TelQuel n°1 - Contrechamps
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TELQ
MENSUEL EXPERIMENTAL DE L’ACTUALITÉ DU NIGER
ueL n°1 février 2003
Foi et détresse
des talibés
Ce supplément vous est offert par l’Institut de Formation aux techniques de l’Information et
de la Communication (IFTIC), la NIN et l’Association française Contrechamps.
Uranium
Le Niger a-t-il croisé
« l’axe du Mal » ?!
Façons de
vivre
Le divorce
devient endémique
Côte d’Ivoire
Le drame des exodants
__________________________
En vogue
Les secrets de la reine des
tresses : le Gros-Grains
__________________________
Archéologie
Visite à Ingall, l’oasis
de la nuit des temps
À la Une : foi et détresse
L’exode en ville des “ écoles des champs ”
C’est une pratique traditionnelle des écoles coraniques qui ramène des milliers d’enfants, chaque année, dans les
rues de Niamey. Un maître et son disciple s’expliquent sur cet usage de la “ quête ” des talibés, qui donne lieu, dans
d’autres “ écoles ”, à la dérive d’enfants maltraités.
Chaque année, après les travaux
champêtres, et cela depuis des
siècles, le maître (marabout) des
écoles coraniques entreprend un
déplacement avec ses talibés. Le plus souvent
vers une ville voisine, et aujourd’hui dans la
capitale. Pour Marou Amadou, de l’Université
de Niamey, “ cet exode s’inscrit dans le cadre
du processus d’apprentissage des élèves à
l’endurance et à l’exploitation de la solidarité
sociale. L’exode s’effectue généralement vers
les grands centres où le concept de solidarité
sociale n’a pas le même sens pour tous… ”
Selon le professeur Marou Amadou, “ cette
forme d’apprentissage s’est peu à peu confondue
avec la mendicité, et, du coup, les talibés avec
des mendiants. ”
Arrivée à destination, les écoles
coraniques se fixent dans la périphérie ou au
centre ville dans des habitations de fortunes où
les talibés doivent vivre de la solidarité sociale.
C’est la manifestation de cette «solidarité» qui,
aujourd’hui, pose problème. Considérée par
certains comme de la mendicité, mais par
d’autres comme un processus d’apprentissage,
la question de la survie des enfants talibés devient
un phénomène social problématique.Pour
Marou Amadou, il exprime la difficulté des
conditions de vie des enfants, en même temps
qu’il les expose à des tentations et des risques
graves : larcins, délinquance, brimades diverses.
On ne peut pas imputer de tels
phénomènes à la religion musulmane. L’islam
encourage la générosité et autorise la mendicité,
mais il en limite l’exercice : en principe, on ne
doit pas quémander au-delà de ce qui est
nécessaire à sa nourriture quotidienne.
Maître Alfa Yayé, sur son
matelas de paille
Âgé d’une quarantaine d’années, Alfa Yayé est
venu à Niamey il y a deux mois en compagnie
Plus d’un million d’enfants à leurs ardoises
Les écoles coraniques sont ancrées dans la
tradition du Niger. Toute une culture s’y brode et
s’y broda. Depuis la colonisation, cette pratique
éducative a été reléguée au second plan par la
scolarisation. Pourtant, l’école coranique draine
encore plus d’un million d’enfants sur l’ensemble
du territoire. L’Etat est conscient de cette réalité et
de l’importance qu’accordent les parents à cette
institution. Aboubacar Ousseine, Directeur de
l’Enseignement arabe au Ministère de l’Education
de Base, nous a livré les grandes lignes de la
réforme envisagée. (Lire son interview en page 3).
On trouve toujours au moins une école coranique
par village. Leur enseignement est axé sur
l’apprentissage de l’arabe et la mémorisation du
Coran. De la lecture du Coran, elle peut conduire à
l’érudition religieuse qui se pratiquait dans les
grands centres de Say et Agadez, au Niger, mais
aussi de Sokoto, au Nigéria. L’importance de
chaque centre est liée à l’envergure intellectuelle
du maître et à sa capacité d’attirer un grand
2 TELQueL - février 2003
Maître Yayé, le marabout, et son disciple Issa.
de ses talibés. “ Chaque année, à la fin des
travaux champêtres, j’effectue le déplacement
depuis treize ans. ” Il vit dans une paillote avec
ses talibés, non loin du centre de protection
maternelle et infantile (PMI), dans le quartier
Kalley-Nord-Abidjan. Sa hutte est typique des
habitations confectionnées pour la période de
l’exode. À l’intérieur, les essentiels : nattes à
coucher, tasses destinées à la quête et tablettes
en bois où sont transcrits les versets... Alfa Yayé
dort au ras du sol sur un matelas de paille. Il
affirme qu’il doit vivre avec les enfants pour
assurer leur sécurité : « ils pourraient être
victimes d’agressions de la part de bandits ».
Certains maîtres, pourtant, ne le font pas...
“ À chacun sa manière d’agir, répond Alfa
Yayé ; en tant que tuteur et responsable à part
entière de ses enfants, je ne peux les
abandonner. ”
Comme tous les marabouts, il compte
sur la solidarité sociale pour assurer la survie
des enfants en formation. Chaque jour , il
organise trois séances de cours : le matin de très
bonne heure, dans l’après-midi, et le soir, après
20 h. Le reste du temps est consacré à la quête
de la nourriture quotidienne. Les talibés font du
porte à porte en psalmodiant des formules pour
nombre de disciples : c’est le cas de Kiota (à 100 km
à l’ouest de Niamey), qui est même devenu un lieu
de pèlerinage.
Dans les écoles de village, le recrutement des
élèves, vers l’âge de 8 ou 9 ans, ne dépend que de
la volonté des parents de confier leur enfant au
marabout. Le choix du maître est motivé par sa
renommée et par sa compétence à former les
enfants. Ce contrat tacite entre les parents et le
marabout ne prévoit pas de conditions matérielles
ni financières. C’est seulement à la fin de la
formation que les parents, en fonction de leurs
moyens, peuvent donner au marabout une sorte de
récompense. Elle peut être en nature (mouton,
chèvre, vache, cheval ou mil) ou en espèces. Mais
le “ contrat ” passé entre le marabout et les
parents, bien qu’il n’ait rien de formel, comporte
des obligations. Toutes ne reposent pas que sur
l’enfant. Et notamment l’obligation d’assurer sa
protection, et physique, et morale.
H. H. A.
Photo : Idrissou TAO
attirer l’attention des habitants. Les gens
charitables répondent favorablement, et les
enfants parviennent à manger. “ Comme vous
voyez, ils ne sont pas affamés ”, fait remarquer
Alfa Yayé. “ Souvent les enfants rapportent
quelques pièces d’argent de la ville et
j’économise pour faire face aux ordonnances
en cas de maladie ou pour acheter des nattes,
car les parents, dès lors qu’ils vous confient
l’enfant, ne s’occupent de plus rien. Certains
parents n’achètent même pas l’équipement
nécessaire (la tablette en bois et la natte), ils
vous abandonnent l’enfant et c’est à vous de
vous débrouiller... ”
Concernant l’éducation, il reconnaît que certains
enfants tombent dans la délinquance mais la
faute en revient souvent à des parents qui
confient leurs enfants difficiles à un maître
“ pour s’en débarrasser ”… S’agissant des
marabouts qui exigent de l’enfant une somme
d’argent, il le déplore, car c’est une situation
qui pousse l’enfant à utiliser tous les moyens,
dont le vol, pour s’en procurer.
“ Et dès les premières pluies nous retournerons
De quoi sont vraiment en quête ces enfants qui
quémandent ? De tradition, dit le marabout. De
connaissance, dit le disciple.
au village, dans le Tagazar, pour les travaux
des champs. D’ici là, j’espère avoir formé deux
talibés pour les remettre à leurs parents ”.
La quête de Issa Abouba, son
disciple
Il vient de Kogori dans la région de Balleyara, à
50 km au nord de Niamey. Après six ans à
l’école coranique, Issa commence à expliquer le
Coran et à mémoriser quelques livres islamiques
et la grammaire arabe. Depuis qu’il est disciple
d’Alfa Yayé, il n a jamais revu ses parents.
Chaque année, il effectue avec lui le déplacement
de Niamey. Comme tous ses camarades, il doit
se nourrir et s’habiller pour étudier. Comment ?
Par la quête.
“ Dans cette quête, nous rencontrons des
hommes compréhensifs. Ils donnent et certains,
même, nous encouragent. Mais d’autres
personnes sont très amères ; elles nous
insultent, nous chassent de leur maison avec
des menaces. Cela ne nous empêche pas de
continuer car, c’est par là que doit sortir la
nourriture du jour. Nous recevons des habits
usagés ; c’est ainsi que nous nous habillons.
Mais il y a un autre problème dans cette période
de froid : notre case est en paille et le vent entre
de partout, il y fait froid, et nous ne disposons
pas de bonnes couvertures...
À chaque cours du maître, trois fois par jour, le
matin, l’après-midi et le soir, personne ne
manque à l’appel ; ici, la discipline est de
rigueur. J’ai le plus haut niveau, et je souhaite
poursuivre afin de devenir un grand
marabout. ”
Hassane Hassane Abdou
des talibés
Talibés devant
la mosquée de
Yantala 12
Photo : Tahirou MAYAKI
Faire ses classes dans la rue, ou pire…
Cheikh Boureima Daouda, imam de
la mosquée de l’Université Abdoul
Moumouni de Niamey, nous l’a
assuré : “éloigner les enfants de
leurs parents afin qu’ils se consacrent
uniquement à l’apprentissage du Saint Coran
et que le marabout se crée l’occasion
d’approfondir ses connaissances religieuses en
rencontrant d’autres marabouts plus instruits ”,
tel était jadis la finalité de leur migration
saisonnière vers les grandes villes du pays. Le
nombre de talibés participant à cet exode est
difficile à préciser, mais les mineurs, pour la
plupart âgés de 7 à 15 ans, et dont certains
n’ont jamais mis le pied en ville, constituent le
gros du contingent. Ces enfants n’y ont pas
d’autre tuteur que le marabout. Ils ne dépendent
que de lui et de ses seuls conseils pour affronter
la rue. Le marabout n’ayant pas les moyens de
les nourrir, Cheikh Boureima Daouda justifie
qu’ils quêtent : “ la société musulmane tolère
que ces enfants aillent de porte en porte pour
chercher leurs repas quotidiens ”. Généralement
à l’heure des repas de midi et du soir, car c’est
pendant la nuit et le matin de bonne heure que
les enfants se consacrent à la lecture ou à la
révision du Saint Coran.
Autrefois, la réputation du marabout était en
jeu dans le comportement des enfants. Selon
Hadjia Bibata Sadou, une quinquagénaire qui a
souvent hébergé des marabouts chez elle, “il y
va de son honneur que ses talibés soient les
enfants les plus exemplaires du village, sinon, à
la prochaine saison aucun parent ne lui confiera
son enfant ”. Mais elle se corrige elle-même : du
moins, “ telle était la manière dont nos grands
parents, nos parents, et même nos maris avaient
reçus leurs enseignements religieux ”...
L’école ou la colle ?
Aujourd’hui, en effet, le spectacle offert par de
jeunes talibés voués à la mendicité et à la
délinquance quotidienne à Niamey est désolant,
alors qu’ils devraient se limiter au porte à porte
pour la seule recherche de leur pitance
quotidienne. Force est de constater que ces
enfants qui ont quitté parents et villages pour
venir s’instruire en ville, deviennent plutôt des
enfants de la rue, et parfois de véritables ratés
du système éducatif islamique. Ils sont de plus
en plus nombreux et passent plus de temps
dans les rues que devant leurs ardoises. On les
rencontre partout : aux alentours des marchés,
des feux optiques, des auto-gares, bref, dans
tous les lieux d’attraction, de jour comme de
nuit.
Or, « la rue est une pépinière de tous les fléaux
sociaux», rappelle le psychologue Kader Seyni,
directeur adjoint de la Protection de l’Enfance.
La toxicomanie juvénile est un de ces fléaux qui
courent les rues de Niamey. Il n’est pas rare de
croiser, dans des quartiers comme Maourey, des
enfants qui «reniflent»; ils se cachent tant bien
que mal pour respirer leur mouchoir imbibé de
dissolvants. Leur drogue, ce sont les «colles»
ou produits approchants, à cause, explique le
docteur Ali Gado, des propriétés hallucinatoires
de l’ammoniaque qu’ils contiennent.
Le plus grave, selon Cheikh Boureima
Daouda, “ c’est l’exploitation éhontée que
certains, sous couvert de religion, font de ces
enfants ”. Il n’est pas rare de rencontrer de petits
talibés auxquels leur marabout impose de
ramener une petite somme, de 50 à 100 francs
cfa par jour. Et gare à celui qui rentrera
bredouille !…
La religion ne tolère pas de telles pratiques. Selon
Cheikh Boureima Daouda, “ ces enfants, au lieu
de consacrer la plus grande partie de leur temps
à la recherche du savoir, s’adonnent plutôt à de
petites activités, dans le seul souci de satisfaire
leurs maîtres. ” C’est le point de départ d’une
délinquance juvénile chronique. Ils en viennent
à quitter le marabout. Dans le meilleur des cas,
ce dernier ne saura quoi dire aux parents, une
fois rentré au village...
Moussa, le talibé mort vivant
Citons l’exemple du petit Moussa, originaire
de Loga, une région située à 110 km de Niamey.
Il est actuellement porteur au Petit marché de
Niamey. Il y a environ quatre ans, Moussa,
fatigué des coups de fouets et autres sévices de
son marabout, a décidé de le quitter. Le marabout
a été obligé de monter une histoire de toutes
pièces pour ses parents. Moussa raconte : “ il
leur a fait croire que j’avais trouvé la mort à la
suite d’un malheureux accident de circulation.
lls l’ont cru…
Mais voilà qu’un jour, comme tombé du ciel, je
rentre au village pour leur apporter de l’argent
que j’avais rassemblé. Là, j’ai appris que le
marabout, lui, il était vraiment décédé… ”
Aouadé Hadiza
février 2003 -
Interview
Aboubacar Ousseine
Directeur de
l’Enseignement arabe
Tel Quel : Monsieur le Directeur,
l’école coranique est le parent pauvre
du système éducatif. L’Etat va-t-il améliorer
les conditions de travail et
d’étude des talibés et de leurs maîtres ?
Aboubacar Ousseine : Les écoles
coraniques sont les institutions éducatives
les plus anciennes de ce pays, remontant à
l’islamisation de l’espace nigérien, au 9e
siècle. En 1897, 6000 écoles coraniques ont
été recensées par l’administration coloniale.
Actuellement, on en dénombre 50 000 sur
l’ensemble du territoire ; elles drainent un
nombre important d’apprenants. Le nombre
de talibés est estimé à 1 231 000 élèves.
Depuis trois ans, l’Etat, à travers le
Ministère de l’Education de Base, s’est
engagé dans un processus de restructuration
des écoles coraniques. Un programme
d’enseignement unifié a été élaboré à
l’intention de ces écoles. En plus de la
mémorisation du Saint Coran, ce
programme intègre à l’activité de ces écoles
les sciences, les mathématiques, les
langues… et des activités pratiques et
productives susceptibles de favoriser
l’insertion des apprenants dans la vie
active.
Ce programme fait l’objet de campagne de
sensibilisation en direction des leaders
islamiques, des marabouts et parents
d’élèves. Une mission a séjourné dans les
régions de Tahoua et Agadez, une autre se
trouve actuellement dans les régions de
Maradi et Zinder. Après ces missions,
démarrera, incha Allah, la phase de création
de centres pilotes en vue d’expérimenter ce
nouveau programme des écoles coraniques.
Le programme prévoit-il de rétribuer
les marabouts (enseignants) ?
La prise en compte cette dimension
importante de la question est à l’étude.
Des talibés tombent dans la mendicité
chronique, le vol, voire la délinquance.
À quoi attribuez-vous cette situation ?
Il y a trois catégories de mendiants :
d’abord, il y a des talibés qui se déplacent
des campagnes vers les villes avec leur
maître. Les parents qui lui ont confié leurs
enfants ne donnent rien en contrepartie,
pauvreté oblige. Le maître lui-même ne
disposant d’aucune ressource financière, il
compte, une fois en ville, sur la charité des
gens. Ensuite, compte tenu de l’extrême
précarité ambiante, il y a les handicapés
physiques; pour survivre, ils s’adonnent à
la mendicité. Enfin, il y a des gens
désoeuvrés; ayant constaté que les gens
sont charitables, ils s’adonnent à la
mendicité. C’est dans cette catégorie que
l’on trouve généralement des jeunes qui
dérapent et deviennent délinquants
Propos recueillis par
Hassane Hassane Abdou
TELQueL
3
Photo : HINGONBE Damien
Les divorces sont en augmentation à
Niamey. En trois ans, les divorces
coutumiers enregistrés par
l’Association islamique du Niger
(A.I.N.) sont passés de 640 cas en 2000 à 722
cas en 2002. Le phénomène semble concerner
aussi bien les unions traditionnelles que civiles.
Niamey. 14 h. Il y a foule au tribunal de
conciliation de l’A.I.N. Un jugement vient d’être
rendu : le divorce entre madame Hamsatou et
monsieur Habibou est consommé, dix ans et
trois enfants après leur mariage. Le procès est
intenté par madame, répudiée depuis six mois
par son mari. Le tribunal a ordonné au mari,
qualifié d’irresponsable par son épouse, de
prendre en charge les enfants. Le mari estime
qu’elle est devenue ingrate et capricieuse.
De telles querelles, d’après un secrétaire du
tribunal, sont quotidiennes. Selon des sources
citées en août dernier par le mensuel SEEDA,
dans la Communauté urbaine de Niamey, le
divorce prendrait le pas sur le mariage : 233
mariages ont été enregistrés en 2002 contre 327
divorces et répudiations. Chiffres qui ne rendent
pas compte d’un nombre important d’unions
et de séparations restant inconnus des autorités.
Au Niger, le mariage est consacré par la
4 TELQueL - février 2003
Façons de vivre
Mais qu’est-ce qui multiplie
les divorces au Niger ?
La sociologue Thérèse Keita analyse
l’évolution du mariage au Niger.
TelQuel : À quoi faut-il attribuer
l’augmentation des divorces au Niger ?
Thérèse Keita : En 1984-1985, j’avais
réalisé des enquêtes auprès du juge coutumier
de Niamey. La première cause évoquée par
les plaignantes était la violence. La deuxième
cause peut être illustrée par une phrase qui
Constitution comme norme juridique : « le
mariage et la famille constituent la base naturelle
et morale de la communauté humaine, ils sont
placés sous la protection de l’Etat ». L’analyse
revenait souvent : “ mon mari ne me nourrit
pas et ne m’habille pas, donc, comme je suis à
la charge de mes parents, je préfère retourner
chez eux ”. Au moment où je réalisais mon
enquête, le Niger traversait une crise socioéconomique
qui a entraîné la dislocation de
nombreux couples. Enfin, les hommes et les
femmes peuvent se tromper sur leur choix,
surtout quand ce ne sont pas eux-mêmes qui
choisissent. Dans la plupart des cas, le
premier mariage n’est pas le vœu de la femme
des causes du divorce divise, évidemment, les
observateurs. Certains incriminent la tradition :
la répudiation, la polygamie, le mariage précoce
-à l’image de cette récente union qui a défrayé la
«Pour un code de la famille basé sur l’égalité»
Mme Thérèse Keita
est présidente du
groupe
francophone de
l’Association
africaine pour la
recherche et le
développement.
Tous nos voeux de bonheur à ces jeunes mariés du quartier Yantala,
alors que tant d’autres divorcent !
et parfois ce n’est pas le choix de l’homme
non plus. Quand la personne peut décider
elle-même, elle demande le divorce. C’est
encore plus vrai dans le cas des mariages
précoces.
Les familles monogames sont-elles moins
touchées que les polygames ?
Il semble que certaines femmes sont
maltraitées à l’arrivée d’une co-épouse. La
jalousie et la violence peuvent s’installer entre
les co-épouses et parfois entre les enfants.
Certains femmes, notamment en milieu
nomade, ne supportent pas cette situation.
La répudiation ne prime-t-elle pas sur le
divorce dans la société nigérienne?
Quand on se marie, on le fait devant la société
et des témoins. Alors il n’est pas normal que
quand on veut divorcer, on chasse la femme
comme on l’entend. Parce que la répudiation
est un pouvoir exclusif de l’homme. La femme
ne peut pas répudier son mari.
Que préconisez-vous pour faire face à
cette situation ?
Photo : Idrissou TAO
Il faut d’abord créer un code de famille qui
définit les droits et des devoirs de chacun.
Ensuite il faut sensibiliser les enfants à leurs
futures responsabilités.
Propos recueillis par Ousman Cherif
chronique à Niamey entre une fille de 9 ans et
un homme de 47 ans !... D’autres fustigent la
modernité. Ainsi, madame Houda, présidente
de l’Union des femmes musulmanes du Niger
(UFMN), estime que la polygamie ne peut être
retenue comme argument: “sans nul doute, si
Dieu a décrété une loi, elle ne peut être que dans
l’intérêt de l’humanité. Le problème ne se situe
pas dans la polygamie en soi mais dans sa
gestion. Dieu a dit : « … il est permis d’épouser
deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous
plaisent, mais si vous craignez de n’être pas
justes avec celles-ci, alors une seule»… ”
A l’inverse, pour Ibrahim Souleymane Yacouba,
juge des affaires matrimoniales à la CUN, “la
relation conflictuelle existant au sein des
ménages polygames conduit à l’instabilité du
foyer. Mais cela ne signifie pas que les ménages
monogame sont épargnés par le divorce”.
Mais le divorce peut aussi être analysé comme
un mal nécessaire. Selon le Cheikh Boureima
Abdou Daouda, le divorce a été autorisé par
Dieu pour les cas où le maintien du mariage est
impossible. Dans ce cas, il peut constituer une
délivrance et une issue favorable. De combien
de malheurs, de torts, de suicides et de violences
familiales sont victimes les sociétés qui
interdisent le divorce ? Ousman Chérif
Divorce ou
répudiation en Islam
La répudiation est la séparation légale entre
deux conjoints dans la tradition
musulmane. Elle émane du mari qui décide
verbalement la dissolution du mariage. La
femme est obligée de se soumettre. À la
différence du divorce, la répudiation n’a pas de
caractère contentieux, c’est-à-dire qu’elle n’est
pas prononcée par un tribunal. La répudiation
d’une même femme n’est autorisée que deux
fois seulement. À la troisième, elle devient
irrévocable. La répudiation est précédée de
plusieurs étapes : tout d’abord, en guise
d’avertissement, l’abstinence sexuelle, puis le
recours aux parents des deux époux (du mari
puis de la femme). Après la répudiation, la
femme peut encore résider chez son mari
pendant trois mois, sauf si elle est prise en
flagrant délit d’adultère. Au cours de ce
trimestre, le mari doit respecter toutes les
obligations conjugales, à l’exception des
rapports sexuels. Si au terme de ces trois mois,
le couple se réconcilie, la vie conjugale se
normalise sans aucune formalité. Dans le cas
contraire, elle est tenue de regagner le domicile
de ses parents. En cas de grossesse, elle reste
chez son mari jusqu’à l’accouchement et son
époux s’occupera d’elle pendant la période de
l’allaitement. De son côté, la femme peut recourir
au tribunal pour demander le divorce
(khoulou). Dans ce cas, elle rachète sa liberté
en remboursant à son mari la totalité ou la
moitié de la dot versée au début du mariage.
O. C.
Crimes, délits et contentieux
Tribunal de Niamey : la justice du
lundi et celle du mercredi
Au tribunal régional de Niamey,
l’ambiance de la salle, et surtout le
zèle des avocats, dépendent de
l’importance
«financière» ou politique des dossiers traités. Il
arrive que la tension monte. Deux exemples.
Lundi, atmosphère morose. Au menu : flagrants
délits et autres délits mineurs. Cinq prévenus
sont sagement assis dans le box des accusés. Ils
sont surveillés par un gendarme qui ne les quitte
pas d’une semelle. Seul un avocat, visiblement
ennuyé, s’affaire devant un dossier qu’il survole
distraitement .
Khalilou, poursuivi pour coups et blessures
volontaires (CBV), ne comprend visiblement
pas qu’on renvoie son affaire, alors qu’il végète
Pèlerins en
panne d’avion à
l’aéroport de
Niamey , dans
la nuit du 28
janvier
Les naufragés
du Hadj
En panne d’avion pour La Mecque,
134 pèlerins ont dormi plus d’une
semaine à même le sol aux abords
de l’Aéroport de Niamey (voir photo cidessus).
Ils attendaient
désespérément l’atterrissage de
l’avion pour Jeddah promis par les
Agences de voyage Alharia et Nassr
Din. ’’L’agence a passé un
communiqué radio pour nous
convoquer. Mais depuis qu’on est là,
plus rien ! Heureusement, les services
de transit ont ouvert leurs magasins
pour que les femmes et les personnes
âgées puissent y passer la nuit ’’,
proteste un pèlerin venu de Diffa, à
environ 1350 kilomètres de Niamey.
La lassitude se lit sur les visages,
alors que beaucoup d’autres pèlerins
se trouvent depuis près de dix jours
sur les Lieux saints.
Un cas d’anarchie commerciale qui
se répète presque chaque année. Le
ministère de l’Intérieur est intervenu le
mercredi 29 janvier contre ces deux
compagnies. Le ministre a dénoncé la
complaisance qui prévaut dans la
délivrance des autorisation de
création des Agences de pèlerinage
dans notre pays.
S. D.
en prison. Il grommelle quelques mots en houssa
pour manifester son mécontentement. Mais le
regard du président du tribunal le dissuade. Il
regagne sa place d’un air abattu. La partie civile
étant absente, le renvoi s’impose.
Garba, quant à lui, supporte dignement son sort.
Chauve, élancé, il a un regard fureteur. Il jette de
temps à autre des œillades à la salle comme
pour y chercher un soutien. Il est prévenu pour
escroquerie. Fournisseur, il aurait trompé ses
clients. Mais il ne peut plaider son innocence.
Le juge exige la présence d’un témoin. Renvoi
aussi.
Mercredi, le contraste est saisissant. Une
vingtaine d’avocats ont pris d’assaut le
tribunal, bien avant que la Cour n’y fasse son
entrée. Croulant sous le poids de gros sacs
remplis de dossiers, ils s’activent dans un vaet-vient
incessant dans la grande salle
d’audience. C’est le jour des affaires civiles.
Les dossiers plaidés portent sur des millions de
francs cfa de dommages et intérêts. «L’aspect
pénal ne nous intéresse pas», affirme un avocat
dans ses plaidoiries. En d’autres termes, iil est
là, comme nombre de ses confrères, pour les
gros sous de ses clients
«Je suis l’un des rares avocats à faire gagner à
mes clients plus de 600 millions»,, proclame
l’un d’eux. A cette assertion la salle répond
par des bruits «divers». Tel homme politique
obtient ce jour-là un renvoi, juste pour donner
Un an après, les dettes d’Air
Afrique courent toujours
Plus de 4000 Nigériens s’apprêtent à effectuer leur pèlerinage à la Mecque, non sans problèmes
de dernière minute (lire ci-contre). Le spectre du calvaire du Hadj 2002 hante les esprits : Air
Afrique n’avait pas respecté ses contrats avec les agences. Cette affaire plane encore sur le
Palais de Justice.
«A cause de l’inconstance et des retards de la mourante compagnie Air Afrique, mes clients ont
payé plus de 14 millions de francs cfa de frais d’hébergement imprévus». Ainsi s’exprime Me
Keita, avocat des agences de voyage Al Sunna et Al Nia.
En janvier 2002, ces deux agences avaient signé un contrat de transport pour plus de 400 pèlerins
avec Air Afrique. Au dernier moment, la compagnie, qui était déjà entrée dans la zone de turbulences
qui devait la conduire au crash, avait du mal à transporter tous les pèlerins au moment voulu. Il a
fallu, non seulement louer un avion de remplacement mais aussi assurer l’hébergement des pèlerins
durant deux jours. Selon Maître Keita, cela n’était pas prévu par les clauses du contrat. Tout en
reconnaissant un reliquat «de 10 millions de francs cfa et quelques…», le conseil des deux agences
réclame le versement de 14 millions. Il observe que la compagnie est une société en liquidation et que
ses liquidateurs judiciaires doivent trouver une solution aux créanciers.
Mais, pour l’avocate de la compagnie en liquidation, les agences n’ont pas respecté les clauses du
contrat. De plus, jusqu’à ce jour, elles traînent un reliquat de plus de 10 millions F cfa. Par
conséquent, selon elle, la compagnie ne leur doit rien. Si le phénix (Air Afrique) peine à trouver un
repreneur, ce n’est peut-être pas qu’on doute de sa capacité à renaître, mais qu’on craint, avec cette
résurrection, l’apparition de procès comme celui-ci. Après le débat contradictoire des avocats,
l’affaire a été mise en délibéré pour le 19 mars 2003.
B. I. H
Photo : Kounki DJONFENE
les temps à son avocat de préparer sa défense.
Les autres jours, il en est qui ne peuvent même
pas se payer un défenseur. Le mercredi,
impeccables dans leurs robes, les Maîtres de la
rhétorique sont infatigables. Debout durant
quatre ou cinq heures.
Contrairement aux prévenus des flagrants délits
et des délinquants primaires qui préfèrent se
taire devant les questions embarrassantes des
juges, les avocats parlent haut. La présidente
du tribunal, dont le foulard cache mal les boucles
d’oreilles, doit les rappeler à l’ordre : «Silence!»,
lance t-elle de temps à autre aux avocats, dont
l’un est surnommé par ses collègues le Maître
Jacques «Vergès»...
Béchir Issa Hamidi
Jackou décroche un
délai pour son ‘scoop’
Poursuivi pour publication de
fausses nouvelles, le fondateur du
journal La Roue de l’histoire, Sanoussi
Jackou, a comparu le mardi 28 janvier
2003 devant le tribunal régional de
Niamey. Il encourt une peine de 1 à 2
ans de prison, et une amende de
100.000 à 1.000.000 fcfa. Mais l’affaire
a été renvoyée au 10 février sur
demande de l’avocat du prévenu, Me
Souley: il ne serait pas entré en
possession de certains documents lui
permettant, dit-il, de mieux préparer sa
défense. «Je ne parle pas en l’air. J’ai
des preuves», lançait Jackou à la
sortie de l’audience, enveloppé dans
un boubou de même couleur que la
peinture de la salle d’audience. Il est
poursuivi sur requête du procureur
pour un article publié dans La Roue de
l’histoire du 20 novembre 2002. Il y
était attribué au Premier ministre, «en
relation avec des officiers des forces
armées nigeriennes», des intentions
assassines vis à vis de plusieurs
hommes politiques… Pour le
procureur, ces affirmations
constituent un délit de puni par
l’ordonnance 99-67 du 20 novembre
1999, sur le régime de la liberté de
presse.
La salle d’audience était pleine,
parents, partisans, journalistes et
simples curieux étant venus en
nombre. Une forte mobilisation des
forces de l’ordre avait été prévue pour
parer à d’éventuels dérapages. A la
veille du procès, le secrétaire général
de Reporters Sans Frontières, Robert
Menard, déclarait à Niamey qu’un
journaliste ne devrait pas écrire
«n’importe quoi»… mais qu’il y a
d’autres manières que la prison de
sanctionner les «dérapages»… On
jugera le 10 février ce que valent les
«preuves» de Jackou. Ses lecteurs,
eux, attendent toujours le prétendu
«scoop».
B. I. H
février 2003 -
TELQueL
5
Niamey, chronique de la CUN
NOMINATION
Bonne arrivée,
Madame «La CUN» !
La future capitale de la Francophonie a-telle
trouvé sa «Dame de fer» ?
Par décision du conseil des ministres
du jeudi 9 janvier 2002, c’est une
femme, désormais, qui dirige la
Communauté urbaine de Niamey.
Madame Barry Bibata, la nouvelle «Préfet-
Maire» de la CUN, une juriste approchant la
cinquantaine, a pris en main la vie quotidienne
du million d’habitants de la capitale. Outre le
traitement des problèmes récurrents
d’assainissement, de mendicité et de
6 TELQueL - février 2003
construction anarchique de baraquements dans
les ruelles, la nouvelle locataire de l’Hôtel de
Ville aura-t-elle les moyens et l’ambition de
porter Niamey à la hauteur d’une capitale
moderne ? Passée la surprise de la nomination
d’une «Préfète» qui n’est pas l’épouse du
Préfet, on attend de voir Mme Barry déployer
les qualités qu’elle avait montrées, autrefois,
dans son rôle de Directrice de la Police judiciaire.
S. D.
Niamey by night
Mister I. et les gabdis
Les lieux de loisirs se multiplient et se
démocratisent à Niamey. Il est loin le
temps où un cadre en vue de l’Etat
devait payer d’audace ou être inconscient pour
fréquenter ces endroits car sa carrière pouvait
en pâtir ! Aujourd’hui, chacun s’offre le loisir
qu’il veut ou qu’il peut sous l’œil tolérant
mais vigilant de l’Etat, qui doit assurer la liberté
du commerce tout en protégeant les bonnes
mœurs. Désormais, on peut «sortir». Mais
où donc ? Aux quatre vents.
Au nord de Niamey, il y a le Camping
touristique, sur la route de Tillabéry, entre
Yantala et Kouara-Kano ; au sud, on
trouvera Le Tranquille, sur la route de
Dosso, entre l’Aéroport et le poste de
police; dans l’Est de la capitale, ce sera
L’Arc-en-ciel, sur la double voie allant à la
Cité Caisse ; dans l’Ouest, enfin, on visera
le 2005, au rond-point Haro Banda, à la
croisée des axes Niamey-Say et Niamey-
Torodi.
Au centre de ce quadrilatère comme à sa
périphérie se trouvent des dizaines d’autres
lieux de loisirs ouverts au gré de l’extension
de Niamey : les cinémas, les boîtes de nuit,
les restaurants, les bars - restaurants, bien
sûr, mais aussi et de plus en plus les bars -
dancings et … les « caves ».
On n’y va pas seulement pour des boissons
bien fraîches, un bon plat de malkou (têtes
et pattes d’ovins ou de bovins bien
assaisonnées), un rôti de porc, un bon
orchestre ou un bon D. J. (qui peuvent faire
la fortune d’une adresse) mais parfois pour
la qualité de la clientèle elle-même.
Ces lieux de loisirs accueillent des agents de
l’administration, des employés des
organismes internationaux, expatriés ou
nationaux, des membres des professions
libérales (avocats, journalistes, médecins),
des politiciens, des syndicalistes, de jeunes
opérateurs économiques dans le vent, etc...
Tout en prenant du bon temps, on s’y
met à faire et à défaire le monde, ou à
tirer des plans sur la comète.
Il y a la grande masse de ceux qui, comme
«I.», un loyal agent de l’Etat et grand
danseur devant l’Eternel, viennent
vraiment s’éclater, sur les rythmes du
Goumbé Star, du célèbre Mali Yaro, par
exemple. Le spectacle vaut le détour.
Ivrognes d’un jour ou de toujours,
simples mélomanes et honorables pères
de famille désireux de « décompresser »
rivalisent d’ardeur avec Mister «I.»,
dont le répertoire chorégraphique
comprend des danses nigériennes comme
le Bitti, le Goumbé, le Folley, le Takay et
des musiques venues d’ailleurs : le
Makossa, le Raï, le Reggae, le Zouk et
autres slows. Imbattable sur une piste,
Mister «I.» est souvent choisi comme
partenaire par de multiples « gabdis »,
ces filles de joie qui, à l’unisson avec
l’orchestre, chantent et dansent au point
de nous rappeler certain passage du
Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé
Césaire : «Et ce ne sont pas seulement les
bouches qui chantent, mais les mains,
mais les pieds, mais les fesses, mais les
sexes et la créature tout entière qui se
liquéfie en sons, voix et rythme...». La
transe, quoi ! Car ces belles de jour et de
la nuit qui, dit-on, ont « leur avenir
derrière elles », sont des Excellences
dans l’art d’allumer un homme, quitte à
s’y coller (toute entière) ou, parfois, à
s’en défaire en fin de soirée, après l’avoir
dûment pressé comme un citron.
Par les nuits qui courent, allez donc faire
un tour où joue Mali Yaro, par exemple,
et vous m’en direz des nouvelles !
Mahaman Sani
[Assainissement urbain]
Hygiène de la capitale, urgence capitale !
Une tâche prioritaire attend la nouvelle préfète, à l’approche des 5 e Jeux de la
Francophonie : la mauvaise hygiène de la ville, alliée à la dégradation des
infrastructures routières, réclame des mesures énergiques. C’est à un cas
d’insalubrité que Madame Barry a consacré sa première sortie. En complément,
TelQuel a procédé à une tournée rapide d’autres lieux à « visiter ».
Au Petit Marché, attention où vous marchez
Principal pôle d’attraction des ménages de la capitale, le Petit Marché bat son plein.
Aux vrombissements assourdissants et aux vapeurs d’essence s’ajoutent les cris
des vendeurs. La marchandise sur les étals est appétissante, mais tout
l’environnement est malsain, du fait de l’accumulation des déchets et denrées
périmées autour du marché. ‘’ Les ordures ? Ah! ça ,c’est l’affaire de la mairie. Nos
manœuvres balaient le marché tous les matins’’, martèle un responsable du Petit
Marché. Il jure que « son » marché est propre, alors que, juste à côté, le volailler
libère deux cadavres de pintades dans le ravin d’en face. Une eau boueuse et fétide
stagne dans le caniveau.
Bonjour l’odeur du kopto de Katako...
L’insalubrité du marché de Katako est encore plus manifeste. Ses baraques ‘’gigotent’’
sur des monticules de déchets hétéroclites. Les marchandises sont exposées à
même le sol, où une restauratrice déverse éperduement son eau de vaisselle : une
sauce verdâtre dans laquelle pataugent de gros reliefs de kourba-kourba. Le rôtisseur
déverse les plumes de ses volailles sur le trottoir. De sa bicoque, l’épicier nous
balance un flot de fruits pourris. Et, là-bas, deux gaillards goguenards inondent de
leur urine le pied du mur de l’école, devant laquelle la vendeuse de ‘’kopto’’ crie sa
marchandise à tue-tête.
Appréciez « l’écologie » de l’Ecogar
Nous voilà à l’Ecogar et ses abords fameux pour leur délinquance endémique. Ce
n’est pas seulement la plus grande gare du Niger et un lieu peu sûr, c’est aussi un
temple de l’insalubrité, dont la devanture s’émaille de matières fécales. Les caniveaux
en sont béats de contentement, parmi les ordures qui en constituent l’ornement. La
gare « capitale » est simplement putride.
Au Grand Marché, la «campagne» oubliée...
Le Grand Marché de Niamey est le principal centre commercial du pays, mais tous
les caniveaux y dégorgent à ciel ouvert. On y traverse les mêmes odeurs que dans
nos précédentes étapes. Comment ses riverains pourraient-ils améliorer à eux seuls
un tel «environnement» ?
Dans cette affaire, ‘’tout le monde est coupable», comme dirait la chanteuse Afia Mala.
Personne ne semble jouer son rôle. Qu’est-ce qui peut expliquer la mise en veilleuse
de la fameuse ‘’campagne d’assainissement de nos villes’’ claironnée à grandes pompes
par l’ancienne mairie ? Pourtant, les habitants de certains quartiers s’organisent
pour améliorer l’hygiène de leur cadre de vie. Dans nos prochaines éditions, nous en
verrons l’exemple avec les associations Gayya, Faba et Peamuru.
Saidou Djibril
Photo : D.R.
Dans l’Ader
Intérieur, la vie des régions
Tahoua ploie
sous le poids
des exodants
qui refluent
d’Abidjan
Dans l’Ader, les jeunes ont
toujours rêvé d’aller chercher
fortune en Côte d’Ivoire ou en
Libye. Cette fièvre de l’exode sévit dans
tous les foyers. Mais certains exodants
rentrent au pays. Plusieurs ressortissants
des villages d’Afalla, Barmou, Takanamatt
et Toudoumi ont commencé à fuir la Côte
d’Ivoire depuis mars dernier. Il y a donc
dix mois déjà que certains ont compris que
les choses tournaient mal. C’est le cas de
Mahamane Sanda, un tailleur de
Takanamatt. Il a vécu vingt ans à Abidjan,
où il a gagné beaucoup d’argent. Par
exemple, dit-il, “ à la veille de Noël ou du
Nouvel An, tout comme à la veille de la fête
du mouton, il m’arrivait de gagner
100.000 F cfa pendant dix jours de
couture.” Aujourd’hui, il est heureux
comme Ulysse. Il a son atelier de couture
en face du grand marché de Tahoua. En dix
mois d’activité, il atteint à peine sa recette
mensuelle d’Abidjan, mais il est fier de
vivre à côté de ses parents.
Trois natifs du village de Toudouni étaient
eux, respectivement, vendeur de thé,
commerçant en fripes et portefaix à
Abidjan. Depuis leur retour au Niger, il y a
dix mois, tous ont dû renoncer à leur métier
d’exodant pour s’adonner à la pratique des
cultures maraîchères à Adouna. Ils
estiment pourtant avoir “eu de la veine”.
Leurs frères restés en Côte d’Ivoire,
jusqu’à la dernière minute des événements,
l’ont appris à leurs dépens. Certains sont
rentrés au bercail bredouilles, épuisés et
malades.
M. Abba Moussa, chef du canton de
Tahoua depuis 1976, et son cousin Azza
Habi Balé Ibn Issa, déclarent que la
situation des exodants mérite une attention
particulière. Les deux dignitaires de la ville
de Tahoua rappellent aux populations de
l’Ader que les exodants ont largement
contribué au développement de l’économie
rurale dans l’Ader. Maintenant, tout le
monde sait que leurs conditions de vie se
dégradent, là-bas, en Côte d’Ivoire. “Nous
avons donc intérêt à mobiliser nos
énergies pour leur témoigner notre
solidarité et favoriser leur réinsertion
sociale dans l’Ader qu’ils ont beaucoup
aimé. ” C’est en ces termes que les deux
personnalités ont voulu inciter les
Adérawas à accueillir à bras ouverts leurs
frères musulmans contraints d’abandonner
leur seconde patrie. À Badaguichiri, à
Goaram, à Tabotaki, Founfouye et
Alakaye, d’autres habitants sont en plein
désarroi, sans nouvelles de leurs parents
restés en Côte d’Ivoire.
Mahamadou Mamoudou, dit Ravic,
à Tahoua
Dans l’AÏR
Agadez la touristique
réclame son aéroport
«libyen»
Le directeur de la Sobafor se défend d’être responsable du retard
des travaux.
Dans le souci de relancer l’économie
du pays en général et la saison
touristique dans la région
d’Agadez en particulier, l’Etat
nigérien a engagé, depuis le 16 juillet 2001, un
grand chantier à l’aéroport d’Agadez. Pour
permettre à de gros avions de se poser à nouveau
sur la piste de l’aéroport Mano Dayak, il faut
réhabiliter cette dernière aux normes
européennes, sur 3 000 mètres de long et 45 de
large.
Les travaux, confiés à la société nigérienne
Sobafor, devaient prendre fin le 30 décembre
2002. Mais ils accusent un sérieux retard.
Agadez s’impatiente et proteste. L’inquiétude
grandit car la saison touristique à venir est
entièrement suspendue à la réouverture de
l’aéroport. En deux ans, les recettes touristiques
se sont effondrées de 70 % dans la cité de l’Aïr.
Quand l’aéroport Mano Dayak sera-t-il enfin
prêt ? Y’aura t’il des touristes cette année ? De
l’hôtelier le plus modeste au “chasse-touristes”
le plus entreprenant, du plus petit artisan aux
plus grandes agences de la place, tout Agadez
attend. “ Cela fait des années que je comptais
sur une saison touristique digne de ce nom pour
récupérer les investissements que j’ai
faits. Nous sommes vraiment dépassés par cette
affaire.” Ces propos de Mme Agaïcha, dite
Bibi, propriétaire du restaurant Orida, illustrent
l’inquiétude qui prévaut actuellement. Pressée
d’accueillir les nouveaux visiteurs, la ville est en
ébullition depuis des mois. Quand les travaux
ont commencé, tous les privés travaillant dans
le secteur du tourisme se sont endettés pour
innover, améliorer leurs structures. “Nous avons
fait des démarches auprès des opérateurs
économiques, et cela fait deux ans que nous
attendons. Nous perdons de l’argent, couvrons
à peine nos dettes sans parler du manque à
gagner fiscal pendant le dépassement du délai,
soit une année”, précise Joula Moussa Akly,
président du syndicat du tourisme du Niger.
“Si, d’ici le mois de février, la société ne nous
fournit pas un courrier spécifiant la date de fin
des travaux que nous présenterons à nos clients
au plus tard en mars, aucun tour opérateur ne
proposera la destination Agadez pour la saison
2003-2004. Et cela serait catastrophique.”
Le préfet d’Agadez, Yahaya Yandaka, renchérit :
“ Nous nous sommes rendus 14 fois sur le site
afin d’accélérer les choses mais hélas, malgré
notre volonté et celle de l’Etat que nous
représentons, l’irréparable a eu lieu. C’est un
énorme gâchis. Cet aéroport est très important
pour le pays. Beaucoup de compagnies, comme
Afriquiah Airways, attendent qu’il soit terminé
Les travaux de construction de la nouvelle piste d’Agadez
pour ajouter Agadez à leurs destinations. ”
Alors pourquoi ce retard ? Il semble que
l’entreprise Sobafor soit bloquée en attendant
la livraison d’une centrale de béton bitumineux,
achetée tout récemment en Libye. Plus de la
moitié des éléments composant cette machine,
six camions sur huit, manquent encore. Principal
accusé de toute cette affaire, Alhousseyni Sidi
Mohamed, le directeur de la Sobafor, se défend
vigoureusement : “ si les travaux ont accusé un
tel retard, ce n’est ni à cause d’un manque de
compétence comme certains le croient, ni
par volonté de sabotage comme d’autres le
pensent. Mais tout simplement à cause d’un
certain nombre d’événements survenus au début
des travaux et qui ont rendu nécessaire
l’allongement du délai imparti.”
“ Au début, il était prévu une piste de 3.000
Une femme de la brousse
de Tahoua a accouché,
dans les derniers jours de
janvier, à la maternité
Tassighi à Tahoua, de
Insolite
mètres de long sur 45 de large avec une
épaisseur de 80 cm de gravier concassé. Mais
par la suite, des modifications ont été apportées:
on a, par un avenant au contrat, augmenté de
30 cm l’épaisseur du revêtement. ” Les camions
arriveront le 5 février au plus tard, affirme le
patron de la Sobafor, précisant que ce type de
machine est rare dans la sous-région. Lorsqu’elle
sera installée, deux semaines plus tard maximum,
il faudra dix à onze jours, à raison de huit heures
de travail par jour, pour achever la piste. “Tout
sera terminé fin février, début mars au plus
tard”, a-t-il promis. En tous cas, ajoute-t-il, “je
n’ai jamais été menacé de résiliation ni de
pénalité. Rien ne m’a été reproché ni sur le plan
technique, ni sur le plan de la collaboration. ”
Ibrahim Manzo Diallo à Agadez et
Hadiza Aouadé
4 têtes pour 2
deux jumeaux dont l’un à
trois têtes.
Elle a été transférée à
Niamey avec ses enfants
dans un état grave.
février 2003 -
TELQueL
7
Photo : D.R.
8 TELQueL - février 2003
NIGERAMA
NIGERAMA
[ Archéologie ]
Le vieil homme
et son Atlantide
Photo : Kounki DJONFENE
“Soyez les bienvenus dans la cité des Kel Ourou ! ”,
s’exclame le vieil homme en nous ouvrant les bras. La
cité de “ceux de longtemps” - littéralement en tamacheq -
a longtemps été ignorée des nomades de la région. C’est
Abagadja Ag Douhouma qui a découvert ces lieux au
hasard de son errance de berger. Près du village de
Timighat (“là où je suis”), à 142 km à l’ouest d’Agadez.
“Peut-être que c’est moi que les esprits des lieux attendaient
pour autoriser son apparition. Qui sait?” En maître du
sanctuaire, il nous invite pour une longue visite à travers
le labyrinthe des âges engloutis. “Je savais depuis
longtemps que quelque chose m’attirait ici car, à chaque fois
que je passais avec mes animaux, j’avais comme l’impression
d’être épié par des yeux invisibles. ” C’est en essayant de
forer un puits que le septuagénaire mit à nu le premier
puisard gorgé d’eau, qui s’était seulement ensablé. “Il
présentait une étonnante particularité car il était creusé dans
du granit. J’ai su qu’avec cette découverte de l’eau à fleur du
sol ma vie nomade et celle de tous mes frères éleveurs ne
connaîtraient plus les affres de l’errance et la flamme de la
solitude. Je me suis mis à l’œuvre et j’ai découvert tous les
puits que vous voyez ici. Je pense que les premiers habitants
de ce lieu étaient des agriculteurs. ” Intrigué, il poursuit
ses fouilles et s’aperçoit, après plusieurs jours de travail,
que des rigoles creusées dans la pierre relient au puits
central une dizaine de bassins, par des vases
communicants souterrains. Une sorte de système
d’irrigation en somme, transportant l’eau de puits en
puits, “ jusqu’aux ânes là-bas ”. “Qui a pu forer ces puits
dans du granit? Et avec quels instruments? Mystère? Tout
comme ces grandes tombes, sépultures de géants ou ces
poteries fabriquées dans une matière inconnue de nous
autres! J’ai vu beaucoup de choses qui méritent d’être
connues. Je vous les montrerai un jour si je n’ai pas rendu
visite à ceux-là qui dorment dans ces lieux !”, promet le
vieux guide, jaloux de son trésor.
Ibrahim Manzo Diallo
Agadez
L’oasis de la nuit des temps
Le site découvert tout
récemment au nord
d’Ingall n’a pas encore été
exploré par les experts de
l’Institut de recherche en
sciences humaines. Une visite préparée
conjointement par les ministères du
Tourisme et de la Recherche devrait
cependant bientôt permettre aux
archéologues compétents d’observer de
plus près les tombes en forme de croissant
de lune – un souvenir du néolithique – les
fragments de poterie et, surtout,
l’étonnante architecture de ces puits, qui
portent encore les traces des cordes qui
servaient à hisser l’eau le long des parois.
Pour établir la datation de ce site avec
certitude, il conviendra de procéder à des
prélèvements et des tests au carbone 14.
Dans l’immédiat, il faut donc rester
prudent sur ce que révèlent ces souvenirs
d’un passé peut-être antérieur au désert.
Le ministre du Tourisme, Rhissa ag Boula,
espère, pour sa part, y faire venir les
visiteurs, comme dans tous les sites
archéologiques de la région: “ Nous avons
appris l’existence de ce site le mois dernier,
lors d’une visite en profondeur dans le poste
administratif d’Ingall et l’irhazer. Nous avons
vu cet étonnant système de vases
communicants. A part cela, nous avons vu
des tombes circulaires, donc pré-islamiques.
Nous avons ensuite identifié le site du village
grâce aux échantillons de pierres taillées, de
silex, de poteries et de bois tel que le Gao,
qu’on ne trouve plus dans l’Aïr, ni dans le
Tadress. Tous les troncs d’arbres qui sont làbas
sont en grande partie fossilisés. Ces sites
ont donc sans doute connu plusieurs
peuplements successifs, le plus ancien étant
celui qui a utilisé la pierre. On a trouvé des
fourches, des poulies autour de certains puits
qui prouvent qu’il y a deux ou trois siècles
encore, ces puits étaient presque tous
exploités. ”
Le ministre a concédé cependant qu’il était
recommandé, dans ce genre de matière, de
requérir l’avis des spécialistes, avant de
commercialiser en tant que produits
culturels ces souvenirs des premiers âges.
Ibrahim Manzo Diallo
Agadez
L’un des puits creusés dans le granit par les hommes du néolithique
La palmeraie d’Ingall à une vingtaine de kilomètres du site
février 2003 -
Photo : Kounki DJONFENE
TELQueL
9
Photo : Kounki DJONFENE
Alors que les Etats-Unis
d’Amérique menacent toujours
l’Irak d’une intervention
militaire, ils ont accusé, le 19
décembre dernier, le Niger, troisième producteur
mondial d’uranium après le Canada et
l’Australie, d’avoir vendu de « l’or atomique »
à Saddam Hussein. Le ministre des Mines, M.
Rabiou Hassan Yari, puis le Chef du
Gouvernement, M. Hama Amadou, ont aussitôt
démenti cette information. Le 25 décembre, lors
d’un débat télévisé, le Premier ministre a
cependant précisé que «dans les années 80,
l’Irak, qui
n’était pas
encore au ban
des grandes
puissances,
avait souhaité
acheter de
l’uranate
(uranium non enrichi) au Niger dans le cadre
de la coopération bilatérale ». Mais, a-t-il ajouté,
«le président Seyni Kountché, après s’être
concerté avec ses partenaires, n’a pas donné
suite à la demande irakienne».
Selon certaines sources, la flèche américaine,
destinée à étayer les soupçons contre Bagdad
d’avoir acquis des armes de destruction massive,
pourrait aussi viser la France, qui était à cette
époque dans les meilleurs termes avec l’Irak
dont elle était l’un des principaux pourvoyeurs
d’armes.
La production et la vente d’uranium au Niger
est, en outre, depuis toujours, étroitement
contrôlée par la France.
Pour en savoir un peu plus sur ces mystérieuses
négociations, TelQuel a rencontré le député
Amadou Oumarou, dit Bonkano, qui fut
conseiller à la sécurité du défunt Président Seyni
Kountché de 1974 à 1983. Confidences en clairobscur
d’un ex-homme de l’ombre :
«Effectivement, il y a eu une tentative (de l’Irak),
une fois, à travers notre ambassadeur en Arabie
Saoudite, qui était en contact avec Bagdad. Ce
dernier a donné l’information (au Chef de l’Etat
nigérien à l’époque : Seyni Kountché) et elle n’a
pas intéressé; il a laissé tomber (…)», se
souvient le député, très à l’aise.
«À ma connaissance, le Niger n’a jamais vendu
de l’uranium à l’Irak. D’ailleurs, le Niger ne
peut même pas vendre de l’uranium. Ceux qui
parlent de vente d’uranium, c’est d’abord par
méconnaissance de la matière elle-même. Le
Niger n’a pas d’uranium traité. Nous sommes
associés avec la France; donc, à la fin de chaque
année, on sait combien de tonnes le Niger gagne
et ce qui revient à la France. Mais la France est
en même temps l’acheteur de la part nigérienne.
Ce qui fait qu’on dispose d’un certain tonnage
10 TELQueL - février 2003
Politique
mais pas d’autonomie pour le vendre», explique
Bonkano.
«Et, à l’époque, poursuit, assez mystérieux, le
député, vous ne pouviez pas «sauter» (par
dessus) l’associé, parce qu’en réalité c’est
seulement ces dernières années que les gens
parlent d’uranium, de bombes et tout ça : non,
à l’époque, c’étaient des centrales électriques
que les gens faisaient avec l’uranium ! Et dans
tous les cas, il faut une autorisation du fameux
CEA (le Commissariat français à l’Energie
atomique), même pour les centrales électriques.
En fait, personne ne peut vendre de l’uranium à
un Etat libre-
ment.» Pour
Amadou
Oumarou, dit
Bonkano, tout
est clair.
Ou plutôt,
presque clair
car, indique-t-il, «il y avait, sous le régime Diori,
une répartition de l’uranium nigérien en trois
parts : la Côte d’Ivoire avait sa part, le Niger
avait, bien sûr, la sienne et la France, notre
associée, aussi.
On ne sait pas pourquoi une part était réservée
à la Côte d’Ivoire. Nous, quand nous avons
pris le pouvoir (en 1974, NDLR), nous avons
supprimé la part de la Côte d’Ivoire. Du temps
où la Côte d’Ivoire prenait sa part d’uranium,
on ne sait pas à qui elle la vendait...»
Certes, concède-t-il, «nous avions aussi trouvé
le prix de l’uranium très bas (en 1974) et nous
avions décidé de l’augmenter en demandant à
nos partenaires (la France et ceux qui achetaient
auprès des Français) de nous y aider…»
Mais, qui donc achetait alors auprès des
Français ? «Ça, on ne le sait pas !», assure
Bonkano, qui indique toutefois que « beaucoup
de pays ont cherché à acheter de l’uranium au
Niger; mais quand ils se sont rendu compte
qu’il n’était pas possible qu’on leur vende de
l’uranium comme on vend du manioc, sans
passer par la France et sans autorisation des
organismes compétents, beaucoup de gens ne
sont plus revenus…»
Et Bonkano d’ajouter, évasif : «la Libye nous
avait contacté pour une vente mais ça n’a jamais
marché»...
Décidé à rester mystérieux jusqu’au bout,
Amadou Oumarou avoue, avec une modestie
feinte ou en fonction d’un de ces calculs dont
on le dit coutumier : «il peut y avoir des choses
que je ne sais pas parce que -attention!l’uranium,
non seulement, c’est secret, mais il y
avait des personnes désignées pour ça et c’est
vraiment un cercle fermé. Vous comprenez ?…»
Nous comprendrons. Peut-être.
Sani Soulé Manzo
DIPLOMATIE
Uranium : le Niger a-t-il croisé
«l’axe du Mal » ?
« On ne vend pas de l’uranium
comme on vend du manioc »,
susurre à TelQuel Amadou
Oumarou, dit Bonkano
Le gisement d’uranium d’Arlit exploité par la société française Gogema
VIE DES PARTIS
CDS Rahama: les deux ailes
se volent dans les plumes
Mercredi 29 janvier, le Palais de
justice de Niamey fut le théâtre de
quelques réglements de compte
politiques, et autres noms d’oiseaux,
alors que reprenait la bataille
judiciaire qui oppose les deux
courants de la CDS Rahama depuis
son congrès du 21 septembre.
Les militants des deux ailes avaient
rempli la salle : insultes par ci,
invitations à la bagarre par là. La
salle était trop petite pour contenir
tous les candidats spectateurs,
impatients d’entendre le verdict sortir
de la bouche du juge, M. Wassey. Il
leur faudra encore patienter
quelques semaines, le jugement
ayant été mis en délibéré jusqu’au 5
mars 2003. Ils ont dû se contenter,
dans un premier temps, d’apprécier
les plaidoiries des avocats des deux
parties.
Me Kader, avocat de l’aile Chéfou
Amadou, a demandé l’annulation pure
et simple de l’élection de son rival à
la tête du parti, lors du congrès de
septembre 2002. Selon ses dires,
certains de ses partisans ont été
délibérément tenus à l’écart de la
procédure de vote du congrés, privés
de badges d’entrée. Les textes du
parti auraient en outre été violés par
le président de la CDS, Maman
Ousmane, qui aurait abusé de son
influence de Président de
l’Assemblée nationale. “ Le président
du parti a fait relever un commissaire
de police nuitamment parce que
l’intéressé a refusé à ses éléments
de jouer le jeu de Maman Ousmane”,
a affirmé l’avocat.
Son adversaire, Me Sirfi, défenseur
de Mamane Ousmane, s’est expliqué
sur l’affaire des badges d’entrée,
seul motif de la plainte de Chéfou
Amadou: “les premiers ne portaient
pas les noms des invités ”. Il a donc
fallu les refaire, ce que le parti ne
pouvait prévoir dans ses statuts.
“Comment prendre des textes pour
des lettres ? ”, s’est-il exclamé. Pour
lui, tous les actes du congrès sont
conformes au règlement et aux
statuts du parti.
À la sortie de l’audience, Me Kader,
avocat de Chefou Amadou, a affirmé
que l’aile de Mamane Ousmane
demandait trois choses au tribunal :
se déclarer incompétent, déclarer la
demande de Chéfou Amadou
irrecevable et le débouter.
Cependant, a-t-il souligné, “ l’aile de
Mamane Ousmane n’a jamais
demandé l’annulation du congrès de
l’aile de Chéfou Amadou”. Selon lui,
la position politique du Président de
l’Assemblée ne devrait pas influer
sur la décision du juge. “ Le 5 mars,
rien ne sera dit que le droit. ” La suite
au prochain épisode.
Adamou Samba Gagara
Photo : D.R.
Economie
À douze jours de la Tabaski,
le cours du mouton fait du yoyo
comme le baril avant l’Opep...
Le 12 février, c’est la Fête. Sur le marché de Tourakou, les prix ont bondi de 30 000 à
36 000 F. cfa, avant de se stabiliser à la baisse... Mais méfiez-vous des contrefaçons !
La fête de Tabaski ou Aïd Al-Kébir, c’est
pour bientôt : le 12 février. Et tout chef de
famille doit s’acheter son mouton de sacrifice.
Comme chaque année, à Niamey, le prix du
mouton a commencé par monter : 36.000 F
CFA le bélier, une belle somme pour un petit
fonctionnaire payé 50 000F CFA par mois !
Puis, la crise en Côte d’Ivoire (lire aussi page
12) a fait osciller les cours... Quoi qu’il en
soit, pour la Tabaski, certaines épouses, par
souci des traditions, de la famille et de leur «
standing », font pression sur leur mari : le
mouton est une exigence impérative. C’est le
boom annuel du commerce de Niamey. Les
vendeurs de moutons s’apprêtent à réaliser
leur meilleur chiffre d’affaires de l’année.
Venus de tous les villages autour de Niamey,
ils convergent vers les marchés. Le plus grand
de la capitale, c’est celui de Tourakou, du
quartier Lazaret.
En cette veille de Tabaski, le marché
est plein comme un œuf. Partout des
moutons, des moutons gros et gras
donnant l’impression au visiteur
d’être dans une ferme américaine. Les vendeurs
se sont installés en petits groupes, à côté des
vendeurs de son et de paille. Certains parents
sont accompagnés de leurs enfants qui regardent
avec beaucoup d’admiration les gros béliers. On
vient de tous les coins du pays à ce marché
moderne, entouré d’une enceinte en béton, bâti
selon une architecture qui rappelle les marchés
les plus modernes de l’Asie.
«Nous sommes venus chercher les bons revenus;
la Tabaski c’est la ‘’traite’’ des moutons. Il faut
vraiment profiter de la circonstance », dit Bouba,
un vendeur venu de Ayarou.
En face de lui, l’acheteur est inquiet : ‘’les
autorités doivent prendre des mesures sociales
sinon beaucoup de citoyens auront des problèmes
pour accomplir leur sacrifice religieux’’, se
plaint déjà Kadadé, un chef de famille. Des
éleveurs vendent leurs moutons en gros à des
commerçants de détail. Mais d’autres, ayant pris
goût au commerce de ces belles journées,
négocient eux-mêmes leurs moutons.
Pourtant, au marché de Tourakou, cette année,
il est très difficile de rencontrer des propriétaires
des moutons. Il y a toujours des intermédiaires
pour faire monter les prix. Les commerçants,
les éleveurs, les courtiers et les autorités
municipales, tous viennent prendre leur «marge».
L’année dernière à la même date, le bélier coûtait
30 000 f CFA contre 36 000 f CFA cette année.
Les vendeurs réalisent une recette quotidienne
moyenne de 300 000 à 500 000 f CFA. Quant
aux autorités municipales, elles perçoivent 200
L’arrivée du bétail pour la «traite» au marché de Tourakou, à Niamey, le 28 janvier.
f CFA de taxe de marché par mouton vendu et
50 f CFA de taxe journalière auprès des
commerçants. Ces derniers se plaignent
d’ailleurs de la concurrence des vendeurs
ambulants, qui ne payent pas cette taxe.
Les moutons se vendent de 36.000 à 70.000 f
CFA, les plus gros pouvant atteindre 100.000 f
CFA. ‘’Nous avons besoin des subventions de
l’Etat et cela nous permettra de baisser les prix
«Valoriser nos produits: c’est promouvoir l’économie;
appréciez, choisissez et achetez ! », pouvait-on lire fin
janvier sur une banderole parmi tant d’autres avant de
se diriger vers l’exposition bétail. C’est l’une des
qualités de cette foire agro-pastorale, qui regorge de
beaux animaux, en pleine santé. À la deuxième
journée de la foire, un parc de bœufs et de vaches
dans les années à venir. Car engraisser un
mouton coûte cher, surtout en cette période où
le pâturage est rare’’, explique Sani, un éleveur
de Balleyara. Chaque année à partir de Tourakou,
les commerçants exportent des moutons vers
les pays de la côte, à savoir la Côte d’Ivoire, le
Togo, le Ghana, et même le Nigeria. En raison
de la crise en Côte d’Ivoire, qui bloque cet axe
de commercialisation, le Nigérien moyen pourra
peut-être avoir son mouton de fête, car les
éleveurs ont baissé leurs prix dans les derniers
jours pour écouler leur marchandise.
Mais méfiez-vous des contrefaçons ! Certains
vendeurs malhonnêtes font boire aux moutons
beaucoup d’eau mêlangée de détergent pour
augmenter le volume de l’animal… le temps
d’une vente.
Souleymane Maazou
La foire de Tillabéri touchée à son
tour par la baisse
laitières a été liquidé, rapportant gros aux vendeurs.
Au cours des deux premiers jours, le mouton le plus
cher s’est vendu 50 000 F CFA. Mais, à l’approche de la
Tabaski, les prix ont baissé, en raison de la crise en
Côte d’Ivoire. Cette année, à Tillabéry, le mouton est à
la portée de tous.
Souleymane Habibou
février 2003 -
TELQueL
11
Les effets contrastés
de la crise ivoirienne
Rupture de ravitaillement des
produits provenant de Côte
d’Ivoire, mais aussi
ralentissement des exportations,
surtout pour le petit bétail en cette
saison... Et donc augmentation brutale des
prix des produits importés, mais pression à
la baisse sur le cours intérieur du mouton à
la veille de la Tabaski. Au détail près de
cette retombée positive pour la fête chez
certains Nigériens, les conséquences
économiques de la crise en Côte d’Ivoire
pénalisent le Niger à plusieurs égards.
La région la plus touchée est certainement
l’Ader, où, depuis plus d’un siècle, trois
Adarawa sur cinq partent en exode vers la
Côte d’Ivoire. Ces exodants ont largement
contribué au développement économique
de la région de Tahoua. Ils y ont foré
gratuitement des puits, construit des
mosquées, des dispensaires, des écoles,
voire des pistes rurales. Ils ont également
fait vivre beaucoup de familles en période
difficile. Aujourd’hui, ils reviennent de Côte
d’Ivoire, dépossédés de tous leurs biens...
Le pays tout entier est affecté par
l’important coup de frein au principal
débouché des deux produits nigériens
vendus à l’exportation: l’oignon et surtout
le bétail sur pieds, en particulier les ovins.
Niger Technologie
Cette année encore, Zinder remporte la palme des inventions.
Le technicien Hamissou Salé vient d’y mettre au point un
réfrigérateur très rapide pour produire de la glace et porter
les aliments au frais en un temps record.
Âgé d’une trentaine d’années, Hamissou a peu fréquenté l’école.
Mais malgré son niveau de Cours moyen 2e année, il semble des plus
doués pour l’innovation technique.
Présentement, il a installé un atelier de froid et de confiserie à Zinder
: Zamara Nouvelle Technologie. Ces réfrigérateurs et congélateurs se
caractérisent particulièrement par leur rapidité et leur résistance à la
chaleur. Un prototype solaire serait aussi en cours de fabrication.
En confiserie, il a mis au point une machine qui procède
automatiquement à la mise en sachet des jus de fruits ou yaourts
versés dans un grand réservoir. Hamissou s’est déjà fait remarqué par
l’installation d’un petit réseau de télécommunications dans son
quartier, fabriqué à partir de diodes de transistors récupérées auprès
de réparateurs. Il a ensuite perfectionné cette centrale en la
transformant en une station FM. Puis, il a recyclé les éléments des
installations précédentes pour créer un ordinateur. Ce qui est
fascinant dans cette invention, c’est la langue utilisée par la machine:
le Haussa. Sur sa lancée, Hamissou a créé la station de télévision
“Shawa”. Les appareils ont étés commandés en Italie. Mais il a
fabriqué lui-même l’antenne émettrice. La station émettait à l’époque
sur cinq chaînes que les habitants captaient dans toute la ville de
Zinder.
Adamou Samba Gagara
Source : Le Sahel
12 TELQueL - février 2003
Economie
En effet, la Côte d’Ivoire était le principal
acheteur étranger (tableau 1). Les produits
d’importation en provenance de la Côte
d’Ivoire, dans l’autre sens, sont également
en voie de tarissement, Abidjan, par sa
position côtière, étant de longue date un
important pourvoyeur du Niger. Les
importations de riz, de maïs, d’huile
végétale, de pâtes alimentaires, de noix de
kola, de matériaux de construction et de
savon ordinaire ont ainsi notablement
baissé entre le deuxième et le troisième
trimestre 2002 (tableau 2).
Balla Mariama, chef de département des
échanges extérieurs à la Chambre de
Commerce du Niger, explique : si cette crise
perturbe l’économie nigérienne, « elle a
aussi permis à certaines entreprises
comme OLGA (qui produit de l’huile de
l’arachide à Maradi), peu présente
auparavant sur le marché nigérien, de
gagner du terrain aujourd’hui en
ravitaillant le marché national ». Au
passage, OLGA a dû augmenter sa
production d’arachide nigérienne (45
tonnes actuellement), ce qui a permis de
créer des emplois.
S. Habibou et S.Maazou. Avec
Mahamadou Mamoudou, à Tahoua.
L’inventeur de Zinder et son
frigo spécial Niger
Oignons
Produits Quantité exportée
2 ème trimestre en
tonnage
Bétail sur pieds
Maïs, Riz
15825
3525
Produits Quantité importée
2 ème trimestre en
tonnage
Pâtes alimentaires
Huile végétale
Noix de kola
Matériaux de
construction
4606
631
8614
460
4106
Tableau (1)
Tableau (2)
Quantité exportée
3 ème trimestre en
tonnage
13865
1728
Quantité importée
3 ème trimestre en
tonnage
1378
Variation
-1950
-1787
Variation
Après plus de deux mois de boycott des cours suite à l’augmentation des
frais d’inscription qui passent de 5000 à 10 000 F CFA, les étudiants
de l’université Abdou Moumouni de Niamey ont renoué avec le chemin des
facultés. Mais les forces de l’ordre sont toujours sur le campus. Le climat est
très tendu. Beaucoup d’observateurs pensaient qu’avec la libération du
secrétaire général de l’Uénun (Union des étudiants nigériens de l’université
de Niamey), le 31 décembre 2003, la situation allait se décrisper. Cela ne
semble pas le cas. D’autant que les deux étudiants remis en liberté provisoire,
Abdou Moumine Ousmane et Issa Chaibou, sont à nouveau en fuite,
recherchés par les autorités. Ils attendent la prochaine décision de la chambre
d’accusation.
539
8571
398
2533
Crise universitaire :
deux étudiants en fuite
-3228
-92
-43
-62
-1573
Souleymane Maazou
Sécurité sanitaire
Un million et demi d’animaux ciblés
Débutée le 27 décembre dernier, la campagne 2002-2003 a comme objectifs la
vaccination des animaux autant que la sensibilisation des éleveurs.
Chaque année, le ministère des Ressources animales organise une campagne de
vaccination contre les principales maladies qui affectent le cheptel nigérien. Cette
campagne concerne, selon la Direction de la santé animale, 500 000 têtes de petits
ruminants et 900 000 têtes de bovins. Etalée sur quatre mois, jusqu’en mars, elle est
centrée sur la vaccination systématique et obligatoire contre la Péri pneumonie
contagieuse bovine (PPCB) et la peste des petits ruminants (PPR); ainsi que la variole
bovine, la claveté et la maladie de Newcastle chez la volaille. Un budget de près de cent
millions est prévu, dont 72 venant de l’Etat nigérien.
Souleymane Habibou
Le retour de la
tresse Gros-Grains
cette ancienne forme de tresse, revenue en
force et modernisée, avec ou sans perles.
Elle en rêvait et elle l’a fait. Au salon
de coiffure, nous avons rencontré
Harissa, jeune lycéenne de Niamey.
Elle s’y était rendue « se faire faire
le gros-grain, parce qu’il faut ça pour être belle
et pour faire craquer les garçons ».
La première chose à savoir sur les tresses Gros-
Grains, c’est qu’elles se font à la main avec les
mèches “ Amina ” ou les mèches “bouclées”,
éventuellement accompagnée de perles. Il y a
les “gros-grains” moyens, petits et gros.
Pour Harissa comme pour sa voisine, Ramatou,
« une femme digne de ce nom doit prendre soin
de ses cheveux; la coiffure est le «top» d’une
beauté féminine. Ma cousine se marie la semaine
prochaine : je suis venue au salon pour me
faire la nouvelle tresse à la mode ». Donc la
Gros-Grains... Selon Ousmane, un trentenaire
qui joue volontiers les arbitres de l’élégance, la
qualité de la coiffure est la toute première chose
qu’il regarde sur une fille.
Pour renouveler les modèles, Brigitte, coiffeusetresseuse
à Yantala, puise aussi dans le passé :
«Souvent, nous sommes obligées de faire appel
En vogue
aux anciennes tresseuses pour satisfaire nos
clientes. D’anciennes émissions à la télévision
nous inspirent de nouvelles coiffures et c’est,
généralement, ces tresses-là que les jeunes filles
nous demandent dans les mois suivants ».
Chaque tresse ou coiffure porte un nom : ainsi
la débégna, du nom de l’actrice de la pièce
théâtrale Débégna, ou la coiffure Années
soixante, comme les chansons du même nom.
En Afrique, on a coutume de dire qu’une femme
qui ne se tresse pas n’en est pas une. Les tresses
définissent aussi son statut (veuve, mariée, jeune
fille), voire son ethnie. Au Sénégal, la veuve a
une tresse spéciale qu’elle doit renouveler tous
les vendredis.
Au Niger, chez les Kanuri par exemple, les
tresses ‘’kila yakou’’(à trois têtes) ne sont faites
qu’aux jeunes filles.
Ces dernières années, les anciens modèles
traditionnels s’effaçaient au profit de modèles
modernes plus «créatifs». Mais, depuis les
années 90, on assiste au retour des anciennes
modes, telles que les Bijaji, Berti, Zanain yawo,
Zoumboutoun kaza reprennent du service.
Aboubacar B. Rabiba
Photo : Mohamed Bouhari
Le génie d’Aladin est-il dans
cette théière, créée à Boubon ?
Monika Gallegra, Suissesse, potière au village de Boubon. Avec Ibrahim
Kamsoo, forgeron touareg, lors d’une exposition intitulée “rencontre
d’artistes autour de la terre ”, tenue à Boubon jusqu’au 2 février. Travaillent
ensemble depuis trois mois. Le bijoutier travaille sur les poteries de Monika.
Il avait demandé des lignes plus parquées. Monika a changé la forme de
sa théière traditionnelle, aplatissant le couvercle mais gardé la base carrée.
Jumelage d’argent et d’argile. Rencontre d’une artiste et d’un artisan. Pour
lui aussi, découverte de formes nouvelles. M. B
Coiffures à la mode, prix moyens à Niamey en janvier 2003
Coup de peigne 750 f cfa
Coupe chinoise 750 f cfa
Année 60: 1000 f cfa
Tiré: 1000 f cfa
Tissage: 2500 f cfa
Broching: 3000 f cfa
Les prix des tresses à la mode
Gros-grains 2000 f cfa à 6000 f cfa
Renversés 2000 f cfa
Rasta brin d’allumettes 7000 f cfa
Rasta cordé Le paquet de mèche à 1500 fcfa
Rasta simple Le paquet de mèche à 1500 fcfa
Les « sexy girls » de Niamey
sont des « tueuses »
Une certaine façon de s’habiller «sexy’’ envahit Niamey. De nombreux jeunes copient les
stars des clips télévisés, fortement influencés par la mode occidentale. Il n’est pas rare
de voir dans les rues des jeunes filles en vêtements volontairement très «provocants».
Pour se mettre en valeur, elles découvrent leur corps, soit par des habits courts, soit par des
vêtements moulants ou transparents, soit les trois à la fois !
Leur acharnement à attirer le regard en fait des «tueuses». Un style de vie en rupture avec les
traditions accompagne cette mode. Ou pas : la provocation reste alors cantonnée aux vêtements...
Faisant le tour des boites de nuits, ces «sexy girls» s’enchantent de voir les garçons “ se
lessiver ” les yeux. Et la drague bat son plein…
Dans toutes les boutiques chics de Niamey, les produits les plus vendus actuellement sont ces
vêtements «sexy ‘’. Pour Titi, vendeuse au Grand Marché de Niamey, «les filles demandent des
jupes toujours plus courtes, des pantalons moulants ou jeans serrés. Ce phénomène prend de
l’ampleur, parce que les jeunes Niameyennes veulent à tout prix se donner une apparence
occidentale, qu’elles le soient dans leur tête ou pas...» Les garçons les y poussent, comme en
témoigne Ismaël, couturier au quartier Kalley Est : “ j’ai des problèmes avec mes clientes; elles
aiment trop les habits à l’américaine ”.
Ibrahim, plus conservateur, n’est pas du même avis : ‘’nos sœurs qui s’habillent de cette façon
délinquante et provoquante ont une vision négative de la modernisation; elles veulent faire de
leur sexe le centre du monde et pensent qu’en s’exhibant, elles peuvent séduire, mais elles se
trompent’’. Rachelle, une étudiante en mini-mini-jupe, n’apprécie pas ce genre de condamnation :
chacune doit s’habiller selon son goût à chaque moment de sa vie, aussi passager soit-il.
Rabiba Aboubacar
février 2003 -
TELQueL
13
Photo : Kounki DJONFENE
Les rideaux sont tombés sur l’édition 2002
de Lire en Fête. Du 18 au 21 décembre,
les locaux du Centre Culturel Franconigérien
ont été pris d’assaut par une foule de
mordus de la lecture. Et pourtant, cette année
(encore), le mois du livre et de la lecture
publique, jadis organisé par le ministère de la
Culture, a fait défaut. Le Directeur national de
la Culture, M. Mai Moustapha, le regrette : «
nous sommes conscient de ces problèmes et c’est
pourquoi les associations doivent se joindre à
nous pour la définition d’un cadre qui intègre
les intérêts de la création littéraire et artistique
nigérienne’’, nous a-t-il confié.
Afin de prendre le pouls de la littérature
nigérienne, nous nous sommes entretenus avec
M. Kangai Seyni Maiga, Président de
l’Association des Ecrivains Nigériens (AEN) et
co-auteur de La calebasse renversée.
TelQuel : où en sont les problèmes de
promotion des livres nigériens ?
Kangai Seyni Maiga : Le livre nigérien se
porte très mal ! Certes, il y a beaucoup de
gens qui écrivent, mais il n’existe pas une
seule véritable maison d’édition au Niger.
C’est plutôt l’imprimerie qui joue le rôle de
structure d’édition dans notre pays. Et, vous
savez, à l’imprimerie, il n y a pas de comité
de lecture. Ce n’est qu’une facture proforma
qu’on vous donne pour vous dire que votre
œuvre sera imprimée à tel prix. On n’est pas
du tout regardant par rapport à la qualité
littéraire de l’œuvre présentée. La production
est donc médiocre. Sauf pour celui qui arrive à
éditer à l’extérieur, par exemple à Paris, chez
l’Harmattan ou à Présence Africaine. Ces
14 TELQueL - février 2003
Cultures
Saleh Ado Mahamat dans le rôle du mendiant Bonkano. Lire ci-contre.
Le livre nigérien
dans sa camisole de paille
maisons d’édition disposent d’un comité de
lecture, spécialisé dans l’étude des
manuscrits. Il y a donc plus des chances
qu’une œuvre ainsi éditée, à compte
d’éditeurs, soit de bonne facture.
Une fois le livre édité, il faut songer à sa
promotion pour qu’un public sache qu’il
existe. Malheureusement, au Niger, elle est
nulle. Deux exemples. Le cas de notre livre,
La calebasse renversée, édité depuis 1992
chez l’Harmattan; ce livre n’est pas présent à
plus de cinq exemplaires sur l’ensemble du
territoire nigérien. Ou le cas de Talibo, l’enfant
du quartier de Idé Adamou; parue il y a six
ans, cette œuvre n’existe pas dans nos
bibliothèques ! Je le dis : la promotion est
nulle. Dans ces conditions, comment voulezvous
que les lecteurs nigériens puissent
s’intéresser à nos œuvres ?!
Dans une telle situation, qu’est-ce que
Photo : Idrissou TAO
peut faire votre association d’écrivains
pour que les recommandations en faveur
d’une véritable politique du livre ne
restent pas lettre morte ?
L’Association des Ecrivains Nigériens avait
pris « le taureau par les cornes », comme on
dit. Nous avions organisé des exposés-débats
dans divers établissements scolaires. Sans
compter les conférences que nous organisions
avec le Club des Amis du Livre Sarraounia,
une jeune et dynamique association littéraire.
Ces activités nous permettaient de faire la
promotion d’écrivains nigériens, et
notamment les moins connus.
Nous avions organisé des concours de poésie
et de lecture de nouvelles. C’est peu, mais on
n’est pas resté les bras croisés.
Ce qui est regrettable, ce qu’il y a comme une
sorte de démission de notre ministère de la
Culture. Voilà trois ans qu’il n’a pas organisé
de concours littéraire, ne serait-ce que dans le
monde scolaire. Que ce soit dans le domaine
sportif ou dans celui de la culture, l’école
reste et demeure la pépinière au sein de la
quelle émergent des talents. Cela fait un an
que le nouveau bureau de l’AEN a été mis en
place, suite à l’Assemblée Générale de Zinder.
Mais, pendant un an, ce bureau est resté
inactif. Les gens sont animés de bonne
volonté mais il y a comme l’impression que
l’Etat ne veut pas aider dans ce sens.
C’est pourquoi, personnellement (et je
préfèrerais avoir tort dans mon pronostic), je
suis foncièrement pessimiste quant à l’avenir
de notre littérature.
Propos recueillis par Saidou Djibril
“ Tiens bon, Bonkano ! ”
d’Alfred Dogbé
“ Hommage ”
aux
mendiants
Il est de ces œuvres qui donnent l’impression
que le cœur a dit. La dernière pièce de théâtre
écrite et mise en scène par Alfred Dogbé, et
interprétée par Saleh Ado Mahamat, est de ce
genre d’œuvres qui, partant d’un personnage
ou d’une situation, dessine le portrait de toute
une société. À travers le mendiant Bonkano,
l’auteur analyse le phénomène de la mendicité
au Niger, en Afrique, et dans le Tiers Monde. Il
mêle le politique au social, l’histoire à la
géographie, les rapports Nord-Sud, les coups
d’Etat et la mal-gouvernance, dénonçant les
causes de ces maux avec un humour décapant.
Le texte tire aussi son originalité du choix des
héros “négatifs ”, interprétés brillamment par
une dizaine de personnages, par Ado, aidé par
un décor minimal et un intelligent recours aux
accessoires. Sa présence scénique est
remarquable, même au moment du silence
théâtral. Au village, Bonkano regardait à la
télévision les images “des ministres gras et
luisants devant les rangs de sacs de céréales ”.
La sécheresse le pousse un jour vers la ville :
Bonkano entame une carrière de mendiant “dont
l’avenir est le prochain repas ”. Mais n’est pas
mendiant qui veut. Il faut maîtriser les
techniques : bien viser, intervenir au moment
opportun, choisir les lieux et les moments,
soigner son langage, et même parler les langues
étrangères. Bonkano est plutôt doué : à l’ère de
la mondialisation, il fait des économies, s’achète
une culotte, un poste radio et même un téléphone
portable pour être “joignable à toute
opportunité ”. Après “Tiens bon, Bonkano ! ”,
les mendiants ne sont plus ces corps dépourvus
d’âme à qui on excelle à donner… des conseils.
Ils sont les témoins de notre complicité, de notre
impuissance et de notre égoïsme.
Mohamed Bouhari
Présenté fin janvier au Centre Culturel franconigérien,
“Tiens bon, Bonkano ! ” est la première
création de la compagnie Arène Théâtre née en
2000, de la rencontre d’Alfred Dogbé et de Saleh
Ado Mahamat. Ils seront en tournée dans les
établissements de la capitale et dans la sous région.
C’est le
premier pas
qui compte...
Elle était la parente pauvre des arts vivants
au Niger. La voilà en passe de se hisser au
premier plan grâce aux 5èmes Jeux de la
Francophonie dont les préparatifs vont bon train
à Niamey.
Elle, c’est la danse contemporaine et
d’inspiration traditionnelle. Sous la direction de
Tahirou Yacouba Djibo, Youss, Salifou Mamane,
(de la Cie Gabéro), et de Ayouba Tiémogo et
Ibrahim Alhassane, dit Babayé, un stage de danse
contemporaine s’est déroulé au CCOG de
Niamey du 9 janvier au 8 février 2003. Il a réuni
24 danseurs-chorégraphes, dont 14 venus de
l’intérieur du pays.
Sani Soulé Manzo
A
partir du 15 février, la Fédération
nigérienne de football (Fenifoot)
organisera –enfin !, après deux ans
d’interruption…-, le championnat
national de football dans la capitale. Tout a l’air
fin prêt, cette fois, pour la tenue de ce tournoi.
C’est du moins ce qu’assurent les organisateurs.
Les supporters, si longtemps frustrés, attendent
de voir. Mais il semble bien que les tensions
consécutives à la crise de légitimité et de
leadership qui avait opposé le bureau exécutif
de la Ligue unisport de football de Niamey à
une partie du bureau de la Fenifoot se soient
dissipées, ou relativement apaisées. Les assises
extraordinaires de la Fenifoot, réunies les 21,
22, et 23 décembre derniers, ont dégagé un
compromis prometteur entre le Président et ses
contestataires de Niamey.
Va-t-on vers le dénouement final de cette crise
qui a secoué le monde du football nigérien deux
ans durant, et pendant laquelle aucune
compétition footballistique d’envergure
nationale n’a pu être organisée? La réponse
définitive dépend essentiellement d’un homme.
Les destinées du football nigérien sont
désormais entre les mains du commandant
Karingama Wali Ibrahim.
Cet officier parachutiste co-présidera l’instance
dirigeante de notre football aux côtés du
Président Amadou Hima Souley. TelQuel vous
en brosse le portrait.
Le commandant Ibrahim Wali Karingama est né
à Zinder en 1963. Marié et monogame, il a un
Sports
FOOTBALL
Parachutage providentiel
du Commandant Papa Karingama
Le championnat reprend à Niamey, le 15 février, après deux ans de black-out.
Ce samedi, tous les yeux des Nigériens
(autour de l’arène ou en différé à la
télé) seront braqués sur la troisième
ville du Niger, sa fameuse «capitale
économique». Maradi abritera, du 31 janvier
au 9 février, la 25 e édition du tournoi annuel
de lutte traditionnelle.
La lutte est l’une des meilleures traditions du
Niger. Jadis, elle se pratiquait à la fin de la
saison pluvieuse, au moment de la récolte des
céréales. C’est le moment où les jeunes étaient
en possession de toutes leurs forces,
décuplées par les travaux de la moisson. Il
fallait alors les confronter et mettre en valeur
le plus fort, en lui décernant le fameux sabre
d’honneur, pour le plaisir de sa famille, de son
village et de sa région. Les choses ont un peu
évoluées, mais la lutte reste la lutte... Elle ne
concerne plus seulement les campagnes. Elle
se pratique dans tout le pays comme un sport
national. Beaucoup de jeunes participent aux
sélections. Chaque département choisit dix
enfant d’environ 4 ans. Très tôt, il embrasse la
carrière des armes, alliant le maniement des
mortiers aux disciplines sportives. Parachutiste
de formation, Ibrahim Wali Karingama, alias
«Papa», est un mordu de foot, sport qu’il
pratique avec une certaine aisance, surtout en
défense.
Il a toujours taquiné le ballon rond malgré ses
obligations militaires croissantes, car le «para»
a été promu à la charge, toujours effective, de
Commandant du corps de la Garde
présidentielle.
Grand de taille (1,80 m) et de gabarits (90 kg), le
sourire facile et la charpente féline dans son
impeccable treillis, «Papa» est aussi basketteur,
à l’instar de plusieurs de ses frères. De plus, cet
officier est un passionné d’athlétisme et de
natation. A ce titre, il a occupé divers postes de
responsabilités au sein des structures sportives
militaires, lorsqu’il était en poste à Agadez,
Maradi et Tahoua.
Le commandant Karingama est donc loin d’être
un inconnu des sportifs nigériens. Il est le viceprésident
national de l’A.S. F.A.N. Au-delà de
son poste de président délégué de la Fenifoot,
Ibrahim Wali est aussi président du comité de
suivi du Mena national et organisateur principal
du récent Tournoi des quatre nations. Il a de
quoi être averti des maux qui sclérosent le
football nigérien et beaucoup espèrent que le
consensus reconstruit autour de lui puisse ouvrir
sur une nouvelle ère.
Saïdou Djibril et Idrissa Garba
LUTTE TRADITIONNELLE
Maradi : les 80 lutteurs sont entrés dans l’arène
candidats pour partir à la conquête du
«sabre».
Ce samedi, les cœurs des lutteurs et de leurs
supporters vibreront aux rythmes des
tambours de la lutte traditionnelle. Ce jour-là,
la voix de Sagalo-Père (qui a abandonné la
chanson pour des raisons religieuses) nous
rappellera l’histoire des grands lutteurs
comme Kantou, Labo Maykafo (paix à leurs
âmes !), Bala Kado, Salma Dan Rani, Naroua,
bref, de tous ces géants qui ont animé nos
arènes.
Samedi 31 janvier, la voix de Sagalo-Fils et les
battements des tambours de Kourézé feront
trembler les lutteurs. Les portes de l’arène de
Maradi s’ouvriront pour accueillir les 80
lutteurs des 8 départements. Tous visent le
sabre que son détenteur pour 2002, Hassane
Adamou, remettra dans les mains des
dirigeants de la Fédération Nigérienne de la
Lutte Traditionnelle (la Fenilutte).
Les pronostics sur le vainqueur sont plus
difficiles cette année, car plusieurs
innovations sont intervenues dans les
règlements de la lutte traditionnelle. Le
ministre de la Jeunesse, Abdou Labo, a décidé
de faire passer la prime du vainqeur de
1.000.000 à 2.000.000 de francs CFA. Le vice
champion, le 3 e et le 4 e recevront
respectivement 750.000, 250.000 et 200.000
francs CFA. Mais la Fenillutte a changé aussi
certaines règles des combats. Le match nul est
réintroduit. Le recours à la vidéo en cas de
litige modernisera l’arbitrage «traditionnel».
Dorénavant, le Directeur technique national,
Maman Barka Aboka, sera le responsable de
la table technique.
Qui des 80 lutteurs terrassera sans jamais
tomber ses 8 adversaires pour s’emparer du
sabre ? On sait qu’il y a des spécialistes de
match nul... Dans tous les cas, devant « les
lions de Tahoua », détenteurs du sabre, il sera
difficile de ne pas mordre la poussière.
Adamou Samba Gagara
février 2003 -
Photo : Idrissou TAO
Sur l’Agenda sportif
La finale de la Coupe commandant Baba
Halidou Madougou se disputera samedi
1er février au stade municipal de Niamey. Cette
finale opposera le Zumunta de Zongo au Sahel
du Nouveau Marché. Ce derby promet d’être
rude et passionnant, les chances des deux clubs
étant des plus équilibrées. Rappelons que le
Sahel s’est qualifié après avoir battu
l’Olympic F.C. par 2 buts à 0. Le Zumunta a
eu raison des militaires de l’A.S. Fnis grâce à
un but marqué à la 89e minute par le jeune
Tankoano. Le clou de ce tournoi inédit sera le
baptême de la nouvelle architecture du stade
municipal qui prend le nom de Stade «Baba
Halidou Madougou». Feu le Commandant
Baba était président de la Ligue unisport de
Niamey et c’est dans le cadre de sa tâche qu’il
a trouvé la mort sur la route, le 3 mars 2002.
Organisé par la Ligue de Niamey, ce tournoi a
rassemblé douze équipes. Le public était
massivement mobilisé pour la circonstance,
ce qui témoigne d’un regain d’intérêt des
amateurs du ballon rond de la capitale.
S.D.
TELQueL
15
Le monde des exodants
Remerciements
à Reporters sans frontières, le Bureau de la
coopération suisse, le Service de coopération
et d’action culturelle de l’ambassade de
France au Niger, Fondation Alexandre
Varenne, Fondation Canal Plus, ministère
du Tourisme du Niger. Et aussi Philippe
LETERRON, Donaig LE DU.
Vous connaissiez déjà Tel Quel, le
petit journal école de l’IFTIC, fruit
de la collaboration avec l’association
Contrechamps. En 2003, Tel Quel
grandit, grâce à un nouveau
partenaire : Reporters sans frontières.
Les défenseurs de la liberté de la
presse voulaient aider un journal en
Afrique. Et Contrechamps voulait
continuer à former les jeunes
journalistes nigériens. Cette double
ambition a donné naissance à un
nouveau Tel Quel, plus beau, plus
moderne et surtout plus ambitieux,
riche en informations sur le Niger,
varié dans ses formes journalistiques
et exigeant sur son éthique
professionnelle. Un vrai journal, que
tous les confrères de la presse
nigérienne nous font la gentillesse
d’encarter dans leurs éditions.
______________________________
Ceux de
Tel Quel
IFTIC, BP 10701, Niamey
Tel/fax: (227) 72 51 87
Email: telquelmag@yahoo.fr
Rédaction en chef: Nathalie
PREVOST et Mahamat SILE
Edition: René-Pierre BOULLU
PAO: Wilfrid MAMA et ADDOU
ADAM Issa
Maquette: Juliette FARGE
Photo: ASSILILLA Allassane
Régie: IDRISSA TOURE Garba
et ADAMOU Oumarou.
Journalistes: ABOUBAKAR
Rabiba (IFTIC), Naïm AHMAT
BABA (IFTIC), AOUADE Hadiza
(IFTIC), BECHIR Issa Hamidi
(IFTIC), Mohamed BOUHARI (Le
Démocrate), Ousman CHERIF
(IFTIC), Kounki DONFENE
(IFTIC), GAGARA Adamou
(IFTIC), HAMADOU Adamou
(IFTIC), HASSANE HASSANE
Abdou (La Tribune), Damien
HINGONBE (IFTIC), Atto MAYAKI
(IFTIC), SAÏDOU Djibril
(Alternative), SOULE MANZO
Sani (IFTIC), SOULEYMANE
Habibou (IFTIC), SOULEYMANE
Maazou (Alternative), Idrissou
TAO (IFTIC). A Agadez, IBRAHIM
Manzo Diallo (Aïr Info), à Dosso,
MAHAMANE Amadou (ANP), à
Tahoua, MAMOUDOU
Mahamadou, à Zinder, SIDO
Yacouba (ANP).
16 TELQueL - février 2003
Depuis le 19 septembre 2002, la
crise en Côte d’Ivoire est entrée dans
une phase sanglante, que les
«accords» passés à Marcoussis
sous l’égide de la France n’ont pas
encore réussi à calmer. La mutinerie
du 19 septembre ayant échoué à
Abidjan, les forces rebelles tiennent
la partie nord du pays. Au sud, en
réaction aux mutins, des émeutiers
s’en sont pris aux communautés
étrangères. Parmi elles, de
nombreux exodants du Niger, dont
une quinzaine de milliers ont déjà
reflué sur le Burkina, pour gagner
Makalondi. Leurs récits laissent
entrevoir une tragédie d’ampleur, dont
personne ne peut encore dresser le
bilan.
“ Avant le 19 septembre, je travaillais dans
une carrière de diamant à Béoumi, près de
Bouaké ”, témoigne Gado, un exodant rentré à
Niamey. Béoumi est l’une des régions qui a été
occupée dès les premières heures par les
rebelles du mouvement patriotique de Côte
d’Ivoire (MPCI). Gado n’a pas vécu le pire:
“ Dans les zones sous contrôle des loyalistes,
les étrangers, les Burkinabés principalement,
ont été maltraités, tabassés et dépouillés de
leurs biens; certains y ont trouvé la mort ”.
Mais ceux du Nord ont subi aussi les
contrecoups de la crise : «Le premier jour, il
était impossible de sortir. On tirait de
partout…» Le lendemain, Gado et ses
camarades sont allés au travail, la peur au
ventre; mais leur employeur ivoirien les a
limogés.
“ Nous avons loué pour 500000 f. cfa une
camionnette jusqu’à la frontière malienne, sous
escorte de rebelles de Béoumi à Tinguela . De
là, nous sommes rentrés au Niger par le
Burkina ”. Ceux qui étaient à court d’argent
ont effectué le trajet à pied. De retour à Niamey,
Gado y a repris son ancien job de vendeur de
massas.
Abdo, lui, était employé dans une plantation
d’ananas du sud de la Côte d’Ivoire, à Divo,
département de Gagnoa. Il a vécu des scènes
horribles. Deux jours après le 19 septembre,
les exodants ont été pris à partie dans la
plantation où ils travaillaient depuis des années
par des jeunes excités pourchassant les
«envahisseurs» à coups de machette et de
Ceux
qui
rentrent ont subi
«tout l’enfer de l’ivoirité»
coupe-coupe... “ Ils nous ont sommé de quitter
les lieux si nous tenions à la vie ”. Ils étaient
huit Nigériens, quinze Burkinabés, quatre
Nigérians et sept Maliens. Au matin, ils ont fait
leurs baluchons pour remonter sur Daloa. Sur le
chemin, la camionnette a été arrêtée en pleine
brousse par des gens qui avaient enduits leur
corps de kaolin. Isolant parmi eux deux Mossi
(qu’on peut reconnaître à leurs scarifications),
ils les ont exécuté « pour l’exemple »...
« Après deux heures de cette torture morale, ils
nous ont laissé passer. Mais, à Daloa, nous
avons été accueillis par de gendarmes ivoiriens
surexcités qui se mirent à nous fouetter. Ils nous
ont fait allonger par terre, injuriés et dépouillés
de tous nos biens. Ils criaient : “ pensez-vous
que la Côte d’Ivoire est une terre pour tous les
parasites du Sahel ?! Vous ne partirez avec rien
du tout. Bande de voleurs ! ”… Nous avons
passé deux nuits d’enfer, puis, j’ai perdu de vue
tous mes compagnons. J’ai marché vers le nord
à travers la jungle. A travers l’enfer de
l’ivoirité…»
Des marcheurs comme Abdo, il y en a eu
beaucoup dans ces régions de Côte d’Ivoire. Au
bout d’une semaine, il avoue avoir attaqué des
gens pour un peu de provisions. «Ce n’est pas
bien. Je sais. Mais que pouvais-je faire d’autre ?
Je suis arrivé à Niamey le 15 décembre.»
Combien sont-ils, comme lui, à avoir tout perdu,
après des années de sacrifices, rentrés comme
ils étaient partis : les mains vides ?
Le nombre de Nigériens en Côte d’Ivoire
est difficile à préciser, compte tenu du caractère
saisonnier de l’exode. De source proche du
ministère des Affaires étrangères, on estime
qu’ils seraient 700 000. Les autorités ivoiriennes
les évaluaient à un million. Depuis le début de la
crise, quatorze mille au moins sont rentrés,
fuyant les exactions et les spoliations. Selon
Adamou Garba, les Affaires étrangères du Niger
ont dépêché une mission pour coordonner les
opérations de rapatriement : 946 Nigériens ont
eu recours à cette «valise diplomatique» en
forme d’ambulance. Onze bus ont été affrêtés à
cet effet. Officiellement, trois ressortissants
nigériens ont trouvé la mort en Côte d’Ivoire.
C’est sous réserve d’un inventaire qui n’est pas
prêt d’être clos. M. Garba déclare n’avoir pas
été saisi des informations en provenance de
Côte d’Ivoire sur la présence de Nigériens aux
côtés des forces rebelles. (Lire aussi en page 7,
les actualités de Tahoua et en page 12).
Hamadou Adamou
Les travers
de la presse
ivoirienne
Les travers de la presse ivoirienne
«Nous, les journalistes ivoiriens,
nous avons préparé la guerre. Avec
nos verbes haineux, nos diatribes, on
a préparé la guerre dans l’esprit des
Ivoiriens.» Cette phrase, prononcée
en novembre dernier par Diégou
Bailly, l’un des journalistes les plus
connus du pays, résume bien la
situation des médias ivoiriens
aujourd’hui.
Depuis la tentative de coup d’Etat du
19 septembre, les manquements à
l’éthique et à la déontologie
professionnelles sont monnaie
courante dans le pays. Le National,
L’œil du peuple et le journal du parti
au pouvoir, Notre Voie, font partie de
ces médias qui jettent constam-ment
de l’huile sur le feu en publiant des
éditoriaux incendiaires et des
articles va-t-en-guerre.
Les directeurs de ces journaux s’en
défendent, mais les mots sont bien
là. Quelques exemples parmi
d’autres : «Gbagbo, Bédié, Guéi ont
eu pour adversaire un politique
redoutable [l’opposant Alassane
Dramane Ouattara] aux signes de
l’Ante-Christ et qui se sert de
l’analphabétisme des masses
musulmanes», dans Le National du
15 janvier 2003 ; Il faut «faire en
sorte que celui qui aura l’honneur de
présider aux destinées de la Côte
d’Ivoire soit un Ivoirien bon teint»,
dans Notre Voie du 10 janvier.
Le gouvernement, par son silence
sur la question, encourage ces
journaux à continuer dans cette voie.
Quant aux communiqués de
l’Observatoire de la liberté de la
presse, de l’éthique et de la
déontologie (OLPED), ils sont
insuffisants. Face à cette impasse, la
solution ne peut venir que des
journalistes ivoiriens eux-mêmes. Il
n’est ici question ni de formation, ni
de manque de moyens, mais avant
tout de responsabilité.
Reporters sans frontières