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L'ALGERIE AGRONOMIQUE

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<strong>L'ALGERIE</strong> <strong>AGRONOMIQUE</strong><br />

DEVANT<br />

L'EXPOSITION UNIVERSELLE<br />

A. HARDY<br />

Ancien Directeur du jardin d'Acclimatation d'Alger<br />

ALGER<br />

TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE ADOLPHE JOURDAN<br />

(^py^r.-<br />

AgXâ.-a<br />

4,<br />

IMPRIMEUR-LIBRAIRE<br />

PLACE DU GOUVERNEMENT, 4<br />

1878<br />

(Tx^fê)


L'ALGÉRIE <strong>AGRONOMIQUE</strong><br />

33i


<strong>L'ALGERIE</strong> <strong>AGRONOMIQUE</strong><br />

DEVANT<br />

L'EXPOSITION UNIVERSELLE<br />

PAR<br />

A. HARDY<br />

Ancien Directeur du jardin d'Acclimatation d'Alger<br />

L'Algérie commence au rivage sud de la Méditerranée<br />

sur une longueur de deux cent cinquante lieues, et<br />

s'étend sur une largeur égale, jusqu'au désert. Elle<br />

occupe dans sa circonscription actuelle soixante mil<br />

lions d'hectares. Vue avec une certaine indifférence<br />

au début de la conquête, sous les rapports politiques et<br />

économiques, elle devient de plus en plus l'expansion,<br />

de la France, jusqu'à ce qu'elle soit devenue la France<br />

dans un avenir qui ne peut être éloigné.<br />

elle-même,<br />

Grâce au travail opiniâtre, à l'énergie incessante de<br />

cent dix mille colons, en chiffre rond, cultivant la terre,<br />

transformant le sol et le faisant produire, qui sont<br />

répandus sur tout le territoire algérien, l'agriculture<br />

française s'étend aujourd'hui, d'un seul tenant, sur<br />

vingtrdeux degrés de latitude, depuis le Fas-de-Calais<br />

jusqu'à Tougourt et El-Goléah.


— — 4<br />

L'Algérie ajoute à la France quatre nouvelles régions<br />

culturales.<br />

1° La région complète des oliviers;<br />

2° La région des céréales, caractérisée principalement<br />

par les blés à périsperme corné ( Triticum durum.<br />

Lin.) ;<br />

3° La région de Mafia ;<br />

4° La région dactilifère ou des dattiers.<br />

1° La région des oliviers occupe au moins la moitié du<br />

Tell proprement dit, soit environ huit millions d'hec<br />

tares. Elle complète ce qui existe de cette région dans<br />

le Midi de la France où elle n'est pour ainsi dire qu'é<br />

bauchée.<br />

La région des oliviers s'étend sur toute la longueur<br />

du littoral et s'élève, en largeur,<br />

douze cents mètres d'altitude.<br />

entre neuf cents et<br />

Cette région des oliviers, en Algérie, peut être consi<br />

dérée comme une des plus riches qui existent; elle<br />

résume les. cultures et les produits des autres régions<br />

situées plus au nord : les forêts composées d'essences<br />

particulières au climat, les céréales ; la vigne y trouve<br />

des conditions merveilleusement appropriées à sa<br />

nature. Le figuier (Ficus caricaj, y abonde, ainsi que le<br />

figuier de Barbarie (Opuntia ficus-indica). Le mûrier s'y<br />

trouve comme dans son élément naturel. Le chêne-liége<br />

fait partie de cette région et ne se rencontre dans aucune<br />

autre partie du globe. Le caroubier se concentre dans<br />

les massifs accidentés de la Kabylie.<br />

La région des oliviers en Algérie comprend deux<br />

sous-régions : l'une, inférieure, qui s'étend du rivage<br />

jusqu'à trois ou quatre cents mètres d'altitude, où la


- 5<br />

température moyenne est de -f-<br />

maxima de + 35° et minima<br />

—<br />

1<br />

— 0°<br />

8° avec des extrêmes<br />

; l'autre, supérieure,<br />

s'étend au-dessus de neuf cents mètres d'altitude, où la<br />

température moyenne est de + 16° centigrades avec des<br />

40° -j-<br />

— extrêmes momentanés de et de<br />

5".<br />

Dans la sous-région inférieure, l'olivier paraît souffrir<br />

d'une chaleur trop prolongée, d'une pesanteur atmos<br />

phérique trop grande ; ses feuilles sont souvent couver<br />

tes de fumagine, qui nuit à son développement; il<br />

fructifie peu et ses fruits sont souvent attaqués par un<br />

ver, le Dacus olœe, qui les fait tomber avant maturité.<br />

Ce milieu, ainsi limité, n'est pas plus favorable à<br />

l'oranger et au citronnier, qui n'y montrent qu'une<br />

végétation souffreteuse; leurs fruits restent petits et<br />

sont très-fréquemment couverts, ainsi que les feuilles,<br />

de fumagine et d'une petite cochenille (Coccus adoni-<br />

dium) qui occasionnent des altérations profondes sur<br />

ces arbres. Le milieu favorable à l'oranger et ses congé<br />

nères se trouve au-dessus de deux cents mètres d'alti<br />

tude;<br />

c'est au pied et surtout dans les gorges des<br />

montagnes, où l'air est frais,<br />

où les irrigations sont<br />

abondantes , que l'oranger se plaît le mieux et où il<br />

donne les plus nombreux et les plus beaux fruits.<br />

Dans cette sous-région, une multitude de végétaux,<br />

d'origine intertropicale, réussissent, et on peut y entre<br />

prendre, avec succès,<br />

un grand nombre de cultures<br />

dites coloniales. Le bananier y donne d'excellents<br />

fruits. Le goyavier y fructifie abondamment, l'avoca<br />

tier (Pcrsea gratissima) s'y développe avec vigueur et<br />

offre en abondance des fruits estimés. Le néflier du<br />

Japon (Eriobotrya japonica)<br />

jardins,<br />

est très-commun dans les<br />

et ses fruits abondent sur les marchés. Le


— - 6<br />

Longan (Euphoria longana) et YEugenia maldccensis,<br />

encore peu répandus, donnent des fruits excellents<br />

ainsi que le sapotillier {Sapota achras, Lin). C'est dans<br />

cette zone que les primeurs sont cultivés avec un plein<br />

succès et sont l'origine d'une exportation considérable<br />

à destination de presque tous les pays d'Europe.<br />

Le nombre des végétaux des tropiques qui peuvent<br />

prospérer dans cette sous-région est considérable. De<br />

1842 à 1867,<br />

il a été introduit au jardin d'acclimatation<br />

d'Alger, par mes soins, plus de quatre mille cinq cents<br />

espèces dénommées et cataloguées. Le nombre des va<br />

riétés s'élevait à trois- mille huit cents. Ce nombre se<br />

rait certainement doublé aujourd'hui si l'œuvre n'eût<br />

pas été arrêtée...<br />

C'est grâce à ces. introductions faites par le jardin<br />

d'acclimatation que les jardins de l'Algérie, dans cette<br />

région,<br />

présentent ce curieux assemblage de végétaux<br />

décoratifs ayant un cachet tropical et qui offrent, à<br />

toutes les époques de l'année, des floraisons pplendides<br />

ou étalent des formes des plus pittoresques.<br />

Dans le chiffre de ces introductions figurent des vé<br />

gétaux monocotylédonés en grand nombre, parmi les<br />

quels il faut citer particulièrement : cent quatre-vingt-<br />

dix-neuf espèces de palmiers comprenant cinquante-six<br />

genres ; quarante-deux espèces de cycadées, cinquante-<br />

cinq espèces de dracœna et cordyline,<br />

vingt et une<br />

espèces de yucca, huit espèces de strélitziœ, vingt-neuf<br />

espèces de pandanus, douze espèces de bananiers, dix-<br />

sept espèces de bambous . Quelques<br />

autres espèces pré<br />

sentent des faits d'acclimatation remarquables et des<br />

plus inattendus. Il faut citer principalement VArenga<br />

saccharifera Labill, des Moluques, arbre des plus utiles


- 7<br />

—<br />

dans son pays , qui donne en abondance une sève su<br />

crée dont on fait du sucre et de l'alcool, et des fibres<br />

textiles qui se développent sur son tronc et dont on<br />

fait des cordages et des tissus ; le Caryota urens, Lin,<br />

originaire de l'Inde, qui produit ici des graines fer<br />

tiles. Cet arbre donne des fibres textiles très-résis<br />

tantes, dont on fait des câbles très-forts, des brosses,<br />

des balais, des chapeaux, etc. Il produit, en outre, une<br />

grande quantité de sève sucrée qui donne,<br />

évaporation,<br />

par simple<br />

une grande partie du sucre consommé<br />

dans les pays où il est cultivé, c'est-à-dire à Ceylan,<br />

au Malabar, au Coromandel et au Bengale. Son tissu<br />

cellulaire contient, en outre, une fécule aussi bonne que<br />

le meilleur sagou.<br />

LAcrocomia sclerocapa, Mart. {Cocos cxuleata jacq.)<br />

originaire de la Guyane et répandu dans<br />

Vulg. Mocaya,<br />

le Brésil et aux Antilles. De la pulpe du fruit de ce<br />

palmier,<br />

on extrait une huile concrète de la consistance<br />

du beurre, d'un jaune d'or, à odeur de violette,<br />

que le<br />

commerce importe en abondance, en Europe, pour la<br />

fabrication des savons de toilette ; les noyaux du fruit<br />

se prêtent à la sculpture et servent à la confection<br />

d'objets de fantaisie. U'Oreodoxa Regia H. B.,<br />

est un<br />

magnifique palmier de l'Amérique méridionale et ré<br />

pandu dans l'île de Cuba, il s'élève très-haut. Son tronc<br />

devient très-renflé au milieu de sa hauteur. On peut en<br />

voir de magnifiques exemplaires dans les carrés du<br />

jardin d'acclimatation. Ls Cycas circinalis, Lin, origi<br />

naire du Malabar, des Moluques,<br />

a une tige unique<br />

s'élevant cylindriquement comme une colonne, dont<br />

le tronc renferme un étui médullaire très-développé,<br />

remplie d'une fécule connue sous le nom de sagou.


— — 8<br />

Cette fécule est d'ailleurs commune à la plupart des<br />

espèces de la famille des cycadées, dont quarante-deux<br />

espèces; on l'a vu pius haut, ont été introduites ici. Ces<br />

espèces sont originaires de l'Inde, des Moluques, du<br />

Japon, de l'Afrique australe, de la Nouvelle-Hollande,<br />

du Mexique. Il y aurait beaucoup d'autres espèces à<br />

citer,<br />

offrant des exemples d'acclimatation non moins<br />

intéressants,<br />

mais dont les descriptions dépasseraient<br />

les limites imposées à ce travail.<br />

Dans la sous-région supérieure, l'olivier périclite par<br />

une cause inverse inconnue.. Le froid hivernal rapetisse<br />

sa taille, ses rameaux deviennent buissonneux, la neige,<br />

assez persistante pendant l'hiver, dans cette zone, le<br />

fructifie que peu ou point. La vitalité<br />

contrarie, il n'y<br />

de l'olivier va donc en s'atténuant, dans ces deux sous-<br />

régions, au sud et au nord,<br />

mais avec ce renversement<br />

remarquable, par rapport au méridien, qu'il souffre des<br />

suites de la chaleur au nord, sur le rivage de la Médi<br />

terranée,<br />

et de l'abaissement momentané de la tempé<br />

rature au sud, en se rapprochant de la région de<br />

l'Halfa,<br />

à cause de l'altitude.<br />

Cette sous-région supérieure convient admirablement<br />

à nos arbres fruitiers d'Europe, à feuilles caduques, aux<br />

habitudes hivernantes, tels que les poiriers, pommiers,<br />

pruniers. Les groseillers à grappes et épineux<br />

cerisiers,<br />

et les framboisiers y réussissent parfaitement. C'est dans<br />

cette zone seulement que l'on devrait planter ces espèces<br />

d'arbres fruitiers si l'exploitation du sol était guidée<br />

selon les indications agronomiques ; elle produirait des<br />

quantités de fruits excellents, qui suffiraient non-<br />

seulement aux besoins de la consommation locale,<br />

mais encore, par leur précocité, pourraient alimenter


- 9<br />

-<br />

une exportation considérable, qui deviendrait la source<br />

de grands profits. Tandis que sur le littoral ces arbres<br />

vivent peu, végètent toujours à contre-temps et restent<br />

chétifs, leurs fruits dégénèrent, sont sans qualité, cons<br />

tamment véreux et tombent presque toujours avant la<br />

maturité.<br />

La vraie station favorable au développement et à la<br />

production de l'olivier commence à deux cents mètres<br />

d'altitude et souvent moins dans l'intérieur du pays.<br />

Dans la station qui lui est appropriée, l'olivier prend<br />

les dimensions d'un arbre de haute futaie ; il n'est<br />

attaqué par aucun insecte, par aucune maladie, ses<br />

récoltes sont toujours assurées, elles alternent seulement<br />

sous le rapport de l'abondance, comme dans toutes les<br />

productions fruitières arborescentes : une année, les<br />

arbres chargent beaucoup, l'année suivante un peu<br />

moins, et ainsi de suite. L'olivier, dans ce milieu, résiste<br />

à la sécheresse, il est pour ainsi dire indifférent aux<br />

irrégularités atmosphériques, il donne toujours des<br />

produits alors que souvent les cultures annuelles avor<br />

tent,<br />

soit par l'abondance des pluies en automne qui ne<br />

permettent que des ensemencements incomplets, soit<br />

par la sécheresse au printemps qui arrête et contrarie la<br />

croissance des végétaux herbacés et principalement des<br />

céréales. L'huile que donne l'olivier est le produit le<br />

plus riche et le plus abondant que l'on puisse demander<br />

à l'Algérie. Il constituera une fortune immense pour ce<br />

pays, si l'on se met à l'aménager sérieusement et à l'ex<br />

ploiter selon sa nature. La culture de l'olivier n'exige<br />

pas une main-d'œuvre considérable, comparativement<br />

aux autres végétaux cultivés . Il<br />

se reproduit avec la<br />

plus grande facilité, il se sème de lui-même, il existe en


- 10<br />

—<br />

abondance et sous toutes les dimensions,<br />

à l'état spon<br />

tané, dans la presque totalité des broussailles. En les<br />

dégageant, en les cultivant et en les greffant, alors qu'ils<br />

ont le développement voulu, les sujets dont les fruits<br />

sont trop petits, ils peuvent entrer en production au<br />

bout de cinq à six ans et souvent moins, suivant la<br />

situation où ils se trouvent. Pour les plantations nou<br />

velles, il suffit d'enfoncer dans le sol des boutures de<br />

bonnes variétés ayant la grosseur du bras et au bout<br />

de très-peu de temps on a un arbre qui entre en rap<br />

port.<br />

On peut le cultiver à la charrue et faire dessous des<br />

cultures annuelles. Aucun arbre n'est plus propre au<br />

boisement et reboisement, dans sa région ; partout où<br />

l'olivier peut venir et donner de bons produits,<br />

on ne<br />

devrait pas planter d'autres arbres ; c'est certainement<br />

par sa culture que l'on peut le mieux utiliser les ter<br />

rains déclives.<br />

La région qui lui est propre en Algérie peut contenir<br />

aisément huit cent millions d'oliviers, donnant annuel<br />

lement et facilement huit cent millions de litres d'huile,<br />

au minimum; c'est une production annuelle de huit<br />

cent millions de francs . Ce<br />

résultat peut être atteint en<br />

un quart de siècle, si l'on prend des dispositions pour<br />

implanter ici une population agricole européenne, dans<br />

un délai appréciable, égale en nombre à celle des indi<br />

gènes. Quant au débouché, il n'y<br />

cuper ; il s'étendra sur le monde entier.<br />

a pas à s'en préoc<br />

L'huile d'olive se conserve indéfiniment et ne se dé<br />

tériore pas en vieillissant ; elle peut supporter les plus<br />

longs voyages ; elle est supérieure pour l'alimentation à<br />

toutes les autres espèces d'huiles produites sur la sur-


face du globe . Ce<br />

— — 11<br />

corps gras, végétal, est accepté par<br />

les adeptes de toutes les religions.<br />

M. Carette, membre de la Commission scientifique de<br />

l'Algérie, et qui, le premier, a donné des notions exactes<br />

sur la Kabylie, a dit : Sur deux gouttes d'huile pro<br />

duites, l'une s'écoule vers le nord par le commerce, et<br />

l'autre s'écoule au midi, vers le centre de l'Afrique, par<br />

les caravanes . 11<br />

est certain qu'il y a dans ces contrées<br />

un débouché neuf et immense qui nous est ouvert. L'é<br />

coulement, vers ces pays, de nos produits, notamment<br />

de nos huiles et de nos céréales, est limité par l'insuffi<br />

sance des moyens de transport à dos d'animaux, qui<br />

sont lents, coûteux et chanceux. La création du che<br />

min de fer trans-saharien, que l'on qualifie trop légère<br />

ment d'utopie , changerait cette situation et ouvrirait<br />

une ère nouvelle à l'Algérie, à la France,<br />

tout entière .<br />

à l'humanité<br />

2° La région des céréales est comprise principale<br />

ment dans la province de Constantine et occupe l'an<br />

cienne Numidie. Cette région est caractérisée par<br />

l'absence à peu près absolue de toute végétation arbo<br />

rescente. C'est à peine si, à l'horizon, on aperçoit de<br />

temps à autre. quelques azéroliers à l'état buissonneux.<br />

Le territoire se compose de plaines doucement ondulées.<br />

Les surfaces tout à fait plates sont en minorité. Le re<br />

lief de cette région au-dessus du niveau de la mer est<br />

de 800 à 1,000 mètres. La température moyenne y est<br />

de + 15 à 16 degrés centigrades,<br />

de + 40° et<br />

— 5"<br />

avec des extrêmes<br />

La végétation spontanée est toute<br />

herbacée et est principalement caractérisée par de nom<br />

breux- artichauts sauvages, dont les racines vivaces<br />

s'enfoncent profondément dans le sol et émettent à


- 12-<br />

chaque printemps de nouvelles tiges qui se dessèchent<br />

à la fin de l'été. Pendant l'hiver ou saison des pluies,<br />

la terre se couvre de verdure composée de plantes pro<br />

pres aux pâturages, quoique grossières ; cette verdure<br />

disparaît complètement en été,<br />

sol, tant que la vue peut s'étendre,<br />

et toute la surface du<br />

ne présente plus<br />

qu'une teinte grisâtre. Le terrain est en général de na<br />

ture forte, composé d'argile et de carbonate de chaux.<br />

Ce terrain est.très-hygrométrique; pendant l'été, il<br />

éprouve un mouvement de retrait sous l'influence de la<br />

sécheresse;<br />

il se produit alors de larges et profondes<br />

crevasses dans les terres incultes; pendant les pluies,<br />

il se sature d'eau, se gonfle,<br />

et les crevasses disparais<br />

sent. C'est une terre à céréales par excellence, c'est la<br />

Beauce d'Afrique. Les points les plus élevés se couvrent<br />

passagèrement, pendant la saison la plus froide, d'une<br />

couche assez épaisse de neige. 11 y a des gelées printa-<br />

nières, occasionnées par le rayonnement nocturne, qui se<br />

font sentir jusqu'en mai. Dans les endroits relativement<br />

abrités, la vigne réussit généralement bien, ainsi que<br />

les principales variétés d'arbres fruitiers d'Europe;<br />

mais la vigne doit être taillée tard et en pleine sève, à<br />

cause des gelées tardives qui détruisent les jeunes<br />

bourgeons herbacés (1).<br />

(1) On sait que, lorsque l'on ne taille pas la vigne au moment<br />

où la sève est à l'état de repos, les yeux supérieurs du sarment,<br />

seuls, poussent, alors que les yeux de la partie inférieure du sar<br />

ment restent à l'état latent. Si donc l'on taille la vigne lorsqu'elle<br />

semble en pleine végétation, sur les yeux demeurés à l'état de re<br />

pos, c'est exactement comme si l'on taillait à l'époque que l'on<br />

considère généralement comme normale. Le produit n'en est en<br />

aucune façon diminué. Cette particularité étend singulièrement le<br />

champ<br />

de production de la vigne en Algérie .


— - 13<br />

Cette région nourrit de nombreux troupeaux de mou<br />

tons et de bœufs ; ces derniers ont une taille plus<br />

développée que dans les autres parties de l'Algérie, et<br />

c'est dans sa circonscription que se montrent les plus<br />

beaux chevaux du Tell.<br />

Les céréales, la culture des fourrages, l'élève du<br />

bétail,<br />

sont les principales productions sur lesquelles<br />

doit s'exercer l'agriculture de cette région. Parmi les<br />

le blé dur doit avoir la prédominence à cause<br />

céréales,<br />

des propriétés particulières qui le distinguent. Son grain<br />

glacé renferme plus de gluten que toutes les autres<br />

espèces de blé. Son emploi s'étend tous les jours en<br />

Europe et il estde plus en plus recherché. Cultivé dans les<br />

régions du nord, il produit peu, tandis qu'ici il est plus<br />

rustique que les autres espèces de blé. Il ne s'égrène pas<br />

aussi facilement sur pied, et sa récolte peut être différée<br />

dans une certaine limite, sans qu'il en résulte de graves<br />

inconvénients. La sécheresse et la limpidité des jours<br />

pendant l'été, permettent d'en opérer le battage en plein<br />

air, ainsi, du reste, que dans les autres régions de l'Al<br />

gérie. Par la culture des espèces de fourrages appro<br />

priées à la région, on pourra élever et entretenir un<br />

nombreux bétail, parmi lesquels les bœufs qui serviront<br />

à multiplier les attelages nécessaires pour opérer rapide<br />

ment les nombreux labours qui sont indispensables poul<br />

ie genre d'exploitation à suivre dans cette région. Les<br />

bœufs soumis à un labeur passager ne dépérissent pas<br />

sensiblement, et d'ailleurs ils se refont vite dès qu'ils<br />

sont remis au repos. 11 n'est pas nécessaire, ici, d'établir<br />

les catégories de bœufs de travail et de bœufs de rente.<br />

3» La région de l'Halfa,<br />

industriel,<br />

graminée du plus haut intérêt<br />

offre aussi cet avantage immense d'être la


— — 14<br />

patrie du mouton. Elle occupe la presque totalité de la<br />

zone connue sous le nom de steppes ou hauts plateaux.<br />

Elle se trouve comprise, parallèlement à la mer, entre<br />

les sommités du massif tellien et du massif saharien. Son<br />

altitude moyenne, au-dessus du niveau de la mer, varie<br />

de 701) à 1,000 mètres ; sa température moyenne est de<br />

23"<br />

centigrades, avec des écartements en été, de -f 38°,<br />

10°. La pluie est moins abondante<br />

y<br />

et en hiver, de —<br />

que dans la zone tellienne ; cependant les hivers y sont<br />

plus longs et plus prononcés ; elle est exposée à des vents<br />

violents et prolongés. La surface du sol est assez inégale<br />

sans être fortement accidentée. Les terres les plus<br />

élevées sont en général couvertes d'herbes coriaces, au<br />

milieu desquelles se trouve comprise l'Halfa et parmi<br />

lesquelles les moutons trouvent leur nourriture. Il existe<br />

ensuite des dépressions plus ou moins allongées ou plus<br />

ou moins sinueuses, où les terres sont plus fertiles et<br />

où il existe un abri relatif contre les vents rasants.<br />

Dans ces dépressions, où se forment des cours d'eau<br />

pendant la saison des pluies, apparaît une végétation<br />

arborescente composée de tamarix, de rétame et surtout<br />

de bétoum {Pistacia altantica. )<br />

Dans ces dépressions, on peut creuser des puits qui ne<br />

tarissent pas pendant l'été. D'autres dépressions ou<br />

bassins, plus larges et plus étendus, recueillent, pendant<br />

l'hiver, les eaux pluviales que la terre n'absorbe pas et<br />

constituent ces étendues liquides plus ou moins vastes,<br />

connues sous le nom de Sebkras ou Schotts. Ces eaux<br />

sont évaporées pendant l'été et, dans la plupart de ces<br />

fonds desséchés,<br />

se trouvent des résidus salins.<br />

L'hydrographie de cette région se résume ainsi : les<br />

eaux du versant sud du massif tellien, celles du versant


— — 15<br />

nord du massif saharien, les eaux pluviales qui ne sont<br />

pas absorbées par la terre, s'écoulent en suivant les<br />

pentes,<br />

forment des cours d'eau qui se rendent dans les<br />

schotts et sebkras, et sont évaporées sur place, par<br />

opposition aux eaux du versant nord tellien qui vont se<br />

perdre à la mer et à celles du versant sud saharien qui<br />

disparaissent sous les sables du Sahara-Oasien.<br />

Dans les dépressions intermédiaires de la région, où<br />

s'est accumulée une terre fine et brune, le blé développe<br />

une végétation extraordinaire ; on peut y fonder des<br />

établissements agricoles, sur lesquels s'appuieraient les<br />

chantiers pour l'exploitation de l'Halfa* On pourrait y<br />

faire de vastes approvisionnements de fourrage et des<br />

abris pour l'hivernage des moutons, qui, entre les mains<br />

des indigènes,<br />

se retirent dans le Sahara lorsque la<br />

saison devient rigoureuse. Il y a de grandes probabilités<br />

pour que la vigne prospère dans ces dépressions.<br />

L'Halfa,<br />

qui a trouvé un emploi illimité dans l'indus<br />

trie pour la fabrication du papier, légitimerait, pour son<br />

exploitation seule, la création d'une ligne de chemin de<br />

fer,<br />

desservant cette région sur les confins de la zone du<br />

Tell, dans toute leur longueur,<br />

avec des embranche<br />

ments vers la mer. D'autres produits d'une haute valeur<br />

qui pourraient être obtenus, la nécessité d'asseoir dans<br />

ces régions de nombreux centres de population pour<br />

établir la sécurité, population qui pourrait être recrutée<br />

de préférence parmi les Européens des pays septen<br />

trionaux,<br />

viennent militer en faveur de cette création.<br />

La production du mouton et celle de la laine s'en<br />

trouveraient ainsi singulièrement favorisées.<br />

Cette région a une superficie d'environ six millions<br />

d'hectares,<br />

elle peut nourrir aisément quinze millions de


— — 16<br />

moutons, au moyen d'une exploitation raisonnée, moitié<br />

agricole,<br />

moitié pastorale.<br />

4°. La région Dactylifère ou des dattiers est située<br />

au sud de la région de l'Halfa. Elle en est séparée par<br />

une ligne de montagnes, plus ou moins élevées, qui<br />

s'étendent en longueur de l'est à l'ouest. Les plus hauts<br />

sommets sont: le massifde l'Aurès, à l'est, qui a son point<br />

culminant à 2312 mètres au-dessus du niveau de la<br />

mer, et le Djebel- Amour, vers l'ouest, qui a son sommet<br />

le plus élevé à 2300 mètres ; puis le terrain s'infléchit<br />

en allant vers le désert, jusqu'à 90 mètres à Biskra,<br />

à 10 mètres à Tougourt, et sur quelques points à zéro,<br />

c'est-à-dire que ces derniers points sont au niveau de la<br />

mer et quelquefois même un peu au-dessous (1).<br />

Les hauts sommets qui séparent la région de l'Halfa de<br />

la région Dactilifère,<br />

se couvrent de neige pendant<br />

l'hiver et le versant sud de ce massif, qui est plus pro<br />

longé que celui du nord, déverse ses eaux en abondance<br />

vers les plaines sahariennes. Ces eaux forment des oueds<br />

qui coulent d'abord à ciel ouvert, puis, ces lits ayant été<br />

comblés par le sable, les eaux s'y infiltrent, suivent<br />

des thalwegs cachés et s'étendent au loin pour former ce<br />

que l'on appelle la mer souterraine, qui alimente, sur un<br />

grand nombre de points, les puits artésiens, qui sont la<br />

source de la vie dans ces contrées. D'autres fois ces<br />

eaux aboutissent naturellement près de la surface du<br />

sol et forment des marécages. Dans ces marécages, dans<br />

les terrains détrempés par les puits artésiens, dans les<br />

(1)<br />

Les récents travaux de M. Roudaire établissent que certains<br />

schotts algériens et tunisiens se trouvent à 30 mètres au-dessous<br />

du niveau de la mer,


— - 17<br />

endroits arrosés par les cours d'eau à ciel ouvert, le<br />

palmier dattier est cultivé. Ces endroits vivifiés par la<br />

présence de l'eau, forment des taches vertes répandues<br />

dans l'immensité du désert, sont d'une étendue généra<br />

lement circonscrite, et sont connus sous le nom d'oasis.<br />

La culture du dattier constitue dans cette région la<br />

principale ressource alimentaire, et les fruits de cet<br />

arbre sont aussi l'objet d'un commerce assez considé<br />

rable. Les dattes sont pour ces populations un moyen<br />

d'échange pour se procurer du blé; le dattier est l'arbre<br />

providentiel des régions sahariennes ; sans lui, elles ne<br />

seraient pas habitables pour l'homme. Sous l'influence<br />

du génie fécondant de la civilisation, de.nouveaux oasis<br />

surgiront consécutivement à l'aide de la sonde arté<br />

sienne et la surface stérile ira toujours en diminuant.<br />

A l'abri du dattier,<br />

d'autres végétaux ont trouvé<br />

asile ; on y remarque une variété d'olivier pleureur,<br />

dont les longs rameaux flexibles s'inclinent vers le sol ;<br />

des arbres fruitiers des contrées tempérées, notamment<br />

des abricotiers dont on fait sécher les fruits. On y cultive<br />

de l'orge pendant l'hiver,<br />

dattier ne consomme pas toute l'eau dont on peut dis<br />

saison pendant laquelle le<br />

poser. On y cultive aussi le henné {Lawsonia inermis,<br />

Lin),<br />

arbuste tinctorial qui donne une couleur très-<br />

estimée et dont l'industrie française tire un excellent<br />

parti pour teindre en noir les étoffes de soie.<br />

En dehors des oasis, cette immense région n'est pas<br />

partout absolument stérile ; il y croît diverses espèces<br />

de plantes qui alimentent, pendant l'hiver,<br />

de nom<br />

breux troupeaux de moutons, conduits par des popula<br />

tions nomades qui, en été,<br />

et une partie du Tell.<br />

reviennent dans les steppes


— — 18<br />

Les pluies sont pour ainsi dire nulles dans cette ré<br />

gion ; elles n'apparaissent avec tant soit peu d'abon<br />

dance que dans les cas d'accidents météorologiques.<br />

Alors les eaux pluviales s'accumulent dans les grandes<br />

dépressions où le sol est imperméable, et forment des<br />

étendues liquides plus ou moins considérables, que l'on<br />

nomme des R'dirs. Lorsque ces cas se présentent, le sol<br />

se couvre, par places, de verdure, et les troupeaux<br />

trouvent à se désaltérer sans de grands déplacements.<br />

La température a aussi des allures particulières dans<br />

ces contrées. En été, elle s'élève dans le jour à plus de<br />

45°, tandis qu'elle baisse beaucoup pendant la nuit;<br />

dans certaines localités, elle descend jusqu'à 8° au-des<br />

sous de zéro, sous l'influence du rayonnement noc<br />

turne.<br />

Cette région comprend, dans la partie qui dépend de<br />

l'Algérie, une superficie de quarante millions d'hectares.<br />

A cause de la constitution particulière du climat, on ne<br />

peut guère espérer d'augmenter sensiblement le nom<br />

bre des espèces végétales qui y sont déjà introduites.<br />

Le dattier,<br />

comme tous les arbres fruitiers cultivés<br />

depuis longtemps, a donné de nombreuses variétés . On<br />

n'en compte pas moins de soixante-dix dans les seules<br />

oasis des Zibans .<br />

On multiplie principalement le dattier par les dra<br />

geons qui se développent sur les troncs adultes .<br />

Par ce<br />

moyen, on perpétue, sans aucune chance de variation,<br />

les variétés dont les propriétés sont connues, tandis que<br />

le semis, dont les effets sont plus lents à se produire,<br />

laisse dans l'inconnu quant à la qualité du fruit à venir.<br />

Les sujets multipliés par drageons commencent à<br />

donner des fruits après cinq à six ans de plantation ;


— - 19<br />

mais ce n'est guère qu'à vingt ou vingt-cinq ans que<br />

l'arbre est en plein rapport. Il se maintient ainsi pen<br />

dant cent cinquante ans environ, puis sa vigueur dé<br />

croît sensiblement.<br />

Le dattier est dioïque, et un pied mâle peut servir à<br />

la fécondation d'un grand nombre de pieds femelles. On<br />

ne conserve dans les plantations qu'un nombre très-<br />

restreint de sujets mâles. Le pollen s'échappe en abon<br />

dance au moment de la floraison et se répand partout<br />

comme un nuage, à l'aide du vent. Mais pour être cer<br />

tain que la fécondation s'opère d'une manière précise,<br />

des hommes munis de petits rameaux de fleurs mâles<br />

grimpent au sommet des arbres et déposent un de ces<br />

petits rameaux dans chaque spathe des dattiers fructi<br />

fères.<br />

Les dattiers commencent à montrer leurs fleurs au<br />

printemps,<br />

lorsque la température moyenne est d'envi<br />

ron 18°. Cette moyenne arrive dans les Zibans et dans<br />

l'Oued-Eir vers la fin de mars ; à Laghouat, altitude<br />

750 mètres, vers la mi-avril. La fécondation s'opère<br />

sous l'influence d'une température moyenne diurne de<br />

20 à 25° centigrades.<br />

La maturité des dattes doit être achevée à l'automne,<br />

lorsque la température moyenne retombe au-dessous de<br />

18°, ce qui arrive à la fin d'octobre. En novembre, la tem<br />

-fpérature<br />

moyenne descend dans les Zibans à 16°,9 ;<br />

à Laghouat, à 13°,9.<br />

Prenant le 3 1 octobre pour limite extrême, dans les<br />

Zibans, ces fruits ont mis, à partir du commencement<br />

de la floraison jusqu'à maturité complète, 214 jours,<br />

pendant lesquels ils ont reçu une somme de chaleur de<br />

6,362° 9. Pendant les sept mois que dure le développe-


— - 20<br />

ment des fruits dans les Zibans, du 1er avril au 31<br />

octobre, le mois de juillet occupant le milieu de l'évolu<br />

tion, est le plus chaud; il distribue 1,116° de chaleur.<br />

A Laghouat, la durée de la fructification, à partir de<br />

la floraison jusqu'au moment où l'on récolte les fruits,<br />

dure 199 jours (du 15 avril au 31 octobre) et reçoit<br />

5,219°,6 de chaleur : elle dure 15jours de moins et reçoit<br />

une somme de chaleur moindre, 1,143°, 3, que dans les<br />

Zibans. Aussi, les dattes que produit l'oasis de Laghouat<br />

n'ont pas atteint une saccharification complète lorsqu'on<br />

les cueille et elles sont de qualité inférieure.<br />

Dans les oasis où les dattiers ne sont pas plantés dans<br />

des terrains très-humides et marécageux, ils sont soumis<br />

à une puissante irrigation ; on les arrose toute l'année.<br />

Cependant,<br />

on distingue deux périodes d'arrosage : celle<br />

d'hiver et celle d'été. La période d'hiver, pendant<br />

laquelle les dattiers ne sont arrosés que tous les quinze<br />

jours,<br />

jours ; la période d'été commence un mois avant l'appa<br />

commence après la récolte des fruits et dure 110<br />

rition des fleurs et dure 245 jours ; on arrose tous les<br />

cinq<br />

jours. La somme d'eau employée pendant cette<br />

saison est de 10,378 mètres cubes par hectare. Chaque<br />

palmier reçoit 103 mètres 78 centimètres cubes d'eau<br />

pendant le même temps.<br />

Pendant la période d'hiver, les arrosages se donnent<br />

sept fois et distribuent une somme d'eau de 1,482 mètres<br />

cubes à l'hectare, 14 mètres 82 centimètres par palmier.<br />

D'après ces données, la culture du dattier, dans les<br />

Zibans, absorbe, dans le courant d'une année, 1 1,860<br />

mètres cubes d'eau par hectares, soit 1 18 mètres 60 cen<br />

timètres par arbre.<br />

Le dattier produit, dans sa plus grande force,<br />

de huit


- 21<br />

-<br />

à dix régimes par an, donnant chacun 6 à 10 kilogram<br />

mes de dattes, ce qui fait, en moyenne, 72 kilogrammes<br />

de dattes par arbre, soit 7,200 kilogrammes par hectare,<br />

car on plante en moyenne cent'dattiers sur cette surface.<br />

Considérées en masse, les dattes valent dans le<br />

Sahara, au moment de la récolte, une fois moins que le<br />

blé, c'est-à-dire que dans l'échange, on a deux de dattes<br />

pour un de blé. Dans le Tell, au contraire,<br />

au moment<br />

de la moisson, les dattes valent deux fois le blé, c'est-<br />

à-dire que l'on donne deux de blé pour un de dattes .<br />

D'où il suit que la valeur du blé et celle des dattes est<br />

la même. Toutefois, ces conditions ne s'appliquent pas<br />

aux dattes de luxe et préparées pour être expédiées en<br />

Europe.<br />

La culture du blé produit aux indigènes du Tell six<br />

quintaux à l'hectare dans les bonnes récoltes. La culture<br />

du dattier dans le Sahara produit un poids de dattes<br />

douze fois supérieur, à surface égale. Si le prix du blé<br />

est à 25 francs le quintal, un hectare de dattiers produit<br />

une somme de 1,800 francs.<br />

Le dattier offre, en outre, des ressources qui sont<br />

utilisées sur place par les indigènes. Les feuilles des<br />

palmiers, ou rachis, que les Arabes nomment djerid,<br />

servent à faire des toitures, des plafonds, des clôtures.<br />

Les folioles servent à tresser des nattes, des paniers, des<br />

coussins.<br />

Les troncs du palmier, refendus,<br />

font les charpentes<br />

des maisons, mais elles fléchissent très-facilement, et<br />

on ne peut leur donner une grande portée ; cette cir<br />

constance oblige à faire les habitations très-étroites.<br />

Ces troncs servent encore à boiser les puits, à établir<br />

des ponts sur les canaux d'irrigation.


— - 22<br />

Lorsque les dattiers sont vieux et près d'être sa<br />

crifiés,<br />

on extrait la sève pour en faire du vin de<br />

palmier. D'autres fois, la partie cellulaire et naissante<br />

du bourgeon (qu'en anatomie végétale on nomme Phyl-<br />

lophore)<br />

est enlevée et donne alors un mets analogue<br />

au chou-palmiste de l'Amérique méridionale, dont les<br />

indigènes font grand cas.<br />

Les fruits peuvent donner un alcool d'excellente<br />

qualité,<br />

mais on les emploie peu pour cet objet. Les<br />

noyaux de dattes, ramollis dans l'eau,<br />

bétail .<br />

Enfin, le dattier,<br />

sont donnés au<br />

par son appropriation parfaite au<br />

climat saharien, par les services multipliés qu'il rend<br />

aux populations du Sud, peut être considéré à bon droit<br />

comme l'arbre providentiel de ces régions, et l'on con<br />

çoit, dès lors, les soins, l'espèce de culte dont il est l'ob<br />

jet,<br />

car c'est par lui qu'elles sont rendues habitables.<br />

De l'examen rapide et sommaire qui vient d'être fait,<br />

on voit que l'Algérie se divise naturellement en quatre<br />

régions de cultures distinctes,<br />

déterminées par des li<br />

mites météorologiques et géologiques, caractérisées par<br />

une végétation spontanée différente, et que cet im<br />

mense pays est appelé à des productions agricoles des<br />

plus variées et des plus abondantes. La clémence du<br />

climat, en été, offre un avantage marqué pour l'exploi<br />

tation du sol, en permettant beaucoup de préparations<br />

de récoltes à l'air libre, ce qui dispense des obligations<br />

d'édifier des constructions rurales aussi complètes et<br />

aussi nombreuses que dans les pays situés plus au nord,<br />

d'où résulte une grande économie de mise de capital.<br />

Les foins se font sans autre travail que la mise en tas<br />

après le fauchage; les moissons se battent en plein air.


- 23<br />

-<br />

La destination de la région des oliviers est de pro<br />

duire beaucoup d'huile, des vins, de l'alcool, des li<br />

queurs, des grains, des fruits frais et secs, des caroubes,<br />

des primeurs, des essences, certaines denrées dites co<br />

loniales, lorsque les circonstances économiques le per<br />

mettront, de la soie, du tabac, du liège, de la résine, des<br />

écorces à tan, du lin en graine et en paille, des produits<br />

textiles de diverses sortes .<br />

La région des céréales comporte les grandes exploita<br />

tions, les grands labours, les assolements,<br />

les prairies<br />

artificielles. Les principales productions seront le blé<br />

dur, les bestiaux gras, les laines fines, les lins en graine,<br />

les produits de l'industrie et du laitage.<br />

La région de l'Halfa aura l'exploitation, sur une im<br />

mense échelle, de la plante qui porte ce nom, sans autre<br />

frais, dès le principe, que ceux de la récolte. Par une<br />

exploitation moitié pastorale, moitié agricole, seront<br />

entretenus d'immenses troupeaux de moutons donnant<br />

leur viande et leur laine, de qualité mi-fine, qui trouve<br />

le plus large écoulement sur les marchés. Elle se prê<br />

tera aussi à l'industrie de la laiterie,<br />

peut partager avec la région des céréales .<br />

avantage qu'elle<br />

Mais l'essence de l'Halfa abandonnée en quelque sorte,<br />

sans surveillance,<br />

sans frein,<br />

à une exploitation désordonnée et<br />

ne tarderait pas à disparaître comme tous<br />

les produits spontanés de la nature que la spéculation<br />

peut récolter, sans contrôle, à l'état sauvage. Ainsi le<br />

quinquina et l'arbre à cire {Ceroxylon audicola) des<br />

Andes de l'Amérique méridionale, l'arbre à caoutchouc<br />

du bassin de l'Amazone, le cèdre du Liban, l'autnlche<br />

dans toute l'Afrique, etc., etc.<br />

Non-seulement l'Halfa est l'objet d'un mode de récolte


—<br />

— 24<br />

qui mène à sa destruction, mais encore, des surfaces<br />

considérables, dans l'ouest de la région, ont déjà été<br />

détruites au moyen de l'incendie, par les indigènes qui<br />

voient d'un œil jaloux l'utilisation de cette plante, et<br />

dans cette utilisation une menace pour les ressources<br />

alimentaires de leurs troupeaux de moutons, ce qui est<br />

absolument absurde.<br />

Il faut que l'Halfa soit soumis au régime forestier, que<br />

l'on rende les indigènes solidairement responsables des<br />

incendies qui le détruisent et qui ne sont allumés que<br />

par eux. Il faut en outre étudier des moyens d'exploi<br />

tation qui n'entraînent pas sa ruine et rechercher, au<br />

contraire, les moyens de le cultiver et de le reproduire<br />

La région des palmiers verra s'accroître les produits<br />

qu'elle a déjà et qui ne sont pas sans une certaine im<br />

portance.<br />

Ces divisions régionales devraient être prises en con<br />

sidération pour l'installation des immigrants, selon leur<br />

pays d'origine, selon les aptitudes agricoles qu'ils y ont<br />

contractées, afin de les rapprocher autant que possible<br />

des conditions climatériques qu'ils viennent de quitter.<br />

Leur situation hygiénique, quant à la température, en<br />

serait notablement améliorée.<br />

La colonisation par le procédé de la tache d'huile,<br />

c'est-à-dire en se resserrant sans lacunes et en circon<br />

férence autour du premier établissement, doit être<br />

abandonnée, comme annihilant, la plupart du temps,<br />

les facultés productives que les colons ont acquis dans<br />

leur pays d'origine. Il faudrait, dans les trois principales<br />

régions jeter, même à de grandes distances, des groupes<br />

de population assez importants pour résister au milieu<br />

des pays indigènes,<br />

en ayant soin de les placer d'abord


- 25<br />

—<br />

dans les localités les plus favorisées sous les rapports de<br />

la qualité du sol, de l'exposition de la qualité et de<br />

l'abondance des eaux. Les intervalles se rempliraient<br />

ensuite de proche en proche. C'est le moyen le plus<br />

efficace et le plus rapide à employer pour que l'Algérie,<br />

dans son ensemble, soit soumise à une administration<br />

civile, unique, homogène et réellement civilisatrice pour<br />

les indigènes.<br />

Pour ce système de colonisation; qui est le plus en<br />

harmonie avec les circonstances climatologiques qui,<br />

s'imposent en Algérie, il faut une viabilité rapide et<br />

économique, il faut qu'un réseau de chemin de fer<br />

s'étende du Maroc à la Tunisie et aboutisse sur tous les<br />

points les plus favorisés qu'il s'agirait d'abord de mettre<br />

en valeur. En même temps que ce chemin de fer amélio<br />

rerait le peuplement agricole, il permettrait d'exploiter,<br />

sur une grande échelle, les richesses spontanées qui<br />

existent, soit dans le sous-sol, soit à la surface du sol :<br />

bois de construction à extraire des forêts qui sont<br />

naturellement sans accès ; minerais de toute nature,<br />

pierres à bâtir, etc., etc.<br />

Quels que soient les sacrifices que la création de ce<br />

réseau de chemin de fer doive exiger, il faut, par tous<br />

les moyens, se les imposer; la colonisation rapide et<br />

prospère de l'Algérie est à ce piix.<br />

Le chemin de fer pénétrant partout, est la meilleure<br />

stratégie défensive à opposer aux velléités insurrection<br />

nelles des indigènes ; leurs conditions économiques en<br />

seraient d'ailleurs immédiatement changées dans le sens<br />

du bien-être. Le contact des Européens les amènerait<br />

bientôt à améliorer leur système de culture ; ils produi<br />

raient plus et mieux, ainsi que cela se passe déjà parmi


- 26<br />

-<br />

ceux qui sont mêlés à nous depuis quelque temps. Dans<br />

toute la Mitidja, ils vivent dans la meilleure harmonie<br />

avec les colons. Ils ont adopté l'emploi de nos instru<br />

ments aratoires ; ils labourent maintenant plus profon<br />

dément et ensemencent d'après nos procédés.<br />

Les moins fortunés empruntent aux colons leur<br />

charrue, leur herse, leur chariot et jamais ceux-ci ne<br />

leur refusent . Ils ne font plus leurs transports à l'aide<br />

de bêtes de somme*. Beaucoup sont fermiers partiaires<br />

chez des propriétaires européens. Lorsqu'ils ont à se<br />

rendre à une certaine distance, ils vont rarement à pied,<br />

ni sur une monture quelconque ; ils se servent de nos<br />

voitures publiques et des chemins de fer. Ce n'est pas<br />

chez les populations indigènes qui sont journellement<br />

en contact avec nous que sont nés les ferments de révolte<br />

et d'insurrection ; c'est au loin, dans l'intérieur, chez<br />

ceux qui ne nous connaissent pas et qui ont conservé<br />

leur sauvagerie native. Leurs préjugés se dissipent bien<br />

vite, alors qu'ils trouvent un profit immédiat dans<br />

leurs relations avec nous, et en ne heurtant pas leurs<br />

ils sons bientôt avec nous.<br />

croyances,<br />

Mais il ne peut suffire d'implanter des colons sur le<br />

sol, de les voir labourer la terre et l'ensemencer le plus<br />

prestement possible à cause de la brièveté des saisons<br />

favorables,<br />

et recommencer chaque année la même<br />

chose, à l'aide d'un labeur violent ; il faut aussi que<br />

l'instruction agricole pénètre chez eux ; il faut que des<br />

exemples qu'ils puissenttoucher du doigtleurdémontrent<br />

la possibilité d'obtenir de la même somme de travail<br />

plus de profits ; il faut qu'ils apprennent à faire de la<br />

nature leur auxiliaire bienfaisant, et non qu'ils luttent<br />

contre elle. Non-seulement il s'agit de leur prospérité


— — 27<br />

personnelle, mais la fortune publique y est intéressée,<br />

car la fortune publique se compose de l'aisance de<br />

chacun.<br />

Pour arriver à ce résultat, il faut créer des écoles<br />

d'agriculture. Depuis plus de trente ans que l'agricul<br />

ture européenne a été inaugurée en Algérie, on a peine<br />

à comprendre que l'Etat n'ait pas fondé une seule ins<br />

titution de ce genre, au moins dans la région des oli<br />

viers, où la colonisation s'est à peu près concentrée<br />

jusqu'ici . On<br />

ne comprend pas plus que le Gouverne<br />

ment ait supprimé les concours agricoles qui avaient<br />

été inaugurés en 1860, et qui devaient, tous les trois<br />

ans, se renouveler dans chaque département. Ces exhi<br />

bitions offraient beaucoup de points de comparaison aux<br />

cultivateurs et étaient un vif stimulant pour eux. Le<br />

Jardin d'acclimatation,<br />

où avaient été faites tant d'in<br />

troductions de végétaux utiles pour l'Algérie, lesquels<br />

offraient tant de sujets d'études sous les rapports agri<br />

coles, alimentaires, industriels, forestiers et scientifiques,<br />

qui était, en un mot,<br />

un établissement d'instruction pu<br />

blique, a été abandonné au mercantilisme,<br />

lequel n'a<br />

aucun intérêt à accroître les précieuses collections vé<br />

gétales qui y étaient accumulées, ni même à les con<br />

server .<br />

En 1848, sous un gouvernement républicain, ayant<br />

pour chef du pouvoir exécutif M. Cavaignac et pour<br />

ministre de l'agriculture M. Tourret, il a été organisé<br />

un vrai système d'enseignement agricole en France.<br />

Jusqu'alors, les gouvernements monarchiques avaient<br />

refusé la moindre obole aux établissements de ce genre,<br />

que les efforts de l'initiative privée avaient essayé de<br />

faire naître.


L'ensemble du système se composait d'un institut<br />

agronomique, de cinq fermes régionales, d'une fermeécole<br />

par département, en attendant que l'on pût en<br />

créer une par arrondissement.<br />

Un des premiers actes de l'Empire a été de supprimer<br />

l'institut agronomique, parce qu'il était établi sur les<br />

dépendances d'une habitation royale, le château de<br />

Versailles.<br />

L'ensemble des dépenses affectées à cet enseignement<br />

fut d'abord fixé, par l'Assemblée nationale, au chiffre<br />

de 2,450,000 francs ; l'Algérie a été tenue en dehors<br />

de ces .munificences . Mais<br />

aujourd'hui sa population<br />

agricole est assez nombreuse et assez intéressante, et<br />

la production du sol a atteint un chiffre assez considé<br />

rable pour qu'elle puisse espérer participer, au moins<br />

en partie, aux avantages qui sont offerts aux cultiva<br />

teurs de la métropole.<br />

Ce qu'il importe d'établir, dès à présent, ce ne sont<br />

pas précisément des fermes écoles,<br />

école régionale.<br />

mais au moins une<br />

Les dispositions de la loi de l'enseignement agricole en<br />

ce qui concerne les écoles régionales, sont les suivantes :<br />

La France sera divisée en régions culturales.<br />

Dans chaque région, il y aura une école régionale.<br />

L'école régionale d'agriculture est une exploitation<br />

en même temps expérimentale et modèle pour la région<br />

à laquelle elle appartient.<br />

Les élèves reçus dans les écoles régionales sont ou<br />

boursiers ou payant pension .<br />

Les écoles régionales sont aussi des fermes expéri<br />

mentales. Les expériences et leurs résultats recevront<br />

la plus grande publicité.


— — 29<br />

Le budget affecté à l'entretien des écoles régionales<br />

se décompose ainsi pour chaque école :<br />

Personnel 25.800 fr.<br />

60 élèves à 700 francs 42.000<br />

Frais de culture pour 120 hectares fiO . 000<br />

Matières premières et frais divers des ateliers<br />

de charronnage et de maréchaleric 10.000<br />

Total -137.800 fr.<br />

De ces dépenses il faut déduire .<br />

La pension des élèves non boursiers au<br />

nombre de 40, à 700 francs 28.000 fr.<br />

Les produits des exploitations et des ateliers. 65.000<br />

Différence à la charge de l'État 44.800<br />

Voici tout-à-l'heure trente ans que ces établissements<br />

d'instruction agricole sont en activité (moins l'institut<br />

agronomique qui a été supprimé tout d'abord, mais<br />

qui a été rétabli récemment par M. Teisserenc de Bort,<br />

sous une autre forme; et les progrès qu'ils ont fait faire à<br />

l'agriculture française sont immenses, incontestables;<br />

comme exemple, il suffira de citer que le rendement du<br />

blé qui était, en moyenne, de 11 hectolitres à l'hectare,<br />

avant 1848 est, depuis, monté à 20, 30 et quelquefois<br />

40 hectolitres ; la production du fourrage a été notable<br />

ment augmentée et améliorée : le bétail a reçu un ac<br />

croissement et une amélioration considérables, enfin, il<br />

est incontestable- que l'aisance s'est accrue dans des<br />

proportions notables parmi les populations rurales. Il<br />

est indubitable que la même transformation se produirait<br />

en Algérie.-<br />

Beaucoup<br />

déjeunes gens algériens appartenant à des<br />

familles aisées, après avoir terminé leurs études clas<br />

siques, vont chercher dans les établissements d'ensei-


- 30<br />

-<br />

gnement supérieur le complément de l'instruction qui<br />

leur est nécessaire pour exercer une profession libérale;<br />

les uns se livrent à l'étude de la médecine, d'autres à<br />

celle du droit, etc. Il y en a beaucoup<br />

qui veulent se<br />

livrer à l'agriculture, diriger des exploitations agricoles<br />

ou faire valoir des propriétés leur appartenant, et ceux-<br />

là ne sauraient être trop encouragés. Pour acquérir les<br />

connaissances nécessaires, ils se rendent presque tous à<br />

Grignon ou dans d'autres écoles régionales de France.<br />

Mais l'enseignement qu'ils y trouvent est spécial à une<br />

région toute différente de celle où ils doivent exercer en<br />

Algérie, et il en résulte encore pour eux, lorsqu'ils en<br />

viennent à l'application, beaucoup d'hésitations et de<br />

tâtonnements.<br />

La création d'une école régionale dans la région des<br />

oliviers en Algérie serait un grand bienfait; un des<br />

plus grands que l'on puisse accorder au pays (1).<br />

(1) Il y a quelques personnes, en très-petit nombre,<br />

il faut le<br />

reconnaître, et à peu près tout à fait étrangères aux questions<br />

agricoles de l'Algérie, qui pensent que la fondation d'une école ré<br />

gionale d'agriculture serait prématurée, qu'on ne réunirait pas le<br />

nombre des élèves suffisant et qu'il vaudrait mieux commencer<br />

modestement par une ferme-école.<br />

Ces objections ne sont pas fondées. D'abord, rien ne prouve<br />

que le nombre voulu des élèves manquerait à la ferme régionale.<br />

Puisqu'il y a un certain nombre déjeunes gens algériens qui se<br />

rendent en France, dans les fermes régionales, pour y acquérir<br />

les connaissances agricoles, cela prouve de la manière la plus évi<br />

dente que c'est un besoin vivement senti en Algérie. Le nombre<br />

des élèves serait incontestablement plus considérable, s'il existait<br />

sur place une institution de ce genre, alors qu'ils n'auraient pas<br />

autant à s'éloigner de leur famille et que les frais seraient incom<br />

parablement moins considérables. Pas d'école, pas d'élèves; la<br />

première doit précéder les seconds.<br />

Une ferme-école serait, en l'état de la question, tout à fait in-


— — 31<br />

Le Conseil supérieur vient de voter une somme de<br />

cent mille francs pour la transformation de l'école pré<br />

paratoire de médecine en une école de plein exercice,<br />

pour la création préparatoire d'une école de droit et<br />

pour préparer les rudiments d'une faculté des sciences<br />

et des lettres.<br />

L'application de la médecine en Algérie, comme celle<br />

des procédés agricoles, doit obéir, avant tout, aux cir<br />

constances climatologiques qui s'imposent; il n'en est<br />

pas précisément de même pour le droit, les sciences<br />

pures et les lettres.<br />

La détermination du Conseil supérieur est de nature<br />

à donner le ferme espoir que prochainement, il sera<br />

fondé une école régionale en Algérie, dans la région des<br />

oliviers, dans un délai qui ne peut être éloigné ; puis<br />

que, par la suite, il en sera créé une dans la région des<br />

céréales et une autre dans la région de l'Halfa. Lorsque<br />

l'enseignement dans ces écoles régionales aura com<br />

mencé à produire son effet, les fermes-écoles naîtront<br />

naturellement.<br />

L'agriculture constitue la principale richesse des<br />

nations, c'est elle qui pourvoit à leur nourriture,<br />

c'<br />

est-<br />

suffisante. Ce ne sont pas les valets de ferme qui manquent, mais<br />

les hommes dont l'instruction puisse, par l'exemple, par les écrits,<br />

par la parole, faire progresser l'agriculture.<br />

Parmi les propriétaires de nos quelques grandes exploitations,<br />

il y en a bien peu qui soient en état de faire les cours qui sont<br />

obligatoires dans les fermes-écoles. Pour avoir ces hommes, il faut<br />

d'abord que la ferme régionale les forme. En outre, la ferme-école<br />

ne peut faire les cultures expérimentales, les publications scienti<br />

fiques, réunir les collections de végétaux pour la région, qui sont<br />

du domaine exclusif de la ferme régionale et dont l'influence pour<br />

le progrès agricole est direct et immédiat. C'est ce qu'il faut<br />

avant tout pour l'Algérie.


- 32 -<br />

à-dire à leur vie matérielle ; elle fait naître toutes.les<br />

matières premières, animales et végétales, sur lesquelles<br />

s'exerce l'industrie, qui ne crée pas, mais transforme<br />

simplement .<br />

La science agricole est la première des sciences<br />

usuelles ; c'est elle qui ouvre la marche du progrès réel;<br />

elle doit, en Algérie dans-<br />

surtout, précéder les autres<br />

l'application. Agir autrement, c'est intervertir l'ordre<br />

des choses.<br />

Birmandreïs, le 10 avril 1878.<br />

Alger. —<br />

— —<br />

-<br />

e^s^giârf^»<br />

Typographie A. JOURDAN.


in un<br />

' '"

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