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*•>■»"■ DIMANCHE-ILLUSTRÉ •»««■» ■» •■■»» miMiiiimiimi mmum, iiiimi.n 4 «■""«•■.•.•m > ' IIIIIIIIIIIII'»»'»'"» 1 "'"""""""" 1 "" LE 2 OCTOBRE 1927 «».,„„, LA SEMAINE QUI VIENT DE S'ÉCOULER 39e Semaine de l'Année — Reste à courir 13 semaines M. RAYMOND POINCARÊ PARLE A BAR-LE-DUC "Briser l'union nationale, déclare-t-il,ce serait anéantir tous les résultats acquis." A Ces résultats conditionnent toute la politique française. l'occasion de l'ouverture, à Bar-le-Duc, de la session du conseil général, M. Poincaré a prononcé un grand discours politique. Après avoir souligné la fidélité de la Loraine à une politique d union nationale, il a dit : " Lorsque la guerre nous a été imposée, nous avons voulu, de toute notre âme, une victoire qui, non seulement repoussât l'ennemi, mais rétablît la France dans son intégrité territoriale et lui assurât, avec la réparation de ses dommages, une pleine sécurité. Ce n'est pas ici que nous pouvons prendre au sérieux la légende qu'on essaie maintenant d accréditer, d'une invasion courtoise, respectueuse des populations civiles, et presque inoffensive. Trop de vieillards, trop de femmes ont été tués, aux premières semaines de la guerre, dans nos communes occupées, trop de maisons ont été incendiées pour que nos compatriotes n'aient pas le devoir de protester lorsqu'ils entendent nier l'évidence. Le président du Conseil a parlé ensuite de la rjolitique intérieure. ' C'est grâce à une formation d'union nationale, a-t-il déclaré, que le crédit ébranlé s'est rapidement fortifié et que le pays a consenti les sacrifices nécessaires à son salut. Briser cette union ce serait, je ne dis même pas tout compromettre, mais tout amantir. Les résultats acquis, même simplement financiers, conditionnent et commandent toute la politique française, à l'extérieur comme à l'intérieur. " Je considérerais, pour ma part, comme une désertion d'abandonner le poste auquel j-'ai été appelé. Je ne le quitterais que si les Chambres me refusaient leur confiance ou s'il était émis soit un vote qui menaçât l'œuvre commencée, soit un vote qui, sur un point essentiel, heurtât mes convictions. " UN TYPHON DÉVASTE UNE VILLE Au cours d'un violent typhon, qui s'est abattu sur Yung-Kong, à 150 milles de Hong- Kong, cinq mille personnes ont péri. Plus de vingt mille maisons ont été détruites. L UN ENTRETIEN DE M. STRESEMANN AVEC M. BRIAND A GENÈVE E discours prononcé par le maréchal Hindenburg à Tannenberg n'est pas resté sans écho. MM. Poincaré et Barthou y ont répliqué, le premier à Guebwiller, le second à Livron. Ce dernier a déclaré : Nous sommes innocents, au même degré, du sang qu'ont fait verser, assoiffés de domination, un Guillaume II et un Abd el Krim. Il y a des démentis que l'histoire n'accepte pas et qui ne prévaudront pas, de quelque bouche qu'ils tombent, contre !a vérité des faits, des documents et des dates. Les responsabilités, si voisines de nous, parlent encore trop haut sur nos territoires saccagés pour qu'une dénégation, solennelle mais maladroite, suffise à détruire d'irrécusables témoignages^ L'Allemagne de 1914, si elle avait eu le " cœur pur ', aurait, d'un mot ou d'un geste, en acceptant la médiation offerte, écarté le péril de guerre, que sa mobilisation, ordonnée sur de fausses nouvelles, proclamait, au contraire, aggravait et précipitait. L'Allemagne de 1914 n'avait pas les mains " pures ". Après avoir subi ses cruautés, nous ne lui laisserons pas déshonorer nos morts, qui sont, eux, tombés pour défendre le sol natal, envahi, occupé, dévasté par " l'esprit de conquête " Instruit de ce discours, M. Stresemann s'empressa de faire une démarche auprès de M. Briand, pour dissiper le malaise créé par les paroles du président d'Empire. L entretien dura vingt minutes. Une cordiale poignée de main le termina. Il mit le point final aux conversations diplomatiques qui se sont poursuivies dans les couloirs de 1 Assemblée, et qui furent, cette session, peu nombreuses et sans grande portée. DÉPUTÉS COMMUNISTES CONDAMNÉS MM. Jacques Duclos et André Marty, députés communistes, ont comparu devant la 12 e chambre correctionnelle pour délits de presse. Le premier a été condamné à trente ans de prison et 18.000 francs d'amende ; le second, à dix ans de prison et 6.000 francs d amende. Gomment posséder un plus joli pied, une cheville plus fine et une démarche plus légère et plus élégante. La mode actuelle, avec ses jupes courtes, est bien jolie et très seyante, mais elle est sans pitié pour vos pieds et vos chevilles. S'ils sont sensibles, et, des lors, facilement enflés, déformés et endoloris par la fatigue, vous ne pouvez chausser la plus petite pointure qui vous convient sans souffrir atrocement ; vous boitez comme une pauvre estropiée, ou, pour éviter ces maux de pieds, vous êtes souvent forcée de porter de véritables " bateaux ". Four que vous puissiez toujours montrer un Joli pied bien chaussé et une cheville bien faite, débarrassez-vous donc de tous vos maux de pieds en employant les Saltrates Rodell. Une petite poignée de ces sels suffit pour vous préparer un bain de pieds médicamenteux et légèrement oxygéné, possédant de remarquables propriétés tonifiantes, aseptiques et décongestives. En vous trempant les pieds pendant une dizaine de minutes dans un tel bain, vous ressentirez un bien-être et un délassement 1 LES que vous ne pourrez vous procurer d'aucune autre façon ; toute enflure et meurtrissure, toute sensation de douleur et de brûlure disparaissent comme par enchantement. L'action bienfaisante des Saltrates Rodell prévient et combat également l'irritation et autres effets si pénibles de réchaiiffementet de la transpira lion. Les Saltrates Rodell donn-nt une merveilleuse résistance aux pieds sensibles et remettent bientôt en parfait état les pieds les plus abîmés. Ils ramollissent corset durillons àun tel point que vous pouvez les enlever facilement sans couteau ni rasoir, opération toujours dangereuse. Les Saltrates Rodell se trouvent à un prix modique dans toutes les bonnes pharmacies et il est donc bien inutile de continuer à souffrir des pieds, d'avoir les pieds et les chevilles douloureusement enflés et une démarche lourde et pénible, si pour quelques francs seulement vous pouvez vous débarrasser de tous vos maux de pieds. SALTRATES RODELL REMETTENT LES PIEDS A MEUF L'AMERICAN LEGION A QUITTÉ LA FRANCE Avant leur départ, les Américains ont rendu visite à M. Clemenceau. D Un attentat sur la voie ferrée, aux abords de Golfe «Juan. ANS sa séance de clôture, la convention de l'American Légion avait voté une chaleureuse motion à M. Clemenceau. Une délégation des combattants américains, conduite par le général Pershing, s'est rendue chez le grand homme d'Etat. Entrevue émouvante. " Vous êtes plus jeune que jamais , déclara le général américain. " Ce sera un jour mémorable de ma vie ", lui répondit M. Clemenceau. Des livres, des fleurs lui furent "offerts ; puis le " père la Victoire " évoqua quelques souvenirs de guerre... Tandis qu'une grande parade napoléonienne avait lieu à Fontainebleau, une délégation de l'American Legiort était à Belfort où M. Poincaré prononçait en sa présence un beau discours : " Nous savons bien que si défiance est mère de sûreté, leur dit-il, excès de défiance mutuelle peut finir par provoquer les guerres au lieu de les écarter, et c'est pour ne pas courir ce risque que, tout en regrettant à la Société des Nations l'absence des Etats-Unis, nous voulons compter sur l'institution nouvelle pour rapprocher peu à peu les peuples, pour faire tomber les préventions réciproques et, au besoin, pour assagir les gouvernements. Le commander Savage et son état-major ont quitté Paris avec une délégation de deux cent cinquante légionnaires pour visiter la Côte d'Azur, l'Italie, la Suisse, l'Alsace- Lorraine, la Belgique et l'Angleterre, d'où ils regagneront les Etats-Unis. Avant l'arrivée du train dans lequel ils avaient pris place, un attentat a eu lieu' près de Golfe-Juan. Une bombe déposée sur la voie avait fait sauter un rail. Trois anarchistes italiens, les nommés Revelto Toncelli, Pascal Simonenci et Silvio Franchini, convaincus d'être les auteurs de l'attentat de Golfe-Juan comme de celui de Juan-les-Pins — une bombe avait alors été lancée dans un dancing — ont été arrêtés. L'AMBASSADEUR ALLEMAND VON MALTZAN TUÉ DANS UN ACCIDENT D'AVION Dans l'Allemagne du centre, à Schleiz, près de Géra, un appareil de la ligne Berlin-Munich est tombé. Le pilote, le mécanicien et les quatre passagers ont été tués. Parmi eux se trouvait le baron von Maltzan, ancien secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, ambassadeur d'Allemagne à Washington. Agé de cinquante ans, le baron von Maltzan était arrivé d Amérique depuis peu. Pangermaniste avéré, il avait été conseiller politique du kronprinz. Le traité germano-russe de Rapallo avait été, en grande partie, son œuvre. LE DÉVOUEMENT D'UNE FILLETTE M. Jules Chausnotte, chef de la halte de Prunay, sur la ligne de Châlons à Reims, traversait les voies lorsqu'il fut renversé par la locomotive d'un tram de messageries. La colonne vertébrale brisée, le malheureux mourut peu après. Sa fille, Renée, âgée de quinze ans, qui connaissait seule la manœuvre des signaux, prit alors sa place et assura sans désemparer le service des trains qui circulent en nombre sur la ligne. L'AVIATEUR ANGLAIS WEBSTER GAGNE LA COUPE INTERNATIONALE DES HYDRAVIONS A Venise s'est disputée l'annuelle Coupe Schneider des hydravions. La victoire est revenue à l'Anglais Webster, qui parcourut 350 kilomètres à la moyenne horaire de 456 km. 160; son compatriote Worsley se classa second. Le troisième Anglais, Kinhead et les trois Italiens Debernardi, Guazetti et Ferrari durent abandonner. TUNNEY RESTE CHAMPION DU MONDE Le match Tunney-Dempsey, pour le titre de champion du monde de boxe, poids lourds, s'est déroulé à Chicago. Gene Tunney a conservé son titre de_champion du monde en battant son adversaire aux points en dix reprises. MEMENTO POLITIQUE 25 septembre. — M. Israël, radical socialiste, est élu sénateur de l'Aube au deuxième tour de scrutin, par 352 voix contre 280 à M. Royer. En remplacement de M. Paul Dupuy, décédé, M. Fourcade, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats, est élu sénateur des Hautes- Pyrénées, au troisième tour de scrutin, par 351 voix contre297àM.Nogaro. FAITS DIVERS 25 septembre.^— A Londres, deux " acheteurs " tt disant Américains subtilisent à un bijoutier de Hatton Garden, soixante-dix diamants valant 5.000 livres. 28 septembre. — A Epinay, un cycliste, Paul Brouette, est couché en joue par un bandit masqué, descendu d'une auto, à qui il doit remettre son portefeuille contenant 6.000 francs, SPORTS 27 septembre. — Au Cirque de Paris, le champion d'Angleterre des poids plumes Cuthbert bat le jeune Nordiste Humery, par knock-out, a la cinquième reprise. 28 septembre. — A l'autodrome de Linas, Marchand, Morel et Kiriloff parcourent 4.383 km. 851 en vingtquatre heures et battent dix records du monde. T S Ff"""" 1"" 1" 1^ illlllMIIIMIIIIIIlilllllllllllllllllll | AMATEURS DE I ACHETEZ UN APPAREIL D'ALIMENTATIONS FRANCO BARDON 61. Boul. National CLICHY (Son.) 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LE 2 OCTOBRE 1927 >iHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii4iiiiiuui 5 iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiHiiiiimuiiiiiiiiiminiKii DIMANCHE-ILLUSTRÉ LES ROMANS DE LA VIE LOUIS-ANGE PITOU, CHANTEUR DES RUES SOUS LA RÉVOLUTION MOUS n apprendrons rien à personne, en disant que la chanson est née en France, et que " cette vivante et mobile expression de l'opinion publique " ne pouvait naître ailleurs. On chantait déjà dans les Gaules, on chansonna sous Philippe Auguste. Troubadours normands ou trouvères provençaux, dans le Nord et dans le Midi, se répandirent, en tous lieux, des chansonniers. Puis la chanson est mêlée aux événements politiques : la Fronde, Mazarin, sont l'objet de maints couplets, plus ou moins satiriques. Les ambassadeurs de Siam, M me de Maintenon eurent leur tour. La favorite du roi Louis XV ne fut pas épargnée. Du Pont-Neuf, où les chanteurs des rues avaient élu domicile, la chanson se répandit dans les rues ; et l'on railla, tour à tour, les Etats généraux, la prise de la Bastille, la mort de " Capet " et celle de Marie-Antoinette. On chansonna l'abbé Maury, qui répondait ai fièrement à ceux qui voulaient l'envoyer à la lanterne : " Y verrez-vous plus clair ? " On chansonna la Montagne, le salpêtre républicain, le divorce. La Terreur survient, les chanteurs sont devenus muets, et pour cause ! La chute de Robespierre leur déliera la langue. C'est alors qu'apparaît Ange Pitou, qui va conquérir une notoriété que consacreront définitivement les auteurs de la Fille de Madame Angot. Ange Pitou séduit tout de suite le public par sa crânerie, dans un temps où il y allait de la tête à se montrer trop téméraire. Son premier libelle est un journal, mêlé de prose et de vers, qu'il intitule : Tableau de Paris, et dont l'épigraphe mérite d'être rappelé : " Je veux chanter ou satirer les coquins, les septembriseurs, les filous, les badauds, les espions et toute la bande à Cartouche. Je veux dire que Barère a présidé les Feuillants et les Jacobins, que Carrier a noyé les Nantais, que Fouquier-Tinville se moque de nous et que l'on veut le sauver et le remettre en place. f\Vl était, d'où venait cet audacieux pam- V/ phlétaire ? Esquissons, en quelques lignes, la oiographie du citoyen. Celui que l'on appelait le " Garât des carrefours " '— Garât était un des plus célèbres chanteurs de l'époque — était originaire de Valainville, paroisse de Moléans-Molitard, ci-devant marquisat de Prunelay, comté de Dunois, à deux heures de Châteaudun ; ainsi le constate son acte de baptême, qui porte, en outre, qu'il est né, l'an 1767, le 2 avril, du légitime mariage de Louis Pitou, tailleur, et Jeanne Collet, ses père et mère. Son parrain était régisseur de la terre de Mémillon, et intendant du château de M. de Laborde. Ange perdit ce parrain de bonne heure, de même que son propre père ; et, à dix ans, il restait seul au monde avec sa mère, " sans fortune ni défense ", et avec sa tante, bien autrement avisée que sasœur et qui entendait se charger seule de l'éducation de son neveu. Elle voulait faire de l'enfant un prêtre et elle travailla, dès ses premières années, à l'orienter dans cette voie ; mais l'adolescent ne se sentait aucune vocation pour l'état ecclésiastique et affirmait sa prédilection pour le droit. Sa tante l'envoya, pour lui changer les idées, à Chartres, pour y suivre les cours du séminaire de Beaulieu. Durant les vacances de 1784, ayant pénétré, un jour, dans la bibliothèque de son oncle, il se mit à lire avec passion tous les livres dont elle était composée ; il dévora de la sorte les œuvres de Voltaire, Rousseau, Fénelon, Montesquieu, Bayle, Spinoza Aussi, quand il quitta Châteaudun, pour aller à Chartres recevoir les ordres, Ange Pitou abandonnant brusquement sescamarades, prenait la route de Paris, n'ayant pour tout viatique que huit louis en poche et, sur 1 épaule, une petite valise contenait un frac violet, deux cravates, sept chemises et le manuscrit d un poème de sa composition, la Voix de la Nature. Il fit son entrée dans la capitale, le ZU <strong>octobre</strong> 1789, à 6 heures du matin, sans fortune, sans connaissances, livré à tous les hasards Paris était, ce jour-la en rumeurLouis XVI venait d'être ramené de Versailles sous la conduite d'une escorte qui n avait rien de rassurant pour 1 avenir de la amille royale. Le boulanger, la boulangère et le petit mitron sentaient une hostilité sourde gronder audessus de leurs têtes. Notre jeune provincial croisa le sinistre cortège et, dès ce moment, sa résolution fut prise .: il se dévouerait corps et âme, à la royauté, ainsi avilie et persécutée. Tandis qu'il faisait ces reflexions, la taim r le D r CASÂMES Ce fut une bien curieuse figure que celle d'Ange Pitou, témoin de la Révolution et chanteur des rues sous le Directoire. Le D T Cabanes nous fait assister à la vie fort mouvementée du chansonnier, que les chansonniers chansonnèrent eux aussi. commençait à lui tenailler l'estomac. Où iraitil chercher un gîte, où prendrait-il pension ? Dans son incertitude, il eut recours à un moyen plaisant pour se déterminer : " Je perche, dit-il, mon chapeau au bout de ma canne; je le fais tourner, attachant ma destinée à la direction de la corne droite, qui se fixe à l'est-sud-est. " C'est donc au Quartier Latin qu'il ira chercher asile, la flèche de Saint-Séverin lui a indiqué la direction qu'il doit suivre. Il descend rue Saint-Jacques, à l'hôtel Henri IV, où il s'inscrit comme étudiant en théologie. Il se contente d'un petit cabinet " près des faubourgs du Paradis ", dîne de très bon appétit et, après le souper, se rend au Théâtre-Français, où il est enthousiasmé par la manière dont jouent Molé et M lle Contât, parfaits à leur ordinaire. Cette première soirée fut malheureusement gâtée par un fâcheux incident : d'adroits filous subtilisèrent au spectateur naïf et " emballé trois louis, pendant qu'il applaudissait à outrance les acteurs dont le jeu le transportait. Le besoin de se créer une situation devenait pressant. C'est alors que Pitou rencontre une vieille dame de Chartres, qui s'intéresse à son jeune compatriote ; elle lui remet des lettres de ANGE PlTOU, d'après une gravure ancienne. recommandation pour Fabre d'Eglantine et iour Brune, le futur général, qui dirigeait alors Ïe Journal général de la Cour et de la Ville. Il reçoit, de ces personnages, l'accueil le plus encourageant, mais rien autre chose que des promesses ; un peu plus tard, il obtiendra d être chargé de la rédaction des échos à la feuille qui, par maie aventure, n'eut qu'une vie éphémère. Il n'y touchait, semble-t-il, qu'une maigre rétribution, mais il avait le pied à l'étrier; désormais, il était journaliste 1 En cette qualité, il aura son entrée dans les clubs, à l'Assemblée nationale, aux Jacobins, récoltera un trésor d'observations et fortifiera sa haine contre les puissants du jour. Son dévouement eut bientôt sa récompense. Certain jour, vint aux bureaux du journal dont Pitou était un des plus modestes collaborateurs, l'abbé Lenfant, confesseur du roi. L'illustre personnage demande à voir l imprimeur et, mis en présence de celui-ci, lui exprime le désir de connaître le publiciste qui a pris si courageusement la défense de la J royauté. Ange Pitou se présente ; l'abbé Lenfant lui marque le désir de la reine de le féliciter elle-même pour son attitude. Le prêtre et le journaliste prennent de conserve le chemin des Tuileries, où Marie-Antoinette s'empresse de les accueillir. La reine donne son portrait en miniature à l'héroïque champion de la monarchie, en même temps qu'elle lui remet une bourse de 1.500 livres, premier trimestre d'un traitement annuel de 6.000 livres, que le roi accordait au jeune libelliste. Ange Pitou croyait sortir d'un rêve ; désormais, son dévouement, sa vie furent acquis plus que jamais à ses protecteurs. Grâce à son double métier de journaliste et d'agent royal, il lui sera donné de voir bien des choses, qu'il notera curieusement sur ses tablettes. Il assiste aux événements du 20 juin 1792, où la populace avait coiffé le Dauphin d'un bonnet rouge. Il est témoin des événements du 10 août, où les Suisses sont massacrés. Ange Pitou était également présent à la séance de la Convention où fut décidé si on donnerait un conseil à Louis XVI. Quand défilèrent à la tribune les députés d'Eureet-Loir, ses compatriotes, Ange Pitou entendit l'un d'eux opiner négativement, en s'écriant avec violence que les Bourbons étaient des tigres. Celui qui s'exprimait de la sorte était son ancien professeur de rhétorique du séminaire de Chartres, celui-là même qui qualifiait l'orthographe de Voltaire d'orthographe des impies 1 Le 25 décembre, la Convention décrétait que Louis XVI paraîtrait le lendemain à sa barre pour produire ses moyens de défense ; Ange Pitou assistait à cette fameuse séance ; pour y avoir place, il s'était rendu à l'Assemblée dès la veille, à six heures du soir. " A cinq heures du matin, on était si pressé dans les tribunes et dans les avenues de 1 Assemblée, que personne ne pouvait sortir... En quelques traits, notre reporter croque l'attitude de Louis XVI devant ses juges : " Le monarque est revêtu d'une redingote de drap gris moucheté ; ses cheveux sont négligés, mais il est calme ; la sérénité a de l'éclat sur un visage sans fard. " Peu de jours après la comparution de Louis XVI devant ses juges, Ange Pitou était arrêté, pour avoir, au cours d'un dîner chez un de ses amis, improvisé des couplets contre-révolutionnaires. A ce dîner, chez un lieutenant de gendarmerie de l'armée du Rhin, se trouvaient un déserteur allemand et une ancienne marchande de Lyon, ruinée par ses prodigalités, qui s'était réfugiée à Parts avec sa fille et y avait pris un atelier de broderie. La conversation ayant roulé sur les faits du jour, on s égaya sur la Convention, sur les Tuileries. Pitou, pressé de composer une chanson, lança ces strophes vengeresses, dont la première suffit à donner le ton : Je voudrais bien voir le repaire Où tous ces brigands font des lois. Ils occupent le sanctuaire Et de nos dieux et de nos rois. Aujourd'hui tout change de place. Au gré du sort tout est soumis; Et je ne fais plus la grimace De voir l'enfer en paradis. Ces vers n'étaient pas bien méchants ; il f n empêche que ceux qu'ils visaient en prirent ombrage arrêté dans son logement de la rue Percée-André-des-Arts, n° 22, conduit d'abord à la prison Marat le 31 décembre 1793, à la Conciergerie le 8 janvier 1794, à Bicêtre, dans un cabanon, Pitou ne comparut que le 24 mai 1794 devant le Tribunal révolutionnaire. Au bout de dix minutes de délibération, le jury déclarait qu'il avait été " conspiré contre la République, la liberté et la sûreté du triomphe français, en tenant des propos tendant à la dissolution de la représentation nationale, l'avilissement des autorités constituées et le rétablissement du despotisme ", mais que Louis-Ange Pitou n'était pas convaincu d'être j'auteur de cette conspiration. En conséquence, il fut mis en liberté, et les jurés, dont cinq sur onze s'étaient prononcés pour la peine de mort, l'emmenaient dîner avec eux ! A la fin du repas, l'incorrigible partisan faillit se compromettre à nouveau par des propos imprudents, et en refusant de boire aux institutions républicaines. Il ne dut son salut qu'à la présence d'esprit d'un des jurés, qui le fit reconduire chez lui par un agent, auquel il le recommanda comme n'ayant pas toute sa raison. Deux mois après, Thermidor arrivait : c'était, pour notre héros, l'aurore d'une vie nouvelle. Mais, de nouveau, se posait à lui le problème de l'existence. L'agiotage du papier faisait monter son traitement de journaliste à un sol par jour ! C'est alors que, pour vivre, l'idée lui vint de descendre dans la rue et de se faire chanteur populaire. Le 1er juillet 1795, à cinq heures du matin, il inaugurait sa carrière d'artiste en plein vent. A six heures, il avait déjà gagné cent écus (en assignats) ; il s'en retournait chez lui, et, à dix heures, il était à sa table de travail, rédigeant la séance du jour à la Convention. Tous les jours, de 1795 à 1797, Ange Pitou s'installait devant le portail de Saint-Germain-1'Auxerrois, chantant et parlant tour à tour, assaisonnant d'épigrammes et de lazzis ses couplets railleurs, criblant la République de sarcasmes et de brocards. Il faisait, raconte-t-il, plus de cinquante francs de recette par jour, et, au moment où le numéraire ne commençait qu'à reparaître, il nageait " dans l'abondance, au milieu de la disette. " Seize incarcérations, le retrait de sa patente," loin de servir de leçon au chanteur royaliste, ne firent qu'accroître sa hardiesse. Mais celleci devait finalement lui coûter cher. Condamné à la déportation perpétuelle, Ange Pitou fut mis en route le 26 janvier 1798. I L a publié le récit de sa transportation et de son séjour à Cayenne, en compagnie de Billaud-Varennes et de Collot d'Herbois. Il passa trois années sous le ciel meurtrier de la Guyane, qu'il parvint à quitter le 7 prairial an IX, pour rentrer en France, où la révolution du 18 brumaire avait opéré maintes transformations. Mais il n'était pas au terme de ses tribulations. Détenu, dès son arrivée, à la prison Sainte-Pélagie, il y resta dix-huit mois, écrivant à toutes les autorités pour réclamer sa mise en liberté, sans que nul ne daignât prêter l'oreille à ses plaintes. Ce n'est que lorsqu'il eut l'idée de s'adresser au Premier Consul en personne, que Bonaparte fit droit à sa requête, et donna 1 ordre de le relâcher. Pitou, qui demeurait alors rue des Vieux- Augustins, n° 57, s'établit libraire rue Croixdes-Petits-Champs, 21 ; du seuil de sa porte, il pouvait voir l'ancien théâtre de ses audaces et de ses succès. Que de réflexions devait lui suggérer ce retour en arrière, vers un passé qui, s'il n'avait pas été sans péril, n'avait pas été sans gloire 1 D r CABANES.
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