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<strong>au</strong>rais-je parlé avec eux ? Ils avaient passé l’été à poursuivre leur petite vie. J’avais passé le mien à<br />

essayer de reconstruire la mienne.<br />

J’ai jeté un œil sur la cafétéria. Bizarre – rien n’avait changé. Les mêmes élèves étaient assis côte à<br />

côte. Les mêmes filles maigres mangeaient les mêmes salades. Les mêmes sportifs engouffraient des<br />

platées de protéines. Les mêmes bons élèves se faisaient discrets dans leur coin. Le vacarme était<br />

toujours <strong>au</strong>ssi assourdissant. Et M. Cavitt passait entre les tables en répétant « Les mains <strong>au</strong>-dessus de la<br />

table, les enfants. Les mains <strong>au</strong>-dessus de la table ! ».<br />

La seule chose qui avait changé, c’était moi.<br />

C’est <strong>ce</strong> que tu voulais, je me répétais. Tu voulais t’éloigner de Sta<strong>ce</strong>y. Tu voulais retourner <strong>au</strong><br />

lycée à Garvin. Tu voulais leur prouver que tu n’avais <strong>au</strong>cune raison de te cacher. Tu le voulais et tu<br />

l’as eu. C’est juste le déjeuner. Mange et c’est tout. Discrètement je suis sortie de la piè<strong>ce</strong>, ni vu ni<br />

connu.<br />

Je me suis appuyée contre le mur du couloir et j’ai fermé les yeux en expirant longuement. Je<br />

transpirais, mais mes mains étaient glacées. J’avais l’appétit coupé et une seule envie, en finir avec la<br />

journée le plus vite possible. Je me suis laissé glisser contre le mur pour m’asseoir et déposer mon<br />

plate<strong>au</strong>.<br />

Mon esprit s’est tout de suite réfugié dans le passé et j’ai pensé à Nick. J’étais assise à côté de lui<br />

dans sa chambre, avec sa manette de PlayStation, et je lui disais « T’as pas intérêt à me laisser gagner…<br />

Et merde, t’es en train de me laisser gagner ! Non, arrête ! ».<br />

Il faisait <strong>ce</strong>tte espè<strong>ce</strong> de moue pour me taquiner – tirant la langue légèrement sur le côté, la bouche<br />

ouverte avec un sourire béat en couinant dou<strong>ce</strong>ment toutes les deux ou trois secondes.<br />

– Nick, j’ai dit arrête. Sérieux, je n’ai pas envie de gagner. J’aime pas quand tu fais ça. Je trouve ça<br />

humiliant.<br />

Quelques ricanements supplémentaires et hop, il avait perdu, exprès.<br />

– Fais ch…, Nick ! ai-je hurlé en le frappant avec la manette alors que le personnage bondissait sur<br />

l’écran en prenant une pose de vainqueur. Je t’avais dit que je ne voulais pas que tu me laisses<br />

l’emporter !<br />

– Et alors ? T’as gagné, carrément et dans les règles de l’art. Toute façon, t’es une fille. T’avais<br />

besoin que je t’aide.<br />

– C’est pas vrai, tu ne m’avais pas dit ça. Tu voulais me montrer comment ça marche, me suis-je<br />

défendue en lançant la manette, à deux doigts de me jeter sur lui, <strong>ce</strong> qui le faisait encore plus rire.<br />

Je l’ai bourré de coups de poing dans l’ép<strong>au</strong>le, mais il était tellement taquin que j’étais incapable de<br />

rester sérieuse. Ça ne lui arrivait pas très souvent, mais quand il était d’humeur à rigoler, c’était super<br />

contagieux.<br />

– Arrête, arrête, espè<strong>ce</strong> de brute ! s’écriait-il avec la voix h<strong>au</strong>t perchée entre deux fous rires. Aïe, tu<br />

me fais mal !<br />

Je me suis jetée contre lui et on a roulé l’un sur l’<strong>au</strong>tre jusqu’<strong>au</strong> moment où je me suis retrouvée<br />

plaquée <strong>au</strong> sol. Il me tenait par les poignets et on était tous les deux à bout de souffle. Il s’est penché vers<br />

moi, à quelques millimètres de mon visage.<br />

– Tu sais, c’est pas grave, si quelqu’un te donne un petit coup de pou<strong>ce</strong> pour gagner, m’a-t-il<br />

murmuré, soudain très sérieux. Personne ne nous oblige à être toujours du côté des perdants, Valérie. Eux,<br />

ils ont peut-être envie qu’on ait l’impression d’être nuls, mais on ne l’est pas. On a le droit de gagner,<br />

nous <strong>au</strong>ssi.<br />

– Je sais.<br />

Je n’ai pas osé le lui dire, mais pour moi, être dans ses bras était ma meilleure récompense.<br />

– Tu peux venir t’asseoir à côté de moi si tu veux.<br />

Alors j’ai atterri.

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