LES MAFIAS MILITAIRES DU KREMLIN
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l’état-major du KGB dans chaque ville du pays. Le dossier de chaque<br />
employé de n’importe quelle entreprise était constitué par une armée de<br />
mouchards récompensés par les « organes » : bons de séjour dans une maison<br />
de repos, primes, promotion, etc. Et tout cela aux dépens de cette<br />
même entreprise. C’est sous l’œil vigilant des services secrets que l’on<br />
soutenait des thèses qui ne sont plus, aujourd’hui, lues par personne, que<br />
l’on gardait sous le boisseau des inventions authentiques ou fictives dont<br />
plus personne n’est au courant. Et en même temps, il suffisait d’un petit<br />
bakchich pour avoir accès aux informations secrètes authentiques — 1 %<br />
du total — estime un auteur de Stolitsa (n° 21, 1992).<br />
Plus il y a de secrets, vrais ou faux, plus il y a d’argent, et plus les services<br />
secrets coûtent cher. Si l’industrie militaire fait traner en longueur la<br />
reconversion, c’est aussi parce que l’armée paie ses commandes cinq fois<br />
plus cher qu’un client civil. Cette industrie ne passe pour puissante que<br />
grâce à l’épais voile de secret qui l’entoure et à l’ampleur des subventions.<br />
La majorité de toutes les « innovations » techniques sont tout bonnement<br />
copiées des analogues occidentaux puis… mises au secret. A présent, nous<br />
souhaitons vendre ces « acquis » à l’Occident, bien entendu à des prix<br />
défiant toute concurrence. Quant aux services secrets, ils se sont reconvertis<br />
dans l’activité économique extérieure, avec la compétence et le sérieux<br />
propres aux tchékistes.<br />
L’hebdomadaire Stolitsa (n° 21, 1992) est persuadé, au terme d’une<br />
série d’enquêtes sur les services secrets, d’avoir découvert le plus terrible<br />
des secrets d’État : il n’y a presque pas, au sein de notre CMI, de cadres et<br />
de cerveaux de valeur, de technologies et d’idées qui pourraient tirer l’économie<br />
russe du fossé où elle se trouve.<br />
De même que l’aide humanitaire de l’Occident ne saurait nourrir la<br />
Russie, de même les anciennes entreprises secrètes ne peuvent servir d’assise<br />
à une économie normale. Le facteur humain y fait obstacle car, dans<br />
ces entreprises truffées de tchékistes, il n’y a presque pas d’employés normaux<br />
: tous ne font que simuler une activité zélée. Mais plus on travaille<br />
sans hâte, plus on y gagne ; c’est le meilleur moyen de préserver sa santé,<br />
à condition de ne pas se soûler par désespoir et nostalgie d’un travail véritable.<br />
Ces mêmes services secrets ont converti le pays en un vaste dépôt spécial,<br />
à l’image de la principale bibliothèque (ex-Lénine) de l’URSS puis<br />
de Russie, où le lecteur n’a pas accès au fonds inestimable du catalogue<br />
général (et encore celui-ci ne recueille-t-il pas tous les livres). Le lecteur<br />
n’a droit qu’à un catalogue où figure seulement un livre sur deux. Vu que<br />
tout le monde ne vit pas à Moscou, et que tous ceux qui le voudraient ne<br />
sont pas forcément inscrits à la bibliothèque nationale, c’est la moitié de<br />
ses fonds qui n’ont jamais été utilisés par quiconque. Les acquis, aussi<br />
modestes soient-ils, de notre complexe militaro-industriel, protégé par un<br />
secret total, sont allés aux oubliettes grâce aux efforts des tchékistes, de<br />
façon plus navrante encore que les livres de la bibliothèque ex-Lénine<br />
dépourvue de la moindre informatique.<br />
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