Parlez-moi d'amour - Le Valet de Coeur
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<strong>Parlez</strong>-<strong>moi</strong> d’amour<br />
1
Compagnie <strong>de</strong> Théâtre<br />
<strong>Le</strong> <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur<br />
Contact :<br />
Marie-Agnès Munoz<br />
8 rue Antoine d’Auvergne<br />
63000 Clermont-Ferrand<br />
Tél. :<br />
04 73 91 20 66<br />
Site :<br />
http://perso.wanadoo.fr/le.valet.<strong>de</strong>.coeur<br />
Courriel :<br />
valet.<strong>de</strong>.coeur@wanadoo.fr<br />
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“<strong>Parlez</strong>-<strong>moi</strong> d’amour”<br />
Cinq piécettes <strong>de</strong> Gabriel Arout<br />
extraites <strong>de</strong> l’œuvre “Des Pommes pour Eve”<br />
d’après <strong>de</strong>s nouvelles d’Anton Tchekhov<br />
Avec Eva Bruchet, Magali Cassignol, Agnès Courmont,<br />
Noémi Marois, Marie-Françoise Savary, Mariette Triolaire,<br />
Matthieu Bonnamour, Pierre Février, Jean-Yves <strong>Le</strong>noir,<br />
Xavier Marduel et Thomas Plane<br />
Mise en scène : Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
Costumes : Denis Charlemagne<br />
Régie et Affiche : Mylène Vantal<br />
4, 10, 11, 17, 18, 24 ET 25 OCTOBRE 2008<br />
20H30 THÉÂTRE LE VALET DE CŒUR<br />
Tarif plein : 13 euros / Tarif réduit : 7 euros<br />
Réservations au 04 73 91 20 66 ou par courriel : valet.<strong>de</strong>.cœur@wanadoo.fr<br />
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4<br />
Gabriel Arout<br />
Gabriel Arout, <strong>de</strong> son vrai nom Gabriel Aroutcheff, naît à Rostov-sur-le-Don, en Russie, le<br />
28 janvier 1909. Té<strong>moi</strong>n <strong>de</strong> la guerre et <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> révolution russe, il émigre en France<br />
en 1921 avec sa famille ; il a douze ans.<br />
Après <strong>de</strong> brillantes étu<strong>de</strong>s, il obtient sa licence <strong>de</strong> lettres à la Sorbonne en 1930. Il ne<br />
s’engage pas tout <strong>de</strong> suite dans la littérature et préfère, dans un premier temps, étancher<br />
sa soif <strong>de</strong> voyages tout en faisant <strong>de</strong> petits boulots. Puis, il revient à ses premières<br />
aspirations ; après <strong>de</strong>ux romans et <strong>de</strong>ux nouvelles, il se concentre sur le théâtre qu’il<br />
considère, avec la poésie, comme le genre le plus distingué. A partir <strong>de</strong> ce moment-là,<br />
il écrira jusqu’à sa mort et vivra exclusivement <strong>de</strong> sa plume.<br />
Sa première pièce, Orphée ou la cour <strong>de</strong>s miracles, écrite en 1935, est un “four” à sa<br />
création en 1943. C’est seulement cinq ans plus tard que Gabriel Arout sera révélé,<br />
grâce à Pierre Fresnay qui fait découvrir Pauline ou l’écume <strong>de</strong> la mer à un public ébloui.<br />
<strong>Le</strong>s huit uniques représentations prévues paraissent dérisoires et la pièce sera jouée une<br />
centaine <strong>de</strong> fois. A cela succè<strong>de</strong> une trentaine <strong>de</strong> pièces, adaptations et traductions.<br />
Gabriel Arout travaille alors avec les plus grands. <strong>Le</strong>s plus grands metteurs en scène :<br />
Marcel Herrand, Clau<strong>de</strong> Regy ou Georges Vitaly. Mais aussi les plus grands interprètesr:<br />
François Perrier, Jean Piat, Denise Gence, Jean-Paul Roussillon, Jean Rochefort et<br />
bien d’autres. Gabriel Arout est <strong>de</strong>venu un écrivain et auteur dramatique consacré,<br />
un traducteur reconnu. Ses pièces sont traduites et montées dans plusieurs pays. Ces<br />
principaux succès sont : Gog et Magog, Cet animal étrange, Deux fois <strong>de</strong>ux font cinq ou<br />
encore Des pommes pour Eve.<br />
GABRIEL AROUT EST FORTEMENT MARQUÉ PAR LA LITTÉRATURE ET LA PENSÉE RUSSE<br />
auxquelles il est resté très attaché. Ce n’est toutefois pas sa seule inspiration ; pétri <strong>de</strong><br />
culture ancienne et fasciné par la richesse <strong>de</strong> la mythologie grecque, ses premières<br />
pièces sont <strong>de</strong>s tragédies qui tournent autour <strong>de</strong> l’interprétation <strong>de</strong> certains mythes.<br />
L’humour restant un pôle majeur <strong>de</strong> son écriture, Gabriel Arout produit aussi nombre <strong>de</strong><br />
comédies. En marge <strong>de</strong> cela, il s’intéresse au cinéma et travaille en collaboration avec,<br />
entre autres, Luis Buñuel, Clau<strong>de</strong> Autant-Lara et Marcel Carné.<br />
<strong>Le</strong> succès est au ren<strong>de</strong>z-vous, public et critique, se rejoignent sur ce point. En<br />
1978, Gabriel Arout reçoit le Grand Prix <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Auteurs et Compositeurs<br />
Dramatiques, puis 1981, le Grand Prix du Théâtre <strong>de</strong> l’Académie Française. Il s’éteint le<br />
12 février 1982 avec un message d’espoir délivré dans sa <strong>de</strong>rnière pièce, Oui, sorte <strong>de</strong><br />
testament où il réaffirme sa confiance en l’homme, sans limite. <strong>Le</strong> long monologue final<br />
est particulièrement fort car l’homme y est montré comme seul maître <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>stinée...<br />
comme il le fut lui-même.
“Des pommes pour Eve”<br />
Gabriel Arout porte une tendresse particulière à Tchékhov et à son œuvre. Cela nous a<br />
déjà valu un spectacle <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> qualité tiré <strong>de</strong>s œuvres non théâtrales <strong>de</strong> Tchékhov :<br />
Cet animal étrange qui fut l’un <strong>de</strong>s grands succès <strong>de</strong> la saison 1965. Avec Des Pommes<br />
pour Eve, Gabriel Arout renouvelle sa tentative, cette fois sur un autre registre. Un registre<br />
volontairement comique et féroce à partir <strong>de</strong> nouvelles et <strong>de</strong> récits <strong>de</strong> jeunesse. S’il s’agit<br />
toujours <strong>de</strong> l’amour et du couple, c’est la coquetterie <strong>de</strong> la femme et la bêtise du mari<br />
qui sont mis en scène avec une joie implacable. En 1969, le ton est différent mais la<br />
réussite est la même.<br />
Un spectacle extrêmement drôle<br />
Extraits d’Avant-scène, n° 437, 1969<br />
Avec Des Pommes pour Eve, Gabriel Arout nous offre, au Théâtre La Bruyère, un<br />
spectacle extrêment drôle, savoureux, malicieux et qui a, entre autres mérites, celui <strong>de</strong><br />
présenter au public un Tchékhov assez différent <strong>de</strong> celui qu’il imagine volontiers. Ainsi<br />
qu’il avait procédé pour Cet animal étrange..., Gabriel Arout a construit une dizaine <strong>de</strong><br />
sketches ou <strong>de</strong> saynettes en partant <strong>de</strong> brefs récits <strong>de</strong> Tchékhov, mais aussi d’indications,<br />
d’anecdotes, éparses dans son œuvre. Un seul lien entre ces textes dramatiquement<br />
bien construits et d’un comique nourri : Eve.<br />
<strong>Le</strong> charme passe<br />
Jacques <strong>Le</strong>marchand, <strong>Le</strong> Figaro Littéraire<br />
Parce que l’adaptateur s’y prend avec “beaucoup d’amour”, le charme passe. On est<br />
immédiatement ravi par la prestesse <strong>de</strong> ces saynettes, enlevées comme il faut, et la<br />
grâce <strong>de</strong> Tchékhov survit à cette métamorphose délicate. Cette fois-ci, Gabriel Arout a<br />
centré son choix sur les femmes, telles que les montrait le futur auteur <strong>de</strong> “La Mouette”,<br />
non pas encore dolentes ou rêveuses, habitées <strong>de</strong> songes et d’illusions, mais tour à tour<br />
victimes, timi<strong>de</strong>s, retorses, intéressées, pécheresses innocentes, candi<strong>de</strong>s épouses ou<br />
roublar<strong>de</strong>s courtisanes. (...)<br />
C’est tout a fait délicieux<br />
Matthieu Galey, Combat<br />
Par les soins <strong>de</strong> Gabriel Arout nous passons au La Bruyère une soirée vive, spirituelle,<br />
ironique... C’est tout à fait délicieux, quelque chose comme une conversation indulgente<br />
et désabusée, pleine d’humour, que nous aurions avec Tchékhov en quelque bal <strong>de</strong><br />
Saint-Pétersbourg, une coupe <strong>de</strong> champagne français à la main. C’est à peu près<br />
toujours le même thème : la rouerie <strong>de</strong>s femmes, la passion naïve <strong>de</strong>s hommes et c’est à<br />
peu près toujours le même dénouement : LA VICTOIRE D’EVE SUR UN ADAM DÉMUNI.<br />
Francis Amunategui, L’Officiel du Spectacle<br />
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6<br />
Chanson : <strong>Parlez</strong>-<strong>moi</strong> d’amour<br />
HISTOIRE DE POMMES<br />
Un jeune couple dans un jardin, <strong>de</strong>s pommiers pleins <strong>de</strong> fruits : voilà la scène dressée.<br />
Evi<strong>de</strong>mment, la tentation est au ren<strong>de</strong>z-vous. La pomme est cueillie et les conséquences<br />
suivent rapi<strong>de</strong>ment. <strong>Le</strong> patron arrive bien décidé à faire justice. <strong>Le</strong>s amoureux n’en<br />
sortiront pas in<strong>de</strong>mnes.<br />
Chanson : Si l’on pouvait arrêter les aiguilles<br />
MADEMOISELLE JULIE<br />
C’est jour <strong>de</strong> paie pour Julie, la gouvernante. Mais Monsieur est d’humeur taquine. La<br />
discussion est à sens unique car il s’adresse à une Julie à la fois apeurée et effarée, qui<br />
ne sait que dire. Se réjouit-il <strong>de</strong> tyranniser ainsi la pauvre jeune fille ? La réponse se trouve<br />
dans l’enveloppe qui contient ses gages.<br />
Chanson : Vous qui passez sans me voir<br />
LE PIGEON<br />
Après une rencontre à la terrasse d’un café, qu’il croit avoir menée d’une main <strong>de</strong><br />
maître, le voilà, lui, installé dans la villa <strong>de</strong> Sophie où l’amour règne. Mais sous ses airs<br />
angéliques, la colombe n’est pas aussi blanche qu’il y paraît. Qu’il est difficile d’admettre<br />
qu’on vient <strong>de</strong> se faire plumer !<br />
Chanson : Rossignol <strong>de</strong> mes amours<br />
ENTRACTE<br />
ZINA<br />
Sokolski désire se marier mais il manque d’argent. Au nom <strong>de</strong> son cousin, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
alors à Zina <strong>de</strong> lui payer <strong>de</strong>s traites avant la date prévue. Mais Zina ne l’entend pas <strong>de</strong><br />
cette oreille et la séductrice entreprend <strong>de</strong> faire échouer le projet. Loin <strong>de</strong> savoir où il a<br />
mis les pieds, c’est lui, pauvre garçon, qui va payer la note !<br />
Chanson : Madame Arthur<br />
LA MARCHANDISE VIVANTE<br />
<strong>Le</strong> mari, la femme, l’amant, trio tellement récurrent au théâtre qu’il en <strong>de</strong>vient banal.<br />
Mais ajoutez à cela trois cent mille roubles et une inconstance féminine viscérale, et<br />
la situation se complique. Arout fait vivre <strong>de</strong>vant nous un ménage à trois plus que<br />
troublant...<br />
Chanson : Au lycée Papillon<br />
Déroulement<br />
du spectacle
Photographies<br />
Agnès Courmont chante<br />
“<strong>Parlez</strong>-<strong>moi</strong> d’amour” et “Madame Arthur”<br />
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Magali Cassignol et Pierre Février<br />
dans “<strong>Le</strong> pigeon”<br />
8<br />
Eva Bruchet et Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
dans “La marchandise vivante”<br />
Eva Bruchet et Matthieu Bonnamour<br />
dans “La marchandise vivante”<br />
Marie-Françoise Savary et Pierre Février<br />
dans “<strong>Le</strong> pigeon”
Noémi Marois et Xavier Marduel<br />
dans “Zina”<br />
Agnès Courmont et Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
dans “Ma<strong>de</strong><strong>moi</strong>selle Julie”<br />
Mariette Triolaire et Thomas Plane<br />
dans “Ma<strong>de</strong><strong>moi</strong>selle Julie”<br />
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10<br />
Thilouze Arout Amour<br />
Arout. Des roulements <strong>de</strong> bois. Comme roule une latte du parquet <strong>de</strong> scène sous le<br />
pas d’un acteur. <strong>Le</strong> parquet est du caroubier rouge. Je précise à ceux qui ignorent la<br />
signification du mot caroubier qu’il s’agit d’un arbuste méditerranéen dont le fruit, la<br />
caroube, fait les beaux repas <strong>de</strong>s cochons. J’indique aussi que la scène du théâtre <strong>de</strong><br />
patronage <strong>de</strong> notre village - notre village, mon village : Thilouze - était en sapin, mais<br />
que je l’habille <strong>de</strong> caroubier parce que caroubier rouge présente une assonance avec<br />
Arout. A ceux dont la diction est défaillante je recomman<strong>de</strong>, chaque matin, chaque<br />
soir, la répétition <strong>de</strong>s mots Arout Caroube Rouge Arout Caroube Rouge Arout Caroube<br />
Rouge, et ainsi <strong>de</strong> suite.<br />
Arout. Des épices d’humour bien français, tel qu’on le pratiquait - lour<strong>de</strong>ment - à la<br />
campagne, en 1956. Car nous sommes en 1956, et j’avais dix ans.<br />
Arout. Des douceurs <strong>de</strong> velours usé, <strong>de</strong> velours bleu, bleu nuit, que les grands-mères du<br />
village recousent et radoubent (Arout Recousent Radoubent et ainsi <strong>de</strong> suite), toutes<br />
assises en ligne pour que le ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> scène bleu, bleu-nuit, puisse être largement étalé,<br />
pour qu’il reprenne vie.<br />
- Il sent le <strong>moi</strong>si !<br />
- Oui, la confiture <strong>de</strong> coings un peu sure.<br />
Arout. Des o<strong>de</strong>urs d’autrefois.<br />
- C’est qu’il y a bien douze ans qu’on n’a plus vu <strong>de</strong> théâtre ici !<br />
Arout Douze Tabouret.<br />
Sur un tabouret à trois pieds, nos grands-mères du village <strong>de</strong>visent comme au temps<br />
jadisr:<br />
- <strong>Le</strong> maire a eu une riche idée <strong>de</strong> faire venir du théâtre !<br />
- <strong>Le</strong> maire ? Jamais <strong>de</strong> la vie ! Vous enten<strong>de</strong>z, vous autres ? Elle croit, Mère Léontine, que<br />
c’est le maire qui a fait venir le théâtre ! Comme s’il en était capable, le maire. Mais non,<br />
Mère Léontine, c’est l’instituteur, évi<strong>de</strong>mment !<br />
Cet adverbe me va droit au cœur, puisque l’instituteur : c’est mon père.<br />
Arout. Des éclats <strong>de</strong> trou du souffleur. Trou mystérieux, trou dangereux, caché <strong>de</strong>rrière<br />
une lour<strong>de</strong> trappe en bois.<br />
«Si tu passes la trappe, dit le proverbe, gare à toi, c’est le diable qui t’attrape.»<br />
Un seul homme a le droit <strong>de</strong> passer la trappe : le Père Bergeaud, gar<strong>de</strong>-champêtre<br />
et marchand <strong>de</strong> vin, et souffleur autrefois, à ce qu’on dit, quand le théâtre marchait<br />
régulièrement, c’est-à-dire une à <strong>de</strong>ux fois par <strong>moi</strong>s. En tout cas, c’est lui qui soufflera<br />
pour Arout.<br />
Note d’intention
Et c’est le Père Bergeaud qui chante parfois :<br />
«Sur les planch’s, sur les planch’s<br />
il y a, il y a, <strong>de</strong>vin’ quoi ?<br />
Sur les planch’s, il y a l’charabia !<br />
Sous les planch’s, sous les planch’s,<br />
Il y a, quelle affaire !<br />
Sous les planch’s, il y a Lucifer.»<br />
Mon père m’expliqua :<br />
- <strong>Le</strong> théâtre, c’est une longue attente.<br />
Des <strong>moi</strong>s et <strong>de</strong>s <strong>moi</strong>s d’attente. Car un projet comme celui-là exige que chacun, dans<br />
le village, soit partie prenante.<br />
Mon père écrivit au tableau noir :<br />
1) - en tout premier lieu, le maire et son Conseil,<br />
2) - et l’instituteur, bien sûr, puisqu’il est l’initiateur du projet,<br />
3) - et le curé, qui seul détient la clé <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> patronage, unique salle du village<br />
susceptible d’accueillir un théâtre, avec lequel il faut bien négocier.<br />
- Heureusement, fit remarquer mon père, heureusement ! ils viennent <strong>de</strong> nommer un<br />
jeune curé qui paraît plus ouvert.<br />
«Ouvert» signifiait qu’on l’avait déjà surpris dans le jardin du presbytère en survêtement<br />
<strong>de</strong> sport, sans sa soutane.<br />
Plus tard mon père déclarera :<br />
- Ce jeune curé, je vous le prédis : il votera bientôt Mitterrand !<br />
Et chacun partit d’un éclat <strong>de</strong> rire.<br />
Je rappelle que je vous ai averti : c’est ce genre d’humour qu’on pratiquait à la<br />
campagne dans les années soixante.<br />
Alors, sur les murs <strong>de</strong> l’école, à l’église, au catéchisme, sur les panneaux d’affichage<br />
municipal, on vit fleurir <strong>de</strong>s affiches partout dans le village ; et même, à ce qu’on<br />
prétendait, dans tous les villages voisins, c’est-à-dire Pont-<strong>de</strong>-Ruan, Saché (village <strong>de</strong><br />
Balzac) ou Villeperdue.<br />
Prochainement à Thilouze :<br />
«<strong>Parlez</strong>-<strong>moi</strong> d’amour»<br />
spectacle composé autour <strong>de</strong>s comédies <strong>de</strong> Gabriel Arout<br />
par la Troupe du Grand Théâtre <strong>de</strong> Tours.<br />
- <strong>Le</strong> théâtre, c’est une longue attente.<br />
Je me résignai à attendre. J’observai mon père qui passait ses jeudis sous le préau <strong>de</strong><br />
l’école à confectionner <strong>de</strong>s rampes électriques : quatre rampes, chacune <strong>de</strong> quatre<br />
ampoules <strong>de</strong> cent watts, mille six cents watts au total, imaginez !<br />
Aidé <strong>de</strong>s plus grands élèves, qui préparaient le Certificat d’Etu<strong>de</strong>s Primaires, il repeignit la<br />
salle <strong>de</strong> patronage, suspendit <strong>de</strong>s frises bleu, bleu ciel, <strong>de</strong>s pendrillons bleu, bleu nuit aux<br />
cintres du théâtre, et le grand le ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> velours bleu, bleu nuit que les grands-mères<br />
du village avaient recousu radoubé (voir ci-<strong>de</strong>ssus).<br />
- Je le fais pour l’Ecole Laïque, déclara-t-il, et je compris qu’il convenait <strong>de</strong> mettre <strong>de</strong>s<br />
majuscules à Ecole et Laïque.<br />
11
12<br />
Catastrophe : Mère Léontine eut la mauvaise idée <strong>de</strong> décé<strong>de</strong>r - brutalement, d’une<br />
ambolie pulmonaire -juste une semaine avant la date <strong>de</strong> la représentation. Catastropher:<br />
on parla d’annuler la fête, car la Mère Léontine avait été longtemps secrétaire <strong>de</strong><br />
Mairie.<br />
Finalement la voix <strong>de</strong> la sagesse l’emporta, il fut décidé qu’on respecterait une minute<br />
<strong>de</strong> silence avant la représentation.<br />
Et le grand jour arriva.<br />
Ma mère, belle à l’entrée du théâtre, portait une robe très habillée, du même bleu que<br />
le ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> scène. Je ne me rappelais lui avoir vu cette robe qu’une seule fois, c’était il<br />
y a un an : au mariage <strong>de</strong> ma cousine et marraine Monique.<br />
Ma mère contrôlait les billets d’entrée. Elle écorna donc le mien (qui avait reçu un coup<br />
<strong>de</strong> tampon : «gratuit») et me glissa à l’oreille :<br />
- Tu as une place au premier rang, ton nom est écrit.<br />
Intimidé, je gagnai immédiatement le premier rang et m’assis à ma place. Je comptai :<br />
la salle était éclairée par un total <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mille watts. On avait disposé onze rangs<br />
<strong>de</strong> douze chaises, un plus <strong>de</strong>ux égal trois, le trois entre le un et le <strong>de</strong>ux, cent trente-<strong>de</strong>ux<br />
chaises. <strong>Le</strong>s spectateurs entraient par petites grappes et n’osaient dépasser les trois ou<br />
quatre rangs du fond <strong>de</strong> la salle. Sans pouvoir me retourner - c’eût été déplacé, comme<br />
il est déplacé <strong>de</strong> se retourner à la messe le dimanche - j’entendais <strong>de</strong>s chuchotements<br />
et <strong>de</strong>s éclats <strong>de</strong> rire. Et malgré les rires, je croyais discerner aussi une sorte <strong>de</strong> crainte chez<br />
les nouveaux venus, peut-être dans leur manière <strong>de</strong> marcher, <strong>de</strong> chuchoter.<br />
Mon père aurait dit :<br />
- On ne va pas au théâtre sans crainte, c’est-à-dire sans respect.<br />
J’entendis distinctement, au fond du théâtre, une voix qui claironnait :<br />
- Un paisant (sic) qui va au théâtre ce n’est pas tous les jours !<br />
C’était mon cousin Gilbert Massonneau qui avait fait à bicyclette les cinq kilomètres qui<br />
séparaient Thilouze <strong>de</strong> sa ferme «<strong>Le</strong> lys».<br />
J’attendis quarante-cinq minutes. A mesure que le temps passait, il m’apparaissait que le<br />
ri<strong>de</strong>au frissonnait <strong>de</strong> plus en plus fébrilement. Et brusquement, tel un troupeau, le Conseil<br />
Municipal entra. En un clin d’œil les chaises autour <strong>de</strong> <strong>moi</strong> furent occupées.<br />
Puis ma mère entra.<br />
Puis le curé entra.<br />
Mon père, enfin, monta sur la scène, seul <strong>de</strong>vant le ri<strong>de</strong>au, et prononça un discours.<br />
J’étais trop oppressé pour retenir un mot <strong>de</strong> ce qu’il dit. Jamais je n’aurais imaginé que<br />
mon père fût capable <strong>de</strong> s’exprimer avec une telle assurance <strong>de</strong>vant cent trente-<strong>de</strong>ux<br />
personnes.<br />
Il parla <strong>de</strong> théâtre, <strong>de</strong> l’auteur <strong>de</strong> la pièce, un dénommé Gabriel Arout, annonça la<br />
tombola et la tête <strong>de</strong> veau que le gagnant se procurerait chez André Gouin, le boucher<br />
<strong>de</strong> Thilouze, remercia le Maire, le Conseil Municipal, le curé, les élèves <strong>de</strong> l ‘Ecole Laïque,<br />
puis saisit un grand bâton gainé <strong>de</strong> cuir, qu’il brandit joyeusement au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui en<br />
criant :<br />
- <strong>Le</strong> brigadier !
On crut à une plaisanterie, on se mit à rire, et mon père frappa onze coups très rapprochés,<br />
suivis <strong>de</strong> trois coups beaucoup plus appuyés et plus espacés dans le temps.<br />
Puis, sous les applaudissements, gagna la chaise à côté <strong>de</strong> ma mère, elle-même à côté<br />
<strong>de</strong> <strong>moi</strong> ; mais quelqu’un accrocha ma mère par l’épaule, je pus lire sur les lèvres :<br />
- La mère Léontine !<br />
Ma mère transmit le message à mon père qui fit un geste d’impuissance signifiant :<br />
- Trop tard !<br />
Agacé.<br />
Il avait oublié la minute <strong>de</strong> silence en mé<strong>moi</strong>re <strong>de</strong> la feue Mère Léontine.<br />
L’obscurité se fit dans la salle.<br />
On entendit :<br />
- Brrr ! Brrr !<br />
Puis quelques rires.<br />
<strong>Le</strong>s seize ampoules <strong>de</strong> la rampe détachèrent <strong>de</strong> ce noir total leur disque rougeâtre, puis<br />
jaune, puis blanc. La scène était gran<strong>de</strong> ouverte, illuminée et, ô surprise, une fillette qui<br />
n’avait guère plus <strong>de</strong> dix ans - mon âge - se tenait souriante, presque amusée d’être là,<br />
au milieu <strong>de</strong>s planches <strong>de</strong> caroubier.<br />
- Je vais vous interpréter, dit-elle d’une voix menue, une chanson d’hier. Elle détacha les<br />
syllabess: - i-yêr, puis marqua un temps, et <strong>de</strong> toujours - tou-jour.<br />
- Cette chanson est intitulée : « <strong>Parlez</strong>-<strong>moi</strong> d’amour ».<br />
Un ruban <strong>de</strong> satin bleu, bleu roi, nouait très haut ses cheveux. Une robe du même satin<br />
épousait chaque centimètre carré <strong>de</strong> son corps <strong>de</strong> petite fille et <strong>de</strong>s bas bleu, bleu pâle,<br />
<strong>de</strong>ssinaient ses chevilles presque à la hauteur <strong>de</strong> mes yeux. Elle fit quelques pas jusque<br />
sur l’avant-scène, presque collée à la rampe, à un mètre <strong>de</strong> <strong>moi</strong>. Elle tendit les mains,<br />
les bras.<br />
Alors je sentis qu’on se saisissait <strong>de</strong> <strong>moi</strong>, qu’on me happait : ce n’était ni la feue Mère<br />
Léontine, ni le Père Bergeaud qui m’emportait sous la trappe, ce n’était pas Lucifer, je<br />
venais simplement, par amour pour une fillette, <strong>de</strong> basculer dans le mon<strong>de</strong> du théâtre,<br />
je n’étais plus <strong>moi</strong>.<br />
<strong>Le</strong> voyage du théâtre est comme le voyage <strong>de</strong> la mort : on ne revient pas du voyage<br />
du théâtre.<br />
A ceux dont la diction est défaillante je recomman<strong>de</strong>, chaque matin, chaque soir, la<br />
répétition <strong>de</strong>s mots Thilouze Arout Amour Thilouze Arout Amour Thilouze Arout Amour, et<br />
ainsi <strong>de</strong> suite. Hâtez-vous. Vous répéterez Thilouze Arout Amour <strong>moi</strong>ns <strong>de</strong> fois que vous<br />
l’espéreriez. <strong>Le</strong> temps vous est compté.<br />
Thilouze, le 26 août 2007.<br />
Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
13
14<br />
CRÉATIONS LES PLUS RÉCENTES<br />
THÉÂTRE<br />
<strong>Le</strong> <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur<br />
compagnie <strong>de</strong> théâtre<br />
2000 “Savannah Bay” <strong>de</strong> Marguerite Duras<br />
2001 “<strong>Le</strong> Pont-Neuf” <strong>de</strong> Tabarin<br />
“<strong>Le</strong> Docteur amoureux” <strong>de</strong> Molière<br />
2002 “La leçon”, “<strong>Le</strong>s exercices <strong>de</strong> conversation...” d’Eugène Ionesco<br />
“Daphnis, Lycénion et Chloé”, “<strong>Le</strong> plaisir <strong>de</strong> rompre” <strong>de</strong> Jules Renard<br />
2003 “L’Esprit <strong>de</strong> Contradiction”, “Atten<strong>de</strong>z-<strong>moi</strong> sous l’orme” <strong>de</strong> Charles Dufresny<br />
2004 “L’Avare” <strong>de</strong> Molière<br />
2005 “La leçon” d’Eugène Ionesco<br />
“Sarah” <strong>de</strong> John Murrell<br />
2006 “<strong>Le</strong>s Boulingrin” et autres pièces <strong>de</strong> Georges Courteline<br />
“<strong>Le</strong> Libertin” d’Eric-Emmanuel Schmitt<br />
2007 “<strong>Le</strong>s Femmes à l’Assemblée” d’Aristophane<br />
2008 “<strong>Parlez</strong>-<strong>moi</strong> d’amour” comédies <strong>de</strong> Gabriel Arout<br />
LECTURE ET POÉSIE<br />
2000 “La boîte à musique” <strong>de</strong> Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
2001 “Anaïs” <strong>de</strong> Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
2002 “Bucoliques” <strong>de</strong> Jules Renard<br />
“Village” <strong>de</strong> Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
2003 “Coquelicots” <strong>de</strong> Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
2004 “Solore” <strong>de</strong> Colette Thévenet<br />
“<strong>Le</strong> papillon Maacki” <strong>de</strong> Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
2006 “Je” <strong>de</strong> Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
2007 “Génie du christianisme” <strong>de</strong> François-René <strong>de</strong> Chateaubriand<br />
“Je vous aime, petites gens <strong>de</strong>s dimanches d’hiver” <strong>de</strong> Jean-Yves <strong>Le</strong>noir<br />
2008 “<strong>Le</strong>s cris <strong>de</strong> Paris” textes <strong>de</strong> La Bruyère, Boileau et anonyme du XVIIe siècle
C<br />
R<br />
É<br />
E<br />
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SERVIR ET RESPECTER LES AUTEURS<br />
La compagnie <strong>de</strong> théâtre <strong>Le</strong> <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur s’attache toujours à transmettre<br />
le texte originel <strong>de</strong>s œuvres qu’elle choisit <strong>de</strong> monter. Elle rassemble un grand<br />
nombre d’informations relatives à l’auteur et à sa pensée, afin <strong>de</strong> restituer<br />
le plus fidèlement possible le texte originel, malgré les nombreuses éditions,<br />
représentations, ou adaptations qui ont pu le modifier. Elle s’attache aussi<br />
à faire découvrir <strong>de</strong>s textes remarquables par la beauté <strong>de</strong> la langue et <strong>de</strong><br />
l’écriture <strong>de</strong> l’auteur, et le plus souvent <strong>de</strong>s textes peu connus ou peu joués<br />
d’auteurs français ou étrangers. Depuis 1977, <strong>Le</strong> <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur crée donc <strong>de</strong>s<br />
spectacles <strong>de</strong> théâtre et <strong>de</strong>s spectacles <strong>de</strong> poésie avec l’objectif <strong>de</strong> respecter<br />
et <strong>de</strong> servir les auteurs et leurs œuvres.<br />
UNE COMPAGNIE INDÉPENDANTE<br />
<strong>Le</strong> <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur est une compagnie <strong>de</strong> théâtre indépendante, libre <strong>de</strong> ses<br />
choix sans souci d’aucune mo<strong>de</strong>, d’aucune idéologie, d’aucun lien d’ordre<br />
financier ou commercial. <strong>Le</strong>s choix <strong>de</strong> ses spectacles sont dictés par <strong>de</strong>s<br />
coups <strong>de</strong> cœur. <strong>Le</strong>s choix <strong>de</strong> ses intervenants : comédiens, metteurs en scène,<br />
costumiers, ..., obéissent à une recherche <strong>de</strong> compétence. <strong>Le</strong>s comédiens et<br />
techniciens du <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur ont tous un statut d’amateur, c’est-à-dire qu’ils<br />
ne perçoivent aucune rémunération pour leurs prestations.<br />
AU THÉÂTRE DU VALET DE CŒUR<br />
Depuis plus <strong>de</strong> quinze ans, la compagnie a façonné un lieu <strong>de</strong> théâtre qui lui<br />
est propre, où, chaque vendredi et chaque samedi, elle répète et diffuse ses<br />
créations. L’école du <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur, durant la semaine, y dispense ses cours.<br />
Situé au 8 rue Antoine d’Auvergne, ce lieu appartient au quartier historique<br />
<strong>de</strong> Clermont-Ferrand, proche <strong>de</strong> la Place <strong>de</strong> la Victoire et <strong>de</strong> la cathédrale.<br />
Véritable théâtre <strong>de</strong> poche à l’avignonnaise, il peut accueillir cinquante<br />
spectateurs. Par ailleurs la compagnie joue à la Maison <strong>de</strong> la Culture et à<br />
l’Opéra <strong>de</strong> Clermont-Ferrand et ponctuellement dans d’autres lieux culturels<br />
<strong>de</strong> la ville et <strong>de</strong> la région.<br />
EN FRANCE OU À L’ÉTRANGER<br />
La compagnie se produit en France et à l’étranger aussi bien dans <strong>de</strong>s lieux<br />
prestigieux comme le Musée Carnavalet à Paris, que dans <strong>de</strong>s festivals <strong>de</strong><br />
théâtre : à Avignon, à Aurillac, au Japon, en Corée du Sud, en Tunisie, en<br />
République Tchèque, en Roumanie... Chacune <strong>de</strong> ces manifestations constitue<br />
pour les comédiens et techniciens une opportunité <strong>de</strong> s’engager, se dépasser,<br />
se sentir responsables <strong>de</strong> l’image que <strong>Le</strong> <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur donne <strong>de</strong> Clermont-<br />
Ferrand, <strong>de</strong> l’Auvergne, <strong>de</strong> la France. C’est aussi dans ces manifestations que<br />
se forge la cohésion <strong>de</strong> la compagnie.<br />
<strong>Le</strong> <strong>Valet</strong> <strong>de</strong> Cœur est soutenu par la Ville <strong>de</strong> Clermont-Ferrand,<br />
le Conseil Général du Puy-<strong>de</strong>-Dôme et le Conseil Régional d’Auvergne.<br />
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