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Ciïfi<br />
Ôua rante-Sixléme Anne© 3' Trimestre -<strong>1941</strong> N- 167<br />
râ([2_1 DEC 19^21 j2§<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Oociété<br />
de Oéographie d'Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
ALGER —<br />
IMP. IMBKRT
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />
d'Appel d'Alger.<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />
Lycéë~d'<br />
Alger.<br />
BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes,<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJOES, Trésorier-payeur général.<br />
JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des Colonies françaises.<br />
Commandant LEHURAUX.<br />
Général MEYNIER.<br />
Colonel PEYRONNET.<br />
PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />
rienne » et de P « Effort Algérien ».
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Quarante-Sixième Année 3" Trimestres -<strong>1941</strong><br />
N°<br />
-167<br />
La Monnaie au Service de la France ai<br />
M. de Rincquesen expose tout d'abord le rôle de la monnaie dans l'Econo<br />
mie générale. La monnaie a, pour premier çbjet, de faciliter les échanges,<br />
puis de mesurer la valeur des objets échangés. Pour bien remplir cet objet, la<br />
monnaie doit être en quantité suffisante,<br />
valeur demeure-t-elle stable.<br />
mais non pas en excès : ainsi sa<br />
Le Conférencier expose ensuite comment les métaux précieux, or et argent,<br />
non périssables, furent vite choisis comme monnaie. Puil il montra comment,<br />
pour répondre au développement économique, fut inventée la monnaie de<br />
crédit : le billet de banque d'abord, puis les monnaies scripturaires, c'est-àdire<br />
les procédés de règlements bancaires.<br />
Ces préliminaires posés, M. de Rincquesen expose la situation monétaire<br />
avant 1914. A cette époque heureuse, entre la plupart des Nations, les échan<br />
ges s'effectuaient normalement, les balances des comptes étaient en effet bien<br />
équilibrés. Les déséquilibres étaient rares et de faible amplitude, et par suite<br />
les envois d'or qui servaient à les compenser étaient minimes. Avant 1914,<br />
l'Or était effectivement « roi », réglant souverainement les échanges entre<br />
les pays, et exerçant sur la plupart des grandes nations une royauté bienfai<br />
sante et facile.<br />
Survint la Guerre de 1914 qui, dans tous les domaines, détraqua tout. La<br />
solide ordonnance des échanges internationaux fut bouleversée, l'équilibre<br />
des balances des comptes entre peuples fut ébranlé, le bel édifice monétaire<br />
d'avant 1914 détruit. L'or fut dans l'impossibilité de continuer son rôle anté<br />
rieur : le mécanisme monétaire de l'or, merveilleusement sensible et délicat,<br />
ne pouvait continuer à fonctionner normalement avec une économie mondiale<br />
détraquée. Il devait abdiquer sa royauté et rentrer dans l'ombre pendant un<br />
certain temps. On voulut cependant le maintenir roi, dans des conditions<br />
impossibles, et ce fut là l'erreur.<br />
Lé Conférencier aborde maintenant le problème actuel de la monnaie,<br />
d'abord sur le plan international puis sur le plan intérieur.<br />
Sur le plan international, l'équilibre des échanges dans le monde fut rompu<br />
du fait de la guerre de 1914, l'or ne peut plus maintenir son rôle de monnaie,<br />
il nous faut revenir en arrière, reprendre les échanges, non plus par l'inter<br />
médiaire d'une monnaie, mais directement par troc : un pays ne pourra<br />
vendre à un autre que pour, la seule valeur de ses achats.<br />
Sur le plan national, la guerre de 1914 et l'après-guerre amena les Etats à<br />
faire aux Banques d'émission des emprunts massifs. Celles-ci durent émettre<br />
des billets pour des chiffres fort élevés, établir par suite le cours force. La<br />
aussi la royauté de l'or devint impossible, et ce fut encore une erreur de pré<br />
maintenir quand même une relation entre la valeur d'un billet et celle<br />
tendre<br />
du métal or.<br />
m Compte rendu de la Conférence de M. de Rincquesen à la Société de<br />
(géographie d'Algéer faite le samedi 15 mars <strong>1941</strong>.
^"J;<br />
re?ee<br />
•<br />
monnaie<br />
Que faut-il donc faire actuellement pour que la<br />
d'émanciper la monnaie<br />
Il semble indispensable, du moins pour l'instant,<br />
fiduciaire de la tutelle du métal jaune. Mais alors
La Première Occupation militaire<br />
de ïOasis d'EI-Goléa<br />
A Iticcasion du cinquantième anniversaire de l'occupation militaire de<br />
.'l'oasis d'EI-Goléa, M. le Commandant Lehuraux a fait un intéressant histo<br />
rique sur les origines connues de cette cité saharienne et a rappelé les évé<br />
nements qui ont précédé et suivi son occupation militaire par une compa<br />
gnie du 1"<br />
Régiment de Tirailleurs Algériens, commandée par le Capitaine<br />
Lamy, qui devait plus tard immortaliser son nom en tombant héroïquement<br />
au champ d'honneur au combat de Kousri, sur les bords du lac Tchad, en<br />
avril 1900.<br />
C'est le célèbre explorateur Henri Duveyrier, célèbre surtout par son<br />
inoubliable séjour chez les Touaregs Ajjer, où il se lia d'amitié avec le fa<br />
rouche Amenonkal Ikhenouken, qui, le premier Français, visita El-Goléa en<br />
septembre 1859. Il était heureusement porteur d'une lettre de recomman<br />
dation du puissant chef de la confrérie religieuse musulmane des Oulad<br />
Sidi Cheikh, Si Hamza, notre Khalifa du sud, dont l'influence s'étendait<br />
jusqu'à ces contrées lointaines. Sans ce précieux talisman, il est probable<br />
que Duveyrier eut payé de sa vie sa téméraire* entreprise.<br />
Trois années plus .<br />
tard, en 1863, le capitaine Burin du Buisson, comman<br />
dant supérieur du Cercle de Géryville, vint occuper El-Goléa au nom de la<br />
France. C'est un épisode peu connu de la pénétration saharienne et il semble<br />
que le commandant Cauvet, qui n'ignore rien des choses sahariennes, soit<br />
le seul historien qui ait signalé cette expédition hasardeuse.<br />
La population d'EI-Goléa se compose de sédentaires et de nomades. Les<br />
sédentaires comprennent une centaine de Zénètes, descendants des anciens<br />
Berbères dont parle Ibn Khaldoun, et quelques centaines de harratines, pro<br />
duits métissés de la race blanche orientale et de la race noire. Ces harratines<br />
sont les seuls travailleurs du sol. Mais la vraie population d'EI-Goléa est<br />
celle que l'on ne voit pas, dont on,n'aperçoit quelquefois, dans le lointain,<br />
au creux d'une dune de sable, que les demeures de laine comme de minus<br />
cules points noirs sur le sol fauve. Ce sont les nomades, les» Chaamba Mouadhi,<br />
qui se disent et se croient de pur sang arabe.<br />
L'arrivée de ces Chaamba dans la région d'EI-Goléa, uniquement habitée<br />
jusque-là par des Berbères remonte vraisemblablement au XVIe siècle. Cette<br />
intrusion fut pour le pays une calamité. El-Goléa, ou plutôt Taourirt, qui<br />
était alors son véritable nom, était en effet un centre vivant ; la population<br />
s'adonnait à la culture du palmier-dattier, aux travaux aericoles et de luxu<br />
riants jardins s'étendaient dans toute la vallée de l'oued Seggueur, au mi<br />
lieu de laquelle se trouve l'actuelle palmeraie. Les nouveaux arrivants sac<br />
cagèrent toutes ces richesses naturelles et il fallut attendre l'occupation<br />
française pour rendre à l'oasis sa prospérité d'autrefois.<br />
Après la guerre de 1870 et lors de l'insurrection qui suivit la défaite, l'oa<br />
sis d'EI-Goléa était devenue un repaire de bandits, de dissidents. Le général<br />
de Gallifet reçut la mission d'aller y rétablir l'ordre. En janvier 1873, il<br />
quittait Ouargla à la tête d'une colonne légène pour gagner El-Goléa par la<br />
route des caravanes, en traversant une région très aride. Le 24 janvier.<br />
après une marche rapide et vigoureusement conduite qui avait émerveillé<br />
les populations, le général dressait sa tente sur les murs de Taourirt et fai<br />
sait flotter le drapeau français au sommet du vieux ksar berbère. Le 1er fé-
vrier, la colonne reprenait la route du nord, de sorte que peu après son dé<br />
part,<br />
saharien.<br />
les pirates du désert redevenaient les maîtres redoutables du maquis<br />
Cela n'empêcha point l'héroïque Soleillet d'y<br />
séjourner en 1874 et même<br />
de pousser jusqu'au Tidikelt. Mais il ne put pénétrer dans In-Salah et il<br />
dut s'empresser de rebrousser chemin pour ne pas être massacré.<br />
Moins heureux furent les Pères Blancs Paulnier, Menoret et Bouchaud<br />
étaient partis résolument pour accom<br />
qui, deux années plus tard, en 1876,<br />
plir la mission de paix que le grand Cardinal Lavigerie leur avait assignée.<br />
A huit étapes au sud d'EI-Goléa, les trois missionnaires furent assassinés<br />
et leurs restes reposent aujourd'hui dans un petit enclos du bordj d'Inifel,<br />
que le sable envahissant recouvre chaque année davantage.<br />
- Jusque là, nos troupes n'avaient pas dépassé Laghouat, qu'elles occu<br />
paient de façon permanente depuis que le général Télissier avait emporté<br />
la ville d'assaut, avec l'aide du général Yousouf, le 4 décembre 1852. Plus<br />
tard, en 1882, l'occupation définitive du Mzab fut décidée et l'on y créa<br />
un Cercle dont le premier commandant supérieur fut le commandant -Di<br />
dier, remarquable officier, dont le conférencier trace le pittoresque por<br />
trait. Le commandant Didier avait la mission de surveiller étroitement les<br />
agitateurs, mais il lui était interdit d'occuper El-Goléa. Il tourna la diffi<br />
culté en y installant un pigeonnier militaire avec un sapeur colombophile.<br />
Malheureusement, le sapeur ne put résister au climat et dut être évacué<br />
d'urgence. Quant aux pigeons, ils devinrent la proie des rapaces ailés et de<br />
ceux du bled.<br />
Le premier officier détaché officiellement à El-Goléa fut le lieutenant<br />
Berlié. Il n'y resta que quelques mois et fut remplacé par un volontaire, le<br />
lieutenant Cauvet, qui fut l'un des plus brillants officiers de bureau arabe.<br />
Avec des accents où l'on discernait l'émotion et l'admiration, le commandant<br />
Lehuraux retraça la magnifique carrière de M. Cauvet, qui prit sa retraite<br />
avec le grade de commandant, après avoir rempli les plus hautes et les<br />
plus tâches au délicates^ Sahara. Il rappela ses nombreux travaux scienti<br />
fiques, ses initiatives fécondes et hardies, la part prépondérante qui lui re<br />
vient dans la pénétration en pays touareg par l'envoi de la reconnaissance<br />
Cottenest en 1902. qui battit les Touaregs à Tit, dans le Hoggar, et nous<br />
ouvrit ainsi définitivement le Haut-Sahara.<br />
Mais l'occupation militaire d'EI-Goléa devenait de plus en plus nécessaire<br />
et le Gouvernement se décida enfin à prendre cette mesure, en y envoyant<br />
une compagnie de Tirailleurs Algériens pour y tenir garnison d'une façon<br />
permanente.<br />
C'est en janvier 1891 que le détachement, composé en majorité de Kabyles<br />
encadrés par une vingtaine de gradés français, quitta Laghouat. Le confé<br />
rencier décrivit avec détails les lonsrues étapes dans la région des daias<br />
d^abord, puis à travers les ravins profonds et abrupts de la Chebka du Mzab,<br />
où la pierre noire, calcinée, aux arêtes tranchantes, coupait et meurtrissait<br />
cruellement les pieds nus des Tirailleurs. Mais l'arrivée "à El-Goléa fut une<br />
splendeur. L'oasis se révéla aux Turcos comme le paradis promis aux vrais<br />
Croyants par le Livre sacré. TTn bordj fut rapidement construit. On creusa<br />
des forages artésiens aux emplacements qu'avait indiqués le lieutenant Cau-<br />
yet^après des études sérieuses. Lamy dressa, d'autre part, a petite troune<br />
à l'équitation du méhari et il lui fit exécuter des reconnaissances dans les<br />
environs immédiats de l'oasis.<br />
Le commandant Lehuraux fit alors connaître à son auditoire la curieuse<br />
et attachante figure de ce chef remarquablement doué nour la vie austère<br />
du Sahara. Les indieènes le désignaient sous le nom de El Hadj Lamin, tant<br />
il les impressionnait par sa grande connaissance de leur langue sa charité<br />
sa simplicité et sa façon de s'entretenir avec eux tout en égrenant un cha<br />
pelet d ambre entre ses doiets à la façon des fervents musulmans. C'est pen<br />
dant le séjour de Lamy à El-Goléa qu'eut lieu l'installation des Pères Blancs<br />
dans cette oasis. La prise de possession morale marchait ainsi de pair avec<br />
la conquête militaire et il en sera de même douze années plus tard, lorsque
Laperrine entreprendra avec son ami le Père Charles de Foucauld la paci<br />
fication du pays touareg.<br />
El-Goléa paraissait devoir rester longtemps notre poste le plus avancé<br />
du désert. L'occupation des oasis du Tidikelt, du Gourara et du Touat, puis<br />
celle du Hoggar mirent fin à son rôle de sentinelle extrême. El-Goléa ne<br />
resta plus qu'un poste intermédiaire sans intérêt militaire. Les belles ca<br />
sernes édifiées pour recevoir la troupe furent abandonnées et servent au<br />
jourd'hui en partie d'hôtel confortable pour les voyageurs de passage.<br />
Le conférencier termina sa causerie par une belle description de l'oasis<br />
qui a conservé et développé pour l'agrément des touristes nombreux qui la<br />
visitaient naguère et qui reviendront la revoir, son charme prenant, sa grâce<br />
exquise, sa lumière souveraine, sa parfaite harmonie.
La RAM1E<br />
Textile Algérien possible<br />
(Conférence faite sous les auspices de la Section de l'Agriculture<br />
et de la Colonisation de l'Office Colonial)<br />
1°) La nécessité impérieuse d'une production textile<br />
en Algérie<br />
La Métropole,<br />
aujourd'hui privée des importations étrangères<br />
qui étaient à la base de son industrie textile,<br />
se tourne, inquiète,<br />
vers son Empire et lui demande d'entreprendre sur la plus vaste<br />
échelle possible la production des matières premières indispen<br />
sables à ses filatures pour la couverture de ses besoins les plus<br />
réduits et les plus urgents.<br />
S'il ne semble pas possible d'envisager sérieusement et rapide<br />
ment une production impériale telle qu'elle puisse pallier aux im<br />
portations d'avant-guerre (évaluées à : 350.000 quintaux de fibres<br />
de lin, 150.000 quintaux de chanvre, 2.700.000 quintaux de co<br />
ton, etc.), il apparaît cependant que la France d'outre-mer puisse<br />
apporter à la Mère Patrie une contribution non négligeable par<br />
le développement accéléré de certaines cultures qu'une économie<br />
mal comprise avait jusau'ici empêché de s'établir ou de s'étendre.<br />
L'Algérie peut et doit s'intégrer dans l'effort à entreprendre.<br />
Comme pour d'autres productions, elle est prête à répondre gé<br />
néreusement à l'appel qui lui est adressé, d'autant que ses besoins<br />
propres, satisfaits avant guerre par les importations métropoli<br />
taines et aujourd'hui de ravitaillement précaire, réclament une<br />
solution urgente par l'établissement d'une politique .textile locale<br />
bien comprise et de résultats rapides.<br />
Importations textiles algériennes (1938)<br />
Quintaux<br />
Fils Tissus<br />
Lin 101 1.<strong>42</strong>5<br />
Chanvre 319<br />
Ramie 476<br />
Jute 6.989 9.029<br />
Divers 8.352 8.441<br />
A reporter
Report<br />
Coton 215.545<br />
Laine<br />
Soie naturelle<br />
Soie artificielle<br />
Sacs jute<br />
Velours<br />
Rayonne<br />
Alpaga<br />
Vêtements et divers<br />
215.545 124.192<br />
2.343 192.754<br />
66 201<br />
129 »<br />
76.709<br />
159<br />
9.956<br />
372<br />
233.844 <strong>42</strong>4.314<br />
658.158<br />
211.570<br />
Total. 869.728 quintaux<br />
valant 563 millions de francs.<br />
2°) Les cultures textiles possibles en Algérie<br />
L'éventualité du développement de la culture de plantes textiles<br />
ou à fibres en Algérie n'est pas d'ailleurs chose nouvelle. Agitée,<br />
en effet, dès le début de notre colonisation, la production de plantes<br />
textiles en Algérie n'a jamais progressé ni sérieusement ni dura<br />
blement, non par suite d'impossibilités culturales vraiment désa<br />
vantageuses,<br />
mais toujours parce que des difficultés industrielles<br />
ou économiques ont surgi chaque fois qu'il s'est agi de les dévelop<br />
per ou de les implanter à nouveau.<br />
Parim les nombreuses plantes textiles dont la culture a pu au<br />
trefois être préconisée, essayée ou développée en Algérie, il est<br />
nécessaire de faire un choix sévère, au moment où les nécessités<br />
s'avèrent si cruelles et où l'on repart de zéro, de façon :<br />
à ne pas disperser les efforts,<br />
à ne développer que les cultures les plus certaines et les plus<br />
rémunératrices,<br />
à ne conseiller que la culture de plantes à rendement immédiat<br />
et élevé en fibres vraiment intéressantes pour l'industrie.<br />
Il ne peut donc s'agir de reprendre le jute, le kapock, les hibis<br />
cus, abistilon, etc.,<br />
plantes tropicales ou subtropicales introduites<br />
autrefois dans la Colonie à des fins industrielles par une mécon<br />
naissance totale du véritable climat agricole local.<br />
Le chanvre et le lin, bien que de bonne venue sous nos condi<br />
tions,<br />
ne semblent pas se propager rapidement et énormément en<br />
raison des difficultés de rouissage signalées depuis longtemps en<br />
Afrique du Nord (et apparemment non encore solutionnées heu<br />
reusement jusqu'ici) et de la qualité inférieure des filasses obte-
10<br />
nues. Je signalerai toutefois en passant que si la culture du lin<br />
textile n'est pas à entrevoir (à moins cependant que les essais<br />
marocains actuellement en cours n'aboutissent à des résultats<br />
tangibles et intéressants), l'utilisation à des fins textiles de la<br />
paille de lin à graines (dont la culture comme oléagineux est en<br />
voie d'extension sensible tant au Maroc qu'en Algérie) mérite<br />
de retenir très sérieusement l'attention pour la fabrication de tis<br />
sus grossiers et de toiles d'emballage (tabac, coton, etc.).<br />
Le grand textile algérien jusqu'ici préconisé et qui a toujours<br />
tenté la culture algérienne a été et reste encore le coton. Bien con<br />
nu de l'agriculture locale (puisqu'il a occupé plus de 8.000 Ha en<br />
1926), le cotonnier est susceptible aujourd'hui, à la faveur des<br />
hauts cours pratiqués (le prix du quintal fibre est lié au prix du<br />
blé par le coefficient 10 majoré d'une prime de 20 %), de l'exis<br />
tence de contrats de culture garantis pendant 5 ans par le Gou-"<br />
vernement et d'une organisation professionnelle très poussée<br />
(syndicat obligatoire des planteurs et coopérative obligatoire d'é-<br />
grenage et de vente), de couvrir des superficies importantes,<br />
principalement dans les périmètres irrigables nouvellement<br />
créés. Parties de 30 Ha en 1939, les cotonneraies ont occupé, en<br />
<strong>1941</strong>, 2.500 Ha environ. La possibilité maximum de la culture<br />
algérienne a été évaluée à 20.000 Ha, mais il ne semble pas ce<br />
pendant que ce plafond théorique puisse être rapidement atteint,<br />
car il ne faut pas oublier, lorsqu'on parle coton en Algérie, que<br />
notre Colonie est à la limite Nord de l'aire de culture économique<br />
du cotonnier et que les rendements et les récoltes y sont trop sous<br />
la dépendance de l'inclémence des climats saisonniers (printemps<br />
et automne).<br />
Même si on atteignait ces 20.000 Ha et en se basant sur le ren<br />
dement cotonnier moyen algérien qui est de 2 quintaux 5 de fibre<br />
à l'hectare, la production algérienne ne représenterait jamais que<br />
50.000 quintaux, soit le 1/50"<br />
des besoins normaux en coton de<br />
la Métropole et le 1/6°<br />
des besoins strictement algériens.<br />
Le coton, réclamant en Algérie le secours de l'irrigation (à part<br />
quelques zones sans grandes possibilités actuelles d'extension),<br />
on ne peut entrevoir le dépassement futur de ces 20.000 Ha, en<br />
core loin d'ailleurs de pouvoir être atteints. Donc, notre appoint<br />
actuel et ultérieur à la Métropole reste pour ce textile des plus<br />
limités.<br />
Il convient donc de rechercher d'autres plantes à fibres dont<br />
la production s'ajouterait à celle du coton.<br />
C'est alors qu'il devient intéressant de ressortir de l'ombre où<br />
elle était tenue, une plante textile bien connue par sa belle filasse,<br />
brillante, imputrescible, servant à la confection de tissus fins!<br />
soyeux (et chose particulièrement appréciable de nos jours<br />
pûtes « inusables », je veux parler de la Ramie, dont la culture<br />
a ete préconisée en Algérie en diverses reprises depuis le milieu<br />
du siècle dernier.
Tentée par Hardy<br />
il<br />
au Jardin d'Essai du Hamma (où sa culture<br />
a été depuis religieusement conservée) , la Ramie a connu une cer<br />
taine importance en 1870 aux environs d'Alger,<br />
en 1884 à Bou-<br />
farik, en 1890 dans la Région de Perrégaux et de Saint-Denis-du-<br />
Sig, en 1903 à Rivet (plantation Dazey), en 1916 au Lac Alloula<br />
(Mitidja) et enfin, en 1919, dans la Région de Collo.<br />
Mais tous ces essais se sont poursuivis sans que la culture<br />
s'étende en Algérie, bien que la Ramie vienne admirablement<br />
dans les terrains riches et frais (ou pouvant être irrigués facile<br />
ment) de la Colonie et y donne des récoltes abondantes en fibres<br />
de qualité.<br />
La culture a été chaque fois abandonnée par suite de conditions<br />
économiques mauvaises et de difficultés industrielles suscitées<br />
par le défibrage.<br />
La Ramie a été de nouveau essayée en 1928 en Algérie à la<br />
suite de la mise au point de nouvelles machines à décortiquer et<br />
sous l'impulsion de M. F. Ancey, vice-président de la Chambre<br />
d'Agriculture d'Alger, dans_ les régions de Mirabeau (Kabylie),<br />
de Perrégaux, d'Orléansville et d'Alger (Baba-Ali). Pour des rai<br />
sons diverses (culturale et mécaniques), les plantations dispa<br />
rurent au bout de quelques années, sauf celle du Jardin d'Essai<br />
et la Ramie connut à nouveau l'oubli.<br />
L'après-guerre et ses besoins lui redonnent de l'actualité. Des<br />
ramières sont en voie de constitution dans les périmètres irri<br />
gables (vallée du Chéliff, région des Attafs, Carnot), des résul<br />
tats expérimentaux encourageants venant d'être obtenus à Alger<br />
par des ingénieurs constructeurs de machines à défibrer perfec<br />
tionnées. La production en 19<strong>42</strong> des quelques dizaines d'hectares<br />
des plantations algériennes permettra de juger industriellement<br />
de la valeur des machines proposées et des fibres obtenues.<br />
Sous la pression des circonstances, l'Ortie de Chine (le<br />
Boehmeria ou Urtica nivea des botanistes) intéresse à nouveau<br />
l'agriculture algérienne ; le nouvel essai sera-t-il plus heureux<br />
que les précédents ?<br />
3°) Les conditions de développement de la culture<br />
de la remise en Algérie<br />
Si on recherche les causes qui, dans le passé, s'opposèrent au<br />
développement et au maintien de la culture de la Ramie, on<br />
s'aperçoit que le problème de la Ramie est surtout dominé par<br />
des considérations d'ordre économique et industriel.<br />
Avant guerre, la production chinoise de Ramie (china grass)<br />
suffisait aux demandes de l'Europe (Allemagne surtout) et rien<br />
ne faisait prévoir que ce textile, malgré la beauté et les grandes<br />
qualités de ses fibres, deviendrait d'une actualité pressante et
12<br />
s'érigerait en concurrent sérieux possible des autres<br />
plantes à<br />
fibre, comme le coton, le lin, le jute ou le chanvre, couramment<br />
cultivés dans le monde et utilisés par tous les peuples. Il y avait<br />
donc un marché mondial de la Ramie très limité.<br />
De plus, l'industrie textile européenne,<br />
périorité reconnue de la fibre de Ramie,<br />
malgré la grande su<br />
a toujours voulu acheter<br />
cette matière première à des prix avantageux pour elle et qui<br />
l'étaient moins pour la production. Cette erreur (commune à beau<br />
coup d'industries d'utilisation des produits agricoles) freinait les<br />
agriculteurs coloniaux dans les tentatives d'une culture par ail<br />
leurs rendue délicate par des difficultés d'extractions des fibres.<br />
A l'heure actuelle, la question du prix n'est plus, sous la pression<br />
des circonstances, un obstacle au développement de la culture de<br />
la Ramie.<br />
Mais la Ramie ne se développera,, vraiment dans les Colonies<br />
Françaises et en Algérie que le jour où une machine à décortiquer<br />
pratique et au point sera mise à la disposition des agriculteurs<br />
et où les difficultés concernant l'emploi de la Ramie par les fila-<br />
teurs seront aplanies.<br />
L'extraction des fibres de Ramie est, en effet,<br />
que pour le lin et le chanvre un simple rouissage suffit,<br />
difficile. Tandis<br />
que pour<br />
le coton des égreneuses simples peuvent être utilisées, il en est<br />
tout autrement pour la Ramie, dont les fibres ne sont pas réunies<br />
à l'intérieur des tiges en faisceaux ou en cordelettes, mais sont<br />
au contraire isolées les unes des autres au milieu d'éléments<br />
mous, ce qui en fait leur beauté, mais aussi leur difficulté d'ex<br />
traction.<br />
Pour isoler ces fibres, deux opérations sont nécessaires :<br />
a) Une opération mécanique ; le décortiquage, ayant pour but<br />
de séparer sous forme de lanières le tissu extérieur des tiges (où<br />
setrouvent les fibres) du bois. Cette opération doit être complé<br />
tée par le dépelliculage,<br />
qui consiste à enlever des lanières obte<br />
nues la membrane brune extérieure (correspondant à l'épiderme<br />
de ia tige) et dont la présence dans les fibres industrielles, même<br />
sous forme de petits fragments, constitue une source de forte dé<br />
préciation de la valeur commerciale ;<br />
b) Une opération chimique : le dégommage, destiné à séparer<br />
la fibre des tissus mous ou gommes qui l'entourent.<br />
Le décorticage est l'un des plus gros problèmes que pose l'ex<br />
ploitation industrielle de la Ramie. Il peut se faire à la main<br />
ou à la machine.<br />
Les Chinois et les Hindous, qui- cultivent familialement la Ra<br />
mie dans leurs jardins, écorcent les tiges une à une à temps perdu<br />
en se servant d'un couteau et d'un morceau de bambou. Un bon<br />
ouvrier peut obtenir de 6 à 8 kgs par jour de lanières grossièrer<br />
ment dégommées ayant l'aspect de bandelettes jaunâtres qui sont<br />
importées en Europe sous le nom de China-grass. Mais ce travail
à la main est long et onéreux si on s'adresse à une main-d'œuvre<br />
autre que familiale et bon marché comme l'ouvrier asiatique. Il<br />
est impossible de concevoir, dans nos conditions économiques<br />
de production,<br />
ploi de machines à défibrer.<br />
une exploitation européenne importante sans l'em<br />
Depuis qu'en France on s'occupe de Ramie on a essayé de cons<br />
truire des machines à décortiquer et on a proposé divers mo<br />
dèles, parmi lesquels les plus connus sont les appareils Michotte,<br />
Massé, etc. Des tentatives ont été faites pour améliorer le ren<br />
dement et le travail des machines existantes et, très récemment,<br />
de nouveaux procédés, comme ceux de Deschaux, de Braumuller,<br />
etc., ont été proposés sans que satisfaction entière ait été<br />
obtenue quant au rendement et à la qualité des fibres jusqu'ici ;<br />
on peut dire que si avec les machines existantes, sans cesse amé<br />
liorées et dont certaines font un travail intéressant, il est sans<br />
doute possible de défibrer mécaniquement les tiges provenant de<br />
petites exploitations de Ramie, il ne semble pas que jusqu'ici au<br />
cune machine à grand rendement, permettant de décortiquer ra<br />
pidement de grosses quantités de tiges, ait été mise sur le marché.<br />
Or, la mise à la disposition des planteurs d'une bonne machine<br />
à décortiquer est à la base du développement de la culture.<br />
Des essais très récents poursuivis à Alger par M. Lefèvre,<br />
d'une part, et MM. Gérard, Durand et Kettels, de l'autre, parais<br />
sent susceptibles de jeter un jour nouveau sur cette question cru<br />
ciale du défibrage par la mise au point de deux machines ayant<br />
fonctionné heureusement au Jardin d'Essai du Hamma en <strong>1941</strong>.<br />
Le décorticage peut se faire sur les tiges vertes de Ramie ou<br />
sur les tiges sèches.<br />
Le traitement en vert (qui est celui pratiqué manuellement par<br />
les Chinois) a été étudié par de nombreux inventeurs, qui ont<br />
cherché à construire des machines préparant directement le chi-<br />
na-grass. Par ce traitement (utilisé à Alger par M. Kettels), le<br />
décorticage et dépelliculage sont effectués simultanément et la<br />
séparation du bois paraît se faire de façon satisfaisante. On ob<br />
tient rapidement du china-grass dépelliculé. Mais le traitement<br />
en vert implique :<br />
— Le<br />
traitement sur place des tiges (car on ne peut concevoir<br />
pratiquement et économiquement le transport sur de longues dis<br />
tances d'une matière première aussi encombrante et pesante que<br />
les tiges de Ramie),<br />
13<br />
soit dans les exploitations mêmes ou dans<br />
les usines réparties dans les zones de production ;<br />
cile ;<br />
des<br />
Le. traitement rapide,<br />
car le décorticage devient plus diffi<br />
L'échelonnement des cultures pour éviter l'encombrement<br />
machines ;<br />
L'emploi simultané de plusieurs machines pour traiter une<br />
récolte d'importance moyenne.
14<br />
On lui raproche son caractère saisonnier, l'obligation de trai<br />
ter au fur et à mesure des récoltes, le grand nombre des machines<br />
à mettre en service (chacune traitant 2.500 kgs de tiges vertes<br />
par jour seulement) ,<br />
une certaine perte des fibres par production<br />
d'une bourre inutilisable en filature (mais par ailleurs recher<br />
chée pour la fabrication de la pâte à papier spéciale destinée à<br />
la fabrication des billets de banque).<br />
Le traitement en sec (préconisé par l'Ingénieur Lefèvre) se<br />
fait à partir des tiges séchées et nécessite donc une installation<br />
de séchage naturel, ce qui complique le travail de l'agriculteur ;<br />
en revanche, il présente l'avantage de libérer les exploitations du<br />
souci d'un traitement immédiat, les tiges séchées pouvant être<br />
conservées et stockées soit chez le planteur, soit à l'usine,<br />
Du travail continu à l'aide d'un nombre de machines réduit ;<br />
Dune perte très réduite de matières premières.<br />
On lui reproche : de donner des matières non dépelliculées<br />
(l'opération du dépelliculage pouvant se faire cependant par la<br />
suiteau moment du peignage ou du dégommage et des fibres sou<br />
vent salies par des restants de pellicules),<br />
d'être imparfait comme travail, les fibres pouvant être brisées<br />
ou froissées ou encore mal débarrassées de débris d'écorce (ou<br />
flammes) ,<br />
de nécessiter des aires de séchage étendues (bien que le séchage<br />
puisse se faire sur les terrains de culture,<br />
ce qui toutefois apporte<br />
une gêne au développement normal des pousses de la coupe sui<br />
vante, particulièrement rapide en été),<br />
de nécessiter un séchage dont la bonne exécution peut être gê<br />
née par l'humidité de l'air, les pluies ou les brouillards, tout au<br />
moins en arrière-saison.<br />
Les deux traitements ont donc leurs avantages et leurs incon<br />
vénients. On a voulu qu'ils s'applicment, le premier à l'agricul<br />
ture, le second à une usine spécialisée. Les éléments satisfaisants<br />
d'appréciation manquent actuellement pour départager les par<br />
tisans de l'une ou l'autre méthode devant l'inconnue qui repré<br />
sente un traitement industriel qui, malgré toutes les recherches<br />
dont il a fait l'objet jusqu'ici, ne semble pas définitivement au<br />
point puisqu'en fait aucune usine (industrielle ou agricole)<br />
n'existe encore.<br />
Il est trop tôt pour préjuger si le planteur aura intérêt à livrer<br />
soit des tiges séchées à une usine, soit à vendre des lanières dé<br />
pelliculées obtenues directement à la ferme ou dans de petites<br />
usines locales.<br />
Les essais algériens de MM. Lefèvre et Kettels ne sont que des<br />
essais expérimentaux. Il faut attendre que des réalisations à<br />
l'échelle pratique soient entreprises pour que les divers facteurs
d'ordre économique (prix de revient, valeur industrielle des fibres<br />
obtenues, etc.) puissent prendre toute leur valeur et servent de<br />
base à une étude sérieuse .financière et technique.<br />
D'ailleurs, il apparaît que plus de savoir si on traitera la ramie<br />
algérienne en vert ou en sec, il importe de savoir si la culture<br />
aura à sa disposition la machine à décortiquer pratique et satis<br />
faisante qui lui a été si souvent promise. Toute la question est là<br />
à notre avis. Puissent les essais actuellement en cours apporter<br />
une solution heureuse au problème du défibrage de la Ramie et<br />
décider du développement de la culture.<br />
Le dégommage n'intéresse pas la production et s'effectue en<br />
filature. Un grand nombre de procédés français et étrangers<br />
(ayant pour base la plupart l'action d'une solution chaude de<br />
soude) sont préconisés ou tilisés et constituent des secrets de fa<br />
brication personnels des filateurs, variables avec les usages aux<br />
quels les fibres sont destinées.<br />
4°) La Culture de la Ramie en Algérie<br />
La culture de la Ramie est possible en Algérie en nombre de<br />
régions sans cependant qu'elle apparaisse comme susceptible d'y<br />
occuper de larges surfaces. Les estimations les plus optimistes<br />
lui accordent une possibilité de 5 à 10.000 Ha au maximum. C'est<br />
qu'en effet la Ramie craint la gelée et résiste mal aux abaisse<br />
ments de température (6-7°),<br />
pement de la plante. Pour cette raison,<br />
15<br />
qui gênent et retardent le dévelop<br />
on ne peut guère envisa<br />
ger de la cultiver en Algérie que dans la zone littorale, dans les<br />
grandes plaines de la Mitidja, de Bône, dansles zones les mieux<br />
abritées et lés plus chaudes de la vallée du Chéliff et des vallées<br />
de Kabylie (en dehors des parties basses où les gelées sont à re<br />
douter). Il faut écartes les zones continentales trop froides et<br />
n'envisager la culture qu'au-dessous de trois à quatre mètres d'al<br />
titude.<br />
La Ramie vient bien dans tous les sols, à l'exception cenendant<br />
des terrains troo commets, trop humide, où l'eau stagne. Elle re<br />
doute également la salure des terres et des eaux d'arrosages. Son<br />
excessive sensibilité au chlorure de sodium est un sérieux obstacle<br />
à la diffusion de la culture de la Ramie en Algérie, originale<br />
ment dans la vallée du Chéliff. où les terrains et les eaux d'irri<br />
gations sont souvent salés à plus de 10 0/00, teneur oui constitue<br />
un seuil pour la réussite des nlantations. Les essais tentés à Orléansville<br />
et à Sidi-Slimane (Maroc) montrent, comme l'ont mon<br />
tré autrefois ceux de Perrégaux, qu'à l'état jeune la Ramie est<br />
tuée par des doses très faibles de sel (0 gr. 220-0 gr. f) et aue<br />
les « remontées » de sel sont néfastes et même aux vieilles plan<br />
tations. Cette susceptibilité exclut des zones possibles de culture<br />
la<br />
majeure partie des périmètres irrisrables, en particulier les ré<br />
gions d'Inkermann, de Relizane, de Perrégaux et de l'Habra.
16<br />
•<br />
La Ramie préfère les terrains d'alluvion légers et toutes les<br />
bonnes terres riches profondes, naturellement fraîches (sans ex<br />
cès) ou susceptibles d'être arrosées. Pouvant occuper le sol pen<br />
dant 10 à 12 ans et parfois plus(la ramière expérimentale du Jar<br />
din d'Essai a près de 20 ans), elle réclame un terrain préparé<br />
profondément Cà 60-50 cm.), bien ameubli et particulièrement net<br />
de mauvaises herbes vivaces comme le chiendent et le cypérus<br />
qu'elle redoute dans son jeune âge. La préparation du sol doit<br />
être complétée par un nivellement et la prévision du système d'ir-<br />
rieation (en dehors des terres fraîches) ainsi oue par une forte<br />
fumure organique (25 à 30.000 kgs de -fumier à l'ectare) et mi<br />
nérale (2 à 3 quitaux de sulfate de. potasse et antant de supernhosohate).<br />
Les jeunes plantes se trouveront bien d'un apport<br />
d'enerrais azoté en couverture (10 à 150 kgs par hectare).<br />
La muliiolication la plus assurée et la plus économique se fait<br />
à nartir de rhvzomes lonq-s de 8 à 12-15 cm. obtenus oar éclate<br />
ment, de souches adultes. Le mise en nlace se fait fin de l'hiver ou<br />
début du nrintemns en litmes datantes de 75 à 80 cm, en lais<br />
sant un intervalle de 25 à 30 cm entre chaaue pied. La densité<br />
normale de plantation est d'ordinaire de 50.000 individus (oue<br />
l'on peut orélever sur 5 à 6.000 souches) ; certains auteurs in<br />
diquent des plantations plus denses : 60 à 80.000 nieds à l'hec<br />
tare. La Ramie, devenant vite envahissante, à tel point qu'au bout<br />
de quelques années le sol est entièrement occupé et qu'au défri<br />
chement il est difficile de le onroer des racines, il n'est nas indis-<br />
pnsable de recourir à une plantation initiale trop serrée.<br />
Le semis, par contre, est difficile à réussir, plus difficile que<br />
oour le tabac. Il réclame l'établissement de couches tièdes ou.<br />
froides ; le persillage des graines, à une grande dextérité d'épan-<br />
daore (les semences sont très fines et légères), un couverture au<br />
terrau et des bassinages fréquents et doux. Les jeunes plants sont<br />
repiqués avant dêtre mis en nlace définitivement, quatre mois<br />
environ après le semis qui a lieu au printemps.<br />
Les façons d'entretien sont simples au cours de la première<br />
année ; elles consistent en bissages et sarclages, de façon à main<br />
tenir le sol constamment frais et propre : en culture irriguée, ces<br />
façons suivent les arrosages. Ceux-ci sont nécessaires en Algérie<br />
en dehors des endroits très frais et des régions littorales à.pluies<br />
abondantes. Ils doivent commencer de bonne heure (début mai)<br />
et se terminer tard (novembre). En principe, ils demandent à se<br />
suivre tous les 10-15 jours, ce qui représente un cube d'eau d'en<br />
viron 10.000 m3 Ha. Il est recommandé de les arrêter quelques<br />
jours avant l'exécution des coupes pour ne pas obtenir des tiges<br />
trop aqueuses, ce qui nuirait au séchage et au décorticage. En<br />
hiver, après la dernière récolte, on procède à l'enfouissement des<br />
engrais et, dans les régions où les froids sont à redouter, au but-<br />
tage des pieds.<br />
La Ramie est une plante rustique dont la culture en Algérie n'a<br />
actuellement à souffrir ni de maladies ni de parasites.
Lorsque les tiges sont ,<br />
mûres, ce qui se réconnaît au brunisse<br />
ment progressif de leur partie inférieure, elles sont coupées à la<br />
main. Elles mesurent généralement à ce moment 2 mètres de<br />
hauteur (parfois 3). Il ne faut pas attendre la floraison et bien<br />
saisir le moment de coupe indiqué qui correspond à la meilleure<br />
qualité de la filasse.<br />
Après la coupe, la plante repousse vigoureusement et très ra<br />
pidement, surtout au cours des mois chauds. La première année,<br />
on peut espérer 2 coupes, parfois 3.<br />
Au cours de la deuxième année et des campagnes suivantes, les<br />
façons d'entretien consistent au remplacement des manquants<br />
(indispensable pour maintenir l'homogénéité et la compacité des<br />
jeunes plantations), en épandage d'engrais azoté au printemps<br />
pour favoriser le départ en végétation (les autres engrais étant<br />
épandus en hiver pendant la période de repos) ,<br />
il<br />
en recépage effec<br />
tué sur la première végétation impropre pour la production de<br />
filasse, en binages, sarclages, scarifiages (dont l'exécution est<br />
inutile ou rendue dificile dans les plantations âgées), en arro<br />
sage, etc.<br />
Le rendement d'une ramière est difficile à donner avec préci<br />
sion en Algérie, les essais ayant porté sur de petites surfaces, sur<br />
des terrains choisis, ou n'ayant pas été poursuivis assez long<br />
temps. De plus, les chiffres cités par les divers auteurs ou plan<br />
teurs sont très divergents ou contradictoires et une certaine con<br />
fusion règne dans la destination des récoltes, les coupes, de la<br />
nature des produits récoltés (tiges vertes effeuillées ou non, tiges<br />
sèches, etc.).<br />
Hardy indique des rendements de l'ordre de 60.000 kgs de tiges<br />
non effeuillées et dé 36.500 kgs après effeuillage. Rivière et Lecq<br />
signalent 20.000 et 10.400, et Dazey 13.800 et 6.900 seulement.<br />
Il semble qu'on puisse, d'après les essais poursuivis ces années<br />
dernières au Maroc par M. E. Miège, adopter, avec ce savant<br />
agronome, les chiffres ci-dessous pour une plantation adulte<br />
(c'est-à-dire de 3-4 ans) établie dans des conditions parfaites et<br />
bien entretenues : 30 à 100 tonnes de matières vertes par Ha et<br />
par coupes, celles-ci pouvant être répétées 3 à 4 fois l'an, ce qui<br />
représenterait une possibilité théorique de productivité globale<br />
de l'ordre de 150 à 200-300 tonnes par an et par hectare.<br />
Les renseignements sont plus concordants en ce qui concerne<br />
le rendement moyen en fibres, qui peut être estimé à environ 2 à<br />
2,5 % des tiges vertes feuillées. D'après les données marocaines,<br />
1 Ha en plein rendement, fournissant 100 tonnes brunes par Ha<br />
et par coupe,<br />
et 2 à 3,6 tonnes par an,<br />
Ce rendement,<br />
devrait donner 1.000 à 1.200 kgs de fibres par coupe<br />
selon le nombre des coupes.<br />
considérable par rapport aux autres textiles<br />
algériens possibles (par exemple le coton,<br />
qui donne seulement<br />
2 quintaux 5 à 5-8 quintaux de fibres à l'Ha), est d'ailleurs sous<br />
la dépendance, étroite des soins culturaux et de la fertilité du<br />
sol.
18<br />
Il faut cependant attendre pour juger des véritables possibi<br />
lités locales que la culture ait pris une certaine extension et se<br />
garder d'emballements prématurés.<br />
L'installation d'une ramière (préparation soignée du sol et<br />
plantation) coûte cher, tandis que les frais culturaux annuels<br />
sont plus réduits. M. Miège évaluait, en 1937, le prix de revient<br />
d'un hectare à 3.000 francs environ (effeuillage et défibrage non<br />
compris). Il' faudrait vraisemblablement à l'heure actuelle dou<br />
bler ce chiffre.<br />
On ne saurait actuellement fixer la valeur marchande de la<br />
fibre en l'absence de tout marché. Il semble toutefois qu'il faille<br />
se garder d'emballements excessifs basés sur des bénéfices extra<br />
ordinaires résultant de cours élevés et exagérés de la matière pre<br />
mière agricole. Des articles de propagande ont fait luire l'espoir<br />
de gains à la production de l'ordre de 25.000 à 40.000 francs par<br />
hectare. Il est prudent de ne pas y attacher trop d'importance.<br />
Sans doute la production de la Ramie sera encouragée par l'établisement<br />
de prix suffisamment rémunérateurs et de contrats de<br />
culture (à l'instar des autres productions textiles comme le coton,<br />
par exemple) si elle s'avère viable par la mise au point d'un pro<br />
cédé pratique de défibrage. Néanmoins, il est souhaitable, pour le<br />
développement et le maintien de cette culture nouvelle, que le<br />
planteur ne s'attende point à des bénéfices aussi importants. Plus<br />
raisonnablement,<br />
si la Ramie rapportait de 5 à 10.000 francs<br />
nets par hectare et que les difficultés de défibrage soient vain<br />
cues, l'intérêt du planteur serait largement satisfait et le lance<br />
ment de la culture serait facilement assuré.<br />
5°) L'avenir de la culture de la Ramie en Algérie<br />
L'avenir de la culture de la Ramie est lié, en Algérie, à la réus<br />
site des essais de décorticage en cours ; à la certitude d'un béné<br />
fice rémunérateur au moins aussi élevé que celui laissé -par les<br />
autres cultures irriguées possibles (au moins égal à celui que peut<br />
laisser le coton, 5 à 10.000 fr. par hectare) ; à la possibilité d'é<br />
tendre les plantations.<br />
A ce sujet, il ne faut pas s'attendre à un démarrage très ra<br />
pide. La culture de la Ramie, après les échecs de 1928, avait com<br />
plètement disparu en Algérie, où il ne subsistait plus que la plan<br />
tation du Jardin du Hamma, établie sur quelques ares seulement.<br />
En l'absence de toute autre source, c'est à partir de cette unique<br />
souche que doivent se constituer les ramières algériennes en uti<br />
lisant soit les graines disponibles, soit les rhizomes.<br />
Le Jardin d'Essai a pu distribuer quelques kilogs de graines,<br />
malheureusement trop anciennes et de faculté germinative infé<br />
rieure pour la plus grande partie. Ces déboires, joints à un semis<br />
d'automne trop précipité et hors saison, n'ont pas permis de re-
tirer des semences existantes tout le parti possible. La multipli<br />
cation par rhizones et éclats de souche est le seul moyen rapide<br />
qui puisse être actuellement envisagé pour l'établissement des<br />
plantations à partir de la collection algéroise. Elle est malheu<br />
reusement limitée et ne peut permettre d'envisager pour 19<strong>42</strong><br />
l'établissement de ramières étendues, étant donné la grande den<br />
sité de plantation réclamée par la culture (50.000 pieds à l'Ha).<br />
Pour utiliser au maximum des disponibilités limitées du Jardin<br />
d'Essai, son distingué directeur, M. Boyer, a mis heureusement<br />
au point une méthode de multiplication accélérée par réduction<br />
à quelques centimètres de la longueur des fragments de rhizones.<br />
Sans qu'on puisse compter voir la culture de la Ramie s'implan<br />
ter rapidement, car cela supposerait que les difficultés indus<br />
trielles seraient vaincues ; que l'industrie française (qui ne trai<br />
tait avant guerre que 1.200 à 1.300 tonnes environ de fibres de<br />
ramie) soit adaptée au travail particulier de ces fibres, on doit<br />
suivre avec le plus grand intérêt les essais et tentatives actuelle<br />
ment en cours (tant industrielles que culturales), car la Ramie,<br />
qui vient très bien sous notre climat, est un textile des plus inté<br />
ressants en quantité et en qualité.<br />
Plante à fibre la plus productive, elle fournit la plus belle, la<br />
plus longue, la plus tenace et la plus fine, supérieure pour l'en<br />
semble de ses qualités à celle que, donnent le lin, le chanvre et le<br />
coton.<br />
Puisse, dans l'intérêt général, la culture de la Ramie, tentée<br />
à nouveau dans des conditions économiques exceptionnellement<br />
favorables à sa réussite, s'établir en Algérie et y donner des ré<br />
sultats satisfaisants qui couronneraient ainsi heureusement<br />
quatre-vingt-dix années d'expérimentation et de recherches.<br />
P. LAUMONT,<br />
Ingénieur agronome,<br />
Professeur d'<br />
Agriculture<br />
à l'Institut Agricole d'Algérie.<br />
19
Quarante-Sixième Année<br />
1" Trimestre <strong>1941</strong><br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Oociété<br />
•e-yn<br />
N° 165<br />
de Géographie d'Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
ALGER — IMP. IMBERT
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />
d'Appel d'Alger.<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. ARNAUD Robert, Gouverneur Honoraire des Colonies.<br />
AUBRY Jules, Professeur honoraire du Lycée, Président du Conseil<br />
d'administration des tramways du Sahel.<br />
BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
BERGER- VACHON Victor, Professeur à la Faculté de Droit d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />
Lycée d'Alger.<br />
BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />
JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des travaux des Colonies.<br />
MATHIEU Louis, Préfet honoraire.<br />
Général MEYNIER.<br />
Général PAQUIN.<br />
PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
RIMBAULT Paul, Rédacteur en Chef de la « Dépêche Algérienne »<br />
et de P « Effort Algérien ».<br />
M. le Colonel PEYRONNET.<br />
Conseillera techniques. ^ M. le Commandant LEHURAUX.<br />
M. le Commandant BIDAN.
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Quarante-Sixième Année<br />
"1" Trimestre <strong>1941</strong><br />
Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />
SEANCE DU 9 NOVEMBRE 1940<br />
Conférence<br />
N'<br />
-165<br />
« Un programme d'action », par Me Lefèvre-Paul, Président<br />
de la Société de Géographie.<br />
Promotions<br />
Me LefêVEE-Paul, officier de la Légion d'honneur.<br />
Commandant Lehuraux, officier de la Légion d'honneur.<br />
Décès<br />
M. Huguenin, Inspecteur général honoraire des P.T.T.<br />
M. Sounes, Conseiller à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
Mme Delavelle, Institutrice .en<br />
retraite.<br />
Adhésion<br />
M. Lahaye Lucien, Ingénieur, 2 bis, chemin du Télemly ; pré<br />
senté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
SEANCE DU 14 DECEMBRE 1940<br />
Conférence<br />
« Trente ans de la vie de Dakar », par M. Robert RANDAU, Gou<br />
verneur honoraire des Colonies.<br />
M. CHAMSKI-MÀNDAJORS,<br />
Amis du Vieil Alger.<br />
Nominations<br />
nommé Président de la Société des<br />
M. le Général Paquin, Président de la Légion des Combattants<br />
de l'Algérie.
2 BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE<br />
Mme Delavelle, Institutrice.<br />
M. DELOUY,<br />
Décès<br />
Directeur honoraire des P.T.T.<br />
M. Piquery Auguste, Négociant.<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. de Falguerolles. 22, avenue Albert Ier, El-Biar ; présenté<br />
par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
M. Salles Albert, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger ; présente<br />
par MM. Lefèvre-Paul et Prunnelle.<br />
SEANCE DU 28 DECEMBRE 1940<br />
Conférence<br />
« Au Maroc avec le Maréchal Pétain »,<br />
LEHURAUX, Directeur des Territoires du Sud.<br />
par M. le Commandant<br />
Nouvelles adhésions ,<br />
Le R.P. Henry Koehler, Franciscain, Chapelle Saint-Louis,<br />
36, rue Léon-Roche, Alger ; présenté par Mgr Leynaud et M. Rey-<br />
gasse.<br />
M. Makaci Kaddour, Instituteur, 4, rue Empereur- Vespasien,<br />
Alger ;<br />
présenté par Mme et M. Bugéja.<br />
M. Bouchet-Virette Georges, officier des Affaires indigènes<br />
aux Territoires du Sud ; présenté par MM. Lehuraux et Lefèvre-<br />
Paul.<br />
M. Comes Pierre,<br />
officier des Affaires indigènes au Gouverne<br />
ment Général ; présenté par MM. Lehuraux et Lefèvre-Paul. ,<br />
M. Thouvenin Gabriel, Commandant, 97, rue Michelet, Alger.<br />
M. Lemmet Justin, Chef du Service Agricole des Territoires du<br />
Sud, 11, rue Emile-Lacanaud ; présenté par MM. Lehuraux et<br />
Lefèvre-Paul.<br />
SEANCE DU 18 JANVIER <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« Psichari », par M. le Colonel de Lavarenne.
■ M.<br />
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. MAURY Albert, Commissaire central en retraite, 1, rue Ro-<br />
vigo, Alger ;<br />
présenté par MM. Lagier et -Mabit.<br />
M. le Lieutenant-colonel Assier de Villatte, Chef du Cabinet<br />
militaire du Gouverneur Général, Palais d'été ; présenté par MM.<br />
Lehuraux et LefèVre-Paul.<br />
Mlle Boipfils Yvonne, 43, rampe Mageuta, Alger ; présentée<br />
par Mme Anciaume et M. Lefèvre-Paul.<br />
■M. Aloï Georges, 24, rue Michelet ; présenté par MM. Vaugien<br />
et Lefèvre-Paul.<br />
M. Plateau, 80, rue Michelet ; présenté par M. Lefèvre-Paul.<br />
Par :<br />
Subventions accordées<br />
Compagnie Algérienne 100 fr.<br />
Barclays Banck 25 fr.<br />
Bon Marché 100 fr.<br />
Crédit Foncier 100 fr.<br />
SEANCE DU 1"<br />
Conférence<br />
FEVRIER <strong>1941</strong><br />
€ Robert Houdin au service de la France », par le Chevalier X...<br />
Subventions accordées<br />
Banque de l'Algérie 1.000 fr.<br />
Compagnie Transatlantique 100 fr.<br />
Chambre de Commerce 99 fr.<br />
Transports Maritimes<br />
3<br />
100 fr.<br />
Société Marseillaise 100 fr.<br />
Compagnie dé Navigation Mixte 100 fr.<br />
Nouvelle adhésion<br />
Cardinal, Industriel, agence de l'A.O.F., 2, boulevard Car-<br />
not, Alger ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.
4 bulletin de la société de géographie<br />
SEANCE DU 15 FEVRIER <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« L'Alsace », par Mgr HlNCKY.<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. Morin Fernand, place Liébert, Saint-Eugène (Alger) ; pré<br />
senté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
M. Mirabella Louis, Chef de bureau honoraire des CF. A.,- villa<br />
Rosine, route Malakoff, Saint-Eugène (Alger).<br />
Mlle Michel Ariette, 3, rue Auber, Alger ; présentée par MM.<br />
Sturla et Roux.<br />
Mlle AlbaRranc Suzanne, 18, boulevard Baudin, Alger ; pré<br />
sentée par MM. Roux et Sturla.<br />
Mme Costedoat Jean, 27, boulevard Carnot, Alger ; présentée<br />
par Mme Malleval et M. Prunnelle.<br />
Mlle Pignodel Stéphanie, 4, rue Clauzel, Alger ; présentée par<br />
MM. de Sambœuf et Mélia.<br />
M. Pfeiffer, Notaire à Alger, 20, rue de la Liberté.<br />
Me<br />
Saussol, 40, boulevard Saint-Saëns, Alger ; présenté par<br />
Mlle Chellier et M. Brugnet.<br />
Décès-<br />
M. le Colonel de Bonnefoy, château de Redon, Lagardelle (Hte-<br />
Garonne) .<br />
M. Besnard, Propriétaire à Oued-Amizour.<br />
Subventions<br />
Préfet d'Alger 2.500 fr.<br />
Chambre de Commerce de Bône '. 100 fr.<br />
SEANCE DU 1"<br />
Conférence<br />
MARS <strong>1941</strong><br />
« L'Aiglon, sa légende et l'histoire », par M. Rimbault, rédac<br />
teur en chef à la « Dépêche Algérienne ».
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE<br />
Promotion<br />
M. SERGENT : Président de l'Académie de Médecine.<br />
Subventions<br />
Chambre de Commerce de Bône 100 fr.<br />
Société Générale 80 fr.<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. Heitz Fernand, Conseiller à la Cour d'Appel d'Alger ; pré<br />
senté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
Mme Brouillet Elie, 91, rue Michelet ; présentée par MM.<br />
Brouillet et Lagier.<br />
M. GORRÉE Georges, Missionnaire, Ermitage Charles de Fou-<br />
cauld, Tiflet (Maroc) ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
M. Cattin, Chef de bureau auxiliaire B.A. en retraite, 2, rue<br />
Lyautey, Alger ; présenté par MM. Simounet et Aubry.<br />
Mlle Le Febvre Christiane, 1 bis, rue du Dauphiné, Alger ; pré<br />
sentée par MM. Le Febvre et Lloret.<br />
SEANCE DU 15 MARS <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« La monnaie au service de la France »,<br />
Subvention<br />
par M. de Rinquensen.<br />
Préfecture : Subvention coloniale 3.000 fr.<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. le Colonel Perrossier, 33, boulevard Saint-Saëns, Alger ;<br />
présenté par MM. les Colonels Cortot et de Lavarenne.<br />
Mme Praréja Félicie, 11, rue Charras, Alger ; présentée par<br />
MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
M. Gaubert Charles, Préfet, Inspecteur général du Service Ad<br />
ministratif, Alger ; présenté par MM. Zeraffa et Chamski.<br />
5
Conférence faite le 9 novembre 1940 par M."<br />
Lefèvre-Paul, s<br />
Président de la Société de'<br />
Géographie<br />
La réouverture des conférences pour l'année 1940-<strong>1941</strong> se fait sous l'émo<br />
tion d'une telle douleur que la seule ressource pour, la pouvoir dominer est<br />
de se rejeter hors du temps présent vers l'avenir et de se tracer un pro<br />
gramme de l'action nécessaire. Ce programme se résume pour le conférencier<br />
en trois mots : « Continuer et maintenir ».<br />
Continuer chacun à son poste, dans sa fonction, dans sa profession, dans<br />
son activité matérielle intellectuelle... avoir la force d'âme de continuer comme<br />
si rien n'était compromis.<br />
Continuer pour maintenir : ce qu'il faut maintenir, c'est nous-mêmes, qui<br />
faisons la vie immortelle de la Nation, maintenir nos situations, nos senti<br />
ments, nos caractères, notre esprit français.<br />
Sur la terre Africaine,<br />
de France,<br />
plus encore que partout dans les autres provinces<br />
ce programme s'impose impérieusement. Le conférencier rappelle<br />
le discours qu'il prononçait il y a une quinzaine d'année pour le vingt-cinT<br />
quième anniversaire de la Société de Géographie : la conclusion était que sur<br />
la terre d'Afrique où la France a apporté la Paix libératrice des jougs<br />
anciens et la flamme de sa pensée, le plus haut devoir est d'entretenir cette<br />
flamme et d'en faire un ardent brasier où viennent se confondre et se con<br />
volon<br />
sumer ensemble toutes les pensées, tous les sentiments, toutes les<br />
toutes les activités de tous ceux qui peuplent la terre d'Afrique. Et la pvti-<br />
sance d'assimilation du Génie Français s'est toujours révélée telle que, si<br />
nous continuons et maintenons ce génie, nous serons sûrs de l'avenir, mal<br />
gré tout.<br />
Le conférencier insiste sur le rôle que la société de Géographie a joué, et<br />
doit continuer à jouer dans cette œuvre spirituelle : alimenter la flamme<br />
de la pensée française sur la terre africaine.-<br />
Ce sera là notre manière de continuer et de maintenir : nous y aurons<br />
de la peine : les fonds nous manquent pour continuer de publier notre bul<br />
letin... nous nous efforcerons, quand même, de ne pas interrompre cette<br />
chaîne de pensées, continue depuis bientôt 40 ans. Les conférences nous res<br />
tent où nos collègues, de cœur désintéressé et d'esprit éminent, viennent<br />
dispenser tour à tour les grâces et les forces de l'esprit français.<br />
Nous multiplierons les conférences ; nous vous demandons d'y venir nom<br />
breux, 'd'y amener des auditeurs, d'enrôler de nouveaux sociétaires : c'est<br />
plus que jamais le temps de se grouper.<br />
Le conférencier expose rapidement quelques réflexions sur le. programme<br />
immense et splendide de l'Algérie, de l'Afrique Française dans le temps<br />
présent : terre de refuge où nous avons le devoir sacré d'accueillir ceux que<br />
la catastrophe arrache à leurs foyers, à leurs affaires, à toute leur vie de<br />
la Métropole.<br />
Il faut nous attendre et nous préparer à recevoir beaucoup de compa<br />
triotes... beaucoup d'affaires métropolitaines... qui seront transférées ici.<br />
Et puis, il y aura tous les jeunes désemparés que la catastrophe a laissés<br />
pantelants, l'esprit désorienté, et doutant de l'avenir : qu'ils viennent à nous<br />
nombreux, car, plus que tout autre province française, nous sommes pour eux<br />
l'Avenir.<br />
Et le conférencier, d'écarter une objection fréquente : il n'y<br />
aurait plus de<br />
place ici, surtout en Algérie. Il y a beaucoup de places, même en Algérie."
UN PROGRAMME D'ACTION 7<br />
Il suffira de changer d'objectif, ne plus songer seulement à la- prospérité<br />
matérielle, ne plus réaliser seulement les conditions du succès financier dans<br />
les grandes Affaires Algériennes, dans les grandes propriétés.<br />
Le moment est venu de ne plus songer qu'au peuplement en se servant de<br />
cette prospérité : la grande propriété peut et doit subsister, mais en prenant<br />
des formes nouvelles d'exploitation pour fixer au sol et y faire, vivre de nom<br />
breuses familles venues de France.<br />
Et puis il y a l'Industrie que les circonstances lancent, rompant toutes les<br />
barrières accumulées par les intérêts particuliers et les routines d'autrefois...<br />
Jl y a les liaisons de l'Algérie avec les pays d'Afrique Française, liaisons<br />
trop longtemps entravées par l'esprit particulariste... Il y a ce bloc de la<br />
France Africaine du Golfe de Guinée à la Méditerranée.<br />
Il y a beaucoup de places à prendre et qu'il faut remplir pour la prospé<br />
rité de la France.<br />
Que du malheur présent naisse la Grandeur future, cela sera possible si,<br />
par fortune, nous pouvions accueillir et fixer sur nos terres d'Afrique Fran<br />
çaise un million de Français. Quelle espérance, quel programme propres à<br />
réveiller le courage, à ranimer l'énergie, à vaincre la douleur.<br />
Toutes ces idées, toutes ces espérances, notre Société se doit de les agi<br />
ter, de les discuter, de les répandre, de les aider à réussir...<br />
si modeste n'aura pas été inutile : tel est notre programme d'action, à nous,<br />
Société de Géographie.<br />
Et*<br />
notre rôle
Irente Ans de la Wie de Dakar<br />
Conférence faite le 14 décembre 1940 par M. Robert Eandau,<br />
gouverneur honoraire des colonies<br />
Après avoir indiqué les avantages que présente pour la navigation et le<br />
commerce la position géographique de Dakar, dans la presqu'île du Cap<br />
Vert : protection contre les vents de l'Océan, absence de la barre qui rend<br />
précaire sur la côte Atlantique africaine les communications entre les bateaux<br />
et la terre, aiguade de sécurité militaire, le conférencier fait l'historique de<br />
la cité impériale. Dans le passé le plus lointain, et<br />
jusqu'à'<br />
1860, celle-ci ne<br />
fut qu'un hameau de pêcheurs. Ce fut l'îlot qui se trouvait devant l'anse de<br />
Dakar qui retint d'abord l'attention des commerçants et des marins. Les<br />
Hollandais le baptisèrent Gorée, du nom d'une île de là Zélande. Gorée étajt<br />
facile à défendre, mais offrait l'inconvénient de manquer d'eau, qu'on devait<br />
acheter aux indigènes du continent.<br />
En 1677, l'Amiral d'Estrées enleva l'île aux Hollandais et, en septembre<br />
de la même année, M. du Casse en prit possession au nom de la Compagnie<br />
du Sénégal. Il visita ensuite Rufisque, Joal, Portudal, importants lieux<br />
d'échanges sur la côte; Les droits dé la France s'affirmaient déjà sur cette<br />
partie du Sénégal. En 1679, nous signâmes avec le teigne (ou roi) du Baol<br />
un traité de paix qui attribuait en toute propriété à la Compagnie du Sé<br />
négal la côte du Baol avec six lieues dans les terres et le privilège du com<br />
merce. Un traité analogue fut conclu avec le Bourba (ou roi) du Sine ;<br />
d'autres traités conclus en 1764 et 1765 avec le damel du Cayor cédait à la<br />
France, qui avait délivré de l'esclavage un proche parent du Souverain<br />
vendu comme esclave Anglais, les pointes de Dakar et de Bin. A la fin<br />
du XVIII8<br />
siècle, la presqu'île du Cap Vert se sépara de l'empire Djolof et<br />
devint une petite république indépendante, peuplée de dix mille noirs, gou<br />
vernés selon les principes de la loi coranique mitigée par la coutume. Les<br />
autorités de Gorée payaient alors au chef de Dakar une redevance d'une<br />
livre de pain frais par jour et de 54 francs par mois. Le principal commerce<br />
de l'îlot était, avec la gomme, la traite -des esclaves. En 1780, nous fûmes<br />
chassés de Gorée par les Anglais ; le traité de Versailles nous le restitua en<br />
1783. En 1800, de nouveau, les Anglais s'emparent de Gorée, où .nous ne nous<br />
réinstallâmes qu'en 1817. Nous continuâmes de payer des coutumes aux indi<br />
gènes du Cap Vert pour racheter en terre ferme l'eau et les produits néces<br />
saires à notre subsistance.<br />
.<br />
Après une tentative malheureuse de colonisation agricole, nous dûmes in<br />
tervenir dans les affaires de la presqu'île et interdire aux gens de la côte le<br />
équipages."<br />
des* En 1832, on<br />
pillage des navires naufragés et la mise à rançon<br />
établit, à Pointe de Bel-Air, le cimetière de Gorée et les notables des villages<br />
du Cap Vert nous accordèrent le droit de construire un fort à Dakar. Eft<br />
1843, sept missionnaires catholiques créèrent un établissement dans cette lo<br />
calité. L'importance militaire de là presqu'île fut reconnue en ce temps: Le<br />
capitaine Pivet Laprade constatait, en 1851, combien cette partie de la côte<br />
était facile à fortifier et montrait l'importance économique oue prendrait le*'<br />
futur port dans l'avenir. Le 25 mai 1857, le capitaine de vaisseau Protêt fit<br />
débarquer à Dakar les marins de la « Jeanne d'Arc » et prit possession, au<br />
nom de la France, du petit fort récemment construit et du territoire du Cap<br />
Vert. En 1859, Faidherbe vint de Saint-Louis châtier les petits chefs qui mo<br />
lestaient nos commerçants et les religieux ; le 18 mai 1859, il mit en déroute<br />
à Fatik l'armée du roi du Saloum, qui pillait les villages soumis et ruinait
TRENTE ANS DE LA VIE DE DAKAR<br />
la contrée, puis il négocia le rachat des coutumes avec les quatre chefs de<br />
la presqu'île. Et, dès lors, toutes les difficultés d'ordre pratique cessèrent<br />
entre les habitants et le commerce européen.<br />
En 1858, la Compagnie des Messageries impériales (devenues depuis les<br />
Messageries Maritimes) décida d'établir à Dakar un dépôt de charbon. Mais<br />
le fondateur de la ville fut Pinet-Laprade, devenu, en 1860, Gouverneur du<br />
Sénégal ; il en traça, en 1862, le plan qui est resté, dans ses grandes lignes,<br />
celui de la cité actuelle. Il soumit à la signature du Ministère de la Marine<br />
un projet de construction d'un port de relâche. Les travaux, qui commen<br />
cèrent en février 1862, comportaient, entre autres, l'établissement d'un ba-<br />
rachois et d'une jetée en enrochement à l'est du mouillage. Les gens de Gorée<br />
achetaient déjà les terres de Dakar dans un but de spéculation. Le Phare<br />
-des Manielles, à 10 kilomètres de la ville, qui signalait l'important écueil des<br />
août 1864. Le 1er<br />
Almadies, fut allumé le 1"<br />
décembre 1866, deux autres<br />
phares signalaient, l'un le cap Maniel, l'autre la pointe des Almadies. Le<br />
4 novembre 1866, le premier paquebot régulier des Messageries impériales<br />
toucha Dakar, où la marine militaire venait d'installer un magasin, un ate<br />
lier et des appartements.<br />
L'évolution de la ville fut cependant très lente. En 1878, Dakar ne comp<br />
tait que 1.556 habitants ; il s'anima, en 1882, quand s'inaugurèrent les tra<br />
vaux de construction du "chemin de fer Dakar à Saint-Louis, qui se termi<br />
nèrent en 1884. Un décret du 17 juin 1887 sépara la commune de Dakar de<br />
celle de Gorée, avec un budget de 72.000 francs. En 1891, la population de la<br />
future capitale de PA.O.F. ne s'élevait encore qu'à 8.737 habitants. En 1892,<br />
le Conseil Général du Sénégal consacrait sur les fonds de l'emprunt qu'il était<br />
autorisé à Contracter 7.000.000 de francs à divers travaux dans le port de Da<br />
kar. La cité était ouverte en 1897, hors les parties du port et d'administration,<br />
des champs "de mil et de maïs. En 1898, le parlement décida de créer à Dakar<br />
un point d'appui de la flotte. On se mit aussitôt au travail (digue de 2.400 m.<br />
au nord de la passe, dragage à 9 mètres d'un mouillage de 50 hectares, bas<br />
sin de radoub de 200 mètres de longueur, etc...).<br />
En 1902, le siège du Gouvernement général de PA.O.F. avait été transféré<br />
à Gorée. C'est le 5 octobre 1903 que fut approuvée par Paris la construction<br />
d'un port de commerce ; sur la proposition du Gouverneur général Roume, le<br />
ministre des colonies approuva, le 7 juillet 1904, l'adjudication des travaux<br />
qui comportaient des terre-pleins, deux môles, trois bassins, des réserves de<br />
mouillages aux grands paquebots et aux charbonniers, l'alimentation en eau<br />
douce, etc... On vit grand et avec raison.<br />
La population était de 18.447 âmes en 1904 et pourtant une terrible épi<br />
démie de fièvre jaune l'avait ravagée en 1900 et la peste était à l'état endé<br />
mique dans les quartiers indigènes. L'assainissement de la côte fut entre<br />
pris d'urgence et des crédits considérables y furent consacrés ; on construisit<br />
des collecteurs d'écoulement des eaux pluviales et un réseau complet d'égouts,<br />
on remblaya et draina des marécages ; les voies étaient macadamisées et plan<br />
tées d'arbres, dix kilomètres d'avenues étaient aménagés en même temps que<br />
les rues dé la petite voirie. Un palais monumental était édifié qui dominait<br />
la rade, hôpital et casernes modernes remplaçaient des installations provi<br />
soires. Des châteaux d'eau s'élevaient en des endroits judicieusement choisis.<br />
On créa une usine électrique et les rues furent éclairées à l'électricité. Mai<br />
sons et pavillons pulullaient.<br />
En 1907, le Gouverneur général quittait Gorée et s'installait en son palais<br />
complètement terminé à Dakar. Un grand palais de justice, un hôtel du secré<br />
tariat, où se groupaient les divers services administratifs, s'édifiaient sur la<br />
place Protêt. On aménageait des écoles, un hôtel des postes et télégraphes, le<br />
casernement des douanes, l'hôtel des travaux publics, celui du commandant<br />
supérieur des troupes, deux camps de tirailleurs, un bel hôtel de ville. Le<br />
quartier européen se composait de chalets, de vérandas fort élégants ; l'est de<br />
"la ville était réservé aux bâtiments militaires, le sud aux formations sani<br />
taires ; au voisinage de la place du marché se groupaient les maisons de com<br />
merce. En 1908, il entrait à Dakar 648 navires et le mouvement du port s'éle<br />
vait à 395.554 tonnes. En 1914, la population comptait 23.883 âmes. Le budget<br />
V)
10 TRENTE ANS DE LA VIE DE DAKAR<br />
municipal était de 839.550 francs. Pendant la grande guerre, l'activité de la<br />
capitale africaine ne se ralentit point.<br />
Un décret du 21 octobre 1924 institua un régime particulier pour la com<br />
mune de Dakar et sa banlieue ; elle eut son autonomie administrative et un<br />
gouverneur à sa tête. Le recensement de 1926 attribuait 32.679 habitants à<br />
l'agglomération. En 1929, la circonscription comportait environ 58.500 âmes, le.<br />
port recevait 5.187 navires d'un tonnage de 8.389.793 tonneaux qui débar»<br />
quaient 575.367 tonnes de marchandises et embarquaient 466.207 tonnes de<br />
produits. Quantité d'écoles, d'établissements scientifiques et culturels^ de puis<br />
santes maisons de commerce y avaient leur siège. Les services d'hygiène<br />
avaiëht complètement assaini la ville parcourue par des voies magnifiques.<br />
Un marché couvert monumental à resserres frigorifiques accueillait les cha<br />
lands. La banlieue était transformée, en un immense jardin potager, entre- ^<br />
tenu par des milliers de maraîchers indigènes. En 1933, la ville haute était<br />
une vaste cité-jardin ;.fe centre en est maintenant occupé par une cathédrale<br />
d'une architecture originale appropriée au climat.<br />
Depuis cette époque on a construit dans le port deux nouveaux môles de<br />
170 m., un terre-plein de 55 hectares pour l'exportation des arachides, un<br />
môle à combustible, un môle d'escale, un bassin, abri pour l'accostage de trois<br />
grands croiseurs et on a jeté les fondements d'une digue destinée à relier<br />
l'îlot de Gorée à la terre ; toutes les plus récentes découvertes de la science<br />
trouvent à Dakar leur application pratique.<br />
Cinq hangars silos d'arachides peuvent contenir chacun 2.400 tonnes de<br />
graines ; des transporteurs mécaniques les longent qui assurent la manuten<br />
tion de 2.000 sacs d'arachides, soit cent tonnes par heure. Les cultures maraî<br />
chères se sont étendues de plus en plus loin aux environs de Dakar, en même<br />
temps que s'est accrue et perfectiohnée la fourniture de l'eau au port et à<br />
la ville, gfâce à d'immenses travaux de captation de nappes souterraines.<br />
Le développement de la ville de Dakar, qui se poursuit avec une activité<br />
accrue depuis une cinquantaine d'années, est un chef-d'œuvre de l'esprit co<br />
lonisateur français. Nos pionniers ont triomphé d'une nature qui ne leur pré<br />
sentait dabord qu'un paysage désolé de dunes de sable. Ils y ont lancé des che<br />
mins de fer et bâti de toutes pièces une des plus puissantes villes maritimes<br />
du monde.
Conférence feule le 28 1940 par M. le Commandant Lehuraux,<br />
Directeur des Territoires du Sud<br />
Le sujet de la conférence donnée le 28 décembre 1940 par M. le Comman<br />
dant Lehuraux avait attiré de nombreux membres de la Société de Géogra<br />
phie, parmi lesquels se trouvaient plusieurs officiers généraux et des officiers<br />
supérieurs de la garnison d'Alger. L'Amiral Abrial, Gouverneur général de<br />
l'Algérie, s'était fait représenter par le Lieutenant-colonel de Villatte, chef<br />
de son Cabinet militaire.<br />
L'on connaît généralement assez peu dans le grand public le rôle décisif<br />
qu'a joué le Maréchal Pétain dans la campagne du Riff en 1925. Le vain<br />
queur de Verdun et le généralissime des armées, françaises de la grande<br />
guerre ayant atteint le summum de la gloire, l'on s'inquiétait fort peu de l'im<br />
portance de son intervention dans cette guerre coloniale et cette guerre elle-<br />
même, survenue peu d'années après l'armistice de 1918, considérée comme un<br />
épisode secondaire sans intérêt, passait presque inaperçue. L'opinion publique<br />
trouvait plus de piquant à la lecture des faits divers pittoresques, aux aven<br />
tures retentissantes d'un escroc d'envergure ou aux palpitants détails d'un<br />
crime passionnel.<br />
Le Commandant Lehuraux présenta tout d'abord une synthèse des événe<br />
ments qui précédèrent notre action. L'Espagne est aux prises avec un chef<br />
rebelle, Abdelkrim, dont le prestige, d'abord localisé, ne tarde pas à s'étendre<br />
dans tout le Riff espagnol, puis jusque dans les régions frontalières du ter<br />
ritoire chérifien placé sous le protectorat français. Dès ce moment, en 1924,<br />
le Maréchal Lyautëy, conscient du ^danger, sollicite instamment du Gouver<br />
nement l'envoi de renforts qui ne lui parviennent pas. Le grand colonial, en<br />
présence de cette carence du Gouvernement, prend alors l'initiative de dé<br />
garnir tous ses théâtres d'opérations secondaires peur rassembler le plus de<br />
monde possible sur la frontière. du Riff. A ce moment, nous ne disposions au<br />
Nord de Fez que d'une réserve de quatre bataillons à l'effectif de 600 hommes<br />
chacun.<br />
Le 9 avril 1925, Abdelkrim déclanche son attaque. Bientôt,<br />
notre poste de<br />
Béni Derkoul est violeïùment assailli et le pays des Beni-Zeroual est occupé<br />
par l'adversaire. Heureusement, les troupes du général de Chambrun et celles<br />
du général Hensch tiennent fermement et réussissent à sauver Fez. Fin mai,<br />
quelques renforts commencent enfin à arriver et le général Daugan, appelé<br />
d'urgence de Marrakech, réussit.l'énorme besogne de colmatage du front par<br />
un incessant mouvement de colonnes. C'est à cette époque que, parmi tant<br />
d'actes d'héroïsme, le sous-lieutenant Lapeyre se fit sauter avec son poste de<br />
Béni Derkoul pour ne pas se rendre.<br />
La situation était extrêmement critique et le Maréchal Lyautey ne cessait<br />
de la signaler au Gouvernement en sollicitant l'envoi de renforts d'extrême<br />
urgence ; ce n'est qu'en juillet 1925 que l'on se décida enfin à donner satis<br />
faction à cette demande, et pour bien marquer sa résolution d'en finir au plus<br />
vite avec ces événements du Riff, le Gouvernement envoyait au Maroc, pour<br />
y étudier la situation, le plus grand, le plus glorieux soldat de France, le<br />
Maréchal Pétain.<br />
Dès le 20 juillet, trois jours après l'arrivée du Maréchal Pétain à Fez, une<br />
offensive de nos troupes permettait de reprendre des positions momentané-
PÉTAIN'<br />
12 AU MAROC AVEC LE MARÉCHAL<br />
ment abandonnées. Ces positions conquises, une foi? consolidées, le Maréchal<br />
procédait à une répartition du commandement, fixait les responsabilités de<br />
chacun, puis, sa mission terminée, il rentrait en France après avoir conféré<br />
avec le Général Primo de Rivera en vue d'une collaboration plus étroite entre<br />
les forces françaises et les troupes espagnoles.<br />
Le séjour du Maréchal dans la Métropole devait être de courte durée. Le<br />
18 août, en effet, le glorieux chef quittait à nouveau Paris pour gagner Ca<br />
sablanca et il prenait la direction générale des opérations militaires et le<br />
commandement des troupes du Maroc. Le Maréchal Pétain devenait ainsi le<br />
chef unique.<br />
Le 8 septembre, les renforts et le matériel attendus de France se trou<br />
vaient à pied d'œuvre. Le 10, deux jours après le débarquement des Espa<br />
gnols à Ajdir, le Maréchal prescrivait une intense préparation d'artillerie<br />
sur tout le front de POuergha et, dès le lendemain, il donnait Fbrdre, depuis-<br />
si longtemps attendu, de prendre l'offensive. Celle-ci fut irrésistible, fou<br />
droyante ; l'adversaire fuyait en désordre devant nos colonnes ; partout, des<br />
succès étaient enregistrés et nos vaillants soldats avaient repris position sur<br />
les lignes que nous occupions avant l'agression riffaine. Tout danger était<br />
écarté et l'avenir pouvait être envisagé avec confiance.<br />
La guerre du Riff n'était cependant pas terminée pour autant, mais l'ère<br />
des grandes opérations paraissait close au moins jusqu'au retour du prin<br />
temps. Le Maréchal Pétain établit alors un programme à la fois politique et<br />
militaire à réaliser durant l'hiver 1925-26 et il précisa ses directives au cours<br />
d'un Conseil de Guerre réuni à Fez le 1er<br />
novembre, en insistant tout parti<br />
culièrement sur l'habitation, la nourriture, les distractions à procurer à nos<br />
soldats pendant la période d'hivernage, afin de soutenir leur moral et dé<br />
récompenser leur belle conduite. Le 6_ décembre, le Maréchal débarquait à<br />
Marseille et partait pour Paris rendre compte des résultats de sa mission.<br />
L'hiver 1925-1926 s'écoula comme il avait été prévu, sans incident notoire ;<br />
mais à l'approche du printemps, il convenait d'envisager, de concert avec<br />
l'Espagne, les opérations définitives destinées à achever l'œuvre, si bien com<br />
mencée, de l'automne précédent.<br />
Le 4 février 1926, le Maréchal Pétain partait pour Madrid muni de pou<br />
voirs exceptionnels du Gouvernement en vue d'arrêter, avec PEtat-major<br />
espagnol, un plan d'action commun et les détails d'une collaboration militaire<br />
au Maroc Septentrional. Cette visite, accompagnée d'entretiens amicaux avec<br />
le Roi Alphonse XIII et son Gouvernement, eut pour heureux résultat de<br />
resserrer plus étroitement les liens qui unissaient les deux pays et de nous<br />
assurer le concours des troupes espagnoles.<br />
Conformément au plan du Maréchal, une grande offensive était décidée<br />
au début du printemps de 1926. C'est à ce moment qu'eurent lieu les pre<br />
miers pourparlers de paix qui ne purent aboutir en raison des exigences du<br />
chef riffain. La bataille s'engageait le 18 mai et, le 23 au soir, les opéra<br />
tions se terminaient par une victoire complète sur toutes les parties du front.<br />
Le 27 mai, à 2 heures du matin, le Rogui Abdelkrim quittait Smada avec<br />
une escorte de spahis pour faire sa soumission au commandement français.<br />
La campagne du Riff était terminée. Une fois de plus, le Maréchal Pétain<br />
avait sauvé la France d'un grand danger.<br />
Le Commandant Lehuraux ne manqua pas, à ce propos, de mettre en va<br />
leur l'esprit d'abnégation du Maréchal. « La guerre du Riff ne pouvait rien<br />
ajouter à sa renommée, dit-il ; les hasards de la lutte si particulière engagée<br />
au Maroc pouvaient, au contraire, donner lieu à des insuccès locaux dont l'opi<br />
nion publique, versatile dans ses idées comme dans ses affections et volon<br />
tiers frondeuse, n'eut pas manqué de rendre responsable le Commandant en<br />
chef des troupes françaises. Mais le Maréchal, quand on fit appel à lui ne<br />
songea certainement pas à ces éventualités : Soldat avant, tout, il fit don de<br />
sa gloire à la France comme, depuis, il lui a fait don de sa personne. »<br />
Le Commandant Lehuraux termina sa belle conférence par un rappel des<br />
événements douloureux qui amenèrent le Maréchal Pétain au pouvoir « C'est<br />
alors que tout à coup, des ténèbres dans lesquelles nous étions plongés, sur<br />
git une éclatante lumière. Dominant un peuple en déroute, prêt aux plus
folles extrémités,<br />
il parle un langage nouveau,<br />
AU MAROC AVEC LE MARÉCHAL PÉTAIN 13<br />
un noble vieillard apparaît tel le Messie sur les sommets ;<br />
un langage très simple qui va droit au cœur<br />
de tous les "Français désespérés. Un cri de foi jaillit des poitrines :<br />
Pétain !... » Et le conférencier, après avoir rappelé les raisons d'espérer sous<br />
Pégide d'un chef aussi prestigieux-, donna à son auditoire ces ultimes conseils :<br />
(1)<br />
IP^IICIMaVIRII<br />
Conférence du 18 janvier <strong>1941</strong>,. par M. le Colonel de LavarÊNE<br />
Tout faisait présager en Ernest Psichari, petit-fils de Renan,<br />
un Grand<br />
Avenir littéraire. Mais, à 20 ans, l'anarchie intellectuelle et une crise senti<br />
mentale violente le plongent dans le désarroi. II mène alors une vie de liber<br />
tin qui le conduit jusqu'à une tentative de suicide. ,<br />
Après être tombé si bas, il ressent un besoin d'ordre, de discipline et, à la<br />
stupeur du monde intellectuel, il contracte un engagement, puis en 1906, il<br />
passe dans l'artillerie coloniale et part pour le Congo en expédition militaire.<br />
Au point de vue religieux, il est dans un état de complète indifférence, mais<br />
sous l'influence de Barrés et de Péguy, il commence à découvrir- les idées<br />
de patrie et de tradition.<br />
En 1908, il revient du Congo avec son premier livre : Terres de soleil et<br />
de sommeil.<br />
En septembre „L909, il sort de l'Ecole Militaire de Versailles comme souslieutenant<br />
et il part pour la Mauritanie.<br />
Le problème religieux le hante le long des pistes désolées, dans les sables,<br />
sous les étoiles ; les conversations religieuses des Maures l'impressionnent...<br />
En décembre 1912, il rentre en France et il se dit « catholique sans la foi ».<br />
L'Appel des Armes, publié peu après, retrace cette étape.<br />
La prière, l'étude réfléchie, l'influence d'amis (surtout Maritain), l'amour<br />
de la patrie française l'inclinent de plus en plus vers la profession de foi<br />
catholique et, le 4 février 1913, il fait le pas décisif.<br />
Le Voyage du Centurion raconte cette conversion et montre l'éveil du<br />
croyant dans le soldat.<br />
La ferveur de Psichari ne fait que croître de jour en jour ; il s'inscrit à<br />
la conférence de Saint Vincent de Paul, il entre dans le Tiers-Ordre Domi<br />
nicain ; l'idée du sacerdoce et de la vie religieuse germent dans'son esprit.<br />
Arrivent les journées tragiques d'août 1914 ; le lieutenant Psichari est<br />
frappé d'une balle derrière l'oreille ; il meurt comme il voulait mourir, "En<br />
soldat et en chrétien.<br />
Ernest Psichari laisse après lui un sillon de lumière ; la force de son<br />
œuvre, le rayonnement de sa personne, son esprit de sacrifice, son patriotisme:<br />
qui l'a conduit au catholicisme, tout incite à le donner comme un des Maîtres<br />
de la Jeunesse de <strong>1941</strong>.<br />
N'y a-t-il pas un indice émouvant de l'attirance exercée par Psichari, dans<br />
les soins fraternels dont sa tombe, en terre belge, est entourée, et dans l'em<br />
pressement avec lequel amis inconnus ou écrivains cherchent à le faire con<br />
naître et aimer.<br />
(1) Lieutenant Ernest Psichari, né à Paris le 27 septembre 1883. Mort au champ<br />
d'honneur le 22 août 1914.
René Trautmann. —<br />
La<br />
KAPili:;<br />
divination à la côte des esclaves et à Madagascar.<br />
Un volume in-4°. Mémoires de l'Institut français d'Afrique noire (Librai<br />
rie Larose, Paris, 1939).<br />
Il est heureux pour la science de l'homme que de grandes enquêtes aient<br />
été enfin entreprises sur les croyances sor- ><br />
magiques et les pratiques de la<br />
cellerie dans les populations indigènes d'Afrique. On sait à ce jour le rôle<br />
prépondérant qu'elles jouent dans la formation de la mentalité des noirs. Je<br />
'<br />
devrais ajouter qu'il s'agit en réalité d'un trait particulier à l'humanité,<br />
même éclairée, qui tend à attribuer à l'intervention d'entités plus ou moins<br />
précises la fortune ou l'infortune de l'individu et du groupe. La psychologie<br />
des noirs est profondément imprégnée d'une foi mystique traditionnelle qui<br />
se manifeste par des actes au moindre incident, même chez les gens évolués<br />
ou convertis soit à l'Islam, soit au christianisme (que l'on se reporte, à ce<br />
propos, à l'ouvrage capital de Raoul Allier sur la psychologie de la conver<br />
sion) ; j'ai constamment attiré, naguère, au cours de mes voyages d'inspec<br />
tion dans les cercles du Soudan, l'attention des administrateurs sur l'utilité<br />
primordiale que présentait, pour la connaissance intime des états d'âme de<br />
leurs indigènes, l'étude de la Magie, déjà préconisée par Delafosse. A mon<br />
instigation, un jeune fonctionnaire noir fort distingué de l'Empire, Dim Delobson,<br />
rédigea un livre qui fut publié sous le titre : « Les secrets des sor<br />
ciers noirs ». Des contributions du même genre, parfois excellentes, produi<br />
sent les résultats de recherches personnelles de savants de diverses nationa<br />
lités, chez les peuples de couleur.<br />
L'Institut Français d'Afrique Noire, dont le siège est à Dakar, qui, depuis<br />
de longues publie un bulletin du plus haut intérêt, vient d'éditer un<br />
important ouvrage sur la divination au . Dahomey ; des ouvrages fondamen<br />
taux ont été écrits déjà sur ce pays (ceux, entre autres, de Le Hérissé, de de<br />
Foa, de Waterlot, de Labouret et Rivet, et,, en dernier lieu, le remarquable<br />
roman de Doguicimi par l'indigène dahoméen Paul Hazoumé). L'auteur, M.<br />
René Trautmann, dont on appréciait déjà une bonne « littérature populaire<br />
de la côte des esclaves », a passé plus de vingt ans en Afrique et a recueilli<br />
quantité de documents de première main avec la collaboration de nombreux<br />
indigènes. Il ne traite guère ici que des Vaudou de la Divination. Il s'agit<br />
de Dieux qui, plus ou moins tutélaires, demandaient, au moins dans le passé,<br />
dés sacrifices sanglants. Observons en passant que nombreux sont les écri<br />
vains qui,<br />
bien qu'ignorant la question ou ayant sur elle les idées les plus<br />
""'""'<br />
—<br />
ncé le culte du Vaudou qui s'est transporté et peut-être<br />
■S au temps de la grande traite des esclaves. Pour ma<br />
e confiance dans les divulgations sensationnelles du<br />
:oock dans son « île magique ».<br />
?rçu de la religion dahoméenne dans ses rapion<br />
et la vie des dieux. Il se borne à exposer,<br />
es scientifiques, les renseignements qu'il<br />
■mateurs et quantité de procédés et de<br />
;s. ~^.ius apprenons qu'à l'occa-<br />
mes et des- indiscrets et que la<br />
du sorcier. Il nous apprend, en<br />
eligieux dont la révélation est<br />
de figurer dans la bibliothèque<br />
l'ouvrage, sont consacrées à la<br />
Robert Randat
16<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
Georges Gorrée. — Les Amitiés Sahariennes du Père de Foucauld. — Edi<br />
tions Félix Moncho, Rabat.<br />
Le premier tome des « Amitiés Sahariennes du Père de Foucauld » vien<br />
de paraître au Maroc.<br />
Le travail minutieux et précis du Père Georges Gorrée et les nombreuse<br />
lettres inédites de l'Ermite du Hoggar, qui constituent le fond documentair<br />
de cet important ouvrage, méritent l'affectueuse attention de tous les Fran<br />
çais soucieux du redressement spirituel de leur patrie.<br />
Par un hommage délicat, le livre, est dédié au Maréchal Pétain, "Chef d<<br />
l'Etat Français, qui fut un camarade, à Saint-Cyr, de Charles de-Foueaulc<br />
et aux officiers des Affaires Indigènes pour leur œuvre grandiose. accompli<br />
au Sahara et au Maroc, en témoignage d'admiration et de reconnaissance.<br />
. L'Amiral Abrial, Gouverneur Général de l'Algérie, qui a bien voulu ho<br />
norer ce premier volume d'une Préface, dit notamment : « La vie du Pèn<br />
de Foucauld fait partie de l'épopée de la pénétration française au Sahara<br />
Elle est un magnifique exemple de la force des valeurs spirituelles et de leur<br />
rayonnement bienfaisant sur le plan humain. On verra dans ces pages qui<br />
le Moine ascétique que fut Charles de Foucauld était aussi un grand Fran<br />
çais,<br />
un réalisateur et un conquérant des âmes et des cœurs...<br />
Le livre que voici est le premier d'une série d'ouvrages dont Charles di<br />
Foucauld sera le centre et qui familiariseront lès lecteurs avec tous les hé<br />
roïques- ouvriers de la Conquête saharienne...<br />
Ce livre, j'en suis sûr, aidera les Français à retrouver la voie qui leur per<br />
mettra de rendre à notre Patrie blessée sa véritable grandeur. »<br />
Le magnifique succès que les premières éditions de cet ouvrage vienne»<br />
de remporter est un signe de sa haute valeur. Bientôt, sur la demande du Mi<br />
nistre de la Guerre, toutes les garnisons de France et des Colonies possé<br />
deront « les Amitiés Sahariennes du Père de Foucauld ». C'est un devoir d<<br />
diffuser cette œuvre consacrée à la gloire de l'Apôtre et des Héros du Sahara^
1"<br />
— Partie.<br />
SOMMAIR<br />
ACTES DE LA SOCIETE<br />
GSfft<br />
•fes<br />
Pages<br />
Procès-verbaux des séances de la Société 1<br />
M" Lefèvre-Paul<br />
Robert Randau<br />
*'<br />
Commandant Lehuraux<br />
Colonel Lavarenne<br />
Partie. —<br />
3'<br />
— Partie.<br />
CONFERENCES<br />
Paroles d'action 6<br />
Trente ans de la vie de Dakar 8<br />
Au Maroc avec le Maréchal Pétain. . 11<br />
Psichari 14<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
Ebbert Randau « René Trautmann, la 'divination »<br />
N... : Georges Gorrée « Les Amitiés Sahariennes, du Père de Foucauld » 16<br />
15
Ou»ranf«»-ôrxiéma Année<br />
■4-<br />
Trfmestrô -i&A-i<br />
!4LGER*^<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Oociété<br />
&im<br />
m- -res<br />
de Oéographie d'Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
HLBER — IMP 1MBERT
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />
d'Appel d'Alger.<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé -d'histoire et de géographie au<br />
Lycée d'Alger.<br />
BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />
JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des Colonies françaises.<br />
Commandant LEHURAUX.<br />
Général MEYNIER.<br />
Colonel PEYRONNET.<br />
PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />
rienne » et de P « Effort Algérien ».
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Quarante-Sixième Année<br />
4" Trimestres 1 941<br />
Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />
SEANCE DU 8 NOVEMBRE <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« Le Centenaire d'Olivier de Serres,<br />
Préfecture : 3.150 francs.<br />
M. Zedeck Mahfoud,<br />
Subvention<br />
Décès<br />
par M. Berthault.<br />
N" 168<br />
administrateur de la Banque de l'Algérie.<br />
M. Gaubert Charles, préfet honoraire.<br />
M. Vaugien Adolphe, ancien trésorier de la Société de Géogra<br />
phie d'Alger.<br />
Nouvelle adhésion<br />
M. SAlvau Paul, place de l'Albeuque, Castres (Tarn) ; présenté<br />
par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
SEANCE DU 15 NOVEMBRE <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« En Audience chez les Rois », par M. Jacques des Roches.<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. Arnaud de Quillacq, capitaine de frégate de réserve, 107,<br />
boulevard Saint-Sàëns, Alger ; présenté par MM. Lefèvre-Paul<br />
et Chamski-Mandajors.<br />
M. FERROUX, directeur du Crédit Foncier d'Algérie, boulevard<br />
Maréchal-Pétain ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Chamski-<br />
Mandajors.
SEANCE DU 6 DECEMBRE Ï94I<br />
Conférence<br />
Conférence sur le. R.P. Charles de Foucauld : « Souvenirs sur<br />
le Père de Foucauld à l'occasion du 25e<br />
anniversaire de sa mort »,<br />
par le Commandant Lehuraux.<br />
Nouvelle adhésion<br />
Mme Blanchin Marthe, propriétaire, 96, rue Michelet, Alger;<br />
présentée par MM. Lefèvre-Paul et Docteur Josse.<br />
Décès<br />
M. de Sambœuf, avocat honoraire, ancien vice-président de la<br />
Société de Géographie d'Alger.
illes relatives a la Franc-Maçonnerie<br />
Collection des Médailles sur l'Algérie<br />
Médaille frappée par la Loge Maçonnique d'Oran :<br />
Date de frappe : 1870.<br />
Métal : étain.<br />
Diamètre : 38 m/m.<br />
Droit :<br />
Revers :<br />
LOGE L'UNION AFRICAINE D'ORAN —<br />
2 colonnes —<br />
autel — lion<br />
Attributs maçonniques.<br />
Dans le champ :<br />
Autour :<br />
—<br />
coq.<br />
PAIN OU VIANDE<br />
BON DE VINGT CENTIMES<br />
LOGE MAÇONNIQUE L'UNION AFRICAINE —<br />
Date de frappe : 1882.<br />
Métal : cuivre.<br />
Diamètre : 30 m/m.<br />
Droit :<br />
Revers :<br />
La République —<br />
Même collection :<br />
REPUBLIQUE DES COMMUNES<br />
buste<br />
gien avec cocarde.<br />
Exergue : JACQUES FRANCE.<br />
Sur le col : 1870 —<br />
équerre<br />
ALGERIE<br />
ORAN<br />
à droite, coiffée du bonnet phry<br />
—<br />
TLEMCEN<br />
SOUVENIR<br />
compas.<br />
DE LA FETE DU<br />
14 JUILLET<br />
1882
La Musique Méditerranéenne<br />
secrète et sacrée<br />
La musique est l'expression même des sentiments de l'âme hu<br />
maine. Si donc, il y a une communauté d'origine quelconque entre<br />
les divers peuples méditerranéens, c'est la musique qui, plus que<br />
toute autre manifestation humaine, nous en donnera une preuve<br />
à peu près certaine, puisqu'elle nous fera pénétrer dans l'âme et<br />
le cœur de ces peuples.<br />
C'est d'autant plus vrai, en ce qui concerne notre grand Lac<br />
Bleu, que,<br />
comme chez tous les individus, mais avec un accent-<br />
plus .plus prenant, sincère, plus profond, la musique est, avant<br />
tout, religieuse, même dans ses manifestations apparemment les<br />
plus profanes et les plus frivoles.<br />
Cependant, on a une tendance à juger de cette question d'une<br />
façon très superficielle et de ne vouloir donner la dénomination de<br />
mnciaue à ce que l'on appelle des grincements ou des miaulements<br />
arabes. On va même plus loin et on n'hésite pas à soutenir que<br />
les Nord-Africains n'ont aucun sens musical. Ils sont,<br />
au con<br />
traire, extrêmement doués et comme oreille et comme exécution.<br />
On cite ce cas absolument extraordinaire d'un instituteur des<br />
A
En arabe, il se dénomme guessab, guesba, q'as'ba ou aôuada,<br />
bien que l'instrument possède un autre nom dérivé du berbère,<br />
jouak l'arbaben (en arabe rheïta), est un véritable hautbois percé<br />
de sept trous, avec une anche de paille. Il donne un son aigu et<br />
strident,<br />
alors que les précédents donnent le son des instruments<br />
européens qui leur correspondent ;<br />
l'agouel ou attabbal (en arabe, taraja ou tebel, qui semble être<br />
la racine de timbale) est une simple grosse caisse à peau parche<br />
minée que l'on frappe du côté droit avec une crosse de bois, assez<br />
semblable, en plus court, à la crosse avec laquelle les enfants<br />
jouent à la koura (sorte de golf), tandis que sur le côté gauche,<br />
une badine mince fait la contre-partie. Il n'y a pas de corde de<br />
timbre ;<br />
Talloul ou abendir (en arabe bendir), qui n'est pas autre chose<br />
qu'un tambour de basque, mais sans timbres de cuivre. On le re<br />
trouve en Espagne, de même que la rheïta, qui y prend le nom de<br />
flûte pastoril.<br />
Quelquefois,<br />
on rencontre un ajouak plus grand que celui cité<br />
plus haut ; il mesure 65 centimètres, mais toujours à sept trous.<br />
Il se dénomme aksabta et donne les sons graves de la flûte tra-<br />
versièreallemande des XVI8<br />
et XVIP siècles.<br />
Les instruments à vent se jouent isolément, les instruments à<br />
percussion ne se joignent à eux que pour former un orchestre<br />
assez primitif, il faut le reconnaître,<br />
auquel s'adjoint quelquefois<br />
un gnibri, appelé vulgairement en français écaille de tortue, parce<br />
que c'est une carapace de chélonien, munie d'un assez long manche<br />
de .bois et garnie de deux cordes en boyau.de chacal. Certains<br />
amateurs possèdent des guitares de ce genre plus harmonieuses<br />
faites en abricotier recouvert de parchemin, alorsque<br />
des^ ama<br />
teurs ont des caisses faites toujours en la forme d'une écaille,<br />
mais de zinc artistiquement repoussé. Ce sont des petites œuvres<br />
d'art, avec leurs rinceaux de fleurs et de feuillage, mais ce ne<br />
sont plus des instruments de musique usuels.<br />
Ces instruments peuvent composer deux sortes d'orchestres.<br />
Un premier, ambulatoire, défilant dans les rues à certaines occa<br />
sions, sans gnibri ; un second, immobile et plus complet, accom<br />
pagnant ces courtes chansons dont nous parlerons plus loin ou<br />
soutenant des danses de leur rythme endiablé. Si l'on n'a pas soi-<br />
même un sens extrêmement aigu de la musique, on est amené à<br />
conclure que les exécutants n'ont aucune idée de l'harmonie. Ce<br />
qui est un jugement non pas téméraire, mais erroné. Souvent, sur<br />
rythme qui sert de trame, un exécutant se livre à des improvi<br />
le<br />
sations que certains algériens bien inspirés ont comparé à des<br />
broderies. Nous irons même plus loin, les véritables amateurs de<br />
ce genre -de musique ne sauraient pas ne pas lui reconnaître une<br />
supériorité marquée sur ce que, depuis plusieurs années, nous dé<br />
versent des jazz nègres.
Mais, nous le répétons,<br />
nous n'osons dire champêtre,<br />
nologie à la mode.<br />
c'est là de la musique de la campagne,<br />
même pour nous plier à la termi<br />
Dans certaines régions du Maroc, on trouve un instrument qui<br />
étonne à première vue. C'est l'amid'az, sorte de biniou fait d'une<br />
peau de chèvre et de deux cornes percées detrous (2) . C'est le<br />
très proche parent et probablement l'ancêtre de la sumponia<br />
juive et de la samphonia calabraise, où les cornes sont rempla<br />
cées par des roseaux. Dans d'autres endroits,<br />
instrument en arabe zemmara,<br />
en berbère ghanim (3).<br />
on dénomme cet<br />
Mais si l'on passe de la fruste musique berbère, qu'elle soit<br />
aurasienne, kabyle, khroumire ou chleue, à la musique citadine,<br />
on se trouve alors en présence d'un véritable orchestre extrême<br />
ment nuancé, grâce à de précieux instruments, tels que le ka-<br />
noune, harpe à 75 cordes, d'usage assez rare, il est vrai ; la kouitra,<br />
guitare à huit cordes avec plectre en plume d'aigle ; Ist ka-<br />
mendja, qui fait office d'alto ; le rebab, violon à une, deux ou<br />
trois cordes, en bois d'abricotier, dont le nom est à rapprocher<br />
de celui du violon médiéval des ménestrels ; le rebec, ou mieux le<br />
rubeb. Ce dernier instrument se joue debout sur le genou de l'ar<br />
tiste, comme le violon italien.<br />
L'orchestre de chambre du Sultan du Maroc se compose de<br />
quatre luths, trois violons, deux rebebs et un tar, faisant office<br />
de timbale (c'est un autre nom du taraja ou tebel).<br />
Certains riches bourgeois n'hésitent pas à engager la dépense<br />
considérable que représente la location d'un orchestre, lorsqu'ils<br />
donnent une réunion musicale appelée mesriya.<br />
Il ne faut pas oublier enfin les orchestres de café maure, dont<br />
certains sont excellents, avec un nouvel instrument qu'on appelle<br />
derbouka, bien que quelquefois on lui donne, ce qui pourrait créer<br />
confusion, le nom d'agoual ou de taarija. C'est un vase en poterie<br />
oblong de 33 centimètres de longueur et de 12 de diamètre moyen.<br />
Il est aminci au milieu de la hauteur et évasé à ses bases ; il res<br />
semble un peu à un grand diabolo. Il est tendu d'une peau de chè<br />
vre sous laquelle se trouve une double corde de résonnance et oue<br />
l'on chauffe légèrement pour en développer le timbre (4). Plus<br />
rarement, on rencontre le toubila, assemblage de deux petites tim<br />
bales de terre cuite, que l'on tient dans le bras gauche. On l'ap<br />
pelle aussi : bezoulat m'taa dada (les seins de ma nourrice) . Lors<br />
qu'il y a un récitant, il est soutenu, comme l'est le meddah, par<br />
un deff, tambourin de Marrakech, de forme carrée, portant sur<br />
chaque face une peau et deux cordes de résonnance.<br />
Mais il est évident que, même devant ces orchestres plus ou<br />
moins savants, l'européen du Nord est un peu surpris, alors que<br />
(2) Biarnay. —<br />
bères, 1915.<br />
Notes<br />
sur les chants populaires du Riff. Archives Ber<br />
(3) Capitaine — Querleux. Les Zemmours. — — (4) Castells. Note sur la fête de l'Achoura à — Rabat.<br />
Ibid. 1915<br />
Ibid. 1916.
celui du Midi ne peut s'empêcher de trouver quelque similitude<br />
avec certains orchestres folkloristes. En effet,<br />
pour le premier,<br />
il y a, à la base, une incompréhension. La gamme arabe, car c'est<br />
d'elle dont il s'agit beaucoup plus que de la gamme berbère, a des<br />
sons différents des nôtres. Au nombre de sept, ils donnent nais<br />
sance chacun à un ou plusieurs modes, sans quart ni tiers de tons,<br />
mais avec des divisions irrégulières difficilement perceptibles<br />
pour un européen. On compte, en effet, jusqu'à 84 modes au lieu<br />
des deux : majeur et mineur, de notre musique.<br />
Puis il y a ce rythme qui bourdonne continuellement, bien que<br />
le jazz ait dû, depuis longtemps, nous y accoutumer. Or, c'est la<br />
base rigoureuse de la musique arabe. Ishac Mossouli a écrit :<br />
« Celui qui se trompe est des nôtres. Celui qui ajoute ou re<br />
tranche une mélodie est des nôtres. Mais celui qui s'écarte du<br />
temps, sans s'en rendre compte, ne peut pas être des nôtres. » (5)<br />
Nous laisserons donc de côté la musique arabe, bien que celle-<br />
ci ait considérablement évoluée depuis son introduction dans<br />
l'Afrique du Nord pour se rapprocher de la musique berbère, qui<br />
est la véritable musique du bassin méditerranéen.<br />
D'autant plus véritable,<br />
que le problème se pose pour savoir<br />
si c'est elle qui procède du grec antique ou si c'est à l'inverse qu'il<br />
faut envisager l'énigme.<br />
Comme nous l'avons vu pour la musique arabe,<br />
ce qui établit<br />
bien leur parenté, il faut considérer qu'elle se compose simple<br />
ment d'une trame sur laquelle l'exécutant brode à sa fantaisie.<br />
Mais cette trame, comme une broderie sur le métier de l'artisan,<br />
est soutenue par un rythme extrêmement accentué, très caracté<br />
risé,<br />
tout en étant riche et varié.<br />
Ce sont là les caractéristiques de la musique méditerranéenne,<br />
mais il convient de plus de relever les genres courants du rythme<br />
et on est stupéfait de se trouver en présence d'une musique qui<br />
ressemble à s'y<br />
méprendre à la musique grecque antique.<br />
Les principales mesures sont :<br />
binaire,<br />
c'est-à-dire proche parente du genre « égal » des hel<br />
lènes, avec dactyle et spondée ;<br />
ternaire,<br />
ce qui correspond au genre « double » : trochée (lon<br />
gue et brève), chorée (danse), ionique ;<br />
quinaire, surtout,<br />
que les Berbères emploient le plus fréquem<br />
ment lorsqu'ils veulent s'exprimer avec sincérité et véhémence;<br />
c'est le genre sesquialtère (une fois et demie) et péonique.<br />
Si l'on considère que la plupart de ces genres étaient également<br />
employés par les latins, on voit très bien, dès maintenant, se des<br />
siner la parenté musicale de tout le bassin méditerranéen (6).<br />
(5) L Jean-Darrouy. — La<br />
musique musulmane. Société de Géogra<br />
phie d'Alger, 1931. .<br />
—<br />
(6) Alexis Chottin. Etude sur la musique marocaine. — Gonstantine,<br />
1930.
La musique citadine d'origine arabe, comme nous l'avons dit,<br />
tout en<br />
a subi l'influence de la musique berbère et il est curieux,<br />
conservant les principes généraux dont nous avons parlé précé<br />
demment, de constater que cette musique va se modifiant au fur<br />
et à mesure que l'on s'avance vers l'ouest, que l'on s'éloigne de<br />
l'Arabie, où la mélopée monotone du Nedjdj et de l'Iraq s'est mo<br />
difiée déjà en se colorant de la mélodie persane et de la gamme<br />
byzantine. Grâce à cette immixtion, cette musique caravanière,<br />
si nous pouvons employer cette expression en faisant allusion aux<br />
chants primitifs des nomades du Yémen, s'est grécisée quelque<br />
peu et se rapproche déjà du système des modes et des moules mé<br />
lodiques et rythmiques doués d'un ethos spécial. Aussi est-elle<br />
dès lors prête à subir de nouvelles modifications au contact de<br />
ia musique berbère plus grécisée encore qu'elle ne peut l'être elle-<br />
même. Il est bien entendu que nous ne prétendons pas, du fait de<br />
(a phrase précédente,<br />
grec, ni d'ailleurs l'inverse ;<br />
vouloir affirmer que le berbère<br />
du<br />
procède'<br />
nous pouvons simplement dire qu'ils<br />
procèdent l'un de l'autre et que qui a affinité avec l'un, peut<br />
l'avoir non moins facilement avec l'autre.<br />
Les rythmes usités sont très nombreux en Egypte où ils sub<br />
sistent encore,<br />
des populations.<br />
peut-être du fait de la déberbérisation partielle<br />
A Tunis, la musique est une mélodie ailée, rapide, peu respec<br />
tueuse des précisions rythmiques et des formes rigoureuses.<br />
A Alger, règne la nouba, c'est-àdire la succession de morceaux<br />
de musique vocale ou instrumentale ou du mélande des deux, avec<br />
une unique tonalité,<br />
mais des rythmes et des caractères diffé<br />
rents.; c'est, à proprement parler, une « suite ».<br />
A Tlemcen, les chants « cenâa » sont ornés avec abondance,<br />
agrémentés de fioritures et en filiation directe avec les ara<br />
besques de Grenade et de Cordoue.<br />
Mais,_ à Oran, le compositeur s'assagit, il met le chant de la<br />
cenâa (ici chanson) dans sa forme classique (7). C'est ainsi que<br />
le compositeur oranais Juan Huertas, en collaboration avec le<br />
maître Saoud Medîoni, musicien arabe et virtuose de mérite, a<br />
mis au point plus de vingt mélodies, dont la « Touchia Dib, dont<br />
la notation et l'orchestration sont d'une surprenante richesse et<br />
absolument conformes à la tradition qui est faite, en même temps,<br />
de la nostalgie de l'Orient et de l'ardeur de l'Islam.<br />
Enfin, au Maroc, au contact très vivant de l'art berbère, tous<br />
ces rythmes multiples se réduisent à cinq, se déroulant suivant<br />
un plan uniforme que nous retrouvons dans la sonate. Ce sont<br />
dans la cenâa : prélude (touchia) ; couplets (sanaïa) ; coda (kantra)<br />
; strette. (insiraf) ; dans la sonate : allegro, adagio, minuetto<br />
et rondo.<br />
(7) L. Jean-Darrouy. —<br />
Loc.<br />
cit.
Aussi a-t-on coutume de dire en Afrique du Nord : Tunis in<br />
vente, Oran met la forme et Alger le cachet. Le Maroc est consi<br />
déré comme berberisé.<br />
Mais, pour le moment, il convient de tenir d'autant .<br />
moins<br />
compte de cette musique citadine que les musulmans de nos jours<br />
cherchent à se débarrasser de ces règles qui, se substituant à<br />
l'harmonie, constituent le troisième élément des modes, des mé<br />
lodies et du rythme (8) .<br />
Il ne nous reste, et cela rentre parfaitement dans notre thèse,<br />
que la véritable musique populaire, c'est-à-dire la musique médi<br />
terranéenne sans apport étranger. Mais il était nécessaire de dire<br />
un mot de la musique citadine, de façon à éviter la confusion qui<br />
se crée souvent à son sujet.<br />
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que, de même que l'art<br />
méditerranéen a perdu de sa pureté en Europe méridionale par<br />
suite des apports nordiques,<br />
H<br />
ce même art a subi des modifications<br />
en Berbérie du fait de l'Islamisme et il sera impossible de le re<br />
trouver dans sa pureté, même dans les tribus les plus reculées,<br />
dans celles qui ont réussi, jusqu'à ces derniers temps, à conserver<br />
leur indépendance politique dans la mesure où cela était possible,<br />
chez les Touareg, par exemple.<br />
L'Islam a marqué la musique du caractère intellectuel ou<br />
mieux religieux dont il a frappé tous les arts. Mais il faut<br />
l'avouer,<br />
en toute franchise et sans aucun faux-fuyant qui ne sau<br />
rait avoir quelque valeur en matière scientifique,<br />
que cette em<br />
preinte est peut-être plus superficielle qu profonde. Nous consta<br />
tons en matière musicale ce que nous avons déjà constaté à toutes<br />
sortes d'autres points de vue (9). On voit sous une couche sé<br />
rieuse, il faut le reconnaître, transparaître des traces des civili<br />
sations précédentes et, faut-il l'avouer, moins ces civilisations ont<br />
été policées, plus ces traces sont nettes, elles semblent avoir mar<br />
qué davantage sur la nature un peu fruste de certaines tribus re<br />
culées, ayant, par conséquent, ressenti moins d'influences. Les<br />
premières ont alors survécu, souvent à peine déformées, pour le<br />
grand bonheur de l'ethnologue et du sociologue, beaucoup plus<br />
que du touriste superficiel qui voit, hausse les épaules et ne com<br />
prend pas.<br />
C'est ainsi qu'à la base de quantité de cérémonies pratiquées<br />
actuellement en Afrique du Nord, accomplgnées de danses et de<br />
chants, on trouve le culte agraire tel qu'on le pratiquait dans<br />
l'antiquité et tel que ne l'a jamais prescrit le Qoran. Ainsi, la fête<br />
du Printemps,<br />
qui se célèbre partout et qui n'est autre chose qu'un<br />
souvenir éleusien de la période polythéiste grecque et romaine ou<br />
plus exactement dont on trouve trace à cette période, découlant,<br />
comme nombre de cérémonies africaines, du très vieux culte hit-<br />
—<br />
(8) L. Jean-Darrouy. Loc. cit.<br />
—<br />
(9) A Maitrot de la Motte. Survie des symboles religieux dans 1 Afri<br />
Société d'Archéologie de Constantine, 1922.<br />
que du Nord. —
12<br />
tite de la déesse Isthar, qui était le principe même de la fécondité<br />
avant que de se muer en Cérès. En Egypte, pendant très long<br />
temps, jusqu'au règne du musulman Amer, on offrait au dieu<br />
une jeune<br />
Nil, pour obtenir une généreuse fécondation des terres,<br />
fille pompeusement parée. Le musulman fit cesser ce criminel<br />
sacrifice humain, mais son intransigeance fut contrainte à transiger.<br />
On construisit, sur le bord du fleuve, peut-être le fait-on<br />
encore en quelques région, une petite pyramide de terre, appelée<br />
arousset en Nil, la fiancée du Nil et la récolte devait être bonne<br />
quand le fleuve l'avait entraînée (10).<br />
Cette conception agraire existe encore dans tout le bassin mé<br />
diterranéen, non tant dans la fête du printemps que l'on célèbre<br />
partout sous des formes différentes, et cela suivant le même prin<br />
cipe, mais surtout en cas de sécheresse. L'église catholique, res<br />
pectueuse des vieilles pratiques lorsqu'elles ne sont pas con<br />
traires au dogme, a conservé en partie ces manifestations éleu-<br />
siennes, lorsqu'elle a institué les Rogations, c'est-à-dire les prières<br />
publiques qui sont dites trois jours avant l'Ascension pour atti<br />
rer sur les champs la bénédiction du ciel. Mais tous ceux qui ont<br />
habité l'Europe méridionale, et notamment la Corse, ont vu se<br />
dérouler sous une forme chrétienne ce qui est également pratiqué<br />
dans l'Afrique septentrionale sous une forme qui n'est pas spé<br />
cifiquement coranique, tant s'en faut.<br />
Nous voulons parler de la procession de la Randja. dite aussi<br />
Bou Ghondja, ce qui est plus conforme à la syntaxe. En effet, ce<br />
mot vient du berbère Tarandjaï, qui veut dire grosse cuillère à<br />
couscouss, une sorte de louche en bois. Bou indique non pas la<br />
cuillère elle-même, mais le fait de se servir d'elle.<br />
Lorsque la sécheresse menace de compromettre les récoltes, les/<br />
femmes prennent la grosse cuillère en auestion, croise avec son<br />
manche un bâton quelconque et revêtent de linges divers cette<br />
sorte de poupée primitive, le fond de la cuillère formant le crâne:<br />
Sans s'en douter, elles constituent un mannequin rappelant va<br />
guement la déesse Isthar dans sa longue robe, la tête recouverte<br />
d'une coiffure cylindrique. Pour l'honorer davantage, certaines<br />
n'hésitent pas à la parer de lenrs pauvres'- bijoux, ce qui est de<br />
leur part un acte de profonde dévotion.<br />
La poupée ainsi fabriquée est promenée à travers la campagne,<br />
dans tout le Maroc, en Grande et Petite Kabylie, tous pavs net<br />
tement berbères et la superstition gagne les pays oui se disaient<br />
arabes et qui sont,<br />
en réalité,'<br />
arabo-berbères. Portée par une vé<br />
nérable matrone, la cuillère est aspergée de quelques gouttes d'eau<br />
par les passants rencontrés ; nous ne voudrions pas commettre<br />
d'irrévérence, mais il y, a, tout de même, quelque rapprochement<br />
à faire avec l'aspersion d'eau bénite des Rogations occasionnelles<br />
„I10} A Robert —<br />
Fêtes<br />
d Archéologie de Constantine, 1925.<br />
religieuses et pratiques musulmanes. —<br />
Société
de la Corse. Pendant ce temps, des femmes se sont groupées der<br />
rière la cuillère et chantent. Ces chants, qui étaient à l'origine de<br />
purs rîtes verbaux,<br />
A Sétif, elles chantent :<br />
sont donc devenus des prières.<br />
Bou Randja, imbibée de liquide,<br />
O Dieu ! augmente les nuages.<br />
On se demande, sous cette forme, si la prière est adressée à<br />
Dieu par l'intermédiaire de Randja, le bou semblerait l'indiquer.<br />
Ou si c'est Randja qui est élevée à la puissance divine. Ce serait<br />
alors un souvenir très net de la déesse antique.<br />
A Aïn-Sefra :<br />
ou bien :<br />
Ghondja, Ghondja a découvert sa tête ;<br />
O mon Dieu, tu arroseras ses pendants d'oreilles ;<br />
L'épi est altéré,<br />
Donne-lui à boire, ô Maître.<br />
O Ghondja, ô Ghondja comme l'espérance,<br />
O mon Dieu, donnez-nous de la pluie,<br />
Djéldjala, pour que la veuve puisse vivre ;<br />
L'épi est altéré.<br />
Ici la supplique s'adresse nettement à Dieu, par l'intercession<br />
de Ghondja, dont le nom est déformé et ne vient plus directement<br />
de la racine berbère ; nous sommes en pays arabe. Djéldjala est<br />
une exclamation fréquente en musique populaire, nous y revien<br />
drons.<br />
A Tlemcen :<br />
Les récoltes sont altérées,<br />
Arrosez-les, ô vous qui les avez crééek (11).<br />
Une autre cérémonie qui est caractéristique, c'est le Carnaval,<br />
sur lequel il n'est pas besoin d'insister en ce qui concerne l'Es<br />
pagne, la Provence et l'Italie. C'est, ou ce serait,<br />
13<br />
une sorte de pré<br />
paration au jeûne du carême si l'on ne considérait que le rite ca<br />
tholique ; c'est tout autre chose si on fait le rapprochement, qui<br />
est nécessaire avec l'Afrique du Nord.<br />
Là, il ne saurait s'agir du carême chrétien. Il y a bien le ca<br />
rême musulman avec ses deux fêtes, l'Aî'd es Seghir qui le suit<br />
immédiatement et qui, malgré sa position inversée par rapport<br />
au jeûne, pourrait être assimilé au Mardi Gras, et l'Aïd el Kebir,<br />
qui a lieu quelques semaines plus et, toujours sans tenir<br />
compte des places respectives, pourrait être assimilé à la Mi-<br />
Carême. Mais il y a un troisième carnaval, c'est l'Achoura. Cette<br />
fête n'est nullement qoranique, contrairement aux précédentes.<br />
C'est une fête inventée après coup. On l'appelle aussi quelquefois<br />
ennaïr parce qu'elle se célèbre au mois de janvier.<br />
(11) —<br />
— A. Robert. Loc. cit. E.<br />
— frique du Nord. Alger, 1909.<br />
Doutté. —<br />
Magie<br />
et religions de l'A
14<br />
Qu'est-ce que le mois de janvier, qui est un mois latin, peut<br />
avoir de commun avec les adeptes d'une religion dont la façon<br />
de décompter les mois est complètement différente de la nôtre<br />
et dont l'année est plus courte de onze jours, ce qui met le carême<br />
aussi bien au printemps qu'en hiver. C'est que justement il est<br />
nécessaire de faire cadrer ces fêtes avec les saisons, car dans la<br />
réalité, carême chrétien, comme achoura pseudo-musulmane, sont<br />
des souvenirs des vieilles fêtes saisonnières de la Méditerranée.<br />
Nous en revenons à Isthar et à Cérès.<br />
La mise à mort de carnaval qui existe aussi bien à Nice qu'en<br />
Berbérie, dans cette dernière région sous la forme d'une poupée<br />
de paille, qui fait l'objet d'une lutte entre les participants, on la<br />
prend, on la reprend, pour finalement la brûler ; cette mise à<br />
mort est, elle aussi, de rite agraire. C'est l'esprit de la végéta<br />
tion qui meurt de l'année précédente pour renaître pour l'année<br />
qui s'ouvre ; car il ne faut pas oublier que ces fêtes dans l'anti<br />
quité coïncidaient avec l'équinoxe du printemps. C'est un rituel<br />
de meurtre et de résurrection du dieu : Adonis en Syrie, Atys en<br />
Phrygie, Osiris en Egypte, Dyonisios en Grèce ; ce sont les sa<br />
turnales à Rome avec, autrefois, les sacrifices humains, c'est la<br />
fête de Pourim chez les Hébreux. C'est nettement un rite médi<br />
terranéen. Il y a même chez les Berbères une fête qui n'existe<br />
plus chez les peuples chrétiens, c'est l'Aî'd el Foui, la fête de la<br />
fève, de caractère sacré, qui pourrait être rapprochée des Bouphonia<br />
d'Athènes, où un bœuf était sacrifié et partagé entre les<br />
assistants, après les moissons. Cette survivance est d'autant plus<br />
curieuse que la fête athénienne n'a pas eu très longue vie et que<br />
le souvenir devrait en être perdu.<br />
Mais nous répétons que ces fêtes carémesques ne sauraient<br />
avoir chez les musulmans une importance quelconque au point de<br />
vue agraire, étant donné leur décalage par rapport aux mois so<br />
l'<br />
laires, les mois musulmans étant lunaires. Aussi Achoura at-elle<br />
été créée et comme son symbole lui-même n'est pas très net<br />
dans l'esprit des foules, elle aussi a été décalée. Ce n'est pas que<br />
l'ontrouve<br />
une preuve historique de ce décalage, mais il est cer<br />
taines petites coutumes qui sont symptomatiques. Elle se fête au<br />
commencement de janvier ; on a essayé de faire des rapproche<br />
ments avec la Noël, en disant que Jésus a été un des plus grands<br />
prophètes du Qoran et qu'il est tout naturel qu'on célèbre sa nais<br />
sance. Il y<br />
l'<br />
a bien dans Achoura une idée de naissance, mais ce<br />
n'est certainement pas celle de Sidna A'issa. On a pensé au sols<br />
tice d'hiver, mais ce serait le symbole de la mort de la nature et<br />
non de sa résurrection.<br />
_<br />
Achoura est bien un anniversaire de renouveau ; car il est cu<br />
rieux de constater des vœux "assez singuliers qui se trouvent in<br />
clus dans une chanson que l'on entend au Maroc qu'à cette épo<br />
que et qui est particulière aux hommes qui mettent en mouve-<br />
(12) Castells. —<br />
Loc.<br />
cit. —<br />
Doutté.<br />
—<br />
Loc. cit.
Ment une grande roue à balançoires, qui est elle-même le symbole<br />
solaire (l'appareil s'appelle naora et la roue elle-même la zaaloula).<br />
Dans la chanson des manœuvres, il y a mot : Mounoune,<br />
qui revient assez souvent et qui n'a aucune signification aussi<br />
bien en arabe qu'en berbère. Dans des fêtes semblables, en Algé<br />
rie, on emploie également des mots incompréhensibles. Boume-<br />
nani à Tlemcen, Bou Ini et Bounan dans l'Aurès, Babiiannou à<br />
.Ouargla. En examinant bien ces mots, en les rapprochant les uns<br />
des autres, finit par y découvrir les mots latins : bonus annus,<br />
bonne année, et on s'explique le décalage ; l'achoura non qora-<br />
nique est bien la fête du printemps qui était, à l'époque romaine<br />
et jusqu'à l'époque de la réforme julienne du calendrier, le com<br />
mencement de l'année et les Berbères, autrefois romains,<br />
ont con<br />
servé la vieille salutation des ancêtres, puis quand la nouvelle<br />
année est venue se placer en janvier, ennaïr, la fête est également<br />
venue en janvier, contrairement au principe qui l'avait créée.<br />
Mais les rites sont restés les mêmes, bien que leur raison d'être,<br />
inconnue des berbères modernes, n'ait plus aucune valeur en plein<br />
hiver. C'est ainsi que ces fêtes sont particulièrement bruyantes,<br />
mais, et là encore, il y a une survivance méditerranéenne à rap<br />
procher de la crécelle chrétienne du Vendredi-Saint, si vivante<br />
encore en Corse notamment. On ne peut, lors de l'<br />
Achoura, se<br />
servir que de certains instruments : à Rabat de la derbouka de<br />
terre dont il a été déjà parlé, dans d'autres endroits du tar et<br />
de l'agoual. A Constantine, d'un petit instrument au nom bien<br />
leTchekatchek. C'est une petite boîte cylindrique de fer-<br />
berbère,<br />
blanc, munie d'un long<br />
manche et dans laquelle sont enfermés<br />
quelques petits cailloux. Au Maroc, on le trouve également, mais<br />
plus rarement, alors que la crécelle est fréquente, ainsi que d'au<br />
tres jouets de bois assez primitifs qu'on ne vend que ce jour-là.<br />
Ce sont, pour la plupart, avec allusion agraire, une poule arti<br />
culée assez ingénieusement qui picore le grain qui sera abondant;<br />
un serpent articulé,<br />
comme le dispositif sur lequel dans notre<br />
enfance on plaçait des soldats de bois pour les faire manœuvrer,<br />
cela en souvenir du culte du serpent ; un acrobate qui monte le<br />
long d'un mât, en l'honneur des Oulad Moussa, à qui l'on attribue<br />
le pouvoir magique que dans l'Europe on donne aux gitanes et,<br />
enfin, une petite enclume de bois. Sur cette enclume, par un très<br />
deux marteaux également de bois viennent<br />
simple glissement,<br />
frapper alternativement. Non pas battage des moissons qui se<br />
fait aux pieds des animaux, même pas affûtage des faucilles,<br />
mais beaucoup plus probablement conjuration contre l'Haddad,<br />
le forgeron.<br />
Bien que les habitants de l'Afrique du Nord aient le souvenir<br />
vénérant le Daoud (David), qui forgea la première cuirasse, le<br />
forgeron est méprisé et redouté et nombreuses sont les chansons<br />
dans lesquelles ce mépris est manifesté très ouvertement :<br />
La fille du patron forgeron<br />
S'avance. Ne t'approche pas,<br />
reste là-bas...
i6<br />
... Achète une enclume et une tenaille ;<br />
Epuise-toi, démène-toi à travailler.<br />
Fréquente le forgeron, tu gagneras de la suie,<br />
tu gagneras la bonne odeur ieaj.<br />
Fréquente le parfumeur,<br />
C'est encore un souvenir antique. Dans les vieilles sociétés, cet<br />
artisan appartenait à une classe spéciale qui restait isolée. Par<br />
crainte, on arriva à le diviniser chez certains peuples ; chez<br />
d'autres, ce furent des devins, des sorciers, des médecins ! Chez<br />
nous, ce furent les rebouteux. N'est-ce pas un souvenir des Dac<br />
tyles, des Courètes, des Corybantes et des Cyclopes de la mytho<br />
logie grecque ? (14). Au Maroc, en Algérie, en Tunisie, chez les<br />
Touareg, les forgerons forment une classe méprisée, même re<br />
doutée, car là, le Qoran vient rejoindre les vieilles croyances. En<br />
*<br />
effet, le Livre Saint attribue au fer un pouvoir magique : « Nous<br />
avons donné le fer qui porte en lui de terribles malheurs » (15).<br />
La musique des arabo-berbères peut être ou sacrée ou profané,<br />
en dehors de tout ce que nous avons dit sur la musique citadine.<br />
La première peut, elle-même,<br />
se présenter sous trois formes<br />
que nous retrouvons presque sans modification chez les peuples<br />
méditerranéens, chrétiens malgré la différence de croyance. Tou<br />
tefois, chez les seconds, a été, en partie, perdue la coutume de se<br />
priver d'instruments, sauf dans le chant grégorien dont nous<br />
trouvons la réplique presque identique chez les grands ordres<br />
religieux musulmans, les tidjaniyme et les derquaouiyne. Les<br />
choristes, qui ne sont pas des professionnels, mais des bénévoles,<br />
tout comme l'étaient et le sont les moines rénovateurs du chant<br />
grégorien, célèbrent le panégyrique du Prophète en mètres clas<br />
siques. C'est uniquement religieux, sans apport mondain, tou<br />
jours comme le chant chrétien.<br />
Mais il y a également des professionnels qui puisent non plus<br />
dans les livres sacrés, mais dans les répertoires moins orthodoxes<br />
et s'expriment en langue vulgaire. C'est la réplique des artistes<br />
de l'Opéra chantant à l'orgue des mélodies qui n'ont de sacré<br />
qu'une simple apparence.<br />
Enfin, les ordres populaires, comme les Aïssaoua et les Ham-<br />
maïchia, chantent des prières dites dikr, brèves, très rythmées,<br />
sur un mode quinaire et quelquefois accompagnées de danses.<br />
Qu'est-ce autre chose que les cantiques, pas toujours extrême<br />
ment classiques, souvent naïfs, très rythmés eux aussi, quelque<br />
fois, rarement il faut le dire, accompagnés de quelques pas dans •<br />
les processions extérieures, mais qui furent autrefois mimés dans<br />
(13) A. Robert. —<br />
(14) E. Doutté. —<br />
L'arabe<br />
Loc.<br />
(15) Chapitre LVII,<br />
tel qu'il est. —<br />
cit.<br />
verset 25.<br />
Alger, 1900.
les mystères et dont certains sont particuliers à des ordres eux<br />
aussi inférieurs, dits de pénitents,<br />
méditerranéens.<br />
^<br />
tôt à cause d'elles,<br />
17<br />
si fréquents sur les rivages<br />
On conviendra là, malgré la divergence des croyances, ou plu<br />
une coïncidence extrêmement troublante.<br />
La musique proprement populaire se présente, elle aussi, sous<br />
des aspects différents, assez difficiles à analyser parce qu'il y a<br />
des rites tout à fait particuliers presque de tribu à tribu. Nous<br />
allons cependant essayer de les présenter de façon claire.<br />
Les meilleurs de ces chants sont ceux des Berbères du Moyen<br />
Atlas, et ceux des Chleus du Grand Atlas. Bien après, viennent<br />
ceux des tribus riffaines qui ont généralement peu de qualités lit<br />
téraires et une richesse d'inspiration assez mince. Tous sont gé<br />
néralement de peu d'étendue.<br />
On distingue deux sortes de chansons qui se subdivisent elles-<br />
mêmes en plusieurs genres.<br />
Ce sont, tout d'abord, les a'it'a, que l'on rencontre dans les tri<br />
bus qui sont restées assez primitives et qui, en plus naïf, res<br />
semblent un peu à nos vieilles chansons de gestes.<br />
Ce sont ou bien des invocations à un saint en renom,<br />
ou bien<br />
des proclamations par le chanteur lui-même de sa force et de sa<br />
vigueur. Elles ont, pour sujets principaux, la fantasia ou la<br />
guerre.<br />
Les autres chansons sont autrement intéressantes pour nous ;<br />
ce sont les i'zran. Elles sont de composition et de tendances di<br />
verses ; on les chante généralement au cours des fêtes de nuit<br />
données à l'occasion des mariages surtout. Les unes sont chantées<br />
par des hommes, les autres par des femmes et il y a, entre elles,<br />
des différences telles qu'il est nécessaire de s'y arrêter un mo<br />
ment.<br />
Les premières sont appelées chikh, pluriel chiakh ; elles rap<br />
pellent l'antique qacida, mais la belle forme littéraire est souvent<br />
oubliée et on se trouve en présence d'une cantilène plus ou moins<br />
longue, à couplets et refrain, coupée souvent, on ne sait pourquoi,<br />
d'exclamations hors texte, sans signification apparente. La mé<br />
lopée est rudimentaire et le rythme est très marqué. Ces chiakh<br />
peuvent être chantées par un jeune improvisateur qui se com<br />
porte de la façon suivante : Tenant son fusil, indispensable à la<br />
vie de la tribu de la main dro'te. il tend sa main gauche à une<br />
jeune fille et tous deux font le tour de l'assistance, assise en rond.<br />
Ils sont suivis de l'izammaren ou joueur de cornemuse (amid'az).<br />
Deux ou trois amis leur font escorte ; la fin de la chanson est<br />
ponctuée par une décharge des hommes et des you-you des<br />
femmes.<br />
Mais, dans la réalité,<br />
ces chants sont présentés le plus souvent<br />
par un professionnel appelé lui-même chikh, pluriel chioukh.
18<br />
Leurs chants n'ont généralement pas beaucoup d'inspiration ni<br />
de valeur poétique, mais ils suivent de très près les règles mé<br />
triques et sont pourvus de rimes riches. Si ce n'était pas abuser<br />
du lecteur, noua pourrions donner ici un izri, composé de quatre<br />
strophes de quatre vers qui ont la seule rime : en.<br />
Les autres chants, présentés par les femmes, le plus souvent<br />
des jeunes filles,. se nomment chikhate ; c'est le féminin du nom<br />
des chansons précédentes. Ils sont généralement assez brefs, deux<br />
ou trois vers, quelquefois quatre. La structure mélodique est bril<br />
lante, mais assez libre ; elle est riche en vocalises. Ce sont sou<br />
vent de petits chefs-d'œuvre toujours improvisés. Deux jeunes<br />
filles se lèvent de l'assistance et s'avancent en agitant leur fou<br />
lard ; elles chantent à mi-voix, accompagnées par le tambourin<br />
de leurs compagnes. L'idée est finement exprimée, l'imagé est<br />
quelquefois à peine esquissée, les serments d'amour sont pronon<br />
cés contrairement à ce qui se fait chez les Arabes. Mais jamais<br />
on ne doit parler de crainte, car il ne faut pas attirer un malheur<br />
toujours possible. Le ton mineur employé par la chanteuse pro<br />
duit presque toujours une profonde impression sur l'auditoire.<br />
Ces chants se présentent de deux façons, ou bien ce sont des<br />
rhoua (el haoua, l'amour) chantés par les femmes, ou bien des<br />
ra'rour (qui fait honte à sa famille), poèmes satiriques, souvent<br />
assez grossiers et injurieux, c'est le fait des professionnels. Quel<br />
quefois, ce sont des chants mixtes où les deux1 genres sont juxta<br />
posés, le rhoua est alors un ra'rour sur un tel ou une telle.<br />
D'autres fois, l'allusion est voilée, c'est l'énigme (geuga) , extrê<br />
mement goûtée des Berbères. Ou bien encore le pastiche d'une<br />
œuvre célèbre, mais cela demande de la part du chanteur une<br />
culture que l'on rencontre assez rarement (16).<br />
Quelquefois, le couplet se termine par un vers qui sert de cou<br />
plet et qui n'a aucune signification apparente, pour nous tout au<br />
moins. Peut-être un jour se trouvera-t-on, de ce fait, en présence<br />
d'une énigme ésotérique ou même hermétique.<br />
En voici un exemple :<br />
Ihé'a lalla a lalla ! a lalla bouia'm<br />
Le plus souvent, ce sont les strophes qui sont coupées par cette<br />
sorte de leit-motiv qui finit par devenir obsédant :<br />
Que ne suis-je le mur de sa boutique ?<br />
Le soir, j'entendrais<br />
Ya lalla,<br />
Aman ! aman ! aman ! aman !<br />
Chardonneret, je remplirais son cœur,<br />
Car rester sans belle,<br />
(16) Biarnay. —<br />
Loc.<br />
cit. — Alexis — Chotin.<br />
Loc.<br />
sa voix unique.<br />
cit.
Ya lalla,<br />
Aman ! aman ! aman ! aman !<br />
De ces lieux familiers, la vue est dure,<br />
A mes yeux en pleurs,<br />
Ya lalla,<br />
Aman ! aman ! aman ! aman !<br />
Si je passais un instant près son cœur,<br />
Ce soir, mon amour,<br />
Ya lalla,<br />
Aman ! aman ! aman ! aman !<br />
Que le maçon me construise bien grande,<br />
Avec une baie,<br />
Ya lalla,<br />
Aman ! aman ! aman ! aman !<br />
C'est là une chanson d'amour,<br />
beaucoup<br />
ou encore :<br />
plus courtes :<br />
est un malheur.<br />
c'est douleur pure.<br />
serait vainqueur.<br />
pour que je scande :<br />
(17)<br />
19<br />
mais généralement elles sont<br />
Mon cœur bat entre mes côtes ;<br />
Je ne m'apaise que '<br />
lorsque je t'aperçois,<br />
O toi que j'aime !<br />
Mon ami n'est pas taleb<br />
Pour lui écrire une lettre ;<br />
Et moi je ne suis pas bonne cavalière,<br />
Pour arriver jusqu'à lui.<br />
Les hommes, de leur côté,<br />
chantent :<br />
Je suis monté à plusieurs reprises jusqu'à ta cime,<br />
O fier palmier ;<br />
Tu portais bien des dattes, mais elles étaient sans saveur.<br />
ou bien :<br />
Je veux pleurer jusqu'à en devenir aveugle,<br />
Jusqu'à en avoir les cheveux blancs ;<br />
C'est par la faute de l'homme qui a changé<br />
La tente pour amener une maison (18).<br />
Ces poèmes légers et brefs, généralement de quatre vers, sont<br />
à rapprocher des copias espagnols si goûtés des amateurs de fla<br />
menco. On les retrouve également en Algérie, sous la forme arabe<br />
(17) A. Maitrot de la Motte. —<br />
le piano par Mlle Marie Barrail.<br />
(18) Abès. —<br />
bères, 1918.<br />
Les<br />
Aman, des « Africaines », arrangé pour<br />
Aïth Ndhir (environs de Meknès). —<br />
Archives<br />
Ber
20<br />
et la dénomination de zendaria. L'analogie est telle que lorsque<br />
dans une salle de cinéma d'Oran ou d'Alger, on présente un fïlm<br />
comportant ce genre de poésie, les spectateurs arabes marquent<br />
immédiatement la mesure avec une parfaite justesse (19).<br />
Enfin, sous le nom d'haddarat, moussennat ou derquaouiat,^ on<br />
trouve des chansons chantées par les femmes à propos d'un évé<br />
nement familial quelconque, nativité, circoncision, hyménée, fu<br />
nérailles. Qui a entendu, en Corse, les vocératrices lors des funé<br />
railles, ne discute même pas la similitude parfaite entre les chants<br />
des deux rives de la Méditerranée. Elles sont composées par les<br />
chanteuses elles-mêmes. Mais elles ont des répliques secrètes, qui<br />
se chantent en petit comité, ou lorsque la femme est seule. Elles<br />
expriment de la tristesse résignée, une douce mélancolie, des cris<br />
de tendresse ou de révolte, mais ne sortent jamais du cercle des<br />
amies, lorsque les premières sont répétées au cours -des travaux<br />
de la demeure 'ou des champs. On les entend quelquefois, se ré<br />
pondant d'une colline à une autre (20).<br />
Les mouvements que nous avons vu faire à l'intérieur du cercle<br />
des invités, lors des mariages, ne sont pas de la danse, mais en<br />
procèdent, car on ne saurait, en pays méditerranéen, séparer la<br />
chanson de la danse.<br />
Là encore il y a diyers modes suivant les régions. Dans les pays<br />
berbères algériens et tunisiens, ce sont des mouvements du bas<br />
sin avec de petits sauts successivement sur chaque pied et des<br />
mouvements lascifs des mains tenant un mouchoir. Malgré les<br />
noms qu'on leur donne, ces danses sont presque toujours sem<br />
blables les unes aux autres, Kesraoui (à Kasr Bogharie), Abdaoui<br />
(Oued Abdi, dans l'Aurès), Naïli (Oulad Naïl), Kbaïli (Kabylie),<br />
Saadaoui (Bou-Saada).<br />
Ces danses sont menées par des femmes, sauf l'ez zabel des<br />
Iferkas de Bougie et de Condé-Smendou, qui est dansée par des<br />
jeunes gens de 12 à 18 ans, costumés en mauresques et sur les<br />
mœurs de qui il vaut mieux ne pas insister (21).<br />
Au Maroc, en pays berbères, se tient l'ahidous, qui est une sorte<br />
de ballet national. Il ressemble singulièrement au dithyrambe co<br />
rinthien consacré à Dyonisios et aux chansons Cretoises avec<br />
danses. Il est conduit sur le même rythme fébrile et enthousiaste.<br />
Comme cela se faisait en Grèce, les acteurs sont réunis en cercle<br />
autour de l'amessad, comme les. hellènes l'étaient autour de l'aulète.<br />
Ils se tiennent par la main, une femme alternant avec un<br />
homme. Us sont au nombre de dix à douze. Ils tournent en rond<br />
avec déhanchements et balancements du corps. A un signal, ils<br />
projettent leur buste en avant d'un bref coup de reins avec un<br />
(19) J.-H. Probst-Biraben et A. Maitrot de la Motte. Ce que l'Ibérie<br />
doit à l'Islam.<br />
(20) Biarnay. —<br />
(21) A. Robert. —<br />
Loc. cit.<br />
Loc.<br />
cit.
Cri poussé par tous comme un refrain et en le scandant de leurs<br />
pieds frappant le sol en cadence . (22) C'est là encore un mode que<br />
l'on retrouve en Europe méridionale.<br />
Mais il est une chose sur laquelle il est nécessaire d'insister,<br />
on a une tendance en Europe à considérer ces danseuses comme<br />
des femmes de mœurs faciles. Il y a des danseuses profession<br />
nelles dont les façons d'être ne sont pas irréprochables, mais elles<br />
n'ont absolument rien de commun, avec ces jeunes filles et ces<br />
honnêtes matrones de tribus.<br />
De même qu'il ne faut pas les confondre avec les azriat; A pro<br />
pos de ces dernières, il a été commis tellement d'erreurs qu'il est<br />
nécessaire d'en dire un mot qui ne nous écartera pas beaucoup de<br />
notre sujet.<br />
Les azriat sont des femmes libres, familièrement parlant, c'està-dire<br />
veuves ou divorcées. Dans certaines régions de l'Aurès,<br />
elles offrent au voyageur une hospitalité complète et reçoivent<br />
de lui un présent. On a, très à la légère, traité ces femmes comme<br />
des prostituées et on a voulu les parquer dans des lieux séparés<br />
des villages. Les habitants ont protesté et ont failli être, de leur<br />
côté,<br />
considérés comme de vulgaires souteneurs. C'est là une<br />
erreur capitale. C'est, réduite à un petit coin de territoire, une<br />
coutume qui s'étendait autrefois sur toute l'Afrique du Nord et<br />
qui est tout simplement un reste de culte agraire antique, en y<br />
comprenant même le gain qui n'est qu'accessoire, alors que la<br />
survivance de la pratique est l'essentiel.<br />
Et même autrefois, le présent était de règle dans le passé an<br />
tique ; c'était une condition de fécondité de la terre et des trou<br />
peaux en même temps qu'une révérence ; cela faisait partie du<br />
culte de la divinité, qui assurait cette fécondité (23).<br />
On trouve, en effet, la même coutume à Héliopolis et à Baalbeck.<br />
Les vierges devaient se donner au moins une fois à des<br />
étrangers dans le temple d'Astarté, pour assurer la fécondité du<br />
sol, des troupeaux et des hommes. A Babylone, dans le temple de<br />
Myletta, les femmes percevaient un salaire qui était versé au tré<br />
sor du temple. On trouve la même façon de faire en Lydie jus<br />
qu'au II*<br />
siècle, en Syrie,<br />
u<br />
jusqu'au règne de Constantin. C'est là<br />
une pratique nettement méditerranéenne dont la vague est venue<br />
battre les parties élevées de la Provence et du Dauphiné (Ca<br />
thares et Vaudois ) (24).<br />
Mais par réciprocité, il ne faut pas davantage confondre ces<br />
femmes avec les cours d'amour des Touareg, qui nous ramènent<br />
à nôtre sujet. Ce sont des réunions musicales, appelées ihallen<br />
Les femmes y apportent leur violon, imz'aden, et les<br />
(sing ahal) .<br />
(22) —<br />
Capitaine Querleux.<br />
Loc.<br />
—<br />
(23) J.-H.. Probst-Biraben. Prêtresses<br />
d'Anthropologie, 1935.<br />
(24) Frazer, —<br />
Golden Bough.<br />
cit.<br />
Adonis<br />
d'amour berbères. —<br />
à Chypre. —<br />
Revue<br />
Paris, 1923.
22<br />
les hommes y viennent autant qu'ils sont certains dé n'y<br />
pas ren<br />
contrer quelqu'un à qui ils doivent le respect. Les chants sont<br />
accompagnés par les violons ; ce sont de petites pièces de vers<br />
chantées par les hommes, qui célèbrent les mérites de leur dul<br />
cinée et leurs propres exploits ou ce sont des satires dirigés contre<br />
des adversaires ou des rivaux. Les femmes, de leur côté, vantent<br />
le courage de leur sigisbée ; les femmes nobles jouent du violon,<br />
mais ne chantent pas. Les femmes mariées peuvent assister à ces<br />
réunions, elles s'y conduisent parfaitement bien, alors que les<br />
jeunes filles ne sont pas toujours irréprochables.<br />
Les chants ont trois rythmes différents très distincts :<br />
seyenine, vif, assez rapide ;<br />
ahinena, lent, traînant, comme une mélopée ;<br />
asaher'.<br />
Les poèmes, de rime unique généralement,<br />
courts :<br />
Tera in tàmott our teri boudet<br />
R'inn tadj din foull as essar'et<br />
Der'<br />
idjidj kaï teouihalet<br />
sont toujours très<br />
L'amour d'une femme exige qu'on ne soit pas toujours devant<br />
{.elle ;<br />
Reste au contraire loin d'elle un moment ;<br />
Eloignée de toi, elle désirera vivement te revoir. (25)<br />
Enfin, avant de terminer, un mot sur les cris des marchands<br />
qui rappellent celui des nôtres, plus développés cependant et sou<br />
vent beaucoup plus expressifs. Quelques-uns sont de véritables<br />
poèmes, les rimes sont toujours assez riches.<br />
Le marchand de beignets :<br />
Bessokor<br />
Koul ou tfekor.<br />
Faits avec du sucre,<br />
Mange et souviens-toi.<br />
L'encanteur, sorte de commissaire-priseur ambulant, dont la<br />
corporation extrêmement ancienne était réglée par les règlements<br />
de la Régence turque et fut, après avoir été supprimée, rétablie<br />
par les décrets impériaux du 5 mars et du 28 avril 1855. Son<br />
chant est fait de couplets de quatre vers, tous sur une même<br />
rime :<br />
Hada sif,<br />
Ou kessoua belkif<br />
Albess Khefif<br />
Hâta iatik el krif<br />
(25) M. Benhazera. — Six mois chez les ouareg du Ahaggar. Alger,<br />
1908.,
C'est l'été,<br />
L'habit qui plaît,<br />
Habille-toi légèrement<br />
Jusqu'à l'arrivée de l'automne. (26)<br />
Mais ce qui est surtout curieux,<br />
23<br />
ce sont les réunions mar<br />
chandes dans les villes surtout, où les marchands, qui se connais<br />
sent, improvisent des chansons répliques pour attirer à eux l'at<br />
tention du chaland.<br />
(Le marchand de figues de Barbarie, dites figues de l'Inde) :<br />
Les Indiens ! les Indiens ! Je détiens le couteau<br />
Pour délivrer le fruit de sa peau épineuse<br />
Et présenter sa chair douce comme un gâteau.<br />
(Le marchand de melons) :<br />
C'est là du laid fumier, à l'allure trompeuse<br />
Et pour en acheter, il faut être un vieux fou.<br />
C'est de la laine avec un peu d'eau sirupeuse.<br />
Regardez, ô croyants, mes superbes bijoux.<br />
Sur une robe verte, un jeté de dentelles,<br />
A rendre, par Allah, les grands brodeurs jaloux.<br />
Pour les raffinés qui aiment la bagatelle<br />
C'est le sein délicat, blanc, jeune et arrondi<br />
Que très discrètement voile une brocatelle.<br />
(Le marchand de pommes de terre) :<br />
Que dit-il,<br />
De ma très respectable et fort vieille nourrice.<br />
S'il te tombe sur la tête, il t'en étourdit !<br />
ce vieux fou ? C'est le bezoul alourdi<br />
Si tu veux contenter ton âme admiratrice<br />
Des beaux fruits, prends-les donc, rondes comme koura,<br />
Ces filles de la terre aimée et bienfaitrice.<br />
(Le marchand de figues) :<br />
O ma verte figue, en ta robe de surah,<br />
Ton arbre trapu croît sans eau et dans le sable,<br />
Cousine de corail des dattes de Biskra.<br />
(Le marchand de tomates) :<br />
Leur<br />
corail anémique est bien moins chérissable<br />
Que celui de mes fruits plus rouges que tout fard<br />
De jeune citadine,<br />
(Le marchand de poivrons) :<br />
(26) Loc.<br />
ô la méconnaissable !<br />
A côté des poivrons, leur teint n'est que blafard.<br />
Qu'ils sont forts et piquants ! O celui qui désire<br />
achetez ! Les cuire est tout un art !<br />
En griller,<br />
A. Robert. —<br />
cit.
24<br />
(Le marchand de radis) :<br />
Comme il est tendre et doux ; voyez ce joli sire.<br />
Il vient du sable d'or ; deux paquets pour, un sou !<br />
En dehors d'émail d'or et en dedans de cire.<br />
(Le marchand de pastèques) :<br />
O celui lourd et noir, dont le sort se résoud<br />
A n'être qu'égorgé par une lame aiguë<br />
Que ses dents d'émail, d'un sourire rouge, absout !<br />
(Tous ensemble, sauf le marchand de figues de Barbarie) :<br />
O vous tous, frères, qui circulez dans la rue,<br />
Venez ! Vous trouverez sans doute à mon étal,<br />
De quoi vous satisfaire à tous les points de vue.<br />
(Le marchand de figues de Barbarie) :<br />
De quoi vous étouffer pis qu'un acte deylical ! (27)<br />
Mais ce qui plus que toute autre chose prouve la communauté<br />
de compréhension en cet art mystérieux qui existe d'une rive à<br />
l'autre de la Méditerranée, c'est que relativement rares sont ceux<br />
qui, parmi les Européens, ont compris la musique orientale, à<br />
moins qu'ils ne soient méditerranéens, qu'il s'agisse de Bizet dans<br />
Carmen, de Félicien David dans Désert, d'Henri Rabaud dans<br />
Marouf, de Marcel Rousseau dans Huila, de Verdi dans Aida,<br />
de Puccini dans Othello et surtout de Camille Saint-Saëns dans<br />
le ballet de Samson et Dalila, dans la Rêverie arabe de la suite<br />
algérienne et, enfin, dans le cinquième concerto où il utilise, de<br />
façon si géniale, le thème des bateliers du Nil. Leur âme méditer<br />
ranéenne était, par atavisme, faite pour comprendre ce langage<br />
sacré qui chante à l'âme. Alors que Glassinof, dans sa Mélodie<br />
orientale, est peut-être très russe, mais n'est pas du tout méditer<br />
ranéen. C'est moins sensible que Rymski Korsakoff qui, dans<br />
ses œuvres dites orientales, a d'excellents passages, surtout dans<br />
les préludes ; puis on a l'impression qu'il se fatigue à vouloir<br />
suivre ce mode qui n'est pas le sien et, au bout d'un temps plus ou<br />
moins long, on est, en l'écoutant, transporté très loin de l'Orient.<br />
Si on a le sens de l'ésotérisme méditerranéen, on est alors complè<br />
tement perdu dans un milieu qui n'a plus ni la forme, ni le fond<br />
de ce qui est, pour un méditerranéen, sa raison même de vivre,<br />
de respirer musicalement (28).<br />
(27) A. Maitrot de la Motte. —<br />
gumes<br />
(28)<br />
A. Maitrot de la Motte-Capron.<br />
Les<br />
Africaines. —<br />
Sur<br />
le souk aux lé<br />
J.-H. Probst-Biraben et A. Maitrot de la Motte. L'ésotérisme<br />
Musique et l'Esotérisme.<br />
méditerranéen. — La
Ôuarante-Slxièma Année<br />
Ê« Trimestre -A 941<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Oociété<br />
Mfft<br />
N- 166<br />
de Géographie d Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
AL«ER — IMP. iMBERT
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />
d'Appel d'Alger.<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. ARNAUD Robert,<br />
Gouverneur Honoraire des Colonies.<br />
AUBRY Jules, Professeur honoraire du Lycée, Président du Conseil<br />
d'administration des tramways du Sahel.<br />
BEAULIEU Jules,<br />
BERGER-VACHON Victor,<br />
Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
Professeur à la Faculté de Droit d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />
Lycée d'Alger.<br />
BUGEJA Manuel,<br />
Administrateur principal honoraire de Communes<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJORS,<br />
JOSSE Honoré,<br />
MATHIEU Louis,<br />
Général MEYNIER.<br />
Général PAQUIN.<br />
PRUNNELLE,<br />
RIMBAULT Paul,<br />
Trésorier-payeur général.<br />
Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des Colonies françaises.<br />
Préfet honoraire.<br />
Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
Rédacteur en Chef de la « Dépêche Algérienne »<br />
et de 1' « Effort Algérien ».<br />
/ M. le Colonel PEYRONNET.<br />
Conseillers techniques, j<br />
(<br />
M. le Commandant LEHURAUX.<br />
M. le Commandant BIDAN.
1"<br />
SOMMAIRE<br />
Partie. —<br />
Procès-verbaux des séances de la Société<br />
2"<br />
ACTES DE LA SOCIETE<br />
Partie. —<br />
CONFERENCES<br />
Pages<br />
Paul Rimbault L'Aiglon 4<br />
Chevalier X Robert-Houdin au service de la France 5<br />
3'<br />
Partie. —<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
Bulletin des Etudes Arabes 8<br />
Chambre de Commerce d'Alger 10<br />
1
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Quarante Sixième Année<br />
2" Trimestre <strong>1941</strong><br />
Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />
SEANCE DU 26 AVRIL <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« La Gouvernante des petites Mancini » (lre<br />
Chamski-Mandajors.<br />
Décès<br />
partie),<br />
N°<br />
166<br />
par M.<br />
M. AUBRY, professeur honoraire au Lycée d'Alger, vice-prési<br />
dent de la Société de Géographie d'Alger.<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. le Général Barbeyrac de Saint-Maurice, 119,<br />
Alger ;<br />
Paul.<br />
rue Michelet,<br />
présenté par MM. le commandant Lehuraux et<br />
Lefèvre-<br />
M. le Général Weiss, 113, chemin du Télemly, Alger ; présenté<br />
par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
Mme PARAIRE, 23, boulevard Guillemin,<br />
sentée par Mmes Combier et Bausson.<br />
SEANCE DU 3 MAI <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
El-Biar (Alger) ; pré<br />
« Quelques-uns de ceux qui ont écrit sur le Maroc »,<br />
TEDJINI.<br />
M Prady Georges,<br />
Marseille ;<br />
Nouvelle adhésion<br />
par M.<br />
chef de la Société des Grands Travaux de<br />
présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.
SEANCE DU 10 MAI <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
Suite de la conférence « Les demoiselles Mancini »,<br />
Chamski-Mandajors.<br />
SEANCE DU 17 MAI <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
par M.<br />
Suite de la conférence « La Gouvernante des petites Mancini »,<br />
par M. Chamski-Mandajors.<br />
Noîwelles adhésions<br />
M. Hacêne Joseph, brigadier des Douanes, 10, rue du Docteur-<br />
Trolard, Alger ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
Mme Beraud-Reynaud, villa Marguerite, 29,<br />
Mun ; présentée par MM. Chopart et Lefèvre-Paul.<br />
SEANCE DU 31 MAI <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
rue Albert-de-<br />
« Comment venir en aide à nos prisonniers » (par un prisonnier<br />
de la guerre 1939), par M. le Docteur Arnaud.<br />
Nouvelle adhésion<br />
M. Chambon-Laget Armand, directeur de l'Institut industriel<br />
d'Algérie, à Maison-Carrée ; présenté par MM. Verain et Lefèvre-<br />
Paul.<br />
SEANCE DU 14 JUIN <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« De quelques erreurs diplomatiques », par M. Jacques DES<br />
ROCHES.
SEANCE DU 28 JUIN <strong>1941</strong><br />
Conférence<br />
« Un cinquantenaire : la première occupation de l'Oasis d'EI-<br />
Goléa »,<br />
par M. le Commandant Lehuraux.<br />
Décès<br />
M. Marcel Le Dentu, avocat à la Cour.<br />
Nouvelles adhésions<br />
M. Roget Jacques, lieutenant, 5, rue Laca'naud, Alger ; présenté<br />
par MM. Valat et Bessière.<br />
Mme Veuve Bouvier, 31, boulevard Baudin, Alger ; présentée<br />
*<br />
par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />
M. de Balliencourt, général à Meknès ; présenté par MM. Le<br />
fèvre-Paul et Mathieu.<br />
M. GODFROY.René, docteur en médecine, 8, rue Altairac, Alger ;<br />
présenté par MM. Costantini et Lefèvre-Paul.<br />
M. Azoulay Albert, commis à la Caisse Algérienne, Gouverne<br />
ment Général, 17, rue Dupuch, Alger ;<br />
teur Josse et Lefèvre-Paul.<br />
présenté par MM. le doc
L'AlCLCN<br />
Conférence de M. Paul Rimbault<br />
Le 10 janvier <strong>1941</strong> ,M. Paul Rimbault, secrétaire général de la Société,<br />
a donné une conférence sur « l'Aiglon », fils de Napoléon Ier-<br />
Le roi de Rome est né le 20 mars 1811 aux Tuileries, dans des conditions<br />
assez pénibles pour sa mère, l'impératrice Marie-Louise. Affreusement gâté<br />
par son père, idole de la Nation, l'enfant est emmené à Vienne en 1814, lors<br />
de la prmière abdication de l'Empereur et son départ pour l'île d'Elbe. Le<br />
petit prince ne reverra jamais plus sa patrie.<br />
Enfermé au château de Schônnbrun, il n'en sortit plus guère ; Mettermich<br />
l'a interdit, et son grand-pere maternel, l'Empereur François, l'aime égoïste-<br />
ment. A 21 ans, il mourra poitrinaire.<br />
Soigné à temps, il eut pu être sauvé ; mais le chancelier d'Autriche lui<br />
interdisait même d'aller prendre les eaux à la montagne et de changer d'air !<br />
Psychologiquement parlant, le petit Napoléon passera par trois phases<br />
successives. Durant les premières années de son exil, il sera tout à ses sou<br />
venirs d'enfant et la pensée de son père ne le quittera guère. Puis, par suite<br />
de l'éducation purement autrichienne qu'il a reçue, il est enclin à accepter<br />
son sort. Son grand-père est d'ailleurs très bon pour lui.<br />
A l'approche de la 20e<br />
année, nouveau changement. Il prend conscience du<br />
grand nom qu'il porte. Il sait qu'on s'agite en France autour de ce nom, et<br />
qu'on veut le faire évader. Alors il devient misanthrope, passant tour à tour<br />
de toutes les gammes de l'espoir à celles du découragement. Il essaie d'ou<br />
blier sa misère en travaillant et en se divertissant sans mesure.<br />
Colonel de l'armée autrichienne, il prend son titre au sérieux, fait des<br />
imprudences, bref s'épuise. Il essaie de s'évader... Mais Mettermich veille<br />
sur lui. L'Aiglon est enchaîné !<br />
Par ailleurs, Napoléon II est un beau jeune homme, grand, élancé, avec<br />
des yeux et des cheveux splendides. Il a beaucoup de grâce et d'esprit. Les<br />
femmes et le peuple en font leur idole. Avec cela, beaucoup de maturité dans<br />
le jugement, une forte culture, de l'autorité dans le commandement. Malheu<br />
reusement, tous ces dons sont gâtés par une indécision obstinée qu'accentue<br />
une santé précaire.<br />
Une de ses dernières paroles sur son lit d'agonie sera celle-ci. : « Si jeune...<br />
faut-il terminer une vie inutile et sans renommée. Ma naissance et ma mort,<br />
voilà toute mon histoire ! »<br />
Oui,<br />
ce fut toute son histoire...<br />
Histoire pitoyable, commencée dans l'apothéose, et achevée à la fleur de<br />
l'âge sur le grabat du phtisique.<br />
A ce propos, M. Rimbault répond à la légende qu'on a fait courir sur sa<br />
mort. L'Aiglon, dit cette légende, aurait été empoisonné ou même se serait<br />
suicidé. Rien n'est plus faux ; quand on a fait son autopsie, on a constaté<br />
que le poumon droit n'existait plus, que le poumon gauche était atteint dans<br />
sa partie supérieure et que tous ses organes étaient sains ; il avait reçu de<br />
sa mère le germe de la tuberculose.<br />
Au cours de sa conférence, M. Rimbault effleure certains sujets fort inté<br />
ressants, tels que ceux du mariage de Napoléon I" et de Marie-Louise, des<br />
rapports de cette dernière avec Neipperg, de la popularité de l'Aiglon à<br />
Paris aux alentours de 1830, de l'amour du jeune prince pour sa tante Sophie<br />
de Habsbourg, de son amitié pour Prokesch, etc...<br />
Conférence fort bien documentée qu, derrière la sympathique et doulou<br />
reuse figure d'un enfant,<br />
nale.<br />
«Il «Il<br />
englobe tout un chapitre de notre histoire natio
Ronw ilOUDIN<br />
au çfermee de êa &famée/<br />
Conférence du Chevalier X...<br />
En 1856, alors qu'il vivait retiré de la vie artistique à Saint-Gervais, le<br />
célèbre prestidigitateur Robert-Houdin reçut du Colonel de Neveu, Chef de<br />
Cabinet du Maréchal Randon, Gouverneur Général de l'Algérie, une lettre<br />
lui demandant de venir dans notre jeune colonie pour y donner des représen<br />
tations.<br />
Mme Robert-Houdin ayant demandé à son mari s'il donnerait une suite<br />
à cette invitation, le magicien répondit spontanément : "•« Il ne s'agit pas<br />
d'une invitation. Les marabouts, avec leurs tours grossiers, prennent trop<br />
d'ascendant sur leurs coreligionnaires. Le Maréchal me convoque au service<br />
de la France : j'ai un fils qui est officier ; je suis soldat comme lui, je dois<br />
servir ».<br />
C'est ainsi que le 10 septembre suivant, M. et Mme Robert-Houdin s'em<br />
barquèrent pour Alger. Mais avant de raconter à nos lecteurs ce qu'y fit<br />
notre prestidigitateur, nous allons rappeler sa carrière telle que l'a racontée<br />
dernièrement le Commandant Martin devant les membres de la Société de<br />
Géographie de l'Afrique du Nord.<br />
Eugène Robert-Houdin est né en 1805, à Blois. Son père, M. Robert, était<br />
horloger. Dès l'âge de huit ans, le jeune Eugène Robert s'amusait à cons<br />
truire des automates et s'essayait à réparer des montres à l'insu de son père,<br />
qui passait son temps à lui dire : « Maladroit, tu ne feras jamais rien de<br />
tes dix doigts »... Prophétie malheureuse !<br />
A lix ans, on le met au collège d'Orléans où il restera huit ans, durant<br />
lesquels il s'exercera à faire des tours. Ses études achevées, on le place comme<br />
clerc de notaire dans sa ville natale. Il y rencontre le prestidigitateur Carlos<br />
qui lui donne des leçons. Mais la paperasse l'ennuie, et un beau jour, il dé<br />
clare à son père qu'il veut être prestidigitateur. Mais le père ne l'entend pas<br />
de cette oreille-là, et l'envoie à Tours faire son apprentissage d'horloger.<br />
A la suite d'un empoisonnement accidentel et dans un moment de délire,<br />
le jeune homme fait une fugue. Au cours de son équipée, il rencontre sur la<br />
route le docteur Torrini, prestidigitateur en renom, qui l'accueille dans sa<br />
roulotte, et l'emmène avec lui à Angers et à Nantes où il doit donner des<br />
représentations. Eugène Robert l'assiste et se perfectionne dans l'art qui<br />
lui est cher.<br />
Mais si le jeune homme était têtu,<br />
Robert est obligé de rentrer à Blois, et de là on l'envoie à Paris,<br />
son père ne l'était pas moins. Eugène<br />
comme hor<br />
loger dans la famille Houdin. Ainsi que cela se passe dans les bons romans,<br />
Eugène devient amoureux de la fille de son patron et se marie avec elle. Dé<br />
sormais,<br />
il s'appellera Eugène Robert-Houdin.<br />
Malheureusement, le beau-père fait de mauvaises affaires et la misère<br />
tombe sur le jeune ménage. Mais, contrairement à ce qu'avait prédit son<br />
père, le jeune Robert-Houdin avait une fortune dans les dix doigts. Il s'as<br />
socie avec le prestidigitateur Antonio, qu'il, connaissait déjà, et, ensemble,<br />
ils font une première tournée à Orléans, Blois et Nantes. Eugène pousse<br />
même jusqu'à Rome et donne une représentation devant le Saint-Père, où il<br />
escamote magnifiquement la montre du Cardinal Morini.
10<br />
Il revient à Paris, déjà célèbre et presque riche. Le 25 juin 1845, il monte<br />
le théâtre qui porte son nom et, pendant sept ans, c'est un triomphe ininter<br />
etc... La renommée l'appelle : « Le<br />
rompu. Il va en Angleterre, en Belgique,<br />
prestidigitateur des rois ».<br />
C'est durant cette période qu'il montre au public ses tours célèbres : la<br />
suspension éthérienne, la double vue, le coffre cristal, le carton fantastique,<br />
le trapéziste et surtout son « chef-d'œuvre », la bouteille inépuisable.<br />
En 1852, riche et considéré, le fils de l'horloger Robert prenait une retraite<br />
bien méritée : il n'avait que 47 ans !<br />
Le voilà donc s'embarquant pour Alger, le 10 septembre 1856. Il descend<br />
dans notre ville à l'Hôtel Oriental, et se met de suite au travail. Dès les pre<br />
miers jours, il se rend à une représentation que donnent les Aïssaoua, sec<br />
tateurs de Sidi Aïssa. Ceux-ci sont passés maîtres dans l'art qui a rendu<br />
célèbres les fakirs. Au milieu des chants et des danses, les Aïssaoua se trans<br />
percent la joue avec des poignards, avalent du verre pilé, manient vipères<br />
et couleuvres, se mettent un fer rouge sur la langue, posent leur ventre sur<br />
un sabre, etc..<br />
Robert-Houdin,<br />
qui connaît tous les truquages que cachent ces manifesta<br />
tions, se promet de mieux faire encore. Dès le retour du Maréchal Randon<br />
d'une expédition militaire alors en cours, il donne en sa présence une pre<br />
mière représentation au théâtre d'Alger. Il y fait applaudir son étonnante<br />
habileté dans des tours qui l'ont rendu célèbre dans le monde entier : Le café<br />
chaud et les dragées, la corbeille de fleurs, le coffret lourd et léger, le tir au<br />
pistolet, l'escamotage sur une table,<br />
etc...'<br />
Les Arabes sont véritablement<br />
affolés. Ils prennent le magicien pour le Diable. Quand ils l'aperçoivent, ils<br />
le fuient en criant : Cheïtan !<br />
D'Alger, Robert-Houdin va à Biskra chez le caïd Bou Amada. Au cours<br />
d'une diffa, il présente à nouveau ses tours devant une assistance ébranlée.<br />
Un marabout le défie dans un duel au pistolet...<br />
— « Laisse-moi en prières pendant six heures », fait le prestidigitateur,<br />
et tu verras.<br />
Le lendemain, il fait son fomeux tour de « la balle dans la bouche et du<br />
sang sur le mur ». Le Marabout a trouvé son maître.<br />
Le Maréchal Randon voulut recevoir dans son Palais Robert-Houdin avant<br />
son retour en France.<br />
— — Monsieur<br />
lui<br />
dit-il —<br />
avez fait pour lui. Vous-même,<br />
le pays vous est reconnaissant de ce que vous<br />
ne pouvez pas vous en rendre compte exac<br />
tement. Savez-vous que vous êtes devenu une personnalité redoutable.<br />
— Redoutable<br />
? fit le prestidigitateur.<br />
— Je sais ce que je dis, explique le Maréchal. S'il vous prenait fantaisie<br />
de prêcher la guerre sainte, vous auriez beaucoup de chance d'être écouté.<br />
En tous cas, sachez qu'en un mois, vous avez fait plus qu'un régiment de<br />
Zouaves en un an.<br />
* *<br />
Après ces paroles mémorables prononcées par un des meilleurs créateurs<br />
de l'Algérie française, on peut affirmer que le « Magicien » Robert-Houdin<br />
servit en soldat la nouvelle France. Aussi le Commandant Martin a-t-il rai<br />
son de vouloir lui réserver une petite place dans le Musée Franchet-d'Espe-<br />
rey, dont il est le conservateur. Son projet est le suivant :<br />
Une toile représentant en buste le prestidigitateur à l'âge de 51 ans<br />
âge qu'il avait lors de son passage à Alger — et en dessous cette simple<br />
mention :<br />
ROBERT-HOUDIN (1805-1871) AU SERVICE DE LA FRANCE<br />
EN ALGERIE SUR ORDRE DU MARECHAL RANDON<br />
GOUVERNEUR GENERAL DE L'ALGERIE<br />
A, PAR SES QUALITES DE CŒUR, SON GRAND TALENT ET SON<br />
PATRIOTISME, CONTRIBUE A L'ŒUVRE DE PACIFICATION DE<br />
L'ALGERIE EN 1856
1856 !... C'était, ne l'oublions pas, une époque cruciale pour l'Algérie Fran<br />
çaise. Encore quelques mois, et nos Kabyles « si nobles et si fiers » allaient<br />
entrer dans la grande communauté française. Sous la conduite de la prophétesse_<br />
de Sémour, Lalla Fathma, la dame aux bandeaux et au henné, qui<br />
« faisait couler des larmes comme le printemps la pluie », ils défendaient<br />
magnifiquement leurs institutions séculaires. Autant que les armes, la diplo<br />
matie était nécessaire pour les amener à nous.<br />
— Randon qui était aussi bon diplomate que bon soldat — le comprenait.<br />
Voilà pourquoi il se servit de tous les instruments qui pouvaient établir le<br />
prestige de la France.<br />
Robert-Houdin fut un de ces instruments. Sa mémoire doit être gardée<br />
parmi nous. Si, en France, il fut celui qui amuse et distrait, en Algérie, il<br />
fut l'homme qui convainc et en impose. Peu importe ce que furent ses moyens<br />
d'action. Le talent n'a pas de frontière quand il s'agit de la gloire et du bon<br />
renom de la Patrie.<br />
(Extrait de « Algéria », mars <strong>1941</strong>.)<br />
Paul Rimbault.<br />
11
12<br />
BULLETIN DES ETUDES ARABES<br />
(INTERMEDIAIRE DES ARABISANTS)<br />
Paraissant tous les % mois (sauf en Août et Septembre)<br />
DIRECTION ET REDACTION :<br />
Henri Pérès, Professeur à la Faculté des Lettres d'Alger,<br />
Parc de Galland, Télemly, 175, Alger.<br />
ADMINISTRATION ET ABONNEMENTS :<br />
EDITIONS JULES CARBONEL, 2, Rue de Normandie, Alger.<br />
Compte Chèque Postal : N°<br />
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Abonnements : de Janvier à Décembre inclus 50 Francs<br />
I. —<br />
II. —<br />
III. —<br />
IV. —<br />
V. —<br />
VI. —<br />
VU. —<br />
VIII. —<br />
IX. —<br />
Communication,<br />
Page<br />
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Contributjon<br />
Consultation<br />
Hors<br />
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RUBRIQUES<br />
en français ou en arabe (littérature, histoire, géo<br />
graphie, philosophie, institutions, sociologie, folk-lore, hygiène,<br />
sciences, musique), Compte rendu d'un ouvrage ou Analyse<br />
d'un manuscrit (2 pages).<br />
de Poésie Arabe, poète ancien ou moderne, avec traduction<br />
française en regard : le texte comprendra 15 à 20 vers (2 pages).<br />
de Prose Arabe, auteur ancien et moderne, avec traduction<br />
française en regard : le texte arabe comprendra 22 lignes au<br />
maximum (2 pages).<br />
de Poésie ou de Prose Française, écrivain du XVIP, XVIII*<br />
ou XIXe<br />
siècle, avec traduction arabe en regard : le texte fran<br />
çais comprendra 25 à 30 lignes (2 pages).<br />
d'Arabe dialectal, prose, poésie populaire, chansons, dictons,<br />
proverbes, texte arabe avec transcription phonétique simplifiée<br />
en regard et traduction française au bas (2 pages).<br />
a l'étude de la langue classique, moderne et dia<br />
lectale : — phonétique, morphologie, syntaxe, vocabulaire éty-<br />
;<br />
—<br />
mologie — ; prononciations correctes ; ne dites pas..., mais<br />
— dites... ; ne — confondez pas ; comment traduire tel mot ou<br />
telle expression de l'arabe en français ou du français en arabe ;<br />
— index de mots arabes : noms — propres, mots typiques ; pour<br />
lire les auteurs arabes : notes bibliographiques et philologiques<br />
(2 pages).<br />
bibliographique (2 pages).<br />
texte : reproduction de photo ou de document (vue panora<br />
mique ; rue, place, bazar, marché ; art musulman ; scène de<br />
mœurs et coutumes ; miniature, calligraphie, tableau d'artiste).<br />
Arabisants : qui nous renseignera sur... ? livres ou ar<br />
ticles recherchés ou —<br />
proposés ; notices bio-bibliographiques ;<br />
— travaux<br />
a paraître, sous presse, en préparation, en projet ;<br />
— petite correspondance (2 pages) .
3{. —<br />
XI. —<br />
XII. —<br />
XIII. —<br />
Enseignement<br />
Examens<br />
Recensions<br />
Revue<br />
XIV. ; — Revue<br />
XV. —<br />
Echos<br />
: cours et conférences ; — instructions et règle<br />
ments ; programmes ;<br />
— directions<br />
et Conco&rs : dates ;<br />
pédagogiques (2 pages).<br />
— règlements ;<br />
texte des épreuves avec corrigé, le cas-<br />
ou lecteurs ;<br />
(2 pages).<br />
— où<br />
de livres ou d'articles ;<br />
pages) .<br />
échéant,<br />
13<br />
— programmes ;<br />
par les abonnés<br />
prépare-t-on tel examen ou tel concours ?<br />
— viennent<br />
de paraître (2<br />
des Revues : « Revue Afrique », « Revue Tunisienne »,<br />
ce Hespéris », « Annales de l'Institut d'Etudes Orientales d'Al<br />
ger », « B.S.G. d'Alger », « B.S.G. d'Oran », « Journal Asia<br />
tique », « Revue des Etudes Islamiques », « En Terre d'Islam »,<br />
« Outre-Mer », « Revue des Questions Algériennes », « Afrique<br />
Française », « Asie Française », « Algeria », « Er-Rihala »,<br />
« La Kahéna », « Afrique Littéraire », « Les Cahiers du Sud »,<br />
« Oriente Moderno », « Al-Andalus », « Al-Machriq », « Al-<br />
Hilâl », « al-Muqtataf », « al-Hadîth », « al-Makchoûf »,<br />
Amâlî » (2 pages).<br />
de la Presse Arabe et de la Radio (2 pages).<br />
« al-<br />
et Nouvelles de l'Orient et de l'Occident : Instituts et<br />
associations : — conférences et causeries. Nominations et muta<br />
— — tions. Distinctions honorifiques.<br />
— Congrès internationaux. Carnet<br />
SOMMAIRE du N"<br />
Voyages<br />
(2 pages).<br />
1 (Janvier-Février 19Al)<br />
et missions. —<br />
Pages<br />
Georges Marçais. Les idées d'Ibn Khaldoûn sur l'histoire 3<br />
— Poésie arabe : Nuit d'amour, d'Ibn Baqî.<br />
Mu'tamid ibn '<br />
Trois empêchements, d'al-<br />
Abbâd, traduction française par G. Dugat 6<br />
Prose, arabe : L'histoire, par Ibn Khaldoûn (extrait des Prolégomènes),<br />
traduction française par de Slane 8<br />
Poésie française : Le vase brisé, de Sully-Prudhomme, traduction<br />
arabe par Abu Qaïs 10<br />
Arabe dialectal : Sâlah-Mîmûn, texte arabe, transcription phonétique<br />
et traduction française par H.-S 12<br />
Contribution à l'étude de la langue : Etymologie de « Alger ». — Pro<br />
nonciations correctes : Ne dites pas... Ne confondez pas 16<br />
Hors texte : Le village et l'oasis de Roufi, dans l'Aurès (Algérie).<br />
Bibliographie : La poésie populaire en Afrique du Nord,<br />
par H. P. 17<br />
Entre arabisants : Qui nous renseignera sur... ? —Travaux sous<br />
— presse ; en préparation ; en projet. Livres et articles recher<br />
chés ou offerts 20<br />
Enseignement : Cours et conférences à la Faculté des Lettres d'Al<br />
—. ger. Enseignement secondaire : programme d'arabe de Se<br />
conde B (Section spéciale, Elèves-Maîtres et . . Elèves-Maîtresses) 22<br />
Examens et Concours : — Interprètes judiciaires. Agrégation et Cer<br />
— tificat des Lycées. Diplômes d'Etudes supérieures (Sujets de<br />
mémoires). — Thème du Certificat de Philologie arabe (Session<br />
d'octobre 1940) 25<br />
Recensions : Rubriques de classement. — Recension<br />
ticles récents<br />
de livres et d'ar<br />
Revue des Revues : « Revue Africaine », « Revue Tunisienne »,<br />
« Hespéris », « En Terre d'Islam », « Algeria » ; « Afrique Lit<br />
téraire », « Al-Andalus », « Oriente Moderno » 29<br />
—<br />
Revue de la Presse et de la Radio.<br />
— de l'Occident. Système<br />
Echos et nouvelles de l'Orient et<br />
de transcription de l'arabe classique et<br />
de l'arabe dialectal 31-32<br />
27
û<br />
Chambre de Commerce d'Alger<br />
SEANCE DU 26 MARS <strong>1941</strong><br />
Présidence de M. Ch. Simian, Président<br />
TRANSPORTS TERRESTRES<br />
PROMULGATION DE LA LOI PORTANT AUTORISATION<br />
DE LA CONSTRUCTION DU CHEMIN DE FER MEDI<br />
TERRANEE-NIGER<br />
ADRESSE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE<br />
Le Président expose ce qui suit<br />
Messieurs,<br />
A M. LE PRESIDENT MORARD<br />
C'est avec un réel sentiment d'enthousiasme et de haute et patriotique<br />
satisfaction que la Chambre de Commerce d'Alger a pris connaissance de la<br />
décision éminente par laquelle le Gouvernement du Maréchal vient de faire<br />
promulguer la loi tant attendue autorisant la construction du Méditerranée-<br />
Niger.<br />
Un tel événement est bien à la mesure du grand Chef que la France a,<br />
dans son infortune, eu le rare bonheur de trouver pour guide.<br />
Je ne puis m'empêcher, en cet instant que je qualifierai de solennel, de<br />
songer à nos prédécesseurs qui, depuis 1879, avec une inlassable opiniâtreté,<br />
ont apporté chaque fois, dans leur clairvoyance, des arguments nouveaux en<br />
faveur de la réalisation de cette œuvre impériale, et d'adresser à leur mé<br />
moire l'hommage qui leur revient aujourd'hui.<br />
Mais parmi ces précurseurs, il en est un, messieurs, qui, dès son arrivée<br />
ici, a repris le flambeau ; qui, par ses écrits comme par ses actes, en pèlerin<br />
ardent et convaincu, a contribué à créer l'esprit d'Empire q^i devait être<br />
notre salut et a entrepris une véritable croisade en faveur de son unité par<br />
la multiplication de nos relations avec nos Colonies d'Afrique et principale<br />
ment par la construction, du Transsaharien. Ce sera une page à écrire que de<br />
rappeler tout ce qui est dû au Président Morard pour cette extension dont<br />
il pressentair la capitale urgence. Pour l'instant, nous nous bornerons à le<br />
suivre à compter du jour où il a fait du Transsaharien le thème quotidien<br />
de son action.<br />
><br />
Le 23 février 1938, à un moment où la question ne paraissait plus devoir<br />
être tirée de son sommeil, le Président Morard prenant la parole au Ban<br />
quet donné à l'issue de la session du Comité Régional, reprenait le problème<br />
de l'établissement de voies de communications rapides et aisées entre l'Afriqul<br />
du Nord et l'A.O.F. et il déclarait : « Nous pouvons dire aujourd'hui qu'il<br />
n'y a plus seulement là un intérêt, mais une nécessité vitale. »<br />
Quelques jours plus tard, le 3 mars 1938, il faisait adopter par l'Assem<br />
blée générale du Comité Algérie-A.O.F. une motion en faveur du chemin de<br />
fer transsaharien.
■<br />
Puis ayant convaincu l'économie algérienne de la nécessité de cette voie<br />
ferrée, M. Morard poursuivait dans la Métropole sa croisade en faveur de<br />
la soudure par le rail du bloc africain français.<br />
Le 10 mai 1938, il donnait une Conférence au Secrétariat de la Défense<br />
Nationale ; avec son éloquence persuasive, il accumulait les arguments et<br />
réfutait les objections ; il montrait — nous citons — que « la construction<br />
du transsaharien représente une nécessité absolue, impérieuse, urgente, que<br />
l'œuvre est capitale, qu'elle est susceptible de concourir au maintien de la<br />
Paix et qu'elle enferme les plus sûrs éléments d'équilibre économique », et il<br />
terminait son exposé par cette formule lapidaire : « Il faut que le Trans<br />
saharien se fasse et se fasse vite ».<br />
Cette formule il l'a fait adopter par la Région Economique d'Algérie, dans<br />
sa réunion du 16 juin 1938. Mais, les formules, si éloquentes soient-elles, ne<br />
valent qu'appuyées par des actes : le Président Morard lance donc un appel<br />
à tous les organismes d'intérêt général de France et d'Algérie, les invitant<br />
à se grouper pour faire aboutir rapidement le Transsaharien.<br />
Celui qui devait aux heures sombres devenir le Chef de l'Etat Français<br />
demande à être renseigné. Il convoque le Président Morard.<br />
Ce que fut cette entrevue du 23 janvier 1939 ? Nous pouvons, Messieurs,<br />
l'imaginer : Aux objections, auxx hésitations peut-être du Grand Chef, M.<br />
Morard répond par de tels arguments qu'à l'issue de l'entretien le Maréchal<br />
déclare être tout à fait convaincu de l'utilité économique autant que militaire<br />
du Transsaharien.<br />
Inlassable, le Président Morard poursuit sa campagne : Le 8 mars 1939,<br />
il donne, à l'Association des Grands Ports Français, une conférence, au cours<br />
de laquelle il enregistre l'adhésion du Général Georges, présent, et du Grand<br />
Etat-Major ; le 10 mai, à l'issue d'un déjeuner offert par le Comité de<br />
l'Afrique du Nord, sous la présidence du Maréchal Franchet d'Esperey, il<br />
fait voter une motion en faveur du Transsaharien ; le 15 mai, il obtient, à<br />
Casablanca, un vote unanime de la Conférence des Chambres de Commerce<br />
Françaises du Bassin Méditerranéen.<br />
Puis viennent les hostilités et les tristes heures de juin 1940. Un instant<br />
pour se ressaisir et M. Morard reprend sa croisade.<br />
Dès septembre 1940, il demande que la construction du Transsaharien soit<br />
comprise dans le programme des Grands Travaux ; puis, le 16 janvier <strong>1941</strong>,<br />
la Région Economique d'Algérie émet, sur l'initiative de son Président, le<br />
vœu « que le Maréchal Pétain reprenne le projet et le réalise pour la gran<br />
deur et la gloire de la France Nouvelle » .<br />
Au moment, Messieurs, où l'âme de la France émerge à peine des ruines<br />
accumulées, au moment où malgré et contre la tempête, le Maréchal vient<br />
de décider de réaliser le Méditerranée-Niger, la Chambre de Commerce d'Al<br />
ger a le devoir, il me semble, de rendre hommage à la patriotique clair<br />
voyance, à la persévérance, à l'opiniâtreté de son Président d'hier, M. Morard,<br />
dont elle peut être légitimement fière et de lui adresser l'expression.<br />
unanime d'une gratitude qui se confond avec celle des générations de com<br />
merçants et d'industriels, qui feront la relève et rendront à la France, grâce<br />
à l'Empire, son rayonnement et sa puissance.<br />
Lecture entendue de cet exposé, la Chambre de Commerce le ratifie unani<br />
mement et ses termes et conclusions et le transforme en délibération.<br />
Pour copie conforme.<br />
15<br />
P. le Président de la Chambre de Commerce :<br />
Le Vice-Président délégué,
Quarante-Septième Année<br />
A' Trimestre -19A2<br />
wr'bV',W1r^3J'@]<br />
k v<br />
><br />
.<br />
^c J ^ i<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la oociété<br />
/■<br />
nn<br />
N* 163<br />
de Orographie d'Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
JlLgER<br />
— IUP. IMBIRt
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, conseiller honoraire à la<br />
Cour d'Appel d'Alger.<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé-_<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />
Lycée d'Alger.<br />
BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />
JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des Colonies françaises.<br />
Commandant LEHURAUX.<br />
Général MEYNIER.<br />
Colonel PEYRONNET.<br />
PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />
rienne » et de P « Effort Algérien ».
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Quarante-Septième Année<br />
-I"<br />
Trimestres -1 9<strong>42</strong><br />
Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />
SEANCE DU 10 JANVIER 19<strong>42</strong><br />
Conférence<br />
« De François Coppée à Louis Bertrand », par M. Paul Rim<br />
bault, secrétaire général de la Société.<br />
Nouvelle adhésion<br />
Capitaine Lapeyre André, Albert Hôtel ; présenté par le Com<br />
mandant Lehuraux et M. Reygasse.<br />
Décès<br />
M. de Sambœuf, avocat honoraire,<br />
N*<br />
-169<br />
ancien vice-président de la<br />
Société de Géographie d'Alger.<br />
M. Barret, directeur d'Hôpital colonial en retraite.<br />
Prix<br />
Le docteur en pharmacie Francis Llabador, de Nemours, a<br />
reçu de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran le prix<br />
de la fondation Fabre pour sa « Monographie illustrée de la ville<br />
de Nemours ».<br />
Gouvernement Général<br />
Subvention<br />
SÉANCE DU 24 JANVIER 19<strong>42</strong><br />
Conférence<br />
« Alimentation et Restrictions »,<br />
tendier.<br />
15.000 fr.<br />
par le docteur ARNAUD-Bat
i<br />
Nouvelles adhésions<br />
Mme Petrolacci Sïéphanopoli, 2, boulevard Maréchal-Foch,<br />
Alger ; présentée par Mlle Leclerc et M. Lefèvre-Paul.<br />
M. le Colonel Teste, rue de l'Oasis, à Kouba présenté ; par le<br />
Commandant Lehuraux et M. Lefèvre-Paul.<br />
Mme Teste, rue de l'Oasis, à Kouba ;<br />
mandant Lehuraux et M. Lefèvre-Paul.<br />
présentée par le Com<br />
Mme Sultana Antoine, 37, rue Michelet, Alger ; présentée par<br />
MM. Rimbault et Sultana.<br />
Mme Devaux Alexandre, 6, rue Henri-de-Grammont, Alger ;<br />
présentée par MM. Rimbault et Sultana.<br />
Subventions<br />
Barclays Bank 75 fr.<br />
Bon Marché 100 fr.<br />
Cie Navigation 100 fr.<br />
Banque de l'Algérie 1.000 fr.<br />
Cie Transatlantique 100 fr.<br />
SEANCE DU 14 FEVRIER 19<strong>42</strong><br />
Conférence<br />
« La Légion d'honneur, son passé, son présent, son avenir »,<br />
par M. le Docteur Josse. ■<br />
Nouvelles adhésions<br />
Mme Vve Mouchez Gaston, 28, boulevard Saint-Saëns, Alger ;<br />
présentée par Mlle Mouchez et M. Lefèvre-Paul.<br />
M. Hognon, lieutenant-colonel en retraite, maire de Batna<br />
(Constantine) ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Prunnelle.<br />
Subventions<br />
Conseil Général 3.150 fr.<br />
Chambre de Commerce d'Alger ....<br />
Chambre de Commerce d'Oran .<br />
300 fr.<br />
. . 500<br />
fr.<br />
Crédit Foncier 100 fr.<br />
Compagnie Algérienne 100 fr.<br />
Maroc 1.000 fr.<br />
'
SEANCE DU 10 MARS 19<strong>42</strong><br />
Conférence<br />
« La femme en Islam d'après les propos du philosophe mo<br />
derne : Abou Hatéa », faite par M. Tedjini.<br />
Subventions<br />
Préfecture 765 fr.<br />
Cie Schiaffino 500 fr.<br />
Société Généraje 80 fr.<br />
Décès<br />
M. Vitalis, administrateur en retraite.<br />
SEANCE DU 24 MARS 19<strong>42</strong><br />
Conférence<br />
« Le mouvement culturel chez les Musulmans algérois de 1895<br />
à 1914 », faite par M. Benchened, sous la présidence de M.<br />
Marçais.<br />
Nouvelle adhésion<br />
Mlle BRUN Giiiette, 117 bis, immeuble D, rue Michelet, Alger;<br />
présentée par Mme Combier et M. Lefèvre-Paul.<br />
Ville de Bône<br />
Société Marseillaise<br />
Subventions<br />
Société Générale des Transports Mari<br />
times<br />
100 fr.<br />
100 fr.<br />
100 fr.<br />
5
ASSEMBLEE GENERALE DU MARDI 24 FEVRIER 19<strong>42</strong><br />
Rapport de M. Bessière,<br />
chargé du Bulletin et de In Bibliothèque<br />
Fin décembre <strong>1941</strong>, les membres de notre Société ont eu l'agréa<br />
ble surprise de recevoir le premier numéro de notre Bulletin <strong>1941</strong>.<br />
Certes, le gros retard et la réduction importante du nombre<br />
de pages ne permettent pas de considérer l'événement comme<br />
exceptionnellement heureux; mais, je tiens à le rappeler, les<br />
perspectives furent si sombres fin 1940 que nous avons craint<br />
un moment de ne plus pouvoir paraître du tout. Notre trésorerie<br />
nous permettrait-elle de faire les frais de l'édition ? Aurions-nous<br />
droit à un contingent de papier ? Ces gros problèmes ont été<br />
traités sans trop de peine, au mieux de nos intérêts, dans le sens,<br />
il est vrai, d'une solution modeste mais pratique, et dont se révé<br />
lera peu à peu l'efficacité.<br />
Nous nous proposons en effet d'assurer la publication de qua<br />
tre numéros trimestriels de seize page au minimum. Ces quatre<br />
numéros renseigneront les membres de la Société sur l'activité<br />
de notre groupement. Ce sera auprès de tous nos membres algé<br />
rois et dispersés, l'indispensable moyen de liaison. A ces infor<br />
mations, reflet de notre grande famille dans sa vie quotidienne,<br />
viendront s'ajouter de brefs mais substantiels comptes rendus de<br />
nos conférences et une rapide revue bibliographique. Nous espé<br />
rons achever d'ici quelques mois la collection de l'année <strong>1941</strong> et<br />
rattraper le retard dont nous souffrons pour 19<strong>42</strong>.<br />
En conséquence, de ce côté, nous pensons que même réduit, le<br />
Bulletin de la Société de Géographie n'abdique pas. Il continue,<br />
réduit certes, mais suffisant dans l'attente des jours meilleurs;.<br />
les pouvoirs publics, les membres de la Société nous ont maintenu<br />
leur concours le plus fidèle, l'ont même accentué. Nous les en re<br />
mercions; c'est là pour nous le meilleur motif d'encouragement<br />
dans le présent, de confiance dans l'avenir.<br />
Dans un autre ordre d'idées,<br />
au sujet de nos collections de li<br />
vres, brochures et revues diverses, je suis heureux de vous<br />
préciser que si notre Bibliothèque ne peut pour l'instant s'enri<br />
chir, du moins a-t-elle gagné en ordre et en clarté, sur l'initiative<br />
pertinente de notre Président ; un classement vient d'être fait, qui<br />
a demandé plusieurs mois de soins persévérants; un catalogue<br />
a été rédigé à la disposition de nos lecteurs. Je suis assuré, pour<br />
en avoir fait l'expérience personnelle, que ce classement et ce ca<br />
talogue sont appelés à rendre les plus précieux services. Je me<br />
permets d'en remercier en votre nom ceux qui ont assuré la tâ<br />
che de mener à bonne fin cette œuvre délicate.
Rapport de M. Paul Rimbault, secrétaire général<br />
LES CONFERENCES<br />
Malgré les. préoccupations et les difficultés de l'heure présente,<br />
notre Société a donné dans son année d'étude novembre 1940juin<br />
<strong>1941</strong>, quatorze conférences. C'est un des plus forts chiffres<br />
qu'elle ait atteint depuis plusieurs années.<br />
Ces conférences sont réparties de la façon suivante en ce qui<br />
concerne les sujets traités :<br />
Histoire : 6 conférences;<br />
Colonies : 2 conférences;<br />
Littérature : 2 conférences;<br />
Géographie : 1 conférence;<br />
Economie : 1 conférence;<br />
Question sociale : 2 conférences.<br />
Tous les conférenciers ont traité avec beaucoup de conscience<br />
leur sujet. On nous permettra de signaler tout particulièrement<br />
l'étude très documentée que, dans trois conférences, M. Chamski-<br />
Mandajors a donnée sur les nièces de Mazarin. Nous avons eu<br />
également l'honneur et le plaisir d'entendre un éminent réfugié<br />
alsacien, Mgr Hincky, qui nous a parlé en termes émus de sa<br />
belle petite patrie. Nous saluons en lui les souffrances et les<br />
espoirs d'une province qui, depuis le dix-septième siècle, fut tou<br />
jours chère aux cœurs des Français.<br />
Nous remercions vivement tous les conférenciers qui ont bien<br />
voulu soustraire quelques heures de leurs occupations pour les<br />
donner à notre Société. Nous faisons encore appel à eux pour<br />
que, durant l'année courante, ils nous continuent leur dévoue<br />
ment. Cet appel s'étend également à ceux qui n'ont pas encore<br />
parlé devant nous et qui, par leurs connaissances et leurs loisirs,<br />
seraient susceptibles de le faire. Sur ce point, notre Société en<br />
tend rester très éclectique. Elle admet tous les sujets, surtout<br />
ceux qui, par leurs données philosophiques, littéraires et socia<br />
les,<br />
peuvent contribuer à ce renouvellement de l'esprit qu'exigent<br />
les circonstances.<br />
Dans sa modeste sphère, notre Société entend en effet être un<br />
des éléments de cette évolution, grâce à laquelle notre patrie bien-<br />
aimée pourra renaître, plus jeune et plus rayonnante que jamais,<br />
de ses malheurs et de ses ruines.<br />
•<br />
Messieurs,<br />
Rapport de M. Prunnelle,<br />
Trésorier de la Société de Géographie d'Alger<br />
pour l'année <strong>1941</strong><br />
l'année qui vient de s'écouler a vu se réduire notre<br />
comptable à quelques opérations prudentes.<br />
activité
Conformément à la décision prise à la fin de l'année précé<br />
dente,<br />
notre dette envers la Maison Bacconnier (Bulletin de 1940)<br />
a été complètement éteinte grâce à l'aliénation de certaines va<br />
leurs prélevées sur notre fonds de réserve.<br />
Il a été vendu :<br />
270 francs de rentes françaises 5.507 50<br />
8 obligations du Gouvernement Gé<br />
néral de l'Algérie 4 1/2 % 1930. .<br />
7.496 35<br />
Total 13.003 85<br />
et cette somme a été employée spécialement à l'acquit de la créan<br />
ce Bacconnier qui s'élevait à 13.127 fr. 65.<br />
De sorte que notre portefeuille s'est trouvé réduit à :<br />
14 obligations du Gouvernement général de l'Algérie à 4 1/2 %,<br />
valant au dernier cours environ 14.000 fr.<br />
832 fr. 50 de rentes françaises 4 1/2 % 1932, tran<br />
che B, valant au dernier cours environ<br />
19.000 fr.<br />
23 obligations des Chemins de fer du Maroc 9.200 fr.<br />
10 obligatoins du Gouvernement Marocain (Legs Mîs-<br />
sarel)<br />
9.600 fr.<br />
Total 51.800 fr.<br />
Il est à noter que la valeur de ces titres à la date courante est<br />
supérieure à celle qui leur a été accordée l'an passé, de sorte<br />
que le montant total de notre portefeuille n'a été réduit en réa<br />
lité que de quelques milliers de francs (de 54.280 à 51.800).<br />
Les cotisations de l'année <strong>1941</strong> ont été recouvrées sans dimi<br />
nution. Les subventions se sont élevées considérablement grâce<br />
au recouvrement de celle du Gouvernement Général de l'Algé<br />
rie dont le retard avait été signalé depuis plusieurs années. De<br />
sorte que, dans l'ensemble, la situation reste favorable. Les opé<br />
rations comptables de <strong>1941</strong> se présentent de la façon suivante :<br />
En recettes :<br />
Cotisations •. 20.476 70<br />
Subventions 10.143 40<br />
Vente de titres et coupons 13.223 90<br />
Intérêts 2.300 70<br />
46.144 70<br />
Restait au 31 décembre 1940 1.744 50<br />
Total 47.889 20
En dépenses :<br />
Siège social 5.252 »<br />
Secrétariat 1.681 85<br />
Personnel .<br />
8.7Ô0<br />
»<br />
Bulletin 13.649 30<br />
Conférences 1.472 60<br />
Dépenses diverses 145 45<br />
30.901 20<br />
Reste au 31 décembre <strong>1941</strong> 16.988<br />
ainsi représenté :<br />
Compte chèque postal 6.904 12<br />
Compagnie Algérienne 2.296 70<br />
Banque de l'Algérie 267 65<br />
Caisse d'épargne 7.413 53<br />
Secrétariat 106 »<br />
Cette situation nous permet d'aborder l'année 19<strong>42</strong> sans trop<br />
d'inquiétude, bien que nous n'ayons aucun renseignement au su<br />
jet du prix de revient du Bulletin, tout réduit qu'il a été...<br />
Il serait donc possible d'établir le budget de l'année nouvelle<br />
sur les bases suivantes :<br />
Recettes :<br />
Cotisations en diminution de 2.000 fr. sur le chiffre de <strong>1941</strong> (en<br />
cas de défaillances possibles) 18.000 »<br />
Subventions (chiffre de <strong>1941</strong>) 6.500 »<br />
Intérêts 2.300 »<br />
Dépenses :<br />
Siège social 6.500 »<br />
Secrétariat 1.500 »<br />
Personnel 9.600 »<br />
Conférences et autres dépenses 2.000 »<br />
Bulletin 6.000 »<br />
*<br />
26.800 »<br />
25.600 »<br />
— ■■■■ ■■•<br />
Excédent de recettes 1.200 »<br />
Tels sont les chiffres que je crois devoir soumettre à votre ap<br />
probation en vous faisant remarquer qu'il vous reste, outre votre<br />
fonds de réserve,<br />
un reliquat de caisse au 31 décembre <strong>1941</strong> qui<br />
s'élève à 16.988 francs et qui ne doit rien à personne.<br />
9
10<br />
La jeunesse d'HITLER<br />
Conférence donnée le 28 mai 1940 par M. Paul Rimbault<br />
Secrétaire général de la Société<br />
Mesdames, Messieurs,<br />
La causerie que je vais avoir l'honneur de vous faire ne sau-;<br />
rait comporter tous les détails de la vie de l'homme qui tient au<br />
jourd'hui le monde en suspens et l'Europe dans la terreur. Je<br />
voudrais simplement développer les trois points suivants :<br />
1° D'où vient Adolf Hitler ?<br />
2° Que faut-il penser de son caractère ?<br />
3° Comment cet homme, sorti de rien, a-t-il pu arriver au<br />
sommet de la domination et des honneurs ?<br />
Comme on pourrait m'accuser d'être partial dans mon juge<br />
ment, je n'ai puisé, ma documentation que dans des ouvrages<br />
étrangers et dans les discours du Fiihrer lui-même.<br />
La silhouette d'<br />
Adolf Hitler est extrêmement complexe. C'est<br />
un mélange de qualités indiscutables,<br />
d'atavismes douteux et<br />
aussi d'artifices savamment combinés. Une pareille psychologie<br />
est, vous l'avouerez, assez difficile à démêler,<br />
*«4i résultera sera nécessairement incomplet.<br />
et le portrait qui<br />
Tel quel, je pense toutefois qu'il pourra satisfaire dans son<br />
ensemble votre besoin de vérité, et que,<br />
en sortant de cette salle,<br />
vous aurez une idée assez exacte d'un homme que nous pouvons<br />
appeler — comme nos ancêtres le faisaient d'Attila —<br />
de Dieu ».<br />
« le fléau<br />
Je me garderai bien d'ailleurs de mettre de la passion dans<br />
mes paroles. Nous sommes ici entre gens instruits, réunis pour<br />
étudier ce que en psychiatrie on appelle « un cas ». Ce cas doit<br />
être examiné objectivement.<br />
J'ajoute que pour bien comprendre les événements actuels, il<br />
est indispensable de connaître le caractère d'Hitler; car si —><br />
— comme nous le verrons à la fin le Fiihrer incarne exactement.<br />
les aspirations de la jeunesse allemande, il a sa personnalité pro<br />
pre, et c'est lui qui décide de tout.<br />
Sir Neville Henderson, dernier ambassadeur britannique à<br />
Berlin, a écrit :<br />
« Le plus absolu des dictateurs est sensible à l'influence de son<br />
entourage. Néanmoins, les décisions de Herr Hitler, ses calculs^<br />
son choix des opportunités sont bien à lui. Le Feld-marschaRi<br />
Gœring me l'a dit une fois : « Quand il s'agit de prendre une<br />
« décision, aucun cie nous ne compte plus que les cailloux que
« nous foulons, et le Fiihrer seul décide. » C'est donc lui le per<br />
sonnage central, omnipotent, et dès lors le bien connaître est d'une<br />
importance capitale. »<br />
I<br />
Adolf Hitler est né le 20 avril 1889, à Braunau, dans la Haute-<br />
Autriche. Il a donc actuellement 51 ans. Ses ancêtres étaient des<br />
paysans. Son père, Aloys Hitler, était l'enfant illégitime d'une<br />
fille de ferme. Il fut d'abord cordonnier, puis entra dans les<br />
douanes et fut retraité comme surnuméraire. Il mourut en 1903.<br />
Sa mère était la troisième femme d'Aloys Hitler, en même temps<br />
que sa fille adoptive. Elle avait 23 ans de moins que son mari<br />
et mourut phtisique en 1908. Elle eut cinq enfants, dont deux<br />
sont encore vivants : le Fiihrer et sa sœur Paula.<br />
Contrairement à ce qui a été écrit, les ancêtres d'Hitler n'é<br />
taient pas israélites. On a retrouvé les actes de baptême et de<br />
.mariage catholique de ses grands-parents sur les registres pa<br />
roissiaux. Ce qui a accrédité cette légende, c'est que — pour des<br />
raisons d'ordre privé —<br />
nom.<br />
les<br />
11<br />
Hitler ont changé plusieurs fois de<br />
Toute cette famille était anormale. Un oncle d'Adolf Hitler<br />
était bigame et fut condamné à plusieurs reprises pour vol. Une<br />
de ses tantes était à moitié folle. Son grand-père était considéré<br />
comme un romanesque et un aventurier. Enfin, tant du côté<br />
paternel que du côté maternel, les santés étaient mauvaises, et<br />
beaucoup de parents d'Hitler moururent de la poitrine.<br />
Le jeune Adolf fait ses classes primaires dans différentes éco<br />
les de villages et de petites villes, notamment dans celle du cou<br />
vent de Lambach, d'où il fut congédié pour avoir été surpris en<br />
train de fumer.<br />
A l'âge de 9 ans, il entre à l'école réale de Linz. C'est un<br />
élève assez médiocre, sauf en histoire, en géographie,<br />
en dessin<br />
et en gymnastique. Il a l'esprit éveillé, l'imagination vive, aime<br />
les matières brillantes et faciles, et néglige tout ce qui est travail<br />
de réflexion. Il est assez indiscipliné.<br />
Son père a des ambitions pour lui, et voudrait le faire entrer<br />
dans la haute administration. Le fils répond à son père : « Je<br />
veux être artiste peintre. » Le père n'entre pas dans ces vues,<br />
—<br />
et l'enfant boude ses livres. A cette époque c'est-à-dire vers<br />
l'âge de- 12 ans —<br />
il<br />
a la réputation d'un jeune^ garçon assez<br />
sympathique, beau parleur, beau meneur, qui combine avec ses<br />
camarades des voyages autour du monde et lit en cachette des<br />
romans d'aventures. Toutefois, il a une tendance très marquée<br />
à la dissimulation.<br />
Plus il avance en âge, plus sa vocation de dessinateur s'af<br />
firme. En même temps, il s'emballe pour la politique et pour
12<br />
la musique. Il a un vieux professeur d'histoire qui est panger-<br />
maniste 100 pour 100,<br />
et qui l'embauche dans les rangs de la<br />
jeunesse nationaliste allemande autrichienne. .<br />
Sur ces entrefaites, Adolf tombe très gravement malade de<br />
la poitrine,<br />
et doit abandonner ses études. Il semble que la ma<br />
ladie ait changé son caractère : il devient calme, réservé, sauf<br />
quelques accents de violentes colères, très timide devant les fem<br />
mes. A 16 ans, il part pour Vienne, suit les cours de l'école de<br />
préparation des Beaux-Arts et est refusé deux fois à l'examen de<br />
l'Académie de Peinture. Désespéré, il revient auprès de sa mère<br />
mourante. Celle-ci disparaît bientôt et le père est mort. Adolf<br />
a 19 ans : il n'a plus ses parents, pas d'amis, pas de fortune,<br />
aucun diplôme dans sa poche : c'est un malheureux.<br />
Il retourne à Vienne, et pendant près de cinq ans, c'est la<br />
misère noire. Pour ne pas mourir de faim, il s'embauche comme<br />
manœuvre dans un chantier et devient aide-maçon. Ses camara<br />
des lui demandent d'entrer dans leur syndicat. Non seulement<br />
il refuse, mais encore il les irrite par ses propos. On l'expulse<br />
du chantier.<br />
Comme il ne peut pas payer son logement, il couche dans les<br />
cafés ou sur les bancs de pierre des promenades; il mendie dans<br />
la rue, et reçoit sa soupe quotidienne, d'abord d'un couvent<br />
catholique, puis d'un refuge fondé par un israélite. Enfin, il<br />
échoue dans un asile de nuit. Parfois, on rencontrait dans la rue<br />
ce jeune homme maigre et pâle, vêtu d'un, veston bleu râpé, en<br />
train de déblayer la neige ou portant à la gare les malles des<br />
voyageurs.<br />
Enfin, il fait la connaissance d'un dessinateur de talent,<br />
Reinhold Hanisch. Il est aussi gueux que lui, mais il est éner<br />
Adolf est une loque. Hanisch lui rend courage,<br />
qu'<br />
gique, alors<br />
lui fait dessiner des cartes postales et bien que ses dessins soient<br />
assez médiocres, ils se vendent.<br />
Le jeune Hitler continue d'ailleurs à vivre de mendicité. Sa<br />
sœur Paula lui envoie de temps en temps quelques couronnes,<br />
et le Juif hongrois Neumann lui donne des chemises et une re<br />
dingote qu'il portera pendant plusieurs années.<br />
En même temps, ce dernier l'introduit parmi les déclassés de<br />
la ville de Vienne. La plupart de ses camarades de misère sont<br />
des israélites, et c'est à leur contact que naîtra son antisémitisme.<br />
A l'asile de nuit, Hitler rencontre aussi d'autres déchets d'huma<br />
nité : des nobles au blason dédoré, des professeurs sans élèves,<br />
des industriels et commerçants en faillite. En vivant au milieu<br />
de cette lie, la haine de l'homme et de la vie s'empare de lui. Mais<br />
ceux qu'il méprise le plus, ce sont les ouvriers : « Les ouvriers,<br />
écrit-il, alors, forment une masse amorphe. Ils ne connaissent<br />
que leur ventre, leurs beuveries et les femmes. »<br />
A partir de cette époque, Hitler se passionne de plus en plus<br />
pour la politique. Il lit beaucoup, mais sans méthode. Lui qui
n'a pas un sou devant lui et couche dans un asile, il veut fonder<br />
un parti ouvrier antimarxiste. Il pérore au lieu de travailler.<br />
Le dessinateur Henisch, découragé d'avoir un tel protégé,<br />
l'abandonne à son propre sort. Hitler se venge, et sous prétexte<br />
que ce dernier lui a volé un, dessin, il le fait condamner à la<br />
prison. Puis il part pour Munich en prononçant des impréca<br />
tions contre la ville de Vienne, imprécations dont il se souvien<br />
dra lorsqu'en 1938 il y entrera en souverain.<br />
Voilà donc Adolf Hitler dans la capitale bavaroise. Un ingé<br />
nieur lui donne l'hospitalité dans sa chambre, à l'hôtel. Pen<br />
dant un an encore, de 1913 à 1914, il vivra dans la misère, un<br />
jour fondant un office de publicité, un autre jour inventant un<br />
produit pour protéger, les carreaux contre la gelée, c'est-à-dire<br />
bricolant, démuni de tout, solitaire,<br />
sauf quand il s'agit de po<br />
litique. Comme à Vienne, il fait d'interminables discours aux<br />
terrasses des cafés, au milieu d'auditeurs de hasard. Il prédit<br />
les événements futurs qui doivent bouleverser l'Allemagne, et<br />
hélas ! se réaliseront.<br />
Décidément, ce raté loqueteux, qui se nourrit de bouts de<br />
saucisses et ne boit jamais de bière, a un dynamisme étrange.<br />
Enfin, voici 1914 : La guerre éclate. A cette nouvelle, Hitler<br />
se jette à genoux et remercie Dieu de ce grand événement. Sa<br />
situation militaire n'était pas très claire. Citoyen autrichien, il<br />
aurait dû se présenter au conseil de révision en 1910. Ne l'ayant<br />
pas fait, il avait été déclaré insoumis. En février 1914, il re<br />
tourne pour quelques jours en Autriche,<br />
13<br />
afin de régulariser sa<br />
situation. Il est déclaré inapte au service pour faiblesse de cons<br />
titution, ce qui augmente sa haine contre l'Autriche. Lorsqu'é-<br />
clate la guerre, il envoie une requête au roi de Bavière pour<br />
servir dans l'armée allemande. Sa demande est agréée,<br />
et il est<br />
incorporé comme volontaire au 16e bavarois d'infanterie de ré<br />
serve.<br />
En 1915, on le trouve dans les Flandres comme agent de<br />
liaison à l'état-major de son régiment. Blessé d'un éclat d'obus<br />
en 1916, il est évacué, puis retourne au front, et en 1918 reçoit<br />
la Croix de Fer de 1"<br />
classe dans des conditions d'ailleurs assez<br />
obscures.<br />
C'est un soldat discipliné, consciencieux,<br />
obséquieux avec ses<br />
chefs, peu aimé de ses camarades. On le trouve bizarre; il reste<br />
des heures entières, le regard fixe, sans parler à âme qui vive.<br />
Il ne dépassera pas le grade de.caporal... « Je ne ferai jamais un<br />
sous-officier de cet hystérique... », dira de lui son capitaine.<br />
En octobre 1918, il est intoxiqué par les gaz et devient pres<br />
que aveugle. Il apprend à l'hôpital la défaite, la révolution, l'ar<br />
mistice. Il se met à pleurer de rage,<br />
ses camarades n'osent l'approcher.<br />
et pendant plusieurs jours
Ainsi se termine la première période dé la vie<br />
d' Adolf Hitler.<br />
Il a 30 ans : jusqu'ici il n'a été qu'un déraciné, un malheurëfx<br />
gagnant péniblement sa vie, paresseux, imaginatif, hypersensi<br />
ble, méprisant les hommes, mais désirant jouer un rôle.<br />
Nous allons maintenant entrer dans la deuxième période, celle<br />
qui va de 1919 à 1932. L'homme va sortir de sa gangue, grâce<br />
à un concours exceptionnel de circonstances.<br />
Il faudrait une conférence entière pour rappeler toutes les<br />
misères politiques, économiques, sociales de l'Allemagne d'aprèsguerre<br />
: changements de gouvernement, scandales privés, failli<br />
tes financières, coups de main révolutionnaires, etc.<br />
Les Hohenzollern et tous les princes allemands ayant été dé<br />
posés après la défaite de 1918, il fallait fonder un ordre politi<br />
que nouveau. Le socialisme, puis le centre catholique prirent la<br />
succession de Guillaume II. Mais l'un et l'autre ayant signé l'ar<br />
mistice, une vague contre-révolutionnaire de mécontentement et<br />
même d'assassinats s'éleva contre ceux qu'on appelait des traî<br />
tres.<br />
Cette vague comprenait en premier lieu la classe des « bas-<br />
officiers », classe insurgée du fait que tout avancement était<br />
rendu impossible par suite de la réduction de l'armée : c'était<br />
les « demi-soldes » de l'Allemagne.<br />
A côté d'eux, il y avait la masse des « petits bourgeois » que<br />
l'inflation de 1932 avait ruinés : elle prit la direction spirituelle<br />
du mouvement contre-révolutionnaire.<br />
Nous rencontrerons également à cette époque le vieux « parti<br />
des patriotes », composé de junkers, de grands bourgeois, et<br />
surtout de professeurs, d'artistes, d'écrivains, etc.<br />
Enfin, dominant le tout, pénétrant dans toutes les classes,<br />
devenant comme on l'a dit, d'abord un jeu de société, puis une<br />
folie collective, se place l'antisémitisme antimarxiste. Guillau<br />
me II avait toujours été bienveillant pour les Juifs. Le kaiser<br />
parti, le vieux fonds antisémite allemand se réveille. On repro<br />
che aux israélites d'être socialistes et d'avoir accepté les traités<br />
de 1919. Bien avant l'accession d'Hitler au pouvoir, l'antisémi<br />
tisme, sous l'impulsion du général von Wrisberg, était déjà une<br />
réalité ; et une ligue raciste offensive et défensive avait été<br />
fondée par Ludendorf, et s'était abouchée avec les antisémites<br />
munichois.<br />
Bien entendu, tout ce monde-là, bas-officiers, petits bourgeois,<br />
junkers, racistes, bien que réunis par leur haine de la Républi<br />
que de Weimar, se mangeaient entre eux, se jalousaient, se<br />
tuaient réciproquement. Si le gouvernement légal de Berlin avait<br />
eu un peu de poigne, tout ce panier de crabes aurait été maté<br />
facilement. Malheureusement, l'Etat était tombé entre les mains
d'un vieillard, sympathique aux Allemands et vénéré sans doute,<br />
mais trop âgé, le maréchal Hindenburg.<br />
Ce spectacle intolérable ne pouvait pas durer. Comme au temps<br />
de la décadence de Rome, l'Empire allemand était mis à l'encan,<br />
et le premier aventurier venu pouvait s'en emparer : « Qui donc<br />
nous sortira de cette pourriture ? » entendait-on de toutes parts.<br />
Hitler va pouvoir descendre dans cette fange, et c'est sur elle<br />
qu'il pourra édifier la nouvelle, la Grande Allemagne.<br />
Parmi les nombreux partis antisémites, il en est un très mo<br />
deste et dont on ne parle pas, le parti ouvrier-allemand. Son<br />
fondateur est un nommé Drexler, ajusteur aux ateliers de che<br />
min de fer. Ce parti commence par avoir sept membres, puis<br />
quarante. Ce sont presque tous des soldats en déroute, des bohè<br />
mes, des demi-prolétaires. Il a son siège dans l'arrière-fonds<br />
d'une brasserie, « Das alte Rosenbad ».<br />
Hitler, qui, à sa sortie de l'hôpital, s'est fait embaucher par<br />
la Reichswehr dans un service d'espionnage antisoviétique, est<br />
introduit dans le cercle des 40 par l'ingénieur Feder. On l'y ins<br />
crit d'office et un peu malgré lui.<br />
C'est un parti assez timide, sans programme bien défini.<br />
Hitlerr qui, seul dans ce milieu pâlot, a quelque dynamisme, fait<br />
comprendre à ses camarades qu'il faut faire de la propagande<br />
si l'on veut aboutir à quelque chose.<br />
Un des chefs du parti, un nommé Karl Harrer, se dresse con<br />
tre le nouveau venu. Il lui reproche de vouloir irriter les masses,<br />
de mépriser les ouvriers, et s'oppose à son antisémitisme agres<br />
sif. On discute pendant des mois; finalement Hitler veut se re<br />
tirer de ce parti sans avenir. Drexler le retient, Karl Harrer<br />
est écarté, et Adolf est nommé chef du mouvement. Telles sont,<br />
Messieurs, les origines du national-socialisme.<br />
Sans perdre de temps, et grâce à ses relations parmi les bas-<br />
officiers de la Reichswehr, Hitler fait entrer dans le parti deux<br />
hommes qui lui seront particulièrement précieux : le capitaine<br />
Rohm —<br />
(qu'Hitler<br />
fera assassiner plus tard) —<br />
15<br />
et le poète<br />
Eckart. Le premier introduira dans le parti les officiers et les<br />
hommes de sa compagnie; le second sera le professeur du futur<br />
Fiihrer : il lui apprendra à parler et à écrire.<br />
Ces trois hommes portent sans le savoir le destin de l'Allema<br />
gne entre leurs mains.<br />
Adolf est plus que jamais un bohème : il est pâle, maigre, _<br />
porte la barbiche et a le caractère bilieux des ambitieux.<br />
Eckart est de ces poètes dont toutes- les pièces ont été des<br />
fours. Gros, le crâne rasé, il jure et boit à journées longues.<br />
Il a un cran extraordinaire : « Il faut, dit-il, que nous ayons à<br />
notre tête un type qui n'ait pas peur du bruit d'une mitrailleu<br />
se. Il faut que la canaille fasse dans ses culottes de peur. La poli<br />
tique étant le plus sot des métiers, le chef du parti n'a pas<br />
besoin d'être très intelligent. Un singe vaniteux est pour moi
16<br />
bien préférable à une douzaine de savants professeurs qui se<br />
tiennent en tremblant, et les cidottes humides, sur le terrain des<br />
réalités. »<br />
Quant au capitaine Rohm, ses camarades<br />
l'appelaient « le<br />
poing de fer ». Il présidait au café Fahrig de Munich des col<br />
loques sans fin au milieu d'un orchestre qui, tous les quarts<br />
d'heure, jouait le « Chant du Drapeau ». Malheur alors à l'as<br />
sistant qui ne se levait pas ! Une main solide l'empoignait, le<br />
traînait dehors et le rouait de coups.<br />
Le triumvirat fixa immédiatement son programme : abolition<br />
des traités de Versailles, réunion de tous les Allemands à la<br />
Grande Allemagne, abolition de l'esclavage de l'intérêt, c'est<br />
à-dire du judaïsme international, participation des ouvriers aux<br />
bénéfices. Ceci se passait fin 1919.<br />
En 1920, première assemblée plénière du parti,<br />
qui a pris le<br />
nom de « national-socialisme » : 2.000 personnes y assistent.<br />
La même année, un nouveau venu, Rosenberg, fonde un journal.<br />
En 1921, les 2.000 sont devenus 5.000. En 1923, les 5.000 ont<br />
grossi considérablement.<br />
Tout cela n'a pas été tout seul. Au début,<br />
on a hué Hitler;<br />
on a tout fait pour l'empêcher de parler. Un jour, il se présente<br />
sur l'estrade les mains dans les poches... « Enlevez les mains<br />
de vos poches... » crient ses adversaires répandus dans la salle.<br />
Adolf ricane et s'écrie : « Messieurs, moi je ne suis pas de ces<br />
gens qui parlent avec leurs mains ! »<br />
Un soir de novembre de cette même année, Hitler invite le<br />
commissaire général de l'Etat de Bavière pour le compte du<br />
Reich, von Kahr, à une conférence dans la salle du parti à Mu<br />
nich. Il arrive revolver au poing, monte sur une table; tire un<br />
coup de feu en l'air et proclame d'une voix de stentor : « La<br />
Révolution nationale est commencée ! »<br />
Tout le monde est ahuri, von Kahr le premier. Hitler, profi<br />
tant du désarroi, dit-il<br />
continue son bluff :« Je nomme —<br />
—<br />
von<br />
Kahr président du Conseil. Le Gouvernement de Berlin est des<br />
titué. »<br />
Mais pour soutenir ce putsch, Hitler n'a guère en ville que<br />
600 hommes mal armés. Von Kahr, revenant de sa surprise,<br />
appelle la troupe à son secours et coffre Hitler et sa bande. .<br />
Adolf s'arrache les cheveux et crie : « Kahr est un traître, 'un<br />
goujat. Je suis Scipion; lui, est Marius. Je l'anéantirai sous ma<br />
botte. »<br />
Condamné à cinq ans de réclusion, Hitler ne restera que dix<br />
mois en prison durant lesquels il écrira son fameux ouvrage<br />
« Mein Kampf ».<br />
Redevenu libre, il retourne à son parti et constate qu'il est<br />
en pleine décomposition : « C'est une étable à cochons, rien de
plus », dira de ce parti le commandant de marine Mûcker. Il perd<br />
les quelques sièges qu'il avait obtenus au Reichstag. On croit<br />
que c'est la firi; mais Hitler va le renflouer.<br />
En 1930, le national-socialisme emporte 107 mandats de dé<br />
putés avec 6 millions d'électeurs. Puis c'est l'accès au pouvoir,<br />
la mort du maréchal Hindenburg, l'emprise totale sur l'Alle<br />
magne,- enfin la dictature, la gloire, la guerre.<br />
Il y<br />
Bavière,<br />
a lieu de remarquer que le nazisme a pris naissance en<br />
c'est-à-dire dans une contrée qui a été toujours répu<br />
tée comme très catholique, très monarchiste et à tendances anti<br />
prussiennes. Les gens bien renseignés sont à peu près d'accord<br />
aujourd'hui pour faire retomber cette fâcheuse naissance sur<br />
le prince de Bavière, héritier du trône bavarois, qui avant 1930,<br />
était très populaire et avait tous les atouts en mains pour réta<br />
blir la monarchie en Allemagne du Sud et tuer ainsi dans l'œuf<br />
le parti naissant. Ses hésitations et son manque de confiance<br />
en lui ont été, semble-t-il, à l'origine de tout le mal.<br />
II<br />
Maintenant que nous connaissons les traits essentiels de la<br />
vie d'Hitler jusqu'à son élévation au pouvoir, nous allons étudier<br />
avec un peu de détail sa mentalité et son caractère.<br />
Physiquement, Hitler est de taille moyenne, plutôt petite. _<br />
porte les cheveux lisses, un front large un peu bombé, de petits<br />
yeux en vrille, un nez mou, des moustaches affreuses, comme<br />
collées à la peau, une bouche petite, toujours en mouvement, et<br />
un menton saillant et fort. Les pieds sont grands et les mains<br />
(parlantes. En résumé, physionomie quelconque, plutôt vulgai<br />
re... ce qui n'empêche pas les adoratrices du Fiihrer de l'appe<br />
ler « Der Susse Adolf »... « Le bel Adolf ».<br />
Il s'habille modestement, ne sait pas monter à cheval, mais est<br />
toujours botté ! Il a des manies, notamment celle de se mettre<br />
les doigts dans le nez. II se lève généralement assez tard, ne<br />
fume jamais, ne fait pas d'excès de table, sauf en sucreries. On<br />
a épilogue sur ses habitudes sexuelles. On prétend qu'il n'est<br />
pas inaccessible à la grivoiserie,<br />
17<br />
mais qu'il est timide devant les<br />
femmes. Ce célibataire aurait toutefois une passion pour la cé<br />
lèbre propriétaire de la fabrique de pianos bien connue, Frau<br />
Bechstein. Cette dame, d'âge déjà mûr, très riche, aurait donné<br />
toute sa fortune au parti nazi pour faire plaisir à Hitler qu'elle<br />
appelle toujours « Mon bon garçon »... « Mein guter junge ».<br />
C'est elle également qui l'aurait introduit dans les cercles prin<br />
ciers et aristocratiques d'Allemagne, où ce parvenu se sent d'ail<br />
leurs peu à l'aise.<br />
Quant au caractère du Fiihrer, il est très complexe, comme<br />
je l'ai dit plus haut. C'est un mélange de qualités et de défauts,<br />
de force et de faiblesse, de sentimentalité et de cruauté, le tout<br />
dominé par cette puissance de dissimulation qui, dès son jeune<br />
Il
18<br />
âge,<br />
a constitué le fond même de son caractère. Sa grande force<br />
réside dans son instinct. Bien qu'il ait beaucoup lu, ses con<br />
naissances sont déficitaires et souvent superficielles. Il s'en van<br />
te d'ailleurs, et prétend que le livre a tué l'action et même l'intel<br />
ligence. « Fiez-vous, a-t-il dit à ses camarades de parti, à votre<br />
intuition, à votre instinct ou à tout ce que vous voudrez, mais<br />
jamais à vos connaissances. Notez bien cela une fois pour tou<br />
tes. Les techniciens n'ont jamais d'instinct. » Cette puissance.<br />
d'intuition chez Hitler résulte de ses origines. Issu d'un milieu<br />
primaire, il en a la simplicité intellectuelle. Il édifie quelques<br />
idées rudimentaires dans ses longues promenades solitaires;<br />
elles s'incorporent à lui; elles ne le lâchent plus,<br />
et il n'a de<br />
repos que lorsqu'elles se sont transformées en actes. Lisez son<br />
ouvrage de méditation « Mein-Kampf »,<br />
et voyez les événements<br />
actuels. Ceux-ci ne sont que l'application intégrale de ce qu'il<br />
a rêvé d'abord, et écrit ensuite, dans sa prison. Il pourra peut-<br />
être temporiser un moment,<br />
mais l'idée fixe réapparaît bientôt<br />
en lui infailliblement. Elle s'exhausse parfois jusqu'au mysti<br />
cisme : « Je travaille à la construction de la nouvelle Allema<br />
gne, a-il dit, non pas comme les artistes égoïstes de notre époque<br />
dont l'effort reste stérile parce qu'li est individuel, mais comme<br />
les pieux constructeurs des grandes églises du Moyen Age. »<br />
Partant de ce principe, Hitler lit rarement les rapports qu'on.<br />
lui présente,<br />
sauf ceux de politique extérieure et militaire. Il<br />
a en horreur la bureaucratie. « Ces bureaucrates, dit-il encore,<br />
sont de vieilles rosses qui ne trottent que si elles reconnaissent la<br />
vieille carriole qu'elles ont toujours tirée. »<br />
Il laisse d'ailleurs ses collaborateurs écrire tant qu'ils veulent<br />
et faire de beaux projets techniques. Lui, il -préfère flâner dans<br />
les allées de son parc, ou rester assis, les yeux fixes, pendant<br />
des heures, puis gesticulant, s'exaltant, parlant tout seul. On<br />
prétend que dans ses gestes, ses habitudes, ses manies, il imite<br />
Frédéric le Grand. Dans tout cela, bien entendu, il y<br />
de mise en scène.<br />
a pas mal<br />
Ajoutons qu'il est d'un extraordinaire orgueil. Il a un profond<br />
mépris pour les autres peuples, et les paroles les plus cruelles<br />
qui aient été adressées à l'Italie l'ont été par lui... « Mussolini<br />
ne fera jamais de ses fascistes des héros », a-t-il dit un jour.<br />
Il méprise également ses camarades. Au début, ceux-ci le pre<br />
naient pour un brave garçon; mais bientôt ils s'aperçurent que<br />
c'était un sournois qui faisait sienne la formule « Diviser pour<br />
régner ». Il a tout fait pour opposer ses partisans les uns aux<br />
autres, et il a fait disparaître tous ceux qui étaient susceptibles<br />
de lui barrer l'accès au pouvoir. L'assassinat de Rohm, conduit<br />
par lui, a été exécuté dans des conditions vraiment odieuses.<br />
Hitler ne regarde jamais aux moyens à employer.<br />
A ses ambassadeurs à l'étranger il dira : « Rappelez-vous<br />
qu'un bon ambassadeur ne doit pas être un fonctionnaire cor-
ect, mais avant tout un commissaire aux menus plaisris. Il doit,<br />
si c'est utile, se faire entremetteur et faussaire. » Hitler a in<br />
venté la politique de ce qu'il appelle « la corruption dirigée »...<br />
« J'ai, dit-il, besoin d'hommes à poigne, et qui ne méditent pas<br />
sur les principes avant d'assommer quelqu'un. Et s'ils chapar<br />
dent à l'occasion montres et bijoux, je m'en fiche comme d'une<br />
crotte. »<br />
— fait<br />
— va<br />
Un de ses fonctionnaires ayant un déficit dans ses comptes<br />
d'autant plus grave qu'il s'agissait d'une banque d'Etat<br />
trouver Hitler qui lui dit : « Je donnerai des ordres pour<br />
qu'on mette à votre disposition les devises dont vous pourrez<br />
avoir besoin pendant la période de la vérification des comptes.<br />
Vous les restituerez ensuite. »<br />
Ainsi, il n'a aucun scrupule, et lui-même l'a avoué cynique<br />
ment : « L'homme scrupuleux, dit-il, qui se croit obligé de con<br />
sulter sa conscience avant de donner sa signature, n'est qu'un<br />
nigaud : qu'il se tienne à l'écart de la politique. Pourquoi ne pas<br />
faire aux adversaires le plaisir de signer des paperasses et s'as<br />
surer le bénéfice de ces accords,<br />
19<br />
si les adversaires se déclarent<br />
satisfaits et s'imaginent qu'ils ont réglé quelque chose ? Pour<br />
quoi ne signerais-je pas aujourd'hui des contrats, et de la meil<br />
leure foi du monde, quitte à passer outre froidement dès demain,<br />
si l'avenir du peuple allemand me paraît l'exiger ? Mais oui... je<br />
signerai n'importe quel papier. Cela ne m'empêchera pas d'agir,<br />
le moment venu, de la manière que je croirai conforme à l'in<br />
térêt de l'Allemagne. »<br />
C'est d'après ce principe qu'Hitler s'est emparé de l'Autri<br />
che, de la Bohême, de la Moravie et de la Pologne,<br />
et qu'il a<br />
violé la neutralité danoise, norvégienne, hollandaise et belge<br />
après avoir promis de la respecter.<br />
Cette puissance de dissimulation qui, je le répète, me paraît<br />
le trait marquant de la psychologie d'Hitler, est accompagnée<br />
d'un enclin à la cruauté.<br />
Sans doute, joue-t-il au sentimental. Il s'entoure de canaris<br />
qu'il soigne comme ses enfants. Il aime rêver au clair de lune,<br />
contempler le ciel et ses merveilles,<br />
s'isoler dans les bois pour<br />
communier avec la nature; mais à côté de cela, il a des ins<br />
tincts de fauve. Il a prononcé cette phrase atroce : « La nature<br />
est cruelle; nous avons donc le droit de l'être aussi... » Et encore<br />
cette autre : « Le monde ne peut être gouverné que par l'exploi<br />
tation de la peur... Si l'on n'a pas la volonté d'être cruel, on<br />
n'arrive à rien. »<br />
Est-il peu courageux, comme on l'a prétendu ? Sur ce point,<br />
nous ne pouvons rien affirmer, car nous ne voulons dire ici que<br />
ce qui est. de notoriété publique et appuyé par des faits. Hitler<br />
s'est fait construire dans le roc,<br />
ses,<br />
un<br />
au sommet des Alpes Bavaroi<br />
une maison souterraine de cristal à laquelle on aecède par<br />
ascenseur de plusieurs centaines de mètres. Ce repaire est
20<br />
entouré de mitrailleuses et d'hommes de main qui lui sont dé<br />
voués corps et âme. Il a ses espions partout, et à cet effet, il<br />
emploie surtout les femmes.<br />
Enfin —<br />
et il a cela de commun avec beaucoup d'aventuriers<br />
— du passé Hitler est superstitieux. Cet homme, qui se croit<br />
investi d'une mission divine, a peur de l'avenir. Ce qu'il appelle<br />
son effrayant destin, à la fois l'exalte et l'effraie. Aussi consul-<br />
te-t-il les chiromanciennes, les tireuses de cartes, les voyantes.<br />
Telle est, Messieurs, largement esquissée, la silhouette d'Hitler.<br />
C'est un mélange de trivial et d'extraordinaire. Il a des qualités<br />
d'homme d'Etat et des tares de médium.<br />
Dans la pratique, il a des idées claires et simples qu'il con<br />
duit avec esprit de suite et ténacité. Par contre, sa théorie du<br />
monde et des hommes relève des héros de Wagner et de Dos<br />
toïevski.<br />
Quelqu'un qui le connaît bien a dit de lui : « C'est l'irruption<br />
du monde primitif dans l'Occident. »<br />
con-<br />
Comme vous pouvez bien le penser, un homme de cette<br />
texture est extrêmement dangereux, mais il l'est surtout parce<br />
qu'il est de ces aventuriers de génie dans lequel s'est reconnue<br />
la populace qui, ainsi, en a fait son drapeau et son idole.<br />
III<br />
J'arrive ainsi au troisième point que je voulais développer :<br />
comment un primaire parti de rien,<br />
misérable durant 30 ans de<br />
sa vie, sans diplôme, sans grande culture, sans appui,<br />
est-il par<br />
venu à envoûter un peuple aussi riche en intelligence et en spiri<br />
tualité que le peuple allemand ?<br />
J'y<br />
vois deux causes :<br />
1° Hitler a su magnétiser la jeunesse allemande ;<br />
2° Cette jeunesse a retrouvé en Hitler ses propres aspirations.<br />
Hitler a été un propagandiste remarquable, un metteur en<br />
scène de premier ordre. L'insigne, le drapeau, le salut, la mu<br />
sique, la lumière... tout ce qui fait en un mot l'ambiance d'une<br />
foule, il l'a créé de toutes pièces.<br />
Voici la façon dont Hitler se présente au peuple dans les<br />
meetings d'après ses biographes Robert Tourly et Z. Lvosky (1) :<br />
« Dès qu'une salle se remplit d'auditeurs, quelques hérauts<br />
vêtus d'un uniforme spécial, paraissent sur l'estrade, précédés<br />
d'une fanfare qui exécute une marche militaire. Aussitôt après<br />
un détachement de la milice hitlérienne fait une entrée solennelle<br />
sur la scène, chaque agent bénévole portant un drapeau à l'em<br />
blème « déposé » qui représente une croix gammée.<br />
Un ordre impérieux retentit :<br />
— Alignez-vous<br />
à droite !<br />
(1) Hitler, par R. Tourly et Z. Lvosky.-<br />
(Editions du Siècle, 1932).
L'auditoire, docile, se lève unanimement et se tourne vers la<br />
droite. Alors, du fond des coulisses, d'un pas lent et mesuré,<br />
apparaît un homme de taille moyenne, de corpulence assez forte.<br />
au visage qui serait quelconque sans la moustache à la Chariot.<br />
Il porte l'uniforme consacré de son clan, de couleur sombre,<br />
et est entouré de ses gardes du corps. A son entrée, ses partisans<br />
—<br />
— fanatiques c'est-à-dire toute l'assistance fait un tapage in<br />
fernal. Ils crient, hurlent, piétinent, frappent le parquet de leurs<br />
souliers. Un signe — et le vacarme cesse comme par enchante<br />
ment. Règne alors un silence absolu.<br />
Adolf Hitler monte alors à la tribune ; le public s'assied, bouche<br />
bée, les yeux êtincelamts et parfois humides ; ce sont les novices<br />
qui pleurent d'émotion (et cette émotion n'a rien d'artificiel) .<br />
Quelque minutes après, le meeting bat son plein. Si vous avez<br />
l'heureux hasard d'y assister, livrez-vous sans hésiter à la con<br />
templation de la foule qui remplit la salle à craquer. Bientôt vous<br />
aurez l'impression très nette, la sensation bizarre qu'il n'y a<br />
qu'un souffle qui anime d'un bout à l'autre toute l'assistance.<br />
Bien plus,<br />
tion visuelle ; vous ne verrez plus qu'une tête,<br />
vous deviendrez souvent victime d'une sorte d'aberra<br />
qu'un visage. Pro<br />
menez aussitôt votre regard fasciné sur la scène, et vous serez<br />
frappé par une chose extraordinaire : vous verrez, sur l'estrade,<br />
l'image exacte de la foule.<br />
C'est Adolf Hitler qui, miraculeusement,<br />
qu'il possède, qu'il répète,<br />
21<br />
personnifie cette foule<br />
qu'il reflète dans toutes ses réactions. »<br />
« En débutant, Hitler piétine légèrement, l'air indécis. On<br />
dirait qu'il hésite devant le silence religieux qui s'est emparé de<br />
toute la salle ; il promène son regard où l'assurance fait encore<br />
défaut sur la foule recueillie.<br />
Il commence à parler d'une voix lente, grêle, tremblante même.<br />
Tel un jongleur bien expérimenté, il fait à dessein quelques<br />
faux pas, se reprend ; il laisse échapper soudain une note basse,<br />
signe avant-coureur de la tempête qui approche ; il semble en<br />
core contraint, mal à son aise, mais cinq minutes après le com<br />
mencement de ses exercices, le voilà enfin bien en selle. Comme<br />
par miracle, ayant brisé la gangue qui l'enserrait, il devient brus<br />
quement passionné et passionnant. La foule est prise, conquise<br />
et suit, haletante,<br />
chacune de ses paroles.<br />
Et c'est une avalanche précipitée de phrases courtes, sonores,<br />
battant avec la force métallique d'un marteau. Un tambour !<br />
C'est un tourbillon de sentences, d'images où la forme pré<br />
Adolf frisent<br />
vaut sur le fond. Les uns disent que les discours d'<br />
la folie ;<br />
d'autres soutiennent que c'est l'esprit divin qui parle<br />
en lui ; mais les uns et les autres sont unanimement d'accord<br />
pour reconnaître que Hitler est le plus grand orateur d'Aile-
22<br />
magne,<br />
et certains vont jusqu'à prétendre qu'il est peut-être le<br />
premier orateur du monde !... »<br />
Remarquons que pour arriver à ce résultat il faut avoir un<br />
sens très aigu de la psychologie des masses. Hitler le possède au<br />
suprême degré. Voici ce qu'il a dit lui-même à ce sujet :<br />
« Je ne puis diriger la masse que lorsque je l'arrache à son<br />
apathie. La masse n'est maniable que lorsqu'elle est fanatisée.<br />
Ue masse qui reste apathique et amorphe est le plus grand danger<br />
pour une communauté politique quelle qu'elle soit. L'apathie est,<br />
pour la masse,<br />
provisoire, .<br />
une des formes de la défense. Elle est un repli<br />
un sommeil de forces qui<br />
éclateront subitement en<br />
actions et réactions inattendues. L'homme d'Etat qui n'intervient<br />
pas immédiatement, lorsqu'il voit les masses. devenir apathiques,<br />
mérite de passer en Haute-Cour.<br />
« J'ai fanatisé la masse pour en faire l'instrument de ma poli<br />
tique. J'ai réveillé la masse. Je l'ai forcée à s'élever au-dessus<br />
d'elle-même, je lui ai donné un sens et une fonction. On m'a re<br />
proché de réveiller dans la masse les instincts les plus bas. Ce<br />
n'est pas cela que je fais. Si je me présente devant la masse<br />
avec des arguments raisonnables, elle ne me comprend pas ; mais<br />
quand j'éveille en elle des sentiments qui lui conviennent, elle<br />
suit immédiatement les mots d'ordre que je lui donne.<br />
a plus de place pour la<br />
« Dans une assemblée de masse, il n'y<br />
pensée. Et comme j'ai précisément besoin de créer une telle<br />
ambiance, parce qu'elle me donne seule la certitude que mes dis<br />
cours produiront leur effet maximum, je fais rassembler dans<br />
mes réunions le plus grand nombre possible d'auditeurs de toutes<br />
sortes et les contrains à se fondre dans la masse, qu'ils le veuil<br />
lent ou non : des intellectuels, des bourgeois aussi bien que des<br />
ouvriers. Je brasse le peuple et je ne lui parle que lorsqu'il est<br />
pétri en une seule masse. »<br />
Et Hitler d'ajouter :<br />
« La vraie domination des masses n'est pas une chose qui<br />
s'apprenne. Et, notez bien que plus la masse est nombreuse, plus<br />
il est facile de la diriger. Plus riche est le mélange des ingrédients<br />
humains, paysans, ouvriers, fonctionnaires, plus l'amalgame<br />
prend le caractère typique d'une masse désindividualisée. Rien à<br />
faire avec des réunions limitées de gens cultivés, de représen<br />
tants d'intérêts professionnels ou autres : ze qu'aujourd'hui vous<br />
obtiendrez d'eux par une démonstration logique, sera détruit de<br />
main par une argumentation diamétralement opposée. Mais ce<br />
que vous dites au peuple, lorsqu'il forme une masse, alors qu'il<br />
se trouve dans un état réceptif de dévouement fanatique, cela<br />
s'imprime et demeure comme une suggestion hypnotique ; c'est<br />
une imprégnation indestructible qui résiste à n'importe qUelle<br />
argumentation raisonnable. ■»<br />
-<br />
':
Et, enfin, cette dernière remarque qui montre exactement com<br />
bien Hitler connaît les ressorts cachés de l'âme populaire :<br />
« Mais prenez garde : de même qu'il existe des névroses indi<br />
viduelles auxquelles le médecin n'ose pas toucher, de même on<br />
trouve dans la masse des complexes qu'on n'a jamais le droit<br />
d'éveiller... Je peux exiger tranquillement de la masse des priva<br />
tions pénibles, mais il faut que je lui procure en même temps les<br />
suggestions émotives qui lui permettent de les supporter. »<br />
Ce magnétisme d'Hitler —<br />
23<br />
et ceci est la deuxième raison<br />
de son succès — ne pouvait jouer que dans un pays désaxé par<br />
la défaite, ruiné par la folle économie de ses gouvernements, et<br />
n'ayant qu'une idée fixe, la revanche contre tous les auteurs de<br />
ses malheurs-<br />
Hitler a joué en Allemagne le rôle que Lénine a joué en Russie.<br />
Ils sont arrivés, l'un et l'autre, alors que tout paraissait perdu...<br />
ils ont été les hommes du désespoir.<br />
Hitler est démagogue. Il a réuni autour de lui tous les dévoyés,<br />
les aigris, les réformateurs, les anticléricaux fanatiques que<br />
l'après-guerre a fait surgir en Allemagne. Aussi a-t-on pu appeler<br />
le national-socialisme « la danse de Saint-Guy du XXe<br />
siècle ».<br />
Il a promis à tout ce monde, et tout spécialement à la jeunesse,<br />
monts et merveilles.<br />
Cette jeunesse est cruelle comme lui, et il la veut cruelle. N'at-il<br />
pas dit que « n'importe quel crime, dans le vieux sens du<br />
mot, est encore un acte de plus grande valeur que l'immobilité<br />
bourgeoise ?... » Et encore ceci : « La conscience est une inven<br />
tion judaïque ; c'est,<br />
l'homme. »<br />
comme la circoncision, une mutilation de<br />
Hitler a donc appris à être<br />
A tous ces exaltés qui l'entourent,<br />
durs et cruels. Il a exalté ce besoin de vengeance qui travaille<br />
tant d'Allemands depuis 1918. Il s'est identifié à eux ; aussi ne<br />
nous étonnons pas si des millions d'Allemands lui sont dévoués<br />
corps et âme. A toute cette foule fanatisée il a dit notamment :<br />
« De même que les juifs ont dû souffrir la dispersion avant de<br />
conquérir la puissance universelle,<br />
c'est nous qui sommes main<br />
tenant le peuple élu de Dieu qui va rassembler ses membres épars<br />
pour dominer toute la terre. » Et il ajoutera : « Si nous ne par<br />
venons pas à vaincre,<br />
tié du monde,<br />
l'Allemagne. »<br />
nous entraînerons dans notre chute la moi<br />
et personne ne pourra se réjouir d'une victoire sur<br />
Hitler est d'ailleurs persuadé qu'il réussira, puisqu'il a avec lui<br />
les jeunes. Ecoutons-le encore : « C'est avec la jeunesse que je<br />
commencerai ma grande œuvre éducatrice. Nous, les vieux, nous<br />
sommes usés. Nous sommes gâtés jusqu'à la moelle. Nous n'avons<br />
plus d'instincts sauvages. Nous sommes lâches, nous sommes
24<br />
sentimentaux. Nous .portons<br />
le<br />
poids d'une histoire humiliante<br />
et le souvenir confus des époques d'asservissement et d humilia<br />
tion. Mais ma splendide jeunesse ! Y en a^t-il de plus belle dans<br />
le monde ? Voyez donc ces jeunes hommes et ces jeunes garçons !<br />
Quel matériel humain ! Avec eux, je pourrai construire un nou<br />
veau monde. Ma pédagogie est dure. Je travaille au marteau et<br />
détache tout ce qui est débile ou vermoulu.<br />
« Je ne veux aucune instruction des esprits. Je veux que ma<br />
jeunesse ait la force et la beauté des jeunes fauves. » Et dans<br />
un grand mouvement d'hystérie mystique, il achève par cette<br />
apostrophe : « La Providence m'a désigné pour être le grand<br />
libérateur de l'humanité. J'affranchis l'homme de la contrainte<br />
d'une raison qui voudrait être son propre but ; je le libère d'une<br />
avilissante chimère qu'on appelle conscience ou morale,<br />
et des<br />
exigences d'une liberté individuelle que très peu d'hommes sont<br />
capables de supporter.<br />
« A la doctrine chrétienne du primat de la conscience indivi<br />
j'oppose la doctrine<br />
duelle et de la responsabilité personnelle,<br />
libératrice de la nullité de l'individu et de sa survivance dans<br />
l'immortalité visible de la nation. Je supprime le~ dogme du ra<br />
chat des hommes par la souffrance et par la mort d'un Sauveur<br />
divin,<br />
et propose un dogme nouveau de la substitution des mé<br />
rites : le rachat des individus par la vie et l'action du nouveau<br />
Législateur-Fuhrer qui vient soulager les masses du fardeau de<br />
la Liberté. »<br />
Ainsi, Hitler lui-même nous dit l'enjeu de la bataille actuelle.<br />
Il ne s'agit pas seulement d'une lutte d'hégémonie politique entre<br />
nations ou groupes de nations,xmais également d'un combat entre<br />
deux façons de comprendre la vie, entre deux civilisations. Certes,<br />
la nôtre a perdu beaucoup de sa pureté primitive, et nous payons<br />
cher aujourd'hui l'erreur que nous avons commise de ne pas gar<br />
der dans son intégrité ce trésor incomparable. Mais, malgré tout,<br />
les points fondamentaux demeurent, et c'est cela qu'il faut sau<br />
ver sous peine des plus terribles malheurs.<br />
Ce qu'il faut retenir également, c'est que cette nouvelle civili<br />
sation que nous propose Hitler, s'appiarente étroitement à la<br />
vieille idéologie germanique de l'époque des Barbares que beau<br />
coup d'Allemands charrient dans leur sang.<br />
Si en France un homme d'Etat se permettait les débordements<br />
oratoires d'un Hitler, on crierait : Au fou ! et on le mènerait<br />
dans un asile d'aliénés. En Allemagne, Hitler a eu des millions<br />
d'adorateurs pour avoir prononcé ces folles paroles.<br />
Le Fûhrer, d'ailleurs, n'a fait que répéter ce que tant d'autres<br />
avaient dit avant lui. J'ai retrouvé tout récemment une poésie<br />
datée de 1914, et dont l'auteur est le poète allemand Heinrich<br />
Vierordt. Les discours d'Hitler ne l'ont jamais dépassée en hor<br />
reur. Voici cette poésie : elle est intitulée « Chant de la Haine ».
« O . Allemagne, hais ! Egorge tes millions d'adversaires, et<br />
édifie un monument de cadavres fumants qui monte jusqu'aux<br />
nuages !<br />
« O Allemagne, hais maintenant ! Cuirasse-toi d'airain et<br />
perce de ta baïonnette le cœur de chaque ennemi ! Pas de pri<br />
sonniers ! Rends-les tous muets ! Transforme en déserts les pays<br />
voisins !<br />
« 0 Allemagne, hais ! Le salut viendra de ta colère ; enfonce<br />
leurs crânes à coups de crosse ou de hache; ces brigands sont<br />
des bêtes fauves; ce ne sont pas des hommes ; que ton poing<br />
exécute le jugement de Dieu !<br />
« O Allemagne, le moment est venu de haïr ! Et frappe et<br />
pousse ferme ! Bataillons, batteries, escadres, tous en avant !<br />
Après, tu te dresseras sur les ruines du monde ! »<br />
Qu'il y ait des Allemands qui subissent, plutôt qu'ils ne l'ap<br />
prouvent, la politique actuelle du Fùhrer, c'est possible. Mais<br />
ne nous y fions pas trop. M. Robert d'Harcourt, qui est un spé<br />
cialiste des questions allemandes, dans un récent article paru<br />
dans la « Revue des Deux Mondes », assure que la masse alle<br />
mande est actuellement amorphe, apathique, que ses réflexes sont<br />
usés, et que son admiration pour Hitler est « un crépi, une fa<br />
çade d'unanimité ï »<br />
C'est possible ; mais ce qui nous intéresse, nous Français, ce<br />
n'est pas ce que pense l'Allemand, mais ce qu'il fait. Or, il tra<br />
vaille d'arrache-pied à la victoire, il accepte toutes les restric<br />
tions, et sur les champs de bataille il se bat avec une ardeur,<br />
une furie que personne ne peut nier.<br />
Ce qui est vrai également,<br />
c'est que toute la jeunesse alle<br />
mande est derrière Hitler, et que dans ce pays,<br />
25<br />
c'est la jeunesse<br />
qui donne toujours le ton. Or, ce ton, le voici... c'est le chant sui<br />
vant que ces « jeunes fauves » ont adopté :<br />
« Les os pourris du monde tremblent de peur à la pensée de<br />
la Grande Guerre. Nous autres,<br />
quand tout tombera en morceaux. »<br />
nous continuerons à marcher
m<br />
Messieurs, j'ai terminé.<br />
CONCLUSION<br />
L'œuvre de la jeunesse allemande dont Hitler n'est que le dra<br />
peau n'est pas viable.<br />
Notre cœur et notre raison nous le disent.<br />
Dans le drame actuel, nous avons l'intuition qu'un pays qui,<br />
comme le nôtre, défend le Droit, la Justice et la Liberté, a pour<br />
lui des atouts considérables. Comme le disait dernièrement un<br />
chef indigène : « Nous autres, musulmans, nous croyons à la<br />
victoire de la France, parce que nous croyons en Dieu. » Sa jus<br />
tice, qui est lente parce qu'elle est éternelle, interviendra bien à<br />
un moment donné pour remettre toute chose à sa place, pour<br />
déposer les puissants et exalter les faibles : deposuit potentes de<br />
sede et exaltavit humiles.<br />
Par ailleurs, l'humanité, malgré ses tares congénitales, s'est<br />
toujours en fin de compte révoltée contre l'iniquité et l'orgueil ;<br />
et finalement la vaste coalition du Bien a triomphé tôt ou tard<br />
de celle du Mal.<br />
Enfin, sur le plan de l'Histoire, la situation est parfaitement<br />
claire. Que veut l'Allemagne ? Etablir son hégémonie sur l'Eu<br />
rope, et peut-être au delà. Or, le Passé nous dit que de telles<br />
entreprises finissent misérablement, surtout quand on veut les<br />
réaliser en quelques années. C'est le cas d'Hitler, qui, lui, est<br />
pressé, car -— a-t-il dit —<br />
ques années à vivre. »<br />
«<br />
la vie est courte et je n'ai que quel<br />
Dans la lutte actuelle, il y aura pour nous des hauts et des bas ;<br />
il y aura beaucoup de victimes et bien des larmes. Mais ne nous<br />
troublons pas. Hitler est pareil à ce fou de la Mythologie qui, de<br />
sa tête, voulait ébranler les cieux. Ce colosse aux pieds d'argile<br />
s'effondrera d'un seul coup, et à l'heure peut-être où nous y pen<br />
serons le moins. Ce jour-là, il devra lâcher toutes ses conquêtes.<br />
Ce n'est pas d'ailleurs à des Français qu'il faut prêcher la<br />
vertu d'espérance. Elle fait partie de leur bagage quotidien et<br />
est leur viatique à l'heure de l'épreuve.<br />
Donc,<br />
courage et confiance. La victoire finale serait-elle « pen<br />
due aux nues », comme disait la bonne Lorraine., qu'elle vien<br />
drait quand même à nous : le cœur et la raison nous en donnent<br />
la plus ferme espérance !<br />
Et avant de nous séparer, permettez à un homme qui a fait<br />
la guerre de 1914 comme fantassin, et qui, étant donné son âge,
ne peut plus servir son pays que par la parole et par la plume,<br />
d'envoyer, au nom de notre Société, nos hommages affectueux<br />
à nos magnifiques soldats et à nos grands chefs.<br />
Nous aussi, combattants ou non,<br />
27<br />
soyons les fantassins de la<br />
Patrie en souffrance. Soyons-le par notre modeste labeur quo<br />
tidien, notre charité à l'égard de ceux qui souffrent, par notre<br />
foi et notre indéfectible espérance.<br />
La France ne meurt pas... Vive la France !<br />
Paul Rimbault.
Quarante-Septième Année<br />
A' Trimestre A 9<strong>42</strong><br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Oociété<br />
tm<br />
de Oéographie d'Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
ALGER<br />
— IMP. IMBBBt<br />
N'<br />
-172
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, conseiller honoraire à la<br />
Cour d'Appel d'Alger.<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographi» an<br />
Lycée d'Alger.<br />
BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />
'<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />
JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des Colonies françaises.<br />
Commandant LEHURAUX.<br />
Général MEYNIER. ;<br />
Colonel PEYRONNET.<br />
PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />
rienne » et de T « Effort Algérien ».
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET,<br />
Quarante Septième Année<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Décès :<br />
A* Trimestre i 9<strong>42</strong><br />
MM. Grégoire Henri, interprète judiciaire honoraire ;<br />
Germain-Branthomme ;<br />
N'<br />
-172<br />
Rey, avocat à la Cour d'Appel d'Alger, ancien bâtonnier;<br />
Lung Frédéric ; -<br />
Enault Georges, commis principal des P.T.T. ;<br />
DRAGO, juge au Tribunal de Constantine ;<br />
Mgr Teullières, vicaire général d'Alger ;<br />
Mme Vve Emile Gironde.<br />
Subventions<br />
Résidence du Maroc 1.000 fr.<br />
Préfecture d'Alger 2.230 fr.<br />
Bon Marché 100 fr.<br />
Cie Navigation 100 fr.<br />
Cie Messageries Maritimes 100 fr.<br />
Chambre Commerce A 270 fr.<br />
Barclays Bank 75 fr.<br />
Compagnie Algérienne<br />
100 fr.<br />
Schiaffino et Cie 500 fr.<br />
Cie Transatlantique 100 fr.<br />
Banque de l'<br />
Algérie l.OÔO fr.<br />
Chambre Commerce Oran 500 fr.<br />
Société Marseillaise 100 fr.<br />
Crédit Foncier 100 fr.<br />
Société Générale<br />
Sidi-bel-Abbès<br />
100 fr.<br />
250 fr.
Assemblée Générale du 16 Mars 1943<br />
Rapport de M. Prunnelle,<br />
trésorier de la Société de Géographie d'Alger (année 19%2)<br />
Les opérations de l'année qui a expiré le 31 décembre 19<strong>42</strong> se<br />
résument ainsi qu'il suit :<br />
Restait en caisse au 31 décembre <strong>1941</strong> 16.988 »<br />
Recettes faites pendant l'année 19<strong>42</strong> 51.812 85<br />
Soit ensemble<br />
68.800 85<br />
Dépenses de 19<strong>42</strong> 37.766 50<br />
Reste au 31 décembre 19<strong>42</strong> .<br />
représentés par :<br />
31.034<br />
35<br />
le reliquat du Compte postal 3.879 70<br />
le compte de dépôt de la Cie Algérienne 19.681 »<br />
le montant du livret à la Caisse Nationale d'Epargne. 7.413 55<br />
et les fonds de caisse au Secrétariat 60 10<br />
Total 31.034 35<br />
Ces opérations appellent les observation suivantes :<br />
Recettes :<br />
Le total des recouvrements de cotisations,<br />
qui s'élevait en<br />
<strong>1941</strong>, à 20.476 70<br />
est tombé, en 19<strong>42</strong>, à 17.302 05<br />
Ce fléchissement s'explique par les circonstances que nous tra<br />
versons ; il faut s'attendre à ce qu'il s'accroisse en 1943.<br />
Par contre, les diverses subventions attribuées à la Société ont<br />
suivi une marche ascendante :<br />
"Elles s'étaient élevées en <strong>1941</strong> au total de 10.143,40<br />
alors qu'en 19<strong>42</strong> elles ont atteint 20.937,50<br />
Cette augmentation représente largement la réparation du déic't<br />
qui avait été subi les années précédentes, par suite de la ca<br />
rence de certaine allocation gouvernementale précédemment si<br />
gnalée.<br />
Nous donnons ici le détail des sommes reçues au titre de Sub<br />
ventions pour vous permettre d'exprimer votre gratitude aux di<br />
verses personnalités qui ont les ont attribuées ;
Barclys Bank et Coudray fils 175 »<br />
Bon Marché 100 »<br />
Cie Transatlantique 100 »<br />
Résidence Générale du Maroc 999 »<br />
Société Algérienne de Navigation 500 »<br />
Don de Mme Ritter 100 »<br />
Crédit Foncier 100 »<br />
Chambre de Commerce d'Alger 270 »<br />
Société Générale 80 »<br />
Chambre de Commerce d'Oran 500 »<br />
Compagnie Algérienne 100 »<br />
Gouvernement Général de l'Algérie 13.499 50<br />
Département d'Alger 764 50<br />
Banque de l'Algérie 1.000 »<br />
Société Marseillaise 100 »<br />
Chambre de Commerce de Bône 100 »<br />
Gouvernement Général de l'Algérie (Préfectures) ....<br />
2.249<br />
50<br />
20.937 50<br />
Les recettes diverses représentent un chiffre relativement im<br />
portant parce que l'on y a fait figurer le montant du rembourse<br />
ment de 23 Obligations des Chemins de fer du Maroc qui a été<br />
opéré le 1"<br />
juin 19<strong>42</strong>,<br />
remboursement qui a été en grande partie<br />
remployé ainsi qu'on le verra au Chapitre des dépenses.<br />
Dépenses :<br />
Il n'y a rien à signaler en dehors de ce remploi qui s'élève à<br />
9.200 fr., valeur de souscription de 10 obligations du Gouverne<br />
ment Général de l'Algérie.<br />
Les frais de gestion proprement dits, c'est-à-dire personnel,<br />
siège de la Société et secrétariat, sont restés strictement dans les<br />
limites prévues au budget, malgré l'augmentation modeste qui a<br />
pu être accordée au personnel en cours d'année.<br />
Quant aux frais d'impression du Bulletin, ils se sont trouvés ré<br />
duits à 6.830 fr.<br />
Voici d'ailleurs le détail des dépenses :<br />
Siège social : téléphone, entretien et participation aux<br />
frais de la Fédération S.I 7.340 »<br />
Personnel (traitement de la secrétaire) 11.000 »<br />
Frais divers du secrétariat, papeterie, affranchisse<br />
ment, etc '..... 2.329 90<br />
Conférences, Bibliothèques, Prix 488 50<br />
Impression du Bulletin 6.830 »<br />
Dépenses diverses (remploi d'obligations remboursées)<br />
9.778 10<br />
Total 37.766 50
Tout étant payé, nous n'avons plus aucun passif et nous pou<br />
vons équilibrer ainsi qu'il suit le Bilan de la Société au 31 dé<br />
cembre 19<strong>42</strong> :<br />
Reste en caisse disponible<br />
Fonds de réserve :<br />
14 obligations de l'Algérie (1"<br />
groupe).. 14.000 »<br />
10 obligations de l'Algérie . (remploi) . . 10.000 »<br />
Rentes françaises 4 1/2 % 1932 évaluées<br />
10 obligations du Gouvernement Marocain<br />
20.000 »<br />
(Legs Missarel) ..'.<br />
9.600<br />
»<br />
31.034 35<br />
53.600 » 53.600 »<br />
En réserve à la Banque de l'Algérie 1.846 55<br />
Total de l'actif 86.480 90<br />
Etant donné, d'une part, qu'il y a lieu de prévoir un fléchisse<br />
ment considérable dans le recouvrement des cotisations de 1943,<br />
et, d'autre part, en tenant compte du reliquat disponible en Caisse,<br />
nous vous proposons d'établir notre budget 1943 en partant<br />
d'abord des dépenses.<br />
Celles de l'année écoulée ont été réduites au strict minimum i il<br />
serait donc possible d'adopter, en 1943, les chiffres suivants en<br />
rapport avec ceux de l'année précédente :<br />
1° Siège social A (participation S.I.), 650 fr. par<br />
mois 7.800 fr.<br />
Siège social B (téléphoné et autres)<br />
1.200 fr.<br />
9.000 fr.<br />
2° Secrétariat, papeterie et timbres 2.500 fr.<br />
3° Salaire de la Secrétaire 16.800 fr.<br />
4° Bulletin 8.000 fr.<br />
5° Conférences et autres 500 fr.<br />
36.800 fr.<br />
Pour faire face à cette dépense de 36.800 fr., nous ne pouvons<br />
prévoir que les recettes ci- après : 36.800 fr.<br />
Cotisations ...<br />
. 12.000 fr.<br />
Subventions à solliciter 10.000 fr.<br />
22.000 fr. 22.000 fr.<br />
14.800 fr.<br />
Resterait à prélever la différence sur le reliquat en caisse du<br />
3 décembre 19<strong>42</strong>.
Rapport<br />
par M. Rimbault,<br />
sur'<br />
les Conférences<br />
secrétaire général<br />
Malgré les circonstances de guerre peu favorables aux réunions,<br />
notre Société a pu donner au cours de l'année d'études neuf con<br />
férences, à savoir :<br />
Deux sur l'Islam (MM. Tedjini et Benchnedj) ;<br />
Deux sur l'Afrique (Commandant Lehuraux et Professeur Eme-<br />
rit) ;<br />
Une sur l'Agriculture (M. Berthault) ;<br />
Une sur la Littérature (M. Paul Rimbault) ;<br />
Trois sur des sujets divers (Docteurs Arnaud et Josse, M. Jac<br />
ques des Roches).<br />
Nous remercions ces conférenciers qui, malgré les préoccupa<br />
tions actuelles, ont bien voulu distraire quelques heures de leurs<br />
travaux habituels pour préparer des sujets parfois épineux et tou<br />
jours intéressants, et en faire profiter a'vec talent les membres<br />
de notre Société. Nous pensons pouvoir reprendre ces réunions<br />
dès que les circonstances le permettront. Faisons le vœu que ce<br />
soit le plus tôt possible.<br />
'
Quarante-Septième Année 3-Trlmestre 19<strong>42</strong><br />
hS//^\<br />
-4(Jiê*;cpio*3j )|o]<br />
"lEfV<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Oociété<br />
im<br />
N- A1A<br />
de Géographie d'Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
— kUMR mp. hibg«t
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, conseiller honoraire à la<br />
Cour d'Appel d'Alger.<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />
Lycée d'Alger.<br />
BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />
■TOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des Colonies françaises.<br />
Commandant LEHURAUX.<br />
Général MEYNIER.<br />
Colonel PEYRONNET.<br />
PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />
rienne » et de V ce Effort Algérien ».
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Quarante Septième Année<br />
3' Trimestre 19<strong>42</strong><br />
Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />
SEANCE DE RENTREE DU 11 NOVEMBRE 19<strong>42</strong><br />
Conférence<br />
par M"<br />
« Souvenirs et leçon d'histoire »,<br />
sident de la Société de Géographie d'Alger.<br />
Nouvelle adhésion<br />
N*<br />
-i7A<br />
Lefèvre-Paul, pré<br />
M. Opitz Paul, de Birkadem ; présenté par MM. Lefèvre-Paul<br />
et Gauthier.
LES GÉNÉALOGIES DES PATRIARCHES SÉMITES<br />
par le Commandant G. CAUVET (,)<br />
Les peuples sémites férus de généalogies, se sont efforcés de tra<br />
cer non seulement celles des peuples qui se rattachent à leur groupe<br />
naturel, mais aussi celles de toutes les autres nations qui exis<br />
taient à leur époque et qu'ils pouvaient connaître de nom. Jaunes,<br />
noirs, blancs dolycéphales, brachycéphales y<br />
ont été entassés in<br />
distinctement. Japhet, présumé ancêtre des Européens blancs, est<br />
le frère de Cham dont descendent les nègres.<br />
Les plus minutieux de ces relevés sont ceux que contiennent les<br />
premiers chapitres de la Genèse, dans la Bible, et ils ont été<br />
pendant longtemps le dernier mot de nos connaissances ethnolo<br />
giques. Les Musulmans ont d'ailleurs, d'une manière générale,<br />
les mêmes idées à ce sujet que les Israélites et les Chrétiens. Le<br />
Prophète Mohammed, dans le Koran, y fait de multiples allusions,<br />
mais comme il n'a pas eu la précaution de dresser des listes aussi<br />
précises que celles de la Genèse, la fantaisie de ses commentateurs<br />
a pu se donner libre cours et certains détails diffèrent notable<br />
ment de part et d'autre.<br />
Ainsi par exemple, d'après les légendes arabes (1), Noé aurait<br />
non seulement maudit, comme on le sait, son petit-fils Kanaan pour<br />
une faute commise par son père Cham, mais il l'aurait en outre<br />
empêché d'entrer dans l'arche. Comme il a eu par la suite de nom<br />
breux enfants, ce qui prouve qu'il n'était pas mort, on est autorisé<br />
à croire qu'il a pu comme les fils des hommes, qui survécurent<br />
aussi et auxquels s'allièrent plus tard les descendants du peuple<br />
de Dieu, trouver un refuge ailleurs, dans des montagnes élevées<br />
qui n'auraient pas été recouvertes d'eau, contrairement aux textes<br />
sacrés.<br />
Les généalogies patriarcales ne nous font pas connaître l'origine<br />
des peuples énumérés, ce qui nous intéresserait fort. Jusqu'à pré<br />
sent les recherches des auteurs modernes ne nous ont pas fait<br />
faire de grands progrès dans cet ordre d'idées.<br />
Mais l'étude des généalogies berbères, fabriquées après l'inva<br />
sion arabe en Afrique et qu'on ne croit pas d'une rédaction anté<br />
rieure au XIP siècle (2) , nous a montré les procédés employés pour<br />
donner des ancêtres aux peuples qu'ils classaient ainsi, et en s'aidant<br />
des données les plus récentes de la science moderne, il semble<br />
que l'on doit pouvoir arriver à soulever le voile qui cache les ori<br />
gines premières des Sémites.<br />
M. J. de Morgan, dont on connaît les belles études sur la Préhiis-<br />
(1) D'Herbelot, Bibliothèque orientale.<br />
(2) René Basset : Les Généalogistes berbères, Archives berbères, vol. I.<br />
fasc. II, 1915.
toixe orientale, arrive à cette conclusion (1) que les Sémites se<br />
sont formés sur place et il semble bien qu'il en soit ainsi.<br />
Divers éléments ethniques venus de directions opposées, noirs<br />
■éthiopiens ou même négritos, envahisseurs indous, et en fin de<br />
•compte, exode de Touraniens venus de toutes les régions du Nord<br />
de l'Asie ont contribué, après de longues luttes et des tourbillon<br />
nements de grande envergure, dont l'histoire du peuple d'Israël<br />
nous donne une vision adéquate. (2), à former les nations que<br />
nous montre l'histoire ancienne.<br />
C'est surtout la part des Touraniens, objet de mes études anté<br />
rieures, que je chercherai à mettre en lumière ici.<br />
Je commencerai par rappeler que le nom même de Sem, père<br />
des Sémites, est celui d'une rivière appartenant au haut bassin du<br />
fleuve Obi. C'est un affluent de gauche de la Katunja qui est une<br />
•des têtes de ce cours d'eau.<br />
Le père de Sem, Noé (Nouh dans les langues sémitiques), notre<br />
•aïeul vénéré, porte aussi le nom de la rivière Nouya, affluent de<br />
gauche de la Lena et ses deux autres fils Kam et Japhet offrent<br />
respectivement le nom de cours d'eau sibériens, le premier af<br />
fluent de gauche de l'Ienissei, le Kam ou Kama, le second tribu<br />
taire de l'Océan Glacial à l'Est de l'embouchure de la Lena, le<br />
Yape ou Yana (3).<br />
Ce dernier cours d'eau mérite une mention spéciale en raison<br />
de la variabilité de son nom et de l'importance des essaims qu'il<br />
■a envoyés et qui ne sont pas rangés parmi les Sémites. C'est dans<br />
le bassin même de la Yana, à Verkhoïansk,<br />
nouveau pôle du froid,<br />
que s'est formé le<br />
chassant tous les habitants de la région<br />
qui, par la suite, furent remplacés par des peuples d'autre ori<br />
gine, une fois que la température fut redevenue un peu moins<br />
rude. Ce peuple de la Yana s'enfuit dans toutes les directions, de<br />
venant au Sud-Ouest, les Ioniens qui furent des"<br />
premiers parmi<br />
les Grecs, les Japonais qui furent aussi des premiers parmi les<br />
Asiatiques, les Javanais dans le pays Malais. Les altérations pho<br />
nétiques du nom primitif se sont produites dans les milieux dif<br />
férents où s'est répandu ce peuple puissant, remplacé par les Ya-<br />
•goutes qui sont venus du Sud-Ouest.<br />
A la troisième génération, le peuple de Dieu, sauvé miraculeu<br />
sement du déluge, se divisa en tribus qui ne portaient plus les<br />
noms de fleuves sibériens. Il avait dû, en effet, s'allier aux « en<br />
fants des hommes ». Qu'entend-on par cette désignation ?<br />
Il"<br />
s'agit tout simplement d'autres peuples sibériens qui avaient<br />
précédé les Noachides.<br />
C'étaient les Kananéens venus des rives de la Kananeya tribu-<br />
(1) J. de Morgan ; Les origines des Sémites et des Indo-Européfens. —<br />
n"<br />
Hevue de Synthèse historique, T. XXXIV, 100-102.<br />
(2) L'histoire d'Abraham est particulièrement probante à cet égard.<br />
(3) Les patriarches n'étant pas des êtres humains,<br />
l'on ait pu leur attribuer des longévités extravagantes.<br />
cela explique que
taire du Pacifique, qui comprenaient non seulement toutes les tri<br />
bus de leur région, mais celles du fleuve Amour (Amourron, Amoiv<br />
rhéens, Amorites des anciens qui ont actuellement repris leur<br />
ancien nom en Syne et en Berbérie) -et les Phéniciens, peuple<br />
attirés avec eux:<br />
de la rivière Feu, affluent du Hoanhtto, en Chine,<br />
dans leur torrentueux exode.<br />
Mais tout ce monde, débouchant dans les plaines de la Mésopo<br />
tamie,<br />
venus du Sud-Est, de l'Inde et de l'Iran, et sur l'immigration des<br />
s'était trouvé en présence d'une masse énorme d'émigrants.<br />
quels nous n'avons même pas les maigres renseignements que nous<br />
procure la Bible.<br />
Ce n'est que par leurs noms que nous pouvons constater leur<br />
arrivée ou leur passage car ils poussèrent plus loin et inondèrent<br />
aussi l'Afrique de leurs flots pressés et même l'Europe.<br />
Nous pouvons citer ainsi en Mésopotamie les Asoura de l'Inde<br />
ancienne, devenus les Assyriens et comptés comme sémites par<br />
suite de leur mélange avec les nouveaux arrivants, les Bhrigoa<br />
(Phrygiens et Arméniens), les Djats (Getes, Goths, Hoteins et<br />
Hittites des hébraïsants getules d'Afrique), les Matsya (Maces,.<br />
Mittani, Matiènes), les Prithon (Bretons), etc.<br />
En Arabie, les noms des Adites (Adityas des Hindous), des;<br />
Thémondites (Tamoule du Dekkan), des Abiliens (Havila, Ka<br />
boul), des Chammar (Sumériens) et autres,<br />
des émigrants de la péninsule.<br />
marquent le passage<br />
En Afrique et un peu partout, des noms hindous comme Aadja,<br />
Agni, Anon, Banda, Bram, Kama, Kanouri,. Mandés, Mauryas,.<br />
Minas, Nagos, Nemadis, Sandis ou Asantés, Sérènes, témoignent<br />
aussi de ce mouvement sur lequel nous n'avons aucune indication<br />
laissée par l'histoire ni par les traditions,<br />
de Procope, trop faciles à réjeter (1).<br />
sauf les vagues propos1<br />
Il faut sans doute ajouter à cet afflux de peuples du Sud-Est<br />
des apports venant de l'Ethiopie, et peut-être un reliquat de pyg-<br />
mées négroïdes, décelés par l'anthropologie dans les régions<br />
basses de la Mésopotamie.<br />
Mais revenons à nos patriarches. A la troisième génération les<br />
noms de fleuves sibériens ne se retrouvent plus comme noms de<br />
tribus par suite des mélanges que nous venons de mentionner.<br />
En outre, le séjour des Israélites en Egypte a eu comme effet<br />
de donner aux douze tribus définitives .<br />
tout à fait différents de ceux de l'Asie.<br />
des<br />
Hébreux des noms<br />
Dans la descendance de Noé, après la troisième génération,<br />
nous trouvons le nom d'Elam (Elan) douteux, puis celui de Sale<br />
dans les aïeux directs d'Abraham. Salé, affluent de gauche de<br />
l'Irtuh, dans le bassin de l'Obi, a donné son nom à Saliany, ville<br />
sur la Caspienne, non loin de la région où se forma le peuple hé<br />
breu et à divers peuples et régions de l'Ouest. Il est facile de ne<br />
(1) Saint-Gsell : Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, I, 338-340.
pas le confondre avec les multiples appellations tirées du nom de<br />
Sel (Sal).<br />
Chez les enfants de Cham, les noms de Saba et Sabatha sont<br />
Touraniens : il y a eu un peuple de Sabatzi au Nord de la Lena.<br />
Mais le plus caractéristique est Bel qui portait aussi le nom de<br />
Nemrod, connu de tous. Bel, fils de Kouch (Kaïs des Arabes) porte<br />
le nom d'un affluent de droite de l'Obi. Mais ce fut aussi un dieu<br />
venu de l'Inde. Les noms de tribus touraniennes qui sont passées<br />
par l'Inde, se sont répandues plus tard dans l'Asie antérieure<br />
comme noms de dieux Citons outre. Bel : Anou, Braham, Nara,<br />
Tara, etc.<br />
Mais ce qui rend surtout sensible l'énormité de l'exode toura-<br />
nien auquel nous devons les premiers patriarches de la Genèse,<br />
ce sont les noms dont ils ont recouvert l'Asie mineure, la Syrie,<br />
la Palestine et l'Arabie. En voici une liste significative qui s'étend<br />
au pourtour de la Méditerranée. C'est à cet intense brassage que<br />
sont dues les premières civilisations, car c'est le mélange des races<br />
qui est la source de tout progrès réel en dépit des affirmations<br />
du racisme.<br />
Ces noms ont été transportés par une grande migration chana-<br />
néenne primitive, dont nous ne savons absolument rien et qu'il ne<br />
faut pas confondre avec la petite migration chananéenne signa<br />
lée par les historiens anciens à propos du peuplement de l'Afrique.<br />
Je ne crois pas qu'on puisse nier sérieusement la valeur de ces<br />
étymologies dont le nombre et la conformité augmentent l'impor<br />
tance (1).<br />
— Aca,<br />
affluent de gauche de la Selenga (Ienisci), Acé, Acco,<br />
St-Jean d'Acre en Palestine.<br />
— Alaseu, Alaseja,<br />
Glacial. Alasia, ancien nom de l'île de Chypre, le nom est très ré<br />
pandu en Europe.<br />
rivières sibériennes tributaires de l'Océan<br />
— Araitscha, tributaire du Pacifique. Aradus, port phénicien de<br />
Syrie. Arad, d'Asie et de la côte tunisienne.<br />
— Aman,<br />
affluent de droite de l'Irtich (Obi),<br />
Amram. Amamus de Palestine.<br />
ville du Nedjeb.<br />
— Amour, grand fleuve sibérien : Amourron. Amorites peutêtre<br />
Araméens par métathèse (il y a toutefois une rivière sibé<br />
rienne qui s'appelle l'Amaril (2), tribus actuelles des Amour de<br />
Syrie et d'Algérie.<br />
— Àoulei,<br />
syrien,<br />
— Anaka<br />
affluent de gauche de l'Obi : Nahr el Awali, fieuve<br />
et Anonka, rivières tributaires de l'Irlide (Obi) : tri<br />
bu des Anagim de la Bible.<br />
(1) Voir Xavier Guicihard :. Eleusis Alésia.<br />
(2) P.-F.-M. Abel : Géographie de la Palestine, livre à consulter pour les<br />
noms palestiniens cités.
—<br />
— Bel, affluent de droite de l'Obi nom de Nem^f'[enant<br />
app*<br />
d'Afrique<br />
Babylone. Tribu des généalogies berbères<br />
aux Aurigha,, disparue. .. ,<br />
— Berd,<br />
affluent de droite de la tête de l'Obi.<br />
B^V^ des<br />
nom de la ville de l'Albanie Caucasienne qui fut la cap , .<br />
Parthes de l'antiquité. Bardai,<br />
des Anciens. .<br />
— Baka,<br />
région du Tibesti, mont isai<br />
affluent de droite de l'Amour. La Baga était la limite<br />
entre la Galilée et le territoire de Tyr.<br />
— Bonsouraya,<br />
tra,<br />
affluent de gauche de la Lena. Bassora ou Bos^<br />
ville d'Arabie.<br />
Damaske ou Tsadona, petite rivière de la côte du Pacifique^<br />
dans la réyion de la Kananeya, qui a donné son nom à toutes les<br />
populations de cette région émigrées en Asie Occidentale. A fourn:<br />
son nom à la grande ville syrienne de Damas.<br />
— EMs, tributaire de l'Océan Glacial, entre Jénisser et Lena<br />
le nom des Kalmouks Elenthes et des Helvètes paraît en venir<br />
Elenthere (Nar el Kebir),<br />
— Elgé,<br />
pagne.<br />
rivière ancienne de Syrie.<br />
affluent de l'Amour : Elche,<br />
ville phénicienne d'Es<br />
Fen ou Fenho, affluent des Houngho du Nord de la Chine<br />
Poussés ou entraînés par les émigrants Kananéens ou Amouriens<br />
les Fenisci allèrent avec eux en Mésopotamie. Sci est le suffixe 1<<br />
plus répandu chez les anciens Tourames. Les anciens en firent le<br />
nom de Phoinikes en l'entourant de leurs calembredaines habi<br />
tuelles. On doit aussi rattacher à la rivière Fen les Finnois d'Eu<br />
rope et les Fen, Fang, etc., devenus noirs en Afrique et chez les<br />
quels on retrouve la tache mongolique très fréquemment (1).<br />
— Gasea,<br />
affluent de droite de l'Obi : Gaza, ville importante<br />
de la côte syrienne.<br />
— Gerba,<br />
Djerba.<br />
— Kalka,<br />
affluent de gauche de l'Iénissei : île africaine de<br />
affluent de l'Amour ; a donné sn nom à la peuplade<br />
kalmouke des Khalkhas et sans doute aux localités du pourtour<br />
de l'Egée Chalie, Chalcis, Chalcédoine, Calchedon, etc. Les Grecs<br />
donnaient comme étymologie à ce nom le mot Calchos (cuivre), qui<br />
ne paraît pas toujours valable. Il y a lieu néanmoins de faire quel<br />
ques réserves.<br />
— Kam,<br />
affluent de gauche de l'Iénissei : A donné son nom<br />
à un des fils de Noé et à de multiples populations d'Asie, d'Amé<br />
rique et d'Afrique. J'ai étudié spécialement ce nom, qui est celui<br />
d'une de nos grandes tribus du Sud Algérien. Le nom primitif de<br />
Carthage était Kambé, qui paraît avoir la même origine (2).<br />
(1) Voi Autran : Phéniciens, et Dr Contenan : La civilisation phénicienne,<br />
qui admettent les étymologies grecques.<br />
(2) Commandant Cauvet : Les Chamba d'Afrique, B.S.G.A., I, 1938.
^?' petit nortan^- ^ibutaire de l'Océan Pacifique, dont l'im-<br />
de ce<br />
Mncr« at ^ ^ fait Que sa tête voisinait avec celles de la<br />
**** affluents de la Lena et offrit un bon passage<br />
,S<br />
de ce<br />
«2mS a£onf bassin fuyant devant les rigueurs de la tem<br />
pérature, loutes les tribus qui passèrent par là pour gagner<br />
l Amour et les contrées méridionales prirent ce nom de Kananéen-<br />
nes. Un peu plus au Nord, il y a une autre rivière portant un nom<br />
raisin : la Kanineya.<br />
— Kasim,<br />
affluent de l'Obi : Nar Kasimyeh de Syrie (Léontes,<br />
les Grecs).<br />
— Liban,<br />
c'est le pluriel sémitique du mot Lob ; le Lob Nor est<br />
e grand réservoir collecteur du bassin intérieur du Tarim. De là<br />
iont venues les appellations de Libna (Syrie), Libye, Lebon, Lobi<br />
l'Afrique (1).<br />
— Lich,<br />
affluent du Tobol tributaire de l'Obi : Lyens des an-<br />
iens (Nar el Kelb actuel) en Syrie.<br />
— Logach, affluent de droite de l'Olekma (Lena) : Lagach, ville<br />
ancienne de Mésopotamie, au Nord d'Our Lachis.<br />
— Malakhak, affluent de gauche de la Lena : presqu'île de Malacca,<br />
dont les mines d'étain furent exploitées par les Phéniciens.<br />
Malaga, colonie d'Espagne.<br />
— Maya, sous-affluent de droite de la Lena : Maya du Yucatan,<br />
Mceates et Mceotes d'Europe, Meoniens d'Asie mineure, Maïa<br />
et Mehaïa de Berbérie.<br />
— Medei,<br />
Medi,<br />
au peuple Mède.<br />
rivières sibériennes qui ont donné leur nom<br />
— Mossenska, affluent de l'Irtich (Obi), Mosches ou Mosques<br />
de l'Asie antérieure, Mosgou et Kel Mosgou (Touareg) d'Afrique.<br />
— Neva,<br />
vata du Haut-Nil.<br />
— Ninna,<br />
— Nora,<br />
affluent du Haut Ienisseï : Nabatéens d'Arabie Na-<br />
Ninaja, rivières sibériennes ; Ninus, Ninive.<br />
affluent de l'Amour : ville de Sardaigne.<br />
— Orongo, affluent de la Selenga (Haut Iénissei) : Oronte<br />
(Nar el Assy), fleuve syrien. Orange en France. La Maison<br />
d'Orange a répandu ce nom sur tout le globe.<br />
— Our,<br />
chaldée) que partit Abraham, ancêtre des Israélites.<br />
affluent de droite de l'Iénissei : C'est d'Our (Ur en<br />
— Pal, Pallan, rivières sibériennes : Palestine, habitat des Chananéens,<br />
puis des Israélites, qui les en expulsèrent ; Philistins.<br />
Romaiu, tributaire de l'Océan Glacial, à l'Est de la Lena.<br />
Rouma (Rume actuel), de Palestine, Rome, etc..<br />
(1) Id. : Que sont devenus les Libyens des anciens, Congrès de la Fédé<br />
ration des Sociétés savantes de l'Afrique du Nord, 1939.
10<br />
— Samar,<br />
— Sim,<br />
— Sinia<br />
— Sardœna,<br />
affluent de l'Iénissei : Samaréens, Samaritains.<br />
affluent de l'Obi : Simgra, ville de Syrie.<br />
(Syniya), ville syrienne de Sein, soit Sinaï.<br />
sous-affluent de l'Amour ; a pu servir<br />
suivant à dénommer la Sardaigne.<br />
avec .le<br />
— Sart, affluent de droite de l'Obi : a donné son nom à Sardes<br />
(Sart), antique capitale de la Lydie. Sirt, ville de la côte tripolitaine,<br />
colonie phénicienne, etc..<br />
— Syda,<br />
affluent de droite de l'Iénissei autres rivières sibé<br />
riennes ; Sidoi, Suta, Suton ont pu donner leur nom à Saïda (Si-<br />
don) des Phéniciens, Saïda d'Algérie.<br />
— Tapsoni, Tapsis, affluent de gauche de l'Obi ;<br />
ciennes de Thapsacum en Syrie, Thapsus en Tunisie.<br />
villes an<br />
— Tartas, affluent de l'Obi. Tortons (Tortose) de Palestine,<br />
près d'Aradus. Tartesse d'Espagne. Tartas de France.<br />
— Tyra, affluent de la Lena ; village ghiliake de Tyr, à l'em<br />
bouchure de l'Amour ; Tyr, ville phénicienne d'abord dans les<br />
îles Bahrem, puis sur la côte méditerranéenne.<br />
— Toba ou Touba, affluent de droite de l'Iénissei, dont le nom<br />
s'est répandu comme ethnique en Arabie, en Berbérie et en Amé<br />
rique.<br />
— Utka, rivière tributaire de l'Océan Pacifique,<br />
Kananeya ; Utique, ville phénicienne de Tunisie.<br />
non loin de la<br />
— Zemaïa, affluent de l'Iénissei : Zonzomenin, anciens d'Ara<br />
bie. Puits de Zemzen, à la Mecque. Ouadit Zemzen de Tripolitaine.<br />
Tribu des Ida ou Zemzem du Maroc.<br />
En compulsant cette liste,<br />
rivières sibériennes se groupent autour de la Kananeya,<br />
on voit que la plupart des noms de<br />
qui a<br />
donné son nom à cette émigration. Mais certaines se trouvent, au<br />
contraire, dans l'Ouest de la Sibérie. Peut-être les tribus qui les<br />
portaient ont-elles fui les premières vers l'Orient, en contribuant<br />
ainsi à la mise en marche des émigrants Kananéens et Amouriens !<br />
Peut-être, au contraire, certaines populations ont-elles pu dès<br />
lors franchir, en dépit de toutes les difficultés, les montagnes<br />
placées qui s'opposaient à leur passage vers le Sud ! Toutes les<br />
hypothèses paraissent possibles en l'occurrence.<br />
Est-il loisible d'en faire également sur l'époque à laquelle se pro<br />
duisit cet exode, qui paraît être en relation étroite avec les tra<br />
ditions qu'ont conservées tous les peuples de l'Est sur le déluge<br />
universel ?<br />
Les renseignements que nous fournit la Bible sont tellement<br />
vagues que les commentateurs qui ont essayé de se mettre en<br />
œuvre ont abouti à des chiffres qui varient entre les deux extrêmes<br />
de 2448 et 3598 avant notre ère.
Admettons le chiffre moyen de 3000 avant notre ère ; mais<br />
pour arriver là, le voyage avait sans doute duré un temps extrê<br />
mement long, surtout s'il fallut aller jusqu'à l'Est du continent<br />
asiatique. Il avait dû être coupé de séjours prolongés pour pré<br />
parer sur place les approvisionnements, se frayer un passage au<br />
milieu d'autres populations hostiles.<br />
Nous savons par les recherches de J. de Morgan que, pendant<br />
plusieurs millénaires, des flots d'hommes s'écoulèrent de la Sibérie<br />
pour se déverser dans le reste du monde et pour échapper au<br />
changement de climat qui se produisait dans leur pays à la suite<br />
des phénomènes dus à la précession des équinoxes et aux crises<br />
diverses, contractions, pulsations et éruptions du soleil, cet astre<br />
qui préside aux destinées de notre planète.<br />
On peut donc admettre que les peuples qui ont formé l'exode<br />
qui a contribué à la constitution des sémites l'avaient commencé<br />
au moins entre le cinquième millénaire avant notre ère, sans qu'il<br />
soit possible de donner la moindre précision à cet égard, et le<br />
dixième.<br />
11
Quarante-Septième Année<br />
2- Trimestre 1S<strong>42</strong><br />
V'>'/-r.?>s«^. *"'A%y<br />
^^i*"^'— ' *—<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Oociété<br />
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NI- H7Û<br />
de Orographie d'Alger<br />
D,E L'AFRIQUE DU NORD<br />
ALGER — IMP. IMBERT
Société de Géographie d'Alger<br />
et de l'Afrique du Nord<br />
CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />
Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE,<br />
Cour d'Appel d'Alger.<br />
conseiller honoraire à la<br />
Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé-,<br />
rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />
MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />
BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />
Lycée d'Alger.<br />
BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />
mixtes.<br />
CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />
JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />
Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />
des Colonies françaises.<br />
Commandant LEHURAUX.<br />
Général MEYNIER.<br />
Colonel PEYRONNET.<br />
PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />
RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la ce Dépêche Algé<br />
rienne » et de 1'<br />
« Effort Algérien ».
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Quarante-Septième Année<br />
2'<br />
Trimestres -1 9<strong>42</strong><br />
Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />
SEANCE DU 23 AVRIL<br />
Conférence :<br />
N'<br />
1 70<br />
« Les Explorateurs Saint-Simoniens en Arabie et en Afrique<br />
Orientale », par M. Emerit, professeur à la Faculté des Lettres<br />
d'Alger.<br />
M. BARRET Jean,<br />
Pétrole Standard, 10,<br />
Nouvelle adhésion :<br />
adjoint chef du contentieux de la Compagnie<br />
boulevard Saint-Saëns, Alger; présenté<br />
par M. Lefèvre-Paul et le général Thévenet.
, dégagés,<br />
CONFERENCE DU 10 JANVIER 19<strong>42</strong><br />
de François Coppée<br />
à Louis Bertrand<br />
par Paul Rimbault<br />
L'année 19<strong>42</strong> ramenant le centenaire de la naissance de Fran<br />
çois Coppée, et Louis Bertrand, le grand écrivain nord-africain,<br />
venant de mourir, ce sujet était d'actualité. Il l'était aussi à<br />
un autre titre : Coppée et Bertrand ont été, en effet, deux enT<br />
fants d'une même époque philosophique. Or, par une seconde<br />
coïncidence, ces deux disciples du rationalisme moderne se sont<br />
et le second en plein âge<br />
le premier au soir de sa vie,<br />
mûr, de cette gangue un peu lourde et courte du rationalisme<br />
scientifique, pour gagner un stade plus élevé, et par conséquent<br />
plus éthéré, celui de l'Idéal spiritualiste. Cet idéal étant à l'ordre<br />
du jour, l'étude conjuguée de ces deux écrivains se justifiait.<br />
Après avoir rappelé l'œuvre littéraire de l'un et de l'autre,<br />
c'est cette transformation d'ordre moral et intellectuel que le<br />
conférencier a présentée; et ainsi, du même coup, c'est un peu<br />
la mentalité de toute une époque —<br />
immédiatement l'an 1900 —<br />
toire.<br />
Coppée, né en 18<strong>42</strong>,<br />
celle<br />
qui précéda et suivit<br />
qu'il fit revivre devant son audi<br />
s'appelait lui-même « un pâle enfant du<br />
vieux Paris ». Du Parisien, il avait l'esprit gouailleur, bon en<br />
fant, émotif. Avec cela primesautier et cocardier. Excellent con<br />
frère, il avait en horreur les combinaisons d'argent, et avait le<br />
culte de la jeunesse auprès de laquelle il était très populaire.<br />
Son œuvre devait être très variée et très inégale, qu'il s'a<br />
gisse de ses drames, de ses comédies ou de ses poèmes. Son grand<br />
mérite, c'est qu'il a fait entrer les humbles dans la littérature.<br />
Il a « chanté » tous les petits métiers, les sentiments les plus<br />
ordinaires, les mœurs les plus modestes.<br />
Jusqu'à l'âge de 55 ans il vécut dans l'indifférence religieuse<br />
comme beaucoup de ses contemporains, toutefois sans sectaris<br />
me. Etant tombé gravement malade, grabataire pendant de<br />
longs mois, il eut tout le temps de réfléchir, demanda à lire<br />
l'Evangile, puis se convertit. Pour lui, la souffrance avait été<br />
« la Bonne Souffrance ». Le poète devait se maintenir dans cet ,<br />
état jusqu'en 1908, date de sa mort. Très patriote, pieux sans<br />
affectation, pitoyable aux pauvres, vivant une vie modeste avec<br />
sa sœur dans son petit hôtel de la rue Oudinot, ses amis, pour<br />
le taquiner, l'avaient surnommé le « François d'Assise trico<br />
lore ».
Personne ne fut plus sympathique que cet écrivain délicat<br />
plein de cœur et de talent qui, pour avoir fréquenté l'Evangne,<br />
voyait partout, au soir de sa vie, le Beau et le Bien.<br />
Par ses origines, Louis Bertrand différait totalement de<br />
François Coppée. Il était Lorrain, pays froid, maussade, austère.<br />
Son enfance fut dure. Après avoir passé par l'Ecole normale su<br />
périeure, il était nommé professeur à Aix-en-Provence, puis au<br />
lycée d Alger. Là il allait trouver sa vraie voie.<br />
Il y découvrit un ciel bleu et clair, des foules bariolées, les tra<br />
ces d'une vieille civilisation, ainsi que l'inédit d'un monde nou<br />
veau pour lui. Il y composa ses œuvres les meilleures, et à la<br />
suite de cette fortune inespérée, il abandonna sa chaire de pro<br />
fesseur pour se consacrer à la littérature. Ne voulant pas quit<br />
ter les rives ensoleillées qui lui étaient si favorables, il s'établit<br />
à Nice, puis au Cap d'Antibes, où il devait mourir.<br />
Louis Bertrand aura été avec quelques écrivains algériens un<br />
des rares romanciers qui aient compris l'Algérie et l'aient dé<br />
peinte avec une exactitude scrupuleuse. C'est qu'il la connaissait<br />
et l'aimait de tout son cœur.<br />
La souffrance avait converti Coppée ; l'art convertira Ber<br />
trand. Ses voyages en Méditerranée avaient développé en lui le<br />
sens t<br />
religieux qu'il avait laissé sommeiller pendant longtemps.<br />
Il commença bientôt à douter de son incroyance, et sous l'impul<br />
sion d'un écrivain catholique, Emile Baumann, il rentrait, corps<br />
et âme, dans la religion de ses pères, cette religion qui lui avait<br />
donné de si douces sensations artistiques au pays du soleil.<br />
Ainsi, à cette époque, le retour au spiritualisme emprunta les<br />
chemins les plus divers : ceux de la philosophie, de la politique,<br />
de l'art, de la souffrance... Le conférencier, en terminant, les<br />
examine un à un, et cite les pèlerins qui y cheminèrent. C'est<br />
que, fait-il en matière de conclusion,<br />
« L'âme humaine est une<br />
harpe dont les cordes vibrent différemment suivant les doigts<br />
qui les touchent... L'ensemble de tous ces sons forment le Bon,<br />
le Bien et le Vrai. »
CONFERENCE DU 14 FEVRIER 19<strong>42</strong><br />
La Légion d'Honneur<br />
Son PASSÉ, Son PRÉSENT, Son AVENIR,<br />
par le Docteur H. JOSSE<br />
Le conférencier, après avoir constaté que les définitions de<br />
l'honneur que l'on trouve d'ordinaire dans les dictionnaires, les<br />
ouvrages de philosophie, de morale ou de sociologie sont vagues<br />
et parcellaires, se rapportant parfois à des époques où les mœurs<br />
plus ou moins barbares le défiguraient,<br />
en fixe d'abord les ba<br />
ses, les caractères et le domaine. Dire que l'honneur est une ques<br />
tion de conscience est insuffisant parce que cela aboutit à laisser<br />
chacun libre de se faire sa loi individuelle et "son code particulier<br />
de l'honneur.<br />
L'honneur est une loi éminente, divine et spirituelle dans son<br />
principe, humaine et sociale dans ses applications,<br />
qui place<br />
l'homme en présence de sa responsabilité morale devant un Dieu<br />
personnel ou devant quelque chose de sacré participant de la<br />
divinité,<br />
comme le respect des ancêtres pour les Nippons. Il vaut<br />
pour tous les temps, pour tous les lieux, pour toutes les nations<br />
et pour toutes les civilisations. Quand le code de l'honneur exige<br />
— de l'homme jusqu'au sacrifice de sa vie terrestre<br />
— ne le demande donc pas à ses soldats ? il<br />
et quel pays<br />
est bien évident qu'il<br />
suppose un législateur suprême qui attend ses justiciables au<br />
sortir de cette vie terrestre, et, par voie de conséquence, postule<br />
une âme immortelle. C'est pourquoi il ne peut s'accommoder de<br />
ces modalités de l'honneur à œillères ou à éclipses, à réservea ou<br />
à réticences qui permettent toutes les abdications et toutes les<br />
soi-disant objections de conscience. Il ne s'accommodera donc ni<br />
du fumeux rationalisme, matérialisme honteux, ni du communis<br />
me marxiste, qui fait enfanter l'esprit par la matière,<br />
ralisme économique, sans frein spirituel, de Ricardo, d'Adam<br />
Smith, de Stuart Mill et de Malthus, ni du déterminisme philo<br />
ni du libé<br />
sophique et particulièrement religieux qui prêche la prédestina<br />
tion des âmes et pose en principe que la réussite d'entreprises<br />
crée le droit, en le considérant comme l'expression du détermi<br />
nisme mondial, voulu par le Créateur. Hitler, le Parjure, en divi<br />
nisant la pseudo-race allemande, en voulant ériger au rang d'une<br />
religion l'ancien paganisme germain qui, au dire de Tacite, ne<br />
créa aucune civilisation, en faisant assassiner par raison d'Etat<br />
un millier de ses adversaires politiques, en reniant sa signature<br />
comme il respire, en foulant aux pieds l'âme des nations qui ont<br />
le malheur d'être voisines de l'Etat prussien, a réalisé à lui seul<br />
le type du forban de l'honneur, comme homme privé, comme<br />
chef d'Etat et comme homme tout court.
Les peuples n'ont pas, c'est un fait de constatation banale, la<br />
même conception de la vie et de l'univers, qu'ils soient latins,<br />
c<br />
est-a-dire^ catholiques, anglo-saxons, germains, nippons, russes<br />
ou manometans. Mais tous les peuples civilisés peuvent s'enten<br />
dre 'entre eux sous réserve de la compréhension mutuelle du ca<br />
ractère de la partie spécifiquement nationale de leur conception<br />
de la vie et de l'univers, de l'adoption d'un commun diviseur, le<br />
fonds commun de morale purement humaine que l'on trouve<br />
heureusement dans toutes les civilisations parce qu'elle a son<br />
fondement dans la raison et dans la nature. Il ne faut donc pas<br />
s'étonner que la plus haute autorité spirituelle de la terre, et<br />
précisément parce qu'elle se trouve à la tête d'une religion uni<br />
verselle qui_ met sur un même pied toutes les nations et toutes<br />
les races, ait formulé les règles impérieuses de l'honneur inter<br />
national. Les Encycliques sociales des cinq derniers Papes ont<br />
formulé le Credo adopté par toutes les nations chrétiennes qui<br />
relèvent de la civilisation occidentale.<br />
C'est pour avoir méconnu ces règles tutélaires de l'honneur in<br />
ternational que deux fous paranoïaques ont entraîné le monde<br />
dans une tuerie sans précédent.<br />
Mais l'honneur ne saurait être dissocié en honneur national,<br />
professionnel, militaire, diplomatique ou individuel. Il forme un<br />
bloc. Ce n'est que pour la facilité des exposés qu'on le comparti<br />
mente comme les devoirs. Tel qui satisfait à une modalité de<br />
l'honneur comme professionnel, et manque à l'honneur patrioti<br />
que,<br />
n'en est pas moins un taré de l'honneur. L'exaltation incon<br />
sidérée d'une modalité de l'honneur manque facilement de me<br />
sure et d'équilibre. C'est ainsi que le duel couronne trop souvent<br />
une offense par un assassinat, et que l'objection de conscience<br />
sert de paravent à la poltronnere. Telle est la raison pour la<br />
quelle un glorieux ancien combattant est rayé de la Légion d'hon<br />
neur s'il est condamné à une peine infamante. Ce que le Prési<br />
dent de la Cour d'appel, au nom du Code de l'honneur, traduit<br />
en ces termes : « Vous avez manqué à l'honneur, je déclare, au<br />
nom de la Légion,<br />
que vous avez cessé d'en être membre. »<br />
L'honneur, réalisation des vertus humaines communes, et pas<br />
seulement de l'héroïsme et 'de la sainteté, se conquiert, comme<br />
toutes les vertus, de haute lutte. C'est, comme le caractère, une<br />
longue patience avant de devenir une habitude, une seconde na<br />
ture. C'est un choix et c'est un combat contre toutes les sugges<br />
tions du mal, le renoncement aux poussées dévergondées de l'ins<br />
tinct, à l'aiguillon acéré de l'intérêt et de l'argent, à un certain<br />
bien-être, à la popularité de mauvais aloi, à la tentation de pié<br />
l'honneur du voisin. Il brave les brimades et les persécu<br />
tiner<br />
tions la prison, c'est-à-dire les lois humaines injustes, la mort<br />
même. H brave le respect humain qui serait mieux nommé l'ir<br />
de sa propre personnalité. Il comporte une hiérarchie,<br />
respect<br />
de préséance ordre comme les devoirs, mais cette hiérarchie<br />
î^ns leS devoirs n'en supprime aucun, n'en minimise aucun, par-
ce que la primauté d'un devoir n'est qu'une forme plus haute de<br />
ceux qu'elle semble supplanter alors qu'elle les englobe et lès<br />
couronne.<br />
L'honneur demande donc à être cultivé et entretenu dans un<br />
climat propre à son épanouissement,<br />
en commençant par l'édu<br />
cation de l'enfant. C'eêt un combat perpétuel, d'autant plus rude<br />
qu'on mesure mieux les aspérités de la route. C'est parfois un<br />
calvaire, avec, au sommet, une croix. Pour ne parler que de<br />
l'honneur militaire, Jean des Vignes-Rouges, dans l'Ame des<br />
Chefs, nous dit que « le courage c'est de la peur vaincue ». Estil<br />
besoin de rappeler le mot de Turenne à la veille d'une bataille :<br />
« Tu trembles carcasse, mais tu tremblerais bien davantage en<br />
core si tu savais où je vais te conduire » ?<br />
L'homme d'honneur est celui qui définit en toute simplicité la<br />
vieille expression française « d'honnête homme », celui qui, dans<br />
tous ses actes,<br />
répond à cette phrase de Pasteur dans son dis<br />
cours de réception à l'Académie Française : « Heureux qui porte<br />
en soi un Dieu, un idéal de beauté et qui lui obéit : idéal de l'art,<br />
idéal de la science, idéal de la patrie, idéal des vertus de l'Evan<br />
gile. Ce sont là les sources vives des grandes pensées et des gran<br />
des actions. Toutes s'éclairent des vertus de l'Evangile. »<br />
Ces prémisses posées, le conférencier aborde l'historique de la<br />
Légion d'honneur créée par la loi du 29 floréal de l'an X (19 mai<br />
1802) proclamée par le Premier Consul. En fait, la Légion d'hon<br />
neur n'a été que la continuation de l'Ordre de Saint-Louis. Le<br />
décret du 30 juillet 1791 avait supprimé tout ordre de chevale<br />
rie pu autre, toute corporation,, toute décoration, tout signe exté<br />
rieur, tout titre qui suppose des distinctions de naissance, réser<br />
vant à la Constituante le soin de statuer s'il y<br />
aurait une déco<br />
ration unique pouvant être accordée aux vertus, aux talents, aux<br />
services rendus à l'Etat. En fait, tous les gouvernements, dans<br />
tous lés temps, même en U.R.S.S., ont ressenti le besoin de mar<br />
quer d'un signe objectif ostensible les citoyens qui ont accompli<br />
leurs devoirs de façon particulièrement distinguée, pour les citer<br />
en exemple plus que pour flatter leur vanité personnelle, bien<br />
que les bénéficiaires puissent en avoir une légitime fierté. Bona<br />
parte ne pouvait manquer de remplacer les élites qui avaient<br />
disparu dans la tourmente révolutionnaire et de les marquer d'un<br />
signe objectif.<br />
Il organisa primitivement la Légion en cohortes, lui donna des<br />
cadres et une réglementation rigoureuse et surtout ne'la décerna<br />
qu'au mérite, et c'est sous son règne que notre ordre national<br />
jouit d'un prestige incomparable. Sous les gouvernements qui sui<br />
virent, la Restauration, le règne de Louis-Philippe, la Deuxième<br />
République, le Second Empire et la Troisième République, la<br />
Légion d'honneur subit parfois et malencontreusement les vicis<br />
situdes de la politique.<br />
Depuis une cinquantaine d'années, elle eut à traverser des<br />
crises, parfois émaillées de scandales : sous le Président J Gré-<br />
vy, alors que son gendre, le Député Wilson, faisait le commerce
de la Légion d'honneur, à l'époque des « fiches » de triste mé<br />
moire, et, tout récemment, quand elle était devenue une monnaie<br />
électorale aux mains d'un Président du Conseil, Léon Blum, au<br />
teur du livre foncièrement amoral, Du mariage, et d'un Ministre<br />
de l'Education national, Jean Zay, insulteur du drapeau en temps<br />
de paix, déserteur en temps de guerre.<br />
Une réaction s'imposait et elle se fit surtout grâce à l'action<br />
persévérante de l'Association des membres de la Légion d'hon<br />
neur décorés au péril de leur vie. Par des lois, un tableau a été<br />
institué, pour les civils comme pour les militaires, tableau qui<br />
sera publié au mois de janvier pour les personnes susceptibles<br />
d'être décorées au mois de juillet ou de décembre de la même<br />
année, de façon à laisser un délai de six mois pour adresser à<br />
la Grande Chancellerie des requêtes contre des inscriptions abu<br />
sives. Le nombre des croix mises à la disposition de chaque dé<br />
partement ministériel a été sensiblement réduit. Le serment des<br />
Légionnaires -promus dans la Légion a été rétabli à peu près<br />
dans les mêmes termes où il était formulé jusqu'au décret du 5<br />
septembre 1870 qui l'avait supprimé. La loi du 1"<br />
septembre<br />
<strong>1941</strong> le formule ainsi : « Je jure de demeurer fidèle à l'honneur<br />
et à la Patrie, de me consacrer au bien de l'Etat, de n'apparte<br />
nir ni dans le présent ni dans l'avenir à aucune société interdite<br />
dans la loi et de «emplir tous les devoirs d'un brave et loyal Lé<br />
gionnaire. »<br />
Déjà épurée de membres indésirables, la Légion d'honneur re<br />
prendra, grâce à sa nouvelle réglementation, son prestige d'antan.<br />
Supprimez l'honneur dans la famille, dans la profession, dans<br />
la cité, dans le Gouvernement, dans les relations internationales,<br />
que restera-t-il aux citoyens ? Ils auront perdu leur étoile polai<br />
re et se promèneront dans la nuit; il ne leur restera que les vices<br />
qui conduisent les nations à leur perte et à leur radiation de la<br />
carte du monde.<br />
Rétablissez-y l'honneur, en l'honorant, et une nation vaincue<br />
et meurtrie comme la France, qui ne se résoudra jamais à la<br />
mutilation de son territoire, ni à la subordination, sous quelque<br />
forme que ce soit, de sa civilisation ancestrale et chrétienne à la<br />
kultur de l'ancien paganisme germain, ou d'une civilisation asia<br />
tique faite pour d'autres cieux, montrera au monde stupéfait,<br />
attardé à ses faux dieux, qu'elle est capable d'actes de foi et de<br />
volonté grâce auxquels elle se remettra à sa vraie place, à celle<br />
que son passé et sa situation géographique ont inscrite dans<br />
l'Histoire du monde.<br />
Faute de place, il nous est impossible de retracer en détail<br />
l'historique de la Légion d'honneur, de décrire ses insignes avec<br />
leurs<br />
modifications depuis sa création, son organisation et sa<br />
discipline. La conférence in extenso est publiée en une plaquette<br />
éditée par l'Imprimerie Baconnier, 4, rue de Constantine, à Al-<br />
et<br />
se trouve également en dépôt à la Librairie Chaix, rue<br />
d'Isly, n, à Alger.
iù<br />
L'Origine des Zenata<br />
par le Commandant CAUVET<br />
Les Zenata, prétendue race berbère, imaginée par les histo<br />
riens musulmans, n'étaient qu'une simple coalition, formée d'élé<br />
sous tous<br />
ments ethniques divers, aussi hétérogènes que possible _<br />
les rapports, tribus entières, fractions, familles, individualités<br />
isolées.<br />
Ils étaient unis momentanément par un même esprit d'indé<br />
pendance et leur haine commune de l'envahisseur musulman, de<br />
vant lequel ils fuyaient. Ils avaient pris le nom de la petite ville<br />
de Zana qui s'était sans doute fait remarquer à cette époque en<br />
essayant de résister. Ils disparurent aussi promptement qu'ils<br />
s'étaient formés.<br />
Je n'ai pas l'intention d'approfondir ici l'histoire des Zenata.<br />
Plusieurs volumes n'y suffiraient pas, et je ne pourrais que re<br />
copier d'une manière plus ou moins adroite les données que nous<br />
devons aux auteurs musulmans. N'ayant à notre disposition que<br />
leurs inventions pour la période qui concerne leur domination,<br />
nous sommes bien obligés, pour ne pas nous trouver suspendus<br />
dans le vide, de les utiliser et de parler gravement de Zenata,<br />
Sanhadsa et autres races.<br />
Malheureusement on en arrive de la sorte involontairement à<br />
croire à l'existence réelle de ces fantaisies de l'imagination ara<br />
bien que leur inexistence soit prouvée par les indications<br />
be,<br />
toutes différentes des auteurs anciens et par leurs contradic<br />
tions mêmes.<br />
Dès qu'on s'occupe de l'ethnologie des Berbères,<br />
on s'enlise<br />
aux premiers pas dans le fatras d'incroyables sottises amonce<br />
lées par la manie généalogique des Arabes. Ils avaient su d'ail<br />
leurs la communiquer pendant quelque temps aux tribus berbè<br />
res soumises, qui firent elles aussi de la généalogie tant et plus.<br />
Pour cela ils avaient fait complètement litière des renseigne<br />
ments recueillis par les Anciens sur les habitants du pays.<br />
Il faut faire comme eux et n'admettre de leurs élucubrations<br />
que ce qui se rapporte aux faits dont ils ont été témoins eux-<br />
mêmes. Encore sait-on ce que l'esprit de parti peut produire,<br />
même dans ce cas !<br />
Quoi qu'il en soit, je veux me borner à rechercher l'origine<br />
vraie des Zenata proprement dits et des tribus agrégées si c'est<br />
possible. Que sont devenues ces tribus qui ont rempli de leur<br />
nom les livres des anciens chroniqueurs musulmans ? Qu'étaientelles<br />
au juste ?
*<br />
* *<br />
Si nous nous adressons au grand historien des Berbères, Ibn<br />
Khaldoûn, nous trouvons sur les Zenata un passage célèbre (.1)<br />
qui nous mettra sur la voie à suivre. Il nous apprend, en effet,<br />
que leur nom est formé d'après celui de leur ancêtre Diana, que<br />
ce mot se prononce plutôt Zana, et qu'à son sens, les Zenata,<br />
loin d'être des Arabes comme ils essaient de le faire croire, sont<br />
de souche kananéenne, affirmation dont je vais montrer un peu<br />
plus loin le bien fondé.<br />
Il est vraisemblable d'ailleurs qu'Ibn Khaldoûn ne se doutait<br />
pas lui-même de l'inexactitude de sa proposition, car on était à<br />
son époque absolument ignorant de l'hydrographie de la Haute<br />
Asie qui est cependant si importante pour la connaissance des<br />
peuples qui viennent de cette région.<br />
En réalité, Djana,<br />
en dépit des belles généalogies des auteurs<br />
berbères, toutes différentes entre elles du reste, était une petite<br />
ville, Zana, dont les ruines existent encore à 80 kilomètres à vol<br />
d'oiseau de Constantine vers le Sud-Est. Elle est au bord d'un<br />
chott appelé le Chott Zana, et elle est dominée au Nord-Ouest<br />
par une montagne appelée le Djebel Zana (2).<br />
Les Romains, dans leur profonde indifférence pour leurs su<br />
jets africains, ne nous ont jamais parlé de cette petite cité qu'ils<br />
appelaient d'ailleurs Diana Veteranorum. Elle a repris son nom<br />
après leur départ. Les fouilles de Zana entreprises depuis plu<br />
sieurs années ont donné des résultats épigraphiques intéressants<br />
en ce qui concerne l'époque romaine. On se rend bien compte<br />
que les descendants de ces vétérans romanisés,<br />
11<br />
qui étaient peut-<br />
être nés dans la région ou s'y étaient alliés, formés au service<br />
des Romains,<br />
mélangés aux populations xénophobes du pays où<br />
ils vivaient, aient pu prendre, à un moment donné, l'initiative<br />
sinon la direction du mouvement de défensive contre les nou<br />
veaux envahisseurs et que l'ensemble des populations qui se dres<br />
sèrent à leur voix ait été connu sous le nom de Zenata.<br />
Les populations de cette région étaient farouchement indépen<br />
dantes et hostiles aux étrangers. Elles le sont encore parce qu'el<br />
les ont beaucoup de sang circassien. On sait qu'au Caucase, les<br />
Circassiens, plutôt que de se soumettre aux Russes, ont préféré<br />
s'expatrier et émigrer en Turquie d'Asie, où ils se sont fait dé<br />
tester aussitôt de tous leurs voisins. Cela nous a permis, en Sy<br />
rie, d'employer ceux que nous y avons trouvés pour faire la<br />
police du pays, seul moyen d'utiliser les gens de cette trempe.<br />
Il se passa sans doute un fait analogue à l'apparition des Ara<br />
bes, mais la xénophobie native des Zenata et de certains ele-<br />
(1) Ibn Khaldoûn. Histoire des Berbères. Traduction de Slane III, p.<br />
1 ftfl 1 RS<br />
N°<br />
Voir la feuille<br />
(2)<br />
27 de la carte de l'état-major au 200.000e de l'Al<br />
gérie.
12<br />
ments groupés autour d'eux fut contrebalancée, comme nous al<br />
lons le voir plus loin, par des dispositions toutes différentes d'au<br />
tres éléments agrégés.<br />
Il en est résulté d'une manière générale une ligne de conduite<br />
assez inexplicable de la part des prétendus Zenata et qui justi<br />
fie amplement ce que les auteurs arabes nous racontent de leurs<br />
apostasies et de leurs trahisons multiples.<br />
Certaines tribus dites Zënatiennes se sont jetées dans les bras<br />
des Arabes et les ont aidés à soumettre leurs compatriotes. D'au<br />
tres, au contraire, ont préféré s'enfuir au Soudan et au Nigeria<br />
où nous les retrouvons encore.<br />
#<br />
* *<br />
Le fait de la descendance circassienne des populations qui<br />
occupent le centre de la région du département de Constantine<br />
est la première chose à établir. Elle se reconnaît surtout aux<br />
noms qu'elles ont fidèlement conservés et à leur esprit xénopho<br />
be particulier qu'elles semblent avoir communiqué aux autres tri<br />
bus qui sont venues se fixer au milieu d'elles et se sont sans<br />
doute mélangées avec elles.-<br />
Zana représente le nom des Jana ou Jani des anciennes no<br />
menclatures caucasiennes. Klaproth cite chez les Abkhazes une<br />
petite tribu de ce nom d'origine circassienne qui venait d'être<br />
entièrement détruire depuis peu. Il écrivait en 1823 (1). En ou<br />
tre, une des huit tribus des Circassiens, dont sortaient sans dou<br />
te les précédents, portait ce même nom. En 1864, la majeure<br />
partie de ce peuple a émigré, comme je l'ai dit, en territoire turc,<br />
de sorte qu'il est possible que ce nom ait disparu complètement<br />
du Caucase.<br />
Au moyen âge on les connaissait sous le nom de Zannes ou<br />
Tzannes (2). Les anciens leur ont donné les noms de Sanni, Sanikhi,<br />
Zanikhi, Tsannoi, Sanige.s. Les variations et les altérations<br />
de ce nom sont des plus abondantes (3), comme c'est l'habitude<br />
dans la région caucasienne.<br />
On pense bien que cette seule-<br />
similitude ne suffirait pas à<br />
établir la descendance circassienne des Zana ou Zenata, mais<br />
on trouve précisément dans toute la région centrale du départe<br />
ment de Constantine et de la Tunisie d'autres noms fort signifi<br />
catifs qui viennent corroborer cette identification.<br />
C'est ainsi que le ksar ruiné de Bellezma, qui a donné son nom<br />
à une petite contrée située entre Zana et lui, correspond à l'exis-<br />
(1) Klaproth. Voyage au Mont Caucase, I p. 237, II -p. 377-381.<br />
(2) Charles Lebeau. Histoire du Bas-Empire, III, 132,, IV, 27.<br />
(3) Pour tous les noms caucasiens, se reporter à Chotard, Le Périple de<br />
la Mer Niore d'Arrien. —<br />
Alxandre Baschmakoff : Cinquante siècles d'évo<br />
lution ethnique autour — de la Mer Noire. Ayten<br />
— des Circassiens. Commandant Cauvet : Origines caucasiennes des Toua<br />
reg, B.S.G.A. 1924.<br />
Namitok : Les Origines
ience d'une autre tribu circassienne, les Belezmié ou Bélesnié.<br />
Les Bellezmas, disparus dans les luttes entre Berbères, furent,<br />
dit-on, de valeureux guerriers dont le souvenir s'est conservé<br />
dans les chroniques musulmanes.<br />
La principale tribu des Circassiens du Caucase,<br />
qui donna au<br />
trefois son nom à l'ensemble de ce peuple, était celle des Anighé<br />
ou Zighé.<br />
Les Zighés semblent avoir pris une part des plus importantes<br />
dans les migrations des Ibères et de tout le Caucase en Afrique<br />
et dans les autres parties du monde,<br />
13<br />
car on trouve un peu par<br />
tout leur nom, même porté par d'autres peuples qui s'en sont<br />
parés,<br />
mination,<br />
simplement pour avoir passé quelque temps sous leur do<br />
comme les célèbres Tsiganes.<br />
Pour ce qui est du département de Constantine, ils sont re<br />
présentés dans sa partie Nord par les Zouagha qui, de nos jours,<br />
fournissent un bon contingent à nos régiments de tirailleurs.<br />
Près de Cirta (Constantine) il , y avait un village de Sigus. Plus<br />
au Sud, autour de Zana, on trouve des noms de tribus comme<br />
les Seguène de Batna dont l'appellation est tirée de l'oued Se<br />
guin, les Segnia d'Aïn-Mlila, les Seggana du bordj Seggana de<br />
Barika,<br />
ainsi nommés d'après un oued du Hodna oriental et<br />
qui ont porté le nom de Lakhdar Halfaouia, peut-être aussi de<br />
multiples fractions de Zegagda, Zegagta, Zegagra, qu'on trouve<br />
dans les tableaux de commandement des tribus constantinoises.<br />
Plus à l'Est en Tunisie, la ville de Zaghouan s'appelait autre<br />
fois Zigga.<br />
*<br />
* *<br />
Il ne semble pas possible de contester que cette région ait<br />
reçu autrefois un apport de<br />
proto-circassiens dont l'esprit indé<br />
pendant et batailleur a toujours semé le trouble dans cette con<br />
trée. A l'époque romaine ce fut Jugurtha qui apparut le premier<br />
dans l'histoire,<br />
En l'an 6, Juba II,<br />
tout au moins dans l'histoire écrite.<br />
souverain de la Numidie, vit ses sujets<br />
se soulever contre lui et il dut faire réprimer leur révolte par<br />
le général romain Lucius Cornélius auquel ses exploits valurent<br />
le nom de Gétulicus. Quelques années plus tard, ce fut le tour<br />
de Tarfarinas. Bref, à cette époque, les Romains durent orga<br />
niser un territoire militaire sur le revers Nord de l'Aurès, à Te-<br />
bessa d'abord,<br />
Entre temps, la<br />
puis à Lambèze.<br />
prétexte à tous ces enragés :<br />
question religieuse avait servi d'arme et de<br />
catholicisme contre paganisme do-<br />
circoncellionisme contre les cathohques, puis khared-<br />
natisme et<br />
jisme et chiisme contre l'Islam orthodoxe qui ne reprit toute sa<br />
force que lors de l'apparition des Français.<br />
Contre les Turcs, comme l'a fait remarquer le colonel Rmn (1),<br />
-—rr-^îo^eTRinn : Histoire de l'insurrection de 1871 en Algérie, p. 471,<br />
'J (1) . i<br />
note.
14<br />
il en a été de même : révoltes en 1771 sous Salah-bey, en 1794<br />
sous Mostefa-Bey el Ouznadji, en 1811 sous Naaman-bey, en<br />
1818 sous Mohammed Tchakour-B-ey, sans compter leurs démê<br />
lés avec leurs chefs locaux de race arabe, les Bou-Aoun.<br />
On sait la résistance que nous opposa cette région après l'oc<br />
cupation de Constantine et en 1871. En 1879, nouvelle insurrec<br />
tion qui se produisit sans être motivée et appuyée par aucun évé<br />
nement extérieur et qui est intéressante parce qu'elle a montré<br />
que la xénophobie des Berbères de cette contrée l'emporte sur<br />
leur attachement à l'Islam. Ils massacrèrent en effet le fils d'un<br />
de leurs chefs religieux, Si Hassein ben bel Abbas, fait que je<br />
crois unique dans les annales algériennes.<br />
Sérieusement éprouvées à cette époque, les tribus de l'Aurès<br />
s'en souvinrent pendant la guerre de 1914, mais ce fut alors<br />
le tour de leurs voisins de l'Ouest qui vinrent assassiner traîtreu<br />
sement à Mac-Mahon (Aïn-Touta) le sous-préfet de Batna et<br />
l'administrateur d'Aïn-Touta (12 novembre 1916) alors que tou<br />
tes les populations de l'Algérie unissaient leurs efforts aux nô<br />
tres contre l'ennemi.<br />
On se rappelle enfin les révoltants massacres de Constantine<br />
d'août 1934 dont les auteurs principaux furent des bouchers de<br />
Taher. Ils appartenaient aux Irdjana, fraction des Beni-Iddour,<br />
et ce nom est significatif.<br />
Si je rappelle sommairement tous ces faits, c'est pour bien<br />
établir que les populations dont Zana est le centre et qui furent<br />
le noyau des Zenata, sont formées d'inexorables xénophobes,<br />
d'incoercibles séditieux et que les inventions des chroniqueurs<br />
musulmans qui nous représentent les Zenata comme dévoués<br />
aux intérêts de l'Islam, dès le début sont extravagantes, et que<br />
leur trouvaille d'une race Zenatienne n'a pas le sens commun.<br />
En recherchant au delà du Caucase l'origine des Jana, on est<br />
amené à reconnaître que suivant les coutumes des peuples de la<br />
Haute Asie, ils étaient issus de la vallée de la Tana, grand fleuve<br />
tributaire de l'Océan Glacial où il se jette un peu à l'Est de la<br />
Lena. C'est le cours d'eau le plus important que l'on trouve en<br />
tre la Lena et l'Indigirka.<br />
C'est de cette contrée que sont venus les Kananéens qui ti<br />
raient leur nom de celui de la rivière Kananeya, affluent de<br />
l'Océan Pacifique un peu au Nord et non loin de l'embouchure<br />
du fleuve Amour.<br />
Ce fait confirme les assertions d'Ibn Khaldoûn qui donne aux<br />
Zenata une origine kananéenne et repousse leurs prétentions à<br />
une descendance Himydrite.<br />
On doit se rappeler que les fictions généalogiques des Arabes<br />
ont été appliquées par eux au Nord-Est de l'Asie et les Kana<br />
néens doivent être compris parmi ces descendants d'Amour, fils
'<br />
de Soubil, fils de Jafet, fils de Noé que Maconds, dans ses Prai<br />
ries d'Or, nous représente comme arrivant jusqu'aux extrémi<br />
tés orientales du Nord de l'Asie (1).<br />
Le nom de la Jana se transcrit aussi suivant la phonétique<br />
_<br />
des peuples qui ont été en contact avec ses habitants : Iana,<br />
lama, Yama, Yape, Yava,<br />
et ces diverses formes que je n'ai pas<br />
à étudier ici ont servi à nommer des peuples divers. Cette vallée,<br />
vidée à un moment donné par l'exode de tous ceux qui y vivaient,<br />
a été repeuplée un peu plus tard par les Yakoutes, qui seraient<br />
venus du Sud et qui l'occupent encore.<br />
Un sous-affluent de l'Obi porte aussi le nom de Yana qui lui<br />
a été sans doute conféré par une migration des tribus de la ri<br />
vière précédemment nommée.<br />
On ne s'étonnera pas qu'en raison de la proximité du détroit<br />
de Behring, une certaine quantité de fractions sorties de la vallé<br />
-de la Jana ait pu gagner l'Amérique lors des formdiables exo<br />
des, qui sortaient de Sibérie.<br />
On trouve ainsi dans l'Amérique du Sud les Janaes,<br />
15<br />
ou Janaes<br />
Timbus, Chanas Timbues, Tsana Timbués ou Quilocas du Rio<br />
de la Plata. La phonétique espagnoles a transformé Jana en<br />
Chana et d'ailleurs on remarquera qu'Ibn Khaldoûn, qui était<br />
lui-même né en Espagne, emploie parfois cette graphie pour le<br />
prétendu ancêtre des Zenata. Les linguistes emploient l'ortho<br />
graphe savante Tsana.<br />
On trouve encore des Janaes Bequaes au Rio de la Plata, des<br />
Janaes Vequas à l'Uruguay, des Chanas, Chana, Chanaes, in<br />
diens Guadanis de l'Uruguay, du Paraguay, du Yucatan.<br />
Enfin, dans l'Amérique du Nord où sont passés tous ces émi-<br />
grants, il est resté chez les Apaches des Janos ou Janevos qui<br />
s'y<br />
sont attardés.<br />
Toutes ces tribus sont restées à peu près sauvages jusqu'à ce<br />
jour (2).<br />
*<br />
* *<br />
J'ai dit plus haut que les Zana d'Afrique y étaient venus en<br />
tant que membres du peuple des Circassiens qui s'appelaient au<br />
trefois Zyghe ou Adiche, et qui fuyaient le Caucase pour une<br />
cause que nous ne connaissons pas bien. Le récit d'Hérodote sur<br />
l'invasion des Scythes nous amène à une époque trop tardive<br />
et qui doit être l'épilogue d'événements ayant commence beau<br />
coup<br />
plus tôt. L'invasion des peuples de la mer des Annales<br />
égyptiennes qui a jeté en Afrique un millénaire plus tôt au bas<br />
mot des Quantités de Caucasiens et d'Asianiques, parait se rap<br />
procher beaucoup<br />
plus de la date exacte ou commencèrent ces<br />
"T^n^Indant Cauvet : Le Djebel Amour, B.S.G.A., 1934.<br />
p ces tribus américaines dont le nom figure dans le Diccionario<br />
^' americevno de Gabriel Vergara Martin, on peut se reporter à<br />
.fico<br />
.<br />
etnograf ,<br />
_ ^gg ina\en8 gans \e Chaco.<br />
Nordenskioia . ^
16<br />
troubles. Les égyptologues fixent la lutte soutenue par les Pha<br />
raons contre les nouveaux arrivants au XVIe siècle avant notre<br />
ère, et on doit admettre que pour se reconstituer sur la terre<br />
d'Afrique en corps de nations, il leur avait fallu un certain dé<br />
lai que nous devons fixer à environ un siècle. Ce serait donc dans<br />
la première moitié du second millénaire avant notre ère que<br />
commença l'exode des Zyghe et de leurs fractions, ainsi que celui<br />
des peuples voisins.<br />
*<br />
* *<br />
Mais nous sommes beaucoup plus exactement fixés sur la ma<br />
nière dont ils effectuèrent leurs migrations, car les côtes d'Afri<br />
que sont jalonnées de ports qui portent les mêmes noms que leurs<br />
points de départ des rivages asiatiques de la Mer Noire et de la<br />
Mer Egée, ou même que les villes de l'intérieur.<br />
Les plus remarquables sont Ma, située à l'embouchure du<br />
Phase et dont l'homonyme africaine fut la Tripoli actuelle. Plus<br />
important encore paraît avoir été le havre du promontoire de<br />
Leptès près de la ville actuelle de Sinope, car il eut deux homo<br />
nymes, l'un près d'JEa dans la Grande Syrte qui porta le nom de<br />
Leptis Magna, puis de Lemta, l'autre au Nord de la Petite Syrte<br />
que l'on appela Leptis Minor, puis Lemta (1).<br />
Le peuple des Zygh s'est réparti entre les deux Leptis; ceux<br />
qui ont débarqué dans la Grande Syrte sont devenus des Gara-<br />
mantes et plus tard des Touareg voilés; les autres qui arrivè<br />
rent en Numidie se sont fondus parmi les populations dites Ber<br />
bères. C'est parmi ces derniers que figuraient les Jana et les<br />
Bellezma avec un certain nombre de Zyghé.<br />
C'est aussi à Leptis Minor ou dans les ports voisins qu'abouti<br />
rent les habitants des deux villes de la Médie Madrassa et Barana<br />
dont les noms ont servi aux généalogistes arabes pour fabri<br />
quer les deux grandes branches des Madghes et Branes. Une<br />
troisième grande ville de la Médie, Chemakha, avait vu au con<br />
traire son nom transporté dans le Djebel Nefonça, où il a dis<br />
paru (2).<br />
*<br />
* *<br />
Je n'ai pas la prétention d'examiner ici toutes les tribus qui<br />
s'agrégèrent aux Zenata proprement dits, ni même d'en dondonner<br />
la nomenclature raisonnée. Un volume n'y suffirait pas.<br />
(1) Mentionnons encore, bien qu'ils n'aient pas d'importance pour notre<br />
sujet, les noms de Thapsus (Ras Dimas) et de Sousse que les Carthaginois<br />
appelaient Hadrumète, répliques des Thapascum et Soussa Kananéennes.<br />
(2) Le promontoire de Leptès (actuellement Indjeli Bouroun, près de Si<br />
nope) est signalé dans le Périple d'Arrien et me fait considérer comme er<br />
ronée l'identification que j'avais donnée dans les Origines Caucasiennes<br />
des Touareg —<br />
IV 1924 et I 1925 —<br />
B.S.G.A. avec Libda, localité de l'in<br />
térieur de la Géorgie. De même les noms de Madghès et de Branès, bien<br />
qu'ils semblent indiens d'origine, sont venus de la Médie ancienne.
Les listes des divers auteurs musulmans ne concordent pas en<br />
tre elles et diffèrent suivant l'époque où ils écrivaient, les cir<br />
constances politiques et le parti qui était alors au pouvoir (1).<br />
Beaucoup de ces noms ont d'ailleurs disparu sous l'influence<br />
dissolvante des coutumes arabes qui forment les noms des tri<br />
bus d'après des patronymes empruntés à des personnalités plus<br />
ou moins notoires, quelquefois à des appellations toponymiques<br />
transformées en noms propres.<br />
Les uns comptent comme Zenata des collectivités que d'autres<br />
appellent Sanhadsa, autre pseudo-race due également à l'ima<br />
gination arabe. Dans l'état actuel, je ne crois pas qu'il soit pos<br />
sible d'établir un classement satisfaisant des tributs dites Ze-<br />
natiennes.<br />
Je me contenterai donc d'en examiner quelques-unes des plus<br />
connues et des plus intéressantes.<br />
Ce sont principalement des montagnards venus de l'Est, du<br />
Djebel Nefonça, qui encercle la Grande Syrte depuis le golfe de<br />
Gabès jusqu'à hauteur de Tripoli. Ce furent les premiers qui<br />
s'enfuirent devant les envahisseurs venant de l'Orient.<br />
Les Maghraoua qui occupent la première place à tout point<br />
de vue dans l'histoire des Zenata tiraient, semble-t-il, leur nom<br />
de Magkrao, localité située, d'après M. de Slane, dans les mon<br />
Avec eux étaient les Béni Ifren<br />
tagnes du Sud de Tripoli . (2)<br />
et les Béni Demmer. Il y a encore dans le Djebel Nefonça un<br />
ksar d'Ifren et un Djebel Ifren, puis un Djebel Demmer. Par<br />
les soins des généalogistes musulmans, ces noms sont devenus<br />
ceux d'ancêtres pourvus de généalogies bien en règle. Il en est<br />
de même des Nefonça, mais ceux-ci, par une inconséquence bi<br />
zarre, ne font pas partie des Zenata, mais forment une bran<br />
che indépendance de la branche de Madgaes. Dans le même or<br />
dre d'idées, on notera que les Béni Ifren sont parfois considé<br />
rés comme Matmata et non comme Zenata qui en sont distincts.<br />
La région<br />
fonça en se<br />
montagneuse des Matmata fait suite au Djebel Ne<br />
redressant vers le Nord en Tunisie.<br />
La région synclinale et artésienne du Nefzaoua, qui s'étend à<br />
l'Ouest du Djebel Nefonça, et ses habitants, les Nefzaoua des<br />
cendants<br />
des Louata.<br />
prétendus d'un certain Nefzao, sont considères comme<br />
Les tribus zenatiennes<br />
reparaissent dans les montagnes de<br />
l'Aurès avec les Djeraoua et les Miknaca. Ces derniers, qui fori<br />
peuplaient alors le versant<br />
nt iSuftard Meknès au Maroc,<br />
-V^TpTr exemple Ibn el Ahmar : Rawdat el Nisrin. Traduction<br />
Ghamtsi Bou Ali et Georges Marçais,<br />
p. 47.<br />
(2) Ibn Khaldoûn : Histoire des Berbères,<br />
Maghrao de M. de Slane.<br />
1?<br />
traduction^e Slane. P-X.O.
18<br />
Sud de l'Aurès. Les Oudjana, dont on trouve des fractions dans<br />
les communes de Khenchela, de Sedrata et de l'Oued Cherf, sont<br />
comptés tantôt comme Ketama, tantôt comme Zenata. Cette opi<br />
nion paraît reposer sur leur nom que certains auteurs regardent<br />
comme signifiant fils de (ou) Djana. On ne voit pas bien pour<br />
quoi ils ne s'appelleraient pas Zenata comme les autres et je<br />
crois pour ma part que leur nom est venu tel quel de l'Inde (1)<br />
avec le stock des Chamba, Mandara, Nara, Sedrata, Rakçasa,<br />
Ter.nata, etc..<br />
Dans l'Aurès, les Auréba qui peuplaient la partie occidentale<br />
de cette montagne n'étaient pas Zenata et formaient une race à<br />
part rattachée à la souche des Bernés.<br />
Au Nord, dans la région accidentée du Tell, tes Zouagha et<br />
parfois aussi les Zouara étaient considérés comme Zenata et j'es<br />
time que c'est avec raison, leur nom étant une altération de Zi-<br />
ghis.<br />
*<br />
* *<br />
La comparaison de deux des principales tribus montagnardes<br />
que je viens de nommer, les Maghraoua du Djebel Nefouça, d'une<br />
part, et les Djeraoua de l'Aurès, va montrer combien sont diffé<br />
rentes entre elles ces prétendues tribus zenatiennes.<br />
A la bataille de Sbitla (647),<br />
où périt l'exarque Grégoire et où<br />
la domination Byzantine fut renversée, les Maghraoua, qui<br />
avaient déjà fuit leur pays, avaient amené un contingent de guer<br />
riers commandés par leur chef, Ouezmar ben Soulat. Celui-ci fut<br />
capturé et le vainqueur l'envoya au khalife Otsmane ben Affane.<br />
Peut-être que pour sauver sa vie, le seigneur des Maghraoua<br />
s'était d'avance engagé à se soumettre avec les siens à la loi de<br />
l'Islam. Il n'est même pas interdit de se demander si avant la<br />
bataille il n'y avait pas eu des tractations secrètes dans ce sens.<br />
Quoi qu'il en soit, le khalife reçut avec bienveillance la soumis<br />
sion d'<br />
Ouezmar et lui donna l'investiture qu'il demandait. Depuis<br />
lors, nous dit Ibn Khaldoûn (2), les Zenata, qui avaient au début<br />
opposé une vigoureuse résistance aux musulmans, leur furent<br />
entièrement dévoués.<br />
Cette volte-face eut une importance capitale, car 35 ans plus<br />
tard, lorsque le grand conquérant Otba ben Nafé, dans son raid<br />
fameux sur le Sous, se heurta aux Masmouda de l'Atlas, ce furent<br />
les Maghraoua qui vinrent à son secours et l'aidèrent à vaincre.<br />
On peut interpréter ce fait de deux manières. Dans leur fuite<br />
précipitée, les Maghraoua, quittant la Tripolitaine, seraient par*<br />
venus assez tôt au Maroc où Okba les trouva installés, ou bien<br />
(1) Commandant Cauvet : Les Origines orientales des Berbères, B.S.G.A.<br />
IP, 1927.<br />
(2) Ibn Khaldoûn, 1. c. I, p. 199.
encore, comme l'affirment certains chroniqueurs (1), les Béni<br />
Abdelouab, puissante fraction de cette tribu, avaient-ils accom<br />
pagné Okba comme auxiliaires dans son expédition.<br />
Ils furent récompensés de leur conduite, car ils purent créer<br />
une dynastie à Tlemcen et un peu plus tard, ayant essayé de<br />
revenir dans leur ancienne patrie, ils faillirent en instaurer à<br />
Tripoli une seconde, que l'arrivée des Hilaliens put seule faire<br />
disparaître (Béni Khazeroun).<br />
Actuellement, il reste encore des fractions de Maghraoua por<br />
tant ce nom et non celui de Zenata à Aïn-Bessem et au Guergour.<br />
Il y a aussi des Magra sans doute de même origine à Barika, à<br />
Lourmel, à Bou-Tlélis.<br />
Le fait qu'il y a de par le monde diverses rivières Magra, Ma-<br />
gro, etc. (2), semble indiquer pour ce peuple une origine primi<br />
tive touranienne. Et, de fait, je trouve dans le bassin de la Zena,<br />
c'est-à-dire dans la contrée d'où sortirent les Kananéens, une<br />
rivière Marara dont la graphie correspond précisément à celle<br />
qu'emploient les arabisants modernes pour transcrire le nom des<br />
Maghraoua : Marraoua.<br />
*<br />
* *<br />
En regard de ce peuple opportuniste, examinons le cas des<br />
Djeraoua, défenseurs opiniâtres de leur indépendance nationale<br />
et de leur foi. Ceux-là ne fondèrent pas de dynasties aux dépens<br />
des autres Berbères et ils combattirent vaillamment jusqu'à leur<br />
disparition. Ils préférèrent, en effet, s'enfuir au Soudan que de<br />
se soumettre. On trouve dans la Nigeria septentrionale (3) des<br />
tribus nommées Jarawa de la province de Bauchi, Jera de la pro<br />
vince d'Yola, Gerawa du Bauchi, qui paraissent bien être venues<br />
de l'Aurès, malgré l'état dégradé dans lequel elles se trouvent<br />
actuellement. Avec elle voisine une tribu de Narabunu, dont le<br />
nom semble indiquer un essaim sorti des Nara, leurs voisins ber<br />
bères.<br />
Chose encore plus étonnante, il y<br />
a dans leur voisinage en Ni<br />
geria un district de Nasarawa. Ce n'est pas là un nom nègre ni<br />
berbère ; c'est le nom arabe des sectateurs de Jésus de Nazareth.<br />
Il y aurait donc eu des chrétiens de l'Aurès qui se seraient enfuis<br />
dans le Sud avec les Djeraoua et Nara.<br />
A titre de curiosité,<br />
voici les noms des tribus de ces Nasara<br />
wa : Afo, Agatu, Aike, Ankwe, Arago, Aruchi, Ayu, Gwandara,<br />
Gwari, Ganagana, Gade, Igara, Jaba, Kagoma, Kagoro, Kaje,<br />
Kamberi, Kaninkwom, Koro, Mada, Marna, Moroa, Ninzam, Numana,<br />
Nungu, Rubu, Toni, Yeskwa. II serait intéressant de sa-<br />
(1) Ibn Khaldoûn, 1. c. III,<br />
p. 305.<br />
(2) Rivières Magra du Hodna, du golfe de la Spezzia en Italie, Magro<br />
d'Espagne, Maghera et Maghara d'Irlande.<br />
(3) C.-K. Meek : The Northern tribes of Nigeria, II,<br />
carte la et l'index de l'ouvrage.<br />
19<br />
p. 188. Voir aussi
20<br />
voir quelles sont celles de ces tribus auxquelle s'applique particu<br />
lièrement ce nom de Nasarawa, car il y a un grand enchevêtre<br />
ment de populations diverses dans cette contrée.<br />
D'autres Djeraoua se réfugièrent dans la région de la Molouia<br />
et y fondèrent même une ville portant leur nom à l'embou<br />
chure du Kiss,. Elle est actuellement en ruines et ses habitants<br />
se sont dispersés.<br />
D'autres fractions de Kabylie et du Tell qui portent le nom<br />
de Djerah à Palestro, à Berrouaghia, à la Soummam ou d'autres<br />
altérations plus sérieuses de ce même nom paraissent indiquer<br />
d'autres essaims de ce peuple vaillant.<br />
Les Djeraoua étaient venus sans aucun doute de Palestine (1).<br />
C'étaient des Kananéens, par conséquent, au sens qu'on donne<br />
habituellement à ce mot, mais je ne retrouve pas dans l'hydro<br />
graphie sibérienne la vallée dont ils ont pu sortir.<br />
On a cru voir dans les Djeraoua une tribu juive, ce qui ne pa<br />
raît pas exact : leur reine, la célèbre Kahena, faisait transporter<br />
devant elle, sur un dromadaire, une idole,<br />
ce qui est contraire<br />
aux principes essentiels du judaïsme. On connaît aussi l'adoption<br />
par elle d'un prisonnier jeune et beau, ce qui est un rite encore<br />
usité au Caucase, mais non chez les Israélites (2).<br />
On donne de ce rite une explication particulière qui semble<br />
bien s'appliquer au cas de la Kahena. Chez les Ossètes, le séduc<br />
teur d'une femme mariée avait un moyen d'échapper à la peine<br />
sévère qu'il avait encourue et à la vengeance de la famille et du vil<br />
lage offensés : c'était de se faire adopter par la femme qu'il avait<br />
séduite en prenant son sein dans sa bouche et en lui donnant le<br />
nom de mère . (3) Il jurait en même temps de la respecter comme<br />
telle et devenait son fils adoptif et un membre de sa famille. La<br />
Kahena, pour échapper aux critiques de son peuple, aurait eu<br />
recours à ce moyen de sauver son amant.<br />
J'ai mentionné plus haut les Miknaca du versant Sud de l'Au<br />
rès ; une de leurs fractions, les Immededren, des Touareg Aouelimminden,<br />
qui a fondé une dynastie à Sidjilmessa, au Sud du<br />
Maroc, sous le nom de Béni Midrar, se vantent d'être les auteurs<br />
du massacre du conquérant Okba ben Nafé, en 683, à Thouda,<br />
à l'Est de Biskra, lors de son retour du Maroc. Ils le connaissent<br />
sous le nom de Roktaboul Moustejab (4). On peut juger par ce<br />
trait du peu d'homogénéité des prétendus Zenata.<br />
A l'Ouest de l'Aurès, une autre grande tribu, celle des Ghamra,<br />
qui a laissé des ruines indiquant une certaine civilisation, dans<br />
le Djebel Bou Kahil, était aussi considérée comme zénatienne.<br />
(1) Autran : Phéniciens, p.<br />
113.'<br />
(2) Klaproth : Voyage au Mont Caucase, I, 359.<br />
(3) L'ethnographie, 15 décembre 1935, pp. 27.<br />
(4) Cortier : D'une rive à l'autre du Sahara, p. 379.
Je pense que c'était un démembrement des Ghomara du Rif et<br />
qu'ils étaient venus d'Europe par l'Espagne, car lorsque les Oulad<br />
Naïls les chassèrent de leur pays, ils gagnèrent l'Est où on<br />
les trouve encore, répartis entre l'Oued Rir où ils sont devenus<br />
nègres, le Zab Rharbi où ils ont des représentants chez les Amour<br />
de l'Est et les Arab Gheraba, et les communes de Bou-Tlélis, d'El-<br />
Ançor et d'Aïn-Touta. Je suppose que les Ghomera d'Aïn-Bessem<br />
et les Ghomeriane ou Ghoumeriane des communes d'Oued-Cherf,<br />
de Sefia, de Châteaudun-du-Rhumel, de Fedj-Mzala leur sont<br />
aussi apparentés.<br />
Les Ghomara (1) du Rif étaient rattachés par les généalogistes<br />
tantôt aux Azdadja ou aux Masmouda de la branche berbère des<br />
Branès, tantôt aux Zenata de la branche des Madghès.<br />
On comptait aussi comme Zenata tous les berbères qui s'étaient<br />
réfugiés au cours des âges dans les palmeraies du Sahara et on<br />
en avait formé les Zenata dits de la 2e<br />
tout à fait obscure.<br />
21<br />
race, dont l'évolution est<br />
Ghadamès, Ouargla, le Touat, l'Oued Draa étaient aussi peu<br />
plés de tribus zenatiennes devenues aussi noires de peau que les<br />
populations nègres qui les avaient précédées. Les généalogistes<br />
musulmans les considéraient comme issues d'un certain Ouacine<br />
dont nous ne savons absolument rien.<br />
Beaucoup de noms de ces tribus zenatiennes de la deuxième<br />
race sont composés avec le préfixe oua et il serait bien possible<br />
que dans certains cas il ne s'agisse pas du terme berbère ou<br />
(fils de) mais plutôt d'un préfixe propre à certaines races<br />
grès : oua.<br />
Les Béni Abdelouad donnent lieu à une remarque assez décon<br />
certante. Comment pouvaient-ils être porteurs d'un nom patro<br />
nymique théophore d'origine arabe, trente-cinq<br />
ans seulement<br />
après la première apparition des bandes musulmanes, c'està-dire<br />
avant qu'une nouvelle génération eût pu réellement s'ins<br />
taurer et prendre la tête de cette tribu ? Ce fait donne une idée<br />
de la méfiance que l'on doit conserver vis-à-vis des chroniqueurs<br />
musulmans de cette époque.<br />
J'ai montré plus haut qu'en réalité les Zenata proprement dits<br />
étaient caucasiens,<br />
mais diverses autres tribus ont assurément<br />
une autre origine ethnique; mais il serait trop long de les re<br />
chercher, bien que j'en ai déjà indiqué certaines dans divers<br />
travaux antérieurs.<br />
M. le Professeur E.-F. Gautier soutenait avec le talent qu'on<br />
lui connaît une thèse toute différente. Pour lui, les Zenata, d'ori<br />
gine inconnue, apparurent venant de l'Extrême-Sud. C'est à eux<br />
que l'on doit l'heureuse introduction du palmier et du chameau<br />
qui ont modifié les conditions de vie dans le Sahara (2).<br />
(1) Ibn Khaldoûn, 1. c. I, 176-185, III, 283.<br />
(2) E.-F. Gautier : Le Sahara, Les Siècles obscurs de l'Islam.
22<br />
Mais il n'apporte aucune preuve à l'appui de cette affirma<br />
tion; on sait que les principales tribus sont au contraire venues<br />
de l'Est.<br />
Pour ce qui est du palmier, il figurait déjà sur les monnaies<br />
de Carthage,<br />
c'est-à-dire bien avant l'arrivée prétendue des Ze<br />
nata. Pline parle longuement du palmier d'Afrique; enfin, on<br />
peut se reporter aux études de M. A. Chevalier qui affirme que<br />
le palmier a existé dans les déserts de l'Afrique depuis les temps<br />
les plus reculés et par conséquent bien avant l'époque des Ze<br />
nata (1).<br />
Il en est de même du chameau. Depuis 1921 (2) je n'ai cessé<br />
d'affirmer que le dromadaire d'Afrique, légèrement différent du<br />
dromadaire arabe d'Asie par sa dentition, sa mandibule inférieu<br />
re et diverses considérations d'autre sorte, était arrivé d'Europe<br />
avant que la Méditerranée n'eût recouvert son étendue actuelle<br />
et en tout cas bien avant l'arrivée des Arabes, seuls en question<br />
à cette époque.<br />
Cette manière de voir a été vérifiée tout récemment par les<br />
découvertes du docteur Roffo dans les sépultures préislamiques<br />
fouillées dans la région de l'Oued Itel.<br />
Enfin, M. L. Soleand n'a pas cessé d'affirmer que le chameau<br />
existe en Afrique depuis des temps fort anciens et je me conten<br />
terai de me référer à ses plus récents travaux (3).<br />
Les Zenata présentent-ils au moins, au point de vue anthropo<br />
logique, des caractères qui les différencient des autres Berbères ?<br />
Il y a au ksar d'EI-Goléa, dans la tribu des Chamba Mouadhi,<br />
une fraction sédentaire habitant l'oasis qui porte le nom officiel<br />
de Zenata et Harratine. J'étais là-bas en 1888, n'ayant rien d'au<br />
tre à faire en cet heureux temps que d'étudier mes administrés<br />
et de me faire voir d'eux. Je les eus vite comptés; il y<br />
tout 46 hommes adultes.<br />
avait en<br />
Quant aux Chamba nomades, ils étaient avec leurs troupeaux<br />
au Sahara, le plus loin possible de l'intrus nouvellement instal<br />
lé et dont ils n'escomptaient guère, avec raison, que des deman<br />
des de prestations pour l'établissement du poste.<br />
Il y<br />
avait en tout sept de ces sédentaires qui se disaient de<br />
provenance zénatienne, et cela parce qu'ils étaient venus du<br />
Touat depuis plusieurs générations, ce qui suffisait, d'après eux,<br />
pour établir leur qualité de Zenata, car ils ne pouvaient donner<br />
aucun autre détail. Seule la mère de l'un d'eux se disait origi<br />
naire des Tasil bou Henni (sic), anciens Zenata du pays dont<br />
(1) A. Chevalier : Le Sahara centre d'origine des plantes cultivées dans<br />
le recueil de la Socéité de Biogéographie : La vie dans la région déserti<br />
que nord-tropicale de l'ancien monde, p. 310.<br />
(2) Le Dromadaire d'Afrique, B.S.G.A. II, 1921.<br />
(3) L. Soleand : Histoire de la formation d'un désert, Paléographie du<br />
Sahara dans le recueil précédemment cité, p. 18, 33-34.
personne .d'autïe n'a entendu parler. Tous ces Touatiens étaient<br />
comme de juste des noirs orthognathes tout à fait analogues aux<br />
autres populations dites Harratine du Sahara.<br />
M. le Professeur Leblanc,<br />
qui a été en mission dans le Saha<br />
ra en 1934, a pu mensurer régulièrement une trentaine de ces<br />
prétendus Zenata, notamment des Touareg Kel Sokna ou Isoknaten<br />
(1). Ils tirent leur nom du ksar de Sokna en Tripolitaine.<br />
J'ai montré ailleurs l'origine touranienne des Sok, Souk, Sokna<br />
dont on a fait des Zenata. Il en est sans doute, de même des<br />
outres individus qu'il a examinés (2) .<br />
Son impression générale est que ces Zenata appartiennent à<br />
« un type berbère inférieur, moins dessiné, moins racé que celui<br />
des autres groupes, d'un produit bâtard en déchéance depuis<br />
longtemps par l'effet du métissage, du genre de vie, de tares pa<br />
thologiques peut-être ».<br />
Les populations du Sud, dit-il, méprisent assez les Zenata pré<br />
tendant qu'ils ne sont ni de sang berbère, ni de sang arabe pur.<br />
Elles leur attribuent le goût du sang et prétendent qu'ils aiment<br />
à exercer le métier de boucher. Us en donnent de curieux exem<br />
ples, auxquels nous ajouterons celui des bouchers de Constantine<br />
lors des troubles de 1934.<br />
Toutes ces fractions ou familles réfugiées dans le Sud sont<br />
restées dans le désert, à part certaines qui ont pu revenir dans<br />
le Tell un peu plus à l'Ouest, comme les Béni Mérine, et y pren<br />
dre la succession des autres dynasties dites Zenatiennes lorsque<br />
celles-ci furent épuisées par les luttes incessantes qu'elles eu<br />
rent à soutenir avec les populations chez lesquelles elles s'étaient<br />
établies.<br />
*<br />
* *<br />
Ibn Khaldoûn, en parlant de ces Zenata, dits de la seconde<br />
rase, nous a révélé qu'ils parlaient un langage à part, ce qui est<br />
un autre point à étudier.<br />
On sait que la seule unité de la Berbérie est celle de la langue,<br />
ou plutôt était, car la langue arabe et plus tardivement la langue<br />
française ont considérablement modifié cette situation. C'est le<br />
seul lien qui fasse un tout de cet amalgame de tant de débris de<br />
peuples différents d'origine et de mentalité.<br />
Les études nombreuses qui ont été faites sur les divers dialec<br />
tes (3)<br />
signalés comme offrant des particularités notables, ont<br />
montré qu'il existe moins de différences entre eux qu'entre les<br />
(1) Ils s'appellent aussi Tedjéhé n'Efis, sans doute d'après un ancien<br />
chef de cette tribu. C'étaient sans doute les Enipi de Pline.<br />
(2)<br />
Docteur E. Leblanc : Anthropométrie et Caractères morphologiques<br />
des Zenata sahariens. Revue anthropologique, 10-12 1934.<br />
(3) On peut se reporter aux nombreuses et savantes études de M. Êené<br />
Basset et de son école et comparer entre eux leurs travaux.<br />
23
24<br />
patois français. Il y a eu évidemment introduction de noms spé<br />
ciaux apportés par les divers éléments qui, lors de leur arrivée<br />
dans le pays, les ont introduits avec eux. Certains phonèmes<br />
étrangers, d'ailleurs assez rares, en sont le témoignage.<br />
* *<br />
Que reste-t-il maintenant de ce nom de Zenata ? Une vague<br />
appellation que l'on applique comme nous venons de le dire à<br />
toutes les populations du Sahara autres que les voilés et excep<br />
tionnellement à des populations telles que les Isoknaten. Mais<br />
cela n'empêche pas de les nommer par leur nom ethnique propre.<br />
Cependant, chez les Touareg je relève une tribu noble du nom<br />
d'Izenan. Il semble bien que ce soit un dérivé de Zana, Zenata.<br />
Ils appartiennent aux Kel Anigara qui dépendent eux-mêmes de<br />
la petite confédération des Kel Gueress de Tahoua. Us habitent<br />
donc dans le coin Sud-Est des parcours des peuples voilés. Ils<br />
sont arrivés dans cette contrée à une époque postérieure aux in<br />
vasions musulmanes, mais sans doute après une migration com<br />
pliquée.<br />
En Algérie, il n'existe, à ma connaissance, qu'une seule tribu<br />
qui se pare du nom de Zenata. Encore le doit-elle à une fantaisie<br />
administrative, car précédemment elle portait celui de Ghossel.<br />
C'est un décret rendu le 20 juin 1885, en vertu du Sénatus-Consute,<br />
qui a opéré cette substitution en transformant leur terri<br />
toire en douar-commune. On sait que les Ghossel ou Ghozz, sont<br />
des Asiatiques authentiques venus du Turkestan à la suite des<br />
bandes hilaliennes (1).<br />
Cette modification était due %. ce que ces étrangers s'étaient<br />
installés autrefois de force au milieu de diverses tribus appar<br />
tenant à la confédération zenatienne. Ils les avaient opprimées,<br />
mais en fin de compte s'étaient fondus avec elle.<br />
Outre la fraction des Zenata d'EI-Goléa dont j'ai parlée, on<br />
trouve encore sur le répertoire des tribus de l'Algérie une frac<br />
tion de Zenata aux Béni Zenthis de la commune mixte de Cassalgne<br />
(Oranie).<br />
Enfin, il y<br />
a une tribu de Zenatia qui tire son nom de l'Oued<br />
Zenati. Celui-ci est dans la région du Khroubs, c'est-à-dire non<br />
loin de la ville de Zana qui a donné son nom aux Zenata.<br />
En résumé, comme je le disais au début, cette prétendue race<br />
des Zenata était une création purement artificielle des chroni<br />
queurs et généalogistes musulmans et elle a disparu plus vite que<br />
leurs écrits.<br />
Commandant G. Cauvet.<br />
(1) Voir pour leur histoire Ibn Khaldoûn, 1. c. III, p. 400, 55,<br />
Grimaud : Monographie de la commune de Pont-de-l'Isser, p. 96.<br />
et Jean
ÙW$<br />
Quarante-huitième et quarante-neuvième Années Années 1943-1944 JM73<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
'l f<br />
de la Ooci ociete<br />
de Ciéographïe d'Alger<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
ALGER — IMP. IMBERT
BULLETIN PROVISOIRE<br />
la Société de Géographie d'Alger<br />
Années 1943-1944<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD.<br />
A NOS SOCIETAIRES<br />
N° 173<br />
Nous nous excusons auprès de nos sociétaires dû ralentisse<br />
ment qu'a dû subir ces derniers mois ^'activité de notre société,<br />
tant pour les conférences que pour le bulletin. Les graves évé<br />
nements que nous vivons en sont l'unique cause. Mais voici des<br />
jours meilleurs qui se lèvent,<br />
tôt notre existence normale.<br />
et nous espérons reprendre bien<br />
Nous remercions bien vivement nos amis de nous être restés<br />
fidèles,<br />
cette fidélité.<br />
et nous leur demandons de bien vouloir nous continuer<br />
Ces remerciements vont également aux nombreux souscrip<br />
teurs — autorités officielles et entreprises privées! — qui durant<br />
ces deux dernières années ont tenu par leur générosité à nous<br />
maintenir leur sympathie.<br />
Encore une fois, merci à tous !<br />
Grâce à eux, la Société de Géographie est toujours vivante.
Le Prince d'Annam.<br />
DECES<br />
MM. Lespes, professeur honoraire.<br />
Chaix.<br />
Bouchon, instituteur honoraire.<br />
Pechot Louis.<br />
Maury Eugène.<br />
Granger,<br />
préfet'<br />
honoraire.<br />
Geffroy Edmond, magistrat.<br />
Déroulède, avocat.<br />
Cohen Sylvain.<br />
Cuttoli Jules.<br />
Mme Combier.
Subventions perçues par la Société de Géographie<br />
1&43 1944<br />
Barciays Bank 75 » 75 »<br />
Société de Navigation Maritime 500 »<br />
Anonyme 100 ».<br />
Bon Marché 100 » 100 »<br />
Cie de Transports Maritimes 100 » 100 »<br />
Cie Transatlantique 100 »<br />
Banque de l'Algérie 1.000 » 1.000 »<br />
Cie Algérienne 100 » 100 »<br />
Chambre de Commerce d'Alger 270 » 300 ■»<br />
Société Générale 100 » 100 »<br />
Commune de Sidi-Bel-Abbès 499 50 500 »<br />
Chambre de Commerce de Bône 100 » 500 »<br />
Protectorat du Maroe 999 » 999 »<br />
Département d'Alger 899 50<br />
Société Marseillaise 100 » 100 »<br />
Crédit Foncier 100 »<br />
Chambre de Commerce d'Oran 500 »<br />
Don de M. Elwall L74 50<br />
Société Algérienne de Navigation 1.000 »<br />
M. Coudray 100 »<br />
Département d'Oran „ 499 50<br />
Ville de Miliana 99 50<br />
Gouvernement Général de l'Algérie 2.500 »<br />
— — 3.500<br />
— — 5.000<br />
»<br />
»<br />
Ville de Mascara 1.000 »<br />
Chambre de Commerce de Mascara 1.000 »<br />
5.817 50 18.573 »
5 —<br />
Histoire du Sud Constantinois<br />
par le Lieutenant -Colonel CANDAU<br />
de l'Infanterie Coloniale<br />
CHAPITRE I<br />
ETUDE SOMMAIRE DU MILIEU PHYSIQUE<br />
GENERALITES. —<br />
Un massif montagneux, l'Atlas Saharien;<br />
assure, au point de vue -géographique, une certaine unité à la<br />
région étudiée.<br />
Les Monts du Zab et du Hodna délimitent la dépression du<br />
Hodna, tandis que le massif de l'Aurès représente un véritable<br />
bastion.<br />
L'Atlas saharien est rompu aux seuils de Biskra et de El-<br />
Kantara après avoir été enfoncé à la suite de mouvements oro<br />
géniques d'une amplitude extraordinaire.<br />
Au bas des pentes de l'Atlas saharien du Zab et de l'Aurès,<br />
se sont accumulés les débris arrachés aux pentes de massif,<br />
soumis pendant des millénaires aux effets de l'érosion éolienne<br />
et du ruissellement.<br />
Le climat est de caractère saharien, cependant les pluies ren<br />
dent les pistes rapidement inutilisables et dangereux les dépla<br />
cements de troupes en mauvaise saison (crues).<br />
Les populations se rassemblent dans les oasis, M'Doukal,<br />
Tolga, El-Kantara, Biskra, M'Chounèche, Rouffi ou bien, ayant<br />
adopté la vie nomade, transhument régulièrement chaque an<br />
née au cours de ce coloré et pittoresque exode qu'est l'Achaba.<br />
Du point de vue politique et militaire,<br />
nous remarquons que<br />
la plaine qui longe le pied de l'Aurès, la brèche de Biskra et<br />
les chaînons de l'Atlas Saharien, c'est-à-dire les monts du Zab,<br />
jalonnent une voie de pénétration suivie par les invasions et<br />
que E. F. Gauthier caractérise ainsi :<br />
« Malheureusement cette artère unique est trop longue et<br />
trop mince, elle s'engorge et elle se coupe, la circulation se<br />
fait mal et la conquête si bien commencée reste une ébauche<br />
fragile » .<br />
Cette définition du point de vue géographique peut être<br />
adoptée pour caractériser politiquement les succès sans lende<br />
main des maîtres successifs du pays.<br />
Cette région est formée de terres maigres, d'un climat sec<br />
et d'un peuplement faible.
— — 6<br />
La population est plus généralement groupée dans les oasis,<br />
mais certaines tribus nomades ont conservé leurs moeurs pas<br />
torales. Les principaux centres nous sont connus ; il n'est pas<br />
inutile cependant de trouver dans le passé la preuve que l'im<br />
portance de ces agglomérations leur crée des titres à une cita-;<br />
tion particulière. Nous reproduisons ci-dessous les descriptions<br />
qu'a faites El Bekri de Biskra, Tchouda, Badès, Bentious dans sa<br />
« Relation des bourgs qui se trouvent sur la route qui conduit<br />
de l'Egypte au Maghreb ».<br />
— BISKRA. « Biskra est un canton situé à quatre journées<br />
de Baghaï (N.O. Kenchella). Il renferme un grand nombre de<br />
bourgs dont la métropole s'appelle aussi Biskra. Cette grande<br />
ville possède beaucoup de dattiers, d'oliviers et d'arbres frui<br />
tiers de diverses espèces. Elle est environnée d'un fossé et<br />
d'un mur et possède un « Djammé », plusieurs mosquées et<br />
quelques bains. Les alentours sont remplis de jardins qui for<br />
ment un bocage de six mille d'étendue. On trouve à Biskra<br />
toutes les variétés de dattes. Les faubourgs sont situés en dehors<br />
du fossé et entourent la ville de tous côtés. Une des portes de<br />
Biskrka s'appelle Bab-El-Mogbera, porte du cimetière ; une<br />
autre Bab-El-Hamman. La population de cette ville appartient<br />
à une race mélangée. »<br />
TEHOUDA. —<br />
«<br />
La ville de Tehouda est aussi appelée « Mé<br />
dina Es Sihr », ou ville de la magie. Ce grand centre de popu<br />
lation est entouré de champs cultivés, de dattiers, d'arbres<br />
fruitiers. Téhouda est de construction antique. Elle est bâtie<br />
en pierres, possède de grandes richesses. Dans l'intérieur de<br />
la ville on voit un beau Djammé et plusieurs mosquées, bazars<br />
et caravansérails. Du côté du Nord, elle reçoit une rivière qui<br />
descend du mont Aurès. Dans l'intérieur de la ville il y a un<br />
puits qui ne tarit jamais et dont la construction remonte à la<br />
plus haute "antiquité.- Autour de la ville se trouve un grand nom<br />
bre de jardins et dans les environs, on compte plus de 20 bour<br />
gades. »<br />
BADES. —<br />
« Parti de Téhouda, on arrive à Badès après une<br />
journée de marche. Cette ville se compose de deux forteresses<br />
qui possèdent de vastes plaines et des champs magnifiques en<br />
plein rapport. On y fait deux récoltes d'orge chaque année<br />
grâce aux nombreux canaux qui arrosent le sol. »<br />
BENTIOUS (Ex-Gemellae). —<br />
« Les villes de Bentious sont<br />
au nombre de trois et assez rapprochées les unes des autres.<br />
Chaque ville possède un Djammé. Deux de ces édifices appar<br />
tiennent aux musulmans orthodoxes, l'autre sert aux schismatiques.<br />
Une de ces villes est habitée par des gens d'origine per<br />
sane. A l'occident coule une rivière qui vient du Nord. La<br />
seconde de ces villes est habitée par une peuplade de sang<br />
mêlé. La troisième est occupée par des Berbères. Ces villes.<br />
situées dans une plaine vaste et fertile sont entourées de murs<br />
et de fossés.
« A l'occident s'étend le Sahara ou désert de Bantious dans<br />
lequel la rivière que nous venons de mentionner répand le tiers<br />
de ses eaux. »<br />
Dans les environs se trouve un grand nombre de bourgades.<br />
Tola, située au nord -de Bentious se compose de trois villas<br />
entourées chacune de murailles de briques et d'un fossé.<br />
Nous allons maintenant étudier successivement du point de<br />
vue géographique les Zibans, le Hodna, et l'Aurès.<br />
— LE HODNA. Cette^région<br />
se présente sous la forme d'une<br />
vaste dépression bordée de massifs assez élevés, parmi lesquels<br />
nous remarquons : le Belezma, qui renferme le massif de Mestaoua<br />
(1.648 m.), repaire habituel de tous les révoltés (en<br />
771 révolte contre Salah Bey, en 1794, révolte contre Mustapha<br />
Bey, en 1811 révolte contre Hamane, en 1918 révolte contre<br />
Mohamed Tchaker Bey).<br />
En particulier, le Metilli (1.495 mètres) est une véritable<br />
forteresse naturelle, c'est un massif isolé formé de rides paral<br />
lèles de 45 kilomètres de long et 15 mètres de large, bordé<br />
au nord par la route de Barika à Mac-Mahon. Deux oueds<br />
déversent leurs eaux dans la dépression occupée par le Chott<br />
El Hodna ; ce sont l'Oued Barika et l'Oued Bitan, à l'est coule<br />
l'Oued Tillatou qui devient l'Oued El Kantara et forme fron<br />
tière avec l'Aurès.<br />
LES ZIBANS. —<br />
Les<br />
mont de Zab font partie de la chaîne<br />
saharienne des Haut-Plateaux qui s'abaisse et se rétrécit ; ils<br />
culminent à un millier de mètres. Un rameau se dirige vers<br />
El-Kantara et délimite avec la chaîne principale un bassin<br />
fermé, la Darva de Sildjen qu plaine d'El-Outaya d'une altitude<br />
moyenne de 200 mètres.<br />
C'est le réservoir naturel des Oasis des Zibans, ce qui expli<br />
que la présence d'un chapelet d'Oasis entre ces monts et l'Oued<br />
Djerid (Groupe des Oasis de Tolga, M'iili, Oumache, etc..)<br />
La route de Bou-Saada à Biskra franchit la chaîne à Sadouri<br />
(vestiges d'un fort romain ou aboutissait le « Limas » de Dou-<br />
cen). La route de Barika à M'iili par M'Doukal passe au<br />
Kheneg Salzou.<br />
Les Zibans (Zab ! au singulier, signifie région)<br />
de quatre pays :<br />
1"<br />
se compose<br />
Groupe •: Zab de Biskra : Oasis de 'Biskra, Chetma, Droh,<br />
Sériana, Sidi-Okba, Aïn-Naga ;<br />
2me Groupe : Zab Chergui : Oasis de Zéribet, El-Oued, Sidi-<br />
Md Moussa ;<br />
3ra* Groupe : Zab Guébli : Oasis de Zab méridional, Oumach,<br />
M'iili, Ourlai, Ouled Djellal ;<br />
4me Groupe :.Zab Dahraoui : Zab septentrional, Oasis de Li-<br />
chana, Zaatcha, Tolga.
— — 8<br />
Les Zibans sont alimentés en eau par les nappes souterrai<br />
nes qui proviennent des cours d'eau descendant des « Aurès ».<br />
Ces Oueds au régime torrentiel roulent rarement à plein bord,<br />
ils ont des crues violentes et courtes et vont se perdre dans le<br />
Chott Melghir.<br />
Biskra, capitale des Zibans,<br />
malgré son rattachement arbi<br />
traire au Nord est du point de vue météorologique, saharienne.<br />
L'Oued Biskra et l'Oued Djedi sont les deux seuls cours d'eau<br />
des Zibans. L'Ouest Djedi ex « Nigris » des. Romains sert pra<br />
tiquement de frontière avec le Sahara proprement dit ; c'est<br />
là que les Romains ont établi leur frontière militaire ou Lime;?.<br />
— L'AURES. L'Aurès est compris dans le quadrilatère Batna,<br />
Biskra, Khanga Sidi Nadji, Khenchela. Il est précédé au Nord<br />
par une série d'avant-monts. Les limites de l'Aurès. proprement<br />
dit, sont marquées à l'Ouest :<br />
— par l'Oued El-Jantara,<br />
Lambiridi (El-Biar) Ad Piscinam (Biskra) ;<br />
— au<br />
Sud,<br />
suivi autrefois par la voie romaine<br />
par la zone désertique du Chott Melghir traver<br />
sée par la route de Biskra à Négrine par Zéribet El-Oued ;<br />
■— à l'Est, par l'Oued El-Arab, qui le sépare du Djebel Cherchar<br />
(monts des Cascades) et qui était suivi par la voie romaine<br />
de Badès à Khenchela (Mascula) ;<br />
-=- au Nord,<br />
par la plaine de Sebdka Djendeli.<br />
Il est à remarquer que, au -Nord et au Sud de l'Aurès se<br />
trouvent deux dépressions marquées par des bassins salins.<br />
L'Aurès culmine au Djebel Chélia (2.328 mètres) véritable<br />
château d'eau de l'Aurès. Quatre .grandes vallées creusent le<br />
massif, ce sont celles des oueds : El-Kantara, Abdi, El-Abiod,<br />
El-Arab.<br />
L'Oued El-Kantara descend de Chélia jusqu'aux ruines de<br />
« Lambiridi » où il prend le nom d'Oued Chaba, ensuite il forme<br />
l'Oued Ksour. La vallée est suivie par la route de Constantine<br />
à Biskra. Il prend le nom d'El-Kantara avant de franchir les<br />
gorges du même nom. Sur le versant Sud se trouve l'Oasis d'El-<br />
Kantara, ancienne « Calceus Herculis », poste militaire impor<br />
tant du temps des Romains. L'Oued prend le nom d'Oued Bis<br />
kra, pour traverser la plaine d'El-Outaya, qui a porté jadis<br />
plus de cent fermes. - Ce serait l'ancienne Mesar Felte, oasis<br />
malheureusement placée sur la route des invasions et souvent<br />
détruite.<br />
A El Mlaga (point de rencontre) conflue l'Oued Abdi. Com<br />
me affluents on peut encore noter : l'Oued Guebli ou Oued<br />
Fedhala, réunion de plusieurs torrents : l'Oued Bengatou qui<br />
arrose le territoire de Beni-Ferrah.<br />
L'Oued Abdi qui arrose les villages de Baali, Tletz, Haidous,<br />
Teniet-El-Habel, Médrouna, Chir, Ménaa, Ouarkha, Amentane,<br />
Beni-Souik, Djemorah.
— — 9<br />
L'Oued El-Abiod prend sa source au Chélia, arrose le terri<br />
toire des Béni B. Slimane. C'est un torrent qui traverse la plaine<br />
de Médina, clé de la domination de l'Aurès, car elle commande<br />
les têtes des vallées Oued Abdi El Abiod, Mellagou (Oued<br />
El-Arab) que commande le Chélia (le bouclier). L'Oued El-<br />
Abiod arrose Arris (terres blanches) El Hamrah (la rouge)<br />
Tabentout (les. femmse), Tighanimine (les roseaux).<br />
L'Oued El-Arab prend sa source à quelques kilomètres de<br />
Kenchela. Il reçoit les eaux de la partie orientale de l'Aurès<br />
par l'Oued Guechtane et l'Oued Mellagou.<br />
Le versant saharien de l'Aurès se subdivise en quatre zones<br />
successives :<br />
Le Sammer : C'est la zone qui borde le pied de l'Amar Khaddou,<br />
elle est constituée par des terres cultivables arrosées par<br />
de nombreuses sources.<br />
La Région des Forêts : Les contreforts se relevant en<br />
masses faiblement boisées, les terres de cultures deviennent<br />
rares et se localisent dans le fond des vallées. La limite Sud de<br />
cette zone est jalonnée par les villages de El-Baal, Roumane,<br />
Kébaïch, Ksar O. Youb, Oulach.<br />
Le Dekhla : Les montagnes se dénudent, se délitent et se<br />
décomposent en une terre argileuse, dangereuse en été par suite<br />
de la sécheresse excessive (éboulements), impraticable en<br />
tover (enlisement). C'est un véritable désert de montagne d'une<br />
largeur de 15 à 20 kilomètres.<br />
Le Guerguit : C'est la zone où les derniers contreforts de<br />
l'Aurès viennent se perdre dans la plaine, c'est-à-dire dans le<br />
Sahara. Les Tribus de l'Amar fchadou y possèdent une bande<br />
de culture d'hiver de largeur variable.<br />
Le versant Nord de l'Aurès est formé de plusieurs plateaux<br />
qui se divisent en plusieurs petits bassins dans lesquels se per<br />
dent les cours d'eaux suivants :<br />
— Oued El-Mahder qui passe à Lambèse et Batna.<br />
— Oued<br />
— OUed<br />
Chémora qui arrose Foum Toub.<br />
Baghaïa.<br />
Les deux principaux massifs de l'Aurès se trouvent dans la<br />
partie Nord. Ce sont le Djebel Chélia (2.328 mètres) et le Dje<br />
bel Mahmel (2.321 mètres) d'où divergent deux systèmes de<br />
plis. :<br />
Du Djebel Chélia partent la chane du Djebel Zellatou et<br />
celle de l'Amar Khaddou (1.925 mètres).<br />
Du Mahmel partent les chaînes de l'EI-Malou et du Mahmel<br />
proprement dit.<br />
L'Aurès,<br />
contraiarement à sa réputation, est aisément acces<br />
sible par ses vallées larges et nombreuses. Les communications<br />
entre des divers bassins ne sont difficiles qu'en mauvaise sai<br />
son,<br />
car les chutes abondantes de pluie et de neige rendent<br />
précaires les déplacements sur des pistes qui suivent très sou<br />
vent le fond des torrents.
— — 10<br />
LES HABITANTS<br />
CHAPITRE II<br />
— GENERALITES. Il n'est pas opportun dans une étude<br />
aussi limitée que celle-ci, de résumer les différentes hypothè<br />
ses qui ont été faites sur l'origine des Berbères autochtones.<br />
Quoi qu'il en soit, les Berbères, dont il est permis d'affirmer<br />
la stabilité des mœurs au travers des siècles obscurs ou non<br />
du Moghreb, ont résisté vaillamment aux invasions arabes.<br />
Ils n'ont pu cependant éviter d'être submergés par les vagues<br />
successives de populations arabes (invasion hilalienne) dévas<br />
tant et ruinant le pays. Quelques éléments ou lots seulement<br />
ont pu subsister, les autres ont dû fuir et émigrer vers .l'Ouest<br />
et ont disparu des horizons de l'histoire locale.<br />
Les étapes de la lutte sont illustrées par les résistances des<br />
champions de l'indépendance Berbère : Koceïla et la Kahina.<br />
Les tribus autochtones Zenata, Masmouda, Senhadja, Ma<br />
ghraoua, à la suite de ces luttes et de ces déplacements de<br />
populations n'ont laissé que quelques îlots témoins.<br />
Les Béni Oudjana (Aurès) seraient des Zenata, les Ma<br />
ghraoua ont laissé, de leur passage, une seule trace, le Djebel<br />
Maghraoua sur la route de Biskra à M'Doukal.<br />
Les Masmouda ont laissé comme témoin le nom d'un village<br />
des contreforts Sud de l'Aurès, Sidi-Masmoudi.<br />
L'invasion hilalienne a submergé littéralement le pays et sa<br />
prise de possession brutale a donné lieu à des métissage, que<br />
la conversion à l'islamisme a rendu encore plus étroite.<br />
Il a été cependant possible de déterminer à peu près exac<br />
tement l'origine Arabe ou Berbère plus ou moins pure de<br />
quelques-unes des tribus.<br />
REGION DE HODNA. —<br />
La<br />
population est pauvre et d'hu<br />
meur belliqueuse. Les principaux douars sont :<br />
Le douar Tillatou : On lui prête une origine juive. L'histoire<br />
nous dit en effet que des commerçants juifs originaires de- cette<br />
tribu et en relations d'affaires régulières avec Biskra furent à<br />
l'époque de Sidi-Okba, assaillis au « Col des Juifs », sur la<br />
route actuelle de Batna, et massacrés. Les vainqueurs se se<br />
raient mariés avec des femmes juives.<br />
Le Douar des Ouled Aouf : (Tribu des Ouled Soltane occu<br />
pant la région de N'gaous, est d'origine Berbère). Population<br />
belliqueuse qui a participé à toutes les dissidences politiques.
— — 11<br />
Les Ouled Dedjas : Toutes ces tribus en formant une sorte<br />
d'éphémère confédération ont participé à l'insurrection qui<br />
amena le siège de Zaatcha.<br />
Les Saharis : qui forment les douars de Bitan, M'Doukal El-<br />
Outaya et El-Kantara sont les adversaires des Ouled Ziane. Ils<br />
sont d'origine arabe pure.<br />
Les Zibans : Cette région placée sous l'autorité d'un seul<br />
chef indigène, le Cheikh El-Arab, est divisée administrative-<br />
ment en deux parties, l'enclave de la commune de plein exer<br />
cice de Biskra et la commune mixte dé Biskra (100.000 habi<br />
tants environs).<br />
La population est formée d'apports successifs de tribus ara<br />
bes qui ont constitué les principales tribus suivantes :<br />
— Les<br />
Ouled Saoula du Zab Chergui (dont sont originaires<br />
les Ben Chénouf)<br />
l'Aurès.<br />
— Les<br />
Ghomra.<br />
grande famille qui étend son influence sur<br />
— Les Ahl Ben Ali installés primitivement dans la région<br />
de Tobna (Sud de Barika).<br />
— Les<br />
- — Les<br />
Ghorfas fixés autour de Biskra.<br />
Ouled Sidi-Salah, originaires du Sud Marocain (tom<br />
beau de Sidi-Mohammed Moussa).<br />
— Les Bouazid et Ouled Zekri (ayant à sa tête le descen<br />
dant des Bou-Okkaz concurrents malheureux des Ben Gana).<br />
Ces populations sont agglomérées dans les Oasis, la production<br />
et le commerce des dattes leur assurant une large aisance.<br />
L'Aurès : L'Aurès est habité en grande partie par les Ber<br />
bères appelés « Chaouia », nom original qui veut dire « pasteur<br />
ou nomade ». Ils «ont en effet des bergers, des semi-»sédentaires<br />
qui ont bien leur village, mais qui passent leur vie en déplace<br />
ments successifs soit en allant l'hiver cultiver au loin, dans la<br />
zone Gerguitt, soit en suivant les troupeau dans la zone des<br />
parcours de la tribu.<br />
Les Chaouias sont généralement grands, vigoureux, de peau<br />
blanche, -quelquefois blonds. Ayant l'amour de l'indépendance,<br />
ils ne furent jamais réellement soumis, et n'ont jamais réussi à<br />
former une nation. De religion musulmane, mais peu fanati<br />
ques, ils ont gardé intacts les grands traits de leur organisation<br />
sociale et de leurs mœurs.<br />
Le village « Chaouia » s'accroche au flanc des montagnes<br />
pour des raisons de défense, il se compose de maisons construi<br />
tes de pierres non taillées, liées par un mortier de terre ; les<br />
toits sont plats. Non loin du village, une éminence, une butte<br />
facile à garder et à défendre, se trouvent les magasins ou<br />
dépôts ; ce sont les « guélaas » dont le pittoresque est grand.
— - 12<br />
Les Berbères n'ont jamais formé de confédération,<br />
nisation sociale est surtout municipale) chaque<br />
leur orga<br />
village a en<br />
effet ses lois, ses coutumes particulières. Il a sa « Djemaa » ou<br />
assemblée de notables — mais<br />
ment sans homogénéité.<br />
cette assemblée est générale<br />
Le çof qui existe d'ailleurs dans tout le pays musulman est<br />
une sorte de société d'assurance, rendue nécessaire par l'ab<br />
sence de gouvernement. Le çof s'étend de village en village, de<br />
tribu en tribu, les fonds nécessaires sont fournis par des contri<br />
butions volontaires. Les chefs du çof deviennent de véritables<br />
souverains qui n'ont, il est vrai, jamais fondé de royauté, mais<br />
dont le prestige, l'autorité sont considérables, et ils échappent<br />
trop souvent à notre vigilance. On arrive à être chef du çof par<br />
l'habileté, l'intrigue, par les influences de famille et par la<br />
richesse.<br />
Les Chaouias ont des mœurs simples, faciles. Le pays est pau<br />
vre, l'artisanat est inexistant.<br />
Les populations de l'Aurès sont groupées en Tribus d'origine<br />
dissemblables, les principales sont énumérées ci-dessous :<br />
TRIBUS ORIGINES DOUARS<br />
Lakdar Malfaouia Arabo-berbères. El-Ksour, Tillatou, Seggana.<br />
Ouled Fedhala. Métissée. Tahamet, Djebel Groiim.<br />
Be'ni-Ferrah Berbères. Aïn-Zatout.<br />
Saharis Arabes (belliqueux). El-Kantara.<br />
0. Ziane. Arabes marocains. Djemorah, Branis, Beni-Souik<br />
Guédila.<br />
0. Abdi. Berbères. 0. Taga, Chir Ménaa.<br />
0. Daoud.<br />
V. Oudjana.<br />
B. B. Slimane.<br />
Arabes (belliqueux).<br />
Berbères.<br />
Berbères.<br />
Ichmoul, Thiganimine.<br />
Chélia, Mellagou, Yabous.<br />
Zellatou.<br />
Rassira. Berbères. Tkout, Rassira, M'Chounèche.<br />
A. Keberch. Berbères. Kimmel.<br />
0. Youb.<br />
0. Slimane.<br />
Berbères.<br />
Berbères.<br />
Tadjmout.<br />
Oulach.<br />
Achach. Berbères. Oulach.<br />
Amanras. Arabo-berbères. 0. Tamza, 0. Ensiga.<br />
Oulach. Berbères. Oulach (Khenchela).
— — 13<br />
CHAPITRE III<br />
LES MILIEUX RELIGIEUX<br />
Toute étude sur un pays musulman se doit de tenir compte<br />
du facteur religieux qui conditionne la vie matérielle et spiri<br />
tuelle.<br />
On est naturellement porté à faire des comparaisons entre<br />
les résultats politiques, économiques ou militaires de la période<br />
romaine et la nôtre. On ne tient pas assez compte dans ce rap<br />
prochement d'un facteur important, absent lors de la conquête<br />
romaine : l'Islam. Cette religion régente toute l'organisation<br />
sociale et a présenté à notre venue l'obstacle le plus sérieux.-<br />
Le facteur religieux a joué et joue encore un rôle de pre<br />
mier plan dans le maintien de la sécurité ; il est donc inté<br />
ressant d'étudier ses caractères généraux, son organisation, ses<br />
incidences sur la, vie courante.<br />
D'une manière générale, les milieux religieux sont opposés<br />
à des degrés divers, aux transformations qu'impose l'introduc<br />
tion des réformes, ces réformes étant la conséquence même du<br />
développement de la civilisation dans, le milieu indigène.<br />
L'Islam est un phénomène d'origine arabe, basé sur la néces<br />
sité pour les croyants de poursuivre l'établissement du royau<br />
me d'Allah. Cette règle est devenue cependant moins impérieuse<br />
au cours des âges.<br />
L'Islam a gardé une force d'expansion extraordinaire en<br />
trouvant de nombreuses armes dans la civilisation occidentale.<br />
Le musulman est l'homme d'un livre, du Coran. Ce qui frappe<br />
en lui c'est l'ardeur de ses convictions, car le Coran renferme<br />
la loi politique, la loi civile, la loi criminelle, il suffit à tout,<br />
il dirige tout.<br />
La force d'expansion de l'Islam est de nos jours diverse dans<br />
ses manifestations car, celui-ci fait preuve d'une étonnante<br />
souplesse, d'une merveilleuse faculté d'adaptation, il sait en<br />
effet limiter ses progrès dès qu'il se heurte à un système cohé<br />
rent. C'est ainsi que dans l'Inde, se heurtant à l'Indouisme, il<br />
ne fait des progrès. que parmi les intouchables, rejetés impi<br />
toyablement par le Brahmanisme.<br />
Des mouvements puissants agitent à l'heure actuelle l'Isla<br />
misme, le mouvement nationaliste en est la forme la plus con<br />
nue. Pour les nationalistes, le secret de notre supériorité réside<br />
dans la connaissance des sciences exactes et des sciences poli<br />
tiques, de là sont nés d'une part, l'engouement des jeunesses<br />
musulmanes pour l'enseignement européen et d'autre part, pat-<br />
réaction, la tendance des milieux religieux à se réfugier dans<br />
la pureté des traditions religieuses, puis, insensiblement, à dé<br />
border ce cadre étroit pour se déplacer sur le plan politique<br />
(oulémas réformistes).<br />
D'une manière générale l'Islam algérien n'est pas homogène,
— U —<br />
le développement des confréries étant lié aux différences des<br />
milieux régionaux et aussi à l'influence des Cofs qui s'opposenl<br />
à l'idée de nation.<br />
L'action religieuse musulmane est exercée par trois catégo<br />
ries d'individus :<br />
— Le<br />
— Les<br />
— Les<br />
— Les<br />
Clergé musulman investi et salarié ;<br />
Marabouts locaux,<br />
Religieux congréganistes (Khouan),<br />
faux Chérifs.<br />
— LE CLERGE INVESTI. Les<br />
distingue parmi eux :<br />
membres en sont francisés, On<br />
Les Muphtis : Titre honorifique donné à des imans impor<br />
tants (chaque mosquée possède un iman).<br />
Les Moudderès : Ou professeurs qui dispensent l'enseigne<br />
ment religieux. Les mosquées de Biskra, El-Outaya, El-Kantara,<br />
sont les principaux établisse<br />
Tolga, Sidi-Okba, Oued Djellal,<br />
ments religieux de la région étudiée.<br />
Les Marabouts : Il y a lieu de distinguer le marabout pro<br />
priétaire d'une Zaouia qui peut être aussi bien défini par le<br />
mot « Monastère » que par celui de « lieu de réunions acci<br />
dentelles ou périodiques ».<br />
On est marabout par droit de naissance, les disciples font<br />
des offrandes ou « Ziaras », les autres revenus du marabout<br />
sont les offrandes ou « Ouard ».<br />
— LES ORDRES RELIGIEUX. C'est une sorte d'auto-défen<br />
se contre les fautes politiques ou les. altérations de la doctrine<br />
religieuse. Deux sectes sont à la base : les « Chittes » et les<br />
« Ouahabites » ou puritains de l'Islam ; ils recherchent tous<br />
deux la pureté morale.<br />
Aux preuves d'orthodoxie s'ajoute, la plupart du temps, l'au<br />
torité d'un enseignement écrit, la pratique des vertus et<br />
l'aus-*<br />
térité n'est réservée qu'à un nombre restreint, d'initiés. L'es<br />
sentiel de l'activité de ces ordres est de recruter des. adeptes<br />
que l'on cherche à ne pas effaroucher par la rigidité de la<br />
règle qui est cependant absolue sur les trois points suivants :<br />
— L'obéissance<br />
— Le<br />
— La<br />
au Cheikh.<br />
secret sur les affaires du Khouan,<br />
solidarité.<br />
Organisation intérieure : A la tête de l'ordre est placé le<br />
Cheikh ou Supérieur Général, ensuite on trouve les Moqqadem<br />
ou vicaires.<br />
Les Cheikhs sont des hommes supérieurs, cultivés, les Moqqadems<br />
sont également choisis avec beaucoup de soin.<br />
La masse des Khouans ou fidèles est soumise à une stricte<br />
discipline et à l'obligation de la « Ziara ».
— — te<br />
Les Quadryas, Rhàmanya, Chadélya, Cheikhla, forment de-<br />
nombreuses congrégations indépendantes qui ont de nombreu<br />
ses ramifications dans toute l'Algérie.<br />
Les Tidjanya, Moussya, Zianya, Karzazya ne forment qu'une<br />
seule congrégation.<br />
LES PRINCIPAUX — ORDRES RELIGIEUX. Ordre<br />
de Qua-<br />
dria : Son fondateur, originaire de Bagdad, était d'une grande<br />
sainteté. Sa doctrine s'inspira d'idées morales et philosophi<br />
ques, mais il a été surtout fondé dans un but humanitaire et<br />
philanthropique ; c'est un ordre largement ouvert. Au point<br />
de vue politique, il n'a jamais manifesté d'hostilité à notre<br />
égard. En 1879, dans l'Aurès, notre meilleur appui fut le Chef<br />
des Quadrias, le Caïd Mahmed Ben Abbès.<br />
Ordre des Chadelva : C'est surtout une école philosophique<br />
à doctrines égalitaires et rétrogrades, s'accommodant de nos<br />
méthodes de gouvernement.<br />
Un certain nombre de congrégations sont aux<br />
Chadelyas par des attaches plus ou moins secrètes. Une d'entre<br />
elles mérite quelques mots : les « Assaouas », organisation ma<br />
rocaine aux étranges pratiques qui cachent une exaltation et<br />
un mysticisme aigus. Les pratiques sont à base de sobriété.<br />
d'abstinence, de mortifications physiques. Dans le Sud, ils rece<br />
vraient des offrandes des « Ouled Zekri » (Tribu des Zibans).<br />
Ordre de Tidjanya : Son fondateur est originaire du Djebel<br />
Amour (région de Laghouat), la maison mère est à Aïn-Mahdi.<br />
L'activité de l'ordre est devenue exclusivement saharienne.<br />
Depuis leur refus d'une aide à Abdel-Kader, les Tidjani ont<br />
toujours respecté une neutralité absolue (ex. en 1844, prise<br />
Aujourd'hui, il existe deux branches des Tidjanyas,<br />
celle d'Ain Mahdi et celle de Temacine.<br />
de Biskra) .<br />
Les Rahmanyas ". Ils forment un ordre d'origine kabyle qui<br />
s'est divisé en un certain -nombre de branches rivales ; l'une<br />
d'entre elles a été fondée par un originaire d'-El Bordj (Ziban)<br />
qui émigra à Nefta lors de la prise de Biskra et après avoir<br />
désigné cinq Moqqadems :<br />
— Si<br />
— Cheikh<br />
— Si<br />
— Si<br />
... Sidi<br />
Ali ben Amor (fondateur de la Zaouia de Tolga).<br />
El Moktar ben Khelife des Ouled Djellal.<br />
Embareck Ben Kouider.<br />
Saddqck ben Hadj (fondateur de la Zaouia de Sidi<br />
Masmondi, Sud de l'Aurès).<br />
Abd El Hadfi de Khanga Sidi Nadji.<br />
Les Snoussya : Le fondateur de cet ordre est algérien, né aux<br />
environs de Mostaganem en 1836. Sa doctrine puritaine impose<br />
le retour au Coran, aux rites, orthodoxes, reconnaît la nécessité<br />
de l'imanat ;<br />
sa discipline est rigoureuse. Ses membres affec<br />
tent de se tenir rigoureusement en dehors de toute action poli<br />
tique, mais leur influence est dangereuse, car ils visent la fédé<br />
ration de tous les ordres religieux orthodoxes, exclusifs, de toute
— — 16<br />
autorité séculière. Le chef-lieu de l'ordre est à Djaraboub (Tri-<br />
politaine) .<br />
— LES CONFRERIES. Ce sont des associations non ortho<br />
doxes, dont le caractère religieux est souvent contesté par les<br />
musulmans eux-mêmes. Elles se présentent sous la forme de<br />
corporations ambulantes (Musiciens, acrobates, danseurs) qui<br />
vivent d'aumônes. On remarque parmi ces confréries celles des :<br />
— Amar<br />
— Bou-Alya<br />
— Mekhalya<br />
Bou Sema (musiciens),<br />
à Biskra.<br />
(jongleurs et danseurs)<br />
adeptes.<br />
qui auraient eu une troupe<br />
n'ont que de rares<br />
: qui seraient d'origine marocaine (Sous). Ils<br />
forment une sorte de société de francs archers. C'est lors de la<br />
lutte des Marocains contre les Portugais que cette confrérie<br />
a vu le jour. Les membres se livrent à des exercices de tir et<br />
d'escrime, généralement le vendredi après la prière du Dahor.<br />
— Confrérie des Hamdaoua. Cette confrérie présente un<br />
intérêt particulier en ce sens que son activité s'exerce sous une<br />
formé originale, une partie importante de ses adeptes se re<br />
crute, en effet, dans l'Armée.<br />
La Zaouia des Hamdaoua se trouve à Zohra (Sud de Tlem-<br />
cen). Dérivant de la doctrine générale des Quadria, les prati<br />
ques religieuses des Hamadaoua ont pour but de chasser les<br />
esprits par l'extase en observant les règles préconisées par<br />
les pures doctrines soufistes. Les affiliés parviennent à cette<br />
extase par des chants et des danses agrémentées de coups sur<br />
la poitrine et la tête; l'initié reçoit un certificat délivré par le<br />
Cheikh.<br />
,<br />
Les lieux- de réunions sont variables : épicerie, marabout,<br />
café maure, plein air, etc., si elles peuvent avoir pour but la<br />
recherche de l'extase en commun, elles consistent souvent en<br />
séances de prestidigitation qui permettent au Cheikh d'af<br />
firmer son autorité sur ses auditeurs.<br />
S'il y a des adeptes civils, le nombre des adeptes militaires<br />
est par ailleurs considérable.<br />
.Lesconditions du recrutement sont simples puisque, seule,<br />
la qualité de bon musulman est exigée de même -évidemment<br />
qu'une obéissance passive.<br />
Il y<br />
a quelques années, le mouvement Hamdaoua avait pris<br />
une extension considérable, de nombreuses unités avaient leur<br />
clan Hamdaoua. L'organisation réalisée peut se comparer à<br />
celle conçue par les communistes : même hiérarchie, même<br />
obéissance, même autorité incontestée du moqqadem choisi,<br />
quel que soit son grade, même recherche permanente du ren<br />
seignement.<br />
LES FAUX CHERIFS. —-<br />
Ne<br />
qu'à l'époque des troubles^<br />
se sont rencontres dans le passé<br />
Lieutenant-Colonel CANDAU.
Quarante-huitième et quarante-neuvième Années Années 1943-1944<br />
BULLETIN PROVISOIRE<br />
de la Société<br />
y?? t?<br />
N° 173<br />
de Géographie d'Alger<br />
s<br />
DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
ALGER<br />
— IMP. IMBERT
BULLETIN PR0VI50IRE<br />
de la Société de Géographie d'Alger<br />
Années 1943-1944<br />
ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
A NOS SOCIETAIRES<br />
N° 173<br />
Nous nous excusons auprès de nos sociétaires du ralentisse<br />
ment qu'a dû subir ces derniers mois l'activité de notre société,<br />
tant pour les conférences que pour le bulletin. Les graves évé<br />
nements que nous vivons en sont l'unique cause. Mais voici des<br />
jours meilleurs qui se lèvent,<br />
tôt notre existence normale.<br />
et nous espérons reprendre bien<br />
Nous remercions bien vivement nos amis de nous être restés<br />
s<br />
fidèles,<br />
cette fidélité.<br />
et nous leur demandons de bien vouloir nous continuer<br />
Ces remerciements vont également aux nombreux souscrip<br />
— teurs autorités officielles et entreprises privées — qui durant<br />
ces deux dernières années ont tenu par leur générosité à nous<br />
maintenir leur sympathie.<br />
Encore une fois, merci à tous !<br />
Grâce à eux, la Société de Géographie est toujours vivante.
Le Prince d'Annam.<br />
D E CE S<br />
MM. Lespes, professeur honoraire.<br />
Chaix.<br />
Bouchon, instituteur honoraire.<br />
Pechot Louis.<br />
Maury Eugène.<br />
Granger, préfet honoraire.<br />
Geffroy Edmond, magistrat.<br />
Déroulède, avocat.<br />
Cohen Sylvain.<br />
Cuttoli Jules.<br />
Mme Combier.
— — 4<br />
Subventions perçues par la Société de Géographie<br />
1943 1944<br />
Barciays Bank 75 » 75 »<br />
Société de Navigation Maritime..' 500 »<br />
Anonyme 100 »<br />
Bon Marché 100 » 100 »<br />
Cie de Transports Maritimes 100 » 100 »<br />
Cie Transatlantique 100 »<br />
Banque de l'Algérie 1.000 » 1.000 »<br />
Cie Algérienne 100 » 100 »<br />
Chambre de Commerce d'Alger 270 » 300 »<br />
Société Générale 100 » 100 »<br />
Commune de Sidi-Bel-Abbès 499 50 500 »<br />
Chambre de Commerce de Bône 100 » 500 »<br />
Protectorat du Maroc 999 » 999 ■»<br />
Département d'Alger 899 50<br />
Société Marseillaise 100 » 100 »<br />
Crédit Foncier 100 »<br />
Chambre de Commerce d'Oran 500 »<br />
Don de M. Elwall 174 50<br />
Société Algérienne de Navigation 1.000 »<br />
M. Coudray 100 »<br />
Département d'Oran , 499 50<br />
Ville de Miliana 99 50<br />
Gouvernement Général de l'Algérie 2.500 »<br />
— — 3.500<br />
— —- 5.000<br />
»<br />
»<br />
Ville de Mascara 1.000 s><br />
Chambre de Commerce de Mascara 1.000 »<br />
5.817 50 18.573 »
— - 5<br />
Histoire du Sud Constantinois<br />
par le Lieutenant -Colonel<br />
de l'Infanterie Coloniale<br />
CHAPITRE I<br />
CANDAU'<br />
ETUDE SOMMAIRE DU MILIEU PHYSIQUE<br />
GENERALITES1. —<br />
Un massif montagneux, l'Atlas Saharien,<br />
assure, au point de vue géographique, une certaine unité à la<br />
région étudiée.<br />
Les Monts du Zab et du Hodna délimitent la dépression du<br />
Hodna, tandis que le massif de l'Aurès représente un véritable<br />
bastion.<br />
L'Atlas saharien est rompu aux seuils de Biskra et de El-<br />
Kantara après avoir été enfoncé à la suite de mouvements oro<br />
géniques d'une amplitude extraordinaire.<br />
Au bas dés pentes de l'Atlas saharien du Zab et de l'Aurès,<br />
se sont accumulés les débris arrachés aux pentes de massif,<br />
soumis pendant des millénaires aux effets de l'érosion éolienne<br />
et du ruissellement.<br />
Le climat est de caractère saharien, cependant les pluies ren<br />
dent les pistes rapidement inutilisables et dangereux les dépla<br />
cements de troupes en mauvaise saison (crues).<br />
Les populations se rassemblent dans les oasis, M'Doukal,<br />
Tolga, El-Kantara, Biskra, M'Chounèche, Rouffi ou bien, ayant<br />
adopté, la vie nomade, transhument régulièrement chaque an<br />
née au cours de ce coloré et pittoresque exode qu'est l'Achaba.<br />
Du point de vue politique et militaire, nous remarquons que<br />
la plaine qui longe le pied de l'Aurès, la brèche de Biskra et<br />
les chaînons de l'Atlas Saharien, c'est-à-dire les monts du Zab,<br />
jalonnent une voie de pénétration suivie par les invasions et<br />
que E. F. Gauthier caractérise ainsi :<br />
« Malheureusement cette artère unique est trop longue et<br />
trop mince, elle s'engorge et elle se coupe, la circulation se<br />
fait mal et la conquête si bien commencée reste une ébauche<br />
fragile ».<br />
Cette définition du point de vue géographique peut être<br />
adoptée pour<br />
caractériser politiquement les succès sans lende<br />
main des maîtres successifs du pays.<br />
Cette région est formée de terres maigres, d'un climat sec<br />
et d'un peuplement faible.
— — 6<br />
La population est plus généralement groupée dans les oasis,<br />
mais certaines tribus nomades ont conservé leurs mœurs pas<br />
torales. Les principaux centres nous sont connus ; il n'est pas<br />
inutile cependant de trouver dans le- passé la preuve que l'im<br />
portance de ces agglomérations leur crée des titres à une cita<br />
tion particulière. Nous reproduisons ci-dessous les descriptions<br />
qu'a faites El Bekri de Biskra, Tchouda, Badès, Bentious dans sa<br />
« Relation des bourgs qui se trouvent sur la route qui conduit<br />
de l'Egypte au Maghreb ».<br />
BISKRA. —<br />
« Biskra est un canton situé à quatre journées<br />
de Baghaï (N.O. Kenchella). Il renferme un grand nombre de<br />
bourgs dqnt la métropole s'appelle aussi Biskra. Cette grande<br />
ville possède beaucoup de dattiers, d'oliviers et d'arbres frui<br />
tiers de diverses espèces. Elle est environnée d'un fossé et<br />
d'un mur et possède un « Djammé »,<br />
plusieurs mosquées et<br />
quelques bains. Les alentours sont remplis de jardins qui for<br />
ment un bocage de six mille d'étendue. On trouve à Biskra<br />
toutes les variétés de dattes. Les faubourgs sont situés en dehors<br />
du fossé et entourent la ville de tous côtés. Une des portes de<br />
Biskrka s'appelle Bab-El-Mogbera, porte du cimetière ; une<br />
autre Bab-El-Hamman. La population de cette ville appartient<br />
à une race mélangée. »<br />
TEHOUDA. —<br />
« La ville de Téhouda est aussi appelée « Mé<br />
dina Es Sihr », ou ville de la magie. Ce grand centre de popu<br />
lation est entouré de champs cultivés, de dattiers, d'arbres<br />
fruitiers. Téhouda est de construction antique. Elle est bâtie<br />
en pierres, possède de grandes richesses. Dans'<br />
l'intérieur de<br />
la ville on voit un beau Djammé et plusieurs mosquées, bazars<br />
et caravansérails. Du 'côté du Nord, elle reçoit une rivière qui<br />
descend du mont Aurès. Dans l'intérieur de la ville il y a un<br />
puits qui ne tarit jamais et dont la construction remonte à la<br />
plus haute antiquité. Autour de la ville se trouve un grand nom<br />
bre de jardins et dans les environs, on compte plus de 20 bour<br />
gades. »<br />
BADES. —<br />
« Parti de Téhouda, on arrive à Badès après une<br />
journée de marche. Cette ville se compose de deux forteresses<br />
qui possèdent de vastes plaines et des champs magnifiques en<br />
plein rapport. On y fait deux récoltes d'orge chaque année<br />
grâce aux nombreux canaux qui arrosent le sol. »<br />
BENTIOUS (Ex-Gemeilae). —<br />
« Les villes de Bentious sont<br />
au nombre de trois et assez rapprochées les unes des autres.<br />
Chaque ville possède un Djammé. Deux de ces édifices appar<br />
tiennent aux musulmans orthodoxes, l'autre sert aux schismatiques.<br />
Une de ces villes est habitée par des gens d'origine per<br />
sane. A l'occident coule une rivière qui vient du Nord. La<br />
seconde de ces villes est habitée par une peuplade de sang<br />
mêlé. La troisième est occupée par des Berbères. Ces villes,<br />
situées dans une plaine vaste et fertile sont entourées de murs<br />
et de fossés.
—<br />
— 7<br />
« A l'occident s'étend le Sahara ou désert de Bantious dans<br />
-lequel la rivière que nous venons de mentionner répand le tiers<br />
de ses eaux. »<br />
Dans les environs se trouve un grand nombre de bourgades.<br />
Tela, située au nord de Bentious se compose de trois villes<br />
entourées chacune de murailles de briques et d'un fossé.<br />
Nous allons maintenant étudier successivement du point de<br />
vie géographique les Zibans, le Hodna, et l'Aurès.<br />
LE HODNA. —<br />
Cette<br />
région se présente sous la forme d'une<br />
vaste dépression bordée de massifs assez élevés, parmi lesquels<br />
nous remarquons : le Belézma, qui renferme le massif de Mestaoua<br />
(1.648 m.), repaire habituel de tous les révoltés - (en<br />
771 révolte contré Salah Bey, en 1794, révolte contre Mustapha<br />
Bey, en 1811 révolte contre Hamane,<br />
Mohamed Tchaker Bey).<br />
en 1918 révolte contre<br />
En particulier, le Metilli (1.495 mètres) est une véritable<br />
forteresse naturelle, c'est un massif isolé formé de rides paral<br />
lèles de 45 kilomètres de long et 15 mètres de large, bordé<br />
au nord par la route de Barika à Mac-Mahon. Deux oueds<br />
déversent leurs eaux dans la dépression occupée par le Chott<br />
El Hodna ; ce sont l'Oued Barika et l'Oued Bitan, à l'est coule<br />
l'Oued Tillatou qui devient l'Oued El Kantara et forme fron<br />
tière avec l'Aurès.<br />
LES ZIBANS. —<br />
Les<br />
mont de Zab font partie de la chaîne<br />
saharienne des Haut-Plateaux qui s'abaisse et se rétrécit ; ils<br />
culminent à un millier de mètres. Un rameau se dirige vers<br />
El-Kantara et délimite avec la chaîne principale un bassin.<br />
fermé, la Darva de Sildjen ou plaine d'El-Outaya d'une altitude<br />
moyenne de 200 mètres.<br />
C'est le réservoir naturel des Oasis des Zibans, ce qui expli<br />
que la présence d'un chapelet d'Oasis entre ces monts et l'Oued<br />
Djerid (Groupe des Oasis de Tolga, M'iili, Oumache, etc..)<br />
La route de Bou-Saada à Biskra franchit la chaîne à Sadouri<br />
(vestiges d'un fort romain ou aboutissait le « Limas » de Dou-<br />
ceri). La route de Barika à M'iili par M'Doukal passe au<br />
Kheneg Salzou.<br />
Les Zibans (Zab au<br />
de quatre pays :<br />
1er<br />
signifie région)<br />
se compose<br />
Groupe : Zab de Biskra : Oasis de Biskra, Chetma, Droh,<br />
Aïn-Naga ;<br />
Sériana, Sidi-Okba,<br />
2* Groupe : Zab'Chergui : Oasis de Zéribet, El-Oued, Sidi-<br />
Md Moussa ;<br />
3m« Groupe : Zab Guébli : Oasis de Zab méridional, Oumach,<br />
M'iili, Ourlai, Ouled Djellal ;<br />
4 Groupe : Zab Dahraoui : Zab septentrional, Oasis de Li-<br />
chana, Zaatcha, Tolga.
— — 8<br />
Les Zibans sont alimentés en eau par les<br />
nappes souterrai<br />
nes qui proviennent des cours d'eau descendant des « Aures ».<br />
Ces Oueds au régime torrentiel roulent rarement à plein bord,<br />
ils ont des crues violentes et courtes et vont se perdre dans le<br />
Chott Melghir.<br />
Biskra,<br />
traire au Nord est du point de vue météorologique,<br />
capitale des Zibans, malgré son rattachement arbi<br />
L'Oued Biskra et l'Oued Djedi sont les deux seuls cours d'eau<br />
des Zibans. L'Ouest Djedi ex « Nigris » des, Romains sert pra<br />
tiquement de frontière avec le Sahara proprement dit ; c'est<br />
là que les Romains ont établi leur frontière militaire ou Limes.<br />
L'AURES. —<br />
L'Aurès<br />
Biskra, Khanga Sidi Nadji,<br />
est compris dans le quadrilatère Batna,<br />
Khenchela. Il est précédé au Nord<br />
par une série d'avant-monts. Les limites de l'Aurès proprement<br />
dit, sont marquées à l'Ouest :<br />
— par l'Oued El-Jantara,<br />
Lambiridi (El-Biar) Ad Piscinam (Biskra) ;<br />
— au<br />
Sud,<br />
suivi autrefois par la voie romaine<br />
par la zone désertique du Chott Melghir traver<br />
sée par la route de Biskra à Négrine par Zéribet El-Oued ;<br />
— à<br />
l'Est,<br />
par l'Oued El-Arab, qui le sépare du Djebel Cher-<br />
char (monts des Cascades)<br />
de Badès à Khenchela (Mascula) ;<br />
— au<br />
Nord,<br />
Il est à remarquer que,<br />
et qui était suivi par la voie romaine<br />
par la plaine de Sebdka Djendeli.<br />
au Nord et au Sud de l'Aurès se<br />
trouvent deux dépressions marquées par des bassins salins.<br />
L'Aurès culmine au Djebel Chélia (2.328 mètres) véritable<br />
château d'eau de l'Aurès. Quatre grandes vallées creusent le<br />
massif, ce sont celles des oueds : El-Kantara, Abdi, El-Abiod,<br />
El-Arab.<br />
L'Oued El-Kantara descend de Chélia jusqu'aux ruines de<br />
« Lambiridi » où il prend le nom d'Oued Chabâ, ensuite il forme<br />
l'Oued Ksour. La vallée est suivie par la route de Constantine<br />
à Biskra. Il prend le nom d'El-Kantara avant de franchir les<br />
gorges du même nom. Sur le versant Sud se trouve l'Oasis d'El-<br />
Kantara, ancienne « Calceus Herculis », poste militaire impor<br />
tant du temps des Romains. L'Oued prend le nom d'Oued Bis<br />
kra, pour traverser la plaine d'El-Outaya, qui a porté jadis<br />
plus de cent fermes. Ce serait l'ancienne Mesar Felte, oasis<br />
malheureusement placée sur la route des invasions et souvent<br />
détruite.<br />
A El Mlaga (point de rencontre) conflue l'Oued Abdi. Com<br />
me affluents on peut encore noter : l'Oued Guebli ou Oued<br />
Fedhala, réunion de plusieurs torrents : l'Oued Bengatou qui<br />
arrose le territoire de Beni-Ferrah. ,<br />
L'Oued Abdi qui arrose les villages de Baali, Tletz, Haidous,<br />
Teniet-El-Habel, Médrouna, Chir, Ménaa, Ouarkha, Amentane,<br />
Beni-Souik, Djemorah.
— — 9<br />
10d Prend sa source au<br />
toi h r»<br />
Chélia, arrose le terriê*<br />
M'a-<br />
B' Slimane. C'est un torrent qui traverse la plaine<br />
de la<br />
\Z t*t *î do>nation de l'Aurès, car elle commande<br />
vallées<br />
FIA Tl<br />
Oued Abdi El Abiod, Mellagou (Oued<br />
7^7bJ que commande le Chélia (le bouclier). L'Oued El-<br />
ADioa arrose Arris (terres blanches) El Hamrah (la rouge)<br />
îaoentout (les femmse), Tighanimine (les roseaux).<br />
L'Oued El-Arab prend sa source à quelques kilomètres de<br />
Kenchela. Il reçoit les eaux de la partie orientale de l'Aurès<br />
par 1 Oued Guechtane et l'Oued Mellagou.<br />
Le versant saharien de l'Aurès se subdivise en quatre zones<br />
successives :<br />
Le Sammer : C'est la zone qui borde le pied de l'Amar Khaddou,<br />
elle est constituée par des terres cultivables arrosées par<br />
de nombreuses sources.<br />
La Région des Forêts : Les contreforts se relevant en<br />
masses faiblement boisées, les terres de cultures deviennent<br />
rares et se localisent dans le fond des vallées. La limite Sud de<br />
cette zone est jalonnée par les villages de El-Baal, Roumane,<br />
Kébaïch, Ksar O. Youb, Oulach.<br />
Le Dekhla : Les montagnes se dénudent, se délitent et se<br />
décomposent en une terre argileuse, dangereuse en été par suite<br />
de la sécheresse excessive (éboulements), impraticable en<br />
faver (enlisement) .<br />
C'est un véritable désert de montagne d'une<br />
largeur de 15 à 20 kilomètres.<br />
Le Guerguit : C'est la zone où les derniers contreforts de<br />
l'Aurès viennent se perdre dans la plaine, c'est-à-dire dans le<br />
Sahara. Les Tribus de l'Amar Khadou y possèdent une bande<br />
de culture d'hiver de largeur variable.<br />
Le versant Nord de l'Aurès est formé de plusieurs plateaux<br />
qui se divisent en plusieurs petits bassins dans lesquels se per<br />
dent les cours d'eaux suivants :<br />
— Oued<br />
— Oued<br />
— Oued<br />
El-Mahder qui passe à Lambèse et Batna.<br />
Chémora qui arrose Foum Toub.<br />
Baghaïa.<br />
Les deux principaux massifs de l'Aurès se trouvent dans la<br />
partie Nord. Ce sont le Djebel Chélia (2.328 mètres) et le Dje<br />
bel Mahmel (2.321 mètres) d'où divergent deux systèmes de<br />
plis :<br />
Du Djebel Chélia partent la chane du Djebel Zellatou et<br />
celle de l'Amar Khaddou (1.925 mètres).<br />
Du Mahmel partent les chaînes de l'EI-Malou et du Mahmel<br />
proprement dit.<br />
L'Aurès.<br />
contraiarement à sa réputation, est aisément acces-<br />
siBle par ses vallées larges et<br />
nombreuses. Les communications<br />
entre des divers bassins ne sont difficiles qil'en mauvaise sai<br />
son car les chutes<br />
Précaires les<br />
vent le fond des torrents.<br />
abondantes de pluie et de neige rendent<br />
déplacements sur des pistes qui suivent très sou
— 10 r-<br />
LES HABITANTS<br />
CHAPITRE II<br />
— GENERALITES. Il n'est pas opportun dans une étude<br />
aussi limitée que celle-ci, de résumer les différentes hypothè<br />
ses qui ont été faites sur l'origine des Berbères autochtones.<br />
Quoi qu'il en soit, les Berbères, dont il est permis d'affirmer<br />
la stabilité des moeurs au travers des siècles obscurs ou non<br />
du Moghreb, ont résisté vaillamment aux invasions arabes.<br />
Ils n'ont pu cependant éviter d'être submergés par les vagues<br />
successives de populations arabes (invasion hilalienne) dévas<br />
tant et ruinant le pays. Quelques éléments ou lots seulement<br />
ont pu subsister, les autres ont dû fuir et émigrer vers l'Ouest<br />
et ont disparu des horizons de l'histoire locale.<br />
Les étapes de la lutte sont illustrées par les résistances des<br />
champions de l'indépendance Berbère : Koceïla et la Kahina.<br />
Les tribus autochtones Zenata, Masmouda, Senhadja, Ma<br />
ghraoua, à la suite de ces luttes et de ces déplacements de<br />
populations n'ont laissé que quelques îlots témoins.<br />
Les Béni Oudjana (Aurès) seraient des Zenata, les Ma<br />
ghraoua ont laissé, de leur passage, une seule trace, le Djebel<br />
Maghraoua sur la route de Biskra à M'Doukal.<br />
Les Masmouda ont laissé comme témoin le nom d'un village<br />
des contreforts Sud de l'Aurès, Sidi-Masmoudi.<br />
L'invasion hilalienne a submergé littéralement le pays et sa<br />
prise de possession brutale a donné lieu à des métissage, que<br />
la conversion à l'islamisme a rendu encore plus étroite.<br />
Il a été cependant possible de déterminer à peu près exac<br />
tement l'origine Arabe ou Berbère plus ou moins pure de<br />
quelques-unes des tribus.<br />
REGION DE HODNA. —<br />
Là<br />
population est pauvre et d'hu<br />
meur belliqueuse. Les principaux douars sont :<br />
Le douar Tillatou : On lui prête une origine juive. L'histoire<br />
nous dit en effet que des commerçants juifs originaires de cette<br />
tribu et en relations d'affaires régulières avec Biskra furent à<br />
l'époque de Sidi-Okba, assaillis au « Col des Juifs », sur la<br />
route actuelle de Batna, et massacrés. Les vainqueurs se se<br />
raient mariés avec des femmes juives.<br />
Le Douar des Ouled Aouf : (Tribu des Ouled Soltane occu<br />
pant la région de N'gaous, est d'origine Berbère). Population<br />
belliqueuse qui a participé à toutes les dissidences politiques.
A-é-nhâ<br />
11 —<br />
" Dedjas : Toutes ces tribus en formant une sorte<br />
oJ?„ i Gr- confedération ont participé à l'insurrection qui<br />
amena le siège de Zaatcha.<br />
Les Saharis : qui forment les douars de Bitan, M'Doukal El-<br />
Uutaya et El-Kantara sont les adversaires des Ouled Ziane. Ils<br />
sont d'origine arabe pure.<br />
Les Zibans : Cette région placée sous l'autorité d'un seul<br />
chef indigène, le Cheikh El-Arab, est divisée adnfinistrativement<br />
en deux parties, l'enclave de la commune de plein exer<br />
cice de Biskra et la commune mixte de Biskra (100.000 habi<br />
tants environs).<br />
La population est formée d'apports successifs de tribus ara<br />
bes qui ont constitué les principales tribus suivantes :<br />
— Les<br />
Ouled Saoula du Zab Chergui (dont sont originaires<br />
les Ben Chénouf)<br />
l'Aurès.<br />
— Les<br />
Ghomra.<br />
grande famille qui étend son influence sur<br />
— Les Ahl Ben Ali installés primitivement dans la région<br />
de Tobna (Sud de Barika).<br />
,<br />
— Les<br />
— Les<br />
Chorfas fixés autour de Biskra.<br />
Ouled Sidi-Salah, originaires du Sud Marocain (tom<br />
beau de Sidi-Mohammed Moussa).<br />
— Les Bouazid et Ouled Zekri (ayant à sa tête le descen<br />
dant des Bou-Okkaz concurrents malheureux des Bén Gana).<br />
Ces populations sont agglomérées dans les Oasis, la production<br />
et le commerce des dattes leur assurant une large aisance.<br />
L'Aurès : L'Aurès est habité en grande partie par les Ber<br />
bères appelés « Chaouia », nom original qui veut dire « pasteur<br />
ou nomade ». Ils sont en effet des bergers, des semi-sédentaires<br />
qui ont bien leur village, mais qui passent leur vie en déplace<br />
ments successifs soit en allant l'hiver cultiver au loin, dans- la<br />
zone Gerguitt, soit en suivant les troupeau dans la zone des<br />
parcours de la tribu.<br />
Les Chaouias sont généralement grands, vigoureux,<br />
blanche,<br />
de peau<br />
quelquefois blonds. Ayant l'amour de l'indépendance,<br />
ils ne furent jamais réellement soumis, et n'ont jamais réussi a<br />
former une nation. De religion musulmane,<br />
mais peu fanati<br />
ques, ils ont gardé intacts les grands traits de leur organisation<br />
sociale et de leurs mœurs.<br />
Le village « Chaouia » s'accroche au flanc des montagnes<br />
Lie vniagc « oiiduuici »<br />
construi-<br />
e de maisons<br />
pour des de défense il se composéeim.<br />
^<br />
tes de pierres non taillées, liées par uni<br />
, ,,<br />
tnitq *ont nlats Non loin du village,<br />
une emmence, une outre<br />
facfle à tarder et à défendre, se trouvent les magasins ou<br />
dépôts ; ce sont les « guélaas » dont le pittoresque est grand.
'12<br />
Les Berbères n'ont jamais formé de confédération, leur orga<br />
nisation sociale est surtout municipale, chaque village a en<br />
effet ses lois, ses coutumes particulières. Il a sa « Djemaa » ou<br />
assemblée de notables —<br />
ment sans homogénéité.<br />
mais cette assemblée est générale<br />
Le çof qui existe d'ailleurs dans tout le pays musulman est<br />
une sorte de société d'assurance, rendue nécessaire par l'ab<br />
sence de gouvernement. Le çof s'étend de village en village, de<br />
tribu en tribu, les fonds nécessaires sont fournis par des contri<br />
butions volontaires. Les chefs du çof deviennent de véritables<br />
souverains qui n'ont, il est vrai, jamais fondé de royauté, mais<br />
dont le prestige, l'autorité sont considérables, et ils échappent<br />
trop souvent à notre vigilance. On arrive à être chef du çof par<br />
l'habileté, l'intrigue, par les influences de famille et par la<br />
richesse.<br />
Les Chaouias ont des mœurs simples, faciles. Le pays est pau<br />
vre, l'artisanat est inexistant.<br />
Les populations de l'Aurès sont groupées en Tribus d'origine<br />
dissemblables, les principales sont énumérées ci-dessous :<br />
TRIBUS ORIGINES DOUARS<br />
Lakdar Malfaouia Arabo-berbères. El-Ksour, Tillatou, Seggana.<br />
Ouled Fedhala. Métissée. Tahamet, Djebel Groum.<br />
Beni-Ferrah Berbères. Aïn-Zatout.<br />
Saharis Arabes (belliqueux). El-Kantara.<br />
0. Ziane. Arabes marocains. Djemorah, Branis, Beni-Souik<br />
Guédila.<br />
0. Abdi. Berbères. 0. Taga, Chir Ménaa.<br />
0. Daoud.<br />
V. Oudjana.<br />
B. B. Slimane.<br />
Rassira.<br />
A. Keberch.<br />
0. Youb.<br />
0. Slimane.<br />
Arabes (belliqueux).<br />
Berbères.<br />
Berbères.<br />
Berbères.<br />
Berbères.<br />
Berbères.<br />
Berbères.<br />
Ichmoul, Thiganimine.<br />
Chélia, Mellagou, Yabous.<br />
Zellatoik<br />
Tkout, Rassira, M'Chounèche.<br />
Kimmel.<br />
Tadjmout.<br />
Oulach.<br />
Achach. Berbères. Oulach.<br />
Amanras.<br />
Oulach.<br />
Arabo-berbères.<br />
Berbères.<br />
0. Tamza, 0. Ensiga.<br />
Oulach (Khenchela).
13<br />
CHAPITRE III<br />
LES MILIEUX RELIGIEUX<br />
du^eur^LTeurn Pa7S sulman se doit de tenir compte<br />
rell^ieux Qui conditionne la vie<br />
tuelle<br />
matérielle et spiri-<br />
On est naturellement porté à faire des comparaisons entre<br />
les résultats politiques, économiques ou militaires de la période<br />
romaine et la notre. On ne tient pas assez compte dans ce rap<br />
prochement d un facteur important, absent lors de la conquête<br />
romaine : 1 Islam. Cette religion régente toute l'organisation<br />
sociale et a présente a notre venue l'obstacle le plus sérieux.<br />
Le facteur religieux a joiié et joue encore un rôle de pre<br />
mier plan dans le maintien de la sécurité ; il est donc inté<br />
ressant d'étudier ses caractères généraux, son organisation, ses<br />
incidences sur la vie courante.<br />
D'une manière générale, les milieux religieux sont opposés<br />
à des degrés divers, aux transformations qu'impose l'introduc<br />
tion des réformes, ces réformes étant la Conséquence même du<br />
développement de la civilisation dans le milieu indigène.<br />
LTslam est un phénomène d'origine arabe, basé sur la néces<br />
sité "pour les croyants de poursuivre l'établissement du royau<br />
me d'Allah. Cette règle est devenue cependant moins impérieuse<br />
au cours des âges.<br />
L'Islam a gardé une force d'expansion extraordinaire en<br />
trouvant de nombreuses armes dans la civilisation occidentale.<br />
Le musulman est l'homme d'un livre, du Coran. Ce qui frappe<br />
en lui c'est l'ardeur de ses convictions, car le Coran renferme<br />
la loi politique, la loi civile, la loi criminelle, il suffit à tout,<br />
il dirige tout.<br />
La force d'expansion deTlslam est de nos jours diverse dans<br />
ses manifestations car,<br />
celui-ci fait preuve d'une étonnante<br />
souplesse,- d'une merveilleuse faculté d'adaptation, il sait en<br />
Çffet limiter ses progrès dès qu'il se heurte à un système cohé<br />
rent. C'est ainsi que dans l'Inde, se heurtant à l'ïndouisme, il<br />
fait'<br />
ne des progrès que parmi les intouchables rejetés impi<br />
toyablement par le Brahmanisme.<br />
Des mouvements puissants agitent à l'heure actuelle l'Isla<br />
misme, le mouvement nationaliste en est la forme la plus con<br />
nue. Pour les nationalistes, le secret de notre supériorité réside<br />
dans la connaissance des sciences exactes et des sciences poli<br />
tiques/ de là sont nés d'une part, l'engouement des jeunesses<br />
musulmanes pour l'enseignement européen et d'autre part, par<br />
réaction, la tendance des milieux religieux à se réfugier dans<br />
la pureté des traditions religieuses, puis, insensiblement, à dé<br />
border -ce cadre étroit pour se déplacer sur le plan politique<br />
. (oulémas .<br />
réformistes)<br />
D'une manière générale l'Islam algérien n'est pas homogène,
— u —<br />
le développement des confréries étant lié aux différences des<br />
milieux régionaux et aussi à l'influence des Cofs qui s'opposent<br />
à l'idée de nation.<br />
L'action religieuse musulmane est exercée par trois catégo<br />
ries d'individus :<br />
— Le<br />
— Les<br />
— Les<br />
— Les<br />
Clergé musulman investi et salarié ;<br />
Marabouts locaux,<br />
Religieux congréganistes (Khouan),<br />
faux Chérifs.<br />
LE CLERGE INVESTI. —<br />
distingue parmi eux :<br />
Les<br />
membres en sont francisés, On<br />
Les Muphtis : Titre honorifique donné à des imans impc<br />
tants (chaque mosquée possède un iman).<br />
Les Moudderès : Ou professeurs qui dispensent l'enseigne<br />
ment religieux. Les mosquées de Biskra, El-Outaya, El-Kantara/<br />
Tolga, Sidi-Okba, Oued Djellal,<br />
sont les principaux établisse<br />
ments religieux de la région étudiée.<br />
Les Marabouts : y<br />
a lieu de distinguer le marabout pro<br />
priétaire d'une Zaouia qui peut être aussi bien défini par le<br />
mot « Monastère » que par celui de « lieu de réunions acci<br />
dentelles ou périodiques ».<br />
On est marabout par droit de naissance, les disciples font<br />
des offrandes ou « Ziaras », les autres revenusdu<br />
marabout<br />
sont les offrandes ou « Ouard ».<br />
LES ORDRES RELIGIEUX. —<br />
C'est<br />
une sorte d'auto-défen<br />
se contre les fautes politiques ou les altérations de la doctrine<br />
religieuse. Deux sectes sont à la base : les « Chittes » et les<br />
« Ouahabites » ou puritains de l'Islam ; ils recherchent tous<br />
deux la pureté morale.<br />
Aux preuves d'orthodoxie s'ajoute, la plupart du temps, l'au<br />
torité d'un enseignement écrit, la pratique des vertus et l'aus<br />
térité n'est réservée qu'à un nombre restreint d'initiés. L'es<br />
sentiel de l'activité de ces ordres est de recruter des adeptes<br />
que l'on cherche à ne pas effaroucher par la rigidité de la<br />
règle qui est cependant absolue sur les trois points suivants :<br />
— L'obéissance<br />
— Le<br />
— La<br />
au Cheikh.<br />
secret sur les affaires du Khouan,<br />
solidarité.<br />
Organisation intérieure : A la tête de l'ordre est placé le<br />
Cheikh ou Supérieur Général, ensuite on trouve les Moqqadem<br />
ou vicaires.<br />
Les Cheikhs sont des hommes supérieurs, cultivés, les Moqqadems<br />
sont également choisis avec beaucoup de soin.<br />
La masse deâ Khouans ou fidèles est soumise à une stricte<br />
discipline et- à l'obligation de la « Ziara ».
nombUQUadryas' Rhamanva><br />
«p«<br />
ses<br />
— — 15<br />
Chadélya, Cheikhla, forment de<br />
/rongrégations indépendantes qui ont de nombreu<br />
ramifications dans toute l'Algérie.<br />
.„,.,f TldJ&nya, Moussya, Zianya, Karzazya ne forment qu'une<br />
seule congrégation. <<br />
LES PRINCIPAUX ORDRES RELIGIEUX. —<br />
Ordre de Qua-<br />
dria : bon fondateur, originaire de Bagdad, était d'une grande<br />
sainteté. Sa doctrine s'inspira d'idées morales et philosophi<br />
ques, mais il a été surtout fondé dans un but humanitaire et<br />
Philanthropique ; c'est un ordre largement ouvert. Au point<br />
ivue politique, il n'a jamais manifesté d'hostilité à notre<br />
t<br />
égard. En 1879, dans l'Aurès, notre meilleur appui fut le Chef<br />
des Quadrias, le Caïd Mahmed Ben Abbès.<br />
Ordre des Chadelva : C'est surtout une école philosophique<br />
à doctrines égalitaires et rétrogrades, s'accommodant de nos<br />
méthodes de gouvernement.<br />
Un certain nombre de congrégations sont rattachées aux<br />
Chadelyas par des attaches plus ou moins secrètes. Une d'entre<br />
elles mérite quelques mots : les « Assaouas », organisation ma<br />
rocaine aux étranges pratiques qui cachent une exaltation et<br />
un mysticisme aigus. Les pratiques sont à base de sobriété.<br />
d'abstinence, de mortifications physiques. Dans le Sud; ils rece<br />
vraient des offrandesrdes « Ouled Zekri » (Tribu des Zibans).<br />
Ordre de Tidjanya : Son fondateur est originaire du Djebel<br />
Amour (région de Laghouat), la maison mère est à Aïn-Mahdi.<br />
L'activité de l'ordre est devenue exclusivement saharienne.<br />
Depuis leur refus d'une aide à Abdel-Kader, les Tidjani ont<br />
toujours respecté une neutralité absolue (ex. en 1844, prise<br />
de Biskra). Aujourd'hui, il existe deux branches des Tidjanyas,<br />
celle d'Ain Mahdi et celle de Temacine.<br />
Les Rahmanyas : Ils forment un ordre d'origine kabyle qui<br />
s'est divisé en un certain nombre de branches rivales ; l'une<br />
d'entre elles a été fondée par un originaire d'-El-Bordj (Ziban)<br />
qui émigra à Nefta lors de la prise de Biskra et après avoir<br />
désigné cinq<br />
Moqqadems :<br />
Si Ali ben Amor (fondateur de la Zaouia de Tolga).<br />
Cheikh El Moktar ben Khelife des Ouled Djellal.<br />
Si Embareck Ben Kouider.<br />
Si Saddock ben Hadj (fondateur, de la Zaouia de Sidi<br />
Masmondi, Sud de l'Aurès).<br />
Sidi Abd El Hadfi de Khanga Sidi Nadji.<br />
Les Snoussya : Le fondateur de cet ordre est algérien, né aux<br />
environs de Mostaganem en 1836. Sa doctrine puritaine impose<br />
le retour au Coran, aux rites orthodoxes, reconnaît la nécessité<br />
de l'imanat ; sa discipline est rigoureuse. Ses membres affec<br />
tent de se tenir rigoureusement en,dehors de toute action politi<br />
iue mais leur influence est dangereuse, car ils visent la fédé-<br />
ation de tous les ordres religieux orthodoxes, exclusifs de toute
— — 16<br />
autorité séculière. Le chef-lieu de l'ordre est à<br />
politaine).<br />
Djaraboub (Tn-<br />
LES CONFRERIES-' — Ce sont des associations non ortho<br />
doxes, dont le caractère religieux est souvent contesté par les<br />
musulmans eux-mêmes. Elles se présentent sous la forme de-<br />
corporations ambulantes (Musiciens, acrobates, danseurs) qui<br />
vivent d'aumônes. On remarque parmi ces confréries celles des:<br />
— Amar<br />
— Bou-Alya<br />
— Mekhalya<br />
Bou Sema (musiciens) ,<br />
à Biskra.<br />
qui auraient eu une troupe<br />
(jongleurs et danseurs) n'ont que de rarjn<br />
adeptes.<br />
: qui seraient d'origine marocaine (Sous) .<br />
forment une sorte de société de francs archers. C'est lors de<br />
lutte des Marocains contre les Portugais que cette confré<br />
a vu le jour. Les membres se livrent à des exercices de tir<br />
d'escrime, généralement le vendredi après la prière du Doh<br />
Confrérie des Hamdaoua. —<br />
Cette<br />
confrérie présente un<br />
intérêt particulier en ce sens que son activité s'exerce sous une<br />
forme originale, une partie importante de ses adeptes se re<br />
crute, en effet, dans l'Armée.<br />
La Zaouia des Hamdaoua se trouve à Zohra (Sud de Tlem-<br />
cen). Dérivant de la doctrine générale des Quadria, les prati<br />
ques religieuses des JHamadaoua ont pour but de chasster le?<br />
esprits par l'extase en observant les règles préconisées pa<br />
les pures doctrines soufistes. Les affiliés parviennent à cette<br />
extase par des chants et des danses agrémentées de coups sur<br />
la poitrine et la tête; l'initié reçoit un certificat délivré par le<br />
Cheikh.<br />
Les lieux de réunions sont variables : épicerie, marabout,<br />
café maure, plein air, etcC,<br />
si elles peuvent avoir pour but la<br />
recherche de l'extase en commun, elles consistent souvent en<br />
séances de prestidigitation qui permettent au Cheikh d'af<br />
firmer son autorité sur ses auditeurs.<br />
S'il y a des adeptes civils, le nombre des adeptes militaires<br />
est par ailleurs considérable.<br />
Les conditions du recrutement sont simples puisque, seule,<br />
la qualité de bon musulman est exigée de même évidemment<br />
qu'une obéissance passive.<br />
Il y a quelques années, le mouvement Hamdaoua avait pris<br />
une extension considérable, de nombreuses Unités avaient leur<br />
clan Hamdaoua. L'organisation réalisée peut se comparer à<br />
celle conçue par les communiste», : même hiérarchie,1<br />
même<br />
obéissance, même autorité incontestée du moqqadem choisi,<br />
quel que soit son grade, même recherche permanente du ren<br />
seignement.<br />
LES FAUX CHERIFS. —<br />
Ne<br />
qu'à l'époque des troubles.<br />
se sont rencontrés dans le passé<br />
Lieutenant-Colonel CANDAU.<br />
.!<br />
«-V-<br />
***