Que ton Frère amenoit pour l'honneur de
Sainél Pierre,
Et pourfiauuer fies Clefs qui pendaient , en
danger
(Sacrilège butin!) dufoldat eftranger:
Soit en luy remonftrant comme l'Aigle d'Auflriche,
Qui des plumes des Roys finement fie fiait ri¬
che,
Defbouillant ta Maifion fe repaifi du tombeau
De la morte Sereine, affs au bord de l'eau
Que lesChalcidiens fioruffs habitèrent,
Quand des Dieux irritez l'Oracle ils euite-
rent:
Lors tu fiensfi adroit emmieillerta vois,
Que le Pape éloquent en langage Grégeois,
En langage Romain,admirant ta ieuneffe,
St tes mots enrichis d'vne graue fageffe,
Oyant ton oraifon,tout rauy s'efionna
De toy , qui le premier fiur le Tybre fionna
Lagrandeur des François, dont U langue po¬
lie
N auoit encor gaigné que par toy l'Jtalie.
Quand il teplaifi en longfiler vne eraifion]
Et auec vngrand tour déduire ta raifion,
Errant deçà delà par lesfleurs d'Oratoire,
Et fans cacher ton art ta confiefaire croire :
Tu fiembles au cheual d'Effagne,quelamain
D'vn adroit efiuyer maiftrifieflous lefrain^
Ores à bride laflche,ores auec l'efiroite
Le pouffe de l'effron dans la carrière droite,
Et ores a courbette, ores auec le bond,
Et ares de pied coy le pirouette en rond
Brufquementçà& là fans tenir mefme effa¬
ce,
Mais voltant au plaifir de celuy qui le chaffe.
Ou fil teplaifi darder vn parier orageux
Plein defoudre ey degréfiefy d'vn c)ur cou¬
rageux
Acconrcir tes propos d'vnefuite enlaffee,
Et enferrer tes mots d'vne chôme preffee,
Parla langue voulant tes penfers égaler,
L^Atrean Menelas te quittefion parler.
Ou bien quand il te plaifi 4'ajfiz longue
eflendue
Peindre ton oraifin d'vnefleur effandue,
Qui fansfle replier, comme vn ruiffeau cou¬
lant
Marcheparfin canal d'vn pied non violant,

DES HYMNES. îooî
Sans haujfirny enfler fia courfi ny fion onde, Qui tout ainfi qu'il veut ta gouuerne & L
Du bonpere Nefior tu poffles la faconde.

ioo4
De la nue empefichante, ey des feux eficla-
tans
Dffcouureoux mariniers les fignes du beau
temps :
Ainfitu reluifois d'habits & de vifage,
Portant deffur le fiont de Mercure l'image,
Quandfion éhapeau plumeux, eyfis talons
ailelf,
Et fion baflon ferré de ferpens accolle?^
Le fouflicnncnt par l'air, ey d'vne longue
fuite,
Léger,fie va planter deffus vn exercite
On deffus vne ville, ey d'vne hante voix
Annonce fin meffage aux peuples ey aux
Roys.
Le cxur desRoysfiemit, eyla tourbe affem¬
blee
Oyant lavoixduDieufiemit tonte troublée,
Fermefins remuer ny lesyeux ny lespas :
%^4'infitn efiranlois tout le ciur des Efiats
Qui rouis ne changeaient de geftes ny de pla¬
ces,
Oyant tes mots finis de la bouéhe des Grâ¬
ces.
Si i'auois de puijfance autant que i'oyd'oj
fier,
De ces deux oraifions ïofierois compofir
\Vn liure tout entier : mais mon dos nèfle éhar-
ge
D'vnfaixfi accablant,fipefont (Sffi large :
Quand ie le voudrois faire , encor ie nepourrois,
Ny tes mots imiter non pins qu'on voit où bois
Quelque petit Pinçon ( bien qu'il ait bon cou-
raze )
Dugentil Rojfignol imiter le rdmage.
L'éloquence fans plus agréable ne t'efl :
Mais en ton cabinet quelquefois il te plaift
De Henry noftre Trince efcrire les hi¬
fioires,
Ses combats alternez depertes & viétoires,
Efqnelles tu as part : car en robbe (if armé
Tu l'as toufioursfiuiui comme fon cher- aimé.
Quand tu es à repos des affairespubliques,
Tu te tournes ioyeux aux nombres Poétiques
Grecs, Latins ey François, ey lors tout le
conpean
Du Nymphal Helicon, Phebus eyle trou-.
peau
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LIVRE
Q ue CaUiope meine à ton chant fe prtfente,
Et t aimant à l'enuy fis beaux dons te pre-
fiente.
U feroit bien ingrat& riaurait pas efié
De Iupiter concen , de Mémoire allaité,
S'il ne te confeffoit fon Seigneur (yflon mail
Jlre,
Qui l'osfait deflogcrde fon manoir champe-
ftre - 1-
Barbare & mal bafti, quvn panure ruiffelet,
Quvn lierre, vne moufifi, vn laurier verdelet
Entournoit feulement, qui riauoit en partage
Qu'vn Luth mal-façonné , (if quvn antre
fiauuage,
Et maintenant fie voidpar toy feul honoré,
Luy donnant ton Meudon oùil eft adoré,
Ton Meudon maintenant le fiepur de la Mu-
fi,
Meudon qui prendfion nom de l'antique Me-
dufie.
Quelquefois il te plaifi pour l'effrit des-
fiacher,
Du Luth au ven.tre creux les languettes tou¬
cher,
Tour leurfaireparler lesgeftes de tes Teres,
Et les nouueaux combas acheue?par tes Frè
res:
Comme Achille faifoit pourfialleger vn peu]
'Bien qu'en l'oft des Grégeois Heftor ruaft le
fien,
Et que l'horrible effroy de la trompe entonnée
Criaft contre le bruit de la Lyrefionnee.
MonDieu ! que de douceur, que d'aifie ey
de plaifir
L'ame reçoit alors quellefie fientfiaifir
St dugefle ty dufion, ey de la voix enfiemble
Que ton Ferabofcofur trois Lyres affemble,
Quand les trois Apollons chantant diuine-
ment,
Et mariant la Lyre à la voix doucement,
Tout d'vn coup de la voix ey de la main agile
Refont mourir Didonpar les vers de Virgile, ^
Mouronsprefqnes eux-mefime; on defiedons
plus hauts
De Guine (if de (falais retonnent les affauts,
Viétoires de ton Frère: adonques il n'efi ame
Qui ne laiffé le corps& tonte ne fiepâme
De leur douce chanfion , comme là haut aux
Çieux

DES H
Sons le éhant d?Apollon fi pajment tous les
Dieux
Quand il touche la Lyre,ey chante le trophée
Qu'efieua Jupiter des armes de Typhee.
Que dirayplus dc toy ? quand tefatalDe¬
fiin
Renuerfia tonte France aux murs de Sainél
Quentin,
£q««M0NTMORENCYtl« François
Connefiable, *
Ayant rendu de foy mainte prenne honora¬
ble,
Vaillant ,fige & hardy, en fon âge dernier
Fut les armes oupoing emmenéprifionnier,
Alors qu'vn beau fepulchre acquis par la vi¬
ctoire
Le deuoit honorer d'vne immortellegloire,
Vn Gneficlin des François , rieuft efté que le
fort
Ennia flon triomphe, eyfion heureufe mort f
Mois ny flon bon aduu,flan fiens nyflaproueffe
Ne peurent refifter à l'auengle Deeffe s
Pour monftrer vn exemple à tout homme ve-
. ftu x
De chair,quele Deftin peutplus que lavertu.
Alors en attendant le retour de ton Frère
Que la France appelloit en aide àfla mifiere,
Que le Tybre Romain amnfoità fisbors,
Tu fisfortifier nos villes ey nos ports
D'vn efprit preuoyant : tu mis Taris en a$à
mes :
Tu fis de toutes parts amaffer des genfdar-
mes,
Qui vendentfile àfileauffi efpais qu'en mer
On voidflot deffusflot les tempeftesformer,
Et pouffant ey grondant ey s'enflant d'vn
orage
D'vn longordre fiefuture, eyhurter le riua-
D'vn tel ordre nos gens de cuiraffes chargez,
Par ton commandementfi fiuiuoient arren-
Encor que noftre France erraft toute trou-
1 blee
Demifereà mifireà l'autre redoublée,
Et que noftre malheur tant pins on le penfioit
x^icheué,plusfertile après recommençait.
Comme on voit bien fouuent lesfources des
fontaines,
Y M N Ë S: IÔO?
Quand leplomb eftgafié, multiplier leurs vei
nes:
Plus cefie- cy ion bouche, & tant plus cefie-là
Se creue de io terre fy iallit çà & là.
Puis vne autre^f vne autre : ainfi en abon¬
dance
Le malheur plus fiertil toufiours naiffoit en
France :
Mais armé devenu ta t'oppofiosfi bien
An malheur, que le mal ne nous offenfin rien,
Et rendisfi à poinél nos armes ordonnées,
Que ton Frère venu, en. moins de trois 'tour¬
nées
. Nos eflendarsperdus nousfurent redonnez,
La couleur deuint belle aux François eftonnez,
Et noftre grand' (fitéque la peur tenoit prifi,
Reprint c an feul nom.de ton Frère de
G vi se,
De qui les noblesfaits d'vn plus horriblefin
le te veuxfaire entendre en vne autre chan-
fion,
Si cefie-cy teplaifl,&fitu mefaisfigpe
Quaffe? à gré te vient le bas fin de mon
Hymne,
Le receuant de moy ainfique D i E v reçoit
Vne petite offrande , alors qu'il apperçoit
Le csur dufiuppliont efire bon & fidelle.
Qui ne peut mettre au chefd'vn Sainél vne
chandelle,
Au moins la mette auxpieds,(§f qui aux pieds
fiacre?
Ne lapeut mettre, au moins qu'il la mette aux
degré?,
Ou fiur quelque pillier: en ce poinél vne ofi^
fronde,
'Bien quellefoit petite en vaut bien vnegran-^
de.
«Car la deuotionfiait valoir le prefent,
"Et commefil fuft d'or lefait riche ey pe-
fant.
Dirons-nous quand Fortune ennemie a nos
armes
CMit en route le camp du Marefihal de
Termes,
Qu'elle auoit enfin fiein fi chèrement nourry
Faifknt loyalferuice à fon Prince H E N R Y,
Depuis fi débitant contre l'honneur qu'à
force
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-, 1-

Jo©6 LE 1.
Il conquit en Efioffe, en Itale,ey en (forfie,
Luy tourna le viflage ey d'vn nouueau mefi
' N'eut
{hefi
En luy perdantfisgens luy foudroya le chefif
Lors tu manfiras combien la prudencepar¬
faite
Doit confieiller vn Prince après vne desfiaite :
Soudain tu repeuplas d'armes & deploflrons
Et de nouueaux fiotdars nos rompus eficadrons
:
Tutranfimis du renfortaux placespins débiles,
De nouueaux Gouuerneurs tu affleurai nos
villes,
Si bien que l'ennemy qui noftre camp desfit,
que la vaine gloire , ey non pas le pro¬
fit.
Voilà que tu nousfiers quand la Fortune ad-
uerfi
Nous donne en fi ioiiant quelque dure tra-
uerfie,
Si qu'en toutesfiifinspourl'honeur des Fran¬
çois
Tu batailles en robbe,rit,vne ame belle &pure,
jeme, richeffçauant, des plus grands honoré,
Et Prefque commevn Dieu despeuples adoréf
Tuasvn doux accueilqui les hommes attire
D'^n petit clin de tefie, $ d'vn petitfou-
rire :
Tu portes au maintien l'habillement pareil*
Nytrop haut d'ornement , ny trop bas d'ap¬
pareil,
Non comme Mecenas trop lafiche ou magni¬
fique,
Ou comme auoit Caton trop groffier& rufli-
q ue :
Mais en t'accommodant a ton authorité,
Tu te pores toufioursfilon ta dignité.
Tu es doux ey courtois , non rempli d'arro¬
gance,
Et Prince très-facile à donner audience,
Débonnaire ey clément, ey ce poinél gra¬
cieux
Seul entre tes bonteztefiait égalaux Dieux :
» Car bien que'de tous poincls aux Dieux
ïhomme>fioit moindre,
» La vertu depitiéau (fiel nousfiait atteindre]
Tu es des offenfié?^ Ie terme & lefouftien,
Tu n'ourdis nulle fraude au riche pourfion
bien,
Ton threfor nefiaccroifide la toifon publique]
Tar confifications ny par moyen inique :
ffg marchand n'efi par toy banny defia mai-
Ny par toy l'innocentpuny contre raifion :
Tuas l'efiomac pur de lachetiue enuie
Qui prenant vie en nous confomme noflre vie,
Commevn ver qui cachédans le boisfi nour¬
rit,
St tantpins s'y nourrit, &plusil lepourrit:
Ou comme on void le fier par fa rouilleure
mefme
A la finfie manger : ainfi l'Enuie blefine
La nourriffant nous mange , ey nouspince le
cur,
Nous deffeichant les os d'vne lente rancur.
Jl nefautpas,\? RELAT,mc le renom ce¬
lefte
D'vn Princefioit taché de fi vilainepefie,
Mais ouuert à chacun,familier ey bénin,
Etne canner au cur vn fimefihant venin.
Lequelde nos François a pris la hardieffi

DES H
Defiadrejferà toy,que taprompte allegrejfie
Doucement riait receu,& ne luy ait monfire
Quil auoit vn Seigneur tres-humain rencon¬
tré?
Si tu voisfeulement qu'il portefiur laface
Quelque traiéî de vertu, tu luy monftres ta
grâce
St l'auoncespar tout,ey ce qui efl meilleur
\ne ton auancement, tu l'aimes de bon crur.
Où efi l'efpritgentil qui dignement s'appli¬
que
Ou à la Poëfie ,ouàla Rhétorique,
A laThilofiophie , à qui tu rias aidé,
Std'vn parler candide au Roy recomman¬
de ?
Certes i'enfuis tefmoin , qui ma baffe fortune,
M'infinuant che? toy, fis blanche en lieu de
brune.
Or cefi trop commencé: corfi monflyîe bas
Prefiumoit d'acheuerjl n'yfournirait pas :
Jlfiout que /'H o s P i T a L, que noflre fiecle
prifi
Vn petitmoins qu Homère, ofie telle entrepri-
fi'
Et non moy qui ne puis, ny ne fuis ajfizfort
Pourfiouftenir au dos vnfipeflant effort.
Puis ton Frère m'appelle aufon de la trom¬
pette,
Afin d'aller au camp pour efirefion Poëte .
Jeté voy,ce mefiemble , au milieu desfiudars
Commander d'vne picque, ou deffur les rem-
pars
De nuiét affeoir la garde, ey tout enflé de
guerre
Vn flamme entre-éueillé prendre deffur la
terre:
Je le voy,ce mefiemble, à cheualau milieu
Des eficadrons armeZy toutpareilà ce Dieu
Qui rempli defureur, de vaillance $f d'au¬
dace,
Pour fieruir à fin pere amène vn camp de
Thrace:
Les riues de Strymon Jes rochers,& les vaux
De Rhodope pouffe?fle l'ongle des cheuaux
Fremiffentà l'entour,& les armes ferrées
Dans Hebre de bien loin fiefidatent remi¬
rées,
lefleray de Poëte vn valeureux guerrier
Au milieu des fialdots couronné de laurier_,
Y M N E s: îoo?
Qui deuxfois me ceindra d'vnefiueitleuficrè-
Pour auoir de ton Frère honoréla conquefle,
Et chantétes honneur^ : ey cefiaifont ie veux?
En vn mefmepapier vous accoupler tous deux:.
KAinfl la vieille Mufle affembloit en mefime
Hymne
De Caftor ey Pollux la louange diuine.
Dieux de qui les longs ans ne fiont iamais
péris,
Gardiens de la France & des murs de Paris,
De Seine Bourguignonne , ey des citez anti¬
ques
De Gaule, lefijour des Troyennes reliques,
Efiarte? loin du chefde ces Frères ici,
Quifiont nos deux rempars , le mal & lefbuci :
Tene?-les enfanté, continuez «/«Prince
Enuers eux l'amitié, eypour noflre Prouince
Faites tant,s il vous plaifi, qu'ilsy demeurent
vieux ,
Et que bien tard au Ciel tons deuxfiefiacent
Dieux.
HYMNE VI.
De la Ivstice.7
A CHARLES CARDINAL
D E LORR A I N E.
N pins fçauant que moy ou plus
ami des Cieux
Chantera les combas de tes nobles
oyeux,
Dira cfeGoDEFROY l'auatureufi armée,
Et la palme conquifie en la terre Idnmée,
Et le cours du Iourdain qui fut fi plein de
morts
Que le fang infidèle outre- conloit fis bords :
Chantera de Damas la muraille forcée,
Chantera Cefiarée , Antioche ey Nicée,
Galilée, Iturée, $f comme Godefroy
De Tyr,ey de Sidonpar armesfi fit Royt
De Rhodes, & de Cypre, fy de Hierofioly-
me,
Et dispeuplesfujets au Sceptre de Solyme.
Apres en ramenant tes oyeux d'outre-mer
Lesfiera pour lagloire aux batailles armer^
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ioo8 E E L
Très la grande Hefferie , & vaincre cefte
terre
Où lefardeau d'vn mont vn grand Géant en¬
ferre,
Lequel luyfut iadisparlesDieuxenuoye
Quand il tomba du delà demy foudroyé.
Puis leur fera planter l'Efiuflon ^Lor¬
raine
Sur le fameux tombeau de l'antique Seraine.
Apres il Ehantera les magnanimesfaits
Que ton grand Frère, ainçois quêtes Frères
ontfaits,
Donnant de leurs vertus à tout le Monde
exemple:
Si bien que le Soleil qui toUtvoid&cotemple
Lorsqu'il tire ou qu'il plonge en l'Océanfis
yeux,
Ne void point icy bas Princes pins vaiUans
qu eux.
Soitpour donner confieilffoit pour donner ba¬
taille,
Soit pour prendre ou garder lesforts d'vne
muraille.
Mais moyfoible d'effrit , qui ne puis en¬
tonner
Si hautement l'airain pour leur gloirefionner,
Il me fnffit , Prélat,^ Shantant ie puis
dire
L'vne de tes vertus deffus ma baffe Lyre,
Vnefeule & nonplus; car quand t'entrepren¬
drais
De toutes les chanter, impuiffant iefiaudrois,
Comme chofe trop haute,& m'eufifiait la Na¬
ture
Plus que bronze ou métal la langue & la voix
dure.
DlEv/f naiflre I V st i c E en l'Age
d'or ça bas
Quand le peuple innocent encor ne viuoitpos
Comme il fiaiten péché , ey quand le vice en¬
core
N auoit pafié les bords de la boëteà Pandore:
Quand ces mots Tien ey Mien,en vfage n'e-
fioient,
Et quand les laboureurs du foc ne tourmen¬
taient,
Vlcerant par filions, les entrailles enclofes
Des champs quiproduifoient de leurgrétoutes
éhofies;
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LIVRE
Et quand les mariniers ne palliffoient encor
Sur le dos de Tethyspour amafjer de l'or.
Cefie Iuftice adonc, bien quelle fuft Deeffe,
S'apparoijfoit au peuple au milieu de la preffe,
Et en les careffant les affembloit le iour
t^u milieu d'vne rue ou dans vn carre¬
four,
Lesprefichant eypriant d'euiter la malice,
St de garder entreux vnefiainéîe police,
Fuir proce?, débats,querelle, inimitié,
Et d'aimer charité,poix, concorde & pitié.
La Loy n'eftoit encor en airain engrauée,
Et le luge riauoitfi chaire encor leuée
Haute dans vn Palais, ey debout au Par¬
quet
Encores nevendoit l'Aduocat fion caquet
Pour damner l'innocent eyfiauuer le coulpa-
ble.
Cefiefiente Deeffe au peuple vénérable
Lesfaifoit gens de bien, &fans aucunepeur
Des Loix, leur engrauoit l'équité dans le cur,
» Quilsgardaient de leurgré: mois toute cho¬
fe pafifie,
» Et rienferme ne dure en cefie terre baffe.
Si tofi que la malice au Monde eut conP
mencé
Son trac,ey queja l'orfi monfiroit effacé,
Polliffant en argentfla teinture première,
PlusJufliceriefloit aux hommesfamilière
Comme ellefiouloit eflre, ey ne vouloit han¬
ter
Le peuple qui déjà tendoit à fie gafier,
Etplus vifiblement le iour parmy la rue
Les hommes ne prefihoit ; mais vefiant vne
nue,
Hurlante en piteux cris fin vifage voila,
Et bien loingdes (fitez es forefts fien-vota:
(far elle defidaignoit d'efire icy bas fiuiuie
Des hommesforlignons de leurpremière vie.
lAuffi tofi que la nuiél les ombres ame-
noit,
Elle quittoit les bois, eypleurante venoit
(frierfiurlefiommetdes villes les plus hautes,
Pour effroyer le peuple ey reprendre fisfau¬
tes,
Toufiours le menaçant qu'ilne la voirrvitplus,
Et quelle s'en iroit à fon pere là fis.
» L'il de D i E V ,ce difiott > toutes chofes re>-
garde,
» Il

D E S H Y M N E S: r0o5>
»Jl voiàtout,ilfiait tout,&fiur toutilprend Mefichantpeuple anorton, difait-elle, efi
g*fe> ainfi
», Ilfiera courroucé dequoy vous me thajfiz, Quà moy fille de Dieu tu rens vn grand-
» Pource repente?-vous de vos péché? pafi merci
ftZ> De t auoirfi long temps couué deffous mes
ailes,
nû* Te nourriffant du laiél de mes propres mam-
» Jl vous fiera pardon, il efi Dieu debon- <
» Et comme les humains ne tient pas fia co- mettes t
I£re '
» Sinon depis en pis anf aifie paruiendre?^
le m'en-vok de terre,adieu, mefichant, adieu,
Adieu peuple maudit, ie t'affeuré queDizv
» De tout 'Vice exécrable, ey puis vous ap- Vengera mon départ d'vne horrible temprendre?^
pefie,
» Apres le éhafiimentde vos âmes mefiéhan- Que ja déjà fion bras eflance fiur ta tefie.
tes
v Combien les mains deDiEV fiont dures &
Las ! où tufiulois viure en repos
reux,
plantu-
trenchantes. Tu viuras déformais en trauail malheureux:
lAinfi toute la nuiét la Iuftice criait Jl faudra que les btufs aux éhamps tu ai-
Sur le haut des citez i qui le peuple effroyoit, guiUonnes,
Et leurfaifoit trembler le cIur entapoitrine,
Craignant de leurs péchez ^ vengeance di-
Et que du foc aigu la terre tufillonnes,
Et quefoir ey matin le labeur de ta main
uine.
Mats cepeuple mouruts $f après luy nafiquit
Nourriffe par fiueur ta mifierable fiaim:
Pour la punition de tesfautes matines
Vn autre de fon fiang qui plus mefichant vefi Les éhamps ne produiront que ronces & qu'efi
quit: pïnes :
Lors le fiecle defer régna par tout le Monde, Le Printemps qui fiouloit te rire tous les iours]
Et l'Orque deffiteux de lafoffe profonde Se changeant en Hyuer perdra fon premier
Ici haut enuoya les Furies ,à fin
De preffurer au cur des hommes leurvenin.
cours,
Etfera départi en vapeurs chaleureufis]
iAdonc fraude ey procez enuahirent la Qjùhalleront ton corps défiâmes douloureu-
terre, fies,
Poifion, ranc débat, ey l'homicide guerre, En frimas ey enpluye ey englace qui doit
Quifiaifont craqueter le fer entre fies mains Faire tranfir bien toft ton pauure corps de
Marchait pefiantementfiur le chefi des hu- froid.
mains , Ton éhefideuiendra blanc en la fleur de
Et trenchoit fions l'acier de fia hache meur- ieuneffe,
trière Et iamais n'attendras les bornes de vieil-
Des vieux fiecles pajfiz la concorde premie- leffe,
re. Comme ne méritant par tonfiaiél vicieux
Ce que voyant Iuftice ardante defureur De jouir longuement delà clairté des Cieux.
Contre le mefichant peuple empoifionné d'er- Si peu que tu viuras tu viuras en molefie,
reur, Et toufiours vne fiéure , vn catharre, vne
Qui,pourfiuiure difeord, rompoit les loix tran- pefie
quilles,
Vint encore de nuiél fi planterfiur les villes:
Te fiuiuront fions parler , venons tons à la
fois
Où plus, comme deuant , le peuple ne pria, Dieu lesfiaifiant muets defiobera leur vois,
Maisd'vne horriblevoix hurlantefefiria Afinque fions motdireils te happent à l'heure
Si effroyablement que les murs & les places Que tu eftimeras ta vie eftre plus fieure.
Et les maifins tremblotent au bruit défies me- Qui pis eft, indigence ey la famine auffi,
noces. Hofies de ton hoflel,te donnerontfouci.
QAîî
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ce

ioio LE L LIVRE
Tout fera corrompu, Ifs efioufts muables Vere , t'efiahis- tu deqdoy ie finis trem-
N enfanteront des fils à leurs efioux femblo- blonte,
yfes . Dequoy i'ay de frayeur la poitrine haletante,
Tout fiera depraué, bourgs , villes, & maifions Quand lo bas à grand'peine ay-iepeugaran-
Faurnayantes du traqdes premières fiaifins. tir
D i e v tefera mourir au milieu des bo- De mort mapanure vie,auant que departir f
taiUes fie peuple malheureux auquel i'efiois allée
Accablél'vn fur l'outre, tyfera les murailles Tar ton commandement, n'a fansplus violée
De tesgrandes citez deffous terre abyflner, Lo reuerence deuë à ta grand' Majeflé: ^
Et la foudre perdra tes nanires en mer. Mois il a, quipins efl, dans fon clurprojette
Si lepeuple m euft creu,d euftfans nullepeine De t'arraéher lafondre, ey d'vne triple efi-
Heureufiement franéhi cefie carrière humai- chelle
\ ne, De montagnes, rouir ta demeure éternelle.
Etfinfl mort tout ainfi que ceux à qui lesyeux Celuy qui maintenant vit le pins entaché
S'endorment dans le liét d'vn fommeil gro- De meurdre,demalice,eybrefide tout péché,
deux : Eft le pins vertueux > ils pillent , ils blafihe-
Mais il viura toufiours en douleuraffer-. ment,
uie, Et rien qu'affaffinats&quemeurdresilsriai-
Fraudé des paffetemps $f des biens de la vie: ment:
Vuts à la fin la mort en tourment & en dueil Ils defidoignent tes loix, ey riant pins en
Dans vn liél angoiffeux luy viendra fermer fouci
1 l'mil. Nytoy,ny tonfoinél Nom, ny tes Temples
Quipins efi, cegrand D i Ev qui defin fuure a auffi,
cure, Et tant en leur audace & malicefie fient,
fEnuoirofies Démons couuerts de nue obficure Qitfen fie mocqnant de toy ta .puiffiance defi^
Tar le Monde effier les vicieux , afin
De les faire mourir d'vne mauuaifi fin:
fient.
Pource,fi quelquefoin de ton honneur te tient]
Et lors vn "vain regret rongera ta poitrine Et fi iufques au c ma prière te vient,
Et ton c deféhiré d'vne mordante effine, Etfi d'vnefureur iufiement tu t'irrites,
Dequoy tu m'as chafiée en lieu de me chérir, Ren-leur le chofiimentfilon les démérites,
Qui te fioulois, ingrat,fi chèrement nourrir. Et n'endure, Seigneur, que l'on vienne ou-
Ainfi pleurait lufiice, ey d'vne robe blan- trager
ëhe D'vn crm prefomptueux ton Nom flans le
Se voilant tout le chef iufqu an bas de la hon vemer.
che , y^4-tant fe tent Iuftice , ey pourfaire co-
Auec fies antres fiurs, quittant ce val mon- gnoiflre
dain Quefin Pere ïaimoit,flalla fleoir à la dextre
Au Qel fien retourna d'vn volprompt ërfiou- De fion Throne diuin , d'où la terre ey les
dain. Cieux
(fomme en void quelquefois fingler à tire etai- Abaiffezàfis pieds regarde de fesyeux.
les
En vn temps orageux cinq oufix Colombelles,
Iupiter irrité des larmes de fi fille,
Des Dieux incontinent affembla le concile,
Qui de peur de la grefie au logis s'en renom,
p vifle parmy l'air volent tontes d'vn fiont.
Lefquels abëiffans a fion commandement,
Tar troupes arrangez viennent foudaine-
Si tofi que dons le Ciel Iufticefint venue, ment.
Long temps deuant le throne à genoux fiefi Ceux du Ciel le haut rang des Chaires ont te>-
unue nues,
Du Pere toutpuiffant , puis d'vn cur defiité Les marins h milieu, & les tourbes menues
Çansreffeél de perfonne a fin faiét récité. Des petits demi-Dieux confirment fie fiant
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DES H
Que opmmettoient là bas les hommes vicieux,
Lefquels fi' obfiinc? en leur malicefurent,
Qu'en leurfaute endurcis changer ne fi vou¬
lurent,
Ny me crierpardon, bien quepar maintsfer¬
mons
Aduertisie les enffe enfonge eyparDémons.
Pource ie les noy-ay ey ddafihay les bri¬
des
De mes pluyes du Ciel , ey des mers homi-
l cides
Par fept iours fiur la terre , eyne s'enfiuua
quvn
Que tout ne fiuft roui du naufrage commun.
Je penfiois r animer de laTerre la fiace
D'vne plus innocente (§fplus diuine race,
Quifiabfliendroit du mal, de peur deriencou¬
rir
Lepareil chafliment duquel iefis mourir
Ses oyeux obfiine? qui m'ofirent defflaire :
Mais il en efl allé,ô Dieux,tout an contrai¬
re: .
tCar ce peuple nouueau commet pins deforfait
En vn iour qu'en cent ans le premier n'auoit
fait,
'Tource ie veux parfeu luy eonfiommerlavie
Des grands iufqu auxpetits, & que nulne me
prie
Ainfi que l'autrefois de luy fairepardon:
^lene lefieraypas, car vn fient ne vit bon.
le ru'ray par trois iours ma cholere attifée,
Pleuuantfiâmes du Cielfiur lo terre embra-
fiêe,
Et fieray fans pitiétons les corps enfiamer
Qui marchent fiur la terre ey nagent dans la
mer,
Pourîeurmefihanceté,& la terre bruflée
Nefera (ie le veux) iamais renonudée
D'vn autre genre humain: car qui le refe¬
rait,
D'H]ge en âgefuiuant toufiourspireferoit.
Eft-ilpas bien ingrat f ilfiait que toutes
chofes
Quifiont dedans le rond de mon grand Ciel
endofis, $
Sont faites pour luy fini, ey qu'à luy i'ay
. permis
Que tous les animaux fins fis piedsfiroient
1 mis,
YMNES.1 . {oit.
(feux des champs , (ffftous ceux qui enta mer
reffirent,
Et ceux qui parmi l'airfégayent ey fie vi¬
rent.
Le mal-heureuxfiçait bien que ma main ta
fiait tel
Que rien ne luy défiant que le poinél d'immor- ,
tel,
Car il efi, quant au refie, auffi noble qu'vn
Tant ie I'ay couronnédegloire & de louange.
J'ay fiait pour luy du Ciel le grand tour
nompareil,
Les efioiles, le iour, la Lune, ^f le Soleil
Pour luy donner clairté : car ie rien ay que
faire,
Sans le ficours du iour ma face efiaffiz clai¬
re: r
Les rayons du Soleil & des afires des Qieux
Viennent de ma lumière ey non la mienne
dieux.
Pour luy ie rends definits la terre toute
pleine :
Ce n'efi pour me fiaouler que fin finit eliç
ameine,
j Ny la mer fes poiffons , ie ne mange ne boy]
Viuant ie me fiufiiens par la vertu de moy :
J'ay tout créépourluy, lequel en recompenfe
De mes biens efiingraf, &forcenéne penfle
Que ie note fesfaits : mais en lieu d'inuoquer
Mon Nom, hoche la tefte f ey s'en ofie mo¬
quer :
Pource ie le veux perdre, ey luyfaire cognoi¬
ftre
Quefion vice mefiafihe,& que iefuisfin Mai¬
flre.
Ainfldit te grand D i E V , quifi fier afi
: fiembla
Sesfburc'tSMue le (fiel ô* la terre en trembla.
Déjà dedansfis mains tenoit fardantefoudre,
Et rieufifait de la terre ey du Ciel quvne
pondre,
| Sans fa fille Clémence** l'uil paifible
&doux,
' Qui fies gênons embraffe , ey retient fion
courroux.
Pere,puis qu'il te plaifi entre tes noms de
mettre
Le nom de tres-benin , iljafut^^tflermettfre^
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#

pu LE I.
xA ta rigueur d'vfier des effets de ce nom :
Autrement tu fierois en vain appelle bon.
Tupeuxfi tu le veux, tout ce Monde desfioire,
Le voudrois- tu plus grand eu plus petit re-
fi
aire ,
De le fairepareil ce ne feroit rien fait.
Or de voir ton Palais, fait , refait ey défait,
Ce feroit ieu d*enfant , qui baflit on riuage
Vn chafteau de fiablon , puis deftruitfion ou¬
urage.
Ce qu'il nefiont , Seigneur : car la defiru-
éîion
N'eftpas fleante à Dieu, mais génération:
Pource il te pleut iadk baflir tout ce grand
Monde,
Et peupler d'animaux tome la terre ronde,
Afin que de ton Throne en voyant les hu¬
mains
Trinffes quelque plaifir aux ,uures de tes
mains :
Mais ores vn chacun blafmera ta puiffiance,
-Et fieras en meffr'is comme vn Dieu d'incon¬
fiance,
Qui nàgueres voulus tout le Monde noyer,
Et maintenant le veux encore foudroyer.
Si tu defiruis le Monde ilfaudra qu'il retienne
Defin premier Chaos la figure ancienne:
Et fi tout efi confus , qui adoneques dira
Les Hymnes de ta glaire ey ton Nom béni
ra f
Qui lors racontera tes merueiïïesfi grandes?
Qui deuot chargera tes fiainéls Autels d'of¬
frandes f
Qui laflame immortelle aux Temples gar-.
dera f
Qui cPencens Sabean ton Throne enfumera ?
Il vaut mieux,o Seigneur,que tu les efbonuan-
tes
Parfonges,por Daimons , par (fometes vo¬
lantes,
Que les tuer du tout : car tels qu'ils font, Sei¬
gneur,
Bons ou mauuais ilsfiont creezà ton honneur.
Si tu frappes leur csur, ils te voudront en¬
tendre :
Il rieftenduiél deroéhe,il eft humain éten¬
dre,
Lequel ferafioudain, bien qu'ilfioit endnrcy,
Ghaflié defion vice, ey te crira mercy.
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LIVRE
, ^-frfwf/êff/w Clémence,,
ia de
fa parodie
Auoit du pere fien faite l'ire plus molle,
QuandliH E M i s la diuine au bas duThrone
alla
De D I E V prefque appaifié, auquel ainfi
parla :.
Ofouuerain Seigneur, Roy des Dieux eydes
hommes,
Par qui tons nous viuons, &par qui tons nous
fiommes,
Qui régis tout en tout,& n'es régi d'aucun,
Qui as(commeilt a plen)departià chacun
Dés le commencement vn naturel office,
Et vn propre mefiier pour te faire feruice,
Donnant au puiffant Mars laforce & lepou¬
uoir,
A Phebus la Mufique,à Tallos lefçauoir,
A moy l'anthoritéfur toutes deflinees
Que ta bouche fatale a iodis terminées,
Efrites en airain qui ne fie peut caffer,
Et que mefme le Temps nefiauroit effacer :
» (far tout ce que tu dis efi éhofi très- certaine]
» Et ce que l'homme dit n'efi rien que éhofi
vaine.
Or donequespour ouurir lesfecrets du De¬
ftin,
Le Monde n'eft encor enuieitly parfiofin,
Il efl du tout entier, Ofiant que mainte efiace
De maints fiecles futurs fi roulent en leur
place
Auant que le brûler : vueilles donq ficourir
Logent que tu vonlois fi tofifaire mourir.
Ilfiaut que les rayons de tesfiâmes diuines
Illuminent les curs des Sibylles diuines,
Des Prophètes auffi quifiront tes preficheurs,
Et fions efigard d'aucun blafimeront les pé¬
cheurs,
Tour reprendre en ton Nom de tons hommes
le vice,
Attendant le retour de ta fille Iuftice, *
Laquelle doit encore icy haut fiejourner
Langue efface de iours auant que retourner.
Au tëps que le Defiin en Gaule fiera naifire
Henry fie%id du nom, des autres Roys le
maifire,
Que les Cieux à l'enuyfiefforceront d'amer,
Juftice auec fies Slurs là bas doit retourner.
Ce grand Roy chérira vn Prince défia race

DES H
Qui d'honneur, de vertu, de fçauoir ey de
grâce
Entre tons les humains n'aura pointfion pa¬
reil,
Et fia bonté luira comme luit le Soleil:
Jl aura fur le front telle majeftépeinte,
Que du premier abord le vice en aura crain¬
te,
S'enfuyant deuant luy après l'auoir cognu
Prince fl ieune d'ans & de m fi chenu.
Celuy fera nommé le Prélat de
Lorraine,
C H A R L e s,dedans lequelta fillefouueraine
Miracnlenfement tu feras transformer,
Pour les faits vicieux des humains refor¬
mer.
Bile prendrafion corps : carfiafiace celefte,
Comme ellefut iadis, ne fiera manifiefte
' Aux hommes de là bas,fefouucnant encor
Qu'ils l'ont d'entr'eux chafiée après le Siècle
d'or.
Ainflparla Themis enparolesprophètes,
Quifurent puis après en temps ey lieu par¬
faites :
(far fi tofi que le (fiel eut du Prince Henry
En la terre amené le beau règne éhery ;
Des hommes ey des Dieux, (if que toute la
France
Portoit à ce Prélat honneur ey reuerence
Pour les nobles vertus defquellesil efi plein :
D i e V print incontinent Iufiice par la main, |
Et luy dit, Mon enflant, ilne faut contredire
%~Auxfieueres décrets du Deftin qui te tire \
Vne autrefois au Monde,il efi teps départir :
Quandtufieras au Monde,il tefaudra vefiir
Du corps de ce Prélat, que Themis, quiprefide
Ames deffeins futurs , ta baillé pour ton
guide.
Comme il difoit tels mots ,de Jufiice en¬
fourna
Lesyeux d'vn bandeau noir, ($f puis il luy
donna
Vne balance d'or dedans la main finefire,
Etvn glaiuetrenchantaporter en fia dextre :
» Le glaiue pour punir ceux quifieront mau-
mais:
» La balance à poifier également les faiéls
» Des grands & des petits comme équité l'or¬
donne:
Y M N E S.1 161J
» Le bandeau pour ne Voir en iugement per- '
fionne.
En ce poinél equippée elle reuint çà bas :
Mois auant que partir elle rioublia pas
La troupe de fes S , les guidant la pre¬
mière :
Nemefis d'affiz loin lesfiuiuoit par derrière
%^4yant le pied boiteux, ey ne pouuant en
l'air
De fes ailesfi tofi que les antres voler.
Soudain que la Iufiice en terre fut ve¬
nue y
Deffus la Cour du Ko Y longuementfiefi te¬
nue:
Puis ainfi qu'vn rayon du Soleil qui deficend
Contre vn verre ey le perce eyfi point ne le
fend,
Tant fit viue vertu fiubtilement eflforte,
Rayon venant du Ciel : en la fiemblable forte
Iuftice tout d'vn coup viuement fieflança
Dedans ton corps , Prélat, ey point ne
l'offença,
Comme éhofie celefte :y logeant auec elle
Défis diuines Sfurs la troupe non mortelle]
Qui nefut pas fi tofi entrée dedans toy,
Que tu vins de tels mots aborder nofire R o Y.1
Prince, dont la Grandeur en majefté
fiurpaffe
Tons les Rois tantfiaient grands de cefie terre
baffe;
Ce rieft le tout que d'efire aUx armes fu¬
rieux,
Adroit, vaillant eyfort, ilfiaut bien auoir
mieux:
Il faut âpres la guerre, ainfiquvnfiage Prin¬
ce,
Çouuerner par Iufiice ey par loix ta Trouince
,
cAfin que tes finjets viuent en équité, |
Et que ton ennemy par ta lance donté
Te recognoiffe autant iuflicier équitable
En paix, comme aux combats ta cogneu re¬
doutable.
La Nature concède aux animaux des bois,
Aux oifeaux , aux poiffons , des reigles ey des
lois,
Quils rioutrepaffent point : au monde on ne
void éhofi
Qu'vn accord arrefié negouuerne &diffofif
QJL11 %
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1014 LE L
La mer, te ffid,la terre,& chacun Elément
(farde vne loy confiante innioloblement :
Onnevoidqueleiourdeniennela nuiél bm-
ne,
Que le Soleil ardant fe transforme en la Lu
ne,
Ou le Ciel en la mer, ey iamais on n'a veu
L'air deuenir la terre, ey la terre lefeu.
Nature vénérable en qui prudence abonde,
\si fiait telle ordonnance en l'ame de ce Mon¬
de,
Qui ne fi change point, ey ne fie changera
Tant que le Ciel vanté les aftres logera :
Et pource du nom Grec cegrand Mondefi ap¬
pelle,
D'autant quelordonnance en eftplaifinte &
belle :
Mais celuy qui nous fît immortels les effrits,
Comme à fis chers enfans ërjês plus fauoris,
Que trop plus que le Ciel ny que la terre il
aime.
Nous a donnéfies loix de fa propre main mef
me.
tïkto y s e premièrement apprit les loix de
Diev
Pour les grauer au clur du populaire He-
hrien :
Minos a des (frétais les villes gouuernées
Des loix que Iupiter luy auoit ordonnées:
Et Solon par les loix que Pallas luy donna
Régit l'Athénien, Lycurgue gouuerna
Par celles d'Apollon la ville de Lacene:
Et bref des loix de Dieu toute la terre eft
pleine.
Car Iupiter, Pallas, Apollon,font les noms
Que lefini Dieu reçoit en maintes nations
Pourfis dîners effeéls que l'on ne peut com¬
prendre,
Si par mille fnrnoms on ne lesfiait entendre.
(fe D I e v,ce T O V T-P VI S s A n t qni
tout void ey régit,
Diev, en qui noftre vie , en qni noftre mort
£*>
Ne nous concède rien après l'ame immortelle
Sifiainét que lojuftice: on nefiauroit flans
elle
Viure enpaix ou enguerre,fy toufiours noflre
c
Entremblantfiemiroit d'vne douteufiepeur
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LIVRE
Ou on ne p'dUfi nos biens , ou que tofi noftre
vie
Par glaiue ou par poifon ne nous fiuft au
courcie.
Sans Iuftice le peuple ejfrenémçnt viuroit,
Comme vn nauire en mer qui en poupe riau-
roit
Vn Pilote ruzé pour fes voyes conduire.
Cela quefert enmervn Pilote au nauire,
La Loyfin aux Qtez,&*i* peuple qui efi
Inconftanten penfiee, & ria iamais d'arreft:
Ilouroit auiourd'huy vne opinionfolle,
Le lendemain vne antre, ey comme vn vent
qui voile,
(fà&lavolcroientles efirits des humains,
Et iamais ne fieraient en vn propos certains,
Sans la diuine Loy qni leurs volonte?^bride,
Et maugréleur defir à ban chemin les guide,
Ne voulant point fiouffrir quvn homme vi¬
cieux
Sans purgerfinpéchévienne deuantfiesyeuxl
Ellefiait que le Roy fiur le peuple a puif¬
fiance,
Et que lepeuplefierf luy rend obëiffance :
Elle nous a monfire comme ilfiaut adorer
Lefini Dieu éternel,comme ilfiaut honorer
Pere , mere,parens, & quelle reuerence
On doit aux morts, de peur de troubler leur fi-
lence.
D I E V, qui le (fiel habite, a toufiours en
fiouci
(feux qui aiment Iuftke,& qui lafiont auffi:
De ceux le bien efiferme , & comme vne Pla-
net te
De tons cofté? reluit leur confidence nette,
Et toufiours en honneurfleuriffent leurs en¬
fans, <
Et ne meurent iamais qu'affiupis de vieux
ans.
Mais «Diev Tout-puiffant iamais flon
cur riappaife
Contre celuy qui fait la Iufiice mauuaifi,
Qui para rgent lo vend, ey qui corrompt ma¬
lin
Le bon droiél de la veufne &du pauure or¬
phelin :
Il luy garde toufiours vne dure vennance
Qui lentepas à pas talonne fion offence,
Luy enuoyont ^Att Deeffe de mefichefi,

Qjâ défis pieds défier efiarbouille fon chef:
Car D I E wflnr les Palaisflajfiet pour le rè~
Des panures , d'où fion eil remarque le bon
Pour le recompenferfélon qu'il a bienfait,
Et lefaux luge , a fin de punirfin mesfioit.
Doncques, R o Y ,fitn veux que ton règne
profbere,
Il tefiant craindre D I E V : le Trince qui re¬
uere
Dieu, Iufiice, & la Loy, vit toufioursfleuriffiant,
Et toufiours voidfions luy le peuple obëiffont :
' Son ennemy le craint : &flil leue vne armée
Toufiours fera vainqueur ,& la Famé emplnmée
Viuant bruirafion nom, & le peuple en tout
lieu
Apres qu'ilfiera mort le tiendra comme vn
Dieu.
r
DES HYMNES.' _ idij
Ainfi dis-m,V REtAT,&le KoYde fa
tefie
Abaiffant lesfburcis accorda ta requefie :
Et lors le Siècle d'or en France vetourna,
Quifans fie transformer depuisy fiejonrna,
Faifiantfleurir le droitfous nofire Prince lufie,
Sons HENRY, dont le bras équitable & robufie
Trenchapor ton moyen auecq fiesfiainétes Lais
La tefie du Procez > 'vieil Monfire des Fran¬
çois.
le tefiluë, ôfiainéle & diuine lufiièe,
Et toy,grondC ARDINAL autheur de ta
Police :
Puiffent toufiours mes vers , maugré le court 1
des ans,
Auxfiecles apparoiftre & doéles &plaifins,
Pour leur monftrer combien ce mefut douce j
peine
De célébrer l'honneur de Charles d B }
Lorraine.
QJgjjq Hij
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A MONSEIGNEVR
MESSIRE ANTOINE SEGVIER,
CHEVALIER SIEVR DE VILLIERS
Et de F~o v r qjv evx, Conseiller dv
Roy en fes Confcïïs d'Eftat & Pnué,Prefident
ém~îà~Cour de Parlement.
ONSE IGNEVR,
Ce nefl pas, en vous prefentant ce petit labeur, que ie ne
[fçache bien quel il efi , & quel il deuroit efire , principa-
j lement ayant pour objeiï l'honneur defe vouloir donner à,
vous. Q^fCais ïay toufiours creu , qu'es actes de la volonté, l'aflfeéîion de
l'ame en efi plus la mefiure, que le mérite de la chofe, fon prix oufa valeur.
Chacun en celafait ce qu'il peut &félonfa force, nec vlli vnquam vitio fuit,
Deos colère quoquomodo poffet. Ruftici, molâtantùm falsâlitant,qui
thvtranonhabent. le fuis comme le Telemach dHomere, rauidelaffllendeur
& de fefclat du beau Palais de Menelas ; lefçayplus admirer ce que vous efles
$} vos incomparables qualités, que ie ne puis bien m exprimer a les reprefenter,
& moins encor a raconter ïhonneurqui vous efideu. I'aj comme luj, l'efionnement
& ï exclamation,
mais ie nay pas ïexprefiion qu'il a copiofus fentiencfr non loquendi,
non ingratus fed oppreftus. Seulement ie diray qu'en lagrandeur de vofiM
efflrit, vous efies celuy, duquel on peut dire auecque vérité, ce que dit Apulée,
qu'en quelquefaçon, quo dam fignificatuanimushumanus, etiam in corpore
litusDasmon nuncupatur. A qui donc puis-je mieux offrir cet Hymne
des Daimons, d'vn grand Daimon d'effrit, qu'à vous lefaine? Daimon de
tous les grands efflrits ? quifçauez, tout , tout ornement, toute profondée d'é¬
rudition. &, ce qui efi le fiel, toute prudence & iugement. Quand vousparler,
on peutdirede vous, 'Cu*k ïvJh%v

DES HYMNES," " 1017
vofireilluflre nom yfoit infcritïfinon que limite ces pauurespdifani, quifur
leur petit toiiî bien fouuent mettent le nom de Dieu. ÔAutrefois vn chariot des
champs, mal-propre & négligé,fut honoré du port des T>ieux. Il efivray que
vous aueZi icy du bon &) du mauuais : l'Hymne du grand Ronsard, &
mes obferuations: Qeluy -la, très-excellent , jftf par delà tout le ha&ard des iugemens
: celles-cy,qui pajfient comme es grands traffics, mauuais parmy le bon,
lefort portant le fioible. le vay feulement , félon fon Génie ce? fes conceptions,
fouillant dedans les anciens Grecs & Latins , les lieux d'où il a puifie ce qu'il
dit. Ces vacations dernières, Monseignevr, m ont donné ce loijïn ie leur
dois ce repos a5tif, 'iixrcs^.^ -iW^'a*, qu'appelle Grégoire de Nazjari^; com~
me cefi là, depuis quelques années, le parc de mes exercices, (0 la lice que ie
cours de mon occupation,pendant lefommeil des affaires du Palais. Lefiujeéï
des Daimons efi ample, mais ie ne fiais quouurir le pas, & comme la porte
des myfieres de ce grand Auteur: y entre plus auant qui le pourra : comme
iefçay que tout autre quemoylepeut , & mieux ^f plus amplement. Mais
cefi aflfezj pour mon contentement ,fi vous receueT^ ce que i'ay fait: cefi trop,
fivous le rejettes ) mais f vous l'approuueZj, Deorum vitam aptus vide-
bor. lefuis,
qMONSEIGNEF^
Vofire trefhumble & trèsobeyffiant
fèruiteur,
R 1 c H e L E T.
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~1
1018 LE L
HYMNE VII.
Les Daimon s.
A LA NCELOT CARLE,
Euefique de Rhiez
Commence par N. R 1 c h e l e t Parifien.
A R L E , de qui l'efirit recherche
l'Vniuers,
Pour gage d'amitié iete donne ces
vers,
Afin que ton Bordeaux , & ta large Garonne
Flottant contrefies bords ta loiidnge refionne,
LIVRE
St ton nom par la France, amant puiffe voi¬
ler
Que ce vers quifien-vole aux habitons de
/ air :
R I G H E L E T.
En ta faueur, mon C A R L E , il efi temps
queïenuoye
MaMufie extrauaguerpar vneefiroitte voye,
Laquelle des François aux vieux temps,nefut
pas
(Tant elle eft incognuë ) empreinte de leurs
pas,
Afin d'efire promené an myfiere admirable
Des Daimons ,pour t'enfaire vn prefent vé¬
nérable :
Vargument ¤ftfiort haut, mois vn efirit ne
peut
Trouuer rien defafiheuxfi la Mufe le veut.
Curie, de fiil'eftnt] Le difeours des Daimons n'eft pas commun ny facile: les Anges &eux ontefté créez
de Dieu lors qu'il créa le Monde :les Anges, pures intelligences au Ciel, fans paffion comme fans corps, co-
gnoiffans toutes chofes -, les Daimons au contraire, fous le Ciel, corporels, mais d'vn corps fubtil & habile à fe
changer en toutes formes félon la qualité de l'élément où ils font, & félon leur volonté: formes la plulpart
monftrueufes & imparfaites, voire pluftoft illufions, lefquelles nous efpouuantent , quand noftre imagination
gn eft preuenue, principalement en dormant.noftre efprit fc figurant lors plufieurs vifions eftranges. Quelquesfois
les Daimons fe font voir, mais leur forme ne dure guère. Ils fenourriflent les vns de vapeurs, les au¬
tres du fang des facrifices , & tiennent du diuin & de l'humain, comme natures moyennes, capables de bien
&" de mal félon leur inclination : Au furplus ils habitent en diuers lieux, en l'air, es eaux , fur la terre & dans h
terre ; & félon leurs habitations & formes différentes ils ont auffi diuers noms, & différents effects. Mais k
{>lufpart n'eft que feinte : finon qu'on dit qu'en Nortucgue ils font familiers & feruent domeftiquement. Entre
es Daimonsles foufterrains font les plus greffiers & plus mefchans,mais moins changeans de forme : les aërins
font meilleurs, mais auffi plus muables félon l'inconftance de leur demeure. Ceux des eaux font bons & mau¬
uais, appaifent la mer & l'excitent , font bien fouuent auteurs des naufrages. Les foufterrains renuerfent les
villes, font les tremble-terres, font aux minières, où ils eftoufFcnt ceux qui en approchent. Et ceux-cy pour
leur extrême foideur,quelquesfois entrent dans le corps des beftes, pour doucement fe refehauffer & hume»
éter. Les Daimons des montaignes & des bois font follets & gai!lards,& aiment à danfer. Mais en gênerai tous
lesDaimons craignentlc feu, & plusl'clpée. Car ils font fenfiblesen leurs corps, quoy que l'incifion n'en
dureguere.Sc fc reprenne auffi toft. Dauantage cesefprits nes'addreffent gueres qu'aux perfonnes fimples,
qu'ils fafeinent de perfuafions & de promefïes de leur faire faire merueilles,& contre la Nature. Et neantmoins
eux mefmes font fifots, qu'ils craignent les forciers, & fontefclaues dc leurs menaces & de leurs char¬
mes, iufqu'à fe laiffer emprifonnerdans des miroirs & des anneaux. Quefiquclqucsfoisils entrent dansle
corps de l'homme (ce qui paroift par vne agitation & trouble d'efprir extraordinaire, & par la pluralité des
langues que parle le pofïedé ) il n'y a rien qui les contraigne & violente tant que l'exorcifmc au nom dc Dieu,
deuant lequel auffi il eft raifonnable que toute créature flechifle & obeïfTe. Sur la fin l'Auteur prie Dieu de
deftournerdesChreftiens&dcluy, ces fpeébres & terreurs fur les Turcs, & contre ceux qui meidiront de fes I
efcrits. L'rmuers] Toute la Nature, ii otv. Garonne] rafeonidis regnator aquatiatfed tfia caliginoft
icnerepermipfiwt,^uiepsquaficrceref,yfeueadtertij>KwdiCtf. Ma Mufe extrauaguer] Sur vne matière extraordi¬
naire & nouuelle a nos François:
intenta nulli
*AntrA feqiu Immunité fdtm \
Tigétaue trita yatibus orbita. Manille.
Promeut] Initiée. ^Cu myftere admirable ] A la feience, & recherche occulte & merueilleufe des Daimons,
de leur nature coopérations, dont Pfellus a fait vn excellent Dialogue, «fei inntfatSiuwm, duquel plufieurs
imitations font en ceft Hymne. Autrement le myftere des Daimons eft effroyable,& exécrable, Sfjn mm-nta-»
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DES HYMNES.1 iojp
£ «|aVça, commençant, ce dit Pfellus, par faire prendre à leurs profez des ordures d'éxeremens fecs&humides.wç
Jjf

1010 LE L LIVRE
Vrincibinm guoniam cedendu nulla daret res, ... , -,
J ' - ' ilescorpsplusfolides,monftrequ'ilyadu vuide:
Item, la pénétration des chofes à traucrs le
Nam nifi maniafint , quapojfent corpor-a quif^
Remplis depJrvtlres] Comme l'air de Daimon.. Caranyap_.deiatfo^qwcetEl^t,/^A«
exqi«JrAÂi\^qnoàtaLfiauo
dUqu'ïleftpct^ fiha^> ""^ °^' ****** fiMmmr *
outre quel'oifeau tient plus de la terre que de l'air, terrefire ammd,non aereum.
Il mit auprès de luy (fonplaifir le voulut )
L'eficadron précieux des lAnge* qnd efiut
Pour Citoyens du Ciel, qui fans corps y de¬
meurent,
Et francs de paffions non plus que luy m meu¬
rent :
il mit*
Dei-,ytqnoJ
tuitement,r_- ... r r j, - ,
Çfyrits intelligensplus que les noftres purs,
gui cognoifient les ans tant pafftz que fu¬
turs,
R I C H E L E T.
Et tout l'efiat mondain, comme voyant les
Shofies
De près aufin de Dieu où elles font enclofies :
Sainél Grégoire le Grand. L'efcadronprécieux ] ^a-wà i-m&i'uu » comme les appelle Apolfinanus Plal.9 o. I ar¬
mée, L'exercice du Ciel, les neufordres facrez de ces fainétes intelligences, Anges , Archanges, Vertus , PuifTances,
Principautez, Dominations, Throfnes, Cherubins.Sc Séraphins, représentez par les neuf pierres precicufes
'd'Ezechiel chap. 28. Mais combien y a-il d'Anges? Diuerfesopinionslà deffus, des vns qui en comptent
99 . fois autant que d'hommes , fe fondans fur la parabole de noftre Seigneur, laiflant 9 9 . brebis pour en aller
chercher vne qui eft l'homme ; Plitresfunt ^fngeli, dit Saint Cyrille Catcchef. ly.nonagima nouer» oues,ju»t illi,tit
yero centefima- Les autres, qu'il y en a dix fois auranc, fur ce que l'Elément inférieur eft furpaffé dix fois du fupericur.Les
aucres qu'il y en aaucanc que d'hommes -,Dieu,ce die Moyfe , ayanc limité les peuples félon le nombre
des enfans de Dieu, c'eft à dire,des Anges.L'opinion du Maiftre des Sencences,eft qu'il y a aucanc d'Anges que
d'hommes qui feront fauuez : les Rabbins en comptent iufqu'à fix cens mil millions , & vn mil Se fix cens cin¬
quante cinq mil & 72. Anges. Quelques vns tiennent qu'il y en a autant que d'eftoiles. Daniel chap. 7. en mec
iufqu'àxnilrnilliers ,&dix fois cent mil, qui eft le plus grand nombre qui fe puiffe exprimer entre les hom¬
mes : mais la plus vraye opinion, eft feulement qu'ils font innombrables, Maldonat. Des ^fnges] Ce
nom explique non p'as leur nature, mais leur miniftere - offîcij, non nature yocabulum, Tertullian de car. Chrifii cap.
14. Pour citoyens du Ciel] Philon luif au z. delà Monarch. confiderant le Monde commevn temple, duquel
le Ciel eft la facriftie& la plus fainéte partie, en fait les Anges foufdiacres,vajïJ^iwVc^,& les appelle iQ>pà.-ms 4"vt«
,"ihuc roie>s{,amcs fans corps & purement intellectuelles. Q.uifans corpsy demeurent ] Fort bien , lors qu'ils
y demeurent , & quand ils ont efté créez,fubfianti* Jj/iritales , dit Tertullian , au mi, Greg. de Naz. nt&ù ùiMl owIhm dm^u* i t*m* otmh.w «>»'i» g àyàm «ft_yme.
Non plm que luy ne meurent] Sont immortels, n'ayans ny corps ny matière v mais immortels , non par
nature, mais par grâce j fi ce n'eft en ce qu'ils n'ont point de principe intérieur, qui les rende mortels-, Se
neantmoins ils font comme nos âmes dépendais d'vne puiflance fuperieure, qui les peut anéantir & rendre
mortels, voire réduire à rien comme ils ont efté créez de rien. rjj>nts intetliçetu ] Sçauans & qui ont des in.
telligences par tom,quia rebut qu* hlcaguntnr prafllfunt : S. Auguftin.Ou bien ils font dits intelliqens.à caufe des
belles Ide#s de toutes chofes , que la vifion de la beauté dc Dieu leur reprefenre i & dc là les Théologiens di-
fent que les Anges difeourent encre-eux comme créatures raifonnablcs, Se apprennent tous les iours plufieurs
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chofes

Es hymnes: _ôi_
chofes qu'ils ne fçaucnt pas." Et tout l'Eftat mondain] Mais nonpastoutes chofes, ny les myfteresdiùins, R
ce n'eft quelques vns par reuelations : ils cognoifTent bien la nature de toutes chofes au genre vniuerfel.comme
le premier homme la cognoiflbir, mais ils ne cognoifTent pas les indiuidus des chofes naturelles. Pour le regard
de l'Eftat du Monde, iufques mefme au particulier des prouinces & des hommes, ils le cognoifTent. Memtmmwi
dit Sainél Hilaire P fal.129. ejfe pluresfpiritualeiyirtutes quibus ^tngelorum efi nomen, Ecekfijs prxfidentes. Sunt

«h» LE I. LIVRE
f
R ï C H E L E T.
En l'étage d, l'air ] Maintenant il patle des Daimons, lefquels il met enl'Element & région de l'air . félon
l'opinion des Platoniques : & de là mefme , à caufe de cefte habitation , Açnobc P&jm. I^*^'**1^
jes «pelle ^fcj.wuta^^
le fubtil & purifié , mais dans l'opa'que , nuageux f& embrouillé, où fe font les météores : & pour ce a les Dai¬
mons appelez par les Pères Grecs,LWV Apulée. Transformé tout foudain ] Par illufion Se
par vanité, pluftoft que par vérité : mais fçauoir fi de mefme ils peuuenc transformer le corps dc l'homme com¬
me Apulée en afne, les compagnons d'Vlyfle en pourceaux, tenans neantmoins toufiours leur ame raifonna¬
ble. Sainél Auguftin en parle ainfi , Nec fane D

des hymnes: i6_3
corps tres-fubtiîs pour les rendre autant vifibles qu'il leur plaift : Tertullian dit qu'ils prennent vn corps hypo.
ftatique es autres que leurs corps font d'vne matière celefte , les autres d'vn meflangc des quatre Elemens .les
autres de 1 air feulement.&d'autres d'air & de vapeurs : finalement quelques vns tiennent que ce ne font point
vrays corps, mais difpofuions qu'ilsforment en nos fens , d'vne créance de corps qui n'eft pas. Et neantmoins
lleftprobable,queles Anges prennent quelquefois des vrays corps, comme auffi les Daimons fc feruent des
corps de perfonnes defunéles, Maldonat. Imfifigurer] L'Arc-en-Ciel,lafilledeMerueiIle,le miroir du
Soleil,qu'appdîlcleSieurdeBeneuent,elegant&iudicieuxefcriuain,en vnfien Panegyric , n'y ayant rien de
plus mcrueilleux que de voir vn rayon de Soleil en vn mefme fujet faire trois ou quatre diuerfes couleurs.
Poumeuque l'oppofee Nue] Jrit enim, dit Seruius,»//? è regtone Solit, nonfit .- eut y&nos colores làt dat res : quia
aqua tennis , aër lucidm,& nubes caligantes irradiât*-, yarios créant colores. Ou l'image "< L e météore fe forme & s'im¬
prime. Voyez Pline liure 2.
Mais le Daimon la prend de fi propre
aéîion
Et défi volonté, en la manière mefime
Que fioudain nofirejoue en craignant deuient
blefime
Defionpropre vouloir, fy toute rouge alors
Que la honte luypeint lapeaupar le dehors:
En ce poinél les Daimons mafque? de vaines
feintes
Donnent aux cmurs humains de merueilleufes
craintes.
Car ainfi que l'air prend & reçoit alentour
Toute forme & couleur cependant qu'il eft
tour.
Puis les rebaille auxyeux qui de naturepeu-
uent
En eu% les receuoir, O* qui propresfie treu-
utnt:
Tout ainfi les Daimons fiont leurs mafiqueu-
r es voir
\*A noflre fiantaifie apte à les receuoir:
Puis nofire fantaifiea l'effrit les rapporte,
De la mefime façon & de la mefme fine,
Quelle les imagine en dormant ou veillant :
. 2t lors vne frayeur va nos coeurs afifaillant,
Le poil nous dreffiau chef, (^ du front goûte
à goûte
Jufquau bas des talons lafiueur nous dégoûte.
Si nousfommes au liélriofins leuer les bras,
Ny tant foit peu tourner le corps entre les
draps ;
Adonq nous eft aduis que nous voyons nos
Teres
Morts dedans vn linceul, fy nos defunéîes
Mères
Parler à nous la nuiél,& que voyons en l'eau
Quelqu'vn de nos amis périr dans vn bateau :
Il fiemble qu'vn grand Ours tout affamé nous
mange,
Ou que fieuls nous erronspar vn défiert eftrage
Au milieu des Lyons, ou qu'au bois vn volleur
Nous met pour nofire argent la dague dans le
cur.
Souuent à l'improuueuè on les voit apparat-
fi,
Tellement qu'on les peut facilement cognai-
Jlre,
Comme Achille cognent Minerue qui leprint
Tar lepoil de la tefie &fin courroux retint t
Mais eux bien peu de temps de leur forme
iouîffent,
R I C H E L E T.
Et tout fioudain en rien ellesfiéuanou'iffint,
Comme fi de couleurs les ondes on teignoit,
Ou fi l'air & le vent de couleurs on peignoit:
Car leur corps nefifilide & apte de nature
A retenir long temps vne prifi figure.
Mais U Daimon ] VerfipellU, Pline 8.chap.22. à caufe de cefte facile metamorphofe. La prenddqfitpropre action]
C'eft à dire, par la puiflance naturelle & fantaftique qui eft en lny, de reprefenter les formes & les ioulcurs fé¬
lon le fantofme qu'il prend,«j-^t ne

3024 LE L LIVRE
luy peint} Ou latolere, laquelle eftant auffi vnaélefubit, enuoye la chaleur au vifage qui le rougir, g U *,-
, ' , ' i. - » A .1 . / , .
mme ' , ' i. - » ri ç;j,,, il efl vrav que lacolcre pallit quelquefois, ce
ylmzu 4feAZv.etva.-m p*?», A .1 . / , .
mme oitpvipaivmq ri ç;j,,, m ofpÇo/Hiioi, "saluas, il n eu
efl vrav
»; ^
que lacolcre rpallit quelquefois, i -i
ce
ylmzu 4feAZv.etva.-m p*?», oitpvipaivmq m ofpÇo/Hiioi, "saluas, n eu »; ^ r i -i »
qTenefaitSaislahonTe. C,ri^^-//W ] Cecy eft de Pfellas, mais:bi-n reprefente : «** yS ^
S,« c-V, W ^^^ »^C«W, à fçauoir, l'ait, «'ç«-«^«^^/*A'"''MT Ê» "7""** 3f««
SUnrt^L Font leurs mafqmum yoir 1 Leurs preftiges & illufions, Se leurs impoftu tes , ,«-* £ «hi^^, ,
VkMartem nugaton* Zr noxi* fuperftitiom , Sainél Auguftin. Ce que pratiquent: aulli les lorciers , & vous en
auez entre aufres, ceft exemple dans le Philopfeudes de Lucian.de celuy qui eftant arnue dans vnehoftellede
fans ferufccur, prenoit vn pilon, vn verroiiil, Se autre telle chofe,& les habilhnt.aucc des parolles enchan¬
tées , en faifoit des valets cheminans & des hommes feruans, MCw m p^M», g » \*r>i> «fo-ty if^fon , t^,
« > u
* ' i * d? " i" «a. «*?» w __ Pt- ,-Vfl- là toute leur finefle, dit Lactance de ontr.error.
«r. ij.'-vi/j» M)»» pw/'JT'/5 ebccantibus fallere , yt non yideantur ea qu* funt, & Tndtrt Je putent dlaqua nonjnnt.
^C noftre fantaifie ] Comme s'il vouloit dirc.que ce n'eft pas que la chofe formais noftre imagination foible
& timide,fe figure des vifions qui ne font point,& s'en efpouuante. C'eft laqueftion que forme le ieune Pline
ep.y.relim fore efe phantafmata,feu haberepropriam figuram,numénque ahqwd putes manefeu yanam ex metu nofiro tou¬
rna» capere? toutesfois les exemples qu'il rapporte en cefte epiftte font vérifiez par effcûs : ce qui monftre qu'il
y a du Daimon qui s'incorpore comme il luy plaift. ^Cpte à les receuoir] Selon qu'elle y eft difpofee , ou félon
mefme l'aptitude qu'ils luy donnent: car quelquefois ils fe méfient en nos penfees Se cogitations , dit Sainél
Auguftin, Mtris £r wuifibilibus modi* , per illam fubtditatem , corpora hommum non fentientium penctrando , çr fe co-
gitauombus eorum, per quadam imagmarta yfia mifcendo , fime yigilantium fine dormientmm : Mais cela s'entend
quand la pênfee de l'homme fe produit à quelque aéle extérieur, & encor cela n'eft pas bien certain, dit Sainél
Auguftin, Dieu eftant feul qui cognoift occulta cordium. iluelte les imagine] C'eft à dire,que le Daimon ayant
fuborné noftre imagination par diuerfes vifions & obieéls, l'efprit puis après s'y accommode Se en conçoit les
images , dont puis après il eft troublé la nuiél, & quelquefois mefme de ionr en veillant ou dormant , ijfuypJa
prefc
lnfelixfimulachrum , atque ipfiut ymbra Creiifie
Vifa mihi ante oculos , ey nota maior imago.
obftupui , fteterûntque coma. Virgil. 2. Eneid.
Si nous fommes au kSl ] Chofe efirange, ce dit Aufone ,fomnus abolitor omnium , imagines ajfert. Mais ce qu'il
dit icy ne femble pas vray, car bien fouuent ces vifions arriuent de nuiél à toutes perfonnes indifféremment
qui ne fçauent que c'eft de Daimons ny de Magie, félon l'humeur & le tempérament qu'elles ont , & neant¬
moins il femble icy que telles vifions foient formées en noftre efprit par les Daimons. Le Concile d'Ancyre dit
bien que les fimplcs femmes feduites par le Daimon, ont de ces vifions, par diuerfes transformations qu'il (ô
donne. Cum mentem cutufeunque mulieru cepertt , £r hanc per infidelitatemfiibt fubmgauerit, illico transformat fe m diuer*
Jàrum fiecies perfonarum atque fimilitudines , O" mentem quam capttuam tenet , m fomnijs deludens , modo lata,modo tri~
fita, modo incognitos perfonas oftendens , per quaque deuia deducit. Noi defunBes mères] Et cela peut eftre auflî
par vne apparition vràye.comme S- Auguftin au liure de cura pro mortuU , ne le meferoit pas, à caufe dc la plura¬
lité des grands autheurs qui le tefmoignent : mais il eftime que cela fe îï\t,^Angeluk operatiombus , pour la confolation
des viuans. Ainfi Moyfe mort dans le Deuteronome,fe fait voir Se apparoift, comme encor en la trans¬
figuration il fe trouue auec Helic qui eft encor viuanr, & neantmoins il eft vray , qu'après que Sainél Auguftin
â dit que ces chofes \i,exhtbentur dijttmtùs,longè aliter quàmfe habetyfitatus ordofinguliô creatttrarumgeneribus attributut\
il adioufte,que cefte queftion eft par deflus fon fçauoir , res efi altior, quam yt a me pofiit attingi , ©° abfirufior quàm
lit à me yaleat perferutari, Pamelius. Comme ^/Cchille cogneut Minerue ] Luy feul,/ô/z perfticm, Apulée , pas vn des
autres Grecs ne la voyant, dit Homère au i.de l'Iliade, Bomenca Mmerua , qu* medijs ctibus Graiûm cohibend»
^Achûi interuemt, nec cernitur ylii, Virgil. Et neantmoins ileftrare que les Dieux & Daimons foient veuz des
hommes, car toufiours ilsfe couurent d'vne nue , -nn^i tht.e.è^Tm ù%o\, ne voulans pas eftre veuz. Quilc
print Par le poil] L'arreftant au tranfport de fa colère contre Agamemnon, gai^f

DES HYMNES. . iàlf
Voir compofi leur corps, ains leur mafique ^uirefiire icy bas)n efi qu vnefimple iffince:
commun, "D'vn mefiange agencé nos corps prennent
Dieu fiac de la matière(ouuriere d'vn chacun naiffance.
R I C H E L E T.
i vapeur qui
aiment Se hument la vapeur des facrifices.wVwm >«}--&mc>Greg.de Nazian.d'oùTcrtullian ad Scapulam appelle ces
vapeurs de hciiRcespabulumdr

keit LE L LIVRE
Sont communs en nature , habitons les con- Ils nous manfirent de nuiti par fanges admi
rables
De la terre & du Ciel , & dans l'airfi de- De nos biens, de nos maux les fignes verita-
lefient ^les:
Etfiant bansou mauuais tout ainfi qu'ils fiofi D'eux vient la Prophétie, & l'art qui efi ab-
feétent : fcur
Les bons viennent de l'air iufiqnes en ces bas T>e fiauoir par oifeaux augurer lefutur:
lietlXt Hannibal fçeut par eux d'vn de fisjeux la
Pour nomfaire fçauoir la volontédes Dieux, perte :
Puis remportent à Dieu nosfaits$ nos prie- Tullinfi vit par eux la perruque couuerte
res D'vn feu prefagieux : par eux l'aigle fie
Et détachent du corps nos âmes prifionnieres mit
Pour les mener là-haut, à fin d'imaginer Sur le chef de Tarquin qui grand Roy le
Ce quifie doit fçauoir pour nous endoétriner. prédit.
R I C H E L E T.
Or deux extremite\] Cela eft vray naturellement, mais entre Dieu Se l'homme, il ne faut point de Dai¬
mon au milieu pour la communication de l'vn auec l'autre : car fans ce moyen les grâces Se benediétions de
Dieu fe peuuent communiquer à l'homme, Se pareillement les vcux & prières de l'homme monter à Dieu.
Mais ccquetraitteicy noftre Auteur eft Platonique, fur vne raifon & fondement de Platon en fon Ban-,
quet , rapportée par Apulée , quod nullm Deut rebut humants interuenit , nec mifcetur homini , froc a/Sp^Ta i (uyiwnn*
)5c en ce cas il faut quelque nature ou créature au milieu, qui les vniflè &en foit comme le lien: mais cefte
raifon de Platon eft abfurdc , Se réfutée par Sainél Auguftin , qui nie que Dieu fc communique au Daimon Se
hon à l'homme *, Praclara fanllitas Dei , dit- il , qua non mifcetur homini p.mtenti , fupplicanti , ey mifcetur Damoni
«rroganti : non mifcetur homini confugienti ad diuinttatem , ey mifcetur Damoni fugientt diumitatem , 8 . de cimt.cap. »o.
^Vinfi donc le Daimon n'eft pointle milieu, eftant certain que Dieu fe communique à toutes chofes, fans au¬
cun moyen ;nec Damonibu* mdiget nunctis , nec à dtumitate quod agimus poteft ignoran , dit le mefme , chapitre 21.
Des hommes ey de Dieu ] Comme eftans les Daimons interprètes Se truchemens communs fSe pour cela
Platon en l'Epinomide les metenl'air, comme lieu moyen , Àd/Miit àteAav$joç,i)£m; tfyniM tei-rlui g^w, toc
ipi4Miàac aw». Les Daimons aërms ] Ce n'eft pas feulement le Daimon de l'air, mais en gênerai tout Dai¬
mon , mi T? JbLfutvu» , dit Platon , pm%l 5m« g àSmtdw , toute la nature des Daimons , & non des aërins feu¬
lement ; mais c'eft parce que l'air eft leur plus commune habitation. Sont communs en nature ] Sont mi-partis
d'immortel Se de mortel , & de là appeliez Daimons , Xni & J_/f«» . ftafi JUkl^'oi , quod illù parttta fubfianttafit,
atque diuifa qualité, Macrobe. Et font bons ou mauuais ] bVJïdfMnf è xAxaJbuMsttf. Toutesfois Grégoire de
Nazian.Poëm.6i. dit que quoy que Dieu les ait appeliez bons & mauuais, xWçt dytïniç tï, toutesfois tout n'en
vaut rien , o\ -mime Ti\îh*t xaLwi , Se tous font ennemis de l'homme , 7-*aV**"c «'

DES HYMNES. IOz7
îairePfalm. 129. dit que ce n'eft pas que les Anges mefmes portent à Dieu nos prières, mais qu'ils fe ioignent
auec nous & intercèdent pour nous enuersluy. Deomhilex usquaagimus ignorante , fia tnfirmitate noîlra ad ro.
gandum ey promerendum ,ftmtuaU wterceftionis myfterio indigente. Nos faits ey nos prières] Tout ce que nous
faifons en gênerai, & ce que nous demandons aux Dieux, dit Platon,^ n ^TO '&, ' 0^/a, g < sjJMKnç
5so/î is&ç atSpaiimtc , per medies illis poteftates , dit Apulée , defidena nofiraey mérita ad Deoscommeant. ils dcftachent
4u corps nos âmes ] Par lesecftafes & abftraélions ou fpeculations dc philofophie , pour feruir à noftre enfeignement.
Platon dit auffi que le Daimon particulier de chacun , quand nous deuons mourir , délie noftre ame
de fon corps & la conduit au iugement poureftre fa vie examinée, ybiy'ita édita, remeandumeft, dit Apulée,
eundem illum damonem , qui nobis prabitus fuit , raptare iltico ey trahere yeluh cuflodiam fuam ad kdicium, atque die m
caufa dicenda afiifiere , fi qua commentiatur redarguere. Les fignes yeritabks ] Non feulement par la vifion, mais
parl'effeél, yera, non quia yidentur, Tertullian de anima, cap. 57. fed quia adimplentur ; fides fomniorum de affeBu,non
de confieBu renuntiatur. D'euxyient la Prophétie] Non pas la fainéle Prophétie qui vient de Dieu feul, Se
laquelle Tertullian au liure de l'ame cap. 2 1 . appelle hardiment amentiam ,y'tm fitrituakm qua prophetia confiât:
mais'il entend icy toutes fortes de prediélions& magies, cunBa denunciata ,ey magorum yariamiracula, omneT»
que prafagiorum fiecies , Apulée : ce qu'ils font par diuerfes façons, extis phyficulandis , prapettbm gubernandis ,oJiim
mbus erudiendis , yel yatibus mftirandi* , caterifque per qua futura dinofcimus. Laélance dir, que ces prediélions
deDaimons fefontpar vne cognoiffance Scprcflentiment qu'ilsont des difpofitions de Dieu, félon qu'à leur
création ils ont efté fes minifires: Teffeél defquelles difpofitions ils preuiennent, Se en donnent l'aduis par
oracles , fonges ou prodiges, à fin d'en eftre creuz les auteurs. Cum difiofitiones Dei prafentiant , dit-il, quippe qui.
minifin eius fuerint , tnterponunt fe in his rébus , yt quacumque à Deo yel faBa funt , yel fiunt , ipfi potiùs facere aut
fecijfe yideantur. Et quoiies alicui populo yelyrbi fecundùm Dei fiatutum boni quid impendet, 1U1 fe id faBuroï yel pro*
digiis, yel fomnus, yel oraculis pollicentur. Ce que dit auffi Minutius Félix, D/w» extorumfibras animant , auium
yolatus gubernant , fortes requirunt , oracula efficiunt falfis pluribus wuoluta, nam ey falluntur

»oi8 LE I. LIVRE
R I C H E L E T.
Les m-itmais au contraire ] A la diftinûion des bons.comme efloit celuy de Socrace, qui de viue voix l'aduer-
tiflbit de fon bien Se de fon mal,& de ce qu'il ne deuoit pas faite, 2«^t< V q>

des hymnes; io.»
ils riaiment qu vne forme , & volontiers Ils ont le mefime efprit quêtes autres Dai^
icelle mons,
Eft du nombril en haut d'vne ieune pucelle
Quia les cheueux longs, & lesyeux verts ($f
Les vnspernicieux, lesautres doux & bons :
Ils fiont faire à la mer en vn iour deux
beaux, voyages,
Contr- imitons l'azur de leurs propres ruifi-
féaux. '
Ils appaifient lesflots, ils mounent les orages,
Ils fiuuent les bateaux , ou fiont contre vn
Tource ils fiefiont nommer Naiades , A/ie- rocher
rêides, Périr quand il leur plaift la nef & le no-
Les filles de Tethysjes cinquante Phorcides-, cher.
Qui errent par la mer fur le dos des Dan-
phins,
Bridons les Efiurgeons , les Fouches , & les
Neptune le Daimon voulut noyer Vly'ffe,
Leucothoé luy fut afin danger propice.
L'Egyptien Protee attaché d'vn lien,
Thyns, Parfafille trahy, enfieigna le moyen
Aucunefois vaguas tout aufiommet des ondes, Au chetifiMenelos de retourner en Grèce,
Aucunefois au bas des abyfimes profondes. Qui tout defiefperé fie rongeaitde trifieffe.
R I C H E L E T.
On dit qu'en Norouegue] Et dans tous les pays Septentrionaux les plus auancez deuers le Pole& proches
de la mer Baltique, ces Daimons y font des merueilles : Les vns qu'ils appellent Bonnafle^ font parfaits pa¬
lefreniers , les autres appeliez Drolles feruent en figure d'homme ou de femme , Se fe louent à faire promptement
tout ce qu'il faut en la maifon. Quelques-vns fe rendent Daimons particuliers, appeliez Teruilles,
comme pouuoit eftre TOrthon du Comte deCorafle en Bearn, dont parle Froiflard.qui feruoit à réueiller
ceux qui dormoient ,&à conter en vn inftant des nouuelles de tous les coftez du Monde; Se après auoir réueillé
& conté tout à fon maiflre , fe retiroit Se le laiflbit dormir. Mais par la Norouegue Se le Dannemarch,
fè voyent vifiblemcnt les Danfes des Daimons , qu'ils appellent , Danfes des Hellu'és. Le Loyer 4. chap. 1 1 . Et
Olaus Magnus, au liure des peuples Septentrionaux en parle ainfi : Hodie etiam in partibm Septemtrknalibus D*'
monesfe yifibiles exhibent, «y hominibus mferuiunt , eorum iumenta ey animalia ad pafium ducunt & reducunt , gyc.
Et font commeyalets ] Sainél Grégoire dc Nazianze enl'oraifon de Sainél Cyprian ( ce n'eft pas le grand
Sainél Cyprian d'Afrique ) dit,qu'auparauant que ce Sainél fuft Chreftien, il s'en feruoit d'vn, Ji^/Jtut îtn 3*>'f Et remarque au mefme endroit,
oraifon 18. que ces puilTances apoftatiques ck: rebelles, d)'&m&flttëJjfiwdfA*i*" *?' 'Iu''nv' dit Pfell. Car ce font corps
fimples.mais corps foupples & faciles à fe plier , Se former en telle figure & pofture qu'ils veulent , tid-py* j 38
o-to - Sdxswm «sec Tmiia, ^m'àay't- L'azur] La couleur bleue. Les cinquante Phorcides] Nymphes déclamer.
Phonique f^iw.Virg.j. Sur le dos des Dauphins] Car ces poiffons fe laiflcnt monter,& le Dauphin mefme à l'home,
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Î030 LE L LIVRE
VousenauezvnnotaMe exempleau S.desEpiftresdePline j*. *« zfurgeomJesFonlchesjrles Thms] ^tci*
penferes,Phocas,eyrhy^os, grands poiflbns de mer. lesynspernicieux] Nous auons défia dit que tous ne va¬
lent rien,quelquc apparence qu'ils donnent à leurs iuures \ofeuno tUmonum, dn Tertullian en 1 Apologetic,
efi hominis cnerfto ffic mditia ftnntdis aprimordio aufptcata efi m homtni* rxittum. Enyn mur deux yoyages } Fl us Se
reflus, OccanumeJfundunt aercuoeant. Scncquc?. Je beiiefic.i. Vewlia,y>uU efi, qua «d littus ycnifySalacia qua mfalum
redit, qui femble eftre ce fins Se îeûus,fiuBut refiuens, Sainél Auguftin 7. de Owt.c.u. Voulut noyer vlyfe j Ho¬
mère n. Ouyff. dit que ce fut en haine de ce qu'il auoit creué l'til à vn lien fils,
Leucothoé ky fut propice ] Laquelle au 5. de l'OdyfTee fe changeant en Plongcon.luy donne confeil comment
il fe peut fauucr du courroux dc Neptune, en nageant fur vn voile qu'elle luy donne , ^Jï/x.m x^çtpme â^po-
%v , Sec. L'Egyptien Protee attachèd'yn lien]npomf AîyMnt, au 4.deTOdyffee,oùMenelasluy-mefrne en fait
ledifcoursàTelemach. Et dit que comme il y euft long temps que fes vaiffeaux fuflent arreftez au port du
Phare de l'Egypre,& qu'il n'auoi t plus de viures, ny fes gens dc courage,Edothee,fille de Protee,
2i

DES HYMNES. i0jt
Pour conduire dedans ] Car en gênerai les Da/bons font ennemis de Thomme,& encor de î)ieù; W&

k*i LE L LIVRE
Lt aux animaux ny pour leur nuire, maisc'eftd'autant quelachalcur de animal leurcftaggrcablc,.* .^.
W ^JV^W&c, car les Daimons habitansen des lieux extrêmement froids & ces ^c *w & *^,:,
porcos ,& le demandèrent à noftre Seigneur qui le leur permit ; te ce n'eft pas ( dit Pfcllus ) pour mal qu'ils vueiî-
v ^ rie ;i ~ i 'k «r A ,.-,Vr«» & fuyent celle du SolciLparcequ elle brûle & déficience », «, ^w,-
m. ï D'ynedmuufe ylx] D'vne parole ambiguë, carils trompent & font trompez, comme a eut cy-deffiis
Minutais Félix ;& cela monflrequ'ils nefeauent pas bien ccrtainçment ce quils dilem. annoncent le futur]
Non pas infailliblement , ny abfolument: les Anges mefmes ne le peuuent pas fane, car cela n appartient
qu'à Dieu feul, qui appelle les chofes qui ne font pas, comme celles qui font, dit Samctlaul Rom. 4. Mais
ils annoncent & cognoifTent les chofes futures, qui ont leurs caufes neceffaires, Se ce en leurs caufes natu¬
rellement, Ils cognoifTent auffi les chofes qui ont leurs caufes contingentes ou libres, mais par reuelation,
comme la mort de Saiil au 1. des Roys,& d'Achab au 3. Comme tout ce qu ont annonce les Sibylles Se
Oracles. Mais ilsnecogooiflent point les chofes futures, qutfont de la volonté de Dieu ,ny mefme dc lanoftre,
fi ce n'eft ce qu'ils en prciugent par noftre inclination ou par quelque aéle extérieur, comme traiéle
Sainél Auguftin au liure de la diuination des Daimons. Item , les Daimons ayans des aétes de volonté , prédi¬
rent ce qu'eux-mcfmes veulent faire. Mais les chofes futures qui dépendent des caufes libres & confequentes,
nefontcogneiiesquedeDieu feul, quilescognoiften foy-mefme , & les regarde comme prêtantes & certai¬
nes. Que fi quelqucsfois les Daimons nous déclarent nos penfcesfc nos defirs,' cela procède de la cognoif¬
fance qu'ils en ont par quelques aélions ou effcéls extérieurs, ou par quelques figntjs fecrets qui font en noftre
corps , qu'ils cognoifTent & que nous mefmes ignorons. Mais purement Se Amplement les Anges ny les.
Daimons ne cognoifTent point nos penfees ny volontez, qui font d'vn autre ordre que les chofes naturel¬
les , defquelles feulement les Anges en leur création ont receu les efpeces Se fimilitudes. Mais la penfee fans
le contentement de la volonté qui eft libre , ne produit point d'efpece ny de fimilitude qui la face cognoiftre.
& confequemment ne peut eftre cogneuë ny des Anges ny des Daimons. Non qu'au parfait cognenes J C'eft
à dire qu'ils ne cognoifTent pas parfaiélement les chofes futures, mais comme elles ont quelques difpofitions
précédentes qui les anticipent, les Daimons habiles efprits Se rompus dans la cognoilfance de la Nature,
îespreiugent&enpreuiennent Tcuenement qu'ils nous annoncent, Se les forciers font de mefme, dit Arnobe
hure 1. imminentia fiudent pranofeere, qua necejfano yehnt nohnt , fuis ordimtiontbus yemunt. Mais eu*
qui par long âge] Car ce font les premières créatures animées: de là élégamment Arnobe, ou quelque autre
que luy.Pfalm. 136. les appelle les premiers naiz d'Egypte, qui ideo prtmogenitt dtcuntur, quia nullus yetufiior,
. aut pnor m peccato damonijs. ExperimenteTfont ^yCux affaires ] Trois circonftanccs les rendent fçauans Se expé¬
rimentez; l'vne, leur corps aérien, qui fe porte légèrement par tout, Se leur fens fubtil qui conçoit prompte-
ment;l'autre,qu'ils font plufieurs chofes que les hommes ne peuuent faire;& la troifiefme qu'ils ont vne longue
expérience des chofes du Monde. S.Auguftin de natur. Damonum, dit tout cela : Vt a't'rij eorporit ftnfus terrenorun»
t&rpQrumfenfumfacile pracedant,yolatus auium tncomparabtliteryincunt , ex quibus rébus, acurmm ftnfus, celeritatt motus±
multo antè cognita pranuntiant. ytccedit etiam Damonibus,per tam kngum tempus quo eorum yitafrotenduur, rerum longl
mMor éxperientia , quam potefi homimbuspropter breuitatem yitaprouenire : ttdde quodplerumqutpranuntiant qua ipfifitBuri
fint. Etlfidorc dit la mefme chofe: lllis quidem inefi rerum cognitw, plujquaminfirmitatù efthumana, partir»fubti*
lior'u fenfus acumine,partim éxperientia longifiima yita, partim per Dei tujfum angelica reuelatione. D'art ey defçauoir 1
Mais de fçauoir pour mal faire, car le Daimon, dit Sainél Ignace aux Philippiens, eft fçauant en ceh,nftç
«v -tftxoj-ï/Soa/ , mais à faire bien dyiolat mntoiptSm. Nous qui mourons trop tofi] Tarda fapientta,ctta morte, Apulée.
Le futur qu'ils predifent ] Encor Tertullian en fon Apologetic nous apprend comment cefte prédiction
fefait. Ce n'eft pas qu'elle vienne d'eux ny de leur cognoiffance, mais ils la defrobent fubtilemcnt de ceux
a qui Dieu la donne : Difpofitiones , dit-il, nunc è prophetis concionantibus excerpunt, ey nunc leBionibus refonantibui
carpunt; ita ey hinc fumentes quafdam temporum fortes , amulantur diumitatem, dum furantur diuinationem. ^¤ux
hommes craignans Dieu pouuoir de deuiner] Il dit finalement que les Daimons n'ont pas feuls cefte faculté de
diuination, mais que l'homme de bien auffi la peut auoir. Apujec en fa première Apologie le dit, que la
faculté de deuiner peut auffi bien appartenir à l'homme qu'au Daimon, pourueu que ceft homme foit de bon
efprit & non vicieux , qu'il foit put Se fimple Se quafi enfant, V m eo , dit-il , diwna potefias quafi bonis adibus W»_
uerfetur. Et voicy ce qu'il dit touchant cefte diuination en l'homme : lltud mecum reputo , poffe ammum huma-
nurn, ey puerilem prafertim fimpltcémque , feu carminum auoeamento , feu odorum delmimento , foporan , ey ad oblimonem
prajentium externan, ey paulifper remota corporis memoria, redigi ac redire ad naturam fitam , qua efi immortalis
falicet ey diuma , atque tta yeluti quodam foporefutura rerum prafagire. Mais fans y appotter tant de.façon,
Ciceron dit indiftinélement que cefte faculté diuinatrice eft en nous, ey prauidet animus hnmanus ipfe per fefe,
fitppe ftjPeorumcognatwneteneatur:mefi,dk-i\,mammisprafagioextrinfecusinieBaatque inclufa dimnitas , à fçauoir
ou parfongcs,ou par le minifterede ces efprits immortels, qui font les Daimons defquels Taireft plein \quU
plenusfitaer immortalium animorum;m 1 . de la Diuination j & voicy comment les Stoïques prouucnt qu'il y a di¬
uination : S il y a des Dicux,difent-ils, & s'ils n'aduertiffent l'homme & ne luy donnent le prelTentimcnt de ce
qui doit aduenir, il faut que ce foit ou parce qu'ils ne l'aiment pas, ou qu'ils ignorent eux-mefmes Taduenir, ou
qu ifs croyent qui n a point d'intereft de le fçauoir,pu que c'eft chofe indigne dc leur majefté de l'en aduertir,
dmSoT qU nC pCUUCnt fairc : or tout cela cft faux & lc ""traire vray : Se confequemment il y a
Les vns aucunefois fie transforment en Jls ont l'orteil de bouc, $ d'vn cheurenl l'an-
rees,
En Dryades de bois, en Nymphes& Nopees,
EnFames, en %yluains, en Satyres& Pans,
reille,
La corne d'vn chamois, & la fiace vermeille
Cqmme m rouge Çroiffant& danfient toute
Q&QM le corpspelu marqueté sommefans: nuit
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Dedans

des Hymnes: ,03$.
Dedans vn carrefour, ou prés d'vne eau qui L'air, ou le vent, ou l'eau, qui toitfi re¬
bruit, prendrait .
Ils craignent tons du feu la lumière très- Que diray-ie plus d'eux ? ils font pleins de
belle :
St pource Pythagore ordonna que fions elle
fiience,
Quant au refie, impudents, & pleins d'ou-
On ne priafl les Dieux : mais plus que les trecuidance,
flambeaux
Ny que les vers charmeT ils craignent les
Sans aucun iugement : ils font follets ,men-
teurs,
couteaux, Volages , inconfians , traifires & decepteurs,
Et tremblent defrayeurfils voyent vne efipee, Mutins, impatiens, qui iamais n apparoiffent
T)e peur de nefientir leur liaifin coupée: A ceux qui leur nature & leurs abus co-
Ce quefiouuentefiois i'ay de nuit efprouuê, gnoiffent.
Et rien déficertain contre-enxie n'ay trouue. Maisfils fientent vn homme abandonné
D'vn poinél nous différons : quand le fier
nousincifie,
d'efpoir
Noftre chair efi long temps auant qu eflre re- Ou tromperont les ciurs des fimplettes Berprifie,
Des Daimons a l'infiant : ainfi que qni fien- t
gères
Qjù gardent les brebis , fy les fieront fordroit
cieres.
R I C H E L E T.
Srrerfiul aux defirts, leviendront deceuoir: f
Les yns aucunefois fe transforment en Fées ] Qui font Daimons féminins , deuorans les hommes qui s'appro¬
chent d'eux: lesltaliens les appellent Fate ;pcut-cQ.tc que ce font celles que lesAnciens appelloient Fatuasey
Faunas,Se encores Lamias. Dryades] Nymphes des bois. En Nymphes] Des eaux, quafi lympha. Napees]Dcs
fontaines félon Seruius,mais félon leur nom, Nymphes des boccagcs& des fleurs. En Faunes, en Syluains] Ce
font Daimons qui habitent les forcfts.de leur nature follaftrcs Se gays,qui courent après les hommes Se femmes
en riant, fans leur faire autre mal, difent Palladius Se Caffian. Q.ui ont le corps pelu ] Et dc là les Pères par ces
mots d'Efaic , Occurrent Damonia,monocentaurm eypilofus , entendent par ce pelu, le Faune , Pan , ou Satyre. Et
âanfent toutenuiB] l'en ay parlé ailleurs,& c'eft leur fabat. llscraignent tousdufeu] Ilsont peur du feu, & plus
delefpce, l'vn les bruflant, & l'autre les blcflantÔc entamant leur corps, ù( g -n^âli^a. o'JWîoSa-, g -meX

\m LE I. LIVRE
s'en «rardent.quoy qnele Daimon ait vn efprit fouple Se fophiftique, «£r *« «»««* H »«'*.* *iïïn&»!nt.
s en garaeru.quuY ^uv» ~ km,,.,,,.,, ^li -r,-r/ r->r res efor ts vagues & impurs n ont autre deflein;
le yiendront deceuoir ] Pour lacheuer de perdre , car ces cipu>- ^ _.A._ , .
:u.iuns ot vuiuuui ; uw» f- i" . .' Y "
ïcAens/puiffedireétement agir contre l'entendement, mais il trouble & corrompt la partie qm en eft capa-
felaqinepeut plus faire'fa fonftioD-&delivicntla fureur de Saul au 1 6. des Roys : ceft ce que m apprend
MonfeigneurL Vair garde des Seaux de France, fage Nefior & &ns «proche , au 2. chap.de fc i Médi¬
ations fur lob; La prouidcncefdk-i\, donna cefte borne a Satan , ey mefme luy défendit de oucher aux fonBions de l ame
de lob, ey d'altérer tes inftrumcns necejfairesaAfage de raifon, de peur quefi elle efioit troublée par les lUufions de ceft enne*
my,t neyouhfi,eyc. Des fimplettes Bergères ] Lcmbu* ey meptis mgenus quafiuofam mendtojs fuis cdigmem imjcien.
J.Valer. Car^ux hommes d'entendement'iamais ces Ululions ne fe prefentent; remarque Plutarquc en la
vie de Dion, ^,1 «/ ,£ fy *&.«**«, f«*«^ «, adiouftant que ces apparitions procèdent de Iafoi-
ble imagination que l'efprit des enfans ou des fimples femmes , ou d hommes malades fe donne , qu il y a des
efprits, femonftrans à eux, «W m-J-e* g?u^> g^9»>« Jf *&««,«*%«**< " ^' y? f. A

des hymnes: i03/
d'oliuieirs appartenant à vn Cheualier Romain fous Néron, fetrouua transporté de l'autre cofté du chemin
public. Prodigium mnoftro auo, dit-il , ij.cap. 16. Neronis prmcipis ruina faBum , m agro Marrucmo , VeBij Marcelli
e priais equefir'ts ordinis , oliueto yniuerfo yiam publicam tranfgreffo , aruîfcpue mde k contrario inlocum oliueti profeBis.
L'autre,ia punition & prohibition delà loy des 1 2. Tables , alto traducere meffes , alicnam fegetem peUicere , excantare:
hac peHtfera fcelerat'aque doBnna , dit Sainél Auguftin , ftuBus alieni m alw terras transfern perhibentur. La foudre
efi arrêtée ] Coniuree Se deftournee, Se les vents auffi appaifez , Se pour ceft effcét magique , Empedocle appelle
ns>\umttjA3>i,Lièu. Tellesfurent iadis] Sorcières, ou réputées telles , parce qu'elles fçauo/'ent & faifoient des
chofes par dclTus le commun des femmes : & Medee mefme s'en plaint dansTEuripide , de ce que quelque peu
de fçauoir luy donnoic de la calomnie & de Tenuie en public.
îSha.-^. Jb« murmure j DVllC
voix fourde& mal diflinéle, dont vfe le forcier, ^Sti&tf^ hôyic

&& LE II. LIVRE
maladies qu'il leurpla/ft.commelesEpilepfies.remarquelefameuxCuinsfurlal Vcmj\uDjereb.credfi,^
, i _ . t r ' k. a,*,AA tenues ey mcomprehenftbiks , mftnuant fe corponbus
7,v,l\camiouZnc^uan;.hiL^(kmccdeonr.err.cap.\^.cumfmtpmmttmiesuini'^ . y j j j r
' .«
homiZm,yoc«^
Font nos lances parler] Toutes fortes de langages, encor que iamais on ne lésait ouy parler. Ainfi celle fem¬
me enceinte & en trauail d'enfant.dans Pfellus.poffedée d'vn Daimon, parle le langage Arménien , ^T Aff«-
.5^*. . combien que iamais elle n'euft efté en Arménie; & adioufte ceft Autheur, que les Daimons n ont
point de langue particuliere.mais ils parlent la langue du pays où ils fe trouuent : car entre- eux ils n en ont que
faire, parce qu'ils s'entreparlent & communiquent fans parole,*»"*/ 9*m >*«! «; LestanceaunomdHTresfuiJ,
fint] ha féal nom dc Dieu cUefus-Chrift qui leur eft effroyable, «eW « ^ "V" «r.^6, dit llellus: Cara
cefte prononciation, d'audacieux Se prefomptueux qu'ils eftoicnt.ils deuiennent timides, ayans peur d cltre re¬
léguez dans le fonds des abyfmes par les Anges fainéls qui en ont la charge Se le pouuoir. Arnob. lui. i. dit aufh
que ce puiffant Nom les chaffe ; huius nomen audttumfugat noxtos fpmtus, impomt filentiumyatibusMuJpices mconjultos
reddition honore nomini^commc difoient les Payens, fed maioris licentia poteftam. Et de fait que Tertullian remar¬
que au liure du tefraoignage de i'ame.que les Chreftiens fculs chaflbient les Diables,/»^ corponbus damomaextgimus.
Jls yont hurlait,enant ] A caufe du feu de la prière & de Texorcifme qui les brufle, dum incmdmorationi*
de corponbus exiguntur, dit Minutius Félix. Et ainfi dans Greg. de Nazian.poem.t5i.le Daimon exorcize.cft criant,
fiemiffant, Se bruyant fous le grand nom de Dieu,
«Tf vt,av , d^Aholat n , (beat/ oSsVof v-fifxtJbvitiç . t f
Se dit plus,qu'en marquant feulement l'air du grand figne de la Croix, ça^potT iM)«Mojfr*wie&t ils ruyent Se trem*
blent.Et vous voyez dans le 8. de S.Luc.comme ils crient à noftre Ségncar,clamdnt,eyf*.pè clamant, dit S.Hilaire
au 6- de la Trinité, Quid mihi ey tibi efi/efufili Dei dtifiimi ? cùm Dei yirtuteymcuntur, yt pofieffa dm corpora déférant.
Etforce\font contraints] Plufieurs tefmoignages des Peres;mais celuy-cyde S. Cyprian; .Adiuratt per Deum
yerum, nobts ftatim cedunt, eyfe damonesfatentur, ey de obfefiis corponbus exire coguntur. Videos, dit-il, illos noftrayoce ey
oratione occultefiagellis cadi, igné torqueri, meremento pina propagantts extendi, eitdare,gemere , deprecan \\nde yentant , ey
qtundo difeedant, ipfis etiam qui fe colunt audientibns confiten ; y yel exdiuntfiatim ydeuanefeunt gradatim,prout fidespd-
tientis adtuuat,aut gratta curantts afpirat. Et S.Cyrille en la Préface de fes Catechefes,dit que les Exorciftes , Exorcifiaper
SpintumfanBum,tncutiunt timorem,y m corpore tamquam in fornace, animam accendunt-.fugit tune intmicus damen,
eyc. D'abandonnetla place] Laquelle n'eftoit iamais és Temples ny és maifons particulières : car dans ces deux
lieux iamais les exorcifmes ne fe faifoient .- dans l'vn pour la reuerence du lieu,& dans l'autre pour la crainte. Et
notez auffi quela prière des exorcifmes ne finiffoit iamais par ces mots,P

1 &
ARMONS El GN E VR
MONSEIGNEVR MESSIRE
N ICOL AJ_D E V E R D V N, C H E V A L I E R,
PcTFs~ëTl l e r ~~ p v Roy Tn s es~Conseils
d'Eftat &C Priué, Premier Prefident en fa
Cour de Parlement.
ONS1 E IGNEVR,
^Apres auoir eu ïhonneur de vousprefinter"unefois l'Hymne
de l'Eternité , Eternité que 'vous méritez* (au moinsfi la viue
vertu, les bonnes mturs, le bien public que vous procurez,,fi
Li chaifine dufçauoir vniuerfel que vous eftraigneZj, doiuent méritera ïaduenir
quelque honneur qui nefoit pas mortel) il mefiemble queie nepuis main"
tenant vous offrir rien plus apropos que celuy du Ciel. Car déjà les deux ne
font pas beaucoup efloigne^J'vn de l'autre , ils habitent quafi dans vn mefme
lieu, ils fiont aufisi d'vn mefme auteur, gtiadioufieray que lefujeB du Ciel,
n'eft guère moins releué que celuy deï Eternité. En efifieB c efi vn grand ceuure,
admirable, & d'vn grand ouurier,fioit que vous confideriez, la merueilîe
defa création ,foit l'ordre & diffofition defon aconomie ,foit la règle infail¬
lible defes mouuemens circulaires & perpétuels, foit les effecls de fes influen¬
ces & dècoulemensfur la 'Terre , foitfinalement , pour reuenir a mon fujet,
que vous regardie^lefçauant efprit du grand Ronsard, noflre Archi-
mede, qui a peufi bien ï entendre, & enfi peu d'effacé n'oublier quafi rien de
ce grand ouurage, le mefuis donc mis ces vacations , par vhe efiude de relafche,
çef de plaifir non inutile,àramafifer ce que i'auois de Commentaire effarsfur
ce fujet,fait a ma mode, fiuçcinclement , & par les textes des auteurs Grecs®
Latins, parceque cefont certainement les meilleurs, & plus affeurez^garands
de ce qui fe dit. l 'ay fait comme dit Seneqtie , fubduxi me intérim cuftodia,,
ôt vinculis fori,vtC 8c philofophia reficerer: i'ay vfé du droitfdes
vacations : car pourquoy font-elles faites,fi ce n'efi pourfecouer les fiers de la
clientèle, & pendant ce temps, ceffiant de faire ce qui fe fait toute l'année,
efcrire des ^Académiques, des Tufculanes, des Hures de l'Vniuers , $0 par ce diuertiffement
, tanquam ex alicuius rei malignioris inteniione, quas ocu-
los defatigat,in publicum libéra luce prodire? Or defi peu que toyfiait,
Monseignevr,^ vous prie, en vous le prefentant me pardonner,fi i'ofiè
SfsrfiT>ij
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Yh.
î038 LE L LIVRE
^vous importuner encore cefie fois : le protefie,que cefi vofire counoifie, vofire
bonté, & vofire humanité, qui mefont ainfi hardyi&aufii que iefuis bien
aifie de vous rendre compte, comme iedois, de ce que mafaitfaire le loifIr de
cefie vacation. Vousy verrez, vn efiude afifezJ curieux ,®conuenable a labonnaffie
des Alcyons duPalais,&de laceffiation des affaires \brefvn grandAu¬
teur interprété, quitraite exactement du Monde & de la Nature, comme au¬
trefois afait 6mpedocle,@les autres premiers Philofophes qui eftoient Poètes,
& defquels ie puis dire, que Tlaton ® Ariftote nefont la plus part du temps
que les interprètes. Quefi ceux-là Grecs, lefont de leurs auteurs Grecs, pour¬
quoy nom François ,nele fierons^nous de nos François? Etqu'y a-il parmy les
Grecs quipuiffe égaler cefi Hymne, en ce qui eftdu Ciel p$ du Monde, que nous
pouuons appeller, commefait l'homme Philon luif, fiçy-x10" où&w? Sipeu donc
qu'ily a de mon eftude çtf obfieruation,M o n s e i g n e v r, ie vous le prefente,
comme à mon Cenfeur&t mon Ephoreitrop heureux s'ilaiefupport de vofire
iugement, ç$ de vofire doétrinevniuerfelle, que ie reuere auec admiration , en
tout ce que vous faites de public, qui vous eft obligé, & moy en particulier, qui
fieray toute ma vie,
îMONSEIGNEVl^,
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Voftre trefihumble & tres-
obeyfifiant feruiteur,
R i c H e L e T.

HYMNE VIII.
D V C I E L.
DES h y
A IE'AN DE MOREL,
Ambrvnois,Gentilhom-
me de la Maifon de la
Royne Mere.
Commencé par N. R i c h e l e t Parifien.
OREL,^«i le Cielde luy- mefi¬
niefie donne
Sans qu'vn antre tel'offre3oy ma
Lyre qui fonne
le nefçay quoy de grand, ioyau digne de toyy
'Voire d'vn cabinet pour l'ornement d'vn
Roy.
Tous les autres ioyauxt tant foient richespe-
riffentj
Mais les miensJtantfioient vieux, toufioursfi
rajeuniffent :
La, rouille ne le temps ne Us enlaidit point:
M N E S. îo3£
Tu les as mérite^ comme celuy qui joint
La candeur aux mefiiers des Mufes bien pei¬
gnées ,
Que tu as des enfance au bal accompagnées.
O Ciel rond & voûté, haute maifion de
Dieu,
Qui presles en ton fein à toutes chofes lieu,
St qui roulesfi tofi ta grand' boule efiranlee
Sur deux aiffieuxfiche^ que la vifteffe ailée
Des aigles& des vents par l'air ne fçauroient
pas
En voulant égaler le nombre de tes pas :
Tantfeulement l'efprit de prompte hardieffè,
Comme venant de toy , égale ta vifleffe.
O Ciel vifle coureur , tu parfais ton grand
tour
D'vn pied iamais recreu , en l'efface d'vn
iour !
Ainço'u d'vn pied defier qui fans ceffe retour-^
ne
Au lieu duquel il part , & iamais ne fejour-
ne ,
Trainant tout auec foy,pour nefiouffrir mouf^
rir
R I C H E L E T.
L'Vniuers enpareffe àfaute de courir.
Morel, aqui le ciel] Il ne fe peut rien dire duCielou du Monde, qui ne foit dans ceftHymnepar abrégé:
de fa figure, de fon affiettc,de fon mouuement, de fon ame intérieure & infufe , de fes diuerfesfpheres.de fon
harmonie, de fa matière ou fubftance, de fon ordre, de fon autheur, de fon vnité, de fes influxions fur la terre
& fur la nature ; brefceft Hymne eft comme vn fommairc du Timce de Platon, Se des quatre liures du Ciel de
l'Anftote, Se de tout ce que les autres Philofophes en ont eferit, auec vn fi grand racourcifferhent , qu'il y a de¬
quoy s'eftonnerencegrand fubieét,deTefprit,duftyle& du iugement de noftre Autheur. Or ilfautnoter,
en gênerai , que le Ciel en ceft Hymne fignifie le Monde Se la fphere entière dcl'Vniuers.comme dit S. Augu¬
ftin au8.de fa Citétch.if.i. fuodfepè Cmli ey terr nomme nuncupatur, &TAriftoteau i.du Ciel chap. 9. 7» $ oMt g 7»
ro" eia'datSp \lyty v&tiôt- Ainfi Pline au commencement dc fon hiAoite,Mundum (y hoc quod nomme a\io C ap~
pellare libuit; comme encoc le Platon auTimee vfe indifféremment de ce mot,o 'JTmîve&vèt » mc/ms , que TAriftote
appelle auIiurediiMonde,ch.2.ro'.j*i^ i&tni, r>;, quiefteneffeéllefujeéldeceftHymne. Pour l'ornement
d'yn J{oy ] Et c'eft pourquoy peut-eftre l'Ariftote a dédié fbn liure du Monde à Alexandre, iyi/metf à.w ch.r.
La candeur] La puteté des moeurs, Dei Mufes bien peignées] Mi^nâ» êjTfrowlfw» , qui ne font point confufes,
pource que les feien ces font toutes filles de Tordre & du iugement. ^Cubal] Mais pourquoy ce bal, commu¬
nément attribué aux Mufes 2 eft-ce point à caufe de l'harmonie que les Mufes, c'eft à dire, les feiences, ont entre
elles; de fortc.ee dit Proclus,qu'elles n'ont aucune contrariété ; cela procedant,dii-il,de ce que toutes les feien¬
ces, eftans formées de l'vnité d'vne feience fuperieure, tendent toutes d'vn confentement , Se comme parcadence
à l'vnion de ce principe. 0 Cielrond ] », Suidas. Formant eim m fieciem orbk abfolutiglobatam,
confenfus mortalium orbem appellantium,fed zy argumenta rerum docent, Plm. x.cap. 2.Il eft vray que quelques- vns
l'ontfait pointu & pyramidal, »»««/?, les autres oblong commevn uf, &>o« » xai
'ifyviM n'hïov. Et neantmoins ce n'eft pas.ee dit Alcuin au 2.de laTrinité ch. c. que le Ciel foit la maifon de Dieu
localcment,namff>atio locorumncncontineturDeitf,JVoncapiturc Et défait, dit-il, pour monftrer que le
Ciel matériel Se corporel n'eft point habitation de Dieu.quand PEfcriture dit qu'il habite au Ciel;/» Cqlit,idefi m
Jrf»

#
^4° LE I. LIVRE
W] Contenais tout./^^
fanB,,Sc les autres confidents qu'apporte ceft Autheur en ce chapitre, ^^Z^'^^Z
nv matière, omm natura cohérente, ce dit Ciceron aui.de fes Académique1.,^ j r >
nym^ucii, -.-//' / /î ,/n RaDidement,»ww»" celeritate, Pline hure
extra mem nulla pars materufit,
-.-//' / /î
nullumque corpus. Et qui roules fi
,/n RaDidement,»ww»" celeritate,
tofi J j*apiacicm,
Pline hure
extra mem nulla pars materufit, nullumque corpus. Et qui roules fi tofi J j*apiacicm, » .=
_.cb».* «JmmAJU Luerfimelutimî Senequl au 7. des Qliefttons Naturelles chap. 9. surdeux af
fiuxUl] Sur les jeux Poles'du Monde, deux poinéls fixes, fur lefquels fe fa.él le mouuement du premier
moUc-fint etiam axes Zoduci, fur lefquels fe faiét le cours naturel dechaque Planète. Et eft a remarquer que
parl'eftenduédecesdeu* aiffieux fixes, ou Pôles du Monde femefute la longueur du Ciel, M^o^»fW,
ï; tf rri *?*.>, l,»*, Ariftot. au z. du Ciel chap. i. & font appeliez hxes , parce qu ils font immobiles , At T.
^,^,ceditlen?efme. iluela yfiejfe aifil] Parcequ'în'y arien fi viftc,& à pçine que noftre imagina¬
tion L'égale, ^ .'&,W, Ariftote au Iiu.du Monde ch. ,. d'où mefme Seneque appelle la v.ftefle de fon cours
properanw crlifugam, fuitte telle, que feulement le Soleil en vne heure fait j44. mille lieues. Tantjeukment
l'eLt] L'ame, fhomme intérieur, comme venant du Ciel, imite fa promptitude. Elégamment S. Hilaire Pf.
ni reprefente cefte agilité de noftre efpnt. M imagmem Dei homo mterior effeÛm, moM», mouens,citm, mcorperew,
fubtilf,*ternus, quantum mfe efi , fieciem natur* principal* imitatur, dum tranfcumt,dumciwmuolat,& Mio afin
\ltra oceanum efi;nunc m C nunc m abyfiu efi,mnc Onentem Occidentémpte perlufirat;NaturamDei mobilité
amma-perenm imitatur. Ce qui femble eftre tiré du Pimandre, oùTrifmegifte dit, *mm*tu*pr*apiu>grau«s quam
pr*cipies euolabit ; tubeto yt tranfeat Oceanum,& iUapriufquamiu]feru,ibi ent. Aufïi Homete pour monftrer vne chofe
prompte dit, un hÔà/ml. Et Platon en fon Phsedrus appelle nofti'e efprit, vne aille, dtpit *&my>P&< , Plutarq. &%.
m ,oï , ce dit Thaïes dans Laertius, A »riç # içitf, à caufe de la promptitude de fon mouuement. Tongrand
tour ] Grand en effet,^/ m»^ ce dit Ariftot.au 5. du Monde ; fi grand, qu'il eft quafi comme infini: Car
fi le quatriefme des Elemens, qui eft le feu, eft dix fois plus grand en fa circonférence , que tout le circuit de la
terre,quel doit eftre le tour proportionnément,non feulement du dernier Ciel.du Ciel empyree . nuis du Ciel
de TEternité,qui eft le Ciel du Ciel > Certes il faut dire qu'il eft tres-grand,& auffi Pline dit que c'eft temerité de
le penfer mefurer,/»>w efl menfnram eiw animo quofdam agitafe atqueprodere aufos,\ia.i.C.i, D'yn piediamai* rccreul
Jrrequieto ambitu,!^. horarum fiatio, Pline 2.CI1.3. Qjui fans ceffe retourne] Qui femper inmotuefi,cy fiarenefeit ,a
caufe de l'ame du Monde qui Tagite,qui eft toufiours viuante,& à caufe de fa vie,toufiours en mouuement : ce
dit Macrobe.Neantmoins quelques-vns, mefmes de nos modernes.ont tenu que le mouuement du Ciel fe doit
repofer, après qu'il fera paruenu à certain poinét.qui le doit arrefter. Viués fur le 21.de la Cité ch.7. Or ce mou¬
uement perpetuel,qui fans cefie retourne.àWs-a uwi , procede,ce dit TAnftote,dc ce que le corps fpherique Se
circulaire n'a qu'vn mefme lieu où il commence & finit, rê mhm &donne mouuementt Gifl la perfeflion qui toute en foy abonde.
R I C H E L E T.
L'Efirit de l'Eternel } Eufmfer omnes rerum natur* partesfiiritus, Qujntilian.ou comme dit Macrob. mens animand*
mmenfitau ymuerfitaw fe infrndens, félon la feience & fubtile introduûion qu'en a fait Platon, qui dit que l'efprit
procédant de Dieu^acreé l'ame du Ciel, ciimglobusipfe,qnodclumef, ce dit le mefme Macrob. 6. amm( iy^mtfif «yi^ r"»S> , è
TTkV'a .°" ? ~ ?hlIo,nIuif ' 3PPdle teft Efprit, conformément à l'induclion de Platon , la caufe aéliuc
du Monde , . r .*«,,,,, j^,^ «,', : & l'Ariftote au liure du Monde chap. 4. interprète ceft efpnt , vne vertu
jcmtale&animee, mfufe par tout, ^IÏB|1 dit-il, à«^c --.^..'.^ ^J^, l Ai W^^L,^^
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DESHYMÎMES. ïHi
« è yn.cuiç »«*. Et femble quejertullian contre Hermogenes Ta ainfi entendu chapitre jl. difahtj que ceft
efprit , eft vn efprit dévie créé pour animer toutes chofes, fiiritum conditum ofiendens, qui m terras condita* de.
vutabztur, qui fuper aqua* ferebatur , librator , ey adfiater, ey ammator ymuerfitatu,nonyt quidamputant ipfum Deum
figmficari fimtum , quia Deus fiintus : neque enim aqux Dominum fttfimere fufficerent; combien que plufieurs des
Pcres ont cfcrit que c'eftoit le Saind Efprit , encor qu'Origene ait dit qu'en ceft endroit deTEfcriture, le Sainél
Efprit ne s'entendoitquepar allégorie, comme a remarqué Pamelius : Mais Sainél Cyprian , élégamment au
Sermon du Sainél Efprit, qui luy eft attribué, parlant de Tintroduélionde ceft Efprit de l'Vniuers, dit que
cela a procédé, dece que quelques Philofophes anciens, ayant par la communication auec les Hébreux leu
tria natura , ab inquifitonbus Mundi , antiqitis philofophu , propriè muefiigari non poffet , fubtilifiimu tamen tntuitifunt
oniecluns , compofitionem Mundi ; compofitifque ey difimBis elementorum affefribut prfentem omnibus animam affuiffet
p* fecundum genus ey, ordmemfingulorum yitam pmberet ey motum : hanc yitam, hune motum , hanc nrumeffen*
fiam, animam Mundi philofopht yocauerunt , putantes clefiia corpora, Solem dico ey Lunam , eyfiellat ipfûmquefirma*
mentnm , huius anima yirtute moueri , ey régi , £r aquat , ey terram ey aè'rem huius femine impragnari. Qjit adtiance
ta courfe] Qui te donne mouuement , infufa per artus Mens agitât molem. L'Abbé Trithemius au traiélé
qu'il a fait des fept intelligences, attribue ce mouuement àl'Efprit de Dieu, c'eft à dire, à vn Ange de Dieu,
ou intelligence commife à mouuoir le Ciel fuperieur: tout ainfi qu'à chaque Ciel ou planète inférieure, il y
a. dit-il, vn Efprit commis qui gouuerne le Monde alternatiuemenr, chacun 554. ans 4. mois , auquel après
ce temps fini, vn autre efprit de planète fuccede qui gouuerne autant , chacun auec fes influences Se varictez
diuerfes qui fe voyent au Monde. Efiandu dedans toy ] Iufques dans la moindre parcelle dc chaqucEIe-
^ent: d'oùSeruiusa dit hure £. qubdnulla pars elementi fine Deoeïl ,&THeraclite ,# ra'w $ ipyt-mi mç vaîai , fnihiant,
peut-eftte,ce qu'ils ctoyoient que cefte ame de l'Vniuers , eftoit Dieu-mefmc , ainfi que remarque Clé¬
ment Alexandrin au Protreptic,qu'Ariftoteapenfé, que cefte ame du Monde eftoit Dieu, w «V» "*« 4"^*'
Sii» \jzsT>x*/*Za»m , combien que le mefme ailleurs euft dit, que tout ce qui eft depuis icy bas iufqu'àla Lune,
n'eft pas luy ny fon efprit, mais fa fimple prouidence , f-i^-m; c-tKkv' s ihù ts&mca, Sec. De tous cofe"^ t'anime ]
Parce qu'il colloqua Tame du Monde en fon milieu, ceditPlaton, 4"^" 3 «f mp*m»

îo4i Lt î. LIVRE
cident j différent en cela de toutes 1
motu ad Onentem ab Occidente yoluuntur ,
7 , ,AY v-ojs- r «A . » >< ~ r-'. vTi ^ç-m^w- çew*-- w/kao--. Mais comment eft-
ce que cela fe peut cognoiftreîll fe cognoift entre aïtres chofes,par le mouuement des douze lignes du Zodiaquelqui
font Eftoiilcs fixes dans le Ciel, Se qui font emportées de fon mouuement, & réglées comme luy , defquels
figues le premier eft le Mouton.Ie *. le Taureau, le j.les lumeaux, &ainfi des autres, iufqu a douze qm
s'entrefuiuent,& qui vont contre le Ciel d'Orient cnOccident ; Au contraire des planètes qui font Efto.lles
vagues Serrantes Car le Soleil ne va pasde Gemini en Taurus.nydcTaurus enAr.es, nyfelon leur cours,
mais il va comme il fe voit du Mouton au Taureau , Se ainfi des autres , Se confequemment d vn cours con.
traire au leur, Se au Ciel, non cum Cflo,fed contra ctlum,Mactobc. Tu tires au rebours] mtt(tfwlw fopLo, ce dit
Lucian.-;,Wt n è j^.(«.'mi ««'if**»^ J^^uW Et neantmoins ne laiflent pas les fphercs in- (
ferieurcs, d'aller toufiours & parfaire leur cours naturel, errantiumfiderum meatm, ce dit 1 une , contranum
Mundoarerecurfum, idefiUuum, illofemper in dexteram prsapiti ; um duktsfonu*? Or cefte prétendue harmonie procède du mouucmenmegVdes orL
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DES HYMNES, t,4j
celeftes , conioinds par vniflbn au premier Ciel, qui interuallis impanbus acuta cum grauibus tempérant , yarios.
t-quabiliter concentus efficit. Touresfois il eft certain que cefte harmonie matérielle Se fenfible , eft imaginai¬
re, Se opinion de Pythagore, dont fe moque Ariftote au 2. du Ciel chapitre j-.&la raifon de Pythagore
eft qu'icy bas le moindre mouuement d'vn corps fait du bruit, d'où îlconclqd, cùay^ov tt) mMiuvmr iç. çm^t, ô%vtîpai( -5 Campais. Ce qui neantmoins fc peut auffi bien adapter
aux diuers mouuemens des Cieux, Se contrarierez élémentaires, qui s'accordent enfemble §c font vne har¬
monie.
D'vn feu vif & diuin ta voûte eft corn-
pofiee,
Non feu matériel , dont la flame expofee
Cà bas en nos fiouyers ,mangeroit affame
De toutes les forefls le branchage rame :
Et pource tous les iours ilfaut quonle nourriffe
Le repaiffant de bois,fion ne veut qu'ilpe-
riffe.
Mais celuy qui. là haut en vigueur entre¬
tient
RICHELET.
Toy & tes yeux d'Argus, de luy fieulfe
fiouflient
Sans mendier fiecours : carfia viue eflincelle
Sans aucun alimentfi nourrit de par elle :
D'elle-mefme elle luit comme fiait le Soleil,
Tempérant l'Vniuers d'vn feu doux & pa^
reil
%*A celuy mi habite en l'efiomac de l'hom¬
me,
Qui tout le corps efihaufie (3?point ne le con-^
fomme.
D'yn feuyif

pellee reu, ignem meremcem miipimm , «vmu, «»,««. ny- unmn y , & -c
nourriture, Pline liure 36. chap. i7,lmmenfa eyimproba, rerum natureportio, dit-il, parlant du feu, eymquadu-
biumfit,pluraabfumat an panât. ' " "-"- *

des hymnes; iô4j
EtfukiTartisan ] Admirable ouuricr certes, en l'excellente & fubtile difpofition de toutes les parties'
de ce Monde; totum enim hoc Mundi corpus, cedit Tertullian enl'onziefme chapitre de l'Apologctic,y?w z».
natum ey mfeHum fecundum Pythagoram , fiuè natum ey faBum , fecundum Platonem , femel ytique m hac conftruBio*
ne difiofitum ey mfiruBum ey ordmatum , cum omni rationisgubernaculo inuentum efi. Qui te bafitt de rien ] Ou
comme dit duBartas, dansl'mfini d'yn nenj'ans matière précédente, contre l'opinion de quelques Philofophes
qui ont pofé la matière pour principe à toutes chofes, fans commencement Se égale en puiffance à Dieu,ù\Uu
'"'W'è "*k° p'iÇaj,*, pi(cu JW^e.è /'SJWûtjit/af.difans que la matière eftoit la racine de tout,& la racine eftre efgallé
en puiflance & vertu à la puiffance de Dieu;Macar.Homel.i

LE I. LIVRE
TQ4-6
çe%>cmcditSaindHilaircP^^^
modo; ou comme dit le mefme au i. de la Trinité, mtra ey extra, ^fupereminenseymtern^Me^circumfufus
Zymfufus. Et Saind Auguftin au 7. de la Cité chap. 30. Car il ne faut pas croire que Dieu fou enfetmela haut,
comme dans vn lieu certain qui le retient, eftant incirconfcript, non compris & infini, «^«foc ârè «»-
Ufl« , ce dit Macarius Homel. 16. U eft par tout , dit le mefme.^&W Vk^n^t, *, « "«f? f *J? ««?»
&c. Et toutefois non pat forme de paffage dc lieu à autre , comme les Anges , » xj' ^m C_«r, .f és*»» « «rfim,
-w'^/ US *»-» '& *1 yùZ. Il efl comme dit Ifaiechap. 66. Clum mihi thronm efi ad.ouftant neantmoîns
pour monftrer que ce^ui eft créé eftant fini, ne peut eftre maifon nyheu dc-1 infini, Quam domumadi.
fuabitu Lhi, aut quis locus reqmetionit mea ? Le fiont ] La face. Vn ^ dam fon Palais] Par àconomie
& pour l'administration , comme difoit mefme Pythagore , qu'il ne falloir pas croire que Dieu fuft hors du
Monde, At-V «£&»0t,'««t;, cedit Clément Alexand.au Protreptic. «W* «t* qaoc,« dm. V «"«? rt
ml.tu.-M-t. L'Ariftotcauliuredu Monde chap. tf. dit de mefme que noftre Autheur, finon que fa compa-
raifon eft plus ample , car , dit-il, ce que le patron eft dans le nauire, le cocher dans fon char, le maiftre en vn
chpur de Mufique, & le Capitaine dans vne armée .Dieu Tell au Monde, ô' à m wq>w»ç , « V**& ô nm^c,
Platonique, & impropre à Tefgard de Dieu-, car la prefenec aduelle du Roy eft neceflaire a fon Eltat, de peur
nifv&GÙi&n Situe. Et comme dit Grégoire de Nazian.au 2. de fa Théologie, ilne faut pas s'imaginer que ce
grand Monde foit fans Roy & fans Gouuerneur , aiiiyifm&nit 71 £ àwCîpiirnv h).
Si celuy qui comprend doit emporter le
prix
Et enfion ordre à part limites vn chacun:
Toy, qui n'as ton pareil,fy ne fiembles qu'a
Et l'honneurfiur celuy qui plus bas efl compris, vn ,
Tu dois auoir l'honneurfur cefle maffe toute, Quà toy, qui es ton moule, ($f lafeule modeUe
Qui tout feul la comprens deffous ta large De toy-mefme tout rond, comme chofe eter^
voûte, nelle.
R I C H E L E T.
si celuy qui comprend] îl n'y a point de doubte qu'il eft fuperieur,& plus grand,que celuy qui eft compris,»
«fete^o'fiVo» t*a*3»» '£h « 'sfett^i'îfjPlutarq.auxQueft. Platoniq. »/£*// emm non maïus efi, td quod capit, eoquod capitur4
Tertullian contre Marcion i. chap. 15. Et cefte maxime qui eft naturelle & rapportée encor par Grégoire de
Nazianze au 2. de fa Théologie, luy fait former cefte queftion, à caufe de cela , de fçauoir fi Dieu eft dans le
Monde, ou hors le Monde. Et dit , qu'il femble que Dieu ne foit pas dans le Monde. Car s'il y eftoit, ou en
vne partie, ou parmy le tout , il feroit moindre que fon ouurage, Se circonferit de l'enclos du Cieli ce qui
eft abfurd. Siaufli ilefthors Se outreleMonde, comment cela fe peut-il faire, n'y ayant tien entre deux
qui puiffe feparerDieu duMonde;Et fileMondc cftlelicudeTout, oùpourra eftre la chofe qui n'eft point
du Tout; Certes ces queftionsfont difficiles, & procèdent de la foibleflê dc noftre efprit, qui ne peut iamais
atteindre à cognoiftre & conceuoir que c'eft que Dieu -.Nous ne le voyons que par le dos, & du pied delà
montagn£,& par Tsuure de fes doigts.qui monftre qu'ileft incogitable & incomprehenfible : Se icy, mon ame,
abbaiffe ta penfee en fimplicitéfans vouloir trop cercher ce que tu ne pourras iamais trouuer. Sur cefie maffè]
Sur tout ce qui eft du refte del' Vniuers enclos dedans toy.Car comme dit PhilonIuif.au liure -5fe**'

DES HYMNES. 1047
(dcpmsdeTti(mcgi&c,increatoreerantomnia,antequamcreaff

104* ^ ^ Lm L
feroit capable de l'infini : ce qui 1
LIVRE
-de la Nature. Namfihacmfimtas ^ ,», «u» ~ -
^w^fm/wo^. D'ailleurs, fi le Monde eft vn animal,»» ^ ncccfl-airement qu'il comprenne
uers, fuafiparucuU quadam e$,fme infmgnlis,fime m diuerfogemre cernai , ^ imparfait. tfo» contratnB] Par
tout, ou qu'il ne foit pas Tanimakomprenant touslcsa,HaUriï&deIaNature. Infini 1 Pcut-eftre quanti
ce qu'il n'y arien dcfor« ny de violent en tout ce qui eft du^«« ns comment cela fc peut-il accorder, qu'il
fon ame, que Platon mPhilebo appelle infinité,*^- Mais ncaltn , &qu'ii n'y arien de créé hors dc
foit infini ,& fait d'vn efpace nni; eft- ce point a caufe W^'Xftcreé ilnefe peut dire qu'il ne foit
luy, Se en cela il a quelque apparence d'inimité î Et toutefois en ce qu ne , r 1
fini. Ainfi S. Hilaire contre l'Empereur Conftantius, P^J^^^ ijciel comprend toW. il
tntra eum omma. Et c'eft pour cela , qu'à 1 cfgard des autres chofes créées leiq ^ ^ ^ ^
J ^ ^ ^
femblequ'ilfoitinfini;&parcequeriendccreéne k^^P'^i'TH^i^a femble eftre fini. Adiouftez
^ui n'appartient qu'à Dieu, qui nonconunetur m loco ,^ce dit le^^2,mdc^pMaiiuinfinitum:8c toiiicoz^
Iffi quïle Monde clkntcorDS,^
phyfique a fa nature limitée foit par la forme, foit par ^ZZlmP^ neantmoiS. .1 a comme ine marïcummotus.
Or tout ce qui fe meut do.tauoir vn heu'/oftt2Sen S'-mcfme.Et c'eft pourquoy noftre Poëte
que d'infinité en ce qu'il occupe tout Se que fon T^"'^ donne Tvn & Tautre. Fait
recoenoiflant en luy des marques de l'infini,* du fini, félon les P11'1"^^";"1"^... pViuers Se le Monde
°r -. r. .A/i 1» j;n.;^M-;^ ^^nirtrr^np. nui mettoit différence entrei vniueis oc icmonae,
d yn fini t
faifant T\
Stoïques,
Mais pour
vuide, ainfi qu'ils dilent, n'eft qiiel^;7;:"- p1)" ;"," ^a chap; . par fbn mouuement circulaire, d'au-
le Monde eft fini, ce qui fe void, ce dit Ariftote, i.iiurcûuciei, cuup. ). ^ »
tant q^l n'y a point de corps fe mouuant en rond qui foit infini , M*» »W^J*' Et OUtre^ d cft
Impoqffible, qu'aucuncorps L la nature foit infini,^l^.,,le mefme chap.6. Adiouftcz que tout corps
3b k efl fini. & le Ciel eft corps fenfible, «tffcJ,^ , comme auffi tout corps qui eft en heu , chap 7.
r « « i/« *>MT< ] Toutes les formes créées , d'où Suidas 1 appe le «toW. «f -A*. JJ« «(«/«- A-
Ami Toutesfois Trifmegifte en l'Afclepius , met le Monde intelligible hors le Monde fenfible, &ditquecc
Monde intelligible eft remply de chofes femblables à fes intelligences diurnes ; tout ainfi que le Monde fenfible
eft plein de corps & animaux proportionnez à fa nature. Sicutiemm quod dicitur extra mundum {fitameneft iritumteriorefufpend*t? Mais en fin il eft certain qu'il n'y a rien dehors, que Dieu, quiextima
Mundi comfkBitur , comme dit Trifmegifte au Pimandrc n. Se qui a fait le Monde, félon Pkton,»oA

DES HYMNES. i049
ftu e. des Stromarcs,que Moyfe ne fit baftir qu'vn Temple à Dieu^.Jrtyu*^.,* 9*?,^,.^^^ ttfa
KasTHyy
tron, ;'
a';n/potf
la Terre couronnant ] Pourquoy commence-il par la Terre,qui eft la dernière Se la plus eflongnée de la circonfé¬
rence du premier Ciel 5 efl-ce point pour remarquer.cc que dit le mefme Platon au Timee , qu'en Tordre de la
deux principes,^» -nvpk g yvc-n

zoro LE L LIVRE
. -. i i »» j n. ' -i animal viuant & raifonnable, puis qu'il fait &pro-
mees,monftrent que le Ciel ou le Monde eft «nue, qu il eft «»» dc$ Dieux> ^y «J-, ^ AmmhqJdque
duit des animaux viuans & ra.fonnables.dit Cccron.au 2. de a^f^é^urmundmcompofquerationu.C'^
Vatioms efi exper^d generare exfejotefiammantem comotemque r^M* "^ >J

des hymnes: ÎOjï

ïop LE I. LIVRE
tien de fenfible qui ne foit crée', Ç^sm ^,'^'ê fatè i9J» au Timee. Ummùn ] D'aimant ; & pourquoy
'cela ;eft-ce point qu'il vueille dire, que le Ciel a k nature* propriété de 1 aimant, qui atnre* retient a foy,
toute la chaifne naturelle de la création , laquelle pend comme de luy.en toute cefte longue rangée dc fpheres
& natures fubordinecs qui dépendent dc hy.^Vju^^y vsra>« ***» «&««*«»* comme parle 1 hilon luif,

»» Nefirtderienàlafin
DES
» Auplusfin,
» Quandilfeprend à fon maiflre.
Dufortpere vient l'enfant
Trionfant :
Le cheualenfuitfia race:
Le chien qui de bonfang part,
Vagaiïïard
Dtluy-mefmesàla chaffe.
AinfiPyrrhe Achillien
T)u Troyen
Coupa laguerre ancienne ,
Ruant en l'âge où tu -es
Lesfeux Grecs
Dedans la ville Troyenne.
Ainfi Prince valeureux,
Et heureux,
Tu metsfin à noflreguerre,
Qui depuis huit anspaffel^,
Opprejpz
HYMNES.
Nous tenoit les coeurs enferre.
Ce que les vieux riauoientfieu ,
Tu l'aspeu
Paracheueren vne heure:
Aufii, Prince de bon-heur,
Tout l'honneur
Sans compagnon t'en demeure.
A Dieugrâces nous rendons,
Etfendons
L'airfous l'hymne de Viéloire,
bouffant gaillards & ioyeux
jufquaux Qieux,
Ton nom, tesfaits, & tagloire.
Stfioit aupremier réueil
Du Soleil,,
Soit qu'en la merilsabaiffe,
Toufiours nous chantons Henry
Fauori
De Mars &dela ieuneffe.
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ioj3

«~*~ -f *#*-
WJ4
MONSIEVR MAILLET,
ADVOCAT EN PARLEMENT.
ONSIEVR,
Le longtempsquily a que nousfemmes amis,par vnconfien-
tement d'ajfeàions,® de vo/ontez,qui nom ont 'unis iufques icy,
ma quafi perfuadé de croire, que c efiïeffeffde quelquefynaftrie
ou conflellationfiauorable entre nous deux, qui retient fâgouuerne nos efprits.
Ce m eft beaucoup de bien ffl de contentement que celafioit ainfi: dfautant que
mon Saturnen en vaut que mimx,tempéréde ï heureux afpetide vofireIupiter,
ou pluftoft de la Venm de vofire aggreable conuerfation, & de la douceurdu
parler de vofire Mercure. O quellefélicité, quandefiant auecque vous , ie voy
nos efprits n'auoirquvn centre,nosvolontez>qu'vnefin,& nos deux ceurs de¬
venir comme l'oAndrogynede Platon , vn cercle de deux natures en vn mouue¬
ment. Cefi pourquoy efiant obligé, ce mefemble,a ces corpsfuperieurs de cefie
bonne fortune,de laquelle vnefi longue expérience mefaitfoy,& ramajfantfur
l'Hymne des Efioilles de nofire Ronsard, ce que i'ay mefihagé d'obferuation
fur ce fujetje ne le dou,ny veux offrirqua vous,à fin que ce mafticd'efprit,foit
i le lien a iamau de nofire inuiolable amitié,& que lesfiecles à venir,fiçachent,que
toutes les autres amitie^remarquées de l'antiquité nefont quefictions, if) des
ombres,auprès de la noftre,laquelle ie vousprie me continuer,comme de mapart
ie veux me perpétuer toute ma vie,
îMONSIEVR,
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
Vofire plus-humble et tres~affe~
ftionnéamy, etferuitcur,
R I C H E L E T.

HYMNE X.
Des Estoilles.
AV SIEVR DE PYBRAC.
Commenté par-N. Richelet
Pariilen.
Dei Mufes la plus faconde
Ma CaUiope , conte- moy
L'influs des Aftres , & pour¬
quoy
des hymnes; ÏOJJ
RICHELET.
Tant de fortunes font au Monde.
Difiourant millefois
Enfemble parles bois, *
Efmerueille^ nous fiommes
Desflambeaux de la nuit,
Et du change quifuit
La nature des hommes.
Chante-moy du Ciel la puiffance,
Et des Efloilks la valeur,
D'où le bon-heur & le malheur
Vient aux mortels dés la naiffance*
Soit qu'ilfaille deflors
Regarder que nos corps
Des mottes animées
Et des arbres creue%
Nafquirent efleué^
Comme plantes femées :
o des Mufes ] L'eftat & le changement de tout ce qui eft icy bas defpend des aftres : il en eft comme efclaues
ÎIsagifTent puiflamment fur l'homme, félon la fortune & le Deftin inuincible qui luy eft donné,* qu'il ne peut
fléchir ny changer: Seulement en vne chofe il eft maiflre d'eux, s'il craint Dieu,lequel leur commande:* aufli
qu'en efFed l'influence & la côftellation n'a point de pouuoir fur Tame, mais fur les corps que les aftres forment
Se obligent à telle conftitution naturelle qu'il leur plaift , & en confequenec, à ces diuerfes adions * inclina¬
tions qu'ils ont , & aufquelles il eft quafi forcé d'obéir :& cela durera toufiours, tant que la compofition du
Monde fubfiftera : Finiflant noftre Autheur par vn doubte dc la matière & qualité des Aftres,* par vne prière,
pour la conferuation de ceux dont il fait mention. La plus faconde ] Et à caufe décela, qui porte laparolle
pour les autres, comme i'ay dit ailleurs , è nohit maxima, difent les Mufes mefmes; Ouide en fa Metamorphofè.
Vmflm des afires ] L'etTed * la vertu qui découle d'eux fur les chofes d'icy bas : & c'eft vne que¬
ftion, de fçauoir, files Aftres font,y? afira faciunt , ou pluftoft s'ils ne font feulement que demonftratifs :
Plotin dansMacrobe dit, qu'ils font comme les oifeaux, lefquels futur* pennis cr yoce fignificant, nefeientes .ainfi
( dit- il ) nthil yi yel potefiate afirorum hominibw euenire ,fed ea j«* decreti necefiita* in fingulos fancit , per horum
tranfitum , fiationem , recejfûmye monfirari , liure premier. Tant de fortunes ] Tant d'accidens diuers , & d'auanturcs,
que chacun de nous impute tantoft à la fortune & tantoft à l'influence. Car la fortune & les aftres
font deux ;pârfque alia, dit Pline liure 2. chapitre 7. (y hanc pelltt, aflmaue fuo euentw afiignat c° nafcendi legU
bus. Par les\ bois] Où le Po'éte fe plaift , Syluat amat , Cr fugit yrbes, Horat. EfmerueilleT^nom fommes]
Mcrueille excellente, contemplans le Ciel, & Touurage de ce grand bouclier, cùmculiyhorum fuda tempefiate
yifimuf , pift'u noBibm, feuera gratta, toruo décore fufiicientes m hoc perfecîiflimc (yt ait Ennitu) cljpco, mir'u fulgo'
ribus yariata calamina, Apulée de Deo Socrat'u. Des flambeaux de la nuiEl] De la Lune* des Eftoilles, *
encor plus donc dequoy s'efmerueillcr du flambeau du iour, tpui fidera abfcondit, Seneque au 7. des Qui¬
ttions Naturelles, chapitre 1. Et des Efioilleslayaleur] Ce que chacune vaut, c'eft à dire fa puiffance* fes
effeds. Car comme les Eftoilles font différentes en grandeur , & en lumiere.^ilia enim funt clarté , alicefecundat
luc'u , ali* abfcuree , dit Seruius 1 . Géorgie, elles font auffi diuerfes en puiffance & influence. D'où le bon>heur e*"
le maUheur] Cela s'entend félon la volonté de Dieu;* de fait Saind Auguftin au j.dc la Cité chapitre 1.
efcriuant contre ceux qui definiffent le Deftin, vne force* vertu delà pofition ou fituation des Eftoilles,
cftimans que les Aftres ordonnent * déterminent noftre bien ou noftre mal fans le vouloir de Dieu , dit
que telle opinion eft impie; & mefme l'opinion de ceux qui difent que les Aftres ont ceft effed à eux baillé
par la puiflance de Dieu; & conclud que les Eftoilles ne font rien , mais feulement félon leur rencontre
& fituation fignifient Amplement, & rien plus. Dés la naijfance] Dés l'heure qu'ils font naiz;*de'là,
la recherche fi curieufedes natiuitez & horofeopes, pour trouuer ce qui nous eft promis de bon ou dc mau¬
uais enee poind fatal delà naiffance. Et Tertullian au liure de Tldolatrie chap. 9. dit à ce propos, que les
Aftrologues annoncèrent les premiers la natiuitéde Chrift; Vnmi fiellarum interprètes natum chnfium annun'
ciauerunt. Mais il adioufte qu'après cefte natiuité marquée & remarquée dans le Ciel, il n'eft plus per¬
mis déformais à perfonne d'aller s'informer dc la fienne, par la difpofition des Aftres. Scientia ifia, dit-il,
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otf LE I. LIVRE
- ^ -«--«. ^r -/i r - j ^./,t*t,mdecalomterpreteturJ£.t pour cela, dit-il.Ie fôtl-
ge des Mages, par lequel ils furent aduert» de tenir vn aut e chemi A* Y P^ & 1
nus. Des mottes animées] Jnignotas Gleba recens ammata formai, Mai""1-- " i ?
animez.dont les premiers hommes furent compôfez, fans pere ny mere.
Compofiti luto nullifkue parentibus, Iuuenal- «n..*«,.*rZ.v >
« '
, , / -f ., Ji X -, -y »t n r Jpnni ceft Hymne eltimitc:^w A)u»f î-wa«--
Et des arbres creueî 1 Suptucreatos iluibus yiros. Marulle
»t n r Jpnni ceft Hymne
encor, de qui cen. ny
eltimitc:^w A)u»f î-wa«--
Et des arbres creueî 1 Suptucreatos iluibus yiros. Marulle encor, de qui cen. ny p i «f
, , , ^ J ., i r. .t c i^/mi-lfxiflrbresci'cuezayentiamais produit des
b*'w £ Kro sn«>»f , Clément. A exand. au Protrept. Non toutefois que les arDrcs ; ,l AL , ,,
ïommes,maTs eue habitation première ayant efté parmy les forefts * dans le creux^^^^.^
qu'ils en eftoient nais & originaires : dum non eut Idhuc yfus cafarum , ce du Placidus fur le 4.de la Thebaide,^
fuos arborum caiteis aut concauu fpecubus contegebant. Et Statius élégamment,
auercus laurijue ferebant
Crttda puerperia , ac populos ymbrofa creauit
Fraxinits, cr fnta yiridu puer exciditerno. _ ., , .
Auffi merueillcux eft ce que dit Lucian au /des Hiftoires veritables,de certains peuples appeliez Dcndritcs,^
ai** A^'i-m, procréez d'vn arbre de chair , Ji,fa *,«*? > P°«ant df g annd? d .%C°??"' qUJ. '"""J*
& façonnent puis après encor en hommes. Comme pUntesfemees ] Et de la Philon luif, «^ «,««p. dit, que cefte
fiétion de la naiffance des hommes procréez des arbres , a fait qu'elle eft réputée la première & plus ancienne,
& que l'autre façon de naiftre les vns des autres , l* «Wu-r #'««- n'eft

D E S H Y M N E S. torf
De là, lesfemences desfieuues
Sortent & rentrent dans la mer:
Les glaces, les chaleurs,
Les pluyes printanieres :
De la, les terres fiont germer De là , faut que chacun
Tous les ans tant de moiffons neuues : Souffre l'arrefl commun
De là, naiffent les fleurs, Des Parques fllandieres.
R I C H E L E T.
De là, les femences desfieuues] C'eft à dire.des effeds & proprietez particulières de chacun de ces Aftres
fe font toutes les chofes qu'il dit; car ils n'ont pas tous vne mefme puiflance ny vn mefme effedjlcs vns
font la pluye, les autres le vent ;les vns le froid, les autres le chaud. Pline élégamment liure i. chapitre
39. siderum propria efi quibufque Vu , ad fuam cuique naturam fertilis . dia funt m liquorem folutt humoris fncunda,
alia concreti m pruinas , aut coaBi m mues, aut glaciati m grandmes : aliafiatus, alta teporis , alu yaporis , alla rorit,
alia rigoris,

ïOjS LE IL LIVRE
R I C H E L E T.
En yain l'homme de fa prière ] A caufe de la conftitution infaillible, & inuariable de ces corps fupe-
Tieurs, qui ne-peuuent "changer, & qui vont & doiuent toufiours aller d'vne mefme façon :d ou fcnfuir,
ce dit Albert autraitté des Influences , que tout ce qui fe fait icy de facrificc * prière, non potefi remouere
aBtonem corporum fupercdeflium , dantmm yitam & mortem. Ce qui eft vray naturellement, & ordinaire¬
ment. Et Seneque auffi , en ce cas-là, dc la détermination des Aftres & du Deftin, dit , que les prières
font inutiles , & appelle ces expiations , expiationes tllas procurationéfque , *gr* mentis Jolatia. Et pourquoy
cela? quufata (dit-il ) tus fuum ptragunt , nec ylia commouentur prece , non miferuordia fletluntur, non gratta;
feruant curfum irrcuocabilem , & ex defimato fluunt. Et de là dans le traidé de Lucian , 9wy c*.m«* , Moraus
fe plaignant dc l'abus de cefte opinion du Deftin, dit, qu'elle eft caufe que Ton n'immole plus d'Hécatom¬
bes,* appelle ces noms, du Deftin , de la Fortune,* de Tinflus des Aftres, noms vainement inucntez par
des Philofophes Fainéants , xW -s^j^Ta» itôputia. -cm Hh*x£r «>«r r

DES H Y M NJE S. - 1Qp
R I C H E L E T.
Sref les humaines créatures ] Maintenant il dit que la fortune fc ioue des hommes, * par ce moyen il
fait l'homme fubied a trois chofes, au deftin, àl'influence, & à la fortune ; difons encor à la nature : mais, n'eftce
point que toutes ces chofes en effed,ne foient qu'vne; Et défait, Ficin fur leio.de la République de
Platon, remarque, que quafi tous les Philofophes, confondent la nature* le deftin , quta tanta natura cum fato
cognatio efi , yt Vx inter fe à Phdofophis difeernantur. Sont de fortune ] C'eft à dire , fubiedes au fort & à la con¬
dition foubs laquelle elles font creées.qui eft en effedle deftin,* non qu'en ceft Hymne il foit queftion delà
fortune, finon qu'icy par la fortune il vueille entendre les effeds du deftin qui font diuers ,& paroiffent au
cou rs de la vie , auoir des accidens fortuits & téméraires, dc bien & de mal. Et pour cela Ciceron dit ; Quid au
tinet inculcare fatum , cumfine fato, ratio omnium rerum ad naturam fortunamVe referatur i le jouet ! Parce que
foit la fortune, ou foit le deftin , ils fe jouent tous deux , de la vie * des adions des hommes, qu'ils renuerfent
en plufieurs malheurs & defplaifirs comme il leur plaift. Et de là Pline parlant de la fortune, qu* fiât ma-
gnagaudia ( dit-il ) nifiex malts, aut qua maU immenfa nifiex mgentibusgaudfi ? 7>chap. 42. ra deuidant nos aduentw
res] Ce qui nous doit aduenir depuis le commencement de noftre vie iufqu'àlafin. Et notezquecesmotsde
Rouet &Deuidcr,monftrent, que l'Autcurpar la fortune entend icy laDeftinee.à laqucllePlatonauio.de fa
Republique donne vn fufeau de diamant , lequel eft tourné & deuidé aux pieds de la Neceflité,* laquelle conferue
toutes chofes , félon que Iupiter ou Dieu les a créées & ordonnées. Le fage feulement ] ViBrix fortun*
fapientia, Iuuenal. Mais comment cela; ce n'eft pas que purement * fimplement il puiffe empefeher Tinflus*
Tcffed des aftres, car il ne fçauroit faire que l'influence de Saturne ne foit froide : mais préuoyant cela par co¬
gnoiffance, il peut donner ordre que ce qu'il preuoit ne Poffenfe point en fon particulier; & c'eft en cefte fa¬
çon qu'il efl dit que le fage' fapiens dommabitur aflris : tout ainfi que Ton dit des Dieux, qu'ils ne peuuent refifter à
ce qui eft du deftin pour en deftourner à iamais Teffed, mais ils peuuent bien en différer & trauerfer l'exécu¬
tion,
Sedtrahere atque moras tantis licet addere rébus.
EtceditPIacidus, Dus hoc folùmconceditur,yt contra fata moram faciant. Sur ytflre ejpejfe bande] Nombreuio
multitude;* toutefois Pline liure 2. dit que tout le Ciel n'eft diftribué qu'en 72. fignes , dans lefquels on ne
remarque à Tceil & d'effed que 1600. eftoilles, mille fexcentasfiellas mfignes effeBu yfuye. Sur yous aura lieu,
l'hommefainB] C'eft à dire, fur le deftin,la fatalité, les infloences,Thommedefainde vie aura pouuoir .- parce
que l'homme debien, dit Platon, eft en laprouidencede Dieu, qui eft par deffus le deftin;* félon que Tamo
degenere dans les habitudes* corruptions du corps, tant plus elle pert de fa liberté* s'affubiedit au deftin %
& voicy comme Pefclaircit Ficin fur le 10 de fa Repub. ^fmma nofira ( dit-il ) cùm expedtta tantum mente contempla" (
trice yiuunt,funt in proutdentiafolùm,pemtûfque libère yiuunt : càmyero tnyegetali parte ad corpus hoc mchnatio muale-
feit, atque adimaginationemyfque propagatur, ad fatum iam décimantes, pariter à libertate dégénérant, ey dum compofit»
corpori coniunguntur , iam m tpfumfut corporis fatum fefe mergunt ,minùfque admodum prifima retment libertatis : denin
que pofiquam ajfeBus corporeos , mhabitum contraxerunt , fato iamfunditus obruuntur, omm libertate priuata. Et voyla
i
pourquoy noftre Poëte excepte duDeftin* de lafubiedion des influences l'homme qui craint Dieu.
. Noflre efprit, vneflame agile Ne diffère au premier,
Qui vient de Dieu, dépend defoy : C'efl vne chaifne eflrainte :
kAux corps vous donne? voflre loy, Ce qui m eft ordonné
Comme vn potier à fion argile. Au poinél que iefiu né,
Du corps le iour dernier le lefiuy par contrainte.
R I C H E L E T.
Nofire efirit] Noftre ame. Vnefiame agile] tapo > £>? g àoiwien*. Opinion des deux Heraclites, dont l'vn
l'appelle lumière, & l'autre vne eftincelle du feu des eftoilles -.mais il n'yariendefî incertain entre les Philo¬
fophes que leur opinion touchant Tarne, & refolution de fçauoir que c'eft. L'vn dit que c'eft vne effenec
quife meutfoy-mefme;lesautres,vn nombre, vne entelechie, vne harmonie, vne Idée, vn efprit fubtil diffus
par tout le corps, vn efprit méfié parmy les atomes , vne quinteffence, vn feu, vn air, vne compofition dc tous
les deux, Macrob. &àcaufe de cela Seneque dit fort bien, habere nos ammum cuim impertoey impellimurey rem*
camur , omnes fatebuntur : quid tamenfit animus ille reBor dominufquenofiri,non magis qmfquam tibi expediet quàm ybt
diusenimtibi duet efe fpintum ,altus concentumquendam,aliusyimdimnam ey Deipartem, alius tenutfiimumaerem,
alius incorporalem potentiam : non deerit qui fangutnem dicat, qui calorem. S»* Itent de Dieu ] Faite à fon image , &
fit -.
.quenoltreameneltpa
'6&r »' Au-À , mais elle eft créature intelleduclle de Dieu, *»V_ -n tiapit £ à&.7ov , fc t*lyt £ âw^çin , £ «maqh o/xolana.
Ê hkp* 5»î. Les Platoniciens mefme l'ont dit : & leur raifon eft.que fi l'ame faifoit partie de Teffence dc Dieu.cefte
partie feroit parfaidement femblable à fon tout , & confequemment toufiours parfaite fans trouble & fans
paffion: ce qui n'eft pas; car Tame en la plus part defes adions eft toute confufion* perturbation. Non admitttmus
, dit Proclus , eos qui ammamputant ejfe quandam diuip* tjfintU fartem , partem yero hanc ejfe toti perfimil
r - - ~^_- - - - - _ ~ ^^y h" if '
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

!06O
LE L LIVRE
kem .'homme, n'eft pas du premier genre, ny de la première
k pérque petfeÛams adiouftaftt mefme que ^^fh°m^^{ _ ^ fiale( «^^ *i^ùy^.
nVtution\maisa^Ufeconde&troifiefi_e.Phdo^
Con
em
.'homme, n'eft pas du premier genre, ny de la première
pérque petfeÛams adiouftaftt mefme que ^^fh°m^^{ _ ^ fiale( «^^ *i^ùy^.
nVtution\maisa^Ufeconde&troifiefi_e.Phdo^
Con
Z,^^,] Parce qu'elle vieiK de Dieu* eft ^ cda> ^
tenu* eflDeus^uiusadfimihtudmemefifaBm^dnS.lvenec^cnz^ nonobftant la pretcn-
CK, fetaM,--*?. MacariusHomel. ic. g rf»'«U*e f. contre
Marcion, «*!«, wr^ar*/^». V«««] Serrée* fermée depuis le premier anneau lufques au dernier. Ce
qMfiordZe] C'eftce quedit Q, Curie, ynumquemque aterna confiitutione nexuque eau arum latentiumcymulto
anûd;fi>natarum,fuum ordmem immutabiU legepercurrere.EtSc^^Vtaficutiufiaefiapri^
noter, qu'outrecedccretparticulieràlanaifTance dechacun.il y en a vn public vniuerfel* gênerai// m
omnes fuLs ynquam,Deo decrctum$X *.ch.7. ^upomBque tefusne ]Au moment de la natiu.te qui eft de gran¬
de importance! & qui , ce dit Pindare en la 5. des Nemees, eft l'arbitre & le maiftre desadions déboute noftre
vie, Xm cvyhk *ùi h*» *-%! **»'»». Et ccpoind.eft ce que Dion Caflius appelle,. ^ » J. «^^«.««u,
i^^X- MaiSl%toncxcellemmentauPhdrus,iraaginantTeffeddclafccndant,&desaftresau mo¬
ment de la naiffance , dit que félon la différence des cercles & fpheres de ces Dieux (d appelle ainfi les aftres )
Celuy qui a Tafcendant de Iupiter, aime les hautes fpeculations , celuy dc Mars les violences & outrages; ce¬
luy d'Apollon les vaticinations ,& ainfi des autres. lelefuy par contrainte] Mais pluftoft,/-« eleclionem, dit
S. Irence.liure 4. chap. 72. ou bien par contrainte conditionnée & nonabfolue, de necefiitate condition**-, & ai-
cas qu'il y ait de l'aptitude &difpofition au fujet qui reçoit l'influence. Ce qui monftre qu abfolument & pu¬
rement les conftellations ne forcent point. le fçay bien que Dcmocrit, Empcdoclc, & Ariftote mefme nous at¬
tachons à vn deftin procédant de ces corps fuperieurs, veulent V td fatum ytm necefiitatts afferat : d'autres plus
retenus referuent à nos efprits la liberté de leur mouuement volontaire,*»*-*» motus yoluntanos, parce qu'au¬
trement s'il y a de la contrainte forcée, en l'influence * difpofition de noftre afeendant,* qu'il ne nous foit pas
permis dc conlentir ou contredire ai
nés , nec honores, nec fupplicta. Ou bien il
y a des caufes antécédentes, nanperfei
ne forcent pas noftre volonté, c'eft à dire, impriment* donnent bien quelque commencement dc mouue¬
mens, ytm Cylindro, cmprincipitim motioms datur, non yolubihus ; mais puis après neluy oftent pas la liberté dc fon
mouuement naturel * contentement volontaire. Et c'eft ce que dit Arnobe.liurc 2. que Dieu ( & confequem¬
ment moins les aftres ) ne nous force à rien, nulU Deus tnfert necefiitatem,imperiof* formidmenullum terret: & comme
les Payens demandoient, pourquoy Dieu qui eft tout-puiffant, & fauueut , & plein dc douceur, ne les conucr-
tiffoi t à luy malgré eux ; il refpond , que cela feroit pluftoft vne violence qu'vne grâce, "}« tfi* effet , non grau* .- or
ya-il rien plus imufte, quàm repugnamibus, quàm tnuitts extorquere incontrariumyoiuntates,eytnculcare quod nolmt?
D'où s'enfuit , qu'il n'y a rien qui nous contraigne * neeeffite à faire autre chofe que ce que nous vou¬
lons.
L'vn meurt au meflier delà guerre
Noircyd'vn poudreux tourbillon,
L'autrepouffe d'vn aiguillon
Les bufs au trauail de fa terre.
L'vn vit contrefin gré
Preffe d'vn bas degré,
Qui tend à chofe haute:
Le mal eft à:fendu ,
L'innocent eflpendu,
Qui ne fit iamaisfaute.
Telle efl du Ciel L loy certaine
Qttilfautfouffrir & nonforcer :
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Le bon foldat ne doitpaffer
Le vouloir defion Capitaine.
L'vn perd dés le berceau
L'vfage du cerueau,
^Auorton inutile :
L'autre de vent repeu,
Deuient le boute-feu
D'vneguerre ciuile.
L'vn de la mer court les orages
Enfermant fi vie en du bois:
L'autrepreffant le Cerfd'abois >
Deuient Satyre des bocages .

des hymnes: ttfot
R I C H E L E T.
L'yn meurt au mefiier de Lguerre] Et toutes ces diuerfes profeffions procèdent de la première influence &
conftellation. Ainfi Perfe, Satyr. 5. fur mefme fujet.
Mille hommum fiecies ; necyoto Viuituryno :
Mercibus hic Italis mutât fub Solerecenti
Xugofum piper , eypaUentit grand cumini.
Hicfaturirriguo mauult turgefcere fomno.
Hic campo indulget, hune aléa decoquit,ille
In Veneremputret.
Les autres les imputent à noftre choix & volonté, ^u/xJdarçaaw , quelquefois contraire à noftre inclination
naturelle,

20^2, LE I. LIVRE
ceau d Epicure vicipuius tpicuri potiusquam tnrwi. jsieieni. iviau liure de beat. Trt.cW», confeffe que c'a efté vn grand Philofophe, duquel la volupté eft
mal entendue & plus mal interprétée. Non afiimatur yoluptas illa Epicun , dit-il , cum fobru eyfiaafit, ey honefia
pracepta tntrà latent : Me* quidem fia fententia efi,fanBa Epicurum eyreBa praapere, eyfi propuyccefem tnfiitia,
Sec. chap. 13. Mange enyn tour] Furwjum facit exttum, quod ad bon*. I. 12. §. final. D. de tutor.ey curât.
Hypecuniamqua Fabia gentis filendon feruire débet ,flagitfi deuc,t,Vzkï. Ce guerrier \ Gafpar de CoIhgny.Adm
irai de France. Ainfi Properce parle d'Antoine, fans le nommer.
Cerne ducem modo qui fiemitu cempleuit mam
^/[Bia damnatis aquora militibus.
Court detefie] A wm«ww«Si/c , Macar. Homel. îr. cuicorpore trunco caputabef, comme parle Seneque mHercul.
fiur. Pendille à Mont-faucon ] Voy THiftoire du temps. C'eft le malheur quafi des grands hommes , qu'vne
malheureufemort:y/f Socrates cogitur m carcere mon, quitus in exdioyiuere,Pompeim eyCtcero cluntibw fuis prabere
ceruteem : Necejfe efi queri tam imqua prxmia fortunam perfoluere, Seneque de tranquiU. >/l. chap. 1 j. & le mefme , ch.
U. qua dignitas , cum non pratextam , ey augurale ty patncia , fordes non comitentur, ey exportatio , ey nota , cy mille
macula, ey extrema contemptio ?& celamefme fc voit auiourd'huy. ^i'mfi yous plaifi , Efioiues] C eft la que-
- ftion qui eft difficile à fçauoir , fi les aftres pleuiient & peuuent fur nous tels malheurs - non magis dijfialc efificire
quid pofimt , dit Seneque hure 1. des Queft. Naturelles, chap. 32. quàm dubitan delet anpofimt. Marulle tou¬
tesfois,
Bas leges fatale animk yenientibus afirim
ïmpofuit, c afeendens hora potentis.
Mais difons pluftoft que cela vient de Tinconftance des chofes du Monde, quand elles font grandes & heu-
reufes. Nulit jortuna minus quàm optima creditut ; alla fcelicitate ad tuendam ftlicitatem opus efi, Seneque, de breuit.
Vit. chap . 17. Tournant yos courfis ordinaires ] Réglées & immuables , & qui ne s'aireftcnt point : car com¬
me dit Seneque au 7. des Queft. Naturelles chap. 25. Nonlicetfiare czlefiibus, nec auertt : prodeunt omnia, ey yt
femel iuffa funt ytdunt: idem ent ilïu curfus , qui fui finis; opus hocaternum habet irreuocabiles motus. Et le mefme Trif¬
megifte auPimandre 8. Cclefiium corpora , ynum atque eundem ordmem feruant , quem prtmum à pâtrefuo fortitafunt:
Et TApnlee, De DeoSocratts, dit que ces corps fuperieurs, indefiexo, certoeyfiato curfu , meatus longe ordmatifitmos
diuinn yicibus aternos efficiunt. Tant que le fort lien] TantqueleMonde durera:car les Aftres fontincorpoïez
& entez au corps du Monde, & en ce cas attachez à la durée dc fon eftre. ^/Ceterna efi cezlefiibus natura mtexen*
tibus Mundum,mtextuque concretis,potenti* autem adterr*mmagnoperepertmens,Vhnc 2.ch. 8. Delà fainBe NatureJ
C'eft à dire,de ceft ordre naturel eftably de Dieu.qui ne fubfifte,* ne s'entretient que par fa prouidence,* n'eft
pas éternel : manent enim cunBa, Seneque élégamment Epift.58. non quia aterna funt, fed quia definduntur cur*
vegentis. Immortalt* tutore non egent : hacconferuat artifiex , fiagilitatem materia *}/ fua ymeens : Ou bien par la fainde
Nature, il entend cefte vertu animante* animée, qui retient en fon eftre le Monde,* qui luy donne Ces
femences, qui le fubrogent perpétuellement, &leconferuent. Ainfidansla vie de Zenon, Lacrrius dit que
les Philofophes defaniffent la Nature, çùcir'j, mtif^i xzztfaiwnq, tu* aiwdyvcmt r ùe/Mi, -nmÂiiw fûvcw idàm
$;, adiouftant que la Nature eft vne habitude qui femeut de foy-mefme, Uiic^M **. Dc là eft que le
peu" fubfiftM ^ ^^^P6^1^11115» commcl'aPPuy &lcfouften^«=nt du Monde , fans lcqueT.l ne
Du Ciel les minifires vous efles, Aftres qui tout voyeT ,
Et agréable naueK pas , Ou fioit que vous foye\
Quvn autre fiace rien fa bas Des bofies allumées ,
Ny la haut , fi vous ne lefaites. Ou des teftes de doux
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Ardâmes de feu rousi
Dans le Ciel enfermées :
le vous fialuë, heureufies fiâmes,
EfloiUes , filles de la Nuit ,
Et ce Defiin qui nous conduit,
Que vous pendifles a nos trames.
, . Tandis que tous les iours
Vous deuide^ vos cours "
D'vne danfe etherée:
Endurant ie viuray,
Et la Chance fuiuray
Que vous m'aue-^ liurée.
Garde? des François la Colonne,
Sous qui renaifl l'antiquefoy ;
Garde%fà Mere, & ce grand Roy,
Efleu par vous en la Poulonne :
DES
hymnes; IOÔJ
R I C H E L E T.
Etfiuéles quePi&KACi
Qui afluiuy le trac
De la douce Hippocrene^
Des peuples Poulonnois
Bien-tofl aux Champs François
Enfanté fien reuienne :
P î B R A C de la belle Garonne
Le doéle éloquent nourriffon,
Dont au Ciel vole la Chanfon
Quandil nous chante fa 'Bocconne.
Garde^ L E G A s t auffi ,
Des Mufes lefiouci,
De Mars & de Cyprine ,
Et f ailles que le dard
Du Scythique fildard
N'entamefi poitrine.
Du Ciel les Minifires ] Quj feruentà Tordre* compofition des mouuemens du Ciel: car autrement ce
font corps infenfïbles & inanimez , qui neantmoins ont leurs effeds & proprietez en leurs mouuemens :
car, comme dit Lucian, il faut bien neceffairement que les Aftres facent de grands effeds en l'agitation de
leur mouuement, puis que nous voyons que le moindre mouuement d'vn cheual* du vent, faitmouuoir
les pierres & les fueilles , & les fort dc leur place. Ce qui fait qu'il ne fe peut dire que ces grands corps du
Monde, en leur grand & rapide contour , n'ayent point d'effed fur nous , ùa» Si t? ±fn >>p^ôfSfj^s vLfil xzra.yf&i /3/V« o tzesç àn-n'ulù ûuôjjyr. f^ous deuide"^ yos
VV un iiif
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io*4 LE L LIVRE DES HYMNES.1
»»w] En rond commevn peloton dc fil, W «-.t* foi-or .-*W«« » Plilen Iuif; . . f.fm daunfe e,ther«] D>vii
mouuement mefuré & compaffé dans le Ciel. Et lâchante] Le hazard, quidqmdfiell* tnfte Utumye n*fcentt.
bus conftituern , Seneque. Que >« m'aure\lmree] nçù wCA/*w| , Sophocl. Des François U Colonne]
C h a *. l i s I X. £* ce£»W ^ ] H b n R y 1 1 1. que les Poulonnois defirerent auoir pour leur Roy.
fibrac] Perfonnage excellent, ytrad omma natus. Voyez fa vie defcrite par Pafchal ,& l'Eloge de Sccuolcde
Saintemarthe. De la douce Hippocrene ] Delà fontaine du Cheual , fontaine des Mufes,
Dur* Medufai quem prapetis yngula rupit. Ouid. j. Metamorph.
Garonne ] Fleuue qui paffe à Thouloufe, où eft né Monfieur de Pibrac. L* chanfon ] Ce n'eft pas à dire feu-
ement des vers qu'il a faids,maisde tout ce qu'il a efcrit , comme remarque Strabon liure i. que les Anciens
difoient Chanter, pour, parler eloquemment, à caufe que l'éloquence ou le bien-dire appartenoit principale¬
ment à la Po'éfie, de laquelle lesefcritsfechantoient,TO«J,ai',«f''» w t K^meiuvuay.îm £ fm&m vimplii i mimniM. S*tocconne\
Foreft du Roy, proche d'vne des maifons duficurde Pibrac, comme i'ay appris de Monfieur dc Pibrac fon
tfils, Maiflre desRequeftes.
Fin dv Premier livrb des Hymnes.
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L E
SE C O ND LIVRE
DES HYMNES DE
P. D E RONSARD.
*A ODET T>E COLLIGNI, CARDINAL
DE CHASTILLON.
Hymne de la Phil o s o p h i e.
Commenté par Nicolas RlCHELET,'3V///V».
/ CaUiope autresfoU de fion
gré
M'a fiait ouurir fon cabinet facré
Poury choifir vn prefent d'excellence 3
Trefient quifut la digne recompenfe'
D'auoirferui la troupe defes S.urs
Depuis vingt ans par cent mille labeurs:
C efl maintenant que iedoy de mon coffre
Le retirerpour enfaire vn bel offre
A mon O D E T , Trelat à qui nefaut
R I C H E L E T.
Rien prefinterfi leprefent neflhaut ,
De bonne efloffe, & de valeurfiemblable
A la vertu qui le rend admirable.
x^Auffl ne veux-ie offrira telfigneuf
Vn don ornéde médiocre honneur,
Mais vn prefent admirable a l Enuie:
L'Hymnefiacre delà Thilofiphie,
Laquelle doit entre les bons esprits
Sur tous les arts auoir le premierprix,
D'autant que c efl la fciencepremière
De qui toute autre empruntefia lumière.
si CaUiope] LaPhilofophie eft vn grand don, c'eft la première de toutes les fciences.&qui les contient
toutes. Elle fepare l'homme de fa matière, Teleuant au Ciel, pour y cognoiftre Dieu, les Anges , leurs ordres
diuines, les Cieux, les Aftres, les Daimons & leurs puiffances, comme auffi leur fubiedion. Elle nous apprend
toute TAftrologie en vne Sphère , dans laquelle , comme par vn charme puiffant ,elletattire tout le Ciel icy bas.
Et en cela , eft quafi plus puiffante que celuy qui tient le haut bout dc la chaifne de toutes les chofes créées.
Cefte fcience eft encore merueilleufe à nous defcouurir tous les feercts de la Nature, les plus obfcurs : les varictez
de la Lune, Teftre du Soleil, l'harmonie des Cieux.Ies mouuemens de fes Sphères, tous les Météores,
les pallions de laTerre, & mefme portant fa cognoiffance iufqu'aux Enfers, elle deliurc l'homme d'ignorance
&de crainte. Dauantage, elle nous reuele tout ce qui eft caché fous les eaux, pourquoy les Vents perpétuel¬
lement les agitent, & d'où vient qu'anciennement on a creu, que ceft élément eftoit la matière* principe de
toutes chofes,comme auffi la nourriture. Finalement venant au particulier de la Terre habitable, elfe nous en
fait voir la mefure, le circuit , les parties, & par vn abrégé dc carte, tout ce qu'elle contient de villes, dc fleuucs,
dc montaignes : mais ce qui efl; de plus important , pour la conferuation des hommes * de leurs murs , -les
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licé* LE II. LIVRE
r . i i.ni des Loix* des Pohces.pour fuir le vice*
[ayant retirez d'vne vie fauuage pour viure cnfocietczWeutadonnc^^^^^^^^^
fuiurt
^^ ^^ ^L
'nement
que la Vertu. v eitu. St ^/ St ^/ CaÏÏiope v.*»w* CaÏÏiope v.*»w* ] j Pourquoy rPourquoy r uu-.4uu7 Calliop ^-»»wr*- Calliop ^-»»wr*- v.. ^"^"AVnuerfe feulement auec les Roys ,«u! 0«-!
pas? Car Plutarque au el{*

DES HYMNES. ÏQSf
ê plaift de
TrajJ'&JOfdpiib
. 0 . -,, . i- ,- . . . - - > pour remarquer
la première & plus noble partie de la Philofophie , qui eft la contcmplatiue s àla recherche & cognoiffance
dc toutes les chofes fupeneures & celeftes , félon la diuifion commune, qui ne fait que deux parties, contemplatme*
adiue, à laquelle Platon adioufta la Logique, félon qu'il l'auoit apptife des HebreuXiCe dit
Euh.be liure 2. chap. 4. de préparai. Euangel. Mais en ceft Hymne noftre Auteur néglige cefte partie* n'en
parle point ; foit peut-eftre qu'elle eft comme infufe & meflec aux deux autres , ou que la Logique ne foit pas
tant Philofophie .comme chicane de la Philofophie ,folertia difiutandi qu'appelle Saind Auguftin -.comme de
fait . ainfi qu'en Dieu font deux adions premières & principalles , l'vne de cognoiftre & l'autre de gouuerner
& conferuer toutes chofes , de mefme & par quelque analogie» noftre ame n'a que ces deux facultez, intelltgendi
ey appetendi , qui fe rapportent à la Philofophie contemplatiue & adiue. Et noftre Auteur mefme lé
dit élégamment en ces beaux vers de l'Hymne de THyuer,qui font à ce fujet.
Toute Philofophie en deux efi diuifee,
L'yne-eft aiguë, eyViue , eyprompte, ey aduifee,
Quifians pareffe oupeur , d'yn "W audacieux,
^Abandonne la terre , ey fe promeine aux Cieux.
De nofire amelesyeux] Noftre intelled qui efl fon pour voir* contempler ce qui eft beau. Car,7s^x«f
Ô -ra ùyaSvv, qu'appelle Socrate dans lePhedon.nefe voit pas par les yeux du corps, ajoSvriffî -ni HpZcw r, è

io

DÈS HYMNÈ1' to&
Non feulement elle entenfles pratiques Ellefans plus la Lune ou le Soleil
Et les vertus desfept Feux erratiques,
Mais d'vn clin d'ail habile elle comprend
N'attire à bas parfion art nompareil,
Mais tout le (fielfait deualer en terre.
Tout à la fois le (fiel3 tantfoit-il grand. Et fia grandeur en vne Sphère enferre
,St comme on voit la forciere importune ( Miracle grand) qui tantd'aflres contraints
Tirer du (fiel parfis charmes la Lune : Comme vnjouet nous met entre les mains.
R I C H E L E T.
Non feulement elle entend] C'eft à dire, que non feulement la Philofophie fçaitl'Aftrologie,mais elle en
a mefme la demonftration dans vne Sphère. Les pratiques Et les yertus] Leurs influences & leurs effeds,
qui font grands & merueilleux. Car ils contiennent, dit Seruius, les fatalitez & deftinees dc toutes chofes:
bis fatorum ratio continetur. Et Macrobe, ab his /relit* ad hommum yitam manant aduerfa yel profiera. Elle co¬
gnoift auffi qui des Planètes font bons, ou maléfiques ; Mars & Saturne ne vallcnt rien, Iupiter * Venus
font bons, Mercure efl indiffèrent, félon qu'il s'approche d'vn bon ou mauuais Planète. Mais c'eft vne
queftion difficile, de fçauoir pourquoy des Eftoilles & Planètes , les vnes font bonnes & falutaircs, les au¬
tres malignes & maléfiques , cum fit diuinorumyn* natura. Macrobe fur le Songe de Scipion, l'explique par
vne première fuppofition.que noftre vie dependdu Soleil* de la Lune, ">*r«/j«e luminis beneficiohac nobis con'
fiât Vit* qua fiuimur. Secondement, il dit, que les adions & accidens^le noftre ;vie ,prouentus aBionum, qu'il ap¬
pelle, fc rapportent & appartiennent tant à Tinflus de ces deux Planètes gouuerncurs de noftre vie, qu'à Tinflus
des cinq autres. Et tiercement, que plus vne Planète s'affocie fouuent* s'applique de nombre &d'afped,/«flures
numéros Soli ey Luna, plus elle eft vtile à noftre vie , magis Vita nofira commoda , quafi lummtbus yita noftra au*
Ûonbusnumerorum ratione concors .-qui fait qu'à caufe de cela Iupiter, Venus & Mercure font reputez bénéfi¬
ques, Saturne & Mars au contraire maléfiques, minus commodt >*>«* humana exifiimantur, quafi cum yita nofira au-
Boribuscertanumerorumratione non iunBi. Des fept Feux erratiques] Des 7. Planètes, quifont malappellcz er¬
ratiques , erranttafidera, dit le grand Pline, cum errent nulla mmùs illis. Neantmoins leurs Cieux ou Sphères
errent diuerfement, tantoft vers le Midy, tantoft au Septentrion, bien fouuent contre le cours naturel du
Monde, fednunquam cum Mundo, fi ce n'eft en rétrogradant : & encor des fept , iamais le Soleil ny la Lune ne
vont, mfi contra Mundum, Seruius. Au contraire des Eftoilles de la huidiefme Sphère, qui ont toufioursvn
cours femblable. ToutaUfon] Et en petit volume, comme eft vne Sphère. Le Cieltantfoit.ilgrand]
inltfamraon, Lucian. Et comme on yottl* forciere] Selon la fimplicité de l'antiquité qui le croyou ainfi,*
que les forciers prouoquoient & repouffoient les pluyes : rudts antiquitas credebat, dit Seneque ,attraht tmbres c*n-
tibus & repellt; comme encor qu'elles attiroient icy basJlLune, ou la fixoient. Par fin art nom-pareil}
Par fon inuention,*par la cognoiffance familière que la Philofophie a donné aux hommes de toutes les
chofes celeftes, qu'ils ignoroient,iufqu'às'efpouuanter des eclipfes, ne voyans pas qu il eft naturel , rlu, ntMj,»
,W, ditLaërtius,% J !««__ *îw^.«, que Teclipfe foit , quand la Lune; fc trouue en 1 ombre de
la terre. En yne sphère ] Excellente inuention , qui nous reprefcnte.commc celle d Archimede, I ordre , le
mouuement, la diftindion des Cieux ,fuum yoluens audax mdufirt* Mundum, dit Claudian. Lucian neantmoins
fe moque des Philofophes qui ont de ces Sphères , ^w ««j *«!»«. & qui ofent icy bas nous dire les mcn
fores du Ciel , ^tf^U^ay^iw. **»*& grand ] Et admirable dc voir tout le Ciel, toute la fcience
fvderale, dans vn petit globe, paruoorbe,
Jura poli, rerumquefidem, legéfque Deorum,8ec. Encor Claudian. j
Qui tant d'afirescontramts] Et leur vaftitude renfermée dans vn petit rond. Mais Ciceron demande, pour¬
quoy Dieu qui éternellement eftoit deuant le Monde créé , a voulu embellir le Ciel de tant d Aftres, V$«*
lodconcupifceretDeus Mundum fignts ey lumimbus tanquam ^tedilis ornare? Cen a pas elle, dit-il, a fin qu il fuft
Lieux logé ny plus clairement car il s'enfuiuroit qu'auparauant , mfinito tempore , 1 euft vefeu m tenehis tan-
quamingLifiio. Ce n'a pas efté auffi à fin que cefte variété lede edaft: car fi cela luy euft efte a plaifir, il ne
f'enfuftiafpriuéfflong temps. Il n'y a pasWx d'apparence qu'vn tel ornement,*^ rerum molim,ait elle
fake pour il hommesfqui la plufpart font ftupides * n'y cognoifTent rien * n en refoult autre chofe .- mais
neantmoins il eft vray que toute cefte diuine conftrudion a efté faidcpourl homme, J>« » w ?_.r m »»J
Origenc, contre Celfus.
Doncà bon droitcefle Philofophie Et que luy fiul quand bon luy fiemblera.
D'vn Iupiter le* menaces desfle,
9ui plein d'ormeilfie vante que les Dieux
Nïle feauroient a bas tirer des deux.
Tous de fia chaifne au Qtel les tirera.
Mais les efforts d vne telle fcience
Tirent les Dieux, & U mefime puiffance
Tiraffent-ils d'vne main coniurée Ve Iupiter & comme tous eharme^
Le bout pendant de la thaifne ferrée. Dedans du bots h détient enferme^.
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XXxx A

tc*7 LE IL LIVRE
R I C H E L E T.
Donc* bon droit] Admirant donc l'inuention philofophique de la Sphère, il donne a 1a Philofophie plus
de pouuoir , que n'aie Iupiter d'Homère auec fa chlifne qui attire tout. D >» Iupiter les menaces ] Auquel
Homere.au 8. de l'Iliade, par vne inucntionmyftique & grandement phi ofophiquc, attribue cefte chaifne,
chaifne doree,^^^, de laquelle il tient lehautbout. Q.m plein d orgueil ] Superctliopotefiatisfiuaôc
pour monftrer l'vnité incommuniquable & feparee de ce qu'il eft feul en fon eflence * puiffance. Et Pla¬
ton mefme par imitation de cefte fidion , imagine vn Dieu par deffus tous les autres , qui eft le Pere & le Mai.
ftre de toutes chofes , qui rerum c
nulla yice ad altcuius rei mutua obj,
Dieux] Promethee, dans i£fchy le, dit que c'eft par puiffance tyrannique,
Dieux. Mais Ariftote au liure des trois Philofophes , dit que ce n'eft pas eftre Dieu que d eftre domine de
quelqu'vn, £* ,8 &1, g û Jtûap, Sue,, ««s*-*.», «W ^ x&nâ*. Ne le ffaument \ b" t,r'r] Par« que
n'ayant qu'vn Dieu feul increé , & infini , tout le refte ne le peut egaller : ou comme dit Iambhc au hure des
Myftercs , Dieu eftant vnité fimple ; nthil potefi attmgere ymtatem ipfam. Et Trifmegifte au Pimandre .- aBio
Det,potefias tnfiparabilis ,cum qua nec humanam nec dimnam yllam compararc quis audeat .- mhil quippejimile efl ei,
quod difimile filûmque ey ynum efl. D'yne main conjurée ] Par confpiration entre-eux; d'autant qu'ils
n'ont puiffance que celle qui leur eft permife & donnée par celuy qui eft feul * vniquement Dieu Pla.
ton au Timee le monftre par deux belles confédérations; l'vne, quand il fait dire par le mefme Iupiter à*
tous les autres Dieux , qu'ils font diffolubles entant que créez , mais neantmoins qu'ds demeureront toufiours
immortels, fouftenuspar fatoutc-puiffance. Et l'autre, qu'ayant formé les âmes immortelles, il permet aux
autres Dieux, Touurage* la fadure des c#rps , wt nmc iraptJhxinràtM'&.tâai-Stit Sw*. & défaire tout ce qui peut
feruir à l'ornement &emhelliffement de Tame, pour monftrer que leur puiffance eft fubordinée, & donnée,
* mefme reuoquable. Le bout pendant de la chaifne] Laquelle n'eft rien autre chofe, que Tordre, la raifon &
la fuitte des caufes & chofes créées , qui dépend de la puiffance & volonté dc Dieu : ipfe caufarum ordo eyqua'
dam connexio , dit Saind Auguftin au y. de fa Cité , quam Detfummi tribuunt yoluntati ey potejlati , qui optimè ey
yeracifiimè creditur, ey cunB* feire anfequam fiant , ey nthil tnordinatum relmquere, ey * quo funt omnes potefiates,
quamuis *b illo non fint omniumyolunutes. Et c'eft auffi pourquoy Ariftote au liure du mouuement des animaux,
chap. 4. interprète cefte fidion d'Homère , du principe du mouuement qui vient de Dieu immobile à tout
effort,* qui au contraire emporte toutes chofes & leur donne mouuement, indji '*>( dmimt, dit-il,^*
iJïitç isSi^-m M»M

des hymnes: ,o7l
R I C H E L E T.
EUepremiere] Et le premier fujed de la philofophie a efté la recherche des chofes naturelles TUnc «*i
m»Su«.dit Cleo. Alexand è rf,* .W,^ aupa/auant de venir aux diuincs & fu^a "u en s comn«
tiere & de forme, omnefubfiantialeprmcipium, eftant la p/emiere de trois parties de laPhilofophie,Srelle Mo.
raie & rationale ou Logique, aufquelles on adioufte la Politique & TOeconomique. Iwfceudely II faû
pTnTg^eSïl?"^"6" °U qUCfti°nS^W»*^«« à » Philofoplie, com^ifait cîa^ian au
-Elementa docet,fempcrque fiuentis
Matena caujas, qua yis animauerit afira ,
Jmpleuftque choros, quo Vmat machin* motu,
Stdera cur feptem rétro nitantur in ortus
ûbluBata polo , yarijfque meatibm idem
^Arbitcr , an gemina conuertant ather* mentes,
Sitne color proprms rerum, lucifque repulfit
Eludant aciem , tumides qua lima recurfus
Nutriat Oceam, quafiaBa tonitrua yento,
Quis trahat trnbriferas nnbes , qui faxa creentur
Grandmis , ynde rigor nimbus , qua flamma per auras
Excutiat rutilos traBus, aut fulmina yelox
Torqueat , aut triftem figat crmtta cometem.
Les tonnerres fefont] Us fc font premièrement en Tair,*» nubtbut ey è nubibtss , ou pluftoft ils fe font de terre*
d'eau, terra ey aquâ , à fçauoir par vne vapeur feiche & fumeufe de la terre , ey halitu humido aquarum. Et encor
les tonnerres ne font que le troifiefme effed de cefte conglobation d'efprit & de vapeur en la nue , car il y a
l'efclair, la foudre & le tonnerre : le premier n'eft que commination,co/»>»*/Mftoy*»e iBu .- le fécond , taculatio cum
îBu; & le troifiefme n'eft qu'vn bruit qui procède de la collifion, coUifisnubibus , tanquam nubis iBa fonus, Seneq^
Et Apulée dit,qu'il fe fait adfiiBu nubium , cum fiamma robufitere incendia ey impetudeuehitur in terras, eyhabetfislmt»
nis nomen atqueformidmem. Pourquoy ] Ce Pourquoy-là, dit Ariftote au i. de la Metaphyf. eft la marque dc
la fcience, quand on peut dire le pourquoy de quelquechofc, Stà. v, comme pourquoy le feu eft chaud, SteL
' « %f/ùf t» ot/> , & non pas feulement, qu'il eft chaud , « w -fy/Mt , Tvn eft de la fcience, & l'autre de Texpericncc.'
La Lune* maintenant lefiont] mKvtiS^c , £ et ttMcn «M», n$p
fon plein, demi-rond en fon déclin ou dernier quartier. Et non feulement ces queftions fe font de la Lune,
mais encor plufieurs autresjtw deficiat, quare obumbretur, quare difiimiUimum fioli lumen accipiat, cùm accipiat a
Sole ; quare modo rubeat , modo palleat ; quare Uuidus tlli ey ater colorfit , cùm a confieBu Solis excluditur , Seneque au
7. des Queftions. Et Trifmegifte l'appelle élégamment , l'Organe dc la Nature. Pourquoy le Soleil pert fit
couleur] Sa lumière, quand il eftencclipfe, * cefte cclipfe n'aduient iamais qn'au 30. iour de la Lune, Sol
numquam déficit, nifi cùm tricefimm Luna dies eïl. Comme auffi la Lune n'eclipfe point , nifiqumto decimo curfit*
fui die, Macrobe. Et quandildit quele Soleil perd fa couleur, c'eft improprement, qui* Sol m defeBunihtl
J>atitur,fid nofierfiaudatur afieBm ,cùm Luna Soli fuccedens , obieBu fuo lumen etus repellit , dit le mefme ; ou comme
dit Seruius, cùm Luna è regione etus obfitterit radfi, ey eos nobis fecerit non yideri. Ainfi donc ce n'eft pas que le
Soleil perde iamais fa couleur, ny que fon eclipfe foit vrayement cclipfe : mais comme dit Seneque au y de Be»
nefiefi , Duorumfiderum efi coïtus , cùm Luna humiliore meurrens Via , infra ipfum Solem , orbem'fuum pofuit ey tUum
ebieèufiuo 4^/?o»

7i LE II. LIVRE
de ce^tayimpu^ue f. lumière eft fefeU. , «*«^ .^.T^-i-tS
à «-&_ w h'w*. Maison ne fc contente pas feulement de celte queiuwu a"" >
îneTuw combien il a delumiere,^ .fti SK.ditMaca«iu.Homd._i». ^^*££l*tow?
lumière, Le V5.V., ,J« Rfr. O» ^,ïr ] Empedoclc difoit que c:eftoit: vne grandei-dftdeb, «j

DES HYMNES: ,075
très, mais en effed ce n'eft pas qu'il foit plus vieil & de plus ancienne création que les autres , ny qu'il foit plus
ep. 3.* fort bien le mouuement analogique* proportionné du cours des aftres, les vns ai
total de l'Vniuers , , « iùt -mpàmc o«; Les tourbillons ] Premièrement le tourbillon eft vn vent, qui fe tourne en rond
dans foy-mefme & rapidement,"**»***' circumaBus , ey eundem ambiens locum^eyfe in ipfa yertigme concttans: Secondement.fclon
qu'il opiniaftre fa volutation, il deuient tourbillon de feu, inflammatur ey igneus turbo efl, Tiercement,
le tourbillon fe fait par vne complexion d'humide & de tcrreûrc dans vn globe d'air , cùm humida terrenaque
m feglobus Mqu'vs aèris claufit. Finalement, le tourbillon fe fait au deffous des nues & fe forme à l'en¬
tour de la terre, cire* terram concipitur , auec des effeds merueillcux de violence, nam arbufla radicitus yelltt, ey quo»
cumque incubuit , folum nudat,filuas ey teBa corrtpiens ;& quelquefois rauit en Tair les nauirçs toutes entières, Se¬
neque. Commefous nous le tremblementfefait ] mde tremor terris,Virgile : où Setuius dit que les opinions en font
diuerfes .- des vns qui tiennent, que c'eft vn vent enfermé és cauitez delà terre qui le fait ,in concauù terra : des
autres , qui difent que c'eft vne eau génitale , aquagenitalu qua terras concutit $ & des autres qui ont opinion que
la terre eft fpongieufc.creuaffec&fubjede à plufieurs ruines intérieures &fccrettes, qua latentes ruina fuperpofita
yniuerfa concutiunt , fiirttus crefeente Vwlenti* , dit Apulée, ey tnfinuante fe tellurù angufiijs, nec exttum muemente:
Et faut obfcruer qu'il y en a de quatre fortes; les vns qui s'cfmeuuent à cofté, e latenbm , proxima quaque
taBantes; les autres en haut, «p* fubfiliuntexcutientes onera ey récupérantes. Les troifîefmes , quand la terres'ouure
& vomit dehors ce qu'elle a dedans , cùm defilit tellus ey abfirudere Videtur; Et la quatriefme, quand la terre
fe fecoue Amplement par vne droide trépidation : eyfine mclinationis periculo nutans. Elle fiait les yents] Leur
nature, leurs noms diuers .leurs caufes & leurs effeds. Le vent, difent les Philofophes , n'eft rien autre chofe
qu'vne exhalaifon froide &feiche, laquelle montant de la terre, &empefchee par le froid, fe meut diuerfe-
ment, cire* terram lateraliter; on , comme dit Seneque yyentus efi aèrfiuens in ynam partem. Et les orages ] Les
rempeftes , ou rauages de groffes pluyes ; aère patefaBo , ey foluente fe mmbo grauiore yafidque , Seneque. En
l'air ] En la fupreme région de Tair : car tous ces Météores ne font rien autre chofe , qu'affedions & paffions ,
del'air* des nùès, -mjndipov g wpâr, Clément Alex, au Protreptic. Ces longs images ] Comme Comètes,
& autres affedions de Tair* lignes qui paroiffent au Ciel, imagines ,ftella longiores , columna clypeîque flagrantes,
dit Seneque , altaque mfigni nouitate fiamma , adquasfiupent omnes-, qui dit affez que les Comètes ey ait* c ofienta,
ytfaces, tuba, trabcfque denfoey pigro aère creantur , & partant pluftoft aux pais Septentrionnaux qu'ailleurs,
*i w^ra) S& tdSmç àtpoc yr^^ei , Clément Alex. D'effouuantemens yains ] Et qui ne procèdent que de no
ftre ignorance, qui* nobis tgnorantibus yerum , omnia terribilta funt, Seneque. ^tffeura les humains j parce qu'au-
parauant qu'ils fuffentinftruitsences fecrets naturels, ils trembloient de tout ce qu'ils voyoient au Ciel, iuf-
" ques-là qu'vne eclipfe de Lune leur faifoit tant de peur, que trois iours durant ils ne faifoient rien que fe
garder, a,' ^«ç ^i&v ml^, t*»' ^vuutii» Plutarque. Les guariffant du mal de l'ignorance ] Car pour cela
& pour fuir l'ignorance, les hommes, dit Ariftote au 1 . des Metaphyfiques, fe font mis à philofopher , Jfè. ^
«x-l'xtf iùJJyrtm ififtM^M». ^i cognoiftre le bien] purement & Amplement, c'eft à dire,fummum bonum.y
difficile cognoiffance , & fort controuerfée entre les Philofophes. Des vns qui le conflituent en la vertu , quig
X X x x iij
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1074
LE IL LIVRE
Metaphyf. h 3 iv7( âi-mftiezti &MfAJoi;

DES HYMNES. m]
. chofes, mais auffi la fin &la refolotion , à * itf «*W« «,U» , g «V >>'' «W«^7 Que sM eft germe & fe¬
mence de tout .comme Ariftote dit i. Metaph. w'w w' ^w ^ ^ -^ £> , ;, ^nfim a|] fc ,.eaii
eft germe & principe du feu mefme, uni * %pMi, «fe ^r* .',&.,, comme auffi IesTheogor.iens font l'Océan
pere de tous les Dieux indifféremment,* confequemment de Vulcan & de Pluton. Encor Monfieur de Thou*
prince de 1 hiftoire de Ion temps,
fupero quod luppiter athere regnatt
Quod Neptunwi aquas , quod Pluto tempérât ymbras,
c Munerk efi nofin. Et Saind Auguftin ;hmc omma élément* Mundi exifiere; Et confequemmené
lefeu.cequieftabfurd; mais Germe de tout, fe doit entendre, entant qu'aucune chofe icy bas ne peut fubfi-
fter ,-dit Philon luif, fans cefte fubftance humide, «7«jb vXeS iàv, & que les femencesdes animaux & des plantesmefmesfont
humides , & ne produifent rien fans humidité, £,/k >,W. Maisnoumfiier] Cclaefl vray, £
fypi *a»tu>,Ariftot. SesmammellesJQui rayent des fleuues & des fontaines fur la terre,^'^ w-w. qu'appell?
élégamment Philon Iuif,OT7B/i$f p'â^.fc ^t^.au liure de la Création. .Afin quefans honneur] A caufe que rien
ne fleum.ny ne frudific fanshumidité. Ce Tout] Cela fe doit entendre de laTerre.les Cieux pour leur conferuation
nayans que faire de cet élément. Car il nourrit ] Grégoire de Nyffe en fon Hexam. fait vne queftion,
vn autre, -ra « ti} kh(sl^o> vJùp et fu&GMOelii &ç tttfsi.
Per aè'ris yias prperes , Apulée.
Et d'auantagefàfln qu'il n'y ait chofe
Qjielle nefiache en tout ce Monde enclofie,
La terre arpente , & du riuage ardent,
De l'Orient iufiques à l'Occident,
Et de la part de l'Ourfe Boréale
Sçait la longueur, la largeur, l'interualle :
Jl n'y a bois, mont, fleuue ne cite,
Qu'en vn papier elle n'ait limité:
1» r,,i»Ar jr J» _:. J: /-. J:_ _: r_ _ _i ti m.
R I C H E L E T.
Et fans que l'homme en cent nauires erre
Vingt ou trente ans, ne luy monfire la terre
D'vnfeul regard:ceux qui touchent nos bords,
Et ceux quifroids font écarte? du corps
De noflre Monde& lagent blanche & noire,
Et tout cela que la fableufie hifloire
De l'Amérique eferit de noflre temps,
De l'Efpagnol les trefiors plus contens.
Et d'auantage] Ayant parlé de Dieu, & des Cieux, & de Tair, & de Teau.il vient maintenante la terre^
'pour auec la Géographie paflèr à la Philofophie morale. En tout ce Monde ] speBatrtx rerum omniumphdofiphia,
Seneque. La terre arpente ] Mefure le circuit dc toute la terre , ynç «fotôAvç, Lucian. ^tmhitum terra, quem con"
fiât habere , dkMsiCïoh.fladiorum milita ducenta quinquaginta ; Ce qui fepeut vérifier aifément parla triplication
de fon diamètre .comme auffi par la multiplication du mefme diamètre, on peut mefurer Teleuation de fon
otnbre,y[que ad Solvs curftim, en multipliant fexagies fexagmta millia fladiorum , qui eft le diamètre de la terre. Et
cefte mefure fe fait par la Géométrie, qui eftvnepartie des Mathématiques qui nous apprend les mefuresde
toutes chofes, nos latifundia metiri docet , dit Seneque epift. 88. inuention procedeede laneceffité des inonda¬
tions du Nil, dit Seruius, pour conferuer les poffeffions d'vn chacun , lors que ce B.euueplus aquo crefeens confiudit
terminas poffefitonum. Au demeurant quand il dit , que la Philofophie arpente la terre, la mefure par arpens,cela
s'entend en ce qu'elle eft habitable * defcouuerte ; car autrement la Nature Ta toute enuironnée d'eau, ^fbyf-
- - " . - - - ' Dt
eyc.
_ ... ftiu-
diondel'Auftralc, qui eft A ntardique & la partie inférieure du Monde. Latitude au furplus àMeridtano fitit
ad Septentrienem, dit Pline,* moindre de moitié que fa longitude , c'eft à dire , qu'elle eft de moitié moins def¬
couuerte & habitée en fa latitude, à caufe du rigoureux tempérament des deux extremitez. Sa latitude, xMne,
dit le liure du Monde,eft de quarante mil ftades, Tw^aK/o^uetw saJiat, fa longitude, prôf Ji ,defeptante mil
ftades. Philon luif aux allégories donne à l'Ourfe & à fes influences d'efire, la principale caufe de la focieté &
Vnion des hommes, à caufe du nombre des fept Eftoilles qui lacompofent, apSç iiHd â^oiç miwlaç % ivânut
eî^pÛ7mt mn'x. Scan la longueur, la largeur , l'interualle ] Qui eft toute la mefure des chofes corporelles .- omma.
corporalia tribus lineis contmentur , longitudine , latitudtne eyprofunditate,

9
io7c
^*^]Ceftà*re.loindenc^^
LE II. LIVRE
quepourvnlpartie de l'Vniuers, *quelquefois mefme f^"^^^"^
Oneene, ce mot eft homonyme, ouauxiu^cmç wap.* / terreftres, «w-n w «fet^/a»* cuSpaimtoiy. Et U
MundusinmalignopofttuseO; il eft pris là pour les chofes humaines ec tcrrcmc», «rn '|° ^ *Amm ic c,*,-
n » * A r- > rr A c .« _.,» mnrraire des Méridionaux, comme les
if«n
» fctnio-
blanche ey
* A r- >
notre] Telsquefont
rr A c
tousles Septentrionaux,
.« _.,» mnrraire des
au contraireu^i
Méridionaux, comme les
if« ^ cM.r. u;a ,..-\
fctnio-
blanche ey notre] Telsquefont tousles Septentrionaux, au contraireu^i ^ cM.r. u;a ,..-\ r -
piens . qui font noi s & brillez du Soleil , W .!* 0llge' JfJf,Éotuh^
menrerie. que nous en content les Efpagnols & Portugais. * /U*«f" ] .^"^f" *e££«.
incogneuë à tous les anciens, ou pluftoft vn nouueau Monde, defcouuert premièrement par Amène Vefpuce.
Les trefirs ] Et le feminaire de toutes les guerres & corruptions de 1 Europe.
Puis elle vint reuifiter les villes,
Et leur donna des polices ciuiles,
Pour les régir par flatuts & par lois :
Car pour néant on eufl quitté les bois
Et les deferts , où le peuple fauuage
Viuoit de glan , fans trouuer d'auantage
R I C H E L E T.
Qu'entre les bois, au milieu des rite%
Moins de iufiice & plus d'iniquité^:
Et fi la Loy , pédagogue du vice,
Neuflfait régner Themis &la Iufiice,
Que Iupiter au pouuoir indonté
Prés defin throfne aflfled a flon coflé.
Tuis elle yint ] Voicy le dernier & plus vtile effed de la Philofophie concernant les miurs & les polices.
HeutfiterlesyiUes] Et alors commença l'Ethique ou la Morale, la Politique & Oeconomique; laquelle Phi¬
lofophie Morale eft la troifiefme partie: toute la Philofophie eftant diuifee en trois, comme i'ay dit, Phyfu
que, Ethique & Dialedique . ^p» "j çiMmçilttt laloc, 9unùi,*hùv , ïjg.Mx.'Uw. La Phyfiquc traitte , ia «fet tutjxn , È
fîfù dtmî: l'Ethique, ta isfei /-,/'*, g ^W

DES HYMNES. «#
'itCble ^LTc°ir^0nfer] C0Vîmïil CÛ rC?arqué «*-*

io78 LE IL LIVRE
me gourd & inuriIc,comme eft vn fer rouillé. Par toy feule attache'dans les Cieux ] Par vne longue habituel
de contemplation , & purgation dc l'ame , que la fainde Philofophie , les vertus , les bonnes iuures purifier tient
& eleuent à Dieu , par illumination d'vne fainde fcience , foftpum fempitcmarum rerum difquifimonem , ad Du co.
gmtionem animam euehtns , ipfiitfque deJUermm , m omnium expetenda affigens , hoc efi /?/>o,Nicetas oraif.39. de Grçg.de
Naz.

A MONSEIGNEVR
MESSIRE CHARLES DE
BALSAC, EVESQVE ET COMTE
de Noyon, Pair de
France .
ONSE IGNEVR,
10 ij
Combien que ïeuure de cefi Hymne Chrefiien fioit fiainél
ffl d'vnfujeff diuin, & digne aufii d'vn fçauoir profond,
^ __ que l'ignorance d'vn esfrit comme le mien , nefiauroit four¬
nir pour'le bien interpréter,cela n appartenantqua ceux qui comme vous che"
minentfiur les traces de l'abyfime, d* tyim àCvosov G&i-mmiw'nç, ainfiqueparle
Grégoire de NaK>ianzje au z. défia Théologie , ceft à dire a ceux qui tous
les ioursfont auecque Dieu: Neantmoins, homme de terre que ie fuis, tofi
leuer le doigt au Ciel, approchant mes ténèbres du iour de cefi ouurage diuin
& celefie, non pour luy donner plus d'ornement j§ de perfection qu'il
n'a, mais pour prendre l'occafion de la dignité d'vn fiujeStfacré , que levons
puiffe prefinter conuenablemenp , & qui ne fioit profane deuant vos yeux :
vous y verrel(jn raccourcy , tout le merueiïïeux , l'efilattant , & le plus beau,
w fèvcizu)^ wt xsfigiqt&i) de tl'humanité de nofire Seigneur, & defia vie miraculeufiè:
vous y verrez,fa Natiuité,fa Pafiion, fiés Miracles,fa Refurre-
éPion , fion

i'oSo LE " LIVRE
4 du Sanctuaire & du Saints ^f-fjJJJJ {m cefefudc
j»*9JM. ^^ TJltÙkfk-
peudeloifirpourjy
vrand cas, cûm?ne aufst le Palan a peu ae cvmn* r*;n,~i * mu
{ant JLmrJam enfoncer : efirits fommains & fansff^tro
v^p Jhm, pour Jefchaner quelquefois des confions de noftre pro-
fZlSentell calLe cefiacre Ipos. lfn repu n^nmo^nu-
tre profit, que ce petit labeur, mefert d'offrande en voftre endrott, &detefi
JJagefauiourdhuy que ie rends à la poftertdde Ihonneu,-quelayâe
voftre cognoiffance , &du mérite de vos courmfies, qu, mobltgent defire
à iamais,
zMONSEIGNEV^,
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Voftre trefhumble & trèsobeyffant
feruiteur,
RlCHELET.
LE

DES HYMNES. ioSV
LE COMTE D'ALSINOIS A RONSARD,
SVR SON HERCVLE CHRESTIEN.
Combien efi ce D i E V, ce grand D i E v admirable
En fies effeéls diuins , ce D i E V qui t'a donné,
Parfit grâce , cefi heur (Pauoir fi bienfinné
*«*.*» , , SQUS vn Herculefeint 1 1 s v s-C H R i s T véritable.
Tu es, d'vn vain Poëte fy d'Amant mifierable,
Fait le Harpeur de D i e v , maintenant couronné
"D'vn Laurier qui nefl point pour vn temps ordonné,
Puis que tu ai choifi vnfujeél perdurable.
Tout ainfi qu'en la Qroix l'Hercule belliqueur
Des peche% monftrueux & de la\Mort vainqueur,
Affranéhift ton efprit de la Mort immortelle:
L'Hymne qu'à tel Vainqueur tu chantes fainélemcnt,
'Plus que tout autre chant chantéprophanement,
Doit affranchir ton nom d'vne mort éternelle.
HYMNE IL
L'Hercvle Chrestien^
A ODET DE COLLIGNY,
Cardinal de Chaftillon.
Commente par N. R i c h e l e t Parifîen.
St-il pas temps déformais de
chanter
Vn vers Chreflien qui puiffe
contenter
Mieux que deuant les Chrefiiennes aureiUes f
Eft-il pas temps de éhanter les merueilles
"De noflre D I E v t & toute la rondeur
T>e l'Uniuers remply défit grandeur t
Le Payen fionne vne chanfonTayenne,
Et le Chreflien vne chanfon Chreftienne:
R I C H E L E T.
, Telle
Le vers Payen efi digne des Payensl
Mais leffhrejlien eft digne des Chreftiens?
Donques deDiEvfc Nom tres-fainB
& digne "^
Commencera &* finira mon Hymne :
Carceft le D I e V qui m'a donné l'efh-rit
De célébrer fon enfant Jefits-Qhrift:
Or puiffe donc cefte Lyre dyuoire
Toufiours éhanterfit louange &ftgloire:
quelle eft,ô Seigneur, deformais
le la confacre à tes pieds pour iamais.
Mais,ô Seigneur,quelchant ou quelle Lyre»,
Ou quelle langue entreprendrait dédire
Suffifamment ta louange (^'combien
Tu nous asfait par ta grâce de bien?
A nous les tiensftes enfans,& tes hommes,
Nous qui troupeaux de ta pafture fiommes ^
Nous tes efieus,quepar nom tu cognois.
Nous certes , nous,ï ouurage de tes doigts t
Efi-il p** temps defirmaù ] L'Autheur dit , qu'il ne veut plus s'addonner qu'à des fuje&s diuins & Chreftiens,
* principalement à chanter les louanges de Dieu* de Iefus-Chrift fon fils, duquel les font grands
* merueilleux en fa Diuinité* humanité: Ayant fait toutes chofes pour le bien & falut dc l'homme, lequel
foit luif ou Gentil, s'eft grandement oublié & aueuglé aux predidionsdefavenue, qui luy eftoit annoncée
par les Prophètes & Sibylles, idolâtrant des faulfès deïtez , & leur donnant l'honneur qui n'eftdcub qu'au vray
Dieu. Et pour le monftrer, par vn parallelle ingénieux, quoy qu'imparfait, il dit,que la plus part deschofes
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YYyy '

io8i. LE IL LIVRE
efcrites par les Payens , de l'Hercule Payen , en fa naiffance , fa vie , fes combats fes labeurs , fa mort , & fon
apotheofe , appartient proprement à lefus-Chrift .- les Gentils s'eftans feint & compofe vn Hercule, des
adions diuinesT* merueillenfes que les Prophètes* Oracles mefmes, annonçoient deuoir vniours effeduer
«(accomplir en la diuine humanité de lefus-Chrift noftre Hercule. Au furplus pour ce qui eft de cefte cornparaifon
en foy, il y enaquelques-vns qui l'ont blafmee, comme Tcttul ian la «prend en Marciçn ,Her.
{*&-»( dit-il) Je fabula facit Chiifium, liure 4. chapitre 10. mais cela eftoit blafmablc en Marc.on, qui le faifoit
par herefie,* non pas en noftre Autheur qui le fait par honneur & par effort d efpnt. Auffi Seneque au
4. de Bénéfice^. 7. dit qu'il n'eft pas hors de propos* fans raifon d'appliquer & adapter a Dieu, vn nom
de rapport & conformité à ce qu'il fait : quotm\oles ( dit-il ) tibi licet Aliter hum tufhrem rerum nofiraritm compeU
Ure,qu*cumque ^oles OU nomina proprtè aptabis ,^im aliquam effeBûmque cllefiem conttnentu ; tôt appellations etus
potfunt elfe quot munera .- htmc Hercukm noftn puunt , quia yis tim muittafit, Mefme , Plutarque en la vie de Ly-
curgue, compare la ville de Sparte à Hercule, en ce que l'vn auec fa maffe purgeoit le Monde de voleurs &
de Tyrans, & cefte ville auec vn mot de bulletin ou de mandement, les oftoit de la Grèce*, donc ce partiel¬
le , en ce que noftre Autheur en dit, quoy qu'impropre, ne peut eftre trouue mauuais. Veu mefme que Theophylade
en fon Commentaire fur Ionas, remarquant qu'Hercule fut trois iours au ventre d'vne Baleine, ne
fait point difficulté d'appliquer cefte fable àla vérité des trois iours delafepulturede noftre Seigneur,* en
cela , dc les comparer Tvn à l'autre. Le Payen forme ] C'eft àdire , Tldolatre & le Gentil, car ainfi les Chre¬
ftiens trente ans après lefus-Chrift appelloient les Gentils, c'eft à dire, gens groffiers, ruftiques & ignorans.qui
croyoient diuerfement tout ce qu'on leur faifoit croire, «;«»«*» /Aura- , «4>/>o--ç > Hcfych. autant de bourgs, au¬
tant de croyances diuerfes, pro pagorumdiuerfitate. De Dieu le nom tres'fatnft ] En la cogitation^ duquel il
faut fe profterner en terre , & l'adorer d'vn profond filcnce. Quant au nom de Dieu, & de fçauoir s'il en a vn,
ou s'il en peut auoir; voyez le fécond chap. du Dodecameron de Petr.Faber. Commencera ] Auffi faut-il
que Dieu foit le commencement* la fin de tout ce que nous faifons, Stoç iyùàw imrà; ïfyv k, \iyv. Synefe au
commencement de Tepiftre Petro fiteerdoti. Son enfant ] Son Fils vnique , Imigenitum fuum , qui efifplendor glo*
ru, (yfigurafubfiantt* eius, Saind Paul aux Hcbricux. leftti-Chnfi ] Noftre Sauueur, nom de falut & d'ondion
, car Iefus , fignifie Sauueur, & Chrifl , fignifie Ôind, t\uem Trnxitpater Spirttu fantto. Ieftts qui populum fialuet;
Chrifius, qui Pontifex faBusfit m aternum, Saind Cyprian fur le Symbole. Vt a chrifmate Chnflus ,fic lefus 1/ocatus efi à
fiante , ce dit Chryfologus Archeuefque de Rauenne au Sermon 57. fur le Symbole. Iefus, ce dit Tertullian aduerfus
Praxeam, eft fon nom propre, quod çr ab ^/Cngelo impofitum ef,alteritm appellatio efi, cr acctdens , quod ab Imfiione
conuemt. Dife fujfiffamment] Ilne fe peut, veu que Saind Iean fur la fin dc fon Euangilc , qui contient tant
de merueilles de lefus-Chrift.adioufte ces mots, Sunt autem çr aha multa qux ftctt lefus , « nt ciïfyumv , £ (Mm.$utnf»c w cùBfâ^n £ nç xaytruûif mp'm,^

DÈS HYMNES. tàfy
*^m boute ronde} I ajrparle ailleurs de fa figure , fur l'Hymne du CîeT. Fh âamp dfpetîhfiiulcf^^ , philo^
luif, vne multitude,* comme vne armée rangée d'Eftoilles.qu'ii appellepetits feux,felon l'apparence, * fefon
mefme qu Epicure les mefuroit àla proportion du fens, croyant queles aftres n'eftoient pas plus grands qu'ils
apparoiffent .combien que la moindre Eftoilledufirraament foit plus grande dixhuid fois que la terre. Car
les Eftoilles ont diuerfes grandeurs, diuerfie fiunt magnitudmis, difent les Aftronomes,/r*»w, Çecunda, tertix, iufqu'â
fix. Ou bien il les appelle petits,par relation à ce qui paroift de la grandeur du Soleil. Et Pline à ce propos liure
2. chap. i9.nec-yeroh«ctantadebe»texifiimdri,fudita cernuntur, cùm efe eorum nullum minus luna , tam immenfie altitudmis
ratio declaret. Or ici fait à remarqucr,ce que dit Philon luifau liure de la Création : que les aftres ont efté
créez & mis au Ciel pour quatre chofes : l'vne pourefclairer ,«b6s ' tpatyopw, l'autre pour feruir de lignes Se
prognoftiques, Smeç mfuÂk (uMÔrmt raeswpcùmmt, la troifiefme pour marquer les faifons, ft'f mipiç, a^Àiaiinain( *£*? *ed-n(i*w, eut fuyl>u> /samteT, mç $
merci mhUnt , AJ TfhviYtt 1V&'^o'^»TO/*

«84 LE IL LIVRE
en fon Apologetic chap.2i.Mais auiourd'huy peuple maudit ,/« -dû tmy{w

I DES HYMNES. h*,
De Femme-Vierge, ey dedans leurs Oracles
Chantoient tesfaits,ta vie & tes miracles,
De poinôl en poinâ, quels & combien de
Quellegrand' firolx, &comfien de trauaux
Tufioujfrirois pour lauer noftre offenfi,
Comme vn agneau qui na point de défi
maux, fenftt
R I C H E L E T.
v Mais ce tien peuple endurcy ] Le peuple luif,populus ceruicofus , comme l'appelle Saind Hilaire , Pfalm. 1 2. &
auquelauffi Macarius,Homel. 4. impute* reproche ladureté decDur, iieK>,Kpovw **p

îiSg- LE IL LIVRE
noir ; de façon que c'eft la puiffance * vertu de ce Verbe diuin , qui la fit mere par deffus la Nature , ifi J «y
-, ^'««^"fc ffr * «P« «, *Bç ^, .w-C. ^rrsf*rfnÏÏuc cefte Natiuité , pour fa mcrueille, eft
ce dit le Preftre Théodore en fonhure de 1 incarnation. Et delà qu ^ Diacrc d> ' \
appc eeparadoxc, ^çj'^^Ttwndans Saind Ignace aux Philippiei'4- cxcu li-r
che f "A -,2md \i hoc miraculic iAI H dnlEùeÇquiM^imas^afctturcaro 1- i't- / mi r- de À» rAme catne,nouww rAme catne,nouww nontamen renerata * renerata * t fer carnemJea ,j j ecreto que- 1.a
damincomprchenfoqueconceptuprocedfdemortalif,minadtuinaprogemes.EtS.hu^
mater

DES HYMNES.' nS7
teneat omnem potefiatem : il n'y a qu'vn feul Dieu , qui ne peut eftre qu'vnique , & confequemment n'a point
d'égal. Elégamment Tertullian contre Hermogenes chapitre 4. SiDeus efi, ynicum fit necejfe efi,yt ynusfit;at
quid erit ynicum eyfimgulare nifi cui nihil adiquabitur ? quid principale mfiquod fuperomnia , mfi quod ante omma , &*
ex quo omma? le fukqtti fuis ] Excellent nom de Dieu, qui n'a point de nom plus propre que celuy de
1 Eftre , & de Dieu , Kue^cènpov mdmt i innà-mv , dit Saind Iean Damafcene :ne nomen Dei qua¬
rts, SaindCyprian , Deus nomen efi tlli .- Deo qui folus efi, Deiyocabulum totum efl. Il ne peut pas plus proprement
fe nommer, qu'en difant qu'il eft celuy qui eft : caren effed, c'eft luy feul qui eft proprement, le refte n'eft
rien, h or, difoit Parraenidc, -è, lïizgfyi n ov,£Â', remarque Parfymerius en fa paraphrafe fur les lignes in-
fecablcs d'Aiiftote. Et de là Saind Auguftin au 8. de fa Cité, chap. n. ditqu'encor que les chofes que Dieu
a créées foient & ayent eftre, toutesfois eftans muables, elles ne font pas vrayement ny proprement à Tefgard
de Teftre de Dieu , qui eft de par foy-mefme * immuable: & c'eft pourquoy au 4. de l'Exode, Dieu enuoyant
Moyfe pour deliurer fon peuple luy dit proprement fon nom, 4y£ et'fil Ss dv, le fuis qui fuis ;& auffi Platon en
fon Sophifte, difant que Dieu ne peut auoir de nom qui le renrefente fuffifamment , l'appelle to on , & Dieu
dans Philon luif en la vie de Moyfe, dit qu'il n'y a point de nonr^ui luy foit plus propre que celuy de Teftre,
ii, Ariftote au 1. de la République chap.
2. i tàfiowa (pan,

xi8* EE IL
"Celity feft fiait des autres "Dieux nou¬
ueaux,
Ceft idolâtre idolâtra des veaux ,
Et le Relier qui fies cornes replie
Sur les fixions de la cuitte Libye :
Celuy premier controuua les ahus
Uimportuner les Trépieds deThcbus :
Celuy fe fît vne Iunon cruelle,
Vne 'Tallas armée à la mammelle,
Et pour fion Dieu , ce malheureux remit
Un i Apollon qui toufiours le deceut,
De mots douteux de fion Oracle efirange :
Celuy premier d'vne horrible mefiange
LIVRE
R I C H E L E T.
Combla ton Ciel : ily mit des taureaux]
Des chiens, vn afne,vn Heure, cydes che-
ureaux,
Deux Ours,vnfiuue,vn ferpent, & la chéure
Qui répandit fin laiéï dedans la leure
De leur beau Dieu par l'efface d'vn an,
Eftant cachédans l'antre Diélean.
Voila comment des Gentils la malice,
Comme les Juifs aueugle^dc leur vice,
Ont defrobé ton honneur précieux,
Pour le donner à ie nefiay quels Dieux,
Qui nefiauroient en noftre tefte faire
Par leur vertu vn poil ny le desfaire.
Celuy s'eft fait ] Proprement, s'eft fait.parlant des Idoles. Ma nempè,fi nonfiant , nonfunt , quorum fabrica >.
x.itio efi, optatus Mileuit. liure 4. fur la fin , eyfime artificefien nonpotefi. idolâtra des yeaux ] Le peuple luif s'en
fit faire \a,bubuhtm caput, de moniltbus fuminarum ey annults yirorum , lors qu'au defert il ditàAaron ,Fac nobis
Deos qui nos antecedant , Exode 32. Et Tertullian contre les Iuifs chap. 1 - Les Gentils de mefme ont idolâtré des
animaux , & autres chofes honteufes , Gentes yero quadamantmalia, etiam aliqua ey obfc•na pro Dus habent , ac multx
dittu magis pudenda, per f•tidos cibos ey aliafimilia turantes, Pline 2. chap.7. Et le Bélier] Sous l'image duquel Iu¬
piter Ammon eftoit reprefenté en Afrique, & là fe rendoient des Oracles fameux dont i'ay parlé ailleurs : mef¬
me qu'Alexandre defireux d'efire réputé fils de ce Iupiter Ammon.AV^rof -/«'f H) ftwi, voulut que les ftatuaircs
de fon temps, le reprefentaffent portant cornes comme ce Bélier, iu&ioy>ôp»i a*'_WT?««a/u_ t» mimt,
Clément Alexandrin en fon Protrept. Cuitte Libye ] Partie dc l'Afrique , bruflante & fablonneufe , d'où
Synefc en vne fienne Epiftre l'appelle Jjty&r AiCùtw. les abus ] Parce qu'en effed les Oracles en quelque
façon que ce fut , abufoient .toufiours ceux pour lefquels ils eftoient rendus, par leur ambiguité .- comme
quand dans le 2. d'Apollodore, les Heraclides furent demander à la Pythie de Delphes le temps de leur retour
au Peloponncfe, l'Oracle fut qu'ils retourneroient dans le troifiefme fouiâ, a&fuiwjac iïteï&i n>fmt Kff.iîp%&qt
ce qu'ils interprétèrent dans la troifiefme année, & là deffus donnèrent la bataille, où ils furent défaits:*
comme long temps après on fe fuftplaint de l'abus dc ceft Oracle, la Pythie rcfpondit, qu'il s'entendoit du
fruid de génération & dc race , xy*çâto

D E S H Y M N E S. no>
" d'animaux , * d'autres chofes, innumer* effigies animalium rerûmque cttntlarum Cilo impreffe, font véritables , & fe
xccognoiiïentU&veùé, ytfus probatione , alibi plauftri , alibi yrfi, tauri alibi, alibi Uttera figura efi; & croit que de
ces figures d'animaux delà haut,* de leurs defluxions fe forment les Monftres d'icy bas, principalement en
la mer. En l'antre Dtcîean] Enl'Iflede Candier
latuit infans rupis exefie fiecu. ' Seneque.
Ont defrobé ton honneur] Superfittiombus falfis religionemyeram /#£»«**»*«. Saind Cyprian. ^/Cienefçay quels
Dieux eux ] Fantafques & ridicules , félon la corruption de l'efprit des peuples , dont fe moque mefme Ltician, qui
bus poffimt(Sa.inâ Cyprian contre Demetrian ) qui fe de non eolentibus y'indicare nonpoffunfi Cur yero Deos putas pro
Cornants pofie , quosfiepiùs yideas ,mhil prorfus aduerfus eorum arma yaluiffe ? Lifez Arnobe liure 6. * Clément Alex,
au Protreptic.
Mais ou efl l'nil, tant foit-ilaueuglé,
Ou eft l'efprit , tant f oit-il defieiglé,
S'il veut vn peu mes paroles comprendre,
Que par raifon ie ne luy face entendre,
Que la pluffart des chofes qu'on eferit
D'Hercule eft deuè a vn feul I E s v s-
I Christ?
Premièrement , queft- ce de trois nuiflees
QueJupiter tint en vne arreflees,
Quand il voulut fon Alcmene embraffer,
Oujvn nombre d'ans qui fe deuoient paffir,
Ains que I e s v s prinft naiffance de Mere,
Tant ily eut dans le Ciel de Myftere,
Auant que luy celafi fa De'ité
Sous le manteau de noftre humanité?
R I C H E L E T.
Hé! queft- ce après dejunon homicide,
Qjti enuoya dans le berceau d'Alcide
Deux grandsferpens pour le faire périr,
Qu'Herodes Roy, qui pourfaire mourir
L'Enfant Iesvs, enuoya par la terre
De Bethléem fes Satrapes de guerre,
Pour le tuer, ^f les petits enfans
Quiferaient nai% au deffous de deux ans ?
On les penfoit tous deux eflre fils d'hommes
Et purs humains ainfi comme nousfommes,
Et far le peuple enfans les nommoit-on,
L'vn de Jofefh, l'autre d'Amphitryon,
Bien que I E s v s eufi pris de D î e V fin
eftre,
Et Iupiter euftfait Hercule naiftre.
Mais oùefi l' Il entre maintenant au parallelle des deux Hercules. Quêta plufiart] Car il n'eft pas
neceflaire, en fait decomparaifon.que toutfe rapporte. Cùm proferuntur exempta, dit Saind Cyprian fur le
Symbole , non per ommafimilitudmem feruare poffunt ret illius cui prabere putantur exemplum , fed ynius altcuius partis
pro qua ytdentur affumpta , fimilitudmem tenens: comme quand TEfcriture dit .que le Royaume des Cieux fimile
efi fermenta, dans faind Matthieu ij. ce n'eft pas qu'il foit per omnia fimile fermenta , mais ceft exemple rad hoc
folùm ytdetur affumptum, yt oftendatur ex parua prdicatione Verbi , humanas mentes fidei fermenta poffe coalefcere, Et
delà s'enfuit, dit le mefme Saind Cyprian, exempta nomnomnibus bis, quorum exempta funt, effe fimilia :ce qui
fert encor d'Apologie àla comparaifon que fait noftre Autheur. Et Arnobe ne s'efloigne pas de pareille comparaifon,
quand il parle ainfi, Si Herculem quod feras, quodfures, quod multiplicum capttum fuperautt compefcuitque
natrices , diuorum retultfiis m ctum, honoribus quantis afficiendus efi nobis , qui ab erroribus nos magnts infinuata yeritate
traduxit ? D'Hercule ] Ce nom anciennement eftoit gênerai pour tout homme fort , & de labeur, contre les
Monftres. Eftdeuè'àyrifeul lefus-Chrift] Eft propre,* défia eurent-ils cela de commun tous deux ,que leur
vie fut toute laborieufe , quoy qu'illuftre d'honneur * de gloire , im/Mvin Si - tts^npit ° « S** fiiot , tn. l2 h

to$q
LE IL LIVRE
Tant ily ent dans leCtel demyfiere] CchCcùfifM ?*lp°F&
au Sermon de l'Annonciation. ^ »/«.* ^ «».«.»»».--'' -^ - , ,. -, , r~ n- ,
j rv , « _f , eovo--o»xe fa grand' Croix mit en mourant à mort.
ffe': qu'efi.-ce après de ces Monfires ] Comme en effed par tous ces labeurs d'Hercules , on ne peut entendre
autre chofe, finon, ce que dit Artemidore liure 2. chap.42. qu'Hercule deuant fa vie a efté la terreur des mef-
, chans & la prtrredion des bons , dei fi i fciç K^i f UinMw, g «Vp« «f *&>of* A ne 4>»V m *&?%«,
»po< , 5i/î- f Par Hercule desfaits ] Luy-mefme le dit dans Lucian aux Dialogues dcsDieux,^» J m*?*»,
dic Epiéletc liure
TTl°l\ ff.S h°ftc,S fur d" autcls chcz ,UX » & vu"lu^ «ntfine immoler Hercule,
dt ïirt? t ^ TTl°l\ ff.S h°ftc,S fur d" autcls chcz ,UX » & vu"lu^ «ntfine immoler Hercule,
dt Seruius,* pour cela ,1 le défit : & 'autre fut vn brigand, valet d'Euandre,qui pilla tout le païs, & fe retiroi
daf!LnccauÈincdumon^uentin,oùHercule,duquçî il auoit emmené les bceufs, Tcftrangla; Virgile enfaic
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DES HYMNES. ï09i
le difcours au 8. dc l'Eneid. sinon le yice eyle péché] Qui font les Monftres des hommesTque lefus-Chrift
a combatus & mis à mort : Seneque au liure Quod mfaptentem non cadit imuria, fait la mefme comparaifon.
d'Hercule combattant les Monftres, auec Caton combattant les vices de fon fiecle, &met lavidoire dc Caton
par deffus celle d'Hercule : Cato ( dit- il ) cum fier'is minus non contultt, nec monfira igné ac ferro perfecutus eft , nec
m ea tempora inctdit, quibus credi poffet, celum ymus humèris inmti-.fed cum ytmbitu congreffus, multiformi malo, ey
cum potenti* immenfa cupiditate , aduerfus y'ttia ciuttatis degenerantis ey peffum fua mole fidentts fiettt filus , eyc Et
mefme en la perfonne d'Hercule, dit Seruius, les fages rapportent fa force, plus à la défaite des pallions dc
l'efprit, qu'aux forces extérieures du corps, Hercules k prudentioribus mente magis, quam corpore fortis induciturî
adeo ypduodecim eius labores refiem pofimt ad aliquid : fa force, dit-il, c'eft fa raifon, ratio efi, qua omnes cupidttates,
eycunBa ytna terrena contempfit ey domuit. De fiagrand' Croix] C'eft à dire, de ce grand & admirable ceu¬
ure delà Paffion , que faind Ignace appelle , SioiMK&w W^oj*. & non que cela fc doiue entendre du bois
matériel de fa Croix: combien que la Croix en fon figne &charadere, foit vn Hiéroglyphique lignifiant la
mort des affedions du Monde, * la vidoire furie vice. Ainfi que Saind Denys au fixiefme chapitre dc
fa Hiérarchie, explique le figne de la Croix qui fe faifoit fur la tefte du Religieux qui faifoit profeffion,«
sïu/pof/^af m-ra

«m LE ÎL LIVRE
Mo»ftre«arin. Mefi.c, fteTromethe] VoyexlePrcmcthéc d'Efchyle. J>ef"**«P} Haute montai.
gne,rctcntiflântc des clameurs de ce Promethée.
Immenfis cenclamau querelu
Saxa finis. Martial.
iwerauit, jeruiuss. ng^-n^thai w tuim , un w-'*» »"" .«.------ - -/.-. «««/«m *,««./,. i
auoit faite qu'vn archer Thebain le del.urcroit , c'eft à dire , Hercule, «g** ^''"XTl ZlV
L'homme, que Iefus- Chrift a débuté, * rciiny à Dieu fon Pere, chnfiusyeniens, di Optatus. liu e 4. P£»©.
t.... M,...* ;., *,,.» >.. A, ^iU ynum . tollens mediHm,!epemt>ar,et*. 1 cntens ^dam] Le prcm.cr de tous
dclccn-
Que
Satan:
c enee qu Uclituansi i-iomei.n. aciviacanui,c.%«j*e5-.sa' ""'"' '^'ws^-v ' " ~c c ' \ " j r W"."
»< , ^ ,8 fi gloire,
Pûur empefeher défi Croix la vidoire ï
epcfirçe après d'Hercule, qui retint
Sinon I E s V s quila Mort arrefta
Par fen pouuoir, quand il refinfeit*
Son cher Lazare, 6" de la nuitt profonde
Le renuoja citoyen de ce Mondet
- RICHE-*
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dès Hymnes- _ ^
R I C H E L E T.
He'l qu'efi.ce après de Iunon ] Qui portoit enuie à fes entreprifes glorieufes, & le haïfToit mortellement, comme
il dit luy-mefine dans Seneque, wpcnas mets, ^Ctque m Uores nonfatis terra patent lunonisodio. smoh
Satan ] Didion Hébraïque qui fignifie vn mefchant aduerfaire lequel s'oppofe à tout bien.- c'eft pourquoy
t leDiahlc,angelusrftalitia, comme 1 appelle Tertullian au liure du tefmoignagede l'ame chap. 3. parprerogatiuc
de ce naturel ennemy & contraire à tout bien.s'appelle proprement Satan. Four empefiherde fia Croix 1 Car le I
Diable a toufiours fait fon effort d'empefeher la Paffion de lefus-Chrift auant fa Croix. Et mcfmc après fa Paf¬
fion a tafché de l'anéantir par diuerfes impoflures ; & tout cela parce qu'il voyoit bien qu'elle feroit fa mort &
noftre vie, le trophée eleué contre fa puiflance, ' S'w^nç- Xç dvd Jboà/twe , dit Saind Ignace aux Philippiens,
qui remarque cet cmçefchemenr.difant que le Diable par la pénitence imparfaite de Iudas & parle fonge de là
femme du Pontife, m^etv m> Ja virginité de la Vierge , fon en- .
fantement,* la mort de noftre Seigneur,?Mîîwaf^ ûcùcSnç riTV,impima.Uaeiac,x, à -nm-àç aZmç, Ôjmmc g i' j
Sat-raf Kvefv. la yiBoire ] Noua gloria potefiatem ey fiubltmitatem , qu'appelle Tertullian , entus imperium, dit Is
Vrophctclhie,fattumefrfuperhumerum ipfius,chap.9. le trophée de tous les trophées,* le plus tckué,%mjiinx,nç
t/'4«M>'7ipoy,Greg. de Nazian. en ia. 2. contre Iulian. Sur le tombeau de la morte Euryuie ] Sur le tombeau d'Alceftc,
morte pour Admete fon mary : mais Hercule fe trouuant lors au logis de la defunde, & obligé de Thofpitalité
qu'il y receuoir, ayant feeu le lieu du tombeau où eftoit le corps , to^oc |esw> à*. isoayrô , fe refqlut dc la rauoir en
vie, & la rendre à fon mary.
p jus oaetti tUa SaySffOii «fticnç,
yjujtUMsf. ( dit-il J Jl'etç ittJÎ ttùfaç iJyûimi JifMt.
£t voicy comment dit l'Euripide en fon Alcefte : Hercule s'alla mettre d'embufeade en fon tombeau , efpians
lcRoydesMorts.afatStTMc itKftSrddvam, comme il venoit boire les prémices des effufionsfuneralesqui s'y fai.
foient,* le prenant à la gorge auec les mains, m'uau «é&.Ça.hàv, le contraignit par force de luy rendre Alcefte en
vie comme auparauant, ^d^w owia'^of J^^vu» rçTw/estK^ayant combatu par ce moyen contre le Roy des Diables,
ainfi que dit noftre Autheur. Mais quant au nom d'Euryuie qu'il luy donnc.Euripide n'en parle point,* peuteftre
que ce nom luy eft icy donné.à caufe de fa vie qui luy a efté rendue,* comme eftendué, quafi A.'pûÇtoç, ou à
caufe que la vie luy a efté reftitueeparla grande force & puiffance d'Herculcj&'pyf/V Seneque fait auffi mention
du combat d'Hercule contre Pluton.où il dit qu'il fut blefTé. '
Effugit tenut eufiide fiaucim,
Et mortis domina* pertimuit mori.
Qui lamort arrefia] Etper mortem deftmxiteum qui habebat mortis mpérium,id efi diabolum,S. Paul aux Hebrieux J2
Farfinpouuoir] Miraculeux pouuoir.dit Ladance a\l 4.cha.p.i6 .quid enimmiraculo digmus omniumfaculorum,qu*m
decurfiam yitam refignaJfi,completifque hommum temporibm tempora adieciffe,ey arcana mortis reuelaffi ? Auffi S. Auguftin
au traidé du Lazare, dit fort bien , que cefte mort non erat ad mortem ,fed ad miraculum. Q.uand il refùfcita 1
Ksy (Kj"' tîw "rx&jtUo /3g#p(t/V &v/ pdSS'u àrdçumr zimîwu,à)t!ç% w »« Yocpicttioc tvaf» » m^rc.Clement.AIexand.chap. 2. du Pedagog. Nicephore interprétant les
quatre iours de la mort du Lazare.dit que c'eft pour monftrer que les quatre Elemens , ou principes de fa con¬
ftitution naturelle eftans morts en luy, Dieu par fa refurredion les remit* renouucla au mefme eftatde vie
* conftitution qu'auparauant, liure 1.chap. 3 7,
Queft- ce qu Hercule ayant répudié Et I E s V s-C H R i s ifit lafimblabe cheufe;
Sa vieille effoufe , a fin d'efire allié Caril veftit l'humain habillement
D'vne nouuelle eftrangere conquife? De fon Eglife, & l'aima tellement
Sinon I E s v s , qui l'ancienne Eglife Qtfen fafaueur receut la mort cruelle
Des premiers Juifs 'pourfemme refufit
Et des Gentils l'Eglife il eftoufa?
Eftant veftu des habillemens d'elle.
Queft-ce d'Hercule , & du puiffant
Hercule Print l'habit de fon effoufe, ^Atlas
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LE ÎI. LIVRE
Qui cegrand Ciel fouftiennent de leurs bras? Tout ce grand Monl
Sinon leTere &U Fils qui reffemble J^^r, Ucekfte main.
Deforce au Père,$rfouftiennent enfimble ïeroir ww j j
R I C H E L E T.
ouurage qui fou-
Qjtt l'ancienne
W^WjC^aifledefoiu^ rienxchap. . 8.
lift] LaSynagoguedcsIuifsreiettccparluy. Egoneglext eostoitv ^ , &
Lme refufa f Refus qui doit durer iufqu'à ce que le f^^^ mnauerit gentium plenttudo,
Fourft
iufqu' ,'àlat iufqu' ,'àlat consommation confommation consommation confommation du fiecle, m confummattonc , dit Saind aainw Saind aainw H n .«- laiiel . 9 , mlfcrlcordfreferuatur. mfiricorJ,*referu4tur.
mlfcrlcordfreferuatur. mfiricorJ,*referu4tur. Et
uidlfraiUftrcltqHumfaluabitur, propter patreseyeeBos,^
tum quidq
contre
desàentils] 6c ndi\Je, de Uclolatrta fih fionfautt l^f^S?^ {y corperatM ey partie^
Marcion liure 4.chap. t o. Et Saind Irenee hure i .chap. 4. Vfi"^Zïlmyenit Lentes. Et par ainfi L
ÇanBorum fectt Dm. Et Saind Hilaire PGd.iil. n^tiïZXJ^JZZÏrtute Lporum alpm notttiam
que Iefus- Chrift a efpoufé fon Eglife, qui luy eltvn.e par u r1^;- -; Elifesd°s Hérétiques ne fonc
fponfam. Hercule prit l'habit ] Seneque le reprefente ainfi veftu,
piBum yefie Stdonia latw,
Uma tellement] Qu^n l'efpoufant il ladoiiadefon propre fang^^ F°ul ^^^ L.
Ignace : ^ « Xe.pT.vrf fc , f.>? ">* J5jj. - ^^^^^SS^A^Cc luy demande au
mon delaCtyx, le dernier voire lvr^^ tefte.il rend fou
Cantique des Cantiques. . ofculetur me ofeulo or»fui , & pour i : luy donn dications M cffire Phi-
efprit, c'eft à dire fon amour faind.deuers la terre, ainfi que m anpnt en i ae F
lippes Coffepean Euefque d'Aire.grand ornement dc TEghfe, ^ » < Ï^^^Ç/JJ " 1
foisonappellalc grand Leontius&dc Cefaree Euefque dcCappadoçeauxadcs-du CoikiIc de Nice ^ Et dt,
pui/ant i] Ole lafabulcufe antiquité s'eft imaginé fouftenir le Ciel, c^cft a ffire tout lemo d e .£,
*'/>_»*, dit Efclwîe en fonPromethee.oùcct Atlas eft dit, «../feri è ^3»«e «A"'« «H*** Mais Ariftote au
huTdu mouum nt des animaux chap. j . dit que cefte fable , quoy que fans apparence ^««^^
duite pour aucunement donner vne caufe ou Maifon au mouuement du Ciel : On a fant(d. - .l)ce ^«com¬
me vn Géant , qui touche des pieds la terre,* le Ciel de la tefte , »} * , yk .* &&t ^ , fur la fohdite & im¬
mobilité de !aqqueiiefcrePofaPnt(car il faut quece qui meut foir fur quelque chofe^1t:^.^^ >jj
donne mouuement au Ciel à l'entour des deux Pôles : & ainfi ils font cet Atlas feru.r de diamètre, ^
«^,,Wi^. i*ù*t Wc-W. ^^^]Lesvnsdelcursbras:comme du Seneque, qui
appelle lesbras lesbras d'Hercule, d Hercule, Mundum Munaum foLtos joutos ferre perre lacems;\cs i«crrzi»,ii.» autres «unv., difentde ». difentde ». leurs efpaules, r - wf .p.*. A "'*&>» /pi
-rr ,i , » «W, -rr comme Apollodorc;lcs ,i , » «W, comme Apollodorc;lcs autres dc i leur i _j-_ dos, comme .-.-.Efrl!,. Efchyle,«W«-v.F ,.!_,, J.....'. J£*aL?ùmc ÙB-C««Ç«iif. Sinon
J»»w»
Sinon
J»»w»
le fc««j le fc««j Ptrei
jL«of«»*°»< cedit TApoftre. » f//s] Iefus- Chrift qui a fait toutes choCcp per quemfafiafiunt omma,
«4,8 _.λ^J.W.« «4,8 _.λ^J.W.« .W. « «'«.Sainftlgnaceâceux «.'«.Sainftlgnaceâceux «'«.Sainftlgnaceâceux «.'«.Sainftlgnaceâceux dcTarfe. C*//r,/Tm^ 2««/^ C*//r,/Tm^ 2««/^ «f'"]

DES HYMNES-
R I C M E L E T.
Zuefr*ce en aptesde charybde] Seruîusfur^.deTEneid. ditqùece Fut vne femme g]owannu>{ -mç %'77,/a :ra-
Muo/i'.Suidas. Des hommes] Et parce auffi que c'eftoit pour eux & pour leur deliurance qu'il combattoit,*
non pour foy, Hercules enim mbilfibiyicit,Scnec\uc 1 .de Benef. ch.i 3. Orbem terrarum tranfitut non concupificendofied
ytndicando. quid ytnceret malorum hofi'pt, bonorum yindex, terrarum marifque pacatcr ? De mefme nom Iefw*Cbrft ] C'eft
àdire.de Sauueur. De lace noble Acroftiche de noftre Seigneur ,en ce mot Grec 1 x 0 r 2 , duquel la dernière
lettre le qualifie Sauueur, ces cinq lettres ne reprefentans autre chofe que ces motsjefus- Chrift, Fils de Dieu,
Sauueur. D'où Optatus dit élégamment que ce mot, tytç , qui fignifie poifion , 2» yno nomme per fingulas literàs
turbam finBorum nommum commet. C'eft le poiffon de Tobie,dit le mefme,»

io** LE IL LIVRE
w ,- ; , ^ j t- , /le fesHiftoires adioufte, que le heu mefme furie
ereBusel} medtcus,ybi tacebat arrotus. Grégoire de Tours aiii.de les m»-"" j A ~fJ. , r .
ereceusejr meanus, » »' x p ., , tf--:,. fon fils cn facrtficc. Saind Hierofme toutefois
Cauaireoùaefté plantée la Croix, eft le heu où Abraham orrritiou u*»*y*iu.iiic-ju-cufc
ui- ,, , . x c-;/v A.imifl-in. ^yrfwOww^'Aet'û/slEt toutfoncquifurTEp
dre aux Ephcfiens.eftdaduis contraire a Sainél Auguitin. A-,, y' .. J . "J
luiicpimcrtUA-^ » i-ATertul IianaulmreaePrfw/o. Fint aux Enfers]
page , scytalofagittipelliger , commeil efl appelle cn vn mot par i c»"1"" " i \
Et de là dans Virgile au 8.
Te Stygtj tremucre lactts,te ianitor Ord, ©"

DES HYMNES; ios>?
Reffufiitépour fes brebis cogneuës, Ce vers Chreftien ,pour efire prefente
Et qui bien-toft efleué dans les nues Deuant tes yeux, à fin de te comflaire .
Enuironné des ^Anges glorieux, Nenfie nefuis, ny neveux plus rienfaire,
Viendra iuger ce Jteonde vicieux, S'il ne te plaift, d'autant que i'ay voulu-
Ayant és mains leglaiue de vengeance : Sur tous Seigneurs te choifîrpour efiu :
''Deuant fies pieds ira Dame Clémence, Et ce faifant les autres ie nojfiance,
Pour condamner les mefihans réprouue^ Car tu es bien l'vn des Seigneurs de France,
Et pour fauuer ceux qui firont trouue? Qui plus chéris a mon gré la Vertu,
Auoir vefcufidellement en crainte,
Et en ïeifoir de fa Parolle fiainte.
Comme Prélat d'elle tout reueftu :
Cefi la raifon,0 D ET, queie te voue
I'ay, mon O d ET, en ta faueur chanté Ce chant queDiEV deffus ma Lyre ioiie.
R I C H E L E T.
Hercule au ciel efioufa] Mariage ridicule , ce dit Pline liure 2 . chap. 7. matrimonia enim inter Déàs credi , tanto*
que auo exhisneminem nafct,pueriltum propè deliramentorum efi. La Ieuneffe ] Hebe,formofa Heradis yxor ad cya*
thos, Iuuenal. l' Eternité, matfireffe De tous les ans] Voyez mon Commentaire fur l'Hymne de l'Eternité.
Déifiant fin corps] Glonficato corpore quod mcceleftem gloriam transformatum eft, Saind Hilaire Pfalm. 128. le mettantà
la dextre de Dieu fon Pere , * comme dit Saind Cyprian au Sermon de Pafques , Forma ferui reuerfa m
formam Dei, dum exinanitio humilitatù , ad depofita altitudmis redit maieflatem. Et le mefme encor fur le Symbole;
yt corpus quod mortale ey corruptibile fufceperat , defepulchri petra leuatum ey incorrupttbile effeBum , iam non m terre*
nis,fed m celefiibus ey m Patris dextera collocaret. . Le premier des morts] Le premier de la Refurredion des
morts, is^fpnic '& dtasdoiaç ttKfJv» Saind Ignace à ceux deTarfe,Ie rapportant de Saind Paul aux Romains,
«rç^oraWiff an, tixf

LE IL' LIVRE
!T0$8
Attr-empe^âe chaleur fortirent en lumière". ^
Tous deuxfurent oifeaux, l'vn dans les cours
HYMNE III. la> , ,, . -
DvPrintemps.
Vautre au retour de l an touuenceau j'en-
alla
^ ~ Rajeunir contre terre , grpour mieuxfe con-
A FLEVRIMONT ROBERTET, A^
Seignevr D'ALVYE, IlfeJîfCompa,nûn des courriers de Zephyre.
Secrétaire d Eftat. J Zephyre auoit vn rhéd'aimant laborieux,
Commenté par N. R i c h b l e t, Parifien. Sirare &fi fubtil qu'il deceuoit lesyeux,
Ouurage de Vulcan : lequel depuis l Aurore,
E chante, Robertet, la Depuis h iour couchant iufquau riuage
faifon du Printemps, More
Et comme Amour $ luy, après Tenoit large eflendu , pour prendre dans ce
^a^^,,, auoir long-temps rhé
Combatu le difeord de la maffe première, Flore dont le Printemps efloit énamoure.
R I C H E L E T.
le chante , Hobertet ] L'Amour & le Printemps ont combatu le Chaos , d'où ils font fortis pour animer
toutes chofes, & les porter à la propagation des Indiuidus. Et quant au Printemps, il a commencé par
Vne douceur de vent* d'air fur la Terre humide, à produire vne verdure vniuerfeîle qui la couure com¬
me d'vn rhé eftendu, où font nées puis après toutes fortes de fleurs, reprefentées fous le nom, l'habit, &
la beauté de Flore. Et comme il aduient quelque-fois que la fin du froid furprend les fleurs au commen¬
cement du Printemps, cefte Flore eft quafi tauie parvn vent froid, mais fauuée par la Terre. Depuis Io
Zephyre la furprend, & la donne au Printemps, accompagnée d'Amour, dc Ieuneffe, & de Volupté, qui
tousenfemble entretiennent l'Vniuers par vn amour mutuel & naturel, portant à la génération de toutes
chofes* au renouuellcment delà Nature. Et cela, dit-il, au commencement du Monde, eftoit toufiours
fcmblable, par vn Printemps non interrompu , iufqu à ce que Dieu irrité contre l'homme, diuifa le Printemps
en quatre , & en tira TEfté, l'Automne, & l'Hyuer , (defquels il remarque cn paffant , quelques effeds &
qualitez ) tous les quatre fe chaffans , & foccedans l'vn à l'autre. Et d'autant qu'au Printemps les iours croif¬
fent, & que le Soleil e/chauffant la Terre, la rend belle* fertile; il defguifc par vne fidion d'Amour, leurs
effeds naturels , auec tant de circonftanccs , qu'il n'y a quafi mot , qui ne porte à quelque fecret dc la Nature,
iufqu'àla fin de l'Hymne, où il prie pour l'amour* la fanté de Robertet. Aufurplus fait à remarquer, quo
cet Hymne, & les trois autres des Saifons de Tannée, font naturels comme ceuxde Marulle & allégoriques,
reprefentans félon la Philofophie des premiers Poëtes, toute la Nature. Et comme dit Arnobe liure 5. aliudqm*
dem dicitur, fed intelhgitur aliud, eyfttb yulgarifimplicitate fermonts , latet ratio fecreta , eyaltttudo mmluta mjfiertf.
A quoy il faut prendre garde en lifant ces Hymnes. le chante ] Parce que c'eft en vers , qui fe chantoient
anciennement , ùSm , dit Strabon liure 1 . hèyç nimwf&ptç., d'où mefme il remarque que toutes fortes de Pocfics
f>renoien't leur nom & qualité dc chanter, comme Rhapfodie.Tragcdie , Comédie , & autres ;& d'autant que
e premier bien.dirc, & la première elocution de l'antiquité, eftoit venue des Poètes, dont les uures fe
chantoient, chanter fut dit la mefme chofequebien parler & cloquemment, ii « Et par là
quafi tous les Poètes commencent leurs uures, comme Homère, Virgile, Lucain, Oppian la Vénerie,
2w /uàiçp ddSta, & autres. la faifon du Printemps ] Horam yerm temporis, l'appelle Horace à la mode des
Grecs. Et Saind Cyprian , tempertem rofiis latarn ey fiortbus coronatam, Epift.4. Et comme yTmom ] Hcfiode
dit, qu'il fut le troifiefme des chofes créées .La première fut le Chaos , mçp-m $ m!m» %î»(:h féconde, la
Terre, aùroLp %-m1& $ âipùçtptec, & la troifiefme , l'Amour, le plus excellent de tous les Dieux , tV>- . o; mtnasi
(Ai'faiDpi-ni ùSatdïtm. Toutefois Quintilian l'appelle antiqvfiimnm Numen , ey cui fe Natura débet aternitas, qui*
que cunBa prifica noB'vs operta caligtne diduxit pnmùm , deinde mtfiuit. Ficin fur le Banquet dc Platon, dit que
par l'Amour, qu'il interprète la bonté de Dieu, a efté créé tout le Monde. longtemps ] Infimta rétro aterni*
tate. Et c'eft vne gtande queftion que forme Saind Auguftin au 11.de fa Cité, comme i'ay remarqué fur
l'Hymne du Ciel, pourquoy Dieu a efté fi long-temps fans créer le Monde. Car quand il luy a pieu de le
faire il n'y a point eu de combat, nyde long-temps pour le rendre parfait, le tout ayant procédé dc rien, fé¬
lon fa volonté* bonté, yerbo ey fimtu orts etut,abftque laboreey molefiia, (y altcuitts externi admiriculo, Gcnc-
brard, Pfal. 1 48. Combatu le difeord ] -n muç, qu appelle Ariftote au 1. de fa Metaphyf. où il difeourt dece
firincipe du Monde, comme Hcfiode- Philon luifau hure de la Création , l'appelle tm^w-,, l'Amour vou¬
ant Tvnion & Tordre des chofes qui eftoient diuifées*confufes dans le Chaos, & au contraire le débat *
1a contention en voulant toufiours la diffipation* confufion. Combien que l'opinion d'Empcdocle foit
que l'amitié fepare &diffoult,& qu'au contraire le difeord vnit* conjoint- ç»/* Jinï^-'a, » S «îwc roW'«.
Ariftot. 1 . Metaphyf. Les autres entendent par ce difcord.la matieia informe qu'ils appellent,A*, couti c lequel
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

DES hyMnè§; Ifa^
ï'Amour combat & le vainc. Pan, dit Seruius , fingitur kpoètiscum timoré Deo luBatuf, ey aï eo yièw,c7uznâ
Iamatiere duTout eftmife en ordre par l'Amour : Ommaymcit ^Cmor. Ariftophaneneahtmoins parlant dc
ce combat, dit que dans l'infinité du fein de TErcbe, ipi&çïànipom »'*,{, l'Amoureftant efclosd'vn euf
de la Nuid combatu le Chaos , & nous créa tous , ^ tftfitn, ^ fc}( ^ ^f,^ i^pc, #,'«. De la maffi,
première] Du Chaos, qu élégamment Marulle appelle, cacum ey rude rerum yolumen. Claudiari dit, comme
i'ay remarqué ailleurs, que ce fut la Clémence qui vainquit le Chaos.prima
Chaos Clementia fblmt,
Congeriem mtferata rudem.
I Mais pourquoy eft ce que TAutheur attribue cecombat au Printemps auffi bien qu'à T Amour 5 efi-ce point
queTAmour eft toufiours compagnon du Printemps? ou bien qu'il veut dire que le Monde a efté créé au
Printemps, comme Saind Cyrille en fa Catechefc 14. dit quecefutaumoisd'Auril ?Tunc dixit Deus, Producat
terra herbam y'irentem; d'où mefme entre les Hebrieux, ce mois eft le premier mois rieTannée.dit le mefme; \
& ce qui fait croire que le Monde a efté créé enee temps-là, eftqucThommcpeu de temps après fa création
eft tombé au péché, & en pareil temps qu'il eft tombé, il a efté releué. Or noftre Seigneur eft mort au
Printemps, ytquo tempare euerfio fuit, eodem rurfus faBa fit reparatio. Et comme dit Saind Léon Pape au Ser¬
mon de la Paffion ,facer ncuomm menfis emicuit, yt m quo accepit Mundus exordium, in eodem huberet Chnfiiana
creatura principium. Toutefois Philon luif metla création du Monde au mois de Septembre , auquel tous les
fruids font meurs &parfaids, à fin que les animanx qui deuoient eftre créez, enpeuflent auffi toft eftre
nourris , ôe th tsçy "fyici vW of.au/ é ôeof a.m ihu $tf q>v&>v nj %*& 4
^u^otSippu^mwii Ariftoteen fes Problèmes, fed. r. Sortirent ] Eneuidence, &delà l'Amour appelle Phanete.
Oppian dit au quarriefmc de fa Pefcherie , que l'Amour forcit du Chaos auec (on flambeau, âa^'sofi
o*§*7 -mpo-ûù Ht/jL-nl/iApos , qui eft ce que dit noftre Autheur, en lumière. En lumière ] Qui auoit efté créée le
premier iour, & eftoit la forme du Soleil, quoy qu'il n'ait efté créé que le quatriefme iour, dit Elias Creten-
fîs fur TOraifon 37. de Greg.de Nazian. Tous deux furent oyféaux] Cela eft vray pour le regard de TAmour.qui
eft toufiours ainfi reprefenté.j-AuKJînxpoy »pmSt. Mais pourquoy le Printemps ï Eft-ce point que cefte
faifon eft toute amoureufe , & par conformité d'effeds le Printemps eft oyfea'u comme luy < ou eft-ce point
qu'en cefte faifon les oyfeaux retournent à nous ermthfi ey chelidonus fiantibm , dit Pline; ou bien à caufe
qu'en cefte faifon, les curs dés animaux volent d'amour, ditLong'usî l'yn] L'Amour, 7f)sp«7tS , Phor-
nutus. Dans les curs] Les rendant vagues* volages comme luy, Slwài $ «J ifflYpaVrar KctfJiat, Clément
Alexand. au 2. du Pedagog. l'autre au retour de l'an ] Ce qui eft vray quand Tancommençoiten Mars,
comme de fait le Printemps eftle vray commencement de Tannée, anni tnitmm menfis efiMartius,dit Seruius,
Cr prima pars Ver'vs. Rajeunir contre terre ] Remettre en ieuneffe toutes chofes, r'ingiouemr l'anna , Pétrar
que. Et pour mieux fe conduire] Fort bien, & félon la Nature; car fans le Zephyre, & ces douces bouf
fées de chaleur qui le précèdent, le Printemps n'eft point, ou n'a quafi point d'effed, quia tempore Famntf
arua laxantttr qua fuerant praclufa fiigore , Seruius. Des courriers ] De ces douces refpirations , qui font
comme les prodromes de ce Vent, molles aura qua pro yento yalent , Unes aïr'ts motus, qui nondum yentus, dit
Seneque au 5. de fes Queftions. De Zephyre] Que Pline appelle fiirttum Mundi gemulem, yer inchoan*
tem , 1 6. Cla.udian,gratifiimum Veris patrem. Zephyre auoit ">» rhé ] Cecy eft tout allégorique & naturel, fi¬
ne veut dire autrechofe , finon que la douceur de ce Vent tempéré, fait pouffer Therbe par tout, & puis
les fleurs, comme dit Philon luif, $>. wapum. que l'arbre 71! Sivfyw, -ri &K&iat

,100 LE IL. LIVRE
eft vne opération de la chaleur , qui attire l'humeur en haut , lequel iufquï la djgcftion eft verdure , dit le
Philofophe,^ >', S 9aitvw %

des Hymnes;" ,««
cefte Nymphe ? Eft-ce point que comme le Printemps eft diuifé en trois , dit Seruius , m mmmAdultum,ty pra*
ceps , ces fleurs dont il parleront celles qui viennent au commencement & quafi dans le froid , * confequem¬
ment font comme nées des pleurs de cefte Nymphe que le froid vouloit rauir î Que fi cela ne fuffit.il faut
remarquer ce que dit Ficin fur le Banquet de Platon , qu'en faid d'Allégorie , il n^eft pas neceflaire que tout
sexphqueourefponde, & fe rapporte exadement à quelque effedou caufe naturelle ;& comme dit Saind
Auguftin , non omma qua infigumfinguntur,figmficare aliquid putanda funt : multa enim propter illa qua firnificant.
erdinis ey cognitionts gratta funt admnêa Et c'eft pourquoy tout ce qui eft en ceft Hymne, quoy que pôW le
Printemps, n eft pas toufiours tout a fait appliquable au Printemps. Du cryflal de fes pleurs 1 De fes larmei
claires comme cryftal: ce qui fe dit peut-eftre à caufe des gouttesrondes derofce.qui fe ioiient au matin fur¬
ies fleurs, teretes gutta , dit Virgile, & qui cn font quafi Teftre,
Dum matutmis prafudat Solibus a'e'r. Claudian.
Quand aquilon ] Vent froid & fec , ennemy des fleurs, qui veut rauir Flore, mais qui en eft empefché par
la terre, lors du Printemps amollie par leZephyrc, & forte affez pour défendre fagenituredecerauiffement:
auffi noftre Poète dit fimplcment qu'il la voulut rauir, à caufe que le commencement du Printemps a quel¬
que froid qui faitpeuraux fleurs, &Iesempefchc de fortir ; mais ce vent comme foible alors, ex coniunBione
contrariamm rerum, dit Seruius,* demeurant auec l'Hyuer, quitte faproyeàfon frerc, dit Ouide,
Et dederat fiatrt Boreas im amne rapina :
par vne raifon naturelle, que les fleurs , voire toutes plantes naiffent de l'humidité , in humido fiante na±
ficuntur. ^ En scythie] Région foide & Septentrionale aux Hyperborezz speBant ey Septentnonem Scytha,
Mêla: &Ià,point de fleurs, ob fiaua Hyemis admodum afiidua, ditlemefme. Comme ilfit Orithye] Nymphe de¬
meurant fur vne montaigne , & confequemment expofée au vent : mais on dit que ce fut vne fille Athénienne,
rauie par vn Prince de Thrace, qui Tenleua vifte comme vn vent. Et Platon au commencement du Phedrus,
dit que cefte fille par la force du vent x tomba du haut d'vn mont* mourut, & fut fa précipitation appellee
rauiflemenr, £ «77a

l«oi le il livre
iLabelle enchantereffe, qui charme tout de fa beauté. Car y a-il rien en UNature * *» ^«T *»' »»^l
, , , , . i" ; r ; , o. v '/- Jfffp a Philoftrate les appelle, ynç aç^u-nac x. tpa-nc
plus que la beauté des fleuriyfiorum locutseyofadis ? & a caufe d « ce,a l ff (le [aPFleur & d* Vnn*\
.ta^Sm. m tour qu'elle danfoit ] rP^&. C eft encore vne adion de la icuneue, enudoppcr &P, '
delà dans Horace à vne vieille, Te non ctthara décent , Necfios purpurem rofe. L

DES HYMNES. ii 03
des rofees de miclqui tombent du Ciel fur les arbres, & principalement fur les fommets des chefncs ; confiât rare*
melleosecplofiuentes non akjs magu confiderefiondibus. 1 6 . 8. Strabon auffi remarque liure 1 5 . que les calâmes ou ro-
feaux d Inde font le miel fans mouches, S ^V- , /«x/ojuk rf *

1104 LE IL
Iupiterf alluma d'vne ialoufie enuie
Voyant que le Printemps iouyffoit defiamie :
LIVRE
En trois parts diuifa :adonques vint l'Efiê
Qui hafia tout le Ciel : & fi cen eufl efie
L'ire lefiurmonta,puisprenant le coutean Que Iunon enuoya Iris [a meffagere,
Vont naguère il auoit entaméfion cerueau Qui U pluye amaffa de fin ailelcgeu,
QuandilconceutPaUla Deeffeguerrière,
Détrencha le Printemps , &fa faifon entière
Et tempera le feu de moiteufe froideur
Le Monde fiufi péri d vne excejjiue ardeur.
R I C H E L E T.
iupiter s'alluma ] Iufques icy.il a parlé du Printemps comme d'vne faifon qui durcit toute Tannée, Fererat afifi
duum,Virgil. ou cÔme dit O uide , Vnim tellus antè coloris erat. Mais la malignité de i homme indigne de cefte clé¬
mence perpétuelle duCiel.eftant condamnée au labeur.fut le tempérament du Ciel change en des incgahtez de
chaud & de froid & d'humidcqui conftitucrent les quatre faifons. Et d'autant que ces changemens procèdent
principalement du Ciel & del'air qui s'entend par lupiter,il dit qu'il s'alluma d'ire & deialoufie contre le Prmtemps,qut>d
maxime turbatofit akre.dït Pline,felon la colledion des diuerfes humeurs qui lors montent en haut, *
qui couurent le Ciel,* qui femblent couper (n 4. différences toute la Nature, félon les 4.difterences d 11 Soleil,
que le mefme remarque liu.2. Et c'eft pourquoy par vn defguifement allégorique dc ce qui eft naturcl.ilimpute
à la colère de lupiter.qui aimoit la Terre auparauant fa corruption.ee trenchement du Printemps en 4. faifons
differentes.felon que le mefme dit encor que del'air procèdent la plufpart des maux d'icy bzs,piurima mortalium
mala,ey rerum Naturapugnaficnm,h(}ue\k fe rencontre en ces 4. faifons,>/*ro atréque commeante Katnra>quâ,yt tor*
mémo aliquo, ey Mundi cekntate difeordia accenditur. Ou bien par Iupiter qui eft l'ame du Monde, anima Mundi , dit
Ficin:* veut dire que cefte ame du Mondc.veut par fa nature agir diuerfement, & ne peut demeurer oy fiue en
vn eftat informe & imparfait.côme il aduiendroit.s'il n'y auoit qu'vne faifon.Ou finalement expliquant ce qu'il
dit Theologiquement,il veut dire que Dieu ialoux,$)-.a-w,qui eft TEpithete qu'il fe donne luy mefme,*-en co¬
lère contre Thomme.abufant de Teftat heureux & confiant auquel il l'auoit créé fur la terre , le tira de ce Prin¬
temps perpétuel, (ou Paradis terreflre) en le diuifant en 4. faifons par le mefme pouuoir que fa fagefle éternelle
auoit créé le Monde.qu'il appelle le couteau,dont ils'ouurit le chef, duquel eft engendrée éternellement la Sa-
pience & prouidence intelleduelle de toutle Mondcprior enim omnium nata efifaptentta, ey tntelleBus prudentia a\»
«uo,& le refte du ch. 1 . de TEccIefiaft. D'yne ialoufie enuie] Car la ialoufie eft vn feu.qui brufle le cur,»' £ rn.
herl-mi KctfSia. £fe.7iwnc. -Tmfsvu , Orus. Iouyffoit de s\mie] Occupoit feul toute la Terre, ce qui ne fe peut naturel¬
lement , d'autant que le Ciel & le Soleil, félon leurs cours diuers, agiflent & influent aufli diuetfement.jfgwy*
Jumere quafitbetfciens,ditMzi:u\\c,modo algentes coaBus infiuuiosjattces perennat, detn peraBo rurfus orbe , m folttos remeat
yapores. l'ire le furmonta] Ce n'eft pas qu'il y ait de la colère cn Dicu.ny de la fureur, mais c'eft par anthropopathie,ou
félon les effeds qui s'en remarquent és chofes,comme icy,ou aux hommes :hi humant affeBus in Deo non
]unt,ntjifecundum effeBus er

des hymnes: lla*
»o» cernuntur, untur. Sameffagere] Et des aunes Dieux auffi, non tantùm mtnifira Dearum, dit Placi lus, fied
_, , dit Placi _ lus, , fied
_, , _ , fied ey
Deorum. Qju Qui Qju Qui la la la la pluye pluye pluye pluye amajfa ] Selon qu'elle eft eft eft eft lors grandement vtile && && neceflaire neceflaire neceflaire neceflaire aux fruids dde
dde
la
terre :
Duke fatis humor , maturis fiugibus imbres. Virgile.
Qjiitempera le feu] Ceft pourquoy Virgile defire que les folftices foient humides, humida folfiitia , princi¬
palement celuy d'Eftéqui eft au mois de Iuin, 18. Cahndas hthj , quo temporefil mferiores circulos. ina'ptt petere,
Seruius. le Monde fiuft pen ] Attendu que la terre fans humidité nepcut de rien feruir ; terra and* eyficca,
dit Pline, confiare per fe, acfine humcre non poteft. 2. c. 6 5.
Apres ÎAutonne vint chargé de maladies,
Et tHyuer qui receut Us tempefies hardies
Le Soleil qui aimoit la Terre,fi fiafcha
Dequoy l'Hyuer ialouxfia Dame luy cachaà
Des vents impétueux qui fe boufientfifiort Et rendit defiesyeux la lumière eclipfee,
Qu'à peine l'Vniuers refifie à leur effort, Portant deffur le fiont le mal defiapenfiee,
Et couurirent, mutins, la terrepefie- méfie
De pluyesfieglaçons,de neiges & de grefie.
Et retournant fin charà reculons, alla.
Deuers le Capricorne (éffi retira là.
R I C H E L E T.
v&pres l'ytutonne yïnt] Il remarque fommairement quelque chofe des deux autres faifons. chargé de
maladies ] Valetudmum tentator, Tertullian .- Et de maladies aiguës & dangereufes, «.

-no* LE IL LIVRE
mefme rodant adalium pdum ; car félon qu'il 'change de folftice , £m extendttaut rf^Seneque ibis per.
luciiHc iy ui« i r .' fil °a^1.,i,/irte Capricorni:noBisye)-o,lolJhtio,totidem in parti-
mutatis fiatqs , dit encor Pline , m auBum dtei , bruma , oBaua m parte o api> >j j > r
bus Cancri.
^Adonques en.frayeur tenebreufe & pro¬
fonde
( Le Soleil efiant loing ) fufi demeuré le
Monde
Sans legentil Printemps qui lefit reuenir,
Et foudain derechef amoureux deuenir.
D'vne chaifne de fer deux ou trois fois re-
torfie
Prenant l'Hyuer au corps le garotaparforce,
Et fans auoir pitié de ce pauure gffifion,
Uefface de neufmois le détint en prifon.
Ainfipar le Printemps la terre fefit belle,
Ainfi h beau Soleil retourna deuers elle,
Et redoublant lefeu de fa première amour,
Monta bien haut au (fiel & allongea le iour,
Afin que plus long temps il embraffafl fi
femme :
R I C H E L E T.
Et ne fuft queTethys a pitié de la flame
Qu'Amour luy verfeau cmurfdfiuïl jacon-
fume.
Maispour remédiera fon mal enfiamé,
Elle appelle la Nuit :adonc la Nuit détache,
Ou femble détacher, le Soleil quelle cache
En la mer, où Tethys refroiditfa chaleur.
^donques en fiayeur] Le Soleil eftant loing", & ne luifant que fort peu fur noftre Hemifpherc, & d'ail¬
leurs eftant quafi toufiours obfcurci de nuages , nv. $ «et*? tut&^^Ht comme remarque Homère, que
font ceux aufquels le Soleil ne luit point.
ti HÏmoc t '6hha.iA.Tmwi àttUvimt.
Et alors, dit Tertullian.comme noftre Autheur,au liure dt FefurreB. funefiatur Mundi honer,ey omnis fubftanti* dt*
mgratur; fardent, filent, torpent cunBa. le Soleil efiantlomg] Deuers le Capricorne, qui eft vn figne autropique
d'Hyuer, comme i'ay dit, & ce à noftre efgard ,& félon le climat où nous fommes. Sans le gentil Prm*
temps] Toutefois le Soleil commence à reuenir bien longtemps deuant, mais fes effeds font foiblcs,*no
commencent à fe fentir qu'au commencement du Printemps , fous lequel donc il femble reuenir. Et de»
' rechef amoureux deuenir] Selon les influences de la faifon, & que toutes chofes en la nature par chacun an,*
lkabentiterationem,Sctm\is. D'ynechatfne de /èr] D'vn lien inuincible pour neufmois,Comme le Prophète dir,
J(eges eos inyirga ferrea ; & tous les Auteurs vfent en ce fens de ce mot. Deux ou trots fois retorfe ] C'eft à dire,
Î>ar le Printemps & l'Autonne, au milieu defquels eft THyuer, ou par toutes les trois Taifons qui le tiennent
ïè. De ce pauure grifon] A caufe de fes neiges & de fa froideur, car THyuer n'eft rien autre chofe qu'vn
excez de froid & de fec, v2#£-Mt* ^u^in-iK k, fypim&ç, Ariftote en fes Problèmes , i . fed. Auffi que cefte fai¬
fon eft comme la vieilleffequi ne produit rien. Par le Printemps la Terre fe fait belle] Car il faut à la terre
le Printemps , pour commencer à produire, Sii-nu « -me vypéii w î-w x, &>xçy.

DES H
Mais luy qui cache en l'eaufit contrainte
douleur,
S'enfuit defin giron la laiffant endormie,
2t dés l'Aube à Boeual retourne voir famie.
Ksiuffide fon cofié la Terre cognoifl bien
Que de telle amitié procède tout fon bien:
Pourceje millefleursfon vifage ellefarde,
Et depareilamour fécliaujfe & le regarde.
R I C H E L E T.
Y M N E §; ïïbj
Comme vne ieunefille, afin de plaire mieux
Auxyeux de fon amy ,par vn foin curieux
S'accoufiré &fie fiait belle,efjr d'vnfin artifice
L'attire doucement à luy faire feruice :
Ainfi la Terre rend fon vifage plus beau,
Pour retenir long temps cet amoureuxflabeau
Qui luy donne la vie , & de qui la lumière
'Tar fit vertu la fiait de toutes chofes mere.
Mais luy qui cache en l'eau] CÙmfecondit m W^, Virgil. s'enfuit defin giron] Procedens de thalamo fiuo,
txultatfinit gtgas ad currendamyiam i excellemment le texte facré, Pfal.!9.àcaufe delapromptitude de fon cours;
mm eyfugam deprofeBione eycurfu legimus, Seruius. la laiffant endormie ] A caufe de fa tranquillité , & qu'au
Printemps la nauigation recommence, natalis namgationis incipit, Vegece \nauigabiU tampelago, Ciceron. Et pour?
«eft effeéi eft la mer comme endormie. EtdésVyCube] Mais pluftoft après l'Aube ; car après elle , vient le
iour* le Soleil fcleue, H" nV©tipfxa £ T-nwt. *
Faifant à remarquer qu'à caufe de la différence des faifons les anciens donnoient deux fortes de cheuaux au
SoIeil,bIancs cn Hyuer & roux en Efté.^ imtto,dit Tcrmllia.n,defteBaatl.c. 1 9 . duo Soitfuerunt,albus hyemi ob mues
candtdas, ruffem afiati, ob Solis ruborem. JÇetourne yoir s'amie ] L'efclairer de fa lumière & la féconder. Interfiaens
mortemfuam,noBemi dit élégamment Tertullian, reficindens fepulturamfùam, tenebras, hèresfibimet extfiens ; parce du'il
femble comme mourir en fe couchant, & fucceder prompternent à foy- mefme, en retournant auffi toft,commc
' il fait, principalement fur la fin du Printemps. Procède toutfin bien ] Car ce planète opère merueilleufèment
fur la terre, corpora alit, fata euocat,percoquitfiuBus , Seneque 7. de Benefic. Pour ce de mille fleurs ] Et de toutes
fortes de couleurs, «
«mTOf.pour faire.dit le mefme.quc la fraude combatte contre la vérité, l'art contre la nature, dmm d^M*,*, -*xn
meft yùd çdmn Ce qui ne fert de rien aux femmes fi elles font belles ; fi laides, c'eft par là qu'elles monftrent leur
défaut '.i^vcvî^Sy oV^*"" Four retenirlong temps] Car cequi eft beau,nous obhge&nous retient mal¬
gré nous : hoc refiat,ditïicin,yt tune ardentiflagret amore, quando fiectofium aliquod rei pulchra fimulachrum naBtu , ad
fUnampulchritudmispoffefitonem tnfiigatur. Qui luy donne la yie ] Par fa chaleur & (es influences. Non dubtum eft,
dit S eneque , au 4. de Benef. qum hoc humantgeneru domicdtum, ctrcuitus Solis ytcibus temperet , qutn ^ huius calori corpora,
terra relaxentur, immodici humores comprimante ; ille annum obfiruabtlem circumaBufiuofacit. Mais d'où vient qu'en cet
Hymne il n'eft point paflé du tout de la Lune, veu fes grands effeds fur la terre,* qu'elle marque, tous Us mois
de l'année, & fert infiniment à la fécondité de la terre & maturité des fruids ? Huius tepare efficaa , dit encor Se-
tiea\ie,eypenetrabili rigatur matuntxsfiugum,adhuius curfumfcunditas humana refiondet.Adioufant Philon Iuif.que
le cours de ces Jeux aftres.fait les quatre faifons, A' J* 5v»,^i*r«, Vw«fa8Vw £*»/- N'eft-ce point , peut-eftre,
A AT£ a a q
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1108 LE IL LIVRE ^
à caufe que la Lune n'a point de propre lamiete,tins empruntée du Soleil, & confequemment quele tout pro¬
cède comme du Soleil /combien que Genebrard Pûl.,48 . tient que tous les aftresja Un .les eftoilles font lu-
mineufes de leur oàmt,conftant natura luctda eyftlendentifion perparticipât^», Solaris diradiattann, comme tous les
Philofophes tiennent. Parfa yertu ] Et toutefois remarque fort bien Philon Iu.f>.«*^,Clem.Alex, car il eft fon mafle,* elle fa femelle, le Soleil pere,* la Terre la mere : tf
jtîmt'GSiniF itwoî m7ip,Àriftot.Mere,ditPhilonIuif,iw»Jtf
Enl'honneur de cefi Hymne, 0 Printemps
gracieux,
Qui rappelles l année,& la remets aux (fieux,
Troisfois ie te faluë, (if troisfois ie te prie
D'élongner tout malheur du chef de mon
Aluye,
Etfi quelque Maiflreffe en ces beaux mois icy
Luy tourmente le ccur d'vn amoureux foucy,
Fléchifa cruauté & la rens amoureufe
Autant qu auparauant elle efioit rigoureufi:
Etfiay que fies beaux ans qui font en leur
^Printemps,
Soient toufiours en amour bien-heureux e^
contens.
R I C H E L E T.
Enl'honneur de cefi Hymne] Il finit comme quafi en tous Hymnes, par prière. 0 Printempsgracieux] Bcauij
aggteable.A^wV ïctf.Callimach. '
Nomen cum yiolts rosifque natum,
Quo pars optima nuncupatur anni, i
Hyblam quodfapit, yCtticofque flores,
Quod mdos olet alitis fuperba,
Nomen neBare dulctus beats. Martial. 9. ep.
Qui rappelles l'année] C'eft à dire la première des faifons, comme i'ay remarqué fut les Odes", que chaque
ù ifon s'appelloit année. Et la remets aux Cieux] Au Verfeau, m ^tqtutrto , auquel figne le Soleil en¬
trant , commence le Printemps.- dies primus Verts, dit Varron ï. efi m ytquario, &'au 23. iour dc ce figne.
Que fi Ton veut dire, qu'il entend que le Printemps; foit le commencement dc Tannée, il faut dire que
c'eft félon le temps que Tannée commençoit cn Mars , annt mitium Martius efi menfis , dit Seruius , remar¬
quant auffi que Tannée longtemps n'eut que dix mois , iufqu'à ce que la raifon & Teftat des lignes y en in¬
tercala deux autres, à fçauoir, Ianuier* Feurier; mais félon nous, Tannée commençant cn lanuier.il ne fo
peut dire que le Printemps commence Tannée. D'élongner tout malheur du chef ] Encor cela eft dit natu¬
rellement, d'autant qu'en cefte faifon, le fang fe renouucllc, &les humeurs fe remuent; qui caufentbien
fouuent dc Tindifpofuion & du mal de tefte , & comme dit Hippocrate, Û fyat «j-* »-.««r, à caufe que le
froid fe rclafchc.
HYMNE IV.
De l'Est e'.
A FLEVRIMONT ROBER-
TET SEIGNEVR DV FtfESNE,
Secrétaire d'Eftat.
1 Ouché
deffous l'ombrage auprès
d'vne fontaine,
Euitant la Chaleur queï Efié nous
\ « ameine,
élue ffauroy-ie mieuxfaire en vn lieufiplai¬
fiant,
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Sinon chanter t Efié défiâmes reluifant,
Et tout Chargé de feu comme vne maffe
ardante
Qu'vne tenaille ferre en fa pince mordan¬
te?
Chanton donques lEfié, & monton au coupeau
Du Nymphal Helicon par vn fintier nou¬
ueau :
^ Cherchon^ autre chemin , celuy ne me peut
plaire,
Qui fuit, en imitant, les traces du vulgaire.
Nouueau Cygne emplumé ie veux voler
bien haut,

DES H Y
Et veux comme t Efiéauoir l'efiomac chaud
Des ardeurs d'Apollon , courantparla car¬
rière
Des Mufes,& ietter vne obficurepoujfiere
Auxyeux de mes fiuiuans qui voudroient
commemoy
Grimper fur Helicon, où des Mufes ie boy
L'eau qui me fiait tout feul enfler de la vi¬
ctoire ,
Afin que nul ne puiffe auoirpart à magloire,
Ny au laurier fiacre en tout temps verdiffant,
Que ie veux marier au Frefinefleuriffant.
Uamoureufe Nature efioit vn iourfia-
Chee,
Défie voir fins rien faire auprès du Temps
couchée :
Ily a ( ce difoit ) tant de fiecles paffe'Z
Que du Temps mon mary les membresfiont
caJfeK? ,
Froids , perclus , impôtens, la charge de ma
couche;
Ce n'efiplus que du plomb, ce n'efi plus qu'vne
fiouche
Quifins fe remuergifi le long d'vnfintier
Apres quelle a fenti le fier du Charpentier.
J'ay beaupajfer ma main très- délicate (éff
blanche
Ores deffusfion ventre, ores deffusfia hanche,
I'ay beau fourcher ma iambe & Chatouillerfia
chair:
Il demeure immobile auffifroid quvn rocher,
T)efcharné,deshallé,fans puiffance nyforce,
N'ayant plus rien de vif finon vn peu d'efi¬
corce .
En lieu de me reffondre il ronfle & fine puis
En tirer feulement vn baifer en trois nuiCls.
Las!il n efioit pas tel quand pour fa chère
efpoufe
Il me prit che? mon pere : il n aimoit autre
choufi
Que l'amoureux déduit , duquel lesmarie^
Se trouuent bras à bras à leurs femmes lie?.
Xoufiours il maccolloit d'vne chaude em-
braffiee,
Toufiours ma bouche efioit à la fienne preffee,
Etfiufmes figaillards,que cegrand Vniuers
Fut peuplétout foudain de nos enfans diuers:
Car tout cela qui vit,& qui habite au Mon¬
det
M N E S. nop
Efiyffu du plaifir de noflre amourféconde.
Maintenant il efi vieil'$ ie ne lefinispas!
le fins encor en moy lesgracieux appas
Dont K^4mour,mon enfant, chatouille la
penfee,
Et fiaflame en mon cur nefl encor effacée.
Bref, i'ay délibéré de me donner plaifir,
auprès de mon mary ie ne veux plus gefir.
La fioy de mariage efi pour les hommes
fiaite
Greffiers, mal-aui[è?,& de race imparfaite,
\*Affluiettis aux loix : ($f non pas pour les
Dieux
Qui pleins de liberté habitent dans les Cieux.
Quant à moy ie fuis franche , fy Deeffe te-
fiime
Autant vnfils bafiard commevnfils légitime.
Ainfi difoit Nature ,& de ce pas alla
Au Palais du Soleil, auquel ainfi parla:
Soleil de ce grand Tout lame ,lnil$f U
vie.
Je fuis de tes beauté? en l'ame fi rauie,
Que tu me verras toute en larmes confommer,
S'il ne teplaifiguarir mon mal qui vient d'ai¬
mer.
Bien que ce fioit vergongne aux femmes
d'ofirdire,
Et premières conter leuramoureux martyre,
Ne deuanspar honneur aux hommes confieffer
Qu'Amour puiffe leur ceur defisflèches blefi-^
fin
Si efi ce qu'en aimant en vne place haute,
De confiefferfon mal il n'y apoint defaute:
Car plus le lieu qu'on aime efi honorable &
haut,
Plus l'exeufe efi louable & petit le défaut:
D'autant que lagrandeur qui noflre ame mai-
flrifi,
Dérobe en commandant nous & nofirefianchife
:
Delà vient nofire ardeur qui porte auecques
foy
Le feu quifi décelé & qui n'apoint de loy.
Te voyant l'autre iour cbe% mon pere àla
table,
Sans barbe & cheuelu,de vifage accointable,
Ieune,doux ($f courtois,tu megaignas le cMur:
Depuis ie n'ay vefcu qu'enpeine (fff qu'en lan¬
gueur,
AAAaa iij
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su-© LE IL
Soupirante pout toy & pour ton beau vi-
Qui m'a dedans l'esprit imprime ton image :
le nefais quegémir, &penfe nuiél eir iour
Le moyen deguarir mespleurs & mon amour.
Aux charmespour l'ofier i'ay mis mafan-
tafie,
Ma'ti mon ame qui vit de trop d'amour fiaifie,
Refiufè tout confort : mon extrême fecours
Efld'auoir fins tarderà tagrâce recours,
Et t embrajfer tout nud,pendant que la nuiél
brune
Conduira parle (fiel les cheuaux delà Lune.
Le Soleilqui fe vit de telle Dame aimé,
Fut de pareille amour toutfioudain allumé:
» Vrt niâgnanime ciur volontiers ne s'ex-
cufe,
» Et quand il efl aimé d'aimer ilne refiufè.
Encore qu'elle fiufl vn peu vieille à la voir,
Si efl-ce quefia grâce auoitpeu l'efimouuoir,
Et luy audit jette le fioulphre dans les vei¬
nes,
Qtiija defion amour s'allumoient toutesplei¬
nes,
iFurhahtes du defir hautain & généreux
De venir promptement au combat amou¬
reux.
Les Heures, qui efioient du Soleil cham¬
brières,
Appreflerent la couche, & gentilles euurieres
Parfumèrent les draps , & de mille couleurs
Jetterentpar deffus des bouquets & desfleurs :
Tutsfiaifint en la chambre arriuer le filence,
Couchèrent les amans remplis d'impatience.
De quatre embraffimens que Nature re-
ceut
D'vn amy fi ardant,féconde elle conceut
Quatre enfans en vn coup, l'vnfut Herma-
fiodite
(Le Printemps efifion nom ) de puiffancepe¬
tite,
Entre mafle & femelle, inconflant , incer¬
tain,
Variable en effeEl du foir au lendemain.
L'Efléfiut mafle entier, ardant, roux&
colère,
Eftincellant & chaud , reffèmblant à fon
vere.
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LIVRE
Guerrier , prompt , & hardi , toufiours en
action,
Vigoureux , généreux , plein de perfection,
Ennemi de repos : l'Autonnefut femelle,
Qui n'eut rien de vertu ny de puijfance en elle.
JJHyuerfut mafle entier, monflrueux &
hideux,
Negeux,tourbilhnneux , pluuieux & ven¬
teux,
Perruque de glaçons , heriflé de froidure,
Qui fitpeur en naiffantàfamere Nature.
Auffi tofi quel Aurore eut quitté le fijour
Defon vieillard Tithon pour allumer le iour,
LeSoleilséueilla, &réueilk s amie ,
Qui d'aifelanguiffoit enfles bras endormie.
Se rebaifianttvn l'autre ilsfiaillent hors du
lit :
CMaisfitofi que le Ciel de rofes s'embellit,
Le Soleils'en- alla , & pendit en ejcharpe
Son carquois d'vn cofié , & de ïautre fa
harpe,
Il ceingnit fion baudrier de gemmes fom-
ptueux,
Il affubla fion chef de rayons tortueux,
Ceingnit fa dague d'or ardente de lumière,
et à pied fen alloit commencerfia carrière :
Quandfi chère Maifireffe ayant au cur
pitié
Quefion amyfaifoitfi long voyage à pié,
Luy donna pour prefint vn char d'excellent
ceuure,
Que le boiteux Vulcan indufirieux mantu-
ure
Forgea de fia main propre, & fouuent au
fourneau
Le foujfia , l'allongea à grands coups de mar¬
teau,
Refrappant, haletant , & fuantfiur t enclu¬
me
Auant qu'ilfiufl poli .puis félon la couflume
Des anciens parens,courtois le luy donna,
Quand leTempsfion marypour femme l'em¬
mena.
Le timon efloit d'or, & les roues dorées
Efioient de maint ruby richement honorées,
Qui deçà qui delàflamboyaient à lent our,
et remplis de clairtéfaifoient vn autre iour.
Le Soleil non ingrat luy donne en recom¬
penfe

ment,
DES H
Y M N E s: mi
D'vn chariotfi beau la Deeffe Iouuence, Et comme elleportoit vne peine plus forte,
Afin quellefiufl belle à iamais , &à fin Lapremière commence & difl en cefle forte :
Que faforte vigueur partage ne printfin3 le ne vienpas icy,tant pour meficourir
et que iamais fon font ne ridafi de vieilleffe, Du mal de trop aimer dont tu méfiais mou
Ayant pour compagnie auecfoy la Ieuneffie. rir ,
Tous deux au départir fie baifint douce¬
S'entredifient Adieu d'vn long embraffement.
Luy bien aifie dtauoir telle "Dame trou-
uee,
et d'efire bienpayédefia douce coruee,
Gallope après l'Aurore : elle, s'en va trouuer
Son mary quifie laiffé en pareffe touuer.
O combien luy defflaifi ce vieillard que le
fomme
Ronflant entre les draçsfi froidement affom¬
me,
Languiffant de vieilleffe en vn lit ocieux
En fon Talais à part bien loin des autres
Dieux !
Soudain luy faute au col, l'embraffe & lere-
baifie ,
Et d'vne fine rufie en leflattant l'appaife.
» Toute ejpoufi amoureufe a dénature l'art
» De fçauoir du mary foupçonneux & vieil*
lard
» Appaifer le courroux après quelle retourne
>» Du lit ou fon amy auecfion ceur fejourne :
» Amour ingénieux trouue mille moyens
»> D'abufir lesjaloux & defauuer lesfiens.
En ce-pendant lEfié qui bon fils obtem¬
père
Au Soleifefi nourry che?le Soleilfin pere :
Il deuint en vn mois grand , corpulent , &
fort,
Et ja defin menton le poil doré luy fort.
» Les Dieux tout en vn coup à leur âge paf-
uiennent,
» Les hommes par le temps en accroiffance
viennent :
» Car ils font immortels , les hommes d'icy
bas,
» DesDieux enfans bafiards, croiffentpour le
treffas.
Aufi tofi qu'ilfut grand, ayant l'âge où
commence
A f enfler dans les reins ï amoureufefemence,
Cerés enfut efprifii& brûlant d'amitié
Vint voir fon amoureux lequel en eut pitié:
A
Que pour garder ce Monde & luy donner
puiffance,
Vertu, force & pouuoir, lequel n'efi cffien
enfance,
Débile, fans eflfeCl, grfians maturité,
Tar faute defintir noflre diuinité:
Depuis que le Printemps, cefle garfi virile,
t^iime la terre en vain, la terre eflinutile,
Qui ne porte quefleurs , & l'humeur qui l'époint
Languit toufiours en feue, & ne fie meurifi
point.
» Dequoy fieruent lesfleurs fi les fruits ne
meuriffent f
» Dequoy fieruent les ble% fi les grains ne
iaunifient ?
» Toute chofe afa fin ô" tend à quelque but:
Le TDefiin l'a voulu , lors que le Mondefut
En ordre commeil efi : telle efi la conuenance
De Nature & de D î E v par fatale ordon¬
nance.
Et pource s'il te plaifi pour ejpoufe m'a-
uoir, '
Pleine de ta vertu, iefieray mondeuoir
De meurir les amours de U terre inféconde,
St de rendre parfait l'imparfait de ce Monde.
A toy fils du Soleil efi la pcrfeClion,
Tu fouflten s & nourris la génération :
Car rien fans ta vertu au Monde ne peut
eflre,
(fomme efiant des fiaifions le Seigneur & le
maiflre.
Ainfldifoit Cerés, & l'Sflé tout feudain
De fi viue chaleur luy efchaufia le fein,
La prit pour fion efpoufe, ($f la prenante
l'heure
La Terrefie veflit d'vneforme meilleure
^Par tel embraffement , lequel en peu de iours
T>u beau Printemps & d'elle accomplit les
amours.
le te falue,2flé,le Prince de ï année,
Fils du Soleil ,fauteur de toute chofe née,
T ère aime , nourricier, donne-blé, donne-
vin,
AArA~$* iiij .
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«#»-

£112, LE IL L
Mafle, parfait , entier, tout grand & tout
diuin,
Perruquede rayons, quifiers de longue guide
Au Soleil, qui matin tient fies cheuaux en
bride,
Souhaité des humains, tout couronné d'effis,
Qui figures les ans des hommes accomplis,
Quiforges les eficlairs , la foudre & le ton¬
nerre,
Marinier , voyageur, courrier , homme de
querre.
il I r
Efiarte loin de moy tout mal& tout mefi-
Chefi,
Eflongne toute pefie & fleure loin du chef
Du doéîe Robertet, lequel point ne
refiufè
"De filaifier rauir doucement à la Mufe:
Augmente-luy fies ans ,fiaforce($ffia valeur.
Et conférue fia vie en ta viue chaleur.
HYMNE V.
De lAvtonne.
A CLAVDE DE L'AVbespine
Secrétaire
d'Eftat.
E iour queiefiu né, Apollon , qui
prefide
Aux Mufes , me fieruit en ce
Monde de guide,
M'anima d'vn ejprit fubtil & vigoureux,
Et mefit déficience & d'honneur amoureux.
En lieu des grands trefiors & des richefies
vaines,
Qui aueuglent lesyeux des perfonnes humai¬
nes,
Me donna pourpartage vnefureur d'effrit,
61 l'art de bien coucher ma verue par efirit.
Ilmehauffa le cbur,hauffa la fiantafie,
Minjpirant dedans l'ame vn don de Toèfie,
Que D I e V n'a concédé qu'à l'effrit agité
Despoignans aiguillons de fa Viuinité.
Quand l'homme en efl atteint , il deuient
vn Prophète,
Il prédit toute chofie auant quelle foit faite,
Il cognoifl la nature gr lesfecrets des Cieux,
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IVRE
Et d'vn efirit bouillant s'éleue entre les
Dieux.
Il cognoifl la vertu des herbes &des pier¬
res,
Jl enferme les vents, il charme les tonnerres :
Sciencesquele peuple admire, & nefiait pas
Que D î E v les va donnant aux hommes d'icy
bas,
Quand ils ont de l'humain lésâmesfiparees,
Et qu'à telle fureur elles font préparées
Par oraifion, par ieufne,fypénitence auffi,
Dont auiourd'huy le Monde a bien peu de
fiouci.
Car D î E v ne communique aux hommes
fies myfleres,
S'ils nefiont vertueux ,deuots &fiolitaires,
EflongneTi des Tyrans , (Sf des peuples qui ont
La malice en la main,& l'impudence aufront,
'Brule-^ d'ambition ey tourmenteTfi'enuie,
Qui leurfin de bourreau tout le temps de leur
vie.
Jen'auois pas quinze ans que les monts &
les bois
Et les eaux me plaifioient plus que la (four des
Rois,
Et les noiresfiorefls en fueillages voûtées]
St du bec des oifeaux les rochespicotées :
Vne valee,vn antre, en horreur obfeurci,
Vn defert effroyable efloit tout mon fouci :
Afin devoir aufoir les Nymphes & les Fées
Danfier deffous la Lune en cotte parles precs,
(Fantaflique d'effrit) & de voir les Syluains
Sfhre boucs parles pieds , ^hommes par les
mains,
Et porterfiur lefiront des cornes cn la forte
Quvn petit aignelet de quatre mois les
porte.
Tallais après la dance ,& craintif ieprefi-
fois
Mes pas dedans le trac des Nymphes , &
penfiis
Quepour mettre mon pied en leur trace pou-
dreufe
l'aurois incontinent l'ame plus genereufe :
Ainfi quel'Aferean quigrauement fonna
Quand l'vne des neuf Surs du laurier luy
donna.
Or ie nefiu trompéde ma ieune entreprife :
Car lagentille Euterpe ayant ma dextreprifit

Pour m'ofler le mortelpar neuffois me laua
TDel'eau d'vnefontaine où peu de monde va,
Me charma par neuffois, puis d'vne bouche
-* enflée
(Ayant deffus mon cheffon haleinefouflee )
Me herijfa lepoil de crainte & defureur,
Et me remplit le cdur d'ingenieufè erreur,
Monde:
Vneforefl,vnpré, vne montagne, vne onde
Sera ton héritage, & fieras plus heureux
Que ceux qui vont cachant tant de trefiors
che? eux:
Tu n'auras point de peur qu'vn Roy de fa
tempefle
Te vienne en moins cfvn iour efcarbo'ùillerla
tefie,
Ou confifquer tes biens : mais tout paijible ($f
coy
Tu viuras dans les bois pour la Mufie &pour
toy.
^Ainfi difoit la Nymphe , $f delà ie vins
eflre
Difiiple de Daurat , qui long tempsfut mon
maifire.
M'apprit la Poëfie, & me monflra comment
On doit feindre & cacher lesfables propre¬
ment,
Et à bien déguifier la vérité des chofes
D'vn fabuleux manteau dont elles font en-
clofies.
J'appris en fon efcoleà immortalifer
Les hommes que ieveux célébrer&prifer,
Leur donnant de mes biens , ainfi que ie te
donne
DES H YMNES. irij
Pour prefent immortel l'Hymne de cefiAu-
tonne.
Orfi tofi que l'Autonne eut l'âge de pou
uoir
Çoufierle plaifiant mal qu'Amour fiait rece¬
uoir,
Et que jafies tetins meffagersde ieuneffe,
En me difant ainfl: Puis que tu veux nous Comme pommes fenfioient d'vnè ronde aile-
future,
greffe:
Heureux après la mort nous teferons reuiure i Elle n auoit fouci d'amour ny du plaifir
Par longue renommée, & ton los ennobli Qui vient le tendre c d'vne fillejaifir,
Accablé du tombeau n'ira point en oubli. Quand fur l'âge, première ellefi voit aimée,
Tu feras du vulgaire appelleflenetique, St quand Amour la tient doucement allumée.
Jnfenfé ,furieux,farouche , fantaflique,
Ses plaifirs feulement n efioient qu'à re¬
Mauffade,mal-plaifant : car le peuple mefidit garder ,
De celuy qui de meurs aux fiennes contredit.
%JMats couragef^Q Nsard,/m plus doaies
Postes,
Qu'à baiferfa nourrice &àla mignarder,
Qufà veflir proprement des robbes découpées,
Qu'àfaire de ïenfant,qu'à coifer des poupées,
Les Sibylles, Deuins, Augures & Prophètes, Et toufioursfioufpiroit quand on ne l'allaitoit,
Hue^fifiez, moque^ des peuples ont efié: Et quand fion nourricier au col ne la portoit.
Et toutefois,Ko N s A R D,*"'/* difoient vérité. Ses aéies toutesfois donnoient bien tefmoi-
N'efpere d'amaffer de grands biens en ce gnage
Quelle feroit vn iour de très- mauuais cou¬
rage :
Car toufiours rechignoit , groumcloit& tan-_
foit,
Et rien que tromperie enfion cFur nepenfioii.
Vn iour que fit nourrice efioit toute amufee
A tourner au Soleil les plu de fa fufie,
( Et qu'ores de la dent,& qu'ores de la main
Egalait lefilet pendu prés defin fein,
Pinçant despremiers doigts lafilace fouillée
T)e lagluante humeur de fia léure mouillée :
Puu en pirouè'tant , allongeant & virant,
Et en aceourcijfant , referrant & tirant
Dufuseau bien enflé les% courfis vagabondes,
Arrengeoit lesfilets, ($f les mettoit par on¬
des : )
Elle vit que l'Autonne efioit feule à repos,
Adoncque elle l'appelle, & luy difl tels pro¬
pos :
Ma fille , dés le iour que tu fus enfantée,
Tar ta mere tu fus en mon Antre apportée
T>e nuit, à celle fin que ton corpsfiufl nourry
Et traitéfins le fieu de fonfafiheux mary :
Pource ie te diray tes parens (éf ton efire.
Enfle- toy le courage, & ne penfle pas eflre
Fille d'vn Laboureur , qui de coultres tren~
chans
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^114 LE IL
~Fend U terre & \afeme,& engroffe les chaps,
Et rapporte au logis les deux mains empoulées:
Ny fille d'vn Pafleur qui au fond des
valees
fiait paifire fon troupeau par les pafiis her¬
beux ,
Qui tient vn harigot &fleute entre les b'ufs:
Tues bien d'autrefing plusgénéreux iffu'è,
fit dc parens plus grands & plus nobles con¬
ceu'é.
N.as-tu o'ùyparler, au foir en eficoutant
Prés dufeu mon mary en fes bras te portant,
D'vne grande Deeffe heureufiement féconde,
\A qui le Cieldonna la charge de ce Monde?
far qui tout efi nourri,par qui tout eflproduit,
Par qui nous recueillons & lafleur & lefiuit f
Qui efl tout, quifiait tout , qui a toutepuif¬
fance i
Défis reins, mon enfant, tu as pris ta
naiffance,
Et de cegrandflambeau que tu vois luire aux
Cieux,
Qui fçait tout, qui oit tout, qui voit tout de
fiesyeux,
*Tere aime, nourricier de toute la machine,
Viue lafiouflenantpar fia vertu diuine.
De ces deux tu nafiquis : & pour mieux le
fçauoir,
Jlefl temps,mon enfiant, que tules ailles voir,
Jlefltemps de laijfer tesjeux & tafimpleffe,
Martes,cheuaux de bois : ce qui fied en ieu¬
neffe
» Ne fied quand cn eflgrand, fy chaque âge
en venant
s, Apporte auecquefoy ce qui efl conuenant.
Et pour ce il nefaut plus comme vn poupelin
pendre
%~Au col démon mary, mais bien te faut ap¬
prendre
\*A danfir, à baller, àfiifer tes cheueux,
Les allonger en onde,(^flesferrer en nouds,
A dextrement mouuoir l'appafl de ton eillade,
Afaire d'vnfou- ris tout vn peuple malade,
A fçauoir confieiller ta fiace à ton mirouer,
A parlerfinement fy finement iouer,
A fçauoirfinement inuenter mille exeufes,
Adonner vne baye, à trouuer mille rufis,
Apratiquer d'amour l'amertume & le doux,
Et par telle fineffe acquérir vn effoux.
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LIVRE
Or fi tofi que l'^Aurore à la vermeille
bouChe
Aura du rùieilTithon abandonné la couche,
Il faudra t éueiller,àfin d'aller trouuer
Non guère loin d'icy ton pere à fon leuer.
Or pour mieux acheuer ta foudaine entre¬
prife,
Ilfiautprier vn Vent, à fin qu'il te conduife :
La cauerne où l'Auton demeurenefl pas loin.
Pource va le prier qu'il en prenne le foin.
x^Ainjiditla nourrice, & l'Autonnefiur
l'heure
S'en-alla dedans l'Antre où le Monfire de-\
meure.
Elletrouua le Vent tout pantois & lafié J
D'auoir la mer d'Afrique grfiesfeblons pafiê,
Et ja pour s'endormir auoit pliéfis ailes
Depuis le bas des flancs iufquau haut des
aiffelles :
Tout ainfi qu'vn Faucon laiffé fourcher en
crois
Les fiennes fur le dos quodilfi percheau bois.
Ce Vent humide & chaudgifoit à U ren¬
uerfie
Efiendu fiur le dos d'vne longue trauerfè,
Au beau milieu de tantre ( horrible chofe à
voir)
Maints fleuues du menton comme d'vn en¬
tonnoir
Luy coulent à fes pieds, $-ft tefie chenue
Efloit de tous cofie?jouuerte d'vne nue,
Qui de-çà qui de- là furie dos luy rendoit
Des vapeurs qu'en volant par le Monde
effandoit.
Son Antrefeftuuoit d'vne chaleur crou¬
pie >
Moite, lafche,pefante, ocieufè , affoupie,
Ainfiqu'on voitfiortir de la gueule d'vn four\
Vne lente chaleur qui efiuue le iour.
Làfiur vnpeu de paille à terre efloit cou¬
chée
Vne lice aboyant iufiqu'aux os deffeichêe:
Les voifins d'alentour ( qui paifire là fou*
loient )
La vieille Maladie enfin nom tappelloient.
Elle auoit vngrand rang de tetaces tirées
Longues corne boyaux,parle bout defehirées,
Que d'vn muffle affamé vne engeance dt
maux

DES HYMNES. toij
Luyfiuçoient tout ainfique petits animaux, Degrand's ejponges d'eau \ dont largement tù
Quelle (qui doucementfur fa race fie veau-
tre )
baignes
'De ton gofier venteux les monts & les cam-
T)e fion col retourné lechoit l'vn après l'autre, paignes,
Pour leurformer le corps en autant de façons Porte moy, ie teprie, au Palais du Soleil:
Quyn voit dedans la mer' de fiort es de poifi Et fi par ton moyen ie fuis afin réueil,
' fons, le te iure en tes mains vneferme alliance}
Defiablonsfiurlarade,& defleursau riuage Tufirasmonamy : ($f fi quelquepuiffance
Quand le ieune Printemps dêcouure fion vi- Le Soleil me départ, tu l'auras comme moy, «
aie.
Là comme petits loups lescaterres couuoit,
Et'làlafiéure quarte, & tierce fie trouuoit,
Et l'Jutonne iamais ne fie verrafans toy.
Ainfidifl cet hommace ,& le Vent qui U
charge,
Enflures,flux de fang, langueurs, hydropi- L'emportaparmy l'airfurfion ejpaule large.
fies, Cefioit au mefime poinél que l'Efioile dis
La toux ronge-poumonfiauniffe, pleurefies, iour
Lenteurs,pefies, charbons, tournoymens de Auoit déjà chaflé les Afires d'alentour
cerueau, Des paflures du Ciel,& les contantpar nom-
Et rongnes dont l'ardeurfiait allumer lapeau. bre,
Cefie vilaine & file & monflrueufe Toutes en vn monceau les alloit mettre à l'om-
oflure, bre.
IBien quelle foit d'vn part , nefl pas d'vne là la Lune argentée alloit voirfin ami^
nature, Son bel Endymion fiur le mont endormi :
L'vne croifi en vn iour , l'autre en demande Et jà la belle Aurore au vifage de ràfies,
trois,
L'vne en demande fept , & l'autre veut vn
Les barrières du Cielpar tout auoit déclofies :
Et déjà le Soleil fion front auoit huilé
mois,
L'autre efl vieille en vne heure,&l 'autre ne
Defard, à cellefin qu'il nefiufl point hallét
Et ajfis dans fon char, déjà tenoit la bride
peut croifire.
Orfi tofi qu'ils font grands,pour eux-mefi
Defes çourfiers tire% hors de Ufiable vuide]
Quand tout à l'impourueu l'Autonne arriua
ffie paifire , là.
mes
La mere ofle leur voix & leurs langues , àfin Adoncques le Soleil retififie recula
"D'allerfans dire mot loger che% le plus fin.
Adonq à l'impourueu les terres ils affail-
Arrière de fit fille , & tournantfen vifage
( Depeur de ne la voir)fit vn autre voyage,
lent, Lesgrands Monfires du Ciel lefquels vi-
Et les pauures mortels tourmentent & tra- rent muer
uaillent;
Lors peu fert l'oraifion, la force,& la valeur,
Et l'artforcé du mal, quifait place au mal-
Le Soleil de couleur, la cuiderent tuer,
La pourfuiuant par tout de telle violance,
Qjfelle falla cacher au creux de la Balance,
heur. Etfins le Scorpion qui affreux (ffr hideux
Si tofi que cefi Autonne eut trauerfié la porte Défiespieds allonge^fie mit au deuant d'eux,
T>e l'antre, elle parla au Vent en telleforte : Ils l'euffentfait mourir, boiiillonnans de colère
O maifire de la mer, que la terre en fes bras T>e voir ainfitourner le Soleil en arrière.
'Prejftde tous cofle^, Vent qui viens de là bas Apres auoir efté en crainte quelque temps,
Où l'autre Ourfie incogneuëaux hommes de ce Slle alla vifiter fion fiere le Printemps
Monde, Dans fon Palais fleury, que la Nymphe Iett-
D'Aflres plusgrands & beaux que les noflres
abonde :
neffe
A bafli defa main, ouurage de Deeffe.
O Vent qui trauerfiantpar vn air chaleureux, Ce Palais eft ajfis au beau milieu d'vnpré
St par la gent kulée,attires caterreux De rojes &delis &> d'eillets diapré,
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*n$ LE IL
Ghtine craignent iamais ny chaleur ny foi -
dure :
Car en tout temps ce préfioifionne de verdure.
Les pins & /« fitpins y voifinent les
Cieux,
Et le Cèdre embafiméd'vnflair délicieux; *'
Les Rojfignols loge% dans les bois y jargon-
nent,
fPar les iardins carre% les fontaines réfon-
nent,
Qui arroufent lepied despommeux orangers,
Et des myrtes fiacre^ qui nous font eflrangers.
Volupté,gentilleffe,amour &gaillardife,
Et Venus qui le cvur des grands 'Princes
attifie,
Seiourne en ce Palais,oùfes Cygnes mignons
Volent tout a l'entour auecquesfies Pigeons:
Tout rit en ce verger : car tout ce qui ameine
Trifleffe& dejflaijir, iamais ne fy promeine.
A l'hure quel'Autonne au Palais arnua,
Cherchant de tous cofle^fenfiere n'y trouua :
Jl efloit allé voir l'mdujlrieux Zephyre,
Qui tendoit fiesfilets, & tendus Je retire
Au beau milieu du ré, àfin d'enueloper
Flore, quandil la peut en fes nuuds attraper.
Ainfi qu'en nos iardins on voit embefiongnée
Dés lapoinCle du iour la ventreufè Araignée,
Qui quinze ou vingt filets (comme pourfon¬
dement
Defion ré commencé) attache proprement,
*Tuts tournant à l'entour d'vne addreffefiub-
tile,
Tantoft haut , tantofl bas des iambp elle file,
Etfiait del'vn à l'autre vn ouurage gentil,
Detrauers, de biais, nouant tpufiours lefil,
Puis fe plante au milieu defi toile tendue
Pour attraper le ver, opt la moufiche attendue:
Ainfifaifoit Zephyre: or teutonne qui
vit
^Sans garde le Palais, à fionfiere rauit
Ses bouquets$ fiesfleurs,& comme vne lar-
ronne
( \siprcsïauoirpillé) fen fit vne couronne.
De làfi fit porter au Palais de l'Efé,
Que Cerés fiefloyoit en pleine majeflé.
Triptolemefiaifoit (pour le doux bénéfice
Du beau froment donné ) à Cerésfiacriflce,
pù lablonde Deeffe en appareil efloit
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LIVRE
Auecquesfon mary l'Eflé quelle traittoif,
Et tenoit en danfant au milieu de la fiefle,
Du Pauot enUmain,desejfics fur la tefie.
Cependant cefiegarce entra dansleCha*
fléau :
Dedans la baffe- courtelle vit maint râteau,
Mainte fourche , maint van, mainte groffe
iauelle,
Maintegerbe, toifon de lamoiffon nouuelle,

DES HYMNES.' ,-,.
^ZZUf^r^aUmt^¥:fitt ^^^uptêkyfiruoientdevAs,
^*mmirtl»mk>mun,{,fUbh Et tCnoiunfJamdl^peSderJs
LautrcIcsmfftutxJorJautrcaffin, lemi- T>cuan,nRyJa»feiÂds MeÂdoni-
urei . des
Vautre le v^-argent qui veut toufiours fe Les vnes talonnaient des Panthères fans bri-
Jmure, des>. >
, Lautre cherChe lefoulphre,& l'autre efl di- - Les autres reffandaient leurs cheueux fur le
lllent dos, J
De fioMer les conduits dufer & de l'argent. M autres dans la main brâloient des jauelots
La ont dedans des pots fur tes tables en- Heriffe^ de lierre & defiueilles de- vigne : '
cofes . Silène au rouge ne^ fins mefure trepime
Auec leurs efinteaux lesfemences des chofes, Monté deffurfin afine, & comme fout donté
Que ces ieunesgarçons gardent a cellefin De vin, laiffé tomberfa tefte d'vn cofté
Que cegrand Vniuers neprenne iamaisfin, Les Satyres cornus, les Syluains pi'eds-de-
Les femanstGUS les ans d'vn mutuel office, chéure
Et toufiours vieilliffant toufioursil raieuniffe;
Que l'air aitfis oifeaux & la mer fes poifi-
Fontvn bruit d'inflmmens: l'vn qui enfle fa,
léure
fons> Fait fonner vn haut-bois , $ l'autre tout
ht la terre Jes fleurs de diuerfes façons. ^ autour
Sitoflqueh Nature eut apperçeufit fille, De la brigade fait refinner vn tabour.
Si tofi que Vacchus vit ^Autonne la pH-
Fuy ( dit- elle ) d'ici, tuperdras mafamille, .
17uy-t'en de ma maifon,tu fieras en tes ans celle *
Laperte £r le malheur de mes autres enfans : Venus luyfit défendre au cfur vne efiincelle
Tuperdrastout cela que la bonnefroidure
De tHyuergermera : tout ce que la verdure
Du Printempsproduira, & tout cequicroi-
Parlesyeux enuoyée, & tout fioudainement
II deuint amoureux, &finefiçeut comment.
Jlfient dedans fes os vne pefie qui erre
ftra
De meur & de parfait quand l'Sflé.paroiflra:
E)e mouelle en mouelle, & luyfiait telleguerre}
Quauec vngrandfiuffir,gcmiffant , eflcon-
Tufieras efouler les Cheueux des bocages, traint
Chauuesfieront les bois, fians herbes lesriua- De confieffer qu Amour l'a viuement attaini.
£>es » lia l'amependue aux beauxyeux de la belle
Par ta mainfiPhthinopore , & deffus les hu- Enfis cheueuxfe lie & nepenfi qu'en elle,
mams Jlfiebrufle luy mefme,&fiuft mort defiouci
Maligne refiandras mille maux de tes mains.
L'xAutonneen larmoyantfien-efloit en-
Si pour la courtifer ne luy euft dit ainfi.
le confieffe qu Amour de fia gentillefiaallée,
me
Quand elle oiiit vn bruit aufondd'vne vallée,
Etf approchant deprés elle vit vngrand Roy
Autrefois m'a brûlépour vne ieune Dame,
Que le traiftre Thefi' laiffa deffus le bord
Que deux Tigresportoient en magnifique ar- Seule entre les rochers, la proye de la Mort:
roJ: Mais comme i'ay pour toy, telle amoureufe
Ses yeux eflinceloient tout ainfi que chan- playe
délies, Je n'eus oncquespour elle, & tantplus ie m*efi
Ses Cheueux luypendaient plus bas que les aif- faye
Jettes,
Sa fiace eftoit de vierge& auoitfiur lefiront
De l'ofler , & tantplus iefiens cefte poifon
Faire mon appétit maiftre de la Raifon:
Deux petits corniChons comme les Chéurcaux Et pour-ce pren pitiéde mon ame embrafée,
ont : Et vien dedans mon char pour ma tendre
Ses leures n eftoient point de barbe creffelées, ejfoufée,
Son corps eftoit bouffi, fes cuiffes potelées, Vien enlacer mon col: ce nefl vnpetit heur
BBBbb
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HT LE II.
Quand vne femme acquiert vn Dieu pour
fkuiteur.
Helas ie tefiuppli' par cefte belle bouche,
Par cesyeux dont tejclair iufqu en l'ame me
touche,
Tar ces cheueux creffe^ qui me preffent le
cfur ,
N'entretien d'vn effoir longuement ma lw-
zueur :
o
Reçoy-moypour mary,au refle prens en gage
J\4on amour comme en dot d'vnfi beau ma¬
riage :
Car ton corps, qui mon ceur a chafie defin
lieu j
Efldignede monter au liél d'vn plus grand
Dieu.
Si ne fu'u-ie pourtant vn demi-Dieu champeftre
:
le fuis ce grand 'Bacchus des Satyres le mai¬
ftre,
Qui ayeent mille autels, qui ay cet mille noms,
Tant craint & reuere par tant de nations.
Dontant deffous mon joug la cruauté des
Lynces,
Triomphant i'ay vaincu les Indes eiF leurs
Trinces :
I'ayfait mourir Lycurgue&Pentbéiay tué,
Les mariniers Tyrrheins en Dauphins i'ay
mué,
Et en Chauue-fiouris tourné les Minaides
Qui auoient mef^rifémesf efles Thebaides.
Jupiter eft monperc,& quand ie monte aux
Cieux,
le m'ajfieds en mon throne entre les plus hauts
Dieux.
Ainfidifoit Bacchus,& toutfeudain l'Au¬
tonne
kA ce Trince amoureux pour cjfoufe fe
donne :
Enfon char il la monte en graue maiefié,
Et depuis l'vnfans l'autre ils n'ont iamais
efié,
Tant peuuent en amour deux courages en¬
flemble
Quandvne affeélion pareille les affemble,
Non crainte deparens qui l'amitiédeflruit,
Et deuant quefleurirfait auarter lefruit.
le te falu'é, Autonne ,

DES
A grimper mal-aifée, où perfonne n'appro¬
che :
Je veux auec trauail brufquementy monter,
M'eflgrafignant les mains auant que l'appor¬
ter,
Afin qu enuironné de maint peuplefie Chante
Quelle propriété fe trouue en telleplante.
Peuple , ce verd Laurier pour qui i'ay
combatu,
( Diray- ie en le monfirant ) efl de grande
vertu :
Si quelqu'vn le regarde, ou le mafche, ou lepofie
Tour couronne à fon chef , toutfioudain il
compojè,
Et les Mufes qui font noble race du Ciel,
Arrofent faparolle f^f fa bouche de miel:
Il efl fioudain aimé des Seigneurs & des Prin*
ces ,
Il marche vénérable au milieu des Prouinces,
Il rend par fon belartfin pais eflonné,
lia le fiont de gloire^r d'honneur couronné,
St au trait de fiesyeux & auport de fiafiace
Ses ennemis ont peur & fint froids comme
glace:
Il eflfans pajfion,fans crainte ny douleur,
Plusgrand que le Defiin, Fortune, & le mafi
heur :
(farfioit qu'il vifi tomber toute cefie machine,
Une verrafin coeur trembler enfiapoitrine,
Philofiophe hardi confiant de toutespars,
Armé de fa vertu comme de grands rempars.
Ces ieunes apprentis defloyauxà leur mai¬
ftre,
Nepeuuent du Laurier l'excellence cognoiflre :
Mais les gentils efirits, des Mufes le bon¬
heur,
(fognoiffent bien la plante $r luyfont grand
honneur.
Quandie la portées mains, aufiont, ou foubs
la robe,
Si quelqu'vnparfineffe vnefiueille en dérobe,
Lafiueille le decelle , & ne veut que le prix
Des fionts ApoUine-zfioitemblényfiurpris :
Le Laurier le defidaigne, & bien qu'ils le tour¬
mentent,
Iamais de fis rameaux la bonne odeur ne flen-
tent,
(fomme chofeforcée, & qui ne vient à gré
±A l'arbre de Parnaffe,à Phebus confacre.
hymnes; \i$
Il veut qu'on le recherche auec traitait&
peine
Sur le roc dont la cyme eflfiafcheufe & hau¬
taine;
Comme i'ay ceftuy-cy,que ie plante au iardin
( Pour toufiours y fleurir ) de mon doCîe
B o v R D i N.
Toute Philofophie efl en deux diuifiée,
L'vne eft aiguë,& viue,$ prompte , fy àd~
uifiée,
Quifans pareffe oupeur, d'vn vol audacieux
Abandonne la terre , & fe prome'me aux
Cieux.
Hardis fiurent les c qui les premiers
montèrent
Au Cicl,& d'vngrandfioin les Aftresaffron¬
ter ent:
Là, pins auoirfrayeur des cloiflres cnflame%
Du tPktondeoù tant de corps diuersfont en-
fermeç,
Parleur viue vertufournirent vne entrée,
Et veirent iufquau fein la Naturefacrée :
Jls ejfierent D i E V, puis ilsfurent après
Si fiers, que de conter aux hommes fes fecretsl
St d'vn effrit ardant eurent la cognoiffance
De ce qui neflpoint né, de ce qui prend naifi
fance,
Et enpillant le (fiel, comme vn riche butin,
Mirent deffous leurs pieds Fortune &leDe-
flin.
L'autre Philofiophie habite fious U nue,
A qui tant feulement cefle terre eflcognue
Sansfie pouffer au (fieljecur qui luy défaut
Ne luy laiffé entreprendre vn voyâgefi haut:
Elle apourfin fiujet les négoces ciuiles,
L'équité, la Iuftice, & le repos des villes:
St au Chant defa Lyre, afiait fortir des bois
Les hommes foreftiers pour leur bailler des
lois:
Slle fçait la vertu des herbes & des plantes,
Elle va deffous terre aux creuaces béantes
Tirer l'argent & l'or , & Chercher defa main
Le fer qui doit rougir en noflre fiang hu¬
main.
Puis à fin que le peuple ignorant ne mefiprife
La vérité cognut'après t auoir apprifie,
D'vn voile bien fubtil ( comme lesTeintres
font
BBBbh ij
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nzo L E 1 1.
Aux tableaux bien pourttaits ) luy couure
. tout
lefiont,
Etkiffefeulement toutau trauers du voile
Taroiflrefes rayons comme vne belle efloille,
Afin que le vulgaireait defir de chercher
La couuerte beautédont iln'ofe approcher.
Tel i'ay tracécefi Hymne,imitant l'exem¬
plaire
t)es fables d'Hefiode£r de celles d'Homère.
Le iour que la Nature accoucha detHy¬
uer,
On vit de tous cofie^tous les Vents arriuer
Les parrains de l'enfant , & le Ciel pefie-
mejle
Snfiarina les champs de neiges & degrefie :
Il n efioit pas encore ésprfionsdu berceau,
Que Mercure leprend, & le mifl en lapeau
D'vn mouton bienfii?é,puis de roide volée
A fin dos l'emporta fiur la voûte efioilée,
Et fie moquant de luy,il le vint prefinter
iAu milieu de la fialle aux pieds de Iupiter.
Iupiter fefiourit de la hideufie mine
Du garçon qui rampant à quatre pieds che¬
mine
A l'entour défispieds,comme vnpetit maflin
Quifient venirfa mere & cherche le, tetin.
Les tourbillons venteux roulaient deffus fia
face,
Il auoit les cheueux roidis àfils déglace,
'Renuerfie, bourfioufle^, &fur le dosportoit
Vne humide toifon qui toufiours degoutoit :
Il efloit rechigné , hargneux &fiolitaire :
Et pource Iupiter de tous les Dieux le pere,
Preuoyant qu'ilferoit quelque Moflre odieux,
Ainfiqu'ilfift Vulcan lerenuerfa des (fieux.
Alors lepauure Hyuer à tefte renuerfée
Fut culbutépartair d'vne cheute ejlancée,
Rouant dés le matin iufquau Soleil Couchant,
Toufiours pirouettant , tournoyant, & bron¬
chant;
A lafin enghffantpar le trauers des nues,
S'arrepa renuerfiefur les riues chenues
De Strymon, hofielier de ce vent qui nousfait
En balayant le Ciel le iour ferein & net.
La Thrace ce-pendant feftimoit bien-heureufe
D'efire de cefi enfant la nourrice amoureufe,
Quefioudain elleemplit deforce ty de vigueur,
JSfff'?» telnourrijjon auoitplaifirau cuur.
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LIVRE
Or le Vent qui fçauoit que par vne rifée
Laface detHyuerfut au Ciel meffrifie,
Le vint,comme fon fiere, enfureur irriter
D'entreprendre la guerre encontre Iupiter.
Et quoy ! difoit "Borée à tHyuer magna¬
nime,
Veux-tufiouffrir qu'onface au Cielfipeu d'e-
flime
De toy ieuneguerrier?& que tufoisfraudé
De l'honneur que. ta mere a pour toy deman¬
dé?
Regarde de quelfang tu as pris ta naiffance f
Quelsfiont tes allie?^, & quelle efi ta puifi-
fiancef
Combien tu as de mains , de iambef ejT de
bras
Pour renuerfer du (fielceJupiter à bas ?
Il fe vante d'auoir vne maifon ferrée,
Augrandplancher d'airain d'éternelle durée.
Et quefeul, quandil veut,les Dieuxpeutfur*
monter,
Et qu'eux tous
donter.
affemble^ ne le fçauroieni
Mais ce qui plus mefafche, & nicfhoincanne
dt ire,
CUfl qu'il auance au (fiel ie nefçay quelSa*
re,
Vn Mercure larron,vn Mauon rioteux,
Vn Alcide gourmand,dont le (fiel eflhonteuxl
Il aime teftranger& fesparens recule,
Etfe vante d'auoir ie nefçay quel Hercule,
Dont la forte maffuë enguerroyant abat
Tout cela que la Mort luy prefente au com¬
bat.
S'il a lefiort Hercule autour defion trophée,
Tu auras en ton camp l'ingénieux Typhée,
Qui a centyeux,cent bras, cent mains, & cent
cerueaux,
Excellent à trouuer mille deffeins nouueaux :
Luy feul vaut fon x^ilcide, & toutefin ar¬
mée.
» Courage, la vertu n'efîpas vnefiumée
» Qui deçà qui delàfiéuanoiïit en vain,
> Elle veut taClion du coeur & 'de la main.
Mande-luy promptement qu'il te fiacepar-
*age>
Luy fuffife le Cielfians rauirdauantâge.
Tout ce qui pend en l'air fous taire dis
Croifiant,

deshymnes:
Tout ce qui monte en haut, & le Cielvapaif- Ces courageux guerriers plus vifles qu'vn
fiaM> efclair
Dont la Nature Change &f altère &fe mue, S'allèrent tous camper au beau milieu de l'air
Soit maintenant en vent,fioit maintenant en Sous teffais d'vne nue, enfia croûte affleurée,
nzt
ntte » Comme dans le rempart d'vne ville emmurée,
Neiges , glaces , filmas , fiont proprement à Et gaignerent le Fort , alors que le Soleil
toy,
Et les plaines del'Air te confieffent leur Roy.
Tournant les pieds vers nousfie penchait au
fommeiL
Courâge,compagnon, iouis de ta contrée :
Quant à moy , iefiuis fils de l'aurore ($f
d'Afirée :
Les uAfires quifaifoient au Ciel lafin*
tinelle,
Aduertirent les Dieux detefirange nouuelle,
Et ne veux endurer que ce tort tefioitfiait : De lapifle & du cry des cheuaux henniffans,
» Le magnanime cdur fe cognoifl à l'effet. Desfoudarsfous lefier ieunement bondiffans,
Ainfi difoit ce Vent plein d'vne ame dé- Du nombre d'eflendars, du cliquetis des arpite,
mes,
Enuoyantfies courriers, tvn deuers Amphi- Et d'vn peuple incognu de barbares gendartrite,
mes,
L'autre vers les eflangs,riuieres, & ruiffeaux. Dont les boucliersflamboient comme ces roux
Ces pofles en volant plus roidement quoi- cheueux
féaux, Des (fometes, qui fiont enuenime^ defeux
Hucherent d'vngrand cry les centfieres Da- Qui deçà qui delà leurs grands rayons effan-
Clyles, dent,
Curêtes,Corybans,aux armes bien-habiles: Et de tair en gliffant àfiont baifie deflcen-^
L'vn courut aux Enfers, des Ombres poffefi dent
fiurs, Sur le mafl d'vn nauire, ou fur vne cité
AppeUer legrand Chien , la Gorgonne, fyfes Que D i e V veut chaflier pour fa mefchan?
Surs,
Et l'autrefit venir les ventreufies Harpyes
ceté.
Iupiter toutfioudainfit apprefierfia bande,
Quifiur le bord de StyxjbmmeiUoient accrou- Et veut quvnfieul Alcide àfies troupes com^
pies :
Tegafiey vint auffi, le cheual emplumé,
mande,
Que Mercure lefiuiue, & que le ieuneMars
Neportantplus au dosfion (fheualier armé.
L'autre fenna Triton aux longs cheueux
Face de bande en bande arranger lesfoldarf.%
Si tefl que le Soleilfirtit hors defiacou\
humides, che,
Troté', Glauque, Portonne , & les vieilles L'Hyuer d'vngrand courage attaque l'efcar-
Phorcydes
xAu regard renfrongné, qui branlaient en la
mouche,
Et fit marcher deuant comme cheuaux légers
main Les tourbillonspoudreux,pourfionder les dan-
En lieu d'vne quenouille vn jauelot d'airain. g,ers-
Les autres vont au creux delà terre en- , Briare eftoit arméd'vne vieille ferraille,
foulphrée, En lieu d'vn morion flafubloit d'vne efiaïlle
AppeUer Encelade , $f lefort Briarée, De dragon effroyable, eydefa bouche iflfloit
Gyge, Cotte, Porphyre, & ces Titans qui Vnbrafler enfuméqui le iour noirciffoit.
font Cent bras fie remuoient de fes effaules dures.
Enfiouleuat les champs d'vneplaine vngrand La peur , l'horreur, teffroy Jes meurtresJes
mont, iniures
Et creuaffant la terre obfcure de fumée, Marchaient deuant fa face , 0* de tous les
Dégorgent iufquau Ciel vne haleine enfla- cofle?^
mfc Rendoitfis ennemis oupeureux ou donteT^.
BBBbb iij
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tni LE IL LIVRE
Sous le cry dcsfioldars la terre trembla Voûtes qui en tournant d'elles-mefimes fen
toute, nt s
LamerentreffaillitJeCiel efloit endoute, En biaiK h^t& bas a lentour dvne pom-
Et ne fçauoit lequel feroit victorieux
Ou le camp de l'Hyuer, ou bien celuy des
me,
Etfi iamais le temps leur courfie neconfim-
Dieux. me.
Herculeàtaborder, fe mitâtauantgarde, VnCyclope tpparoifl au milieu dujouet,
Et de centyeux ardensfis ennemis regarde : Qui tient haut en fi dextre vn cliquetant
Il les preffe,il les tue,ey les abat deffous fouet,
Sa pefante maffue effroyable de clous: En la gauche vne bride , & au deffous du
Ses bandes toutefois
rfo}
n auoient l'ame affeu- ventre
( Chofie horrible à conter) il a les pieds d'vn
Et craignoient tellement les mains de Bria-
rée ;
Cancre.
Vn Coq deffus fonfont chantepour téueihr
Que la glaçante peur coulante par les os, Quand il veut deffous l'eau trop long-temps
Tourna honteufement à la fuite' leur dos. fommeiller :
L'Hyuer d'autre coflé faifoit vn grand II a les cheueux d'or, & feface enflamée
carnage, Reluit comme vneflame envn chaume aUu-
Etfansperdre ny cgur,ny force, ny courage, mee
Comme vn foudre emporté deffus l'aile dit Qu'vn Laboureur atti?e,&fait de peu àpeu,
vent,
\Ahitlefler au poing laViCloire fuiuant :
Sortird'vne eflincelle vngrand brafier defeu.
Or tu auras en don (fl tu mefaisferuice)
Et n'eufl eflé le Iour qui par vne rancune Ce preflent ennobly d'excellent artifice.
Abyflma la Lumière es ondes de Neptune, Va-t'en chercher le Somme, &luy dydcpar
Enuieuxfur l'Hyuer, ileufl eu ce bon-heur moy,
De donner afin camp la victoire & thon- Qjtilameine Morpbée & le Silence coy,
neur. Et qu'ilfiace endormir cefi Hyuer qui con^
Ce-pendant Iupiter qui des fiensfe desfle, fj>irc
Ramaffafàn armée & fin camp fortifie, De renuerfierlcCieljncs Dieux, &mon ¤m-
Ilappella la NuiCl,& luy dit tel propos : pire :
Nuiél, fille dclaTerre,& mere duRc- CMercuretefuiurapourlefurprcndre,afin
pos , De mettrefans combat cefie querelle afin.
S'il tefiouuient du bien que ie tefis à l'heure Ainfidit Iupiter, & la Nuiél efi allée
Que Thanete voulut defirober ta demeure,
St qu'il n'eutpour le toutfinon vne moitié:
Nuiél, fois - moy fecourable & pren de moy
En fion antre veflir fia casaque efioillée,
Que la Terrefila & ourdit de fes mains
Pour couurir les labeurs & lesyeux des hu-
pitié. mains: ^
Ilfiaut qu'en ma faueur tufois noire & trou- Amouryfutpourtrait, & ce doux exercice
blee , Quigarde que le Monde orphelin neperiffe :
Que ton char foit tardif, ta langueur redou- Puis appella le Somme, £r luy a dit ainfi:
blec> Somme , mon cher enfiant, le fircier du
Afin que mon Mercureait loifir d'efiier fiouci,
L'Hyuer , £r prifionmer pieds & mains le Iupiter te commande aller dedans l'armée
**er/
NuiCl, reposées mortels,fi tu me veux
De l'Hyuer, ty4ferrer fa paupière enfermée
D'vne chaifne de miel, & de prendre auec
complaire, t0y '
Tu auras vn prefent qu autrefois iefisfaire Tour compagnons Morphée, & le Silence coy."
Ainfi quvn beau jouet, à fept voûtes, tout Va donqfiller lesyeux de l'Hyuer, qui con-
rmd, j£i l
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nre

des hymnes;
De renuerfer le (fiel, lupin, &fen Smpire.
A- tantfie teut la Nuiél, & le Sommeil
adonq
Couurit fon chef d'vn voile autant large que
long,
Prit desfiuliers defeutre , & puifie en la ri
uiere
De Styx vne vapeur qui couure la Lumière.
Jl couronnafin chef d'vn pauot endormy,
Tuis rampa doucement au camp de l enne¬
my ,
Traçant detair venteux la région humide,
Faifant marcher deuant le Silence pourguide.
Adonques le Sommeil caut & malicieux
S'alla comme vn oifieau planter deuant les
yeux
De l'Hyuer qui veillait, tournant en fipen-
fée
Le moyen d'acheuer laguerre commencée.
Apres que le Sommeil,furfia tefte perché,
L'eut long- temps affoupy,comme vn traiCl dé¬
coché
Coula dedansfesyeux, & doucement affemble
D'vn dormir engluéfes paupières enfiemble,
Fit chancelerfia tefte , erfi bien il entra
Desyeux en teftomac, qu'au cfur le pénétra,
Et luyfit en ronflant ( tant le dormir le tou¬
che)
Verfer le doux fommeil du ne% & de la bou¬
che.
Mercure,ce-pendantfinement l'enchaîna,
Et au grand Iupiter prifonnierl'amena.
Iupiter qui le vit réduit fous fa puiffance,
Dyvn feuerefiourcil le menace & le tance,
Etfifort contre luy le courroux lembrafa,
Quefansfi feur Iunon, qui finire appaifa,
Suftfoudroyél'Hyuer: mais elle qui leprie,
Embraffant fes genoux , modéra fafurie.
O Iupiter , des Dieux & des pères le
Roy,
Fay ( ce difoit Iunon ) quelque chofe pour
moy l
lefuis, Saturnien,tafeur & ton effoufi,
Et au (iel comme toy ie commade & dijfoufie.
Helas '.pere bénin, qui iuftement defiens
Par ta loy de tuer, pardonne à tes enfians: #
lefiçay que tu pourrois de tefilat d'vn ton¬
nerre
Enfeulfrez & brûleries renuerferpar terre:
Mais il vaut mieux ruer lesfoudres que m
tiens, ]
Sur le haut des rochers, quefur le chef'del
tiens :
Etpource ie te pr't change de fantafie,
Laiffé- les moy gaigner par douce courtoifie:
» lin efl rienfi cruel, que le caurféminin I
» Ne rende par douceurgracieux & bénin.
Ainfidifoit Iunon,& lupin de fa tefie,
Ayant flechyflon ire, accorda la requefle.
Jncontinent , Iris,qui desfleuues tepais,
Tu fis fçauoir aux camps le traité de U
paix :
Tudefliasl'Hyuer, ô" de prompte allegrejje
L'inuitasaufieflin de Iunon ta maiflreffe.
Si toft que l'appareil dufeflinfut drefié,
Hebéla ieune Nymphe au coude retroufié,
Mit de l'eau dans leflguiere, & la prit enU
deflre,
Etlebafiin doré en l'autre main fineflre :
Contre vn pilier marbrinfion dos elle appuya^
Laua les mains des Dieux , (Sfpuis les effuya
D'vn linge bien filé,bienplié, que Minerue
Tour vn riche trefior auoit mis en referue,
Et iamais de fon coffre elle ne taueignoit
Sinon quand Iupiter l'Océan bien-veignoii.
xsiuffitoft que les Dieux furent ajfis à ta-
hle
( Chacun tenant fon rang &fa place hono-À
rable)
Voicy les demy-Djeux, qui du haut iufqu a®
bas
La nape grande& large ont couuerte de plaè
Entaille? en burin, où flenleuoient bofiées
Des Dieux ô" des Titans les viéloires pafiées]
Et comme Iupiter aux Snfiers foudroya
Le Gean qui le Ciel de cent brasguerroya.
Apollon fît venir les Mufles en la dance;
La belle CaUiope alloit à la cadance
Sur toutes la première, & deffus le troupeau >
Paroiffoit comme vnpinfur le haut d'vn cou-
peau.
Tantofl elle chantait, tantofl d'vne gam¬
bade
Ellefaifoit rouerfà ronde vertugade :
Pan le Dieu boccager de fa flûte fonna :
Le haut Palais doré mugiffant raifinna
Sous la voix des haubois, fy ce-pendant U
coupe
BBBbb tïtj
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hî4 LE II.
^Alloit de main en main en rond parmy la
v Après
troupe.
que le defir de mangerfut donté,
St l'appétit de boire enbeuuantfut ofié,
Chacunpour efiouter fierma la bouche clofe,
Et alors Iupiter commença telle éhofi.
» Il nefl rien de plus fainCl quelafiainCle
amitié:
Et pource, comme pere,ayant au c-urpitié
Des guerres qui efioient en nofirefiang trem¬
pées,
I'ay brifié les harnoisfy caflé les effées,
Aimant trop mieuxporter,fans titre deguer¬
rier,
L'Oliuierfiur le fiont quvn Chapeau de Lau¬
rier.
Qeft la raifion pourquoy, Hyuer , ie te deliure,
Afin qu'en amitié le Monde puiffe viure.
Va-t'en là bas en terre , & commande trois
mois:
Je te donne pouuoir de renuerfer les bois,
D'efiranler les rochers, d'arrefier les riuieres,
Et fious vn frein glacé les briderprifionnieres,
Et de la grande Mer les humidesfilions
Tourner ores de vents, ores de tourbillons.
le tefiay le feigneur despluyes ($f des nues,
Des neiges,desfiimats , & des grefles menues,
Et des vents que du (fiel pour iamais ie banis:
Stfi veux, quand Venus ira voir Adonis ,
Que tu la traites bien, pour voir après Cy-
belle #
Segermer de leur veuë,($ffinfaireplus belle :
Et bref mon Cher enfant , ie te veux fiaire
auoir
Là bas autant ^honneur, qu'au (fiel i'ay de
pouuoir.
Ainfi ditJupiter, & l'Hyuer quitaccorde,
Jura d'entretenir cefie heureufe concorde:
Il prit congé des Dieux, &viuement delà,
Ayant rompufion camp, en terre deuala.
le tefialuë, Hyuer , le bonfils de Nature:
Chaffe de mon B O v R D i N toute efirange
auanture;
Ne gafle point fes champs,fis vignes, ny fes
Qu'ils viennent au grenier, d'vfiure redou¬
ble^ ,
St quefiesgras troupeaux au temps de la gelée
Ne fentent enfionparc nytaq ny clauelée :
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LIVRE
Son corps ne foit iamais de rheumes tour¬
menté,
Et confierue fia vie en parfiaite fiante.
HYMNE VIL
De l'Or.
A IEAN DORAT SON
Preceptevr.
Sferois grande iniure âmes vers
&à moy,
Si en parlant de l'Orie ne par-
_ lois de toy
Qui as le nom doré, mon D o R a t : car cefl
Hymne
De qui les ver sfint d'Or, d'vn autre homme
n'efldigne
Que de toy,dont lenomja Mufie &leparler
Semblent l'Or que tonfleuue Orence fiait cou*
1er.
(fomme iad'is Homère acquit la renommée
D'yurongne,pour auoir en fes vers eflimée
La vigne, & de BacChus les dons délicieux :
Ainfi i'auray le bruit defire auaricieux,
D'autant que ie célèbre en mes vers la Ri-
Cheffe.
Or le peuple dira ce qu'il voudra,fi efi-ce
QfùfHomere nefut pasyurongne,pour auoir
(felebrépar fes vers de Bacchus le pouuoir:
Ny moy auare auffi, bien qu'icy ie m efforce
De célébrer de lOr l'excellence & laforce.
Hébons Dieux ! qui vaudroitpenfer tantfeu¬
lement
Que vingt ou trente efcus logeajfent longue¬
ment
En la bourfe d'vn Poëte? hé qui efl le barbare
Qui ofiroit fonger qu'Apollon fufi auaret
OJeroit bien quelqu'vn telle fautepenfer,
Si à tort ne vouloit les Mufes offenfer,
Qui iamais par leurs vers ne fe fiont fiouciées
D'efpargner de l'argentpour eflre mariées f
Tellement que toufiours la dure pauureté
l^es contraintpar les bou de garder chafleté.
Pour cefle occafion (falliope regarde
(feluy d'vn mauuais il, qui trop chichement

DE S H
Quelque treflor moifidansvn coffre rouillé:
Son cuur, comme fin Or, efl de vice fouillé,
St toufiours,quoy qu'ildie,ou qu'il chante , ou
qu'ilfiace,
Desfeintes Mufesperd la faueur & lagrace:
Carilnepenfi rien que l'Or dontil efl plein,
Comme vn chien,bien quefiaoul,nepenfle qu'en
du pain.
Ceux qui ont en noflre art acquis le teflmoi-
gnage
D'eferire doClement ont vefcu fans l'vfage
De l Or ambitieux, O1 ne furent tente%
De fes efiloïïyffons , mais fie font contente^
( Sic eflcontentement ) dtvne noble miflere,
Riche de pauureté: tefmoin en efl Homère,
^ De qui , comme vn ruiffeau d'âge en âge vi
uant,
La Mufe va toufiours fies Chantres abreu-
uant :
Toutesfois i'aime mieuxfuturefia diligence,
Jmitant fies beaux vers , qu auoir fon indi¬
gence,
Quipauured'huis en huisfies Poèmes chantoit
Pour vn morceau de pain quvn riche luy
jettoit.
Donc pour ce coup , D o R À T , ie diray la
louange
De ce noble métal, en qui mefmefi change
Iupiter * & epti veut fes pourtraits hono-
Et fies Temples diuins en eftre tous dore%,
Comme honorant celuy qui le rend honora-
ble:
Carfins l'Orfion pourtrait feroit peu véné¬
rable.
Il peut eflre quvn autre après moy furuien-
dray
Qui chanter par dejfit UTauureté voudra :
QuiconqueJoit celuy, la chante fans enuie :
Ilfe peut affleurer qu'à luy ny qu'à fla vie,
Ny qu'à fles aélions vn homme de bon cuur
Neportera iamais ny haine ny rancur.
O bien- heureux métal par qui heureux
nous flommes,
Lefiang, les nerfs, laforce,& lavie deshom
mes l
Celuy qui te defdaigne, & ne ta point acquis*
Semble vn mort qui chemine entre les hommes
vifs;
Y M N E S. * m;
Pourcela iuflement le ComiqueMenandre
Ofa deuant le peuple Eptcharme reprendre
De ce qu'il affeuroit que les Afires des (fieux.
Les vents , la mer, le feu , efioientfeulement
Dieux:
Où luy tout au contraire affeuroit la Richeffe
(Tant elle a de puiffance) eflre ffuleDéeflft.
Siquelquvn, difioit-ïl, la loge enfia mai¬
fon,
Il aura toutfoudain toute chofie à fioifion,
Champs,pre?,vin,bois,valets}teJmoins,amis,
Iufiice,
Et chacunfiera prefi à Iny faireferuice.
La Richeffe fans plus nous trouue des amis:
Celuy qu'elle chérit >à luy feul eflpermis
De faffeoir près des Roys , &* fion ennemy
nofie
Contrefia dignitégronder en nulle chofie.
Tourquoy nous courbons-nous deuant les
grands Seigneurs ï
Pourquoy leur fiaifins-nous du geno'ùil tant
d'honneurs,
Sinonpourleur Richeffe îefl-ilpas vray-fiem*
blable
Si vn Roydeuenoit vn Hère mifierable,
Nul en guerre pour luy ne voudrait plus
mourir?
Etpourquoy lejèrt-on, finon pouracquérir
Des biens en lefiruantt mais dites,pourquoy
efl-ce
Quvn Poëte , vn Orateur, vn Thilofiophe
addreffe
Ses liures aux grands Roys t pourquoy tant
d'artûfans
Offrent-ils leurs labeurs aux Princes courti-
Zans,
Sinonpour auoir d'eux quelque largeffe hon-
nefle ?
C'eftl'Or qui met aux Roys la Couronne en
la tefie,
Qui leurdonne puiffance,^ lesfait comman¬
der.
Mais vien-çà, mon D o R A T, ie te veux
demander, .
Tlaton euft-ilfait coi duTyran de Sicile,
Lefuft-il allé voir, fe fufi-il fait feruile
Aux plaifirs de ce Roy ,fians l'effoir qu'il
auoit
D'en tirer du profit t nenny: car on ne vois
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\\iè . L E 1 1.
Philofophe icy bas , tant foit- il honorable,
Tant foit de logspoils blancsfen menton véné¬
rable ,
Tantfoitfin grosfiourcilgrauement renfion-
Que d'vn riChe prefent bien tofi nefioit gaigné,
Et qu'il ne parle bas, & défonce fia ride.
Cognoiffant bien cela,lauare Simonide
Difoit , le voy toufiours quelque pauurefea-
uant
Philofophe barbu fie promener deuant
La maifion d'vn Seigneur, qui fon argent em¬
porte,
Mais ie ne voy iamais les Seigneurs àfi porte.
Tour-Dieu , n'allègue icy les forces de
Vertu !
Tu le perdrais contant: mais viençà,pourrois-
tu
' Deuenir bienflçauantfiles liures tef aillent ?
Ce ne font pas, D o R A T , les Mufes qui les
" baillent,
Qefl leprécieux Or, il lesfaut aCheter,
*' Sans argent vn Libraire en voudrait- ilpre-
Certes ie croy que non : ou bienfil te lesprefie,
Dans trois iours au plus tard il en voudra la
dette.
Maisflçauro'ts-tu bien faire à Cheual ton
deuoir
Si tu nos de l'argent pour vn cheual auoir ?
Pourro'ts-tu bien aller à la guerreflaniarmes ?
La guerre fe fait-elle au Monde fans gen¬
darmes,
Sansfioudars oufians fier ? ne faut-ilfioudoyer
Tant degensfi tu veux lesfaire guerroyer ?
Celuy qui ne veut point de lafoude, defire
Auoirplus grande chofe à laquelle il affire,
Ou penfion , oui Ordre, ou à plus haut hon¬
neur:
Mais tout,ogentilOrfiefait en ta faueur.
Sçauroit-on deuenir expert en laTeinture,
Expert en la Mufique, ou en l't^Architeélure,
Si l'argent nous défautpour auoir des outils ?
Voirroit-on en tant d'arts.tant de maiflres
fubtils,
S'ils nauoimtpar argent payé tapprentiffage
Des mefliers acheté1^ ï o bon D i E V , que
l'vfage
De ce métaleflgrand ! o qu'il efl précieux !
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LIVRE
L'homme ne vit pas tant de tair tiré des
Cieux,
De pain, de vin, de feu , comme ilfie laiffé
viure
De cent milleplaiflrs que cefi Or luy dehure :
Sans luy chacun languit en pareffeuxfijour :
Sans luy l'homme ne peut ny pratiquer ta-
mour,
Ny prodiguerfieflins,ny démener la dance,
Ny au fon des haubois marcher à la cadance:
Sans luy ton ne fiauroit en pais eflranger,
Ny mefmes aufien propre,vne heure voyager:
Sans luy, comme en fiongeant , vn hommefie
pourchaffe
Leplaifir des oifeaux,leplaifir de la chaffe,
Le plaifir des cheuaux : c efl luy qui les con¬
duit,
Et qui gouuerne feul des hommes le déduit.
Quiplus eflfin nepeut apparoiflre louable
Sans luy , ny flaireàDlRVvn uure chari¬
table :
Si l'argent nous défaut , nofbre indigente main
Nefiauroit rien donner aux pauures morts de
faim :
Qui veut faire vn bel aéle , ilfiaut la bourfe
pleine :
Car rien d'expédient (comme dit Demoflhene)
Nefi peut commencer ny acheuerfins luy,
D'autant que tâge d'Or règne encor auiour-^
d'huy.
Si Venus tapperçoit, elle deuient charmée :
On ne voit porte au Monde , £$-* fiufl- elle
fiermée
, De cent défis , qui ne f ouure au deuant de
cefi Or:
Il nous donne la grâce, &finous donne encor
Sçauoir, honneur , beauté, parente? , ma¬
riages,
Et feul il nous transforme en cent mille vi¬
fages : *
Il fait l'ignorant fage,($f par luy lelourdaut
Efl tenu pour accort,&f'efleuéplus haut
En honneur qu'vn flçauant , ou quvn ver-
tueux,pource
» Que la pauure Vertu n'a iamais bonne
bourfe.
Combien voit-on de gens quifieroient eflime?
Sots , niais$f badins,fils n efioient bienar-

DES HYMNES. " m?
De Madame Richeffe, efeu de leur fittife, Qui de luy-mefme efl tendre & douillet par
Quifait que le vulgaire ainfi que Dieux les dehors,
Pnf '
Ah , que maint grand Seigneurfieroit eflimé
Auquel le chaud,lefroid , £

ju8 LE II. LIVRE
L'or n'efl pas feulement de noflre corps foi- Florefes bellesfleurs,le Dieu Panfis montai*
&neux
Ilfefl de noflre efirit:qui tantfiai; chagrineux,
çnes,
Herculefia maffuë, & bref les autres Dieux
De/fit,trifiefenflfl, réueur, mélancolique, L'vn fur l'autre vantaient leurs biens a qui
Sfl tout foudainguary d'vne douce Mufique, mieux mieux :
Ou de liures nouueaux diuinement efirits Toutesfois ils donnoient par vne voix corn-
Quel'Ornous donne afin d'alléger nos effrits. mune
O gentilOr,par tout tesforces tu défcxu- L'honneur de ce débat au grand Prince Ne-
ures ptune,
Plus claires que le iour lui esvtile aux'uures Quandla Terre leur mere effointe de douleur
Soit de guerre ou de paix : par toy les faintes Quvn autre par-fur elle emportoit cet Un-
lois neur,
Fleuriffent és citeç , par toy les grands bour- Ouuritfin large fein , & au trauers desfientes
geois, Defa peau, leur monflraies mines d'Or lui-
Les Palais, les marche^ , pompeufimentfleu- fiantes,
riffent, Qui rayonnent ainflque teflair du Soleil
St par toy iufquau Ciel les Templesfebaflifl-- Reluifiant au matin, lors que fion beau réueil
fient : Neflpoint enuironné de leffais d'vn nuage,
L'auare laboureur, l'artisan, les marchans Ou comme ton voit luire aufoir le beau vifage
Changent en ton métaltvjure de leurs champs: De Veffer la Cyprine , allumant les beaux
Car tropplus que Cerés tu luy fembles vtile crins
Pour luy,pourfi maifion,pour marierfia fille, Defion chefbien lauédedans les flots marins.
A quija les tetins à demi-pleins de laiCl Incontinent les Dieux eflonne? confejfc-
Demandent à leur pere vn mary nouuellet. rent
Mais auffi tofi que Mars anime les ba- Quelle efloit laplus riche,&fiattans laprejfitailles,
rent
Tu r'accoufires les forts , tuflanques les mu- De leur donner vnpeu de cela radieux
railles,
Tufonds artillerie, fy fiais de toutesparts
Quefin ventre cachait, pour en orner les
Cieux :
Caualiers,gabions, terraffes & remparts, Ils ne le nommoient point : car ainflqu'il efl
Herfes,machecouli^ : car l'humaineprouejfie ores,
En vain fie defendroit fans toy , Dame Ri- L'Or, pour n eflre cogneu, ne fe nommoit en-
eheffle. m cores:
Auffi les Anciens admirans ta vertu,
Ont le mouton d'Hcllés defin Or reueflu :
Ils ont en tafaueur les pommes honorées
De Venus & d'Atlas faites toutes dorées :
Ce que la Terrefit, cyprodigue honora
De fon Orfles enfans,& leurs (fieux en dora.
Adonques Iupiter en fit iaunirfion throne,
Sonfceptrefa couronne , &Junon la matrone
D'Or ils ontfait les Dieux, d'Or leurs Tem- Ainflqueflon cfiouxflon beau throne enforma,
pies auffi,
Tant aux hommes tu es fy aux Dieux en
Et dedansfispatins par rayons l'enflerma :
Le Soleil en creffa fla cheuelure blonde, #
fouci.
On dit que Iupiter pour vanterfia puiffance
Monfiroit vn iour fafoudre,^Mars mon-
Et en dorafin char qui donne iour au Monde:
Mercure enfit orner fa verge qui n efloit
Auparauant que d'Ifi: & Thebus qui porflroitfia
lance, toit
Saturnefia grand' faulx , Neptunefon Tri- L'arc de bois$ la harpe , enfit fioudain reàent,
lH\re
Apollonfion belarc,Amourfion traiCl ardent, Les deux bouts de fion arc, & lesflancs defla
Bacchusfen beau vignoble, $f Cerés fes cam- lyre:
peignes, m Amour enfitfion trait, & Pallas qui n'a point
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La

I)Ëâ HYMNES. ,
ni0
La Richeffe en grand foin, en eut le cmur L'heur qui d'elle prouient , a tort m'enfuis
'effoint, moqué.
Si bien quelle en dora legroin défia Gorgonne, Quiconquefioit celuy quifiefiera partie
St tou t le corfelet qui flon corps enuironné : Contre moyfie refions qu'ajfe? ie l'ayfentie :
Mars enfit engrauer fa hache &flon boucler, Mais que ceftla raifon,qui ne veutpoint celer*
Les Grâces en ont fait leur demi-ceint bou- La vérité, qui fait mes vers ainfl parler.
der,
Etpour l'honneur de luy Venus la Cytherée
Toufiours depuisf eflfaite appellerlaDorée :
Et meflhtela Iufiice à l'nil fi renflrongné
Celuy qui la loù'rapour eflre vn don celéfie,
Jlfaudra que de mefmeil loué auffi lapefie,
La famine, la Mort, qui font prefins des
Dieux,
Nonplus que Iupiter ne tapas dédaigné; Et touteflois ce font prefins très- odieux,
Mais.floudain cognoiffant de ceft Or l'excel- Et dignes que chacun les euite & lesfiuye
lence (fomme les vrais bourreaux âe noftre humaine
Enflt broder fa robbe, &flairefia Balance.
Si donques tous les Dieux fi font voulus
dorer
vie.
» Tu me diras encor qu'on ne doit amaffef
» Auec telfioin le bien qu'on voitfi tofipajfer,
De ce noble metafflaut-ilpas l'honorer, » Etquepluflofl que vent, que fonge ou que fu-
Prifir , aimer, louer ? faut-il pas qu'on le mee
nomme
L'ornement des grands Dieux , (^ le confort
» La richeffe du monde en rien efl confemmee.
Et vien-çà mon amy,puis qu'il nousfaut
de l'homme ? iouëï
Quant a moy, ie nepuis mehgarder de crier Lafarce des humains,vaut-il pas mieux louer
Oipres ce beau métal, (^fpainfii le prier : (Quipeut)thàbit d'vn Roy,d'vngrand Prin*
O lejacré bon-heur de noflre race hu-
maine,
ce,ou d'vn Comte,
Que l'habit d'vn coquin duquel on nefait
Qtfaboti droit on t'appelle en tous lieux chafi
fe-peine,
compte?
Le bien ne fle perdpasfl toficomme tu dis:
Donne-vie, ofle-foinlpuiffe en toutefaifion Les Royaumesfionde? parles Roys deiadis
Eflre pleine de toy ma bourfe & ma maifion. Sont venus à leurs fils, quijeuls de race en
Où tu loges,iamais n arriue malencontre: race
Auienne que toufiours , toufiours ie te r'en- Ont toufiours obtenu de leurspères la place.
contre, la mille ansfontpaffe? que les Roy s des Fran-
Soit de nuiél, foit de iour, & que tous mes çois
haineux Gouuernent flans changer la Franceflous leurs
Ne te puiffent iamais empriflonner cheveux ' lois,
Corne vnhofleflorcé: mais puiffes-tuflans ceffe Et toufiours fent accreu?^ de puiffance en
Venir loger cheTf-moy, qui hautement confleffe
Quvn homme nefiauroit fans ton précieux
puiffance:
Noflre Prince Henry donne affe% co-
don gnoiffance
Rien tenter de hardy, d'Vtile ny de boni Que les biens temporels long temps demeurent
Tenir oy déjà quelqu'vn quifiai me viendra fleurs,
dire Qui vit leplusgrand Roy défies predecejfeurs,
Que de la Pauureté ie ne deuois mefdire,
E t quefi i'entendais quelle commodité
Lequelparfes combats autres Règnes apprefle
Qui doiuent couronner defis enfans latefle.
Elle a , ie l'euffe dite vne félicité: Tu me diras après, que les plusgens de bien
Car c efl le don de Di E V, & iamais D i E V Des vieux flecles paflfe^ philofophoient fans
ne donne bien,
Vne chofe aux mortelsfila chofe nefl bonne : Et que lesplus vaiUans Capitaines dés guerres
Maisparfaute d'amir quelquefois pratiqué
*
Viuoientflans acquérir ny richeffes ny terres.
GCGcç
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113*0 . L E I L
Ta raifon auroit lieu, fit on ne voyoit
qu'eux
%^4uoir eflé iadis vaiUans $f belliqueux :
Maispuis que tant de Roys ontflait leur gloire
ejbandre
Parleurs combats au Monde,vnTyrrhe,vn
Alexandre,
Vn (efar,vn OClauefid nousfaut confleffer
Que la noble Vertu nèfle veut adreffer
Aux pauures feulement, & epée fleuls ils n'ont
d'elle
Pris la poffejjion, maispluflofl qu'elle appelle
Les Roys à flon fecours, d'autant qu'ils ont
pouuoir
Par leur riche grandeur de laflaire valoir :
» (far voir vn pauure adroit efl vn cas d'auen-
ture,
» Et legrand Prince t efl volontiers de nature.
Quelqu'vn après cecy me viendra dire
encor
Commepar moquerie : Hé, mais qu'efl-ce que
l'Or
Pour enflaire vn tel cas , quvnflablon que l'on
treuue
Aux riues de la mer,ouflur le bord d'vnfleuue?
Il ne Chet pas du Ciel, ilfaut mec grandfoin
A qui le veut auoir l'aller CherCher bien loin.
O trop enflédes mots de laThilofiophie,
Nefia is- tu pas que l'Or entretient noflre vie?
Et queparfon moyen au Monde nous auons
Pain, vin, chair & poiffon,par lefquels nous
viuons ?
Pource ne me dy plus que tOr efl chofe vaine,
Puisque feulil nourrifl toute la racehumaine.
Tu me dirais encor : Quifiauroit le plaifir
De manger la falade,on n auroit plus defir
D'amajfer tant de biens , pour les laiffer en
proye
D'vn indigne héritier, quiflautera de joye
Gaillard après ta mort, qui de mille feflins,
Mafques,cartes & de%, mufique & baladins
En trois ou quatre mois rëdra ta bourfe vuide.
Ah ! quiconques fois- tu , eflcoute Simonide
» Qui dit : l'aimerois mieux que le Ciel m eufl
permis
» En mourapt enrichir mespropres ennemis,
» Que viflme voir réduit àfl pauure miflere
»De hoteux emprunter vn liardà mon flrere.
Eflcoute Theognis quifi plaint enfis vers
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LIVRE
Qu'on ne peut trouuer mal dedans tout l'V-,
niuers
Si çrand que pauureté , & qu'on la doitgrand
erre
Fuir, par fieu, par mer,par roChers & par
terre.
Quant à moy, mon D o R a T , i aimerais
cent fois mieux
Trouuer vngrand Lion au regardfurieux,
Que de la rencontrer : d'vn grand Lion la
gueule
Se paiflroit en deux coups de ma Chair toute
fleule,
Où cefie pauureté auec fles pâlies dents
M'engloutirott tout vifl, ma flemme & mes
enflans.
Tu diras que Richeffe attraine auecques elle
Toufiourspourfa compagne, enuie, haine,que-
relle,
Proce%,noifies, débats, affaires &fioucy,
Peine,tourment,foupçon,& lafiottife aujfi:
» Car volontiers fottifle efl lepropre héritage
» De celuy qui jans*peine efl riche dés ieune
âge.
Tu diras quelle rend les hommes glorieux}
Superbes, defldaigneux , tyrans , feditieux,
St quiplus efl,paillards ,gourmands & pleins^
de vice,
. » D'autant que Richeffe efl de tous maux la
nourrice,
Et qu'au rebours on voit laflmple pauureté
Eflre mere des arts, & de tranquillité.
Vrayment ie m efiahis comme impudent tu
ofles
Babiller flans rougir defi flriuoles Chofies:
Ilfiaut donques auffi que Princes & Seigneurs,
Empereurs, Papes , Roys, Monarques , Gou-
uerneurs
Soient plus malins, d'autant qu'ils ontplus de
richeffe.
Hé! ne fiais- tu pas bien que Raifon efl mai-*
flreffe?
Et quefl l'homme riche a dans luy feulement
Tantfoit peu de Raifon, que tres-foigneufi^
ment
Jl fiegardera bien de commettre vne offenfi,
Craignant deperdre honneur,dignite% &Ûjc-
uance ?
Où lepauure au coi raire, ayantfienty lafiaim»

DÉS H
Deffus le bien d'autruy toufiours mettra la
main.
Et deuiendra brigand, afframeur,homicide :
» Car certesil nefl rien que le pauure ne cuide
» Luy eflreflait licite : il a l'Ril impudent,
Le ventre large & creuxf palle fy dure la dent,
L'efiomacaffamé, & tout rouillé d'enuie
Toufiours mefldit de ceux dont heureufe efi la
vie,
Et iamais à fon gré ne voit rien de parfait:
1Brefi,iln'y apéché quiparluy nefioitfait,
Et mefmes quand lafaim fon goZier effoin-
çonne,
Et toute inuenùon de malfaire luy donne.
C'efl abus depenfler qu'vne compagne peur
^Aille toufiours frappant d'vn riche homme le
cour,
(fomme celuy qui porte enfi bougette pleine
( Ainflque le (faflor ) la caufe défi peine :
Où le pauure au contraire exempt de tout
effroy
ji naturellement vne affeurance enfiy:
(far luy flans craindre rien, ayant fa panetière
Surlejfaule en efcharpe,vne nuittoute entière,
Voire deux , voire trois en vn bois dormira,
£t de peur des brigandsflon caur nefrémira,
D'autant quefen malheur de rien craindre
l'engarde,
Et le défend trop mieux que cent Archers de
garde. <
Or s'il efioit ainfi, les Roys fieraient crain-
fifs>
Ce qu'on voit efirefaux: car dés qu'ils font
petits,
Ils font déjà hardis & bien adroits aux ar¬
mes,
Comme nourrisen guerre au milieu des alar¬
mes:
Quiplus efl, les Seigneurs ne vont iamais tous
fieuls,
Jls ont toufiours des gens derrière $ de¬
uant eux
Arme% de tefte en pied, pour fe mettre en
defienfi
Si quelqu'vn vouloit faire à leur perfonne
offenfi.
Quand la nuiCl efi venue, ils fie fiont bien
traiter,
Oùle pauure fien^va fur l'herbe fle ietter :
Y M N E s; hjt
Quel plaifir peut-ilprendre à dormir contré
terre,
S'il n'a plaifir de prendre *vne fleure ,vn ca-
terre,
Vne goutte, vne toux, ou bien quelque au¬
tre mal
Pour le mener languir au liél d'vn hoffitalf
L'homme efl vrayment maudit qui lapau¬
ureté lotie :
Iamais pourfi parentevn Prince ne l'auouë,
Iamais près des grands Roys on ne la voit
affeoir.
Slle efl mere d'erreur, & de tout defefioir,
Et d'vn mefichant lien nos effrits elle lie :
Eflcoute Theognis qui contre elle fefirie,
Hà ! lafiche pauureté, pourquoy me preflfies-
tu
Les effaules fi fiort que tu m'aSabatu?
Têurquoy me rends- tu fiât au peuple qui
m'auife ?
Pourquoy, vieille, fiais-tu que chacun me défi
prife?
Tu m'enfiignes le malque iefiais maugrémoy :
Qui pis efl, ie nepuis, comme eficlaue de toy,
Sxercer la Vertu, nyflaire louable,
Quand i'aurais deM'mos lefiçauoir vénérable:
St quand les Dieux niauraient toutes chofes
appris,
Encortoufioursficroy-je aux homes à mcff>risl
Et viuroisfians honneur, d'autant que tu me
preffies
De ton fardeau l'effaule, & Wmais ne me
laiffes.
Va-t'en, vilaine, ailleurs 3puis que l'honneur
tefuit,
Et quetoufiours la honte &Ie malheur te fuit.
Ainfi dit Theognis,auquel certes t'accorde
Que ton nevoitHarpye enceMondefiorde
Que cefie pauureté: or d'elle c'efl trop dit :
Quiconque la Imra foitpouilleux$ maudit.
Iufqu à ces vers icy nous auons efl'mée
La richeffe, 0* auons la pauureté blafimee :
Il efl temps d'accufir ceux- là qui nefont rien
Sinon vendre leur rente î& gourmandcr leur
bien,
le m'efbahis , DoRA.T,coment la terre endure
Souflenir cesgourmans qui luyfiont telleiniure
' Que de gaflerfis dons par leurs mefichantes
mains,
CCCec ij
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*

sï3_ LE II. LI vre
NoPtrrijfans maquereattx,defiauche^ &pUr
tains,
NaquetsMateurs, menteurs, (priant autre
Que d'engloutir en vain leur chetiue richeffe
Tar leurpere laiffee , & nefiont en nul lieu
fonte de leursparens,ny despauures dcDlEV.
Leurs biensfemblent auxfruits qui croiffent és
montagnes,
Ou dedans le deflert des fleriles campagnes,
Des hommes non cueillis : feulement les cor¬
beaux
Les mangent deffus l'arbre, & enfont leurs
morceaux.
Ne crains-tupoint,gourmand,qu après telle
boubanee
Ta main ne foit réduite enfl grande indigence
Que d'aUeralafin, tout honteux , requérir
Vnliardàceux-là que tufiulois nourrirf
Lefquels à ton befoin ne te voudront entendre?
iAh, ce n'efi pas ainfi qu'on doit les biens
descendre
Que D i E V prefleauxhumains:cree?ilsne
font pas
Tourfieruir aux putains ny auxflateurs d'a-
pas,
Qui comme des corbeaux ton héritage man¬
gent,
Et tant que ton bien dure , autre table ne
changent .
Ilsflont faits pour nourrir les pauures eficoliers
,
Les pauures orphelins , les pauures prifon -
niers,
Les pauures eflrangers , les pauures fiuffre-
teufies
Qui n'ofint mendier, tant ellesfont honteufes :
Voilàpourquoy le bien nous efl donédes (Jeux,
Et nonpour le deffendre en banquets vicieux.
Que veux-tu tant manger?Jçais-tupas que
ton ventre
Efl ingrat de tes dons ? & quelque bien qui
entre
Dansfen gouffre,iamais nefiefiaoulc contant,
Et qu'vn quart d'heure après il en demande
autant ?
Ayant d'vngrand brafier lafemblable nature,
Lequel plus on le faoule , fy plus 'veut de
paflure.
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Ilvaut trop mieux donner à maint pauure
indigent
Qui t'enjçaura bon gré,ou viures, ou argent,
Ou quelque autre bien-fait:carde telle dejfefe
Tu en auras au Monde, ou au Ciel recom¬
penfe,
Non devouloir cheT^toy lesflateurs rencon¬
trer,
Qui tefleront vn iour ainfl queux beliflrer.
Mais toutainfl, D o RAT, que ietrouue
exécrables
Lesgourmands, tout ainfl ie trouue mifirables
Ceux qui par milleJoins amoncellent vn Or,
Puis languiffent de faim auprès de leur treflor,
Qui comme vn prifonnier dans vn coffre le
gardent,
Ou commevn don flteré au Temple le regar¬
dent.
Vieilauaricieux, ie tepri' reffons-moy !
Tenfès-tu eflre heureux pour enflermer chc%
toy
Tous les vins de Bourgongne, ou les bleds de
Champagne,
Ou toutes les toifens d'Auuergne ou de Bre-
taigne,
Quand tu n'as qu'vne robe£r quand tu meurs
de flaim
Et defloiflau milieu de ton vin fyton pain ?
Quand tu nofes hanter vn homme vénérable
Depeur de tinuiter quelquefois à ta table?
» Non,la richeffe, non,nefle meflure pas
» Auxejcusamaffe^tvnfur l'autre àgrands
toi,
» Mais au contentement : celuy quifle contente
» Vittres-riche, & rieufl-il qu'vne moyenne
rente.
Que tefleruent,dy-moy,tant de riches ioyaux,
Bagues, meuble, maifins , fy habits$r vaif¬
feaux
Si tu rien vfies point ? autant vaudroit des
pierres
Dedans ton cabinet , ou des mottes déterres:
Tufimbles à Priam, lequelayant pouuoir
Survn throne doré hautement defiaffoir,
Se couchoit contre terre, &parflumoit fla tefle
Et tout flon eflomac d'vn fumier deshonnefle.
Tu es bien malheureux de te donner ennuy,
Etd'effargner ton bien pour enrichir autruy.
Tu reffembles encore au vieilpere d'VlyjJe,

DES
Lequelriayant che^ luy qu vnepauure nour*
riJFe.,
Pourflairefion mefiage, au village habitoit,
Et loin de fies amis chichement fie traittoit,
Pendant que Pénélope & fia bande confomme
En danfes &fleflins les biens de ce bon homme.
Tu foujfres en viuant prefques vn pareil
mal
Quefiufflre das l'Enfler le malheureuxTantat
Qui meurt de foifl en tonde, & affamé ne
touche
Jamais leflruiCl quipend à l'entour défi bou-
Che:
Car quand ilveut lefiruiCl défies léures tou-
Cher,
Toufiours quelque malheur le garde d'appro¬
cher,
Ou l'ondefie recule, ou le vent qui remue'
Les pommes loin de luyJes emporte en la nue:
Ainfivoulant manger, iamais ne mange rien :
Mais le ventparmy tair ne defirobe ton bien,
Tu le vens au marché , & aux prochaines
halles
\^4uxyeux de tous venans au plus offrant
l'eflaUes :
lAflnd'en rapporter de targent àpleinpoing
Tour te laiff&r mourir defaim à ton befiing.
Comme l'homme hydropic, iufiques à tant
qu'il creue,
Iamais hors des ruiffeaux fles léures il ne leue :
Auffi iamais ta main ne ceffe d'acquérir 4
Des biens, iufques à tant qu'il te faille mourir.
Encoresji (haron delautre bord de l'onde
Effris de ton argent te repaffoit au Monde,
L'argent tefleruiroit ,$ 'faudroit amaffer,
De l'Or, pour luy donner àfin de repâffer.
Mais puis quepour l'argent iamais il ne repajfe
Ceux qui flont vne fois entre% dedans fa
naffe,
Soient Laboureurs ouRoys , ilfiaut viure du
bien
Que D i e vta departy , cependant qu'il efl
tien :
Car après ton dece%, las ! ta richeffe vaine
Ne te feruiraplus qu'à te ronger de peine
Par vn cruel remors de t auoir refusé
Ton bien propre à toy-mefime, & de t'eflre
abusé,
hymnes:
Larron de ton bon-heur , qui rieus onques
enuie
Deprendre auant ta mort vnplaifir en ta vie.
Je tefialuë , heureux , & plus qu heureux
métal,
Qui nourris les humains,& lesfauues dte mal:
Celuy qui dignement voudra Chanter tagrâce,
Ta vertu,tes honneurs,ilfaudra qu'ilfefiace
Argentier, General,ou Treferier d'vn Roy,
Ayant toufiours les doigts iaunes de ton aloyl
Etnonpaseflcolier,qui riapoint cognoiffance
( Pour te voir rarement ) combien peut ta
puiffance.
HYMNE VIII.
De Bacchvs.
A IEAN BRINON CON-'
feiller en Parlements»
Ve fçauroy- ie mieux flaire en

i34 LE IL
Leplus gracieux feu dugrand Saturnien
Fit ta mere auorter,& que parmy la foudre,
Non encores formé, tu finis noir de poudre
Hors du ventre brûlé, que tonpere marry
\^A Nyfe t enuoya pour y efire nourry
Des mains d'Hippe &d'Inon,$ï de la vieille
Athame,
Non leiourqu'auorta ta mereparlaflame :
(farfloudain que Semele en brûlant te lâcha
De membres nonparflait , ton pere te cacha
Dedans fla cuiffe ouuerte , afin que là tu
priffes
Taflormeff que tes mois comme au ventre accompliffes
:
Tuti fl tofl que fa cuiffe eut parfait iufle-
- ment
Le terme où s'accomplit vn vray enfante¬
ment,
Il vint en Arabie,& comme vne accouchée
Quifient auec douleur vne longue trenchée,
Rompit pour t'enfanter le bien-germeux lien
De fa cuiffe féconde au bord Sagarien.
L'%^4rabie pour lors riefloit encor heu-
reufle,
Et Sagar riauoit point encores odoreufi
Sa riue comme il a , Iupiter, quand tu fis
{ Afin de parflumer les couches de tonfis )
Produire de ton fang en la terre le bâme,
1 Et
Etlacaflè& l encens , la myrrhe fy U cala¬
nte : »
Puisfl tofl qu'ilfut né, tu luy couflis la peau
D'vn petit cerf au dos, & mis dans vn ber¬
ceau
Tu le baillas de nuiél aux Nymphes Sagrien-
nes ,
Pour leporter nourrir és grottes Nyfeennes :
Etpource qu'au berceau ily fut amené, %
Nyfe fle vante a tort que che%- elle il efl né. *'
IncontinentJunon flalluma décolère
D'auoir veu jon mary eflre deuenu mere,
floudain enuoya pour effier l'enflant
L'oijeau qui va de nuiél ; toifleau adonques
fend
Le (fiel vague,&fl'bienparfitflon entreprife
Qu'il tenir ouït vagir dedans tantre de
Nyfe:
fomme il eftoit léger,au Ciels'en reuola,
Et rapporte à Iunon que l'enflant eftoit là.
Iunon n'attendit point , tant ellefut irée,
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LIVRE
Que fa charrette à Paonspar leCielfiuft tirée,
Ainsfàfant le plongeonfe laiffa toute aller
A l'abandon du Vent,qui laguidaitpar tair
Touflours baiffant le fiant fiur la terre In¬
dienne:
Béante à fes talons lafiuiuoit vne chienne,
Qu exprès elle amenait, afin défie vanger
Etfaire cebaflard àfa chienne manger.
Mais Inan qui preuit de Iunon la eau-
telle,
Pour tromper la Deeffe, Athamante elle ap¬
pelle,
Et luy conta comment Iunon venoit chercher
L'enfançon pour le flaire en pièces détran¬
cher.
Athamantefoudain le tapit contre terre,
Et couurit le berceau deflueilles de lierre,
De crainte queJunon en cherchant ne le vifl,
Et deuorer tout vifl à flan chien ne lefifl, <
Ou de peur qu'autrement ne luy fift quelque
offenfi:
Depuis cefie heure-là, Bacchus pour recom-
penfle
Entre tous arbriffeaux a pour le Jien ejlit
(Comme l'ayant flauué) le lierreflueillu.
Lors Iunon quifle vit fiaudée défia quefle]
Vne horribleflureur enuoya dans la tefie
De la nourriceJnon , qui flflort lapourfuh,
Qu'au plus haut d'vn efcueil mourablela con¬
duit :
Et là, tenantflon fils Mclicert , l'inflnfie,
Pourguarir fafureur, en la merfefllancée :
Euan,Iach,Euoé, tu riasgueres cflé
Depuis qu'elle mourut dans le bers allaité.
Soudain tu deuins grand & donnas cognoifl
fance
Enpeu d'ans de quel Dieu tuauoisprins naif¬
fance :
St certes iene puis m efimerueiller affe?
De ceux qui t'ont fait peindre és vieux flecles
Gras, douillet, potelé , laflace efféminée,
Et de barbe ne t'ont la bouche couronnée:
(far tu deuins barbu , & foudain tu fusfait
D'vn ieune enflant qui tette vn iouuenceau
parfait.
O Dieu, ie m'ejbahis de la gorge innocente
Du bouc qui tes autels à ta flefie enflanglante :
Sans cepere cornu tu rieujfespoint trouue

DES HYMNES. 'n$s
Le vin par qui tu as tout le Monde abreuué. De longs ferpens priuc% , fy leur main brarf^
Tu auiflas vn iourpar teffais d'vn bocage diffoit
Vn grand bouc qui broutait U lambrunche Vn dard qu'vnflep de vigne à l'entour tapifi-
fiuuage, fl0iL
Et tout fioudain qu'il eut delà vigne brouté, Quy tu prenais, Bacchus, en ton ceurde
Tu le vis chancelier toutyured'vn cofié: lieffe
kA l'heure tu penflas qu'vneforce diuine Devoirfauter de nuit vne hurlante preffe,
Efloit en cefleplante, & bêchantfla racine, Qui couuerte de peaux fous les antres bal-
Soigneuflement tu fis fles flauuages raiflns % loient, A
En tanfluiuant après addoucir en bons vins. Quand les trois ans paffe% tes Fefles appel-
Apres ayantpitié de noflre race humaine loient ?
Qui pour lors eflanchait fa fiifi en la fion- Et quel plaifir de voir les vierges lydiennes,
taine, Ou celles de Phrygie , ou les Meoniennes
Tu voulus tournoyer toute la terrerafin
D'enfligner aux humains l'vfage de ton vin.
Par les pre% Aflans carollant à l'entour
Du bord Meandrien contre-imiter fin tour?
Tu montasfur vn char que deux Lynces Elles en ton honneur d'vne boucle apurée
farouches Graffoientfiur les genoux leur cotte figurée,
Trainoient d'vn col flelon^maflhantes en leurs Et trépignant en rond, ainfiquepetits flans
bouches Sn ballant fiauteloienf.de tous cofle? les vents,
Vn flein d'or écumeux : leur regard efloitJeu Amoureux de leurfein , par fiiiéues remifies
Pareil auxyeux de ceux qui de nuiél ont trop S'entonnaient doucement és plis de leurs che-
beu. mifies,
Vn manteau Tyrien sécouloit fiur tes han- Tout le Cielreffondantfous le bruit enroué
ches , Des batteurs qui chantoient Euan,Iach,Suoé.
Vn chapelet de lis méfié de rofes franches,
Et de fueilles de vigne & de lierre effars,
Bien que chantre &gaillard tu fois alléflous
terre
Voltigeant , ombrageait ton chef de toutes \~Aueclhabit d'Hercule,à fin d'y aller querre
pars. Euripide ou Efchyt , les Vâtes ont eflé
Deuant ton charpompeux marchoient l'Ire & Toufiours^ à tort ingrats enuers ta Majeflê,
la Crainte, Lefquels iadis ontfeint , quand les Geans dou-
Lespeu-fibres Tropos,£r laColere teinte
D'vn vermeiUon flambant , le Vice & la
blerent
Les monts contre les Dieux,que vifl te démen-
Vertu, brerent
Le Somme, & le Difeord d'vn corfilet veflu. T'enfluyant du combat& quetaf Pallas
Son afine talonnait le bon vieillard Silène Te ramaffa le c qui tremblotait à bas.
Portant le van myfliqflus vne lance pleine Ils mentent,o Bacchus: car quandtu vis
De pampre , ($[ publioit d'vne tremblante la race
fyûx Des Geans qui gaignoient par armes au Ciel
De flon ieune enfiançon les fefles & les loix.
A flon cri fiauteloient le troupeau des Me-
place, *
Les Dieux tournans le dos,valeureux m tor¬
nades ,
Des Pans $ des Syluains, des Lenes (êf
ma*
Des dents, d'vn grand Lion, en qui tu te
Thyades,
Et menansvn grand bruit de cors & de ta-
formas,
Et d'vn coup de mâchoire au milieu de la
bours
Faifoient trembler d'effroy les villes & les
guerre
Tu culbutas du CielMime &Gygepar terre,
y0Hrs Et flur le haut d'Olympe en trophée tu mis
Par où le char paffoit : leurs treffes fecouées Les corjeletsfltnglants de ces deux ennemis.
Atabandonduvent erraient entre-nomes Pere/vnchacun te nomme EfraflotJriete,
CCCcc iiij
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1**6* LE II. LIVRE
Nyftan,Indien,Thebain, Baffar, Thanete, Leurs chefs efceruele^fous le thyrflepoignant :
Brefl, en cent mille lieux mille noms tu reçois : Et moy vague d'effrit , flouflflant à groffe ha-
Mais ie te nomme à droit, Bacchus le Vendo-
mois.
leine,
Conduit de trop de vin , ie cours parmi U
Car lors que tu courais vagabondpar le plaine
Monde, A iambe chancelante,aUant,(fhantre, deuant
Tu vins camper ton ofl au bord gauche de Ton Orgieflacré qui mes pas va fuiuant :
l'onde Orgie ton myflere auxpeuples admirable,
De mon LoijL, qui pour lors de fis coutaux
^ïifins * l '
Caché dedans lefond d'vn panier vénérable
Queporte vne Menade,&fiur lequel en vain
Ne voyoit remirer enfes eaux les raifinsr Vn homme loy mettrait , pour le prendre, la
Mais,Pere,tout fioudain que la terre nouuelle main,
Sentit tes pieds diuins qui marchoient deffus Auant qu ilfufi lauéparfept ou neuffloirees
elle, E^fiources de Parnaffe aux neuf Muflesfla*
( Miracle ! )tout fiudainfertile elleproduit crées.
La vigne heriflée enfueilîes & enfluit ; Jà la terre frémitflous les pieds furieux,
Où ta main fit prou'gner vne haute coutiere, là la nuë poudreufle ofle le jour auxyeux,
Qui de ton nom Denys eut nom la Denyjiere. Tant les champsfont fioule?^ des troupeaux
Pere , où me traines-tu ? que veux-tu des Euantes
plus de moy? Qui vont iufques au Ciel les poudres éle-
Et quoy ? riay-ie pas , Pere , affe^ chanté de
toy ?
uantes.
A leurflol arriuer les oifeauxparmy l'air]
Euoé, ie forcené , ah iefins mapoitrine D'vn tel bruit eflonne?,ceffent de plus voler,
Chaude de gros bouillons de taflureur diuinel Se cachantpar les bois, & les Fères troublées
Ah Baffar ie te voy , fy tesyeux rougiffans, Depeurfe vont tapir auprofond des vallées,
Et flottans fur ton cal tes cheueux blondifi Et les fleuues peureux , du bruit efmerueiUe?,
flans ! appellent fous les eaux leurs peuples eficail-^
J'ay perdu, Cuiffe-né, mon vagabond cou- le%.
rage La Ieuneffe (y tAmour & les Cfraces te
Quifluit tonflaint Orgie , emporté de ta rage : fluiuent :
le fins mon c trembler, tant il eflagité Sans ta douceflureur les volupte7 ne viuent :
Des poignans aiguillons de ta Diuinité: Le ieu, la bonne chère ,$ la danfle te fuit :
Donne- moy d'vue part ces cors & ces clo- Quelquepart où tufois le defflaifir f enfluit:
chettes, Le chagrin & l ennuy , plusfiudain que la
Ces tabours d'autre part , de l'autre cesfion- nue
nettes : Nefuit du vent Bore la contraire venue.
Qrivn béguinferpentin mefine les cheueux Que diray plus de toy ? d'vn nud impa-
Heriffe^ de lierre & de vigneaux longs nux, tient
Et que tefirit d'Eole en flouflflant les tour- Tu vas hommes & Dieux flous ton thyrfie
mante ^ plAnu
Comme la fiucille ejfarfi és chefines d'Ery- ^ Almc,pere,Denys,tu es beaucoup à craindre,
mantc- Qui contrains vn chacun, fy nul te peut con-
11 me fiemble en efirit que de pieds mal- traindre.
certains, q Cuiffe- néBacchus,Myfliq, Hymenean,
Sans mefure ,%> fans art mataffinant des Carpime, Euafle, ^Agnien, Manique,Lemains,
3 nean,
Tarifent autourde moy lesflahsEdonides
Parlesdefirtsneigeuxdesriuages Hébrides,
Suïe, Sualien,Baladin, Salitere,
Vangeur , Satyre,Roy , germe des Dieux&
Hurlantmvoixaiguè,&parforce ioignant pire
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DES H Y
Martial,Nomian,Cornu,Vieillard,Enfant,
Pean,Nyélelian: Gangevit triomphant
Ton char en-orgueilli de ta dextre fameufie,
Qui auoit tout conquis iufqu à la mergemmeufi
:
Les Geans terre- ne^ontfienti tonpouuoir:
Tu fis vnemortdure à Penthé' receuoir
Parles mains de fi mere, fy transformas la
taille
Des auares Nochers en poiffonneufe efiaille,
D'hommes flaits des Dauphins,& as encores
fait
x^A Lycurgue ennemy conflefferflon mesflait.
Rechanteray-ie encor ces trois filles The-
baines,
Qui meffriflans tes loix, virent leurs toiles
pleines
De pamprefuruenu, &fluyantes de nuit
Aux coins de leurs maiflons, iettans vn petit
bruit *
Sévirent tout fiudain de leurs corps dénuées,
Sten (fhauue-flouris eftrangement muées?
Il vaut mieux les chanter que chanter le péché
Du Satyre;ppsivit tout fon dos eflcorché,
Et le deu chaftiment du Prince de Myfle,
Et la punition du meflchant Acrifie,
Quifi vit,bien que tard,affc% recompenfe,
isiux dejfens deflanflangpdct auoir offlenfé.
Toy grand, toyflainCl,toy Dieu a tufléchis
les riuieres s
Tu appaifles les mers quand plus ellesflont fie¬
res :
Tufis rouler le vin de maint rocher creué,
Et par toy le doux mielés chefinesfut trouue.
La Mufique te doit : lespeuples & les villes
Te doiuent leurs rempart & leurs règles ci¬
uiles :
La liberté te doit, qui aime mieux s'offrir
A la mort,quefevoir fious vn Tyranfiouffrir,
La vérité te doit, & te doiuent encore
Toutes religions dont les Dieux on adore.
Tu rens l'homme vaillant, tu adioins au
confiil
De celuy qui te croit vn pouuoir nompareil.
Par toy les deuineurs trouble^ en leurs poi¬
trines
Fremiffent flous lejoug de tes flureurs diuines :
Tufaisgermer la terre , ër de viues couleurs
Tu bigarres les pre%, orgueiUis de leurs fleurs :
M N È S, hjj.
Tu defilaignes l'Enfler, tu reflaUris le Monda
De ta longue ieuneffe & de ta treffe blonde :
Toufloursvnffans eflre vn, qui tefiais & défi
fos> I
Qui meurs de iour en iourgy fi ne meurs ia¬
mais.
Par toy , Pere, charge? de ta douce Am-
brofle 1
Nous eleuons au Ciel l'humaineflantajiei
Porte^ dedans ton char; fy ^hommes t/-.cieux,
Purge^ de ta liqueur ofions monter aux (fieux,
Et dugrandJupiter nous affeoiràla table.
le te falu'ë, o Roy ! le Lychnite admira~
ble
Des hommes &dcs DieuxJe tefaluë encor
Enfaueur de B R i N o N, qui d'vne tajfe d'or,
Pleine de maluoifle, en fit maiflon t'appelle
Auec ton vieil Silène & tamereSemele.
HYMNE IX.
De la Mort.
A LOVYS DES MASVRES;
Poète François .
Commente par N. R i c h e l e t Pariitcrir
A s V R e i,deformais on nepeut
inuenter
Nul argument nouueau quifiait
bon à chanter,
Ou hautflur la trompette,ou bas deffus la lyre :
Aux anciens la Mufie a tout permis de dire,
TeUement quilne refte à nous autres derniers
Sinon le défief^oir d'enfuture les premiers,
Et béant après eux recognoiftre leur trace
FaiCle au chemin flrayéqui conduit fur Par¬
naffe:
Lefquels iadis guide^de leur mere Vertu,
Ont tellement dupied cegrand chemin battu,
Qu'on ne voit auiourd'huy fur la doClepoufi
fiere
D'Helicon, que les pas d'Heflode $ d'Ho¬
mère,
D'Arate, de Nicandre, eir de mille autres
Grecs
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s
»

LE IL LIVRE
Des vieux fiecles paffcz, qui bernent à longs Dedans vn beau verger loinde gens $dc
traits brutt :
Toute l'eau iufquau fond des Filles de Me- Source, que le Soleilriaura iamais cognuë,
moirej
N'enlaiffans vne goûte aux derniers pour en
Que les oifeaux du Ciel de leur bouche cornu:
N'auront iamais fouillée,& où les Taflou-
boire : reaux
Qui maintenant conflus à foule àfoule vont N'auront iamais conduit les pieds de leurs
Chercher encor de l'eau deffus le double mont : taureaux.
Mais ils montent envain; car plus ilsy fe- le boiray tout mon flaoul de cefle onde puceUe,
m joument, Et puis ie chanteray quelque chanflon nou-
Et plus mourans defloifl au logisflen retour- uelle,
nmt. Dont les accordsflerontpeut-eflre fi tres-dous,
Moy donc, qui de long temps par efjreuue Que^ les fiecles voudront les redire après nous:
fiçay bien Etfiuiuant mon efirit, à nul des vieux anti-
Quau flommet de Parnaffe on ne trouue plus ques ,
rien
Pour eflancher la foifd'vne gorge altérée,
Larronje ne deuray mes chanfonspoétiques :
(far ilme plaiflpour toy défaire icy ramer
Je veux aller chercher quelque fiurceflacree i%fespropres auirons deffus mapropre mer,
D'vn ruiffeau non touché, qui murmurant Et de voler au Ciel par vne voye efirange,
s enfluit Te chantant de la Mort lanffn- dite louange.
R I C H E L E T. *
Mafures, déformais ] Il n'y a plus d'inuention à trouuer chez le Grec; car tout y eft dcfcouuert *, Et ce fujel
de la Mort eft nouueau, laquelle donc il Ioiicparlcs biens qu'elle fait, fe moquant dc ceux qui enontpeur:
Veu qu'elle eft l'acte le plus pur de noftre liberté, qui nous conduit au Ciel, loin de cefte vie laboricufc:* eft
egalle indifféremment à tous. Que fi quelques vns s'en affligent , c'eft qu'ils fc l'imaginent effroyable , & ap«
firehendent la diAblution du corps qui ne fent plus rien après 1« mort. Au lieu que l'ame eft immortelle, peut
aquellc il faut auoit peur, en fuyant les vices* corruptions de la terre , félon l'exemple que nous cn a Jailli
noftre Seigneur,Auffi que la miferc de Thomme,Iuy doit faite trouuer la Mort heureufe^quoy que les plus refalus
en ayent peur quand ils la voyent. Il y en a d'autres encor qui la craignent , mais c'eft par apprehenfion
des tourmens del Enfer, qui toutefois ne touchent point aux Chreftiens', pour lefquels lefus-Chrift a vaincu
l'Enfer , cn portant par eux fa Croix après luy , laquelle eft vn fardeau de foulagement. Auffi que Tinconftanc*
des chofes du Monde,* noftre trifteflc en naiflant, monftrent afTez les dcfplaifirs dc la vie qui font infinis,&
après lefquels il faut toufiours finir: Et ceux-là font les plus heureux, qui pluftoft s'acquittent de la dcbte,
félon le vÛu commun des plus gens de bien, recognoiflans la Mort poutvn grand bien-fait de Dieu.qui nous
vnit à luy, pour ne. plus mourir, exempts de tous maux, & participans de la vie éternelle. Que fi la Mort fem¬
ble deftruir-»tout ce qui eft au Monde, la propagation des efpeces repare tout par la génération, tellement que
c'eft pluftoft mutation dc forme, qu'extinition. Enfin noftre Auteur defirc vne mort prompte &genereufe,
pourl'honneur dc Dieu &dc fon Prince. Otihaut fur la trompette] Terrtbtli yô»/>», Virgile. VeJJia Ulyre]
Imbeïïi lyra, Horace. laMufe] La grande cognoiffance qu'ils auoient des feiences. Séant] Ouurant la
bouche àvuide.^wi. Parnafe] Domicile des Mufes. Hcfiode] En fes uures &iournces. Etd'Homcre]
Qui a quafi tout inuenté en fon Iliade, Odyflcc * en Ces Hymnes. D'strate ] En fes Phénomènes. Dt
denegatur : ou comme dit Genebrard Pfal. it. Cenfundt , efl remfîeratam yel petitam non tmpetrare. Par ejfreuue]
Toute fa vie* fon eftude n'ayant efté que cela, comme fes uures lemonfttent bien. le yeux aller chercher]
Ainfi Pline en fa Préface, fe plaiftenlanouueautéde fa matière, non traittée par aucun. Pnterea iterejf, non
tntaaHftarib>uyia,necfuaperegrmari animas expetat. nemoapud nos qui idem tenUntnt , nemo apud Grâces aut omnia
tentauent. rne fource facrée ] Nouuelle, nom fontis eruptio ara* habet, Seneque : Et Lucrèce liure i . parle com¬
me noftre Auteur :
luttât integros accedere fontes,
.yttfie haxtrire,iuuatejtie nouos decerpere fores,
Infigne'mque meo capiti petete inde coronam,
rnde prms nulli yelarmt tempora Mufe.
Zuek Soleil ] mil* Soletepefcem : comme caché fous des arbres. g«r les oifeax du Ciel ] Tout cecy eft
unitcdOuide 3.Mctamorph. * '
Quemncaut pdftoresy neque pafi* monte cdpelt*
Contigerant , aliûdye peetu : quem nutta yolucrif ,
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Nec feu turbarat, nec lapfut ab arbore ramus,
DES hymnes: fm
De ceft onde pucelle] Comme Tertullian dit, yirgme filma , de Iemmjs. Dontles. accords feront] Accords ex¬
cellents, comme font tous les efcrits dc ceft Auteur, lequel feul de tous nos François, donne, comme difoit
5 ainct Baiie de Libanais , l'ame à ce qu'il efcrir , ^ nîç >»>« ^ ^'fi*. Larron ie ne deuray 1 Mais quel
larron; du larcin de Promethee, 7raAXn *»rlç «tatxMfatoç, ditEfchylc. Et il n'appattient pas à chacun de
faire de tels larcins PaQne yoje efirange ] Extraordinaire * trifte.à caufe du fuied. Ainfi Oppian au com¬
mencement de fa Chaffe, rr -
TÇ»-£icut 'ShmÇcùfJ^i à'iup'nv,
C'efl vne grand' Deeffe, & qui mérite bien Encore elle nousfait trop de bien & d'hon-
Mes vers, puis quelle flait aux hommes tant neur.
de bien, Et la deuons nommer noflre mere amiable.
Quand elle ne feroit que nous ofler des peines, Ou efl l'homme çà-bas,flil n'eft bien mi-
Et hors de tant de maux dont nos vies font firable
pleines, Et lourd d'entendement , qui ne vueille eftre
Sans nous rejoindre à Diev noflrefiuurain hors
Seigneur, De l'humaine prifon de ce terreflre corps ,

*_*o 1È IL LIVRE
Uinfiquvn prifmniermi iour(h nuiél Sourcef homme eft bien fit ,ainçou bien
endure
tes manicles aux mains, aux piedsla chaifne
malheureux
Qui a peur de mourir , & meflmement l
dure,
Sedoitbien réjouir à l'heure qu'il flevoit
l'heure
Quil nepeut refifler quefiudain il nemeure,
-Deliuréde priflon : Ainfl thommefe doit Se mocqueroit-on pas de quelque comba-
Réjoiïirgrandement,quand la Mort [uji deflié tant,
Letien qui ferrait fla mifierable vie, Qui dans le camp entrefiiroit effouuantant
» Pour viure en liberté.caron nefiauroit voir ^Ayant flans coup ruerle cPur plusfroid que
» Rien ça bas qui ne fait par naturel deuoir glace ,
» Efilaue de labeur : non feulement nous hom- Voyant tantfeulement de tennemy lafiacef
mes Puis qu'il flaut au Marchand flir la mer
,»Qui vrais enfians depeine& de miflresfim- voyager,'
mes>
Ma'tsls Soleil,la Lune Qr les Aftres des Cieux
Eft- ce pas le meilleur fins fiuiure le danger
Retourner en fia terre$ reuoir fion riuage t
Font auecques trauail leur tour laborieux : Puis qu'on eft refiolu d'accomplir vn voyage
La mer auec trauail deux fois le iour che- Eft- cepas le meilleur de bien toft mettrefin
mine : ( Tour/egaignerlhoflel) aux labeurs du cher
La terre tout ainflqu'vneflemme en geflne min f
( QS P^eme de douleur met au iour fles en-
fans )
Sesfruits auec .trauail nous produit tous les
De ce chemin mondain qui eft dur & pénible^
Eïfineux,raboteux,^rflaflcheux aupojflble,
Maintenant large &> long, & maintenant

DES HYMNES. ïi4I "
agnofchms. Qui a peur de mourir] Et toutefois c'eft vne grande Philofophie, quedelamefprifer.Wrs «t-'
&ty«'«'. &encelaco.nfiftoitle grand employ desGymnofophiftes.ditLa'ërtius. Qu'il nepeut refrfier j Auquel
cas, fine remédia timorfiultus efi, ey ratio terrorem prudentibm excutit, dit Seneque 6. des Queft. Et S- Hiei ofme, >=
limm nolimtis,abeffelongms non potefi quodfutun fumus. x. Puisqu'ilfaut au marchant] Buchanan dit la mefme
chofe m Bapnfia. «
quis ybi liquit carcerest
Non curfor rapitur ad metam ? frète
Quis afiuofo , notte tenebrofa yagns ,
Portu reeufet fe quieto condere ?
Quis exul errans per peregrinifait
Deferta tefqua, doleat m patrtam cita
N Sefe reuerti?
Mais mieux S. Cyprian .- ^tmpleBamur diem, qui afiignatfingulos domicilia fuo,qm'nos ifime ereptos paradtfo refiitutt , SC'Ao;, wro -nTç «&^5a ;$ua(

,i4t LE IL LIVRE
ahquas non attendit. Et que mefme les l(oys ]
' '-- J- r* J- Conditor ille
necefittatis omnem fttperat fyllogifmum , exceptions non recipit, dilatianes diquas non .^^- ^ ^J*^
Et c'eft en quoy feulement il n'y apoint de différence «"^J6^ dfimgmt , mfi dum fumus. Et
gêner, humam, dit Seneque epift. 9r.non natalibus nos, ne «^^ y j r|, , ^%(m
non feulement les Roys meurent , mais encor leurs Royaum e , *« J ^ A F / 2 ^ ^
tukre fatum juum, omnes,imo omma *» yltimum diem jpeltant , «n cm-wi i
tarquc ^ A^. vn Poëte demande où eft Crefus & Xerxes auec toute leur magnificence.
n» y) i» «/i/ca jte/i'cc i w»

DES HYMNES. ii4;
Telephc ne fent pltiila playe qu'il receut . Nous ne la bannijflons défia maifon, let
D'Achille, quand ^Bacchus en tombant le Cieux
deceut: pmr cniHrer apres q)n exif tres-molefle,
Et des coups de "Paru plus ne fe fint ±si- Abflente du regard de fin Pere celefte :
chiue>
Plus HeBor ne fint rien ny fionflere Troïle.
Et neflaut de ce corps auoirfl grand ennuy,
G^i nefl queflon valet &fin mortelefluy,
C'efl le tout que l'esfrit qui fint après la 'Brutal, impatient, de nature maline,
Mort,
Selon que le bon Juure ou le vice le mord:
C'efl le tout que de l'ame, ilflaut auoirfoin
Et qui toufiours répugne k la raifon diuine.
Pource il nousflaut garder de n eflreflurmon-
te7
d'elle, . *Z)es traifires hameçons des flaujfes valu-
jy autant que D I E v l'a faite a iamais im- pteT ,
mortelle: Quinousplaiflentfl peu, qu'en moins d'vnfeul
Jl faut trembler de peur que parfiaifls vi- quart- d'heure
ùeux « %ifn,fors U repentir, d'elles ne nous demeure.
R I C H E L E T. '
Telephe ne fent plus] Ce font exemples fabuleux pour efgayerl'iuure, qui eft trifie. Acron dit, qu'Achille
ayant furpris à la rencontre ce Roy des Myfiens, qu'il croyoït eftre Troyen, le combatif & blcfla : mais après
Tauoirreeognu, il le guaiitluy-mefme. C'eft ce que dit Seneque 4. Controuerf. hofiis aliquando y idnus fan*uit,
quodfecerat, errore cognito. QuandBacchus en tombant le deceut] Dclàappellé (npahmç. Mais ceft accident ne fut
pas au combat d'Achille; ains comme ce Prince des Myfiens couroit fus à fon peuple, il rencontra vn fep de
vigne qui le fit cheoir, d'où les Myfiens ont tenu depuis, Bacchus pour leur conferuatcur.
Taris] Car ce fut luyqui le feit mourir à coups de fîcches :
Et des coups de
ceeldit Pandis Phgb'fiue fkjrittis, Ouid.
Ny HeBor] Duquel vous voyez le combat* la mortau22.de l'Iliade ,& Taniinoficé du vainqueur contre
le corps mort. Ny fin frère Troile ] Tué encor par Achille.
v
fugiens amifiis Troilus armis,
Infilix puer , atque tmpar congreffus ^Achilli. VirgiJ. i.
Mais Seruius dit, que ce fut vn combat d'amour, & qu'il mourut dans les embrafïèrocns d'Achille qui en
eftoit amoureux. Qui fent après la Mort] Et comment fentir eftant incorporel J De là les Philofophes , *
Tertullian mefme ont fait les âmes corporelles. Au liure del'ame : incorporalitM enim mhil patiwr> dit-il , non ha*
bens per quod patt pofsit ; aut fi habet , hoc ent corpus ;8c de là mefme il luy donne fes proportions, de longitude*
latitude, vne forme & vne couleur , lucida efi, ey a'érei coloris , eyforma per omma humana. Mais c'eft vn de fes
Paradoxes remarqué pat Pamelius, principalement pour ce qui eft de la couleur, dont fe moque Saind Au¬
guftin. selon que le bon Cela n'a point de doubte, que nous ferons iugez, félon nos bonnes ou
jmauuaifes amures. Qui operantur bonum, dit Saind Irenee, glorum ey honorem pempient , cùm pofitnt non operari
tllud; ht autem qui illudnon operantur , mdicium lufium récipient Dei. Et c'eft ce charadere double de bien ou de mal
qui eft en l'homme, dit Saind Ignaceaux Magnefîens, l 'ffojMhmaç Si> &7ion , ôcc. Dieu l'afaite]
Et c'eft fon principal ceuure , 7» %« Wa^a ii tiJh^oi, Greg. de Nazian. Oraif. io.

1144. LE II. LIVRE
, » r j rj -n. hUtio corpore fuperfvnt , pour lcfquciles,diMl,les
ienent, Seruius. Cr trahunt relouas fordmm ; lZ,n pLs y.nufque amplexu:ôccn
malommpefiima, qu* non fit feparatione anima

DES HYMNES. ,r4;
R I C H E L E T.
ilnefautpas humer] Il continue encor à deftourner de la volupté,* ce qu'il dit icy, eft imite de Marulle
Hym.i.
Impia Circe* depafii pocula menfie,
Ipfitttterfaciès fimulachraque mille ferarum, .
Obfclnis fiabulamur haris,nec tecta paierna.
nfjiuimus , dulcémque Jthaco de culmine fumum.
DtCircelesyaiffeaux] Par cefte Circe* fes vaiffeaux il entend les charmes de la Volupté, qui nous corrom¬
pent les fens & fubuerriflent la raifon. Cefte Circc, dit Seruius, libidme fua ey blanditijs hommes infermam yitam ab
httmana deducebat,yt lihidini ey yoluptatibus operam darent. 7. Depeur que transforme^] infldas docile> tranfirefiguras\
Marulle ; mais , dit Seruius , corrupto fenfu ,fed eodem ammo maneme ; car ce font toufiours hommes quant à Tame,
mais brutes quant aux fens & aux paflions. En Tigres oupourceaux ] Selon la qualité ou différences de nos paf ,
fions qui nous rendent femblables aux beftes, dit Clément Alexandrin au 4, de fes TapifTeries, Sue** /"«««i »
tdSpâmit, comme l'intempérant eft vn afne, Tauare vn loup, le trompeur vn ferpent. înçùG&m, » a'wA«sïf;
*umç a.)eio(, i TftityiKliùç, k cyic i dzamcJt.Et Saind Irenee liure 5. qui irrauon&biliter ymunt , ey effrenati detjciuntur
in fua defideria, eyporcorum ey unum more yiuunt , eqttifurentes ad fasmtnas. Tant cefte fidion & inuention
d'Homerc.eft excellente au 10. de TOdyfféc,rcprcfcntant fon VlyfTe courant fus à cefte Feel'efpeeàla main,
Scû rendant maiftre de fes charmes *enchantemens. D'Ithaque la fumée] Noftre patrie. Admirableconception
d'Homere.qui feint en fon Vlyffe,que mefme la fumée de fon Ifle luy plaift d'auantage , que l'Immor¬
talité que luy offroit Calypfon. Et fort bien le profane lulian en vne fienne Epiftrc, ofban'a nw qIwuZta
jlMftU e'^uK £ %*£»
g mfKiwr. Mais comment eft-ce que l'homme eft terre, noftre chair ne rcffemblant point à laTcrrc î Tertullian
*u liure de carne chnfii ch. 9. dir, que telle qu'elle eft, fine tefhmonto fit* origmis non efi. D'autant que quafi toutes
les parties du corps ont quelque rapport * conformité à celle de la terre. Confidera, dit- il ,fingulas quditates, mufi.
eulosyt glebas , offayt faxa, etiam etreum papiUas cdculos quofdam : office neruorum tenaces connexus , yt traduces radicum,
ty yenarum rame/ès difcurfim yt ambages rmorum,ey lanugmes yt muficos , ey comam yt cefiitem , ey ipfis medullarum 1»
abdito thefauros , "W metalla carnis. Vne yiuante ombre ] Fumus ey yapor ad modicum tempus, Pet.Éef. ep. u. Le
fujet de douleur ] Iufques-là que bien fouuent noftre mifère nous fait fouhaitter la mort , tôt ptriculorumgênera, dit
le grand Pline, tôt morbi,tot metus, tôt cur*, toties inuoeata morte,yt nullum fiequentmsfit yotum. De tous les ani*
maux ] Le plus foible,* comme dit Seneque,»**//»»*, eyfluaptt natura mtrme ,alienx op'is mdigens. Homerejioui
égale ] Au 6. de l'Iliade.
0/'--

«04* LE IL LIVRÉ
* Ou bien s'û eufl ouyîvn des Sages, qui dit T>e ce commun Soleil qui nefl flulement chère
Que l'homme nefl finon durant U temps .Aux hommes fains &florts, mats aux vieux
^ au ilvit chargez d'ans,
., Qu'vne mutation qui na confiance aucune, Perclus, eflropiats,catharreux, impôtans.
GJuîvneproyedutemps,quvniouètdeFor- Tu diras que toufiours tu vois ces Platom-
tune:
Il n'euft voulu fa-haut renaiflre par deux
fa
^ues»
Ces Philofiphes pleins depropos magnifiques,
Dire bien de la Mort : mais quand ils fontfi
Non pour eftre valet , mais le plus grand des
Roys^
vieux,
St que leflot mortelleur noue dans lesyeux,
Mafures , on dira que toute chofie humaine Et que leur pied tremblant eft défia fiur U
Sepeut bien recouurer, terres,rentes,domaine, tombe ;
Maifions,flemmes, honneurs, mais quepar nul
effort
Que laparolegraue &fcucre leur tombe,
Et commencent envain àgémirfy pleurer,
On nepeut recouurer Urne quand elleflort,
Et qu'il nefl rienfl beau que de voir la lumière
Et voudroient, s ilspouuoient, leur trefias difi.
ferer.
R I C H E L E T.
Pource ie m''esbahisl Car peu de grands naturels défirent de vieillir long-temps en ce Monde, &moins«n-T
, J * . ° a ... .. . .... n . ^-. > i. »
cor d y retourner : numquam magnts mg
ferunt ,yagiper omne fublime, Seneque.
luy, & le tient bien-heureux d'efire mort; m ... . .
pauure valet du monde, n'ayant quafi pas du pain, que d'eftre Roy des morts. Sjttlatmerût trof mttux]
Voicy ce qu'il dit dans Homère :
ivMifttw x tWpKpoc tut %tAii/Ai) £w»
Atty'i m/»' «xAvp«> » (M /3/eîç xnijt tin ,
H' mm niuiian Ks&.tf'fri&poian «Vcùrar.
Que contre agamemnon ] Au i . de l' Iliade. Car cn cefte colère , il ne fe foucioit pas de mourir , pourueu qu'ij
iè vengeaft,iufqu'à tirer Tcfpcc que Minerue arrefte. De Bnfeis ] Vne belle fille qu'il eut pour fa part du pil¬
lage dc Thebes : car c'eftoit la plus haute recompenfe que l'antiquité tendoit à la valeur, captm* formé prafian»
tiorylttmaforshabebatitr,ditQmnÙ\i&n,declam. 306. **/p_o Be/oïoç. 1U0 /m /ému i)«ç A^Jr.ditluy-mefme Achille
au 1. de l'Iliade, & qu'il aima fi fort.quc luy eftant rauic par Agamemnon, il quitta les armes iufqu'à la mort de
Patrocle,* fut caufe de beaucoup de maux que fouffrirent les Grecs, plut ne fe fattuenoit] Et c'eft ce qui luy
fait defirer de reuiure, félon mefme que Platon a feint pour eftablir le retour des âmes dans les corps, & à vne
autre vie, après vn certain temps, qu'elles perdoient la fouucnancedc tout ce qu'elles auoient efté au Monde,
letbaohaufiu; & Virgile élégamment Ta remarqué.
amm* quibus altéra fato
Corpora debentur, Leth*i adfiumin'n yniam
Securos latices, ey longa oblima potant;
Salicet immemores fupera yt conuexa reniflant
Ryrfiss , ey inctpiant in corpora yelle reuerti.
Son Patrocle] ça» xi

DES HYMNES. 47
faut de l'immortalité dc l'ame * dc fa félicité aptes la Mort , comme tout le Phedon en eft plein: De propos
magnifiques ] De'belles patolles, mais fans refolution, quand il les faut exécuter eux-mefmcs, /» his, dit Q-£inti-
Iian, l6S.nihildeprehendaspr*terfi{îamfrontem>crperpetuumottumieyqUamdameX arrorantu auiJoritatem. I*
yteux ] Sihcernu , ^fcherontici. Et que le flot mortel J Qu'ils voyent défia le Styx coulant deuant leurs yeux.
**ger»'rcr pleurer] Diogenc s'en moque dans Lucian, & remarque,que tous ceux quipafTentlà-baspleurcni,
horimis les enfans,«n( Auhi*i( *U» 4tT iwyrSr & principallement les vieillards, « miv ynnesaine,
que 1 amour & le philtre de la vie, 9i,%,* ,/ , dit il , pafîionnc le plus , g ç,w>, «{«V. Bien plus refolu qu'eux,
le ieune Nerua, qui dans Tacite 6. ^Cnnal. nullis monendt rationibus , dum tnteger, dum intentâtes, honefium finem yult,
«y monendt confilmm capit. Et youdroient s'ils pouuoient ] Et TAriftotc mcfmc , grand Philofophe , fc plaint
pour cela delà Nature, dit Seneque au traité de Breuitat.yiu.^trifioteli cum rerum natura exirenn , minime conue*
mensfaptenttytro lis eft, dam antmalibus tantàm indulfiffe, yt quina aut denafiecula edurent, homtm m tam multa ac
tnagna gemto , tanto ctteriorem termimm fiare.
Tu me dirai encor que tu trembles de crainte
D'vn batelier Charon, quipaffe par cotrainte
Les âmes outre l'eau d'vn torrent effroyant,
Et que tu crains le Chien à trois voixaboyant,
Et d'elle maintenat n'afait quvn beàupajflage
A retourner au Cielpour nous donner courage
De porternoflre croixfardeau léger & doux,
Et de mourir pour luy comme il efl mortpour
Et les eaux de Tantaï cy le roc de Siflyphe, nous,
Et des cruelles Seurs l'abominablegriffe, Sans craindre,comme enflansja nacelle infer-
Et tout cela qu'ontfeint les Poètes là- bat
Nous attendre aux Enfers après noflre tré~
nale,
Le rofber d'Jxion $ les eaux de Tantale,
pM-
Quiconque dis cecy , pour Dieu qu'il te
EtCharon,($flechien(ferbereàtroii abois,
Defquels le fiang de Christ t'affranchit
fiuuienne en la (froix,
Que ton amen'eflpasTayenne ,mais Chrc- Tourueu qu'en ton viuant tu tyvueilles
fiierme, complaire,
Et que noftre grand Maiflre en la Croix Faifantfis mandemens quifiont aifie^a flaire:
eflendu CarfonJOH£> eflp^Afint, gracieux & léger,
Et mourant,de la Morttaiguillon a perdu, Qui le dos nousfiulage en lieu de le charger.
R I C H E L E T.
Tu me diras encor] Autre caufe, qui fait que Ton appréhende la Mort, à fçauoir la fidion des chofes hideu¬
ses qui font en Enfer. Hue tu trembles de peur ] Imité de Ciceron cn fa i . Tufcul. non te illa. terrent , triceps apud
infères Cerberm, Cocyti fiemttus , tranfueilio ^tcherontis, mento fummam aquam attingensftti enettus Tantalm ? Num W
illud quodsijyphusyerfat, eyc. qui font toutes les mefmes chofes que rapporte icy TAutheur. Par contrainte J
De fa charge, ou que les milliers d'amesfont-là,qui le prient dc les paflèr. Virgil. 6,
Hue omnis turba ad ripas effufit ruebat.
Stabant orantes primi tranfmtttere curfium ,
Tendebantque manu» ripa ylterior'is amorc,
Nauitafed tnfiit nunchos , nunc accipit itlos.
D'yn torrent effroyant ] Pice torrentis atr*que yoraginis, Virgil. *A trois yoix] latrattt tnfauci, ibid. Et les
taux de Tantal'] Qui fuyent de fa bouche quand 3 les approche. Figure des Auaricieux,dit M acrobe,quosepulis
ante ora pofitis , excrucian famé, quofque acqmrendt defiderium cogit prafentem copiam non yidere , in ajfiuentia inopestey
déficientes porta refficere dum egent habendis. Et le roc de sifyphe] Non exuperubde faxum, Puny de la façon, dit
Faufanias , pour auoir defcouuert vn rapt de Iupiter, «#'«« uLuiv/m^s. Et les cruelles SSurs ] Les Furies,neant-
«îoinsappellces Eumcnidcs. Et tout cela qu'ont feint] Tous ces fupplices fabuleux , que perfonne ne croit,
ait Iuuenal.
Effe aliquos Mânes ey fubterranea régna,
Et cootttm, ey Stygio ranas ingurgite nigras,
^Ctque yna tranfire yadum m mtlli* cymb*
Necpueri credunt.
Et Seneque auffi adMarciam 1 9. iUaqu* nobis inferos facitmt ttrrtbiles fabula efi, lufemnt ifia Poëtat,

(
l048 LE IL LÎVRE
> Vt \rmt fine dit élégamment qu^au corps mortdclcfusquivmou
^>p>r, i7^^ *;?-*.*SZliefl Se ledcmpt.on, J^a^, * que par cefte
dr^reprefcii^
, « y y, >
Cyprun , «o» efiexitus , fed tranfitus , eytemporali itmere decurfo ad.urna ^r^'^S^ZerT V
pomt péché . ne fut-il point n/ort , S. Auguftin au i ,. defa Cité feim. , 5 . ât q»c c eft I cioyancc Çattobqae.
qu'Une fut point mort, car la mort n'eft point de la nature . Dieu n ayant crée nulle mort «& S -Thomas eft
de mefme aduis : necefiitatem monendt:>**#>, Genebrard. ^^fij^^^c^^^^TT
fiffet,nequepeccaffet. uL Scotusgrand Scholaftique eft au contiaiic * fouftient qu il fot mort. & que 1 arbre d.
peuuent coniuluer le verbe montur, qui n'a ny prétérit ny participe; car au heu qu il faudroit dire, mortus
eft , corn me x onus efi, on dit, mortuus eft , le nom au lieu du participe prêtent, a caufe, dit-i , que le moment de 1*
mort ne fc peut rcmarqucr.que par intelled & imagination : dc mcfmc que le temps prefent, ne fe peut fi pure¬
ment comprendre qu'il ne tienne quelque chofe du futur & du paflé. De porter nofire croix ] Pour nous ani¬
mer à le fuiure, & à Timiter.en fupportant les tommens & tribulations , * à mourir , non pas comme dit Ter¬
tullian, m mollibus febnbus ey le Bulis ;fed in martynjs\,fi crucem tuam tcUas,ey Dcmmumfequaris yt ip epr*crp,t .- ad j ou-
ftant ces beaux mots , tota Paradifi clauis , fanguis tùus efi. Fardeau léger ey doux ] C'eft luy-mcfme qui le dit :
f^ywr^j, è w*»tf «V.«A, K-V, Clément Alex, fur la fin du Protreptic.Zrw onus efi, porta manfiuetè, dit
Arnobe Pfal. 1 3 1. trahe chnfiianè hoc, m te recordabitur Dcmmus , quod ad portanda pr*cepta etus , manfuetum pecus
tuum efi, id efi corpus tuum,(y non recalcttrantem te exhibes Chrfio. sans craindre comme f»/«»s] Toutes ces fortes d*
tourmens fabuleux, bien inuentez chez les Payens* auec beaucoup dedifeours pour les portera bien viure.
Mais toutesfois ce n'eft pasqu'il n'y ait point d'Enfers , ny dc tourmens aducls pour les âmes des mefchans.qui
font bien autres que ceux des Payens, d'autant qu'après quelques reuolutions de temps ils finiflbicnt félon
leur créance, maisla Yerité du Chriftianifme les croit éternels. Tertullian//*- anima : Nobis mferinonnudacauo/itat,
f nec fubdiualis aliqua mundi fentma creduntur , fed in foffa terr* , ey in alto yaflitas , ey in ipfis yfienbus etus abfirufa pro.
fundttas. Et le mefme au 47. dc fon Apologetic , dit qu'il y a vn feu , ignis arcam fubterraneus thefaurus , ce que dit
auffi Saind Auguftin au i.dcfesRctradat.chap.34. 1* roued'Jxwn] ^fdrotam religati, dit Scruius,pofi*juan»
illicitos lunoms petiuit amplexus, que Macrobe dit eftre l'image de l'imprudence dc ceux, qui nïhdconfdiopr*uiien*
tes, nihil ratione modérantes, cafibus eyfortuitis femper rotantur. Pourueu qu'en ton yiuant ] Il n'y a point dc double,
que nos debtos font payées en la Croix dc noftre Seigneur , mais pourueu ( & c'eft le poindJquc nous l'imi¬
tions & faifions fes commandemens .qui fontaifezà faire :fi Chrifiocredis,d'nP.B\cC.autcredisinChnfium,atr
graue reputas , quod ipfe mdicat leue ? Car fon joug efi flaiflant ] En Saind Matthieu 1 1 . lugum meumfuaue efi,
ty onus meum leue.
» S'ily auoit au Monde vn eflat de durée, Tleuranspiteuflement quand les enfans naif-
- Si quelque chofe efloit en la terre ajjeurée, floient:
» Ceferoit vnplaifir de viure longuement : Et quand la Mort mettoit quelqu'vn d'eux
» Mais puis qu'on n'y voit rien qui ordinal- en la bière,
rement L'eflimoicnt bien-heureux, comme flanc de
» Nèfle change & rechange , & d'inconflance mifire.
abonde, Iamais vnfeulplaifir en viuat nous n auons:
» Ce n efl pas grand plaifir que de viure en
ce Monde :
Quad nousflammes enflans,débiles nous viuons
Marchans a quatre pieds : fy quand lefie-
Nous le cognoijflons bien , qui toufiours lamen- condâge
tons, Nous vient encottonner de barbe le vifage,
Et pleurons auffi tofl que du ventre flortons, Lors la mer des ennuis fle defierdefiur nous,
Comme prefiagians par naturel augure Qui de noflre raifon démanche à tous les coups
De ce logts mondain la mifirefuture. Le gouuernail, vaincu de l'onde renuerfie,
Non pour autre raifon les Thracesgemiffoient Endiuerfles façons troublant noflre penflee.
R I C H E L E T.
s'ily auoit au Monde] Cela eft vray qu'il n'y a rien de durable ny de perpétuel fur la terre, foit cn particulier,
foit cn gênerai \non pnuatarum tantùm domuum , dit Seneque cn la préface du troifiefme dc fes Queft. quaslemt
cafits tmpellit,fed etiampublicarum : Hegnacxmfimo coorta ,fupra imperantes tacuerunt , yetera imperia m ipjo flore ctadere.
fit pour le regard des hommes, chacun meurt l'vn après l'autre,* les premiers mourans, dit Greg. de Nazian.
ce font que les premiers enuoycz,«>«*,, w>«V*f «o-t-p-imt , oraif.19. Maispuis qu'on n'y yoit rien ] C'eft 1*
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
«ne

DES HYMNES. 4a
condition de toutes les chofes du Monde, c'eft le iugement qu'en a prononcé Dieu , hoc iudicium a Domino omni
wEcdef.41. Ce n efiptsgrandplaifir] C'eft le grand Pline qui le dit; yitam quidem non adeo expetendam cen.
femu*,ytquoquomodo trahendafit ; ex omnibus bonis qu* homini tributs Natura, nuUumeffe melius tempeftiua morte; Et
Seneque hardiment aduarc dit que perfonne ne voudroit de la vie s'il eftoit capable de raifon* de cognoif¬
fance : yitam nonmeherculequifmum accepiffet , u,fi daretur mfcjs. Qui toufiours lamentons ] Tous les Auteur! s'ac¬
cordent a ces tefmoignagesde noftre mifere. Saind Cyprian élégamment au fermon de la Patience; ynufqmf.
que cum nafatur,eyhoff,tio huius Mundi exapitur, mitinm fumità lacrymis ; & quamuts adhuc omnium nefaus cr ifnarus
mhilaliudnoutt m ipja prima natiuitate, quàmfiere,prouidentianaturali Lmentaturyit* mortalis anxietates ey labores , ey
proceUas mundi quos mgredttur, mexordio fiatim fuo ,ploratu yel gemitu rudis anim* tefiatur. Et Seneque; non yides
qualem yitam nobis rerum Natura promiferit , qu* primum nafcentmm omen, fletum effe yoluit. Que du yentre fortensI
De là Quintilkn ; Quis miraturfiere hommem ? hincmfantia incipit, m hanc necefiitatem plerumque fortuna dedneit : quis
efi enim dies qui non trifie aliquid eyfiebile nobis minetur? Et toutefois Philon luif ne dit pas que cela fe face
par prefage que donne l'enfant du malheur de la vie, maisparle fentiment corporel du froid qu'il fent,à caufe
du lieu chaud d'où il fort.- i^a/sra- -nfiptw ^nxnnStr, dh-fiimt t» .Bfelu'i;/*, i* £ 6iffM'&n g Wfo «/W %>fdv -d
*J'/a/iiçtu isipitâov i%tfmwaç rie Hey. ija^i , «W^». ucp.. Comme j>refagians] Tertullian de^Amma, parle ainfi;
augurem incommodorum yocem illam mterpretantur, quodètiampr*fagtens habendafit ab mgreffu natiuitatis. Par natu*
telaugure ] C'eft à dire1, par la condition de fa nature, mefme auant le peché.quand bien Thomme ne fuft iamais
mort. Car toufiour/ces qualitez de foiblefle & d'enfance euffent efté en fon origine; attendu que ce n'eft pas
par punition queriousnaiffons tels, comme dit Saind Auguftin \nonemmad infantilem hebetudmem, ey infirma
tatem animi ey corporis quam yidemus in paruulis , peccato yelpna redaBus efi,ey ad fia infantilia rudimenta pr**
fumptione illicita eydamnatione iufia prolapfus eft primus homo. 13. de Ciuit, La mifere future ] Defcrite excellem¬
ment par Pline en h Préface du liure 7. de fon Hiftoire , Natura, hominemtantèm nudum , ey in nuda humo , natals
die abijcit, ad yagitusfiatim ey ploratum , nullumque tôt ammalium aliud ad lacrymas , ey has protinus "toxve principio.
Et auffi toft, dit-il, garrotté, ab hoc lucisprincipio , qu* ne feras quidem inter nos genitas , yincula excipiunt , ey omnium
membrorum nexus .- itàque fliciter natus tacet, mambus pedibùfque deumclts , fiens , animal c*teris imperaturum, ey *
fupplicqs yitam aufiicatur ,ynam tantùm ob culpam , quia natum efi. Les Thraces gemiffbient] Thraces , dit Valer. 2.
natales homwum flebiliter, exequias cum hilantate célébrant. Strabon liure IL attribue' la mefine couftume à quelques.
peuples barbares des enuirons du Caucafe :
To» fn»3* SpLuHV , eîc oQ. app^-ra- ksckh, i
Toc /' au 3tt.fôv$t a{ mtut m-jnwffyior,
Xctjpovjztç, £Ci/icuwja{ cx.TSfj.7rw Jajuai.
Adiouftant que les Cafpiens reputent malheureux Thomme feptuagenaire, quand, après qu'il eftexpofé aa
defert , tic tùè ifn/ula* » il ne treuue perfonne qui le face mourir , icù vzm f*vÂvèç , K»>uJki(MriÇv***
L'vn veut fiuiure la guerrefy tenir nefy De quelque autre meflier au marinier conpeut,
Vautre U marchandée, fy tout fiudain il
traire:
Ceflui-cy veut ïhonneur, eeflui-là le fiaveut
Deuenir marinier ,puis aprèsfie veutfaire
noir,
Çefluj ùmelesjhamps , ceflui-l*fi fait voir
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«5o LE IL LIVRE
Le premier au Palais, & fuè a toute peine Et veut auec ïvfiure auoir le principal:
Pour auoir lafaueur du peuple, qui eft vaine : Ainfl pour viure trop leur vient mal dejfus
Mais ils ont beau courir : car vieilleffe les fuit, mal.
Laquelle en moins d'vn iour enuieufe deflruit Pource a bon droft difoit le Comique Me-
La ieuneffe, & contraint que leur vigueur nandre,
s'en-aille » Que toufiours Iupiter en ieuneffe veutpren-
Se conflommant en l'air ainfl quvn feu de
paillet
dre
-, Ceux qu'il aime le plus, fy ceux qu'iln'aime
Et n apparoiffent plus cela qu'ils ont eflé, pas
Non plus qu'vne fleurette après le chaud Sjlé: Les laijje en cheueux blancs long-temps viure
Jdonc la Mortfified deffus leur blanche tefte,
Qui demandefa debte^ la veut auoir prefte:
ça bas :
Juflfl ce grand S A I N C T P A V L jadis de-
Ou bien fi quelques iours, pour leur fiaire firoit eflre
plaifir, Defliédefion corps pour viure auec fon Mai^
Les fiouffre dans le liél languir tout à loifir, ftre ,
Si efl- ce que Joudain après ïvfiure grande, Et fa luy tardoit trop qu'il n'enfiortoit dehors
D'yeux , de bras , ou de pieds ,fla debte rede- Pour viure auecque C H r i s t , le premict
mande, des morts.
R I C H E L E T.
l'yn yeut future laguerre] Ces diuerfes inclinations procedans del'inftind naturel de chacun, dit Platon
au Timée , ^ pùnv ii nui' aù-nt ixslsu nséa^tfa. Ainfi Seneque ad Polyb. 2 3 . alium ad qnotidtanum opus labonofit
egeflas yocat; alium ambitio numquam quitta folluttat ; alius diuitias quos optauerat metuit, eyyoto Léoratfm". alium
foîLicitudo , alium labor tonpuet. Et Virgih
Sollicitant altj remis fréta c*ca, ruûntque
In ferrum, *c.
Et tout fioudain ilyeut] Parvn efprit devertige &d'inconftancc, dit Petr. llcfenfiep. 11. fiiritts yertiginît
duFli titubando incedunt. Veut l'honneur ] Nttbes ey inania captât. Le premier au falais] Fameux Aduocar,,
"i>enali eloquio, Seneque. Car yieilleffe les fuit ] Iuuenal 1 o.
fefimat decurrere yelox
Flofculus, angufi* mtfer*que breuifiima yit*
Portio ; dum bibimus , dum flirta , ynguenta , putllxs
Vofcimus , obrepit non mttlleBa fineBus.
Non plus qu'ynefleurette ] Et comme dit Statius,
yélut primos expiraturtss ad ^fuflros,
MoUibus m pratis altè fios improbus.
Qui demande fa debte] Leur vie. Morteris , dit Seneque , non quia *grotai, fed quia yiuîs : car la vie eft deuc
à la Mort, c'eft le tribut naturel, tdmc tptiowç nj*

DES HYMNES. ;I
les mefehans :ll&*mpl a&atafnMw i»&,Jï *?c «nC«c, i« b*/* «» tbww Ê/W; ] SeneBS. in pr,
yiuaa, Pline. Et celan eft pas vie .- non efl, dit Seneque , eiuod auemauam troÉter canos aut ru^astutes diu yixttTe:
nnam
les mefehans :ll&*mpl a&atafnMw i»&,Jï *?c «nC«c, i« b*/* «» tbww Ê/W; ] SeneBS. in pr,
yiuaa, ... r Pline. .. r,j Et celan r- eftVz%v^:nontf->,Xxx-'iiÇ-n,Xxx-'iiÇ-n-mçQiv. Quant à ce qu'il l'appelle grand S. Paul, ce n'tft pas affez, & vn éloge ne : fuffir pas à cet hom-
me diuin. Voicy comment Greg. de Nazianz. oraif. 2 G. le qualifie , IIwaoç 0 /Myoe x.ipi% m. t»; m. t»; àtoiSiity , c ,fyu/a

ïlj2-
LE IL LIVRE
,'c «&W
1 es efprits, tout malheur leur eft arriué , To7ç e»Aieit Ileft vray vrayqueparmycespunitio.»,.- vray vrayqueparmycespunitio.»,.- que parmy ces punitions.la Mort i"-»»/ Mort i"-»»/ n y eit| "Ipointifibien eit| "Ipointifibien que pour fouf-
ttnir la fidion de T Autheur , il faut dire , que la caufe du malheur des hommes leur cûant incogncue long,
temps .enfin ils ladefcouurirent , & en accuferent Promethée.quîen fut puny,& eux en lurent recompenfcz
de la mort , à fin que leurs maux ne fuffent pas immortels. De tel aaufiment ] De ce deeelement : car
encore difons-nous, aceufel, pour.monftrez, dcfcouurez. Comme d'yne Deeffe] Pour 1 oppoler a celle qui
auoit fait tantdemalaux hommes, dit Hcfiode, Ôcquifut enuoyéeàEpimethée. ^nfii grands qnelaTerre]
C'eft vne peinture ou figure de la Mort félon fes effeds ordinaires* vmuerfcls.-ainfi il luy fait les bras auffi
grands que laTerre, attendu qu'il n'y. a rien fur la Terre qui ne foit mortel, Nido fata locop*fi0excludcre,Mutiz].
D'yne grand' faulx ] D'autant qu'elle moiflonne tout indiftindement,^»#/**» /*«*« m^toi, dit Orus , comme fi clic auoit les pieds feutrez
ou fourrez. Elégamment Seneque ad M&r. agunt opus fuum fata , nobis finfum nrfir* nects aujerunt ; quique faaliùs
obrepat, mors fub ipfo yn* nomme Utet. ^Afin qu'âme ymante] Car perfonne ne fçait & ne peut fçauoirl heure
de fa mort; Efiote parati, quia nefcitu qua hora, eyc. Et c'eft, dit Plutarque, *>ejç A-n*. vn des grandsbiens que la
Nature ( difons Dieu ) nous a faits , de nous auoir caché l'heure dc noftte mort , dMor -lUd-H Stasdi* zsts^fùn»,
d'autant que cela nouseuft remplis de trifteflc & de langueur :aucuns mefmes, dit il, fuffent deuenuz fecs
d'apprehenfion , ta&tltmwÀ mit. Sec. il ne luy feit point dyeux] Parce que fans regarder, * fans ouïr,*
fans s'efmouuoir, elle moiffonne tout indifféremment : & c'eft auffi à caufe de ce que nous fommes après la
mort pnuez de tous nos fens : ce qui monftre manifeftement, dit Ciceron, i . Tufiul. que les fens font del'ame
& non du corps , animum ey yidere , ey audire , non eos partes, qu* quafi feneflr* funt ammt. ^A leur trifie prière J
Et à leur imprécation mefme , car il eft delà Mort comme delà Fortune. Faciamus licèt illi conutaum, non noflro
tantùm ore,fed etiam publico, non tamen mutabitur ', aduerfus omnes fi preces, omnéfque qtterimcnias enget, Scneq.adPolyb.
Toufioursfourdef arrogante ] Encor Seneque,fiant dura fata eyinexoraiilia;nèmo illa conuitip , nemofietu, nemo
' caufa mouet; mhd ymqtum parcunt yHt, nec remi:tunt;proinde parcamus lachrym'i* mhil prcficientibus. Toute feule]
Et neantmoins il y a encore vne Deeffe, la diuine Eloquence, qui n'a point deTempIe que la parollc.wc tu
Fufàe lipàv dtooytâ'u) hiy>e , difoient lesGrccs. Et qui ne fe fléchit] H*c nulli paret, hacefl qu* mhil quicquam.
aheno facit arbitno,Scncc[ac ad Mar. Ny d'offrande ] Elle eft feule de tous les Dieux, dit Elchyle, qui n'aime
point les prefens, {tin; %yi dxrafic. Sdput m. e'e£.
Par exprés mandement le grand DlEV
luy commande
Tuer premier les bons, ç^r de les enuoyer
Jncontinent au Ciel, pour le digne loyer
"De n auoir point commis encontre luy d'oflflenfe;
'Tuis à la race humaineilfit vne deffenfi
De iamais n'outrager les hommes endor¬
mis,
Soit de nuiUfloit de iour, fuffent leurs enne¬
mis,
D'autant que le Sommeil efl lefl ère de celle
§lui l'ame reconduit a la vie éternelle,
Ou plus elle n'endure auec fin D I E V là
haut
Ny peine ny floucy,ny floidure ny éhaud,
Proce% ny maladie : ains,de tout malexempte,
De flecle en fiecle vit bien-heureufle çjt4 con¬
tente
^Auprès deflon Faéîeur , non plus fle renfer¬
mant
En quelque corps nouueau, ou bien fe trans¬
formant
En efloille, ou vagant par l'air dans les nua¬
ges,
Ou voletant ça- bas dans les defierts flauuages
( Comme beaucoup ont creu ) mais en toute
faifon
Demeurant dans le Ciel, flon antique mai-
fin.
R I C H E L E T.
Par exprès mandement] C'eftlabontédeDieu, qui appelle à la mort les bons, de peur qu'ils ne fe corrom¬
pent , & fa longanimité , qui patiente les mefehans afin qu'ils s'amendent. Incontinent au Ciel] Pramium
il SainaCyP"an'«f"^*»^« *tern*,ey perpétua l*titi*,ey poffefsio paradft nuper amiffa , cùmterrenis
c ey magna paruis fircedunt. Les hommes endormx] D'autant que leshommes endormis, font comme
mons,uccten,mcorp,.dormHnm yt monta , Ciccr. & toufiours c'a efté vn ade lafchc* barbare, entre enne¬
mis me.me.d oftenfer le mort, rtymonocere yoluens , mortuo tamen parcendum r/.Quiniilian. Le Sommeil efl le
fiere] Et frcrea.fne de la Mort, car il eft premier en la vie de dormir que de mourir;* le premier homme
commença mefme par le dormir.auparauanr que par boire & manger. Et Dieu.dit Tertullian, ayant toufiours
des Idées de ce qu.ûtm,n,h,lfi»e exemplanbus mohtus paradigmate Platomco , nous veut monftretparlà le com¬
mencement & la fin dc noftre vie , tnitu «finis Une

DES HYMNE è;
fontcouuertibles* mots homonymes commVmnnTr^"" 'T,'1 ""C5.' a"T 1Uc mourir «aorn»«-
ment, dit le grand Pline 7. à ca-Seîe ftTmnTeH Si ni T * ^ ' n' ^~> 0u *»""
dit, que le fommeileft le plti/myftere delà Mort' ' ~T "W"f*»l"fi"f- Socrate dans Plutarque
^Wn\r,r.^ jr, K f i y , e«e,aM01 c » / o, w Wt» (wiçjfa,,,, ,& Ja Mort au contraire le mvfteio
dvn giand & long fommeil,^,* ^ , d,t Theophylad. Pourquoy mefme Homère l'appelle *W
M *;, fl- * 1 *l ^ remecnoftre ame »» Cel d'où elle eft venue. De là dans Pe£l££fU
ï
^ remecnoftre ame »» Cel d'où elle eft venue. De là dans Pe£l££fU
ï ï?_ S;PPÏ -'XTr^ n?TfUi^*'?rCl!mm b^^is, ?r,miti* pr*miorum or^bus; * dan/crei!
de Nazianz Saind Bafile tient la Mort à bien-fait, comme le reconduifant à Dieu , .' *!«, %t;5) * dan/crei!
de Nazianz Saind Bafile tient la Mort à bien-fait, comme le reconduifant à Dieu , .' *!«, %t;5) £ S
Aîi,fTV > , °*{-;&"W'-] Beat.fiée,enrepos,combléedetousbiens. Difo7n_!uî _»«
Alcuin ,. ^7>/^. tmcfibbanfmm *tem* qumis omnibus SanBisent ,ybiyidebimr qui amabitur, nullaent eis tune
necefiitas abormdi, aut ylla cmuflibet mdigenti* molefiia , fed plena cert'aque ficuntas , %r Jimpitem* fah citas , ey m,
def.aensUmu Ny froidure ] «*»*,' 'raJÇ,*c. Greg.de Naziaii.w Paradfo Llhp .fins ey

.154 LE IL LIVRE
$uvn eoup\bien que ta main eftende fin Le Mondepérirait rnaufin^rme enreflait
pouuoi/ Mtant de fin conque ton dard en desfait. (
En cent milleflacons fur toute chofie nce : Que ta puiflance , o Mort , eft grande &J
» Car naifflans nous mourons: telle eft la De- admirable!
ninèe JJ Rien au Monde par toy neJe dit perdurable :
» Des corps fujet s à toy, qui tiens tout, qui Ma» tout ainfique l'onde a val des ruiffeaux
prens tout, foi* . .
gui n'as en tan pouuoir certainefin ne bout:
et nefuft de Venus l'ame gêneratiue,
Leprefiant caulement del autre qui la fuit;
Ainflle tempsfi coule.§-je prefentfait place
Qui tes fautes repare, & rend laforme viue, » Aufutur importun qui les talons luy trace.
R I C H E L E T.
Pour contempler de Dieu ] Non feulement les {uures de la puiflance de Dieu , comme font toutes les chofes
Créées, mais Dieu mefme, lequelalors, dit t\\cmn ,entfamlorum fatut.ts,beatortimiHcun,,tas eyomniaquacunqut
defideranpoffunf.tpfe erit perfeBio defidenorum nofirorum, qui fine fine yidebitur ,fine faftid.o am^iiur ,fine fatigaitone
laudabitur. Les Daimons] l'en ayaffez parlé fur l'Hymne des Daimons. Les He/os }! Natures moyennes en¬
tre les hommes & les Daimons. Voyez ce qu'en eferit Viues fur le u. chap. de Tonzicfme de la Cite dc Saind
Auguftin. Les offres, le Soleil] Leurs proprietez feercttes, & toutee que nousignorons d'eux, que l'efprit
alors cn pleine liberté, cognoifl auec beaucoup de plaifir : tune enim fiuitur aperio zy lùero ccelo , cùm e»
hnmili atque depreffo m cum ernicu.it locum , qui folutas ymculis animas recepit finit. Et tune, dit Seneque , libéré y*.
gatur, omni'aque rerum Natur* bona cumfumma yoluptate perflicit. Le merueiUeux tour] Le giand * fpacieux
circuit, ou le mouuement toufiours fcmblablc* réglé: d'où Platon en l'Epinomide infcie qu'il eft viuant
& animé, -mc/udun favù n wm^uc {lZ : Il dit donc, que Tame apres la mort voit tout cela, non ex conieBu*
ris , dit Seneque ad Mar. fed omnium ex yero penta , m arcana Natur* yadens. Defous elle ] Subpedibus nubes}
Virgil. DeleBat , dit encore Seneque, ex alto reliBa refiiecre. Sans plus y retourner ] D'autant que l'ame eft
au Ciel reueftu'c de l'Eternité, comme de fa propre fubftance,/«/>w»

des hymnes: njl
In paes tranfiata nouas;fie omni* yerti
Cermmus, atquè alias affumere robora gentes",
Concidere bas -.fie magna fuit cenfûque yiriflque ,
Nunc humûis ; yeteres tantummodo Troia ruinas ,
-.-..-.. *
**< * , r*' Pro,,dluJiS ^mnalos °flendtt auomm' Ouid. it-Metam:
dam enfile temps fe coule] Mais pluftoft s'enfuit, comme Seneque remarque, que Virgile nepade iâl
maisdc Iaprefteffedu tcm?s, de celentate temporum, qu'il n'vfc du mot defuïr. lunqlm AS^^tZ
ep.io*. ^«^^o^»]Parcequillcprcffe&lefuitJeprés. ' Qui les talonsluy tracT] oUZlait
vne trace furies talons en marchant deffus. J ^ "
» O quifut,fi refiait : tout coule comme vne Citoyenne a iamais de U ville etheree,
eait>
» Et rien deffous le Ciel ne fi voit de nou-
» Quelle auoitfi long temps en ce corps de*
pree.
ueau : le teflalu'è heureufe &profitable Mort,
Mais laformefle change en vneautre nouuelle,
Et ce changement là , Viure, au Mondefiap*
Des extrêmes
fiort :
douleurs médecin rvx-ne. ifcp . itJit $»i

LE IL LIVRE
îïj6 ' r t ns Comme il fait par la corruption qui fuit
Etmourirqtund k/o>w]Quandle corps fe "foutenfesel«? Aie ? ^^ -j , jïm ft, îww
la Mort , ainfi que dit Cy rus dans Xcnophon, fur la tin de ia W »d ,rr «M * ^f. Et leTrifmegifte en (ff}d^flmti refolutio qu*dam. Soluitur autem
Mundo q^cqnam, fed compofita corpora diffoluuntur : diffolutio mors ^jfjl mJ] fay tnonftré cy- defl'us, que
ymo,nonyteHu*funt mtereant , fedytyetcra muenefcant ./.«" pcneration na pas efté introduitte
non, & que les hommes fans mourir deuo.ent engendicr, "i« q 6 ^ j411Mftwf ^«,-j ç>HX
pour remède contre la Mort, mais le fens commun de ^^J^Vot impropre,* feulement pour mon-
Deomelementorum eufiodia referuatur,Uit\\MiasYd.
fti-rr fa confiance au Ciel, comme dans Arnobe l r
,«, 1 Du Ciel . toc W-.MWC mî *irt&»*> .'
nôftreSeigneuràfesApoftres "^^L^
cela s'entend , non ratione nom,n»{Petr. Mefenf.ferm.vfd ciuttas rat.onej \ei\mKS villes du Monde.
ticipatio efi m tdipfum , dit le Pfalm. i x,. «W »«» » '*£J! ' 3 car perfonne ne meurt , ciuitasfempiterna,
Ciîe perpetuelle.dit Saind Auguftin c. de Ciuit. ou perfonne n naiit: , car p comme Tertullian, S.
^,»WPJcr/*«r,f*M nullus montur. Adiouftonsicy.notablemenr qu^ P^'^ ctherce , ô«/*^ Hiemfidem de.
Irenee. luftin Martyr. Ladance * autres fe ont forme, ^f*^ , llc Cué , ils ont creu que
feendentem de crlo m terram mmm , prenans mal lechap. z i .de Apoça yp , i ^
chacun deuoit viure iooo.ansanecChnft,apreslarefurre&ongup^ d MJ '
defire, ] Et Philon lutf mefme au luire ****,. dit J« ^«^fj Pame> J pour le defir auffi
lequel les elemens combattent perpétuellement pour fe d effare & donner pa lag j
qu'a chacun d'eux de retourner à fon mouuement naturel, £ -Ku» ««* *« ^ ^ mon
me par force arrachez pour la compofition du corps # .^tS^Dél^X Gradme fulchrique ob
S. Auguftin. Ne me laiffé longtemps languir en maladie ] Imite de Ma ulle £ ? J m_lad.eamoI.
patrial atque inopina fat*. A caufe dit CÎemen,^A exand^^^^Mwft^M9vA ,uy
lit* efféminé l'efprit, ce qui rend l'ame moins V^^^^^J^ en guerrc.nonplr defir
font autant de plomb , & pour^^^^^^^^^ fans fentir la MortL^
^cmourirviolcmment.maisdautantquengue^ S .^
^ OuSrmrL Vnnce] LeRoy :/ fc&» .«à*!*,-» *&*»*, ^«-« î- M*-» necefiitas fert, genercsè
ferZTcJcZ Nauré oitnneouleri] Qui eft le voeu courageux/des François, Calloru» yotum du Valere,
V.Wjlfi. fXulubanLnquamglorio\èey^fdiciteryita exceffuri lamentabantur m morbo , quafi turptter eymt.
Ulter irituri. Auffi remarque PÎaton au Menoxenus , que c'eft gloire de mourir cn guerre , ^ 'jg --
»iMffl^j-}8fMfl-ia»i,âcauieaugrananonncuL fefctair , à caufe du grand honneur funeral iuiiciai^uw»M.. que Ton .-..« rend à ceux qu» ^_. meurent ... --_ ainfi.iufquesla - .» . mefme que ».
w " >r -. * i i i .\r-c-: -- u J,;/v rnmmiin,/î

-h-
des hymnes: ûS7
» Pour monflrer qu'aiflément l'éloquente pa~ De ces corbeaux de Cour, qui mafque^d'im^
*"°'e , pudence
« Perfuadant Teffrit dedans le ceur fien-
e* t
» Et que rien neflfifort qu'il ne fioit combatu
Pillent les biens d'autruyfans nulle confie ctence:
C'efl pourquoy leurs maifions ne dure) durent dure) durent pas
long temps,
» Tar la voix dont le charme eft d'extrême Et leurs fils defiauche^ perdent en vn Trinvertu,
temps
» Et que parle coufleau de la langue emplu- Le labeur mal-acquis de leurs pères, &com-
mee me
Onflait plus en vn iour, qu'en cent ans vne Lepere a déterré le fimple Gentil-homme
armee.
Tar proce% embrouillé, les flls enfiont ven-
le diray lors que Maie Atlantide enflanta
Sonpetit Mercurin, que tout chaut leporta
Dans vne peau de bouc àJupiterflon pere,
Ioyeux devoir fin germe , ey rembraffant la
mere.
Luy fiuuint du plaifir quepremieril receut
Quand elle d'vn grand Dieu vn autre Dieu
conceut :
Tuis en vuidant deux J'ois fla Neélareufle
geurs,
Et des biens paternels gouailleurs ^f man¬
geurs ;
» Ou les vendent du tout : quoy que le mefi¬
chant fiace,
» Iamais le bienn'arriue à fi troifleflme race,
» Soit que D IEV lepermette, ou que leflot
mondain
» Toute chofie mortelle engloutiffe en fonfieini
eoupe, *
» Soit que four conferuer toute ejpece éternelle
Tout gaillard appella fion ^igle,* auquel il La matière toufiours cherche florme nou-^
coupe
Des ailes lefin bout , défiourtantflon oifleau,
uelle.
Il n auoitpas trois iours qu'il defioba les
Pour les couldreau bonnet du petit Menu- bMufs
reau:
Du refle il en ourdit des talonniers, qu ilboute
Aux talons defin fils , pour mieuxfendre la
D'Apollon, quipaiffioientfur les replis herbem
D'Olympeflamboyant, les tirantpar la queue,
Afin que de leurpasla trace nefuft veu'é:
route Tuis d'ennemis iure% deuindrent bons amis;
*Des (fieux, qui corne vn Paon de beauxyeux Et lors petit larron, a ce Dieu tu promis
font couuers, De luy donner ta lyre en voûte contrefaiéîe,
Et pour deflcendre en bas au plus creux des ( ^Ainfîflerme alliance entre vous deuxflut
Enfers i
Courrier,aux Dieux d'enhaut & d'embas ag-
greable,
f**&)
St ne l'abandonnerfioit de iourfioit de nuiél,
Non plus qu'vn bon archerfin T rince qu'il
Ayant,amy des deux,fous l'Enfler effroyable
Vn Talais comme au Ciel, près celuy de
conduiél.
Il n auoit pas huiél iours que fin pere le
Pluton,
Oùfle couche au portail l'engeance d'Aleélon,
meine
Trouuer Tan lefluteur fur le mont de Cyl-
Qui tefait reuerence alors que tu ameines
Nos âmes voir de Styx les bourbeufis areines.
Et quand le vieil Sharon fleruiteur de la
lene,
Afin de luy apprendre à fionner vn tel fon
Que les deux bouts du Monde oiiyjjentfla
chanfion.
Mort
En fa gondole ajfls nouspaffe à l'autre bort.
Puis rongna defin Aigle & h hc & laferre :
La rongnure en fi main foigneuflement il
flerre,
Qu'ilcoufit aux dix bords des ongles du garçon
Pour rauir $ piller $Tprendre en laflacon
'Bon. difiiple , en deux iours en fçeut plus que
fin maiflre.
Iupiter en fion csur feréjouiffiit d'efire
Pere d'vn tel enflant, tous deuxfien vont de là
Veoir luiter les Spartains : tout fon corps il
huilla
EEEee iij
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njS LE IL LIVRE
Demaflehuiled'olifi&deffusfachairnuë Touflours en atton fans repos nyflans tréues,
Semapourl'encroufler vnepoudre menue. Pourueu que ton labeur entrepris tu achmes.
Cont re le plus puiffant ce garçon fahurta, C'efl toy qui des mortels aiguiflant les cer-
De brasflorts & nerueux a bas k culbuta, ueaux,
Luy flaifiant imprimer le fablon de l'efichine, Lespouffes à trouuer mille mefliers nouueaux,
Comme vn pin que le vent abat de la racine. xA comprendre du Ciel la diuinefiience ,
Puis ils allèrent veoir les foires (êf marche^ Et les autres cognas par longue expérience.
PoUrflçauoir le trafic, &les meftiers cache^ -> Lapeine, lafueur toufiours marche deuant :
Des Marchants par legain , artifices ,prati- » L'homme par le labeur méditant & réuant
qUes Et fie rongeantfioy-mefime , en repenfiant ifri
De toutes fortes d'atts qu'on apprend aux uente
boutiques.
Jl deuint en vn iour fiauant en tel meflier,
Maquignon , reuendeur, affronteur, coura-
» Toutes chofes : ainfl que Iupiter enflante
» Pallas defon cerueau,d enflante dufien,
» Et fie fiaitfieul autheur de fion mal fy fon
tier, bien.
Subtil & cauteleux , comme vn Dieu defion- Courrier, ie tefialuë, fy tes vertus cognues,
fieffe Seigneur des carrefours, desplaces & des rues,
^Appris dés le berceau au trafic de fineffe. Trefion entre les bons,($f qui mauuais efflais
Apres d'vn Alquemifle il alla voirflumtr Verfis quand tu es ioint auecques les mau-
Les jburneaux qui flont l'homme fyfin bien uais,
conflommer, Alquemifle,marchand, cïuratier, (if le Prince
Marotte des plusfins , vneflotte efferance T)e ceux qui ont les mains fujettes a la pince,
Qui trompe les plus cauts d'vne vaine appa-

DES H Y
Auprès defion Oflre , où defin firont cornu
La terre regardant fi lechoit le pied nu,
Comme elle qui t Egypte endaéhina d'adreffi
D'embrajfer le labeur &fuir la pareffe,
Les terres cuhiuer d'vn art laborieux:
» Tour profiter a tous, les hommes fe fiont
Dieux.
Ce fut toy qui premier effondras la Tor¬
tue,
Faifant de chaque tripe vne corde menue
Quifionnoit fiousle poulce, &le dedans oflé,
De fin do% eficaiUé tu fis ton Luth voûte
Large, creux & ventru, où compriméfi en¬
tonne
L'air quiflortant dehorspar les cordes refinne.
Ce fut toy qui guidas les accords £r la
main
D'Amphion architeéle, autheur du murThebain,
Quand les rochers danfinsfautoient aprèsfi
trace
Suiuant le fion qui refle encores en leur race,
Et les fit arrenger d'eux-mefimesfur le mur. v
» La Mufique adoucit vn cour tantfioit-il
dur:
Ce fut toy qui de nuiél abandonnantfla
ville
Conduis le vieilPriam en la tente d'Achille,
Prince infiolent$f fier, pour racheter Heél&r
Sonfils par la rançon des larmes &* de l'or :
Puis trompant l'ofl des Grecs , ramenasfins
outrage
Le bon pere reuoir fin loyal héritage:
» Tant peut l'affeéiion d'vn bon pere grifion
» Perdant fon fils aiflnéflonflien defla maiflon .
C'efl toy qui donnes crainte aux villes en-
fi
ermees.
Et qui volant de nuiél fiur le haut des ar
mées,
Apportes de ton pere vne menace aux Rois
Qui forcent la luflice & corrompent les lois,
Trop acharne^ auflang,trop ardans aux ba¬
tailles
Pourgaigner d'vn Chafleau quelquesfroides
murailles :
Vne comète rouffe enjeux prodigieux
Suit tes talons de prés,effouuentaildesyeux,
Quifis cheueux rebours en vn trouffeaure-
trouffe,
M N E S. p
Signe queJupiter au peuplefi courrouce.
Donne- moy que iepuiffe à mon aifi dor¬
mir
Les longues nuiélsdHyuer, $r pouuoir af¬
fermir
Mes iambes fymes bras débiles par lagoutte.
Enten-moy de ton Ciel& maprière eflcoute,
Et pour recompenfir celuy qui t'a chanté,
Donne-luybon efirit, richeffes & fiante.
Bine T,fiin d'Apollon,dont la viue elo*
quence
Plate mon mal d'ejfoir, mon proce^ d'affeu-
rance,
Au lieu de tes beaux vers, du trafic de noflre
art,
Deshonneurs de Mercure icyie tefoy part:
Voilà quel efl le fluit de noflre marchandifi,
Qui au feulprix d'honneurfevendfiefihan-
ge,$f prifi.
PARAPHRASE SVR
IcTeDeVM LAVPAMVJj
&c.
Seigneur D î E v noustcloiïonsl
Et pour SeigncuÇ nous t'a**'
uoiions :
Toute la Terre te reuere
Et te confleffe éternel Pere.
Toutes les Puiffances des Cieux,
Tous les Archanges glorieux,
Chérubins , Séraphins , te prient,
Et flans ceffe d'vne voix crient:
Le Seigneur des armes efi Saint,
Le Seigneur des armes efl craint :
Le Ciel & la-Terre efl remplie
Du los^ defla gloire accomplie.
Les Sainéls Apoflres honore"^
Les Martyrs de blanc décore1^,
La troupe de tant de Prophètes
Chantent tes louanges parfaites.
L'Eglifi efl par tout confleffant
Toy, Pere,grand D î E v tout-puijflant,
De qui la Majeflé immenfi
N'eft que vertu , gloire $ puiffance.
Et ton F ils de gloire tout plein,
Vénérable, vnique £

ïi£o LE IL
St leS A I N c T E s P R IT qui conflole
Les ciurs humains de ta parolle.
C H R i s T eft Roy degloire en tout lieu,
C h R i s T eft l'éternelfils deDihV
Qui pour tàfler l'homme de peine,
A pris chair d'vne Vierge humaine.
Il a vaincu parflon effort
L'aiguillon de lafiere Mort,
Ouurant la Maiflon éternelle
A toute ame qui efl fidelle.
Il efl à la dextre monté
De D i E V prés de fla Majeflé,
St làfi flerme place il fonde
Iufqu à tant qu'il iuge le Monde.
O C H R I s T éternel & tout bon,
Fay a tes fieruiteurs pardon,
Que tu as par ta mort amere
Racheté^ de rançonfi chère.
Fay-nous enrooller,fil te plaifi ,
Au nombre du troupeau qui efl
De tes EjleH^tpour auoir place
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LIVRE
En Paradis deuant ta face.
Las'.Jauue ton peuple, o Seigneur,
Et le beny de ton bon-heur,
Régis fy flouflien en ton âge
(feux quiflont de ton héritage.
Nous te beniffons tous les iours,
St de fiecle en fiecle toufiours,
Tour mieux célébrer ta mémoire,
Nous chantons ton nom & ta gloire.
O Seigneur D i E V,flans t'offenfer
Ce iour icy puiffe pajfer,
Et par taflainéle grâce accorde
A nos pechc% mifiricorde.
Seigneur tout bénin & tout dous,
Reffan ta pitié deffur nous,
Ainfl qu'en ta douce clémence
Auons toufiours noflre ejferance.
En toy, Seigneurflous cfjerons,
T'aimons , prions, & adorons :
Car ceux en qui ta grâce abonde,
N'iront confus en l autre Monde,

MONSIEVR LORMIER,
CONSEILLER DE LA COVR
ONSIEVR,
des A^ y des.
H6*i
L'honneur que vous mefaites de vofire amitié, dejlreroit
de moy vne plus grande recognoiffiance , & quelque chofie qui
nefiuft pus rufiique . jMais ie riay rien de prefi pour lèpre*
fent, du cru de cefte vacation, que cela. Et mon defir me preffe, de vota tefi
moigner far quelque gage, mon affetfion. Il efi vray , qua vota qui efles
deuenu pere defamille , en vofire maifion des champs , pendant ces fertes
d'affaires, cefte mfticité d'vngrand Auteur , enrichie de quelque paffement
que ty ay mis, nefiera pas, peut-efire, mal-agreable. Vous la verrez, comme
'vnefiUe des champs, pure çgfimple , mais belle \ vn bauoletde lin,quivaut
bien du quintin ou du Unomple,fans fard & [ans affetterie. Je vous en
dirois d'auantage,Jlvn petit prefentfouffroit vn grand difiours. ç^XCais U
faut delà proportion partout; ne villa fhndum qu;crat, comme ditvn
grand maifire de l'Agriculture, néuc fiindus villam. C'efl pourquoy iefinis,
(0 vous prie d'excufèr, non tant ïinconfideration , que la deuotion de celuy
qui efi,
sMONSIEVK,
Vofire trefhumble & très-'
affeÇtionné feruiteur^
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
R I C H E L E T.

tatfi LE IL
HYMNE XII.
Des Pères de Famille,
U SAINCT BLAISE.
Sur le chant, Te rogamm mdi nos.
Commente par N. R i c h e l e t Parifien.
Ainél B L A î s e , qui vis aux
Cieux
Comme vn Ange précieux ,
Si de la terre où nous flammes,
Tu ent ens la voix des hommes,
Receuant les vuZdetous,
le te prie ,efioute-nous.
LIVRE
R I C H E L E T.
Ce iottrd'huy W nousfaifons
A ton autel oraifions
Et proceflionsflacrées
Tour nous, nos bleds, & nos prées,
[hantant ton Hymne à genous,
le te prie , efleoute-nous.
Chaffe loin de noftre chefl
Toute pe]le & tout mefichef,
Que l'air corrompu nous verfie,
Quand la main de "Dieu diuerfi
Reffandflur nousflon courrous :
le te prie, efioute-nous.
Garde nos petits troupeaux,
Laines entières & peaux, #
De la ronce dentelée,
De tac (gjr de clauelée ,
De morflonture fy de tous,
Je te prie,eflcoute-nous.
Saind Bhife ] C'eft vn Hymne ruftique de bons Laboureurs* villageois, qui prient Saind Blaifc.en,
chômant le iour dc fa fefte, & faifans leurs proceffions , d'auoir foin de leurs petites familles, leur pro¬
curer tout ce qui leur eft neceffaire en leur petit mefnage,* de deftourner ce qui leur peut faire dommage-.
Mais cela fi naïuement&curieufement, qu'il n'y a guère de bien à defircr en la vie ruftique, ny de mal i
fuir pour ces bonnes gens , qui ne foit compris cn cefte prière. Et faut noter que ce font proprement
ceux dc cefte condition , qui font pères de famille, félon que Seruius obferuc, queCaton définit leper6
de famille, celuy qui eft bon Laboureur & bon Berger ,qui bene pafeit ey bene arat; Et Varron appelle aufS
les femmes des champs matresfamiliat : & c'eft pourquoy noftre Autheur donne cefte infeription à fonHymfee.
le fçay bien toutesfois que tout maiftre cn gênerai qui a feruitcurs,cft appelle pere de famille, par vno
qualité dc douceurs ;maiores nojhi , dit Seneque epift. 47. domtnum patremfamiliat appellauerunt ;ferttosfamilni*
res, ~yt omnem tnuidiam domina, omnem contumeliam feru'u detraberent. 2.»* "\U aux Cieux ] Vn des premiers
nais au Ciel; ainfi que Grégoire dc Nazianz. oraifon n. appelle les Sainds, «Jn-at-*»*» ia&%T»Kut wre^jf*/*fVû»
êf i&yûci quorum nomina feripta funt inCoelis, dit noftre Seigneur, qmppe adoptionem diumitùs confecuttfunt.
Th entens ] Pourquoy non, voyant la facede Dieu,* eftans comme les Anges» Platon en TEpiftre i
Denys, dit bien , que les âmes des defunds ont le fentiment des chofes qui fe font cn terre, tri de djcdnmcnTç
foSy-JV»

des hymnes: ^
«oiu^^^^d.tVarron.^^^^-^,. DeU rcncetfenJe] ~ j Z Là H^ltc
Etpeaux] Qui lent font fort neceffaircs pour feveftir* leurs feruiteurs. ou pour les vendre, car quelquesna-
leur donne la gale Turp» eues tentâtfeakes, Virgil. laquelle leur vient ou de la pluyTfroide, out dûTgeT Z alu
ou de 1 ordure de leur fueur quand elles font tondues dc nouueau.ou qu^irfu.ficuerunZZ^t °P*Tft
prquoy ils prient icy de les garder de cela. Ve tac & de dauelee ] Maladies de ces animaux, a'ufquelle iÏ font
fort fujets,* quelques bien nourris oui s foient les nerd^nr ~,7> J;,v ., u 7 *tul4ue»« »s lo
o" ,- .' ^~ - î 4 it .f. ' A
J;,v ., u 7 *tul4ue»« »s lo
o" ,- .' ^~ - î 4 it .f. ' A raent. ©cpc«TO,ditXenophon en fon oconomique.xA-
»mnSptv»f«>onç i»W* «.«« «»««. De la la ftipUlationen les acheptant ,f*LreBè elfe, neque de pécore morbo^
^Varron. Demorjonture] ^?W*/*^wf, principalement^ l**/«^?î^î
4J** /o**/ÏW* accompagne"^ Garde- les de la vipère,
Soient de maflins rechigne"^, Et d'aifics au ventre rous :
Le iour allant en paflure, /e te priCy efioute-nous.
Et la nuiél en leur clofture, Que ny Sorciers ny poifon
De peur de la dent des Loups: N'endommagent leur toifon
le te prie , eflcoute- nous. par parole ou par breuuage :
Si le Loup de fang ardent j Q£ils paffent l'Efléflans rage,
. Prend vn Mouton enfla dent, ' lQue l'Automne leur foit dous:
Quand du bois ilfort en quefle, le te prie, eflcoute-nous.
Huans tous après la befle, Garde- nous de trop d'ardeurs,
Quefloudain ilfioit recous: -Et diexcejflues fioideurs:
le te prie , efioute-nous. Donne-nous la bonne année,
Garde qu'en allant aux champs, Force bleds, force vinee ,
Les larrons quifiont mefehans, Sans fleure, rongne ne clous:
Ne deflrobentfils ne mere : le te prie , eflcoute- nçus.
R I C H É L E T.
Que toufiours aecompagnelf] '^^«M.Artemidor. z. en. car c'eft leur affeurance,qui les défend* les gardej
tufios efipecorif,quod eo comité tndtget, adfe defendendumdupus entm oues captarefelet,cut opponimm canes/iefenfores,\ arron 2.
Vemafitns] Bylacibw, QuTIefiode appelle xçtp^piJbtmi , les Loix georgiques&coloniques deluftinian,*ccu_c
nvifudnrjaf. Et ces chiens feruent à trois chofes, contre les larrons, contre les loups, & contrclcs Efpagnols, qui
font quafi tous picoreurs de beftial. Nunquamcufiodibusillis
NoBurnum fiabulu furem , mcurfufque luporum,
istut impacatos à tergo horrebit iberos.
Où Seruius àïtfere enim omnes Htfliani acemmi abaBoresfunt : adjouftez TEpithete du Poëte, impacatt. %ecbigne*{J
Triftes,* qui monftrent les dcnts,pecoriigratta, dit la 1. Pompomw. de acqmr. rer. dominto. Le tour allant en pafiure^
luctfertprimo cumfidere,Virgil. de bon matin, prima luce, parce qu'alors aux faifons dc rofée , l'herbe eft tendre,
propterea quod tune herba rofctda,meridianam qua efl aridior mcunditate prcJtattV&r. i. En leur clofiure] Quand ils par¬
quent de nuid en la ca.mpngnc,infeptit>cumforis efipernoBandum. Et à cet effed les Paftres, cùm à teBis abfunt longé,
portantJècum crates eyretia,W&i.i. Vepeur des loups] Triflelupwflabulvs.Etlupm infidta4pecori,Vhg. Enquefle] Com¬
me à la cha.(Te,prtddtrix turba. Huans ] Crians à grandes nuées//

,i*4 LE IL LIVRE
Et force flueiUe menu?, P*r procès qui fontfins bout,
Que paift la troupe cornue
De nos Chéures $ nos Boucs :
le te prie efioute-nous.
N'enueloppe le bon homme,
Qui chiquanant fi conflomme,
Puis meurt de faim $ de pous :
Chaffe la guerre bien loing : le te prie , efloute- nous.
Romps les armes dans le poing Que l'impudent vfurier,
Duflaldat quiflappe & tue' Laiffant ïmtereft premier,
Celuy qui tient la charrue, N'affemble point Jans mefure
Mangeant fon bien en deux coups: Vfiure deffus vflure,
Je te prie , efioute-nous. Pour rauir flon petit clous :
Que le plaideur grippe- tout le te prie , eficoute- nous.
R I C H E L E T.
Garde nos petits litrgers j Quj font pour les arbres fruidiers. Car la terre dc la maifon ruftique eft diuiféc en 4.'
ditSeruius,aprcsVarron;j«

des hymnes: n6s
Nos GenicesauPrintemps Bref, garde nous de terreurs.
Nefintent Mouches ne Tans, Et de Taniquesfureurs,
Enflent de latél leurs mammeUes : Et d'illuflon eftranre,
Queplemesfiaient nos faifielles
De fourmagesfies & mous :
. Et defeufacré, qui mange
Membres, artères, & %uls :
Je teprie,efiaute-nou4. Ie te prie> efioute_ mm\
Nos Bouuiers fans murmurer
Puiffent la peine endurer,
Vonne que ceux qui viendront
prier tm noni} & renJ[nnt
Bien repeus a noflre table : ^ ton Ame\ lmrs offrandes,
Soient lesBfufls dedans ïeflable huïjfent de leurs demandes.
Toufiours de fourragesfiaouls: T>e tous leurs pèche? abfous :
le te prie , efioute-nous.
Chaffe loin les pareffeux :
U te prie, efioute-nous.
Sainél B L aise, qui vis aux Cieux
Donne bon courage a ceux Comme vn ^Ange précieux,
Qui trauaillent,fans bleffeure Si de la terre où nous flammes,
De congnee,& fans morflure Tu entenslavoix des hommes,
De Chiens enrage^ $ flous : Receuant les vlux de tous,
le te prie, efioute-nous. le te prie , eflcoute- nous.
R I C H E L E T.
Garde nos petits ruijfeaux] Car toute l'agriculture ne vaut rien fans eaa,fine aqua, omnu acida ac mifera agriculture,
Varron arron i .parce que rien ne nourrit tant tant tant tant que Tcau,«X y> *"to SV'^»- SV'^»- SV'^»- SV'^»- as

ït¤6 LE IL LIVRE
. ,r - i rx- a, j.cViommcs,& toufiours la famine les fuit Jm/wc
W5 faon «tyi » au contraire les adifs & laborieux deuienncni
TrafiiKU a.
Donné bon f courage ] Car le trauail des champs ,eft quelquefois trop grand,
-pater ipfe colendi
Haudfmlem effe liiam yolmt,
. Sans morfure De chiens enrage"^] Dangereux mal, canih
Virgil.
.Sansmcriure Deviens enrage^] uangereu*>"'Z , 'ns des champs y font plus fuicts à caufe
«uand nous femmes mordus. ^^'^^^^l «*y» fl' McfcLntmal,*^
«le leur (implicite ainfi que i ay remarque fur 1 Hymne des Daimon». ^ ,
artnsfacenjrnisedebat, VirgiU.Gcorg. Leurs offrandes] *nww(*?(lfr " ,rjnn- «7 Afn.
*t Detolsleurïpeîhelabfow) Pat ton interceffion, car ceft Dieu qu. pardonne & abfout.
HYMNE XIII.
Dont lefang chaud & viflflefeoute par ruif¬
feaux
rite.
DE SAINCT ROCH.
Par les veines du corps, n'aurontpoint de me-
S'ils nefont le chemin, car la traitte eflpetite,
Vs, ferrons- nous les mains Sus, Soit que partions au foirf adJeiour efl cofe,
marchons en danfant, Soit? matinaieun ains au auoir aualle
Le Luth ne foit muet, le pied
foit bondiffam
A pas entre- caupeK, &pouffent dtnslaniïè,
Dcïhumidcbdufecoufoita laveïhree ^
^nd faucheur lafle retourne de la pree.
Mon® I e v, que de rochers pierreux&
Guide? parle cornet, vnepoudre menue. raboteux,
Que les enfans de Chaur, que les chantres D'antres entrecouperont lesflommetsven-
deuant teHX ^
Nous monflrem le chemin , nous les ironsfui - Cachent deffous leurs pieds vne vafle capdgie
uant 'Deflablon, que lapeur £rthorreur accopagne !
T>eïetyrit& desyeux, contreflaifantla dance Quiguidera nos pas par ce flablon eftésî
Qu'ilsnouf auront marquée aux loix de leur famfivngandléuricr,fiuiuQnsfontnd
cadance.
Regardons-lespartir en leurs blancsfurpelis,
x^iu chef'enuironné de Rofes & de Lis,
Tondus iufiques aufiont: mais voyons ievous
prie
Lesfleres enrole^en noflre conflairie,
de frés :
Redoublons le marcher, ie le voy corne il entre}
C'efl le chien du bon S A I N c T ; dedans /*
creux ivnuntre
l'en voy déjà la Chaffe,& deslampes autour]
Lesgardes deceSkinci qui bruflent nuiél
Ayant tous l'efiomac deghirlandes enccinél, &iour:
Laiffer vuide boutique & venir voir le Sainél, Car l'huile efl éternelle effrifle dans la mèche
Afin de luy offrir leurs deuotes offrandes, Quigarde que cefeu fans humeur ne fefiechei
Pour impetrer de D î E V leurs v & leurs Qù enprend vne goûte & parmy fes cite%
demandes.
Les vieillards de baflons leurs iambes ap-
La verfle,ilchaffe au loin toutes aduerflteT:
L'airfc purge& deuient bening&falutatre:
puye^
Sont exempts du chcmin&les corps ennuyé-^
De longue maladie, fy celles que Lucine,
La ville efifansflayeur , le peuple volontaire^
S'eflgayepar les champs& de lapefle flanc,
Sautelant par le corps fient rajeunirfionfiang.
La mere des humains,accompagne en gefline, Mais lifions ce Tableau O* voyons qu'il
Et celles au fiangflordjontle cheueu blanchi
\si plus defloixante ans de carrière fianchi:
veut dire,
La légende du SAINCT dedans fle pourra lirel
Celles quipar les mains d'vn nopcierHy menée Lifle^le,Secretain, en-ce-pendant que tous
Ont verfiéflur le col leurs cheueux cefle année, Suppliront lebonSAincT, courbe^ fiur les^
Ny les homes diffos,ny lesforts iouuenceaux, genous.
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
Fin des Hymnes.

LES
POEMES DE P. DE
RONSARD, GENTIL-HOMME
VEND O M OIS.
D ET) IE Z
A TRES-ILLVSTRE ET TRES-VERTVEVSE
Princesse Marie Stvart,
Royne d'Efcofïe ,
Auec les Remarques de P. d e Ma r c a s s v s.
FFFff ij
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
ii57

îrôâ
Certis médium, & tolcrabilc rébus
Redè concedi.
-~ mediocribus elîc Poëtis
Non homines, non Dî, non conceflfere column*.
Horat.
AV LECTEVR.
Oëme & Toèjîe ont grande différence ,
To'ëfle efl vnpré de diuerfi apparence,
Orgueilleux defies biens, & riéhe defia fleurs.
Diapré, peinturé de cent mille couleurs,
Qui fournit de bouquets les amantes Pucelles,
Et de viures les camps des xAbeilles nouuelles,
Toème eft vnefleur , où comme en des forés
Vnfieul Chefine, vnfieul Orme,vn Sapin, vn Cyprès]
Qu'vn nerueux Charpentier tourne en courbes charrues ,
Ou en carreaux voûte? des nauires ventrues,
Tour aller voir après de Thetys les dangers,
Et les bords enrichis dei biens des eftrangers.
D'Homère l'Iliade, & fa fieur l'Odyfiée
Efl vne Poëfie en flujets ramafiée,
Diuerfi d'arguments: le Cyclope éborgné,
D'Achille le bouclier, Circe au chef bien-peigné,
Prothée , Calypfon par Mercure aduertie,
Efl vn petit Po'éme oflé de fla partie,
Et defin corps entier. t^Ainfi quvn mefinager
Qui veut vn vieil Laurier défies fils defleharger,
Prend l'vn defles enflans qui eftoient en grand nombre]
Et déjà grandelets fie cachoient deffous l'ombre
De leur mere nourrice , & le replante ailleurs,
Afin quefles ayeuls en deviennent meilleurs:
Apres auoir flo'ùye en terre cefie plante
Bien loin de fis parens, elle croifi O* s'augmente,
Puis de flueilles ombreufie, ç£- viue de verdeur,
Parfume le iardin & l'air defion odeuri
Le Iardinier joyeuxfle plaift enfin ouurage,
» Bien cultiuer le fien ne fit iamais dommage.
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

A MADAME DE
C H A S T E A V-N E V F.
%4T>4ME,
II ép
Puis que vofire efprit s'efi toufiours iudicieufement defmefiê
des affaires les plus confiufies & les plus importantes, aufquelles
leferuice des ^Rgjs & de Dieu vous ontfait pafifier la vie,
ie vom puis mettre au rang de ceux a qui ces remarques font dédiées , fans
déroger a la qualité des hommes, quiferoientcondamneTjie malice ou d'enuie
s'ils fienfoientfe firèualoirfur vous des aduantages de leur naiffance. Le Poète
aufii bien recognoiffiant vos mérites a parlé de vous en fa poëfie auec tant de
rëffeiï çefl de paffion que de perfonne du Monde. De moy, n'ayant rien enmain
pour recognoiflre l'honneur que vous m'auel fait de me voir de bon lil,
i'ay pris la hardieffe de vous offrir ce peu de Commentaires quei'ayfait fur les
poèmes de Ronfard : defirant tefimoigner le reffeéi que ie vous porte,finon
yar quelque bonne occafion, aumoins comme les plus pauures iïentre Us hom¬
mes, qui ne pouuantfaire defacrifices aux'Dieux de cent baufs, leuroffrent
quelque peu defleurs , pour s'acquitter de ce qu'ils peuuentl Comme vofire
bonté approche plus de la qualité de ces puiffances Celefles que ma condition
n'egalle la pauureté de ceux-là \ tefflere que vous ne me continuerez* pas vofire
bienvueillance pour l'amour de monfirefient mais que vous aimerez* mon pre¬
fent pour ïamour de la bonne volontéde celuy quifera toutefa vie,
qMAT>AME,
Vofire très -humble &
tres-obéififiantferuiteur,
De Marcassvs.
FFFff iij
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

JLr les pelles oedtez. , et les" aranaeurpfys grandes.
Sont pleines dé dangers , et cteMal/feurs dîners :
Cejonr rmttes ajsdaicA^Qui n'en croira mes tiers
l'iene j)oir cefte jKg^ne, etfi/c fis (ègendèr ,
'ZT'ic de teu T. et e>y_
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours

L E
PREMIER LIVRE
DES POEMES DE
P. DE RONSARD.
DEDIEZ
A TRES-ILLVSTRE ET TRES-VERT VEVSE
Princesse Ma rie Stvart,
Royne d'EfcolTe .
SONNET..
Ncores que la Mer de bien loin nous fepare,
Si efl-ce que l'eflclair de voflre beau Soleil,
De voflre iil qui n'a point au Monde de pareil,
Jamais loin de mon cMur par le temps ne f égare.
RoyNE, qui enferme^ vne R o y n e y? rare,
Adouciffe^ voflre ire ^f changé? de confiai:
Le Soleil fit leuant & allant au fommeil
Ne voit point en la terre vn aéle fi barbare.
Peuples , vous fiorligneT, aux armes nonchalants
De vos oyeux Renaulds , Lancelots fy Rolands,
Quiprenoient d'vn grand cdur pour les Dames querelle,
Les gardaient , lesfiauuoient , où vous riaue^, François,
Encore ofié toucher ny veflir le harnois
Pour ofter defleruage wRoyne/ belle.
MARCASSVS.
Encores me h Mer ] Le premier liure des Poëmes eftaddrefTéà la plus belle Princefïc qui fuft iamais , Ma¬
rie Stuard vefue de François II. & mere de Iacques Roy de la grande Brctaignc. Cefte PrinccfTe cheriffoic
grandement noftre Po'éte , & Teftimoit comme elle letefmoigna bien parle buffet de vaifTellc d'argent, de la
valeur dc deux mil efeus, qu'elle luy enuoya,aucc cefte infeription : A Ronfard TApollon des François. Quant
àceSonnet,il eft en fa faueur, pour blafiner la barbarie d'Elifabcth Royne d'Angleterre quiladetenoitenec
temps -là prifonnierc : & la négligence dc fes parents, qui defeendans dc ces vieux Cheualiers de Charlemagne
n'imitoient point leurs proucfTesenladefenfcde leur parente, comme les autres faifoient pour celles mefïîics
quinclcurtouchoicnt enrien. R°j»e.] Il parle à la Royne Elifabeth qui la detenoit.comme îay dit,
4 - - FFFfif iiij
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*,7i LE I. LIVRE
prifonniere. Wi,!^,^] C'eftoientde braues Cheualiers erraw, mi. au prix de leur fang
J--.UU1HHC1C. ivçwoi.w», ,v j n *-," fftnt proche parent de Charlcraaignc, donc
vcngeoient le tort qu on faifoit aux Dames. Au refte, Rofanaeuoii piul- t &
ceux de qui Ronfard tance la négligence , defeendent.
Quand voflre belle taille & voflre beau corflage
REGRET A ELLE- # uirefiemble aupourtrait d'vne celefte image:
M E S M E.
Quand vosflages propos , quand voflre douce
E iour que voflre voile aux
VOIS
Qui pourrait efmouuoir les roéJjers& les bois,
vents fie recourba, Las ! ne font plus icy : quand tant de beauté^
Et de nosyeux pleurans les vo- rares
lires defroba, Dont les Grâces des Cieux ne vous furent
fe iour, la mefime voile emporta loin de Frace auares
Les Mufes quiflouloientyflaire demeurance, Abandonnant la France ont d'vn autre coflé
Quand l'heureufi Fortune icy vous arrefloit, ' L'agréablefujet de nos vers emporté!
Et le Sceptre François entre vos mains eftoit. Comment pourraient chanter les bouches des
Depuis, noflre Parnaffe efl deuenuflerile, To'étes,
SaJaune maintenant d'vne bourbe diflile, Quand par vofire départ les Mufes fiont
Son Laurier efl fiché,flon Lierre efl defiruit, muettes f
Etfia Croupe iumelle eft ceinte d'vne nuiél. » Tout ce qui eft de beau neflgarde long temps:
' Les Mufies en pleurant ont laifiénos mon- Les Rofes & les Lis ne régnent quvn Prin-
taignes : temps :
Que pourraient plus chanter ces neuf belles xAinfi voflre beauté, flulement apparue
compagnes , QuinZe ans en noflre France, efljoudain difi
Quand vous, leur beau-fùiet, qui les faifoit parue,
parler, (fomme on voit d'vn eflclairfléuandùir le trait,
Sans effoirde retour efl daignéflen-aller? Et d'elle n'a laifiéfinon que le regret,
Quand voflre Majefléqui leurdonnoitpuifi-
fiance,
A trenché leur parole auecque fon abfince t
Sinon le defflaiflr qui me remet fans ceffe
Au c lefouuenir d'vne telle Princesse,
Ha , que bien peu fenfaut que remply de
Quandvoflre belle léure,où Nature pofla flureur,
Vn beau iardin d' que Tithon arrofla Voyant voflre Deflinje ne tombe en l'erreur
De Neélar & de miel, quand voflre bouche De ceux qui ontpenflequauplaiflr de Fortune
pleine (e Mode eflgouuerne fansprettoyace aucune !
De perles,de rubis,fy d'vne douce haleine : Ciel ingrat & cruel, ie teprï reflfons-moy,
Quand vosy eux cfloile?,deux beaux lo- RcfJons,ietefluppli,que te fit noflre R O Y,
gis d'Amour Auquel,fi ieune d'ans, tu as trenché la vie f
Qui fleroient d'vne nuiél le Midi d'vn beau Que t'a fiait fon Effoufifa qui la palle enuie
iour, ^A defrobédes mains le Sceptrefi fiudain,
Etpénétrant les clurs , pourroient dedans les Pour veufiue l'enuoyer en fon pais lointain,
a?nes En la fleur de fon âge , ayant efimeu contr elle
DesScythes imprimer la vertu de leursfiâmes: Et contre fia Grandeurfia terre naturelle ?
Quand voflre fiont d'albaflre ^ l'or de Orfi les hommes nai% entre les peuples bas
vos éheueux D'vn c pefiant O1 lourd qui ne reflfle pas,
' Annele^ & treffe%, dont le moindre des nux Auoient fiouffert en l'ame vne moindre partie
Donteroit vne armée,& feroit en laguerre De la triftejfè,helas ! quefemme elle aflentie,
Lors des mains des foldats tober lefer à terre: Ils firoientfirmonte^ depeine& de douleur,
Quand cetyuoire blanc qui enfle voflrefein,
Qjiand voflre longue & grefie Cr délicate
et vaincus du Deftinfieroietplace au malheur:
Où cefie noble R o y N E& haute & ma-
main, gnanime,
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D E S P O Ë M E S. nn
Dont lecaur généreux par la vert*fianime, De ceux qui font au Ciel, ejbuifafi d'vne
Ne ployant flous le mal, d'vn courage in- poupe
* °nt6ir ç . , Toute l'eau de la mer: lors à pied fec i'irois
Commeferme b confiante aie malfiurmontê, Du riuage Français au riuage Efcoffois,
Et na voulu fiouffrir que Fortune eufl la Et marchantfieurement fur les blondes areil
§oire .nés,
D'auoir en l'affaillant fus elle la viéloire, Sans eflre eflouuenté des hideufes Baleines,
Portant vn ieune cnur en vn courage vieux, Jevoirrois les beauxyeux de cegentil Soleil,
De i Enuie & du Sort toufiours viélorieux. Qui neJçauroit trouuer au Mondefin pa-
Tu dois auoir, Eficoffe , vne gloire éternelle
Pour eflre le berceau d'vne Roynefi belle :
reil.
Mais puis qu'il nefl permis de forcer U
Carfoit que le Soleil en bas flacejejour, Nature,
Soit qu'il le flace en haut,fion nil tefiert de Et qu ilfiaut que la mer de vagues nous emiour.
mure,
Auffi toute beautéquiria nyflnny terme,
isiux Ifles prend naiffance , & non en terre
Pour la pajfer d'vn coup en lieu
vaiffeaux,
de grands
ferme. Venuoiray mes penfers qui volent comme ai-
Diane qui reluit par l'obfleur de la nuit, fléaux.
Et quipar les florefls fles Moloffes conduit, Par eux ie reuoirrayflans danger a toute heure
En Delos prit naiffance, & lagentille mere Cefte belle Princeffe & fla belle demeure: <
Des Amours emplume^ nafiquit dedans Cy- Et là pour tout iamais ie voudray feiourner,
tnere: Car d'vn lieufi plaifiant on ne peut retour-
Eficoffe la belleIfie a receu ce bon-heur ner.
De vousproduire auffl,des Dames tout l'hon- Certes l'homme feroitfurieux manifefle]
neur.
Hà , que ie veux de malau grand Trince
Qui voudroit retourner d'vn Paradis celefte}
Diflant que deflon bien il receuroit vn mal,
Neptune !
Trince flerfy cruel, quipour vne rancune
Pour fle voir ejlongnéde flonpais natal.
La Nature a touflours dedans la mer loiri^
Qjfil portoit à la Terre, auecque flon Trident taine,
Alla de tous cofle% les vagues répandant, Par les bois,par les rocs, fous les monceaux d'à-
Stpar deflpit cacha preflque de noflre mere
Tout le fiein fiuélueux fious la marine amere,
reine
Fait naiflre les beauté^, & n'a pointa nos
Appetiffant fis bords,puis en les efiartant
£n Jfles, dans fla mer les alla replantant :
yeux
Ny a nousfiaitprefent défies donsprécieux :
Et pour n eflre jouet ny des vents ny des on- Les Perlesjes Rubisflont enfans des riuages,
des, Et touflours les odeurs font aux terresflau-^
Leurs plantes attacha fous les vagues pro-
fondes ,
D'vne chaifne defler feulement à Delos
uages.
AinfiD i E V qui afloin de voflre Royauté,
Afiait ( miraclegrand ) naiflre voflre beauté
Permit en liberté de courir fur lesflots. Sur le bord eflranger, comme chofle laifiée
le voudrois bien qu'vn Dieu, leplus grand Non pour lesyeux de l'homme, ainçois pour
de la troupe lapenfée.
MARCASSVS.
Le iour weyotire >//

«74 LÈ L LIVRE
arbre, d'où vient que les Anciens ont creu, que ceux qui en mafchoi^
LifczieScholiaftedcLycophrontoutau commencement de fa Cafiandre. Son Lierre j Appliquez es mcU
t.iiczieacnoiiaiicuci.y-.wt- «rf^rhez aue Bacchus, a qui il eftoit confacre, eftoit
meschofes prefque que i'ay dites duLaunerau L'«re^ ^^oe » 1 ajnfi ,
auffi bien Dieuides Poètes que des y «?.nBne»' , '^ 3 ^"^^ ] Comme certains Philofophes
nar es Grecs de leur verbe, qui fignifie perfuader. pe ceux f» ont ? \ j p1"-*
euenerrdetouSÔTesau
hazard&àla Fortune: de laquelle opinion parle auffi Claudiar.tout au commen¬
C insf defquels Pa le Ciceron en fes liorcs de la Nature des Dieux , qu. attr.buo.ent la condu.tc * 1
cement, fi ie ne me trompe, du Poëme qu'il a fait contre Eutropius. Noflre W\ François II. Son E^
Sarie Smart. DeU ] Cefte Ifle, comme ont creu tous les Poëtes . fut errante mfques a ce que Iupiter 1 af.
ferrait en faueur des couches de Latone.
FANTAISIE, A ELLE-
M E S M E.
len que le trait de voflre belle
face,
Peinte en mon c'ur parle temps
ne f efface,
St que toufiours ie le porte imprimé
(fomme vn tableau viuement animé :
I'ay toutefois pour la chofi plus rare
(Dont mon eftude e$r mes liures iepare)
Voflre fèmblant quifait honneur au lieu,
Comme vnpourtrait au Temple de fion Dieu.
Vous nèfles viue en drap d'or habillée,
Ny lesjoyaux de l'Inde dejfouillée ,
Riéhes d'efinail, fy d'ouurages , nefont
Luire vn beau iour autour de voflrefiont :
Et voflre main des plus belles la belle,
N'a rien finon fla blancheur naturelle,
St vos longs doigts, cinq rameaux inégaux,
Nefont pompeux de bagues ny d'anneaux,
Et la beauté de vofire gorge viue
N'a pour carquan que fia blancheur nai'ue.
Vn crefpe long, fubtil, & délié,
Ply-contre-ply retors & replié,
Habit de dueil, vous fert de couuerture
Depuis le éhefiufiques à la ceinture ,
Quifienfle ainfiqu'vn voile, quand lèvent
Soufle la barque, &lafingle en auant.
De tel habit vous eflie% accouflrée
Partant, helas ! de la belle contrée
Dont auie^eu le Sceptre dans la main,
Lors quepenflue, & baignant voflreflein
Du beau cryflal de vos larmes roulées,
Trifie marchiez par les longues allées
Dugrand iardin de ce Royal Chafleau
"m, prendflon nom de la beauté d'vne eau.
Tous les chemins blanchiffoient fious vos
toiles,
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Ainfi qu'on voit blanéhir les rondes voiles,
Etfi courber bouffantes fiur U mer,
Quand les forçats ont ceflé de ramer:
Et la galère au gré du vent pouflée
Flot deffur flotflen-va toute eflancée
Sihnnantl'cau&flaiflant d'vn grand bruit
Tiroiietter la vague qui la fuit.
Lors les rochers, bien qu ils n euffentpoint
d'ame,
Voyans marcher vnefl belle Dame,
Et les deflerts Jes fiablons & l'eflang
Où vit maint Cygne habillé tout de blanc,
Et des hauts Pins la cyme de verd peinte,
XJous contemploient comme vne chofieJàinte]
Etpenfioient voir (pour ne voir rien de tel)
Une Deeffe en habit d'vn mortel
Se promener, quand ïxAube retournée
Parles iardins pouffoitla matinée,
Et vers lefoir, quand déjà le Soleil
A chef baiflé fien-alloit au fommeil.
Droit au deuant de voflre pourtraiture
I'ay mis d'vn Roy l'excellente peinture
Bien ieune d'ans, qui iamais n'eut le eau*
Ny l'eil blefiéd'amoureufi langueur:
Et toutefois a luy voir le vifage,
Chacun diroit qu'il aime voflre Image,
Et qu'allumé des rais de voftre iour,
Il fe conflume fy fefcoulc d'amour
En fa peinture, & que fin pourtrait mefme
(fomme amoureux en deuient floid& blefine.
On iugeroit qu'il contemple vosyeux
Doux, beaux , courtois,plaifàns, délicieux,
Vn peu brunets, où la délicateffe
Rit , non aux verds quifontpleins de rudeffe]
Aujflles Grecs, en amour les premiers,
Ont à Pallas Deeffe des guerriers
Donné l'il verd, çyle brunaCythere,
C«mme d'Amour & des Grâces la mere.
Luy donc épris d'vn viflage fi beau
Où vit Amour, fon trait, & flon flambeau]

DE S H Y M N E S.' i'7*
Enfonpourtrait vous dirie^quilfoufiire, Mais dequoy fert, o Royne, de me plain-,
Et que muet ne vous ofle rien dire.
dre,
Tource voyant mon Maiflre en tel ennuy, Puifiqu'à mon bien ie nefiçaurois atteindre t
le fuis contraint de raifonnerpour luy,
Parlant ainfi: 0 amefortunée,
Qjui acheuas le cours de ta 'tournée
Prefique en naiffant,$r qui bien loin d'icy
Vis dans le Ciel deffeflré du floucy,
Que ie fienty comme vn cruel orage i
Le mefme iour que haflant ton voyage
Tu vins là haut pour viurefins douleurs,
Me laiffantfiul entre mille malheurs,
D ont ien'auois,pour eflre en mon enfance,
Ou bien petite, ou nulle cognoiffance,
Et qu auiourd'huy griéuement i'apperçoy
Depuis que l'âge a commandéfur moy.
Las! tout ainfl, belle amefraternelle,
Qfifefiant voléflur la voûte étemelle,
Mefleis Seigneur du Sceptre des Gaulois,
Que ne m as-tu de celle que ie vois
Fait en mourant héritier de ta place,
Pour embrajfer cefie brûlante glace ,
Dont la froideur qui le crur ma blefié,
Vaut tout ïhonneur qu'icy tu m'as laiflé f
Car Sceptre, Empire;& puiffante Couronne
Ne valent pas le mal quelle me donne :
Mais pourquoyflens-ie en mon âge imparfait
Auant le temps le malquelle me fait f
Le ieune Amour, qu'aufond du caur ie
porte,
M'apprend d'enfance à viure en telle forte,
Qui de fies dards, des hommes triomphans,
Bleffle d'vn coup & vieillards (fy enfans:
Mais plus l'enfiant , lequel déjà commence
Porter la fleur déjà blonde iouuence
Sur le menton : & qui commence auffi
Porter au fiont vn amoureuxfiouci,
Ayant lefiangplus chaud que de couflume.
Le grand Amour qui les Princes allume,
M'afiait fentirau csur deuant le temps
Ce quvn greffier nefint qu'à cinquante ans,
En mefaifant amoureux deuant l'âge
De vos vertus & de voflre viflage.
Puis ilfaudroit que kfuffevn rocher,
Si viuement iene fientois toucher
Devosbeauxyeuxmon ame toute efimeuë,
Puis que fi belle icy ie vous ay veut'
Royne & mafleur,$ d'vn regardfi dous
Tirer nos csurs &nosyeux après vous.
Laparenté, l'alliance qui efl
Entre nous deux ,griéuement me dejblaifl.
Ce nom defour charitable m'outrage:
fe voudrois eflre ou moindre de lignage,
Ou moindre en tout: lors iepourrois guarir
Qemal d'Amour dontil meflaut mourir.
Ha ! fiere mien, tu ne dois flaire plainte
Dequoy ta vie enta fleur efl efeinte :
Auoir joiiy d'vne relie beauté
Sein contre fein , valloit ta -Royauté,
Et tout le bien quvn grand Monarque 4-
maffe:
Vn tel plaifir toute richeffe paffe,
Et feulement il n'appartient qu'aux Dieux
D'ofier penfer combien peuuent fesyeux.
De tels propos ie parle pour mon Maiflre,
Qui faitJèmblant en fon Image d'efire
Plein de fioujpirs , fy vaudroit fiefforcer:
Mais hors des dents la voix ne peut pajfer]
Le mort tableau luy ofle la parole,
St la peinture en larmes toute molle
Sn deuientpalle , & retient la couleur
De l'amoureux tout palle dedouleur,
Qui fle tourmente , $y parfioujpirs defirc
Eflre entendu, &fînc le peut dire.
Vous d'autre part faitesJèmblant d'auoir
En gréfi plainte ,($fdela receuoir,
Etï appellant luy ouurir de vos villes
Les riches ports &lesHauresflertiles :
Mais cefte mer qui s'ejpand entre-deux
D'vn large champ efeumeux fy ondeux,
Vous porte enuie, $f ne veut point, cefiem¬
ble,
Que fioyeT ioints par mariage enfiemble.
Etctuefl-il rien plus cruel que la mer,
Mer qui fion nom a defrobé d'amer f
Vous n'eftes feule à qui cefle marine
S'eflfiait cognoiflre enuieufle &malinc:
Hero le flçait, Helles,fy cefle-là
Que le Taureauflur fia croupe en-vola,
Quifut Princeffe en JonTrintempsfi bellet
Que noflre Europe a porté le nom etelle.
le fuis marryque la douce Venus
Nafiquit desflots d'efiume tous chenus:
Slle d'Amour la compagne Cr la mere,
Digne riefloit d'vne naiffance amere,
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-C
n7r_ < LE L LIVRE
Des flots couuerts d'horreur& de péril, Ceft pour monftrer que l'Amour efttrom-
Mais deuoit naiftre au Printemps en Auril
D'vn préfieury , près d'vne eau ga^oml-
peur,
*Amer, cruel,plein de crainte& de peur,
ldnte Comme celuy qui porte en fies mains clofies
Deffous la mouffe , & non de la tourmente. Tins de chardons que de lis, & de rofes.
MARCASSVS.
Bie»*tu le traiît } Il deferit fon départ en EfcofTe , le defplaifir qu'il en fent, auec toutes les chofes qui en ce
Royaume auoient ioiiy de fa douce prefence. Il y méfie les regrets de Châties IX. qui fe plaint de ce que
l'Amour la luy a fait trouuer fi belle* fi aimable, la loy luy en défendant la lomfTance. _ Semblant ] Vont,
pourtrait. Del'lnde] Il entend les perles* les autres pierres precieufes. d-

DES POEMES. 1I77
Soûl defoy-mefme: & que mefmefia vie, Se trouuant fiul, $pleurant par les bois
Comme pefant a fin corps , luy ennuyé, La trifie mon d'vn Prince& de deux RoU<
auoit efté Page.
MARCAS SVS.
REGRET, yeux,
Amour de fies beaux traiéls luy compofia les
Et les Grâces,qui font les trois filles des (jeux,
A L'HVILLIER PARISIEN, De leurs dons les plus beaux cefle Princesse
Pour elle- mefme. ornèrent,
'H V I L L i E K, fi nous perdons nerent.
Et pour mieux lafieruir les Cieux abandon-*
cefle belle Princesse^ Si fia belle peinture au moins nous demou-
Qui en vn corps mortel reffemble roit,
vne Deeffe, Snfien- allant de nous toute ne flen-iroit,
Nous perdons de la Cour le beau Soleil qui Et aurions le plaifir du Jage Roy Protee
luit, Qui d'Heleine retint la figure empruntée :
Dont iamais la clartén'a tirévers la nuit, Mais elle fien-va toute, & ne laiffé finon
Mais toufiours en monflrant fa Jflendeur Le trifle fouuenir qui refie de fion nom,
couflumiere, St le regret de perdre vnfi diuin vifage,
^4fait contre le iour paroiflre fia lumière. Qui captif retiendrait vn cuur le plusfau^
Netefiouuient-il point des longues nuiéîs
d Hyuer,
uage.
Le iour que ie voirrayfin départ appro-
Oùnulle Sfloille au (fiel nefl daigne leuer, cher,
Mais lente& pareffeufle en flon liél eft cachée, Je veuxpour ne le voir deuenir vn rocher,
Quand Tithon enfles bras tientfia flemme cou- Sourd, muet , infinflble, & le long d'vne
chée, plaine
Et le Monde languit en ténébreux fijour, le me veux transformer en l'eau d'vnefon-
En horreur & en peur , pour l'abfience du taine,
iour? Afin de la pleurer comme les Nymphes font
^Ainfi,amy /'H V I L L I E R , nofire four Quand les fleurs hors des pre^ par la Bifie
fiera- telle
Veufiue de la clarté d'vne Roynefi belle;
fien vont,
Ou quandpar vn torrent lesfontaines fefiouiU
Belle en perfeélion : car toute la beauté lent ,
Qui efl , & qui fiera, $f a iamais efté, Ou quand de leur verdeur les arbres fie défi
Près de la fienne efl laide, & la mere Nature pouillent.
Ne compoja. iamaisfi belle créature. Ha Iplufloftie voudrois vnoifiau deuenir
Au milieu du Printemps entre les Lis nafi- Pour mieux ïaccompagner, & touflours me
quit tenir
Son corps, qui de blancheur les Lis mefmes Sur le haut defion coches ou ie voudrois reluire
Comme vne claire Efloille au haut de fi
vain quit,
Et les Rofes qui font du fangd'Adonis teintes, Nauire,
Furent Par fa couleur de leur vermeil dc- S'elle paffoit la mer, b par terre &par eau
toe:' . le n'abandonnerais vn vfage fi beau.
pemts. GGGgr
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n-j$ LE I. L
0ue ne viuent encor les Palladins de
France !
Vn Roland, vn Renaud! ils prendraientfi
deflenfie,
Et l accompagneraient & fleroient bien -heu¬
reux
D'en auoirfieidementvn regard amoureux, '
Qui du grand Iupiter appaiferoit la dextre,
Et encore amoureux ça bas le fierait eflre.
C'eft abus que les Dieux autreflois ay'nt
aimé,
Ils auroient maintenant l'eflomacallumé
D'vne telle Princeffei&poinçonne^ d'enuie,
L'auraient dedans le Ciel pour leur Dame
rauie.
Celle que defiroba le Tïeufl Sidonien,
Que le Cygne trompa, prés d'elle neflont rien:
IVRE
MARCASSVS.
Ny celles que l'on dit par les vers eflimées,
Nefurent en leurs tempsfl dignes d'eflre ai¬
mées.
Seulement la hauteur defon Sceptre luy
nuit :
Amour fimple& naïf les Majefté^ nefuit,
flfluit la Royauté place trop dangereufie,
Ou languitfins efloir l'ejferance amoureufe.
Or aille où le Defiin emmener la voudrai
Touflours deffousfespieds la terre flepeindra
D'vn beau tapis defleurs, les eauxfirontpai-
flbles,
Les vents appaiferont leurs haleines terribles]
La mer fefiera douce, &pour voirfia beauté
Le Soleil effandrafiur ellefia clarté,
^ u- moinsfl le Soleil en la voyant n'a honte
Qu vne telle beautéfia beauté nefiurmonte.
L'millier] life plaint du départ dc cefte belle PrincefTe à THuillier vn de Ces amis ( & dont eft encor 3
prefent la maifon des plus anciennes* des plus riches de Paris) du départ de Marie Stuard, vefue de Fran¬
çois II. Pour tefmoignerlesreffcnrimentsqu'ilade fonefloignement. tantoft il délire eftre vn rocher pour
ne la voir point partir, tantoft vne fontaine pour pleurer fonabfence, tantoft quelque autre chofe infen-
fible : en fin après Tauoir dignement louée il luy promet mille contentements qui luy doiuent arriuer.
^Aâon'u ] C'eftoit vn ieune Prince d'Arabie, fils de Myrrha, dont Venus deuint paflïonnément amou-»
reufe, &qui fut tué parvn Sanglier à la Chaffe. Les Poètes ont feint que les Rofes auoient efté teintes de
fon fang. /{etint la figure ] Paris , félon cefte fiction, s'enfuyant dc Sparte auec Hélène , pafTa chez Protee,
lequel ayant veu cefte belle PrincefTe, pria Paris de permettre qu'il en fit le pourtraict -, ce que Paris luy ac-^
corda. Neantmoins il me fouuient d'auoir leu dans Lycophron* dans fon Scholiafte qu'il retint Helend
mefme & bailla à Paris vn fantofme. Voyez ce liure, vous y trouuerez beaucoup de chofes fur ce fuiecl:.
Le B Sidomen] C'eftoit Europe, que Iupiter rauiten forme de Taureau. Voyez le premier liure des
Dionyfiaques de Nonnus. Que le Cygne ] C'eftoit Leda , mere de Caftor & Pollux , que Iupiter depucelu
en forme de Cygne.
REGRET,
POVR ELLE-MESME.
i Omme vn beau pré dejpouillé de
\ Comme
fiesfleurs ,
vn tableau priué de fis
couleurs,
Comme le (fielfil perdoit fies efloiles,
La merfles eaux, la nauirefis voiles,
Vn bois Ja flueille ,vn antre flon effroy,
Vn grandTalais la pompe de fon Roy,
Et vn anneau fla perle precieufe :
Ainflperdra la France foucieufe
Ses ornemens.perdant la Royauté
Quifutfa fleur ,fla couleur , fa beauté.
Dure Fortune, indontable, $ffélonne,
Tu es vrayment fille d'vne Lyonne,
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Tu vas paffant les Tigres en rigueur,
Tu rieus iamais en l'efiomac de c
D'ainfi traiter vne Royneji belle !
Premièrement , tu l'as dés la mammelle
Affuiettie à porter le malheur,
Lors que fia mere atteinte de douleur,
Dansflon giron, craignant l'armée Angloife,
L'alloit cachant parla terre Sfioffoifi.
A peine efloit finie hors du berceau,
Que tu l'ai mifie en merfur vn vaiffeau,
Abandonnant le lieu defia naiffance,
Sceptre, & parens,pour demeurer en France.
Lors en changeant de courage malin,
La regardas d'vn viflage bénin,
Et d'orpheline enfiemble &d'eflrangere
{ Ha que tu es inconftante &> légère l )
La marias au fils de noflre Roy,
Qui depuis tint la France deffousfiy.

4 _ DES PO EMÈS. itf9
Tuis en l'ayant , o Fortune infinfèe !
Iufiqu'a u flommet desgrands honneurspauffee,
Tu as occis à fleiçe ansfin mary :
Ny plus ny moins qu'en vn iardinfieury
Meurt vn beau Lis quand la pluye pelante
Aggraue en bas fia tefte languiffante,
Ou comme au foir la Rofe perd couleur,
Et meurt fichée alors que la chaleur
Boit fon humeur qui la tenoit en vie,
Et fueille à fiueille à bas tombe fianie.
Sa belle effoufe atteinte defiouci,
Apres fa mort efl demeurée'ainfi
Qu'on voit au bois la vefiue Tourterelle,
Ayant perdu fia compagne fidelle :
Iamais vn autre elle ne veut choi/îr,
Car parla mort efl mort toutfin defir:
Ny prény bois fon regret ne confiole,
Et d'arbre en arbre aupoinél du iour ne vole,
%siinsje cachant dedans les lieux ficrets,
Seulette aux vents racontefis regrets,
Se paifl defiable, & fins amy fie branche,
En fiouffirantfiur vne feichc branche.
Fortune helas! neflùjfifbit-il pas
De l'offenfer d'vn fi piteux treffas,
Sans luy remplir diuerfiement fia terre
D'opinions, defiéîes , & deguerref
Banderfion peupleaux armes tant prifié
Auant qu'ilfiufl parfiéles diuifiét
Si la fureur de tes mains tant cruelles
Ont tel pouuoirfiur des chofisfi belles,
Si l'équité, la bonté, la pitié,
Porter au vice extrême inimitié,
Si la vertu, la chafieté de vie,
N'ont peu fléchir ny tonfort nyl'enuie,
Qriejferons-nous de nos humanité^ ?
Le Ciel d'airain, logis desDeïte?\
Nefl affleuré ,fis Dieux ny fies Deeffes,
Puis qu'icy bas nos diuines Princejjes,
Qui te deuroient aux larmes imiter,
Contre ï ennuy ne peuuent refifler.
Tu ries encor ,o Fortune, contente:
Ta cruauté noflre douleur augmente,
Sn nous voulant priuer défies beauxyeux,
MARCASSVS.
Yeux quifiont honte aux eftoilles des (jeux:
Nous defirobant cefle beauté diuine,
Pour la donner auxflots de la marine*
Tuiffe la mer U terre deuenir,
Puiffe la Nefl comme vn rocher tenir
^Au bord de l'eau, de peur quelle n'emporte
Vn corpsfi beau qui noflre âge conforte,
Qefle beauté, honneur de noflre temps,
Qui rend les Roys (§f les peuples contens.
Ha ie voudrois, Eficoffe , que tu peuffes
Errer ainfique Déle:& que tu rieuffes
Les pieds ferme? au profond de U mer ï
Ha ie voudrois que tu peuffes ramer
Ainfique vole vne barque pouffee j
De mainte rame à fles flancs efiancée, j
Tourt enfuir longue ejpace deuant
Le tard vaiffeau qui t'iroitpourfuiuant,
Sans voir iamais fiurgir à ton riuage
La belle Royne à qui tu dois hommage.
Puis elleadonc, qui te fuiuroit en vain,
Retourneroit en France tout feudain
Pour habiter fin Duché de Touraine:
Lorsdechanflons i'aurois la bouchepleine]
Et en mes versfi fiort ie la loii'rois,
Que commevn Cygne en chantant icmour-*
rois.
Pour mon obieél i'aurois la beauté d'elle,
Pour mon fiujet fia confiance immortelle : j
Ou maintenant la voyant abfienter,
Rien que douleur iene flçauroy chanter.
Sus mon flouffir, plainte de noir veftu'ê,
Monte au plus haut d'vne roche pointue^
Cherche les bois des hommes fepare^,
Fuy-ten aux lieux qui fint plus efigareT,
Et en pleurant à l'entour des riuieres,
Raconte aux vents que ie perdy n'aguieres
Vne Maiflreffe, vne perle de prix,
Et vne fleur, lafleur des bons eflprits,
Vne diuine $ rare Margverite
Qufipour la France en la Sauoye habite,
Et maintenant vne Royne iepers,
Qui fut l'honneur de France & de mes
vers.
Cotnme ")>nhtau pré] Noftre Poète charmé des beautez incomparables, * des rares qualitez de cefte
PrincefTe, ne fe peut tenir de déplorer toutes les difeourtoifies que la fortune luy a fait rcfTentir, tant cn fon
enfance qu'en la perte de fon Roy ; monftre comme par fon abfcncc les chofes les plus belles du Monde
GGGgg if
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«So LE ï. LIVRE
r . ui- miracle, oafTent en leurs contraires, fnefioyne]
perdantleurgrace&leurornementparvnefpouuentable miracle, p Ceft Henry II. Vnbeaï
Ceft celle PrincefTe dont nous auons parle , femme de Franco IU J AM ^ ^ ^ dc ^ ^
^ ] Si ie ne me trompe cefte compara.fon eft nree de-Virg£ > "J T ^..^ ^.^
deux grands am.sN.fus & Enryalus. * //< 1 Dele eftoit vne Ifle flotante danslamer fcgee, qu

DES POEMES. ,i8î
Vis avis de ce Pape engraue^en orfin Des laboureursfraude^le Cielgafle lespeines^
Treffailloient d'allegreffe EvsTACHEdr » Haletant dans l'acier , Antée fut em-
Bavdovin, premt
Etle Comte de Flandre, &faifoient de leur Surle haut de la crefle.horriblement eflreint ,
teJ*e Des bras courbe^ d'Hercule,ô" luy quifi tra-
Vn figne d'obéir àfia iufle requefte. uaille
La le Duc G ODEFro y d'vn art laborieux D'efichapperhors du ply defidure tenaille,
Embofié dans l'acier, vendoit deuotieux Enfle fies nerfls en vain, $f tout accrauanté
Verdun, Mets , & Buillon, (§f d'vn braue Encorflur vn genouilfoiblefie tientplanté:
courage
Ainfiqu'vne tempefle amenoit vn orage
Puis tout à coup il tombe, eydefi vueule bée
Defigorge vn panonceau.Puis ilprintflon efpee
Defloldatstous arme%: lefier quigemiffoit Auflambant émery : lefourreaufiut d'vn os
Sous le pied des cheuaux d'effroy s'y heriffoit. D'Eléphant Indien, marquetéflur le dos
Autour du corfilet,deffus lesfeintesplaines De barbillons courbe%, & fit dague guer-
DelOcéan voguoient trois cens nauiresplei- riere
nés Plus que l'aflre deMars ejpandoit de lumière]
De (fheualiers croifi?: d'autre coflé le bord Apres qu'ileut défier tout fon corps reuefiu, '
Dupayen Corborant rougiffoit de la mort.
Là vaincus fefleuoient en graueure boflée,
Branlant la pique au poing aiguifa la vertu
Défis noblesfioldats , & d'vn cnur magna-
Lesgrands murs d'Antioche , & les murs de nime
Nicée, Par ces vers Tyrteans au combat les anime :
(feuxde Tyr&Sidon, fylàce GoDEFROY Sus courage , Soldats,jus fus , monflre^-
De toute la Iudée efloitpeint comme Roy.
Tuisilfiaifit après fa merueiUeufie targe
Forte, maffiue, dure, en rondeur auffi large
vous or
De la race d'Hercule, & de celle d*Heéîor:
Hercule après auoir 12ff aigrie furmontee
Qtfeflvn Soleilcouchant, où du fils d'Ariflor Vint en Gaule ejfoufir la Royne Cjalatee
Efioientgraue? lesyeux en cent efloilles d'or. Dont vous eflesyflflus.puis le Troyen Francus
Deux couleuures d'acier dos à dos tortillées Seul héritier d'Heélor quittant les murs
Tramantdedans lefer leurs traces efiaillees, vaincus
' Couroient le long du bord,qui d'vn colreplié D'llion,vint en France , & la race Troyenne
Reffembloient de couleur à ceft Arc varié Méfia cent ans après auec l'Herculienne.
Que Iupiter attache au milieu des nuages Pource amis , prenez c , imiteT^ vos
En voûte , pourfieruir aux hommes de pre- oyeux:
fiages. Encore Diev nous aime, encore D I E vfies
Du milieu de l'eficu Gorgonefiefleuoit yeux .
cBorgpoyant renfiongné', qui trois teftesauoit Na deflournéde nous ny de noflre entreprife,
Naiffantes d'vn feul col, & de chacune tefte,
éGrongnate,vomiffoit lafoudre & la tempefle.
Ainçois plus que deuant la Gaulefauorifi :
La Çaule ilfauorifi & fauorifira,
Là, commeRoy de Naple, efloit emburiné Tant que noflre bon Royfiongouuerneurfiera".
Charles Comte du Maine , & le bon Donques ne craigne^ point tel peuple de '
%vRene', gendarmes:
Et tous les vieux combats que la maifion Mais chacunfefiant plus enD i ev qu'enfis
Lorraine
kAfaitsfiur le tombeau de l'antique Seraine,
armes,
Droit oppofefia pique au deuant du guerrier
Apres ilfaffublad'vnmorionbriUant Qui viendrafur la brèche au combat le pre-
Commevn long trac dejeu, qui des champs
va pillant
mier:
Qhacun de vousf arrange en bon ordre enfi
tes efbics déjà meurs , lors que parmy les
fjffa
place»
St prodiguantfia vie aprèsfia mort la face
* .
~~
GGGgg iij
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tîSi LE L L
Plus claire que le iour : vous riefles pas, Soi-*
Jars,
Ignorans de garder la brèche des rempars,
ëtles murs ajfiege? d'vne effroyable bande:
Encor il vous fiouuient des murs de la Mi-
rande
Et de ceux-là de Parme, & vousfiouuient
auffi
De ceux-là de Peronne, & ceux de Landreci,
Où tous les ennemis qui vosforces tentèrent,
Rien jïnon des- honneur che? eux ne rempor¬
tèrent.
Nul n'aura par mes mains recompenfe ny
prix,
Sifin lieu le premierflur la brèche il n'apris,
Fuft-il beau comme vn Ange ,&par deffus la
trope
Apparufl-il horrible en vn corps de Cyclope:
Surmontaft- il au cours le vent Threïcien,
St de riches trejors le grand Roy Phrygien,
Eufl'il le bras de Mars, la langue de Mer¬
cure,
Et jefiufl tout le Ciel & toute la Nature
Empefche^ pour le faire accomply de tout
point,
S'ilriefl braue au combat ie ne l'eflime point.
Nonje n'ignore pas qu'vne belle viéloire
D'âge en âge coulant rieternifi lagloire
Des hommes combatans,foient ieunes oufoient
vieux,
Et de terre enleue^ ne les enuoyeaux Cieux.
xJMais certes Enyon la guerrière Deeffe
Centfois plus que les vieux efiime vne ieu¬
neffe
Qui brufle de combatre,($f qui nefiait encor
A l'entour du menton que iaunir d'vn poil
d'or.
Cefte ieuneffe-là mordantfis léures d'ire,
Et grinçant defiureur, àjoy- mefmes inffire
Vne ame valeureufe, & fiente dans le cnur
Je nefçay quel effort qui defdaigne la peur.
Cefte ieuneffe-là toufiours braue feffaye
Défie voir entr- ouurir l'efiomac d'vneplaye,
Combatant lapremière, £r mieux voudroitfe
voir
Mourir de mille morts qu'au dos la receuoir.
Ceft vergongne de voir couchéflur la poufi
fiere
Vn ieune hommefuyant naurépar le derrière,
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IVRE
^Ayanthdos béant d'vîceres apparens:
Celuy vray ment honnitfes fils & fes pa¬
rens, *
Longue fiable dupeuple& la cruelle Parque
Taffle Ion nom &luy dans vne mefme bar¬
que:
Mais celuy qui premier s'oppofant à l'effort
Des vaiUans ennemis meurt d'vne belle mort,
Tenant encor au poingfia picque vengereffe ;
A l'heure qu'on l'enterre, vne dolente preffe
Chantant du treffafié la gloire & les va¬
leurs,
Réchauffe le corps floid d'vne tiède eau de
pleurs.
» Jamais des maflesc les louanges ne meu¬
rent,
» Et lesfils de leurs fils touflours loiïezdemeu-
rent
» (fomme Dieux au vulgaire, (^ touflours
renomnte^
» Demeurent leurs tombeaux de millefleurs
fieme%.
Si quelquvn de la troupe en combatant
euite
La mort cent fois cherchée, &qu enfiemble il
incite
Son prochain compagnon à éhoquerviuement.
Ou vrayment à mourir l'arme au poing bra-^
uement,
Le peuple par la rué honorera fia fiace,
Et venant au Sénat éhacun luy fiera placé
L'honorant comme vn Dieu,& n'aurafin
pareil,
Tremier en la bataille &premier au confeil.
Le couard au contraire enlaidy d'vne
honte,
Nefiera rien finon vn populaire conte,
Et peut- eflre banny de fin pais natif, .
Pourfa coiiardeté vagabond & fuitif,
T ortant fes fils au col, d'huys en huys ira
querre
Son miflerable pain en quelque efirange terre,
St de haillons veflu, &priuéde bon-heur,
N'ofera plus hanter lesgens dignes d'honneur."
Etfia race à iamais , fufl-elle décorée
De nobles bifiayeuxffiera deshonorée.
Pourcefiaites-vous preux : bien qu'il fioit
ordonné
Du naturelDeflin que tout ce qui efl né

DES POEMES.' 'u%
Vefiu d'os & de nerfsfiait quelque-iour U Commeil a démarqué les tomes le la France
Proye
De la Mort mange-tout , & que mefmes à
Pour lesplanterplus loinpar lefier défia lance:
Commeil a reconquis nosforts fiur les Anglais,
fûye
Achille & Sarpedon enfans des Dieux n'ont
Et comme Luxembourg obéît àfis lois,
Et comme toutleRhin effrayéde fes bandes
PM Le confieffa feigneur défies eaux Allemandes.
Non plus que fit Therfite euité le treftas. Puis vousfiuuienne auffi que cegrand Empe-
Mouron,mouron>amis,ilvaut mieux pour reur
défendre ^ Ne nous tient affiege"?^ que par vne fureur
Nous & noflre païs l'ame vaillante rendre, Naiffant de défieffoir d'auoir veu noflre
L'ame vaillante rendre au deffus du rempart, Prince
D'vngrand coup de canonfiauffe?fie part en Si auant maugré foy maiflriferfia Prouince:
part, Vousfiuuienne,Soldats-en quelleaduerfité
Ou d'vn grand coup de picque accourcir no- Seroit réduite, helas ! cefle belle cité
flre vie,
Que languir vieux au liél matte% de maladie.
Si vous la laiffé? prendre, & combien violées
De filles on verrait, & de maifions volées,
Courage donc, Soldats , ne craigne^ point Et combien de vieillards parles cheueux gri-
la mort : fins
» La Mort ne peut tuer l'homme vaillant ô* Seroient trainé? dehors de leurspropres mai¬
fion : fions,
La Mort tant feulement par les combats Et qui pis efl,Soldats, que defiâmes éprifies
vient mordre Enfiammeroient d'autels,de Conuents & d'Sle
nefiay quels couards quirioflent tenir ordre. $ffes;
Tene? donque bon ordre, ($f garde% voflre Quipour deflourner d'eux tant de maux inranc,
Preffe? l'vn contre l'autre, & colle?fianc
humains,
Ont commis leurfalut à l'effort de^uos mains"!
àflanc, Ne lesfiaude^doncpoint d'vne telle ejferace,
Pied contre piedfiché,&tefle contre tefie Monftrant à l'Espagnol quelles mains a la.
Bataille^brauement,& crefte contre crefte.
Tienne le Ganonnier le can on commeilfiaut
France,
Et que Fortunefiemme aime mieuxpar raifin
Droitement contre ceux qui viendront à l'afi- Vn ieune Roy vaillant , qu'vn Empereur
faut:
Brefque chacun de vous à fion eflat regarde,
grifon.
Orfl quelqu'vn de vous m'apperçoit le vi-
Le halebardier tienne au poingfla halebarde, fiage
La pique le piquier , & le haquebutier
Couché plat fur le ventre exerce fin meflier.
Tantfioit palle depeur, oufaillir de courage,
le ne veux qu'enflattant il me vienne excufir,
Et vousfPrinces du Sang, de qui la noble Ains ie luy veux donner congé de m accufir
race ( Ce que n'aduienne, o D î e V / que l'vn de
Dés k premier berceau vous inflfire vne au- vous me face )
dace (far ie ne veux icy,non,non, tenir la place
De mefirifer la Mort, ce riefl pas vous qu'il D'vn Princefeulement, mais d'vnfimplefiol-
faut
Animer comme vnpeuple à qui le caur défaut
dar*
Couchétout lepremierfur le front d'vn rem-
Voyantflamber lefier : voflre natif courage
Mieux que moy vous enfiigne au Martial
part.
Ainfiparla ton Frère injfirantau courage
ouuraçre. Des fiens,vne pro'ùeffe, vne horreur, vne rage
Jeparle à vous,Soldats, mette^ deuant vos De combatre obfline^ :flon panachependant
yeux Terriblement courbé par ondes defiendant
De noftre nouueauRoy lesfaits viélorieux: Sur le dos eflcaillé, du haut de la tenace^
/ J ~ GGGgg HiJ
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^94 LE L LIVRE
Effroyoit l'Elhamol etvne horrible menace. Du tout defifferé de fortune meilleure,
Comme vn brandon de feu le rond defin Tourna le dos honteux: tant pour noftrefia-
bouclait'
Eclataitparmy l'air vn monflrueux eficlair, Le magnanime ciur de ton Frère valut !
Nanautrementqu'onvokvnerougeComete Surles bornesde Gaule affrontantfa ieuneffe
EnftamertoutleCieU'vnecrineuficrette: Auxdejfeins plus rufi^delagrifevieiUeffe
Ou tout ainfi qu'on voit flamber le Sirien D'vn fl caut Empereur. Io Prince
Au plus chaud iour d'Eflé, quand la gueule
fa çfoen
Lorrain,
Sncore quelqucsflois de ma trompe d'airain
Allumant tout le (fiel d'vneftameche forte, leflonneray tes faits d'vne longue Iliade:
Aux bommes,$ lafioifi,& lesfleures apporte. Car ceux-là de Tericle& ceux d'Alcibiade
Voy donc, Prélat, que vaut vn vail- N'égalent tes honneurs,ny le braue renom
lant conducteur ! De celuy qui d'Ajrique emporta le fiurnom,
L'Empereurfiiffonna d'vnefifroide peur Ny ton ayeul qui veit au Jourdain fis ar-
Voyant ton Frère armé, que fiur l'heure,fiur mees
l'heure Se couronner le front de palmes Idume es.
MARCASSVS.
Quand Charles) Cefte pièce eft enl'honneur de François Duc de Guife , qui fouftint le fiege à Mets, con¬
tre Charles le Qujnt. La principale partie confifte en ladefcription du Bouclier de ce grand Capitaine, fur
lequel THiftoiredc Godefroy de Buillon, duquel la maifon de Guife defeend, eft defcrite. Son Outre J
C'eftoit la deuife de Charles le Quint. A fçauoir , les deux Colonnes d'Hercule auec ce mot , vitra. Apres
qu'il eut efté contraint de leuer le fiege dc deuant Mets on fit des vers Latins fur cefte deuife : à caufe qu'il fiit
arrefté à Mets , lequel cn Latin eft equiuoque auec des termes. Hongrie ] Il en eut beaucoup de gens , à caufo
que fa foeur Marie en eftoit Royne. Mymores] Il entend les Efpagnols, tant parce qu'ils fontbafanez ea
efTe_t, que parce qu'ils font méfiez dc ces gens-là,depuis que les Mores fe faillirent d'vne grande partie de l'E-
lpagnc. Tethys] C'eft la DeefTe de la mer, &fe prend pour la mer mefme. //frit fis, erc] Il imite Ho¬
mère en cecy, lequel fait armer Paris* les autres Princes, deferiuant par le menu tout leur attirail. Croifettet
«"or] A fçauoir, les Croix de Lorraine. Tar lignes rayonné] Rayé d'or & d'argent. C'eft ainfi que Virgile,
deferit les armes dcsfoldats d'£nec,fiie ne me trompe. Pape Frbain ] C'eftoit le Pape , fous lequel Gode¬
froy de Buillon fit IaCroifade. Euftache o* Baudouin"] C'eftoient deux fils de Godefroy qui vendit Mets,'
Buillon & Verdun qui eftoient dc Lorraine , pour faire la Croifade. ^tntioche ] Ville de Syrie. Nicee 7
Ville d'Afie.oùfe fit ce Synode fi célèbre. Tyr ] Ville de Phnicie. Sidon ] Ville de Carthage. Fils
d'^tnfior ] C'eftoit Argus , queles Anciens ont feint auoir cent yeux. Gorgone ] Les Anciens ont feint quo
c'eftoit vn Monftre , dont le regard transformoit en pierre. On difoit que Perfec & Minerue le portoient or¬
dinairement fur leur targe. Si vous délirez lire quelque chofe de plus approchant de la vérité , touchant Gor¬
gone , Medufe,*c. voyez Diodorc Sicilien. Comte du Maine er le bon J{ey l{ené ] Ils font defeendus de Louys
Duc d'Anjou , vn des fils du Roy Iean. Ce Roy René a efté fort célébré par Pétrarque. tintée ] Ce fut vn
Géant de Libye , fils de Neptune,qu'Hercule défit. Tyrteam ] Ils ont efté ainfi appeliez du fils d'Arcimbroto
Tyrtee, Poëte excellent, qui ayant efté efleu General d'armée parles Athéniens de Taduis de TOracle,aniima
tellement par fes vers les foldats au combat qu'ils demeurèrent victorieux fur leurs ennemis. D'Hercule ©*
de celle d'HeBor ] D'Hercule, à caufe de Pyrene ou de Galatée qu'Hercule efpoufa en Gaule *, d'Hector , à caufe
de Francus fon fils, ihon] C'eftoit ainfi que fc nommoit le Chafteau du Roy Priam : mais il fe prend àla cou- .
ftume des anciens Poètes, pour la ville de Troye.
Mirandula. Parme] Ville d'Italie. Peronne ]
Mtrande ] Ville d'Italie, de laquelle eftoit ce grand Picus'
Ville de Picardie. Landrecy ] Ville d'Artois. Tbracien]
Qui fouflc du cofté dc la Grèce. Phrygien ] Du Grand Seigneur. Mars ] Dieu de la guerre. Mercure]
Dieu de l'éloquence. Enyon] C'eft proprement vne des trois Furies d'Enfer. Mais Ronfard la prend icy
pour la DéefTe de la guerre , pour cefte fureur qui nous emporte dans les périls. Achille ] Ce vaillant fiils
de Thetis & de Pelée , qui mourut au fiege de Troye. Sarfedon ] Fils dc Iupiter & de Laodamic. Therfite ]
C'eftoit vn bouffon , qui femcfloitdebroquarder tout le monde au fiege de Troye,* qui receuoit des coups
de bafton pour recompenfe de fa mefdifance , comme vous voyez dans Homère. Démarqué] U teonquift
force villes au voyage d'Allemagne. J$in ] Fleuue d'Allcmaigne. Sur les anglais ] Bologne. Lefurnom 1
Scipion TAfriquain. Ton ayeul] Godefroy.
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LES ^ARMES.
DES P
A IEAN BRINON CON-
feiller en Parlement.
Viconque a le premier des Snfiers
déterré
Lej er,efloit'Br.wonJuy-mefime
bienfierré:
Luy-mefine auoit, ce croy- ie , occis fion propre
pere,
Tué faproprefnur, tuéfi propre mere :
Luy-mefime auoit au foir àfion hafle eflranger
Deffus la table offert fis enfans à manger :
Et ne croyoit qu'au Ciel les Dieux euffent
puiffance
(Cariln'en croyoitpoint) depunirfin offence.
Que les Siècles dore% à bon droiélfiont
loiie^
Sur lesfiecles défier, quand les glansficoiie?
Des chefines nourrijfiers , quand la triangle
feine
Paiffoit lepeuple oififpar lesforeflsfinspeine:
Et quand dans les ruiffeaux iufqu a la riue
pleins
Les hammes tiroient l'eau dans le creux de
leurs mains !
Alors on riattachait (pour lurendre plus
fleures)
Desportes aux maifions, auxportes des ferru¬
res:
St lors on rioyoitpoint cemot deTien neMien:
Tous viuoient en commun , car tous riauoient
quvn bien :
De ce que l'vn vouloit, ï autre en auoit enuie,
St tous d'accordpaffoient heureufiment la vie.
Mais fi tofl que le fer par malheurfut
trouue,
Qu aufond défis roignons Pluton auoit couue
Par tant d'effacés d'ans là bas deffous la terre,
Au iour auecques luy la diflcorde & la guerre
Et le meurtreflortit , ($ffinirent dehors
Ces mots de Tué, Affomme, & mille horribles
morts.
Le Monde adonq flutplein de crime &de
diffame :
Le mary machina la poifon à fitfemme,
O E M Ê S. uH
Lefils tua fin pere] £

lorc EE I. LIVRE
En craquetant fe rompt deffous le pied des Touflours vn peuple grefie autour d'vn lacy
Dieux. pi*»"* .
De quelgenre de mort eftoit digne ceft hom- Ayant la peau brujke , & les cheueux cen-
me
Qui premier inuentaie fer qui nous confom-
dreux,
Le vifiageplombé,lesyeux mornes ty creux.
me?
Qui premier arti?an le canon pertuifa,
Ofortuné celuy qui bien loin de la guerre
» Cultiue en longuepaix l'vfiure défia terre,
St flortir de fa gorge vn tel foudre auifa ? » Et qui iamais au liél nefie veit eflonner
Et qui veitflans pleurer rouer en tant defortes » D'ouir au poinél du iour la trompette fion^
Tarmy l'air tant de bras, cy tant de tefles nerl !
1 mortes f . » Q]fi nefiait quel mot c'efl que cargue , ca^
Ny la fioifide f antal, ny la rou d'Jxion mifade,
Ne fitjfiroient làbasàfi punition, » SentineUe}diane,efiarmouche, embufiade :
Ny le Vautour beccu, dont la griffe cruelle » Mais qui plein de repos en la grifi faifon
Pince de Promethe la poitrine immortelle. » Attend au coin dufeu la mort enfia mai-
Par luy comme iad'is on ne voit plus d'He- fion,
flors, » Afin qu'il ait l'ail clos par les mains de fis
D'Achilles , ny d'Aiax : car les hommes plus fiHe,
forts » Et qu'ilfloit mis en terre auprès defiafia-
Sont auiourd'huy tue^d'vn Poltron en ca- mille,
chette »» Non auprès d'vne haye, ou aufond d'vn
A coups deharquebou^e ,ou àcoupsdemouf- f°fie»
quette. » Ayant d'vn coup de plomb le corps outre-^
Au temps qu on batailloitfiansfiaude,main
à main,
percé.
Mais que dy-ie , B R i n o n f qui riau-
On cognoiffoit aufait celuy qui efloit plein roit la manière
De peur ou d'affeurance , & ne vouloit-on De l'airain & dufier iadis mifi en lumière}
croire Et qui ne fi feroit artisan auifié
Que Therflte au combat meritafl tant degloire En fondant le canon de l'auoirpertuifé
Qjt Achille en meritoit, mais Therflte au- Et d'auoir acéré l'alumelle trempée,
iourdhuy
Tue ^Achille de loin ($f triomphe de luy.
Tu ne rrieuffes donné ny dague nyeffee,
(Cariefierrieuflvflage)& ne rrieuffes, Bri-
Pourquoyfhetifis humains,aue^-vous tant non,
d'enuie
A grands coups de canons d'accourcir voftre
Donnény piflolet , ny rouet , ny canon.
Toutesfois ie plains tant du commun le domvie?
' mage,
Vous moure^affe^toft :flvouspenfle?là bas
Auoir autant qu'icy de plaiflrs & d'efias,
Que ie voudrois ( croy- moy ) que celuy qui
l'vfage
Ah! vous efles trompe^: bien que l'vnique Trouuapremier dufer,rieufl iamais efléné,
fi"e Et riauoir eu tes dons : car D I E V rieufl
De Cerés enfait Royne, en nul temps lafiau- deflourné
c/"f . Son viflage de nous, & la Paix violée,
Ny coupe la moiffon, ny aux coûtaux voifins N'eufl point abandonné la terre defolee
Iamais Bacchus n'yfait verdelerfies raifins, ' Pourflen-voler là haut, laiffant le mondeiçy
Helas ! mais à l'entour la Mort palley de- S'entre-pilier , naurer $r tuer fia
meure,
MARCASSVS:
emor
piller, naurer fy tuerfians mercy.
toùmjv * U frtmUr ] Le fieur dc Brinon Confcillcr en Parlement & grand amateur des Mufes, auoiç
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DES POËMES.' \&f
fans douterait prefent de quelque arme à Ronfard, comme il le tcfmoigne luy mefme fur la en de cefte pièce j
c'eft pourquoy il a pnsToccafïon de defcrireles maux que l'vfage du fer a apportez dans le Monde :au lieu
qu auparauant tous vtuoient dans l'innocence, laquelle il monftre par le fiecle doré qu'il deferit quand &
quand. Ses enfans à manger] Comme fit Lycaon à Iupiter. Qjund les glans ] Tous les Poètes Grecs , Latins
& Italiens font d'accord qu'au fiecle d'innocence les hommes viuoient du glan qu'ils cueilloient dans les fo¬
refts. Pluton] Parce que la Théologie des Anciens a creu Pluton Dieu dc tous les minéraux & de toutes Jes
richefTes qui font fous terre. Voyez les Commentaires d'Atiftophane.fur fa première Comédie. Definhofel
Vn des plus grands crimes des anciens , c'eftoit dc violer le droicl: d'hofpitahté. Voila pourquoy vn certain
perfonnagedaiis Plaute,dit à vn autre.apres vne infinité d'autres iniures, qu'ilatué fonhofte. Geans] C'e¬
ftoient ceux qui fe rebellèrent contre le Ciel par Taduis de la Terre leur mere, qui les porta à cefte felonnic,
comme tcfmoignent tous les Poëtes. Voyez leur deffaite dans le premier & fecondliure des Dionyfiaques dé
Nonne. ^ lapithes ] C'eftoient des peuples de Theflalie, qui tuèrent les Centaures aux nopces de Pirithous,â
caufe qu'après s'eftre enyurez ils fe mirent en deuoir de rauir Tefpoufee. Ses deux Princes] Eteocles Se
Polynices. Voyez fa Tragédie d'Efchyle , & la Thebaïde de Stace. Pergames ] On appelloit ainfi les fortcrefTes
de Troye. Salmonee ] C'eftoit vn Roy d'Elide fils d'Eole , qui s'eftant fait baftir vn pont d'airain , s'y
pourmenoit par deffus dans vn chariot, voulant par le bruit de fes cheuaux imiter le tonnerre dc Iupiter , à fin
que fes fuiects TadorafTent : mais il fut luy-mefme réduit en poudre par celuy qu'il tafehoit d'imiter. Tantale]
C'eftoit vn des fils de Iupiter* de la Nymphe Plote, autheur de la race des Tanralides. Ceftui-cy ayant vn
foir receu les Dieux chez luy , fit roflir fon enfant nommé Pelops , & le feruit à table. Aucun des Dieux ne tou¬
cha à ce mets.excepté Cerés,qui cn mangea vne efpaule,pour laquelle lesDieux luy en donnèrent vne d'yuoire,
après que Mercure l'eut rappelle des Enfers par leur commandement. Le pere fut enuoyé ci» fa place , où les
Poètes ont feint qu'il eftoit en l'eau iufques au menton fans pouuoir boire , & touchoit prefque des m»ins à
des pommes fans les pouuoir cueillir. Ixion] Il fut fils de Phlegye.* pour auoir voulu pourfuiurc d'Amour
Iunon, fut attaché dans les Enfers fur vne rou'é qui tourne incefïamment. Promethee] Ce fut vn des fils de
Iapet , qui pour auoir voulu animer vn homme de boue auec le feu qu'il auoit defrobé du Ciel , fut attaché au
mont de Caucafe, où vn Vautour fepaiftincefTammcnt de fes entrailles qui renaifTent à mefure que ceft oifeaii
les deuore. Hettor] Fils de Priam. ^Achille] Fils de Pelée* de Thetis. ^Ciax] Fils deTelamon.
Therfite] C'eftoit vnboufon qui eftoit aufiegede Troye, dont Homère deferit Textréme laideur au fécond
de l'Iliade, fi ie ne me trompe. Achille le tuad'vncoup de poing. En fin %oyne] C'eft Proferpine fille de
Cerés, qui eft Royne des Enfers. . 0 Fortune ] Ces vers qui fuiuent font imitez d'vne des belles Odes
d'Horace.
A IEAN DE LA
Poète.
PERVSE,
Ncore D I E v par fia grâce n'a
pas
A nous mortels qui viuons icy
bas
Tout à la fois les chofes reuelees :
Son fein beaucoup en cache de celées,
Et toutefois ce qu'il tient de celé,
Tar fa bonté nous fera reuelé
Quand il voudra : car fla bénignegrâce
Des iournaliersfauorifi la race..
En ce-pendant parjoins & par labeurs
Et par trauaux il aiguife nos curs
Diuerfiement, depeur que noftre vie
Nefiaccagnarde enpareffe engourdie.
De fla faueur en France il réueiUa
Mon ieune efprit, qui premier trauailla
De marier les Odes à la Lyre,
Et defçauoirfis fies cordes eflire
Quelle chanfionypeut bien accorder,
Et quelfredon nefy peut en-corder.
Non flans labeur t'entrepris telle chofie:
Mais le Defiin qui tout en tous difiofie,
M'y auoit tant ains que naiflre adonné,
Qjfen peu de iours ie me vy façonné,
Tar deux chemins fuiuant la vieille trace
Des premiers pasdeTindare & d'Horace?
Prefque d'vn temps le mefme ejpritdium
Deffommeilla ^Bellay l'Angeuin,
Qui doucementflur la Lyre d'yuoire
Acquit en France vne éternelle gloire:
Fait amoureux, d'vn pouce tremblotant
Pouffa le Luth à voix douce chantant
Les pajfions que fit gentille Dame
Luy engrauoit auplus profond de l'ame.
Long temps deuant d'vn ton plus haut que
luy
T y A R D chanta fion amoureux ennuy,
Qui iufqu à l'os confiumoitfa mouelle
Tour les beaux yeux defa Dame cruelle.
Comme ces deux de mefmeflèche atteint,
(Tant peut Amour) helas! iefiu contraint
Deffus le Luth autres chanfons apprendre,
Penfiant fléchir l'orgueil dc ma Cassan^
DRE,
Mais pour-neant : car mes chanfons nom
peu
Ny l'enflamer,ny englacer monfeu.
lApres B a ï F d'vneflèche plus douce
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IVRE
nS8 L E I. L
Efhoint au clur, mignarda de fin pouce
Desjouiffansles baifers fauoureux,
Et de la nuiél les combats amoureux ;
Et les plaifirs dont vne douce amante
Entrefles brasfion Damoifieau contente.
Puis Des-Avtels au contraire tou¬
ché
D'vn beau trait d'til autrement defloché,
Chanta les maux qu'vn patient endure
V ncaurhardy qui braue fonnera
De longue haleine vn Poëme héroïque:
Quelque autre après la chanfon Bucolique,
Tflvn la Satyre, (è? l'autre plus gaillard
Nousfltllera l'Epigramme raillard.
Car il nom aime , &fi aime la France,
Et tirera noftre langue d'enfance:
Je dy pourueu quefi race, les Rois
Vueillent degrâce &illader quelquefois
Dans les prifions d'vne Maiflreffe dure.
, Apres Amour la France abandonna,
Leurs pauures Sdurs, lesfilles que Mémoire
Luy enfanta pour célébrerfa gloire.
Et lors I O D E L L E heureufiement fionna
D'vne voix humble & d'vne voix hardie
Car pour- néant le Poëtefiacre
Chantefes vers ,flils ne viennent àgré
La Comédie auec la Tragédie,
Et d'vn ton double ore bas ore haut,
xAux Roys ficeptre^en qui git la tutelle
Des doélesSnurs & toute leurfequelle.
Remplit premier le François efichauffaut. Pource à bon droit nos vieux predeceffeurs
Tu vins après,encothurnéP e R y s e, Logeaient Hercule au Temple des neufSeurs,
Effoinçonné de laTragique ^Mufie, Pour deffeigner que leur puiffance efl morte,
Mufie vrayment qui t'a donnépouuoir
D'enfler tes vers, & graue conceuoir
Si quelque Héros ne leur tient la mainforte,
Et que les vers demeurent deffrifi^,
Les trifles cris des mifierables Princes
A l'impourueu chaffe^de leursprouinces,
Et d'irriter de changemens foudains
Le Roy Creon,fy les frères Thebains,
Si d'vn grand Roy nefiont fiauorifie^.
Auffi le Roy, quelque choje qu'il fiace,
Meurt fins honneur,fil n'acheté la grâce
Par maintsprefents d'vn Poëte fçauant
Ha cruauté! ey de fiaire homicide
Qui du tombeau le déterre viuant,
Défis enfans laforciere Colchide.
i Etfiait toufiours d'vne plume animée
Teut-eflre après que D I E v nous donnera Voler par tout fa viue renommée.
MARCASSVS.
Encore Dieu ] Apres auoir difcouru de plufieurs Poëtes de fon temps , il tombe fur les louanges de Iean de
la Perufe, Poëte excellent du temps dc Ronfard. Ceieune efprit mourut d'amour. Il fit la Medee, &dcs
Odes Pindariques. Bellay ] Poète excellent, qui chanta fa MaiftrefTe Oliue. Tyard ] C'eftoit encore
vnautrePoete, duquel il eftparléauxCommentairesdesAmoursde Marie. »

E) E S P O E M E S: nfy
» Le foldat qrivne embufche , &fit efi le DeÇorpnne empierrant]premierfit UcotfT
. nocher quefle
» Qui nepeutfen bateau que d'vne ancre ac- Des cheureuls qu'il bleffapar les bois en voUf.
crocher. Apres Caflorfils-d'iuf,domte- poullain,vaiU
Iljaut qu en autre part autre ficours fiefi- Unt,
PrmHe xAllafiur vn cheual le premier à la chaffe.
Que celuy des neuf Snurs, & qu'autre Dieu Tuis Pollux l'efirimeur premier cognut U
ietreuue trace ô
Pour mefiauorifir. Vous Deeffes des bois, Des cerfspar les limiers, £r lepremier à coups
Vous fire?^ mon ficours , qui portans le car- De dens deforts léuriersfit eflragler les loups.
, ^Uo's y LeseffieuxinuentaMeleagreaupied-vifle,
Aufineflre cofléparplains &par campagnes, Les toiles ($f lespans & les rets Hippolyte.
Erre?Ja trompe au col, de Diane compagnes. Atalante en chaffent d'vn dard qu'elkrua,
Sus donc injpire^- moy : ie chante icy vos Vn fianffier la première és bocages tua :
biens, Orion inuenta les meutes & les leffes,
Et l'art de bien brofferpar les forefls ejbeffies:
Vos ejpieux, vos filets , vos chaffes (§f vos ,
chiens: Puis milleflont venus leflquels ont augmenté
(fouure% la tendre chair de vos gréues diuines Le bel art de chaffer par les Grecs inuenté.
Du cuir damafiquiné de vos courtes botines, Ils n'ontpasfeulement inuenté l'art défaire
Vos cottes agrajfe?plns haut que les genoux, De menteufies couleurs leurs beaux cheuaux
Que vos Moloffes fiers foient couple? après pourtraire
vous, Au ventre des iumens , mais ils ont eu fouci
Et que chaqu'vne branle en la main lafiagette. De pourtraire leurs chiens ains que de naifire
J'oy cerne fiemble, i'oy les vierges deTaigette auffi:
Qui m'appellent déjà, & des chiens découplé^ Puis d'vn effrit fiagace ils ont eu cognoiffance
Ï°J àeffm Menalon les abois redouble-^. - Des bons & des mauuais , du poinél de leur.
Mais auant que d'entrer en laforeft épeffe naiffance:
DeGrageou d'Erymant, dy vierge chaffe- Jls ont fait choix de ceux dont le mufle efi
rejfe, camus,
Dy Phebe aux beaux talons ', ceux qui ont les Lesyeux ardans &gros, le fourcil par- deffus
premiers' . S'auallant renfiongné, vne teftepetite,
' Trouuel'art de conduire ésflorefls des limiers, Vne aureiUe pendante,vne gueule deflpite,
Le confeil, le deffein, £r les arts de la Chaffe : ' Les dents comme vne fiie,vn colpetit,le dos
S iumelle à Phebus , chante-les moy de Log,large,bié charnuJes nerfsforts & les os] *
vrace, " L'efiomac rond& plein, & la iambéderrière
Et fltofl qu'entendus ie les auray de toy,
A ceux ie les diray qui viendront après moy,
Eux aux neueuxfuturs. Nature ingenieufi
Plus longuette vn petit que la iambepremière,
La queue déliée : & bref quand tout le corps
Efloitferme plantéfur membres beaux (êf
Voyant les càurs humains d'vnepareffe oifeufie forts.
S'engourdir lentement, pour les depareffer, Puis ils les ont nomme^ dés leur ieuneffe tendre
S'en vint au mont Pholois à. Chiron fiad- De noms aigus & courts , pour fiudain les
dreffer, entendre,
Chiron d'en- haut mi - homme , $ depuis la Pamphag, Lelap, Melamp , Oribat, Aifiaut,
ceinture
Mi- cheualmonflrueux,qui chaffant d'auan-
Hyle,Lachne,Agriod,Thoin,Afiuol,Arpaut,
Ichnobat, Hylaftor, 0>demainte autrefione
t Selon que le langage en diuers lieux le porte.
Vn cerfija venaifionpar morceaux découpa, Mais qui efl le mortel , euft-il la voix
Et le premier de tous à la table enfioupa: d'airain
Puis Perfifils-de-pluye,ayant trenché la tefle Et la langue de fler, qui conterait à plein
HHHhh
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1 L'vn
Des Chaffeurs deuoye^ les cours eylestra-
uerfles,
Et les diuers plaifirs de leurs chajfles diuerfesf
Ctluy qui les dirait, diroit encore mieux
Tous lesflots de l'Egée , & les afires des Cieux.
L'vn auecques les rets enueloppe vne befte,
L'autre à dens de maftins enfantante fiaque-
fte:
L'vn auec le vamret accule le fàngler,
Et l'autrefait les ours aux dogues eftrangler:
L'vnfurprend le putois au piègefait en cerne,
Et l'autre le teffon enfume enfa cauerne:
fait vnetrainée, fypendus à vn clou
Enleue par lespieds le renard & lelou :-
L'vn tue auec le trait les beftes en leursgifles,
L'autre à la courfe fuit les liéures aux pieds-
viftes,
D'vn cheual Ejfagnol poudroyant tous les
chams :
L'vn prend le cerflà force x ($f de longs cris
trenchans
Détrompes ($f de chiens, & fians défaut k
meine
En haletant mourir auprès d'vne fontaine.
Puis ilpend en trofée à quelque arbrefourchu
iAu Dieu Pan foreflier le front du cerf
fourchu.
C'efl'vnplaifir après d'enflaire la curée,
Puis f aller endormirprès d'vne onde apurée
Deffus l'herbe moUette}ouprendre lafraificheur
D'vn antre tapifléde moujfiufe ejfeffeur,
Etd'entrouïr de loin ou Menalque ou Tityre,
Quigardant leurs brebis dans vn valfiont re¬
dire
Vne eclogue à leur ve?j3^f devoir à l'efiart
Leurs aignelets cornusflauteler d'autrepart.
Quelplaifir efl-ce, o Dieux ! de manger és
boccagts
Du fiormage

- DES POEMES.
On neffiumtcmer quelle fideRTe' N'auroimendeuipr.TnJ^nym^mkn,
Aulfi les demi-Dieux , comme Hercule fv ny,A?.'iJ i n
£i r mmc ncriHie cr (jn dit qu Hercule vn iour en allant voir
AUans en quelque emprifie ou longue ou mal- ( Dont Tyre efloit le nom ) menait pour corn-
-"J" P^non r
S accompagnaient de chiens, qui mieux ai- Derrière fies talons vn grand léurier mirnon.
moientmourir, Sn trauerfiant vn mont le chien au ne? habile
Qu au bejoin leursfiigneurs , hardis, nefie- Sentit vne porphyre errante en fia coquille,
courir. Ayant le corps tiré de la mefme façon
Vlyjfe après vingt ans incognu défi trope,
De fion fils Telemach & de fit Tenelope,
Fut cogneu de fion chien. Les chiens ont quel
Qfi[on voitfiur le Printemps errer vn lima-
çon ,
Qui porte fia maifon & monfire toute nue
' ^tf ^ Son efichine englffant fiur l'herbette menue:
(Le croye qui voudra ) parlé d'humaine vois : Lors le chien affamé la porphyre mâcha,
Et les Egyptiens admirans leurnature, Et defionfiangvermeil le mujfleflen tacha.
Ont adoré leurs Dieuxflous éhienninefigure. Apeine Herculefut dans U maifion de Tyre
Que diray plus , B R i n O N ? certes on ne Quelle auifia le chien,& tout fioudain defire
voit riens D'auoir en nouueau don vn veftement pareil
Qui nefie tiénefier d'auoir che%luy des chiens : ^Auflang , duquel le chien auoit le ne? ver-
LeCiel en eflgarnyja Mer en efl garnie, meil,
L'Enfer en eftfourni, la Terre en eftfournie. Ou que iamais au liélriembrajferoit Alcide.
Les hommes villageois ne dormiroient de nuit Alcide obéiffantfioudain retourne bride,
Affeurezfens leurs chiés, & le pafleur quifluit Et retraçantfles paspar le mont vit fion chien
Les lieux vuides de gens ,firoit toufiours en Quifie repeut encor dufiang porphyrien,
crainte
Que le loup défies bpufs rieufl la mafihoire
Etplus qu auparauant en auoit la dentpeinte:
Lors il print de la laine, $f après l'auoir
teinte. < teinte
Les Damesfians tenir és mains vn petit Enee beaufiangvermeil, du drap enfaçonna,
chien Tuis à fa chère amie en prefent h donna.
MARCASSVS.
Tefieray'ie toufiours] Ce traitté de la Chafïè eft en partie imité deXenophon, principalement en ce qui touche la
qualité & defeription des chiens.les braues Héros qui l'ont pratiquée,* qui en ont efté les inuenteurs. A u refte,
nous auons parlé auPoëme desArmes,du fieur dc Brinon. Fn canon, crc.]Cc font des pièces qu'il IUy a dônées.
Helicon] C'eft vne montagne de Beotie,facrce aux Mufes. Permejfe] Fleuue qui bat le pied du mont de Parnaffe
facté aux Mufes. Eurote] Fleuue facré à Apollon. le chante icy ] Il inuoque les DéefTes chaflerefTes, dc mefine
que Virgile cn {es Georgiqucs inuoque les Dieux des champs,difant qu'il chante les prefens & les faueurs qu'ils
font aux hommes. Molofes]Cc font des chiens grands & forts pour les beftes noires. Taigete]C'e& vne ville dc
Laconic.d'où Ton faifoit venir d'excellents chiens de chafTe,côme Ton peut voir dans Xenophon & dans Vi rg.
foy ce mefiemble ] C'eft vne imitation du j. de Virgilc,où le Poëte dit prefque la mefme chofe. Menalon]C'eû. vne
motagne d'Arcadie,où il y auoit force chafTe- £rv/»

L E L L I V R E
1192, , ent qi,j |eur apporteTodeur du gibier,'
narirtes-foTtdikrew.parlefquellesilsreçoiuentplifs facilement icv h ^^ Qes chicns> _
ardans (r ?ros 1 C'eft encore les marquesdcs chiens d.ig«s. J . ,,
A. "A* J . ^ :a- j.u ri,,*T% r^nmaifs & diligeni
_ u r_f_ r
nefme auis. De nom* cr cours] Ce font: i« n 4^ dobiemcns animentle8
donne aux chiens , à fin qu'on les puifie dans peu de ^?£c£tow longue natation qu'il
chiens. Tm les fiots JeÏEgee] ^f^f^ttf9'^^^z^] Il dm.fe la Chaffe en
dit eftre auffi impoffible que conter les Eftoilles ou les ^^»frL^' ont dules tracesde labefte
fes efpeces- Vefiant] Défaut, en termes de Venetie eft c- ^'"^ de Bcïgers, puants en l'art de
qu'il/chafTent. , Un Dieu des champ, «JJ^^
bien chanter* louer de laMufette. F*c ] C fffl^T^àlo^py contre vne motte, ^r*»»]
gers. -i. f ^ ] Voila vn vers fort excellent Mote] C eft a£ re^apy MQnt d,Arcadie_ j
Pan amoureux de Diane luy fit prefent de quelques beaux chien, de chaile £
P,H-k>»] D'Arcadiequ.eftdanslePeloponefe. f^^
auquel TAmoreamonreufe de fes beautez donna vn chl«"£f£^ù quelques- vns , en marbre
à toucher quelque buc^"f ' rXeC^ la teinture de
auec fon chien. Tyre C'eftoit vne des MaiftrefTes à Hercule. 1 our voir qu I
Tefcatlate il faut lire les Commentaires de Vigenere, fur la plate-peinture de Ph.Ioftrate. ^kide J C elt vn
des furnoms d'Hercule , qui vient dn Grec.
LA LYRE,
A IEAN BELOT AGENOIS,
Maiftre des Requeftes de
l'Hoftel du Roy.
E L o T, parcelle , ains k tout de
ma vie,
Quand iete Vy , ie riauois plus
enuie
De voir la Mufle,ou danfer à fin bal,
Oum'abreuuer .en l'eau que le Cheual
D'vn coup de piedfit flourçoyer de terre.
Peumeplaifioit le Laurier qui enferre
Les doéles fionts ,1e Myrte Paphien,
JSly lafleur teinte au fiang Adonien,
Ny toutïefimail qui le Printemps colore,
Mytom ces jeux que la ieuneffe honore:
Mais au contraire, & malade &grifion
f aimais au feulaifie de ma maifon,
Aux plus gaillards quittant la Poëfie
Que i'auois feule en ieuneffe choifie
Pour fioulager mon cfur qui boïïillonnoit
Quand defion trait\^4mourl'aiguiUonnoit,
Comme veningliflédedans mes veines,
Entremeflant vn plaifir de cent peines.
fe ne fiaiflou, allègre de fijour,
Fuft au coucher,fiuft au leuer du iour,
Qu enter,planter, & tirer à la ligne
Lefiep tortudelaioyeufi vigne
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Qui rend le c du ieune plus gaillard,
Et plus puiffant l'eftomach du vieillard.
Cerés nourrit, Bacchus réjouit l'homme:
C'eft pour cela queBon-pere on le nomme.
Orpour autant que le pere Euien
A bonne part au mont Pamafien,
Toufiourspourtrait au Téple des neufMufies]
Pour fes vertus en nos âmes infufles,
Comme Prophète & Poète vineux
Je l'honorais d'artificefloigneux,
JSfe cultiuant , ou fuft iardin ou prée,
Deuant le fiep de la vignefacrée.
lia rendu fialaireà mon labeur,
De fiafiureut me rempliffant le ciur.
(far comme dit ce grand Platon, cefiage,
Quatreflureurs brûlent noflre courage,
Bacchus, Amour, les Mufes, Apollon,
Qui dans nos ccurs laijfent vn aiguillon
Comme flreflons ,($f d'vne ardeur fiecrette
Fontfioudain l'homme ^ Po'éte & Prophète.
le voy par là que Poëte iefluis
Tkin de fureur : car flaire ie ne puis
Vn trait de versfoit qu'vn Prince commande,
Soit qu'vne Dame ou l Ami m'en demande,
Et à tous coups la verue ne me prend :
le bée en vain , & mon efirit attend
Tantofl flx mois, tantofl vnan fiansfaire
Vers qui me puiffe ou plaire oufiatisfaire.
I'atten venir (certes ie rien ments point)
Ceflefureur qui la Sibylle esfoint :

DES
Mais auffi tofl que par long int erualle
Dedans mon cTur du Ciel elle deualle,
Colère , ardant, furieux , agité,
le tremble tout deffous la Deïté.
Or comme on voit ces torrens qui défen¬
dent
"Vu haut des monts,$flotflurflot fle rendent
1Agros bouillons en la vallée, &font
,D'vne riuiere vne corne à leurfiont,
( Et t efipourquoy lespeintres qui lesfeignent
,Fleuues}-Taureaux , au fiont cornu les pei-
. Fumeux
( Du
pent)
, bruyans, efumeux & venteux,
Et de leur mufle ouurant au deuant d'eux
Vn éhemin d'eauflans que rien les empefche,
Pourflemboucher ou dans la rikefiefiche
D'vn prochainfleuue, ou au bord reculé
vieil Neptune au riuage falé.
%^Ainfi ie cours à courje defbridee,
Lors que la verue en moyfiefl defbordee,
Impétueux fans raifion ny confeil.
Elle me dure ou le tour d'vn Soleil,
Quelquefois deux, quelquefois trois , puis
morte
Elle languit en moy détellefine
Qrivne herbe fait, languiffant pour vn
temps:
Puis deffus terre elle vit au Printemps,
Parflon déclin prenant force & croiffance,
Et defa mort vne ieune naiffance.
Quand lafureur me laiffé, tout fiudain
Tlume & papier me tombent de la main :
Du toutie femble à la forte (fommere,
Laquelle ayant d'vne trenchee amere
I ettéfon Part,fuit de fon lit : ainfl
Je fiuyla chambrepubliant le fiouci
De cefle ardeur qui me tenoit en ferre,
Et lors du (fiel ie deualle en la terre,
Ah ! & en lieu de viure entre les Dieux,
Iedeuiens homme à moy- mefme odieux.
Mais quand du tout cefle ardeur fie retire,
Je ne fiçaurois ny penfer ny redire
Les vers efirits (ffi ne m'en fiouuient plus.
le nefuis rien quvn corps mort & perclus,
Dont l'ame Vole autre part efiranlée,
Laiffantflonhofle auffi froid que gelée,
Et m'efiahis de ceux aufquels il efl
Prompt de verfer des vers quand il leurplaifl.
Legrand Platon enfles iuures nous chante
POEMES. 115*3
Que noftre effrit comme le corps enfante,
L'vn des enfans qui flurmontent la mort,
L'autre des fils qui doiuent voir le port
Ou le Nocher tientfia gondolle ouuerte
A tous venans3 riche de noflre perte.
\-Ainji tous deux conçoiuent, maisil faut
Que le fiangfioit ieune ,gaillard & chaud:
Carfile fang chaude vigueur ne baille
A tels enfansJls nefont rien qui vaille.
Lors que Pallas fortoit hors du cerneau
De Iupiter, Vulcan prit vn couteau
Dontilouurit à Iupiter la tefle.
Adonc Pallas finit à la grand' crefie,
Au chef armé, ayant d'vn grand pauois
Les bras charge?j($r le corps d'vn harnois :
Les Mufes S furent les figes-femmes.
Quant à Vulcan , c'efl l'ardeur de nos âmes
Qui nous efihauffe, & ouure viuement
De l'efprit gros lenteur enfantement:
Quant a Pallas quifin de la ceruelle,
C'eft de l'efprit l'uure toute nouuelle
Que le penfer luy a fiait conceuoir :
Les Mufes font l'eflude fy leflçauoir.
Or mon cerueau qui le labeur defidaignel
Efloit en fiche & deuenu brehaigne
Sans enfanter, oujoit qu'ilfiufl lafiê
De trop d'enfans conceus au temps paflé.
Soit qu'il cherchafl le reposfilitaire :
Il m'affeuroit de iamais plus nefaire
Chanfon, ny vers, nyprofie , ny efirit,
Donnant repos à monfiant afique efprit.
Mais auffi tofl qu'aux bords dc la Garonne
fe te cognu d'vnenature bonne,
(founois , bonnefle , hoffital, libéral,
Toutes vertus ayant en gênerai :
Soudain au ceur il me prit vne enuie
De te chanter , à fin qu'après ta vie
Le peuple ficeufl que tes Grâces ont eu
Vn fhantre tel ami de ta vertu,
Pour ne fiouffrir que tant de vertus tiennes
Cbeufftnt là bas aux riues Stygiennes
Sans nul honneur, & qu'vne mefime nuit
Preffaft ton corps , orphelin de bon bruit.
' Rien , mon BELOT,riy fert la grand?
defpenfi,
Les dejpenflers em-boufls de boubance
Veulent guigner par vn art fiomptueux
Ou par banquets ,par vins tumultueux,
La zfoire humaine, & abufe? fie trompent,
* 7TWHTnr~iij
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«194 LE I.
Etpar k i rop eux- mefines fe corrompent.
Car auiourd'huy chacun fiçait flagement
Que vaut le chou>& viurefobrement :
Ainfl que toy qui des Chantres la grâce
Caiynesamy , non parla fioupe greffe,
Mais par l'honneur que courtois tu leurfiais :
Tource à l'enuy ils célèbrent tesfiais.
Par quel efiritfiaut- il que ie commence
Tourenuoyer des MuJes la femence ,
( J'emens mes vers)par toute Europe,afin
Que ton renom flurmue après tafin ?
Ta fiacefemble & tesyeux filit aires
kSIux creux vaiffeaux de nos t^Apoticaires,
Qui par deffus rudement fiontpourtraits ,
D'hommes & Dieux àplaijift contrefaits,
D'vne Iunon en l'air des vents fiujflee,
D'vne Pallas qui voitfla iou'è enflée,
Se courrouçant contrejon éhalumeau,
Et d'vn Bacchus ajfisfur vn tonneau,
D'vn Marjyas deifouillé défies veines :
Et toutefois leurs Caijjettes font pleines
D'Ambre, (fiuette & de Muflcf odorant,
Manne, Rubarbe , Aloés fiecourant
L'eflomach foible, & neantmoins il fiemble,
Voyant à l'eil ces images enfiemble,
O ue le dedans fioitfiemblable au dehors.
Telfut Socrate, & toutefois alors
En flontJouere , en nil melancholique,
Efloit l'honneur de la Chofie publique,
Qui rien dehors , mais au dedans, portoit
La fajnéle humeur dont Tlaton fallaittoit,
Alcibiade, (§? mille dont la vie
Se corrigea parlaThiloflophie,
Que du haut Ciel aux villes il logea,
Reprint le peuple & les meurs corrigea,
Et lefçauoir qu'on prejehoit aux efioles,
Du cours du Ciel, de l'ajjiette des Pales,
De nom prédire & le mal(if le bien.
Et d'embraffer le Monde en vn lien.
Il efluangea fis dificaurs inutiles
x^iu règlement des cite? ey des villes,
Et fiagefit da contemplation
T>u cours du Ciel tomber en aélion.
Tource à grand tort les vieux du premier
a

D E S
Fitfinir hors de la terre germ ce
P O È M Ë S.
A coup perdu : puis au fein ilfie pend
Ut
D'vne des trois, &la baifie en enfant.
Sur ïautreyuoire ou les cordesf attachent
Vn Oliuier,qui la motte hauffoit
Du haut du cîoefi &de terre croifioit
En fie formant : puis chargé de fueillage,
Defleurs & fruits couuroit tout le riuage,
Signe de paix : Neptuneplus ardent
Deux & trois coups frappant de fon Trident
FaifoitJèmblant défaire iffir de terre
Vn grand çourfier inftrumentde laguerre,
Aux larges crins deffus le col effars,
Qui hcnniffant fiappoit de toutesparts
D'vn fin aigu toute la riue verte
Chaude du vent de fa narine ouuerte.
\^Au naturel dans l'yuoire attaché
Vitvn Marfiye au corps toutefiorché,
Qui de fin fangfait vnfleuue en Phrygie,
Punition d'ofir fia chalemie
plus que le Luth l'Apollon eflimer.
Vous le verriez lentement confimmer
Mort dans l'yuoire, & d'vne flace humaine
N eflre plus rien qu'vne large flontaine.
Enl'engraueure Apollon quiflefioit '
Vnpeu courbé, luy-mefine fie chantoit :
(fomme les rocs bondiffans par la voye
Traçoient fes pas, maçons des murs de Troye,
St comme au bruit de fies nerfs bien tendus
Mille roéhers de leur bon gréfendus
Suiuoient du Luth la corde non commune,
Ou dix à peine alloient après Neptune,
Vn Dieu grojfier de meurs & de façons,
L'autre le Roy des vers ($f des chanfons:
(Miracle efirange ! ) encore depuis l'heure
Lefion canceu dans les pierres demeure,
Qui va finnant fious les coups du marteau,
Quand le maçon pour orner vn château,
En les taillant les frappe d'artifice,
Honneur de luy *Jf de fion édifice.
Ceft Apollon de Dieu fiait vn Pafleur
Aux bords d'Amphryfle allume tout flon cdur
Du ieune Admete, ah ! & pour luy complaire
Gardait fies b aux pieds-torsflans fialaire,
Entre-rampant fies beaux vers blandiffans
Deffous le cry des taureaux mugiffans.
Près Apollon main à mainy fontpeintes
Les corps tous nuds des trois Charités iointes
Suiuans Venus, & Venusparla main
Conduit Amour, qui tire de fion fein
Des pommes d'or ,& comme vnefageite
En Je louant aux Charités les iette
Et d'ordre égal deffus la Lyre marchent,
Vit vn Bacchus potelé,gros & gras,
Vieliouuenceau3 tenant entrefis bras,
Vn vafie plein qui tout enrichifiemble
S'enorgueillir de centfruits tous enfiemble,
Fruits qui paffoiem les léures du vaiffeau
En gros trochets : ainfl qu'au renouueau
Vn beauguinier par gros trochetsfiait naiflre
Son firuit touffu,pour enflemble nouspaifire
Et les oifleaux qui firians de flon fiuit>
Autour de l'arbre affame^ font vn bruit.
Là maintefigue ornement de l'Automne
Eflpeinte au vfi^f tout ce que Pomonne
De tous cofte? verfie de larges mains
Deffus les champspour nourrir les humains.
Là le raifin de ioyeufie rencontre,
Là le concombre au ventre enfléfiy monfire,
Et la chaflaigne au rempart ejpineux:
Là fut la pêche au gouft demi-vineux,
St le pompon aux coftes fiparées,
Et les citrons ayans robbes dorées :
Làfut le glan fils des cheflnes ombreux,
La meure teinte aufang des amoureux,
L'abricot froid, la poire pepineufi,
Le coin barbu, laframhoifi areneufe^
Et la cerifle au malade confort,
Et le pauot qui les hommes endort,
Et lacormeille au dur noyau de pierre,
La corme auffi qui le ventre refferre,
Auec la fiaife au teint vermeil$f beau
Semblable au bout d'vn tetin Damoifieau :
Et par fur tout de pampre vne couronne
Qufidu vaiffeau les léures, enuironné.
Sntre la guerre & la Paix eflceDiEV,
Ny l'vn ny l'autre , & fi tient le milieu
De tous les deux, enflemble pour la lance,
Enfiemble propre à conduire vne danfè :
IBas à fes pieds vn mont eft eleué,
Ou Mercure efl en l'yuoire engraué,
Qui tient au poingfia baguette dorée,
De deux ferpens enlace^ honorée :
Sa capeline efl riche d'ailerons,
Ses patins ont deux ailes aux talons,
Qui vont portant et courrier Jtlantide
Pluftoflque ventpar lefiecty l'humide.
Oufioit qu'iltombe aux enfers odieux,
HHHhh iiij
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IVRE
P9C LE I. L
Ou fou qui! monte au Ciel fiege des Dieux.
Jlva fuiuant d'vn gentil artifice
Vne tortue errant par la Cytifi,
Herbe odorante, & luy fioiffant les os
Son dur rempart luy arrache du dos,
Mange fia chair, (fjf laiffé fa coquille
Tendre long temps au croc d'vne cheuille
En contre-eflchange à fis blufs, luy donna
Son inftrument fur lequel il fionna
Lonz temps après les enfans de U Terre
Pied contre-mont accable^ du tonnerre.
Peu leur feruit les trois monts amaffe?^,
Vains monumens flur leurs corps remuerfe%:
Exemple vray que ceux qui veulent prendre
Pour la ficher aux rayons du Soleil.
Puis attachant parvn art nompareil
Guerre à leur Roy, autant doiuent attendre
De traits foulfie^aux bords Charanteans,
D'vn ordre égal les tripes bien fechées Que les Geans aux flattons Phlegreans.
Du haut en bas à la coque attachées
D'vn animal marche-tard ocieux,
Telle eft ta Lyre à Phebus appenduë,
Qui bien dorée & de nerfls bien tendue',
Fit vne Lyre au fon délicieux,
Au ventre creux, auxaccords deleélables,
Lefeul honneur des temples & des tables,
Et des bons Dieux le plaifir le pluspromt,
Pend à flon temple : à fin que nos François
Euffent ,BELOT,le ioiiet de leurs doigts,
Ioignans d'accordfous vn pouce qui tremble,
L'Hymne à ce D î e v , & le tien tout en¬
Quand le Neélar leur ejchaufe lefont.
fiemble.
Apollon vit auprès de cefte image,
Ce que i'ay peu Jus ellefiedonner,
Au cdur bouffi, a la poignante rage
De voirfis bsufs aux gros iarrets courbe^,
Deuotement te I'ay voulu donner
A l'amitié, le tefmoin de ce Liure,
Au large fiont, eftre ainfl defiobe^
'D'vn drt fubtil : Mercure qui defire
Ieune larron, d'Apollonflatter l'ire,
Non aux flaueurs, prefent qui te peutfiuiure
uApres mille ans ,fi des Mufes l'effort
Peut furmonter les fiecles & la Jftfort. «
MARCASSVS.
Selot ] C'eft vne des belles pièces des Poëmes , dans laquelle après auoir difcoliru de la Poëfie, ilfe jette
fur la defeription delà Lyre , fur laquelle il fait mille belles diuerfitez. En l'eau ] Il n'eft prefque perfonno
qui ne fçache que les Poètes feignent que la fontaine des Mufes a efté creufée d'vn coup de pied par le cheual
Pegafe. Sourcoyer ] C'eft vn mot qu'il a compofe , pour dire, faillir. les doiles fronts ] Il fait vne allti-
fionà l'ancienne couftume qu'on auoit de couronner les Poètes de Laurier qui eft confacre à leur Dieu.
Pafhien] Le Myrte eft confacre à Venus,* Venus eft furnommee Paphienne.del'Ifle de paphos,qui efi:
dans la Grèce, dont le Myrte prend mefme le nom. Teinte du fiang] Ce font des Anémones, Voyez Ouid.
Emen] C'eft vn furnom de Bacchus. Prophète] C'eft pourquoy les Anciens ont attribué en partie les
fureurs de la Poëfie à Bacchus & la vérité au vin. Fne corne au fiont ] C'eft à dire , que d'vne petite riuiere ils
deuiennentdegrosfleuuesparlesdebordemensdestorrens. Tous les Anciens Poètes ont donné des cornes
eux fleuues. Que nofire efirit] C'eft pourquoy les Anciens & ceux de noftre temps appellent Jes liures, les
enfans de leurs Autheurs. Pauois ] Ceft vne efpece de bouclier. Srebaigne] Vieuxmot qui fignifie, fteriJe.
Tumultueux ] Vins puiflants. Qui "ïidfa joue ] Pallas voulut ioiiervn iour de la flûte en fe regar¬
dant dans Teau*. comme elle vit fes iouës enflées dc mauuaife grâce, elle ietta cet infiniment &onques puis
ne le voulut ouïr ny voir. D'irn Mar/yat ] Pour Marfyas, efeorché pour s'eftre voulu attaquer à Apollon, *
faire à mieux ioiicr des inftrumens de Mufique; il faut lire la première ou la féconde Floride d'Apulée. Ban°
yuetage ] Mot fait à plaifir, & que les délicates aureilles de noftre temps ne fouffriroient pas. ide ] C'eft vne
montagne de Phrygie,qui iadis eftoit proche de la ville de Troy e.ll y a vne autre Ide en Crece. Connue] Pour
deuine. Coufieux] Pour.quicoufte beaucoup. Vieille Dificorde ] Il n'eftperfonne qui ne fçachele diffé¬
rend qui fe meut entre Neptune* Minerue, touchant le nom qu'on donneroit à Athènes. Il fut neantmoins
arrefté que celuy des deux qui produiroit la chofe la plus vtile aux hommes luy impoferoit le nom. Neptune
d'vn coup de trident fit naiftre le Cheual. de la terre.qui eftoit le fymbole de laguerre,* grandement vtile pour
la defenfe des hommes. Minerue d'autre cofté fitfortir vneOliue.quifutcftimés encore pins vtile au Monde,
comme eftant le fymbole de la Paix. Naifiantes ^Athènes ] \\ met Athènes au pluner , à l'imitation des Latins.
Jfiir ] Vieux mot des Romains, pour, fornr. Maçons] Neptune* Apollon, Toccafion s'eftant prefentee
e les bannir iuftement du Ciel, furent enuoyez à Laomedon pour baftirlesmuraillesdefa ville. Apollon fai«
iflement* du feruice que
":ftoit vn fleuue de Thellà-
v 4 . -, rder les troupeaux duRoy
Admete, à caufe qu'il tua lesCyclopes. C/W«]C'eftvn mot Grec. Les François difent Grâces. Teinte
au fiang ] Lefrui&du meurier,felon lafable, eftoit blanc deuant que Pyrame &Thifbé l'enflent atrofé de leur
fang. Lifezles Metamorphofes d'Ouide.
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LE CHAT,
A REMY BELLEAV»
P O E T E.
lu v efl par tout , par tout fie
mefle D I E V,
Commen cernent, la fin & le mi¬
lieu
De ce qui vit,& dont l'ame efl enclofie
Tar tout , & tient en vigueur toute chofie,
Comme noftre ame infiufiedans nos corps.
la dés long temps les membres fieroient
morts
De ce grandTout,fi cefte ame diuine
Nefiemefloit par toute la machine^
Luy donnant vie, efforce & mouuement:
Car de tout eftre elle eft commencement.
TDes Elemens ($f de cefte ame infiufi
Nous fiommes nai%:le corps mortel quifivfe
Par trait de temps des Elemens eftfiait :
De D i "E y vient l'ame, ($f comme il eftpar-
. fait
L'ame eftparfiaite intouchable, immortelle,
Comme viuant d'vne effence éternelle :
L'ame ria donc commencement ny bout,
Car la partie enfluit toufiours le tout.
Par la vertu de cefle ame méfiée
Tourne le Ciel à la voûte efloilée,
La mer ondoyé , & la terre produit
Par les faifons herbes,fueiUes &fiuit : *
le dy la terre , heureufi part du Monde,
Mere bénigne à gros tetins féconde,
Au largeJein : de là tous animaux,
Les emplume^ , les eficadrons des eaux :
Delà, Belleav, ceux qui ontpour re¬
paire
Ou le rocher, ou le boisfilitaire,
Viuent& fiont: & mefmes les métaux,
Lesdiamans, rubis Orientaux,
Perles, faphirs ont de là leur effence,
Et par telle ame ils ont force & puiffance,
iQui plusquimoins filon qu'ils en fint pleins:
Autant en eft de nouspauures humains.
Ne vois- tu pas que la flainéle Iudée m
Sur toute terre eft plus recommandée
Pour apparoiftre en elle des efirits
» rr-ro rsrFs: 115)7
Remplis de Dieu,de Prophétie efrïsf
Les régions, l'air & les corpsy fieruent,
Qui l'amefiaine en vn corpsflain confiruent:
Car d'autant plus que bien fiain eft le corps»
L'ame fie monftre & reluift par dehors.
x Or comme on voit qu'entre les hommes
naiffent
Augurs , deuins ,& prophètes qui laiffent
Vn tefmoignage à la pofterité
Qu'ils ont vefiu pleins de diuinité: l
Et comme on voit naiftre icy des Sibylles
Par les troupeaux des femmes inutiks :
Ainfi voit- on,prophètes de nos maux,
Et de nos biens , naiflre des animaux,
Qui lefutur par flgnes nousprédifient,
Et les mortels enfieignent fy aduifent :
Ainfi le veut ce grand Pere de tous
Qui de ja grâce a toufioursfioin de nous.
Pere, il concède en cefle terre large*
Par fa bonté aux animaux la charge
De telfouci pour ne douter de rien,
Ayant che^-nous qui nous dit mal(fo bien»
T)e là finit l'efcole de l'Augure
Marquant l'oifiau, qui parfin vol figure
De l'aduenir le prompt éuenement,
Raui de Dieu : (ïjf Dieu iamaisne ment.
En nos maifions ce bon Dieu nous eHuoye
Le coq, la poule, & le canard, fy Ioye,
Qui vont monfirant d'vn figne non obfiur
Soit ou mangeant, ou chantant, lefuture'
Herbes &fleurs, ($f les arbres qui croiffent
En nos iardins prophètes apparoiffent :
Mien efi l'exemple, fypar moy ie Iefiay,
Enten l'hiftoire &iete diray vray.
le nourriffois à la modeancienne
Dedans ma cour vne Theffalienne,
Qui autresfio'is pour ne vouloir aimer
Vit fies éheueux en fiueilles transformer,
'Dont la verdure en fion Printemps demeure.
le cultiuois cefte plante à toute heure,
le l'arrofbisja cerclois ($f bechois
Matin eyfioir : la voyant ie penfiis )
M'en fiaire au chefi vne belle couronne :
L'homme propofie &lc Defiin ordonne :
Cruel Deftin à mon dam rencontré,
Qui m a de l'arbre $f de mon flain jruflré.
I'auois la plante au poinél du iour touchée,
Vne heure après ie la vis arrachée
Par vn Démon : vne mortelle main
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ïip8 LE I. L
Ne fit le coup : lëfait fut trop fiudain.
Vne heure après ievy la plante morte
Qui languiffoit contre terre en laforte
Que i'ay depuis languy dedans mon lit :
Et me difoit , Le Démon qui me fuit
Me fait languir , comme vnefleure quarte
Te doit blefmir : en pleurant ie m'eficarte
Loin de ce meurdre , fy fioudain repafflant
le ne vy plus le tige languiffant,
Euanouy comme on voit vne nue
S'éuanouir fous la clarté venue.
Deux mois après vn cheual qui rua,
De coup de pied l'vn de mes gens tua,
Luy efirageant d'vne playe cruelle
Bien loir.idu tefi la gluante ceruclle.
Luy trefbajjant m appelloit par mon nom,
Me regardait , figne qui riefloit bon,
Carie penflay qu'vn malheureux eficlandre
Deuoit bien toft deffus mon chefdefendre,
Comme il afait : on%c mois font pajfi?
Que i'ay la fleure en mes membres caffe^.
Mais par-Jus tous l'animal domeftique
Du trifte Chat a l'efirit prophétique,
Etfaifoient bien ces vieux Egyptiens
De l'honorer, & leurs Dieux qui des chiens
Auoientlaflace & la bouche aboyante.
L'ame du Ciel en tout corps tournoyante,
Lespouffe,anime,& fait aux hommes voir
Par euxles maux aufquels ils doiuent choir .
Homme ne vit qui tant haïffe au monde
Les Chats que moy d'vne haine profonde :
le hay leursy eux, leur fiont $f leur regard,
Et les voyant ie rrienfiuy d'autre part
Tremblant de nerfis , de veines & de membre',
Et iamais chat n'entre dedans ma chambre,
abhorrant ceux qui ne fçauroient durer
Sans voir vn chat auprès eux demeurer :
Et toutesfois cefle hideufe befle
Se vint coucher tout auprès de ma tefie,
Cherchant le mol d'vn plumeux aureiller
Ou ie foulais à gauche fommeiller :
Car volontiers à gauche ie fimmeille
Iufqu au matin que le coq me réueille.
Le chat cria d'vn miauleux effroy :
Je méueillay comme tout hors de moy,
Et en flurflaut mes fieruiteurs i'appelle: .
L'vn allumoit vne ardente chandelle,
L'autre difoit que bonfigne c'eftoit
Quand vn chat blancjon maiflre reflatoit :
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IVRE
L'autre difoit que le éhat flolitaire
Eftoit la fin d'vne longue mifere.
Et lorsfronçant les plu de mon Jourci,
La larme à l'iil ie leur reffons ainfl:
Le Chat diuin , miaulant fignifie
Vne fafiheufe & longue maladie,
Et que long temps ie gard'ray la maifion,
Comme le chat qui en toutefaifon
De finfiigneur le logis n'abandonne,
Et foit Trintempsffoit Efté, foit Autonne,
Et foit Hyuerfait deiourfioit de nuit,
Ferme Jarrefte & iamais ne f enfuit,
Faifant la ronde & la garde éternelle
Comme vn foldat qui fait la fientinelle,
Auec le chien $f l'Oye, dont la vois
Au Capitole annonça les Gaulois.
Autant en efl de la tarde tortue,
Et du kmas qui plus tardfie remué,
Porte- maifions, qui touflours fur le dos
Ont leur Palais, leur liél$ leur repos,
Lequel leur femble auffi bel édifice
Qu'vngrand chafléau bafii par artifice.
L'homme,de nuiélfiongeant ces animaux,
Peut bien penfer que longs feront fis maux :
Maisflilfingeoit vnegrue ou vn cygne,
Ou le pluuier, cela luyfierait figne
De voyager , car tels oifeaux flont pront':
A tire d'aile ils reuiennent & vont
Sn terre,en l'air, fans arrefler vne heure.
Autant en efl du loup qui ne demeure
En flon bocage & cherche à voyager:
Aux maladifs il eft bon à fonger;
Il leurpromet que bien toft fans dommage
Sains &guarisferont quelque voyage.
D î e y, qui tout peut, aux animauxper¬
met
De dire vray , £

DES POEMES. \m
DucoursduCiel n} defin influence, A feus nos pieds VrofterntU nature
Enfans de terre-.ainfin ilplaiftàDiEV,
QuiJes bontelfejlargit en tout lieu:
Ves animaux, autant que l'homme eft
fait
Et pour aimerfia pauure créature, Des animaux l'animalplus parfait.
MARCASSVS.
Pieu] Il ne fait que philofopher fantaftiquement tout le long de cefte pièce, pour monftrer que Dieu fc
communique a tontes les chofes créées, & que parconfequent, non feulement les animaux, mais encordes
chofes animées nous peuuent donner par des figneseuidens la cognoiffance des chofes à venir. Pour confir¬
mer ce difeours .1 feint vne fable d'vne femme de ThefTalie changée cn arbre, & Thiftoirc de fon Chat. Tout
eft tses-aife, & ne mérite pas explication.
LES PAROLES QVE DIST
Calypson.ov qj'e L l e ^
deuoit dire, voyant partir
Vlyffedefonlfle.
A IEAN ANTOINE DE
B a ï f Poëte excellent.
Onques coureur,fuitifi, 0* vagabond,
Qui n'as honneur ny honte fiur
le fiont,
Que tous les Dieux,aufiquels tufiais iniure,
Vont punijfantpour ton ame pariure
Tar mer, par terre, & toftans chaque iour
De ta maifon le defiiré retour ,
Tevoftt tramant d'vne filace brune,
Coup deffus coup ,fortune fiur fiortune,
Mal deffus mal, mefichef deffus mefihefi,
Quifans te perdre eft pendu fiur ton éhefi,
Pour allonger ta mifierable vie
Qui par ton fils te doit eflre rauie,
Quand de fion dard en vn poifion trempé
( Sauuant tes bufs )fieras à mort frappé.
Quoy f vagabond , que des Dieux la ven¬
geance
Pourfuit par tout ! eft-ce la recompenfe
Que tu me dois de t auoir receu nu,
Naufrage vifià ce bord incognu ,
Battu du foudre fhelas trop pitoyable!
le te fis part enfiemble& de ma table,
Ef de mon liél, homme mortel, & moy
Sur qui la Mort n'a puiffance ny loy,
Fille à ce Dieu qui par tout te tourmente.
Queieviuots bienheureufi & contente
Dedans mon antre,ah ! auant que le fiort
Teufifiaitfiotter à mes bords demi-mort
A calfiourchonsfuries ai% de ta proue
( Naufrage vif dont la vague fie io'ùe)
Sans compagnons, que lesfeux enuoye%
Du Ciel auoient en ton lieu foudroyé^.
Pauures chetifi qui fiurent fians leurfaute
Punispour toy, ame mefichante^r came !
le deuois croire au Dieu marin Proté
Qui dés long temps, Prophète, auoit chanté
Que finement trompée ie fieroye
Par vnguerrier qui reuiendroit de Troye,
Qui auroit veu de la mer lespérils,
Auroit cogneu Antiphate fy Sris,
Les Leftrygons & le borgne Cyclope
Qui te mangea les meilleurs de ta trope]
En te voyant, aux marques qu'ildifiit
le te cogneu : mais Amour me nuifiit,
Qui me gaigna dés la première veuë : ]
Si que lef\rit,$f lame toute efmeuë
Et la raifon , me laifferent d'vn coup,
Etfi voyais dedans tesyeux beaucoup
Deflgnes vrais que tu tftois Vlyffle,
Homme mefichant , artisan de malice.
Aux iours d'Efié, quand le Soleil ardant,
De fies rayons la terre alloitfendant,
La creuaçant iufquaufonds defon centre,
Tous deux ajfis deffous lefiau d'vn antre
Ou le ruijjeau ia^pitàl'enuiron,
Ayant la tefte au creux de mon giron,
Moy faccollant , ou baifant ton vifage*
le cogneu mieux ton malheureux courage.
Car me contant quenuiron la mi-nuit
Eftantpar toy Diomede conduit,
Tu deftournai les beaux courflers de Thram,
Tuas Dolon, que laTroyenm audace
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tioo L E L ]
Auoit induit pour fçauoir fi les Grecs
Voudraient combattre, ou fils fuiroient après
Que la ieune Aube à la main flaffranée
Auroit au (fiel la clarté ramenée.
Puis me contant qu'en veflement d'vn
gueux
Rebobiné, repetafié , bourbeux,
Cherchant ton pain d'huis en -huis à grand'
peine,
Entras en Troye (ffif parlas à Htleine,
Qui te monftra tous les forts d'Jlion,
Tefit embler le flainél Palladion,
Etflain ey fattfifinir hors delà ville.
Puis dificourant que l'enfiançon Achille
Receut par toy les armes en la main:
Puis me contant que les Grégeois en vain
Aux mursTroyens eufientfiait mille brèches
Sans Philoélete & fiesfatalesflèches,
Que tu trompas d'vne pariure foy,
Voulant apprendre à Pyrrhe comme toy
D'efire méchant, ce qu'il ne voulutflaire,
Te hayffant d'vne ardante colère, w
Prince bien-né: certes ie preui bien
Que ta fineffe & toy ne valaient rien,
St qu'à la fin ie fierois abufiée
Du beau parler d'vne amefi rufiée.
Que,gémis tu d'vn fiouffirji amer,
Lesyeux tourne? fur le dos de la mer,
Enflant penfifi de fianglots ta poitrine f
Fay ion bateau & fiur la mer chemine,
Voila du bois & des outils affe?
Pour tes carreaux rudement compaffe?,
Pont tu baflis ta barque naufiagere
Sans aucun art d'vne main trop légère.
Va, marche,fuy où la mer & le vent
re porteront : i'effere que fiuuent,
Comme vn plongeon, humant l'onde fialée
Je mevoirray par mon nom appellée
Tour ton ficours : mais deuffes- tu mourir,
le ne fçauroisfur l'eau te ficourir :
Car ie riay point deffur la mer puiffance,
Bien que la mer me donne ma naiffance.
Mais lai ! deuant que cheoir en péril tel, .
// vaudroit mieux eflre flait immortel
Près Calypfion ( dont vn Dieu tefipare )
Que retenter cet élément barbare
Qui n'a point d'yeux , de cur ny de pitié :
Mais orageux & plein d'inimitié '
Sembleaux putains, qui contrefiont Us belles
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IVRE
Pour eftre après meurdrieres & cruelles.
La mer quifiait ainfi que toypiper,
Se fiait bonnaffe afin de te tromper.
Ou eft la foy que tu m'auois donnée
Sous le ferment du nopcier Hymenée,
Quand dextre en dextre en iurant me pro
mu
Vn liél certain qu'en oubly tu as mis,
Et parle vent, autant que toy volage,
Iettes en vain lefieré mariage f
Dont tu te ris en te jouant de moy,
Sans faire cdsde Dieu ny de ta foy,
Ny d'abufer de l'honneur des Déeffes f
Auffi tu dois de cent vagues efpeffes
(T oufié par force au riuage eftra nger )
Froiffer ton chef parjure ffj menflonger.
Ah ! tu deurois non pas froiffer ta tefie,
Matsïabyjmer au fort de la tempefle,
El cefle langue apprifle à bien mentir,
Dont mainte Dame a peu fle repentir
De ïauoir creue: & ne fuis U première
Pleurant ta bouche à tromper couftumiere.
C'efl quelque honneur tromper fon enne-
Oufioif qu'il veille ou qu'ilfioit endormy,
Quand laguerre eft par armes efchaufiée:
Mais ce rieft mie à l'homme grand trofiée.
Etgrand honneur il n'a iamais receu
De deceuoirvn cur déjà deceu.
O méchant Grec, bienpetite efl la gloire
Quand deux trompeurs enfiemble ont la viéloire
Sur vne fiemme au cnurjimple & bénin :
VnDieu volage fimeonflant^ malin,
Vn homme caut qui trompe parfineffe
Non les Troyens , mais les plus fins de Grèce.
Puis que Mercure efl deficendupour toy,
le ne veux plus te retenir che% moy :
Suy ton chemin , cherche par le naufrage
De ton pais leSablonneux riuage. '
Que portes-tu méchant en ta maifon
Sinon fineffe , & fraude, $ trahiflon,
Trompant parfeinte & par fiaulje pratique
Déeffe,Dieux,grgrande République,
Que tu as peu par vn éheuaj donter,
Que dix bons ans riauoientfçeu furmonter î
Que vas- tu voir en ton Ifle pierreufie,
Ou ne bondit la jument genereufie,
Ny, le poulain t que vas-tu voir finon
Vne

DES P
Vneputain riche d'vn beau renom,
Ta filandiere & vieille Pénélope f
Qui vit gaillarde au milieu de la trope
Des jouuenceaux, qui départent entre-eux,
J table affis, tes moutons & tes bbufs ?
Boiuent ton vin, ce-pendant que la lyre,
Lesfait danfier, lebouflon lesfiait riref
Qui pour auoir plus de commodité,
A fiait aller cn Sparte la cité
Son Telemach, enflant qui fe lamente
Que iour à iour fiappetiffe fa rente,
Et cependant quelle veut à plaifir
Quelque ribaut pour fion mary choiflr f
fil me fiouuient qu'ajfls deffous l'ombrage
Baiflant tesyeux, tonfront, & ton vifage,
Toy me trompant d'vn parler eloquant,
Tu me contais, Tenelope moquant,
Quelle eftoit fiotte,& riauoit autre eflude
Qu'à neflouffrir qu'vne lainefiufl rude
Pour en ourdir quelque ouurage nouueau,
Toufiours filant & virant lefiu^eau
Tourbillonneux, mordant de lagenciue
Les nàuds dufil tout baueux defialiue.
Jcy auras Joit de iourfioit de nuit
Gaillarde efyoufe & auras chafte lit:
Quand ie voudrois deuenir variable,
Ienefiçaurois: mon Ifle eft voyageable
Tant feulement aux vents fyaux oifieaux,
Et non aux pas des hommes & cheuaux :
Carde bien loin ma terre fieparée
Du continent, deflots eft emmurée,
Et rien n'aborde au feu de falypfin
Pour te donner ou martel ou foupçon.
Bien,pren le cas que la rame Pheaque
Te reconduifi au riuage d'Ithaque,
Terre pierreufe & paisfiablonneux:
Il te faudra d'vn habit haiUonneux
Veftir ton corps,ilfaudra prendreguerre,
A coups de poing te battre contre vn herre,
Et t'accofter feulement d'vn porcher:
Voilà,finet, ce que tu vas chercher,
St ce-pendant ta finefle icy laiffé
Vn reaume acquis,chafie liéï,er Deeffe.
Difant ainfl, tout le cDur luy faillit,
Vn tremblement fa poitrine ajjaiÛit,
Le caur luy bat , elle fe pafma toute,
Du haut du fiont luy tombagoûte à goûte
Iufiqu'aux talons vne lente fueur,
Et les cheueux luy dreffer ent d'horreur:
O E M E S. uoi
Puis retournant tesyeux deuersfin Ifle,
Difoit pleurant \ Terre graffe & fertile,
Lieu que les Dieux en propre auoient ejleu,
Pour tesforefts autrefois tu m'as pieu,
Tourtes iardins,pour tes bellesfiontaines,
Et pour tes bords bien émaille? d'areines :
Mais maintenant ta beauté me dejplaift
Pourle départ de cethomme qui eft
Ton feul honneur : orpuis quilflen abflente,
n'es plus rien qu'vnejfle malplaifante.
Las!fi au moinshomme'méchant &fin,
I'auois au ventre vn petit Vlyjflm
Qui teflemblafly ie fierois confortée,
M'éjo'ùyjjant d'vne telle portée:
Mais tu t'en vas, larron de mon bon-heur,
N'ayant dequoy défendre mon honneur.
Arreflevnpeuffouffreque ie te baifie,
Pour reftaichir cefte amoureufe braifle,
Quim'ard le cur, & qu'en cent mille las
Ton col aimé i'enlace de mes bras.
Mais ou fuis-tu f tu n'as ny maft, ny voile,
Robbes, habits, ne chemifie, ne toile
Pour te veftir, ny viures pour manger :
Attens au- moins, vagabond eftranger,
Que ie t'en donne, àfin que lafamine
Ne te confomme errantfiur la marine.
xAinfi tu vois que bénin eft mon cceur]
Le tien defer acéré de rigueur,
Inexorable, impitoyable & rude,
. Tu
Qui pour le bien m'vfies Jl ingratitude,
Cur de lion , de tigre & de rocher,
A qui l'on peut iuftement reprocher
Qu efiant iffu du genre Sifiyphide,
Rien ne te plaift que fraude & qu'homicide.
A tantfie teut : mais Vlyjfi toufiours
( Sans fieflnouuoir)dolapar quatre iours
Tillac, carène, cr les fentes efloupe
De lente poix : il éheuille la poupe,
Ferre la proue : & pouffant plus auant
Sa barque en mer, courbe la voile au vent
Le iour cinquiefme, eylaiffa loin derrière
Ifle, Deeffe, & larmes & prière.
Ces vers , B a ï F , amy des bons eflprits,
le chante au liél qnand la fleure m'a pris,
Pour mieux charmer le chagrin qui me ronge,
Meconflolant (fioit que ie veille oufionge)
Tar Poëfie, & ne veux autre bien :
Car ayant toutfians elle ie riay rien.
2 Uii
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uoa. LE I. LIVRE
M ARC A S S V S.
Donattes,coUreur] Caîypfe eftoit vncbclle Nymphe, fille de l'Océan & de Tethys, qui receut humA.smendans
fon Ifle VlyfTe.qui reuenant du fiege dcTroye s'en recournoit en Ithaque.Comme il eftoit batu de l'orage
delamer&r
lic"b. Apres qt
me euftréueif. ^ ,. t
fon deparr elle fait des regrets, & deteftecontte cefte ame parjure * auffi perfideque ceft Elément qui Tauoic
luy-mefine mal-traitté. Partner, par terre] C'eftcequedit Homereau commencement de fonOdyffee.
D'yne filace brime] Il fait allufion aux Parques que les anciens ont creu filer noftre bon ou mauuais Deftin
d'vne cftoffe fine ou rude, félon la fuitte de nos auentures. Virgile l'attribue au Deftin, comme il le tefmoignc
dans vne defes Eclogues^ où parlant de Ia.bonne Fortune du fils de PoJlion,iI dit :
Sans nruds çr fians replis les grandes defimées ,
Dam des trames des Dieux ourdirent tes années.
Qjii fians te perdre] C'eft ce qu'on defîre ordinairement à ceux que nous auons iufte fujet de haïr le plus.
Ainfi Medée dans Seneque le Tragique ne veut point que Iafon meure : mais qu'il viue éternellement dans fa
mifere : qu'il foit vagabond, fans maifon , fans pais : qu'il la defire appaifer & qu'il ne puiffe pas. Lesfeux ] Ce
defaftre fe voit dans TOdyfîee d'Homère. Proté] C'eft vn Dieu de la mer,qui prophetife les chofes avenir,
comme vous pouuez voir parla fable d'Ariftee au 4. des Georgiques de Virgile. ^Antiph&te ] Vlyffeaborda
au Royaume des Leftrygons où il courut fortune de fà vie, à caufe qti'Antiphatc Jour Roy ne pardonnoit iamais
auxeftrangers, mais les mangeoit auec fes fubje&s endesfeftins. Em] VlyfTe penfa auffi fe perdre prés
de cefte Ifle. Les Lefirjgom ] Nous en auons parlé. Cyclope] C'eftoit vn Monftre énorme, fils de Neptune,
dans Tantre duquel VlyfTe entra fans y penfer auec fes compagnons.dont quelques-vns furent deuorez en pre-(
fence de leur Prince. Et VlyfTe mefme eut feruy de mets à ce barbare , s'il ne fe fut auifé de Tenyurer, & de luy
pocher T : ce qu'ayant fait il fe fauuade Sicile que noftre Poète a cy-deffus nommée Eris. Diomede]
C'eftoit vn Prince Grec compagnon d'Vlyfi%ufli vaillant que l'autre eftoit rufé. Dolon ] C'eftoit vn efpion
des Troyens , qu' VlyfTe * Diomede furprirent dans le camp des Grecs , & luy firent dire tout ce qu'il fçauoit
des defïèins des ennemis. D'yn gueux ] Ilar-riuachezlcyen ceft équipage. PaUadion] Troye ne pou¬
uoir eftre prifetant que l'Image de Pallas, qu'on nommoit, Palladium , y feroit. C'eft pourquoy VlyfTe & Dio¬
mede fe deguiferentpour voirHelene qui leur fit voir tout ce qu'ils defiroient,& leur donna le moyen d'enleucr
l'Image fatale : ce qu'ils firent. %eee» par toy ] Il falloit mener Achille au fiege de Troye.mais il eftoit parmy
des filles deguife à fa Cour du Roy Lycomede. Donques VlyfTe pour le defcouurir fe deguifa en marchan d , &
apporta mille belles gentilleffes aux Dames de ce Roy.entre lefquelles il y auoit des armes, fur lefquelles Achillo
ietta incontinent les mains , à quoy VlyfTe le recognut auffi toft. PhiloBete ] C'eftoit le fils de Peante.grand
amy d'Hercule qui luy donna fes fagettes enuenimees du fang de l'Hydre qu'il auoit tué .-fans ces fagettea
Troye ne pouuoit point eftre prife. Pjrrhe j C'eftoit le fils d'Achille. Naufragere ] Il a bafty ce mot pour
dire, Qui eftoit fujette de faire naufrage. Mercure] Ce fut Mercure qui luy commanda de quitter Caîypfe
commelon peut voir dans Homère, cheual] Pourfairevne brèche aux murailles deTroye les Grecs firene
vngrand cheual de bois, * firent femblant de leucr le fiege. Voyez le fécond de l'Enéide. Sparte] ViIIedo
Grèce. Telemach] Prince d'Ithaque, fils de Pénélope &d'VlyfTe. HiUux] Nous auons parlé amplement
ailleurs de I antiquité de ce mot. Mordant] Il fait ces deferiptions de chofes fi peu neceffaires cn noftre
langue, al imitation des Grecs & des Latins qui deferiuent iufques aux doux d'vne roué. Comment ] C'eft vn
terme de Geographie.autrement, terre ferme. Herre ] Pour,Here. Sifiyphide] Il defeendoit de Sifyphe,
qui porte vn gros caillou au bout d'vne montagne dans les Enfers, fans Ty pouuoir iamais affermir.
» Qu'au Prince arméqui de louange afoin,
LE SATYRE. » 'Borner vainqueur fion Empire plus loin:
» Par ces deuxpoinéls fiaugmente la patrie.
I. HVRAVT BLESIEN, Mais,mon Huraut ,il efi temps que ie rie,
Seignevr delà En regardant à ce Dieufolleton
Pitardiere. Rompre les crins & plumer le menton
Par la grand' main d'Hercule, qui fiefiafiche
My H v r a v T , pour bien te De voir ce Dieufi paillard & fi lafiche,
faire rire, . Qui fion fialaire à coups depoings receut
le te fieray le conte d'vn Satyre : Du faux Amour qui trompé le deceut.
Le doux Ouide a la fable autre- Hercule vn iourpaffant par Oebalie
fois Menait 1 oie, amourçufifolie:
'Ditte en Romain, ie la dis en François, Comme ils erroient en cheminant tous deux
Poufié £ardeur d'vn fiemblable courage. Par terres, bots,par boccages ombreux,
« Ce riefl moinsfiait d'honorer fion langage, Luy, heriflé deffous lajteau velue
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D E S P O E ME S. izo$
D'vngranilion,empoignoitfia maffus
Ferme enfis doigtsygrojfi de doux d'airain.
Eileporloit mille bouquets aufiein,
*De bagues d'orfies mains eftoient chargées,
Son col brauoit de perles arrangées,
Son éhefi efloit couuert fiollat rement
*D'vn ficophion attifé proprement :
Sa robe efloit de pourpre Meonine,
Perfie en couleur, chancrée àla poitrine :
Ainfiqu'on voit au retour des beaux mois
Plein de fiueur £

1204 LE I.
L' armet au chefi,qui tropgrand& trop gros
Choquefion front, ($f luy rebâtie dos.
A-tant la nuiél qui d'ailes brunes vole,
Fit retourner Hircule & fion Iole :
Ils vont fiouper, ils fe couchent tous deux,
Sans déuefHr leurs habits monftrueux.
Là tout ioignant eftoit l'horreurd'vn antre
Où le Soleil en nullefaifon n'entre,
Sinon l'Hyuer, quefin rayon tout droit
Paffe dedans & amortit le fioit,
Pour donner vie (efforce (if accroiffance
Aux belles fleurs qui là prennent naiffance.
Devifitufieau tout à l'entour eftoient
Des bancs fans art qui. d'herbes fe veftoient,
Faifant d'eux: meflme vne pauflade ai?ce
De Poliot^f de mouffe fri?ée,
Tendre, houpue , & de trèfles qui fiont
Naiflre en leurflueille vn (froffant fur leflot.
Auprès de l'huis,gardien de l'entrée,
Sonne vn ruiffeau à la courfi fiacree,
Où les Syluains,où les Nymphes d'autour
Se vont baigner ër pratiquer l'amour
Au chaud du iour, quand Diane, ennemie
De leursplaifirs, dort és bois endormie. ^
Deffus la porte vne lambrunche efioit,
Qui de fies doigts rempante fie portoit
Sur vn ormeau, & d'vn 'large fiueillage
Faifoit àl antre & aux ondes ombrage,
Et au beftail qui fy venait cacher,
Et d'vn col lent fin viure remafeher.
Làfiur mainte herbe & maintefiueillet en
tre
Lesdeux amans repos allèrent prendre:
Leursfieruiteurs, qui le flomne floujflaient
Par les naseaux,fiur les tifins ronfioient,
D'vn bas menton refrappant leur poitrine
autour dufeu qui lentement décline.
Quand le Satyre en l'antre vid Jeulets
Prés des charbons flommeiller les valets,
Penfant le Somne auoir auxyeux du maiflre
Comme aux valets le doux fommeilfait nai¬
flre,
fl entre en l'antre,fallait par compas
A pied leue doucement pas à pas,
Comme marchantfiur lefiaiffis d'vn verre
01^fiur des clous,

dont il eft fol.
lepuis la peau. ^c&0ije } ^-eu pour Ja commod -
^cu trouuer vn qui eut efté plus propre s'il eutvo,,!,, "7 "''-T^-V*" r"W""r uccemot : - «neuc
[es champs. &queles anciens croient mo«J .Dr«Vn \ZV C "" d," D'e°X ?ni fc dcnn"tdans
Se rauit ] Pout, fut rauy* XÏÏffi S 1J"S|tcmP« » «?X/»« ,«y «oin. que leshommes.
fon amoureufe folie. * Tout Hercl\W ^ . /? * ,*t°" "S** qU auParauan^ * i'* nommée
, Afolie. * J°h*
Tout
vercuie] Hercl\Wc clt ^ .
encore parler /? à imitation * ,*t°" "S** des
qU
Grecs
auParauan^ Ponrrlir« * i'* cil-. nommée
, A J°h* vercuie] c clt encore parler à imitation des Grecs Ponrrlir« cil-.
Hercule tout à fait cn fes liens. N>mons yerta ,V.e« ,rt vn ° "!.,. .._.°Ur,re ' ElIe tcnojc
oeign<
quelle
LA SALADE.
A AMADIS IAMYN,
son Page.
Aue tamain}qu ellefoit belle ey
nette,
Marche après moy , apporte vne
firuiette,
Vne falade amaffon ,($f faifon
Part à nos ans des fiuiéls de lafaifon.
D'vn errant pied , d'vne veuë efeartée
Deçà, delà , en cent lieux rejettée .
Sus vne riueey deffus vnfofié,
Deffus vn champ en pareffe laifié
Du laboureur, qui de luy-mejme apporte
Sans cultiuer herbes de toute forte,
Je m'en iray filitaire à l'eficart.
Tu t'en iras, I a M y n , d'vn autre
part
Chercher fioigneux la bourfette toffu'ê^
La pafquerette à la fiueiUe menue,
La pimprenelle heureufe pour le fang
Et pour la ratte,&pour le mal deflanc:
le cueilleray , compagne de la mouffe,
La refponfette à la racine douce,
Et le bouton des nouueaux groifeliers
Qui le Printemps annoncent les premiers.
Puis en lifiant l'ingénieux Ouide,\
En ces beaux vers où d'AmoUr efl le guidé]
Regagnerons le logis pas à pas.
Là recourfiant iufquau coude nos bras^
Nous lauerons nos herbes à main pleine
Au cours fiacre de ma belle fontaine :
La blanchirons de fiel en autre part,
L'arroufierons de vinaigre rofiart,
L'engraifferons de l'huile de Prouence :
L'huile qui vient en nos vergers de France
Rompt l'eflomac $f du tout ne vaut rien.
Voilà , I a M Y N , voilà mon fiouurairi
bien, ~~
En attendant que de mes veines parte
Cefle exécrable horrible fleure quarte
Qui me confiomme ($f le corps ey le cur]
St me fait viure en extrême langueur.
Tu me diras que la fiéure m'abufie,
Que iefiuis fiol ,ma fialade , eyma Mufie î
Tu diras vray , ie le veux efire auffi,
Telle fiureur me guarit mon fiouci.
Tu me diras que la vie efl meilleure
Des importuns qui viuent à toute heure
cAupres des Roys en crédit (éjf bon-heur,
En-orgueillis de pompes fy d'honneur:
Je leflçay bien , mais ie ne le veux faire]
Car telle vie à la mienne eft contraire,
Ilfiaut mentir ,flater ey courtifier,
Rire fans ris,fi face dejguifir
Au fiont d'autruy, ey ie ne le veux faire^
Car telle vie à la mienne eft contraire,
Ulii fy
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.-a/as»

jio
» Et la moitié le tout furpafjeroit.
Par la moitié il entendait la vie
Sans aucun fard des laboureurs fiuiuie]
Qui viuentfains du labeur de leurs doigts]
Et par le tout les délices des Rois.
» La Nature eft y ce dit le bon Horace,
» De peu contente, & noflre humaine race
» Ne quiert beaucoup : mais nous la corrom~
pons,
» Et par le tout la moitié nous trompons.
C'eft trop prefihé,donne- moy mafalade ,s
Trop fioide elle eft ( dis-tu) pour vn malade.
Héquoy I 1 a m y n , tu fais le Médecin!
Laiffé- moy viure au moins iufqu à lafin,
Tout à mon aifie, fy ne fou trifte augure
Soit a ma vie ou à ma mort future :
Car ie ne puis , ny toy pour ton ficours,
Faire plus longs ou plus petits mes iours.
Ilfiaut charger la barque Carontée :

DES POEMES;
\,La barque ceft vne Bière voûtée Sans naiftre icy l'homme ne mourroitpas:
Faite^ en batteau : le naiftre efl le trefi Fol qui d'ailleurs autre bien fie propofe !
* ' » Naiffance $f mort efl vne mejme chofe.
MARCASSVS-
.en,?. ,*^}^nà{,°^^ daller cueillir vne falade auec Amadis Iamin, excellent perfonnage deVon
temps lors fon page .pour tomber fur les incommoditez de la Cour & les innocens plaifirsde la vic^uftîque
Heute«fie] Pour, bonne. teconfant] C'eft à dire, retrouffant la manche iufquau coude. Cours acU]vTce\
fon vifage a celuy des autres, eftre ioyeux auec ceux qui font ioyeux, & trifie auec les triftes: s accommoder,
envn mot, aux humeurs d'autruy, & faire le complaifant. Qj£on pende] On entend mal-aifément icy le Poë¬
te. Si ce n'eft qu'il vucille dire qu'il ne veut plus qu'on face le refrongné en fon endroit.* pour moy ie croy
qu'il veut dire cela , & qu'il a pris cefte façon de parler vn peu obfcure des Grecs. Car ie me fouuiens d'auoir Jeu
dans Ariftophane, qu'vn certain perfonnage parlant à vn autre qui fait le refiongné.did qu'il hayt ceux qui
bandent le fourcil à guife d'vn arc. Noftre Poëte peut auoir forgé vne nouuelle façon de parler approchant©
de celle-là. Haujfie-beque j C'eft vn vieux mot qu'il a fait verbe, pour dire, faire vn figne de* raefpris de la teûc.
Corycian] Virgile parle delà mefnageric* du contentement de ce bon vieillard dans le fécond liure de
fes Georgiqucs , fi ie ne m'abufe. Crajfie-] C'eftoit vn des grands de Rome, qui s'en alla faircla guerre contre
les Parthes , ne pouuant endurer la puiflance de Pompée dans la ville. Hejioie ] C'eft vn excellent Po'éte Grec.
Qjùert ] Vieux mot, pour, defire. Et par le tout] Le fens de ce vers eft obfcur. le croy qu'il veut dire, que
nous ne fçauons pas nous feruirheureufement de ce peu de biens dont la Nature peut eftre contente, à caufe
que noftre defir eftinfatiable, & que nous voulons auoirtout. Caromée] Labarque de Caron, nautonnier
des Enfers.
DISCOVRS D'VN AMOV-
REVX DESESPERE' ETDE
fon compagnon qui le confole
, ôc d'Amour qui le
reprend.
\A SCEVOLE DE SAINCTE-
Marthe, Poiéleuin , trèsexcellent
Toè'te.
Le defelperé commence.
Vre beauté , ingrate ey malheureufie
,
Las! eflcoute^ ma plainte dou-
loureufie,
Et me voye? en mes larmes mourir,
Puis qu'autrement ne voulez ficcourir
Le mal qu'amour m'a grauédedans l'ame,
De tout mon corps nefiaifiant qu'vnefiame,
Et qu'vn glaçon viuement attifé
Du feul défait de me voir mejprifié.
Tant plus l'Amant de foy-mefine s'efti-
me,
Tlus il eft braue eyplus eft magnanime :
Tant plus fion c eft généreux (§f chaut,
zoy
Tant plus $ aime en lieu parfait ($f haut :
Si par deflorin fin feruice on outrage,
Incontinent f amourfe tourne en rage,
En pleurs , en\ cris , en larmes , enfureur ,
Vrais fioujpiraux pour éuenter le cur,
Qui creueroit genné de telle preffe,
Si pour confort riaceufioit fa Maiflreffe.
Puis que vos yeux m'ont brafié la poi*
fion,
Tuis que pour vous i'ay perdu la raifion]
Perdu l'efprit, comme chofe firiuole ,
le perdray bien encore la parolle,
%^A fin de dire à ces rochers icy
De voftre cnur le vouloir endurcy.
O beauté', non , mais bien cruauté née
Sous malheureufie ey rude defiinée,
Pour me tuer ,defichirer ey humer
Mon fiang trahy deffous le nom d'aimer.
L'homme vrayment efl digne de grand
blâme
Qui perd fin âge à fleruir vne flemme,
Sujet léger, qui vit du feul plaifir
De varier , de changer , (if éhoifir ,
Et qui fe dit d'autant plus honorable,
Quelle eft touflours menteufle (if variable.
Aujfi Venus , qui najquit dans les flots
( Flots ennemis de l'homme ey du repos)
m n fijf
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iioS LE I.
Nous monfire affeX que la plus fieure ai¬
mante
N'efi que tempefte, orages ey tourmente.
Jl ne faut point égaler le mal- heur
%^4u mien , qu endure attaché le voleur
Deffus Caucafe , ou lapeine infernale
De Salmonée ,Ixion ,ou Tantale :
Prés de mon mal leur fort efl bien heu¬
reux,
Qui veut fouffrir ilfiaut eftre amoureux,
Jlfiaut aimer vne ingrate cruelle,
Qui nous occit d'autant plus qu'elle eft belle.
Effrit de roéhe , amefaite defir ,
Que mes floufyirs nepeuuent eféhaufer,
Cvur , mais du plomb , qui te caches indi-
D'efire logé feus fi belle poitrine :
Ris mon trompeur,fiont gracieux eyfier^
Oeil, non pas nil , mais vn drillant acier,
(forps engendré dans l'effais des bocages ,
Nourry du laiél des lionnes fauuages :
Si le deuoir vous eflchaujje à pitié,
Aye?floucy de ma longue amitié,
Et quelquefois helas! vous prenne enuie
D'auoir horreur des tourmens de ma vie,
Craignant la main de Nemefis , qui fait
Punition de ceux qui ont forfait.
Hé! quelforfait plus grand fiçauroit-on
faire
Que fin amy cruellement desfairef
Le tourmenter, gefner ,(fjf martyrer,
Et toutfin ciurpar morceaux defichirerf
Toute la nuiél quand le Soleilfe plonge
Sous l'Océan, l'ejfouuantable fonge
En cent façons , pour me donner effroy,
Coup deffks coup vous reprefinte à moy.
Depuis le foir iufquau poinél de l'Aurore
Tenflfl ie veille : Amour qui me deuore,
Comme ennemy de mon premier repos ,
Ne donne tréue vn quart d'heure à mes os :
' Deçà delà ie me tourne $f nuire.
Mon il voyant le pojurtrait qu'il de- '
fire
[omme vnfiantoflme errer deffus mon liél,
Méfait tafier les ombres de la nuiél,
Croifiant mes bras au deuant de l'image
Pour U ferrer : mais 'elle plus volage
Qu'vn vent léger, enfuyant ne veut pas
Qu'vn vain plaifir ie preffe entre mes bras.
livre
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Mais quand l'Aurore abandonné la cots^
che
Du vieilTithan , tout réueux ey farouche
le fors du liél, çyfla'hs autre tefmoin
Seul ie me pers en vn antre bien loin >
Parlant tout feul : Amour qui m'accompA-^
gne
Mefiit aller de montagne en montagne,
T)e bois en bois , de penfer en penfer:
fefluy les lieux par oit ie voy pajfer
Le peuple errant ^ dreffe mon allée
Entre les bois heriffe% de flueillée.
Mais enfuyant les hommes eyle iour]
le ne fùy point moy- mefmes , ny Amour,
Ny le penfer importun de ma Dame,
Qui comme vn Ours fle repaiflde mon ame]
Mange mon c , ey me met en tous lieux
Voflre paumait au deuant de mes y eux.
Aucunefois cefle flauffe efferance
Tar les deferts me promet ajjeurance%
Et me pippant , menfiongere , me dit
Qu'en voftre amour i'auray quelque crédit: .
Mais ie ne veux à Deeffe fl vaine
Adjoufterfoy ,pour allonger ma peine]
Las ! mon efirit par trop réuer afait
Mon corps hideux,palle , morne & desfaiéî]
Desflguré comme ces ombres^ vaines
Qui vont là bas fans muflelés eyfians veines]
Sans fiang,fians nerfs, aux riues d'Acheron,
Légerfardeau du bateau de Charon :
A tels effritspour aimer ie refiemble,
Traînant vn corps vif (if mort tout enfem*
ble.
Doncques voyant mon trefias approcher,
le veux mourir au pied de ce rocher
Plat eflendu contre la froide terre,
Pour eftre franc d'Amour ($f defa guerre]
Et des jouets fi prompts à m'offenfer,
Et par-fur tout de ce mefichant penfer.
Il ne faut point qu'vn beau liél de ver¬
dure
Pour ornement couure ma fiepulture :
Rofes ne Lis ne fint pour le tombeau
D'vn mijerable amoureux iouueneeau]
Mais bien la ronfle eftineufiy fleuriffe ,
Et en tout temps le chardon s'y heriffe:
Nul paftoureau n'y chante du flageol,
Mais le corbeau en lieu d? rojfignol,
Et que la neige à coups de pied brifiée

E S P o e iî e S; '. 'ilof
Sur le Printemps luy férue de rofée.
Puis quand ïefprit tout fianc fera de
hors
En cent façons par vne effrangé feinte
Troublant fen ame en tous lieux cTvm
Des fierfis liens du mifierable corps,
le ne veux point qu'il prenne vne autrefor
me,
Mais grefie ey nud,ey fiantofime difforme,
Afreux, hideux, deuant fisy euxfouuent
Vole ey reuole auffi léger que vent»
MARCASSVS.
crainte,
Et tout fin clur de rage ry de fureur,
Et fon effrit defonges ey d'horreur,
Oufioit la nuiél en fion liél endormie,
Ou foit le iour, afin que nulle Amie
Sur la rigueur ne mette fin appuy,
Prenant exemple à la peine d'autruy.
Dure Beauté ] Voicy les plaintes d'vn Amant, lequel après auoir rendu tout ce qu'il deuoit à fa vehcmcme
paffion & aux mérites de fa Dame, defefperant du bien qu'il rechercboit auec tant de foin & dc peine.difpofe
delà fin de fa vie. Glaçon attifé ] Il monftre le refroidiflement que le mefpris caufe en amour. D^ne telle
frefie ) C'eft à dire, eftant preffe de la forte. -Brafié le poifion] Ilveutdire; Apprefté.ou fait prendre malicieu¬
sement, le perdray bien] Il veut dirc*Puifque i'ay perdu en vous aimant la raifon, iepeux bien perdre ces
parolles que ie prononce, &aufquellcsic fçay fort bien que vous faites la fourde-aureille. roleur] C'efl:
Promethée,qui pour auoir defrobéle feu du Ciel futattaché furie mont de Caucafe. Il faut voir le Promc-
thee des Grecs dans le Po'éte Tragique. Ixion J Ceftui-cy pour auoir efté fi téméraire que d'auoir voulu
rechercher d'amour Iunon, fut attaché aux Enfers à vne roué , dont le raouuemenr eft perpétuel. Salmonee]
C'eftoit vn des fils d'Eolc * Roy d'EIide, qui defirant d'eftre adoré à l'égal des Dieux , fit conftruirc vn pont
d'airain, à fin qu'en s'y promenant fur vn char tiré à quatre cheuaux il imitaft le tonnerre de Iupiter. Le Ciel
ne pouuant endurer cefte infolcnceTenuoyad'vn coup de foudre aux Enfers. Tantale] C'eftoit vn de* fils
de Iupiter & de la Nymphe Plote. Tithon] C'eft le mary del'Aurore. le ne fiuy point moy=mefme ] C'efl
àdireilenemefuypointmoy-mcfmc. Ny le penfer] Pourdirc,Ny les importunes penféesqui m'entreneanent
des beautez & des rigueurs dc ma Dame. ^îcheron ] Fleuue qu'il faut paffer aux Enfers pour aller aux
champs Elyfces.
LE COMPAGNON DE
l'A m o v r e v x clv i
le confole.
H ! Compagnon , ramaffe ton
courage,
La Raifen foit maiflreffe de ta
[ rage :
Réueille-toy d'vn fommeilfi profond,
Et la Vertu replante fur ton fiont.
» Nai? pour ïhonneur en ce Monde nous
femmes :
» Les cris, les pleurs fiont indignes des hom¬
mes,
» Qui de nature ont le cur généreux
» Tour ne broncher fous le fort malheureux :
Mais vers le (fiel dreffant toufiours la tefie,
Ont pourfujet toute aélion honnefle,
Vn haut courage, vn vertueux penfer
Qui ne fie peut de Fortune offenfer.
*- Entre les morts efl morte ïefferance :
» Entre les vifs elle a fa demeurance.
Ejfere donq, (êf hardy ne reçoy
Le defiffoir pour le loger che?-toy.
L'ejberance efi des Laboureurs nourrice]
L'ejferance eft aux prifionniers propice,
Sans elle en mer le T ilote riiroit,
Bref,fins l'ejpoir le Monde périroit.
Rien n'efi fi dur qu'vne roche majfiue,
Rien n'efifi mol qu'vne fontaine viue:
Et toutefois l'onde auecques le temps
Mange la roche eyla creufi dedans.
Toute douleur , tant foit longue; ey mor¬
dante,
Tantfioit fia playe en noftre c ardante,
Se peut caffer par patience, ainfi
Qu'vn grand rocher fiur le berdendurci
Caffe à l'entour, flans bouger de fia place,
D'vn pied confiant la mer qui le menace.
Mets, ie te prie, au deuant de tesyeux
L'heure, le iour, ey le temps (èf les lieux,
Où quelquefois ta confiance affleurée
%si la rigueur de Fortune endurée,
Voire plus grande & plus forte beaucoup
Que riefl I^Amourqui t'a donné ce coup.
Souuienne-toy combien deffus la plaine
De la grand' mer tu as Jouffert de peine .
Il m l'y
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«
iâio , L E L
Pendu fur ï onde, ajjailly delà mort
Qui iefbioit à deux doigts prés du port.
Souuienne-toy combien tu asfur terre
Souffert de mal au trauail de la guerre,
Bltfié,nauré , rigueur deffus rigueur,
Où toutesfois tu n'as perdu le ctur.
Voudrois-tu donq' , o nouuelle mifere!
Le perdre ainfl pour chofefi légère t
Souuienne-toy,regaignant ta raifen,
Que ta Maiflreffe eft de grande maifon,
De noble fiang, (fjf non pas amufée
A déuider ou tourner la fiujée:
Et que fion vil, mais vn Soleil doré,
Et fon ejfrit des autres adoré,
Et fies cheueux, les liens de ta prifie,
Sa belle main à la viéloire apprife,
San ris, fin ihant ,fin parler eyfia vois
Méritent bien le mal que tu reçois.
Endure donq' : les amours fint fembla¬
bles
Aux iours qui font de nature muables,
Tantoflfreins $f tantofl pluuieux,
Chauds ey gWî£ > amfi °lH^ P^4lP a^
Cieux.
Teflais vn iour amoureux d'vne Dame
Qui d'outre en outre auoitpercé mon ame
DeJk beauxy eux: plus mon cCurfiallumait
Mourant pour elle,ey moins elle m aimoit,
De mon tourment apparoiffant plus belle,
Etfi beauté la rendait plus cruelle,
(fomme vn chéureulqui vafuyant de peur
, Deuant vn loup tout heriflé d'horreur,
Qui ja déjà de fa griffe le preffe :
KAinjifuyait cefie ieune Maiflreffe.
O quantesfiois tout feul entre les bois,
entre l'effroy des antres les plus cois
\Ay-ie conté dans vn defin fiauuage
Le mal receu pourvn fi beau vifage f
O quantesfiois aux rochers d'alentour
Ay-ie conté la rudeffe d'Amour,
Et arreflé les vents à ma complainte ?
Echo fans plus, de mes fioufpirs atteinte,
Me reflpondoit , (if d'vn pareil efmoy
M'accompagnant , pleuroit auecques moy.
Cent fois troublé d'vne fureur extrême
J'ay mon poignard tourné contre moy- mef
me.
Pour deflier par le bien de la mort
L\ïjprit_ tranfifians effair de confiort :
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LIVRE
Mais quand la honte auoit refreint ma deflre,
J tout le moins, difioy-ie,il mefaut eftre
m'arrefter icy
Sans que le peuple entende monfioucy.
Hofte des bon > $f
Va n'eft befoin que le Monde rougiffe
De ma vergongnei ilfiaut que ie languiffe
En ces defins,ey trainé ma langueur
Bien loin du peuple autour démon malheur.
Ainfl diflois, mais les haleines molles
Des vents en l'air emportaient mes parolles:
Car tout floudain l'importun fouuenir
Forçant mes pas, me faifoit reuenir
Deuant lesyeux de ma belle guerrière
Inexorable (^f Jourde a ma prière,
Qui de mes pleurs fi rigueur abreuuoit,
Et de mes cru non plus ne feflmouuoit
Qye fiait la mer, quand palle du naufrage
Le nocher crie au milieu de l'orage.
I'auois fiufftrt quinze mots ja rigueur,
La larme à l' fur lefiont la langueur,
Laflame au cur, le fiuffir en la bouche,
Sans amollir cefte beftefarouche:
Quandpour trouuer à mon malguarifin,
D'vn vieil fiorcier ie cherchay la maifion,
Sorcier barbu , à l'ail effouuentable,
Au gros fourcil, au front inaccofiable,
Ridé, craffeux, arrogant, éhonté :
Seul ie l'aborde ey mon mal luy conté.
Jl me refiond : Ta tefte eft efîourdie
D'vne bien chaude & forte maladie:
Et toutefois tu pourras bien guarir
Si prompt tu veux toy- mefmefecourir,
Non par l'effort d'vn magique murmure,
Par vers charme?^, par efirange efiriture,
Ny par billets à ton col attache^,
Ny par ficrets des Démons recherche?.
Tant feulement pour vn mois diffimule
Maugré ton c la flame qui te brûle :
Change de face , & fein d'efire guary : '
Ne marche plus comme trifie ey marry,
A fiont baifie foujpirant par la voye :
Ny meffagers ny lettres plus rienuoye,
Nourriffement $f appafl de tonfeu :
Cache ton mal ,temporifis vn peu, \
Et tu voirras ains que le mois fe paffe,
» Que par le temps toutefureur f efface.
Apres auoir mon mal diffimule,
Elle eftima mon fieu fien eftre allé,

DES PO
Et que mon ame autre part enuolée,
En (on endroit de éihaude efioit gelée,
Et que mon cour par feinte diuerty
.^Auoit ailleurs trouue nouueau party :
Par defeffoir s'efcria mal- heureufe
^ompt fes éheueux , deuint toute amoureufe ,
Et fians vfier de plus longue rigueur
Me faute au col, $f mappella fion crur.
Si tu m'en crou ,guary- toy de la forte :
Ou fl tu n'as la confiance ajfe^forte,
le te diray pour ton dernier ficours
Le vray moyen de perdre tes amours.
On dit , Amy , qu'en laforeft d'Ardeine
Deffous vn chefine ondoyé vnefontaine ,
Dont Angélique à longue haleine but :
Si que depuis , dédaigneufi , ne peut
Aimer Regnaud, ry dedans fia mouelle
MARCASSVS.
E M E S. UIÏ
Sentit couler vneglace nouuelle]
Tant feulement par la venu d'vne eau]
Qui de fin chur efieignit leflambeau.
Va te plonger par neuffois en cefle onde,
Bois- en neuffois, (if neuffois à la ronde
Des riues tourne, auant que le Soleil
Face apparoiflre aux Indesfin réueil.
Ou bien , Amy ,fitu ne veux me croire,
Voicy Amour à la trouffe d'yuoire,
, A l'arc tendu , ait traiél bien aiguifé :
De tous les Dieux c'efl le mieux auifiê:
,, Oy-le parler. Quand vn Dieu nous confleille,
Ilfaut apprendre ey luy preflerl'aureille:
Car ilfaut croire $f tenir pour certain
» Qu'vn Dieu ne veut tromper le venre hu*
main.
^ih\ compagnon] Pour arrefter le defcfpoir de l'Amant, duquel vous auezouy les plaintes, cet officieux am»
luy confeille de rabbatre l'orgueil de fa Maiflreffe , par vn refroidiffemcnt, à fon exemple , qui ne pouuant ran¬
ger à la raifon la cruauté d'vne Dame qu'il affeélionnoit , fc ietta fur le mefpris , par lequel il gaigna auffi toft fes
bonnes grâces. C'eft le naturel des Dames : elles mcfprifent ceux qu'elles voyent mourir pour elles , * meurent
pour ceux qui les tiennent comme des beautez indifférentes, yn vertueux penfer] C'eft à dire , vne confiante re-
folution. Creufededans ] C'eft à dire, creufe. - Souuitnne-toy ] Pour,fouuiens-toy. Cheueux liens de tapri(e]le
croy qu'il veut dire: Les cheueux qui font les liens qui t'ont arrefté. Rudeffe] Rudeffe, fe prend icy pour ri¬
gueur & barbarie. Efmoy] D'vn pareil reffentiment. fiefreint] Pour, retenu, ^tinfi difo'u] Pour, le difois
ainfi. A* olles ] Pour ,.douces, charme^] Pour, charmans, car il faut qu'ils facent les effeds des charmes, *
non qu'ils-les endurent. De chaude] Poui dire : de chaude eftoit deuenu'é gelée. Vne fontaine ] C'cftla fontai¬
ne enchantée de l'Ariofte.
AMO VR REP REND
l'Amoureux.
Affe deplomb, (if digne qu'on
! te nomme
Vn dur rocher en laforme d'vn
homme,
Ou bien vn monfire en homme contrefiait :
Tour le loyer du bien que ie t'ayfiait
Me blafmes-tu? tel mifierable blâme
Ne peut fortir que d'vne mefihante ame.
Certes deuant que le coup de mon dard
T'eufl attirepour efiremonfiudard,
Et queie t'euffe en la belle campaigne
Des amoureux rangéflous mon enfeignei
Tu viuoufiot , ignorant & lourdaut ,
Ton clurgrojper n'efferoit rien de haut ,
Ton fiang couard eftoit froid comme glace,
. Ton ame eftoit en ton corps vne maffe,
Et mal en point , mal propre & malvefiu ,
Niais , badin , eflongné de vertu ,
t^Allois errant comme vn homme fauuage
Sam efleuer vers le Ciel le vifage.
Mais aujfi tofl que i'eu dedans toncfleur
Poufféle trait qui te tient en langueur ,
En langueur , non , mais bien en ejperance
D'auoir lefiuit de ta perfeuerance :
Incontinent que i'eu deuant tesyeux, .
tyMu le pourtrait dont tu es enuieux ,
Lequel gaignant ton ame toute entière
Fut tonfujet , ton obiet , ta matière :
Bref, auffi tofi que tu vins à fientir
Ce plaifiant feu que tu voyaisfiortir
De la beauté de ta Dame bien née ,
D'antique race & de grande lignée ,
Et que tu vis comme les Afires fiont
Mille vertus reluirefur fon fiont ,
Et que le gefte & l'apparence haute,
Et le defir d'euiter toute faute ,
2t que ïhonneur la vefioit proprement
Comme d'vn braue ey riche accouflremept:
IIIH vf
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lui LE I. L IVRE
Lors aux rayons d'vnefi belle fiace
Changeas de mturs, de nature ey degrâce:
Ton effritfut aélifl & vigoureux ,
Ton flang deuintplus chaud ^f généreux ,
Ton ameflefl en beaux difiours hauffee,
Et vers l'honneur s'en-vola ta penfiee,
Pargaillardifi efferant d'acquérir
Celle beauté qui tefaifoit mourir.
Adoncau Cieltu ejleuas la tefte,
Tu deuinspropre , (if accort , (if honnefte ,
Dificret,flacond , bien-parlant , bien- difant,
Et defafiheux , agréable ($f plaifiant.
Pour mieux donter lapareffe (ffif le vice,
t^Armes , cheuaux \fiurent ton exercice,
Guerres , combats , mafcarades , tournois,
' et honorer l'Amourpar le harnois.
Dont tu me dois ( t'ayant donnéCMatftreffe )
Ton bon efirit , ta grâce ey taproiieffe,
Et les vertus quiprocèdent d'aimer :
Puis comme ingrat tu ofies me blâmer
Contre raifin , qui taflere nature
Ay conuertietn douce .nourriture!
Tu me diras qu'Amour eflpaffion
Pleine deforte & chaude affeélion.
Et que celuy qui mesflèches ejpreuue ,
Pour vnfieul bien mainte douleury treuue :
, , Vnplaifir efl trop chèrement vendu,
Quandpour l'auoir vn âge efi deffendu.
Efioute,Amy ; le Ciel,par qui nousfinî¬
mes,
Ne doitpas tant à lotracc des hommes
Que *de verfer toute douceur icy
Sur nos plaifirs Jans méfier dufiucy,
j, // n'y a chofie au Mondefl heureufe ,
Que par malheur la trifleffe ejpineufie
D'vn foin mordant riaigrijje, ey que flon
fiel
,, Defin aigreur ne corrompe le miel.
» Mais quand le bien arriue après la peine
Il eftplus doux , d'autant que l'ame pleine
Des premiers maux yfielaiffe deceuoir .
Du bien receu qui vient contre ïeffoir.
Tu n'es pas feul qui pleures pour ta Da¬
me:
Les plusgaillars remplis d'vne belle ame ,
Princes & Roys , Seigneurs cheualeureux ,
Ont foufeiréleur trauail amoureux.
Voy les beauxyeux de ta belle Maiflreffe:
Voy le pouuoir de celuy qui te bleffe,
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De qui le coUpparficrette langueur
Venant desyeuxflencharne fous ton crur:
Lors tu prendras en ton mal patience ,
Me cognoiflantpar ton expérience, *
Mal qui te vient de ton propre méfiait.
Jefuis tout bon : nulmal ie ne tayfait :
Mais ta raifionpar les fins deprauee,
A la beauté corporelle approuuee,
Non la celéfie : auffi tu as receu
Tous les tourmens d'vn amoureux deceu.
Car moy qui fuis de- nature trefionne,
Enfant du Ciel , neveux nuire àperfonne,
" Mais profiter , tenant deflous ma main,
Comme vn bon Roy , en paix le genre hu¬
main,
le tiens le Monde enparfaite alliance :
Les Elemens cognoiffent mapuiffance,
Peuples ,cite?^ ne viuent quepar moy.
Et leur repos f entretient par ma loy.
Jefluispar tout , toute chofie î embraffe,
lefais de l'homme immortelle la race,
Le chatouillant doucement de mon trait,
Tour fi refaire ey Uijjer fion pourtrait,
le fuis des Dieux le meilleur interprète,
le fuis Deuin, (fabalifle çy Prophète :
D'entre les Dieux & les hommes ie fuis
Pofle , courrier, ey mejjager qui puis
Porter au (fiel des hommes les prières ,
Porter à l'homme en cent mille manières
Songes , aduis & oracles de D i E v .*
Car du qrand air ïhabite le milieu.
I'aypere &mere,& n'aypere ny mere :
Aucunefois iepenfe auoir vn fiere,
Quelquefois non : i'ay diuerfies les murs,
Tantofl ie vy ey tantoft ie remeurs ,
Ieune, vieillard, chaut , délicat & tendre:
Comprenant tout, on ne me peut compren-
ire.
xAujfid'vn D i E v l'immenfle charité
Ne fie comprendpar vofire humanité.
Quand du haut Qelles amesabaiffees
Dedans les corps languiffent oppreffees
De la matière ^f du pefiant fardeau,
le leur eficlaireaux rais de monflambeau :
Je les réueille ey leur prefie mes ailes v
Pour reuoler és maiflons éternelles
Par le bien-faiél de contemplation.
Carâe l'amour laplus belle aélion
Sftde rejoindre en charitéprofonde
it L'ame

DES P
» L'ame à fion Dieu tandis quelle efi au
Monde.
Tlus ta Maifireffe efi belle , & d'autant
plus
Laiffant ton corps impotent eyperclus,
Deuois hauffer tesyeux outre la nu'ê
Pour voir le beau dont ta Belle efi venue:
Mais t'amuflant à la beauté du corps,
Et aux couleurs qui plaifent par dehors,
Qui commefleurs en naiffant flefianifient,
As abaiflé tes efprits qui languiffent
Lourds, engourdis d'vnjbmmeil ocieux,
Sans enuoyer ton ame iufiqu'aux Cieux,
Efiant plongée en l'amour fiurieufe,
Brutale amour, éharnelle, vicieufi :
Donc de ton gré te liant en prifon,
**As dérobé toy-mefime ey ta raifion.
MARCASSVS.
O E M E S. m
De telle erreur procède ta complainte,
Tespleurs, tes cru , tes fiouffirs & la crain¬
te,
Le defiffoir de rieflre iamais tien,
Et mille maux que tu mérites bien,
Voire les fers @f toute genne extrême,
Puis que tu es le meurtrier de toy-mefime.
S c E V o L E , amy des Mufes que ie
fers,
Jcyie t'offre,en lieu de tes beaux vers,
Vn froid dificours larron de ta louange.
Tu ries premier qui te trompes au chan¬
ge:
Glauque iadis fiy deceut deuant toy,
Et toutefois pren ce prefent de moy,
Pour tefinoigner d'vne encre perdurable,
Que mon vers fut à ton vers redeuable.
Mafle de plomb] L'Amour fait vne rude rcprimende à ceft Amant dcfefperé, qui s'eftoit plaint deluy?
11 luy monftre le bien , & l'honneur que recoiucnt ceux qu'il daigne bleffer de fes coups, qui réueillcntlcs
efprits les plus endormis: les rendent dc fots habiles* gentils. Apres il deferit fes qualitez, monftre qu'il
eftle plus neceflaire de tous les Dieux, puisque fans luy le Monde ne pourroit fubfifter. Soudard] Pour
la commodité de la rhythme.au lieu de foldat. Enfiatgne] Pour rhythmer auec camçaigne, au lieu dédire,
tnfieigne. V^tmour par le harnois [ C'eft àdirc,* joindre les glorieux faits d'armes à ceux de l'Amour.
Donné Maifirefle] Au lieu de Donné vne Maiftrefle. Ne] Pour, n'en. Le beau ] Il parle à la modo
des Grecs,* prend beau, pour, beauté. De toy.mefime] Aulieudcdire,Puisquetu es ton propre meurtrier,
ou que tu meurtris toy-mcfme. Larron de ta louange ] Puis qu'il ne la raconte pas. Glauque tadit s'y deceut]
Car il changea fes armes d'or auec d'autres qui eftoient d'airain.
A PIERRE DV LAC
Auuergnac,très fameux Aduocat
en Parlement.
VLac, qui joins la gentille
carolle
Wâ Des dpéles S à l'effineux
-^? Vartolle,
Par la douceur donnant vn contrepois
A la rigueur des plus fleueres lois:
En ce-pendant qu'en vain tu te confiom-
mes
Pour appaifer la malice des hommes, .
Et qu'au Palais, tumultueux manoir,
Tu vas marchant fiur le blanchie noir:
Dés le matin iufques à la difinee,
Dés le difiner àla nuiél retournée,
T enflant en toy par quel doéle bon-heur
Tu fieras grand en biens ey en honneur
Pour mériter les hauts eftats de France:
Car ton Auuergne enflante en abondance
EtChancelliers $f Prefldens qui ont
Touflours portéJuflice fur le fiont.
le fay l'amour auec ma fiéure-quarte :
Jlfaut qu'vn clou par violence parte
Pouflé d'vn autre : xAinfi, d V L A C , il
faut
Que par mon éhaut ie pouffe l'autre éhaut,
Chaffant l'ardeur de ma fleure cruelle
Par la éhaleur d'vne amitié nouuelle.
le voudrois bien les deux fiâmes chaffer;
Mais ie nepuis ma nature pajfer,
Ny mon Deftin, qui me donnent vne ame
Tajfionnee en l'vne & l'autreflame.
L'vn de mesfeux ne te conjomme point]
KKKkk
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UI4
LE I.
L'autre te
point,
Plus il t efl doux, ($f tune veux attendre
Que flon bra?ierfie cache flous la cendre,
L'enuironnant de penfirs à l'entour
« Tour le nourrir. Car volontiers amour
'e : ey Sautant qu'il te
» Naift du penfer ,ey fie paift d'efterance,
» Eîl'efipoir vient de la perfieuerance.
» On ne doit point en amour efierer,
» Qui à l'égal ne veut perfiuerer,
Comme tu fats : qui toufiours perfieueres,
Pourfioulager tes efludes fleueres,
Entre-meflant d'vn joyeux entre- las
Au doux Amour la fiarouche Pallas.
Tu me diras, Et quoy f la Po'éfie
Amufle encor ta folle fantafle?
Veu que tu OS tant de fies au cofté,
Proce%, enfians du Talais eshonte:
Pefiantfardeau ,pluftoft vilaine engeance,
Dont D i E v punit les hommes par ven¬
geance.
lefins,D V L A c , lefaix deffus mon dos,
Et les Trace% qui poignent iufqu à l'os :
LIVRE
MARCASSVS.
Mais niaffleurant fiur tafoy non vulgaire,
le te les laiffé & fine m'en chaut guère.
Iefluis Jémblable au pèlerin chargé,
Qui par la poudre a long- temps voyagé,
Quandfa valifi ou fion biffac le preffe,
Au premier hofte en oftage il les laiffé:
Il ceint fa robbe, ou la retrouffe,à fin
Queflans empeflche ilfende le chemin,
Et le premier au logisfi repofie,
Dorme flon faoul,& nepenfle autre chofe.
x^Ainfin , Amy,pour décharger monfaix,
le te refigne ey donne mes Proce?^
Papiers & fies que le Palaisgouuerne,
Vrais enfiançons de ce Monfire de Lerne,
Qui fept arpens fous la panfie fiouloit,
Et d'vn fieul colfept tefies efbranloit :
Et toutefois defept reuers Alcide
Les fit broncher & enfut homicide.
En imitant ce bras Tirynthien,
Tu peux trencher mon Trace? , mais le
tien,
D'vnfeul reuers en fuiuant ta couflume,
Non parle fier , mais par ta doéle plume.
Du Lac ] Apres qu'il aloiié fon Amy pour la perfeuerance qu'il a aux affaires du Palais , & fur la peine
qu'il prend d'adoucir Tefpineufe eftudede la Iurifprudence parl'agreable exercice des vers; il luy fait voir
comme fon occupation eft toute différente de la fienne , faifant Tamour pour chaffer la fiéure-quarte qui
l'afflige. 2«* lotm la gentille, eyc. ] C'eft à dire, qui méfies les douceurs de la Po'éfie auec l'amertume
delà Iurifprudence. Donnant "V» ] C'eftàdire, Qui te fers de la courtoifie* de la bonté des Mules pour
adoucir les rigueurs des loix qui tiennent bien fouuent de la barbarie, comme le droit eftroit eft maintefois
vne grande iniuftice. Sur le blanc]Q^\ difeetnes & fepares les chofes iuftes d'auec les iniuftes.U parle
à la façon des anciens, qui exprimoient les bonnes* les mauuaifes chofes par ces deux couleurs contraires.
Et nous difons encore,vne a&ion noire, mais non pas blanche. Porté iufiice ] Qui ont toufiours bien
rendu la iuftice. Mon chaut ] C'eft parler àla façon des Grecs, au lieu dédire, La chaleur par la cha¬
leur. Ma nature pajfer j C'eft à dire, le ne puis faire plus que ma nature ne me permet. z'>»] Lafié-
ure. Confiomme] Au lieu de, confirme : car confomme &confume ont deux lignifications toutes différen¬
tes. L'autre] L'amour. La fiarouche ] Pallas eft la Deeffe qui prefide aux feiences. U la nomme fa¬
rouche, parce qu'il veut entendre Teftude duDroiétqui eft efpineux au poffible. Sam empefiche] Sans empefchement.
Fende le chemin ] Cefte hardieffe feroit fupportable fi Ton voguoit en mer: car on exprimeroit
la nature mefme de Ta&ion. Lerne ] Il entend l'Hydre , qu'Hercule tua. Lerne au refte, eftoit
vn certain lac dans la Grèce, dans lequel ce Monftre, qui infe&oit toutle païs,demeuroit. ^flade]
C'eftoit vn des furnoms d'Hercule. Tirynthien ] C'eft encore vn autre furnom de ce vaillant
Héros.
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t>ËS POEMES. Ul$
LE SOVCI.
Selon les yeux ($ffarouches ey troubl.
De ma Maiflreffe, & monfloin efl doublé
Sifion lil efl ou fiarouche ou troublé.
AV SIEVR CHEROVVRIER
| excellent Muiîcien.
E veux chanter, Cherov-
VRiER, le Souci
Qui te plaifi tant , ey qui me
plaifi auffi:
Non lefioucy qui tout le cuur nous ferre ,
Mais les Soucis , efloilles d'vn parterre ,
Ains les Soleils des iardins , tant ils fint
I aunes, luifians ,ey dore^flur le fiont.
Quand le Soleil, ton amoureux ,f'abaiffe
Dedans lefein de Tethys fin hofleffe,
Allant reuoir le Pere de la mer,
On voit ton chefifie clorre ($f fie fermer
Palle défiait : mais quandfia treffe blonde
De longs cheueux s'effarpille fur l'onde
Se réueillant , tu téueilles ioyeux,
Et pour le voir tu dejjilles lesyeux ,
Etfia clarté efl feule ton enuie,
Vnfieul Soleil te donnant mort ^f vie.
Quand k ne voy mon beau Soleil leue,
De toutes parts vn fommeil aggraué
La Rofe emporte { empourprant fion efi- Deffus le front des ténèbres me donne,
pine)
Le premier lieu à caufie d'Erycine ,
Et du beau fiang d'Adon qui la peingnit :
Si qu'efibloïïy ie ne cognois perfonne.
Mais auffi tofl que fles rais deffus moy
Mefont vn iour , desyeux du clur ie voy
L'Oeillet après qu'i^Apollon contraingnit
Jouer au difique , ey qui le fit occire
Sansy penfer a l'amoureux Zephyre ,
Et fut depuis aux Spartes vngrand Dieu.
Mille beauté? , tant fia gentille flame
En m éclairant me reluit dedans l'ame,
Et loin du corps dont ie fiuis empefche,
Tient mon effrit aux afires attaché.
Ces deux , Soucy, ont eu le premier lieu, On dit , Souci, quandau bras on telle,
Toy le troifiefme, ($f s'il n'y afleurette,
Ny giroflée, ou double violette,
Que tu guaris de la melancholie.
Or en cela nous flammes differens:
Genefl, iofimin plus odorant que toy :
Au moins, Souci, fiil rieflvray ie le croy.
Ce que ievoy, tout trifie ie le rens
Ainfi que moy , tant ilfiort de trifieffe
Soit que ma Dame autresfiois m ait don¬ Hors de mes yeux pour ma rude Mai-
née
Ta couleur iaune , ou que l'ame inclinée
A voir ,flairer , ($f contempler ta fleur ,
Sur tous parfums eflime ton odeur:
Iamais repas ne mefut agréable,
Si ton bouton rienfleurit vne table ,
Salade , pa.in , & toute la maifion
Aux plus beaux mois de la prime faifon:
Car de couleur ta couleur ie reffemble ,
Tu es, Souci, mon fiere, ce me fiemble.
Tu es tout iaune, ey tout iaune iefluis
Pour trop d'amour qu'effacer ie ne puis.
Trintemps, Hyuer , tu gardes ta ver-
dure:
ftreffe,
Qui froide ey lente,ey morne en amitié
Mon pauure c ne veut prendre a pitié,
Me confiommant d'amour , tant elle efi
belle:
Et ie veux bien me conjommer pour elle.
^Adieu, Souci,fiC herowrie Rpafi*
fint
Par fon jardin voit ton chefifioriffant ,
Qui toute fleur au temps d'Hyuer fiurpaffe,
Que l'istube engendre (èf qu'vne nuiél ef¬
face,
Te voyant naiflre auffi tofl quefanir :
Soir $f matin fiay-le-moyfouuenir
Printemps , Hyuer, lefioin d'amour me dure. Que noftre vie auxfleurettes reffemble ,
Double eft ta fleur , ta fleur eft fimple
auffi ,
Mon ciur eftfimple, & vit toufloursainfi:
Mais mes penfirs ($f mes ennuis fiont dou¬
bles *
Qui prefique vit , ey prefique meurt enfiemble:
Et ce-pendant qu'il eft en fion Printemps.
Viue amoureux ey riejfargne le temps.
Si en naiffant ce grand M A i s T R E qui
donne
KKKkk ij
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uitf LE î. L IVRE
Heur $f maUheur à chacune perfonne ,
M' auoit donné , mon Cherovvrier,
ta vois
Dont tu fléchis les peuples ey les Rois ,
Comme eftantfleul de France la merueille
Pour attirer vne ame par ïaureillel
le chafferois lafleure de mon corps
Tar la douceur de tant de beaux accords.
MARCASSVS.
Sn lieu d'auoir ta nombreufe mufique
I'ay l'autre ardeur; laverueTo'ètique ,
Qui rompt ma fleure ($f charme mon flouci
Ou s'il rieft vray , ie me conjole ainfi.
Donccf fl i'auois cefle voix fl diuine,
Trefent du Ciel, quiflon de ta poitrine,
le chanteroU : mais ne pouuant chanter,
De l'autre ardeur il meflaut contenter.
Le Souci] Il chante lesloiianges du Souci qu'il met après l'Oeillet* la Rofe. Clytic Maiflreffe du Soleil fut
changée en cefte fleur. Lifez les Metamorphofes d'Ouide. Le fieur de Croifilles , efprit des plus rares & des plus
accomplis de noftre temps, en a fait vne lettre qu'il intitule, Clytie au Soleil.

DES PO
Maugré le tempsfleurffe par mémoire.
Atys efloit vn ieune louucnceau
D'effrit gaillard, de viflage trefieau,
Qui furieux fie mit en la fiequelle
De cescbafireç, minifires de Cybelle.
Loix eyfiatuts , minifire Jeur donna,
Puis fies tefimoins d'vn caillou moiffonna.
Au fen du buis par le mont jolitaire,
Loin de chafieaux, de bourgs, çy du vukaire
Erraitfiuiui (couuert d'efirangespeaux)
De ces chafire%, hommes femmes troupeaux.
Ta raifonfut enfureur conuertie,
Qui te coupas la meilleure partie :
O bon Atys ! auengle de malheur,
Tu te coupas le membre le meilleur,
Tes deux tefmoins gros de glaire féconde,
Sans qui feroit vn defin ce grand Monde :
Ce n'efiton doigt, ton aureille,ou ta main,
Mais les auteurs de tout le genre humain.
Apres trois iours que la poignante rage
Eut donné tréue àfin foible courage,
Se repentant ,plein d'vn fiuffir amer
S'en- alla feoirfiur le bord de la mer.
Que fuis-iet où fuis-ie f o pauure mifie¬
rable !
Ainfi blefié d'vne playe incurable,
Qui vais les champs de mon fiang rempliffiant
f
Si d'vn fàngler la defienfie en paffant
M' auoit nauré,ie prendrais patience :
Mais las ! helas ! mais cefi moy qui m'ojfence.
O folle crainte, o fiuperftition !
O ftatuts pleins d'abomination !
Religion venant d'ame mal-faine,
Seule tu es la caufie de ma peine !
En quelle erreur, Deeffe, m'as- tu mis f
J'ay donc laifiépere, mere $f amis,
Voifins,parens, qui diffos fioulois efire,
Sur mes égauxà bien courir le maifire,
xA bien luitter : maintenant ie me pers
Qomme vne Fère errant par ces defiens.
Plein d'vne erreur$f d'vne peur fiiuole
lefiuy les pas d'vne DeeffefioUe.
Mefiéhantes mains, pourquoy coupafies-
vous
De tout mon corps le membre le plus dous ?
Mefiéhantes mains bourreUes de ma vie,
Que ie vous porte ey de haine ey d'enuie i
Quand tefîois tout, ie fiu recommandé
E M E £ iny
Tour eflre beau : ores ie fuis ridé,
Palle, défait, abominable, infâme,
Tout enflemble homme,ey tout enfiemblefem
me i
Etfinefuis nyl'vn ny l'autre d'eux,
Et toutefois mon corps efl tous les deux)
Adieu Palais de monpere, adieu chaffe",
Adieu efpieux, adieu bons chiens de race,
Adieu le prix des couronnes quifint
L'honneur du fable, ey II ornement dufiontl
Que tant dej'ois (figne d'vne main forte)
fallois pendant à l'effueil de ma porte
Pour honorer lefiont de ma maifion.
Adieu pa'is , adieu ieunefaifon,
Adieu amis, adieu ieunes pucelles
Qu'on eflimoit en beauté les plus belles,
Qui mefiuloient tant defleurs enuoyer,
Adieu plaifirsJe m'en vais me noyer.
A peine eut dit, que fit complainte ou'ie
Auoit frappé de Cybele l'ouïe:
Hors defion char en fautant deuala,
Et vn Lion de fion joug détela.
Va gênereufie ey magnanime Fere",
De ta grand' queue irrite ta colère
En te frappant deçà delà leflanc:
Va où Atys a rejpandu flon fiang
Prés de la merflur le bord fiolitairel
Quifuit mes loix, mon buis, ey mon myflerel
Dreffe tonpoil,tesyeuxfioientfieux ardens^
Tire ta langue vn pied hors de tes dents,
Et cefiuitif à mon troupeau r'ameine,
Cet homme-femme. AinfldiftDindymenel
Et le Lion qui heriffa fa peau
Fit reuenir cet Eunuque au troupeau.
Incontinent que Cybele l'aduifi,
Elle eut pitié défi folle entreprife,
Et le touchant en Pin le transforma,
Arbre fur tous que depuis elle aima,
Ayant de luy la tefie couronnée,
Ou fioit qu'enpompe enfin éharfloit menée
Deffus la terre, oufioit qu'elle aille aux Cieux
Voir fies enfans, bonne mere des Dieux.
le te falu'é, o Berecynthienne,
Qui t'éjoiiis du nom de Phrygienne,
Confierue-moy d'erreur ey de méchefi:
Ta fureur puiffe auertiner le chef
De mes haineux , gardant faine ma tefte: ,
Autres que moyfoient preftres de ta fefte,
Initie^ aux defpens de leur chair:
KKKkk iij
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ni8 Ï-E *
Ce rieftpas moy qui achetéficher
»Vn repentir: ah '. malheureufle enuief
» Qui fefait grande au danger de fia vie.
Ainfi de toy les Çrecs ont deuife,
Qui par ta fable ont le peuple attife,
O bon Atys, qu'vn Thilofophe fage
Doit comme toy eftre vn homme fauuage.
Sefaire vn Pin c'eft fréquenter les bots,
Fuir cite% , bourgades ey bourgeois,
Cybele aimer : elle ne fignifie,
xfA mon aduis, que la Phdofiophie,
Qui la première aux afires fléleua,
Leur fit des noms, ey première trouua
Leurs tours, retours, leur grandeur ($f puif¬
fance.
Pour tels bien-faits la Gregeoife pru¬
dence,
Thilofophant & cognoiffant cela,
Mere des Dieux ta Cybele appella.
Tu n'as coupé (ce n'eft que Poëfie)
Tes deux tefmoins : mais de tafantaifie
Tu arrachas flottes affeélions,
Mondains plaifirs , humaines pajfions,
Qui te troublaient ,pourheureufement viure}
LIVRE
Et contempler taCybeleey Ufuture". ^ j
» L'homme eft Centaure : en bas il eftéheual,
» Et homme en haut : d'embas vient tout le
mal,
» Si la raifon, qui eft l'homme, ne guide .
» Ceft animal& ne luy tient la bride, '
- Ainfi que toy qui en toutefaifon
» Fis obéir la fens à la raifon.
Adieu Atys * fi cefle vieille fable,
Que ie te chante, au cur t eft agréable,
le ne requiers pour tout loyer finon
Qu'au vent ton Tin puiffe entonner mon
nom.
Me Chante donc la cyme non muete
D'vn Pinfijftant, non vn mauuais Poëte :
Car i'aime mieux ces fiffiemens diuers
Oue le froidfon de quelques méchans vers*
Ainfin , O D î N , ie paffe la tournée
Lors que la fleure en mon corps encharnéc
Ronge mes os ,fiucce mon fang: ainfi
La Mufie peut alléger lefiouci,
Et le malheur ne nous fiauroit tant poin^
dre,
M ARC ASS VS.
Que la douleur en chantant ne foit moindre}
Pin dont le chef] Atys eftoit vn ieune garçon parfaitement beau, que Cybele admit au nombre defes
Preftres, à condition qu'il garderoitfachafteté. Il aduint tout au contraire de ce qu'il luy auoit iuré : car
la Nymphe Sangaritis dont il deuint paffionnément amoureux luy fit rompre fon ferment, * violer fa chafteté,
dequoy Cybele eftant grandement fafchéele rendit furieux: fur quoy cemiferable fit la fottife, qu'Ojrigenefitdu
depuis. Et commeil n'eftoit pas encore fatisfait de s'eftre fifeuerement puni,* qu'il vouloit fe
tuer, la Décfle eut pitié de luy & le changea en Pin. Cybele] Cybele qui eftoit mere de tous les Dieux,
aima chaftement Atys , comme le croyent nos fables. Hue te tremblois ] Que ie tremblois de crainte qu'on
pe coupaft. Froide crante] 11 parle à la façon des anciens Poëtes. Ce n'eft pas que la crainte foit froide
tiy chaude , car elle n'eft point fufceptible d'aucune de ces qualitez -, mais elle rend les hommes froids, à caufe
que quand ces apprehenfionsarriuent, le fang qui entretient la chaleur dans le corps de Thomme , fe retire
au ctur, comme pour la defenfedela plus noble partie que la moindre fecouffetu'é. Que Mois] De peur
'que i'auois qu'on ne coupaft fes Pins, Jaillir du fiang ] A caufe d'Atys, qui fut conuerty en Pin , & que fé¬
lon l'opinion des anciens Théologiens les âmes de ceux qui ont efté changez cn arbres viuent deffous Tefcorce.
Qde'e] A caufe que c'eft la grand'- mere de toutes les Deïtez. idée] Elle eftoit en Phrygie , proche de
Troye. Ses feftes fe celebroient fur cefte montagne plus qu'en autre part du Monde. Trenchant baflon]
le ne fçay fi ce n'eft point vn coin de bois, dont onfendoit le bois mefme. la faim ] Erefichthon eftoit
jl'hommele plus mefehant & le plus impie qui fut iamais. LaTheffaliele vit naiftre ,& manger fes propres
imembres^ de faim , à caufe qu'il auoit coupé par mefpris vn bois que Cerés aimoit grandement.

£>es poèmes: £ir£
Elledeuala. Buis] Il entend les flûtes de buis dont on iouoit à f* f,*, *r * j , ,
D^Miie ] Cybele. Nous auons donné la raifon plnvSidl^ '

izto LE L
Ainfi ,riuàl , ta femme tuameines
Dedans ceft arbre, ou d'vn nidfait de lainesA
Moufles , duuet , fes petits elle pond,
Efcloft, efcome , $. qui après fi font
jAinfique toy , au retour des fiueillages ,
Quaranteiours Sereines dès bocages.
Quoy f Rojfignol , la voix ne te défaut !
Et par dejfit tu t'efforces plus haut !
Puis qu'autrement ma vérue poétique
Ne peut gaigner ton ramage ruflique ,
LIVRE
MARCASSVS.
Va, Rojfignol , ie laifféfeul pour toy
L'arbre amoureux , qui n'a foucy de moy ;
L'arbre gentil , $ toutefois farouche ,
Qui fait fiigner auffi toft qu'on le touche.
Tandis, B f N E T , que la fiéure me tient
Reins , tefie , flanc , la Mufe m'entretient ,
Et de venir à mon lit n'a point honte.
Or des propos que fa bouche me conte,
le t'en fais part , à fin qu'à l'aduenir
De ton R o n s a RD t e puiffe fouuenir.
cay Hofiignol] Apres auoir demandé les raifonsaU Roffignol, pourquoy il achoifi le genéure pour faire
retentir par tout le bois les doux ftifons de fa voix; en fin il Taccufe d'eftre fon riu'al , & d'aimer fa Maiflref¬
fe Genéure , qu'il dit auoir efté conuertie cn ceft arbre qui porte fon nom, pour éuiter la violence d'vn Sa¬
tyre qui la pourfuiuoit. De fa. yerdeur]t>e la verdeur* delà beauté de fa Dame qui a efté transformée en
Eut-elledit. ^tins]Dcu&m. Feineux]'Mox nouueau, pour dire, couuert de veines. i{ebronjJe%f] Heri£
fez. Ejparsfe font ] Se font efpars, heriffez en fueilles. Faire fecret l'amour ] C'eft ainfi que les Grecs par¬
lent : pour dire, faire l'amour feerctement.

DES P
(Pour la iumentquilvità latrauerfie)
Fit fonfieigneur le Monarque de Perfie.
Ce n'eft , B EL o T, ce bon cheual Fayard
Quiaux combats penadoitfi gaillard,
De qui Regnaud preffoit la courbe eflchine:
Mais ton cheuaffantome, ne chemine.
C'eft le cheual -du gentil Pacolet
Qui dedans l'air fien- voloit toutfieulet,
Faifantferuice a Maugis, dont les charmes
Faifoient honneur aux Dames eyaux ar¬
mes.
Il vole enïair , boit en l'air, d'air fie paifl:
C'efl vn corps d'air , l'air feulement luy
plaifi ,
Et la fumée , ey le vent, ey le fonge,
Et dedans l'air feulement ilf allonge.
0 E M E S,
De ces lumens , qui mefime le vent paffe.
On ditqu'Vlyffe autrefois prit lèvent:
Mais ton cheual, B e t o T,efi fimouuant,
Si frétillant, qu'il ne veut pas permettre
Qu'en fes longs crins les doigts on puiffe met¬
tre,
Et du fin Grec la main ne le prendrait :
Car tel cheual iamais ne l'attendrait.
Aurois- tu leu ( 0 tefie rare ey chère)
Dedans les vers du fantaftique Homère,
Qu'vn des cheuaux d'Achilleflauança,
Et le trefpas à fin maiflre annonça t
Tu crains, voyant ma longue maladie,
Que ton cheual en parlant ne me die,
Prophétisant, quelque flunebre mot :
Garde-le bien, ie n'en veux point, B E L o T.
Les beaux çourfiers vifle-piedsde Iunon
Viuent ainfi: ils ne mangent finon
Mon cher amy, i'ay bien voulu t'eflcrire
Ces vers raillards pour mieux tefaire rire
Qu'air, qu'ambrofie : ou quand ils ontgrand Apres ta charge ey lefouci commun
erre
De concéder audience a chacun,
Conduit du Ciel leur Royne en noflre terre, Haut- efleué au throne deffuftice,
Mangent vn peu de lotes dans les pre?, %^Aimant vertu ($f chaftiant le vice.
Qu'à fia Grandeur Samos a confacre^.
i^Ainfifie paifl le dos-ailé Pegafie,
Et le cheual de l'Aurore qui paffe
D 1 e y ,qui fous l'homme aie Monde fournis]
Aï homme feul lefieul rire apermis
Pourfiégayer, & non posa la befle
Ceux du Soleil : ainfi nourrit les fiens Qui ria raijon ny efprit en la tefle.
Minerue ey Mars par lespre% Thraciens. » Ilfiaut du rire honneflement vfier
Ainfi le tien fie nourrit fians pafiure :
» Pour viure flain ,non pour en abufir:
Car cefi, B E L O T, 1/0 cheual enpeinture,^
Qui mefiert plus quand ie fiuis à fijour, *
Car volontiers on iette à gorges pleines
Le ris qui naiftdes aélions vilaines.
Songeant au lit, qu'il ne mefiert le iour. Le Ris eftfils d'vn aéle vergongneux,
La chaude Afrique en certaine contrée On ne rit point d'vn gefte vertueux,
Ades iumens,qui en tournant l'entrée Mais on l'admire: ainfi tu pourras rire
De leur nature au vent Zephyrien, De ma folie,$y de lofer eferire
Sur le Printemps vont conceuant de rien : le ne fiay quoy qui m efl encor plus vain %
Le tien venteux efl iffu delà race
Que ton cheual qui n'a felle ny flain,
MARCASSVS.
\Amy Selot] C'eft vne pièce de raillerie, dont il gauffe vn de fes amis de ce qu'il luy a fait prefent de la
defeription de quelque cheual. L'ombre liain] Pour, ~\ame: c'eft à dirc.vn fantofmc & non vne chofe
réelle. Quels images ] Nousfaifons Image féminin. Au refte image fe prend icy à la façon des Latins pour
vne chofe qui pafïè par noftre fantaifie, & qui n'eft pas réelle : ce qu'il a auparaua»t nommé ombre. Par les
jeux ] Voir. Garonne ] Fleuue qui paffe par Thouloufe , & des monts Pyrenez, dont il prend fa fource , fc
va rendre dans l'Océan. En l'air s'e'uanouïr] Pour lier le difeours il falloitdire- Puis comme vne idole s'é-
uanoiiit cn Tair. MaUan] Vieux mot, qui fignifie peine* trauail. Sejan] Ce fut des mignons dcl'antiquité,qui
fut defehiré par le peuple de Rome,bien qu'il euft efté aux bonnes grâces de leur Empereur. Tefie'
de'buf] Buccphalc. Il ne fera pas hors dc propos de defcouurir Terreurdeceux qui croyent que lecheual
d'Alexandre le Grand eut vne tefte de buf , parce qu'il fc nommoit Bucephale, qui vaut autant à dire comme
tefte de buf. Les Grecs marquoient leurs généreux cheuaux , & leur donnoient le nom de la marque qu'ils
leur auoient imprimée : d'où vient qu'on cn appelloit quelqucs-vns Zamphorcs , à caufe d'vn Zampi caractère
Grec : les autres Coppatics qui auoient vn Coppa .- & par mefme moyen Bucephale , à caufe qu'il auoit vne tefte
de buf empreinte fur la cuiffe. Cheual fut] C'eftoit le cheual qui hennift aux troisprincipaux qui deuoient
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nu. LE L LIVRE
, r ,,,_ . , r i o j»n^rfe Lifez-en Thiftoire dans Iuftin. Bavard]
'faccedet pat le moyen de ce figne 11 Empire de cefale Roy de Perfe AUcz ^ J J
C'eftoit le chenal de Regnaud de Montauban ro» cheudfiam^ne] Au c>eft ,
n'eft qu'vn fantofme, ne chemine pas. r^f.ri] Pû" V^0" Ve cet s que les Dieux trouuent àleur
efpece d'herbe qui croift en Egypte . qu'Homère met au premier lang de celles;q
Vouft. AflJ] C'eft cefte Ifle tant aimée de Iunon, qui eft fort proche de 1 Ion.e Pegafi] u :
& "'"' _ . , J, , , , , r t /- i ^ r-,t- Jf **> eA] Poul * lMf%RCfa ?*"«
verf.il lestant renger dcccftefortc: Le rien vente» qui paflTe mefme levent.a ^'^^f***
la race de ces iumens. Prit le yent] Cefte fable eft récitée roue du long dans 1 Odyffee d Homeie. P*»
Grec ] Il entend VlyfTe , le plus rufé de tous les Grecs. S fi» mafire ] Cela eft encore raconte par Homère
dans fon Iliade.
DISCOVRS D E L'ALTE-
s Sans
ration ey changement des chofes
humaines.
AV SIEVR CHAVVEAV
Procureur en Parlement.
V as, C H A V V E A V , /** tefte
affe% rompue
De ton Palais , ton Proté quifi
mue
Trop plus fubtil que l'autre Egyptien
Que le Roy Çrec arrefla d'vn lien,
te la rompre en ces vers d'auantage,
De meubles,biens, d'argent ou d'héritage,
D'vn teflament , d'vn contraél vicieux,
D'vn faux arreft, d'vn décret captieux.
Il efl certain qu'en poffedant la terre,
Auecla terre onpoffede la guerre.
Puis ie neplaide encontre vn Sarrasin,
luif, Mamclu, mais contre mon voifin,
De qui la borne eft prochaine à la mienne.
Tout cela, vient par noflrefoy Chreftienne
là foible ey lente, ey que la (fharité,
Nom fins effeél, n'a pins d'authorité.
Or auiourd'huy par armes la Iufiice,
Et par mejpris &par noflre malice,
Se voit florcer : auiourd'huy fins moyen
Le crocheteur s'ejgale au citoyen.
Bref tout fi change en vent (j^f en rifie,
Quand des oyeux la loy efl mefbrifie,
Quand l'Suangile efl commune aux Pa¬
fieurs,
Femmes,enfians,artifàns,firuiteurs,
, Mefime aux brigans , qui fils de D î E V fie
vantent,
Et quelque Tfialme entre les meurtres chan¬
tent,
Et toutesfois ce beau tiltre chaifi
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I le
'' Allant
N'efi en leur c qu'vn vieil conte moifi.
lenetefcrifi leferpent de Lerne,
Qui fept arpens empejehoit deflon cerne, ,
Auec flon flang le ProceTfflt fiortir I
Quand Herculesfit au Monftre fientir
Les doux d'airain de ïarbreufi mafflué
Dont il tua les enfans de laNuë,
Contre laquelle eftoit vain tout l'effort,
A chaque coup donnant touflours la mort.
ne tefcrifl la vieille Megere
hideufe en fia coche légère
Sema par tout le Procès redoublé,
Comme iadis Triptoleme le blé.
le neveux point telles chofes eferire]
Mais bien des vers qui pourrontfaire dire
A nos nepueux par vn difeoms nouueau
Que Rons ard fut bon amy de Ciî a V~
veav.
» Tout efi mortel, tout vieillit en ce Monde :
^L'airfy le feu, la terre ,mer$f l'onde
'» Contre la mort refifler ne pourront,
» Et vieilliffans, ainfl que nous mourront.
» Le Temps mangeard toute chofie conflomme]
Vdles,Chafleaux,Empires : voire l'homme,
L'homme, àquiDlE vfiait part de fa mai¬
fion,
Qui penfe.parle, ey difeourt par raifion,
Duquel ï efirit s'en-vole outre la nue,
Le corps fia forme en vne autre remue.
Il eflbien vray, à parler proprement,
On ne meurt point,on change feulement
Déforme en autre, & ce changer f appelle
Mort,quand on prend vneforme nouuelle,
Et quand on ceffe à riefire plus icy,
Des curs humains le plus fafiheuxfioucy.
Vois-tu le Ver,honneur de la Touraine,
Qui de fa bouche auec les pieds ameine
Son fil fur l'autre en tirant allongé?
C'efimvn oeufqui en ver s'eft changé,
Apres auoir vomi toutefa floye^ I

Ne
DES POEMES: tlli
(Quel'artisan par vne efiroittevoye, £egrand,cefiort , cefi Empire deRomme
Dott joindre a hrpour les habits d'vnRoy.) Efl trébuché de fia LndL,& comme
CeVer après , comme ennuyéde flay,
Soudainfi change-voie par les prées,
Vn foudre ardentfur U terre paffia,
Plils défis mains luy-mefine ficaffa:
Faitpapillon aux ades diaprées (far nul que luy ne le pouuoit défaire,
De rouge verd aKur&> vermillon:
Puisfi jafihant d eflre tant papillon,
Etnulque luy ne le fiauroit refaire,
Seul s'habilla ey fieul fie déueflit,
Deuient chenille^pond des gufs.pour faire Et de très-grand luy fieuï "fie fitpetit.
Queparja mort ilfipuiffe refaire. Le Turc Seigneur de tant de villes fieres,
vois-tu pas quvn cuf engendre vn Detantdemers, de ports& de riuieres,
cf% /
Creflé,grifié , & barbu, qui le choq
Qui ofiefieul vne Europe affaiUir,
Doit quelque iour s'amoindrir eyfaillir.
D'vn autrecoq ne craint à la bataille? (fontemple-moy de tout temps les Mufi-
Engendre vn paon , que la Nature émaille
Desyeux d'Argus & des couleursi Iris f
ques,
Quand elles fent ey fortes ey rufliques,
Cefont aubins altère^ (^pourris
Qui d'vne effece en vne autrefieforment;
D'vn mafleflon , croy que telle cité
Doit long-temps viure en flafélicité:
Et à'aubins d'Eufs en oifeaux fie transfior- Et la cité fera tofi ruinée
ment. Où la Mufique efl toute efféminée.
Quelqu'vn a dit, de raiflons mal garni, » Toufiours la voix enfluit les pajfions,
Que D i E V n'a fiait qu'vn grand nombre » Les payions fiont les mutations.
fini Quand tu verras tant de farceurs aux
D'ames au Monde, & ces âmes ne meurent, villes,
Mais dans les corpspar efihange demeurent Sauteurs, boufons , bateleurs inutiles,
Selon le bien ey le mal qu'elle ontfiait. Qui vont plongeant le peuple en volupté:
L'vne efi pourceau , l'autre vnferpent in* Quandvne femme a trop de volonté
fait, De fiattifer ey de fiefaire belle,
L'autre vn cheual, ey l'autre plusgentille Gajlant parfardfiafiace naturelle :
Sefiait oifieau qui pleure fion Itylle.
Leue ,ChaWEAV , de tous cofie^
lesy eux,
Voy ces rochers au front audacieux,
Cefioient iadis des plaines fiomenteufes :
Quand tu verras que le pompeux habit
D'vn gentilhomme, au bourgeois interdit]
Pare vn marchand : quand l'humaine malice
Terraceaux pieds les loix & la fufiiee,
Et les flatuts ordonne^ par les vieux :'
Voy d'autrepart ces campagnes venteufis, Quand tu verras quvn peuple auda\
Cefut iadis terrefierme, où les b cieux
Paiffoient, cornus,parles paftis herbeux. Ou fie mutine, ou dit mal defion Trince :
Ainfi la forme en vne autre fie change: Quand tu verras qu'vne ardente Trouince
Cela n'efi pas vne merueille efirange,
Car cefi la loy de Nature eyde Dieu,
Par nefçay quelle orde contagion
Change de mrurs $ de religion,
« Querien ne fioit perdurable envnlieu. Et curieufiaux nouueaute^s applique:
Qriefi deuenu l'Empire d'Affyrie f Penfle , C H A V V E A V , que telle Repuz
D u Mede,ey Grecf comme vne herbefleu- blique ^
r-e Efi bien malade : ainfiquon voit deuant
Qui trou moisdure en fiaforce& vigueur, Lefiortorage errer vn petit vent,
IÏTfiont tombeT en vieillej]e& langueur. Qui çàqui la enfi louant remué _
Celle merueflle efbouuentable au monde, Par les chemins maintefiueille menue :
Qui commandait délie nuage où l'onde
De l'Océan baigne les bordsanglais,
lufiquesaux bords d* vieux peuples Indois,
Jncantment lefiupçonneux Berger
Voyant telfigne 'f^tT'
Et retirant fe, brebis delherbage,
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1Z14
Sous vn rocher attend venirtorage,
Ainfi voyant tels fignes aduenir,
Du malfutur te pourras fouuenir.
On a penfé les fiâmes immobiles
Du Ciel garder les Sceptres ey les villes,
Etpourcela qu'ils régnent longuement
Quand vne eftoilleà leur commencement
, Les vafondant d'vne bonne influence :
L'influx perdu, qu'ilsperdent leurpuiffance.
Soitfaux ou vray, mes vers rien difent rien,
LE I. L IVRE
Par le dedans, quand lafleure , la pefie,
L'bydropifie,ou autre mal molefle
Veines éf nerfs ey les membres vitaux :
Lors nous mourons, les hofies des tombeaux. \
Ainfi aduient aux Sceptres qui fie rompent,
Quipar dedans ou dehors fle corrompent :
Parle dehors, quand vn Prince eflranger
Vient à mainflorte en armes outrager:
Tarie dedans, quand lesguerres ciuilîes
De faélions bruflent le crur des villes :
Quand la Nobleffe $ le peuple fiansfoy,
Ce n'eft mon but : toutefois ie fçay bien
Que du haut Ciel lesflambeaux ordinaires
N'ontfi grand foin de nos humains affaires
Selon! CHAVVEAV, l'mclindes na-
Tout defiridéfiait la guerre afin Roy :
Et vaudroit mieuxfiaire bien loin laguerre
Aux Sarrasins qu'en noflre propre terre,
tions
L'efirit des Rois & les mutations,
Qu'en nosfiouy ers, dont iamais le vainqueur
N'a rapporté qu'vne enflure de cur ;
Viuent icy les Sceptres qui fiont noftres : Et.pour- ce ilfiaut chaftier fion enuie.
Les vns bien peu & bien long- temps les autres:
^Ainflt qu'on voit quvn chefine ou quvnfou-
Voyla comment le Sceptre qui déuie,
Reprend vigueur, eyfifaitfloriffant,
teau Autant ouplus qu'il eftoit languiffant :
Vit plus kng- temps quvnfiaule ou quvn II fiefait craindre aux nations eftranges,
ormeau, Et iufquau Cielfait volerfies louanges.
Ou qu'vn coudrier, filon leur nourriture, O Tout-puiffant , grand Monarque des^
Ou bien fielon l'air propre ey leur nature, Rots,
Ou bienfielon le mal qui leur furuient :
» Car en fiante toufiours on ne fe tient.
Qui dans les curs nousfondes & nous vois]
Qui das tes mainsgardes le c d'vn Prince .*
Or toute mort, oufoit lente oufioudaine,
Vient par deuxpoinéls à toute chofe humaine,
Par accidens de dedans ou dehors :
Garde,grand D 1 e v, la Françoifie Prouince]
Garde le Ko y, fis Frères fy'ja S
Garde la Mères eyfi quelque malheur
La Parque en nousfait par là fes efforts. Doit arriuer dont la vergefioit prefie,
Parle dehors quand la chair efi coupée Des ennemis puiffefiapper la tefie,
lufiques au ccur d'vne homicide effee:
Quand vn rocher, vn arbre, vn floliueau
Et fiejlongner bien loin du Shefi duKo Y,
Du tien , C H A V v E A V, des peuples fy de
Tombant d'enhaut nous froiffe le cerueau :
moy.
MARCASSVS.
Tuas, Chameau] Dans la fuitte de ce grand difeours il dépeint la miferable condition des chofes humaines,'
qui à peine font-elles nées qu'elles faillent.les vnes s'cfleuant de la ruine & de la perte des autres par vn éternel
changement qui altère & difîipc tout. Q.ue le %oy Grec ] le croy qu'il entend parler de Menelas, qui fut con¬
traint de le lier pour rauoir fa Maiflreffe qu'il auoit rauie à Pâris.comme il paffoit en Egypte & Tenleuoitde
Sparte. L'hiftoire eft racontée tout au long dans Tzetzes fur la Caffandre dc Lycophron. Si ce n'eft qu'il faille
liic,Q.m le %oy Grec, & qu'il entende Paris que Proree arrefta près le fleuue Canope cn Egypte,* luy retint Hclenc,qu'il
rendit du depuis à Menelas. Et auelaue pfialme ] Il parle du temps que les premiers Huguenots exer¬
çaient leurs cruautez cn France,fous prétexte dc leur nouuelle Religion. Le ferpent ] Il entend l'Hydre dont
nous auons cy-deffus parlé. Les enfans de la Nuï] Il entend les Centaures Monftres, qui eftoient demi-hômes
& demi-cheuaux. Us furent fils d'Ixion & de la Nue qu'il embraffa fous la reffemblance de Iunon. Megere ]
C'eft vne des Furies d'.Enfer. Triptokme ] C'eft ce fils tant renommé de Celcus Roy d'Eleufis, qui enfeigna le
premier aux hommes de cultiuer la terre, & delà femer. Manrcard 1 Qui deuore tout. Cechan?er\ C'eft parler ,
rnmmJwCi-.r. nim.,...l..:.£_:.:f. J 1_ I ° >* , ° J ' .
rement.
11 * - j agerc des Dieux: autrement, l'Are
enCiel. aubins] II prend aubm,pom le iaune d'vn Qu'elle] Licence Poétique, pour, mu'eUa ont fait.
Otfiatt] Hirondelle qui pleure fon fils Itys. Fromenteufis] Mot compofe par le Poète, au lieu de dire.Pleines
debled. Fenteufies] La mer que les vents agitent la plus patt du temps. sesmiits] L'Empire Romain & fa
gloire
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que

DES POEMES. îiij
gloire fe perdit dansle defotdre des guerres ciuiles que cauferent les Grecs , & depuis Pofttpee & Cefar , & du
depuis Lepidc,Auguftc & Antoine. Mufyues ] On ne fe fert gueres de ce mot qu'au fingulier. Influx ] Pour.
influence. Inclm ] A la façon des Grecs , qui difent , le viure, pour, la vie : ainfi, Tinclin, pour, l'inclination.
Veuie] Métaphore fort hardie. *
HT L A S.
A IEAN PASSERAI
Ledeur du Roy , excellent Poëte
Latin & François.
E veux, Hercule, autant qu'il
m eft poffible,
Chanter ton nom , ey ton bras
inuincible,
Pour recompenfe heureufe des bienfaits
Qu'à nos François autrefois tu asfaits,
Te redonnant l'honneur que tu mérites:
Que des malins les guures bien efirites
Soiiilîoient à tort, tefaifant vn voleur,
Forceurd'enfans, defemmes violeur,
Brigand, larron, fypour te rendreinfame,
T'ontfait meurdrir tes enfans & tafemme,
Fol de cerueau, vagabond defureur:
Bref ils t'ont fan la cloaque d'erreur,
. Tyran,mefichant : mais c'eft bien le contraire,
Car tu appris aux vieux François àfaire
Toutes vertus , {§fp*r ta douce vois
Les retiras des antres ey des bois,
Pour habiter les chafteauxeyles villes,
Hayr lafaine, ey les glands inutilles,
Semer le bled, cultiuer les bons vins,
Honorer Dieu, reuerer fies voifins.
Cène fiontpoules faits d'vn mefichant hom¬
me,
St toutefois l'Antiquité te nomme
Çourmand, mefchant,dont ie te veux venger,
Pour ne fiouffrir tes vertus outrager.
Quand tu trenchas la monflrueufie tefie
De l'Eftagnoljuprinspourta conquefle
Ses hqufis cornus,fies bufis au largefront,
%Auxpieds retors,qui luifioient commefont
Les aftres clairs, lors qu'vne nuiélfireine
D'vnegrand' dance en biais les pourmeine,
Etfiontjaillir çà & là de leursyeux
Maintspetits feux qui honorent les Cieux.
Tu vins,Hercule, auec ta riéhe proye
Sur le riuage où l'eau de Sofine coye
Se vient au Rofine à Lyon marier:
Là ainfiqu'eux tu te voulus lier
Pour mariage auecques Galatée,
Qui de Pallas nefut pas Jurmontée
En tout fçauoir, de Venus en beauté,
Ny de Iunon en braue royauté,
Qui dominait la terre paternelle
Seule au pais qui deflon nom s'appelle.
Or toy, Hercule, au floin accoufiumé,
Après auoir vn Herculin femé
En Galatée, allas par mer ey terre
Faire auxTyrans & aux Monfires laguerre.
Tu reffemblois au pere laboureur,
Qui défrichant & mettant en valeur
Vn champ nouueau,négligé l'abandonne,
Fors auxfaifons quilfime ou quilmoiffonne:
Hercule ainfl de fa femme approchait
Ou l'engrofiant, ou lors quelle accouchoit,
Non autrement : le refte de l'année
Sa main eftoit aux guerres addonnee, ..
St fa maffu'è, amie de fon flanc,
Desfiers Tyrans fi rougiffoit de fang.
O bon Hercule ! ayant couuert l'efichine
Dufaix velu d'vne peau léonine,
Terrible à voir pourfis ongles trochus,
Et fies fourcils horriblementfourchus,
Lare en la main , efloignê de tes tropes,
Seul tu vins n)oir les terres des Dryopes,
Comme l'erreur de tes pieds teportoit,
Ou bien ainfique ton Deflin efloit.
On dit qu'aux champs rencontrant Théo-
dame
Qui labouroit , tu luy rauisfia femme,
Forças fon fils , & luy mangeas fies bmufs.
Ce fint desfaits que croire ie ne veux :
Car vn vendeur comme toy de malices,
Ne honnitpoint fin nom de tant de vices.
Mais de ton temps les Vates ont menti,
Qui tes vertus enblafmeont conuerti,
St par beaux vers faujfiment diffamée
De tous cofleTta bonne renommée.
Or quant au poinél du RoyTheodamas,
Et de fles bcufs qui eftoientgros fygras,
Tu leur appm du bout de ta maffuë
LL LLLll
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. Et
izi(> L fc. 1.
D'ouurir la terre, & trainer la charrue,
Et le collier tout vn iour foufienir.
Degras les fis bien maigres deuenir:
Voila pourquoy la tourbe efiant trompée,
Difoit qu'aux beufs la gorge auois coupée,
Tuéleur Roy, que tu rendis meilleur
Qu auparauant trauaillant laboureur,
S'emmaigriffant ey fiuant fonsla peine
Decultiuer fies vignes eyfia plaine.
Autant en eft d'Hylasflon ieune fils,
Que degrojfier habile homme tu fis,
En le forçant & contraignant d'apprendre
Toutes vertus désfia ieuneffe tendre.
Or auffi tofi qu'en la prime fiaifion
La Renommée eut fiemé que Iafon
^Allait gaigner au riuage Colchide
, Le Bélier d'or, defit charge homicide,
Tu ne voulus quvn voyagefibeau
Sefift fians toy : tu pris leiouuenceau
Portant ton arc ey ta troujflefatale,
Qjù te fuiuoit d'vne allure inégale.
Car, o bon Roy, le moindre de tes pas
En valait cinq des petits pieds d'Hylas.
Le bien-cheri tu vins en U nauire:
Tu refiufas qu'on te vouluft eftire
Chef de l'emprife, ey allas,demi- Dieu,
Dugrand vaiffeauprendre place au milieu,
Tenant la rame , ey tournant l'eau falee
Qui eficumoit autour de lagalee.
Si que ton bras ahurté contre II eau
Faifoit trembler les poutres du vaiffeau*
Eftant Orphé au plus haut de la poupe,
Qui de fia Lyre encourageait la troupe.
là le riuage apparoiffoit au foir
Du Myfien : le vent Je laifja choir,
fur lé maflflotoit la voile lâche,
Quand ces Guerriers , ainfl qu'ouuriers de
tafiche
Qui vers lefoir (alors que lebouuier
Deffous la nuiél vient fes b,ufs dejlier)
Haftent leurs mains ey craffeujes ey dures,
A qui le ventre affamédit iniures.
Ainflchacun fie print à s'animer
Par vn combat honnefte de ramer.
Les auirons vont d'ordre, fy la galère
Pouffee auant d'vne ieune colère
Voloit fur l'eau , faifant d'vn large tour
Maintgros bouillon efiumerà l'entour.
Chacun adwufte a l'addreffe laforce,
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LIVRE
Et de gaigner fen compagnon s'efforce.
Mais toy, Hercule, à qui tout le caur bat
Du haut deflir de vaincre en ce combat,
En i efforçant contre l'onde apurée,
Rompis ta rame à la pointéferrée,
Dont de deftit tu foufpires ($f plains.
Vn des morceaux te refte entre les mains,
L'autre morceau en tournoyant fe ioue
Flot deffus ftot où la vague le roue,
Ayant le fiel de colère allumé,
De voir ton poingd'auiron defiarmé.
De tel effort tu cheus à la renuerfie;
Tes pieds fen-vont d'vne longue trauerfie
Frapper la proue, & la poupe ton chef
Tlat cftendu : mais nul de ton mécloef,
Te regardant , de peur riofia mot dire :
Seul te leuant tu t'en pris à fou-rire.
Euxd'vngrandc fie bandèrentfi fiort
Que vers la nuiél arriuerent au part.
Mais auffi tofl que l't^Aube fut leuee,
, Hercule entra dans la foreft trouuee,
Pour efpier desyeux à l'enuiron
, Quelque arbre propre à flaire vn auiron.
Hercule efiant penflfeyfantaftiquè, * ;
Erre toutfeul en lafloreft ruflique,
Haute maiflon des oifeaux : à lafin
Il vid fans nuds, flans branches ,vn fiapin
Frappé du vent d'vne lente fecouffe :
Il iette à bas flon arc courbe (fjfja troujfle, '
Et affermant contre terre les pas ,
Et roidiffant les mufiles defes bras,
Enflant d'ardeur les veines du viflage,
Mit les deux mains deffus l'arbre fauuage
A dos courbé, & bien qu'il tint beaucoup,
Il l'arracha tout net du premier coup ,
Racine fy tout, deffus \ effaule forte
Le va chargeant, s'en retourne9'^1 l'emporte.
Ainfl qu'on void aisément l'oifieleur
(fercler la place à cacher le malheur
Du flmple oifleau :il arracheflans peine
Le chaume fec, doni la place efioit pleine:
Ainfi Hercule aisément arracha
(fe grand fiapin fi tofi qu'ily toucha. #
Ou comme on void qu'en mer vne bour¬
rache
Par violence en tempeflant arrache
Hors de fion lieu le mafiqui efi debout,
St le fait choir à bast cordes & tout,
Dontiljfe tiem^ffijonqrivn polype

DES P
Fait contre vn roc, qui fegrimpe ey fi gripe,
De fes éheueuxfi aherd au rocher, m
Quele peficheur ne l'en peut arracher:
Mais à lafin à mainforte il l'arrache ,
Car fila filfis liens il détache,
Et toutjoyeux ( en leportant parmi
Tant depoiffons) rit de fin ennemi.
Tandis Hylas ieune,gaillard & brufiqne,
vAux blanches mains, à la longueperruque,
Au beau vifiage, à l',il noir $f ferain,
Prit vne cruche aux deuxanfis d'airain,
Etfeul entra dans laforefiprochaine
Pour chercher l'eau d'vne bellefontaine.
Comme il alloit, lesfrères qui auoient
O E M E S.
iU-
Et l'autrefleur que Iunon fit flortir
Quandd'vn coqu voulut fin corps veflir,
De tel oifiel empruntant le plumage,
Du frère flen fuyant le mariage
Comme trop ieune, ey dtfdaignant le jeu
D'amour, qui ard nos curs d'vnfi douxjeu.
Vn chefne large ombrageait l'onde noire:
Faunes,Syluains n'y vendent iamais boire,
Ains de bien loinflenfluyoient efiahis :
Maifion facrée aux Nymphes dupais,
Et au Printemps , qui de fia douce haleine
Smbafimoit l'air , les forefls ey la plaine,
Que les pafieurs en frayeur honoroient
Et de bouquets les riues decoroient.
Ailes au dos, amoureux lefuiuoient,
Vn ombre lent par petite fiecouffe
Volantfiur luy,pour baiferfia chair blanche.
Il deflournait ïembuflche d'vne branche,
Erroit deffus , ainfl que le vent pouffe,
Pouffe (Sf repouffe, ey pouffefur les eaux
»
Marchant toufiours pourfioudain retourner L'entrelaffure ombreufi des rameaux.
Auant qu'Hercule arriuafl à difiner.
Il nourriffoit l'enflant pour tel office,
La mainte fiurce en bouillons fiablonneufi
Faifantjaillir mainte conque perleufie,
En ce feulfiait illuyfiaifioit fieruice :
Peindoit les bords de paffemens diuers,
Car en mangeant, Hercule ne beuuait De grauois gris, rouges , iaunes fypers.
Que la feule eau dont l'enfant l'abreuuoit, Là carolloient à treffes décoifées
NyTelamon, commefortune affemble De main à main les Nymphes ey les Fées,
Deux grands amis en vne table enfiemble. . Foulant du pied les herbes d'alentour,
» C'eflvntrefiorque la bonne amitié, Puis deffous l'eau fie cachoient tout le iour.
» Quand vn amy retrouuefa moitié. La belle Herbine auhaut de l'onde affifi,
Or cet enfant commefonpied le meine, Voyant l'Enfant,fioudain en fut effrifle,
Dans laforefl ombreufifie pourmeine Et fle plongeant à chef baifie le front,
Errant par tout, ains qu'auifir le bord Alla trouuer Printine au plus profond.
Delà fontaine où l'attendait la mort.
Reyne des eaux, ma Maiflreffe honorée, "
On dit qu Hylas rieuflpas trouue la fiurce
Défibelle eau,fians vn cerfi,dont lacourfie,
J'ay veu là hautflur la riue voirée
Vn ieune enfiant,par qui fieraient vaincus
Par le moyen dc Iunon (qui le clur De gaillardifie i^ApolloneyBacébus.
Tortoit,maraftre,enra'ùillé de rancsur Venelle voir , vous verre? vneface
Des fiaits d'Hercule, ey en creuoit de rage)
Cefienfant Grecguida fur le riuage.
Ceftefiontaine efioit tout à l'entour
Riche d'émail ($r defleurs, que l'amour
De corps humainsfit changer enfleurettes,
Peintes du teint des pâlies amourettes :
Le lis fiauuage , $ la rofle ey l'tillet,
De qui le trait les Déeffes menace,
Et qui plus efl, vn crejpelu coton
Ne fait que poindre autour defon menton.
Printine adonc qui f efloit amufiée
A retourner Us plis d'vne finfiée,
Enfi haflant luy tombèrent fioudain
Fil ey quenouille eyfuseau de la main.
Le roux fiouci , l'odorant flerpollet,
Le bleu glayeuljes hautes gantelées,
La pafiquerette auxfiucilles piolées,
La giroflée ey le paffe- velours,
Et le narcis qui ne vit que deuxiours,
Et ceftefleur que l'Aunl renouuclle
Et qui du nom des Satyresflappelle:
Venus adonq luy darde vne fiagette
De celles-là qu'aux Nymphes elle iette,
Et auxgrands Dieux quellefiait langoureux,
Quand des mortels deuiennent amoureux,
Quittant du Ciel les régionsfiraines
Pour eflre fable à nosfemmes humaines,
Et déguifir d'habillement nouueau
ITVLXX ff~
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iziS LE I.
Leurs corps change^en cygne ou en taurean.
Près de la Nymphe au plus profond des
ondes
Eftoit Antrine aux belles treffes blondes,
Et A^ufine aux tetins defcouuerts,
Verdine,Ondine,ey Bordine auxyeux vers.
L'vne des deux eftoit encor pucelle,
Et l'autre auoit du laiél en la mammelle,
Et de Lucine en la fleur de fies ans
Auoit flenti les traits doux ey cuiflans,
Qui deuidoient les toifins Tyriennes
Teintes au fang des huyftresjndiennes.
Incontinent tout ouurage laifie,
Nagentfur l'eau, où d'vn mil abaiflé
Voyent l'enfant, qui de couleur refiemble
A ces blancs lis qu'vne amoureufe affemble
Auec larofe,ou au teint de l'illet
Quiva nageantfur la blancheur du lait.
Tandis Hylas de la gauche fiappuyé
Deffus le bord, de l'autre tient la buye,
Qu'à front panché laiffé tomber en l'eau .
L/ëau qui s'engouffre au ventre du vaiffeau,
Fit Vngrand bruit: en ce pendant Printine
Ardente au c$ur d'vne telle rapine,
Sa gauche main finement approcha,
Et dugarçon le col elle accrocha :
Coup deffus coup le baifie ey le rebaifie
En l'attirant, afin que plus à l'aifie
Sa peflanteur ïemportaft contre-bas:
Puis de la dextre elle happa le bras
Dont il tenoit le vaiffeau , eyfiefforce
De le tirer flous l'onde à toute force.
Hylas criait ey refifloit en vain :
Dedans le gouffre il tomba tout fiudain
Pied-contre-mont,comme on voitpar le vuide
Tomber du Cielvne flame liquide
Toute d'vn coup dans la mer, pourfignal
Que la nauire efi fiauue de tout mal :
Lors leTatron qui recognoifltefioille,
Aux matelots fifie qu'on flace voile,
Le vent eft bon : en la mefme façon
Tomba d'vn coup feus l'onde le garçon.
Sur flesgenoux la Nymphe, qui eft folle
De trop d'amour, leflatte & le confie :
Tuis luyfit part défi table eyfion lit,
Et de fion cur : d'auantage luyfit
D'homme mortel vne De'ité prendre.
Nulriauoit peu le cri d'Hylas entendre
ForsTelamon qui la voix entendit
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LIVRE
D'Hylas tombé: Hercule il attendit,
Pu'fle'voyant de bien loin il l'appelle,
Etfloujpirant luy conta la nouuelle.
En attendant, cher%^imy, ton retour,
I'ay entendu deux ou troisfois autour
De mon aurciUe vne voix lamentable,
Au cri d'Hylas totalement femblable :
il eft en peine, ou bien ilfieft noyé,
Ou ta maraftre a , deffite , enuoyé
Quelque lion pour en farcir fia panfie;
Bref, ton Hylas eft mort, comme ie penfie.
D'aftre courroux le fiel luy bouillonna,
Iettafa charge, (ipfioudain retourna
Sur le riuage où la troupe éueiUée
Faifloitlits d'herbe & tentes de fue'dlée,
Pourf enquérir, enfanglotant menu,
Si l'enfant Grec efloit point reuenu :
Par tout il cherche fy recherche ey retourne,
Reuient, reua,& iamais ne fijourne.
Mais quand ilvit que l'efihanfonHylaS
Vers le logis n auoit tourné les pas,
Fitvngrand cri : il auoit l'ame atteinte
D'vne angoiffeufe & miferable plainte,
Refrappant l'air de maintfeuffir profond,
Engemijfant comme les vachesfont
Quand par les bois appellent leurs genicesl
Que les couteaux des diuinsfiacriflees
Ontfait mourir, empourpre"^ de leurfiang:
Deuant l'autel elles giflent de rang,
A qui le cnur tremblote ey les artères:
L'air retentit deffous le cri des mères l
Toutfurieux retourna dans les bois
Criant Hylas : vne greflette vois
Foible fyfiansfor ce entroit à grande peine,
Qui luyrefpond : la voixfiembloit lointaine,
Et toutefois bien prochaine elle efloit :
Mais l'eaugardoit qu'à pleinflon nefirtoit,
ënl'efioufant : ce-pendantpar vallées,
Par ronces , bois , par roches reculées
Court ey recourt penfant àfion malheur,
Quand vers le foirflendormoit dedouleur.
Jaflon qui vit la nuiél eflre tombée,
Et le vent bon pour la voile courbée,
Dreffe les ponts, monte au vaiffeau cognu,
Croyant qu'Herculey fiufi déjà venu.
Ceft artfiubtilfiefit parla menée
DeMeleagre enfant du grand Oenée,
Qui, bien que tard , vn iour fi repentit,
Quand le tifionfies entrailles rofiit,

I DES P O È M E S. 1129
Lequel efioit enuieux des victoires
Et des labeurs d'Hercule auxf effes noires.
| Comme il dormoit du trauail ennuyé,
LAyant le colfur fia troujje appuyé,
L'arc d'vn cofié, de l'autre la maffuè,
'Voicy venir l'ombre grefie & menue
Du ieune Hylas , qui Jecoiiant le chef
De fion Seigneur , luy conta fion mefichefi.
Monfeul Seigneur, quifus mon efierance,
Qui les vertus m'appris dés mon enfance,
Afin qu'vn iour ie peuffe deuenir
Çrand comme toy ;puis au Cielparuenir :
Puifant de l'eau pour te fieruir à table,
( Amour n'efipas, comme on penfie, vnefiable)
Vne Deeffe amoureufe me vit ,
Qui tout fioudain deffous l'eau me rauit.
le t'appelloispour- neant , quand ma bouche
Fut pleine d'eau : quand rebelle eyfarouche
De fit houjfine en me frappant tourna
Mon corps wDie v,puis fon liél me donna.
Affe%, Seigneur , eyparmerfy par terre
jay veu Jous toy le meflier de laguerre,
x+Affe? mon dos a fiué fous lefia'u
De ta maffuè', affe^ tes nobles faiéls
Ont illuflré ma viue renommée.
Or maintenant mapeine efl confommêe :
Loin delà terre, ey loin de tout floucy
Qu'ont les mortels , heureux ie vis icy.
Adieu , Seigneur , adieu ma chère tefle :
MARCASSVS.
Par ta Marafhe encor mainte conquefle
Te refie à flaire,^- mille maux diuers
Que tu auras vaguant par l'Vniuers :
Puis a la fin vne mort très -cruelle
Doit conflommer ta figure mortelle.
Ton corps brûlé fen ira dans les Cieux
'Trendre fia place à la table des Dieux:
Puu tu auras, loyer de ta proiieffe,
Pour femme Hebé , la Royne de Ieuneffe.
Car les beaux faits de l'homme vertueux
Ne meurent point : mais du voluptueux
Qui a fia vie en plaifirs confimmée,
Auec la mort fie perd la renommée.
Ainfin Hylas àfion maiftre parla,
La nuiél s'enfuit & l'ombre fen- vola.
Mon P A s S e R a T , ie rejfimble à l'abeille
Qui va cueillant tantoft la fleur vermeille,
Tantoft la iaune, errant depré en pré
Où plus lesfleursfleuriffent à fin gré,
(jontre l'Hyuer amajfant force viures.
Ainfi lifiant ey fueilletant mes liures,
I'amajje , trie & choifis le plus beau ,
Qu'en cent couleurs iepeins en vn tableau^,
Tantoft en l'autre, ($f prompt en ma peinture
Sans mefiorcer i'imite la Nature :
Comme i'ayfiait en ce pourtrait d'Hylas
Que ie te donne, $f fi à gré tu léas ,
l'en aimeray mon prefient dauantage,
D'auoir fçeu plaire à fi grand perfonnage]
le\eux, Hercule] Il n'eft perfonne qui n'ait oiiy parler de l'expédition de Iafon, comme ilallaenCoIchosi
pour conquérir la Toifon de ce Bélier qui porta Phryxus outremer. Hercule fut vn de ceux qui accompagnè¬
rent ce ieune Prince à vne fi valeureufc entreprife. Comme il aimoit vn beau ieune garçon nommé Hy las.Grec
de nation , il le mena quant & luy. Apres vne longue tempefte ayant abordé vn riuage pour fc tefaire , Hercule
entra dans vne foreft pour en tirer quelque arbre, dont il auoit affaire pour r'habiller fon vaiffeau & l'equipper
de nouueaux auirons. Ce ieune enfant y entra auffi pour puiffer de l'eau dans vne fontaine : à peine y fut- il que
les Nymphes en eftans deuenuespaffionnées le rauirent. Hercule en fit des regrets incroyables. C'eft ce que le
Poëteraconteencelong'difceurs. Q»'à nosFrançois ] Il vint cn France efpoufer la Royne Galatée, de laquelle
les Gaulois ptindrent leur nom. Voleur] Comme quand on dit, qu'allant aux Enfers il fit mille maux par tous
les logis où il paffa. Voyez les Grenouilles d'Ariftophane. Meurtrir tes enfans] Iunon luy ayant ofté le iuge¬
ment, il tua fes enfans & fa femme. Lifez l'Hercule furieux dc Seneque. D'erreur] Erreur fe doit icy prendre
pourvice. Tesyertus outrager] Voulant dire, Pour ne fouffrir qu'on outrage tes vertus. Del'Efpagnol j De ce
grand Tyran Geryon Roy des Efpagncs. D'ynegrand' dance] Les anciens Théologiens ont creu quelesmouuemens
des Cieux fe faifoient à la cadence, & muficalement. Lifezle vieil Scholiafte d'Ariftophane fur la Co¬
médie intitulée, Les Nues. Troye] Les bufs dc Geryon. qujux] LeRofne & la Sofne. Braue Royauté]
En Majefté Royale. Semé] Hardie façon de parler, pour dire, Apres auq-j*: fait vn petit Hercule à la Royne
Galatée. Des Sers Tyrans] C'eft vne inuerfion, vn peu licencieufe. rheodatne J C'eftoit le pere d'Hylas. y*.
tes] C'eft vnrnotfait du Latin, qui fignifie, Deuins ou Poètes. Tourbe JC'eftàdire, La fimple &ignorante
PO pulace. De fa charge homicide ] C'eft à dire .Homicide de la charge qu'il portoit : il l'appelle homicide à cauau'en
paffant la mer il laiffa tomber Hellés, fur de Phryxus, dunaufrage de laquelle la mer fut du depuis
leq
II ne bcuuoit que dc L'eau.
Dt iunon 1 C'eftoit clic qui caufoit caufoit tous les defplaifirs defplaifirs & les hazards hazards à Hercules. Hercules.
LLLll iij
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u,0 LE L LIVRE DES POEMES.
' , o j i Doîminir tfer&j«el Nom pris de l'herbe. Pr*»J*»e]Dtt
Z'.»/»*.] Hylas. P«54ir« Satyrion. Partit ] ^J"' XuL 1
Pour Europe, ^«]Nom
Printemps. ^pMj De l'eau. Qp.] P»"1^^^-,^^. .ord;»e] Du bord des fleu-
pris d'vn antre, ^r», ] De l'azur, radm. ] Du verd.' ^* ^ { fidolt au ^ accouchemens des
ues,delamer,desfonta,nesoudesforefts. '«

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Dc ce Duc aenereux, lu querrierrt i/aiuanct .
Graue aipc cxurs tnnemp VefiovuentaUc fffroYi
Ce§l le ramûart dt Jl/fetz^ cest le pris defin, 'R oy,
CestA^ytamaonaclhur, cest t honneur deProuencty.
Thomas de J^eu. Ftilty
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S E C O
DES P
P. D E
L E
D LIVRE
E M E S DE
R O N S. A R D.
LES T J R OJff E S.
A TRES-VERTVEVX SEIGNEVR I. LOYS
DE NOGARET, DV,C d'EspARNON, Pair
ôc Colonel de l'Infanterie de France.
Auec les Remarques de P. De Marcassvs.
E iour que tu nafquis, les trois
Parques chenues,
Fortune ($f la Vertu main à
_ mainfont venues
Danfer à ton berceau,ey t ouurans leur tetin,
T'allaiélant & baifiant,chanterent ton Deflin.
Enfiant,qui prens du Ciel ta naiffancepre¬
mière,
Voy ce iour qui te rit dévne belle lumière :
Vien citoyen du Monde , ey tout en-aflré
d'heur,
Porte aufiont dés le naiftre vn Jignal degran¬
deur :
Crois donc pourfurmonter toutefortune ex^
tréme,
Ne cognoiffant qu'un R O Y, tes vertus , ey
toy- mefme.
Si toft que la vigueur de l'âge qui permet
D'endoffer le harnois ey d'affubler l'armet,
T'aura fait artisan des meftiers de 'BeUonne
( Pourfieruir ton HENRY, fion Sceptre ey
fia Couronne)
le te voy renuerfer Cheualiers fy foldars,
tl}t
Et d'aéles valeureux égaler le DieuZiars :
le te Voy de corps morts enfianglanterla place\
le Voy rouge ta maiû, rouge ta coutelace
Dufiang des ennemis, & marchant le premier
Te couronner lefiont de palme ($f de laurier.
Je te voy tout armé de tes bandes armées
D'vn long ordrefiuiui,comme plis de fumées
Entre- eficlaire^defieux ey de brajiers ejbats,
Quifle preffentî'vn l'autre, ey fie fument de
prés.
Ou comme on voit en mer les entorfis des
ondes
S'enfler deffous le vent,fécondes fur fécondes
Suture le maiflreflot,qui bruyantesfen- vont
Se rompre d'vn grand heurt contre lepremier
fiont
D'vn rocher oppofié: Ainfifiiur ont les bandes
File-àfile tes pas, tant que tu leur cornants
D'aller hurterlemurd'vn rempart ennemy
Pourt emporter d'affaut: ou tefuture parmy
L'eflcadron plusflerré des troupes que laguerre
CMettra deuant tes mainspour enpauer h
terre.
LL LU iiij
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m% LE IL LIVRE
VAigle de tAigle naifi : le Lyon gène- ^fin q»on ne vifl point les peuples efionne^
&
reux
ô ' ?)es honneurs O'des biens qui teJer&nt don-
» Entendre le Lyon: d'vn pere valeureux
(Valeureux comme luy) 'tu as pris ta naifi
ne%>
Les ayant a ban droit par peine $ par me-
fan ce rtte>
Et ivn Roy tu prendras ta gloire $ ta Et non parla fiaueur qui fien- volefi vifle.
puffance. Fortune vint après : qui te prenant U
Mats quand les corcelets aurontfait place main,
atfxloix, Et ton corps tendrelet rechauffant afin fim,
St qu'au râteau la lance& au croc les harnois Et ta bouche arroufiant du laiél de fa mam-
Pendrontfroids ey roMeç, ey la diuine race melle,
D'Aftrét embellira les terres de fiafiace: Te dift, Mon cher enfant (car ainfi ie tap-
Alors durant la paix,plein d'vn flain nompa- . pelle,
reil D'autat quepar fus tous tu mes le plus àgré)
le te voy le premier ajfifter au Confiai, Quandmon heureufe main t'aura mis au de-
Les affaires d'Efiat en* ton efyrit compren- gré
^n '
Le plus haut des honneurs dontfouuent ie me
Et despeuples les maurs & lapolice entendre : joue,
Afin qu'enguerre armé,& enpaix defiarmé, le tefieray confiante , & cafferay ma roue:
, Tufois éhery du Prince , ey des peuples aimé, Mes ailes ie rompray en ta faueur, àfin
Minifiredes deux temps:car l'homme envain Que ton créditfaitferme, ey ne bronche à la
fiefforce, fin '
S'il neftreint d'vn lien la Prudence ey la Maisfins iamais bouger de taplace affeurée\
Force. Tu confirues ton lieu d'éternelle durée
La Parque ainfiparla.. La Vertu d'au- Iufquau iour que plein d'ans, des Mufispro^
tre-part teéleur,
Jettantfiurfion berceau doucementflon regard, ' Tu retournes de terre à ton premier faéîeur}
Enflant fia bouche ronde, infpira fion haleine %A-tantflur ton berceau ces Déeffes mefle-*
Sur toy,pour te remplir des biens dont elle efi rent
pleine : Des Rofies ey des Lis,puis au Cielreuolerent.'
MARCASSVS.
le iour que tunafftis ] La Théologie des Anciens a tenu les Parques pour les plus fouueraines puiffancesqui
fuffent parmy les Dieux. Auffi leura-t'onmis en main la conduitte de toutes les affaires pour en difpo-
fer à leur volonté. Elles ont auffi la vie des hommes en leur pouuoir -.Taccourciffent * l'abrègent comme il
leur plaift. Quelques-vnslesont prifes pour les Deftinees.à l'humeur defquelles tous les Dieux enfemble ne
fçauroient refifter. C'eft elles qui fçauent tout , * qui difpofent dc tout. Or le Po'éte feint qu'à la naiffance
de Monfieur le Duc d'Efparnon ces trois Puiffances, affiliées de la Fortune* de la Vertu, vindrent prédire
les heureux fuccez de fes confeils * de fes armes. Certes fi le Poète eut fait le plus grand effort qu'il eut peu
iamais faire , * qu'il eut dit de ce perfonnage tout ce qu'vn grand efprit s'en fçauroit imaginer de merueilleux
, il ne fatisferoit pas à là grandeur dc fes rares qualitez. Quelque iour la vraye hiftoire de fa vie paflera
pour Roman,* contre Tordre * la couftume des hommes de noftre temps la vérité fera receu'é pour fable,
comme à prefent la fable paffe pour vérité. Parques chenues ] Il les appelle chenues , à caufe de leur extrê¬
me vieilleffe: elles font nées, comme l'antiquité Ta creu.auffi toft que le temps. En--afiré d'heur] Auquel les
aftres ont promis toute forte dc bon-heur. signal] Signal fe prend icy pour figne ou marque. Bellonne]
C'êft la Deeffe delà guerre. Henry ] C'eftoit Henry III. l'vnique Dieu des Princes , qui aimoit vniquement
Monfieur d'Efparnon. Fumées] Fumée n'eft point en vfage qu'au fingulier. Tantinet» ] Pour,
lufquesàcequctuleur commanderas d'aller.&c. ^cftree ] C'cftla Deeffe qui prefide à la Iuftice , durant
leregne de laquelle les hommes viuoient dansTinnocence.iouïffansdes plaifirs de l'âge d'or. Eoucheronde]
Mal-aifémcnt les François pourroient- ils comprendre ce que c'eft que bouche ronde, s'ils ne fçauoient qu'il
parle a la Latine. Les Latins appclloient bouche ronde, celle qui ne lafehoit aucune parolle qui ne fuft meurementpefee.
^A] Pour, dans. Et caferay ma roue ] C'eft vne bonne penfee. Les Anciens ont mis la
Fortune fur vne roue, pour monftrer le peu d'affeurance qu'il y a en fes faneurs: mais icy elle iure qu'après'
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DES POEMES. u))
qu'elle aura mis Monfieur d'Efparnon au faille de fa grandeur» qu'elle caffera fa roueAtelïcur Garnler m'a
donné d'autrefois vn Sonnet fur ce fujet:* parce que c'eft vn de ceux qui affeâionnent grandement noftre
Poète, iene feray pas difficulté de le mettre icy, à fin que le monde voye fi les Poëtes dc la Cour luy peuuent
ofteràiuftc fujet, le titre de premier Poëte du Roy,que fes lauriers luy ont acquis.
Dieu fe fait "Voir en nom quand nofire ame il agite,
Nom fommes tout de feu .- nom parlons clairement
De la chofe future, injpireJ yiuemint
D'yne fam&efureur violente cr fubite.
lleflan d'yn bon Poète orné d'yn yray mente,
^¤ beaucoup de pouuotr : ce diuin truchement,
Ronsard parlant de toy le monfire éuidemment
En fes rares efcrits, où ta gloire efi prédite.
0 le yrayfils d'yn pere en oui les bons Defiins
Mirent tant de ydeur au déchet des mutins.
Grand Duc, fi tamerueille il a fçeu te prédire,
Vn qui le reprefente ty de corps ey de yoix, .
Te prédit en ce temps que Dieu te yeut ejlire
Vn des premiers de France a releuer la Croix.
Tefint communs auffi, eyfi ie ïofiois dire,
A IEAN DV THIER, Detay fleulà bon droit on les deuroit efirire
Seignevr de Be AV-R EGARD, Comme propres à toy: mais ces Dieuxde U
Secrétaire d'Eftat. (fourt
Me happent àla gorge,& mefiont taire court!
Vifiait honneur aux Roys,ilfiait Comme on voit bien fiouuent aux mines
honneur à D I E V: deffous terre,
Les Princes ey les Roys tiennent Soient d'argent,foient défier, degrandspdliers
le plus grand lieu de pierre,
» Apres la De'ité : ey qui reuere encore . Qui font veusfioufienirla mine de leurs brasM
» Lesfiruiteurs d'vn Roy leRoy mejmeilho- Et ahanner beaucoup, fyfl riabannentpas :
nore. (fefiont d'autrespilliers qui loin du iourfi tien-
II eft vray, mon D V T H i E R , quvn hom- nent
me comme toy Dedans des coings àpart qui tout lefaix fou?
Donneplus de trauail à célébrer qu'vn Roy: tiennent:
Car la gloire des Roys en fujet eftfiertille, Ainfi les grands Seigneurs fioit en guerre ou
Etne trauailleguère vne plumegentille, en paix,
D'vn thèmefifécond en abondance vien- S'ilarriue vn paquet d'Itale,ouplus auant,
mnt Soit de Corfie ou de Grèce, ou du bout du Le-
Tropos deffur propos qui la Mufie entretien- uant,
mnt Ils le dépliront bien,mais il tefaudra mettre
Comme vn Hyuer les eaux qui f écoulent En ton eflude aprèspour reffondre àla lettre!
d'vn mont, Car ainfi que le Ciel ne fiouftient quvn So-
Et courans dans la merfile-à-filefien-vont:
Mais pour louer vn moindre ilfiaut de l'ar-
leil,
France n'a qu'vn D v T H î E R,qui n apoint
tifice de pareil,
Afin que la vertu riapparoiffe eflre vice. Oufioit pourfiagement les Eflrangers femonz
Si efi-ce, mon DvTuiEK,que les plus dre,
grands honneurs Ou fioit pour cautement a leurs paquets re-
Qui fiont communs en Frace à nosplusgrands fiondre:
Seimeurs ÇarIoit en fille ^ 0H en P1 hautam>
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fc34 LE IL LIVRE
res Grâces du Françoisf écoulent de tamain. Tout à l'entour de toy,commevn torrent qui
Nul homme ne fe vante efire heureux en fuit . . ,, . r
la pror£ Bouillonnantpar lefonddespierreufis valees^,
Que pour certain exemple auxyeux nefiepro- Quand deffous le Printemps les neigesflont
pofi
Tes efirits & tonjlde$pour exerciter
cmlées'
Tu riasjitofl difné,qu il ne tefaille aller
Sa main, il ne trauaille à te contre-imiter. Au Confiil,pour ouir des affairesparler :
Jcy vn Alleman des nouuellcs t'apporte, Tuis au coucher du R O Y}puufielon ta cou-
Jcy vn Effagnol fle tient deuant ta porte : flume
, L'^Anglais, l'Italien, & l'Efioffois aujfi Prefique toute la nuit veiller auec la plume.
Font lapreffe à ton huis,& te donnent fouci : Et pource noflre R 0 Y d'vnfiauorable ac~
L'vn cecy,l'vn cela diuerfiment demande:
Tuis il tefaut figner ce que le Ko y corn-
cueil
Teprifle& te éherit, (êf te porte bon ail,
mande, Comme à celuy qui prend en France plus de
Qui félonies effets de diuers argumens
Te baille en moins d'vn iour mille commande-
peine:
Sifiait M ont m o r e n c y, & C H A R~
mens, l es de Lorraine.-
' De petits , de moyens ey de grande impor- Nonfieuls,mais tout le peuple, & ceux qui ont
tance. l'effrit
Encor as- tu lefioin des grands trefirs de Defçauoir difeerner combien vaut ton eficrit:
France : Et moy par deffus tous,qui de plus prés admire
Tailles,tributs, empruns,'décimes$f impos, Ta vertu qui méfait cefle lettre teficrire.
Ne laiffent ton efirit vn quart d'heure en re- Quand vn hommefièleue auprès de cesgrands
pos, Dieux,
Quifleplaift d'acheuer mille chofles contraires, Meffrifant lespetits, deuient audacieux,
Et plus efl vigoureux , tant plus il a d'ajfai- Et s'enflant tout le cuur £arrogance ey dt
res. gloire,
Or ainfiquvn poiffonfi nourrit en fin eau, Se mocque de éhacun, eyfine veut plus croire
Et vne Salemandre au brafier d'vn four- Qu'ilfioit homme fujet àfiupporter l'affaut
neau, De Fortune qui doit luy donner vn beau
Tu teplais en ta peine: ey ta verde vieilleffe fiault :
Se nourrit du trauail qui iamais ne te laiffé. Mats certes à la fin vne horrible tempefle
Quand tu vas au matin aux affaires du De lafureur d'vn Roy luy faccage la tefie :
Roy, Etplus ilfi vouloit aux Princes égaler,
Vne tourbe de gensfrémit toute après toy, Etplus auec r'fie on lefait deualer ,
Qui deçà, qui delà tes cofte% enuironnent, Par la tourbe incognuë , à fin qu'il fioit exem-
Et tous diuers propos à tes aureilles finnent:
L'vn te baille vn placet , l'vn te va condui-
pie
D'vn orgueilfoudroyé,àl'îilqui le contemple^.
fant
Tour luyfaire donner auKo y quelquepre-
Mais toy,qui as l'effrit net d'enuie&d'or-r
gueil,
jent: Qui fais aux vertueuxvnhonnefieracueil,
L'autre ( qui a deprés ton aureille approchée)
Demandefi fià^ lettre a eélé dépêchée :
^ L vn efifaflchéd'attendre, $- n'a repos aucun
Qui te fiais modérer en lafortune bonne,
Qui es homme de bien, qui rioffenfis perfonne,
De iour en iour tu vois augmenter ton bon-
Que toufiours ne te fluiue & te foit importun: heur,
L'autre plus gracieux tefait la reuerence, Tu vois contituer tagloire ey ton honneur,
Et l'autre te requiert l'auoir en fouuenance : Loin de l'ambition, de fiaude , ey defieintifi :
Breflafioullete preffe, (Sfdemeinevngrand Et c'eft l'occafion pour laquelle teprifi
kfiuit. Lepeuple qui touflours ne ceffed'efiier
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t> E s P 6 Ë U e s; li3,
Et fi plaifi en cela: car de la chofie fiaite gnage * J J
»ParlesGrands,bienoumal,lepeupleeîlU ^Salel, ^ /o« ««* qui par les am
trompette: ^ ^ ï '
& »««/,ï t'amc&ditaucnàfrc Roy Jt/o»,^, dufieuKoYpar la Mufie auan-
N'apoint deferuiteurplus diligent que toy. ce?.
Tu ne rouilles toncaur de l'exécrable vice Or ieneveux fiouffrir que les villes «r-
De cefle ordefiuneeyharpyeAuarice, rieres
Qui les trefors du Monde attire dansfia main:
Carpuis qu ilfiaut mourir , ou ce foir, ou de-
main, .
Des ansperdent le bien que tu mefis n'agueres:
Et fi ne veux fiouffrir quvn aéle grand ry
hea M
Quefert d'amonceller tant d'efius en vn cofi- Que tufis à deux Grecs, aille fous le tombeaf,
fre' Deux pauures efirangers qui bannis de U
Las !puis que la Nature ingrate ne nous offre Grèce,
Queïvflufiuiél du bien, quefin de defirer ^Auoient prins à la Cour de France leur ad-
Tant de poffejfions, quefiert de defiéhirer dreffe,
Le ventre de la terre , ey hautement con- Jncogneus, fians appuy , pleins defioin (gfd'ep
flruire moyt
Vn palais orgueilleux de marbre ey de por- Penflans auoirfiupport,ou d'vn Prince ou d'vn
phire ? Roy.
Oùpeut-eflre ( 6 folie ) il ne logera pas, Mais cefut au contraire : ô Princes , quelle
Tar la mort preuenu : ou après le trefias
Quelque prodigue enfant de ceft auarepere,
honte ,
D'vn peuple fl fiacre ( helas ! ) nefaire conte !
Ieune,fiol ,dejbauché, en fiera bonne éhere,
Vendra,joura , perdra , fy defjendra le bien
Ils efioient delaiffe^prefiquà mourir defaim,
Honteux de mendier le mifierable pain,
Parfinpere amafié, qui ne luy coufie rien ? Quand à l'extrémité, portant vn trefior^ rareî
Car tout l auoir mondain, quelque chofie S'addrefferent à toy : c efioit du vieil Pindare
qu'onfiace Vn liuret incognu, ey vn liure nouueau,
Iamaisfierme riarrefie à la troifiefime race : "Du gentil Simonide, éueillé du tombeau.
Ainsfuit comme la baie, alors qu'au mois Toy lors comme courtois, bénin ey débonnaire^
d'Eflé Nefis tantfeulement dépeficher leur affaire,
Le grain bien loin du van parmy l'aire efl Mais tu recompenfas auec beaucoup d'eficus
jette.
Maisfur tout, mon DV T H I E K,jaloux, ie
Ces liures qui auoient tant de fiecles vaincus,
Et qui portaient au fient de la marge pour
porte enuie
A cefle liberté nourrice de ta vie,
guide
Ce grand nom de Pindare , ey du grand Si-
Aux bons mots que tu dis , à ton efirit naïf, monide ,
Si prompt eyfigentil,figaillard eyfivifi, Defiquels tu as orné lefiomptueux chafteau
Qui doélement addonne aux vers fa fan- De Beaurégard, ton ey l'en asfiait
taifie fiHS ^eatt
Te faifant amoureux de noftre Poëfie. ' Q^efi Romefouillant fis terres deffonillêes
Tu ries pas feulement Poëte tres-parf-ait, . Sndon t'eufl enuoyéfies médailles rouillees.
Maisfien noflre langue vn gentil efiritfait «Pourquoy vay-ie contant, moyFrançou,
EpkrammeouSomet,EpiflreouElegie, les bien-faits
Tu luy as tout fiudain tafaueur eftargie, Qu'à ces Grecs efirangers libéral tu «Sfaits,
Etfansledeceuair, tu le mets en honneur Etie ne conte pas cefle faueur honnefte
Auprès d'vn Cardinal, d'vn Prince, ou d'vn
Sekneur
Que ie receu du R o y naguère a ta requefte *
Sl ie ^ eelebrois , le vulgaire menteur,
Cela nepeutfirtirque d'vn noble courage, ^Méii^c^ftw^^mfénm,
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u$6 LE IL
Et dirait que toufiours ma Mufie eflfiauorable
IJers ceux qui mont receu d'vn vifiage amia¬
ble.
Tu ne la mettraspas ( s'il te plaifi) à meffris:
La Mufiefiut jadis vers les Roys en grand
pris :
Des peuples ellefiut autrefois adorée,
LIVRE
MARCASSVS.
Et de toy par fus tous maintenant honorée.
Elle auecques Phnbus hardiment ofle en¬
trer
Dedans ton cabinet , à fin de te monflrer
Ces vers mal-façonne^ qu'humblement ie te
donne,
Et ( auecques les vers ) le csur ey la per-
fionne.
Qfii fait honneur ] Ce n'eft qu'vn perpétuel Panégyrique fur la libéralité,honneftetc & counoifie de Mon¬
fieur du Thier Secrétaire d'Eftat. lls'eftend auffi grandement fur l'importance defa charge, dont il monftre
qu'il s'aquit te auectantde foin &d'affec"tion que fesveilles profitent plus à l'Eftat que toutes les diligences
desGrands. ^4. célébrer] A efté célébré. D'heur] Heurnefemetguercsqu'auec vn epithete. Il fe prend
neantmoins icy pour bon-heur. Que de ne,crc ] Pour dire, Que de n'appréhender point de dire & de chan¬
ter leurs Ioiianges. ltale] Italie. Corfe] C'eft vne Ifle de la mer Medirerranee. Semondre ] Prier de
quelque chofe.ou les exhorter, lesgrâces du François ] Pour dire, Ce que les François ont de gentil & de beau
«ouïe de ta plume quand tu eferis. Exerctter] Exercer. Sonnent ] Pour, tiennent. j(epos aucun 1 Pour
aucun repos. Requiert l'auoir] Pour.Requiert Tauoirenfouucnance. Çimnddejfom] QuandàTarriuécdu
Porte bon fil] Voir de
le bien. N'arrefle\
.'] Pour, porte de l'enuie. Sakl\ 11 eltoit de Quercy. Feu Roy\
François I. . K *
DISCOVRS CONTRE
F O R T V N E.
A ODET DE COLLIGNY
Cardinal de Chaftillon.
' '£# à vous, mon O d E t, ** qui
ie me veux plaindre,
Et comme en vn tableau mafor¬
tune vous peindre,
Avousquiauezfein de mon bien,tout ainfl
Qjfvnpere tresffoigneux defin filsafeuci :
» 7*4»/ vaut d'vn gentil cur la prudente
nature,
» Qui ne careffe paséhacun à l'auenture,
» 'Tuis dés le lendemain perd fion affeélion :
Telle inconfiance d'ame ey telle pajjion
Nevouseflconuenable, à qui Dame Sâgeffe
isfconjoinél les vertus auecques la Nobleffe.
A vous donc ie meplains,Mécène très-
parfait,
Du mifierable tort que Fortune méfiait,
De Fortune ennemie, inconfiante & légère,
lourde, muette,aueugle , ingrate eymenfion-
gere, J
S* foy,(ans loy,fians lieu, vagante fians
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A qui le vice agrée ey la vertu defilaifl,
Mefichante pipereffe, abominable infâme,
Et digne (comme elle efl ) de l'habit d'vne
femme.
Quand cefle aueugle flotte apris vn homme
a jeu,
Des le commencement ellefen moque vn peUf,
S'en joue & fien efiat :puis comme variable,
En riant le trahit ey en fait vinefiable,
Vn populaire conte , ^y ïajfied au plus haut
( Pour efire regardé) du tragiq' ejehafiaut.
Elle tant feulement volage n'importune
Les mariniers pendus aux vagues de Ne¬
ptune,
Que la maudite fioifi d'amaffer vn trefor
Aux naufrages expofie à la fuite de l'or,
Nyceux quel'indigence obfiurcitparlesfiolt-
les
*Des peuples incognus qui portent les ampoules
En la main endurcie, &à coups d'aiguillons
Contraignent les taureaux défendre lesfil-'
Ions :
Mais braue elle fiâttaque aux plus hautes
perfionnes,
Elle renuerfie à bas les Roys porte-couronnes,
Et des Princes plus hauts atterre les hon¬
neurs :
Elle rompt les crédits, elle abat les Seigneurs}
Quan

D Ê S P
Quand en moins cfvn clin d'ailfion vifage elle
vire.
Vofire noble Maifion enfiauroit bien que
dire,
Laquelle a rejiflé par lafieule vertu,
Etplusfiefi veu défaite, fyplus a combatu,
B'tria voulufiouffrir que Fortune euft lagloire
D'auoirfiur voftre race emporté la viéloire.
Or ce Monftre crue! hideux eyplein d'efi-
froy, .
Seulement nuiél ey iour ne fie moque de moy:
Mais commevngrandBreton qui luitte d'ar¬
tifice
Contre vn Nain impuiffantde corps fy d'e¬
xercice,
M aprefiécontre terre, ($p mafioifié le corps
Défies brasennemis quidontent les plusforts:
Aucunefois le ventre, aucunefois la gorge
Meferre tout ainfiqu'en lafumeufi forge
Des ouuriers de Vulcan la tenaille dedans
Samafihoire de fierfierre des doux ardans,
Et ne puis efichapper de fagriffe cruelle,
Quoy que voftre beau nom à monficours i'ap-
i pelle.
'Depuis que le Deftin ( Deftin mauuais ry
bon)
ls4 mus me prefienta pour chanter vofire
nom:
le dy bon ($t? mauuais: car certes il mefiemble
Que le Defiinfut bon ($f mauuais tout en¬
fiemble:
Bon,pour auoir trouue tel Seigneur comme
vous,
Qui méfiesfi bénin ,fi gracieux, ($f dous,
Non maifire, mais amy, tout flanc d'ingrati¬
tude,
Et quifituorife^ les Mufes ey l'efiude,
Qui par mille moyens m'aue^monfiré com¬
bien
Vous meportex.au cnur,& me voulez de bien:
Et mauuais , pourautant que vofire bonne
chère
*De mon ambition fut lafiourcepremière.
Auant qu'aller che^-vous ieviuois fians
efimoy :
Maintenant parles bois, maintenant àpar
moy,
Terroisprés des ruiffeaux, maintenant par les
prées
> E U E S. tHP
Tallois, knourriffon des neufMufiesficrées:
H n'y auoit rocher qui ne mefiufl ouuert,
Ny antre qui nefiuflà mon eil découuert,
Ny fiurce que des mains boiuant ie n'ejbui-
Nyfi baffe vallée ou tout feul ieiïallaffe.
Phebus au crindoréfion luth meprefentoit,
Pan le Dieufioreftierfous mesflûtesfàutoit,
Et auec les Syluains les gentilles Dryades
' Fouloientfous mes chanfons l'herbette degam¬
bades:
Il n'y auoit François , tantfiufl- il bien
appris,
Qui rihonorafi mes chants fy qui rienfufi
épris :
Car tous ceux qu'en mon art les meilleurs on
efiime
( S'ils neportent au ceur vne enuieufe lime )
lufles confiefieront ( eficrire ie le puis :
Quindontédu trauailtout lepremieriefluis
Qui de Grèce ay conduit les Mufies en U
France,
Et premier mejuré leurpas à ma cadance )'\
. Si qu'en lieu du langage ey Romain ey Gre^
geois
Premier lesfis parler le langage François,
Tout hardy m oppofiant àla tourbe ignorante]
Tantplus elle crioit,plus elle efioit ardente
De déchirermon nom,$f plus me diffamait,
Plus d'vn courage ardent ma vertu f allumait
Qontre ce populaire , en dérobant les chofies
Quifiont ésliuresÇrecs antiquement enclofies.
lefis des mots nouueaux , ie refiauray les
vieux,
Sienpeu me fiouciant du vulgaire enuieux,
Médifiant, ignorant, qui depuis afait conte
De mes vers qu'au premier il me tournoit a
honte:
Et alors ( monOdETJ tout pur d'ambition,
Ejlongnéde la Cour,fians nulle ajfeélion
Dcparuenir aux biensje viuois enfranchifè
Sain,diffos ey gaillard, bien loin de conuoi-
tifi.
Mais depuis que voflre sildaigna tantfa~
baifler
Que regarder mes vers, & l'Auteur careffer,
Et que voflre bonté ( qui n'a point dépareille )
Tromit de niendormir fiur ïvne ey l'autre
aureille;
M M Mm m
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w,6 LE IL LIVRE
Adoncïambitionfalluma dans mon cuur,
Crédule, ie conceu la Royale grandeur,
Smt*k*&*^M&1*vim
Comme tu veux>Dceffe$ qui parlVmuers
le conceus EuefcheK, Prieurel^bbayes, Seule tefais nommer de mille noms diuers
Soudain abandonnant les Mufies, efbahyes Selon que tu es dure, ou bonne ou fauorable ,
De me voir transformer d'vn efiolier contant Sntens noflre oraifon, &nausjotsficourable.
En nouueau caurtiTan demandeur incon- Nous auons longuemet entre nos bras chery,
nanf Et corne noflre enflant tres-cherement nourry
Oque 'mal aiflément l'ambition fe couure ! Vn R o N s A R D Vendomois,luypermettant
Lorsi appris le éhemin d'aller fouuent au l'entrée "' .
Lomre ( Qu'à bienpeu nous faijons) de noftre onde
Contre mon natureli appris de me trouuer
Et à voflre couéher ey à voflre huer,
facrée,
Luypermettant de boire en nos diuins ruifix^i
me tenir debout deffus la terre dure, Jeaux,
xA fuiure vos talons, à forcer manature: De toucher nofire Luth , de monter aux cou-
Et bref en moins d'vn an ie deuins tout chage,
Commefide Glaucus l'herbe i'euffe mangé,
peaux-
De noflre fiainél Parnaffe , ey comme par
Oufi i'euffe embraflé l'enchantereffe Alcine conquefle,
Qui transformai'Anglais en myrteufe racine. Porter de nosLauriers vn chapeaufur la tefie,
Apollon quifouloit m agréer me deffleut, Et aux rais de la Lune entre cent millefleurs
Et depuis mon ejfrit, commeilflouloit, nepeut Deflon pied fouler l'herbe au milieu de nos
Se ranger à l'efiude, ey maplumefertile, Surs.
Fautedel'exercer,femoifit inutile: Or ce Ronsard ingrat de tant de
Si qu'en lieu d'efire feul, i apprendre ,eyde bénéfices
fçauoir,
Je bruflay du defir d'amaffer $f d'auoir:
l'appris à déguifir le naïf de maface,
Qfffi a receut de nous,comme défies nourrices}
Mèche desfaueurs trompeufis de la Court
( Le pauurefit qu'il efl) après les Prince^
Efiier, eficouter, aller déplace enplace, court,
» Cherchant U mort d'autruy : mifierable Et nous met à mejfris, nousfuit $ nous dé-^
moyen, , daigne,
» Quand parla mort d'autruy on augmente. Ne fait plus cas de nous ny de noflre mqn-^
flon bien, taigne,
Et alors,à bon droit, les Mufles courroufiées
Dequoy ie les auoisfi lafchement laifiées,
Et comme furieuxfon Luth il a brifié
Et d'vn crur tout chagrin noflre Chur dé~-
Vmdrent à la Fortune, eyluy dirent ainfi: Prtfi>
O Deeffe, qui tiens tout ce qui efl icy Si bien que maintenant, rejraélaireil éuite
Enclos deffous la Lune, ey qui feule as puifi La fource de Pegafiyoù noflre troupe habite.
fiance Tourèegrande Déejfe, à qui Dieu met és
Sur tout cela qui prend en la terre naiffance, mains
Quifais tout, qui peux tout, ey qui gouuer- Les vergespourpunirlespeche^ des humains,
nés tout, Puny cet apofiat,(yde playes cruelles
Sans nul commencement,fians milieu , nyfians Montre-luy qu'il ne doit outrager les Pucelles
bout,
A qui lespuiffans Roys doiuent leurs grand's
Filles deJupiter, à qui cent mille autels
Fument à noflre honneur, honoreZdes mor-^
armées,
A qui les mariniers leurs galères ramées,
tels.
Encore que tufiais pour Deeffe tenus,
A qui le laboureur fion trauail annuel, Si ce riefloit par nous, tu nefierais cornue :
Et a qui lemarchandjonfioin continuel; Carfi nous rieficriuions à la pofierité
Qui tiens dedans tes mains les Roys ey les
Empires,
Les diuers accidens de ta diuinité,
Tu ne fierais Déejfe , & ton pouuoirfi ample
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DES POÈMES. tl^
Sans nous n'aurait autelsffacrifices , ny Tem- Lesfiait en mefime iour deuenir laboureurs, ,
Ie' Abaiffant leurs eflats par les tourbes com-\
Pour nous recompenfler , donne-nous que munes.
toufiours
Il voye fes deffans aller tout au rebours,
Et queiamais vnfieul à fionprofit riarriue:
Là fe roulent autant defortes de fortunes^
Quon voit d'herbe en vn pré de millefleurs
vefiu,
Donne-nous que toufiours en efferance viue, Ou de fiablon aux bords del'Suripe tortu.
Et qu'àflon M e C E N A s «7 donne tant d'en- Or de tous les valets quelle auoit à la dextre,
y %
Qrià la fin il fienfafiche &f:ennuyé de luy.
*^4ppellale Malheur, valet le plus adextre
Qui fioit enfia maifion ,pourfçauoirfinement
Là donc,grande Déejfe, accomply nos deman- Mettre à chefdéfia Royne vn prompt com-
"esi mandement.
Tupeuxfaire cela : tufiais chofesplusgrandes.
\A- tantfie teut la Mufie : ey Fortune du
Marche,Malheur,clifi- elle,ey voiléd'vne
nue
c"n . Snt re dedans Paris, àfin qu'à ta venue
D'vnfiourcy rabaifié, mit la prière à fin. Homme ne técognoiffe, &puis départ en part
Autourdéfis cofte% ceflegrande Déejfe
A mille fieruiteurs en vne tourbe efieffe,
Entre dedansl'efirit du Vendomois R o n-
s A R D :
Qui n'attendent finon defie voir appeller Va donc, ey le rencontre au matin en fa cou-
De leur Maiflrejfejfln âepromptement aller che,
A fies commandemens ,pour au Monde par- Entre dedans fies yeux , en fion ciur , en fit
flaire,
Comme Fortune veut,bonne ou mauuaifi afi-
bouche :
Foy- lefi mal heureux, que tout ce qu'ilfiera,
faire.
Là fe voit le deffit quifi ronge le ciur,
Songera,penfira,par tout où il ira,
Nefioit rien que malheur : va , ie te le cam-
Lapafle maladie ey lafoible langueur: mande,
Làfi voit mainte nefcontre vn rocher cafiée, Stpour tofl m obéir dejloge de ma bande.
Et maintegrande armée à terre renuerfiée: Ainfi difioit Fortune au Malheur, bieriï
Làfied le déconfiort qui fie rompt les cheueux, . heureux *
Laflambantefureur, le courroux outrageux, Défaire corne luy quelqu autre malheureux]
Le dueil, lapajjion , les.flanglots ($f les larmes, C'efloit au poinél du iour que l'Aube rc->
Le defifioir qui tou'rne encontre foy les armes, tournée
Laperte de proce%, d'amis,(^r deparens, Auoit du vieilTithon la coucheabandonnée,
Et mille autres malheurs d'effets tous diffères. Etja l'oifeau creflé auoit tout à l'entour
Bref, tous les accidens de la terre ey de Du logis de Davrat annoncéle beau iour,
l'onde, Quand ce méchant Malheur entra dedans ma
Et tout ce qui tourmente ou réjouifi le Monde, chambre,
Accompagnent la Fée , & d'vnfiacieux tour, Entra dedans mon liéî,& du liél ie n'eu mem-
Ainfi qu'Archers de corps la ceignent à l'en- bre
tourm , Oh promptement rientrafl, plusvifie quvn
Là couple^ pefie- méfie auecques les trifleffes eficlair
Tiennent rangles plaifirs, la joye, & les lieffes, Que Iupiter enuoye en tempsflerein ey clair.
Le crédit, lesfaueurs, quipendent afilets le m'habillay fioudain : maisfortant de U
AuxJbliueauxdoreTd.es malheureux Palais: porte
Des vns la foye efifimple , ey des autres re- le heurtay contre l'huis du pied de tellefiorte,
torce Que par augure tel i'auifie le méchefi
Que cefte Royne aueugle auecques vne Force Quijà mepourfuiuant mependoitfur le chef:
CÏupe en moins d'vn moment , ey de hauts Par troisfois me trébla toute la iambe deftre^
empereurs ' Vn liure me tomba hors de la mainfinefire,
* ~ MMMmm ij
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«4© LE IL ^LIVRE
: Méfuit
Ba^néme deuint tout le beau teint vermeil, St deçà ey delà m agite $ me tourmente
Et riehmuay point retardant le Soleil.
Depuis ce mauuais iour , plein de foin &
Saus l'effoir in certain d vne menteufi attente.
Quelquefois cfM^fifififlhA^ Je^
d'enuie,
De trauaux courtisans ietourmetay ma vie:
Mo clur,que le malheurpar la doute efirala,
Meprometant cecy ey maintenant cela.
le vous importun ay mille fois lafipmaine,
Timportunay IcRoy d'vne prière vaine,
Lequel m'a plus donné qu efierer ie riojé:
Te veux-tu défier , R O N s a R d , de ton
crédit f
Lors trifie iereffons à la vaine eflperance:
Du temps du Roy FRANCOI s grand Mo¬
narque de France
le pouuois efierer, lequel touflours mettoit
En refiruele bien pour qui lemeritoit,
Mais touflours le malheur au don fieft op- ' Etflans le pourchaffer venait le bénéfice
pofé:
Et plus l'aue% prié, (y plus Fortune a mifi
Sa mifierable main fiur la chofie promifie.
Si la fiauffe nouuelle, ou l'aduertiffement
De quelque bien arrineàla Courfauffement,
Touflours fladdreffe à moy ,eyla bonne nou¬
uelle
de tous cofle^, & iamais ne m'appelle:
Ou bien à tel Defiin (mon Prélat ) ie fuis ne,
Ou bien là haut au Ciel il efl déterminé
Que toufiours le bon-heur fuira la Poëfie,
N'ayant pour tout flon bien qu'vne Lyre
A celuy quifaifoit àla Mufle firuice.
Maintenant ie nefuis ny veneur, ny maçon
Pour acquérir du bien en fl baffefaçon : *
Etfi ay faitfleruice autant à ma contrée
Qu'vne vile truelle à trots croffes tymbrée;
Déloge de cheTy moy,mal à gréie reçoy,
Pour ainfl me tromper, vn tel hofle que toy.
Aucunej'ois (Prelat)il me prend vne enuie
/ Où iamais ie nefus) de courir l'Jtalie,
Et par vn long v oyage effacer lefiucy
Et le mauuais Deftin qui me pipent icy :
Pauure fit que iefiu'is , qui penfie quvn
moiflie,
voyage,
Ou qu'vn Luth mal-en-ordre, incognu des
Seigneurs,-
Tant floit-il eflranger,m 'arrache du courage
Le fioucy encharné, qui dans mon cur vi~^
Sonnant par les roéhers ,fins biens eyfians uroit,
honneurs.
Et deffus mon cheual en crope mefiuiuroit.
Et non tant feulement le malheur ne m'ofi- Je veux aucunefois abandonner ce Monde]
fence:
Et hasarder ma vie auxfortunes de l'onde,
Je lefuis d'autrepart de lafiauffe efierance Tour arriuer au bord, auquel Villegaignon
'Bourrellede la vie,ah ! qui legenre humain Sous le Pol Antarélique afiemé voflre nom :
Amufie d'vne baye ,eylerepaiflen vain.
Quiconques a produit t efieranceféconde,
Mais chetifi que iejuis,pourcourir la marine
Tar vagues eypar vents, la fortune maline
Mere des vanité^, il aproduit au monde Ne m'abandonnerait, ey le mordant efimoy
La femence des maux(mifirables bourreaux Deffus la poupe ajfis viendroit auecques moy.
Qui de nuiél ey de iour tourmentent nos cer Doéle 'Villegaignon , tu fiais vne grand'
ueaux.)
faute
Tandoreju deuois loin de la terre baffle *De vouloir rendre fine vne gentfi peu caute,
Dejfermer le couuercle à ta maudite taffe,
Au Ciel ou en Enfler, ie ne menfioucï pas,
Comme ton Amérique,oùlepeuple incognu
Erre innocentement tout fiarouche & tout nu,
Pourueu que ton fijour nefiufl point icy bas. D'habits tout aujfinu qu'ilefi nu de malice,
Cefie mefichame pefie, aufioir quand ie me Qui ne cognoifl les noms de vertu ny de vice,
couche, "De Sénat ny de Roy ; qui vit à fin plaifir
Secouchant prés de moy me dreffe l'efiarmou- Portéde l'appétit de fion premier defir,
c"e» Et qui n'a dedans l'ame ainfi que nous em-,
Et mille vanité^ dans le cerueau me peint, prainte
Et ce qui n'eft pas vray , vray-femblable me La frayeur de la Loy qui nousfiait viure en
feint, crainte,
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prie)
DES PO
e m e s; 1241
MaisfluiUantfa nature efifeulmaifire de foy, le vous flois importun. Or comme généreux
Soy-mefines efl fa loy ,flon Sénat eyfion Roy:
Vous fiçaue^que tefprit de l'homme eft défi-
Quidecoutres trenchansla terre n'importune, reux
Laquelle comme l'air à chacun efl commune*
T> acquérir de l'honneur, & ardent defi flaire
St comme l'eau d'vnfleuue , eft commun tout
Apparoiflre en crédit deffus le populaire,
leur bien ,
Topulaire ignorant ,groffe maffe de chair,
Sans proceç engendrer de ce mot Tien ey Qui a lefentiment d'vn arbre ou d'vn roCher,
Mien.
Traîne à bas fla penfiee , $f depeufi contente,
Pour ce, laiffé- les- là : ne romps plus ( ie te D'autant quefin efprit hautes chofes n'at¬
Le tranquille repos de leur première vie :
Laiffé- les, ie te pu ,fi pitié te remord,
Ne les tourmente plus fy t'enfuy de leur
bord.
Las ! fi tu leur apprens à limiter la terre,
Pour agrandir leurs champs ilsfie fieront la
guerre )
LesproceT auront lieu, l'amitié defiaudra,
Et ï afire ambition tourmenter les viendra,
Comme elle fait icy nous autrespauures hom¬
mes,
Qui par trop de raifion trop miferables fom-
mes:
Ils viuent maintenant en leurâge doré.
Orpour auoir rendu leur âge d'orferré
En les faifant trop fins , quand ils auront
De cognoifire le mal, ils viendront au riuage
OÙ ton camp efl ajfis , ey en temaudiffant
Iront auec lefeu tafaute puniffant,
^Abominant le iour que ta voilepremière
Blanchit fur leflablon de leur riue eftran-
gere.
Pource laiffé- les là, eyriattache à leur col
Le ioug defiruitude , ainçois le dur licol
Qui les eÉrangleroit fous l'audace cruelle
D'vn tyran , ou d'vnJuge, ou d'vne loy nou¬
uelle.
Viue^, heureufe *ent, fians peine (êffians
fouci,
Viue^ioyeufiment : ie voudrois viure ainfi.
L'Iliade des maux qui ma raifion trauaille,
Et ceux que le malheur en fi jouant me baille
En rompant mes deffeins-, ne m auroit arrefté,
Et gaillard ie viurois en toute liberté.
Mais l'extrême regret qui plus le ceur me
PreJfe> ,x , .
C'efl qu'ilfaut qu a tous coups, tous les tours
@r fians cefie
tente :
Jl a le clur glacé, fy iamais ne comprend
Le plaifir qu'on' reçoit d'apparoiflre bien
grand.
Mais le gaillard efirit àla hauteffepenfie,
Et pouryparuenir ilfiaut de l'impudence :
L'impudence nourrit l'honneur ey les efiats,
L'impudence nourrit les criars Aduocats ,
Nourrit les Qourt'v^ans , entretient les gen¬
darmes :
L'impudence auiourd'huy font les meilleures
armes
Dopt onfi puiffe aider, mefime à celuy qui
veut
Paruenir éi la Cour , où la vertu nepeut
,, Pour vertu fie monfirer,fi l'impudenceforte
A l'huis desgrands Seigneursfur fon dos »?
laporte.
Maisfur tous le Poète efl leplus eshonte:
Car ainfiqu'vne mouficbe,après quelle agoûté
Ou du miel,ou dulaiâ, quelque chofe qu'on
fiace,
Et deuft-elle mourir, n'abandonne la place,
t^Ains vole opiniaflre ($f reuole à l'entour,
Cour fiur coup redoublantfion tour eyfion re^
tour
Sur le breuuage aimé , iufqu à tant quegour¬
mande
iAit fion ventre affamé remply de U viande :
xAinflfait le Po'éte, alors que le bon- heur
Luy prefinte l'appafl d'vne douce faueur,
Lafuit opiniaflre, & comme vne fang-fiuë
La hume iufqu à tant queflafaim fioitrepuë.
I'ay de voftrefaueur en telleforte vfe:
Pardonne?- moy, Prélat , i'en ay trop abufié,
Et receue^ ces vers comme venans d'vn hom¬
me
Qui rêue en chaudefiéure , ou fienetique,au
comme
D'vn à qui la douleurfiait dégorger en vain,
M M Mm m iij
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LE IL LIVRE
IZ42-
Des mots ] qu'il ne diroit fil auoit le corps
fiain.
Ainfi l'affeélion , l'ambition ($f l'ire,
Mal-rajfis du cerueau , me flont icy ré~
crire
Vn dificours fiantaftique , où ie n'euffe penfé
Si mon efirit riefloit de defiit injenjé.
MARCASSVS.
Ce-pendant Ce-pendant ,Monfiigncur ,Monfiigncur ,ie fins deue¬
nir moindre
En chantant le Joitci qui mon caur foulait
poindre,
Et me fuis décharge de ma grike douleur
De vous auoir chargé d'efiouter mon mal¬
heur.
C'efl k yous, mowo^tl II fe plaint de l'ingratitude delaFortune, & vomit contre elletout ce que le reffentiment
de fes difgracesluv dide. Ceft Oder, eft Odet de.Colligny, qui fe fit Huguenot comme fes frères
TAdmiral * Dandelot. Mécène ] Il appelle Odet , Mécène , à caufe que c'eftoit l'vnique fupport des gens de
lettres, commeMecenel'eftoit du temps d'Augufte. Vagante]Vom, vagabonde. Populaire conte ] On dit,
la fable du peuple. ^ U fuitte de l'or] C'eft à dire , pour trouuer de l'or. guerre ] Met par terre. r offre
tmifon] Il dit cela à caufe des prifons de guerre du Conneftable de Montmorency fon oncle * de fes deux
frères parl'Efpagnol, après la bataille de Sainft Quentin,* deladifgracedu Conneftable fous le déclin du
règne de François I. Vulcan ] C'eft le mary de Venus , forgeron des Dieux. Syhains ] Dieux des forefts.
Dryades ] Nymphes des bois, ^iniquement emlofes ] Enclofcs depuis long temps. Q.ue regarder ] Pour , Que
de regarder mes vers, ^i future yos talons] A vous fuiure. De Glaucm l'herbe] Glauque eftoit vn certain
pefcheur , qui fut conuerty en Dieu de la Mer , pour auoir voulu goufter d'vne herbe qui auoit donné la fore©
, aux poiffons qu'il auoit pefchez , de fauter du riuage dans la mer. L'^inglois j Adolphe. La fource ] La fon¬
taine d'Helicon. Filles] Il entendles Mufes. Voyez leur naiffance dans l'Ode qu'il a dédiée au Chancelier
del'Hofpital. i(om[>t ] Au lieu de, arrache. La Fée] LaFortune. Euripe] C'eft vn deftroit de mer , qui eft;
enrreleportd'Aulide&Tlfled'Eubre. Tithon ] C'eftle mary de l'Aurore. L'oifeau crtjlé ]Lc coq. De Dau¬
rat] Po'éte Roy al, chez qui Ronfard demeuroit. File truelle ] le croy qu'il parle d'vn certain Architecte à qui
leRoy auoit donné vne Abbaye , contre lequel on dit que le Po'éte efcriuit vn iour à vne des murailles du Louure,
Fort, réitèrent, babé. Fitegaignon] Tels qiî'ont efté de noftre temps Rafilly & Poitrincourt. Sous le Pole]
Aux Antipodes. Pitié te remord] Si tu es fenfible à la pitié. Iliade ] Pour, infinité. apparoiflre!
Pour, paroiftre. Hautes chofes n'attente] Pour dire, N'afpire à des deffeins trop ambitieux. Vne mouche)
Les anciens la tenoient pour le fymbole de l'impudence. Lifez Athénée & la Comédie dePlautc qui eft in¬
titulée P'erfa. *
LES ISLES FORTVNEES.
A MARC ANTOINE
de M v r e t.
Vis qu'Enyon d'vne effroyable
trope
Pieds contre- mont bouleuerfie
l'Europe ,
La pauure Europe , &que l'horrible Mars
Lefang Chreftien' effand de toutes pars ,
Or mutinant contre foy l'Allemagne ,
Or oppofiant i la France l'Sfiagne,
ff oyeux de meurtre , or le pais François
A îItalie, $ tEfioffe à l'Angloir:
fTeuple êhetifi, qui fis forces hasarde
Contre Joy-mejme , @ qui flot ne prend
Que ce grand Turc bien tofi nefaudra pas
De renuerfer leurs puiffances à bas,
Les feparant comme vne Ourfle cruelle
Décent Chameauxfipare la querelle.
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Et , qui pis efi , puis que les bons efirits
Pâlies defaim ,fans faneur & fans pris ,
Aux Cours des Roys fans Mécènesfiiffon~
nent ,
Bien que le fluiél des tSMufles ils moiffon*
nent,
DijgracieT comme gens vicieux.
Puis que l'on voit tant de foudres aux
Cieux
En temps ferein , puis que tant de Comètes,
Tant de cheurons , tant d'horribles Tlane-
tes
Nous menacer '.puis qudu milieu del'air
On voit fl dru tant defiâmes voler ,
Tuis trébucher de gflffades roulantes.
Puis que l'on oit tant d'Hecates hurlan¬
tes
Toutes les nuiéls remplir de longs abois
Les carrefours, les chemins fy les bois,
Et de longs cris fie plaindre és cimetaires,
Effarouchant les effrits folttaires:
Parton , M v r e t , allan chercher ail^
leurs

DES POEMES. iitf
Vn Ciel meilleur] cy dtautres champs meiU
Loin de l'Europe , (gjr loin de fis combas
leurs :
. Laiffon.Mvret,^ tigres effroyables
Et aux lions ces terres miferables:
Fuyonfiuyon quelque part où nos pie%
Ou nos bateaux dextrement deflié?
Nous conduiront : mais auant que de met¬
tre
La voile au vent, il tefaudra promettre
De ne vouloir en France reuenir
Jufques à tant qu'on voye deuenir
Le More blanc, fy le François encore
Se baçanant prendre le teint d'vn More :
Et tant qu'on voye en vn mefime troupeau
Errer amis le lion ey l'agneau.
Donc fi ton ctur trefiaute d'vne enuie
De bien-heurer le refie de ta vie,
Croy mon confiai , & laifie fini ici
Enfin malheur le vulgaire endurci:
Ou fi tu as quelque raifon meilleure,
Sans plus tarder , à cefie heure, à cefle heure,
Dy-la, M v R E T,finon marche deuant,
Et mets premier les antennes au vent.
Quefionges-tufmon Dieu que depareffe
T'amuje ici '.regarde quelle preffe
Deffus le bord ioyeufi nous attend
Pour la conduire, ^yfies bras nous eflend,
Et deuers nous toute courbe f encline,
Et de la tefie en criant nous fiait figne
*De la pafljer dedans noftre bateau !
Je voy Thyard, Des autels ey Belleau,
$utet,Du Parc, Bellay, Dorât, & celle
Troupe de gens qui court aprèsJodeUe :
Icy Ba'ifivne troupe conduit,
Et là i'auifie vn grand peuple quifuit
Noflre Maigny, (yparmy la campagne
lin eflcadronqui Maumont accompagne,
Voicy Turin, la Perufi & Tagault,
Et Tahureau , qui ja tirent en hault
L'ancre courbée, (if plante"^fiur la poupe,
D'vn cry naual encouragent la troupe
D'abandonner le terroir paternel,
Pour viure ailleurs en repos éternel.
Cà que i'embraffe vnefi éhere bande :
Or~ fus, amis,puis que le vent commande
De démarerffus, d'vn bras vigoureux .
Pouffon la nef à ce bord bien-heureux,
Au port heureux des Ifles bien-heurces,
Quel Océan deJes eaux apurées,
Pour noftre bande emmure de fies bras.
Lafins naurer comme icy noftre ayeuîe
Dufie aigu,prodigue , toutefeule,
Fera germer en joyeufles forefls
Parmy les champs les prefins de Cerés:
La fans tailler la nourrijfiere plante
Du bon Denis , d'vne grimpeure lente
S'entortillant meurira fles raiflns
Defon bon gréfur les ormes voifins.
Là fians mentir les arbres fie iauniffent
D'autant defuit s que leurs boutonsfleurifi-
flent,
StfinsJaillir, en tous temps diapré^
"De mille fleurs s'y peinturent lespre%
Francs de la Bï^e, ey des roches hautaines
Touflours de laiclgazouillent ks fiontaines.
La comme icy l'auarice n'a pas
Borné les champs, ny d'vn effort de bras
t^Auec grand bruit les Pins on ne rermerfie
Pour aller voir d'vne longue trauerfi
Quelque autre monde : ains iamais décou-
uerts
On ne les voit de leurs ombrages verts,
Par trop de chaud, ou par trop defroidure:
Iamais le loup pour queflerfia paflure j
Venant au fiir, ne vient effaroucher
Le fieur beftail à l'heure de coucher:
Ainsfins pafleur, & fins qu'on luy com^
mande,
Beflant aigu , defon bon gré demande
Que l'onl'ameille, eyde luy-mefime tend
Son pis enfléqui de crefinef eflend.
Là des dragons les races efiaillees
Gardant les bords des riues cflmaillees
Ne fiont horreur à celuy qui feulet
Va par les pre% ourdir vn chapelet.
Lèvent poufiédans les trompettes tortes
Ne bruit point là, ny les fieres cohortes
D'hommes armeT horriblement nefiont
Leurs morions craquer deffus lefilfnt.
Là les enfans n'enterrent point leurs pères,
Et là les fiurs ne lamentent leursfieres :
Et l'effoufié nefadolore pas
Devoir mourirfia fiemme entre Jes bras:
Car leurs beaux ans entrelaffe^jn arriuent
A la vieilîeffe, ains d'âge endgeviuent,
Parla bonté delà terre cy des Cieux,
Jeunes cyfains comme viuent les Dieux.
M M Mm m iiij
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*244 LE IL
L'a n'aborda l'impudique Medee
Suiuant Iafon, nylà n'efi abordée
La nefde Cadme , $ là d'Vlyffe accort
L'errant troupeau nefauta fur le bord.
Là vénérable en vne robe blanche,
Et couronné la tefie d'vne branche
Ou de laurier, ou d'oliuier retors,
Guidant nos pas maintenantfiur les hors
Duflot filé, maintenant aux volées,
Et maintenant prés des eaux, reculées.
Ou fous le fiais d'vn vieux chefne branchu,
Ouflous l'abry de quelque antre fourchu,
Diuin M v R e t, tu nous liras Catulle,
Liras Ouide, $f Properce ry Tibulle,
Ou tu ioindras au cyftre Téien,
Auec Bacchus l'enfant Cyiherien :
Oufueilletantvn Homère plus braue,
Tu nous liras d'vne majefté graue
Comme Venus couurit d'vne efieffeur
làdemimmort le Troyen rauiffeur,
Quand Menelas, le plus petit ^Atride,
En lieu du chef eut la flalade vuide :
'Puis comme Heélor deffous vn faux har¬
nois *
Tua Tatrocle , ($f comme les Grégeois
Demi-brufle% de la Troyenneflame,
Priaient Achiï deffit pour vnefemme:
Puis comme luy nouuellement armé
D'vn fer diuin , contre Heélor animé
Le fit broncher flurfa natiue poudre,
Commevn Pin tombe accablé de la foudre.
lA ces chanfons les chefines aureille%
Abaifferont leurs chefs émerueille?,
Et Philomele en quelquearbre égarée
N'aura fouci du peché de Teree,
Et par les pre^les eftonne^ ruiffeaux
Pour t'imiter accoifieront leurs eaux.
Pan le cornu, doux effroy des Dryades,
Et les Syluains amoureux des Naïades
Sçauront parc,ur les accents de ta vois
Pour les apprendre aux rochers ey aux bois,
Voirefi bien qu'onn'oira quvn Zephyre
Parmy lesfleurs tes louanges redire.
Là, tous huile%, les vns fur les fiablons
Iront luitant , les autres aux balons
Deffus les pre^d'vne partie égale
Courront enfiemble, ey iou'ront à la baie :
L'vn doucement à l'autre eflcrimerà,
OutreU marque vn autrefiautera,
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LIVRE
Ou d'vne main brufquement balancée
B^u râla pierre, ou la barre ejlancee.
L'vn de fion dard, plus que le ventfioui
dain,
Decruchera le cheureulou le dain :
Les vns plusgais deffus les herbes molles,
Vireuoltans à l'entour des carolles,
Suiuront ta note,ey danfians au milieu
Tu paroiflras des efraules vn Dieu
Les firpaffant : mais les autres plus figes,
Dans quelqueplaine, ou deffus les riuages
Le long d'vn port des villes fonderont,
Et de leur nom ces villes nommeront.
Telles, M v R ET , telles terres diuines
Loin des combats, loin des guerres mutines,-
Loin defoucis, de Joins ($f de remors,
Toy, toy, M V R e T, appellent à leurs bors,
Aux bords heureux des Ifles plantureufis, ,
Aux bords diuins des Ifles bien - heureufis, *
Que Iupiter refirua pour les fiens ,
Lors qu'il changea des fiecles anciens
L'or en argent , ey l'argent en la rouille
D'vnfier meurtrier qui defin meurtre fiuille
Lapauure Europe ! Europe que lesDieux
Ne daignent plus regarder de leursyeux,
Et que iefiuy de bon cLur fous ta guide,
Lafichant premier aux nauires la bride,
Et de bon cur à qui ie dis Adieu
Pour viure heureux en ïheur d'vn fi beau?
lieu.
PROSOPOPEE DE LOYS
de Ronsard, Chevalier
de l'Ordre, Maiftre d'Hoftel
du Roy Henry IL & pere
de PAutheur.
Ous qui fians foy erre^àl'auan-
ture,
Vous qui tene^ la fieéle cfEpi-
cure,
Amendez-vous,pour Dieu ne croye? pas
Que l'ame meure auecque le trefias.
La nuiél haftoit la moitié de fa courfi,
Et mi-courbé legardien de l'Ourfe
Viraitfion char d'vn affe^ petit tour
Au rond du Pôle, en attendant leiour:

D E S P O
Quand tapperceu fiur mon liél vne image
grefie ,flans os, qui l'uil $; le viflage,
Le corps, la taille, fy la paraile auoit
Du pere mien quand au monde ilviuoit.
en mepouffant , troisfois elle me touche :
La retouchant, fien-vola de ma couche
Loin par trois fois, &par trois fois reuint :
A la parfin,plus affreufi, me print
La gauche main,ey chargeant mapoitrine
Me dit ces mots tous remplis de doélrine:
Mon cher enfant,par le congé deDlEV
lefais d'enhaut ma défient e en ce lieu
Sois bumble~a tous", porte honneur aux plus
vieux;
En iugement,pourgain, oupour dommage,
Oupour rancur, nedyfaux tefimoignage.
Ton ccur ne fioit d'auarice entachés
Ne commets point Vn ficandaleux peché>
Nefiois menteur, ny plein defiaterie:
Uers l'innocent n vfe de tromperie :
Commande- toy, fy en toute faifon
Foy que tesfiens fieruent à la raifion.
Et parfur tout obéis à ton Prince,
Et nenfiain point les loix de ta Prouince:
Pourtenfieigner quel chemin tu doisfuiure
En cefie terre, $r comme, tu dois viure,
Sois doux ($f fige, ey ne fiois auance
De dire à tous ce que tu as penfié,
Comme tu doisplein d'ardeur ey de fioy Ains temporife,^ toufiours teconfiille
Venir vn iour au Ciel auecques moy.
Premièrement , crain D î e V fiur toute
Aux gens de bien, ey leur prefie l'aureille.
Viuant ainfi tu fieras bien- heureux,
chofie;
Riche d'honneur, ey de biensplantureux,
Aye toufiours dedans ton ame enclofi
Sa fiainéle Loy ,

it\C LE IL LIVRE
V 0 r S fit fans foy} Profopopee eft vne forte de figure particulière aux Poètes & aux Orateurs an¬
ciens , par laquelle ils font parler les chofes mortes ou qui ne peuuent point parler aux temps & aux pcca-
fions aufquelles on les fait difcourir. Icy Ronfard fait parler fon pere en fonge fur les moyens* la créance
qu'il doit tenir pour paruenir au Souuerainbien. Epicure] On a creu qu'Epicure & ceuxde fon efcole ne
croyoïent point quel'ame àes hommes fuft immortelle : & partant qu'il falloit goufter les plaifirs de la
e qui donna créance a <
& fuiure le bien : n'incommoc
cez. Le Gardien] Les Aftrologues le nomment Arctophylax, . .
ftoilleduPole.qui ne fe plonge iamais dans la mer, mais demeure éternellement fur noftre Horifon. Voyez
les Mecamorphofes d'Ouide,* vous en fçaurez la raifon. Proche ] Au lieu de, prochain.^ leur [refte]
Prcfter Taureille icy, fignifie obeïr aux bons aduertiffemens des Sages. Nueufe idole] L'ombre. Mes
doigts ] C'eft à dire, S'efchappant dc mes mains* me trompant par fa vaine apparence.
LE HOVX.
A IEAN BR INON
Confeiller en Parlement.
Es vns chanteront le Frefine
Bon à laguerre, ou le Chefine
Quifiut iadis ésfiorefls
Le vieil oracle des Qrecs :
Les autres l'Oliue pale,
Ou le Laurier qui s'égale,
Maugré lefioid Aquilon,
Aux beaux cheueux d'Apollon :
Les autres la Palme heureufe,
Les vns la fiueiUe amoureufie
Du Myrte, qui doit vn iour
M'etem'vzer pour i amour
Que la Cyprine minfiire :
Mais moy,fansplus ie veux dire
En ces vers, d'vn flyle dous
Le nouueau blafon d'vn Hous:
Non de ces Hous filitaires
*Batus des vents ordinaires
Sur les monts Caucafeans,
Ou flur les monts Ripheans,
Ou flur la riue Scythique :
Mais bien vn Hous domeflique,
Qui pare en toutefaifon
Le iardin ey la maifon
De Brin on, qui dés enfance
Mena les Mufes en France,
et les oflant deuancer,
Premier les mena damer.
Mais en chofefi petite
fine fiaut pas que limite
Les Mufies : à ceflefiois
Vous Nymphes , l'honneur des bois,
Sans autre fiorce plus grande
© Centre d'Études Supérieures de la Renaissance - Tours
Dire% ce que ie demande.
Le Hous vne Nymphe efloit,
Qui par les forefls portoit
L'arc de Diane pucelle:
Et l'eut-on prifi pour elle,
Sinon quelle n auoit pas
Ny les brodequins fi bas,
Nyfiemblablefiouquenie :
Car l'vne ondoyoit garnie
De franges d'or recamé,
Et l'autre de fil tramé:
Au refie en beautépareilles,
Sur les efiaules vermeilles
Ores fin cheueu mouuant
Seruoitde io'ùet au vent\
(Aifid'empefhrer fes ailes
Dedans des treffes fi belles)
Ores en mille pl'ts joint
Au cofié nempefihoit point
D'vneflotanteficouffe
Ny fia trompe, ny fia troujfle.
Il faifoit chaud , fy Ph
De fes rayons pins aigus
Recuifoit iufqu à la lie
Des ondes l'humeur tarie,
Quand le Hous pour éuiter
L'ardent Ch'iïn de Iupiter,
Se cacha dedans vn antre
Où iamais le Soleil n'entre.
Deuant cet antre pendoit
Vn vieil cep , qui efiandoit
Ses bras tortus iufqu en terre
Sntrelaffe% de lierre:
Làfélargiffoit auffi
lin vieil coudrier racourfi
Retoffu de mille branches,
Ou de leurs gorgettes franches
Les oifillons tous les iours
Deuifiient de leurs amours.
s

1 6t
Là gemiffoit la Tounrelle,
Là roiioit la Colombelle:
La Thilomele vn long bruit
Menoitde iour fy de nuit
Dequoyfia fnur outragée
N efloit pas affe? vengée :
Echon l'image des bois
Redoublant leurs belles vais.
Dedans l'antre vne fontaine
Sourdoit d'vne noire véne,
Çha trainoit fin ruiffelet
Par vn fintier moujfilet
Plein de Nymphes ey de Fées
De jonc jimplement coiffées :
La deffus d'vn tuffeau blanc
Nature auoitfait vn banc
Tapiflé de crefte mouffe
St de ieune herbette douce.
Deffus ce bancflaffoyant
Le Somme à l'dil ondoyant,
Vint arroufir la paupière
De la Nymphe Dianiere.
Defin poing l'arcfiefioula:
DES
Jcy gifi fia trouffe,ey là .
Çiftja trompe détaéhee,
fla treffe deldchee
Cà fy là fiefiarpilloit )
Loin du éhefi qui fiommeilloit,
%^i fies pieds efiant tombée
Sa couronne recourbée.
A peine eut-elle le fein
Et le neT defomme plein,
Que Pan le Dieu du bocage
Sentit l'amoureufi rage
S'écouler iufquau milieu .
Du cur : car il n'y a Dieu
Plus prompt à fentir en l'ame
De Venus l'ardenteflame :
Impatient de la voir,
Enfiemble eyde ne pouuoir
Alentirfia rage efimeué,
Roidit fia chemine queue,
Et plus que deuant ronflant
L'ire du ne%, ey enflant
Son viflage peint de meures,
Hafle les fortes alleures
De fis ergots mi-fourchus
Entre les buiffons branchus,
Tant qu'ilfut prés de famie fL
POEMES.
( Si
Aufond de tantrYendormie]
Déjà Pan àfinfiuhait
Le ieu d'amours auoitfait,
Qrtand la Pucellefiéueilîe
Qui honteufiment vermeille
Dreffant le fiont ey lesyeux
. Et les bras deuers les Dieux,
Fit vne prière telle
A Diane U pucelle.
i'ay porté quelquefois
Apres toy parmy les bois
*Ton arc, ta trompe & taieffe,
Venge-moy, éhafie Déejfe,
Et puny ce Dieu moqueur,
Ce bouquin , qui de ton Chur
Fait toufiours quelque rapine:
Ou bien , fi ie n'enjùis digne,
Fay que ton Pere puiffant
Defion fioudre puniffant
Dedans les Enfers me rué :
Ou bien dés cefle heure mué
En quelque Monfire nouueau
Tout cela que i'ay de beau,
Et vien mafiace desfaire
Qui plaifi quand ie ne veux plaire.
Ainfi difant , fejleua,
Et leuee elle trouua
Queja roidiffoitfia plante
En neuue racine lente,
Etfis gréues en vn tronc,
Et l'eficorce tout du long
Luy rampait deffus la hanche
Et fur la poitrine blanche:
Elle vit fis bras iumeaux
S'allonger en deux rameaux,
Ses doigts en branches couuertes,
Ses cheueux en fueiUes vertes,'
Qui de piquerons aigus
Se herifjoient par deffus
Tout'à l'entour de fafiuche
De peur que Pan ne la touche.
Mais teffrit qui fut enclos
Dans fia chair & dans fis os
Auant quellefuft muée,
Ne fie perdit en nuée,
Ains tel qu'ilfut, luy refila,
Et fous ï arbre farrefia :
Car auec les arbres naiffent
Toufiours des eijrits qui croiffent
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B.&

tiSo L E
Comme l'arbre , fy meurent lors *
Qu'ils fintent les arbres mors.
Quelqu vn de ton parentage,
B R i N O N, dés le premier âge
Que le Housfut transformé,
En prit vn fion ramé,
Et le planta tout fuS l'heure
Au iardin de ta demeure,
Pour diuertir l'achoifion
De toute efirange poifon,
Quvn ver, ou qu'vne araignée
y pourroit auoir traînée :
Et pour fieruir aux oifieaux
De logis en fis rameaux,
Qui che% luy d'amourfly plaignent,
Et fians haine ne dédaignent
Touflours leur brancher deffus,
Bien qu'on en fiace la glus
Qui quelquefois les doitprendre,
Etfirfis en cage les rendre.
Quel Poète diroit bien
L'heur, le profit, ey le bien
Que ce Housfait àfin maiflre f
En Iuillet legarde d'efire
Dedansfia Chambre halle,
Lors que le Chien efloiUé
De fia dangereufieflame
Hommes ey befles enflame.
L'Hyuer le garde du vent,
Et qui plus eft , le défend
Qu'vne voiflne bauarde .
Dans fla chambre ne regarde,
*Qui,peut-eftre , conterait
D'auoir veu ce queïï n auroit,
et luy fleroit la jafeufi
%Jnefarce ficandaleufie.
Croyez quand on vous dira,
Lecteurs, qu Orphée tira
Iadis parfia voix" diuine
Les chejhes & leur racine :
B R î N O N l'Orphé du iourd'huy
Enfiait bien autant que luy,
Car défia voix toute belle,
Que CaUiope en- miellé,
A ce Houx émerueillé, *
'!
IL LIVRE
Comme filfiufl aureillé,
Fait venir àflafeneftre
Pour ou'ir parler fion maiftre:
Et peu fien faut qu'il ne met
Dans la chambre fion fimmet,
Ses cheueux (èf fies aureilles,
Pour ou'ir mille merueilles,
Et pour du tout filaiffer
, *
^/obBrinon embrajfer .
Et ce faifant il égale *
Les amours d'vn Palme-mafle,
Qui faiél amoureux nouueau,
Se pancha fur vn ruiffeau,
Pourcareffer d'*un grand 7(ele
MARCASSVS.
A l'autre bord fla femelle :
Et tant il courba le dos
De fa fauche fiur lesfios
Pour l'enlaffer de fia branche,
Quaux Pafteurs feruoit de planche.
Or vy,Houx, d'orejhauant
Le Chef au Ciel efieuant:
Idy plus fameux par ma Lyre
Que les vieux chefines d'Epire.
Iamais chouans ne corbeaux
Ne diffament tes rameaux,
Ny corneilles , ny chouetes,
Mais les rojjignols Poètes
Ypuiffent bruire toufiours
Les plaintes de leurs amours.
Iamaisfoudre ne tempefle
Neflefelate fiur ta tefle,
Ny lejeu tombé des mains
Des mal-auifiZ humains:
Mais en tout temps , de rofiee
' Soit ta perruque àrrofie,
et de la manne du (fiel :
Et toufiours la mouche à miel
Mefinage au creux de tafiouche
Vn firuiél digne de la bouche
De ton maifire bienheureux.
Iamais le temps rigoureux
Ne te hure a la vieilleffe :
Mais, Houx , puiffes- tu flans ceffe
Viure en autant de renom
Que ton poffeffeur B r i N o n.
les "vns ] C'eft vn perpétuel Panégyrique du Houx & du ficur dc Bftnon , dont nous auons parlé ail-1
leurs. Comme les fables nous apprennent qu'il y a eu plufieurs Nymphes qui ont efté changées cn arbres,
noftre
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DES POEMES.
, ru,anuuî, Orphée j C cltoit Vu uicucm v^naiureae i nrace.dlsdervne
des Mufes, qui fe faifoit fuiure aux rochers, aux beftes farouches* aux arbres. ^/fureilie] Au lieu de, eut des
aureillcs. Senefire] Seneftre* maiftre, licence de rymes. Palme-majle] Parce qu'il y a des femelles.
D'Elire] Epire efl vne partie de la Grèce où nous auons dit qu'eftoit la foreft deDodone,qui rendoitles ora¬
cles. J{ojïi

UJO LE IL
Et d'vne voix dorée au milieu d'vn parquet
Auxdefiens d'vn pauure homme exerce ton
caquet,
Et fiumeux ey fiueux , d'vne bouche ton¬
nante
Deuant vnTrefident mets- moy ta langue en
vente :
On peutpar ce moyen aux richeffe; monter,
Etfiefiaire du peuple en tous lieux bonneter.
Ou bien embraffe- moy l'argenteufi fcience
Dont le fige Hippocras eut tant d'expé¬
rience,
Grand honneur deflon Ifle : ençor queflon
meflier
Soit venu d'Apollon, il s'eflfiait héritier
Des biens ry des honneurs, eyàla Poëfie,
Safiuur, n'a rien laiflé qu'vne Lyre moifie.
Ne fiois donc pareffeux d'apprendre ce que
peut
La Nature en nos corps , tout cela quelle
veut,
Tout cela quellefuit : parfi gentille addreffe
En fiecourant autruy ongaigne la richeffe.
Ou bien fl le deflir généreux ey hardy,
Ent'eflchauffantlefiang, ne rend acco'ùardy
Ton cur à meffrifier les périls de la terre,
Pren les armes au poing , ey va fiuiure la
guerre,
Et d'vne belle playe en l'efiomac ouuert,
Meurs deffus vn rempart de poudre tout
couuert :
Tarflnokle moyen flouuent on deuient ri¬
che,
Car enuers les floldats vn bon Prince nefl
chiche.
Ainfl en me tançant mon pere me difloit,
Ou fiufl quand le Soleil hors de l'eau con-
duifoit
Ses courfiers gallopans par la pénible trette,
Ou fiufl quand vers le fioir il plongeait fia
charette ;
Fuft la nuiél, quand la Lune auec fis noirs
cheuaux,
Creufie ty pleine reprend l'erré défis tra¬
uaux.
» O qu'il efl mal- aifé deforcer la naturel
» Toufiours quelque Génie, ou l'influence dure
» D'vn Afire nous imite àfluiure maugré
tous
LIVRE
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», Le Deflin 'qu'en nâiffant il verfia deffur
nous.
Pour menace ou prière , ou counoifie rc->
quefie
Que mon pere mefifi, il ne fieeut de ma tefie
Ofler la Po'éfie; ey plus il me tanfloit,
Plus àflaire des vers lafureur mepouffoit.
Ien'auois pas dou^e ans± qu'au profond
des vallées,
Dans les haut esforefls des hommes reculées,
Dans les antres Jècrets de frayeur tout cou-
uers,
Sans auoirfoin de rien ie compofiis des vers :
Echo me reSjondoit ($f les fimples Dryades,
Faunes, Satyres, Pans, Napees ,Oreades,
ëgipans qui portaient des cornes furiefiont,
Et qui ballant fiautoient comme les chéures
font,
.Et le gentil troupeau desfiantafliques Fées
Autour de moy danjbient à cottes dégra¬
fées.
lefu premièrement curieux du Latin :
Mais voyantpar effeél que mon cruel Deflin
Ne m auoit dextrement pour le Latin fait
naiflre,
fe me fiey tout François, aimant certes mieux
eflre
Bn ma langue oufécond,ou le tiers, oupremier,
Que d'eflre fans honneur à Rome le dernier.
Donc fuiuant ma nature aux Mufes in¬
clinée,
Sans contraindre ouforcer mapropre defiinée,
Penrichy noftre France , ey pr'u en gré d'à- '
uoir,
Enfieruant mon pais , plus d'honneur que
d'auoir.
Toy , l' E s c o T, dont le nom iuflques aux
Aflres vole,
As pareil naturel: car eflantàl'eficole,
On nepeut le Deflin de ton efirit forcer
Que toufiours auec l'encre on ne te vifl tracer
Quelque bellepeinture, eyja fiait Geomettre,
AnglesJignes fy painclsfiur vne carte mettre'.
Puisarriuant ton âge au terme de vingt ans,
Tes efirits courageux ne fiurent pas contens
Sans doélement conioindre auecques la Tein¬
ture
L'art de Mathématique ey de ï%Archiîe^
Bure,

, UES POEMES. ti,t
^mestehmentauechanneurmont^ ^Né^Iéïféf^^
^cJ^TTtV/r^'p S â>h*U fiupant , & te
Lar
dlnn*%
bien que tufois noble $ de meurs & S â>h*U fiupant , & te
Lar
dlnn*%
bien que tufois noble $ de meurs & Charge
r,. fi* t i , ,
Bien que des le berceau labondance te fiace,
DefionLouureenrichy d'édifice plus larze,
Ouurage fimptueux, àfin d'efire montré
Sansjn chercher ailleurs, riéhe en bien tem- Vn Roy ires-magnifique ent ayant réméré.
cf 3 r lime flouuient vn iour que ceP rince
bi as-tu franchement fluiui ton naturel; à la table
Et tes premiers Regens n ont iamaispeu difi Parlant de tavertu, comme chofie admirable,
traire
Ton caur de ton infïinél pourfiuiure le con-
Difoit que tu auois de toy- mefines appris,
Et que fiur tous auffi tu emportois le pris:
traire.
Comme afiait mon R O n s à r d , qui à la
- On a beau d'vne perche appuyer lesgrands Poëfie
"ras Maugré tous fisparens a mis fit fantaifie.
D'vn arbre quifipliefl tend toufiours en bas: Et pour cela tu fis engrauer furie haut |
La nature ne veut en rien efire forcée, Du Louure vne Deeffe, à qui iamais nefaut
Mais future le Defiin duquel elle efl puoflee.
Iadk le Roy Fra îs cols,des Lettres
Le vent , à iou'ë enflée, au creux d'vne trom-
pette,
amateur, Et lamonflras au Roy, difant quelle efloit
De ton diuin efirit premier admirateur, faite
T'aimapar deffus tous : ce nefut enfin âge
Peud'honneur d'efire aiméd'vnfi grandper-
Expréspour figurer la force de mes vers,
Qui comme vent portoientfin nompar l'Vfionnage,
niuers.
Quifioudain cognoiffoit le vice ey la vertu, Or ce bon P R I N c E efl mort,&pourfaire
Quelque déguifèment dont l'hommefuft vefiu. cognoiftre i
H E N R Y, qui après luy tint le Sceptre de Que nous auons fieruy tous deux vnfi grand
France, maifire,
Ayant de ta valeurparfaite cognoiffance, Je te donne ces vers , pour éternelle foy
Honora tonfçauoir,fi bien que cegrandRoy Que la feule vertu m'accompagna de toy.
MARCASSVS.
Puis eue Dieu ne m'a fait] Il monftre comme la condition de ceux qui fc méfient de la Poëfie eft mifera¬
blc. Ceftepiece eft dediee, comme Ton voit, an fieur TEfcotde Clany.qui eft celuy qui a fait le defîèin
du pauillon du Louure. Filles ] Il entend l'Iliade & TOdyffee. Comme poudre ] Au lieu dc.Ia poudre.
Hitfocras] Pour, Hippocrate Prince des Médecins. Son ifle] Il eftoit de I'ifle de Go'é. D'Apollon]
A caufe d'Efculape fon fils. L'erre ] Pour, le train. Mcht] C'eft cefte Nymphe dont il ne demeura
que la voix qui fe plaint par tout de l'ingratitude de fon amant. Dryades ] Nymphes des bois. Faunes ]
Dieuxdes bois. Satyres ] De mefme. Pans] Dieux des champs. Oreades] Decffes des monts. Napees]
C'eft de mefme que Dryades. Egipms] Les Pans font ainfi nommez à caufe dc la moitié du corps qu'ils
tiennent dc la chéure. Deeffe] Il entend la Renommée.
Carautour du bon-heurpefie- méfiefint mis
A ODET DE COLLIGNY Aujfibien lesflateurs que les certains amis,
Cardinal de Chaftillon. Quifiont fiemblable mine, & prompts à tout
office
'Homme ne peutfiduoir s'il efl Treffent lesgrands Seigneurs à leurfairefir*
parfaitement uice
1 Aimé desflens ou non , quand d D'vnepareille ardeur,finon que le moqueur
SU^^Mi efl hautement Greffe plus que celuy qui aime de boncur.
jTd^l* rouë} & quand dame Fortune Si quelque grand Seigneur quelque chofe
Li fou ue aux honneurs d'vne main non commande,
L,e jouieue «» ^. y^^ ou ciJappea(tj otiron C0CLje demande,
commune: r NNNnn ij
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I1J£ LE U. L
S'il veut aller dehors, ou parler à quelqu'vn, De corbeaux affame^ nefiroitplusfigrande':
S'ilfaut l'accompagnerJeJlateur importun Et de cent ou deux cens qui vous fuiuent par
Efltouflours lepremier, & plein de diligence fiois,
Deuant les vrais amis fins vergongne s'a- Le nombre deuiendroit ou à deu x ou à trois,
uance,
Courant,fiuant,preffantiàfin de mieux vfir
Du Seigneur dont il veut du crédit abufier. '
Sicepipeur ruflefie trouue en compaignie,
Ses propos fiont dore^fia parole eft garnie
De louanges,d'honneurs, à tous propos louant
Le fieigneur courtine dont il fevaiouant,
Et dit à haute voix : O mon Dieu , que ie
nomme
Heureux le fleruiteur auo'ùé d'vn tel homme !
O le gentilfieigneur Harnais l'ail du Soleil
(Ce dira lefiateur)ne voirra fion pareil.
tJMais quand la roue tourne eyl'aueugle
Deeffe
Lefait tomber en bas, la tourbeflatereffe,
Qui nefuit que le bien,augrad galop f enfuit.
Ainfl qu'vne putain, quand elle voie defiruit
Leribaut qu'elle aimoit,plus amy ne l'appelle,
Le laiffé en la prifon eyfiait amour nouuelle:
Ainfifiont les flatcurs, qui arrachent alors
Le mafique de leurface eyfiuuent les plus
forts,
Traifires $ defloyaux, defidaignans la per¬
fonne
Qu'ils adoraient nagtùere en U fortune bone.
Et non tantfeulement ilsfien reculent loin
Ainfique d'vn affic, de peur d'en auoirfoin,
%^iais comme mal-heureux en tous lieux le
meffrifient,
L'appellant vn coyon,& defion nom mefdifent.
Permette%,mon On ET, de parler librement
Avous qui n'aime^pointlesflateursnullemét:
Voye^vous la plus-part de ceux qui vous
talonnent,
Quimatin $y quifoir vos cofle7 enuironnent
En auant au Chafteau}fi le Roypar courrous
IJous commandait vn iour vous retirer cheT
vous,
Oufi quelque enuieux, ou fl Fortune aduerfie
Vousdonoit enpaffant le heurt d'vne trauerfi,
S'ils penfiient que vofire oncle, ry vofire
fiere auffi,
Captifs ( o creue-csur ! ) ne reuinffent icy
Heureux comme deuant : cefie importune
bande
IVRE
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Nombre bon,maispetit,plaignant vofirefor*
tune ,
Et portant corne vous vne douleur commune.
» (far le parfait ami qui aime de bon cur,
» Aime au temps du mal-heur ey au temps
du bon heur,
n Tout cela qui dépend de noflre vie humaine,
» Dénature s'engage au foin & à lapeine,
» Au change ey au rechange, & n'a rien tant
certain
» Qui nefioit efiranlé du foir au lendemain.
Comme vn arbre planté fur les montsfi-
litaires,
Battu diuerfiement de deux vents tout con¬
traires,
L'vn le foujfle deçà,

i)
»)
Ferme finon l'amour que nous portons
Diev, r
Lequel eflplus certain que neflpas ïalli
des poèmes:
tance
Des grands fieigneurs mondains tout pleins
de défiance.
On dit que Iupiter deuant lefiueilde l'huis
De l'Olympe là haut afait mettre deux muis ,
L'vniout comblé de biens, l'autre de maux ffa
être
Verfie le mal au Monde ey le bien lafineflre:
Monflrant que pour vn bien il donne doubles
maux,
Et pour vnfieul plaifir cinq cens mille tra¬
uaux.
Mais ainfi qu'vn roéher oppofie au vent fa
tefie,
Et fis pieds endurcis auxflot s de la tempefle,
Il faut contrefortune oppofier la vertu,
Etplus auoir bon ciur tantplus on efl batu.
Mais ainflque Milan ne trouuoit point U
éharge
Tefiante d'vn grand bDuf fur fin efiaule
large, ^
Pour auoir dés enfance appris à leporter:
xsiinfile faix mondain vous efl àfiupporter
Honorable ($f léger ,pour auoir dés enfance
Accouffumé l efiaule aux éhofies d'impor¬
tance,
Mais mal- aifé pour moy quifluy parmy les
bois
Les Nymphes qui n'ont rien que le luth & la
vois.
Obien heureux celuy quipeut vferfion âge
En repos, labourant fon petit héritage !
Qui loin de Jes enfans charitable ne part,
9»
9>
Quvne mefme maifion a veu ieune & vieil-
lart:
>, Et qui par les moiffons au Printemps re¬
tournées,
5, Et non pas par les Rois,

îM4
Or aille qui voudra mendier à grand'
peine
D'vn Prince ou d'vngrand Roy lafaueur in¬
certaine:
Quant à moy t'aime mieux ne manger que
du pain
Et boire d'vn ruifieau puifé dedans la main,
Sauter, ou m'endormirfur la belle verdure,
Oucampofir des vers prés d'vne eau qui mur¬
mure ,
Voir les Mufes baller dans vn antre de nuit,
Ou'ir au foir bien tard pefle-mefle le bruit
Des buufs ey des aigneaux qui reuiennent
depaifire :
*Et bref i'ayme trop mieux cefle vie cham-
pefire ,
Semer, enter 3 planter ,franc d'vfure ey d'efi
moy,
LE IL L IVRE'
MARCASSVS.
Que m" 'vendre moy- mefime auferuice du
%oy.
x^Ainfi vtfquit jadis Saturne le bon-hom^
me ,
Et le Tafieur Romule autour des murs de
Rome,
Le berger Adonis, (Sf celuy qui iugea
Des Déeffes. la noifi , $ qui depuis changea,
En rame fa houlette , & par les eauxfialées
Alla rauir Hélène és terres Amyclées,
isiyant fifort les fins par telle amour trahis,
Qu'enfin ilfi perdit fflonpere eyfionpais.
Comme ces trois premiers iefiuis content de
viure,
Pourueu que ie viuote enflueilletant vn liure ,
Sans auoir floin des biens , des Roys, & de U
(four :
Auffi bien nofire vie a le terme trop court.
L'homme] Il monftre la mal-heureufe condition des Grands, qui penfent que ce foit pour leurs mérites qu'on
leur face IaCour,tandisquel'oncourt après leurfortune. Apres celailfeiettc fur les louanges de la vie rufti¬
que , qu'il monftre eftre auffi pleine de bon-heur que d'innocence, si bonnet J S'il demande fon bonnet , fon
coche ou fon chapeau. Hibaut ] Nous auons parlé d'autresfois de ce mot. Milon ] C'eftoit vn puiffant bour¬
geois de Crotone, qu'on dit auoir porté vnftadeloingvn bfuf, puis après Tauoir tué d'vn coup de poing, 8C
finalement mangé en vn repas. Si cela eft vray, ie m'en rapporte à ceux qui examinent les contes de plus près
que moy qui les prens comme on me les baille. 0 bien-heureux ] Prefque tout ce qui fuit eft traduction d'vne
Ode d'Horace* de Virgile, lefquels ont loiié la vie ruftique. Cerés] Deeffe des bleds. Paies ] Des champs,
principalement du beftail. Pan ] Des champs, facchtu ] Du vin. Z

DES POEMES: nef
Vn don venant Ie£) i e vi que parfjfffoh SafiééBlâmte cvur : comrnëilfautfiou]fîfêrà
ne Pm
^Acquérir,file Ciel de grâce ne le veut.
Comme ilfiaut efierer fy fie dejefferer :
Comme ilfaut adioufter la lyre chantereffe
Mais ainfl que la terre a la femence en- Et lepere *Ba cchus à Cypris la Déejfe :
- c-l°fi Comme il faut s'efigayer ce-pendant qu'A-
Des bleds vn an entier,ey l'autre an fe repofe tropos
Oifluefiansproduire,ou bien felle produit, Nouspermet les plaifirs d'vn amoureux repos:*
Ce nefint que éhardons $y que roncesfians Et comme ilfiaut qu'on danfi, ey comme it
fruit, faut qu'onfaute,
tAlttendant que l'autre an pour conceuoir re- ' Non pas d'vn vers enflé plein d'arrogance
uienne, haute,
Afin déeflreplusgraffe eyplus Cererienne: Obficur, mafiqué, brouillé d'vn tas d'inuentions
Ainfl la France mere aproduitpour vn temps
Comme vne terre graffe vne moiffond'enfans
Gentils , doéles , bien- naiz , puis efl'fiefi re~
Quifiont peur aux lifians,maispar deficriptions
Douces, ffi doucement coulantes d'vn doux
fiyle,
pofiee, Propres au naturel deldenus lagentde
Laffe, nefe trouuant à porter difiofie
'Bon fuit comme deuant, ains ronces eybuifi
Et defionfils Amour, qui ne prend à plaifir
Qu'on luy aille vn fiujet efirangement choifirt
Jons Que luy- mefme n'entend, bien que Dieu, ey
En lieu du premierfiuiél de fis riéhes moifi- qu'il fiaich
fins-' Toutes lespajfions quepeut eaufier fiaflèche.
Maintenant afin tourflertile elle commence
A s'enflertout le flein dévne belle femence,
Mais loue qui voudra les replis recourbez
Des torrens de Pindare à nosyeux dérobe1^,
Et ne veutplusfiouffrir quefongueret oifieux
De chardonsfi heriffe & de halliers ronceux,
Te conceuant ,B e ll E a V, qui vins en la
Obfiurs, rudes ffaficheux , ey fies chanfons co-
gnues
Que ie ne fçay comment par fonges ey par
brigade nues,
D es bons, pour accomplir la fieptiefine Ple'ia- Que lepeuple n'entend: le doux Anacreon
de : Meplaift, ey ie voudrois que la douce Sap-^
Qui as (comme bien-né) ton naturelfiuiui,
Et que les Mufies ont naiuement raui
Aux contemplations de leursficiences belles,
phon,
Quifi bien réueilloit la lyre Lejbienne,
En France accompagnafi la Mufie Teienne !
Tefiaifant enfanter chofis toutes nouuelles, Mon Belleav,/ cela par fiouhait auoit
Sans imiter que toy, ey lagentille erreur lieu,
Qui t allume l'efirit d'vne doélefureur, Je ne voudrois pas eflre au Ciel vn demi-
Ne faifiant cas de ceux qui en meflme lan- Dieu,
çae Pour lire deffous l'ombre vn fi mignard ou-
Enfiuiuent lespremierspar faute de courage,
Etfaute de nofier aller boire de l'eau
mage,
Qù comme nous fioufiire vn amoureux dom-
Sur le mont d'Helicon par vn fintier nou- mage,
ueAU ' Vne plaifiante peine, vne belle langueur
Or auant que vouloir tepublier au Monde, Qu Amour pourfion plaifir nous graue dans
Tu as daigné tenter d'exprimer lafaconde le cur.
Des Grées en noflre langue, ey as pour ton Encore ievoudrou que le doux Simomde,
(Pourueu qu'il ne pleurafi) Alcman,& Bac-
Choifile doux archet du vieil anacreon, fh?ll*e> r, , ._.
Quimonfire comme ilfiaut d'vneparalle douce Alcee & Stefichare, & ces neuf Chantres
Plaindre nos pajfions, lors que Venus nous Grecs
(r Fuffent reuufcitez: nous les linons exprès
pou e JJ JJ J . ? . . .... *f
^____ NN
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Nnn
. . .... *f
^____ NN Nnn tiij
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tz6S LE II.
Tour ehoifirleurs beaux vers pleins de douces
paroles,
Et les grauesfieraientpour les maifires déefico-
les,
Afin d'e/fouuanter les fimples eficoliers
Au bruit de leurs gros vers furieux &guer¬
riers.
Mais Dieu ne le veut pas, qui couure fous la
terre
Tant de liures perdus, naufrages de la guerre,
Tant d'arts laborieux & tant de geftes beaux
Qui fint ores fians nom , les hoftes des tom-
-> beaux:
Puis nous faut-il douter, que tout çà bas ne
meure
Puis que de tant d'efirits le labeur ne demeure f
MARCASSVS.
LIVRE
Mais quoy? du demeurant qu'il nous en
eft refté
Leplus doux ( à mon gré) t'eft icy prefiente,
Mon Choishvl, mon demy , par ton
Belle a v, qui ores
Te le donne ey le voiie,($f le confacre encores :
Et cefaifant ,CnoiSEVL,iete puis af¬
fleurer
Qufil te donne beaucoup, car cecy peut durer
Ferme contre le temps, ey la richeffe humaine
Ondoyante fienfiuit comme le temps l'em-
meine
Errant puis çà puis là,flans arrefi ny flejour :
Et ceprefent mettra ton beaurenom au iour
Sans iamaisf effacer pour reuiure par gloire
Autant qu'Anacreon a vefiu par mémoire.
Non, ie ne me deulspas] U vante le prefent que Belleau auoit fait à Choifcul :1I luy auoit donné laverfion
d'Anacreon que noftre Po'éte préfère à Tobfcurité de Pindare* des autres,dontà peine peut- on comprendre
les extrauagances. Henry] Henry II. Guiteme ] Pour, guiterre. Eli' s'eft] Pour, elle s'eft. Noftre
fiecle ne fouffriroit point que Ton mutilaft ainfi les mots. i{omeux] C'eft vn mot fait à plaifir, pour dire»
tout couuert de ronces. pléiades ] Les fept Poètes qui fe trouuoient du temps de Ronfard,eurent ce nom,
&Iesnomma-t'on la Pléiade. Pléiades font certaines eftoiles qui font au nombre dc fept, dont la venue nous
caufe toufiours dc la pluye. Cerenenne] A caufe que Cerés prefide à la fertilité de la terre.

DE S. POE M Es;
En défiant la Mort,tene^lèpremier rang,
Et par vofire vertu ( qu'on ne fiauroit ab-
( batre )
Monftre^àvos foldats le chemin de cSbatre.
Vous Gendarmes,fine? U cuiffe à vos
arflons,
Briftz-moy voflre lance en cent mille trSfons,
TreneTje coutelas,eyla ptfiante mace,
£f de vos ennemis paue% toute la place:
L'ongle de vos rouffms marchefir les mon
ceaux
Des ennemis occis, dont les larges ruiffeaux
De fang puiffe engraiffer la plainefiomen-
teufie ,
"57
Et vous nobles François , monflre?- vous
gens de bien
Vers le Roy qui iamais ne vous refufa rien,
Soit offices, ou dons, ou amendes , ou grâces,
Quiparforce neprédvos terres ny vosplaces,
Comme vn cruel Tyran, fy puis dans voflre
lit
jamais ny vofire fille ou femme ne rauit .-
Qui ne vousfait mourir par fiaude ou par
colère,
Mais comme vn Roy Qhrefiien efl doux ey
débonnaire,
Et comme (on enfant duquel ila fouci,
Vraypere,aimefion peuple &fiaNobleffeaujfi. ,
Pour n eflre au laboureur fierile ny menteufe.
Sus donc pouffe^,preffe? , fy de vos gros
La donc\qu'opiniaflre enfitplace onflarrefle,
plafirons,
Tene^pied contre pied,ey tefle contre tefle,
Bardes;cuiraffe, armets,forcez les efiadrons Bouclier contre bouclier, , &pour nous fecourir
Des fildats oppofiz, quj vous fiaifiant ou- Marchez tefie baffee , (^f deujfie^-vous
trage mourir:
De vos premiers ayeux occupent l'héritage : Mordez pluflofl la terre en mourant , que
Car Flandres,& Holande, ey 'Brabant , ey de faire
*-Artots, place à voftre ennemy ': non , îaiffe7-vous
Iadis obeifjoient aux Sceptres de nos Rois. desfaire
Et vous ieunes Soldats , à qui la barbe encore Pluftoft de mille morts que reculer vnpas.
D'vn petit poil dorétout le menton décore,
Serre?- vous en bon ordre, ey éhacun enfin
Nobles enfans de Mars, vous ne comba-
tempos
cur
Senfiame de combatre ,(y de mourir vain-
Pour leprixd'i^i tournoy,pour vne chofie vile:
IJous combatez pour vous ey pour voflre
queur.
Moure? donc en la guerre, ou bien fl de
famille,
Pour garder vos maifions ey vos pères ja
fi
ortune ortune vieux. vieux.
Vous ejchappez ^ mon * toUt homme com- Quiprians Dieupour vous tiennent les mains
mune, aux Cieux.
Au moins dans l'efiomac au logis rapportez Si vainqueurs vous gaigne? par armes U
Vne playe honorable : ainfi réconforte^
Vos Teres quifirontfiut élans dallegreffe
Iournée,
Vous voirrez des François la gloire retournée
Voyant dans l'efiomacpeinte voftreprouejfle. Que Sainél Quentinperdit, ey en toutesfai¬
Sus donc branle? la pique au flon du ta- fons
bourin,
Maugré les ennemis baigne?-vous dans le
Rhin,
Et en vos morions puifiefeaupour en boire,
Comme fi c'eftoit l'eau de Garonne ou de
Loire.
Déformais vousfiere? flans crainte en vos
maiflons '
Maisfl vous la perde?par faute de courage,
Vous mette? voflre gloire ey la France en
feruage,
Et perdre? en vn iour l'honneur qu auoient
Vous Allemans auffi, qui de loin efirangers conquis
Vene?pourfecourir la France en fes dangers, En mille ans vos ayeux. Donques fils l'ont
Bander vos piftolets, eyfaites apparaiflre acquis
Que de voftre pays efl ijju noftre anceftre. Aux defiens de leurfiang, ilfiaut auoir enuie
NNNnn v
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Ï2.58 LE tl.
De legarder de mefme aux defien s de la vie:
Car après vofire mort ces bonspères vieillars
Se moqueroient de vous £auoir efiéco'ùars.
» Courage donc, amis, c'eft vne flainéle guerre
t, De mourir pour fion Prince |Jr défendre fia
terre,
» De garder fia maifion , fafiemmeeyfies en¬
fans,
Par vn petit deflangqui furmontelesans,
¤t de morts vous rend vifs: ne craigne? de
refiandre
La vie qu'on nepeut en plus beau lieu dépen¬
dre
Que lors qu'on la refiandpourfia terre &pour
Au milieu des combats deuant lesyeux du
Roy.
Ne craigne? de mourir en gaignant la vi¬
étoire:
La mort de vofire los neperdra la mémoire.
Nofire Roy qui vous aime » y afi bien
pourueu,
Que voftre beau renom à iamaisfera leu
Et releu das mes vers , auquel ce noble Prince
A commis les honneurs de toute faprouince,
Pour louer les vàillans qui le méritent bien,
LIVRE
* MARCASSVS.
Etblafmerles co'uarsquine méritent rien.
Sus donques que chacun à fion fiaitprenne
garde,
Ayant vn tel flambeau qui fi près vous re¬
garde :
Auffi biéen fuyant la Mort vous afiaudroit,
Bt dedas vos maifions mouriril vous faudroit
De catherre ou defleuri,oupar l'ireficrette
D'vnproctZ mal-vuidé ou d'vne vieille dette,
Depefte, ou de poifion , ou d'vn autre mefichefi
Qui toufiours pourfuit l'homme ,ey luy pend
fur le éhefl.
Là donc, mourez pluftoft d'vn plomb ou
d'vne lance,
Repouffiz l'Effagnol desfrontières de France,
Ouurez-'vous par le fer le beau chemin des
Cieux.
Dieu qui donne courage aux cnurs viéto-^
rieux.
Ce Dieu qui efl le Dieu des camps ey des ar~
mees,
Puiffe rendre au combat vosforces animées:
» La viéîoire ey l'honneur dépendent défi
main,
Car rien ne peut fans luy tout le pouuoir hu¬
main.
lyheure

DES P
Et non à vous Chreftiens', de qui la loy trèsfiainte
O E M E S. 11S9
A du tout de vos céurs toute rancune eftainte.
Sus donc , fialiie?jVous d'vne amiable
vois,
Auecques le courroux defiouiUez k harnois,
Et pourquoy déformais, comme tes vraisfildars
De Christ , ne porte? qjous pour Christ
les eflendars f
Quand votafire?^batus ey bien rompu
la tefte
Détachez vos boucliers , vospiques non tou¬
chées
Soient le fier contre bas à la terre fichées :
Efiuyez au fourreau vos luifans coutelas,
L'efiace de vingt ans , encores la conquefle
De nos Rois nefierafi grande que la main :
Et aurontfiait mourir cent mille hommes en
vain
Froiffe?ainfi quvn verre en million d'efilas
La lance mefirifiée , ey les creufis tempefles
is4utour d'vnfioid village ou d'vne pauure
ville,
Des canons , fioudre humaine, eflongnez de
vos tefles :
Au profond des Enfers,ou au creux de la mer
D'vnpetit Chaflelet pour le rendrefiruile . .
Ou fi vous bouillonne? à gaigner plus de
bien,
( Pouriamais ne les voir)faites-les abyfiner.
Ou bienfi vous auez les âmes éfihaufi-
Laijfiz vos fioids combats empoule? d'vn
beau rien,
fées
Du defir de louange ey du los des trofées,
Etfi en vos maifions le repos vous defblaifl,
Et pour vous enrichir , fins plus glacer de
crainte,
Chaffezles Sarrafins hors delà Terre-fiàin-
Reuefiez le harnais : encores le Turc n'efi éle,
Si efiongné d'icy, qu auecques plus de gloire Où la moindre Citéque d'affaut onprendra,
Helas '.qu'à vous meurtrir , vous n'ayez la D'vn butin abondant très-riches vous ren¬
viétoire
dra.
Deffus tel ennemy,qui vfiurpe à grand tort Là fiont les grands Tala'ts (êf les grandes
Le lieuoù Iesvs-Christ pourvousrc- riuieres
ceut la mort.
Qui vieilles de renom roullent braues &fieres:
C'efilà, Soldats, cefilà, c'efl où ilfiaut com- Là coule le Iourdain , Gange, Eufiate , ey le
batre,
Et de noflre S A V V e V R l'héritage debatre,
Et repouffer les chiens qui honnifient lelieu
Du Sepulchre oùfiut mis HlEsslAsif
Di e v.
Refionde?^ ie vousprï,pourquoy dés vo¬
fire enfance
Tenei^-vous affairée en Christ voflre
fiance f
Etpourquoy enfion nom cfles-vous baptifieZ-
Pourquoy des mejcreans efles- vous diuife^J
Pourquoy iufqu à la mort haïjfiz- vous leur
race.
, S'ils ont,fians coups ruer, occupé vofire place f
S'ils ont,fians coups ruer, en Europepaflé9.
Par armes l'ont gaignée , ey vous en ont
chafiét
Pourquoy parfeu , parfier , ey par guerre
cruelle Ut
Naue?-vous fiait mourir cefie gent infiz
délie t
Nil;
Là fians le cultiuer le pais eftfiertil:
Là le Caire ey Damas , Memfhis ey Cefi£
rée,
Tyr, Sidon, Antioche, ey la vifle honorée
Du grand nom d'^Alexandre ,ejleuent iuf¬
qu aux Cieux
De leurs fiuperbes murs lesfionts audacieux,
Où de tous les coftezfoit de la mer Egée,
Soit desflots xMdrians, vnefiote éhargée
Maintenant de lingots , maintenant de
ioyaux,
Maintenant de parfums,maintenant de mé¬
taux,
Auecques vn grand bruit dedans le haure
viennent,
Ouprés de la muraille à la rade fie tiennent.
Cefiont les vrais butins que vous , fioldats
fhrefliens,
Deuriez rauir du Sceptre ey des mains des
Payens,
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usô * LE IL LIVRE
Sans vous tuer ainfi en Espagne & en Fran- Défia naijfintguerriers &fi paijfint de chair:
çe Les veines de leur col noirciffint de cholere,
O honte ! à l'appétit d'vnefroide vengeance. fafont mine deguerre, & enfument leur mere.
Quellefureur vous tient de vous entre- Mais vous humains , aufquels d'vn feul petit
tnw coufteau ,
Et deuant voftre temps aux Enfers vous ruer Ou d'vne efguillefiefie on perceroit la peau,
±A grands coups de canons, de piques ey de
\ancéf
Les mufeles & les nerfs, contre voftre nature,
Qui ne cherche quepaix,allez à l'auanture
J> La mort vient ajfeztofî, helas '.fins qu'on ,Au milieu des canons oubliant vos maifions,
l'auance : Enflez de trop d'orgueil^f de trop de raifons}
J» Et de cent millions qui viuent en ce temps, Que maudit fioit celuy qui defichira U
»> Vn à peine doit viure ou trente ou quaran- terre,
te ans.
^Ah malheureufie Terre, àgrand tort on te
Et dedans fis boyaux lefiery alla querre,
Que la Nature auoit d'vn art fi curieux
nomme Au profond de fon ventre ejlongné de nos
Et la douce nourrice ey la mere del'homme : yeux :
Par toy feule nous vient ce malheureuxfouci De là fiefit l'effée ey la dague meurtrière,
Defientre-guerroyer (y fie tuer ainfl! Les canons enfoulphrez ey la lance guerrière,
On dit que quelquefois te fintant trop Et le dur coutelas en Lune recourbé.
chargée Maudit foit Promethe, par qui fiut dé-
D'hommes qui tefiouloient, pour eflrefoula- robe
gee Léfeu celeftiel, & quiforgea la lame
Du fardeau quipreffoit ton efichinefifiort, Quifi tofl hors du corps nous fiait enfuir^
Tu prias Iupiter de te donner confort :
Et lots il enuoya la mefichante Difcorde
lame :
Tu demiSyfupker, luy foudroyer le chef,
Exciter les Thebains d'vne guerre tres-orde, Et recacher an fiel taflame derechef,
Vilaine , incèfiueufi, où l'infidelîe main Et ietter plus auant deffous U terre baffe
Des deux fieres verfia leurpropre fiang ger- Lefer qui maintenant fiefaçonne en cuiraffel
main. Maintenant en armet, ey tu deuois encor
Apres elle alluma la querelle Troyenne, Iufquau fond des Enfers cacher les mines
Où la force d'Europe & laforce Afienne d'or;
D'vn combat de dix ans, fans fle donner re- Car le fer $y l'acier nuire aux hommes ne
pus, peuuent,
De toy, Terre maraflrè , ont defichargéle dos. Si pour leur compagnon l'autre métalne treu-
Mille combats après venuspar violance
Ont fi bien efilaircy des peuplesîabondance,
ueni.
Que maudit foit celuy qui premier le trouua,
Que tu nefçauroisplus, ogreffer animal, Quipremier lefondit,&premier tapproMua:
Te plaindre que le dos te fiace plus de mal. Il eufi plusfait pour nous fil eufi remis au
Ah mal- heureux humains ! nefiçauritZr Mande
vous cognaiflre
Que la natuYefhelas ! ne vous apointfait nai*
pne Chimère,vneHydre , en cent tefiesfe-
conde,
flre Vn Pithon tout enflé de venin dangereux,
*Pour quereller ainfi,vom qui naiffeztouS nus
Sansforce $f defiarme?J les animaux cognus
Que d'auoir defiouuert ce métal mal-heu-
reux.
Par tes grandesfirefis , dragons, lions, ti- Parla guerreferrée on renuerfie les villes,
géeff¤S* » On depraue les loix diuines ey ciuilles,
Sont armezou degriffe, ou d'efiailles efieffes, » On brûle les xAutefe ey les Temples de
Etfirtant hors du ventre au plus creux d'vn Dieu :
rQ£her, ^£ Equité nefleuritJaJuftice n'a lieu,
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» Les

Les maifions de leurs biens demeurent dé¬
pouillées,
» Les vieillardsfont occis', les filles violées,
» Le pauure laboureur du fien eftdeuefiu,
» Et d'vn vice exécrable onfait vne vertu.
Efi-ce pas le meilleur, o Soldats magna¬
nimes !
'Tour ne commettre point l'horreur de tant de
crimes*
Bien viure en vos maifins fians arm.es, ey
auoir
Femme très-belle $ chafie entre vos bras, ey
voir
Vos enfans fi jouer autour de la tétine,
Vous pendiller au col d'vne
tine,
main enfan¬
Vous fiifloter la barbe , ou tordre les che¬
ueux,
Vous appellerpapa,vousfaire millejeux ;
Que de viure en vn camp, que coucherfur la
dure
L'Efiéà U chaleur , l'Hyuer à lafioiduref
Et prés de fisparens mourir bien ancien,
Que d'auoir pour fiepulchre vneflomac d'vn
chien t
Pource nobles Soldats,& vous nobles Gen¬
darmes,
Et de bouche ey de cdur detefie^-moy les
armes :
Au croc vos morions pour iamais floient liez»
A l'entour l'araignée, en filant défies pie?,
Y ourdffe fes rets , ey en vos creufis targes
Lesauurieresdu miely depofint leurs char¬
ges:
Rejbrgezpour iamais le bout de voflre efloc,
Le bout de voftrepique en la poinéte d'vn
fie:
Vos lances defiormais en vouges foient trem¬
pées,
Et en faulx déformais courbez-moy vos
efj>ées,
Et que le nom de Mars, fes crimes ey fis
rer en
faits
ï) ES PÔ e m ë s: ll¤t
MARCASSVS.
Nefiaientplus entendus, mais le leau nom de
Paix.
»La Paix premièrement compofia ce grand
Monde,
» La Paix mit l'air, lefieu,le Ciel, la terre &
l'onde
» En paifible amitié, ey la Paix querella,
» Au Chaos le Difeord, & le chaffa de là
» Pour accorder ceTout: la Paix fonda les
villes^
» La Paix fertilifa les campagnesfierilles:
» La Paix deffous le jougfit mugir les tau¬
reaux,
» La Paix dedans les prez fit fauter les trou¬
peaux,
» La Taixflur, les coutaux tira droiét à U
ligne
» Les enfans arrange? de lafertile vigne :
» De raifins empamprez Bacche elle enui-
ronna,
» Et le chef de Cerés defroment couronnai
»» Elle enfla tout le fieinde la belle Pomonne
» D'abondance de fiuiéls que nous produit
l'Autonne :
Elle défiaroucha de nos premiers ayeux
Les ciurs rudes (y fiers , ey les fit gra
cieux.
Et d'vn peuple vagant és bois à lafortune]
Parmy les grandes citez en fit vne com¬
mune.
Donc, Taix,fille de D î E V , vueiUe-toy
fouuenir,
Si ie t'inuoque à gré, maintenant de venir
Rompre l'ire des Roys ,^ pour ïhonneur de
celle
Que Iesvs-Cbkist a faite au Monde
vniuerfille,
Entrefion Pere & nous, repouffe de ta main
Loin des peuples Chrefliens le Difeord inhu*
main
Qui les tient acharne?^, fy veuilles de ta
grâce
A iamais nous aimer,& toute noftre race.
on ne combatte! point] Il exhorte les bons François à la Paix- ou fi leurs cfprits ne peuuent point demea^
Non.
repos t Sur courage ne demande que des occafions pour fe fignalcr , .1 1« conjure de tourner
repos, K que: icu & domine àl'Afie *, * mettre cn liberté la Grèce * 1 héritage dc 1 1 s v s-
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LE IL LIVRE
Eftnye\ ] D'cftuy. Pri' ] Pour, prie. Ch.iftelet ] Ville dc Picaf-
Byrcanie] Vne patrie delà Scythie. Eftnye\ ] D'cftuy. Pri' ] Pour, prie. Ch.iftelet ] Ville dc Picaf-
Byrcanie] Vne V ne parue patrie acia delà a^yiiut. Scythie. T'V\ j " /- '. . -, V-., cl n j
die nommée icc Chaftcler.ouCaftelet. Jourdain] Fleuue de la Palcftme. 0-»^ ] C eft ce fleuue dont
riture Sainûe. *«/*W- ] Fleuue de la Mefopotamie. Nil, rg)?ie Cire o~c. ] Tout cela
parle TEfcriciUt ouniuiw. ^,y~. »..._, . - - , .
eft dans 1a - domination .._....;. du .i.. Grand rLnA Grand rLnA Seigneur. Cmn^tr. Vu nu' nom ] 1] 1 Alexandrie. Alexandrie. ^«' ^Cdruns ^«' ^Cdruns J]
J]
De la mer Adria-
tique/ Deux frères] Ereocles* Pùlynices. 2««r-] Pour.qucr.r. Pro^/r] Ce fut celuy qui pour
auoir defrobé le feu du Ciel à fin d'animer vn homme debouïqu'il auoit fait, fut attaché au mont de Caucafe.
FertiUfa] Pour, rendit fertiles. torche] Pour, Bacchus.
AV ROY HENRY IL
Ire, quiconque foit qui fera
vofire Hifloire
Honorant voflre nom d'éternelle
mémoire,
Afin qu'à tout iamais les peuples à venir
'Devas belles vertus fe puiffent fouuenir s
Dira, Depuis le iour que noftre Roy vous fiu-
ftes,
Et le Scept re François en la dextre receuftes,
Que vous n'auez eeflé enguerre auoir vefleu
Maintenant le vainqueur , maintenant le
vaincu.
Dira que voflre efirit (très- magnanime
Prince)
Ne fieftpas contenté de fla feule ProUince,
Mais par diuers moyens , &par diuerfesfiois
A tenté d'augmenter l'Empire des François :
Et fl Fortune aduerféaux braues entreprifies
De voftre Majefté, nelesa toutesmifis
A bien-heureufiefin, toutejbis on a veu
Que vous aue? ojé (jfp que vous aue? peu.
Du premier coup d'effay Boulongne vousgai'
gnafies,
Dedans les eaux du Rhin vos cheuaux abreuuaftes
:
L'Eficoffois, dont le Sceptre efl maintenant à
vous,
S'efl faitgrand par voftre aide,$- l'Anglois,
qui de coups
Sefint encor douloir,mefimes en vofire abfience
A cogneu quepouuoit vofireforte puiffance :
Vousjiftes tout fioudainpar les eaux de la mer
Bien loin du bord François vos nauires ar¬
mer,
Et comme auantureux, vous conquiftes par
force
Maugré le Geneuois la belle Ifie de Corfie:
Maugréle Florentin auez deffous vos lois
Cfouuerné par trois ans lepeuple Siennois :
Etfous le magnanime ey fiage Duc de Guifie
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Naples/le droiél Françoifi , en fiayeur aue?
mifie.
Vous aue? de Calais regaigné voflre port,
Que les Roys vos ayeux ont cfliméfl fiort
Que non dufiulpenfier l'ofirent entreprendre:.
Vous Uue? entrepris (S; fi l'aue^fieu pren^
dre.
'Brefi, vous efles le Roy quiplus aue? efié
Et enguerre ey enpaix, quiplus aueztenté '
Lehaz^d de Fortune3ey commefurfit roue
Des Princes ey des Roys fi remoque ey fie
joiie:
Slie vous a monfire que peuuent les combas,
Aucuneficis en haut, aucunefois en bas
Elle vous a tourné : pour exemple qu'au
Monde
VnRoy,tantfiait-ilgrand,d'infortunés abode.
Or après mainte guerre ey mainte tréue
auffi,
L'vn des Princes Lorrains 'auec
Montmorency
Ont ramené la Taix , ilfiaut bien qu'on U
» Ceux qui la gardent bienJe haut D î E V let
regarde,
» Et ne regarde point vn Roy de qui la main
«Toufiours trempe fin glaiue aupauurefiang
humain.
»SlRE, ie vous fiuppli' de croire qu'il vaut
mieux
Se contenter dufien , que d'efire ambitieux
Sur les Sceptres d'autruy: mal- heureux qui
defire
Ainfi comme a trois dezha?arderfin Em¬
pire
Sous lejeu de Fortune , & auquel on ne fiçait
Si l'incertainefin doit refiondre au flouhait.
Que deflre?- vousplus f voflre France eft
fi grande !
L'homme qui n'efi content & qui toufiours
demande,
Quand ilfiroitvn Dieu, efi mal- heureux
d'autant

--... D ES POEMES: ltsi
tant.
gleterre.
Ur, Prmce, imagine?^ des Flamans la vi- Sus donc embraffiz-la,& embraffe? aufii
croire /-» a i * » ". \. J*
Quel honneur auriez-vous d'vnefl pauure morency,
., " ^esthonneur de Lorraine cW^Mont-
goire,
D auoir vn Roy Chreftien , comme vous , en-
Qui par diuers moyens d'vne entreprifefiacre
L'ontfaite à voflre honneur & à voflre auanéhaine,
Uffm
Etpar voflre Paris en triomphe menéf O PaixfllledeD i e v/ qui nous viensré-
ïl vaudroit mieux chaffer leTurc hors de U jouyr
{ Comme l'Aube du iour qui fait r'efianouyr
Qu^mifierablevitfiusleiougdedeftreffe, xAuccques la rosée vne rofefleurie
Que chaffer défia ville,ou daffommer de coups
Vn peuple wIesvs-Christ baptifé
Que l'ardeur du Soleil auoit renduflétrie :
auprès la guerre ainfl venant en ce bas lieu,
comme vous. Tu nous as réjouis , o grand' fille de Dieu.
fl vaudroit beaucoup mieux,vous qui ve- Chaffe ie tefiuppli' la guerre ey les querelles
nezflur l'âge Bien loin du bord Chreftien deffur les Infi¬
lagrifion,gouuerner vofire Royal mefinage, délies ,
Et vos petits enfans encores aux berceaux, Turc,Parthes,Mammelus, Scythes & Sarra-
Qit acquérirpar danger des Sceptres tout nou- flns,
ueaux:
Il vaut mieux viure en paix, c'eft à dire b)en
2tfiur ceux qui du Nilflont lesproches voifins:
Pends nos armes au croc , ey en lieu des baviure,
tailles
Ou bafiir vofire Louure, ou lire dans vn liure, Attache à des crampons les lances aux mu-
Ou chaffer ésforefls, que tant vous trauailler,
Etpour vnpeu de bienfi longtemps batailler.
railles ,
Et que le coutelas du fiang humain fouillél
Quefiuhaittez-vous plus ? la Fortune, efi Tendu d'vne couraye aufiourreaufioit rouillé^
muable:
Vous auezfat de vous mainte preuue hono-
Et que le corcelet au plancherfie moififfe,
Et taraigne à iamais fes filetsy ourdiffe.
Yable: Donne-nous que celuy qui fera le moyen
llfiuffit, ilfiuffit, il efl temps déformais '
Fouler la guerre aux pieds} (jjf n'en parler
Entre ces deuxgrands Roys de rompre le lien,
Meure trahy des fiens d'vne playe cruelle,
iamais. Et qu'aux champs les mafiins luy fiuccent la
« Tenfiz-^01^ eflre ®m ïhonneur du ceruclle:
mondepaffe, Que fes enfans bannis puiffent mourir defiain
» 71faut vn iour mourir quelque chofe quon D'huis en huis,fans trouuer qui leur jette du
face : pain-
» Et après vofire mort , fluffiez-vous Em- Donne-nous que celuy qui mettra fein (gjr
pereur, Peine
» Vous neferez non-plus qu'vnfimple labou- De tefaire régner, voyefa maifon pleine
nuYt Defaueurs ey de biens, fy qu'il voyefleurir
7)anc,S I R E,puisqueD I e V (quidevo- Ses enfans enhonneur auant que de mourir.
(Ire Couronne Donne-nous tout cela : donne-nous d'a-
Et de vous a pris foin ) Paix ffa fille, vous
^onm
uantage,
^Afinquele repos n'éuerue le courage
Prefent qu'il n auoit fait aux Princes vos De H e n R y nofire Prince en jeux valu-
ayeux: P1»*' . . . .,«..'
Gardez-bien ce ioyau, il vous enrichift mieux Qu'il fioit pour tout iamais (comme il eft)verz
Quefil auoit domtépar vne longueguerre tueux, ^
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n

__ .DES POEMES. ltCf
Zepauure laboureur qui conduitfia charrue, Les belliqueurs Romains qui vainquirent U
Celuy qui dauirons la marine remue, Terre,
LePre^reJAduocat,ey le Noble qui tient Ne pourraientfiégaler àfia bellevertu,
Le[fee a Jon cofle , d'aifie ne fie contient, Non pas ce Scipion , bien qu'il ait combatu
Ains le montreparfigne, &flamant de lieffe
Foule la guerre aux pieds , leflain ey la tri-
Le vaillant Hanmbal,& receu de Carthuge
Pour lesfiens& pour luy le fiurnom enpar-
PeJfe: tage:
Tant il efl de la France à bon droit efiimé, ' *Nylepremier (fefiarquimit deffous fia main
'Nondeconfifcationsnydebiens affamé, Par trop d'ambition tout l'Empire Romain.
Que la feule vertu fans reproche ey fians Ce neflpas de merueille enfiuiuant mainte
vice, , année
^Que l'effrit vigilant& le loyalfieruice Les guerres ,ji l'on trouue vne heure infior-
Qu ilafiait à deux RoysJe Cheualierpriué tunée,
L'ont au plus haut degréde la France éleué. De perdre vne bataille & d'eflreprifionnier,
Sus donc, Francefus donc, quegaillarde on Cela fouuent arriue à maintgrand (jheualicr:
te voye Mais tirer duprofit de fla propre défaite,
Parmi les carrefours dreffer lesjeux de joye :
Qu'on reffande du vin , ey que le peuple
Et faire d'vne guerre vne amitié parfaite,
Accorder deuxgrands Roys ,$ leurfléchir le
émeu cdur,
,'D'allegreffe , en danfint tout à l'entour du Etfiaire le vaincu pareil à fion vainqueur,
Jeu,
De chapelets defleursfi couronne la tefle,
Et d'vn Duc ennemy tirer vne alliance,
Et joindre efiroittement l'Efiagne auec la
JEt qu'à iamais le iour defion retourfioit fiefle.
Sus donc,embraffe-moy ce Seigneur defiré,
France
D'vn nuudquipour iamais en amourflentrer
Que hors de la prifon tu euffles retiré tient,
Aux deffens de ton fiang& de ta propre vie, Au /éW M o N T M o R E N c Y ce/? honneur
Et que le peuple auoit de racheter enuie, appartient,
'Si le Prince vainqueur eufi de grâce permis Qui plus a fiait pour nous» quefiil auoit par
Quvne riche rançon en liberté Peuft mis. armes
Rembraffe derechef ce vieillard honora- Déconfit tout vn camp de cent millegédarmes,
yie9 »D'autatque la vie efl meilleure que la mort,
Ton auifé Neflor, tonfiage Conneftable, » Et que la douce Paix vaut mieux que le
Lequel à fin retour ne te r'ameine pas
Querelle nydificord, nyguerre, nycombas:
difeord.
Cependant,mon Odet,de lafortune amere
Mais la Paix bien- heureufe à fion retour ar- Pren maintenant lefruit,en reuoyant tonfiere
r-me Et ton oncle enfaueur à l'entour de leur Roy,
Ceinte tout à l'entour des branches de l'Oliue. Qui plaignoit leur mal-heur aujfi bien corn-
Quel Paime , quel Laurier oferoit cou- me toy:
ronner " Et apprm déformais pour chofie très cer2
DWMoNTMORENCY,fW»f taine
pour nous donner » fe'«f fa Meunr de mlle CH¤ hfiZ
La Paix,ayant défait leMonflre de laguerre? maine.
MARCASSVS.
on ne doit weller 1 11 fe refioiiit auec le Cardinal de Chaftillon de l'heureux retour d'Anne de Mont*
On ne doit tppeuer i « ««- , ^ j comme dc la Deeffe
morencyConneft^
fomPalme fomll dernier 3 C'eft lulLcefar. u* ] Le Duc de Sauoye. 1
O O O o o iij
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M6 LE IL LIVRE
Lors ilietta la motte à ïabandon de l'onde-à
~~ ' Dont vne ifle fle fit la plus belle du Monde.
A IEAN MOREL, Ainfi, mon cher Morel, lafleur de
Ambrunois. rnes amis,
le tay offert le don lepremier qui flefl mis j
Vand Iafion & la fleur de la De fiortune en ma main , à fin qu'en quelque
vaillante Grèce forte
,v,,.r Portans leur mere au dosfur-* fie dejcouuriffe au iour l'amour que ie teporte}
Ï%Ê montèrent U preffe Comme voulant trop mieux te donner feuler
Vesfiablons de Libye^ à force de bras ment
Lapouffèrent au lac le parrain de Pallas : Vn don quifuft petit, que rien totalement,
. Triton le Dieu de l'eau découurant iufiqu'aux A toy qui as efigard au cJur de la perfonne,
cofles £t non à la valeur duprefent qu'on te donne.
Son beaucorps monftrueux, pour careffer fis Or cepetit labeur que ie confacre tien,
hoftes,
Leur donna le prefient le premier quiltrouua:
Efldc petite monflre,ey iele flçay très-bien:
Mais certesiln'eft pasfi petit que l'on penfit
Cefut vn verd gaZon de terre qu'il leua 'Peut- eflre qu'il vaut mieux que la greffe ap-
En hafte l'arrachant defon riuage mefme, parence
Et le mit en la main de l'Argonaute Euphe- De ces tomes enflez* degloire conuoiteux,
me, Quifintfarde? de motsfourcilleuxeyven\
Qmjoyeux le receut,bien qu'il nepenjaftpas teux, *
Que cefte motte fuft ( comme c'eftoit) grand Empoullez & mafque?joù rien nefi déceuuré
cas. Que l'arrogant iargon d'vn ambicieux tuure*
Orlanmétilfingea qu'vne douce roufée Ne vois-tu ces Chafieaux iuflquau G'cl
De laiét auoit par tout cefte motte arrouflée* éleuez
Qu'iltenoit chèrement embrafiée enfinfein, Tomber toufiours deuant qùilsfiaientparÂ\
Et quelle fie éhangeoit en fille fous fia main, cheuez
Et que luy tout ardant de la grand' beauté S'ils ne tombent du tout, volontiers quelque^
d'elle pierre
Accolloitpar amour cefie ieunepucelle, Toufiours dé quelque part trébuche contre
Quifiembloit dans le liél piteufiment crier terre:
Comme vne de quinze ans que l'on va ma-
rier.
Etpendant que la faUe ou U cuifine enfiait,
D'autre cofié la chambre, ou la tourfi dé-
Eupheme à fion réueil neperdit la mémoire fiait.
Du fonge merueilleux qu'il n auoit osé croire Je te confleffe bien-que lefleuue de Seine
Deuant qu'il appellaft afin confiaiJafion, ' A le coursgrand & longeais toufiours ilat-
Et luy eufi dit lefonge auenu duga?on. mine
Lors Iafion luy refiond :O Dieux que tel AuecJoy de lafange, fyflcs plis recourbez ,
augure
Promet d'heur fy de bien à ta racefuture !
Sans eftre iamais netsflont touflours embour-*
bez>
lette-moy cefle motte au profond de la mer, C'eflpourquoy de Cerés les minifires Meliffes
Les Dieux incontinent la feront transfior- Voulans de leur Déejfe orner lesfiacrifices,
mer Puifint en lafontaine,& non en ce's ton-ens
En Ifle, quifera la très belle nommée Qui tonnent d'vn grand bruitpar les rochers
There , de tes enfans nourrice renommée , courans.
De tes nobles enfans qui feront iufiqu'aux Petits Sonnets bienffaits,belles Chanfons pe^
Cieux tites,
De bouche en bouche aller leursfiaits viélo- Petits difeoursgentils,fiont lesfleurs des Charieux.
rites,
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DES P O E M E S. llC~
Des Slurs $ d'Apollon , qui ne daignent Ainfi en fiueilletant ce mien petit ouurage
aimer
Tufiçauras bien tirer(comme prudent eyfiage)
Ceux qui chantent vn nuure aujfi grand que Les vers qui fleront fiois , amoureux, éuentez,
la mer,
D'auec ceux quifieront plusgrauement cban-
Sans riue nyflansfond, de tempefles armée,
.Et qui iamais ne dort tranquille ny calmée.
Peut-eflre que ce Liure vn iour fle for¬
mera
En viue renommée, ey volant fimera
Tes honneurspar le Monde, ($f ceux dont ton
efioufie
Sa pudique maifin d'artifices difboufe:
Et ne voudra fouffrirque la defiite Mort
Emporte auec le corps vos noms outre le bord
Quon ne peut repaffer,fi ce nefl par la bar¬
que
Des vers, quifiont outrage àla cruelle Par¬
que.
Mats tout ainfl, M o R E L , que par les
beaux pourpris,
Oupar tes champs quiflont diuerfiementfleuris,
On void errer l'abeille , ey defles cuiffelettes
Ne prendre également des prez toutesfleu-
. . rettes,
Ma'tS auecpreuoyance vn iugement elle a
De cueillir cefle-cy, (ylaiffer cefie-la :
MARCASSVS.
Et plus dignes de toy, qui n'as l'aureille at¬
teinte
Sinon de chafles vers d'vne Mufie tres-fitinteà
Qui parlefiagement, & qui point ne rougit
De honte,ny l'auteur, ny celuy qui la lit.
Le fujeél amoureux que maintenant ie
traite,
Ne me veut concéder vneplume difirete,
Quifins choix méfiait dire ore mal, ore bien,
x^Ainfi qu Amour le veut qui m'a rendu tout
fien:
Imitant en ce poinél Nature ingenieufe,
Qui met en mefime prée vn e herbe venimeufi
Tout auprès d'vne bonne, eymet dedans les
Cieux
Vn x^Aflre qui eflbonprés d'vn malicieux:
» Et mefmesJupiter le bien eyle mal donne
» De fespipes là haut, à chacune perfonne,
» x^ifin qu'homme ne fioit parfait en ce bas
lieu :
» Qar laperfieélion appartientfeule à D I E V.
Quand nfon \ Sur la dédicace qu'il auoit faite de quelques Sonnets amoureux au fieur Morel Gentil¬
homme Ambrunois, il luy fait voir que les naïuetez font plus plaifantes & plus agréables aux bonnes aureillcs
que ces pièces que lafcience* le galimatias rend obfcures. Iafon ] Allantà la conquefle de la Toi¬
fon d'or. Quiconque voudra fçauoir les aduentutes de ce voyage fi fameux, faut qu'il life ou Valerius Flaccus
ou Apollonius Rhodius qui en ont eferit. leurmere] Au dos de leur nauire. Parrain de Pallat] Il
entend le lac Lenian où Minerue fut lauee par vn Triton. Eufkeme] C'eftoit vn ieune Prince Grec, com¬
pagnon dc Iafon. Beauté d'elle ] Aulicu de dire.de fa grande beauté. Confacre tien] Pour dire.quc ie te
confacre. Difîoufe] Pour,difpofc. Outragea la ?*raue] C'eft à dire, qui viucnt en defpit delà Parque,
qui tient'la vie de toutes chofes entre fes mains. Toutes fleurettes ] Au lieu de, toute forte dc fleurs.
ODET DE COLLIGNY
Cardinal de Chaftillon.
Out ce qui efi enclosfious la voûte
des Cieux
N'efifinon vn thefore ouuert (flp
fbacieux,
Oul'hommedejguifié, l'autrefansfaux vifiage
'louéfiur l'efihaujaut vn diuersperfonnage :
Où madame Fortune auxgrands (èfauxpe-
tits,
kA'wfi qu'vn bon Chorage , apprefie les ha¬
bits :
Quelquefois la Vertu/entendsfi la Fortune,
Qui fait ioiier lesjeux,ne luy efi importune.
L'vn joué auec l'habit d'vn pompeux Em-
pereur,
L'autre d'vn croéheteur , l'autre d'vn labou
reur,
L'autre d'vn mercadant i ainfi la force hu~
maine
Auplaifir de Fortuneau Monde fe demaine.
Teljouoit maintenant le Prince Agamemnon,
OOOoo iiij
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u6*8 LE IL
Ou Oedipe, bu Telephe,ou Aiax, ou Creon,
Qui deuiendra Corfaire ou Forçat qui chemine
Dans vn logis de bois augré de la marine :
Et tel eft dans du Pinfiur les ondes marchant,
Qui deuiendra fur terre Aduocat ou Mar¬
chand :
Et tel changeant d'habit contre-faifoit le mai"
flre,
Qu'on ne voudrait après pour vn valet co¬
gnoiftre>,
Ou floit que de nature on n'eft iamais contant,
Ou que le fort humain eft touflours inconflant.
Dés le commencement' que iefus donné
-Page
Pour vfer lapluffart de lafleur de mon âge
Au Royaume Sfioffois de vagues emmuré;
Qui m eufl en m embarquantflur la poupe ,
iuré
Que changeant mon efiée aux armes bien ap-
t Prfi>
I'euffepris le bonnet des Pafteurs de l'Eglifi,
le ne l'euffe pas creu : ey me l'eufl dit Pha¬
bus,
I'euffe ditfion Trcpied,&luy n eftre qu'abus:
Car i'auois tout le ceur enflé d'aimer les ar¬
\
mes,
Je vouloU me brauer au nombre des gendar¬
mes, v
Et de mon naturel ie cherchais les débats,
LIVRE
MARCASSVS.
Moins deflreux de paix , qu'amoureux de
combats.
Mais Fortune voyant que ie fiuiuois flans
elle
Mon inclination gaillarde *Jr naturelle,
Changea ma volonté, ey m'arracha dufiein
iJMa première entreprife ey monpremier défi
fein.
le deuins efiolier, ey mis mafiantaifie
Aufiolaflre meflier de noflre Poëfie,
Afin devousfieruir,(ijff les Princes de nom,
Tour enfiemble acquérir des biens ey, du re¬
nom:
» Car l'honneurfians le bien laiffé l'homme en
arrière,
» Et le bien fins l'honneur neprofite de guiere.
Puis que Protenotaire ilfiaut en bonnet
rond
Acheuermon roulet comme les autresfiont,
le vous pri' nefiuffrez (fi quelque foin vous
touche
De Ro'n s a R d qui vousfert &de cuur &
bouche)
Que l'enuieux vn iour ne luy reproéhepoint
De l'auoir veu io'ùer fians tiltre ($fmal-em-
point
Sans argent, endetté,fians table fyfians p

L'EXERCICE DE L'ESPRIT
»E L'HOMME.
DES î>OEMES;
tttfe)
r-t
Sonpais naturetJ>anéflîêtt7âûëcïesrDieux .-
Tuis ayant bien mangé defiafiainéte Am2
brofie,
Sur la traduction dc Tite-Liuc, faite
par Hameiin.
Redeualle enfin corpspour le remettre envie,
Qui pajméjommeilloit,ey quifioudain mourroit,
Si l'ame à retourner trop long temps demeuroit.
Ous nefiommespas naiz de la dure Si tofl qu'elle efl rentrée, elle luy commu¬
femence
Des caillousanimel: d'vne plus
nique
Ce quelle apprend de D i e y, luy monftre U
noble ejjence pratique
Noflre efirit eflformé, lequel a retenu Du mouuement du Ciel, luy marque les fran
ge naturel du lieu duquel il efl venu.,
Or tout ainfi que Die y en variant
deurs
Des Aflres ethere?, leurforce ey leursfflenexerce,
deurs,
Eftantfeul fimple eyyn, fapuiffance diuerfie,
Et fi monfire admirable en ce grand Vniuers
Des grands (ê; des petit*:w comme envne
villelie villelie
Pour la variété défies effeéts diuers:
Où chacun garde bien la police ciuile,
KAinflinoflre amefleule, image très-petite
De l'image de Die vje Tovt-Pvissant
On voit les Sénateurs au premier rang mar-*
chans
imite
Tenirleurgrauité, au fécond les marchant,
D'vnfiubtil artifice , ey défia De'ité
Nous monfire les effeétsparfia diuerfité.
Quand elle trouue vn corps d'vne maffe
Au tiers les artizans, au quart la populace :
Ainfi dedans léfiel les Aflres ont leurplace
Et leur propre degré, grands , petits, ^*
- _ /< egere
moyens,
Qui honore craintiffion hofleffe eflrangere, Delà maifion du Ciel éternels citoyens.
Et quifins grommeler obéitpromptement
Comme vn bonfieruiteur afin commande-
- me»t,
Elleluyditapresfiilya d'autres Mondes^
Et Nature reçoit lésformes vagabondes,
& le Soleil,fi Mars, eyfila Lune auffi
Elle acheue des faits qui donnent d'âge en âge D'hommesfont habitez comme efl U terre
Et d'elle ey defon corps iUuflre tefimoignage :
Car defon naturelfians quelque chofie ourdir,
icy
De villes,deforefls, deprez & de riuieres :
Oifiiue dans le corps nefe veut engourdir, Si leurs corps fiant forme? deplusfimples ma¬
D'autant que fan effence efl diffofle (^f mo¬ tières
bile,
Que les nofires mortels , quifiontfiaitsgroffe-
Et qui nepeut iamais demeurer inutile.
Comme vne bonne mere après que fionfils
ment,
Comme habitans ce fiombre ey grojfier élé¬
dort
Couché,feul au berceau , hors de la chambre
ment.
Luy dit commefie fiait lafoudre dans les
- fin,
Et dedans vn iardinfiefiat eyfiepromeine
Iufqu à tant que lefoin defion fils le rameine
Duquel elle eflfôigneufi, & le trouuantfieulet
nues,
Les grejles , lesfiimats , & les pluyes menues,
Vents,neiges , tourbillons,ey luyfait mefiurer
Le Ciel,la mer,la terre ,àfinde l'affleurer
Par myfieresfi hauts , que nofire ame efidi¬
Découurefia mammelle, & luy donne du laiét.
xAinfi noftre ame fiort quand noftre corps re-
Comme d'vne prifon où elle efloit enclofi
1 J i t->-
uine,
Ayantprifi de D I e V fia première origine.
Ellefiait que les vns deuiennent inuenteurs
St enfi promenant & joiiant par lesCieux, Desfecretsplus csicbeTjes autres Orateurs,
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ltJo LE IL LIVRE
Les autres Médecins : aux vns la Poéfle Nous apprend les combats des Trinces efiran-
Imprime brufquement dedans la fantaifie, gers,
Et aux autres la Loy , aux autres de pouuoir Et de ceux de nofire âge , & comme vnepein-
D'vn Luth bien accordé les hommes efimou-
UQ\r
ture
Nous repreflenteàl'-il toute humaine auen-
Aux autres deflacrer la vénérable hifloire ture :
Des humains accidens au Temple de Me- Nous montre qu'à lafin le mefichant efi deceu,
moire : Nous montre quel loyer l'homme iufte a receu,
Comme a fait cefi autheur,qui du peuple Ro- Afin quepar exemple vn chacun puiffefluiure
main Loin de mefehanceté le chemin debien-viure.
A deferit les combats,peuple quiflousfla main L'Hifloirefertaux Roys , aux Sénats, &
Tenoit ce que la mer dedansfis bras enferre, a ceux
Que nouspauures humainsfoulons nommer U Qui veulent par la guerre auoir le nom de
Terre. Treux :
Or ce peuple dépars iamais rien n'en- St bref, toufiours l'Hifloire eftpropreàtous
tréprit .^figes:
Enflespremiers combats,que Liue n'ait efirit,
Et n'a voulufiouffrir que ïenuieuxfilence
C'eflle tefmoin du temps, la mémoire des âges,
La maiflreffe des ans,la vie des mourans,
Engloutiflfans honneurla Romainepuiffance. Le tableau des humainsyniroir des ignorant,
Or luy grand difiourut , comme preuoyant Et de tous accidens meffagere éhenuë,
bien Par qui la vérité des fiecles efi cognue,
Que tout ce qui efi nédemitfinir en rien, Qui n'enlaidit iamais : car tant plus vieille
Et que Rome àlafin, fion marbrefyfionpor- elle efi,
phire, Plus elle femble ieune , fyplus elle nous plaift.
Sa hauteur, fia grandeur , ey bref tout fion
Empire
Or des Hifloriens nul antique n'arriue
Ny moderne à ïhonneur du Romain Tite-
Par lafiuite des ans deuiendroit vnTombeau, Liue,
Sur lequel le Pafleur conduiroitfion troupeau: Lequel (las!) toutesfois en ténèbres sfifioitl
lia contre le temps cefle Rome allongée St despeuples Latins feulement fi lifioit :
Par les doétesfilets d'vne encre bien purgée, Maintenant les François aurontfin belott-
Et dévne heureufie plume,outil duquel lefiort urage
S'oppofi à la rigueur du Temps & de la Mort. Traduit fidèlement en leurpropre langage
Qui cognoijlroit Heétar , qui cognoiflroit Parle doéîe Amelin, lequel auoit deuant
Troïle, En cent façons monftre combien ilefifçauani,
Ny d'Vlyffe lesfaits,ny le courroux d'Achille, Soit en Thilofiphie , ou en l'art d'Oratoire,
Alexandre, Cefiar,fians l'encre qui combat Soit à fçauoir traiter les faits de noflre Hi>-
Contre lafaux du Temps qui toute chofe abat? fioire,
Mais par-fur tout l' Hifloire efl vn bien Ou fioitpour contenter l'aureille de nos Rois
profitable Et par les vers Latins, eypar les vers Fran-
Et la plus propre à nous, quand elle eftveri- çois. A
ta^e: ^ Si les meilleurs autheurs de Rome$ de la
Elle fiait d'vn ieune homme vn vieillard à Grèce
t wtnl[ am> Efioient ainfitraduitsJa Françoifié ieuneffe
D'vn vieillard vn enfant , s'il ne cognoifl des Sans tantfi trauailler à comprendre des mots
vte,m^S . , , (Comme des perroquets en vne cage enclos)
Et des mutations les mifieres 'communes, Apprendraient la fiience en leur Propre lan-
Et l'heur$ le malheur des diuerfes fortunes. gage; .
L'Hifloire, fians nous mettre au hazard des Le langage des Grecs ne vaut pas d'auantagi
?*n&ers> Qjfe celuy des François,-le mot nefirtdcrien,
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e

-i
D E S P O E M E S. I17£
La fciencefait tout, quifi dit aujffbien Ainfi qu'vn propre acquejtftes artsj^r ta
En François qu'en Latin, nofire langue com¬ fiience:
mune:
Les mots fiont differens , mais la chofie efl
toute vne.
Etpource l'on deuroitpar prefins inuiter
Ce gentil Tranfiateur, afin d'en exciter
Cariamais moindrehonneur à l'homme n'eft
venu
D'augmenter richementfin langage cognu,
Quefiur les ennemis enfieruant fia Prouince
Milleparfion exéple à rendre en nofireFrance, Par armes allonger ÏSmpirede fin Prince.
MARCASSVS.
Nous nefommes] Apres auoir difcouru du profit qu'apporte THiftoire pour régler les mours de toute
forte de gens , il fe met fiir les loiiangcs du fieur Hamelin , touchant la tradudion de Tite- Liue. Des caiU
loux amme\] Les fables nous difent qu'il ne refta dans tout le Monde, après le Déluge vniucrfel, que Deucalion&Pyrrhe.
Ceux cy fe voyansfeuls, eurent enuie de repeupler le Monde, & pour ce fujet cn allèrent
demariderIesmoyensaTOracIedeThemis.il leur fut refpondu , qu'ils femaffent les os de leur grand' mere:
eux prindrent des cailloux delà terre* les ietterent par derrière : ceux que Deucalion ietta fc changèrent
d'Ithaque, qui eftoit au fiege de Troye
NARCISSE.
IEAN. D AVRAT
fon Précepteur.
\Vs dêpan,mon Da vrat, de
fion croctaMufitte ,
> Qui durant tout l'Hyuer auoit
efté muette,
Et loin du populace allons ou'ir la vois
De dix mille oifilets quifieplaignent és bois.
la des monts contre-val les tiedes neiges
chéent,
la les ouuertesfieursparles campaignes béent,
la l'efiineux rofier defilie fes boutons
Au leuerdu Soleil, quifimblent aux tétons
Desfilles de quinze ans quand le fein leur
pommelle,
Et fiéleue bofié d'vne enflure iumelle.
Ja la mergit couchée enfiongrand lit efiars,
Ja Zephyre murmure,$ ia de toutes pars
Calfeutrant fin vaiffeau le Noéher hait le
fiable,
Lepafioureau la cèdre,& letroupeau l'efiable,
Defireux dés l'Aurore aller brouter lesfleurs
Qui peignent les ruiffeaux de dix mille cou¬
leurs.
la l'arbre de Bacchus rampe enfla robbe
neuue.
Se pendà fis chéureaux,eyja laforeftveuue
Heriffe fia perruque, ey (ferés du Ciel voit
Déjà crefler le bléqui couronner la doit :
laprés du verd buiffonfurles herbes nouueUes
Tournaffent leursfiuféaux les gayes paflou-
reUes,
Et d'vn long lerelot, auxforefts d'alentour^ '
St auxprochains taillis racontent leur amour]
Cefte belle faifon me remet en mémoire
Le Printemps où Iafon effoinçonnê degloire
Ejleut lafieurde Grèce, eydefin auiron
jBaloya le premier de Tethys le giron :
Et me remet encor la meurtrièrefontaine
Par qui le beau Narcis aima fin ombre
vaine,
Coulpable de fia mort : car pour tropfie mirer,
Sur le bord eftranger luy conuient expirer.
Ilne fontaine efloit nette, claire eyfians
bourbe,
Enceinteà l'enuiron d'vn beau riuage courbe
Tout bigarré d'efimail : là le rofier pourpré,
Le glayeul, eyle lis à Iunon conflàcré
A l'enuy refiiroient vnefluaue haleine^
Et lafieur d'Adonis , iadis la douce peine
Delà belle "Venus, qui éhetifi ne fçauoit
Que le Deflinfl tofl aux riues le deuoit,
Pour eflre le butin des vierges, curieufes
A remplir leurs coflns de moiffons amoureufies.
Ny Nymphe,ny Syluain,ny bsufi,ny Pafloureau,
_^
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U7. LE IL LIVRE
Nydu haut d'vnhiffon Ucheme d'vn ra- Lafontaine vne larme, adieu tonvamamy:
JmM II ria rienpropre afoy, l image prefent ee
Ny faniler embourbé n auoient fion eau trou- Que tu vois dedans l'eau tul'asfiul apportée,
J y%e> *Et la remporteras auecques toy aufii,
Or le Soleilauoit fa chaleur redoublée, Si tu peuxfians mourir te remporter d'icy.
Quand Narciffe aux beauxyeux pantoifie- Nyfiaim, nyfroid, ny chaud, ny de dormir
ment laflé ternie
Du chaud éf à'auoir trop aux montaignes Ne peurent retirer fia mifierable vie
ç^a^ Hors de l'eau menfiongere , ains couche fur le
Vint làpour eftancher lafiif'qui le tourmente, bord
Mais las! en l'eftanchant vne autre luy aug- Ne fait que fiuffirer fous les traits de U
mente: Mort:
Car en beuuant à fiont , flonfemblant ap~ Ne fians tourner ailleurs fiafimplefantafie ;
perceut De trop fe regarder fisyeux ne rajfafie,
Sur l'eau reprefente, qui fraudé le deceut. Et par-eux fi confiume : à lajinféleuant
Helas quefieroit'il,puis que la defiinée
Luy auoit au berceau cefie mort ordonnée f
En vainfin ombreilaime, $f fimple d'effrit
Vn petit hors de l'eau, tendfies bras en auant
Auxforefls iïalentour& plein depitiégrande
D'vne voix caffe & lente en pleurant leur
çYoit
Quecefioit vn vray corps deflon ombre qu'il
demande:
Qui, dites-moy,forefls ,fut oncqùes amau-^
voit,
Et perdant la raifen fiottement ilf affole
reux
Si miferablement que moy fiot malheureux f
D'aiUader pour néant vne menteufe idole : Hé! viflcs-vOks iamais, bien quefeyez âgées
Il admirefoy-mefime,& fiur le bord fiché D'vne infinité d'ans, amourfi enragées t
'Bée en vain deffus l'eau, par lesyeux attaché.
Il contemplefin poil qui renuerfie fie couche
Vous leflçauez,forefls : car mainte & mainte
fois
Tout le longdefen dos , il voitfia belle bouche, Vous auez recelé les amans flous vos bois.
Jl voit fisyeux ardents plus clairs que le Ce que ie voy me plaifi, eyfi ieriay puifie
Soleil, fiance,
%t le luftre rafin deflon beau teint vermeil:
Il regardefies doigts fyfia main merueillable,
Tant iefiis defiflré, d'en auoir jo'ùiffance,
Ny tantfioit peu baifer la bouche que ie voy]
Et tout ce dont U efi luy- mefmes admirable. Qui cefemble me baifie ey s'approche de moy.
Il fi prije,ilseftime,^ de luy- mefime aimé Mais ce qui plus me deult, c'efl qu'vne dure
allume en l'eau lefeu dont il efl conflumé:
Il nefiait ce qu'ilvoit,& de ce qu'il ignore,
porte,
Quvn roc , qu'vne forefl , qu'vne muraille
Le defir tropgoulu tout le c luy deuore, forte
Las ! & le mefime abus qui l'incite à fie voir,
Luy nourrit l'efferance ($f lefait deceuoir.
Ne nous feparepoint,feulement vnpeu d'eau
CMegarde de joiiyr d'vn vifagefi beau.
Quantes-fois pour-neant defa léure appro- Quiconquefois , enfant , fors de l'eau ie te
chée prie:
Voulut toucher fon ombre ey ne l'a point Quelplaifiry prens- tuf icy l'herbe eflfleurie,
touchée? ' Icy la torte vigne à l'ormefiaffemblant
Quantes-fioispour-neant defioy-mefimes épris, De tous cofle?^ efiand vn ombrage tremblant:
Sn teauf efi voulu prendre ey ne J'efi iamais Icy le verd lierre , ($y la tendrette mouffe
P - Font la riue fiembler plus que le fiommeâ
Leue, crédule enfant, tesyeux, ey ne re- (
douce.
gar^e *~A peine il auoit dit,quand vn pleur re-
En vain comme tufais vne idole fuyarde : doublé
Ce que tu quiers n'efipoint :fitu verfisparmy (Qufcoula dedansteau)fion plaifir a troublé.
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f -- ....

,r bESPoÈMES. liri
N?r^f^a^^te^ Mais firay-ie toufiours cauchf deffuile
Nyjaieunebeautcn eft digne qu'on lefiuye. bord
^iaT"'^^^ ' l" Nymïh" de C°mme ^idfiunuUchrc en attendant la
mort ^
Ne m ontpoint defdaigne, ny celle qui la vais O bien-heureufi mort, hafie- toy, ie te prie
Fait retentir es monts d'vne complainte lente, Et me trenché d'vn coup ey l'amour& la vie,
htfin ontpoint louy dufiuitde leur attente, Afin qu auecques moy tevoye aufii périr
Car alors del amour mon cur n eftoit efloint (Sic'efl quelqueplaifirfie qui mefait mourir.
Pour aimer maintenant ce oui ne «,>,;,. // mok acbeuét quand ^ fiom gom *
point.
maintenant ce qui ne m'aime
goûte
Las ! tu me nourriffois tantofl d'vne efie¬ Vne lentefiueur aux talons luy dégoûte,
rance:
En l'onde tu tenais la mefime contenance
Que baifie ie tenois :fi mes bras ie pliais,
Etfeconfumc ainfi quefiait la cire aufeu,
Oui* *)u la neige de Mars qui lente peu àpeu
S\ "écoulefur les monts de Thrace ou d'Arcadie,
Tu mepliais les tiens : moy riant, tu riois,
Et autant quemon depleursfaifoit efpan-
Des rayons incertains du Soleil attiédie.
Si bien que de Narcis quifiut iadisfi beau,
dre,
Quiplus que laiéîcailléauoit blanchela peau :
Le tien d'autre cofié autant m'en venait ren¬ Qui defiont, d'yeux , de bouche ey de; tout le
dre.
vifage
Si iefiaifois du chefivn clin tantfeulement, Reffembloit lepourtrait d'vne Adonine image,
Vn autre clin ton cheffaifoit également :
Etfi parlant i'ouurois ma bouchette ver¬
Ne reftafieulement quvne petitefieur
Qui d'vn iaunefiafian emprunta la couleur,
meille,
Laquelle n'oubliant fla naiffance première,
Tuparlais, mais ta voix ne frappait mon au- Suit encor auiourd'huy la riuefontainiere,
reille. Et toufioursprés des eaux apparoiftau Prinle
cognois maintenant l'effet de mon erreur,
lefuis mefme celuy qui me mets enfureur,
temps,
Que le vent qui toutfoufle abat enpeu de tepsl
le fuis mefimeceluy , celuy-mefime que i'aime, Aux arbres la Nature a permis longue vie:
Rien ie ne voy dans l'eau que l'ombre de moy- Ceflefleurdu matin où du foir efi rauie.
mefime. Ainfi tordre le veut ey la necejfité,
Queferay-iechetififpriray-ie,eufiie doy Qui dés le premier iour de la natiuité
\Moy-mefime efirepriéfieporte auecques moy
Et ïamant ey l'aimé, ey nefiçaurois tant
Auonge ou raccourcit nos fiufeaux, fy nous
donne,
fdtn Non ce que nous voulons , mais cela quelle or-
Las ! que de l'vn des deux ie mepuiffe défaire. donne.
MARCASSVS.
Smdépanjnon Daurat] Apres auoir deferit le Printemps à IcanDauratfonPreccpteur.il luytaconteThîftoirede
l'infortuné Narciffe.Ceftui- cy eftoit le plus beau fils que le fleuue Ccphiffe & la Nymphe Liriope eu£
fent neu eneendrer. Sa beauté fut caufe de fon malheur. Car s'eftant apperecu dans vne fontaine il deuint fî
Daffionnément amoureux de luy- mefme qu'il en fut changé cn vne fleur qui en a retenu fon nom : dont les
CXsqun'auoientaiméàTenuycneurent plus de regret que dc fatisfadion quoy qu .1 les euft toutes^
fiCntmcfprifées. Pupomlace] Populace eft féminin. Tonmafent] Ceft vn mot que Auteur a faïc
î^nnSKndSournerV iâ] Aulicudc.Narciffe. lUdmire foy-mefne] Aulieudedire,d.J,d-
J^Ùm^ ^fi^l L'onJdit,farcfrembIance,pufonpourtrait,oufonimage Merueillable\
mire *°y-^"c" ois . on dû bien, efmerueillable ; mais ce n'eft pas ce qu'il veut dire. Il veut dire vne
^^^T^\tàortè^Ae!Ui^^ prendre; Ny celle] Il falloit dire, ny celle qui fait rcter,
Nos fufeaux] Qui deuidenr noftre vie. Il le faut entendre du
tiL"tx par les monts. 11 entend l'Echo. Nosfufe*»x]C " -
pouuoir qLla Théologie des anciens a donne aux Parques.
V PPPpp
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«74 LE IL
PROMESSE.
, 'Efioit
au poinél. du iour que les
finges certains
D'vn faux imaginer nabufient
les humains,
'Tar la porte de corne entrez en nos penfées,
Des labeurs iournaliers débiles ($f laflees,
Songes qui flans tromper par vne vanité,
Deffous vn voile obfiur monftrent la vérité.
* \siinfl que ie dormois donnant repos à l'a¬
me ,
Enfonge m apparut l'image d'vne Dame,
Qui monfiroit à fin port n eftre point de bas
lieu,
lAins fembloityà la voir,firur oufemme d'vn
Dieu.
< Ses éheucux eftoient beaux, (fff les traits de
fa face
Monftroient diuerfiment ie ne fçay quelle
grâce
Qu^ dontoit les plusfiers, ey d'vn tour défis
yeux
Euft appaifé la mer (Sfferené les Cieux.
Elle portoit aufiont vne majefté feinte;
Sa bouche enflou-riant de refis eftoitpeinte :
, Elle eftoit vénérable ,'& quand elle parloit
. Vn
parler emmiellé de fia léure couloit :
Elle auoit le flein beau, la taille droitte & belle:
Et foit qu'elle marchaftffoit qu'on approchaft
d'elle,
Soit riant , fioit parlant, fioit en mouuant le
pas,
Deuifant,dijcourant,elle auoit des appas,
Des rets , des hameçons, eyde la glus pour
prendre
Les crédules effrits qui la vouloient attendre :
Car on nepeutfiiiir, fi tofi quonl'apperçoit,
wQue defon doux attraitprifinnier on nefioit,
Tant elle a de moyens , d'engins , ey de ma^~
nieres
Pour captiuer àfoy les âmesprifionnieres.
. . Sa robe efioit dorée à boutons par deuant :
Elle auoit en fies mains des ballons pleins de
vent,
Des fixes pleins de fumée, ty des bouteilles
pleines
LIVRE
D'honneurs ey defiaueurs , ey de parolles
vaines :
Si quelque homme aduifêles caffoit de la main,
En lieu d'vn ferme corps n'en fiortoit que du
vain:
Telle enflure fe voit és torrens des vallées,
Quand le dos efiumeux des ondes ampoullées
S'enfle deffous la pluye en bouteilles, qui font
Vne monfire d'vn rien,puis en rien fiedeffont.
Autour de cefteNymphe erroit vne grand'
bande
Qui d'vn bruit importun mille chofes de¬
mande,
Seigneur s, foldats, marchans , courtifians, ma¬
riniers :
Les vns vont les premiersJes autres les der¬
niers,
Selon le bon viflage , ey Jelon U careffe-
Que leurfait en riant cefte braue'Déeffe :
Elle allaiélevn chacun d'efierance ,$" pour¬
tant
Sans efire contente chacun f'en-va contanû ,
Elle donne àceux-cy-tantoft vne accolade,
Tantoft vn clin de tefte, fy tantoft vn il¬
lade :
Aux autres elle donne ërflaueurs & honneurs^
Et depetits valets enflait degrandsfieigneurs.
±A fion cofté pendille vne grande Eficarcelle
Large,profonde, creufie, où cefte Damoifille
Découuroit fit boutique, fy en monfiroit k
fiont
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Tout riéhe d'apparence, à lafaçon quefont
Les marchands plus rufiez>àfin qu'on eufi
enuie,
Voyant l'ombre du bien, de luy fiacrerla vie.
Dedans cefie Efiarcelle eftoient les Euefihezt
AbbayesJ?rieure?,Marquiflats $f Duéhez,
ComteZtGouuernemens , Penflons, ey fians
ordre
Pendoitaufond du fie SainélMichel eyfion
Ordre,
Crédits , faueurs , honneurs , eftats petits ey
hauts,
Conneftables (y Pairs, Alareflchmx, Admi-
raux,
Chanceliers,Prefldens,ey autre maint office
Quelle promet à fin qu'on luyflace feruice.
Tous les peuples efioient enuieux (^ ar¬
dans

v DES pOEMES. IÏW
JUmMaufi. enflure , d, auoim tL* rf^'IF^'*''"??'"!9,'"*
mm J J »'c y @r auoient l ame D ou es- tu f d ou viens- tu ? & où te Ions-tu?
eimeue * ri >
7V ' /. . , -d voir tant eulement ta braue contenance.
Datrm, amhnon fî ,ofl qu,!s trient Vnmfmi* Um» n'asM Jf.
Il r- lance:
Jlsnepenfiient qu'en elle,&flans plus leurs Tes mains, tonfiontja face, & tesyeux ne
va -"f i r . font pas
^fiaient de la furprendre & d'y mettre les Semblablesaux mortels quinaiffent icy bas.
mains :
r ' . .
Et pource ils accouraient autour de l'Efiar-
tAinfi ie luy demande , ey ainfi U Déeffle
Me refiond à fin tour : ^4my, te fuis ProceUe>
méfie,
Commeguefies autour d'vnegrappe nouuelle.
Quand quelqu vn murmurait, la Damel'ap-
Dont le pouuoirhautain,fiuperbe eyfiacieu*
Commande fiur la Mer, en la Terreér aux
Pai!01t: Cieux:
Car de fiagibecière vn Leurre ellefiaifioit, Latroupe que tu vois, me fuit àla parole,
. Qu'elle monfiroit au peuple , $ comme trop Et pour vn petit mot qui de ma bouche vole",
légère,
Aux vns efloit maraflre , aux autres efloit
lefuis crainte ($ffèruie,($ffi puis efiranler
Le cpur des plus conftans , m'ayans o'ùy parmere.
ler:
L'vn deuenoit content flans attendre qu'vn l'habite ces Palais & ces Maifions royailes,
lQtiY * le loge en ces Chafieaux ey en ces grandes
L'autre attendoit vingt ans(mifierable fijour) Salles
L'autre dix, l'autre cinq, puis au lieu d'vn Qui ont les fioliueaux argentez ey dorez,
Office, Superbes en piliers de marbre elabourez-
Eflat,oupenflon, rembourfioit leurferuice, Les Roys , les Empereurs , les Seigneurs ey les
Ou bien d'vn Attendez, ou bien, Il m'en Princes .
fouuient: Ne peuuent rien flans moy : ie garde leurs
Mais tellefiouuenance cnflouuenir ne vient. Prouinces,
Le peuple, ce-pendant , fiujfloit à groffe le flateleurfujets, eypuiffante,iefiais
haleine, La guerre quand ieveux, les treues , ey la
Qui fiuant ey preffant ey courant mettoit paix:
peine le deflruy les cite?,ie perds les Republiques,
De courtiZer la Nymphe ., ($pd'vn curin- le corromps la luflice & les loix politiques,
donté, Iefiay ce que iéveux,tout tremble deffous moy,
Sans craindre le trauail, luy pendoit au cofié. Et ma feule parole efi plusforte quvn Roy.
Enpompe deuant elle efioit Dame Fortune, Lefioldatpourmoyjeuleabandonnnefiavie:
Qui fourde , aueugk ,flotte , ey flans raifion Celle du marinier des ondes efl rau'te,
aucune Flotante à mon fieruice : ($f tout hommefiça-
Par le milieu du peuple à l'auenture alloit uant
Abaiffanteyhauffant tous ceux qu elle vou- Pour penfer m acquérir, met la plume en
loit, amnu
Et folle èr variable,eypleine de malice Le barbu Philofophe en fion c me defire,
Mefbrifoit la vertu, ey cheriffoit le vice. Le Théologien en mafaueur reffire,
Au bruit de tellegent, qui murmuroitplus
i
Le "Po'éte efl à moy , à moy l'Hiftorien,
L'Architeéle & le Peintre, & le Muflcien -
Quvn grand torrent d'Hyuer,ie m éueille en
^ r r
furfi....,
Et voyant près mon liétvne Damefi "' belle, "
L'Aduocat enmon nom prefle fa confidence,
Le braue (fourtifian fe dejhutt de deffenfi,
, ... . .
Le * fit ' Protenotaire n - ifaire icy tcy icy tcy vient wen^pour vient wen^pour p m '-«'- auoir,
ppppjmj
-'** V P P b b u
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1176 LE IL L
CMiefwm les Cardinaux font joyeux de me
voir :
Le Prepdent, amy de la Loy plus fieuere,
Legraue (fonfituer meftime & me reuere.
I'ay touflours au cofté pendu quelque im¬
portun,
le ne chaffeperfonne, & retiens vn chacun,
Non pas également : car les vns ie colloque
xAuxfluprémes honneurs , des autres ie me
moque;
le les tiens en fuffens , puis quand ilsflont
grifins,
Mourir ie les renuoye auprès de leurs tifions,:
Les autres finement ie dèçoy d'vne rufi,
Les autres doucement ie pipe d'vne excuje :
leflatte en commandante tellement iefiay
Mefler bien àpropos lefaux auec le vray,
Que paiffant vn chacun d'vne vaine effe-
rance,
Chacun eft affeuréfans auoir affturance.
Or ji tu veux mefiuiure,ey venir de ma
part,
Je nvfieray vers toy de fraude ny de fard,
le te tiendray parole,& auras en peu d'heure,
Comme ceux que tu voisJafortune meilleure:
Tu es trop eficollier, laiffé tout ey me fiuy,
St deuiens habile home à l'exemple d'autruy.
Jefuis ,ie n'en mens point , bien aifie quand ie
trompe
ÇesflardezCourtifians enflez de trop depompe,
Qui toufiours importuns à mes aureiUesfiont :
Mats honteufie ie porte vne vergongne au
fiont,
Quand il mefaut tromper, par trop d'ingra¬
titude,
Ou les hommes de guerre, ou les hommes d'e-
flude:
Les vns gardent le Sceptre, (jfgf les autres des
Rois
Eternifent l'honneur par vne doéle vois.
le crainplus les derniers , d'autant que blanche
ou noire
Ilsfont, comme il leur plaift , des hommes la
mémoire.
Toy touflours bon vouloir, mais touflours ie ne
puis
Contenter vn chacun, tant quelqmsfievs iefiuts
D'affaires accablée : ey alors, commefige,
Jfe mefers au befoin d'vn gracieux langage
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IVRE
Pour retenir les ceurs des fujets : autrement
Jeperdrois mon crédit en vnpetit moment,
r- La parolle , Ronsard, eft la fleuk
Magie :
L'ame par la parolle eft conduite (§f régie:
Elle émeut le courage, émeut les pajfions,
Efmeutles volonté? ey les affections:
Par elle l'amoureux peut fléchirfi maiflreffe.,
Par elle l'vflurier adoucit fla rudeffe
Prefiant fians interefi, ey le courroux des
Dieux
S'appaifie par l'effort d'vn parlergracieux :
le m'en aidejouuenl comme d'vn artifice
Qui contraint toute France à mefiaireferuice,
Et c'eft lefeul moyen qui mon nomfait vain¬
queur,
» Car toufiours laparole efi maiflreffe du cceur.
D i e v mefime qui toutpeut,nefiauroit ia¬
mais faire
Que fia volontépuiffe à tous hommes coplaire :
L'vn defire lapluye,& l'autre le beau temps,
Et iamais icy bas on ne les voit contens:
Mais vne heure à lafin accomplit toutes cho¬
fes,
Touflours vne flaifion neproduit pas les rofii,
Et de tous les humains le fort n'eft pas égal,
Ilfiaut l'vn aprèsl'autre endurer bien & mal:
Et thomme quifi deult d'vne telle auanture,
Teche contre les loix du Ciel & de Nature.
Ainfi difioit Promesse, ey ie luy
rofyondi,
O vifage effronté, impudent (ffr hardi !
Apres m auoir trompéquinze ansfians recom¬
penfe
De tant de beaux labeurs dont i'honore U
France,
Me veux-tu re- tromper t va- t'en, ie te pro¬
mets
Tar mon fainétApollon de ne t aimer iamais:
Ce n'eftpas d'auiourd'huy que torifitrdiedé-
couure,
le tay mille fois veu'èen cesfialles du Louure,
Et tu m'as millefoispar ton langage beau
Pipé à Saint Germain, & à Fontaine-bleau,
Et en cesgrand's maiflonsfuperbes& Royales
Ou iam ais on ne voit les promeffes loyales :'
Pource va- t'en d'icy, car k te hay plusfiort
( Et certes a bon droit ) que ie ne hay U mort :
Tu as,commevne ingrwjmpudcmc, & rufiéej

n DES POÈME S'
L>e tes appas trompeurs ma ieuneffe abufc' as- . r . n^
T«^ /«itérerpour medcfaerr cJZj't ,r,
Qurnedonneslahayethnetenf^nu» vdM
t.« *tmfi^r mi Comtlhh ir jnité J:pxf:zfzs'
t i n quatre,
Tes valets ehontez,qui fiontfiaits à taguifi: C'eft figne d'inconflance , & le clur généreux
L^enfifiantlefin^ Ne ^ ,w ^fvn mef£7£ï
Lautrefait l entendu, ey l'autre lerufi: deux- J
^nfil'bommedebienefttoufioursabufé. , C'eflàfaire aux enfans ,& aux fimples pu-
Malheureux efl celuy qui te fluitfour fefaire celles J tcsF*.
Lejouet de tafraude>&fiable du vulgaire: Quin'ont rien devenu ny deparfait en elles*
ranger, _ Deffous fa Majefté tant de peuples fournis >
Que ie ne voudrois pas deux heures te loger, Lefquels tout d'vn accord admirent fr Pm+
Ny voir ny careffer .fors d'icy ypiperejje, dence, * - '
Tuportes à grand tort l'Eftat d'vne Dêeffie. Qui poifi tant de peuple en égale balance:
Ainfi toutfurieux la Nymphe ie tançais, Ouurage mal- aiflé ; toutesfois ellefait '
Quand elle me rejfond que ieflou vn Freçois, Que chacun vitfous elle heureux &fiàtis*
Inconflani ry bger, $- vray ment vn 'Poète, fait.
Qui aie cerueau creux eyla teftemal faite. OfRoYNE de biens & d'honneurs
Ilfiaut,ce me difioit, corrompre ton Defiin, couronnée,
Changer ton naturel, te leuerau matin, Ne veut comme autrefoisfi voir importunée}
Te couéher à mi-nuiél, $ apprendre à te Ou quepar la prière on force fon plaifir :
t^ive, Sa prouidence veut elle- mefme choifir
Et qui plus eft, Ronsard,^ n efire va- Les hommes vertueux , ey en crédit les met-
lontaire. tre ^
Jlfiaut les grands Seigneurs courtizer ey Les faiflant bien- heureuk auant que leurpro¬
chercher, mettre :
Venir à leur leuer, venir à leur coucher, Et c'efl le vray moyen d'auoir des fcruiteurs;
Se trouuer à leur table , ty difiourir vn conte, Et non pas d'auancer des fats ny des flateurs,
Eflre bon importun & n auoir point de honte. Qui fint autour des Roys éleue? en lafirte
Voyla le vray chemin que tudou retenir, Qu'vn marmoufitjaujfiu,qui rechignantfup-
Si tu veux promptement aux honneurs par- porte,
uenir, Ce femble, tout lefais d'vne voûte ,

11?8 LE tï. LIVRÉ
Et tout ainfi qu'on 'Voit en mieux changer Ainfi difoit P R O M E S s E , & bien loti
tannée, de mesyeux
Tupourras voir éhanger en mieux taDefiinée. Senfuyant de mon litfieperdit dans les Qeux.
MARCASSVS.
C'eftoit au fomtt ] Apres auoir deferit les beautez & les attraits de la Promeffe qu'il a veuë en fonge, il en dit
les imperfedions qui la rendent auffi noire, & auffi mefehante qu'elle eft belle en apparence. Songes certains]
C'eft lors que noftre ame eft moins attachée au corps, & fe promeine plus librement dans la cognoiffance des
chofes futures *. comme nous l'apprend Hippocrate au liure qu'il a fait des Diuinations qui procèdent des fon¬
ges. Par la porte de corne] Homère a feint que le fonge defeendoit du Ciel par deux portes,donrTvnc eftoit
de corne,* l'autre d'yuoire: qu'il fortoit de ccllc-cy pour tromper leshommes- deccllc-Ià pour les aduenir
des chofes à venir. Lifez Euftathius fur le fonge qui vint aduertir Agamemnon dans le camp, dc ce qu'il deuoit
faire. serenf] Rendu /erein. .A boutons] Auec des boutons. Du "\am] Il parle àla façon des Grecs.
Grand] Pour, grande. sacrer] Pour, confacrer. satntt Michel erfin ordre ] C'eft l'ancien Ordre des Roys
de France. Près mon lifl ] Prés de mon lid. Toute France ] Pour, toute la France. Ce me difoit] Ce mo
difoit- elle.
PARADOXE.
AV ROY CHARLES IX.
E voudrois bien , o Pallas , te
éhanter,
Mais ie ne puis vn ouurage in-
uenter
Digne de toy, digne de ta puiffance,
Ny du cerueau dont tu pris ta naiffance,
Quand ejbranlant vn bouclier Gorgontin
Tu fis trembler tout le Ciel aimantin.
Il efl bien vray que noftre ame diuine
Peut inuenter fuiuant fin origine,
Etpar efirit flen- voler dans les Cieux.
Mais dequoyfiert ce titre ambitieux,
Quand les Lions bien arme? de nature,
Font par les champs des hommes leur paflure,
Etplus puijfans enfknglantent leurflanc,
Ongles (èf dents toufiours en nofire fiang t
Et toutesfois l'hommefe vante maiftre
Des animaux , dont la nature ey teftre
Et le berceau où il eft attaché,
Monftre qu eftre home eft prefques vn peché-
'Bien peu nous fert la race Titanique
De Promethée ey fion argile antique,
Et le feu pris en la haute Maifon
Contre vn Lion qui n'a point de raifon.
Les feules mains qui en dix doigtsf allient,
Qomme ilnousplaift qui fiouurent &fi plient,
Nousfiont fieigneurs des animaux; ey non
Vne raifon qui n'a rien que le nom,
%en qu'arrogante ey venteufefie fie
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Aux fats difleours de la Philoflpphie,
Laquelle en vain au Ciel veutfaire aller
Nos corps bourbeux qui ne peuuent voiler.
Voyez-vous, pas que ceux qui dés naiffance
Perdent efirit, raifion & cognoiffance,
Fols, idiots, la honte des humains,
Font feulement (pour manier les mains)
Crainte au Lion $f au Tigrefiauuage :
Tant vaut la main eyfion gentilvfagei
Si les Sangliers, les Tigres, £y les Loups
Auoient dei mains ey des doigts comme nous,
Ils fieroient Roys des terres ou nousfemmes,
Et donneraient commandement aux homme» .*
» Mais bienpeufert vn cnur fiuperbe & haut
« A t ennemy quand la main luy défaut.
La mainfait tout : les muraillesfintferma
Tar noftre main : la mainforge les armes,
Etfait tourner en côutres bien trenchans
Le rougefer laboureur de nos champs.
La main ourdit rets, cordages ey toiles,
Creufie les nefis, leur attache des voiles
%*Auhautdumafi,les ailes des vaiffeaux.
La main bien jointe en cinqfeuples ra-
meaux.
Commence tout ,parfait tout , ey ne ceffe
De trauailler, des mefiiers U Princeffe,
Qui peut fon uure aux Efloilles pouffer, *
Royne des arts,miniftre du penfer.
Les Mainsfiont l'home,& lefiont de la befte
Eftre vainqueur, non les pieds ny la tefte. .
Ta main, Pallas, ton Oliuier planta,
Huile fy preffoùers ta main nous inuenta,
Filer la laine, efiarder & la teindre,
Vn bel ouurage auec l'aiguille peindre

DÈS
POÈMES. ïiyy
Dejbye$ d'or :par là tu te vengeas
Bien que diuin , fians l'aide de U main :
Quand en Araigne Arachne tu chameau, Et ie diray comme ma fiantaifie
Etpour chef-d'Suure& l'honneur de ton voile Fut réueillée en telle Poëfie.
Tu la fis pendre au milieu de fa toile.
Voyant vn Loup qui mangeait *vn Tau¬
j Par les cinq doigts les homesfiefontpreux: reau,
Que diray plus ? la bataille de Dreux, Et menaffoit des dents le Paftoureau,
De Sainél Denispar la mainfiut gaignée. Le Pafleurprit par vn cas d'auenture
fii la raifion n'en efl accompagnée,
Deux longs coufteaux pendus à fa ceinture,
Ce nefl que vent, d'autant quelle ne peut Et lesfaifant l'vnfur l'autre choquer
Paracheuer les deffeins qu'elle vepit.
J'ay , mon grandPrince, en ce vers
Fit peur au Loup : voyant le Loup moquer
Par telle rufie, ey d'vne main fi prompte,
mémorable
l'eu tout le ciur enuironné de honte
Dequoy perfonne encores n auoitfiait
Eflcrit des Mains la louange admirable :
Car peu vaudroit l'entendement humain,
MARCASSVS.
L'Hymne des Mainspar qui tout fe parfait.
leyottdroii] Paradoze, n'eft qu'vne preuue que Ton fait contre l'opinion commune de quelque chofe.faufTe
ou vray-femblable, que Ton veut neantmoins faire paffer pour véritable , comme icy noftre Poëte nous defire
prouuer que nous fommes inférieurs aux animaux* noftre raifon à nos mains. Ducerueau] Elle nafquitdu
cerueau de Iupiter. Gorgotêin] Sur lequel eftoit peinte la Gorgonne. Nous en auons parlé ailleurs. Plus
jfuijfans] Ily manque.quenouSjOiiqu'e'ux. Vante maifire] 11 falloit dire,d'eftre maiftre. Titanique] Il entend
les Titans, qui furent les plus puiffans de tous les hommes. Promethee] C'eft celuy qui forma vn homme de
boue* l'anima par le moyen du feu qu'il déroba du Ciel;* c'eft dequoy il parle au vers fuiuant. ^frachne~\
C'eftoit vne fille d'-ldmon, laquelle fe voulut préférer à Pallas : mais fon ouurage ayant efté mefprifé , elle fe
pendit,* fut changée en Araignée. Lifez Ouide. Freux] Vaillants. Que diray plus] Au lieu de dire, que di-
ray-ie plus? De Dreux,De S. Denis] C'eftlafeconde bataille gaignée par le Roy contre les Huguenots :1a pre¬
mière par Monfieur de Guife François de Lorraine,où le Prince de Condé fut pris : l'autre pat le Conneftable»
où il fut bleffé à mort par Stuard Efcoffois.
LES N FE S,
o v
NOVVELLES DE P. DE
Ronsard Vendomois.
£efte pièce &: la fuiuante, n'ont efté impri¬
mées durant la vie de TAutheur.
i Vand le Soleil,cegrandflambeau
qui orne
De flon regard le front du Ca¬
pricorne,
Retient plus court le frein defles cheuaux,
Et pareffeux n'allongefis trauaux,
Monjlrant au Monde vne face lointaine,
Palle , défaite, inconftante, incertaine,
Qui ne veut plus de rayonsfi peigner,
Maisfiait fimblant de vouloir de]daigner,
Par vn amourfroidement endormie,
La befle Flore fa la Terreflamie.
.yidonctHyuer, que la ieune flafin
Du beau Printemps enchaifinoit en prifon,
Vient défiler les fuperbes courages
Des vents armezdegrefies & d'orages,
Qui tout fioudain, comme fieres mutins,
Frappent les monts , defiracinent les Tins,
Et d'vn grand bruit àla riuevoifine
Flot deffus fiot renuerfent la marine
Blanche d'eficume , ey aux pieds des rochers
Froifjent, helas lia maiflon des Nochers,
Faifant branfler flur les vagues profondes
Les corps noyez pour le jouet des ondes,
lettez *pres deffus lefable nu,
Hofies puants du riuage incognu.
L'air ce-pendant qui s'imprime des nues
Forme en fan fin des Chimères cornues,
Et corne il plaifi auxgrands vents de faufiler,
On voit U nu'ê eftrangement f enfler,
Reprefentant en cent diuers images
Cent vains pourtraits de differens vifiages,
Qui du Soleil effacent le beau front,
Etfur la terre effroyables fefont :
Car dedans tair telles feintes tracées
Des cnurs humains eflonnent les penfiees : .
L'vne en fautant ey courant en auant,
PPPpp Hij
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12 8o LE IL
Vuide,flans poids, fert d'vne balle au vent:
Uautre chargée efl confiante en fa place,
,L'vn efi de rien, taure eft pleine de glace,
L'autre de neige, fa l'autre ayant le teint
Noir, azuré, blanc ey rouge flefireint
Comme vne effonge aux fommets des mon
t Agnes :
Uautre faualle auxplus baffes campagnes,
Etfe rompant en fljjlemens trenchans,
Verfi la pluye eyarrofi les champs.
Vn tel brouillart deffus Taris arriue
Quand de fes rais noflre Soleil nouspriue,
Et que bien loin il emporte autre part
Sa Majefié, qui le iour nous départ,
Auec la voftre & celle de fon Frère,
LIVRE
L'autre au contraire après laifféplouuoir T
Que la Preflrifi ardant cfiait mouuoir
Guerre à Geneue* fa que jà la Sauoye
Sous fin grand Duc en a trafié L voye :
EtqueleK.0 y à flon âge venu,
Les doit froiffer comme fablon menu,
Les puniffant de leurs fautes commifis
D'auoir pillé Jon bien ey fies Sglifis.
L'autre fiudain en cheminantpar l'air,
Tout en vn coupfi chargefiait couler,
Verfiant par tout que la partie eflforte
Des Huguenots ey des Rfimains, deforte
Qu'il nefaut rien remuer des deux parts,
Que le profit en viendroit aux floldarts :
Et que le R O Y de puiffance affeurée
Car fins vous deux la Jienne nefl pas claire, yi fiait t Edit d'éternelle durée ;
Incontinent que le Ko y, noflre iour, Que le Papifte àflesMEssES ira,
Noflre Soleil, fiait ailleurs fionflejour, Le Huguenot duprejehe louira.
Et -que tournant les rayons defia fiace L'autrefait choir qu'on brajfle quelque chofe,
Loin de nosyeux, reluit en autre place, Dont la menée encore n'efi déclofi :
L'Hyuer nous prend : lors mille imprejfions Et que bien toft on verra de grands cas.
Sefont en l'air d'imaginations
Puis l'autre au Turc fiait auancer lepas,
Qui d'vngrand tourfiepourmeinent enfiemble, Et va fiemant que fa grand Cymeterre
' Puis tout le corps en vn monceauf affemble, Doit commander bien tofl à noflre terre,
Et ce monceau quifiantaflique pend Et que pour trop difiuterde la Foy
Deçà , delà , diuifléfie reffand
A la parfin nous n'aurons plus de Loy.
En cent façons , ey fie démembre en nues,
Non pas degréfle ou de pluyes menues,
Neiges,fiimats , ou de glace qui perd
Vautre, en ouurant fes ombres effaiffies
Pleines d'horreurffait cheoir des prophéties,
Qu'on dit venir du cabinetdeDluv:
Le ieune bled deffus le Jillon verd.
C'efl qu'au Palais il n'y a plus de lieu
L'air imprimé ne reffand chofies telles Pour nofire Prince,fa que c'eft certainfigne
Deflus Taris : mais cent mille nouuelles, Que de nos Roysprochaine efl la ruine:
Quifontpleuuoir, bruyantes d'vn grand fin, Et que la France, après tant de dangers,
Leurs nouueautez en diuerfie façon.
A l'impourueu tantofl vient vne nu'è,
Doit enrichir les Sceptres efirangers :
Et que duhYsla royalle teinture
Et ne fiait- on comment elle efl venue, ' Des Leopars deuiendra la pafiure.
Laquelle efiand , que les Huguenots flont
Vn grand amas , & qu affemble? fefont ;
Et qu'au Synode ils ont conclud deprendre
On dit, alors que le Palais fiut fiait,
Qu'vn grand Deuin en fion art tres-parfiait,
Trophetifia qu'après vn long efface,
La force en main, ey trompe? nèfle rendre Quand au Palais n'y aura plus de place
Sous vne paix , qui fiiuolle, retient Poury dreffer l'image de nos Rois,
Que l'Euangile en lumière ne vient,
Et que bien tofi les peuples d'Allemagne
Viendrontpour eux couurir nofire campagne,
Que tout fiudain l'Empire des François
Seroit defiruiél, ouferoit en difeorde,
T7. * *- I t» r
Et qu'a cela B r i"g i d e fy accorde ;
Pareils en nombre aux fiablons de la mer, êV ceux qui pleins d'vn prophétique effrit
Ou auxflambeaux que l'on voit allumer
Aux nuits d'Hyuer, quand la grand couuer-
Auant mille ans delà France onieficrit.
L'autre en tombant vne frayeur difiille
ture
Du (fielardantefi bien claire ey bien pure.
Quifait trembler les peuples de la ville;
C'efl que lefang des fidèles vangé
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D E S p
Voirra bien toflpar armes fiaccan
(fe grand Paris, comme ville maudite :
Que fia ruine en cent lieux efl prédite,
Pourle loyerdauoir tant refifié
%A l'Euangile fa à la vérité.
L'autrefioudain en gouttesfi diuifie,
Et va pleurant le tort fait à l'Eglifi,
Et qu'on voirra noflre Sceptre perdu
Tant que le bien deDi ev fiera vendu:
¤t qu'a celuy qui en fit U menée
Le Ciel apprefte vne mauuaifi année.
L'autrefait choir deffus Taris efiais,
Qu'on va iurer plus que deuant la Taix,
Pour affoupir toute querelle efimeuë,
et qu'à Narbonneon doitfiaire vne veuë,
Entre le Roy d'Efiagne fa noftre Roy:
Et que tous deux , pourfioufienir la Foy
De leurs ayeux,prendront bien tofi les armes:
Qu'on voit déjà l'appareil des gendarmes
Comme àfius-main finement fie dreffer,
Et qu'on voirraplus qu'on ne doit penfer.
L autre qui vient de pefies toutepleine,
D'vn bruit commun va fiemant qu'à grand'
peine
Le Ko y fera fin chemin tout entier : -
Et qu'à grand'peineil voirra le cartier
De la Prouence eyde tout ce riuage,
Qu'vn grad Seigneur ne meure àjon voyage.
L'autrefiudain ainfi qu'vn bel eficlair
Qui du Ciel tombe eyfeffand dedans tair,
Defin regard appaifant les orages,
Fait diftiUer cinquante mariages :
Que noftre Roy pour aifie repofêr,
De ïEmpereur doit lafllle efioufier,
Et que bien tofl on doit faire la nopce
D'vn Espagnol à la Royne d'Ejcoffe :
Et quvn Anglois fifortunéfera
Que fla Maiflreffe vn iour efioufiera :
Et qu'vn François , pourplus hautainfi ren¬
dre*
Des ^Allemansfi veutfaire le gendre.
L'autre enchangeant de menaces,prédit
Que noftre P R î N c E e« armes fiera dit
Lopins puijfant des Princes detEurope:
Et que vainqueur en conduifant fia trope,
* Tar les Lauriers ey les Palmes fiera
Ce Roy quifeul U France refera.
L'autre en Jemant,d'vn iour enuirannée,
Vofire vertu ey wftre Deftin ée
O È M Ë §.
iitft
Et voftre efirit, refionne que nos Rois
N'ont^ pasfibien par la crainte des Lois
Gardéleur Sceptre,oupar U violence,
Qujfvous, Madame, auec voftre prudence :
Et à ce bruit le peuple qui flefint
Voftre obligé, d'vn accord s'y confient.
Quandfiur Paris ces nuespaffageres
Ont defichargé leurs nouuelles légères,
Le bruit qui vole fa reuolefioudain,
Dreffe taureiheyramajje enfion fein
A pleine main ces nouuelles venues;
Puis au Palais,puis par toutes les rues
Par les maifions il lesfieme à monceaux,
Et fiait courir mille propos nouueaux
Faux,vrais,douteux : car tantofl en taureille,
| Tantofl bienhaut il raconte merueille,
Trifie tantofi, tantofi ioyeux fagay
Méfiefi bien lefiaux auec le vray,
Que des propos racontez à la troupe
Chacun enparle,fa en diflne? ey en fioupe :
Mefime en dormant on ne peut retenir
L'effrit efimeu de fon refouuenir.
Mais vous, Madame, à qui la fiainéle vie
Donne l'honneur defurmonter l'enuie :
Qui mefirifizd'vn cur fiage fa prudent
Toutefortune ey mauuais accident,
Deffous vos pieds vous prejfizees nouuelles^
Tleines de rien,fans vous effrayer d'elles :
Etfans auoir ny crainte nyfouci
T>u peupleflot, ny de fa langue auffi,
MarcheZiDéeffe,au milieu de nos Princes,
Reuifitant les Royalles prouinces :
Et d'vn gil prompt vos fiubiets remarque^
Les vns en biens hautement colloque^.
Les autres non : carfilon le mérite
Vous les'traittez d'vnefaueur petite,
D'vne moyenne, ou d'vne grande, a fin
Que le caquet du Courtifian trop fin,
Comme importun voflre efirit ne deçoiue,
Et que l'honneur enflatant ne reçoiue
Du vertueux , qui a mieux mérité
D'eflre de vous benignement trainé.
Donc à bon droiét, comme mere fiubtile
D'heureux confeil, mene?fie ville en ville
Voflre fils Roy, & luy monfire?j:ombien
Au Princeflert de cognoiflrefion bien s
Lefaçonnant dés ieuneffe aux affaires
Qui fint aux Rois propres ey neceffaires :
iA fin qu'vn iour en âge paruenu,
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nfc, LE IL
Ayant beaucoup appris (y retenu,
Defion efirit,fans aide deperfonne,
Il puiffe feul gouuerner fa Couronne :
Sans fie fier , comme vn Roy pareffeux
Et fiai-neant, aux flateurs, ou à ceux
Qui déplus près pendus à fis aureilles,
Sans nul ejfeél luypromettent merueilles,
Pillant le peuple ey rauiffant le bien,
Commeil leur plaifi, quand le Roy n'enfint
rien.
Ainfi, ^Madame,an chante que Cybelle
aimantfion fils d'vne amour naturelle,
MARCASSVS.
LIVRE
Son petit fils Jupiter, le tenoit .
Entre fies bras, fa par tout le menait
Voir les citez , les villes ey la terre :
Tuis dans la main luy bailla le tonnerre,
Et le pouffant iufqu au fiommet des Çfieux,
Pour fa vertu le fit maifire des Dieux.
Ainfivous deux, après longues années
Qui du Defiin vousjurent ordonnées,
Irez au Ciel , ey comme deuxflambeaux
Vous reluirezen deux*aftres nouueaux,
Fauorifiant d'vne heureufe inftuance
Vos héritiers, les Roys & voflre France.
Quand le Soleil ] De mefme que les tempeftes, les grefles & les frimats s'approchent à mefure que le Soleil
s'efloigne de nous : qu'ainfi la peur, les prétextes .les deffiances & les faux bruits fe coulent parmy le peuple
durant Tabfence de leur Roy. Capricorne ] C'eft le dixiefme figne du Zodiaque. Quand le; Soleil entre dans
fa maifon, nous auons le folftice d'Hyuer. Flore] C'eft la Deeffe des fleurs. Des chimères ] Ariftophane
dit dansfafeconde Comédie , qu'il n'eft rien que les nues ne reprefentent enl'air. Diuers images ] LesFran-
çoisfonttoufiours.image, féminin. SaMajefe] Charles IX. SonFrere] François II. Pour atfe repofer]
L'on diroit , pour fe repofer à Taife. lafille ] C'eftoit Elifabet d'Auftriche qu'il cfpoufa du depuis. D'yn
Ejfiagnol] le me doute que c'eft le Roy Philippe auec la Royne vefue de François 1 1. Qu'yn^Angloh] Auec
la Royne Stuard. Et ^u "m François ] C'eftoit vn Prince Huguenot. Madame] C'eft la Royne-mere.
Raconte merueille] On dit, raconte merueilles, & non, merueille. CybeUe] C'eftoit la mere des Dieux, do; dont do; dont
nous auons parlé ailleurs.
AV TRESORIER DE
% L'E
S P ÀRGN E.
Eflçay, More av, les affai-
., res de France :
le fçay combien nofire Prince
a fiuffr/tnce
D'argent ( le nerfdesguerres ) fa ïentens :
Crier au camp les fioldats maLcontens:
l'oy d'autre part la Prouince affligée
D'impofts, tributs, ey détailles mangée,
Qui donnefing& entrailles au R o Y,
A longs foufiirs fie lamentant dequoy
Rien n'eft payé,fians que pourtant on laiffé
De la charger d'vne angoiffeufle preffe :
Comme lefleuue en la marine court,
Tout cefl argent tire deuers la Court.
La Court qui eft comme vn homme hydropique,
Qu^plus il boit , plus la fioif domeftique
Lefait reboire , eyfi n'en eft nourry:
Car fin foye eft vlcereux eypourry,
Qui nefiauroit digérerfin breuuage :
Maïs le tournant en tres-mauuais vfan,
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Bouffit le corps, qui toutefois n'eft pas,
eftant enfle, ou plus flain , ou plus gras :
%*Ain(i pour voir les efbonges ventreufies
De noflre Court , en argent plantureufies,
Çroffes de biens , il nefaut pas penfer
Que pour cela leur fioifvueille ceffer.
Plus ils en ont, plusJe plaignent ey deuient]
Plus flont enflez » plus d'enfleures ils veulent.
Ilfiaut chaffer quelques Italiens,
Les vrays corbeaux rauiffeurs de nos biens,
A qui la éhair ey la graiffe efl donnée:
Qui neflont pas comme la Cananée,
Se contentans des miettes de pain,
Maisprenant tout nousfont mourir defiain,
Etfi auons la maéhoire affezdure
Pour mangerfieuls noflre propre paflure,
Sans que l'on voye vn Meffer eflranger
Venir le bien à nous pauures manger,
Pour balancer feulement vne aureille .
Regarde- moy dés la mer dc Marfieille
Jufques au Havre, ah ! autrefois Anglois;
Voy la Bourgongne,& les éhamps Lyonnois,
Ceux ont en main les plus gras bénéfices,
Daces, impofis,ey les meilleurs offices s
Oit les François ne flont recommandez «

Nefitisfiaiétsfinon d'vn Attendez.
DES PO
Jl nefaut plus que /«Royne baftijfi,
Ny que fia éhaux nos treflors appetiffe ,
Malins fufit fans en baflir ailleurs.
Teintres, Maçons, Engraueurs, Entailleurs
Succent l'Effargne auec leurs piperies :
Mais que nousfin flon lieu des Thuilkries ?
De rien, Moreav,« n'eft que vanités
Deuant cent ans fera deshabité,
Et n'y aura ny fieneftre ny [allé ,
Leton entier, corniche ny oualle.
Son plus certain ,fin Palais leplus beau,
C eft Saint Denis, quand auprès du tombeau
,, Deflon mary dormira trefbaffée ,
Ajoinétes mains , à closyeux renuerfie.
Il nefaut plus qu'en temps de paix le Roy
Donnefis biens fans cognoiftrepourquoy
Prodiguement ces richejfis il donne
A quelque nombre, ey defiruit fia Couronne,
Quifuis en fiant fagraiffe fa aliment:
Les autres n'ont aucun nourrijfement ,
Languiffans fies comme membres eéîiques.
As-tu point veu dans ces fiables antiques
1JnRoyThiné& aueugle, qui n auoit
Dequoy manger , quand mangeril deuoit :
(far tout fiudain les Harpyes gourmandes
Hors defa main rauiffoient les viandes ,
Et fins laiffer à fis pauures firuans
IJn feul morceau ffe perdoient dans lesvens f
Si des François l'innombrable finance
,, Alloitpar ordre , fapar iufie dépance ,
Chacun pourrait aifémentflen fientir,
Etfin auroit au crurvn repentir
,, De hasarder pour le Prince la vie.
Quand des François la bourceeft biengar¬
nie ,
Et quandl'argent s'y conte à grands mon¬
ceaux ,
Quand tory court comme l'onde aux ruifi-
fleaux ,
Chacun bénit le Prince (y fia Couronne;
Ale firuir éhaudement on s'addonne,
On meurt pour luy : maïs quand l'argent
défaut,
L'efirit languit , & le cur n'efiplus éhaud,
Chacun efl froid enfin debuoir, fa lafiche
^A s'acquitter dignement défi tafiche:
Le plus vaillant deuient roffe & couard,
Lefied argent pouffe l'homme au hazard:
e m e s:
Le régiment de S T R ô s s y , qui égale
«8j
En combatant la fureur Martiale,
Deuient toutfroid, fa mefmes au befoivg
Aux Cheualiers tremble la lance au poing,
Et tout armépour-neant il s'efforce.
,-, L'or efl le nerf, £r du nerfvient la force.
Le bon Çourfier au combat diligent
Sçait quandfin maiftre eft bien garny d'ar¬
gent :
x^iueine ffoin , fa tel autrefourrage
,, Ne luy deffaut ; alors d'vn gf and courage
j, Prefle le dos à fin maiftre , ey ioyeux ,
» Par les combats le rend viélorieux.
Quant eft de moy,flcet aloy ne fionne
Dedans mon fie , mon euterpe friffonne,
le deuiensfroid , compofler ie nepeux :
Mais quand i'en ay iefiay ce que ie veux.
D'où vient cela , que ceft or , que la terre
Si loing de nous en fies boyaux enferre ,
Et qui n'a rien en l'homme de commun,
Nous donne vie , ey nourrit vn chacun f
Le bled qu'on mange entretient la perfonne,
Le vin qu'on boit nousfait la force bonne,
La éhairfle tourne en aliment bénin j
Mais cefl argent, de terre le venin,
Qffon voit chacun fl ardentement fuiure ,
Sans le mangerfait tout le monde viure.
On dit quvn iourjupin eftantfiafihe
Devoir le monde engraué de peché,
Délibéra perdre la race humaine j
Par diuers maux ëfpar diuerfie peine :
LegrandDeluge en Orient coula,
Sous Phaëthon la Çrece fie brufla :
La guerre vint à Thebes , & à Troye.
Le plusgrand mal qui eftoit , la monnaye,
Reftoit encor: mais la terre en bailla,
jj
Que Iupiter arrondit & tailla,
Comme rejfors ,par rouelles menues,
»)
St en farcit le ventre défis nues,
Puis les creua d'vn grand bruit,& fioudain
j.»
L'or & l'argentpieuflflur le genre humain.
Comme on voit choir maintefleurette épeffe^
33Sur les Corps Sainéîs fluiu'is d'vne grand'
preffe,
Lors que lepeuple en fi Muotion
Fait par la rue vne Proceffion,
Criant pardon au Seigneur de fies fautes:
Alors on voit desfinefires plus hautes
Tomber lesfleurs d'vn nuage plaifant :
PPPpp VJ
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Û84 % LE IL
Ainfl du Ciel tombait le faux prefent,
Beau de couleur , de forme ey d'apparence,
Mais en effet d'vne autre différence :
j, Lepeuple fit qui penfiit que l'argent
,, Fufi don du Ciel,y courut diligent
, Pour l'amajfer par foules & par bandes ;
S'entre-pouffans faifoient des noifls gran¬
des,
Et tant ardans après l'or ils efloient ,
Qu'en le ferrant à grands coups fi bat-
- toient ,
j,, Tant d'argumenspour les combats il offre :
p L'vn empliffoit vn bahu , tautre vn coffre,
LIVRE
MARCASSVS.
L'autre la bource , ey chargez afaifon
>, S'en retournoient ioyeux en leur maifon.
i} Je n'y efiois, M oRtAV, i'eftois malade
Quand cefie heureufe opulente brigade
Jmajfoit l'or à pleins paniers : cr toy
Qui en ferraspeur France &pour le Ko y ^
Et pour les tien s,mon M o R E A V, ie teprie
* * *
M'en départir fi peu que tu voudras :
Plm indigent le R o Y n'enfera pas:
Et dejormais deprom ifles riabufes
Ton vieil Amy ,ton R o N s A R D , &fis t
Mufles.
le (çay,Moreau ] Il fe plaint au fieur Moreau Treforier de TEfpargne , de l'ingratitude du temps * du defordre
.des finances qui eftoient prodigalifees à des Efirangers & non aux bons François qui meritoient d'en eftre re-
compenfez comme luy. D'impolis ] Ce fut fous le règne de ce Roy qu'on commença à donner des aduis. Deu¬
ient ] Vieil mot.de douloir. Mejjer ] Mot Italien. Pour balancer ] C'eft que l'Italien balance toufiours fes mots
auec des geftes. Ceux ont j Ceux-là ont. SainâDenù] Où font les fepulchres des Rois, fhinée ]C'eftcemalheureuxRoy
auquel les Harpyes rauiffoient tous les mets qu'on luy pouuoit feruir. LifezWirgile. Euterpe ]
C'eft vne des neufMufes. Déluge] SousDeucalion. Phaëthon ] Il tomba dans le Po. Thtbes J La guerre des.
deux frères, defcrite par le Po'éte Statius. Tour France] Pour la France.
A OLIVIER DE MAGNY,
Poète Lyriqjve.
Von me dreffe vn Autel; qu'à
non-pair on mameine
Trois porcs , fa trois aigneaux
firifieZ de noire laine,
(ton me tire du vin pour verfer fiur lefeu :
le veux publiquement ce iourd'huy faire vn
vnu
Deuant toute la France, ey deuot me con¬
traindre
Par vn ferment promis , de iamais ne l'enfraindre
: "
Car par droiét de nature vn bon caur efi
tenu
De foufienir celuy qui l'aura feufienu.
Or ainfi que le poil de cefie noire befie
Craquette dans le feu , ainfi ma chère tefie
Y puiffe craqueter ,fl iamais enuers toy,
Confiant en moncontraét , ie te manque de
MARCASSVS.
Te ferrant les deux mains, par les Dieux
ie te iure
De n endurer iamais quvn flot te face injure]
Sans te venger ainfi que tu m as reuengé
Dufit iniurieux qui m auoit outragé.
tDoncques,monéher M a gny ,quenulne
Je hazarde
D'offenfler ton renom : car i'en aypris lagardel
Qui veux monflrer à ceux qui s'envoudraient
moquer
De quel afire aiguillon ma Muflefiaitpiquer'.
Tandis par cent trauaux pourfluy ton en¬
treprife.
Les Dieux ont la Sueur deuant la Vertu
mifie,
Etflaut beaucoup grimper ains qu'atteindre
au fimmtt
Du roc où la Vertu libéralepromet
Apres dix mille ennuis vne gloire éternelle
A ceux qui comme toyfieront amoureux d'elle*
Et qui defdaigneront d'vn courage hautain
Ces maflins enuitux qui nous mordent en
vain.
Quon me dreffe] Il fait icy vne efpece de ferment tiré de la Magie.par lequel il fe donne à tous les mal. heurs qui
luy pourront arnuer,au cas qu'il foie iamais ingrat enuers Oliuier de Magny. ^im ) Pour , deuant que.
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A îuy-mefme.
DÈS
POÈMES. u^
Quandiugedetoy-Mefime eh ton caurpenfieras
» Que tu n'espas vn Dieu, fa qu'on ne voit
au Monde
Ors que tamere efloitprefle âge-
fir de toy
» Chofie quiplus que tbome en mifieres abonde*
Quiplusfeudain sejleue,ey qui plus fioudain
Si Iupiter, des Vieux ey des feit-
hommes le Roy,
Luy euft iuré ces mots: L'enflant dont tu es
pleine,
Sera tat qu ilviurafians douleur &finspeine,
Et toufiours luy viendront tes biens fansy
fonger,
Tu dirouà bon droit Iupiter menfonger
» Tombéquandilefihaut:& certes à bon droit,
» Car il n'a point de force, eyfi toufiours de¬
mande
» D'attenter plus que luy quelque entreprife
grande.
Ce que tu quiers du R o Y, M AGN Y,
neflpasgrand cas .
Maispuis que tu es né, ainfi que tous nous Et déjà t efierance en gift entre tes bras,
fommes, Le iour preffe la nuiél :pource pren bon cou-
%*4 la condition des miferables hommes, rage ,
Pour auoir en partage ennuisfioucis, trauaux,
Douleurs, trifleffesJoins,tourmens,peines fa
Tu n'as garde defondre au milieu de l'orage,
Tuis que tu as en lieu du belAftre befifion
maux, Des Spartains, lafiaueur de ton grandù'A-
Ilfiaut baififier le doz, & porter la fortune v A N s o N,
Qjti vient dés la naiffance à tous hommes Quija pouffe ta Neffiur la riue defirte,
commune : Poury payer tes vdux à Glauque ey Me*
Ce quefacilemeftfflàtient tuferas licerte.
MARCASSVS.
lorsmu U mere ] lï deferit les miferes aufquelles tous ceux qui naifTcnt font fujets par vne ordonnance fatale
*uC
i Ciel, qui n'en excepte pas mefmes les Roys, puis que bien fouuent contre leurs defirs ils perdent ce qu'ils
voudroient mdroient retenir au prix de leurs vies :& ne peuuent point exécuter leurs defleins comme ils voudroienr.
\ytfire bejfo

'A
\r
Â$rs que ce$f arbrfieau vûm dèji befle fleurs >
Tromettoit 'jfnts dèjrtut jour (è bien cée fia, fronce :
Li mort le luy osta^vour Êmji&r tfe malheurs
JLt mourut auec luy de fin fieur lefierancc
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