Dynamique de structure et de composition des peuplements en forêt ...

Dynamique de structure et de
composition des peuplements en
forêt boréale mixte : implications
pour l’aménagement forestier
Brian W. Brassard et Han Y.H. Chen

LE RÉSEAu dE GESTION duRABLE dES FORÊTS
Fondé en 1995, le Réseau de gestion durable des forêts (Réseau GDF) est un organisme sans but lucratif consacré à
la recherche et situé à l’Université de l’Alberta, à Edmonton au Canada.
La mission du Réseau GDF comporte les objectifs suivants :
• Mettre sur pied un programme de recherche universitaire, interdisciplinaire et reconnu sur la scène internationale;
• Créer des réseaux de partenaires regroupant des chercheurs ainsi que des représentants de l’industrie, des
gouvernements, des groupes autochtones et des organisations non gouvernementales;
• Offrir des approches novatrices en transfert des connaissances;
• Former des scientifiques et des praticiens chevronnés qui sauront relever les défis posés par la gestion des
ressources naturelles.
La contribution du programme des Réseaux de centres d’excellence (RCE), une initiative parrainée par le Conseil de
recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, par le Conseil de recherches en sciences humaines du
Canada et par les Instituts de recherche en santé du Canada, constitue environ 60 % du budget annuel de
7 millions de dollars du Réseau GDF. L’Université de l’Alberta, la Fondation Biocap Canada (par l’entremise de
l’entreprise conjointe Réseau GDF et la Fondation BIOCAP Canada) ainsi que des représentants de l’industrie
forestière, des gouvernements, des groupes autochtones et des organisations non gouvernementales comptent au
nombre des autres partenaires financiers.
PROGRAMME dE TRANSFERT dES CONNAISSANCES ET
EXPLOITATION dES TECHNOLOGIES
Le Réseau GDF a réalisé quelque 334 projets de recherche entre 1995 et 2008. Ces projets ont contribué à
l’avancement des connaissances et à la compréhension de plusieurs aspects de l’écosystème des forêts boréales,
ont fournit des possibilités uniques de formation tant pour les étudiants de premier cycle que ceux du deuxième et
du troisième cycle et ont contribué à la formation d’un réseau de partenaires pancanadiens regroupant chercheurs,
gouvernements, compagnies forestières et communautés autochtones.
Le programme de recherche du Réseau GDF a été conçu pour aider l’industrie forestière à faire la transition d’une
foresterie à rendement soutenu à une approche de gestion durable des forêts. Deux éléments s’avèrent essentiels à
cette transition :
• L’élaboration de stratégies et de méthodes pour promouvoir la durabilité écologique, économique et sociale;
• Le transfert des connaissances et des technologies en vue d’informer les décisionnaires et d’influencer les
pratiques de gestion forestière.
Pour réussir le transfert de ces connaissances, la recherche réalisée par le Réseau doit être acheminée aux
partenaires par différents moyens. Le programme de Transfert des connaissances et d’exploitation des technologies
(TCET) élabore une série de méthodes pour faciliter le transfert des connaissances aux partenaires du Réseau. Les
besoins de chacun des partenaires varient grandement, allant des différences dans les mécanismes institutionnels
ou des philosophies d’entreprise jusqu’à leurs capacités d’interpréter des renseignements techniques et de mettre en
œuvre leur application pratique. Un assortiment de stratégies et de méthodes est donc nécessaire pour faciliter le
transfert des connaissances à différentes échelles et à un public varié.
Les documents du programme TCET constituent un des éléments du processus de diffusion des connaissances et
tente de synthétiser et d’incorporer les résultats de recherches menées par le Réseau, et par d’autres organismes
ailleurs au Canada, à l’intérieur d’une approche systémique de gestion durable des forêts en vue d’aider les
forestiers, les planificateurs et les biologistes dans l’élaboration de nouvelles approches de planification de gestion
et de pratiques forestières.

PARTENAIRES ET MEMBRES ASSOCIÉS du RÉSEAu GdF — AOûT 2009
ORGANISMES SuBVENTIONNAIRES
• Programme des Réseaux de centres d’excellence (RCE)
• Conseil de recherches en sciences humaines
du Canada (CRSH)
• Conseil de recherches en sciences naturelles
et en génie du Canada (CRSNG)
PARTENAIRES FINANCIERS
GOUVERNEMENTS
• Environnement Canada
• Gouvernement de l’Alberta
Alberta Sustainable Resource Development
• Gouvernement de la Colombie-Britannique
Ministry of Forests and Range
• Gouvernement du Manitoba
Department of Conservation
• Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador
Department of Natural Resources
• Gouvernement de l’Ontario
Ministère des Richesses naturelles
• Gouvernement du Québec
Ministère des Ressources naturelles et de la
Faune
• Gouvernement du Yukon
Department of Energy, Mines and Resources
• Parcs Canada – Direction de l’intégrité écologique
• Service canadien des forêts
ENTREPRISES
• AbitibiBowater Inc.
• Ainsworth Lumber Co. Ltd.
• Alberta-Pacific Forest Industries Inc.
• Canadian Forest Products Ltd.
• Daishowa-Marubeni International Ltd.
• J.D. Irving, Limited
• LP Canada Ltd.
• Manning Diversified Forest Products Ltd.
• Tembec Inc.
• Tolko Industries Ltd.
• Weyerhaeuser Company Ltd.
GROUPES AUTOCHTONES
• Bande indienne de Kamloops
• Conseil national des Métis
• Première Nation crie de Moose
• Première Nation de Heart Lake
• Premières Nations de l’Alberta signataires du Traité 8
ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES
• Canards Illimités Canada
ÉTABLISSEMENTS PARTENAIRES
• Université de l’Alberta
(Établissement hôte et partenaire financier)
• Collège Mont Royal
• Université Concordia
• Université Dalhousie
• Université de Calgary
• Université de Guelph
• Université de la Colombie-Britannique
• Université de la Saskatchewan
• Université de Lethbridge
• Université de Moncton
• Université de Montréal
• Université de Regina
• Université de Sherbrooke
• Université de Toronto
• Université de Victoria
• Université de Waterloo
• Université de Western Ontario
• Université de Winnipeg
• Université d’Ottawa
• Université du Québec à Chicoutimi
• Université du Québec à Montréal
• Université du Québec à Rimouski
• Université du Québec à Trois-Rivières
• Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
• Université du Manitoba
• Université du Nouveau-Brunswick
• Université du Nord de la Colombie-Britannique
• Université Lakehead
• Université Laval
• Université McGill
• Université Memorial de Terre-Neuve
• Université Royal Roads
• Université Ryerson
• Université Simon Fraser
• Université Thompson Rivers
• Université Trent
• Université Wilfrid-Laurier
MEMBRES ASSOCIÉS
• Association nationale de foresterie autochtone
• Forest Ecosystem Science Co-operative
• Forêt modèle du lac Abitibi
• Forêt modèle du Manitoba
• Institut canadien de recherche en génie forestier
du Canada
• Institut forestier du Canada

Programme Transfert des connaissances et exploitation des technologies (TCET)
Réseau de gestion durable des forêts
Dynamique de structure et
de composition des
peuplements en forêt boréale
mixte : implications pour
l’aménagement forestier
Par
Brian W. Brassard 1 et Han Y.H. Chen 2
1 Faculté de foresterie et de l’environnement forestier, Université Lakehead, bbrassar@lakeheadu.ca
2 Faculté de foresterie et de l’environnement forestier, Université Lakehead, hchen1@lakeheadu.ca
Réseau de gestion durable des forêts

© 2010, Réseau de gestion durable des forêts
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Les opinions, conclusions et recommandations exprimées dans la présente
publication sont celles de leurs auteurs et ne doivent pas être interprétées comme
étant celles du Réseau de gestion durable des forêts.
Référence : Brassard, B.W. et H.Y.H. Chen. 2010. Dynamique de structure et de
composition des peuplements en forêt boréale mixte : implications
pour l’aménagement forestier. Traduit de l’anglais, titre original :
Stand Structure and Composition Dynamics of Boreal Mixedwood
Forest: Implications for Forest Management. Réseau de gestion
durable des forêts, Edmonton, Alberta, 21 p.
ISBN # 978-1-55261-241-5
Imprimé au Canada
This publication is also available in English
Publié en avril 2010
Réseau de gestion durable des forêts

TaBle DeS maTIèreS
Sommaire ......................................................................................................1
I. Introduction ........................................................................................2
II. Dynamique de structure et de composition d’un
peuplement forestier naturel en forêt boréale ....................................3
A. Dynamique après feu d’un peuplement ........................................3
1. Établissement d’un nouveau peuplement ..........................3
2. Auto-éclaircie ....................................................................5
3. Stade de transition ............................................................6
4. Dynamique de trouées ......................................................7
B. Autres perturbations naturelles majeures ......................................8
III. Impacts de la coupe totale sur la dynamique de structure
et de composition des peuplements en forêt boréale ..........................8
A. Analyse comparative des dynamiques après feu et après
coupe totale..................................................................................8
1. Établissement d’un nouveau peuplement ..........................8
2. Auto-éclaircie ..................................................................10
3. Stade de transition ..........................................................11
4. Dynamique de trouées ....................................................11
B. Options d’aménagement destinées à imiter la dynamique
naturelle de structure et de composition des
peuplements en forêt aménagée ................................................12
1. Périodes de rotation plus longues pour certains
peuplements ....................................................................12
2. Variations dans la taille des coupes..................................12
3. Brûlage dirigé ..................................................................13
4. Récolte par bois tronçonné et redistribution
des déchets de coupe ......................................................13
C. Les implications des futurs changements climatiques..................13
IV. Points saillants....................................................................................14
Remerciements ............................................................................................16
Références....................................................................................................17
Réseau de gestion durable des forêts
i

SommaIre
La structure et la composition d’un peuplement forestier sont des paramètres
importants dans la caractérisation de l’écosystème. Les feux de forêt et les coupes
totales représentent les perturbations sévères les plus communes dans l’ensemble
de la forêt boréale nord-américaine. Bien que ces perturbations créent des
structures et des compositions de peuplements très variées peu de temps après la
perturbation, peu de recherches se penchent sur la comparaison de leurs
dynamiques à long terme. Ce rapport examine les effets de la coupe totale sur la
dynamique de structure et de composition des peuplements issus d’un feu, en forêt
boréale mixte d’Amérique du Nord.
Les changements au fil du temps dans la structure verticale et dans la composition
des peuplements forestiers se traduisent par une dominance accrue des conifères,
un remplacement des arbres pionniers par des arbres de succession plus avancée et
un changement dans la structure de taille et d’âge, passant d’une structure
unimodale à bimodale puis multimodale. La mort des arbres de la cohorte existant
avant le feu engendre des volumes importants de débris ligneux grossiers (DLG) au
sol dans les jeunes peuplements en développement. Passé ce premier stade, les
volumes de DLG diminueront progressivement jusqu’à ce que la cohorte pionnière
commence à mourir naturellement et fasse à nouveau augmenter le volume de
DLG au sol. Vers la fin de la succession forestière, la dynamique de remplacement
individuel des arbres assure un apport continuel de DLG dans le peuplement.
Les chablis et les infestations d’insectes représentent aussi des perturbations
majeures courantes entraînant le remplacement des peuplements dans les forêts
boréales d’Amérique du Nord, mais qui ne génèrent pas les mêmes dynamiques de
peuplement que les feux de forêt. Quant à la récolte par coupe totale, celle-ci ne
génère qu’un faible volume de DLG dans un jeune peuplement en développement
comparativement à un feu de forêt. Les jeunes peuplements succédant à la coupe
totale montrent une plus grande proportion d’espèces appartenant à un stade de
succession plus avancé, une plus faible densité et une structure verticale plus
hétérogène que les peuplements ayant succédé à un feu. Cependant, plus tard dans
la succession, il semble que les peuplements issus d’une coupe totale et ceux issus
d’un feu de forêt finissent par avoir la même structure et la même composition.
L’allongement des cycles de rotation et la variation de la taille des blocs de récolte,
en association avec du brûlage dirigé et la conservation des débris ligneux sur le
site, pourraient constituer des options d’aménagement appropriées, dans certains
cas, pour mieux imiter la structure et la composition des peuplements ayant
succédé à un feu dans les forêts boréales aménagées. Les changements climatiques
sont susceptibles de causer un déplacement vers le nord de certaines espèces
d’arbres et modifier la fréquence des feux ainsi que la structure d’âge globale de la
forêt dans le paysage. Une réponse appropriée aux changements climatiques
pourrait se trouver dans un aménagement forestier orienté sur des espèces vivant
actuellement plus au sud ou sur des espèces déjà présentes mais dont les
génotypes permettraient une adaptation à un climat plus chaud.
Réseau de gestion durable des forêts
1

Les feux de forêt sévères
représentent le mécanisme
de perturbation le plus
commun dans la forêt
boréale d’Amérique du
Nord.
Le motif employé pour
justifier le recours à la
coupe totale dans la
forêt boréale est basé sur
la prémisse que la coupe
totale imite le feu de
forêt. Toutefois, un débat
subsiste quant à la
légitimité de la coupe
totale, du moins telle
que pratiquée
actuellement, pour
l’exploitation de la forêt
boréale.
I. Introduction
La structure d’un peuplement forestier (les interrelations entre les arbres vivants et
morts et leur disposition) et sa composition (la proportion d’arbres vivants par
rapport aux arbres morts pour chaque espèce) sont des caractéristiques importantes
des écosystèmes forestiers. La dynamique d’un peuplement forestier s’évalue en
observant les changements de structure et de composition de ce peuplement au fil
du temps. Plusieurs facteurs influencent la dynamique d’un peuplement forestier:
2 Réseau de gestion durable des forêts
• les perturbations majeures (entraînant le remplacement du
peuplement),
• les perturbations secondaires (n’entraînant pas le
remplacement du peuplement),
• la structure et la composition du peuplement avant la
perturbation,
• les sources de graines environnantes, et
• les caractéristiques édaphiques (c.-à-d. du sol) et climatiques
(Oliver et Larson, 1996; Chen et Popadiouk, 2002; Brassard
et Chen, 2006; Hart et Chen, 2006).
Dans la forêt boréale d’Amérique du Nord, les feux de forêt sévères représentent le
mécanisme de perturbation le plus commun (Johnson, 1992). Cependant, au cours
des dernières décennies, la récolte commerciale est devenue une perturbation
majeure, avec plus de 750 000 hectares de forêt récoltés annuellement au niveau
de la forêt boréale seulement (Conseil canadien des ministres des forêts, 2009).
Le motif employé pour justifier le recours à la coupe totale dans la forêt boréale est
basé sur la prémisse que la coupe totale imite, dans une certaine mesure, le feu de
forêt (Keenan et Kimmins, 1993). Bien que ces deux types de perturbation
éliminent la plupart ou la totalité des arbres d’un peuplement, la coupe totale
implique le retrait complet des arbres présents sur le site. Contrairement à la coupe
totale, le feu de forêt libère les minéraux du sol en consumant la couche de litière,
les débris ligneux et la végétation de sous-bois. Cela facilite la recolonisation du
site par des espèces de début de succession adaptées aux conditions après feu, tout
en éliminant les espèces de fin de succession provenant du peuplement avant feu
(McRae et al., 2001). Conséquemment, les peuplements succédant à une coupe
totale peuvent différer considérablement des peuplements succédant à un feu, en
ce qui a trait à la structure et à la composition du peuplement peu de temps après
la perturbation (Carleton et MacLellan, 1994; Reich et al., 2001; Pedlar et al.,
2002; Brassard et Chen, 2008). Cela nous amène à nous questionner sur la
légitimité du recours à la coupe totale, du moins telle que pratiquée actuellement,
afin d’imiter le feu dans la forêt boréale. Toutefois, peu de recherches ont comparé
la dynamique à long terme des peuplements après feu et après coupe totale, et il
reste encore à vérifier si la structure et la composition de ces deux types de
peuplement convergent vers des valeurs similaires au bout d’un certain temps.

L’objectif général de ce rapport est d’améliorer la compréhension des effets des
perturbations naturelles et anthropiques sur la dynamique de structure et de
composition des peuplements en forêt boréale. Plus précisément, (1) en décrivant
la dynamique naturelle de structure et de composition des peuplements en forêt
boréale mixte et (2) en comparant la dynamique des peuplements après feu avec
celle des peuplements après coupe. Ce rapport portera également sur certaines
conséquences potentielles des futurs changements climatiques sur la structure et la
composition de la forêt à l’échelle du paysage, et abordera diverses options
d’aménagement destinées à réduire certains des effets négatifs potentiels de la
coupe totale sur la dynamique des peuplements en forêts aménagées. À l’instar de
Chen et Popadiouk (2002), les changements de structure et de composition sont
décrits en ayant recours à quatre phases distinctes de développement du
peuplement (établissement d’un nouveau peuplement, auto-éclaircie, stade de
transition, dynamique de trouées). Une meilleure compréhension des répercussions
de la coupe totale sur la dynamique naturelle d’un peuplement après feu permettra
aux professionnels de la forêt de développer de meilleures politiques et procédures
destinées à réduire certains des impacts négatifs de l’aménagement forestier sur
l’intégrité de l’écosystème.
II. Dynamique de structure et de
composition d’un peuplement forestier
naturel en forêt boréale
A. Dynamique après feu d’un peuplement
1. Établissement d’un nouveau peuplement
Le feu de forêt a pour effet de réinitialiser le processus de succession d’un
peuplement en éliminant les arbres de l’étage dominant et du sous-étage et brûlant
la régénération préétablie, les arbustes et la végétation herbacée, créant ainsi les
conditions favorables à l’établissement d’un nouveau peuplement (Brassard et
Chen, 2006). Ainsi, la structure verticale (définie comme « la configuration de bas
en haut de la végétation aérienne dans un peuplement forestier » (Brokaw et Lent,
1999), est en grande partie bimodale peu de temps après le feu qui a entraîné le
remplacement du peuplement, avec une strate très homogène et très dense d’arbres
pionniers de petites tailles (jeunes semis) et de même âge grandissant sous une
strate continue de bois morts sur pied de fortes dimensions (chicots) (Figure 1a)
(Peet et Christensen, 1987; Schulte et Niemi, 1998; Harper et al., 2005; B.W.
Brassard, données non publiées). Le volume de chicots est très élevé juste après un
feu sévère (Lee, 1998; Harper et al., 2005; Brassard et Chen, 2008). Toutefois, la
plupart de ces chicots, résultant de la mort de la cohorte avant feu, tombent sur le
parterre forestier moins de 10 ou 20 ans après le feu (Sturtevant et al., 1997;
Ferguson et Elkie, 2003; Brassard et Chen, 2008). Cela engendre de grandes
quantités de débris ligneux au sol (DLS) (Lee et al., 1997; Harper et al., 2005;
Brassard et Chen, 2008). Les arbres ont des taux de décomposition différents en
fonction des espèces (Harmon et al., 2000; Yatskov et al., 2003; Mäkinen et al.,
Réseau de gestion durable des forêts
La structure verticale,
peu de temps après le
feu qui a entraîné le
remplacement du
peuplement, est en
grande partie bimodale
avec une strate très
dense d’arbres pionniers
de petite taille et de
même âge grandissant
sous une strate continue
de bois morts sur pied de
fortes dimensions.
3

4
2006). Il en est de même pour la propension des chicots à évoluer vers des DLS
(p. ex. le déracinage par rapport au bris des troncs) (Lee, 1998; Siitonen et al.,
2000; Hill et al., 2005), qui dépend de l’espèce, mais aussi de la taille et de l’âge
de l’arbre. Les DLS peuvent varier en taille et en forme, et le niveau de
décomposition en fonction des caractéristiques du peuplement avant feu.
(a)
(c)
(e)
Figure 1.La dynamique de structure et de composition après feu d’un
peuplement en forêt boréale mixte du nord ouest de l’Ontario,
Canada, illustrée par : (a) un peuplement forestier âgé de 7 ans,
au stade d’établissement d’un nouveau peuplement, (b) un
peuplement âgé de 25 ans, au stade d’auto-éclaircie, (c) un
peuplement âgé de 82 ans, au début du stade de transition
(d) un peuplement âgé de 139 ans, à la fin du stade de
transition et (e) un peuplement âgé de 201 ans, au stade de la
dynamique de trouées.
Réseau de gestion durable des forêts
(b)
(d)

Dans la forêt boréale, la composition d’un peuplement avant feu influe dans une
certaine mesure sur la composition du peuplement après feu (Greene et Johnson,
1999; Chen et al., 2009). Après un feu de forêt, les peuplements sont généralement
dominés par le pin gris (Pinus banksiana) (dans la partie est de la forêt boréale), le
pin tordu (Pinus contorta) (dans la partie ouest de la forêt boréale), l’épinette noire
(Picea mariana), le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides), le peuplier
baumier (Populus balsamifera), le bouleau à papier (Betula papyrifera), et leurs
associations. Ces espèces ont développé des mécanismes reproductifs uniques qui
leur permettent de facilement coloniser les sites où le feu a détruit les peuplements
forestiers précédents (Burns et Honkala, 1990). Par exemple, le pin gris possède des
cônes sérotineux suspendus très haut dans la cime de l’arbre et qui ouvrent grâce à
la chaleur intense dégagée par un feu de forêt, ce qui entraîne la chute des graines
sur un sol minéral propice à leur germination. Le peuplier faux-tremble, quant à
lui, se reproduit par drageonnement ou grâce à des graines provenant des
peuplements avoisinants. De par leurs mécanismes reproductifs, si le pin gris et le
peuplier faux-tremble sont abondants dans le peuplement avant feu, ils le seront
également dans le peuplement après feu.
Néanmoins, des espèces telles que l’épinette blanche (Picea glauca), le sapin
baumier (Abies balsamea) et le thuya occidental (Thuja occidentalis) qui n’ont pas
développé de mécanismes reproductifs adaptés aux conditions prévalentes suite à
un feu, seront presque toujours absentes des peuplements après feu et ce, peu
importe leur abondance dans le peuplement précédent. En fait, de par leur plus
grande tolérance à l’ombre et leur capacité d’ensemencer naturellement les
peuplements environnants, ces espèces s’établissent à des stades de succession
plus avancés (Galipeau et al., 1997; Kneeshaw et Bergeron, 1998; Chen et
Popadiouk, 2002).
2. Auto-éclaircie
Plus tard dans le développement du peuplement, environ 25 à 35 ans après son
établissement, les distributions d’âges, de diamètres et de hauteurs demeurent
relativement homogènes. Cependant, les arbres pionniers ayant beaucoup grandi,
le volume de ceux-ci s’en trouve évidemment augmenté (Figure 1b) (Paré et
Bergeron, 1995; Lee et al., 1997; Harper et al., 2005). Au moment où l’espace
vient à manquer et que la disponibilité des minéraux est insuffisante pour permettre
à la croissance de se poursuivre pour tous les arbres présents sur le site, une
compétition intense pour les ressources s’installe entre les arbres (auto-éclaircie)
(Chen et Popadiouk, 2002; Brassard et Chen, 2006). Cela entraîne un déclin dans
la densité du peuplement (Peet et Christensen, 1987; Oliver et Larson, 1996) et
l’apparition de chicots de plus petites tailles (Lee, 1998; Greif et Archibold, 2000;
Ferguson et Elkie, 2003; Brassard et Chen, 2008). De par leurs tailles réduites, les
chicots ne dureront pas longtemps et tomberont rapidement au sol, devenant ainsi
des DLS qui se décomposeront en peu de temps.
Réseau de gestion durable des forêts
La structure verticale
d’un peuplement est
encore homogène au
stade d’auto-éclaircie.
L’intensité de l’autoéclaircie
est relativement
élevée, ce qui réduit le
nombre d’arbres dans le
peuplement, engendrant
la formation de chicots
de plus petites tailles.
5

Lorsque la plupart des
chicots générés par le
feu sont tombés au sol,
le volume de chicots sur
pied est assez bas
comparativement au
début du stade de
succession. Cependant,
le volume de DLS
demeure élevé.
Lorsque la cohorte
pionnière disparaît de
mort par sénescence,
cela engendre des
apports significatifs de
DLG et amène une
structure verticale et une
composition plus
hétérogènes.
6
Lorsque la plupart des chicots générés par le feu sont tombés au sol, le volume de
chicots sur pied se trouve à un niveau assez bas (Lee et al., 1997; Ferguson et Elkie,
2003; Brassard et Chen, 2008). Par contre, à ce stade, le volume de DLS demeure
très élevé, car il reste encore des DLS provenant du peuplement avant feu qui n’ont
pas encore eu le temps de se décomposer complètement (Lee et al., 1997; Harper
et al., 2005; Brassard et Chen, 2008). Au stade d’auto-éclaircie, les DLS varient
grandement au niveau de la taille et du degré de décomposition. D’une part,
l’auto-éclaircie génère des apports de DLS plus petits en taille et qui atteignent
rapidement un stade de décomposition moyen à avancé, provenant des espèces de
début de succession. D’autre part, les DLS provenant du peuplement antérieur au
feu, c.-à-d. d’espèces d’arbres de début de succession, de mi-succession et de fin
de succession, sont de plus fortes dimensions et n’ont atteint qu’un niveau faible à
moyen de décomposition.
3. Stade de transition
Dans les premiers temps du stade de transition du couvert forestier, environ 70 à
90 ans après l’établissement du peuplement, les individus de la cohorte pionnière
commencent à mourir naturellement. À mesure que la cohorte pionnière disparaît,
on observe une augmentation de la lumière, des ressources édaphiques et de
l’espace disponible (Chen et Popadiouk, 2002; Brassard et Chen, 2006), ce qui
permet à certaines espèces environnantes, telles que le bouleau à papier, l’épinette
blanche et le sapin baumier, de s’ensemencer naturellement et de s’établir
(Kneeshaw et Bergeron, 1998; Bergeron, 2000; Kabzems et Garcia, 2004; Pothier
et al., 2004). Ainsi, la transition du couvert forestier amène le peuplement vers une
structure verticale plutôt bi-étagée au niveau de la taille et inéquienne sur le plan
de l’âge (c.-à-d. une jeune cohorte d’arbres de succession plus avancée avec des
hauteurs et des diamètres plus petits, se développant sous une cohorte beaucoup
plus âgée de début de succession présentant des hauteurs et des diamètres
supérieurs) (Figure 1c) (Paré et Bergeron, 1995; Brassard et al., 2008).
La variabilité relative au volume de DLS, à la taille des fragments et au niveau de
décomposition est relativement basse au début du stade de transition. La plupart
des débris ligneux grossiers (DLG : le regroupement des chicots et des DLS)
résultant du feu sévère et de l’auto-éclaircie sont décomposés, alors que la majorité
des DLG générés par la mort de la cohorte pionnière sont encore debout (Lee et
al., 1997; Sturtevant et al., 1997; Brassard et Chen, 2008).
Environ 120 à 140 ans après l’établissement du peuplement, seuls quelques très
grands individus de la cohorte pionnière sont susceptibles de subsister. Les arbres
de succession plus avancée appartenant à la seconde cohorte et qui se sont établis
beaucoup plus tôt dans le stade de transition commencent alors à occuper la strate
du couvert forestier ainsi que la strate sous-jacente, pendant qu’une troisième
cohorte d’individus peut s’établir dans les trouées ou à l’ombre de ses
prédécesseurs. En conséquence, vers la fin du stade de transition, la structure
verticale varie de bimodale à trimodale et présente diverses classes d’âge (Figure
1d) (Paré et Bergeron, 1995; Brassard et al., 2008). La mort de presque toute la
Réseau de gestion durable des forêts

cohorte pionnière génère une quantité importante de chicots et de DLS et donc
une plus grande variabilité relative au volume, à la taille et au taux de
décomposition des DLG, par rapport au début du stade de transition (Lee et al.,
1997; Hély et al., 2000; Brassard et Chen, 2008).
4. Dynamique de trouées
Une fois que tous les individus de la cohorte pionnière ont disparu, le peuplement
arrive à un stade de développement de mi-succession. La mort de certains arbres
ou de petits groupes d’arbres causée par les insectes et les maladies (c.-à-d. sans
remplacement du peuplement) crée des trouées dans le couvert forestier, ce qui
facilite le recrutement continuel de nouveaux individus dans le peuplement (Peet et
Christensen, 1987; Chen et Popadiouk, 2002; Hill et al., 2005; Brassard et Chen,
2006). Pendant ce stade, le peuplement conserve un volume relativement élevé de
chicots (Hély et al., 2000; Harper et al., 2005; Brassard et Chen, 2008). La taille
des trouées détermine généralement quelles espèces d’arbres sont recrutées. Si les
trouées sont petites, elles sont généralement colonisées par des espèces tolérantes à
l’ombre telles que l’épinette blanche et le sapin baumier. Des trouées de plus
grandes tailles permettent à davantage de lumière d’atteindre le sol, facilitant le
recrutement d’espèces moins tolérantes à l’ombre comme le bouleau à papier et le
peuplier faux-tremble (Kneeshaw et Bergeron, 1998; Cumming et al., 2000; Pham
et al., 2004).
La succession en forêt boréale est généralement caractérisée par une dominance
des conifères qui s’accroît à mesure que le temps s’écoule depuis le feu à l’origine
du remplacement du peuplement (Frelich et Reich, 1995; Bergeron et Dubuc,
1989; Bergeron, 2000; Gauthier et al., 2000). Ainsi, les trouées telles que celles
créées par les infestations de tordeuses des bourgeons de l’épinette (Choristoneura
spp.) sont importantes afin de maintenir une présence des feuillus tard dans le
développement du peuplement. La tordeuse des bourgeons de l’épinette tue des
sapins baumiers et des épinettes matures, ce qui crée des possibilités
d’établissement pour d’autres arbres (Kneeshaw et Bergeron, 1999; Bergeron, 2000;
Bouchard et al., 2005; Brassard et Chen, 2006). Ainsi, la dynamique de
remplacement d’arbres individuels qui caractérise le stade de la dynamique des
trouées résulte en la production de multi-cohortes de diverses structures verticales
multi-étagée dominées par des conifères de fin de succession (Figure 1e) (Chen et
Popadiouk, 2002; Harper et al., 2005; Brassard et al., 2008).
Dans ce stade de fin de succession, des apports continuels de DLS provenant
d’espèces de succession tardive et qui présentent des tailles petites à moyennes et
un niveau de décomposition bas à moyen, assurent le maintien de grands volumes
de DLS de tailles et de niveaux de décomposition multiples (Sturtevant et al., 1997;
Hély et al., 2000; Brassard et Chen, 2008). Ainsi, les très vieux peuplements
fournissent des niches écologiques spécifiques à certaines espèces végétales et
animales. La préservation d’une certaine proportion de ces peuplements, aussi
appelés vieilles forêts, est donc essentielle pour maintenir la biodiversité dans la
forêt boréale (Sturtevant et al., 1997; Frelich et Reich, 2003).
Réseau de gestion durable des forêts
Les perturbations
secondaires qui
surviennent tardivement
dans le développement
d’un peuplement
permettent un apport
continuel de DLG ainsi
qu’une structure verticale
multi-étagée et multicohorte
dominée par des
espèces résineuses de fin
de succession.
7

Les chablis et les
infestations d’insectes
sont aussi des
perturbations majeures
courantes en forêt
boréale, mais ils
aboutissent à des
structures et des
compositions de
peuplements différentes
de celles observées suite
à un feu de forêt.
Les jeunes peuplements
après feu présentent des
volumes de DLG plus
élevés que pour les
jeunes peuplements
après coupe totale. Le
faible volume de DLG
dans les peuplements
après coupe totale porte
préjudice à la
disponibilité d’habitats
fauniques dans un
paysage aménagé.
8
B. Autres perturbations naturelles majeures
Le feu de forêt n’est pas le seul type de perturbation majeure dans la forêt boréale
d’Amérique du Nord. Des épisodes importants de chablis et d’infestations
d’insectes (p. ex. la tordeuse des bourgeons de l’épinette et le dendroctone du pin
ponderosa (Dendroctonus ponderosae)) sont aussi des perturbations majeures
courantes (Brassard et Chen, 2006 et références incluses). À l’instar du feu, ce
genre de perturbations élimine la plupart des individus dominants dans le
peuplement, permettant ainsi l’établissement d’un nouveau peuplement. Toutefois,
ces perturbations peuvent engendrer des structures et des compositions de
peuplements fort différentes de celles qui suivent un feu de forêt. Ces perturbations
ne détruisent pas la régénération préétablie et les lits de germination des espèces
de succession plus avancée telles que le sapin baumier, l’épinette blanche et le
bouleau à papier. Par conséquent, les peuplements en régénération issus de ces
perturbations présenteront une proportion plus élevée d’essences d’arbres de
succession plus avancée et d’arbustes comme le noisetier à long bec (Corylus
cornuta) et l’érable à épis (Acer spicatum). De plus, le peuplement en régénération
aura une structure verticale plus hétérogène que si la perturbation avait été un feu
de forêt, créant ainsi une dynamique de structure et de composition qui demeure
naturelle mais qui est différente de celle issue d’un feu.
III. Impacts de la coupe totale sur la
dynamique de structure et de
composition des peuplements en forêt
boréale
A. Analyse comparative des dynamiques après feu et après
coupe totale
1. Établissement d’un nouveau peuplement
Les différences de structure et de composition d’un peuplement après feu par
rapport à un peuplement après coupe totale sont plus prononcées pendant le stade
d’établissement des peuplements. Lorsqu’on la compare au feu, la coupe totale
génère un volume de DLG beaucoup moindre dans le jeune peuplement en
développement. Le grand volume de chicots résultant de la mort de la cohorte
avant feu est absent suite à une coupe totale (Figure 2a) (Schulte et Niemi, 1998;
Pedlar et al., 2002; Rouvinen et al., 2002; Brassard et Chen, 2008). Puisque les
chicots issus d’un feu finissent par tomber sur le sol pour devenir des DLS, la
coupe totale prive donc aussi les jeunes peuplements d’un volume important de
DLS comparativement aux peuplements après feu d’âges similaires (Sturtevant et
al., 1997; Pedlar et al., 2002; Martin et al., 2005; Brassard et Chen, 2008). Le
manque de chicots et le faible volume de DLS dans les jeunes peuplements après
coupe totale peuvent causer des préjudices aux grands rapaces, aux oiseaux
nichant dans les cavités (Newton, 1994; Imbeau et al., 1999; Delong et Kessler,
2000) et aux populations de petits mammifères (Moses et Boutin, 2001; Payer et
Harrison, 2003; Pearce et Venier, 2005) qui dépendent des chicots de plus grande
taille pour la nidification et pour la chasse, et des DLS pour la protection contre les
prédateurs et les conditions hivernales difficiles.
Réseau de gestion durable des forêts

(a)
(b)
Figure 2. Différentes structures et compositions de peuplements avec (a)
un peuplement âgé de 7 ans et issu de la coupe totale, au stade
d’établissement et (b) un peuplement âgé de 25 ans et issu de la
coupe totale, au stade d’auto-éclaircie, en forêt boréale mixte du
nord ouest de l’Ontario, Canada.
Dans les jeunes peuplements ayant succédé à une coupe totale, la structure
verticale est généralement composée de trois strates (Carleton et MacLellan, 1994;
Schulte et Niemi, 1998; Reich et al., 2001; B.W. Brassard, données non publiées):
(i) petits semis provenant d’espèces de début de succession qui
s’établissent après la récolte,
(ii) régénération préétablie, de plus grande taille et provenant
d’espèces de succession plus avancée qui étaient bien
établies avant la récolte,
Réseau de gestion durable des forêts
9

Les jeunes peuplements
issus de la coupe totale
ont une structure
verticale plus hétérogène
et une composition plus
diverse que les jeunes
peuplements issus du feu.
À ce stade de
développement, très peu
de caractéristiques de
structure et de
composition ont
convergé entre les
peuplements issus du feu
et ceux issus d’une
coupe totale.
10
(iii) arbres résiduels provenant de l’étage dominant de la cohorte
précédant la récolte, pour la plupart sans valeur marchande
(p. ex. les espèces indésirables comme le bouleau à papier,
les arbres en mauvaise santé, de petites tailles, mal formés
ou morts).
Bien que certaines espèces de début de succession, comme le peuplier fauxtremble,
puissent se propager aussi bien après un feu qu’après une coupe totale
grâce au drageonnement de leurs racines, d’autres espèces comme le pin gris
arrivent difficilement à coloniser un site immédiatement après une coupe totale. Le
feu est la seule perturbation qui procure la chaleur nécessaire pour l’ouverture des
cônes sérotineux du pin gris et qui élimine la couche de litière, permettant ainsi
d’exposer le sol minéral et de créer des sites propices à la germination (Keenan et
Kimmins, 1993; McRae et al., 2001), fournissant ainsi les conditions nécessaires à
l’établissement du pin gris. La structure verticale d’un peuplement après feu est
principalement composée de deux strates, avec une dominance d’arbres de début
de succession, alors que la structure verticale des jeunes peuplements issus d’une
coupe totale est plus hétérogène en termes de taille, d’âge et de composition
d’espèces.
2. Auto-éclaircie
Même si certaines caractéristiques de structure et de composition des peuplements
après feu et des peuplements après récolte sont similaires à ce stade de
développement, la plupart diffèrent encore. Dans les peuplements issus d’une
coupe totale, les arbres sont généralement moins nombreux mais plus grands en
taille, et sont composés d’une majorité d’arbres de succession plus avancée. Leur
structure verticale est plus hétérogène que dans les peuplements issus du feu et ce,
à cause de la différence de taille entre les arbres ayant survécu à la récolte (c.-à-d.
la régénération préétablie de plus grande taille) et les arbres établis après la récolte
(i.e. les arbres pionniers de petites tailles) (Figure 2b). De par la plus faible densité
d’arbres dans les peuplements issus de la coupe totale, l’auto-éclaircie est moins
importante que dans les peuplements issus du feu. Cela retarde la production de
chicots, et éventuellement de DLS (bien que de plus petite taille) et augmente aussi
les différences entre les volumes de DLG issus du feu et ceux issus d’une coupe
totale (Sturtevant et al., 1997; Ferguson et Elkie, 2003; Brassard et Chen, 2008).
Dans la forêt boréale européenne, l’éclaircie commerciale est une pratique
courante pendant le stade d’auto-éclaircie car elle est destinée à extraire la fibre
qui aurait été perdue avec le phénomène d’auto-éclaircie et à augmenter le taux
de croissance des tiges restantes (Smith et al., 1997). Toutefois, l’éclaircie
commerciale diminue significativement le volume de DLG dans un peuplement.
La diminution de biodiversité dans le paysage aménagé de la forêt boréale
européenne est donc directement attribuable à un manque de DLG (Linder et
Östlund, 1998; Siitonen, 2001; Ecke et al., 2002; Sippola et al., 2005). L’éclaircie
commerciale n’est pas une pratique répandue dans les forêts boréales
d’Amérique du Nord, bien que certaines compagnies l’aient testée de manière
localisée (P. Poschmann, communication personnelle). Ainsi, sans l’évidence
Réseau de gestion durable des forêts

certaine que l’augmentation potentielle de l’approvisionnement en fibres générée
par l’éclaircie commerciale serait en mesure de contrebalancer les conséquences
liées à la perte de DLG, particulièrement dans les zones déjà récoltées
auparavant, le recours à une telle pratique n’est pas recommandé.
3. Stade de transition
Au stade de transition du couvert forestier, bien qu’il y ait convergence de
nombreux éléments de la structure et de la composition des peuplements après
coupe totale et après feu, il subsiste encore certaines différences tant au niveau des
DLG que de la composition en espèces. La densité, le volume et la taille des arbres
sont habituellement relativement similaires. Cependant, les arbres de succession
plus avancée demeurent possiblement plus présents dans les peuplements ayant
succédé à une coupe totale que dans ceux issus d’un feu. Les caractéristiques des
chicots sont habituellement semblables entre les deux types de peuplements, à
l’exception encore une fois de la proportion supérieure de chicots appartenant à
des espèces de succession plus avancée dans le cas des forêts après coupe totale.
La majeure partie des DLS de grande taille et provenant du peuplement précédant
la perturbation ainsi que les DLS de petite taille générés pendant l’auto-éclaircie,
devraient être presque entièrement décomposés et incorporés au sol entre la moitié
et la fin du stade de transition du couvert forestier (Lee et al., 1997; Sturtevant et
al., 1997; Hély et al., 2000; Brassard et Chen, 2008). Les caractéristiques de
volume, de taille et de niveau de décomposition des DLS présents dans les deux
types de peuplements devraient donc être relativement similaires. Toutefois, ces
présomptions sont basées sur les connaissances actuelles et sur des projections
basées sur les tendances observées à des stades plus précoces du développement.
La coupe totale conventionnelle n’a pas encore été pratiquée suffisamment
longtemps dans la forêt boréale d’Amérique du Nord pour que les peuplements
ayant succédé à la coupe totale aient atteint le stade de transition. Par conséquent,
on ne peut savoir avec certitude si les deux types de peuplement, arrivés au stade
de transition, auront convergé sur la plupart de leurs caractéristiques de structure et
de composition. Il est très probable que les impacts de la perturbation sur la
structure de la forêt, et de la composition dans une moindre mesure, auront
presque entièrement disparus.
4. Dynamique de trouées
Au stade de la dynamique de trouées (environ 180 à 200 ans après la perturbation,
par exemple, pour les stations mésiques de la forêt boréale du nord-ouest de
l’Ontario, Canada (Brassard et Chen, 2008; Brassard et al., 2008)), les divers
aspects associés à la structure et à la composition des deux types de peuplement
devraient être complètement identiques, à l’exception peut-être d’une proportion
supérieure de DLS provenant d’espèces de succession plus avancée dans les
peuplements issus d’une coupe totale. En laissant les peuplements atteindre ce
stade de développement après une coupe totale, les éléments naturels de la
structure et de la composition des peuplements aménagés devraient être presque
entièrement revenus à la normale. Cependant, cette hypothèse devra être vérifiée
empiriquement lorsque les données décrivant la dynamique de structure et de
composition des vieux peuplements après feu seront disponibles.
Réseau de gestion durable des forêts
Tandis que les structures
des peuplements après
feu et après récolte
devrait être similaires à
ce stade de
développement, des
différences de
composition devraient
normalement persister.
À ce stade de
développement, les
impacts de la récolte par
coupe totale sur la
dynamique naturelle de
structure et de
composition du
peuplement devraient
avoir disparu.
11

L’aménagement multicohortes
est plus à même
d’imiter la structure
d’âge historique dans le
paysage boréal aménagé,
comparativement aux
pratiques actuelles, et
réduit l’impact de
l’aménagement forestier
sur la dynamique des
DLG.
Les limites actuelles
relatives au nombre de
coupes totales et à leur
taille doivent être
réévaluées de manière à
mieux imiter le régime
naturel des feux en forêt
boréale.
12
B. Options d’aménagement destinées à imiter la dynamique
naturelle de structure et de composition des peuplements
en forêt aménagée
Si l’objectif principal des directives de récolte en forêt boréale est de permettre la
régénération des peuplements après la coupe totale en imitant la manière dont le
feu perturbe la forêt (p. ex. le Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario,
2001), alors il devient évident que les directives actuelles sont insuffisantes. Bien
que les méthodes alternatives de récolte ne soient pas adaptées à toutes les
situations, celles qui sont décrites plus bas sont susceptibles d’aider à réduire
l’empreinte écologique de la récolte dans les écosystèmes en forêt boréale en
permettant de retrouver une dynamique de structure et de composition plus
semblable à celle des forêts non aménagées.
1. Périodes de rotation plus longues pour certains peuplements
Actuellement, la majeure partie de la forêt boréale sous tenure (c.-à-d. confiée à
des compagnies forestières pour l’exploitation) est généralement aménagée sur des
périodes de rotation de 80 ans. Cependant, la formation significative de DLG dans
les peuplements après coupe ne commence pas avant que le stade de transition du
couvert forestier ne soit très avancé. Ainsi, le fait de continuellement aménager la
forêt boréale sur des périodes de rotation de 80 ans réduira significativement le
volume de DLG dans le paysage aménagé. Cela aura inévitablement des effets
négatifs sur la diversité végétale et animale.
Au lieu de cela, il est suggéré que l’aménagement de certaines zones de la forêt
boréale suive une approche par trois cohortes (Harvey et al., 2002; Bergeron,
2004), avec un recours à la coupe totale (pour imiter les jeunes forêts), la coupe
partielle (pour imiter les forêts surannées) et la coupe sélective (pour imiter les
vieilles forêts) afin de mieux refléter la distribution historique des classes d’âge dans
le paysage aménagé (Van Wagner, 1978).
2. Variations dans la taille des coupes
Dans l’optique de réduire les impacts de la coupe totale sur les populations
végétales et animales en limitant les discontinuités de la forêt intacte (Matlack et
Litvaitis, 1999; McRae et al., 2001; Harper et al., 2004), les directives
d’aménagement de plusieurs juridictions ont évolué vers des coupes totales de
taille intermédiaire. Cependant, la dynamique spatiale et temporelle historique des
feux en forêt boréale est telle que la fréquence et la taille des feux sont inversement
corrélées. Les très grands feux, ceux qui peuvent détruire chacun des dizaines de
milliers d’hectares de forêts sont rares, alors que les petits feux, d’une étendue de
quelques hectares seulement, sont plutôt courants (Weber et Stocks, 1998). Ainsi,
afin de mieux imiter le régime naturel des feux en forêt boréale, les pratiques
d’aménagement devraient s’orienter vers un petit nombre de coupes totales de très
grande taille et de nombreuses coupes totales de petite taille.
Réseau de gestion durable des forêts

Cette approche permet de mieux imiter le comportement naturel du feu dans un
paysage aménagé et elle est capable de générer de nombreux autres bénéfices
écologiques et économiques. Par exemple, les coûts de la sylviculture concernant
la plantation ou l’ensemencement ainsi que la préparation du site peuvent être
réduits significativement car les opérations n’auraient pas à être déplacées aussi
souvent dans une même année.
3. Brûlage dirigé
Dans les coupes totales de grande superficie, le brûlage dirigé peut s’avérer utile
pour réduire davantage les coûts de la sylviculture et accroître la proportion de
zones de régénération naturelle, puisque seule une petite proportion de la coupe
totale doit être brûlée, ce qui réduit les superficies récoltées qui aurait besoin d’être
traitées et replantées. Le brûlage dirigé peut éliminer la couche de litière et exposer
le sol minéral, créant ainsi des microsites de germination naturelle et/ou
augmentant la facilité et la réussite de la régénération artificielle. De plus, cela
permet de réduire considérablement les quantités de combustible présent sur les
sites après coupe totale, ce qui diminue les risques ultérieurs de feu dans les jeunes
peuplements en régénération (Johnson, 1992).
4. Récolte par bois tronçonné et redistribution des déchets de coupe
La réduction significative de DLS après une récolte par coupe totale
comparativement à ce qu’on observe après un feu de forêt est le résultat évident du
retrait des arbres. En ramassant les débris ligneux présents en bordure des chemins
et en les redistribuant sur le site de récolte, ou en utilisant la technique de récolte
par bois tronçonné près de la souche, on réduit les impacts liées au manque de
DLS sur certaines composantes de la biodiversité et du cycle des nutriments.
Cependant, de nombreuses espèces dépendent spécifiquement des DLS de plus
grandes tailles. Leur conservation devrait donc constituer une priorité pour les
gestionnaires de la forêt.
C. Les implications des futurs changements climatiques
Il est prédit que la Terre se réchauffera en moyenne de 2 à 4 degrés Celsius d’ici la
fin du 21 e siècle (comparativement aux niveaux de 1980 à 1990), avec des
maximums atteints en forêt boréale et dans d’autres écosystèmes de latitude élevée
(Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2007). Il est
anticipé que les changements climatiques auront des effets dramatiques sur la
structure et la composition des forêts à l’échelle du paysage, plus particulièrement
en altérant la distribution des espèces d’arbres et la fréquence des feux causant le
remplacement des peuplements. Il est également anticipé que les futurs
changements climatiques, impliquant une élévation globale de la température et de
la concentration de dioxyde de carbone atmosphérique, risquent de causer un
déplacement vers le nord de certaines espèces d’arbres et possiblement de régions
forestières complètes (Suffling, 1995; Thompson et al., 1998; He et al., 2002). Par
exemple, il a été suggéré que la forêt boréale pourrait se déplacer vers la zone de
répartition actuelle de la toundra, et que les forêts de feuillus situées les plus au
nord se déplaceraient vers la zone de répartition actuelle de la forêt boréale.
Réseau de gestion durable des forêts
Le brûlage dirigé
pratiqué après coupe
totale est une technique
sylvicole sous-utilisée et
qui devrait occuper une
plus grande place dans la
planification de
l’aménagement forestier.
Laisser les débris ligneux
sur le site d’exploitation
après la récolte peut
aider à réduire les
impacts négatifs de
l’aménagement forestier
sur la biodiversité et sur
le cycle des nutriments.
13

Les futurs changements
climatiques affecteront
les modèles de structure
et de composition à
l’échelle des paysages en
modifiant le régime des
perturbations et la
distribution des espèces.
14
Les modèles de circulation générale de l’atmosphère prédisent que les régimes de
précipitations de notre planète seront aussi très différents de ce qu’ils sont
aujourd’hui, avec de plus grandes précipitations sur les zones côtières et une baisse
vers l’intérieur des terres (Stocks et al., 1998). Ainsi, la forêt boréale située au
centre de l’Amérique du Nord risque de subir une fréquence plus élevée de feux
sévères (entraînant le remplacement des peuplements) à cause d’une réduction des
précipitations annuelles, ce qui mènera à une plus grande proportion de prairies et
de jeunes forêts dans le paysage (Thompson et al., 1998; Overpeck et al., 1990;
Amiro et al., 2001). Cependant, une augmentation des précipitations dans les forêts
boréales situées plus près des côtes peut réduire les feux sévères, résultant en une
plus grande proportion de vieilles forêts (Bergeron et Flannigan, 1995; Flannigan et
al., 1998; Bergeron et al., 2004). De plus, selon divers scénarios de changements
climatiques, des variations dans la fréquence des feux et dans la distribution des
espèces risquent d’affecter visiblement la distribution des classes d’âge des
peuplements dans le paysage et la limite de répartition de nombreuses espèces
végétales et animales de la forêt boréale.
Puisque les changements climatiques affecteront dramatiquement les dynamiques
de structure et de composition de la forêt boréale, les directives d’aménagement
doivent être adaptées de manière à mieux réagir face aux changements anticipés
au niveau de l’écosystème. Par exemple, une plus grande proportion de forêts
boréales aménagées pourrait être reboisée ou semée avec des essences d’arbres
provenant de forêts plus méridionales ou provenant d’espèces déjà présentes mais
dont les génotypes permettraient une adaptation à un climat plus chaud, de
manière à faciliter les prévisions quant aux comportements migratoires des plantes.
Cependant, déterminer quelles espèces d’arbres et quels génotypes seront capables
d’une bonne croissance à l’intérieur des limites actuelles de la zone de répartition
de la forêt boréale et dans les conditions futures des changements climatiques, sera
un grand défi de par l’immense incertitude associée aux modèles climatiques
actuels et de par les grandes différences phénotypiques existant au sein même de
plusieurs espèces de plantes. Un aménagement adaptatif nécessitera donc des
recherches supplémentaires.
IV. Points saillants
• La dynamique d’un peuplement forestier est affectée par les
perturbations sévères (entraînant le remplacement du
peuplement), les perturbations secondaires (n’entraînant pas
le remplacement du peuplement), la structure et la
composition du peuplement avant la perturbation, les sources
environnantes de semences et les caractéristiques climatiques
et édaphiques. Cette dynamique a des implications
importantes dans la quantité d’habitats naturels disponibles et
dans le maintien de la biodiversité.
Réseau de gestion durable des forêts

• Avec les pratiques d’aménagement actuelles, les changements
dans le temps de la structure verticale et de la composition
des peuplements en forêt boréale mixte d’Amérique du Nord,
sont caractérisés par une augmentation de la dominance des
conifères, par le remplacement des arbres de début de
succession par des arbres de succession plus avancée qui
s’ensemencent à partir des peuplements environnants, et par
un changement dans la structure d’âge et de taille, passant
d’une structure unimodale à bimodale puis multimodale.
• La mort de la cohorte avant feu crée un volume substantiel
de DLG dans le jeune peuplement en développement.
Cependant, au-delà de ce sommet initial, le volume de DLG
diminue constamment jusqu’à ce que la cohorte pionnière
commence à mourir par sénescence. À ce stade, le volume
de DLG (au départ sous la forme de chicots) et ensuite le
volume de DLS, commence à augmenter. Tard dans le
développement du peuplement, la dynamique de
remplacement individuel des arbres, qui est dirigée par les
perturbations secondaires, maintient un apport continuel de
DLG dans le peuplement.
• Les chablis et les infestations d’insectes constituent aussi des
perturbations sévères courantes dans les forêts boréales
d’Amérique du Nord. Toutefois, ces perturbations
n’engendrent pas la même dynamique de peuplement que
celle succédant à un feu.
• La récolte par coupe totale réduit énormément le volume de
DLG dans un jeune peuplement en développement,
comparativement au feu. Les jeunes peuplements après
coupe totale peuvent présenter une plus grande proportion
d’arbres de succession plus avancée, une plus faible densité,
et une structure verticale plus hétérogène que les
peuplements après feu. Cependant, la structure et la
composition entre les peuplements après feu et les
peuplements après récolte sont susceptibles de converger
plus tard dans le développement du peuplement.
• L’allongement des cycles de rotation (pour certains
peuplements) et la variation de la taille des coupes, en
association avec des pratiques de brûlage dirigé et la rétention
des débris ligneux sur le site, pourraient constituer des options
d’aménagement appropriées, dans certains cas, pour mieux
imiter la dynamique de structure et de composition des
peuplements après feu dans les forêts boréales aménagées.
Réseau de gestion durable des forêts
15

16
• Le brûlage dirigé peut s’avérer être un outil d’aménagement
efficace pour encourager l’établissement de communautés
végétales similaires à celles qui succèdent normalement à
un feu.
• Les options d’aménagement qui facilitent le recrutement de
DLG dans les peuplements après coupe totale permettent
d’obtenir des conditions plus similaires à celles caractérisant
les peuplements après feu.
• Les changements climatiques sont susceptibles d’avoir des
conséquences significatives sur la structure et la composition
de la forêt à l’échelle du paysage, amenant un déplacement
vers le nord de certaines essences d’arbres et modifiant la
fréquence des feux ainsi que la structure d’âge globale de la
forêt dans le paysage. Une réponse appropriée aux
changements climatiques pourrait se trouver dans un
aménagement forestier orienté sur des espèces présentes
actuellement plus au sud ou sur des espèces déjà présentes
mais dont les génotypes permettraient une adaptation à un
climat plus chaud.
remerciements
Cette étude a été rendue possible grâce au support financier du Réseau de gestion
durable des forêts.
Réseau de gestion durable des forêts

éférences
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