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Violon, de la voix mélodique à la voie thérapeutique

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

VIOLON<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>voix</strong> <strong>mélodique</strong><br />

<strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>voie</strong> <strong>thérapeutique</strong><br />

Centre International <strong>de</strong> Musicothérapie juin 2012<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Résumé<br />

L’objet <strong>de</strong> ce mémoire est <strong>de</strong> présenter le violon comme possible médiateur<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>thérapeutique</strong>, principalement avec <strong>de</strong>s personnes âgées,<br />

atteintes ou non <strong>de</strong> démences <strong>de</strong> type Alzheimer.<br />

Après une <strong>de</strong>scription du violon dans <strong>la</strong>quelle je privilégierai les aspects qui<br />

me semblent importants pour étayer mon propos, je raconterai mon<br />

parcours personnel et mon cheminement vers <strong>la</strong> musicothérapie. J’en<br />

profiterai pour montrer comment mon violon en me prêtant sa <strong>voix</strong>, m’ouvre<br />

<strong>la</strong> <strong>voie</strong> vers un métier qui me correspond mieux.<br />

Je présenterai ensuite l’Hôpital <strong>de</strong>s Magnolias, cadre principal <strong>de</strong> mon<br />

expérience <strong>de</strong> ces mois écoulés.<br />

Puis je parlerai <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer et <strong>de</strong>s démences apparentées car<br />

<strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s patients que j’ai rencontrés en souffrent et c’est <strong>la</strong> raison<br />

pour <strong>la</strong>quelle on leur propose une prise en charge avec <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

musicothérapie.<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

J’en viendrai finalement <strong>à</strong> raconter mes expériences, d’abord en tant que<br />

stagiaire <strong>de</strong> Pi<strong>la</strong>r Garcia, musicothérapeute et formatrice au C.I.M., puis<br />

en tant qu’animatrice musicale, et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce que le violon y a tenue.<br />

Après une évaluation <strong>de</strong>s compétences et vertus <strong>thérapeutique</strong>s du violon,<br />

je conclurai en revenant sur l’hypothèse <strong>de</strong> départ afin <strong>de</strong> <strong>la</strong> vali<strong>de</strong>r.<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Résumé<br />

Hypothèse<br />

En préambule<br />

1/ Présentation du violon<br />

SOMMAIRE<br />

2/ Présentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> violoniste que je suis<br />

a) La musique et moi<br />

b) Le chemin vers <strong>la</strong> musicothérapie<br />

3/ Présentation du cadre <strong>thérapeutique</strong><br />

1. Les Magnolias<br />

2. La Ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer<br />

3. Mon violon, un sésame pour les Magnolias<br />

4. Le stage pratique aux Magnolias<br />

4/ Le violon en situation <strong>thérapeutique</strong><br />

Une séance <strong>à</strong> l’hôpital <strong>de</strong> jour<br />

Un petit tour <strong>à</strong> l’Accueil <strong>de</strong> Jour<br />

Retrouvailles musicales <strong>à</strong> l’UAS<br />

L’U.C.C.<br />

La City - Accueil Temporaire et Ehpad<br />

Visites musicales <strong>à</strong> Europa au 1 er étage<br />

D’autres « rencontres <strong>thérapeutique</strong>s »<br />

Les vertus <strong>thérapeutique</strong>s du violon<br />

5/ Conclusion et validation <strong>de</strong> l’hypothèse<br />

6/ Remerciements<br />

7/ Bibliographie<br />

8/ Annexes<br />

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Hypothèse<br />

Le violon est un instrument <strong>de</strong> musique <strong>mélodique</strong> polyvalent, <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois<br />

savant et popu<strong>la</strong>ire. Il a sa p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> soliste dans les gran<strong>de</strong>s œuvres du<br />

répertoire c<strong>la</strong>ssique et occupe une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> nos orchestres <strong>de</strong><br />

chambre ou symphoniques. Il est également présent dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<br />

musiques traditionnelles et accompagne nombre <strong>de</strong> chansons <strong>de</strong> variété<br />

d’hier et d’aujourd’hui. Il est capable <strong>de</strong> s’adapter <strong>à</strong> toutes les cultures et<br />

<strong>à</strong> tous les styles…<br />

…mais il peut <strong>de</strong>venir <strong>la</strong> <strong>voix</strong> du thérapeute dans une re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong> envers<br />

<strong>de</strong>s personnes en difficulté d’expression verbale. En touchant directement<br />

le centre <strong>de</strong>s émotions, il ai<strong>de</strong> <strong>à</strong> les faire s’exprimer. Il a également une<br />

résonnance particulière dans <strong>la</strong> mémoire collective.<br />

Serait-il un outil <strong>de</strong> médiation <strong>thérapeutique</strong> ? Quel est son impact et quel<br />

rôle joue-t-il lorsque j’interviens ? Je vais tenter <strong>de</strong> répondre <strong>à</strong> cette<br />

question en re<strong>la</strong>tant et analysant les expériences que j’ai vécues auprès <strong>de</strong><br />

patients, pour <strong>la</strong> plupart âgés et atteints <strong>de</strong> démences <strong>de</strong> type Alzheimer.<br />

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En préambule<br />

Et voil<strong>à</strong> ! - 21 mai 2011, 14H30<br />

La formation au CIM s’est terminée hier, une page se tourne, il ne sert <strong>à</strong> rien<br />

d’attendre avant <strong>de</strong> commencer <strong>à</strong> écrire ce mémoire en même temps que l’histoire d’un<br />

parcours…<br />

Dans ma tête résonnent les <strong>voix</strong> amies <strong>de</strong> Marco, Laura, Ouzdine, Jean-Pierre, Edith,<br />

Fanny… et m’accompagnent pendant ce démarrage. Mes sentiments sont partagés<br />

entre regret <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser se terminer une étape et impatience <strong>à</strong> partir sur le chemin<br />

ouvert.<br />

Les mots <strong>de</strong> Dominique Bertrand sont encore tout frais dans ma mémoire ; comment se<br />

traduira ma créativité dans l’écriture ?… On n’écrit pas ce qu’on a dans <strong>la</strong> tête. On<br />

écrit ce qu’on ne sait pas ! Le discours se crée <strong>à</strong> partir <strong>de</strong> <strong>la</strong> faille…<br />

Je vais donc tenter l’exercice car je ne sais absolument pas aujourd’hui quelle sera <strong>la</strong><br />

réponse <strong>à</strong> mon hypothèse. J’ai un an pour donner, ou pas, une réponse. C’est une<br />

sensation vertigineuse mais aussi une jouissance !<br />

…<br />

21 février 2012, 14H30, 9 mois plus tard…<br />

…et oui, j’ai écrit ces lignes voici 9 mois très exactement ! Le temps d’une gestation ?<br />

Jusqu’<strong>à</strong> hier, j’avais avancé sur mon mémoire en partant <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> raconter ma<br />

reconversion professionnelle, mais j’étais « en panne » <strong>de</strong>puis 3 mois car je ne savais<br />

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plus comment présenter ce sujet sans tomber dans un « nombrilisme » dép<strong>la</strong>cé et je<br />

sentais qu’il fal<strong>la</strong>it que je fasse différemment.<br />

Je <strong>la</strong>issai donc les choses mûrir dans ma tête en attendant le déclic salvateur.<br />

Je réalise aujourd’hui que ma toute première idée avait été <strong>de</strong> parler du violon puisqu’il<br />

avait été mon sésame pour travailler avec Pi<strong>la</strong>r Garcia <strong>à</strong> l’Hôpital <strong>de</strong>s Magnolias, puis<br />

j’avais oublié cette idée, je l’avais rejetée même. Il est vrai que mon rapport avec mon<br />

violon a été difficile, douloureux, voire passionnel, et dans le même temps un superbe<br />

outil <strong>de</strong> rencontre avec d’autres musiciens…<br />

Et puis hier, 20 février 2012, ce sont <strong>de</strong>s patientes <strong>de</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour qui m’ont<br />

remise sur <strong>la</strong> bonne <strong>voie</strong> (<strong>voix</strong> ?). Je les remercie infiniment, Paulette et Doménica,<br />

car leurs paroles me sont allées droit au cœur.<br />

« Quand vous jouez du violon, on dirait que vous chantez <strong>la</strong> chanson, on le sent dans le<br />

fond du cœur»<br />

Mon intention était bien celle-ci et avait été parfaitement comprise.<br />

C’est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle j’ai décidé <strong>de</strong> repartir dans une nouvelle direction pour<br />

rédiger ce mémoire. Je vais bien sûr parler <strong>de</strong> mon parcours tout au long <strong>de</strong> l’année et<br />

<strong>de</strong> mes expériences auprès <strong>de</strong> patients, principalement en gériatrie. Je vais aussi<br />

montrer que cette nouvelle <strong>voie</strong> me convient beaucoup mieux et quels bienfaits j’en<br />

retire pour moi-même. Puis je tenterai <strong>de</strong> démontrer le rôle <strong>de</strong> mon violon dans ce<br />

cheminement et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu’il peut tenir dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>thérapeutique</strong>.<br />

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1/ Présentation du violon<br />

Je ne vais pas faire une <strong>de</strong>scription trop longue et<br />

technique du violon car ce n’est pas le sujet <strong>de</strong> ce<br />

mémoire et je suis sûre que vous avez déj<strong>à</strong> une bonne<br />

représentation <strong>de</strong> ce qu’il est, mais je vais m’attacher aux<br />

caractéristiques <strong>de</strong> l’instrument qui me semblent<br />

intéressantes pour appuyer mon hypothèse.<br />

On estime habituellement que le violon sous sa forme<br />

actuelle naît dans les années 1520, dans un rayon <strong>de</strong><br />

80 km autour <strong>de</strong> Mi<strong>la</strong>n en Italie.<br />

Il semble que le violon ait emprunté <strong>de</strong>s caractéristiques<br />

<strong>à</strong> trois instruments existants : le rebec, en usage <strong>de</strong>puis<br />

le XIV e siècle (lui-même dérivé du rebab <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique<br />

arabe), <strong>la</strong> vièle et <strong>la</strong> lira da braccio. Voici quelques illustrations <strong>de</strong> ces instruments.<br />

Rebec. Vierge <strong>de</strong> Strozzi -<br />

Mi<strong>la</strong>n<br />

Vièle 1510<br />

ND <strong>de</strong> Cau<strong>de</strong>bec<br />

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Lira da braccio 1505<br />

BELLINI_Giovanni San<br />

Zaccaria


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Toutefois les premiers instruments <strong>à</strong> cor<strong>de</strong>s frottées viendraient d’Asie et y existent<br />

toujours sous <strong>de</strong>s formes ayant évolué différemment.<br />

Une <strong>de</strong>s premières <strong>de</strong>scriptions explicites <strong>de</strong> l'instrument et <strong>de</strong> son accord en quintes<br />

figure dans l'Epitomé musical <strong>de</strong>s tons, sons et accordz <strong>de</strong> Philibert Jambe <strong>de</strong> fer,<br />

publié <strong>à</strong> Lyon en 1556. Philibert Jambe <strong>de</strong> fer écrit : « Le violon est<br />

fort contraire <strong>à</strong> <strong>la</strong> viole... Nous appelons viole c'elles <strong>de</strong>squelles les<br />

gentils hommes, marchantz et autres gents <strong>de</strong> vertuz passent leur<br />

temps... L'autre s'appelle violon et c'est celuy duquel ont use en<br />

danceries. » (Le Grand Livre du <strong>Violon</strong>)<br />

Il est fait allusion ici <strong>à</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s violes <strong>de</strong> gambe, réservées <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique plus<br />

savante, pratiquée par une élite.<br />

Il est donc important <strong>de</strong> se souvenir que le violon est d’abord un instrument<br />

popu<strong>la</strong>ire et que son premier rôle était bel et bien <strong>de</strong> faire danser ! 1<br />

Le violon se répand rapi<strong>de</strong>ment <strong>à</strong> travers l'Europe, <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois comme instrument <strong>de</strong> rue,<br />

popu<strong>la</strong>ire, et comme instrument apprécié <strong>de</strong> <strong>la</strong> noblesse. Ainsi Charles IX, Roi <strong>de</strong><br />

France, aurait commandé <strong>à</strong> Amati 24 violons en 1560. Le plus ancien violon qui nous soit<br />

parvenu serait un <strong>de</strong> ceux-l<strong>à</strong> et porte le nom <strong>de</strong> leur commanditaire.<br />

1 Le sujet sera détaillé dans « Les vertus <strong>thérapeutique</strong>s du violon p.61<br />

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Pochette <strong>de</strong> Maître <strong>à</strong> Danser


Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

L’apparence du violon est d’une simplicité trompeuse : <strong>de</strong>rrière cette forme<br />

fonctionnelle et familière se cache <strong>la</strong> genèse d’environ quatre-vingt pièces <strong>de</strong> bois,<br />

toutes façonnées individuellement et assemblées pour former, du point <strong>de</strong> vue<br />

acoustique, le plus complexe, le plus sensible, le plus « vivant » <strong>de</strong> tous les instruments<br />

<strong>de</strong> musique. Pour ce qui est en effet <strong>de</strong> <strong>la</strong> complexité du son et aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance<br />

d’émotion, le seul rival du violon est son modèle, <strong>la</strong> <strong>voix</strong> humaine 2 . Mais dans son<br />

aptitu<strong>de</strong> <strong>à</strong> soutenir le son, <strong>à</strong> le prolonger, <strong>à</strong> le colorer <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> nuances d’expression<br />

et d’intensité, le violon est absolument sans pareil. C’est l<strong>à</strong> que rési<strong>de</strong> le secret <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

multiplicité <strong>de</strong>s emplois auxquels il se prête, dans cette gamme infinie d’humeurs et<br />

d’effets que peut susciter ce petit instrument simplement maintenu sous le menton,<br />

<strong>de</strong>puis les plus puissants et les plus dramatiques, jusqu’aux plus tendrement lyriques et<br />

intimes.<br />

« manier un violon et en jouer, c’est se livrer aux gestes <strong>de</strong> <strong>la</strong> caresse et <strong>de</strong><br />

l’évocation, en tirer un son qui attend <strong>la</strong> main du maître. Il est enjôleur et fascinant,<br />

passif si l’on veut, mais prêt <strong>à</strong> réagir au moindre attouchement. Un beau violon contient<br />

cet infini potentiel <strong>de</strong> ressources –<strong>de</strong> son, <strong>de</strong> souplesse, <strong>de</strong> couleur, d’intonation, <strong>de</strong><br />

hauteur et <strong>de</strong> volume <strong>de</strong>s sons- qui s’offre <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique et au musicien… ce pouvoir qui<br />

lui (le violoniste) est donné <strong>de</strong> dominer les sphères <strong>de</strong> l’espace vient du triomphe <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

subtilité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuance. La force <strong>de</strong> l’interprétation d’un violoniste, son attaque, son<br />

mordant, découlent en premier lieu <strong>de</strong> sa délicatesse <strong>de</strong> sensation…» (Yehudi Menuhin<br />

- Le Grand Livre du <strong>Violon</strong>)<br />

2 i<strong>de</strong>m<br />

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Yehudi Menuhin dit encore <strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s : « La cor<strong>de</strong> <strong>de</strong> sol,<br />

<strong>la</strong> plus grave, suscite une sonorité riche, profon<strong>de</strong>, et<br />

inspire un sentiment <strong>de</strong> noblesse. La cor<strong>de</strong> <strong>de</strong> ré se<br />

distingue par son caractère plus passionné, plus vif. La<br />

cor<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> s'ouvre et s'épanouit dans l'espace. La plus bril<strong>la</strong>nte et <strong>la</strong> plus<br />

extravertie <strong>de</strong>s quatre est <strong>la</strong> cor<strong>de</strong> <strong>de</strong> mi. »<br />

Nous comprenons donc mieux le lien qui unit le violoniste <strong>à</strong> son instrument dès lors qu’il<br />

lui prête toute cette gamme <strong>de</strong> sentiments.<br />

Une autre caractéristique est <strong>la</strong> forme du violon, évoquant le corps d’une femme et<br />

dont les pièces portent <strong>de</strong>s noms anatomiques (tête, dos, chevilles, ouïes, âme !)<br />

Le violon a donc une âme ! C’est une petite baguette <strong>de</strong> pin qui joint <strong>la</strong> table au fond et<br />

dont le rôle est <strong>de</strong> transmettre le son, soutenir <strong>la</strong> table sous le chevalet et mo<strong>de</strong>ler <strong>la</strong><br />

réponse <strong>de</strong> l’instrument. D’une sensibilité extrême, elle altère gravement <strong>la</strong> sonorité si<br />

elle est incorrectement positionnée.<br />

Le violon pour être joué doit être accompagné d’un archet. Celui-ci est au moins aussi<br />

important que le violon, c’est d’ailleurs un métier <strong>à</strong> part entière que celui d’archetier.<br />

L’archet est ce qui permet d’obtenir le son du violon grâce <strong>à</strong> un frottement <strong>de</strong>s crins<br />

sur les cor<strong>de</strong>s. La façon <strong>de</strong> manier l’archet est ce qui va donner toute l’expression au<br />

jeu du violoniste.<br />

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Yehudi Menuhin


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On peut comparer ceci <strong>à</strong> <strong>la</strong> respiration et au souffle du chanteur, c’est dire toute son<br />

importance ; l’archet agite, par l’intermédiaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> cor<strong>de</strong>, un volume d’air enclos dans<br />

<strong>la</strong> caisse du violon et le met en résonnance. Il est d’ailleurs plus difficile <strong>de</strong> choisir son<br />

archet que son violon ! Mais quand le violon et l’archet son bien assortis, leur alliance<br />

peut mener <strong>à</strong> <strong>de</strong>s résultats vraiment extraordinaires et procurer beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir<br />

au violoniste et <strong>à</strong> son auditoire.<br />

J’ai également retenu ce qu’écrit Herbert Whone (violoniste et artiste, 1925 - mai<br />

2011) dans « The hid<strong>de</strong>n face of music » (<strong>la</strong> face cachée <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique), il examine<br />

pourquoi et comment le triomphe du violon a coïncidé avec l’épanouissement <strong>de</strong><br />

l’humanisme en Europe après <strong>la</strong> Renaissance : « Que nous fassions dériver le mot<br />

« violon » <strong>de</strong> <strong>la</strong> racine alleman<strong>de</strong> « vol » ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> racine italienne « vil », le violon se<br />

rapporte essentiellement <strong>à</strong> l’idée <strong>de</strong> volonté. Jouer du violon, c’est reproduire <strong>la</strong><br />

création <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie elle-même. L’archet, agissant du côté droit (<strong>la</strong> <strong>de</strong>xtre, le côté <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

puissance), stimule <strong>la</strong> matrice femelle universelle (le côté gauche), donnant vie <strong>à</strong> toutes<br />

les formes potentielles qu’elle renferme, symbolisées par les doigts <strong>de</strong> <strong>la</strong> main gauche.<br />

Lorsque <strong>la</strong> substance a été ainsi séduite par <strong>la</strong> volonté, et que <strong>la</strong> forme qui en nait a<br />

reçu <strong>la</strong> vie, l’œuvre est accomplie, un homme parachevé, chez qui chaque secon<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

conscience, comme chaque secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> contact entre l’archet et <strong>la</strong> cor<strong>de</strong>, est une<br />

secon<strong>de</strong> dans le temps et dans l’éternité. » (Le Grand Livre du <strong>Violon</strong>)<br />

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Il y a l<strong>à</strong> mise en évi<strong>de</strong>nce une dualité intéressante, <strong>de</strong>ux forces seraient donc en<br />

puissance. On peut extrapoler sur cette dualité, yin et yang, bien et mal, cerveau droit,<br />

cerveau gauche, mâle et femelle ? …<br />

Les traditions popu<strong>la</strong>ires en font état qui associent dans<br />

leurs légen<strong>de</strong>s les violonistes <strong>à</strong> <strong>de</strong>s jeteurs <strong>de</strong> sorts,<br />

faisant commerce avec le diable, bohémiens, ou<br />

nécromanciens comme Tartini et Paganini. De <strong>la</strong> musique<br />

tzigane et son exubérance endiablée <strong>à</strong> <strong>la</strong> magie <strong>de</strong>s musiques ir<strong>la</strong>ndaises en pays Celte<br />

peuplé <strong>de</strong> fées et autres korrigans, en passant par les danses <strong>de</strong> nombreux folklores,<br />

le violon fait rêver, danser, chanter, pleurer, et il peut même être parfois qualifié <strong>de</strong><br />

magique ou <strong>de</strong> diabolique… 3<br />

Une autre <strong>de</strong>s spécificités du violon est sa gran<strong>de</strong> richesse <strong>à</strong> produire <strong>de</strong>s<br />

harmoniques. Le sujet est complexe mais j’en retiens le fait qu’une note jouée en<br />

produit plusieurs, que l’on entend ou pas, mais que l’on perçoit. Même si le violon n’est<br />

pas aussi riche en harmoniques que le Didjeridoo, <strong>la</strong> flûte kalyuka ou d’autres<br />

instruments ethniques décrits par Dominique Bertrand sur son site trouveurdor.com,<br />

c’est celui qui est <strong>à</strong> ma disposition et il allie ce phénomène <strong>à</strong> d’autres spécificités que<br />

je détaillerai plus loin et qui en font un outil privilégié auprès <strong>de</strong>s personnes âgées.<br />

L Légen<strong>de</strong> « le violon enchanté », annexe 1<br />

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Tartini rêve du diable


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Quelques mots sur les violonistes :<br />

L’apprentissage du violon c<strong>la</strong>ssique est synonyme <strong>de</strong> longues heures <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong><br />

répéter maintes fois les mêmes gestes pour qu’ils <strong>de</strong>viennent parfaits, <strong>la</strong> justesse<br />

étant <strong>à</strong> ce prix. Les violonistes sont donc souvent perfectionnistes et il arrive qu’ils ne<br />

soient pas « bien » avec leur violon. Ils souffrent physiquement et moralement et se<br />

retrouvent dans l’incapacité <strong>de</strong> pouvoir transmettre une vibration authentique ou une<br />

expression sincère. C’est ce que décrit Dominique Hoppenot dans son ouvrage « Le<br />

<strong>Violon</strong> Intérieur » et qu’elle nomme le mal du violon. Je sais <strong>de</strong> quoi elle parle car j’en<br />

ai beaucoup souffert moi-même ! Cette souffrance nuit au discours musical et<br />

empêche <strong>la</strong> communication avec l’auditoire car le violon fait barrage.<br />

La précision exigée par le jeu amène <strong>de</strong>s modifications au niveau du cerveau, certaines<br />

zones étant très sollicitées, surtout lorsque l’apprentissage a débuté<br />

enfant. : « L'effet <strong>de</strong> l'augmentation <strong>de</strong> taille <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone <strong>de</strong> représentation sensorielle<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> main gauche est une <strong>de</strong>xtérité accrue : le violoniste est capable <strong>de</strong> p<strong>la</strong>cer ses<br />

doigts dans <strong>de</strong>s positions différentes tous les dixièmes ou vingtièmes <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>, avec<br />

une précision <strong>de</strong> quelques dixièmes <strong>de</strong> millimètre, quand le non-violoniste les p<strong>la</strong>ce tous<br />

les quarts ou <strong>de</strong>mies secon<strong>de</strong>s et avec une précision d'un millimètre. Le violoniste<br />

confirmé est capable <strong>de</strong> corriger <strong>la</strong> justesse d'une note en un dixième <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>, au<br />

quart <strong>de</strong> ton ; il peut, dans un mouvement rapi<strong>de</strong>, jouer 12 notes <strong>à</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong>, il les<br />

anticipe alors d'au moins 700 millisecon<strong>de</strong>s. » (Wikipédia – le violon)<br />

Dominique Hoppenot propose une démarche volontaire d’approche consciente du violon.<br />

« …cette démarche est donc essentiellement une <strong>voie</strong> d’éveil et <strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong> soi,<br />

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une recherche du mouvement qui va <strong>de</strong> l’intérieur <strong>à</strong> l’extérieur, du centre <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

périphérie et qui rassemble toutes nos énergies désordonnées et dispersées dans un<br />

courant unique <strong>de</strong> force. Il n’est plus question <strong>de</strong> chercher hors <strong>de</strong> soi une technique<br />

extérieure (…) mais <strong>de</strong> révéler nos potentialités endormies et ignorées afin <strong>de</strong> trouver<br />

l’expression qui nous est propre. (…) Mais ce regard sur nous-mêmes (…) doit surtout<br />

s’exercer dans le moment présent. (…) Une seule force peut provoquer cette<br />

métamorphose : l’amour.»<br />

J’ai noté ce passage car il me semble aller tout <strong>à</strong> fait dans le sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> démarche<br />

<strong>thérapeutique</strong> et <strong>de</strong> ce que j’ai pu éprouver <strong>de</strong>puis quelques mois. Je reviendrai sur ce<br />

sujet dans « les vertus <strong>thérapeutique</strong>s du violon » (p. 61).<br />

Par ailleurs, il est intéressant <strong>de</strong> se rappeler que le violon possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ouïes et que le<br />

violoniste doit être doté d’une « bonne » oreille. Cette exigence est très utile et même<br />

indispensable pour <strong>de</strong>s musiciens professionnels, mais elle pourrait se transformer en<br />

rigidité en situation <strong>thérapeutique</strong>. L’écoute <strong>thérapeutique</strong> est différente en ce<strong>la</strong><br />

qu’elle utilise tous les sens afin <strong>de</strong> pouvoir accompagner l’autre dans le respect <strong>de</strong> ce<br />

qu’il est et non <strong>de</strong> ce qu’il fait. C’est ce que l’on appelle le <strong>la</strong>ngage « non verbal »,<br />

représentant environ 80% <strong>de</strong> ce qui fait <strong>la</strong> communication entre individus et qui est<br />

d’autant plus important que <strong>la</strong> personne est en déficit <strong>de</strong> parole « sensée ».<br />

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2/ Présentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> violoniste que je suis<br />

a) La musique et moi<br />

Enfant, je m’endormais en ayant chanté toutes les comptines que je connaissais. Pour<br />

le Noël <strong>de</strong> mes cinq ans, j’ai reçu un petit piano. C’est l<strong>à</strong> que j’ai montré un certain<br />

talent et une « bonne oreille » en reproduisant les petites chansons apprises <strong>à</strong> l’école.<br />

A 6 ans, mes parents m’ont inscrite au Conservatoire sur les conseils du professeur <strong>de</strong><br />

musique <strong>de</strong> l’école. Je les en remercie !<br />

Après les <strong>de</strong>ux années <strong>de</strong> solfège obligatoires, j’ai pu commencer un instrument l’année<br />

<strong>de</strong> mes 8 ans. Le choix d’un instrument, le violon, s’est fait en fonction <strong>de</strong> critères<br />

plutôt matériels : pas <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce pour un piano, et mon père avait joué du violon autrefois<br />

alors pourquoi pas ! Mais je ne peux pas dire que j’ai choisi l’instrument et<br />

l’apprentissage en a été lent. Par ailleurs, le professeur me décourageait d’envisager<br />

une carrière <strong>de</strong> violoniste, « c’est un métier <strong>de</strong> crève <strong>la</strong> faim » ! J’ai failli arrêter<br />

après 8 années <strong>la</strong>borieuses, je m’ennuyais ferme <strong>à</strong> jouer seule et n’avais aucun goût<br />

pour le travail technique, mais un jour, on m’a proposé d’intégrer un orchestre. J’avais<br />

16 ans et ce fut une révé<strong>la</strong>tion ! Jouer <strong>à</strong> plusieurs était pour moi beaucoup plus p<strong>la</strong>isant<br />

que travailler seule, et j’avais enfin l’occasion <strong>de</strong> rencontrer <strong>de</strong>s personnes partageant<br />

mes goûts.<br />

J’ai ensuite découvert et apprécié <strong>la</strong> musique baroque et appris <strong>à</strong> jouer <strong>de</strong> <strong>la</strong> flûte <strong>à</strong><br />

bec. Puis j’ai intégré un groupe <strong>de</strong> musiciens amateurs interprétant <strong>la</strong> Musique<br />

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Ancienne ; Médiévale, Renaissance, Baroque, et j’ai pu disposer d’une vièle <strong>à</strong> archet<br />

(ancêtre du violon au Moyen-Age).<br />

Ceci a été une étape importante <strong>de</strong> mon cheminement musical car avec cette<br />

association, « <strong>la</strong> Pettite Compaignie », j’ai eu l’occasion <strong>de</strong> participer <strong>à</strong> <strong>de</strong>s concerts,<br />

<strong>de</strong>s animations en école ou en maison <strong>de</strong> retraite… une expérience <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20 ans qui<br />

a contribué gran<strong>de</strong>ment <strong>à</strong> ma vie parallèle <strong>de</strong> musicienne amateur, <strong>à</strong> gar<strong>de</strong>r surtout le<br />

lien avec <strong>la</strong> musique, me permettant ainsi un équilibre avec ma vie professionnelle.<br />

Je n’ai donc jamais arrêté <strong>de</strong> jouer <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique avec les autres ; musique <strong>de</strong><br />

chambre, musique symphonique… Depuis <strong>de</strong>ux ans, j’ai décidé d’apprendre <strong>à</strong> jouer <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

viole <strong>de</strong> gambe, pour explorer un nouvel univers musical.<br />

Il est aussi <strong>à</strong> noter qu’au début <strong>de</strong> mon aventure avec le CIM, j’étais sur le point<br />

d’arrêter le violon, souffrant justement du Mal du <strong>Violon</strong> dont parle Dominique<br />

Hoppenot. C’était l’aboutissement d’une réflexion démarrée en août 2007, lorsque Mira<br />

Glo<strong>de</strong>anu, violoniste baroque <strong>de</strong> haut niveau rencontrée lors d’un master c<strong>la</strong>ss où j’avais<br />

osé m’inscrire, m’avait fait une remarque qui bien que très pertinente m’avait beaucoup<br />

choquée « tu n’aimes pas ton violon, (…) soit tu apprends <strong>à</strong> l’aimer, soit tu arrêtes car<br />

tu te fais du mal ! ». J’ai donc tenté <strong>de</strong> comprendre : j’ai commencé par chercher un<br />

nouveau violon, ensuite j’ai dû arrêter <strong>de</strong> jouer plusieurs mois en raison <strong>de</strong> douleurs<br />

importantes, mais je n’avais pas compris les vraies raisons du problème. Pour ce que<br />

j’en comprends aujourd’hui, je jouais sans p<strong>la</strong>isir et utilisais le violon seulement comme<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

un outil me permettant <strong>de</strong> jouer avec d’autres, et j’étais arrivée <strong>à</strong> <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> ce<br />

système.<br />

b) Le chemin vers <strong>la</strong> musicothérapie<br />

Ma carrière professionnelle, assistante <strong>de</strong> direction, était <strong>de</strong>venue très<br />

insatisfaisante. Elle avait pourtant été longtemps gratifiante, j’avais un rôle <strong>de</strong><br />

confiance et <strong>de</strong> communication, d’ai<strong>de</strong>r les autres … J’avais toutefois suivi plusieurs<br />

formations en entreprise, communication, PNL 4 , gestion du stress, gestion <strong>de</strong>s conflits,<br />

avec toujours beaucoup d’intérêt et <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir. Mais les cinq <strong>de</strong>rnières années avaient<br />

été très difficiles ; changements d’organisation, changements <strong>de</strong> mentalité dans<br />

l’entreprise avec un mépris <strong>de</strong> l’être humain <strong>de</strong> plus en plus avéré … j’avais finalement<br />

déclenché une névralgie cervico-brachiale, m’empêchant <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois <strong>de</strong> jouer du violon et<br />

d’utiliser <strong>la</strong> souris <strong>de</strong> mon ordinateur ! Mon corps par<strong>la</strong>it, je n’étais plus <strong>à</strong> ma p<strong>la</strong>ce et il<br />

<strong>de</strong>venait urgent <strong>de</strong> passer <strong>à</strong> autre chose !<br />

Par ailleurs, j’avais <strong>de</strong>puis longtemps entamé un travail personnel, avec divers<br />

thérapeutes, (je suis toujours dans cette démarche) et j’avais beaucoup <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong><br />

envers eux, <strong>de</strong> curiosité pour le domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> psychologie ainsi que l’envie d’ai<strong>de</strong>r les<br />

personnes en souffrance et <strong>de</strong> leur offrir mon écoute.<br />

Puis l’idée est arrivée, <strong>la</strong>ncée par mon thérapeute Romuald, « mais avec <strong>la</strong> sensibilité<br />

que vous avez, vous pourriez tout <strong>à</strong> fait soigner vous aussi… Pourquoi ne seriez-vous<br />

4 PNL Programmation Neuro Linguistique<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

pas musicothérapeute » ( ???) le mot était prononcé, a résonné profondément en moi,<br />

le processus était enclenché…<br />

La chance (synchronicité ?) a voulu que trois mois plus tard, l’entreprise dans <strong>la</strong>quelle<br />

je travail<strong>la</strong>is <strong>de</strong>puis presque 30 ans propose un nouveau p<strong>la</strong>n social sur <strong>la</strong> base du<br />

volontariat. En trois mois, j’ai pris <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> partir et choisi <strong>de</strong> faire <strong>la</strong> formation<br />

au CIM. Et pratiquement un an après <strong>la</strong> remarque <strong>de</strong> mon thérapeute, je démarrais <strong>la</strong><br />

formation.<br />

La formation<br />

La formation au C.I.M. a démarré le 8 mars 2010 et s’est terminée le 28 mai 2011,<br />

après 16 semaines intenses et passionnantes.<br />

J’ai trouvé dans cette formation beaucoup <strong>de</strong> ce que je m’attendais <strong>à</strong> y trouver mais<br />

aussi beaucoup que je n’avais même pas imaginé y trouver !<br />

Ce fut un moment charnière dans ma vie, une parenthèse et un nouveau départ. J’ai<br />

démarré <strong>la</strong> formation en occupant toujours <strong>de</strong>s fonctions d’assistante <strong>de</strong> Direction. Le<br />

pied entre <strong>de</strong>ux chaises, entre le Dieu dol<strong>la</strong>r et l’Etre Humain, inquiète pour mon avenir<br />

professionnel, inquiète <strong>de</strong> trouver un stage, inquiète … <strong>de</strong> tout, mais passionnée et<br />

enthousiaste.<br />

Le groupe tout d’abord a été très porteur ; « bon groupe » avons-nous souvent<br />

entendu. Il a été un outil extraordinaire <strong>de</strong> mise en pratique et un regard différent<br />

sur soi et sur les autres. Au hasard <strong>de</strong>s échanges, j’ai compris que chacun avait son<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

vécu et son cheminement mais qu’aucun n’était l<strong>à</strong> par hasard ; j’ai entendu <strong>de</strong><br />

profon<strong>de</strong>s souffrances dont certaines ont résonné fortement en moi, d’autres<br />

m’étaient par contre (et heureusement) totalement étrangères et m’ont ouvert <strong>de</strong>s<br />

horizons et autant d’abîmes.<br />

Quant aux intervenants ; leur gran<strong>de</strong> diversité et leur professionnalisme nous a permis<br />

<strong>de</strong> découvrir et/ou comprendre bon nombre <strong>de</strong> choses. Mais c’est le fonctionnement<br />

même du C.I.M. qui a permis toutes ces rencontres.<br />

Dès <strong>la</strong> première semaine, nous commençons bien sûr par une définition <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Musicothérapie, histoire d’être au c<strong>la</strong>ir avec ce qu’on est venu chercher ici.<br />

Il s’agit <strong>de</strong> donner du sens (Muse) et <strong>de</strong> remettre en harmonie (thérapie) ainsi que<br />

nous l’a expliqué Sylvie Braun. C’est ce que nous allons tâcher <strong>de</strong> comprendre et mettre<br />

en pratique, grâce <strong>à</strong> tout ce qui nous sera proposé en formation. Nous pourrons<br />

découvrir les techniques psychomusicales, apprécier l’aspect réceptivité ou l’aspect<br />

créativité, et prendre conscience du Cadre et <strong>de</strong> <strong>la</strong> responsabilité du Thérapeute et <strong>de</strong><br />

ses limites ; nous <strong>de</strong>vrons savoir quand passer le re<strong>la</strong>i. Nous sommes mis en gar<strong>de</strong> sur<br />

<strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> rester humble, <strong>de</strong> savoir se protéger et donc protéger les patients. Il<br />

n’y a pas <strong>de</strong> recette miracle, bien qu’enseignée et existant <strong>de</strong>puis plusieurs décennies<br />

sous cette appel<strong>la</strong>tion, <strong>la</strong> Musicothérapie est encore en cours <strong>de</strong> construction ; nous<br />

contribuerons <strong>à</strong> son développement.<br />

L’accent est également mis sur le rappel d’un certain nombre <strong>de</strong> fondamentaux ; entre<br />

autres : Savoir Etre <strong>à</strong> l’Ecoute et Savoir Etre. Etre Juste avec soi-même pour être<br />

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Juste avec les autres. Les patients ne sont pas <strong>de</strong>s diagnostics mais <strong>de</strong>s êtres<br />

humains. Le symptôme est <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion entre le thérapeute et le patient. Le symptôme<br />

est juste mais jamais au bon endroit. Le thérapeute est responsable du cadre. Il faut<br />

envisager et non dévisager…<br />

Mais nous avons été avertis également que 13 semaines, aussi riches soient-elles, ne<br />

feront pas <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>s thérapeutes, c’est juste l’é<strong>la</strong>n qui est donné. A nous d’avoir <strong>la</strong><br />

curiosité, <strong>la</strong> pugnacité, <strong>la</strong> confiance en soi...<br />

Une belle rencontre très importante pour moi a eu lieu dès <strong>la</strong> première semaine <strong>de</strong><br />

formation, avec Pi<strong>la</strong>r Garcia. Elle nous a fait partager ses expériences <strong>de</strong><br />

musicothérapeute, avec divers groupes <strong>thérapeutique</strong>s, <strong>de</strong>s enfants sourds aux<br />

handicapés <strong>de</strong> toute sorte et enfin avec les personnes âgées atteintes <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer. Je suis très admirative. « La Mémoire Retrouvée » vidéo tournée aux<br />

Magnolias (Hôpital Privé Gériatrique <strong>à</strong> Bal<strong>la</strong>invilliers 91) m’émeut et me donne envie <strong>de</strong><br />

participer <strong>à</strong> un atelier et d’aller <strong>la</strong> voir travailler sur p<strong>la</strong>ce. Elle utilise beaucoup <strong>la</strong> <strong>voix</strong><br />

dans son travail et nous explique qu’on peut même <strong>la</strong> perdre ou <strong>la</strong> sentir s’altérer en<br />

fonction d’un contexte émotionnel difficile. Ce jour-l<strong>à</strong>, Pi<strong>la</strong>r m’a invité <strong>à</strong> chanter et je<br />

n’ai pas pu (su, voulu), et je ne vou<strong>la</strong>is pas non plus apporter mon violon. 5<br />

Cette rencontre sera décisive pour moi et m’ouvrira <strong>la</strong> porte <strong>de</strong>s Magnolias pour un<br />

stage pratique extrêmement formateur.<br />

5 C’est Pi<strong>la</strong>r qui m’a rappelé cet épiso<strong>de</strong> que j’avais oublié. Elle a suggéré que <strong>la</strong> <strong>voix</strong> pourrait être associée <strong>à</strong><br />

ma mère, le violon <strong>à</strong> mon père, et moi prise entre les <strong>de</strong>ux…<br />

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Mais chaque intervenant <strong>de</strong> <strong>la</strong> formation m’a fait comprendre quelque chose<br />

d’important et d’utile pour <strong>la</strong> suite. Je citerai notamment Christine Mu<strong>la</strong>rd qui m’a fait<br />

réaliser que l’on ne peut pas ai<strong>de</strong>r tout le mon<strong>de</strong>, qu’il faut qu’il y ait une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ! Et<br />

comment être sûr que l’on est Juste auprès <strong>de</strong> personnes qui ne peuvent pas exprimer<br />

leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ? Elle est même arrivée <strong>à</strong> nous démontrer qu’il y avait quelques avantages<br />

<strong>à</strong> vieillir et même <strong>à</strong> perdre <strong>la</strong> mémoire ! L’un <strong>de</strong> ces avantages m’a bien marquée car je<br />

l’ai constaté : lorsqu’on oublie ce qui vient <strong>de</strong> se passer, on peut s’émerveiller sans<br />

arrêt pour <strong>la</strong> même chose !<br />

Je suis très heureuse d’avoir pu faire les <strong>de</strong>ux modules <strong>de</strong> spécialisation, Créativité et<br />

Re<strong>la</strong>xation Bien-être, car sinon j’aurais certainement été frustrée. Tout m’a plu et<br />

j’espère que j’aurai l’occasion d’utiliser beaucoup <strong>de</strong> ces aspects <strong>de</strong> <strong>la</strong> musicothérapie.<br />

Ces modules très riches nous ont donné <strong>de</strong> nombreuses pistes <strong>à</strong> explorer et<br />

approfondir en fonction <strong>de</strong> nos envies et perspectives professionnelles.<br />

Au fur et <strong>à</strong> mesure <strong>de</strong>s semaines <strong>de</strong> formation, je me suis « sentie changer » ! Avant<br />

l’été 2010 j’ai vécu <strong>la</strong> formation comme une belle aventure <strong>à</strong> savourer égoïstement, et<br />

j’en ai profité pour me « réparer ». Après l’été et mes premières rencontres avec <strong>de</strong>s<br />

patients 6 , j’ai commencé <strong>à</strong> écouter et observer l’autre différemment.<br />

6 Hôpital Gériatrique <strong>de</strong>s Magnolias. Institution pour femmes polyhandicapées Accueil St Aubin<br />

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En relisant ma lettre <strong>de</strong> motivations, envoyée au CIM en novembre 2009, j’ai réalisé<br />

qu’elles étaient restées les mêmes : « je voudrais faire partager le bonheur que peut<br />

donner <strong>la</strong> musique et comment on peut se <strong>la</strong>isser habiter par elle, …je voudrais<br />

maintenant être celle qui transmet et qui donne … communiquer grâce <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique … ».<br />

Maintenant je sais que c’est possible, et plus encore. Je ne suis plus tout <strong>à</strong> fait <strong>la</strong><br />

même qu’avant. Je le sens, et on me l’a confirmé, et je continue bien sûr <strong>à</strong> cheminer.<br />

Le CIM m’a offert <strong>de</strong> merveilleux outils d’expériences et d’échanges, qui en plus <strong>de</strong> me<br />

former au métier <strong>de</strong> Musicothérapeute m’ont aussi permis d’oser Etre, tout<br />

simplement.<br />

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3/ Présentation du cadre <strong>thérapeutique</strong><br />

a) Les Magnolias<br />

Présentation <strong>de</strong> l’Hôpital Privé Gériatrique (www.hopital-les-magnolias.com)<br />

Fondé en 1970 par les caisses <strong>de</strong> retraite <strong>de</strong> l’AGIRC-ARRCO, l’Hôpital Gériatrique Les<br />

Magnolias (HPGM) est un établissement <strong>de</strong> santé spécialisé en gériatrie, privé non<br />

lucratif, adhérent <strong>à</strong> <strong>la</strong> FEHAP, et habilité <strong>à</strong> l'ai<strong>de</strong> sociale.<br />

Il dispose d'une gamme quasi complète <strong>de</strong> services organisés en filière gériatrique<br />

sanitaire et médico-sociale favorisant le maintien <strong>de</strong> l'autonomie <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne âgée<br />

et son retour <strong>à</strong> domicile par <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> soins, <strong>de</strong> prévention, <strong>de</strong> dépistage et<br />

d'accompagnement.<br />

L’hôpital comprend 319 lits et p<strong>la</strong>ces dont :<br />

- une capacité d'accueil 24h/24 <strong>de</strong>s urgences gériatriques : un pôle ambu<strong>la</strong>toire avec<br />

une consultation mémoire <strong>la</strong>bellisée et 16 p<strong>la</strong>ces d'hôpital <strong>de</strong> jour, 67 lits <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />

(bi<strong>la</strong>n médico-social réalisé sous 48h), 106 lits <strong>de</strong> soins <strong>de</strong> suite et <strong>de</strong> rééducation, 120<br />

lits et p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong> soins <strong>de</strong> longue durée et d'EHPAD 7 , 10 p<strong>la</strong>ces d'accueil <strong>de</strong> jour.<br />

- <strong>de</strong>s consultations spécialisées en gériatrie, ouvertes sur l'extérieur, pour une<br />

évaluation globale et <strong>de</strong> diagnostic Alzheimer (800 consultations/an),<br />

- <strong>de</strong>s consultations spécialisées pour les patients hospitalisés (cardiologie,<br />

pneumologie, stomatologie, gastro-entérologie, diététique, urodynamique ...),<br />

7 Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes<br />

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- un p<strong>la</strong>teau technique avec kinésithérapie, ergothérapie, radiologie, pharmacie, mais<br />

aussi <strong>de</strong>s activités <strong>thérapeutique</strong>s (musicothérapie, Snoezelen, Braingym, socio-<br />

esthétique).<br />

Il dispose également :<br />

- d'une équipe mobile <strong>de</strong> liaison avec 30 EHPAD,<br />

- d'une équipe mobile <strong>de</strong> géronto-psychiatrie en partenariat avec le CHS Barthélémy<br />

Durand,<br />

- d'une équipe mobile <strong>de</strong> soins palliatifs,<br />

- d'un réseau <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins traitants "RESAGE 91",<br />

- <strong>de</strong> 2 CLIC (Comité <strong>de</strong> Liaison Inter Communal) <strong>de</strong>sservant 20 communes,<br />

- d'une p<strong>la</strong>teforme <strong>de</strong> répit et d'ai<strong>de</strong> aux aidants.<br />

Ses principaux atouts :<br />

- établissement porteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière gériatrique du territoire Essonne-Nord, tant en<br />

sanitaire qu'en médico-social,<br />

- une politique <strong>de</strong> soins axée sur le retour et le maintien <strong>à</strong> domicile,<br />

- une prise en charge spécifique pour les patients Alzheimer,<br />

- <strong>de</strong>s partenariats très actifs,<br />

- un rôle d'Etablissement référent,<br />

- une démarche humaniste,<br />

- une participation active et intégrée <strong>de</strong>s usagers et <strong>de</strong>s familles.<br />

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Les activités :<br />

L’HPGM dispose d’un Hôpital <strong>de</strong> Jour où sont suivis régulièrement <strong>de</strong>s patients<br />

atteints <strong>de</strong> démences <strong>de</strong> type Alzheimer ou apparentées. Les patients peuvent<br />

bénéficier d’une prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sécurité Sociale pour une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 6 mois. Ils<br />

passent en général <strong>de</strong>ux jours par semaine dans le service. Ils y font l’objet d’un suivi<br />

et <strong>de</strong> bi<strong>la</strong>ns. Quoique pas tous spécifiquement Alzheimer, ils souffrent tous d’une<br />

« démence » et surtout présentent <strong>de</strong>s troubles importants <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire. Ils sont<br />

par contre physiquement vali<strong>de</strong>s et capables <strong>de</strong> marcher et <strong>de</strong> rester <strong>de</strong>bout au moins<br />

quelques minutes.<br />

Dans ce cadre, Pi<strong>la</strong>r Garcia intervient pour <strong>de</strong>ux séances <strong>de</strong> musicothérapie par<br />

semaine.<br />

Il dispose également d’un Accueil <strong>de</strong> Jour pour lequel <strong>la</strong> prise en charge est<br />

différente et où les patients peuvent venir sur une durée beaucoup plus longue. Ils<br />

viennent en général <strong>de</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour, <strong>à</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> leur suivi. Une quarantaine <strong>de</strong><br />

patients fréquentent ce service 1 ou 2 fois par semaine.<br />

Pi<strong>la</strong>r Garcia intervient également dans ce service une fois par semaine.<br />

Outre les différents services <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine ou SSR 8 , et les consultations « mémoire »,<br />

l’Hôpital dispose <strong>de</strong> services <strong>de</strong> soins longue durée.<br />

8 Soins <strong>de</strong> Suite et <strong>de</strong> Rééducation<br />

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Les patients ont été répartis au sein <strong>de</strong> 4 unités "homogènes" afin <strong>de</strong> favoriser le<br />

projet <strong>de</strong> soin et le projet <strong>de</strong> vie individualisé :<br />

Une Unité Alzheimer spécifique <strong>de</strong> 40 lits répartis en <strong>de</strong>ux unités (Londres et<br />

City), accueil<strong>la</strong>nt les patients <strong>à</strong> un sta<strong>de</strong> sévère, en gran<strong>de</strong> perte d’autonomie et<br />

présentant <strong>à</strong> <strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s divers les troubles liés <strong>à</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die (anomie, apraxie,<br />

agnosie, désorientation, troubles du comportement, dépression…) justifiant :<br />

un environnement sécurisé,<br />

<strong>de</strong>s personnels formés aux métho<strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tionnelles,<br />

avec un projet <strong>de</strong> soin spécifique é<strong>la</strong>boré en concertation étroite entre<br />

mé<strong>de</strong>cin, soignants et familles.<br />

Une unité accueil<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s patients ayant une perte d'autonomie physique et<br />

psychique totale, mais sans troubles du comportement productifs, (Europa 1 er<br />

étage)<br />

Une unité accueil<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s patients ayant une perte d'autonomie physique et<br />

psychique totale avec troubles du comportement productifs, (Unité Cognitivo<br />

Comportementale U.C.C.)<br />

Une unité accueil<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s patients dépendants mais pouvant participer <strong>à</strong> <strong>de</strong>s<br />

activités d'animation <strong>thérapeutique</strong> et bénéficier <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> vie collectifs<br />

(Europa RDC, partie EHPAD).<br />

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Pi<strong>la</strong>r intervient <strong>à</strong> l’Unité Alzheimer décrite ci-<strong>de</strong>ssus, 1H30 par semaine, et <strong>à</strong> l’UCC,<br />

1H00 par semaine.<br />

Projet d’établissement :<br />

Le rési<strong>de</strong>nt est au cœur même du projet d’établissement quel que soit son <strong>de</strong>gré <strong>de</strong><br />

dépendance ou sa pathologie, qu’il soit en SLD ou en EHPAD.<br />

Son rôle social est maintenu et pris en compte<br />

La vie quotidienne <strong>de</strong> chaque rési<strong>de</strong>nt selon son rythme et ses difficultés est une<br />

préoccupation constante du personnel.<br />

Les équipes professionnelles prennent en charge l’état <strong>de</strong> santé <strong>de</strong> chaque rési<strong>de</strong>nt<br />

en vue <strong>de</strong> préserver son autonomie, et envisagent si possible son retour <strong>à</strong> domicile.<br />

Tous les intervenants développent une cohérence d’actions basée sur une<br />

compétence et sur le respect <strong>de</strong>s droits et libertés du rési<strong>de</strong>nt. Les valeurs,<br />

attentes, souhaits et désirs <strong>de</strong> chaque personne âgée sont les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> son<br />

projet <strong>de</strong> vie.<br />

Le personnel <strong>de</strong> l’HPGM est formé <strong>à</strong> <strong>la</strong> prise en charge non médicamenteuse avec<br />

l’application notamment <strong>de</strong> <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> Gineste Marescotti®, dont il est le site pilote.<br />

L’établissement dispose <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux espace Snoezelen, l’un est une salle <strong>de</strong> bain équipée<br />

d’un bain <strong>à</strong> bulles, l’autre est un espace <strong>de</strong> bien-être et <strong>de</strong> stimu<strong>la</strong>tions multi-<br />

sensorielles et <strong>de</strong> re<strong>la</strong>xation par <strong>de</strong>s techniques diverses d’accompagnement :<br />

aromathérapie, toucher massage, communication non verbale. Il y règne une<br />

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atmosphère <strong>de</strong> détente apportée par <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique douce et un éc<strong>la</strong>irage tamisé. Des<br />

soignants et <strong>de</strong>s animatrices sont formés <strong>à</strong> l’utilisation <strong>de</strong> ces espaces.<br />

Je souligne au passage que <strong>la</strong> musicothérapie, approche non médicamenteuse <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, est présente dans l’établissement <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 12 ans<br />

maintenant en <strong>la</strong> personne <strong>de</strong> Pi<strong>la</strong>r Garcia.<br />

Voici donc le cadre dans lequel j’ai eu <strong>la</strong> chance <strong>de</strong> faire mon stage pratique, <strong>à</strong> raison<br />

<strong>de</strong> 5 séances <strong>de</strong> musicothérapie par semaine, avec <strong>de</strong>s patients atteints <strong>de</strong> troubles <strong>à</strong><br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés divers.<br />

C’est grâce <strong>à</strong> ce contact privilégié avec l’Hôpital que le service Animations m’a proposé<br />

<strong>de</strong> travailler 2 mois cet été (2011) pour remp<strong>la</strong>cer une animatrice en congés. J’ai saisi<br />

cette opportunité d’une autre expérience en gériatrie. J’ai côtoyé les rési<strong>de</strong>nts du long<br />

séjour (rési<strong>de</strong>nce Europa), avec <strong>de</strong>s pathologies très diverses, <strong>de</strong>s handicaps physiques<br />

ou cognitifs, dus au très grand âge et/ou <strong>à</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />

Depuis cette expérience, le service Animations m’a proposé <strong>de</strong> revenir pour <strong>de</strong>ux<br />

animations par mois, auprès <strong>de</strong>s personnes les plus invali<strong>de</strong>s au 1 er étage <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

rési<strong>de</strong>nce Europa. C’est bien <strong>la</strong> musique qui m’a permis d’entrer en re<strong>la</strong>tion et je<br />

re<strong>la</strong>terai plus loin quelques unes <strong>de</strong> ces expériences car je vais l<strong>à</strong> avec mon violon pour<br />

seul outil.<br />

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b) La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer (Alzheimer et les ma<strong>la</strong>dies apparentées – Dr Croisile)<br />

A ce sta<strong>de</strong>, il me semble utile <strong>de</strong> décrire ce que sont les démences <strong>de</strong> type Alzheimer<br />

puisque c’est principalement avec <strong>de</strong>s patients en souffrant que j’ai pu travailler.<br />

C’est en 1901, que le premier cas est détecté par Le mé<strong>de</strong>cin chef Aloïs Alzheimer.<br />

C’est lui qui mettra en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s lésions et une dégénérescence du cerveau et<br />

donnera son nom <strong>à</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />

L’expression « démence » est le terme médical employé pour désigner chez un sujet<br />

adulte un ensemble <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dies neurodégénératives dont les lésions altèrent<br />

graduellement les différentes régions cérébrales impliquées dans le comportement, <strong>la</strong><br />

personnalité et l’ensemble <strong>de</strong>s fonctions cognitives (mémoire, <strong>la</strong>ngage, attention,<br />

raisonnement…) Même si elles sont plus fréquentes avec l’âge, les démences ne sont<br />

pas une fatalité du vieillissement, ce sont d’authentiques ma<strong>la</strong>dies secondaires dues <strong>à</strong><br />

<strong>de</strong>s lésions cérébrales. Ces altérations retentissent progressivement sur <strong>la</strong> vie du<br />

patient en restreignant et handicapant son activité quotidienne et son autonomie,<br />

aboutissant progressivement <strong>à</strong> un état <strong>de</strong> dépendance total et irréversible vis-<strong>à</strong>-vis <strong>de</strong><br />

l’entourage.<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer est <strong>la</strong> plus fréquente <strong>de</strong> ces démences. C’est une ma<strong>la</strong>die<br />

dégénérative du cerveau dans <strong>la</strong>quelle l’altération et <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>s neurones<br />

concernent progressivement l’ensemble <strong>de</strong>s régions cérébrales impliquées dans les<br />

fonctions intellectuelles et comportementales. Les premières régions touchées sont<br />

celles qui permettent <strong>la</strong> mémorisation <strong>de</strong>s informations nouvelles, ce qui explique que <strong>la</strong><br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

ma<strong>la</strong>die débute par <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire. L’extension <strong>de</strong>s lésions cérébrales fait<br />

apparaître d’autres troubles <strong>de</strong>s fonctions intellectuelles et comportementales qui<br />

entravent progressivement l’autonomie du patient.<br />

Notre mémoire fonctionne en 3 étapes : l’apprentissage d’informations nouvelles, leur<br />

consolidation et leur stockage définitif, enfin, le rappel d’informations anciennes ou<br />

récentes. La mémoire <strong>à</strong> court terme permettant <strong>de</strong> maintenir temporairement une<br />

petite quantité d’informations pour les analyser et les mémoriser au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong> quelques<br />

minutes nécessite une bonne concentration et est fragilisée par l’âge, c’est aussi <strong>la</strong><br />

première touchée par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />

La mémoire <strong>à</strong> long terme comprend <strong>la</strong> mémoire épisodique (événements personnels), <strong>la</strong><br />

mémoire sémantique (connaissances culturelles) et <strong>la</strong> mémoire procédurale (trace <strong>de</strong>s<br />

gestes répétés). La mémoire <strong>à</strong> long terme est conservée plus longtemps mais finit<br />

également par se dégra<strong>de</strong>r au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />

Il arrive un moment où <strong>la</strong> mémoire a disparu et avec elle l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne. Le<br />

ma<strong>la</strong><strong>de</strong> est alors perdu dans un mon<strong>de</strong> inconnu. Il semble que subsiste alors seulement<br />

<strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> souvenirs dans l’hippocampe, le patient ne réagit plus qu’au souvenir <strong>de</strong>s<br />

émotions (mémoire émotionnelle). C’est sur ces émotions que l’on peut travailler en<br />

musicothérapie.<br />

« Les émotions qui ont été contenues avec succès pendant toute l’existence, gagnent<br />

en intensité quand elles sont enfermées en nous » (Validation, N Feil)<br />

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« S’il est un être affectif, intuitif et sensitif, c’est bien le sujet réputé dément sénile,<br />

qui n’est peut-être que ce<strong>la</strong>. » - Louis Ploton (Alzheimer, communiquer grâce <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

musicothérapie – S Ogay)<br />

« Quelle que soit l’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> démence, organique ou psychologique : le noyau <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

personnalité n’est jamais atteint. » (Conférence <strong>de</strong> Lutry 1995). George HALDAS,<br />

écrivain, cite ici une déc<strong>la</strong>ration faite 20 ans auparavant <strong>à</strong> Genève par Le<br />

neuropsychiatre Henri Baruch (Paris, <strong>la</strong> Salpêtrière).<br />

Parmi les troubles divers et nombreux qui accompagnent <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, j’en ai retenu<br />

certains :<br />

Troubles du <strong>la</strong>ngage : Les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s ont souvent du mal <strong>à</strong> se rappeler <strong>de</strong>s mots (anomie)<br />

qu’ils remp<strong>la</strong>cent par d’autres ou par <strong>de</strong>s « trucs, ou machins ». La compréhension peut<br />

rester normale jusqu’<strong>à</strong> un sta<strong>de</strong> avancé, les troubles pouvant être liés <strong>à</strong> <strong>la</strong> perte du<br />

sens du mot ou <strong>à</strong> <strong>la</strong> difficulté <strong>de</strong> concentration sur une phrase trop longue, mais au fil<br />

du temps, <strong>la</strong> communication orale est sévèrement altérée par <strong>de</strong> nombreuses<br />

incohérences.<br />

D’autres troubles sont l’apraxie (gestes), l’agnosie (reconnaissance visuelle), ainsi<br />

qu’une altération du jugement et du raisonnement.<br />

Troubles psycho-comportementaux : certaines manifestations dépressives et<br />

anxieuses sont réactionnelles aux premières difficultés <strong>de</strong> mémoire, aboutissant plus<br />

tard <strong>à</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> frustration et <strong>à</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère. Les troubles comportementaux sont variés :<br />

désintérêt, apathie, émoussement affectif, réduction <strong>de</strong>s initiatives, ralentissement,<br />

repli social et familial… ou indifférence joviale voire euphorie contrastant avec leur<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

personnalité habituelle. Les réactions peuvent déconcerter : irritabilité, agressivité et<br />

colère apparaissent <strong>à</strong> un sta<strong>de</strong> évolué. Des comportements moteurs aberrants peuvent<br />

apparaître ensuite ; déambu<strong>la</strong>tions, gestes répétés et stéréotypés, frottements… La<br />

liste est longue et il n’y a pas <strong>de</strong> règle fixe. D’un patient <strong>à</strong> l’autre les comportements<br />

peuvent être très différents et s’expliquer par leur caractère, leur environnement,<br />

leur vécu…<br />

Bien que <strong>la</strong> Ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer soit <strong>la</strong> plus fréquemment diagnostiquée, les patients<br />

rencontrés aux Magnolias sont susceptibles <strong>de</strong> souffrir d’autres démences : fronto-<br />

temporales, <strong>à</strong> corps <strong>de</strong> Lewi, sémantique, Parkinson, suite <strong>à</strong> un AVC… Nous n’avons pas<br />

forcément l’information pour chaque patient, et est-ce d’ailleurs indispensable ? Mais<br />

nous sommes amenées <strong>à</strong> constater <strong>de</strong>s différences importantes entre les uns et les<br />

autres. Néanmoins, tous ont <strong>de</strong>s points communs et gagnent <strong>à</strong> profiter <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en<br />

charge qui leur est proposée.<br />

c) Mon violon : un sésame pour les Magnolias<br />

Lorsque Pi<strong>la</strong>r Garcia nous avait projeté le film tourné aux Magnolias « La Mémoire<br />

Retrouvée », j’avais été très émue et j’avais eu envie d’aller voir ce travail <strong>de</strong> plus<br />

près. Les Magnolias sont <strong>à</strong> quelques kilomètres <strong>de</strong> chez moi et j’avais <strong>la</strong> perspective <strong>de</strong><br />

plusieurs mois <strong>de</strong> liberté que je souhaitais mettre <strong>à</strong> profit pour un stage pratique.<br />

J’avais donc sollicité Pi<strong>la</strong>r et elle a eu <strong>la</strong> gentillesse <strong>de</strong> m’inviter dans un premier temps<br />

pour présenter mes instruments (violon, vièle, flûtes) aux patients <strong>de</strong> l’Unité<br />

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Alzheimer, en l’honneur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fête <strong>de</strong> <strong>la</strong> Musique. Mon premier contact avec <strong>de</strong>s<br />

patients a donc eu lieu le 21 juin 2010.<br />

Je ne savais pas grand-chose <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer et j’ai été quelque peu<br />

déroutée et même troublée <strong>de</strong> voir ces personnes. Je ne savais pas comment<br />

communiquer avec elles, comment ne pas les blesser, alors je me suis mise en position<br />

d’observation, en prenant exemple sur le comportement <strong>de</strong> Pi<strong>la</strong>r, et puis ne sachant que<br />

dire j’ai joué avec l’envie <strong>de</strong> « faire p<strong>la</strong>isir ». Le résultat a été au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong> mes<br />

espérances car le ca<strong>de</strong>au a été reçu et retourné au centuple ! Outre le grand p<strong>la</strong>isir<br />

que j’avais eu <strong>à</strong> jouer <strong>de</strong> mon violon pour <strong>de</strong>s gens, ce<strong>la</strong> m’a permis d’être invitée <strong>à</strong><br />

revenir quand je le vou<strong>la</strong>is et par <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> faire mon stage pratique.<br />

Ce jour a donc été le début d’une belle aventure et aussi <strong>la</strong> réconciliation avec mon<br />

violon. C’est le même jour que j’ai signé ma rupture <strong>de</strong> contrat <strong>de</strong> travail avec mon<br />

employeur <strong>de</strong>s 29 <strong>de</strong>rnières années ; tout un symbole !<br />

d) Le stage pratique aux Magnolias<br />

Le stage a démarré en septembre 2010 et s’est déroulé sur une année, en même temps<br />

que <strong>la</strong> formation au CIM. J’ai accompagné Pi<strong>la</strong>r dans toutes ses interventions, soit cinq<br />

fois par semaine dans quatre services différents (Unité Alzheimer, Hôpital <strong>de</strong> Jour,<br />

Accueil <strong>de</strong> Jour, Unité Cognitivo Comportementale).<br />

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1. l’Unité Alzheimer<br />

Les séances se déroulent dans une salle dédiée, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’Unité Alzheimer et en<br />

présence d’une animatrice. Les participants sont toujours <strong>à</strong> peu près les mêmes et leur<br />

nombre ne doit pas excé<strong>de</strong>r 10. Bien que les patients soient <strong>à</strong> un sta<strong>de</strong> avancé <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die, ils gar<strong>de</strong>nt encore une certaine mobilité physique, leur permettant pour <strong>la</strong><br />

plupart <strong>de</strong> marcher et <strong>de</strong> rester <strong>de</strong>bout quelques minutes.<br />

L’objectif principal <strong>de</strong>s séances <strong>de</strong> musicothérapie est <strong>de</strong> maintenir l’autonomie et<br />

entretenir les capacités restantes, <strong>de</strong> bouger le corps, <strong>de</strong> solliciter <strong>la</strong> mémoire et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

faire travailler. Les séances se déroulent avec <strong>de</strong>s rituels qui permettent <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r le<br />

lien d’une séance <strong>à</strong> l’autre.<br />

Le groupe se retrouve une fois par semaine, le lundi matin <strong>à</strong> 10H30. Nous allons les<br />

chercher dans leur unité <strong>de</strong> vie et les raccompagnons ensuite.<br />

Pi<strong>la</strong>r a su insuffler aux séances un climat <strong>de</strong> respect, <strong>de</strong> bonne humeur qui incite au<br />

partage et leur donne envie <strong>de</strong> participer.<br />

J’ai pu progressivement comprendre le travail qui était fait et utiliser les outils<br />

proposés. Je raconterai ces expériences <strong>de</strong> façon plus détaillée dans le chapitre<br />

suivant.<br />

2. L’Hôpital <strong>de</strong> Jour et l’Accueil <strong>de</strong> Jour<br />

Les séances ont toujours lieu dans <strong>la</strong> même salle, dans un cadre sécurisé. Le personnel<br />

soignant n’est jamais très loin en cas <strong>de</strong> besoin.<br />

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En raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge limitée <strong>à</strong> quelques mois <strong>à</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour, les patients<br />

se renouvellent régulièrement. Pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> mon stage, les personnes ne<br />

venaient qu’une fois par semaine et leur nombre pouvait être fluctuant entre 4<br />

(minimum) et 12 ou 13. Ils sont maintenant presque toujours 12.<br />

Pour l’Accueil <strong>de</strong> Jour, La popu<strong>la</strong>tion est très semb<strong>la</strong>ble <strong>à</strong> celle <strong>de</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour,<br />

mais <strong>la</strong> prise en charge est différente et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die généralement plus avancée. Les<br />

personnes ont <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> venir <strong>à</strong> l’Accueil <strong>de</strong> Jour aussi longtemps qu’elles le<br />

souhaitent et que <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die reste <strong>à</strong> un sta<strong>de</strong> ne nécessitant pas une prise en charge <strong>à</strong><br />

temps plein. L’avantage pour nous est que le groupe se connait bien, certains venant<br />

<strong>de</strong>puis plusieurs mois voire plusieurs années, et qu’un véritable esprit <strong>de</strong> famille y<br />

règne, favorisé en outre par le lieu qui fait plus « <strong>à</strong> <strong>la</strong> maison » que l’Hôpital <strong>de</strong> Jour.<br />

Le groupe est l<strong>à</strong> aussi constitué <strong>de</strong> 12 ou 13 personnes au maximum. Les personnes<br />

encadrant ce service sont en totale autonomie, le bâtiment étant indépendant <strong>de</strong><br />

l’Hôpital.<br />

L’objectif principal <strong>de</strong>s séances est un complément <strong>de</strong>s ateliers mémoire, afin<br />

d’évaluer <strong>la</strong> mémoire restante et <strong>de</strong> <strong>la</strong> stimuler au plus tôt. Mais c’est aussi le moment<br />

<strong>de</strong> tisser <strong>de</strong>s liens avec les autres, <strong>de</strong> permettre aux émotions <strong>de</strong> s’exprimer et <strong>de</strong> se<br />

dire. Des traces écrites et <strong>de</strong>s évaluations sont <strong>la</strong>issées suite aux séances <strong>de</strong> l’Hôpital<br />

<strong>de</strong> Jour.<br />

Les séances durent 1H30 les lundi et jeudi pour l’Hôpital <strong>de</strong> Jour, le mardi <strong>à</strong> l’Accueil<br />

<strong>de</strong> Jour.<br />

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Le déroulé <strong>de</strong>s séances est toujours articulé <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon, suivant <strong>la</strong> métho<strong>de</strong><br />

« EchO-Muse » <strong>de</strong> Pi<strong>la</strong>r Garcia (Manuel Pratique) :<br />

. Présentations et bonjour <strong>à</strong> tout le mon<strong>de</strong> individuellement. Petit rappel <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison<br />

<strong>de</strong> notre présence. C’est aussi le moment où Pi<strong>la</strong>r donne <strong>de</strong>s informations sur l’avancée<br />

du projet dont je parlerai plus loin.<br />

. Puis on se retrouve, <strong>de</strong>bout en ron<strong>de</strong> et en se tenant les mains.<br />

. Exercices <strong>de</strong> respiration et réinvestissement du corps.<br />

. Exercices pour chauffer <strong>la</strong> <strong>voix</strong>.<br />

. Temps d’improvisation rythmique pour favoriser <strong>la</strong> créativité et s’exprimer <strong>de</strong> façon<br />

ludique. On chante éventuellement les comptines ou on reprend une fable <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Fontaine pour raviver <strong>la</strong> mémoire très ancienne.<br />

. Chanter ensemble <strong>de</strong>s chansons d’autrefois et composer ou apprendre <strong>de</strong> nouvelles<br />

chansons.<br />

C’est effectivement l’un <strong>de</strong>s aspects les plus créatifs <strong>de</strong> ces séances puisque <strong>de</strong>puis<br />

2005, Pi<strong>la</strong>r a aidé les patients qui se sont succédés dans ces <strong>de</strong>ux services <strong>à</strong> composer<br />

leurs propres chansons, reflets d’eux-mêmes et <strong>de</strong> leurs préoccupations du moment.<br />

C’est l’objet du projet « L’Hymne <strong>à</strong> <strong>la</strong> Mémoire », comprenant sept chansons composées<br />

entre 2005 et 2010. J’ai participé <strong>à</strong> <strong>la</strong> phase finale <strong>de</strong> création <strong>de</strong>s chansons et <strong>à</strong> leur<br />

apprentissage par les patients dans le but <strong>de</strong> les enregistrer. J’ai pu apporter quelques<br />

improvisations au violon en complément <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>voix</strong> et <strong>de</strong> <strong>la</strong> guitare <strong>de</strong> Pi<strong>la</strong>r. L’expérience<br />

a été très forte et très enrichissante, pour eux comme pour moi. Je peux témoigner<br />

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que les patients, même en phase assez avancée <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, étaient capables <strong>de</strong><br />

mémoriser ces nouvelles chansons ! Ceci me permet <strong>de</strong> comprendre mieux ce qui se<br />

passe dans le cerveau et comment <strong>la</strong> musique entretient <strong>la</strong> mémoire grâce aux<br />

émotions qu’elle véhicule. C’est ce qu’on appelle <strong>la</strong> mémoire émotionnelle, « Un souvenir<br />

dénué <strong>de</strong> charge affective est presque totalement inefficace » nous dit Freud.<br />

« Outre les aspects <strong>de</strong> bien-être, <strong>la</strong> musique permet <strong>de</strong> stimuler <strong>la</strong> mémoire. C’est un<br />

art du temps qui nécessite un avant et un après, musique et mémoire sont donc<br />

indissociables. (…) Peut-on supposer que le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> gar<strong>de</strong> au plus profond <strong>de</strong> lui sa<br />

lumière <strong>de</strong> vie, mais qu’elle ne s’éc<strong>la</strong>ire que si on <strong>la</strong> sollicite ? » (Pi<strong>la</strong>r Garcia, projet<br />

Hymne <strong>à</strong> <strong>la</strong> Mémoire).<br />

Ce projet a donc fait partie intégrante <strong>de</strong> mon stage pratique, et m’a amené aussi <strong>à</strong><br />

participer <strong>à</strong> quelques représentations avec les patients (répétitions en présence <strong>de</strong><br />

l’EHPAD et concert <strong>à</strong> <strong>la</strong> Basilique <strong>de</strong> Longpont s/Orge).<br />

3. L’U.C.C. (Unité Cognitivo Comportementale)<br />

Ce service accueille <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> façon provisoire (20 jours renouve<strong>la</strong>bles)<br />

lorsqu’elles ont besoin d’être remises sur pied ou en attendant <strong>de</strong> leur trouver un<br />

hébergement définitif en EHPAD. La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer est aggravée par d’autres<br />

pathologies dont <strong>de</strong>s troubles importants du comportement, et presque toujours une<br />

perte d’i<strong>de</strong>ntité et d’autonomie. Cet endroit est un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers services créés aux<br />

Magnolias et le personnel est en renouvellement perpétuel, ce qui en fait un lieu réputé<br />

« difficile » mais où le besoin d’ai<strong>de</strong> est très grand.<br />

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L’objectif principal est ici <strong>de</strong> faire exprimer les angoisses, retrouver <strong>de</strong>s repères et<br />

se sentir contenu.<br />

Pi<strong>la</strong>r intervient 1 heure par semaine dans ce service. Le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> musicothérapie a<br />

été difficile <strong>à</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce, c’est seulement <strong>de</strong>puis septembre 2011 que les choses<br />

sont <strong>à</strong> peu près définies : lieu, nombre <strong>de</strong> personnes, personnel encadrant, outil <strong>de</strong><br />

suivi. Jusque l<strong>à</strong>, Pi<strong>la</strong>r <strong>de</strong>vait argumenter et réexpliquer ce qui ferait <strong>la</strong> différence<br />

entre une très bonne animation avec <strong>de</strong>s vertus <strong>thérapeutique</strong>s et une véritable<br />

séance <strong>de</strong> musicothérapie. Les soignantes, bien que très dévouées et désireuses<br />

d’apporter du bien-être <strong>à</strong> leurs patients, ne comprenaient pas que <strong>la</strong> salle <strong>à</strong> manger<br />

n’était pas le meilleur endroit pour installer <strong>la</strong> séance et qu’il ne fal<strong>la</strong>it pas<br />

obligatoirement avoir toutes les personnes résidant dans le service.<br />

Tout ceci m’a permis <strong>de</strong> bien saisir l’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du cadre dans une<br />

institution et les objectifs d’une séance <strong>de</strong> musicothérapie.<br />

Les premières fois que j’ai accompagné Pi<strong>la</strong>r, ce service me faisait un bien étrange<br />

effet. C’est l’endroit que je trouvais le plus difficile, je trouvais l’ambiance du lieu<br />

mortifère. Les patients n’étaient jamais les mêmes, bel exemple <strong>de</strong> groupe ouvert ne<br />

facilitant pas <strong>la</strong> prise en charge <strong>thérapeutique</strong>. Mais c’est aussi dans ce contexte que<br />

nous avons vécu <strong>de</strong>s moments très forts émotionnellement. Nous faisions chanter les<br />

personnes puis nous écoutions leurs confi<strong>de</strong>nces car c’est dans ce service que le besoin<br />

en est le plus fort. Il y a beaucoup <strong>de</strong> détresse, beaucoup d’angoisse. Nous alternions<br />

donc musique et <strong>la</strong>rmes.<br />

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4/ Le violon en situation <strong>thérapeutique</strong><br />

Je vais maintenant re<strong>la</strong>ter les expériences que j’ai vécues tout au long <strong>de</strong> l’année en<br />

mettant l’accent sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du violon.<br />

Grâce au stage et <strong>à</strong> cet apprentissage, Pi<strong>la</strong>r m’a proposé, <strong>de</strong> façon <strong>à</strong> maintenir le lien<br />

avec les patients, d’intervenir lors <strong>de</strong> ses absences, ce qui s’est fait dans un premier<br />

temps <strong>à</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour, puis par <strong>la</strong> suite et au fur et <strong>à</strong> mesure que je gagnais <strong>de</strong><br />

l’expérience, également <strong>à</strong> l’Unité Alzheimer et <strong>à</strong> l’UCC.<br />

Dans tous les cas, j’ai fait en sorte <strong>de</strong> conserver toujours <strong>la</strong> même trame, les mêmes<br />

rituels, afin d’assurer une continuité pour les patients. N’étant pas chanteuse comme<br />

Pi<strong>la</strong>r, j’ai du apprendre <strong>à</strong> me servir <strong>de</strong> mes propres outils et compétences et c’est<br />

surtout mon violon qui m’a prêté sa <strong>voix</strong>.<br />

Une séance <strong>à</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour<br />

Je vais décrire ici une séance type <strong>de</strong> celles que j’ai animées seule, ce qui permettra<br />

<strong>de</strong> bien en montrer l’ambiance et <strong>la</strong> façon dont je les ai vécues.<br />

13H45 ; j’arrive pour <strong>la</strong> séance <strong>de</strong> musicothérapie. J’ai ma valise <strong>à</strong> roulettes rouge<br />

pleine <strong>de</strong> percussions et <strong>de</strong> flûtes, mon violon sur le dos, une tenue colorée, un soupçon<br />

<strong>de</strong> maquil<strong>la</strong>ge et un parfum léger… et le plus important, …un grand sourire jusqu’aux<br />

yeux.<br />

Bonjour messieurs, dames, comment allez-vous ? Il fait bien beau aujourd’hui.<br />

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Il y a dans <strong>la</strong> pièce un groupe <strong>de</strong> douze personnes, un peu endormies <strong>de</strong>vant <strong>la</strong><br />

télévision, chacun dans ses pensées, il fait un peu chaud.<br />

Ils me regar<strong>de</strong>nt arriver, ne se rappe<strong>la</strong>nt pas tous ce que je viens faire ici… mais le<br />

sourire est contagieux.<br />

Puis-je éteindre <strong>la</strong> télévision ? J’obtiens quelques oui. Je propose <strong>de</strong> remonter les<br />

stores pour plus <strong>de</strong> lumière. Je ferme <strong>la</strong> porte. Nous sommes entre nous.<br />

Puis je fais le tour <strong>de</strong>s personnes, les saluant une par une, leur prenant <strong>la</strong> main, les<br />

regardant dans les yeux, en prononçant leur prénom, redonnant le mien également,<br />

mais certains savent me dire « Geneviève » avec un grand sourire fier.<br />

Ils commencent <strong>à</strong> s’animer, un peu…<br />

Je leur propose <strong>de</strong> se lever… <strong>de</strong> se prendre par les mains… <strong>de</strong> se regar<strong>de</strong>r dans les<br />

yeux… Je les fais respirer profondément puis je les invite <strong>à</strong> bouger le corps, taper les<br />

pieds en ca<strong>de</strong>nce… Tout le mon<strong>de</strong> commence <strong>à</strong> se réveiller et <strong>à</strong> prendre contact avec<br />

ses voisins. Le regard est important et transmet bien <strong>de</strong>s émotions.<br />

Puis nous allons poser <strong>de</strong>s sons sur <strong>la</strong> respiration, faire quelques vocalises. Pour<br />

certains l’exercice n’est pas du tout évi<strong>de</strong>nt, problème <strong>de</strong> concentration pour<br />

reproduire le modèle, <strong>voix</strong> défail<strong>la</strong>nte, peur <strong>de</strong> mal faire… Il est important <strong>de</strong><br />

rassurer, <strong>de</strong> ne jamais mettre en échec.<br />

Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>à</strong> chacun s’il veut bien nous faire entendre sa <strong>voix</strong>, c’est comme un jeu, on<br />

rit beaucoup. Je leur fait associer <strong>la</strong> <strong>voix</strong> <strong>de</strong> chacun avec le prénom, faisant remarquer<br />

que chacun a sa <strong>voix</strong> unique au mon<strong>de</strong>. Ce<strong>la</strong> leur donne un peu d’importance, un peu <strong>de</strong><br />

trac ! Je fais recommencer, complimente…<br />

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Toute cette première partie <strong>de</strong> séance a pour but <strong>de</strong> stimuler les sens, redécouvrir le<br />

corps, entretenir <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion, ainsi que le décrit Pi<strong>la</strong>r Garcia dans son Manuel Pratique.<br />

(Garcia, 2008)<br />

Puis nous passons <strong>à</strong> l’improvisation avec percussions…<br />

« Laissons venir les petites chansons <strong>de</strong> notre enfance. Qui va nous en chanter une ?<br />

Surement pas moi » dit Mirène, mais c’est elle qui <strong>à</strong> chaque fois reprend une chanson…<br />

déj<strong>à</strong> chantée mais qu’importe, et elle y prend beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir, ça se voit.<br />

Je sors mon violon en leur proposant <strong>de</strong> continuer <strong>à</strong> utiliser les percussions pour<br />

m’accompagner, sur le Boléro <strong>de</strong> Ravel par exemple et je montre le mouvement en<br />

tapant <strong>de</strong>s pieds, puis je joue quelques valses connues qu’ils chantent. Je leur propose<br />

<strong>de</strong> valser s’ils le souhaitent.<br />

A ce sta<strong>de</strong>, tout le mon<strong>de</strong> est bien réveillé et il y a quelques interactions entre les uns<br />

et les autres. Chacun se comporte selon sa personnalité, discret ou bavard, avec<br />

humour, …<br />

C’est le moment où nous allons chanter tous ensemble. On repose les percussions et je<br />

propose <strong>de</strong>s chansons, avec le support papier pour les paroles.<br />

Je propose souvent un petit jeu avant une chanson ; « je vous joue trois notes et vous<br />

me dites si vous reconnaissez <strong>la</strong> chanson », ou encore je donne un titre et ils entonnent<br />

l’air. Ce jeu les rassure, les valorise et en même temps il fait travailler <strong>la</strong> mémoire. Puis<br />

nous chantons. Souvent, je n’ai pas fini <strong>de</strong> distribuer les paroles que les premiers ont<br />

commencé <strong>à</strong> chanter, puis nous reprenons tous ensemble avec le violon. Je ne peux pas<br />

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chanter et jouer du violon en même temps alors parfois j’arrête <strong>de</strong> jouer pour les<br />

remettre sur <strong>la</strong> <strong>voie</strong> mais le groupe a un effet entraînant.<br />

La séance arrive <strong>à</strong> sa fin toujours trop vite et je récolte leurs commentaires. Je donne<br />

<strong>la</strong> parole <strong>à</strong> chacun car c’est le moment où se font quelques confi<strong>de</strong>nces, le climat <strong>de</strong><br />

confiance le permettant.<br />

La chanson, par son contenu, sa mélodie, ce qu’elle rappelle, est un outil puissant qui va<br />

chercher les émotions. Il arrive donc fréquemment que <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes se mettent <strong>à</strong><br />

couler. Alors je vais vers <strong>la</strong> personne et l’invite <strong>à</strong> s’exprimer et <strong>à</strong> se confier. J’insiste<br />

sur le fait que <strong>la</strong> musique a provoqué ce<strong>la</strong> et que nous avons chacun une chanson ou une<br />

musique qui nous rappelle un moment chargé d’émotion. C’est souvent <strong>la</strong> personne qui a<br />

<strong>de</strong>mandé <strong>la</strong> chanson qui est cueillie par l’émotion, mais elle ne se doutait pas <strong>de</strong> l’effet<br />

qui en résulterait et elle en est surprise, comme André qui m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> jouer l’Ave<br />

Maria alors que nous étions dans un répertoire <strong>de</strong> chansons popu<strong>la</strong>ires. Au fur et <strong>à</strong><br />

mesure que je jouais, ses <strong>la</strong>rmes ont commencé <strong>à</strong> couler, j’ai continué <strong>à</strong> jouer jusqu’<strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

fin avec une intention particulière pour lui puis lui ai pris <strong>la</strong> main. Il nous a confié qu’il<br />

avait perdu une petite sœur et qu’on avait joué du violon au cimetière. Il est important<br />

qu’il ait pu le dire <strong>à</strong> ce moment l<strong>à</strong> et dans le cadre approprié <strong>de</strong> <strong>la</strong> séance. C’était le<br />

moment opportun pour libérer cette confi<strong>de</strong>nce.<br />

Le violon est toujours bien accueilli, on me dit qu’il a un joli son !<br />

Paulette m’a confié : « j’aime le son du violon, il me touche, …je ne sais pas expliquer,<br />

c’est triste, … mais c’est agréable ».<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Et puis Domenica, en fin <strong>de</strong> séance : « quand vous jouez du violon, on dirait que vous<br />

chantez <strong>la</strong> chanson, on entend les mots, on le sent dans le fond du cœur, … merci pour<br />

tout le bien que vous nous faites ».<br />

Ces mots me sont aussi allés au fond du cœur puisqu’ils m’ont remise sur <strong>la</strong> <strong>voie</strong> pour<br />

rédiger ce mémoire. Mon intention était bien <strong>de</strong> dire avec le violon et <strong>de</strong> chanter avec<br />

lui puisque je ne peux pas le faire simultanément. J’avais donc été bien comprise !<br />

Voici d’autres remarques, g<strong>la</strong>nées au fil <strong>de</strong>s séances :<br />

C<strong>la</strong>udine : j’étais quelqu’un <strong>de</strong> très timi<strong>de</strong> avant. Ici je me sens bien, je parle beaucoup,<br />

j’ai du p<strong>la</strong>isir <strong>à</strong> venir et j’attends le jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique avec impatience… En plus j’ai<br />

dansé, ça faisait longtemps que ça ne m’étais pas arrivé.<br />

Mirène : c’est toujours une joie <strong>de</strong> se retrouver, on se connait un peu mieux. On<br />

partage l’âge puis le grand âge… quelques heures <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. On a beaucoup reçu <strong>de</strong> gens<br />

gentils et généreux, même si on a peu donné.<br />

Henri : nous confie qu’étant enfant il a perdu une petite sœur et que <strong>de</strong>puis lors toute<br />

joie était bannie <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison. Ici, il est enfin autorisé <strong>à</strong> chanter et ça lui fait du bien.<br />

Quelques commentaires me sont <strong>de</strong>stinés :<br />

Pierre : c’était particulièrement agréable aujourd’hui<br />

D’autres commentaires sont habituels :<br />

« C’est comme une famille. Le groupe soutient. Moment agréable et entraînant. Un<br />

même but pour tous qui est <strong>de</strong> chanter ensemble. Ca empêche <strong>de</strong> penser aux soucis. On<br />

se détend. C’est comme une récréation. La musique fait du bien au cerveau, <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>voix</strong>,<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

stimule <strong>la</strong> mémoire. On se régale, c’est bon pour le moral. C’est formidable. On est<br />

heureux <strong>de</strong> partager une activité. Excellent. Tout est parfait. Ca glisse tout seul. »<br />

Lorsque je quitte <strong>la</strong> salle, après avoir salué chacun individuellement, ce sont <strong>de</strong>s au-<br />

revoir chaleureux et <strong>de</strong>s commentaires nombreux, <strong>à</strong> moi mais aussi aux autres<br />

participants : quelle différence avec l’ambiance <strong>de</strong> mon arrivée. La séance <strong>de</strong><br />

musicothérapie a permis tout ce<strong>la</strong>.<br />

Un petit tour <strong>à</strong> l’Accueil <strong>de</strong> Jour<br />

J’ai eu moins d’occasions d’intervenir seule dans ce service mais j’y suis très bien<br />

accueillie et suis donc vraiment <strong>à</strong> l’aise et en confiance car je connais <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<br />

patients <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong> mon stage aux Magnolias, soit plus <strong>de</strong> 18 mois. J’utilise les<br />

mêmes outils qu’<strong>à</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour, avec le même succès.<br />

Au moment <strong>de</strong> se quitter après une séance, j’ai <strong>de</strong>mandé <strong>à</strong> chacun trois mots pour<br />

décrire leur état. Voici ce qui en a résulté :<br />

J’aime <strong>la</strong> vie<br />

Vive <strong>la</strong> vie<br />

C’est beau <strong>la</strong> vie<br />

Oui c’est vrai, <strong>la</strong> vie est joyeuse<br />

C’est super <strong>la</strong> vie, surtout avec <strong>la</strong> musique<br />

C’est une journée très sympathique<br />

C’est très beau <strong>la</strong> vie… surtout en chantant<br />

Vive les Magnolias<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Vive l’amour<br />

N’arrête pas tes chansons<br />

Ici c’est g<strong>la</strong>mour<br />

J’ai été surprise <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> bonheur qu’ils ont lorsqu’ils sont ensemble et <strong>de</strong> voir<br />

<strong>à</strong> quel point <strong>la</strong> musique peut les rendre heureux. Quant <strong>à</strong> cet enchaînement <strong>de</strong><br />

commentaires positifs, c’est le reflet d’une complicité, comme une ron<strong>de</strong> qui les unit et<br />

les entraîne.<br />

Pour chaque patient, l’évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die est différente et plus ou moins rapi<strong>de</strong>.<br />

Certains d’entre eux sont <strong>à</strong> l’Accueil <strong>de</strong> Jour <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 5 ans et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die reste<br />

stable, d’autres doivent envisager assez rapi<strong>de</strong>ment une prise en charge <strong>à</strong> temps<br />

complet et nous en retrouvons quelques-uns <strong>à</strong> l’Unité Alzheimer. Il s’avère que<br />

l’ambiance et les ateliers mémoire proposés <strong>à</strong> l’Accueil <strong>de</strong> Jour contribuent<br />

gran<strong>de</strong>ment <strong>à</strong> retar<strong>de</strong>r l’évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, <strong>la</strong> musicothérapie étant un <strong>de</strong>s<br />

éléments les plus bénéfiques pour ce<strong>la</strong>.<br />

Lorsque j’arrive et salue chacun <strong>à</strong> son tour, c’est l’occasion <strong>de</strong> quelques apartés :<br />

Yvette : me fait <strong>la</strong> bise et me tutoie, m’appelle « ma fille » Elle me reconnait comme<br />

quelqu’un <strong>de</strong> familier, le courant passe très bien entre nous et c’est tout ce qui compte.<br />

Anne-Marie : me fait <strong>la</strong> bise et me glisse « vous je vous aime bien, vous êtes ma<br />

préférée, mais chut ».<br />

Quant <strong>à</strong> Alice, toujours un peu exubérante, au moment <strong>de</strong> partir elle me « somme » <strong>de</strong><br />

revenir <strong>la</strong> prochaine fois avec Pi<strong>la</strong>r en me disant « tu l’as bien mérité ! ». Elle est aussi<br />

toujours <strong>la</strong> première <strong>de</strong>bout pour quelques pas <strong>de</strong> danse car elle « adore ça ».<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Retrouvailles musicales <strong>à</strong> l’U.A.S.<br />

J’ai animé plusieurs séances en autonomie avec les patients <strong>de</strong> l’Unité Alzheimer, tout<br />

d’abord pendant mon remp<strong>la</strong>cement d’animatrice cet l’été. C’est d’ailleurs <strong>à</strong> cette<br />

occasion que j’ai baptisé ces séances « Retrouvailles Musicales », car il s’agit bien <strong>de</strong><br />

se retrouver grâce <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique.<br />

Je commence par leur proposer <strong>la</strong> petite chanson « lundi matin, l’empereur, sa<br />

femme… » qui permet <strong>de</strong> se retrouver <strong>de</strong> façon ludique et qui constitue un petit rituel<br />

<strong>de</strong> démarrage. J’ai gardé les mêmes rituels que ceux <strong>de</strong> Pi<strong>la</strong>r car il est important <strong>de</strong><br />

conserver une continuité et <strong>de</strong>s repères.<br />

Puis nous faisons quelques exercices <strong>de</strong> respiration et d’échauffement, <strong>de</strong>bout puis<br />

assis. Les objectifs <strong>de</strong> ces étapes sont les mêmes qu’<strong>à</strong> l’Hôpital <strong>de</strong> Jour et le déroulé <strong>à</strong><br />

peu près i<strong>de</strong>ntique sauf que <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die étant plus avancée et les personnes plus âgées il<br />

faut adapter les exercices en conséquence.<br />

Ensuite nous avons une partie rythmique avec les percussions et nous chantons <strong>de</strong>s<br />

comptines. Ils prennent beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir <strong>à</strong> ces exercices et n’ont plus le « filtre »<br />

du jugement qui pourrait leur faire dire « c’est pour les enfants ». De même, taper<br />

sur un djembé peut être une façon d’exprimer une émotion comme <strong>la</strong> colère ou <strong>la</strong><br />

frustration et c’est donc bien utile. Je peux les accompagner et les gui<strong>de</strong>r ainsi assez<br />

facilement ; ils répon<strong>de</strong>nt avec enthousiasme <strong>à</strong> tout ce qui leur est proposé, dès<br />

l’instant où c’est fait avec gentillesse et respect. Je remarque aussi que l’utilisation<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

d’un instrument <strong>à</strong> percussion n’est pas évi<strong>de</strong>nte pour eux qui ne l’ont pas fait dans leur<br />

jeunesse et amène parfois <strong>à</strong> <strong>de</strong>s choses assez cocasses mais qu’importe puisque le<br />

p<strong>la</strong>isir semble bien l<strong>à</strong>.<br />

A ce moment, il m’est arrivé d’utiliser ma collection <strong>de</strong> bols tibétains pour un moment<br />

plus calme. Je commence par les montrer, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce que ça peut bien être ? Un<br />

sa<strong>la</strong>dier ? Ce sont tout <strong>de</strong> suite <strong>de</strong>s références culinaires. Puis je les fais résonner<br />

tour <strong>à</strong> tour, et leur réaction est <strong>de</strong> curiosité et d’émerveillement <strong>de</strong>vant ces sons. Je<br />

fais passer le plus grand bol en faisant sentir et apprécier sa vibration grave, puis un<br />

plus petit bol et je leur propose <strong>de</strong> le tenir et <strong>de</strong> le faire chanter ou résonner. Je<br />

remarque que le geste n’est pas reproduit car il est trop loin <strong>de</strong> leurs habitu<strong>de</strong>s, par<br />

contre, certains essaient <strong>de</strong> faire tourner le bâton <strong>à</strong> l’intérieur du bol, comme pour<br />

mé<strong>la</strong>nger ?<br />

Alice est enthousiaste avec un <strong>de</strong>s bols qu’elle ne lâche plus. Je lui fais entendre les<br />

autres mais c’est vraiment celui-ci qui lui « parle ». « C’est vraiment extraordinaire, si<br />

j’avais ça chez moi je l’écouterai toute <strong>la</strong> journée … » Antonia tapote sur un autre bol<br />

et a l’idée <strong>de</strong> le retourner pour taper sur le fond. Le son ressemble <strong>à</strong> une cloche <strong>de</strong><br />

vache et j’attire leur attention sur ce son nouveau, les invite <strong>à</strong> fermer les yeux et <strong>à</strong><br />

<strong>la</strong>isser venir une image <strong>de</strong> pâturage dans <strong>la</strong> montagne en été…<br />

J’ai <strong>la</strong>issé le temps <strong>à</strong> chacun d’apprécier ces nouvelles sensations, aucun n’y étant<br />

indifférent, puis je reprends le cours <strong>de</strong> ma séance.<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

C’est l<strong>à</strong> que j’introduis le violon, d’abord en leur proposant une valse qu’ils chantent<br />

avec moi (<strong>la</strong> valse <strong>de</strong> Chostakovitch par exemple qui est un ancrage car Pi<strong>la</strong>r <strong>la</strong> propose<br />

systématiquement), puis j’enchaîne sur d’autres danses et certains sont prompts <strong>à</strong> se<br />

lever et <strong>à</strong> en esquisser les pas. Je me souviens <strong>de</strong> <strong>la</strong> réaction d’Annick qui après s’être<br />

levée spontanément, avait valsé seule, puis s’était assise, toute rouge et pleine<br />

d’émotion « ça s’est une surprise ! je ne danse jamais… » En fait elle adore ça et nous<br />

l’encourageons désormais <strong>à</strong> danser <strong>à</strong> chaque séance ! Lorsqu’une animatrice est<br />

présente, elle peut inviter les patients <strong>à</strong> danser, ce qui provoque du mouvement et <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> gaité.<br />

J’ai l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> me mettre <strong>de</strong>bout et <strong>de</strong> bouger <strong>de</strong> tout le corps lorsque je joue pour<br />

eux car un <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die fait qu’ils imitent beaucoup et je les invite ainsi <strong>à</strong><br />

bouger avec moi. J’ai constaté que pour ce groupe <strong>de</strong> personnes, <strong>la</strong> musique <strong>de</strong> danse,<br />

enregistrée ou non, les met systématiquement en mouvement, que ce soit <strong>de</strong>bout ou<br />

non, et leur amène beaucoup <strong>de</strong> bien-être et <strong>de</strong> joie. A ma toute première visite aux<br />

Magnolias, j’ai joué un Bransle <strong>de</strong> <strong>la</strong> Renaissance <strong>à</strong> <strong>la</strong> vièle, C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> s’est levé et a sauté<br />

en l’air !! Inoubliable !<br />

Cette mise en mouvement permet <strong>de</strong> retrouver l’espace corporel, le schéma corporel<br />

étant plus ou moins perdu <strong>à</strong> cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, provoquant <strong>de</strong>s déambu<strong>la</strong>tions et une<br />

incapacité <strong>à</strong> reproduire <strong>de</strong>s mouvements. Consciente <strong>de</strong>s effets bénéfiques induits par<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

le mouvement, je me suis intéressée <strong>à</strong> l’effet <strong>de</strong>s neurones miroirs et <strong>à</strong> leur rôle dans<br />

<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer. 9<br />

J’ai remarqué aussi que venir jouer du violon tout près d’eux ramène leur attention et<br />

déclenche un regard et un sourire, même s’ils s’étaient assoupis quelques minutes. De <strong>la</strong><br />

même façon, dès que je m’approche d’une personne, elle essaie <strong>de</strong> chanter avec moi.<br />

J’ai remarqué cette réaction dans tous les services où je suis passée, et j’en use<br />

beaucoup. Le violon me permet <strong>de</strong> nuancer l’intensité sonore et il est donc possible<br />

d’être vraiment très proche, par exemple agenouillée <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> personne, et <strong>de</strong> jouer<br />

tout doucement pour ne pas l’agresser avec un son trop fort. Je suis toujours bien<br />

accueillie.<br />

La séance se termine, on fait un petit bi<strong>la</strong>n, les appréciations sont comme toujours<br />

très élogieuses, c’est un moment <strong>de</strong> joie et <strong>de</strong> stimu<strong>la</strong>tion qu’ils apprécient beaucoup.<br />

Des commentaires, parfois cocasses, fusent car les mots sont parfois perdus et seule<br />

reste l’intention, ou <strong>de</strong>s é<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> tendresse se font jour entre <strong>de</strong>ux patients « quelque<br />

chose a commencé… » nous a dit un jour C<strong>la</strong>u<strong>de</strong>, encore tout ému, après s’est<br />

rapproché d’Amalia.<br />

Francine est une <strong>de</strong>s patientes que j’ai connue <strong>à</strong> l’Accueil <strong>de</strong> Jour et qui rési<strong>de</strong><br />

maintenant <strong>à</strong> l’U.A.S. L’adaptation <strong>à</strong> ce nouveau milieu a été difficile mais elle va mieux<br />

et semble prendre ses nouvelles marques. Cet été, en qualité d’animatrice, je suis allée<br />

<strong>la</strong> solliciter pour une lecture <strong>de</strong> contes ; elle m’a répondu : « ici on chante, <strong>la</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>… »<br />

9 Voir neurones miroirs, p 67<br />

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Qu’en déduire ? Qu’elle m’associe <strong>à</strong> <strong>la</strong> chanson ? Elle me dit pourtant <strong>à</strong> chaque fois :<br />

« je ne sais pas qui vous êtes ». Elle est en général assez p<strong>la</strong>intive et dit souvent « <strong>à</strong><br />

quoi ça sert ? » mais pendant <strong>la</strong> séance <strong>de</strong> musicothérapie, elle arrive <strong>à</strong> chanter et <strong>à</strong><br />

sourire, et l<strong>à</strong>, c’est le bonheur, pour elle et pour moi.<br />

Une autre patiente, Eliane, jusque l<strong>à</strong> assez réservée et craintive envers les nouvelles<br />

personnes, a montré récemment un comportement différent avec moi. Désormais, elle<br />

vient me faire <strong>la</strong> bise, me prend par <strong>la</strong> main, ne me quitte pas du regard avec un grand<br />

sourire et me dit <strong>de</strong> nombreuses fois « tu es belle, … je t’aime… ». Eliane est<br />

sévèrement atteinte <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, elle déambule, a <strong>de</strong>s stéréotypies, ne<br />

peut plus respecter les consignes, mais elle manifeste son « humanité » <strong>de</strong> cette<br />

façon. C’est sa manière <strong>de</strong> me dire qu’elle m’a acceptée au nombre <strong>de</strong> ses familiers et<br />

qu’elle existe toujours en tant que personne. C’est aussi le reflet <strong>de</strong> son ressenti au<br />

moment où elle le dit. « Une <strong>de</strong>s particu<strong>la</strong>rités <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, par défail<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

mémoire, est une importance plus gran<strong>de</strong> du présent, avec une dominance du global et<br />

<strong>de</strong> l’intuitif sur le rationnel. Un Alzheimer ne ment pas, ne fuit pas, il dit ce qu’il vit au<br />

présent dans sa représentation du mon<strong>de</strong>. » (www.santé-vivante.fr – J.Boilève).<br />

J’accueille donc avec beaucoup <strong>de</strong> bienveil<strong>la</strong>nce ces manifestations.<br />

Pour ma part, j’apprécie vraiment cette nouvelle activité auprès d’eux. Que ce soit <strong>à</strong><br />

l’Hôpital <strong>de</strong> Jour, <strong>à</strong> l’Accueil <strong>de</strong> Jour ou <strong>à</strong> l’UAS, l’accueil est <strong>de</strong> plus en plus chaleureux<br />

et je suis reconnue comme quelqu’un qui vient proposer un moment <strong>de</strong> détente et <strong>de</strong><br />

joie, ce qui m’ai<strong>de</strong> bien sûr car <strong>la</strong> confiance est « contagieuse ». Même si je sais que <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die fait qu’il est probable qu’ils ne me reconnaissent pas vraiment, je constate tout<br />

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<strong>de</strong> même qu’au fil <strong>de</strong>s séances un lien s’est créé, un tutoiement <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> quelques<br />

personnes qui revient <strong>de</strong> plus en plus, <strong>de</strong>s bises offertes spontanément, <strong>de</strong>s petits<br />

noms affectueux… je continue <strong>à</strong> vouvoyer tout le mon<strong>de</strong> et j’attends toujours d’être<br />

sollicitée pour faire <strong>la</strong> bise, par respect et afin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> bonne distance<br />

« <strong>thérapeutique</strong> », je reste vigi<strong>la</strong>nte sur le maintient du cadre par respect pour eux et<br />

pour leur sécurité et <strong>la</strong> mienne.<br />

Ce qu’ils « reconnaissent » <strong>de</strong> moi est très certainement le souvenir <strong>de</strong> l’émotion vécue<br />

grâce <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique lors <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes rencontres et l’anticipation du bon moment<br />

que nous allons passer ensemble. Et puis dès que je sors le violon, les yeux commencent<br />

<strong>à</strong> briller, « c’est <strong>la</strong> violoniste ! » On me dit aussi que je suis calme et que ça leur<br />

convient.<br />

L’U.C.C. (Unité Cognitivo Comportementale)<br />

J’ai vécu ma première expérience seule dans ce service cet été, en animation. Un jour<br />

où l’animatrice référente <strong>de</strong> ce service était absente, j’ai proposé <strong>de</strong> <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>cer par<br />

une visite musicale improvisée, avec l’impression <strong>de</strong> me jeter <strong>à</strong> l’eau.<br />

Je me suis installée dans <strong>la</strong> salle <strong>à</strong> manger pour rassembler rapi<strong>de</strong>ment un maximum <strong>de</strong><br />

personnes. Quatre personnes étaient <strong>à</strong> peu près assises, les autres déambu<strong>la</strong>ient et il<br />

n’était pas envisageable <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> venir s’assoir pour écouter quelque chose.<br />

J’ai donc commencé <strong>à</strong> jouer du violon avec le support <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique enregistrée sur <strong>de</strong>s<br />

Bransles <strong>de</strong> <strong>la</strong> Renaissance et l<strong>à</strong>… surprise ! Deux personnes ont commencé <strong>à</strong> taper<br />

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dans les mains et une s’est levée pour danser ! Une soignante présente <strong>à</strong> ce moment-l<strong>à</strong><br />

est venue danser aussi et l’autre est allée chercher d’autres patients pour qu’ils<br />

puissent en profiter. Ce fut un moment extraordinaire <strong>de</strong> joie partagée.<br />

Cette séance a été commentée par <strong>la</strong> suite et j’ai été réc<strong>la</strong>mée pour y retourner. J’ai<br />

toutefois bien précisé que je n’avais pas fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> musicothérapie mais une simple<br />

animation musicale.<br />

J’y suis retournée <strong>de</strong>puis mais rarement seule, <strong>à</strong> l’occasion d’absences <strong>de</strong> Pi<strong>la</strong>r pour les<br />

séances <strong>de</strong> musicothérapie.<br />

La première fois, je me suis heurtée au problème du cadre évoqué plus haut. Ne<br />

sachant imposer l’utilisation d’une salle spécifique pour <strong>la</strong> séance, j’ai dû intervenir<br />

dans <strong>la</strong> salle <strong>à</strong> manger et n’ai pu proposer qu’une animation, plus facile <strong>à</strong> mettre en<br />

œuvre. J’ai encore pu mesurer l<strong>à</strong> toute <strong>la</strong> difficulté pour <strong>la</strong> musicothérapeute qui doit<br />

être garante du cadre <strong>thérapeutique</strong>.<br />

Le groupe étant chaque fois différent, chaque séance l’a été aussi, requérant <strong>de</strong> ma<br />

part une gran<strong>de</strong> adaptabilité. Voici le récit d’une <strong>de</strong> ces séances.<br />

Ce jour-l<strong>à</strong>, les patients sont regroupés et accompagnés dans <strong>la</strong> salle dédiée <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

musicothérapie dès mon arrivée. Une fois tout le mon<strong>de</strong> installé, 7 personnes et 1<br />

soignante, je démarre <strong>la</strong> séance. Il y a <strong>de</strong>s personnes que je ne connais pas, je<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> donc <strong>à</strong> chacun <strong>de</strong> dire son prénom. Un monsieur souffre <strong>de</strong> gros troubles du<br />

comportement et je fais au mieux pour l’écouter tout en préservant les autres<br />

personnes.<br />

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Les présentations terminées, j’annonce que nous allons faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique et chanter.<br />

Une personne, nouvelle, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « comment ça se fait qu’on fasse autant <strong>de</strong> choses<br />

pour nous ! »<br />

Je sors mon violon et commence <strong>à</strong> parler et jouer, en <strong>la</strong>issant venir les choses, au<br />

feeling, <strong>à</strong> l’écoute <strong>de</strong>s patients, je ne veux rien <strong>de</strong> particulier, eux non plus, nous allons<br />

passer un bon moment, rien <strong>de</strong> plus.<br />

Je n’essaie pas <strong>de</strong> suivre un quelconque programme, et c’est… du bonheur ! J’explique<br />

que <strong>la</strong> musique va chercher notre mémoire ancienne, montre que trois notes font<br />

revenir une chanson entière, montre que <strong>la</strong> musique amène le mouvement et <strong>la</strong> danse.<br />

Lorsque je joue <strong>de</strong>s valses, tous se ba<strong>la</strong>ncent en ca<strong>de</strong>nce et je ne manque pas <strong>de</strong> leur<br />

faire remarquer.<br />

Nous chantons aussi quelques chansons avec le texte, en alternance avec <strong>de</strong>s musiques<br />

<strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.<br />

L’heure a passé très vite. Tout le mon<strong>de</strong> est content et prêt <strong>à</strong> recommencer. J’ai un<br />

bisou spontané d’une dame que je n’avais jamais vue et qui n’a pas semblé beaucoup<br />

participer, comme quoi ! Le monsieur « troublé » a bien profité <strong>de</strong> l’ambiance aussi car<br />

il est calme (il a dormi une gran<strong>de</strong> partie du temps), les soignantes ont beaucoup<br />

apprécié, et moi je suis sou<strong>la</strong>gée, rassurée, et prête <strong>à</strong> recommencer.<br />

Lors d’une autre intervention, j’ai pu cette fois proposé un échauffement et un peu <strong>de</strong><br />

rythme. Mais ce qui leur a vraiment plu est <strong>la</strong> partie chansons accompagnées au violon.<br />

J’essaie toujours d’être <strong>à</strong> l’écoute <strong>de</strong> chacun, prête <strong>à</strong> m’adapter, et mon violon est<br />

toujours le bienvenu. C’est souvent lui qui me « sauve » car je manque encore <strong>de</strong><br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

confiance en moi, par souci <strong>de</strong> faire au mieux et par peur d’être décontenancée. J’ai<br />

toujours une petite appréhension avant une séance mais finalement ça se passe<br />

toujours bien !<br />

Lors d’une séance avec Pi<strong>la</strong>r, une soignante nous a confié qu’elle aimait bien lorsqu’il y<br />

avait <strong>la</strong> musicothérapie car après les patients étaient plus détendus et plus réceptifs.<br />

A ce propos, j’ai remarqué aussi combien <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> <strong>la</strong> soignante, son implication et<br />

sa personnalité étaient importants pour le déroulé <strong>de</strong> <strong>la</strong> séance ; toutes n’ont pas les<br />

mêmes qualités, certaines sont plus « boute en train », d’autres sont très douces et<br />

très <strong>à</strong> l’écoute… nous <strong>de</strong>vons aussi tenir compte <strong>de</strong> tout ce<strong>la</strong>.<br />

Je compare l’U.C.C. <strong>à</strong> un autre service où j’interviens en tant qu’animatrice pour <strong>de</strong>s<br />

« Visites Musicales »<br />

La City (Accueil Temporaire et Ehpad Alzheimer)<br />

Il y a l<strong>à</strong> un grand besoin d’animation et <strong>de</strong> même qu’<strong>à</strong> l’UCC, les personnes changent<br />

assez souvent, ce qui ne permet pas un esprit <strong>de</strong> groupe ni <strong>de</strong> programmer <strong>de</strong>s choses<br />

sur le long terme. Les personnes admises dans ce service ont aussi souvent <strong>de</strong>s<br />

troubles du comportement, rendant les animations parfois ma<strong>la</strong>isées. Il semble que <strong>la</strong><br />

pathologie principale soit <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.<br />

La musique apporte les mêmes effets bénéfiques qu’<strong>à</strong> l’UCC et je propose <strong>à</strong> chaque fois<br />

<strong>de</strong> chanter <strong>de</strong>s chansons anciennes que j’accompagne au violon. Beaucoup <strong>de</strong> ces<br />

personnes peuvent encore lire un texte et je leur propose les paroles <strong>de</strong>s chansons en<br />

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support papier, ce qui leur p<strong>la</strong>it beaucoup. J’incite également au mouvement et <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

danse dès lors que l’ambiance est propice et les personnes suffisamment vali<strong>de</strong>s.<br />

J’interviens dans ce lieu <strong>de</strong>ux fois par mois lors <strong>de</strong> mes « Visites Musicales » et leur<br />

consacre une <strong>de</strong>mi-heure bien remplie. Ce n’est pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> musicothérapie mais il me<br />

semble que ce soit déj<strong>à</strong> <strong>thérapeutique</strong> ; j’encourage chaque personne <strong>à</strong> chanter,<br />

danser, parler aussi. Une dame m’a <strong>de</strong>mandé « les notes », je l’ai écoutée plus<br />

attentivement et elle a pu me confier qu’elle avait joué du piano, <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rinette, <strong>de</strong><br />

l’accordéon… Ce<strong>la</strong> révèle un intérêt qui s’est réveillé en même temps que <strong>de</strong>s souvenirs<br />

et une valorisation <strong>de</strong> cette personne. Certains peuvent encore lire et cet exercice est<br />

très bon pour <strong>la</strong> mémoire et stimule le cerveau gauche (atteint par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die) avec<br />

l’ai<strong>de</strong> du cerveau droit puisque l’air est mémorisé.<br />

Visites Musicales <strong>à</strong> Europa 1 er étage<br />

Il s’agit l<strong>à</strong> d’un service <strong>de</strong> long séjour où j’interviens <strong>de</strong>ux fois par mois. Les patients<br />

sont répartis dans <strong>de</strong>ux unités <strong>de</strong> vie d’une vingtaine <strong>de</strong> lits chacune et sont très<br />

dépendants. Les pathologies sont très diverses et l’âge moyen très élevé. Certains sont<br />

physiquement totalement dépendants, d’autres souffrent <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer ou<br />

d’autres démences. Même si l’équipe d’animation est présente auprès d’eux et leur<br />

propose <strong>de</strong>s activités variées, c’est difficile. C’est pourquoi j’interviens pour eux, en<br />

alternance avec une autre musicienne.<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Cet été, c’est cet aspect du travail qui m’inquiétait le plus <strong>à</strong> l’avance ; j’avais peur…<br />

d’avoir peur ! Se retrouver face <strong>à</strong> une personne très dépendante et souffrante sans<br />

savoir comment l’abor<strong>de</strong>r et sans me <strong>la</strong>isser trop atteindre émotionnellement… Et que<br />

leur dire ? Elles n’ont bien souvent plus <strong>de</strong> mots ou alors on ne les comprend pas.<br />

Heureusement qu’il reste le non verbal et toute <strong>la</strong> palette <strong>de</strong>s émotions.<br />

L’objectif <strong>de</strong> ces interventions n’est pas <strong>à</strong> priori <strong>thérapeutique</strong> puisqu’il s’agit d’animer.<br />

Mais animer au sens littéral c’est « donner <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie » (Du <strong>la</strong>tin animare <strong>de</strong> anima<br />

« souffle, vie ») ! et les effets remarqués sont <strong>thérapeutique</strong>s. Je leur propose un<br />

moment pendant lequel ils vont pouvoir ressentir par tout le corps et exprimer <strong>de</strong>s<br />

émotions et bouger, même si c’est peu ou si c’est juste l’envie. Je vais aussi leur offrir<br />

un regard et une écoute et leur rendre une i<strong>de</strong>ntité et <strong>de</strong>s souvenirs.<br />

J’ai pu faire plusieurs observations :<br />

o d’une unité <strong>à</strong> l’autre, et d’une fois <strong>à</strong> l’autre, les visites sont très différentes, je<br />

me <strong>la</strong>isse porter par ce qui vient et suis très <strong>à</strong> l’écoute <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres.<br />

J’adapte mon répertoire et mon temps <strong>de</strong> présence en fonction <strong>de</strong> ce que je<br />

ressens, je me fais confiance ! et ça marche très bien<br />

o mon émotion est tangible et elle me permet d’approcher les personnes, comme<br />

<strong>de</strong>s personnes. Il faut juste être vraiment l<strong>à</strong>, être juste et surtout vraie<br />

o les soignants sont très impliqués envers ces patients et leur présence peut être<br />

un facteur <strong>de</strong> succès important pour l’animation<br />

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Il y a eu <strong>de</strong>s instants magiques que je gar<strong>de</strong> en mémoire :<br />

Monsieur B. est un monsieur qui a <strong>de</strong> gros troubles du comportement. Il est<br />

souvent installé seul <strong>à</strong> une petite table, dos <strong>à</strong> <strong>la</strong> salle. J’ai osé un face <strong>à</strong> face avec<br />

lui, avec mon violon comme médiateur. Il était soudain calmé et attentif, et nous<br />

avons échangé un long regard tandis que je jouais pour lui <strong>de</strong>s airs c<strong>la</strong>ssiques qu’il<br />

reconnaissait. Je n’aurais pas pu avoir cet échange avec lui sans mon violon pour<br />

m’ai<strong>de</strong>r. Mon violon lui disait ce que je ne pouvais dire et je sais qu’il a bien reçu<br />

tout ça.<br />

Lorsque je suis retournée dans son unité pour d’autres interventions, il me<br />

reconnaissait et m’accueil<strong>la</strong>it. J’arrivais <strong>à</strong> échanger quelques mots avec lui et j’ai<br />

compris qu’il se dévalorisait « oh ce n’est pas <strong>la</strong> peine pour moi… », j’ai trouvé ça<br />

bien triste…<br />

Monsieur P. est dans un fauteuil coque, les yeux fermés <strong>la</strong> bouche ouverte. Lorsque<br />

je viens jouer dans le service, il ouvre les yeux, <strong>à</strong> <strong>la</strong> surprise <strong>de</strong>s soignantes, et il<br />

m’écoute. Il aimait beaucoup <strong>la</strong> musique c<strong>la</strong>ssique parait-il alors je ne manque pas<br />

<strong>de</strong> jouer quelque chose plus spécialement pour lui <strong>à</strong> chacune <strong>de</strong> mes visites. Je l’ai<br />

vu tenter <strong>de</strong> participer en bougeant les pieds lorsque j’ai joué le Beau Danube Bleu<br />

ou le Boléro…<br />

Mimi a 102 ans, en fauteuil. Elle était auparavant <strong>à</strong> l’Unité Alzheimer, où Pi<strong>la</strong>r l’a<br />

bien connue, mais elle est <strong>de</strong>venue trop dépendante. Elle continue <strong>à</strong> chanter avec<br />

moi les vieilles rengaines <strong>à</strong> chaque fois que je viens. Pour elle ce sera plutôt <strong>la</strong> Java<br />

Bleue ou l’Amant <strong>de</strong> Saint-Jean, avec un succès garanti. Il est arrivé que je <strong>la</strong><br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

trouve en train <strong>de</strong> dormir, <strong>la</strong> tête sur <strong>la</strong> table avec un oreiller. Dès que j’ai<br />

commencé <strong>à</strong> jouer, elle a chanté, en gardant <strong>la</strong> même position, les yeux toujours<br />

fermés…<br />

Je ne pense pas qu’elle me reconnaisse, mais j’ai toujours droit <strong>à</strong> <strong>de</strong>s bisous sur <strong>la</strong><br />

main, quelques mots difficiles <strong>à</strong> comprendre et surtout un regard qui m’agrippe et<br />

me sourit. Elle a gardé sa gaité. J’ai croisé ses enfants, ils semblent très souriants<br />

et aimants. Peut-être n’est-ce pas sans rapport…<br />

Madame x est aveugle. Elle a <strong>de</strong>s troubles du comportement et peut être<br />

agressive. Elle connait et chante toutes les chansons du répertoire, sans<br />

exception pour l’instant. Nous avons eu une conversation toutes les <strong>de</strong>ux, elle<br />

vou<strong>la</strong>it savoir <strong>à</strong> quel âge j’avais commencé le violon et me complimenter pour<br />

mon jeu… L’important étant qu’elle puisse avoir le p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> cette conversation.<br />

Cécile, adorable Cécile, aphasique, qui s’extasie sans arrêt, chante et danse<br />

aussi. Elle a un grand sourire dès qu’elle me voit arriver. Je lui ai proposé <strong>de</strong> lire<br />

les paroles <strong>de</strong>s chansons que je jouais. Elle a essayé avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> soignante<br />

et a apprécié ce moment. Elle a beaucoup <strong>de</strong> choses <strong>à</strong> me dire mais nous parlons<br />

essentiellement avec les yeux car les mots lui manquent.<br />

Madame B. me repère <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>voix</strong> car elle voit très mal, et je <strong>la</strong> salue chaque fois<br />

personnellement. J’ai gagné sa confiance (difficile habituellement) et elle<br />

réc<strong>la</strong>me le violon. Elle m’a même invité dans sa chambre.<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

D’autres réactions que je n’ai pas vues m’ont été commentées par les<br />

soignantes, tel un fauteuil coque qui s’était mis <strong>à</strong> bouger en ca<strong>de</strong>nce au son du<br />

Boléro, son occupant prenant visiblement p<strong>la</strong>isir <strong>à</strong> marquer <strong>la</strong> mesure.<br />

J’ai fait quelques visites en chambre, auprès <strong>de</strong> personnes qui ne pouvaient ou ne<br />

vou<strong>la</strong>ient pas être avec les autres dans <strong>la</strong> salle <strong>à</strong> manger. A chaque fois je me présente,<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> si <strong>la</strong> personne veut que je lui joue quelque chose. J’essaie <strong>de</strong> ne jamais<br />

m’imposer et d’interpréter au mieux les mimiques qui servent souvent <strong>de</strong> réponse. Je<br />

suis presque toujours bien accueillie, ou éconduite poliment si <strong>la</strong> personne préfère sa<br />

télévision ou n’aime pas le violon ! Eh oui, c’est possible et je dois en tenir compte !<br />

J’ai ainsi fait <strong>la</strong> connaissance d’une dame charmante, en possession <strong>de</strong> toutes ses<br />

facultés cognitives mais condamnée <strong>à</strong> l’immobilité par une sclérose. Elle a beaucoup<br />

apprécié ma visite et m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> lui jouer plusieurs pièces c<strong>la</strong>ssiques connues. Le<br />

violon m’a dispensée <strong>de</strong> longs discours et lui a donné beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir.<br />

J’ai visité Madame T., très dépendante, démente, qui appelle au secours sans arrêt,<br />

énervant fortement son entourage et l’équipe soignante, ce qui fait qu’elle est souvent<br />

isolée. Je suis entrée dans sa chambre et lui ai proposé <strong>de</strong> jouer, elle a accepté et a<br />

fait <strong>de</strong> son mieux pour chanter.<br />

En situation d’animation, et grâce <strong>à</strong> ma formation <strong>de</strong> thérapeute, j’ai été attentive <strong>à</strong><br />

l’apaisement que je pouvais apporter, soit par <strong>la</strong> musique, soit par mon écoute. Plusieurs<br />

fois j’ai eu <strong>de</strong>s questions du type : « alors on est ici jusqu’<strong>à</strong> <strong>la</strong> mort ? », « j’espère que<br />

ça va arriver vite, je ne veux pas rester ici encore longtemps … », ou « …tous les soirs<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

en me couchant je fais une prière, mon Dieu faites que je ne me réveille pas, et tous<br />

les matins en me réveil<strong>la</strong>nt : et mer<strong>de</strong> !... »<br />

La mort est un sujet tabou qu’on évite généralement d’abor<strong>de</strong>r, sauf en cas <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

grave ou d’acci<strong>de</strong>nt. Mais au contact <strong>de</strong> personnes très âgées et en fin <strong>de</strong> vie, ce n’est<br />

plus une pirouette qui permettra d’éviter le sujet.<br />

Les premières fois, je n’ai pas su quoi dire et suis restée muette et gênée, mais durant<br />

<strong>la</strong> formation, nous avions abordé ce sujet avec Christine Mu<strong>la</strong>rd et donc je me suis dit<br />

tout d’abord que c’était une marque <strong>de</strong> confiance <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong> me<br />

parler ainsi sans détour. J’ai également été <strong>à</strong> l’écoute <strong>de</strong> discours pouvant sembler<br />

tout <strong>à</strong> fait insensés comme l’histoire <strong>de</strong> cette femme m’assurant qu’elle <strong>de</strong>vait<br />

déménager avec sa mère et <strong>de</strong>scendre en bas ! Etait-ce une façon imagée pour dire<br />

qu’elle s’inquiétait d’une mort proche ?<br />

J’ai donc reconsidéré le sujet. Même si personne ne peut préjuger <strong>de</strong> <strong>la</strong> date <strong>de</strong> sa<br />

mort, il est évi<strong>de</strong>nt que l’échéance est beaucoup plus proche lorsqu’on a dépassé 80 ou<br />

90 ans qu’<strong>à</strong> 50. En situation d’écoute <strong>thérapeutique</strong>, j’aurai <strong>à</strong> entendre cette<br />

préoccupation.<br />

J’ai vécu une expérience poignante au chevet d’une dame en fin <strong>de</strong> vie, entourée par<br />

ses enfants et petits enfants, qui ont accepté que je vienne jouer quelques minutes<br />

pour elle. L<strong>à</strong> aussi mon violon a parlé pour moi et je ne l’ai pas quittée <strong>de</strong>s yeux. Elle a<br />

esquissé <strong>de</strong>s bravos <strong>à</strong> chaque morceau, ce qui a beaucoup ému sa famille… et moi aussi<br />

par <strong>la</strong> même occasion.<br />

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Quelque autres « rencontres <strong>thérapeutique</strong>s »<br />

Maison <strong>de</strong> Retraite « Les Jardins <strong>de</strong> Chagot »<br />

Depuis janvier 2012, j’interviens une fois par mois dans une maison <strong>de</strong> retraite <strong>à</strong><br />

Beaumont du Gâtinais. Il s’agit <strong>de</strong> proposer une séance <strong>de</strong> musicothérapie <strong>à</strong> un groupe<br />

<strong>de</strong> 12 personnes environ. Même si ce sont en partie les mêmes rési<strong>de</strong>nts qui<br />

reviennent, c’est un groupe ouvert puisque sa composition pourra varier chaque fois. Je<br />

mets donc en pratique ce que j’ai appris aux Magnolias avec Pi<strong>la</strong>r, (échauffement,<br />

rythme puis chansons) mais il faut quelques ajustements et d’abord créer un climat <strong>de</strong><br />

confiance. L’animatrice m’a aussi proposé <strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce un outil d’évaluation qui<br />

me sera utile autant qu’<strong>à</strong> elle. 10<br />

Après les premières séances, les commentaires ont été positifs sur mon « calme » et<br />

sur le p<strong>la</strong>isir qu’ils avaient eu <strong>à</strong> chanter les vieilles chansons. Nous avons constaté aussi<br />

qu’une patiente très angoissée se détendait au fur et <strong>à</strong> mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> séance, qu’une<br />

autre, violente avant mon arrivée, s’était calmée et intéressée.<br />

Le violon m’a été l<strong>à</strong> encore un bon soutien. C’est avec lui que j’ai démarré <strong>la</strong> première<br />

séance, histoire <strong>de</strong> donner le ton et <strong>de</strong> me présenter !<br />

Après quatre séances et grâce aux retours <strong>de</strong> l’animatrice qui m’accompagne, <strong>de</strong>s<br />

premiers effets positifs se dégagent. Mon intervention est désormais attendue et se<br />

met en p<strong>la</strong>ce plus facilement. Nous prévoyons par <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> scin<strong>de</strong>r <strong>la</strong> séance en <strong>de</strong>ux<br />

groupes afin <strong>de</strong> permettre <strong>à</strong> quelques personnes plus « fragiles » <strong>de</strong> s’exprimer. Ce<br />

10 Voir grille d’évaluation en annexe 2<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

sera pour moi l’occasion <strong>de</strong> mettre un nouveau projet en p<strong>la</strong>ce et <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s<br />

accompagnements plus personnalisés, c’est donc une expérience très riche.<br />

Accueil St Aubin (76) Institution pour femmes polyhandicapées<br />

Pendant <strong>de</strong>ux jours durant l’été 2010, j’ai suivi Chantal, une amie <strong>de</strong> formation, dans ce<br />

lieu et rencontré plusieurs groupes d’adultes polyhandicapées. Le choc a été fort car<br />

je n’avais jamais approché ces personnes. Comme beaucoup <strong>de</strong> gens, je n’étais pas<br />

habituée <strong>à</strong> voir <strong>de</strong>s personnes handicapées dans ma vie <strong>de</strong> tous les jours, et encore<br />

moins <strong>à</strong> leur parler ! Les raisons sont sans doute <strong>la</strong> gêne, <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> mal faire, ou <strong>de</strong><br />

faire mal, d’être mal reçu, agressé, toutes peurs qu’engendre <strong>la</strong> différence…<br />

Pendant ces <strong>de</strong>ux jours, j’ai accompagné Chantal dans ses séances : Elle propose <strong>à</strong><br />

différents groupes homogènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique <strong>à</strong> visée <strong>thérapeutique</strong>. Nous avons testé<br />

quelques unes <strong>de</strong>s pratiques vues au CIM, impros <strong>de</strong> percussions, conte musical… et j’ai<br />

vu l<strong>à</strong> aussi combien Etre était important.<br />

J’y ai vécu <strong>de</strong>s moments chaleureux, et d’autres <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> émotion. Je me suis sentie<br />

bien l<strong>à</strong>-bas, bien accueillie avec <strong>la</strong> sensation d’apporter quelque chose. Avec le recul, je<br />

comprends que j’étais surtout très bien accompagnée par Chantal qui connait<br />

parfaitement ce public, ayant travaillé plus <strong>de</strong> quarante années avec eux, et qui<br />

possè<strong>de</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s qualités humaines, ce qui fait que j’ai été tout <strong>de</strong> suite acceptée.<br />

Je me souviens notamment <strong>de</strong> trois jeunes filles polyhandicapées, dans <strong>de</strong>s fauteuils<br />

coques, n’ayant apparemment aucune communication avec le mon<strong>de</strong>… Pour <strong>la</strong> première<br />

séance avec elles, je suis arrivée un peu avant Chantal et suis entrée bravement dans<br />

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<strong>la</strong> salle en par<strong>la</strong>nt toute seule pour me présenter… puis j’ai sorti mon violon et ai essayé<br />

vainement d’obtenir une réaction ! Ce moment inconfortable a duré 5 minutes<br />

interminables, puis Chantal est arrivée et dès le seuil <strong>de</strong> <strong>la</strong> porte s’est adressée aux<br />

jeunes filles en par<strong>la</strong>nt d’une <strong>voix</strong> enjouée. Qu’elle ne fut pas ma surprise <strong>de</strong> voir pour<br />

<strong>la</strong> première fois une réaction <strong>de</strong> leur part ! Puis nous avons écouté <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique en<br />

chantant et jouant au plus près <strong>de</strong>s patientes, pour apparemment leur plus grand<br />

bonheur et une bonne détente !<br />

C’était donc une toute première approche du handicap et pas <strong>la</strong> plus facile, mais j’ai<br />

été rassurée et prête <strong>à</strong> abor<strong>de</strong>r ce public.<br />

Ces <strong>de</strong>ux jours m’ont appris que <strong>la</strong> vie est l<strong>à</strong> aussi, qu’il s’agit <strong>de</strong> personnes <strong>à</strong> part<br />

entière qu’il est bon d’envisager et que <strong>la</strong> musique est un <strong>la</strong>ngage universel. L<strong>à</strong> encore,<br />

mes instruments ont été ma <strong>voix</strong>. J’avais bien sûr apporté mon violon mais aussi ma<br />

vièle et les flûtes <strong>à</strong> bec. Tous ces instruments ont été appréciés et touchés avec<br />

beaucoup <strong>de</strong> bonheur comme une jolie nouveauté. Quant <strong>à</strong> savoir s’ils étaient<br />

<strong>thérapeutique</strong>s, je n’ai pas eu assez <strong>de</strong> recul pour pouvoir en juger mais l<strong>à</strong> encore je me<br />

suis servi <strong>de</strong>s instruments comme médiateurs et comme <strong>voix</strong> l<strong>à</strong> où les mots étaient<br />

vraiment trop difficiles <strong>à</strong> comprendre et <strong>à</strong> p<strong>la</strong>cer.<br />

Je suis retournée dans cet établissement début mai 2012 et j’ai pu me rendre compte<br />

du changement qui s’est opéré en moi. J’ai pu animer une partie <strong>de</strong>s séances, avec<br />

beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir et <strong>de</strong> facilité car j’ai beaucoup moins d’appréhension <strong>à</strong> aller vers<br />

les personnes, et <strong>de</strong> même qu’en gériatrie, le <strong>la</strong>ngage émotionnel est l<strong>à</strong> aussi très<br />

important.<br />

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Les « vertus » <strong>thérapeutique</strong>s du violon<br />

Je vais maintenant montrer en quoi le violon peut être considéré comme <strong>thérapeutique</strong><br />

dans une re<strong>la</strong>tion d’ai<strong>de</strong>, principalement en gériatrie.<br />

Tout d’abord, pour qu’il soit qualifié <strong>de</strong> <strong>thérapeutique</strong> il faut qu’il « remette en<br />

harmonie » les patients puisque c’est le premier rôle d’une pratique <strong>thérapeutique</strong>.<br />

Le violon véhicule <strong>de</strong>s émotions diverses comme <strong>la</strong> nostalgie, <strong>la</strong> tristesse :<br />

les souvenirs et les <strong>la</strong>rmes sont fréquents <strong>à</strong> l’écoute <strong>de</strong> <strong>la</strong> « Java Bleue » ou<br />

<strong>de</strong> « Parlez-moi d’amour » et <strong>de</strong> tant d’autres, mais aussi <strong>la</strong> joie, <strong>la</strong> gaîté, <strong>la</strong><br />

danse. Au violon, il est possible <strong>de</strong> rendre <strong>la</strong> « note sensible » (note <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

gamme précé<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> tonique) beaucoup plus sensible que sur un instrument<br />

tempéré comme le piano, l’accordéon ou encore <strong>la</strong> guitare. On peut dire qu’il<br />

joue sur <strong>la</strong> cor<strong>de</strong> sensible !<br />

Le violon est l’instrument qui est le plus proche <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>voix</strong> humaine par sa<br />

tessiture, ce qui est un atout dans <strong>la</strong> communication émotionnelle. On peut<br />

dire qu’il parle pour moi et dit ce que je n’ose peut-être pas dire moi-même.<br />

La communication est non-verbale dans ce cas et accè<strong>de</strong> donc directement<br />

aux émotions, ce qui est un atout dans les cas <strong>de</strong> démences. Toutefois il<br />

n’est pas <strong>la</strong> <strong>voix</strong> humaine et est donc moins intime, mais c’est peut-être<br />

paradoxalement cette distance qui me permet d’être si proche <strong>de</strong>s patients.<br />

Un climat <strong>de</strong> confiance est installé et <strong>de</strong>s choses peuvent se dire et se<br />

raconter ensuite.<br />

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Il accompagne très souvent les vieilles chansons du répertoire et a un effet<br />

« mémoire ».<br />

C’est un instrument « rare » dans ces lieux, car on y rencontre plus<br />

fréquemment <strong>la</strong> guitare, l’accordéon ou le c<strong>la</strong>vier.<br />

Il permet une gran<strong>de</strong> proximité avec les personnes. Je peux venir tout près,<br />

jouer en les regardant et en leur souriant, fiers <strong>de</strong> sentir que je joue pour<br />

eux. A chaque fois, <strong>la</strong> réaction est <strong>la</strong> même, <strong>la</strong> personne se redresse, me<br />

sourit, essaie <strong>de</strong> chanter ou <strong>de</strong> battre <strong>la</strong> mesure…<br />

Il est très facile d’en varier l’intensité sonore, du pianissimo au forte, ce qui<br />

permet <strong>de</strong> s’adapter complètement <strong>à</strong> <strong>la</strong> sensibilité <strong>de</strong>s personnes.<br />

Avec <strong>de</strong>s patients souvent un peu durs d’oreille et parfois appareillés, une<br />

musique enregistrée est mal perçue alors que le violon est bien mieux<br />

entendu et toléré.<br />

Et enfin, « Le violon donne <strong>de</strong>s ailes aux pieds ! » Le violon me permet <strong>de</strong><br />

bouger, danser, il est une extension <strong>de</strong> mon corps. Il me permet par<br />

conséquent d’induire un mouvement et inviter les personnes <strong>à</strong> bouger par son<br />

évocation <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse. C’est très vrai sur <strong>de</strong>s valses qui ont marqué<br />

quasiment toutes les personnes que je rencontre. J’ai d’ailleurs constaté que<br />

beaucoup <strong>de</strong>s chansons « rengaines » sont sur un tempo <strong>de</strong> valse (La Java<br />

Bleue, l’Amant <strong>de</strong> St Jean, Parlez-moi d’amour, Le petit Vin B<strong>la</strong>nc, les Roses<br />

B<strong>la</strong>nches, etc…). J’ai donc remarqué que jouer une valse en bougeant moi-<br />

même incitait les personnes <strong>à</strong> bouger, se ba<strong>la</strong>ncer, voire se lever et<br />

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esquisser quelques pas <strong>de</strong> valse ou <strong>la</strong> danser si par bonheur une secon<strong>de</strong><br />

personne est tentée !<br />

La valse, mais pas seulement ! Le tango aussi bien sûr, mais j’utilise aussi <strong>de</strong>s<br />

musiques traditionnelles, ir<strong>la</strong>ndaises ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> Renaissance, et le mouvement<br />

est également induit. Je sais qu’imaginer faire un mouvement provoque dans<br />

le cerveau <strong>de</strong>s changements et que les sportifs utilisent <strong>la</strong> visualisation pour<br />

parfaire leurs mouvements. Pour <strong>de</strong>s personnes privées <strong>de</strong> mobilité ou<br />

souffrant dans leur corps comme c’est malheureusement souvent le cas avec<br />

l’âge, ceci me semble pouvoir s’appliquer. Témoin <strong>la</strong> remarque <strong>de</strong> cette dame<br />

<strong>de</strong> l’Accueil Temporaire, marchant avec une canne mais qui se levait<br />

spontanément dès qu’une chanson commençait et se mettait <strong>à</strong> danser. Elle<br />

nous a dit <strong>à</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> séance : « c’est plus fort que moi, ça remue <strong>à</strong><br />

l’intérieur (en montrant sa tête et son ventre), ça tourne tout seul ! »<br />

Je suis donc allée faire quelques recherches sur les neurones miroir pour étayer cette<br />

idée.<br />

Les neurones-miroirs ont été découverts vers le milieu <strong>de</strong>s années 50 par Rizzo<strong>la</strong>tti.<br />

Ils sont logés dans l’aire <strong>de</strong> Broca et ont une implication dans <strong>la</strong> communication<br />

humaine et tout ce qui est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> l’empathie ("réflexe empathique"). Les<br />

métho<strong>de</strong>s les plus mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> l'investigation cérébrale ont permis <strong>de</strong> définir 3 buts<br />

principaux correspondants <strong>à</strong> diverses sous-popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> ces neurones miroirs : les<br />

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apprentissages, l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> l’intention <strong>de</strong> l’acte et <strong>la</strong> compréhension <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

composante émotionnelle associée au geste.<br />

Dans <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, le siège lésionnel initial est hippocampique puis temporal<br />

et tardivement diffus (donc abordant l’aire 44 <strong>de</strong> Broadman ou aire <strong>de</strong> Broca, <strong>de</strong>s<br />

neurones miroirs).<br />

On peut avancer l'hypothèse que ce soit seulement <strong>à</strong> un sta<strong>de</strong> avancé que l’empathie<br />

est altérée dans <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.<br />

Il a été avancé que l'éloignement <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone principale <strong>de</strong>s neurones miroirs et <strong>de</strong><br />

l'hippocampe pouvait suggérer qu'une communication bien conduite pouvait, par<br />

empathie, influer <strong>de</strong> façon bénéfique sur les troubles psycho-comportementaux <strong>de</strong>s<br />

patients atteints <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d'Alzheimer.<br />

« (…) <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong>s neurones miroirs par Rizzo<strong>la</strong>tti sous-tend <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> que je<br />

propose <strong>de</strong>puis longtemps pour mieux communiquer avec le patient : <strong>la</strong> gestuelle donne<br />

un supplément <strong>de</strong> sens aux paroles, et elle permet une contagion émotionnelle positive<br />

via l'empathie sous-tendue par ces neurones miroirs (…)<br />

Les neurones miroirs longtemps épargnés dans <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d'Alzheimer, permettent aux<br />

patients d'intégrer toutes ces données non verbales, (…)<br />

(…) Chez l’Alzheimer, le vécu est très égocentré, le changement <strong>de</strong> point <strong>de</strong> vue<br />

(décentrage) est impossible ou difficile, les référentiels ont changé, <strong>de</strong> même les<br />

ajustements émotionnels sont mal contrôlés. La partie <strong>de</strong> l’empathie qui concerne le<br />

formatage <strong>de</strong> son propre discours en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> représentation qu’on se fait <strong>de</strong> ce<br />

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que l’autre attend <strong>de</strong> nous, parait exclue, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> n’en est plus capable. Pourtant le<br />

sujet reste apte <strong>à</strong> se <strong>la</strong>isser en quelque sorte influencer par l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnes<br />

qu’il a face <strong>à</strong> lui. »<br />

Extraits d'interview du Dr Jean-Pierre Polydor par le Dr Bertrand Mercier, pour<br />

Impact Santé. Jean-Pierre Polydor, et « Alzheimer, mo<strong>de</strong> d'emploi, le livre <strong>de</strong>s<br />

aidants », préfacé par Ma<strong>de</strong>leine Chapsal, prix femina.<br />

Tout ceci explique certainement l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s patients qui copient mes gestes,<br />

chantent avec moi, se lèvent pour danser… Il s’agirait donc bien d’un processus<br />

empathique. L'empathie (du grec ancien ἐν, dans, <strong>à</strong> l'intérieur et πάθoς, souffrance, ce<br />

qui est éprouvé) est une notion complexe désignant le mécanisme par lequel un individu<br />

peut « comprendre » les sentiments et les émotions d'un autre individu voire, dans un<br />

sens plus général, ses états mentaux non-émotionnels, comme ses croyances (il est<br />

alors plus spécifiquement question d'« empathie cognitive »). L'empathie est<br />

différente <strong>de</strong> <strong>la</strong> sympathie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> compassion ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> contagion émotionnelle. Telle est<br />

<strong>la</strong> définition que donne Wikipédia. Je dirai donc que l’empathie marche dans les <strong>de</strong>ux<br />

sens dans ce type <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion.<br />

L’accompagnement par empathie est une <strong>de</strong>s solutions non-médicamenteuses <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die qui est proposé par Jacques Boilève , il dit : « il s’agit dans ce cas d’entrer en<br />

écoute <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne et <strong>de</strong> lui faire ressentir qu’elle est entendue. Du fait <strong>de</strong><br />

l’isolement dans lequel se trouvent les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s et <strong>de</strong> l’incompréhension dont ils<br />

souffrent, l’intérêt est évi<strong>de</strong>nt. Cette pratique <strong>de</strong>man<strong>de</strong> cependant <strong>de</strong>s qualités<br />

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humaines et/ou une compétence rares, ainsi que du temps qui revient cher ». (J.<br />

Boilève – www.santé-pratique.fr)<br />

Le son du violon est un élément important pour entretenir <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion empathique.<br />

J’ai remarqué que <strong>de</strong>puis plusieurs mois le son <strong>de</strong> mon violon a changé. Il est <strong>de</strong>venu<br />

plus « chantant », plus subtil. Cette transformation s’est faite progressivement et est<br />

due en gran<strong>de</strong> partie <strong>à</strong> l’intention qui est désormais présente dans mon jeu et <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

façon dont les patients m’écoutent et chantent. Je joue désormais sur un mo<strong>de</strong><br />

d’échange, un aller-retour entre eux et moi et non plus dans un souci purement<br />

artistique et <strong>de</strong> perfection.<br />

« Le son est au violon ce que <strong>la</strong> <strong>voix</strong> est au chant, <strong>la</strong> forme matérielle qui donne vie <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

musique et qui en est inséparable. Comme <strong>la</strong> <strong>voix</strong>, le son est support musical absolu, le<br />

fil qui véhicule <strong>la</strong> musique et fait naître l’émotion » (Le <strong>Violon</strong> intérieur – D Hoppenot)<br />

« Cet instrument possè<strong>de</strong> une sorte d’aura, lui conférant un pouvoir presque magique.<br />

Certains grands violonistes, <strong>à</strong> l’instar <strong>de</strong>s divas, ont soulevé et soulèvent toujours<br />

l’enthousiasme <strong>de</strong>s foules ; Les « grands violons », notamment les Stradivarius,<br />

possè<strong>de</strong>nt un mystère qui n’a jamais, en dépit <strong>de</strong>s recherches minutieuses effectuées<br />

par nombre <strong>de</strong> spécialistes, été élucidé. Le mystère <strong>de</strong> <strong>la</strong> sonorité <strong>de</strong>s ces<br />

instruments, plus encore <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> d’or, (…) reste encore entier. Quant <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

nature du lien unissant le violoniste <strong>à</strong> son instrument, certains y <strong>voie</strong>nt un attachement<br />

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<strong>de</strong> type fusionnel, un prolongement <strong>de</strong> leur être (…). Seule <strong>la</strong> <strong>voix</strong> humaine peut<br />

rivaliser avec le violon » écrit l’auteur ang<strong>la</strong>is Toby Faber dans son livre Stradivarius.<br />

Je pense donc qu’un violon joué sans intention <strong>thérapeutique</strong>, n’aurait pas le même<br />

effet. Je ne propose que rarement <strong>de</strong> jouer quelque chose façon concert, ou si je le<br />

fais ce n’est que sur un très court extrait connu, avec l’accord <strong>de</strong>s personnes et pour<br />

leur faire p<strong>la</strong>isir. J’ai entendu une fois <strong>la</strong> remarque d’une animatrice : « d’habitu<strong>de</strong> le<br />

violon ça grince mais que l<strong>à</strong> c’était bien » !!! Le violon a aussi cette image négative dans<br />

l’esprit <strong>de</strong>s gens et il faut toujours commencer par vali<strong>de</strong>r que tous sont d’accord pour<br />

l’écouter.<br />

Il est question l<strong>à</strong> aussi d’empathie. Ceci passe par un lâcher prise qui me permet <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>isser parler les sensations et entrer en résonnance avec le patient. On pourrait aussi<br />

parler d’amour dans le sens où Dominique Hoppenot le dit (cf p. 14). Nous parlons ici <strong>de</strong><br />

l’amour <strong>de</strong> son prochain, <strong>de</strong> l’amour universel, qui n’attend rien et qui est inépuisable.<br />

Cet amour l<strong>à</strong> s’invite dans les échanges <strong>thérapeutique</strong>s et le violon en est un excellent<br />

transmetteur. N’oublions pas non plus <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> bonne distance afin d’offrir un plus<br />

grand espace <strong>de</strong> liberté <strong>à</strong> chacun.<br />

Et puis les légen<strong>de</strong>s et mythes sont nombreux sur l’effet qu’un instrument peut avoir<br />

pour entraîner et charmer. On peut bien sûr commencer par Orphée et sa lyre, le<br />

joueur <strong>de</strong> Hamelin et sa flûte, j’ai aussi trouvé un joli conte « le violon enchanté » où<br />

tous les ingrédients sont présents (voir annexe 1)…<br />

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5/ Conclusion et validation <strong>de</strong> l’hypothèse<br />

J’avancerai donc que le violon est bien un outil <strong>thérapeutique</strong> dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion que j’ai<br />

avec les patients. Médiateur très riche, il est particulièrement bien adapté en<br />

gériatrie et auprès <strong>de</strong> personnes atteintes <strong>de</strong> démences <strong>de</strong> type Alzheimer. Il procure<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> joie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sérénité et <strong>de</strong> l’harmonie et met en mouvement. Il est tout aussi<br />

adapté <strong>à</strong> ma personne et m’a été un superbe outil qui m’a permis toute cette année<br />

d’entrer en re<strong>la</strong>tion <strong>thérapeutique</strong> et <strong>de</strong> prendre confiance en mes capacités.<br />

Toutefois il n’est pas le seul outil dont je dispose, et c’est heureux. Mon apprentissage<br />

<strong>de</strong> musicothérapeute n’en est qu’<strong>à</strong> ses débuts et avec l’expérience je ne doute pas <strong>de</strong><br />

pouvoir utiliser avec autant <strong>de</strong> bonheur d’autres moyens, dont ma <strong>voix</strong> bien sûr. Le<br />

violon ne fait que transmettre les émotions et l’empathie qui m’habitent. « Le son du<br />

violon nait <strong>à</strong> l’intérieur du violoniste » a dit Joshua Bell (violoniste virtuose).<br />

Pour ma part, si j’ai toujours une légère appréhension avant chaque intervention, je<br />

suis <strong>de</strong> plus en plus sereine et heureuse en situation. Je gar<strong>de</strong> en mémoire ce que nous<br />

a dit Sylvie Braun en début <strong>de</strong> formation : « Si je suis juste avec moi-même, je<br />

ferai juste ». Je le vérifie chaque fois. Pas question <strong>de</strong> ne pas être « vraie » ou <strong>de</strong><br />

penser <strong>à</strong> autre chose, c’est tout <strong>de</strong> suite perçu !<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Pi<strong>la</strong>r m’a <strong>de</strong>mandé récemment : « Pourquoi veux-tu être musicothérapeute ? »<br />

Belle question ! Oui pourquoi ?<br />

Peut-être était-il temps pour moi <strong>de</strong> donner enfin du sens <strong>à</strong> mon travail et <strong>à</strong> ma vie.<br />

Temps <strong>de</strong> donner <strong>de</strong> moi-même aux autres, <strong>de</strong> restituer en quelque sorte ce qui m’a été<br />

donné jusque l<strong>à</strong>. De donner du temps et <strong>de</strong> l’amour. Temps aussi <strong>de</strong> réaliser un rêve<br />

d’enfant <strong>de</strong> vivre ma musique, d’être violoniste pour <strong>de</strong> vrai !<br />

J’ai pu réconcilier mon i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> musicienne avec celle d’une professionnelle du soin,<br />

remise en harmonie ! En effet quel beau ca<strong>de</strong>au pour moi <strong>de</strong> pouvoir utiliser mes<br />

talents, mes dons, pour ai<strong>de</strong>r mon prochain.<br />

Depuis quelque temps, je m’offre tous les jours une petite séance d’ « auto-<br />

musicothérapie », concoctée <strong>à</strong> base <strong>de</strong> re<strong>la</strong>xation, étirements, ancrage, centrage… le<br />

tout en musique bien sûr. Ceci n’est pas sans influer sur mon état <strong>de</strong> sérénité<br />

intérieure, pour mon plus grand bien et celui <strong>de</strong>s patients. J’ai aussi démarré un travail<br />

sur <strong>la</strong> <strong>voix</strong> et le souffle.<br />

Je sens que je « répare » beaucoup <strong>de</strong> choses en moi et que je suis <strong>de</strong> plus en plus<br />

heureuse. Je vois et j’entends que je fais du bien aux patients et je me fais donc du<br />

bien en retour.<br />

Je terminerai sur cette petite phrase d’une patiente : « vous avez l’air heureuse ! ».<br />

Mais oui ! C’est vrai.<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

6/ Remerciements<br />

Je tiens <strong>à</strong> remercier en tout premier Pi<strong>la</strong>r Garcia pour son soutien et ses<br />

conseils et aussi pour m’avoir fait confiance et permis <strong>de</strong> travailler et<br />

apprendre <strong>à</strong> ses côtés. Son amitié m’est précieuse.<br />

J’en profite pour remercier également les membres <strong>de</strong> l’Association<br />

Intervalles.<br />

Un grand Merci aussi <strong>à</strong> Diane Wagrowska, Directrice <strong>de</strong> l’Animation <strong>à</strong> l’Hôpital<br />

<strong>de</strong>s Magnolias. C’est aussi sa confiance qui m’a permis <strong>de</strong> vivre toutes ces<br />

expériences et <strong>de</strong> nourrir ce mémoire.<br />

Merci aux intervenants du CIM et <strong>à</strong> son équipe <strong>de</strong> direction, Sylvie Braun et<br />

Dominique Bertrand. Votre enseignement et votre savoir-être m’ont été<br />

précieux.<br />

Merci aux groupes 66 et 65. Nous avons partagé beaucoup et avons grandi<br />

ensemble.<br />

Merci aussi aux ami(e)s qui ont relu et commenté ce mémoire, vos indications<br />

ont été précieuses.<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

7/ Bibliographie<br />

Le Grand Livre du <strong>Violon</strong><br />

Edition préparée par Dominic Gill<br />

Editions Van <strong>de</strong> Vel<strong>de</strong> – Luynes 1984<br />

Le violon intérieur<br />

Dominique Hoppenot<br />

Editions Van <strong>de</strong> Vel<strong>de</strong> – Paris 1981<br />

Alzheimer et les ma<strong>la</strong>dies apparentées<br />

Dr Bernard Croisile<br />

Larousse Gui<strong>de</strong>s Santé – Paris 2007<br />

Validation, pour une vieillesse pleine <strong>de</strong> sagesse<br />

Naomie Feil<br />

Lamarre - Pays-Bas 2005<br />

Alzheimer, communiquer grâce <strong>à</strong> <strong>la</strong> musicothérapie<br />

Suzanne Ogay<br />

Préface du Dr Louis Ploton<br />

L’Harmattan – Paris 2011<br />

Manuel Pratique. Animer un atelier <strong>de</strong> chant auprès <strong>de</strong> personnes âgées Dépendantes<br />

Pi<strong>la</strong>r Garcia<br />

Azur Média – Noisy le Sec 2008<br />

Stradivari’s Genius<br />

Toby Faber<br />

Random House – USA 2004<br />

Alzheimer, mo<strong>de</strong> d’emploi. Le livre <strong>de</strong>s aidants<br />

J.-P. Polydor<br />

L’esprit du temps - 2009<br />

Sources Internet :<br />

Le violon<br />

Wikipédia. (s.d.). Le violon / entretien du violoniste / p<strong>la</strong>sticité cérébrale. Récupéré sur<br />

http://fr.wikipedia.org/wiki/<strong>Violon</strong>#Entretien_courant_ex.C3.A9cut.C3.A9_par_le_violoniste<br />

La trame harmonique<br />

Dominique Bertrand, trouveurdor.com. Récupéré sur<br />

http://db.hautetfort.com/archive/2008/08/27/<strong>la</strong>-trame-harmoniques.html<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

HPGM Les Magnolias<br />

http://www.hopital-les-magnolias.com/<br />

http://www.hopital-les-magnolias.com/<br />

Conférence <strong>de</strong> Lutry<br />

Georges Haldas<br />

1995<br />

http://www.sante-vivante.fr/IMG/pdf/SV-ALZHEIMER.pdf<br />

Jacques B. Boislève<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Annexe 1<br />

J’ai souhaité inclure ce conte pour illustrer ce mémoire. On y retrouve les grands thèmes <strong>de</strong>s<br />

contes c<strong>la</strong>ssiques, famille composée d’une fratrie privée <strong>de</strong> mère, jalousie <strong>de</strong>s sœurs vis-<strong>à</strong>-vis<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus belle… mais aussi certains thèmes reliés aux vertus <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique : <strong>la</strong> <strong>voix</strong> <strong>de</strong><br />

rossignol qui ensorcèle, et surtout du violon, qui pleure puis qui chante et parle, puis qui se<br />

transforme en femme une fois brisé... On dit c<strong>la</strong>irement que le violon est « enchanté », il<br />

chante donc et a une <strong>voix</strong> !<br />

Le <strong>Violon</strong> Enchanté<br />

Conte tzigane <strong>de</strong> Marie Voriskova<br />

Un jour, il y a <strong>de</strong> ce<strong>la</strong> longtemps, très longtemps, vivait un riche baron qui avait trois filles. Deux<br />

n'étaient pas jolies, mais <strong>la</strong> plus jeune était ravissante. L'aînée s'appe<strong>la</strong>it Suzon : elle était longue et<br />

maigre comme un piquet, elle avait <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts et le nez comme un crochet.<br />

La ca<strong>de</strong>tte qui s'appe<strong>la</strong>it Catherine était petite et boulotte, elle avait les joues rouges comme <strong>de</strong>s<br />

radis, <strong>de</strong>s jambes comme <strong>de</strong>s courges et elle louchait.<br />

Quant <strong>à</strong> <strong>la</strong> troisième, Lei<strong>la</strong>, elle était comme un bouton <strong>de</strong> rose : charmante, le teint frais et gaie<br />

comme une hiron<strong>de</strong>lle. Elle avait une <strong>voix</strong> <strong>de</strong> rossignol : quand elle chantait tous s'arrêtaient, ravis,<br />

ensorcelés. Mais on ne l'aimait pas seulement pour sa beauté, mais aussi parce qu'elle était bonne,<br />

qu'elle ne faisait pas, comme ses sœurs, souffrir les domestiques, enfin, parce qu'elle ne renvoyait<br />

jamais un pauvre les mains vi<strong>de</strong>s. C'était <strong>la</strong> préférée du baron et ses sœurs étaient jalouses. Elles<br />

n'avaient jamais aimé Lei<strong>la</strong>, même lorsqu'elles étaient <strong>de</strong>s enfants. Devenues gran<strong>de</strong>s, elles se<br />

prirent <strong>à</strong> <strong>la</strong> haïr, sachant qu'elles ne se marieraient pas tant que leur jeune sœur serait <strong>à</strong> <strong>la</strong> maison.<br />

Un jour, Suzon dit <strong>à</strong> Catherine :<br />

- Il faudrait nous débarrasser <strong>de</strong> ce poison d'une façon ou d'une autre. Tant qu'elle viendra avec<br />

nous au bal, nous ne trouverons pas <strong>de</strong> prétendants.<br />

- Ils n'ont d'yeux que pour elle et personne ne nous remarque, soupira Catherine. Demandons <strong>à</strong><br />

papa <strong>de</strong> ne pas <strong>la</strong> <strong>la</strong>isser sortir tant que nous n'aurons pas trouvé <strong>à</strong> nous marier.<br />

- Essayons, dit Suzon.<br />

Les <strong>de</strong>ux sœurs allèrent donc voir leur père et lui présentèrent leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Le vieux baron savait<br />

que ses filles avaient raison. Et comme il préférait <strong>la</strong> plus jeune, il n'avait aucune envie <strong>de</strong> <strong>la</strong> voir<br />

partir <strong>la</strong> première. Par contre, il souhaitait <strong>de</strong> tout cœur se débarrasser au plus vite <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux aînées,<br />

car elles n'étaient pas commo<strong>de</strong>s. Il fit appeler Lei<strong>la</strong> et lui dit :<br />

- Ecoute, mon enfant : tu es trop belle et tu portes ombrage <strong>à</strong> tes sœurs, elles ne pourront jamais se<br />

marier si tu continues <strong>à</strong> les accompagner partout. Mieux vaudrait donc pour tout le mon<strong>de</strong> ne plus<br />

te montrer avec elles et rester <strong>à</strong> <strong>la</strong> maison tant qu'elles n'auront pas trouvé <strong>de</strong> prétendants.<br />

- Comme tu voudras, papa, répondit doucement <strong>la</strong> jeune fille.<br />

A partir <strong>de</strong> ce jour, Lei<strong>la</strong> ne sortit plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison. Et pourtant, les <strong>de</strong>ux aînées n'arrivaient pas <strong>à</strong> se<br />

marier. Même lorsque Lei<strong>la</strong> ne les accompagnait pas au bal, elles faisaient tapisserie toute <strong>la</strong> nuit :<br />

personne ne les invitait <strong>à</strong> danser et, bien sûr, pas question <strong>de</strong> mariage. Au bout <strong>de</strong> quelque temps,<br />

Suzon dit <strong>à</strong> Catherine :<br />

- Ton idée n'a servi <strong>à</strong> rien. Tant qu'elle restera en vie, nous ne pourrons trouver le bonheur.<br />

- Elle nous enterrera toutes les <strong>de</strong>ux, soupira Catherine.<br />

- Ce<strong>la</strong> dépend aussi <strong>de</strong> nous, s'écria Suzon.<br />

- Que veux-tu dire ?<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

- Eh bien, un malheur est vite arrivé.<br />

Catherine sursauta :<br />

- Il ne faut pas dire <strong>de</strong>s choses pareilles ! Lei<strong>la</strong> est quand même notre sœur.<br />

- Pauvre sotte, répartit Suzon, reste vieille fille jusqu'<strong>à</strong> <strong>la</strong> mort si le cœur t'en dit !<br />

Suzon se rendit droit <strong>à</strong> <strong>la</strong> chambre <strong>de</strong> sa jeune sœur et prit une <strong>voix</strong> douce : ne t'ennuies-tu pas <strong>à</strong><br />

rester seule ? Viens donc faire un tour dans le jardin. Lei<strong>la</strong> bondit <strong>de</strong> joie.<br />

-J'irai volontiers avec toi, dit-elle. Où est Catherine ?<br />

- Elle dort, répondit Suzon.<br />

Elle prit Lei<strong>la</strong> par <strong>la</strong> main et l'entraîna dans le jardin. Au bout d'un moment, elle dit : voil<strong>à</strong> longtemps<br />

que tu n'es pas sortie du jardin, petite sœur... Si nous allions jusqu'<strong>à</strong> <strong>la</strong> forêt ?<br />

- Je ne peux pas, soupira Lei<strong>la</strong>. Tu sais bien que papa me l'a interdit.<br />

- Pour une fois, il ne dira rien, fit Suzon. Nous serons <strong>de</strong> retour dans un moment et il fait si bon dans<br />

le bois.<br />

Lei<strong>la</strong> se <strong>la</strong>issa tenter et suivit sa sœur jusqu'<strong>à</strong> <strong>la</strong> forêt. Chemin faisant, Suzon bavardait<br />

joyeusement. Comme elles arrivaient au bord d'un profond ravin, Suzon s'arrêta :<br />

- Vois-tu cette pente ? dit-elle, si quelqu'un tombait d'ici, il se tuerait <strong>à</strong> coup sûr.<br />

Tout en par<strong>la</strong>nt, elle lâcha <strong>la</strong> main <strong>de</strong> sa sœur et <strong>la</strong> poussa avec violence. Lei<strong>la</strong> perdit l'équilibre et<br />

tomba. Mais dans sa chute, elle réussit <strong>à</strong> s'accrocher <strong>à</strong> <strong>la</strong> branche d'un buisson <strong>de</strong> genévrier qui<br />

poussait dans une fente entre les rochers.<br />

- Au secours ! cria-t-elle. Il ne lui vint même pas <strong>à</strong> l'esprit que Suzon l'avait poussée exprès.<br />

- Ai<strong>de</strong>-moi, petite sœur ! criait-elle en lui tendant sa main libre, tandis que l'autre s'agrippait<br />

fermement au genévrier.<br />

- Je vais t'ai<strong>de</strong>r ! rugit Suzon enragée <strong>de</strong> voir que Lei<strong>la</strong> vivait encore. Je vais t'ai<strong>de</strong>r mais pas comme<br />

tu le penses !<br />

Elle arracha une longue branche et <strong>la</strong> tendit <strong>à</strong> <strong>la</strong> malheureuse enfant. Mais au moment où Lei<strong>la</strong><br />

al<strong>la</strong>it <strong>la</strong> saisir, elle lui asséna un grand coup sur <strong>la</strong> main. Lei<strong>la</strong> hur<strong>la</strong> <strong>de</strong> douleur, <strong>la</strong> branche <strong>de</strong><br />

genièvre se cassa et <strong>la</strong> jeune fille tomba au fond du ravin.<br />

- Restes-y ! s'écria Suzon satisfaite et elle retourna <strong>à</strong> <strong>la</strong> maison.<br />

Au dîner, quand le père <strong>de</strong>manda où était Lei<strong>la</strong>, Suzon dit qu'elle avait sans doute mal <strong>à</strong> <strong>la</strong> tête et<br />

qu'elle était allée se coucher. Mais quand Lei<strong>la</strong> n'apparut pas au petit déjeuner le len<strong>de</strong>main matin,<br />

le baron, inquiet, envoya un domestique dans sa chambre. Le domestique revint lui dire que <strong>la</strong><br />

chambre était vi<strong>de</strong>. Le baron fit fouiller toute <strong>la</strong> maison et le jardin, mais c'était comme si <strong>la</strong> terre<br />

avait englouti Lei<strong>la</strong>. Le baron fit savoir dans toute <strong>la</strong> contrée que celui qui lui rendrait sa fille serait<br />

riche. On <strong>la</strong> chercha dans tout le pays, mais personne n'eut l'idée <strong>de</strong> fouiller <strong>la</strong> forêt voisine. Suzon<br />

n'avait rien dit <strong>à</strong> sa sœur, mais Catherine se doutait bien <strong>de</strong> ce qui s'était passé. Mais comme elle<br />

craignait sa sœur, elle ne dit rien au baron. Cependant, <strong>la</strong> belle Lei<strong>la</strong> gisait morte au fond du ravin.<br />

Suzon ne s'était pas trompée en pensant que personne ne <strong>la</strong> trouverait <strong>à</strong> cet endroit. La main <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

jeune fille serrait toujours une brindille <strong>de</strong> genièvre qu'elle avait arrachée dans sa chute. Dans le<br />

ravin humi<strong>de</strong>, le corps se décomposait rapi<strong>de</strong>ment. L'automne l'ensevelit dans les feuilles mortes.<br />

Au printemps, un ruisseau en crue recouvrit le cadavre <strong>de</strong> sable et <strong>de</strong> boue. De temps en temps, un<br />

morceau <strong>de</strong> rocher se détachait <strong>de</strong> <strong>la</strong> paroi. Au bout d'un an, il ne restait rien <strong>de</strong> Lei<strong>la</strong>, mais <strong>la</strong><br />

brindille <strong>de</strong> genièvre, elle, ne mourut pas. Elle prit racine et se mit <strong>à</strong> pousser vers le soleil, si vite et si<br />

haut qu'au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans, le genévrier atteignait le bord du ravin. C'était un très bel arbre. Ses<br />

plus hautes branches exha<strong>la</strong>ient un parfum délicieux et quand le vent faisait frémir sa couronne, on<br />

entendait un son bizarre et mé<strong>la</strong>ncolique, semb<strong>la</strong>ble <strong>à</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>inte du violon.<br />

Un jeune berger tzigane, nommé Lavouta, s'éprit <strong>de</strong> ce bel arbre. Il faisait paître les troupeaux du<br />

baron et il venait souvent s'asseoir au bord du ravin pour écouter le bruissement mystérieux <strong>de</strong><br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

l'arbre ... Lavouta possédait un violon, un vieil instrument qui semb<strong>la</strong>it prêt <strong>à</strong> tomber en morceaux.<br />

Mais comme il savait jouer, seigneur ! Il tirait <strong>de</strong> son violon <strong>de</strong>s mélodies si troub<strong>la</strong>ntes que les<br />

passants croyaient que l'esprit <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt lui-même s'était mis <strong>à</strong> jouer ... Un jour, comme il était assis<br />

<strong>à</strong> jouer au bord du ravin, il cassa son archet. Quel malheur ! Lavouta reposa son violon avec colère,<br />

l'instrument glissa et disparut dans les profon<strong>de</strong>urs. Lavouta éc<strong>la</strong>ta en sanglots. Ce violon avait été<br />

sa seule joie. Que faire maintenant ? Jamais il n'arriverait <strong>à</strong> s'en procurer un autre. Il pleura<br />

longtemps, puis s'endormit <strong>de</strong> fatigue et <strong>de</strong> découragement. Il fit un rêve étrange. D'abord il lui<br />

semb<strong>la</strong> que le doux bruissement du genévrier s'était transformé en une belle musique qui sonnait<br />

comme <strong>la</strong> p<strong>la</strong>inte d'un violon.<br />

C'est sûrement le mien, se dit le berger en rêve. Et il s'étonna d'entendre son violon jouer tout seul. Il<br />

écouta attentivement et, au bout d'un moment, il lui semb<strong>la</strong> aussi entendre <strong>de</strong>s paroles. Il les<br />

comprenait, car c'était un chant tzigane ; une douce <strong>voix</strong> <strong>de</strong> femme disait : « Prends ton violon et<br />

joue. Joue et raconte que je fus tuée par une vi<strong>la</strong>ine aux longues <strong>de</strong>nts. »<br />

C'était une fervente supplication. Mais comment pouvait-il jouer si son violon était au fond du ravin<br />

? Tout <strong>à</strong> coup, comme en réponse <strong>à</strong> ses pensées, une <strong>voix</strong> se fit entendre <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs du ravin.<br />

Elle disait :<br />

- Coupe le sommet du genévrier pour t'en faire un nouveau violon.<br />

A ce moment, le berger s'éveil<strong>la</strong>. Il se frotta les yeux et réfléchit <strong>à</strong> son rêve. Mais il finit par se dire :<br />

un rêve n'est qu'un rêve ... Et comme il était déj<strong>à</strong> tard, il rassemb<strong>la</strong> ses brebis et rentra chez lui.<br />

Mais cette nuit-l<strong>à</strong>, il ne put trouver le sommeil. La chanson tzigane semb<strong>la</strong>it le poursuivre ... Enfin,<br />

bien avant dans <strong>la</strong> nuit, Lavouta s'endormit. Et il eut <strong>de</strong> nouveau un rêve curieux. Il lui semb<strong>la</strong><br />

qu'une belle jeune fille était entrée dans sa petite pièce <strong>de</strong>rrière l'écurie. Elle tenait <strong>à</strong> <strong>la</strong> main son<br />

violon. Elle le lui tendit et lui <strong>de</strong>manda, en <strong>la</strong>ngue tzigane, <strong>de</strong> le prendre et <strong>de</strong> jouer.<br />

- Puis tu briseras ton violon contre <strong>la</strong> table et je <strong>de</strong>viendrai ta femme ..<br />

Le len<strong>de</strong>main, dès son réveil, Lavouta se hâta vers le ravin une scie sur l'épaule. Il scia le sommet<br />

du genévrier et l'emporta chez lui. Ensuite, il prit un bon couteau et se mit <strong>à</strong> tailler le bois. Il fut<br />

étonné <strong>de</strong> voir avec quelle facilité le bois prenait forme. Le soir même, le corps du violon était<br />

terminé. Lavouta <strong>de</strong>manda au cuisinier du baron <strong>de</strong>s boyaux <strong>de</strong> mouton et il en fit les cor<strong>de</strong>s. Il prit<br />

<strong>de</strong>s crins <strong>de</strong> <strong>la</strong> queue <strong>de</strong>s chevaux pour fabriquer l'archet. Le violon était prêt.<br />

Lavouta le p<strong>la</strong>ça sous son menton et effleura les cor<strong>de</strong>s. Alors le violon se mit <strong>à</strong> jouer et <strong>à</strong> chanter <strong>la</strong><br />

chanson <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeune fille. Le palefrenier accourut tout étonné : Qui joue et chante ici ? Est-ce toi,<br />

Lavouta ?<br />

- Pas moi, mais mon nouveau violon, il joue et chante tout seul. Lavouta éloigna l'archet <strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s<br />

et le violon continua <strong>à</strong> chanter.<br />

- Que chante-t-il ? <strong>de</strong>manda le palefrenier.<br />

- Une femme chante en <strong>la</strong>ngue tzigane qu'elle a été tuée par une vi<strong>la</strong>ine <strong>à</strong> longues <strong>de</strong>nts, expliqua<br />

le berger.<br />

- Une vi<strong>la</strong>ine <strong>à</strong> longues <strong>de</strong>nts ? s'étonna le palefrenier. Tu as un drôle <strong>de</strong> violon, tu sais, mon garçon.<br />

Tu <strong>de</strong>vrais aller voir le vieux baron pour lui faire écouter <strong>la</strong> chanson. Il comprendra, car on dit que sa<br />

femme était tzigane.<br />

Le palefrenier conduisit Lavouta auprès du vieux baron.<br />

- Ce jeune Tzigane, dit-il, a un drôle <strong>de</strong> violon. Il joue et chante tout seul. Ecoutez-le, maître.<br />

Lavouta p<strong>la</strong>ça le violon sous son menton et <strong>la</strong> douce <strong>voix</strong> <strong>de</strong> femme se fit entendre <strong>à</strong> nouveau. Le<br />

baron sursauta :<br />

- C'est <strong>la</strong> <strong>voix</strong> <strong>de</strong> ma fille ! s'écria-t-il. Où est-elle ?<br />

Il regarda autour <strong>de</strong> lui, mais point <strong>de</strong> Lei<strong>la</strong>. Cependant, <strong>la</strong> <strong>voix</strong> chantait toujours.<br />

- Une vi<strong>la</strong>ine <strong>à</strong> gran<strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts ! s'exc<strong>la</strong>ma le baron. Je commence <strong>à</strong> comprendre. Maintenant je sais<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

qui a tué ma Lei<strong>la</strong> !<br />

Il sortit <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce et al<strong>la</strong> droit chez sa fille aînée.<br />

- Avoue que tu as tué ta sœur Lei<strong>la</strong> ! s'écria-t-il.<br />

Suzon pâlit, mais elle se domina vite :<br />

- C'est cette oie <strong>de</strong> Catherine qui te l'a dit ? <strong>de</strong>manda-t-elle en ricanant.<br />

- Et elle ne m'a rien dit ! hur<strong>la</strong> le baron. Elles sont propres, mes filles ! Disparaissez <strong>de</strong> ma vue <strong>à</strong><br />

l'instant, toutes les <strong>de</strong>ux. Que je ne vous re<strong>voie</strong> jamais, sinon, je vous fais chasser par mes<br />

domestiques.<br />

Il lui tourna le dos et sortit <strong>de</strong> sa chambre blême <strong>de</strong> colère. Suzon courut chez sa sœur :<br />

- qu'as-tu raconté <strong>à</strong> notre père ? criait-elle furieuse.<br />

- Comment sais-tu ce qui est arrivé <strong>à</strong> Lei<strong>la</strong> ? Je ne t'ai jamais dit que je l'avais jetée dans le ravin !<br />

- Tu as osé faire ce<strong>la</strong> ? Catherine était horrifiée. Je me doutais que c'était toi qui l'avais fait<br />

disparaître. Mais jamais je n'en ai soufflé mot <strong>à</strong> notre père.<br />

- Alors, qui a bien pu lui dire ? En tout cas, nous voil<strong>à</strong> bien. Il nous a chassées toutes les <strong>de</strong>ux.<br />

- Il nous a chassées ? se <strong>la</strong>menta Catherine. Qu'allons-nous <strong>de</strong>venir ?<br />

Cependant Lavouta qui était revenu dans sa chambrette <strong>de</strong>rrière l'écurie réfléchissait, le violon<br />

magique <strong>à</strong> son côté, <strong>à</strong> ce que le palefrenier venait <strong>de</strong> lui apprendre sur le sort <strong>de</strong> Lei<strong>la</strong>. Peut-être<br />

était-ce <strong>la</strong> jeune fille qui lui était apparue en rêve ? Qu'elle était belle ! Et elle lui avait promis <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>venir sa femme s'il brisait son violon contre <strong>la</strong> table ... Il hésita un moment : <strong>de</strong>vait-il casser son<br />

violon neuf qui jouait et chantait tout seul ? Enfin, il se décida. Il se leva, saisit le violon et frappa <strong>la</strong><br />

table <strong>de</strong> toutes ses forces. L'instrument se brisa en mille morceaux. Et <strong>à</strong> l'instant même apparut <strong>la</strong><br />

jeune fille <strong>de</strong> son rêve. Elle portait <strong>à</strong> <strong>la</strong> main le vieux violon <strong>de</strong> Lavouta. Le berger le reconnut tout <strong>de</strong><br />

suite, mais quelle différence ! Il était poli, son bois reluisait comme un miroir et les cor<strong>de</strong>s étaient<br />

neuves et soyeuses. L'archet que <strong>la</strong> jeune fille lui tendait avec le violon n'était plus brisé.<br />

- Prends ton violon, Lavouta, lui dit doucement <strong>la</strong> belle. Je te le rapporte du ravin où je suis restée<br />

enterrée <strong>de</strong>ux années durant. Ma mère était tzigane et connaissait un peu <strong>de</strong> magie. Mon père l'a<br />

aimée pour sa beauté. Mais un puissant esprit qui avait servi ma mère a voulu se venger d'elle<br />

parce qu'elle épousait un simple mortel. Il <strong>la</strong> frappa d'une malédiction : tous les enfants qui<br />

naîtraient seraient <strong>la</strong>ids et méchants. Après <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> mes <strong>de</strong>ux sœurs, ma mère supplia<br />

l'esprit <strong>de</strong> retirer sa malédiction. Il consentit, mais <strong>à</strong> une condition : après <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> son<br />

troisième enfant, ma mère <strong>de</strong>vait mourir et <strong>de</strong>venir sa compagne dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s esprits. Ainsi<br />

<strong>la</strong> mort <strong>de</strong> ma mère a payé ma beauté. Quand ma sœur me poussa dans le ravin, l'âme <strong>de</strong> ma mère<br />

se changea en genévrier et je m'y rattrapai dans ma chute. Quand ma méchante sœur m'a frappée,<br />

j'ai emporté dans ma chute une brindille <strong>de</strong> genévrier, « <strong>la</strong> main <strong>de</strong> ma mère. ». Elle prit racine dans<br />

le ravin et <strong>de</strong>vint un grand arbre. Ainsi, je naquis pour <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième fois du corps <strong>de</strong> ma mère ... Mais<br />

je ne pouvais recouvrer ma forme humaine que si un homme transformait le bois <strong>de</strong> l'arbre en<br />

l'objet le plus cher <strong>à</strong> son cœur ... Tu aimais ton violon, Lavouta ... Quand il est tombé dans le ravin, je<br />

savais que toi seul tu pouvais, par ton amour, donner <strong>la</strong> vie au bois inerte <strong>de</strong> mon genévrier. C'est<br />

pourquoi je te suis apparue en songe pour te conseiller. Lavouta regardait <strong>la</strong> jeune fille comme dans<br />

un rêve. Ensuite, il dit :<br />

- Je t'ai rendu <strong>la</strong> vie, tu m'as rendu mon violon. Nous sommes quittes.<br />

- Non, sourit <strong>la</strong> jeune fille, car tu oublies que je t'ai fait une promesse. Essaye ton violon.<br />

Lavouta p<strong>la</strong>ça le violon sous son menton et se mit <strong>à</strong> jouer le chant tzigane. Mais le son <strong>de</strong><br />

l'instrument le fit frémir <strong>de</strong> délices. Jamais personne au mon<strong>de</strong> n'avait possédé pareil violon. Le<br />

berger ferma les yeux et ne pensa qu'<strong>à</strong> jouer ...<br />

Tout <strong>à</strong> coup, <strong>la</strong> porte s'ouvrit. Le baron entra. Il aperçut <strong>la</strong> jeune fille et s'écria :<br />

- C'est ma petite Lei<strong>la</strong> !<br />

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- Oui, c'est moi, papa ! s'écria <strong>la</strong> jeune fille et elle se jeta dans les bras <strong>de</strong> son père.<br />

- Ce n'était donc pas vrai ce que chantait le violon ? Tu vis ? Suzon ne t'a pas tuée ?<br />

- Elle a essayé, répondit Lei<strong>la</strong>. Elle m'a jetée dans le ravin, mais Lavouta m'a rendu <strong>la</strong> vie. Je lui ai<br />

promis que je serai sa femme.<br />

- Eh bien, soit, dit le baron. Epouse qui tu voudras. Tu es en vie, c'est tout ce qui compte. Quand, au<br />

bout d'un moment, ils sortirent tous les trois, ils virent les <strong>de</strong>ux sœurs qui quittaient le château. Elles<br />

partaient pour toujours.<br />

Quand l'aînée aperçut Lei<strong>la</strong>, elle poussa un cri horrible, et tomba <strong>à</strong> <strong>la</strong> renverse. L'autre resta l<strong>à</strong>,<br />

comme une statue <strong>de</strong> sel. Lei<strong>la</strong> courut vers Suzon, s'agenouil<strong>la</strong> près d'elle et tenta <strong>de</strong> <strong>la</strong> ranimer.<br />

A ce moment, on vit passer un étranger. Il portait un habit <strong>de</strong> domestique et il boitait.<br />

- Relève cette femme, ordonna le baron. Après, chasse-<strong>la</strong> d'ici. L'autre <strong>la</strong> suivra.<br />

- Non, papa, supplia Lei<strong>la</strong>. Catherine est innocente. Elle ne savait pas <strong>de</strong> quoi Suzon était capable,<br />

ce n'est pas leur faute si elles sont méchantes, c'est <strong>la</strong> malédiction. Pardonne-leur.<br />

Elle supplia tant et si bien que le baron finit par cé<strong>de</strong>r. Il ordonna au domestique <strong>de</strong> transporter au<br />

château Suzon qui n'avait pas repris connaissance. Mais dès que l'inconnu eut pris Suzon dans ses<br />

bras, <strong>la</strong> terre s'ouvrit sous ses pieds et l'ava<strong>la</strong>, lui et son far<strong>de</strong>au.<br />

- C'était le diable en personne ! s'exc<strong>la</strong>ma le baron. Il a emporté Suzon droit en enfer. Catherine<br />

tremb<strong>la</strong>it <strong>de</strong> tous ses membres. Elle tomba <strong>à</strong> genoux <strong>de</strong>vant Lei<strong>la</strong> et <strong>la</strong> supplia <strong>de</strong> lui pardonner.<br />

Lei<strong>la</strong> lui tendit <strong>la</strong> main, <strong>la</strong> releva et dit :<br />

- Je ne t'en veux pas, petite sœur. Viens avec nous, nous vivrons tous ensemble. Si tu ne te maries<br />

pas, tu veilleras sur nos enfants.<br />

Le baron fit <strong>à</strong> Lei<strong>la</strong> une noce magnifique. Lavouta n'était plus un pauvre berger. Non parce qu'il<br />

avait épousé une jeune fille riche, mais parce que sa musique le rendit bientôt célèbre <strong>de</strong> par le<br />

mon<strong>de</strong>. Il gagna beaucoup d'argent avec son violon magique et put ainsi élever une nombreuse<br />

famille.<br />

Catherine louchait toujours, mais elle <strong>de</strong>venait plus douce, et chose curieuse : plus elle était gentille,<br />

moins elle était <strong>la</strong>i<strong>de</strong>. Elle finit même par trouver un mari et ils furent tous heureux jusqu'<strong>à</strong> leur mort.<br />

Source internet : http://www.tailouana.org/tziganes_contes_legen<strong>de</strong>s.html<br />

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Geneviève Joseph-Pierre Groupe 66<br />

Nom Prénom :<br />

date :<br />

noter <strong>de</strong> 1 <strong>à</strong> 4<br />

Cohérence<br />

Expression verbale<br />

Rre<strong>la</strong>tion au groupe<br />

Participation<br />

déambu<strong>la</strong>tion/désorientation<br />

Agitation/agressivité<br />

Réceptivité <strong>à</strong> <strong>la</strong> musique<br />

Joie<br />

Tristesse<br />

Calme<br />

exubérance<br />

état dépressif<br />

commentaires<br />

Annexe 2<br />

Grille d’évaluation pour les rési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s Jardins <strong>de</strong> Chagot<br />

Grille d'évaluation du comportement <strong>de</strong>s patients<br />

lors <strong>de</strong>s séances <strong>de</strong> musicothérapie<br />

avant <strong>la</strong> séance<br />

Comportement<br />

pendant après<br />

avant <strong>la</strong> séance pendant après<br />

Page 82 sur 82<br />

émotions manifestées<br />

(cocher l es cases )

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