Édition 2010-03-01 (PDF document) - les nouvelles de roumanie
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Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />
48<br />
SUCEAVA<br />
BAIA<br />
MARE<br />
<br />
IASI<br />
ORADEA<br />
<br />
TARGU<br />
<br />
MURES BACAU<br />
ARAD<br />
<br />
<br />
TIMISOARA<br />
<br />
SIBIU<br />
BRASOV<br />
<br />
GALATI <br />
BRAILA <br />
<br />
PITESTI <br />
TULCEA<br />
CRAIOVA<br />
<br />
<br />
BUCAREST<br />
CONSTANTA<br />
Une nomenklatura<br />
toujours puissante<br />
Dans son texte, Marius Oprea<br />
évoque <strong>les</strong> mesures qu'il compte<br />
prendre pour démasquer <strong>les</strong> communistes<br />
et membres <strong>de</strong> la Securitate<br />
toujours au pouvoir… Non sans une<br />
certaine naïveté en oubliant que le<br />
Prési<strong>de</strong>nt qui vient d'être élu, Traian<br />
Basescu, est lui-même issu <strong>de</strong> cette<br />
nomenklatura qu'il essaie <strong>de</strong> démanteler.<br />
Il justifie son action en rappelant<br />
que "Le communisme est non seulement<br />
un régime criminel mais un régime<br />
qui a pratiqué le terrorisme d'Etat.<br />
Le crime peut être acci<strong>de</strong>ntel, mais le<br />
régime communiste l'a organisé en<br />
système. Il a organisé <strong>les</strong> abus et la<br />
violence <strong>de</strong> manière scientifique".<br />
Marius Oprea prévient aussi :<br />
"Selon nos calculs, il n'y a aujourd'hui<br />
pas plus <strong>de</strong> 10 000 anciens activistes<br />
du Parti communiste et <strong>de</strong> la<br />
Securitate. Nous allons nous occuper<br />
<strong>de</strong> ceux qui étaient membres <strong>de</strong> la<br />
nomenklatura et pas faire l'erreur <strong>de</strong><br />
commencer par <strong>les</strong> informateurs pour<br />
nous intéresser plus tard aux cadres.<br />
Nous visons <strong>les</strong> membres du Comité<br />
central, <strong>les</strong> officiers <strong>de</strong> Securitate, <strong>les</strong><br />
cadres régionaux, <strong>les</strong> cadres supérieurs<br />
<strong>de</strong> la milice et <strong>les</strong> magistrats<br />
qui ont participé à <strong>de</strong>s procès politiques.<br />
Mais nous n'allons pas faire<br />
<strong>de</strong> dossier pénal, sauf en cas <strong>de</strong> persécution<br />
d'une personne".<br />
L'Institut présidé par Marius Oprea<br />
était censé fonctionner pour une<br />
pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> six ans, soit jusqu'en 2<strong>01</strong>1<br />
et publier <strong>de</strong>s rapports trimestriels et<br />
annuels, son directeur estimant que<br />
ce délai <strong>de</strong>vait être suffisant pour<br />
trouver ce qu'il cherchait, à condition<br />
d'avoir un accès libre aux archives.<br />
En fait, il n'a jamais pu fonctionner<br />
normalement.<br />
<br />
CHISINAU<br />
<br />
Révolution an XX<br />
Connaissance et découverte<br />
En décembre 2005, le nouveau gouvernement roumain, sous la direction <strong>de</strong><br />
Calin Popescu Tariceanu a décidé la création d'un Institut pour l'investigation <strong>de</strong>s<br />
crimes du régime communiste, malgré l'opposition du Prési<strong>de</strong>nt Basescu, fraîchement<br />
élu. Marius Oprea*, son directeur se proposait alors <strong>de</strong> faire cohabiter dans<br />
la même maison morale et politique. Il partait du constat que dans tous <strong>les</strong> partis<br />
politiques roumains, ce sont <strong>les</strong> anciens activistes du Parti communiste et <strong>de</strong> la<br />
Securitate qui occupent <strong>les</strong> postes clé. Force est <strong>de</strong> constater que peu <strong>de</strong> choses ont<br />
changé <strong>de</strong>puis.<br />
Marius Oprea brise ses lances contre <strong>les</strong><br />
anciens nomenklaturistes et la Securitate.<br />
Condamner <strong>les</strong> crimes <strong>de</strong> l'ancien<br />
Marius Oprea: "Après 1989<br />
Dans un texte publié au moment<br />
<strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> ses fonctions,<br />
Marius Oprea donnait son sentiment,<br />
évoquant <strong>les</strong> difficultés rencontrées,<br />
son courageux projet faisant déjà penser au<br />
vain combat <strong>de</strong> Don Quichotte, la nomenklatura<br />
remplaçant <strong>les</strong> moulins :<br />
"L'Institut pour l'investigation <strong>de</strong>s crimes<br />
du communisme en Roumanie a été créé le<br />
21 décembre 2005 par une décision du gouvernement<br />
roumain. Cette institution ne<br />
dépend donc ni <strong>de</strong> l'Académie ni <strong>de</strong><br />
l'Université. Elle matérialise une idée que je<br />
défends <strong>de</strong>puis le milieu <strong>de</strong>s années 1990.<br />
Après <strong>les</strong> évènements <strong>de</strong> décembre<br />
1989, le sentiment anti-communiste était<br />
extrêmement fort dans la population. La classe politique a promis d'organiser un procès<br />
du communisme, ce qu'elle n'a pas fait. Peu à peu, il est <strong>de</strong>venu visible que ceux qui se<br />
sont installés au pouvoir en Roumanie en 1990 ont, en fait, organisé un coup d'Etat<br />
contre la révolution anti-communiste. Nous avons assisté à la création d'une nouvelle<br />
Securitate, l'ancienne police politique, à travers <strong>les</strong> services secrets créés en 1990 et via<br />
le levier économique <strong>de</strong>s individus issus <strong>de</strong> l'ancienne nomenklatura. Ainsi, une nouvelle<br />
et très puissante oligarchie s'est installée au pouvoir, à travers un processus que<br />
j'ai appelé la "privatisation du communisme".<br />
Après 1989, <strong>les</strong> anciens <strong>de</strong> la Securitate et du Parti communiste gar<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s postes<br />
clé. Dans ce contexte, il n'était évi<strong>de</strong>mment plus question d'organiser un procès du communisme.<br />
Bien que diplômé d'archéologie, j'ai décidé <strong>de</strong> me spécialiser en histoire<br />
contemporaine et <strong>de</strong> préparer une thèse <strong>de</strong> doctorat sur le rôle <strong>de</strong> la police politique<br />
durant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> Gheorghe Gheorghiu-Dej, c'est à dire avant 1965. Paradoxalement,<br />
même cette voie n'était pas la bonne puisque <strong>les</strong> portes <strong>de</strong>s instituts <strong>de</strong> recherche et <strong>de</strong><br />
l'Université me sont restées fermées. J'ai ainsi découvert que <strong>les</strong> anciens <strong>de</strong> la Securitate<br />
et du Parti communiste étaient restés aux comman<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'Université roumaine.<br />
Les excuses du Prési<strong>de</strong>nt Constantinescu n'ont servi à rien<br />
Les structures <strong>de</strong> cette oligarchie ont même créé un institut censé étudier le totalitarisme,<br />
dirigé par un représentant du Parti <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Roumanie (le parti <strong>de</strong> Vadim<br />
Tudor), un parti extrémiste qui a <strong>de</strong>s origines communistes. Il est <strong>de</strong>venu évi<strong>de</strong>nt que<br />
seule l'installation d'un nouveau pouvoir était en mesure <strong>de</strong> donner une chance à l'idée<br />
<strong>de</strong> commencer un procès du communisme.<br />
Un tel changement a eu lieu en 1996, quand la Convention démocratique a gagné<br />
<strong>les</strong> élections. Les choses semblaient avoir pris une bonne direction, surtout après l'été<br />
1997, lorsque le Prési<strong>de</strong>nt Emil Constantinescu a présenté <strong>de</strong>s excuses au peuple pour<br />
<strong>les</strong> crimes du régime communiste. Malheureusement, on en est resté au niveau déclaratif.<br />
Il n'y a eu aucune condamnation <strong>de</strong> la Securitate et <strong>de</strong>s dirigeants communistes.<br />
Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />
régime revient au vain combat <strong>de</strong> Don Quichotte<br />
on a seulement privatisé le communisme"<br />
En 2000, lorsque <strong>les</strong> anciens communistes sont revenus au<br />
pouvoir, il est re<strong>de</strong>venu impossible <strong>de</strong> penser à un procès du<br />
communisme.<br />
Pendant toute cette pério<strong>de</strong> je n'ai pas cessé d'écrire <strong>de</strong>s<br />
artic<strong>les</strong> et <strong>de</strong>s livres pour maintenir éveillée l'attention du<br />
public sur <strong>les</strong> crimes du communisme. J'ai subi durant ces<br />
années une centaine d'actions en justice <strong>de</strong>stinées à m'intimi<strong>de</strong>r.<br />
El<strong>les</strong> étaient souvent initiées par <strong>de</strong>s informateurs <strong>de</strong> la<br />
Securitate que j'avais démasqués.<br />
Les manœuvres d'Iliescu<br />
et Nastase revenus au pouvoir<br />
Fin 2000, lorsque Ion Iliescu est re<strong>de</strong>venu Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />
République et qu'Adrian Nastase a été nommé Premier ministre,<br />
<strong>les</strong> menaces sur ceux qui voulaient faire sortir la vérité sur<br />
le régime communiste se sont aggravées.<br />
Pendant ces années, sans le soutien <strong>de</strong> la presse et d'intellectuels<br />
importants, notre démarche serait restée isolée. En<br />
2002, on a introduit trois actions en justice contre moi: on voulait<br />
m'obliger à verser 2 millions d'euros.<br />
Toujours en 2002, le Premier ministre Adrian Nastase a<br />
voulu me faire condamner comme auteur du dossier publié<br />
dans la presse au sujet <strong>de</strong> sa fortune, signée sous le pseudonyme<br />
d'Armaguedon.<br />
Les problèmes <strong>de</strong>venaient <strong>de</strong> plus en plus graves parce<br />
que je ne me contentais pas d'étu<strong>de</strong>s historiques, mais cherchais<br />
à suivre la carrière post-<br />
1989 <strong>de</strong> ceux que j'étudiais.<br />
J'ai découvert que le<br />
Conseiller pour la Sécurité<br />
nationale du Premier ministre<br />
A. Nastase avaient été l'un<br />
<strong>de</strong>s enquêteurs <strong>les</strong> plus brutaux<br />
<strong>de</strong> la Securitate. Son<br />
nom est Ristea Priboi. J'ai<br />
aussi mis à jour que le chef<br />
d'un <strong>de</strong>s services secrets <strong>de</strong><br />
Roumanie, Marin Ureche,<br />
avait été impliqué dans <strong>de</strong>s<br />
actions très graves <strong>de</strong> police<br />
politique. J'ai encore découvert<br />
que <strong>de</strong>s personnes qui<br />
occupaient <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong> directeurs dans certains ministères<br />
en avaient précé<strong>de</strong>mment occupé d'autres importantes dans <strong>les</strong><br />
structures <strong>de</strong> la Securitate. J'ai mis en évi<strong>de</strong>nce qu'en 1993<br />
seize <strong>de</strong>s attachés commerciaux envoyés dans <strong>les</strong> ambassa<strong>de</strong>s<br />
roumaines à l'étranger provenaient <strong>de</strong> la Securitate.<br />
Des biographies qui commencent<br />
bizarrement seulement en 1990<br />
Ristea Priboi, conseiller pour la sécurité<br />
nationale d'Adrian Nastase, alors Premier<br />
ministre, était l'un <strong>de</strong>s interrogateurs<br />
<strong>les</strong> plus brutaux <strong>de</strong> la Securitate.<br />
Petit à petit, j'ai constaté que peu <strong>de</strong> choses avaient changé<br />
par rapport à l'avant 1989, mis à part que ceux qui gouver-<br />
naient le faisaient non<br />
plus au nom du communisme<br />
mais <strong>de</strong> la démocratie.<br />
60% <strong>de</strong>s personnes<br />
mentionnées sur le<br />
site du Premier ministre<br />
A. Nastase faisaient<br />
débuter leur biographie<br />
en 1990… Ce qui m'a<br />
fait dire que nous<br />
étions dirigés par <strong>de</strong>s<br />
ado<strong>les</strong>cents… Bien sûr<br />
Connaissance et découverte<br />
Curieusement, l’ancien Premier ministre<br />
Adrian Nastase fait démarrer<br />
sa biographie après 1990.<br />
j'aurais préféré, mais ce n'était pas le cas, nous étions gouvernés<br />
par <strong>de</strong>s personnes qui avaient <strong>de</strong>s éléments biographiques<br />
importants à cacher.<br />
La dénonciation <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> la Securitate reste donc<br />
d'actualité en ce début du XXIe siècle. Pratiquement, en étudiant<br />
le parcours <strong>de</strong>s anciens activistes communistes ou <strong>de</strong> la<br />
Securitate, nous pouvons suivre leur trace et savoir où ils se<br />
trouvent aujourd'hui".<br />
…Dans son texte, publié un an avant l'entrée <strong>de</strong> la<br />
Roumanie, Marius Oprea lançait aussi cet avertissement prémonitoire:<br />
"Si l'Union Européenne ne veut pas avoir à faire à<br />
<strong>de</strong>s responsab<strong>les</strong> roumains corrompus et issus <strong>de</strong> la<br />
Securitate, elle a tout intérêt à nous soutenir. En effet, si cette<br />
oligarchie communiste et <strong>de</strong> la Securitate continue à agir en<br />
Roumanie, la corruption <strong>de</strong> haut niveau sera bientôt le principal<br />
produit d'exportation <strong>de</strong> la Roumanie. Nos bureaucrates,<br />
issus <strong>de</strong>s structures communistes peuvent très<br />
bien enseigner à ceux <strong>de</strong> Bruxel<strong>les</strong> comment on vole".<br />
Marius Oprea<br />
(Traduit du roumain par Radu Portocala)<br />
*Historien, né en 1964 à Târgoviste. Directeur <strong>de</strong><br />
l'Institut pour l'investigation <strong>de</strong>s crimes du régime<br />
communiste roumain.<br />
Au moment <strong>de</strong> sa nomination, Marius Oprea a été<br />
directement menacé par <strong>de</strong>s membres importants <strong>de</strong>s<br />
services secrets roumains, anciens <strong>de</strong> la Securitate. Il a<br />
été notamment abordé dans la rue et on lui a fait comprendre<br />
que son petit garçon pourrait être enlevé. Depuis<br />
cette époque, et toujours aujourd'hui, sa femme et son<br />
enfant vivent en Allemagne, où il leur rend fréquemment<br />
visite. "J'ai compris que ces menaces venaient d'un groupe<br />
d'officiers qui craignaient que je dirige cet Institut" indique-til,<br />
enchaînant: "Leur crainte était justifiée parce que je disposais<br />
déjà d'informations sur la corruption dans <strong>les</strong> services<br />
secrets roumains et j'en avais également rendu publiques certaines<br />
concernant leur collusion avec la mafia arabe".<br />
Marius Oprea confie également: "Çà m'a déterminé à agir.<br />
Peut-être autrement me serais-je contenté d'écrire <strong>de</strong>s artic<strong>les</strong><br />
et <strong>de</strong>s livres sans aller jusqu'à m'impliquer dans une structure<br />
qui ressemble à celle <strong>de</strong> Simon Wiesenthal (le chasseur <strong>de</strong><br />
nazis) à Vienne".<br />
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