Cours de Français de Première Scientifique - Espace perso de Eliah ...
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Sommaire<br />
<strong>Cours</strong> <strong>de</strong> <strong>Français</strong> <strong>de</strong> <strong>Première</strong> <strong>Scientifique</strong> B.<br />
Extrait <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> M. Gallo<br />
Rapporté par <strong>Eliah</strong> Rebstock,<br />
Laurie Desnouveaux, Anne Le Duigou, Xénia Gordon et Claudia Thivel<br />
2011-2012<br />
I Lectures analytiques 4<br />
1 Lecture Analytique n o 1 : Sonnet I, Les Regrets <strong>de</strong> Du Bellay 4<br />
2 Lecture Analytique n o 2 : « Heureux qui comme Ulysse », Sonnet XXXI, Les Regrets,<br />
Joachim Du Bellay 7<br />
3 Lecture Analytique n o 3 : Sonnet VI « Las où est maintenant ce mépris <strong>de</strong> fortune » 9<br />
4 Lecture Analytique n o 4 : Sonnet IX « France mère <strong>de</strong>s arts, <strong>de</strong>s armes et <strong>de</strong>s lois » 12<br />
5 Lecture Analytique n o 5 : « Le Grand Combat », Qui Je Fus 14<br />
6 Lecture Analytique n o 6 : « L’Albatros » 17<br />
7 Lecture Analytique n o 7 : « Art Poétique », Nicolas Boileau 20<br />
8 Lecture Analytique n o 8 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (I, 1) : Scène d’exposition 23<br />
9 Lecture Analytique n o 9 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (I, 2) : Le portrait <strong>de</strong> Figaro 25<br />
10 Lecture Analytique n o 10 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (II, 7) : Scène <strong>de</strong> farce 28<br />
11 Lecture Analytique n o 11 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (IV, 8) : Le dénouement 31<br />
12 Lecture Analytique n o 12 : Dénouement <strong>de</strong> Rhinocéros, Eugène Ionesco (1958) 34<br />
13 Lecture Analytique n o 13 : Eugène Ionesco, La Cantatrice Chauve 36<br />
14 Lecture Analytique n o 14 : Le Roi se meurt, Eugène Ionesco 39<br />
15 Lecture Analytique n o 15 : Extrait <strong>de</strong> Mme Bovary, Gustave Flaubert 42<br />
16 Lecture Analytique n o 16 : Extrait <strong>de</strong> l’Assommoir, Émile Zola 44<br />
17 Lecture Analytique n o 17 : L’incipit <strong>de</strong> L’Étranger, d’Albert Camus 46<br />
18 Lecture Analytique n o 18 : Scène du meurtre dans L’Étranger (I,6) 48<br />
19 Lecture Analytique n o 19 : « À part ces ennuis . . . tchécoslovaque. » L’Étranger (II, 2) 50<br />
20 Lecture Analytique n o 20 : Explicit <strong>de</strong> L’Étranger (II, 5) 52<br />
1
21 Lecture Analytique n o 21 : « De l’éducation <strong>de</strong>s enfants », Les Essais (I,26), Michel <strong>de</strong><br />
Montaigne 54<br />
22 Lecture Analytique n o 22 : « Des cannibales », Les Essais (I,31), Michel <strong>de</strong> Montaigne 57<br />
23 Lecture Analytique n o 23 : « Des Coches », Les Essais (I,31), Michel <strong>de</strong> Montaigne 59<br />
24 Lecture analytique n o 24 : "Quand je danse, je danse... ", Les Essais 62<br />
25 Lecture analytique n o 25 : Les Pensées, Blaise Pascal, 1670 65<br />
26 Lecture analytique n o 26 : Le Loup et le Chien, Fables Livre I, Jean <strong>de</strong> la Fontaine, 1668 68<br />
II Lectures cursives 71<br />
1 Lecture Cursive n o 1 : La satire sociale dans Les Regrets 71<br />
2 Lecture cursive n o 2<br />
La désillusion dans les sonnets XXVI, XXXI et XXXIX 72<br />
3 Lecture cursive n o 3 : Sonnet XCVII : "Ô combien est heureux qui n’est contraint <strong>de</strong><br />
feindre. . ." dans les Regrets 73<br />
4 La poésie au XVI e siècle : entre imitation et renouveau : Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong> et lecture<br />
cursive <strong>de</strong> Défense et Illustration <strong>de</strong> la langue française 74<br />
5 Lecture Cursive n o 5 : Les poètes symbolistes sont-ils <strong>de</strong>s voyants ? 75<br />
6 Lecture Cursive n o 6 : Les Fleurs du Mal, Charles Bau<strong>de</strong>laire 76<br />
7 Lecture cursive n o 7 : Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s actes III et IV du Barbier <strong>de</strong> Séville 77<br />
8 Lecture Cursive n o 8 : Corpus sur le théâtre <strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong> 78<br />
9 Lecture Cursive n o 9 : Le projet du romancier 79<br />
10 Lecture cursive n˚10 : Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages <strong>de</strong>s Misérables, Victor Hugo 80<br />
11 Séquence IV : Entrée dans l’œuvre : L’Étranger, Albert Camus (1942) 81<br />
12 Lecture cursive n o 11 : Lecture tabulaire <strong>de</strong> L’Étranger, Albert Camus, 1942 82<br />
13 Lecture Cursive n o 12 : Le mythe se Sisyphe, Albert Camus (1942) 85<br />
14 Résumé <strong>de</strong> Bel-Ami, Maupassant 86<br />
15 Lecture cursive <strong>de</strong> Bel-Ami : révisions 91<br />
16 Lecture Cursive n o 13 : Le statut <strong>de</strong> l’essayiste (p.326 : Les Essais, Montaigne) 93<br />
17 Lecture cursive n o 14 : Extraits <strong>de</strong>s Essais 94<br />
18 Lecture cursive n o 15 : Les Caractères, La Bruyère 95<br />
19 Lecture cursive sur Candi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Voltaire 96<br />
III Étu<strong>de</strong>s d’ensembles 97<br />
1 Les pouvoirs <strong>de</strong> le poésie 97<br />
2
2 La poésie au XVIe siècle : entre imitation et renouveau 98<br />
3 Le Symbolisme 99<br />
4 Poésie engagée ou jeux poétiques ? 100<br />
5 Histoire <strong>de</strong>s Arts : <strong>de</strong>s vases et une chanson 100<br />
6 L’Anthologie poétique 100<br />
7 Le théâtre, un genre littéraire à part ? Définition en dix clés 101<br />
8 Les genres théâtraux "classiques" 102<br />
9 Fiche synthèse sur la comédie 103<br />
10 Le théâtre et son public au XVIII e siècle 104<br />
11 Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mise en scène du Barbier <strong>de</strong> Séville par Gérald Marti (1997) 105<br />
12 Inventaire <strong>de</strong>s connaissances sur le Roman 106<br />
13 Les fonctions du portrait pictural 107<br />
14 Entrée dans l’œuvre L’Étranger, Albert Camus (1942) 112<br />
15 L’argumentation et les textes littéraires 113<br />
IV Suppléments 114<br />
A Biographies 114<br />
B Méthodologie 116<br />
C Lexique 117<br />
3
<strong>Première</strong> partie<br />
Lectures analytiques<br />
1 Lecture Analytique n o 1 : Sonnet I, Les Regrets <strong>de</strong> Du Bellay<br />
1.1 Quelle est la nature du projet <strong>de</strong> Du Bellay ?<br />
En premier lieu, la situation d’énonciation du texte révèle la volonté manifeste <strong>de</strong> l’auteur à exposer son<br />
projet :<br />
– Des vers 1 à 3 on peut observer une anaphore « Je ne veux point ». La parole poétique est donc dès<br />
le début du sonnet caractérisée par la répétition donnant l’impression au lecteur d’un ton solennel et<br />
dogmatique. Le recours au verbe <strong>de</strong> volonté suggère le fait que le message livré repose sur l’exhibition<br />
d’une démarche d’écriture. Le poète expose ses principes, son crédo poétique en insistant sur ce qu’il<br />
ne veut pas faire. Il annonce au lecteur dès le début du sonnet qu’un projet est déjà déterminé pour<br />
le poète, basé sur les principes <strong>de</strong> son crédo poétique.<br />
– Tout au long du poème, le présent d’énonciation et le présent d’habitu<strong>de</strong> par exemple aux vers 8<br />
« J’écris » ou 9 « Je me plains » donnent à entendre la voix déterminée <strong>de</strong> l’auteur, avec un ton<br />
catégorique et dogmatique.<br />
– Le champ lexical <strong>de</strong> la nature aux vers 1 « nature », 2 « univers », 3 « abîmes » et 4 « ciel »<br />
montre qu’il fait le rejet d’une poésie qui ferait l’éloge <strong>de</strong> la nature, qu’il utiliserait comme unique<br />
source d’inspiration. L’effet d’accumulation donné par la conjonction <strong>de</strong> coordination « ni » au vers 4<br />
renforce le caractère déterminé <strong>de</strong> l’auteur. Il oppose la nature infiniment gran<strong>de</strong> au poète infiniment<br />
petit (macrosome/microsome) en plaçant en début <strong>de</strong> vers sa <strong>perso</strong>nne (« Je »), et en positionnant<br />
au contraire les éléments <strong>de</strong> la nature en fin <strong>de</strong> vers, représentant ainsi la distance qui les sépare,<br />
rendant la nature intouchable pour l’humain. Le poète ne peut se prétendre supérieur à la nature, ne<br />
peut prétendre connaître tous ses secrets et pouvoir la décrire. Il s’agit d’une critique implicite <strong>de</strong> ses<br />
propres inspirations (Pétrarque).<br />
– Du Bellay prône une poésie qui aspire au naturel, à la simplicité et à la naïveté (terme du XVIe<br />
siècle). En effet, au v.12, les verbes « peigner et friser » renvoient à l’ornement, au paraître. Par la<br />
tournure négative « Je ne veux point », il définit son projet par opposition, projet qui repose sur refus<br />
<strong>de</strong> surcharge, <strong>de</strong> l’effet baroque. On peut aussi remarquer la métaphore au vers 5 « Je ne peins mes<br />
tableaux <strong>de</strong> si riche peinture » où les poèmes sont comparés à une autre forme d’art, la peinture. Dans<br />
ce vers et <strong>de</strong> la même façon au vers suivant, il utilise l’adverbe d’intensité « si » qui renvoie à une<br />
comparaison avec les autres auteurs <strong>de</strong> son temps. Il est dans la volonté <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong>s artifices habituels<br />
qu’il prête aux textes <strong>de</strong> son époque, critiquant ainsi l’écriture <strong>de</strong> ses contemporains.<br />
– Du Bellay fait un paradoxe en définissant son style comme celui d’un journal intime où l’on griffonne<br />
ses idées sans mise en forme particulière, puisqu’il utilise en réalité une forte musicalité et un rythme<br />
particulier propres aux pouvoirs <strong>de</strong> l’écriture poétique.<br />
– En apparence, le locuteur dénigre ses poèmes lui-même, ce qu’on peut voir au vers 14 lorsqu’il les<br />
qualifie <strong>de</strong> « papiers journaux ». Pourtant, il n’aura cessé <strong>de</strong> les mettre en valeur et d’insister sur le<br />
caractère spontané et naturel <strong>de</strong> son écriture poétique comme il le dit au vers 8 « j’écris à l’aventure ».<br />
Il se montre ainsi humble et s’attire la sympathie du lecteur, tentant <strong>de</strong> s’en rapprocher spirituellement<br />
et <strong>de</strong> lui donner envie <strong>de</strong> continuer sa lecture.<br />
– Le verbe <strong>de</strong> volonté vouloir est répété 3 fois dans le premier quatrain : c’est un rythme ternaire, qui<br />
scan<strong>de</strong> et segmente la parole poétique donnant un effet d’insistance et <strong>de</strong> martèlement.<br />
– On peut aussi remarquer aux vers 9 et 10 un parallélisme qui créé une insistance et donne un rythme<br />
à ses propos, rejoignant les effets donnés par les répétitions et montrant une nouvelle fois l’exposition<br />
dogmatique du poète.<br />
– Au vers 8 « Soit <strong>de</strong> bien, soit <strong>de</strong> mal, j’écris à l’aventure », l’alexandrin est segmenté par une césure<br />
donnant <strong>de</strong>ux hémistiches (6/6) qui elles même s’opposent par leurs rythmes différents. Dans le<br />
premier, une nouvelle coupe (3/3) donne un effet <strong>de</strong> balancement, montrant l’instabilité <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong><br />
Du Bellay. Dans le <strong>de</strong>uxième hémistiche il n’y a pas <strong>de</strong> coupure et on retrouve donc une forme <strong>de</strong><br />
continuité et <strong>de</strong> stabilité, donnée lorsqu’il « écrit à l’aventure » et donc donnée par l’écriture.<br />
4
1.2 Dans quelle mesure peut-on dire que ces poèmes accompagnent la vie <strong>de</strong> Du Bellay<br />
?<br />
– La présence du pronom « Je » répété en anaphore aux vers 1, 2, 3, 5, 8, 9, 10 et 12 suggère que<br />
c’est bien l’auteur lui-même qui semble s’adresser à son <strong>de</strong>stinataire (d’ailleurs mal i<strong>de</strong>ntifié puisqu’il<br />
pourrait aussi bien s’agir <strong>de</strong> ses contemporains que <strong>de</strong> ses futurs lecteurs) et son texte prend une<br />
dimension autobiographique. Cet indice <strong>perso</strong>nnel constitue pour ainsi dire la force organisatrice du<br />
texte, son point <strong>de</strong> convergence : le « Je » est au cœur du poème. Il refuse les effusions lyriques et se<br />
contente d’exposer ses émotions, nous ouvrant la sphère <strong>de</strong> son intimité.<br />
– La poésie accompagne sa vie, et donc lui font office <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>nts comme il l’exprime lui-même au vers<br />
9 « Je me plains à mes vers ». On peut <strong>de</strong> la même façon remarquer le vers 10 « je me ris avec eux »<br />
avec lequel il forme un parallélisme. Les vers sont alors <strong>perso</strong>nnifiés, il leur donne le rôle <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>nts.<br />
Le présent d’habitu<strong>de</strong> montre en plus qu’il s’agit pour lui d’une sorte <strong>de</strong> rite, que l’écriture poétique est<br />
son catharsis, qu’elle lui permet la purgation <strong>de</strong> ses passions et d’extérioriser ses sentiments. On peut<br />
aussi voir ce vers comme une critique <strong>de</strong> la société <strong>de</strong> Du Bellay, et l’italienne plus particulièrement<br />
puisqu’il se trouve à Rome au moment <strong>de</strong> l’écriture <strong>de</strong> ses poèmes. En effet, s’il en vient à se confier à<br />
ses poèmes, c’est qu’il ressent un manque <strong>de</strong> confiance dans les <strong>perso</strong>nnes qui l’entourent, qu’il juge les<br />
êtres humains indignent <strong>de</strong> sa confiance et <strong>de</strong> fiabilité incertaine et donc qu’il reproche leur hypocrisie<br />
à ses contemporains.<br />
– Au vers 11, « Comme étant <strong>de</strong> mon cœur les plus sûrs secrétaires » les poèmes sont comparés à <strong>de</strong>s<br />
secrétaires, les détenteurs <strong>de</strong> tous ses secrets. La tournure superlative insiste sur la relation intime<br />
qu’il entretient avec eux. On pourrait presque parler d’une <strong>perso</strong>nnification, montrant les pouvoirs du<br />
texte sur l’auteur.<br />
Conclusion<br />
En exposant la nature <strong>de</strong> son projet et en montrant que ses poèmes l’ont accompagné pendant se vie, le<br />
poète exploite une stratégie oratoire particulière, dite « Captatio benevolentiae ». Elle fait office « d’accroche<br />
» au début du recueil, en annonçant l’évocation d’un secret dans les vers à venir au fil du recueil. L’auteur dit<br />
pouvoir se confier à ses vers <strong>de</strong> façon sure puisqu’ils ne pourront pas le trahir comme le pourraient <strong>de</strong>s êtres<br />
humains. Pourtant, il fait ici un paradoxe puisqu’en effet ses poèmes, soit disant ses plus sûrs secrétaires,<br />
pourront être lus par n’importe qui. Cette confiance qu’il a en ses poèmes est donc transmise aux lecteurs,<br />
qui se sentiront en connivence avec le poète et qui créera un lien fort entre eux.<br />
5<br />
c○Anne Le Duigou
Le texte<br />
6
2 Lecture Analytique n o 2 : « Heureux qui comme Ulysse », Sonnet<br />
XXXI, Les Regrets, Joachim Du Bellay<br />
2.1 Ce sonnet exprime la nostalgie du poète<br />
– V1 : On peut voir dans ce vers une référence mythologique au héros <strong>de</strong> l’Odyssée d’Homère le roi<br />
d’Ithaque qui a fait un voyage en mer pendant 10 ans. On Du Bellay fait allusion à quelqu’un qui a<br />
accompli un voyage riche, important et on peut ressentir l’envie du locuteur. « Comme » marque la<br />
comparaison d’un voyageur heureux avec le héros Grec. L’alexandrin a un rythme segmenté par une<br />
césure. L’assonance en [i] et l’allitération en [k] marque d’emblée le poème d’une dimension musicale<br />
qui scan<strong>de</strong> le vers.<br />
– V2 : L’univers mythologique est repris avec une allusion à Jason, <strong>perso</strong>nnage en quête <strong>de</strong> la toison<br />
d’or et donc investit d’une mission importante. Il n’y fait qu’allusion puisqu’il utilise une périphrase «<br />
cestui-là » pour le désigner, jouant ainsi sur une connivence culturelle avec le lecteur qui doit <strong>de</strong>viner<br />
<strong>de</strong> qui il s’agit. On peut retrouver dans ce vers l’assonance en [i] et l’allitération en [k] et le pronom «<br />
qui », éléments déjà présent dans le premier, créant une cohésion phonétique.<br />
– V3 : La césure très marqué casse le rythme <strong>de</strong> l’alexandrin. On pourrait penser que cette césure marque<br />
une ultime escale dans le voyage, comme s’il s’agissait d’un long parcours, d’une quête initiatique. En<br />
parlant « d’usage et raison », le poète semble comparer ces voyages à une quête i<strong>de</strong>ntitaire, ontologique,<br />
où l’intéressé acquière <strong>de</strong> l’expérience et <strong>de</strong> la sagesse.<br />
– V4 : Le point d’exclamation dans ce vers souligne l’envie, la jalousie du locuteur vis-à-vis <strong>de</strong>s grands<br />
voyageurs. Par ailleurs, cette jalousie est confortée par <strong>de</strong>s allitérations en [r] et en [s] qui créent un<br />
effet d’insistance.<br />
– V5 : La césure est marquée par une virgule après l’adverbe « hélas » exprimant la plainte, et donc les<br />
registres élégiaque et lyrique. Elle est l’expression d’une attente, d’une frustration liée à une coupure<br />
géographique. La présence du pronom « je » et du possessif « mon » exprime l’intimité du locuteur<br />
avec le « petit village », où l’adjectif petit est mélioratif puisqu’il s’agit d’un lieu à taille humaine,<br />
contrairement à Rome, la capitale, trop gran<strong>de</strong> et imposante pour être accueillante. Le futur à une<br />
valeur hypothétique et imprécise, renforçant le sentiment d’attente et d’impatience <strong>de</strong> l’auteur.<br />
– V6 : L’enjambement entre les vers 5 et 6 montre une continuité rythmique. Le lien entre les 2 vers<br />
(i<strong>de</strong>m vers 6 et 7) insiste sur le caractère pittoresque, rustique, champêtre et chaleureux du village<br />
natal à travers une poésie assez visuelle. La métonymie <strong>de</strong> « la cheminée » pour parler <strong>de</strong> toutes les<br />
cheminées du village renforce le sentiment <strong>de</strong> possession <strong>de</strong> lieux, d’appropriation et d’appartenance<br />
que nous donne Du Bellay. On y <strong>de</strong>vine vie paisible et calme, loin <strong>de</strong>s fastes <strong>de</strong> Rome.<br />
– V7 : L’inversion du sujet et du verbe souligne la tournure interrogative <strong>de</strong> la question rhétorique et<br />
l’expression <strong>de</strong> la nostalgie après l’envie exprimée dans le premier quatrain. L’adjectif « pauvre » est ici<br />
mélioratif, puisqu’il qualifie simplement les lieux <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>stes en comparaison avec l’opulence affichée<br />
par les édifices romains. « Le clos » montre que c’est un endroit calme, feutré et protégé <strong>de</strong>s vices <strong>de</strong>s<br />
hommes.<br />
– V8 : Ce vers exprime la nostalgie du poète. Sa maison représente tout pour lui, il nous renvoie à<br />
sa maison natale qui lui parait mieux que Rome même si il s’agit d’un cadre mo<strong>de</strong>ste. La césure<br />
et sa locution adverbiale lorsqu’il enchaine <strong>de</strong>ux adverbes « beaucoup davantage » confirment cette<br />
impression avec un effet <strong>de</strong> surenchérissement.<br />
2.2 Ce sonnet repose sur un jeu d’oppositions<br />
– V9 et 10 : Il fait allusion une nouvelle fois à sa maison natale évoquée par périphrase. Il rend hommage<br />
à ses ancêtres. Les <strong>de</strong>ux vers reposent sur un système d’opposition, marquant la comparaison <strong>de</strong> sa<br />
<strong>de</strong>meure et <strong>de</strong>s palais romains. L’adjectif « audacieux » est mit en valeur par une diérèse, soulignant les<br />
fastes, le luxe et l’exubérante opulence affichée par les palais romains <strong>de</strong> la Renaissance, ce qui renvoie<br />
paradoxalement à un éloge <strong>de</strong> la simplicité. On peut parler d’un recours au discours épidictique.<br />
– V.11 : L’auteur fait une antithèse entre les matériaux nobles <strong>de</strong> l’architecture romaine et l’ardoise,<br />
référence au toit <strong>de</strong>s chaumières. Il oppose les adjectifs « dur » à valeur péjorative et « fine » à valeur<br />
positive.<br />
– V12 et 13 : L’utilisation dans les vers parallèles 12 et 13 du possessif « mon » opposé à l’article défini<br />
« le » donne une valeur négative au caractère im<strong>perso</strong>nnel <strong>de</strong> l’article.<br />
7
– V.14 : On retrouve ici une nouvelle opposition avec « l’air marin », référence à la proximité <strong>de</strong> Rome <strong>de</strong><br />
la méditerranée, et « la douceur angevine ». En général, la chaleur et la mer italiennes sont appréciées,<br />
mais ce n’est pas ici l’état d’esprit du poète, qui préfère l’air angevin, l’air <strong>de</strong> la région d’Anjou où<br />
il est né. On peut aussi penser que l’utilisation <strong>de</strong> cet adjectif n’est pas laissée au hasard, puisqu’on<br />
peut faire le rapprochement avec le nom « ange » contenu dans le mot et qui rapporte <strong>de</strong> nouveau au<br />
caractère mélioratif qu’il porte à sa région natale.<br />
– On remarque l’anaphore du superlatif « Plus » dans les vers 9, 11, 12 et 13. Dans ces 4 vers sont<br />
à chaque fois comparés <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> France ou d’Anjou, le village natal <strong>de</strong> Du Bellay avec <strong>de</strong>s<br />
éléments d’Italie ou <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Rome où il séjourne pendant 3 ans. Les <strong>de</strong>ux tercets proposent une<br />
variation sur le même thème : la supériorité du village natal sur la ville <strong>de</strong> l’exil.<br />
Conclusion<br />
Du Bellay montre dans ce sonnet sa jalousie envers les héros mythiques <strong>de</strong> l’antiquité et tous ceux qui ont<br />
accompli un voyage riche et utile. Il considère son exil italien comme une perte <strong>de</strong> temps et une déception.<br />
Il en profite pour comparer la France et l’Italie et défaveur <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière et transforme sa nostalgie en<br />
rage qu’il reporte sur le pays où il séjourne.<br />
Le texte<br />
8<br />
c○Anne Le Duigou
3 Lecture Analytique n o 3 : Sonnet VI « Las où est maintenant ce<br />
mépris <strong>de</strong> fortune »<br />
3.1 Dans quelle mesure ce texte propose-t-il une démarche <strong>de</strong> questionnement du<br />
poète ?<br />
3.1.1 Le poète autrefois<br />
– V1 : Le poète se rappelle <strong>de</strong> son statut d’autrefois (avant Rome), où il n’avait pas peur <strong>de</strong>s coups du<br />
sort et restait maître <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>stinée. Il s’interroge sur son statut actuel : il s’agit d’un questionnement<br />
existentiel. En effet, le démonstratif « ce » renvoie à une situation qu’il connaissait bien mais passée.<br />
– V3 : Le poète a perdu son désir d’immortalité. Il fait dans ce vers allusion à se <strong>de</strong>vise, « La muse<br />
donne l’immortalité », référence implicite à la mythologie grecque (Orphée).<br />
– V4 : La « belle flamme » dont il parle est une référence aux convictions <strong>de</strong> l’époque et <strong>de</strong>s humanistes :<br />
le don <strong>de</strong>s poètes était donné par les dieux. Or il dit ici l’avoir perdu. Il se permet d’être présomptueux<br />
puisqu’il se considérait comme un élu <strong>de</strong>s dieux en disant « non commune ». Maintenant il se pense<br />
re<strong>de</strong>venu ordinaire et ne plus rien avoir <strong>de</strong> spécial. Il prend son absence <strong>de</strong> talent comme une punition<br />
divine pour un mal qui aurait commis.<br />
– V10 : L’auteur fait une métonymie en parlant <strong>de</strong> son « cœur » pour parler <strong>de</strong> lui-même, acteur <strong>de</strong> ses<br />
sentiments et <strong>de</strong> ses humeurs : il pense qu’avant il était son propre maître et pouvait utiliser son don.<br />
Le temps verbal <strong>de</strong> cette proposition subordonnée relative est l’imparfait, qui a une valeur d’habitu<strong>de</strong><br />
et itérative.<br />
3.1.2 Le poète aujourd’hui<br />
– V9 : Le poète parle <strong>de</strong> sa condition actuelle par rapport à sa condition passée dans ce vers, ce que<br />
je peux voir avec l’utilisation <strong>de</strong> l’adverbe temporel « Maintenant ». Il dit ne plus être maître <strong>de</strong> son<br />
<strong>de</strong>stin, n’être plus que la victime <strong>de</strong>s aléas du sort. Il apparaît que le poète n’est plus certain <strong>de</strong> son<br />
avenir. La structure syntaxique, où la « fortune » <strong>de</strong>vient sujet et se <strong>perso</strong>nnifie, renforce l’action que<br />
le <strong>de</strong>stin à sur lui et le fait qu’il le subisse, mimant ainsi le sens <strong>de</strong> ses propos.<br />
– V12 : Le poète est tellement blasé qu’il n’apporte plus d’importance à sa notoriété ou à ce qu’on pense<br />
<strong>de</strong> lui. Il semble ne plus avoir d’objectifs ou d’ambition. Le « plus » montre l’opposition avec ce qu’il<br />
était et montre qu’il y portait <strong>de</strong> l’importance avant. La répétition du groupe verbal « je n’ai plus »<br />
définit sa situation présente en insistant sur ce qu’il a perdu. On peut <strong>de</strong> plus remarquer que cette<br />
idée est mise en relief par l’inversion du COI et du sujet dans ce vers.<br />
– V14 : « Les Muses » sont une allégorie du talent <strong>de</strong> l’écriture poétique. Il veut dire que la poésie lui<br />
échappe, qu’il <strong>de</strong>vient pour lui intouchable. Le fait qu’elles soient comme « Estranges » (étrangères)<br />
pour lui montre que c’est à peine s’il peut se rappeler du temps où il avait ce ton puisque le talent<br />
poétique lui est désormais étranger. Cela marque la distance qui s’installe entre le poète et son ancien<br />
don.<br />
3.2 Comment s’exprime la lassitu<strong>de</strong> et la nostalgie du poète ?<br />
3.2.1 Plainte du poète<br />
– V1 : L’expression du regret est marquée dès l’attaque du poème à travers l’adverbe « las ». Nous<br />
sommes dans le registre poétique <strong>de</strong> l’élégie, du lamento.<br />
– V11 : Le poète nous montre la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> son mal et sa déception, son sentiment <strong>de</strong> perte pour<br />
quelque chose qu’il avait acquis, avec l’hyperbole « mille ». Par le nom « regrets », il reprend le titre<br />
du recueil, ouvrage qui lui permet d’exprimer sa peine et ses tourments, rappelant et accentuant ainsi<br />
le message qu’il veut faire passer. Le nom « serf » qu’il utilise pour qualifier son cœur, et donc par<br />
métonymie lui-même, montre qu’il se voit comme un esclave et s’impose lui-même en victime. Le terme<br />
s’oppose d’ailleurs à « maistre » dans le vers qui le précè<strong>de</strong>.<br />
3.2.2 Absence d’ar<strong>de</strong>ur poétique<br />
– V5 : Il fait allusion aux plaisirs perdus <strong>de</strong> l’écriture et à sa nostalgie <strong>de</strong>s soirées pendant lesquelles il<br />
écrivait dans un cadre nocturne, bucolique (en phase avec la nature). Les allitérations en [s] soulignent<br />
9
la cohésion phonétique, le travail du poète sur la musicalité <strong>de</strong> ses poèmes. La versification est elle<br />
aussi travaillée avec <strong>de</strong>s enjambements entre les vers 5, 6 et 6, 7 et <strong>de</strong>s césures aux vers 5, 6, 13 et 14.<br />
L’auteur fait donc une mise en abyme, puisqu’il parle du texte qu’il est en train d’écrire. Il évoque son<br />
don poétique perdu tout en écrivant un poème.<br />
– V7 : Le registre dans ce passage est lyrique, la nature est mise en scène grâce au champ lexical «<br />
verd », « rivage ». La parole poétique est baignée dans les clichés Pétrarquistes. Le poète en est bien<br />
conscient et il s’agit presque d’une satire <strong>de</strong> ce genre, puisqu’il peut paraitre ironique.<br />
– V13 : Le poète parle ici <strong>de</strong> « divine ar<strong>de</strong>ur », chose qu’il a perdue et <strong>de</strong> nouveau attribut son talent<br />
poétique à un don <strong>de</strong>s Dieux. Il fait allusion à l’inspiration Platonienne, en référence à la pensée antique,<br />
un <strong>de</strong>s topoï <strong>de</strong> la poésie humaniste. L’adverbe « aussi » provoque <strong>de</strong> plus un effet d’accumulation.<br />
Du Bellay n’a plus l’envie ou le courage d’écrire et doute <strong>de</strong> son propre génie.<br />
– V14 : On peut remarquer <strong>de</strong>s allitérations en [n] et en [m], <strong>de</strong>s nasales répétées 5 fois, créant une<br />
harmonie particulière. L’étirement <strong>de</strong>s sons accentue l’élégie et sa lassitu<strong>de</strong> avec une parole poétique<br />
lente et trainante.<br />
Conclusion<br />
Ce texte propose une démarche <strong>de</strong> questionnement du poète dans la mesure où il compare sa condition<br />
d’autrefois, où il se considérait comme élu divin et aujourd’hui, où il pense avoir perdu son don d’écriture<br />
poétique. Il nous exprime donc se lassitu<strong>de</strong> et sa déception dans une plainte et en nous expliquant sa nouvelle<br />
absence d’ar<strong>de</strong>ur poétique. Pourtant, le message du poète reste très paradoxal puisqu’il nous exprime son<br />
incapacité à écrire tout en écrivant un poème.<br />
10<br />
c○Anne Le Duigou
Le texte<br />
11
4 Lecture Analytique n o 4 : Sonnet IX « France mère <strong>de</strong>s arts, <strong>de</strong>s<br />
armes et <strong>de</strong>s lois »<br />
4.1 Comment s’exprime la relation entre le poète et son pays natal ?<br />
Le sonnet repose sur une métaphore filée.<br />
– V3 : Le locuteur, qui est ici le poète, avec la comparaison « comme un agneau » est comparé à un<br />
agneau, symbolique judéo-chrétienne : l’agneau est l’animal sacrifié, une victime inoffensive et appréciée<br />
<strong>de</strong>s dieux. Le locuteur suggère donc son innocence, sa fragilité.<br />
– V2 : On observe une relation filiale entre la France, la mère nourricière et le poète qui la tutoie. Il met<br />
en exergue un lien unique et fusionnel entre la France <strong>perso</strong>nnifiée et son « enfant ».<br />
– V1 : Ce vers souligne le lien phonétique entre certains termes par jeu d’assonances en [a] et d’allitérations<br />
en [r]. On peut trouver un rapprochement phonétique entre « arts » et « armes » : c’est donc<br />
une paronomase. Par cet élan patriotique, le poète fait une attaque directe à l’Italie dans laquelle il<br />
séjourne, que l’on considère traditionnellement comme la mère <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>s armes. Ce vers peut<br />
donc avoir une dimension polémique, sous l’apparence très solennelle, presque emphatique et pompeuse<br />
(impression notamment donnée par l’apostrophe « France »). Selon le poète, alors qu’il est en<br />
Italie, c’est à la France que reviennent finalement plus ces qualités.<br />
– V5 et 6 : La phrase interrogative est une question rhétorique adressée à la France. Le registre et la<br />
tonalité pathétique sont mises en évi<strong>de</strong>nce par l’apostrophe « Ô cruelle ». Le « Ô » invocateur est un<br />
appel à l’ai<strong>de</strong>.<br />
– V12 : « Tes » est un pronom possessif permettant au poète <strong>de</strong> renouer le « dialogue » avec la France<br />
peu présent dans le tercet précé<strong>de</strong>nt. Les autres français ne manquent <strong>de</strong> rien et sont dans une position<br />
confortable contrairement à lui et on peut en déduire qu’il s’agit d’une forme <strong>de</strong> jalousie <strong>de</strong> la part <strong>de</strong><br />
l’auteur.<br />
– V13 : Le poète a placé dans ce vers une accumulation <strong>de</strong> termes négatifs qui renvoient à certains vers<br />
précé<strong>de</strong>nts : le nom « loup » a déjà été cité au vers 9 et « vent » et « froidure » renvoient au champ<br />
lexical du froid du vers 10 (« l’hiver », « froi<strong>de</strong> haleine »), insistant sur ces côtés péjoratifs <strong>de</strong> l’Italie<br />
et créant une continuité dans les idées évoquées par Du Bellay.<br />
4.2 Comment l’exil est-il vécu par le poète ?<br />
– V7 et 8 : Pour Du Bellay, l’exil est synonyme <strong>de</strong> souffrance. Le poète se livre à un appel au secours, un<br />
cri du cœur. Le rythme lancinant et les répétitions <strong>de</strong> l’apostrophe « France » font que le pays natal du<br />
poète <strong>de</strong>vient le thème obsédant, le leitmotiv du sonnet. Cela donne l’impression d’une prière scandée,<br />
faisant apparaitre le registre élégiaque. Au V8 l’« Echo » est <strong>perso</strong>nnifié, en référence à la mythologie<br />
Grecque : il s’agissait <strong>de</strong> la nymphe amoureuse <strong>de</strong> Narcisse qui fut condamnée à toujours appeler<br />
son amoureux sans jamais obtenir <strong>de</strong> réponse. Le fait que <strong>de</strong>s références mythologiques nourrissent la<br />
parole poétique est un topos <strong>de</strong> la poésie humaniste.<br />
– V9 : La métaphore « Loups cruels » désigne <strong>de</strong> manière péjorative les habitants <strong>de</strong> Rome, les italiens.<br />
L’adjectif dépréciatif et hyperbolique « cruel » insiste sur l’opposition entre l’innocence du poète,<br />
victime <strong>de</strong> la méchanceté, et l’hypocrisie <strong>de</strong>s courtisans qu’il côtoie. L’opposition entre le pluriel <strong>de</strong> «<br />
loups », et le singulier « je » souligne le danger que cours le poète, seul contre tous. Le poète transforme<br />
sa douleur en haine qu’il <strong>de</strong>stine aux courtisans Italien qu’il méprise. C’est sa façon d’extérioriser son<br />
mal, comme si trouver <strong>de</strong>s responsables sur lesquels il peut se venger allègerait sa douleur.<br />
– V10 : On trouve dans ce vers <strong>de</strong>s assonances en [e] et [i] et allitérations en [v] et [r], formant une sorte<br />
<strong>de</strong> parole chantante et musicale. Elle a une valeur quasiment prémonitoire : par harmonie initiative, le<br />
vent hivernal semble suggéré. Le poète pressent une situation encore plus sombre pour les <strong>de</strong>rniers mois<br />
<strong>de</strong> son exil et exprime son désespoir. L’hiver est même <strong>perso</strong>nnifié grâce au terme anthropomorphique<br />
« haleine » qui lui est associé pour souligner la menace.<br />
– V14 : Le poète se sent rejeté et exclu, et le poème se termine sur un sentiment d’injustice. En effet<br />
il trouve injuste que les autres n’aient pas à vivre son exil et pense ne pas mériter ce qu’il semble<br />
prendre comme un châtiment. Il en profite pour accuser ses compatriotes <strong>Français</strong>, en suggérant avec<br />
le superlatif « pire » que certains d’entre eux sont mauvais, et mériteraient d’être puni.<br />
12
Conclusion<br />
Le poète nous expose dans ce sonnet la force <strong>de</strong> son lien avec son pays natal, avec laquelle il semble<br />
entretenir une relation filiale, suggérée par l’utilisation d’une métaphore filée où il est un <strong>de</strong>s agneaux du «<br />
troupeau français ». En effet, Du Bellay semble émettre un véritable appel au secours alors qu’il se trouve<br />
en Italie, pays qui l’a déçu et à la population qu’il méprise et insulte notamment à travers ce poème. Il<br />
vit très mal son isolement sur une terre qu’il considère hostile et ce sont principalement <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong><br />
souffrance et d’injustice qui ressortent <strong>de</strong> ce texte.<br />
Le texte<br />
13<br />
c○Anne Le Duigou
5 Lecture Analytique n o 5 : « Le Grand Combat », Qui Je Fus<br />
Biographie <strong>de</strong> Henri Michaux (1899-1984)<br />
L’auteur est un poète et peintre belge du XX e siècle. Il est considéré comme auteur atypique et n’a pas<br />
vraiment d’appartenance particulière à un certain mouvement littéraire, même si on le rapproche le plus<br />
souvent <strong>de</strong>s surréalistes. Il était un grand voyageur et les reportait dans <strong>de</strong>s récits tels qu’Un barbare en Asie.<br />
Ce poète tourmenté fera l’expérience <strong>de</strong> la mescaline sous l’influence <strong>de</strong> laquelle il écrira Connaissance par<br />
les gouffres. On peut aussi citer comme ouvrages L’espace du <strong>de</strong>dans, La nuit remue ou encore Un certain<br />
Plume.<br />
5.1 En quoi ce poème peut-il être considéré comme complexe, étrange voire incompréhensible<br />
?<br />
Ce texte présente un grand nombre <strong>de</strong> néologismes :<br />
– V1 : L’expression « Il l’emparouille » rappelle le verbe « s’emparer » auquel on aurait ajouté le suffixe<br />
« ouille », donnant ainsi un effet comique au mot. « L’endosque » rappelle le verbe « endosser »,<br />
paronomase suggérée par leur rapprochement phonétique.<br />
– V2 : « rague » pourrait ressembler à « racle » et « roupète » serait un mélange <strong>de</strong> « rouer <strong>de</strong> coup » et<br />
<strong>de</strong> « péter » comme s’il s’agissait d’une explosion. Le « drâle » rappelle le « râle », le cri du mourant.<br />
Les allitérations en [r] et <strong>de</strong>s assonances en [a] donne une musicalité particulière au vers et souligne<br />
les actions du combat.<br />
– V3 : Le mot « pratèle » ressemble à « martèle » et « libucque » nous laisse imaginer le bâillonnage<br />
d’un <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages par l’assemblement <strong>de</strong>s termes « ligoter » et « bouche ». Dans l’expression «<br />
baruffle les ouillais » on peut aussi trouver une ressemblance avec « baffer » et « oreilles ».<br />
– V4 : « Le Tocar<strong>de</strong> » ressemble à « l’estoca<strong>de</strong> », ce qui signifie « donner <strong>de</strong>s coups » et « Marmine »<br />
à marmite, laissant penser que quelqu’un se fait cuir à la marmite.<br />
– V5 : On trouve dans ce vers un chiasme phonétique en A, B, B, A avec « rape à ri et ripe à ra » qui<br />
montre la contamination <strong>de</strong>s sonorités les unes avec les autres.<br />
– V6 : Les sonorités du terme « l’écorcobalisse » ne sont pas sans rappeler les verbes « écorcher » ou «<br />
égorger ». Tout le texte est un jeu du poète avec le langage. Ses néologismes sont travaillés, et le lecteur<br />
peut s’amuser à trouver <strong>de</strong>s points communs avec <strong>de</strong>s mots qu’il connait, décelant ainsi un sens au texte.<br />
Le texte est donc finalement traduisible et les mots reconnaissables. Michaux invente une nouvelle<br />
langue par un brouillage lexical laissant d’abord perplexe le lecteur qui peut néanmoins comprendre<br />
qu’il s’agit d’un combat entre plusieurs, apparemment <strong>de</strong>ux, protagonistes. Cette impression est bien<br />
en accord avec le titre du poème qui préparait déjà le lecteur à la narration d’un combat.<br />
5.2 En quoi peut-il être considéré comme violent ?<br />
Le texte explore le registre épique et prend <strong>de</strong>s airs d’épopée (texte long en prose ou en vers qui narre les<br />
péripéties d’un héros <strong>de</strong>vant accomplir une quête dont les principaux topoï sont le combat, les faits d’arme,<br />
les mouvements <strong>de</strong> foules et <strong>de</strong>s scènes visuelles. C’est en effet ce à quoi est confronté le lecteur qui doit<br />
faire appel à sn imaginaire.<br />
La violence se trouve jusque dans les sonorités, avec <strong>de</strong>s sons agressifs. Les gestes rapportés <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages<br />
traduisent <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> barbarie, l’affrontement, la mutilation et la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s corps.<br />
– En effet on pourrait traduire le V7 « se défaisse, se torse et se ruine » par se défait, se tord et tombe en<br />
ruine, faisant une gradation dans les termes. Le corps du combattant semble alors en décomposition.<br />
– Des vers 12 à 15 « Le pied a failli ! Le bras a cassé ! Le sang a coulé ! », On retrouve une gradation<br />
<strong>de</strong> la violence. Le rythme ternaire et les vers <strong>de</strong> 5 pieds donnent une impression <strong>de</strong> régularité et <strong>de</strong><br />
parallélisme dans la versification. Le pied évoqué dans le poème pourrait d’ailleurs se rapporter aux<br />
pieds, le décompte <strong>de</strong>s syllabes en poésie.<br />
– Au vers 16, « Dans la marmite <strong>de</strong> son ventre » est une métaphore faisant référence à un rite païen qui<br />
visait à étudier les entrailles d’animaux sacrifiés pour prédire l’avenir, rappelant une sorte <strong>de</strong> procédé<br />
barbare et sanglant.<br />
14
5.3 Dans quelle mesure le grand secret peut-il être la réponse au grand combat ?<br />
Le texte nous invite à mener nous aussi un combat : le lecteur se retrouve à faire la quête du sens du<br />
poème. C’est en effet explicite au <strong>de</strong>rnier vers (v20) « On cherche aussi nous autres, le Grand Secret. » Le<br />
« nous » englobe aussi bien les lecteurs que le poète lui-même. Le « Grand Secret » est une référence au<br />
titre du poème, « Le Grand Combat », mais aussi au sens du combat rapporté par le texte et à l’i<strong>de</strong>ntité<br />
méconnue <strong>de</strong>s protagonistes. En effet, le texte est polysémique et on peut émettre plusieurs hypothèses :<br />
– Les <strong>de</strong>ux combattants sont Michaux et le texte, la poésie qu’il veut réinventer. L’auteur cherche<br />
à déconstruire puis à reconstruire le langage poétique. Il adopte une démarche d’écriture similaire à<br />
celle <strong>de</strong>s poètes surréalistes, originale et ludique. Il s’agirait d’une mise à mort du langage traditionnel.<br />
En effet, le poète fait <strong>de</strong> nombreux néologismes et ne suit pas les règles classiques <strong>de</strong> la poésie par un<br />
seul paragraphe et <strong>de</strong>s vers libres.<br />
– Les <strong>de</strong>ux combattants sont le lecteur et le texte. Le lecteur doit se battre pour trouver un sens au<br />
poème non seulement parce qu’il doit comprendre les néologismes <strong>de</strong> l’auteur mais aussi parce qu’il<br />
lutte pour trouver une explication au combat et découvrir le secret.<br />
– Les <strong>de</strong>ux combattants sont Michaux contre lui-même, contre ses tourments intérieurs. Au v11 en effet<br />
« Abrah ! Abrah ! Abrah ! » ressemble à une invocation du divin, le terme ressemblant à Allah ou<br />
Abraham. On trouve une dimension religieuse dans ce texte, où Michaux émet un appel à l’ai<strong>de</strong> à<br />
Dieu, dans une recherche du sens <strong>de</strong> la vie.<br />
– Le texte évoque peut être aussi tout simplement les conflits armés <strong>de</strong> la première Guerre mondiale qui<br />
ont profondément marqués Michaux. Quel est le sens <strong>de</strong> la guerre ? Les hommes mènent toujours <strong>de</strong>s<br />
combats, parfois sans même savoir pour quelle raison ils s’entretuent et si elle en vaut vraiment la peine.<br />
Voltaire dans Candi<strong>de</strong> qualifiait ainsi ironiquement et paradoxalement une bataille <strong>de</strong> « boucherie<br />
héroïque ». Cet argument est renforcé par la présence <strong>de</strong> l’expression « Mégères alentour » au vers 17<br />
où il semble faire allusion aux mères et aux femmes <strong>de</strong>s combattants, spectatrices impuissantes d’une<br />
guerre cruelle et insensée.<br />
La fonction du poète dans ce texte semble être <strong>de</strong> bouleverser les habitu<strong>de</strong>s du lecteur, <strong>de</strong> proposer une<br />
réflexion sur la création et la lecture <strong>de</strong> poèmes et <strong>de</strong> chercher à questionner le mon<strong>de</strong> absur<strong>de</strong> et violent<br />
qui l’entoure. Michaux cherche aussi à faire évoluer la langue et les co<strong>de</strong>s grâce à un style innovant, le<br />
non-respect <strong>de</strong>s co<strong>de</strong>s formels et l’utilisation d’effets comique pour parler d’un thème tragique. Ne trouvant<br />
pas les mots pour le décrire, Michaux est obligé <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir le démiurge <strong>de</strong> nouveaux termes. Pourtant, il<br />
laisse un sens, voire même plusieurs à son texte et tente <strong>de</strong> transmettre un message.<br />
15<br />
c○Anne Le Duigou
Le texte<br />
16
6 Lecture Analytique n o 6 : « L’Albatros »<br />
Biographie <strong>de</strong> Charles Bau<strong>de</strong>laire (1821-1867)<br />
Cet auteur était un dandy parisien, en partie influencé par les poètes romantiques. Non seulement poète,<br />
partisan du Parnasse puis du symbolisme, il était aussi critique d’art et esthète. Bau<strong>de</strong>laire était considéré<br />
comme un marginal et eut une vie très sombre. Il faisait partie <strong>de</strong> la génération <strong>de</strong>s poètes maudits, incompris<br />
par la société <strong>de</strong> son époque. Il écrivit notamment Petits poèmes en prose et Le Spleen <strong>de</strong> Paris. D’abord<br />
annoncé Les Lesbiennes puis Les limbes, son recueil Les Fleurs du Mal publié en 1857 fit scandale pour<br />
outrage à la morale publique. L’albatros est un <strong>de</strong>s poèmes <strong>de</strong> la subsection « Spleen et Idéal » du recueil.<br />
6.1 Le poème repose sur une métaphore filée <strong>de</strong> l’albatros<br />
– Dernière strophe : Les <strong>de</strong>rniers vers révèlent l’analogie poète/albatros avec la comparaison marquée<br />
par « semblable ». Bau<strong>de</strong>laire livre une image du poète incompris et marginal, quelqu’un <strong>de</strong> supérieur<br />
au commun <strong>de</strong>s mortels. En effet, il est comparé à un « prince » au vers 13, et le poète tel l’albatros<br />
est l’éclaireur <strong>de</strong>s hommes, son prophète. Comme Hugo dans « Le prophète », il développe l’idée que<br />
le poète est un élu <strong>de</strong>s dieux, que sa fonction est d’éclairer, <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>r le peuple, au risque d’en <strong>de</strong>venir<br />
l’ennemi. Bau<strong>de</strong>laire reprend cette tradition romantique du XIXe siècle. Dans ce poème reposant sur<br />
une métaphore filée, on distingue les prémices du symbolisme avec sa théorie <strong>de</strong>s correspondances<br />
(l’albatros est le symbole du poète).<br />
– V1 : La présence <strong>de</strong> l’adverbe à valeur temporelle « souvent » dans cet alexandrin évoque l’habitu<strong>de</strong>,<br />
le rituel. Il n’est pas rare que les marins s’amusent à capturer et malmener les oiseaux marins.<br />
– V2 : L’enjambement entre le V1 et le V2 marque une continuité rythmique. Le poète présente un<br />
tableau pittoresque en racontant une anecdote vécue à l’occasion d’un voyage. Il oppose dans ces 2<br />
vers <strong>de</strong>ux univers différents : les marins, (hommes sur terre) et l’albatros, (oiseaux dans le ciel). Ils<br />
ont tout <strong>de</strong> même un point commun : la mer qu’ils se partagent, pont entre les <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s. Le<br />
présent <strong>de</strong> l’indicatif à valeur itérative (habitu<strong>de</strong>) montre l’emprise que les marins souhaitent avoir sur<br />
l’animal. Il désigne les albatros par « vastes oiseaux <strong>de</strong>s mers », une périphrase qui se veut laudative,<br />
méliorative.<br />
– V4 : Ce vers propose un jeu phonétique avec <strong>de</strong>s allitérations en [g] et en [r], sonorités à la fois douces<br />
et agressives. La scène est alors théâtralisée, une atmosphère se crée. La parole poétique aspire à une<br />
forme d’harmonie, <strong>de</strong> musicalité.<br />
– V8 : La comparaison « comme <strong>de</strong>s avirons » donne une image triviale qui prouve que l’oiseau est<br />
entravé dans ses gestes, qu’il ne peut progresser. Le poète <strong>de</strong> la même façon à tellement <strong>de</strong> pensées,<br />
d’idées, trop gran<strong>de</strong>s et incomprises par le commun <strong>de</strong>s mortels qu’elles le gène en société.<br />
6.2 Le poète est victime/incompris <strong>de</strong> la société qui l’entoure<br />
– V11 et 12 : Les marins agressant vulgairement l’oiseau montre une image <strong>de</strong> la société <strong>de</strong> l’auteur.<br />
Bau<strong>de</strong>laire fait référence aux mauvaises critiques reçues lors <strong>de</strong> la première parution <strong>de</strong>s Fleurs du<br />
Mal et <strong>de</strong> son procès en 1857, attaqué par Ernest Pinard pour outrage à la morale publique.<br />
– V3 : Ce vers est une proposition subordonnée relative qui contient une expansion du nom « indolents<br />
compagnons <strong>de</strong> voyage » qui caractérise l’albatros. L’oiseau est en quelque sorte affilié aux marins,<br />
il a besoin <strong>de</strong> nourriture comme le poète aurait besoin d’un public, mais aussi d’une inspiration, «<br />
nourriture » <strong>de</strong> ses vers, lui venant <strong>de</strong> la société qui l’entoure.<br />
– V5 : « A peine les ont-ils... » Le poète présente les conditions, les circonstances <strong>de</strong> son anecdote par<br />
une locution verbale à valeur temporelle, donnant l’impression d’une action soudaine, instantanée :<br />
l’oiseau perdra <strong>de</strong> sa superbe dans l’instant. De la même façon, dès que le poète se retrouve au milieu<br />
<strong>de</strong>s hommes, il <strong>de</strong>vient victime <strong>de</strong> toutes les railleries. Une fois « déposé sur les planches », l’albatros<br />
est coupé <strong>de</strong> son Univers, les airs, pour arriver dans celui <strong>de</strong>s hommes : en effet « les planches » sont<br />
<strong>de</strong> production humaine et artificielle. Il est alors privé <strong>de</strong> sa liberté et rabaissé.<br />
– V6 : La césure sépare la périphrase méliorative « Que ces rois <strong>de</strong> l’azur » <strong>de</strong>s adjectifs dépréciatifs «<br />
Maladroits et honteux » en une coupure nette, décalage entre le statut du poète, qui évolue dans les<br />
hautes sphères et celui <strong>de</strong>s autres hommes. Re<strong>de</strong>scendu à leur côté il re<strong>de</strong>vient banal comme eux, et<br />
donc maladroit et honteux, lieu commun <strong>de</strong> toute l’humanité.<br />
17
– V7 : L’adverbe « piteusement» est mis en valeur par le nombre <strong>de</strong> syllabes et prend donc toute son<br />
importance dans le vers : sur le sol, l’oiseau perd <strong>de</strong> sa superbe et <strong>de</strong>vient pitoyable. On tombe ici<br />
dans le registre pathétique. On peut séparer les <strong>de</strong>ux hémistiches <strong>de</strong> ce vers (6/6) par leur sens : «<br />
laissent piteusement » s’oppose en effet à « leurs gran<strong>de</strong>s ailes blanches » créant un contraste dans la<br />
<strong>de</strong>scription <strong>de</strong> l’albatros entre les côtés mélioratif et péjoratif. Les ailes <strong>de</strong> l’oiseau sont ce qui le défini,<br />
le différencie <strong>de</strong>s autres êtres vivants, quelque chose d’envié et rare. Le désir <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> s’élever<br />
à la manière <strong>de</strong>s oiseaux existe <strong>de</strong>puis la nuit <strong>de</strong>s temps (référence à Icare). Les hommes sont jaloux<br />
<strong>de</strong> ce pouvoir qu’ils n’ont pas et en vienne à le mépriser et à tenter <strong>de</strong> le tourner en ridicule.<br />
– V9 : L’oiseau, et donc le poète, est évoqué dans la périphrase « Ce voyageur ailé ». Le poète surplombe<br />
le mon<strong>de</strong>, il invite le lecteur à le parcourir avec lui, il a le pouvoir d’évasion. Pourtant, il a une faiblesse :<br />
sa fragilité dépend du regard que les autres posent sur lui.<br />
– V10 : Le début et la fin <strong>de</strong> l’alexandrin sont contrastés entre le côté mélioratif et péjoratif <strong>de</strong> l’albatros,<br />
marquant l’opposition entre l’avant et l’après. Le poète donne une image grotesque <strong>de</strong> l’oiseau dont la<br />
beauté venait d’être soulignée par une expression positive accentué par l’adverbe d’intensité « si ».<br />
Conclusion<br />
Bau<strong>de</strong>laire donne dans ce poème une image du statut du poète à son époque, en le comparant à un<br />
albatros. Comme l’oiseau, le poète est plus proche <strong>de</strong> dieu et évolue dans les hautes sphères. Mais ce pouvoir<br />
d’évasion et son don attirent la jalousie et le mépris <strong>de</strong>s autres hommes. Le poète nous montre que lui et<br />
ses semblables dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la société qui les entoure et qu’ils en <strong>de</strong>viennent les victimes incomprises.<br />
18<br />
c○Anne Le Duigou
Le texte<br />
19
7 Lecture Analytique n o 7 : « Art Poétique », Nicolas Boileau<br />
Biographie <strong>de</strong> Nicolas Boileau<br />
Boileau est un ancien avocat, auteur du XVI e et XVII e <strong>de</strong> satyre et d’épitres. Il se place dans le mouvement<br />
du classicisme aux règles formelles et strictes. Il est contre une « révolution » <strong>de</strong> l’écriture poétique et<br />
s’insurge contre les nouvelles règles <strong>de</strong> la poésie qu’il trouve dégradée, comme il l’évoque dans son poème «<br />
L’art poétique » <strong>de</strong> 1674. Il y définit sa conception <strong>de</strong> la poésie en donnant les règles <strong>de</strong> l’écriture poétique<br />
et insiste sur le rôle du poète.<br />
7.1 Boileau évoque sa conception <strong>de</strong> la poésie.<br />
Boileau commence par évoquer la poésie <strong>de</strong> Malherbe qu’il considère comme une référence ; celle-ci est<br />
pour lui la poésie idéale. En effet, son éloge pour le poète s’étend sur plusieurs vers, du V1 au V12 :<br />
– V1 : L’adverbe temporel « enfin » privilégié par sa place en début <strong>de</strong> vers souligne l’espoir, l’idée<br />
<strong>de</strong> renouveau, comme l’arrivée du « Messie », le gui<strong>de</strong> à suivre. L’idée du gui<strong>de</strong> est en effet suggérée<br />
durant tout cet extrait sou forme <strong>de</strong> métaphore filée. Il le qualifie lui-même ainsi <strong>de</strong> façon explicite<br />
au V9 « ce gui<strong>de</strong> fidèle ». Et utilise une tournure injonctive au V11 « Marchez donc sur ses pas »,<br />
ordonnant pratiquement aux poètes <strong>de</strong> suivre cet exemple.<br />
– V10 : Malherbe est l’auteur modèle pour les autres, dont l’influence est encore perceptible fin XVIIe.<br />
– Le vers « Ce que l’on conçoit bien s’énonce bien» à la tournure d’un proverbe, on peut parler d’aphorisme<br />
énonçant une vérité générale. Le poète doit avoir à l’esprit <strong>de</strong>s idées claires, elles même énoncées<br />
<strong>de</strong> manière limpi<strong>de</strong>. Boileau montre donc son opposition à la poésie baroque et attaque les auteurs<br />
tels que Chassignet, Du Batras ou Jean <strong>de</strong> Spon<strong>de</strong>.<br />
– V5 : Boileau lui accor<strong>de</strong> sa reconnaissance, notamment au vers 5 où il utilise l’adjectif qualificatif «<br />
sage ».<br />
– V2 : L’expression : « Juste ca<strong>de</strong>nce » insiste sur la nécessité d’une harmonie rythmique.<br />
7.2 Boileau définit la fonction du poète.<br />
– V31-32 : Le poète doit avant tout s’intéresser à la clarté <strong>de</strong> la langue et <strong>de</strong> ses propos. Les <strong>de</strong>ux<br />
<strong>de</strong>rniers vers le résument bien : L’opposition entre les 2 termes mis à la rime marque l’antithèse entre<br />
la tournure superlative « divin » et l’adjectif péjoratif « méchant ». Le poète doit rester clair, ne jamais<br />
avoir <strong>de</strong>s propos hermétiques au lecteur ou incompréhensibles. Le locuteur interpelle les autres poètes<br />
et les met en gar<strong>de</strong> : ce qui compte avant tout c’est la compréhension du texte par le lecteur. Il appui<br />
cette idée par l’opposition <strong>de</strong>s possessifs « vos vers » et « mes idées », marquant la brèche entre les<br />
<strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong> facilement ouvrable.<br />
– V20 : Le poète doit apprendre à penser avant d’écrire. Le mo<strong>de</strong> verbal impératif prouve que l’auteur<br />
veut donner un conseil aux écrivains contemporains. Son ton est dogmatique, péremptoire, catégorique.<br />
La césure marque la séparation entre les <strong>de</strong>ux étapes (penser/écrire), qu’elles doivent être faites <strong>de</strong><br />
façon ordonnées l’une après l’autre et pas simultanément.<br />
Ce texte est une mise en abyme, où le poète explique à d’autres auteurs comment écrire un poème<br />
tout en en rédigeant un lui-même, comme pour montrer l’exemple.<br />
Une <strong>de</strong>s fonctions du poète pour Boileau est <strong>de</strong> montrer aux autres le chemin à suivre, et c’est donc ce<br />
qu’il fait lui-même en donnant un exemple <strong>de</strong> poème rédigé dans les règles <strong>de</strong> l’art, appuyant le sens<br />
<strong>de</strong> son écrit. Les poètes doivent définir leur rôle à partir <strong>de</strong>s autres écrivains. Malherbe à fait évoluer<br />
le genre poétique vers une forme d’idéal. « Tout connait ses lois » donne la rhétorique <strong>de</strong> l’exemplum,<br />
et montre le modèle à suivre.<br />
– V4 : Malherbe a su canaliser son inspiration. C’est la forme du texte qui prévaut, pas son contenu.<br />
Pour Boileau, il ne sert à rien <strong>de</strong> dire pour mal dire. La métonymie, voir l’allégorie <strong>de</strong> « la Muse » où<br />
un nom propre est transformé en nom commun montre le dénigrement <strong>de</strong> l’auteur.<br />
Conclusion<br />
Boileau est un auteur classique qui ne tolère pas d’entorse aux règles <strong>de</strong> l’écriture poétique. Pour lui,<br />
mieux vaut ne rien dire si c’est pour mal le formuler et aucune pensée n’est plus importante que la forme.<br />
Il faut savoir canaliser son écriture, à la façon du poète Malherbe dont il fait l’éloge durant tout l’extrait.<br />
20
L’auteur nous donne donc ici l’image qu’il se fait <strong>de</strong> la fonction du poète et <strong>de</strong>s règles qu’il doit suivre en<br />
évoquant sa conception <strong>de</strong> la poésie.<br />
Le texte<br />
21
8 Lecture Analytique n o 8 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (I, 1) : Scène d’exposition<br />
8.1 Cette scène à une fonction informative<br />
– Lieu <strong>de</strong> l’action : Dans une rue <strong>de</strong> Séville, en Espagne. Ce choix renvoie au gout pour l’exotisme du<br />
public. C’est une allusion à la pièce L’abuseur <strong>de</strong> Séville (renommée Tirso <strong>de</strong> Molina) qui a inspiré<br />
Don Juan, la pièce <strong>de</strong> Molière. L’espace scénique est ouvert, facilitant les déplacements et les passages,<br />
l’arrivée <strong>de</strong> nouveaux <strong>perso</strong>nnages. Un acte en extérieur est moins contraignant pour le dramaturge. Les<br />
grilles <strong>de</strong>vant les fenêtres soulignent l’opposition avec l’intérieur et mettent d’office l’espace scénique<br />
sous tension.<br />
– Costume : Le <strong>perso</strong>nnage évolue caché et déguisé. Le geste <strong>de</strong> tirer sa montre traduit l’impatience<br />
du <strong>perso</strong>nnage. On peut aussi y voir un clin d’œil au métier d’horloger, dont Beaumarchais à fait<br />
l’apprentissage. Le sentiment d’impatience est souligné par le champ lexical du temps très présent<br />
dans le texte : « tôt », « instant », « matin », « temps »... Accompagné du champ lexical <strong>de</strong> l’habitu<strong>de</strong><br />
« coutume », « tous les matins », il montre aussi qu’il s’agit d’un rituel quotidien pour le <strong>perso</strong>nnage,<br />
qu’il est obsédé par le temps qui passe et l’heure.<br />
– Phrase1 : Le <strong>perso</strong>nnage semble avoir perdu la notion du temps car il est amoureux. Il aimerait que le<br />
temps s’accélère pour voir son aimée. L’effet phonétique avec les assonances en [e] donne l’impression<br />
d’une parole scandée, telle l’avancée <strong>de</strong>s aiguilles d’une horloge.<br />
– Phrase 2 : L’allusion à la jalousie (treillis <strong>de</strong> bois ou <strong>de</strong> fer fixé sur une fenêtre qui permet <strong>de</strong> voir<br />
sans être vu) nous donne l’information que la femme qu’il aime, Rosine, se montre tous les jours à<br />
la fenêtre, son désir <strong>de</strong> sortir. La jalousie peut avoir un double sens, puisqu’il peut aussi s’agir <strong>de</strong> la<br />
jalousie d’un autre. Rosine est inaccessible et caché <strong>de</strong>rrière plus qu’un objet physique, ajoutant <strong>de</strong>s<br />
obstacles à la quête du <strong>perso</strong>nnage.<br />
– Phrase 3 : L’importance du rituel est encore soulignée dans cette phrase. En disant « il vaut mieux<br />
arriver trop tôt » en utilisant un présent <strong>de</strong> vérité générale, le comte montre qu’il ne semble vivre que<br />
pour cet instant tant attendu mais éphémère où Rosine va apparaître. Elle est l’objet d’une obsession<br />
qui peut pousser le comte à commettre <strong>de</strong>s actes excessifs.<br />
– Phrase 4 : On apprend que le comte est un homme <strong>de</strong> « Cour », qu’il a un statut social élevé.<br />
Le complément circonstanciel <strong>de</strong> lieu « Madrid » montre que le comte a parcouru <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong><br />
kilomètres pour voir Rosine. On apprend aussi que le comte n’a jamais parlé à Rosine et qu’il ne la<br />
connaît pas encore.<br />
– Parlant <strong>de</strong>s « chevaliers du temps d’Isabelle » comme quelque chose d’ancien et vieux jeu, montrant<br />
ainsi que le temps <strong>de</strong> l’histoire, l’époque dans laquelle il évolue est postérieure au « temps d’Isabelle<br />
» (XVIIe siècle).<br />
– Phrase 5 : Le comte énonce ici un aphorisme « Chacun court après le bonheur »<br />
– Phrase 6 : Par la métonymie « le cœur <strong>de</strong> Rosine », le comte entend conquérir et plaire à la femme. Il<br />
justifie, comme pour se rassurer lui-même, son besoin d’être aimé par Rosine et d’en être fou amoureux.<br />
– Dernière phrase : « L’importun » annonce l’arrivée d’un autre <strong>perso</strong>nnage, d’un second dans la pièce<br />
suivante. On sait que le comte va faire <strong>de</strong>s rencontres pendant la pièce, qui pourront soit l’ai<strong>de</strong>r soit<br />
<strong>de</strong>venir <strong>de</strong> nouveaux obstacles pour lui dans sa quête.<br />
– Dans ce monologue, le <strong>perso</strong>nnage dresse un portrait <strong>de</strong> lui-même. On en apprend donc plus sur lui,<br />
sa caractérisation interne, comme le rejet <strong>de</strong>s mariages par intérêt, par « convenance » et le rejet du<br />
libertinage, <strong>de</strong>s valeurs nobles lui donnant l’aspect du héros <strong>de</strong> l’histoire.<br />
– Il présente aussi un <strong>de</strong>uxième <strong>perso</strong>nnage qui n’est pas encore présent. Puisqu’il est un <strong>perso</strong>nnage<br />
noble qui en vient à attendre sous les fenêtres <strong>de</strong> cette femme, on peut penser qu’elle sera spéciale et<br />
qu’elle mérite tant d’attention.<br />
– Enfin, il donne le thème <strong>de</strong> la pièce, qui sera une intrigue amoureuse.<br />
8.2 Elle a aussi une fonction apéritive<br />
La pièce commence donc sur une présentation <strong>de</strong> l’histoire qui se doit <strong>de</strong> captiver, le lecteur/spectateur.<br />
– Le lecteur/spectateur est amené à imaginer et s’interroger sur ce qu’il se passe <strong>de</strong>rrière les murs, dans<br />
les maisons. Dès le début <strong>de</strong> la pièce, une atmosphère mystérieuse est créée, l’espace théâtral est encore<br />
à conquérir.<br />
23
– Le costume énigmatique du comte insiste sur la thématique du déguisement, <strong>de</strong> la supercherie. Le<br />
déguisement créé déjà un aspect comique.<br />
– « Est encore éloignée » Le spectateur s’i<strong>de</strong>ntifie au comte et se place dans une situation d’attente, <strong>de</strong><br />
ménagement, d’impatience.<br />
– Le pronom <strong>perso</strong>nnel « elle » créé un horizon d’attente chez le spectateur qui désire lui aussi rencontrer<br />
et voir cette femme au caractère surement exceptionnel puisqu’un comte en est attiré. On imagine la<br />
beauté <strong>de</strong> la femme pour laquelle le comte est capable <strong>de</strong> parcourir <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s distances tel un chevalier<br />
et <strong>de</strong> perdre sa dignité.<br />
– Le <strong>perso</strong>nnage éponyme et surement le principal, « Le Barbier <strong>de</strong> Séville » n’apparaît pas encore dans<br />
la pièce, créant une nouvelle forme d’attente pour le spectateur. Son horizon d’attente est déjouée,<br />
n’apparaît que <strong>de</strong> manière allusive dans la <strong>de</strong>rnière exclamation « au diable l’importun ! ».<br />
– Figaro qui arrivera dans la pièce suivante est qualifié d’ « importun ». Ce terme est en effet approprié<br />
pour le valet, qui sera à la fois adjuvant pour le comte et opposant pour Bartholo.<br />
– Le monologue, rendu dynamique par <strong>de</strong>s questions rhétoriques, <strong>de</strong>s phrases nominales et une ponctuation<br />
forte, révèle les pensées du comte et créé une connivence entre le <strong>perso</strong>nnage et le spectateur,<br />
liant ce <strong>de</strong>rnier au premier pour le reste <strong>de</strong> ses aventures.<br />
– Le comte fait un paradoxe avec « Il est si doux d’être aimé pour soi-même ». En effet, il ne connait pas<br />
Rosine, et pourtant aspire à un amour sincère : la rencontre amoureuse est ménagée. Le spectateur<br />
éprouve d’emblée <strong>de</strong> la sympathie pour ce héros attachant qui parait noble et sans vanités. Pourtant,<br />
le <strong>perso</strong>nnage disant être aimé pour lui-même est déguisé, et donc n’est pas vraiment « soi-même ».<br />
– Le lecteur se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si l’homme réussira à trouver son bonheur, qu’il semble chercher avec acharnement<br />
et se doute qu’il s’agira du but <strong>de</strong> la pièce, que son accomplissement sera le moment où il sera<br />
ou non en couple avec Rosine. Ce suspens donne envie au lecteur <strong>de</strong> continuer la pièce, afin d’en voir<br />
le dénouement. Le comte semble en effet risquer son honneur et sa dignité comme il le suggère avec «<br />
il me prendrait pour... ». Il pourrait paraitre ridicule à courtiser ainsi cette femme <strong>de</strong> manière étrange.<br />
Peut-être que le statut social du comte sera un nouvel obstacle pour les <strong>perso</strong>nnages qui <strong>de</strong>vront se<br />
cacher et tout risquer pour leur amour.<br />
Conclusion<br />
Les principes d’une scène d’exposition sont d’exposer les prémices <strong>de</strong> la fable (histoire), <strong>de</strong> donner une<br />
première approche <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages, les indications <strong>de</strong> lieu, la tonalité, la situation d’énonciation (comique,<br />
tragique...) et <strong>de</strong> faire office d’accroche <strong>de</strong> donner au lecteur/spectateur l’envie <strong>de</strong> connaître la suite.<br />
Cette scène s’inscrit bien dans une fonction informative et incitative.<br />
Le texte<br />
ACTE PREMIER.<br />
Le théâtre représente une rue <strong>de</strong> Séville, où toutes les croisées sont grillées.<br />
SCÈNE PREMIÈRE.<br />
c○Anne Le Duigou<br />
LE COMTE, seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.<br />
Le jour est moins avancé que je ne croyais. L’heure à laquelle elle a coutume <strong>de</strong> se montrer <strong>de</strong>rrière sa<br />
jalousie est encore éloignée. N’importe ; il vaut mieux arriver trop tôt, que <strong>de</strong> manquer l’instant <strong>de</strong> la voir.<br />
Si quelque aimable <strong>de</strong> la Cour pouvait me <strong>de</strong>viner à cent lieues <strong>de</strong> Madrid, arrêté tous les matins sous les<br />
fenêtres d’une femme à qui je n’ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d’Isabelle. -<br />
Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur <strong>de</strong> Rosine. - Mais quoi ! suivre<br />
une femme à Séville, quand Madrid et la Cour offrent <strong>de</strong> toutes parts <strong>de</strong>s plaisirs si faciles ? - Et c’est cela<br />
même que je fuis. Je suis las <strong>de</strong>s conquêtes que l’intérêt, la convenance ou la vanité nous présentent sans<br />
cesse. Il est si doux d’être aimé pour soi-même ! Et si je pouvais m’assurer sous ce déguisement. . .Au diable<br />
l’importun !<br />
24
9 Lecture Analytique n o 9 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (I, 2) : Le portrait<br />
<strong>de</strong> Figaro<br />
9.1 A partir <strong>de</strong> cette tira<strong>de</strong>, on en apprend plus sur le passé <strong>de</strong> Figaro<br />
– On en apprend plus sur la condition sociale du <strong>perso</strong>nnage lorsqu’il appelle le comte « Excellence » :<br />
il n’est pas noble mais <strong>de</strong> condition inférieure : en effet lorsqu’il dit « mon ancien maître » en parlant<br />
du comte, on apprend qu’il était au service du <strong>perso</strong>nnage (son valet) et qu’il a désormais regagné sa<br />
liberté. On apprend le lien qu’entretenaient Figaro et Almaviva. D’ailleurs, par « je suis heureux »,<br />
Figaro nous apprend qu’ils entretenaient une relation presque amicale, pour le moins agréable et qu’il<br />
a <strong>de</strong> la sympathie pour lui.<br />
– Le <strong>perso</strong>nnage débute une analepse par « Voyant à Madrid », nous apprenant qu’il vivait à Madrid.<br />
La ville est ici pour le spectateur un espace virtuel puisqu’il n’est qu’évoqué par un <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages,<br />
en opposition avec l’espace scénique dans lequel ils évoluent.<br />
– On en apprend aussi sur ses occupation, son passé <strong>de</strong> littéraire puisqu’il était à la « République<br />
<strong>de</strong>s Lettres ». Cette inadéquation avec sa condition <strong>de</strong> valet permet d’effectuer un rapprochement<br />
autobiographique avec Beaumarchais.<br />
– Il fait allusion à une société où le plus fort domine en l’attribuant métaphoriquement aux « loups »,<br />
insistant sur une animalisation <strong>de</strong> la société <strong>de</strong>s Lettres par laquelle il semble s’être fait malmener. Il<br />
s’agit ici d’une critique <strong>de</strong> Beaumarchais envers la « République <strong>de</strong>s Lettres » française dont il fait<br />
partie en se cachant <strong>de</strong>rrière le cadre espagnol <strong>de</strong> la pièce. Figaro le représente, victime <strong>de</strong> la Cabale<br />
(complot) et <strong>de</strong> la censure comme beaucoup d’auteurs <strong>de</strong> son époque.<br />
– L’énumération <strong>de</strong> participes passés péjoratifs « Fatigué d’écrire, ennuyé <strong>de</strong> moi... » montre la lassitu<strong>de</strong><br />
du <strong>perso</strong>nnage, conséquence <strong>de</strong> l’acharnement <strong>de</strong>s « loups », caractérisant l’attitu<strong>de</strong> du <strong>perso</strong>nnage.<br />
Nous sommes dans une situation <strong>de</strong> double énonciation, il est le porte-parole <strong>de</strong> Beaumarchais, donnant<br />
à cette tira<strong>de</strong> une dimension autobiographique. Beaumarchais fait une mise en abyme, étant en train<br />
d’écrire.<br />
– Figaro nous apprend aussi qu’il a dû faire face à <strong>de</strong>s problèmes d’argent. Les termes « misères », «<br />
bagage à sautoir », rappellent le <strong>perso</strong>nnage du picaro (en littérature espagnole, jeune homme vivant<br />
<strong>de</strong>s péripéties lors d’un parcours initiatique). Le <strong>perso</strong>nnage semble mener une vie romanesque. Il part<br />
à l’aventure sans peur du changement ou <strong>de</strong> la coupure, image très visuelle métaphore <strong>de</strong> la légèreté<br />
<strong>de</strong> Figaro, toujours en quête <strong>de</strong> mouvement et <strong>de</strong> nouveauté. Il s’agit d’un topos du héros picaresque.<br />
On peut d’ailleurs remarquer le rapprochement, la paronomase entre les noms Figaro et picaro.<br />
– Il fait une antithèse avec les termes « utile » et « vains » qui, associée aux métonymies « rasoir »<br />
et « plume », souligne la différence entre son métier artisanal ne prêtant pas à la critique comme le<br />
métier précaire et instable d’écrivain qui peut paraître glorieux mais ne lui apporte finalement que <strong>de</strong>s<br />
problèmes. On peut parler ici d’une nouvelle mise en abyme <strong>de</strong> l’auteur.<br />
– La césure dans l’expression en 12 pieds « accueillit dans une ville, emprisonné dans l’autre » marque<br />
l’opposition par un rythme binaire. Il donne la ca<strong>de</strong>nce dans le voyage, illustrant la vie d’oppositions<br />
<strong>de</strong> Figaro, chaotique mais qu’il a construit lui-même et qui ne lui déplaît pas.<br />
– La relation maître/valet est inversée lors <strong>de</strong> la question du comte « Qui t’as donné ... ? », montrant<br />
l’admiration du <strong>perso</strong>nnage et son étonnement : le Figaro qu’il retrouve est différent <strong>de</strong> l’ancien, celui<br />
qu’il connaissait.<br />
9.2 On en apprend aussi sur la philosophie et le portrait moral du <strong>perso</strong>nnage<br />
– Figaro fait allusion à la bonne étoile qui a provoqué cette rencontre en utilisant l’expression « c’est<br />
bon ange », donnant l’humeur du <strong>perso</strong>nnage et son avis sur cette rencontre fortuite : il semble en être<br />
heureux.<br />
– La formule <strong>de</strong> complaisance « mon ancien maître » est à la limite <strong>de</strong> la désinvolture, montrant un<br />
<strong>perso</strong>nnage semblant se moquer <strong>de</strong>s co<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong> la hiérarchie sociale.<br />
– Son discours <strong>de</strong>vient polémique (ensemble <strong>de</strong> procédés soulevant un débat d’idées qui mettent l’accent<br />
sur la confrontation entre <strong>de</strong>ux points <strong>de</strong> vue) et satyrique lorsqu’il dit que « la République <strong>de</strong>s Lettres<br />
est celle <strong>de</strong>s loups », émettant une critique sociale passant par le rire et l’ironie. Figaro n’hésite pas à<br />
s’attaquer aux gens <strong>de</strong> lettre qui l’ont malmené. En réalité, Madrid est un alibi pour faire une satire <strong>de</strong><br />
la société française. On reprochait (et notamment au duc <strong>de</strong> Chaumes) à Beaumarchais sa polyvalence<br />
25
et <strong>de</strong> n’être qu’un pâle imitateur <strong>de</strong> Molière sans originalité. L’inspiration <strong>de</strong> Beaumarchais pour<br />
cette pièce est certainement en partie tirée <strong>de</strong> son voyage en Espagne <strong>de</strong> 1764 où il a découvert les<br />
Intermè<strong>de</strong>s, petites farces agrémentées <strong>de</strong> chansons.<br />
– L’expression « Toujours armés les uns contre les autres » à une dimension polémique. L’adverbe<br />
temporel « toujours » montre que ces querelles sont permanentes. Le parallélisme « Les uns »/ « Les<br />
autres » marque l’opposition. Il ne s’inclut pas dans la société intestine qu’il dépeint. Figaro émet une<br />
critique, un jugement. Cette société l’a rendu aigrit.<br />
– Il qualifie leur acharnement <strong>de</strong> « risible », adjectif dépréciatif révélant une moquerie. En effet, il fait<br />
une satire <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Lettres qu’il dénigre et méprise.<br />
– L’énumération <strong>de</strong>s noms d’insectes « insectes,..., maringouins... » Est une métaphore désignant la<br />
République <strong>de</strong>s Lettres et est détaillée pour attaquer chaque fonction. Les insectes inspirent le dégout<br />
tout comme ils l’inspirent à Figaro. Il les compare à <strong>de</strong>s animaux suceurs <strong>de</strong> sang comme ces hommes<br />
ont l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> sucer toute la substance. Il méprise ces critiques, qui incapables <strong>de</strong> créer eux-mêmes,<br />
jalouse les travaux <strong>de</strong>s écrivains et veulent tout <strong>de</strong> même faire profit <strong>de</strong> quelque chose.<br />
– Le registre <strong>de</strong>vient pathétique avec l’adjectif malheureux. Il s’inclut dans cette catégorie et inspire la<br />
pitié, la sympathie du lecteur.<br />
– L’adverbe « philosophiquement » montre l’idée que se fait Figaro du voyage, que c’est sa philosophie<br />
<strong>de</strong> vie. En parcourant l’Espagne, il a joué un rôle d’observateur, est resté en retrait. C’est pour lui à<br />
la fois un voyage ontologique, intérieur et géographique, extérieur. Il énumère les régions « Castilles,<br />
la Manche... », Noms propres donnant la couleur locale, le côté exotique <strong>de</strong> la pièce.<br />
– En disant à la fois qu’il se sentait « supérieur » et qu’il riait <strong>de</strong> « sa misère » Figaro fait une antithèse<br />
et un paradoxe. Il illustre encore sa philosophie <strong>de</strong> vie. Ce Figaro est supérieur aux événements.<br />
– C’est un <strong>perso</strong>nnage anticipateur, opportuniste, qui tombe à propos, « aidant au bon temps », qui fait<br />
une prolepse par rapport à la suite <strong>de</strong> la pièce.<br />
– L’adverbe à valeur d’intensité « aussi » dans l’expression « une philosophie aussi gaie » souligne<br />
l’étonnement du comte et le caractère exceptionnel <strong>de</strong> Figaro et sa légèreté. La réponse <strong>de</strong> Figaro<br />
« L’habitu<strong>de</strong> du malheur » sous forme <strong>de</strong> phrase nominale est paradoxale. Cette philosophie <strong>de</strong> vie<br />
empirique repose sur l’accumulation <strong>de</strong>s expériences.<br />
– L’expression « faisant la barbe à tout le mon<strong>de</strong> » est une allusion au <strong>perso</strong>nnage éponyme <strong>de</strong> la pièce.<br />
Elle rapporte par métonymie à la fonction <strong>de</strong> Figaro et au tempérament moqueur, espiègle et insolent<br />
du <strong>perso</strong>nnage. Figaro domine la parole théâtrale, inversion déjà la relation maître/valet. Cela résume<br />
bien la pièce qui en effet reposera sur la tromperie du valet.<br />
Conclusion<br />
Figaro a évolué au cours <strong>de</strong> sa quête passée et a acquis une philosophie empirique, plus gaie et détachée.<br />
Sa tira<strong>de</strong> est une mise en abyme <strong>de</strong> l’auteur, <strong>de</strong> la pièce elle-même (Figaro est l’acteur principal), <strong>de</strong> la<br />
littérature <strong>de</strong> l’époque et du rôle <strong>de</strong> la parole théâtrale (jouant sur les contrastes <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages.) Elle<br />
résume la condition <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> lettre, et la philosophie <strong>de</strong> Beaumarchais, optimiste et joviale. Le valet<br />
doit accomplir les volontés <strong>de</strong> son maître mais accepte sa condition. A la fin <strong>de</strong> cette scène, la relation<br />
maître/valet re<strong>de</strong>vient normale et rendre dans l’ordre. La <strong>de</strong>rnière phrase <strong>de</strong> la scène « tu me perds. »,<br />
prononcée par l’ancien maître <strong>de</strong> Figaro est à valeur prémonitoire : en effet Figaro perdra son maître durant<br />
la pièce, qui est désormais Bartholo.<br />
Le texte<br />
Acte I, Scène II.<br />
FIGARO ; LE COMTE<br />
c○Anne Le Duigou<br />
LE COMTE. Ta joyeuse colère me réjouit. Mais tu ne me dis pas ce qui t’a fait quitter Madrid.<br />
FIGARO. C’est mon bon ange, Excellence, puisque je suis assez heureux pour retrouver mon ancien<br />
maître. Voyant à Madrid que la république <strong>de</strong>s lettres était celle <strong>de</strong>s loups, toujours armés les uns contre<br />
les autres, et que, livrés au mépris où ce risible acharnement les conduit, tous les insectes, les moustiques,<br />
les cousins, les critiques, les maringouins, les envieux, les feuillistes, les libraires, les censeurs, et tout ce qui<br />
26
s’attache à la peau <strong>de</strong>s malheureux gens <strong>de</strong> lettres, achevait <strong>de</strong> déchiqueter et sucer le peu <strong>de</strong> substance qui<br />
leur restait ; fatigué d’écrire, ennuyé <strong>de</strong> moi, dégoûté <strong>de</strong>s autres, abîmé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ttes et léger d’argent ; à la fin<br />
convaincu que l’utile revenu du rasoir est préférable aux vains honneurs <strong>de</strong> la plume, j’ai quitté Madrid ;<br />
et, mon bagage en sautoir, parcourant philosophiquement les <strong>de</strong>ux Castilles, la Manche, l’Estramadure,<br />
la Sierra-Morena, l’Andalousie, accueilli dans une ville, emprisonné dans l’autre, et partout supérieur aux<br />
événements : loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là ; aidant au bon temps, supportant le mauvais ; me moquant<br />
<strong>de</strong>s sots, bravant les méchants ; riant <strong>de</strong> ma misère, et faisant la barbe à tout le mon<strong>de</strong>, vous me voyez enfin<br />
établi dans Séville, et prêt à servir <strong>de</strong> nouveau Votre Excellence en tout ce qu’il lui plaira <strong>de</strong> m’ordonner.<br />
LE COMTE. Qui t’a donné une philosophie aussi gaie ?<br />
FIGARO. L’habitu<strong>de</strong> du malheur. Je me presse <strong>de</strong> rire <strong>de</strong> tout, <strong>de</strong> peur d’être obligé d’en pleurer. Que<br />
regar<strong>de</strong>z-vous donc toujours <strong>de</strong> ce côté ?<br />
LE COMTE. Sauvons-nous.<br />
27
10 Lecture Analytique n o 10 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (II, 7) : Scène <strong>de</strong><br />
farce<br />
10.1 Beaumarchais exploite le comique farcesque<br />
Comique <strong>de</strong> répétition<br />
– La reprise <strong>de</strong>s mêmes indications scéniques dans les didascalies forme <strong>de</strong>s répétitions <strong>de</strong>s gestes «<br />
éternuant », « baillant », « pleurant »... S’inscrivant dans une forme <strong>de</strong> comique <strong>de</strong> répétition. Le<br />
philosophe du XIXe Henri Bergson définit ce procédé dans son essai sur le rire et le comique comme<br />
« du mécanique plaqué sur du vivant ». Comique <strong>de</strong> geste :<br />
– Il utilise ici la technique du Lazzi, qui ne nécessite pas d’échanges et faire rire grâce à une gestuelle<br />
exagérée.<br />
Comique <strong>de</strong> mot<br />
– La dénomination <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages est antiphrastique : La Jeunesse est un « vieillard », et L’éveillé<br />
tombe <strong>de</strong> sommeil. Beaumarchais a fait un paradoxe dans les noms et l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages,<br />
créant un effet comique.<br />
– L’onomatopée <strong>de</strong> Bartholo « et tchi et tcha » est moqueuse envers la jeunesse en l’imitant. Cette<br />
parole légère est libérée et ludique. « Il les contrefait », les imite, et on peut même imaginer un gestuel<br />
accompagnant ses propos, ajoutant au caractère comique <strong>de</strong> la réplique. Beaumarchais fait une mise<br />
en abyme en faisant jouer un double rôle au <strong>perso</strong>nnage : il fait du théâtre dans le théâtre.<br />
– L’expression « Tu éternueras dimanche » est paradoxale. Bartholo essaie d’user <strong>de</strong> son autorité <strong>de</strong><br />
maître <strong>de</strong> façon absur<strong>de</strong>, se ridiculisant autant que ses valets.<br />
Comique <strong>de</strong> situation<br />
– Dans l’expression <strong>de</strong> l’hyperbole « voilà plus <strong>de</strong> 50... 50 fois... dans un moment ! », la parole théâtrale<br />
est interrompue par <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> suspension et ponctuée <strong>de</strong> points d’exclamation. Cette phrase où le<br />
geste et la parole sont mélangés traduit la lassitu<strong>de</strong> du <strong>perso</strong>nnage.<br />
– Bartholo est ironique en répétant « pauvre homme <strong>de</strong> bien », qui est une antiphrase. Il se moque<br />
encore une fois <strong>de</strong> ses valets.<br />
– Il donne dans ses propos une vision imagée <strong>de</strong> la scène en la décrivant « L’un m’éternue au nez, l’autre<br />
m’y baille. » Il s’agit d’un parallélisme où le <strong>perso</strong>nnage raconte aux spectateurs ce qu’il se passe sur<br />
scène, renchérissant ainsi sur le comique <strong>de</strong> geste visuel déjà très présent.<br />
Comique <strong>de</strong> caractère<br />
– « je suis brisé » est une métaphore à valeur hyperbolique, s’accordant au caractère du <strong>perso</strong>nnage.<br />
– Bartholo à comme le pouvoir <strong>de</strong> faire entrer et sortir les <strong>perso</strong>nnages, comme s’il était le dramaturge<br />
lui-même. En effet l’Eveillé ne parlera plus et sortira sous son injonction « sors donc ».<br />
10.2 Beaumarchais exploite le comique dans le but d’une critique sociale<br />
– Bartholo semble supérieur en tout à ses valets. Dans l’expression « quand une chose est vraie... pas<br />
vraie », la triplication du mot vraie donne un effet d’insistance et <strong>de</strong> martèlement dans ses propos,<br />
montrant la supériorité d’une parole autoritaire et écrasante. Il se présente comme intolérant, injuste<br />
et <strong>de</strong> mauvaise foi. Ses valets ne sont <strong>de</strong>vant lui que <strong>de</strong>s pantins qui feront tout ce qu’il veut, exposant<br />
un rapport <strong>de</strong> force <strong>de</strong> dominant/dominé. Le puissant domine les faibles, image <strong>de</strong> la hiérarchie pyramidale<br />
du XVIIIe siècle. Cette relation maître/valet sera pourtant inversée dix ans plus tard, après la<br />
révolution française. La démarche satyrique et comique se met ici au service <strong>de</strong> la critique sociale.<br />
– L’état <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s valets est affecté par l’action <strong>de</strong> Figaro. Leur image et leur apparence physique<br />
ne sont pas valorisées et ils présentent même <strong>de</strong>s infirmités physiques comme le dit La Jeunesse par<br />
« Je suis brisé ». Cette réplique courte résume sa condition sociale actuelle et atemporelle. Les valets<br />
n’ont pas la parole au théâtre. La brièveté <strong>de</strong> leurs interventions plutôt anecdotiques montre bien<br />
qu’ils n’ont pas <strong>de</strong> fonction importante au sein <strong>de</strong> la pièce et ne servent qu’à faire rire. Le malheur<br />
<strong>de</strong>s valets souligne aussi la force <strong>de</strong> l’ingéniosité et <strong>de</strong> l’importance du <strong>perso</strong>nnage principal, Figaro,<br />
28
alors qu’il n’est même pas présent dans la scène. Ils sont instrumentalisés par le dramaturge, tels <strong>de</strong>s<br />
marionnettes <strong>de</strong> la commedia <strong>de</strong>ll’arte.<br />
– La comparaison opposant les termes « homme <strong>de</strong> bien » et « misérable » paraît anodine, masquée<br />
par le comique. Le sentiment d’injustice est confirmé, mettant en évi<strong>de</strong>nce la faiblesse du <strong>perso</strong>nnage.<br />
On <strong>de</strong>vine l’agressivité verbale et physique <strong>de</strong> son maître à son égard. Bartholo pense même pourvoir<br />
déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s fonctions organiques <strong>de</strong> ses valets, mettant encore en avant sa suprématie en ordonnant «<br />
tu éternueras dimanche ». Le maître fait abstraction <strong>de</strong> leur humanité ne tient pas compte <strong>de</strong> leurs<br />
besoins et joue les <strong>de</strong>spotes. Il utilise <strong>de</strong>s injonctions autoritaires telles que « je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>... ».<br />
– Bartholo souligne un trait <strong>de</strong> caractère <strong>de</strong> Figaro, « le rusé... » Il apparaît comme très méfiant voire<br />
même paranoïaque. Cette scène n’est en réalité qu’un pseudo-dialogue puisqu’il n’écoute que lui.<br />
– Cette scène montre le rapport dominant/dominé qui s’inversera plus tard. Du point <strong>de</strong> vue du statut<br />
social, c’est en effet Bartholo qui est supérieur à Figaro qui lui-même est encore supérieur à La Jeunesse<br />
et L’Eveillé.<br />
– Bartholo fait une anadiplose en répétant « De la justice ! », <strong>de</strong>rnier mot <strong>de</strong> la question rhétorique<br />
qui précè<strong>de</strong>. C’est une réponse méprisante, accompagnée par « vous autres misérables », rabaissant<br />
encore ses valets. La justice semble alors ne pas faire partie du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bourgeois, <strong>de</strong>s puissants.<br />
On observe ici une <strong>de</strong>s visées <strong>de</strong> la comédie qui doit rire et faire réfléchir : on peut citer « corriger les<br />
mœurs par le rire ».<br />
– Le pronom <strong>perso</strong>nnel « moi » placé en apposition dans l’expression « je suis votre maître, moi,<br />
pour avoir toujours raison» insiste sur le statut social dominant. Bartholo pense être une référence,<br />
détenant toujours la vérité sous prétexte qu’il est plus élevé qu’eux au niveau social. La rupture dans<br />
la construction <strong>de</strong> la phrase donne une structure syntaxique bancale <strong>de</strong> cette anacoluthe, illustrant le<br />
raisonnement erroné <strong>de</strong> Bartholo. Il se pose tout <strong>de</strong> même comme un obstacle contraignant. Il n’est<br />
pas dupe et est conscient <strong>de</strong>s manigances dont il est victime. Il sait déjà qu’il court à sa perte dans<br />
cette histoire. Le <strong>de</strong>spote est déjà isolé, seul dans son idéologie, plus faible.<br />
– Dans la première version du Barbier, Rosine <strong>de</strong>vait intervenir avec cette phrase « Vous n’êtes pas<br />
aussi malheureux que moi. ». Le registre pathétique utilisé par les <strong>perso</strong>nnages (autres que Bartholo)<br />
renforce le caractère cruel du maître.<br />
Conclusion<br />
Cette scène rapporte en particulier l’autorité abusive que Bartholo utilise sur ses valets maltraités. La<br />
parole théâtrale est rendue impossible, donnant du comique à la pièce et illustrant les rapports sociaux entre<br />
maîtres et valets. La comédie tend vers la farce mais a aussi pour but <strong>de</strong> faire réfléchir, illustrant <strong>de</strong>ux topoï<br />
<strong>de</strong> la comédie.<br />
Le texte<br />
Acte II, Scène VII<br />
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, LA JEUNESSE<br />
c○Anne Le Duigou<br />
La Jeunesse arrive en vieillard avec une canne en béquille ;<br />
il éternue plusieurs fois.<br />
L’ÉVEILLÉ, toujours bâillant. La Jeunesse ?<br />
BARTHOLO. Tu éternueras dimanche.<br />
LA JEUNESSE. Voilà plus <strong>de</strong> cinquante. . .cinquante fois. . .dans un moment ! (Il éternue.) Je suis brisé.<br />
BARTHOLO. Comment ! Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à tous <strong>de</strong>ux s’il est entré quelqu’un chez Rosine, et vous ne<br />
me dites pas que ce barbier. . .<br />
L’ÉVEILLÉ, continuant <strong>de</strong> bâiller. Est-ce que c’est quelqu’un donc, monsieur Figaro ? Aah, ah. . .<br />
BARTHOLO. Je parie que le rusé s’entend avec lui.<br />
L’ÉVEILLÉ, pleurant comme un sot. Moi. . .Je m’entends !. . .<br />
LA JEUNESSE, éternuant. Eh mais, Monsieur, y a-t-il. . .y a-t-il <strong>de</strong> la justice ?. . .<br />
29
BARTHOLO. De la justice ! C’est bon entre vous autres misérables, la justice ! Je suis votre maître, moi,<br />
pour avoir toujours raison.<br />
LA JEUNESSE, éternuant. Mais, pardi, quand une chose est vraie. . .<br />
BARTHOLO. Quand une chose est vraie ! Si je ne veux pas qu’elle soit vraie, je prétends bien qu’elle ne<br />
soit pas vraie.<br />
Il n’y aurait qu’à permettre à tous ces faquins-là d’avoir raison, vous verriez bientôt ce que <strong>de</strong>viendrait<br />
l’autorité.<br />
LA JEUNESSE, éternuant. J’aime autant recevoir mon congé.<br />
Un service terrible, et toujours un train d’enfer !<br />
L’ÉVEILLÉ, pleurant. Un pauvre homme <strong>de</strong> bien est traité comme un misérable.<br />
BARTHOLO. Sors donc, pauvre homme <strong>de</strong> bien ! (Il les contrefait.) Et t’chi et t’cha ; l’un m’éternue au<br />
nez, l’autre m’y bâille.<br />
LA JEUNESSE. Ah, Monsieur, je vous jure que, sans Ma<strong>de</strong>moiselle, il n’y aurait. . .il n’y aurait pas<br />
moyen <strong>de</strong> rester dans la maison.<br />
Il sort en éternuant.<br />
BARTHOLO. Dans quel état ce Figaro les a mis tous ! Je vois ce que c’est : le maraud voudrait me payer<br />
mes cent écus sans bourse délier. . .<br />
30
11 Lecture Analytique n o 11 : Le Barbier <strong>de</strong> Séville (IV, 8) : Le dénouement<br />
Le dénouement est une scène stratégique et importante où le sort <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages est scellé. Dans une<br />
comédie, ce dénouement est heureux et le héros obtient ce qu’ils désiraient. Les bons prennent le <strong>de</strong>ssus sur<br />
les mauvais.<br />
11.1 Dénouement<br />
– Tous les <strong>perso</strong>nnages sont sur scène, leur nombre est donc important. La présence <strong>de</strong> tous les <strong>perso</strong>nnages<br />
est une particularité <strong>de</strong> la comédie classique. Cette réunion est nécessaire pour exprimer l’avenir<br />
<strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages. La didascalie augurale <strong>de</strong> la scène annonce tous les <strong>perso</strong>nnages connus et<br />
<strong>de</strong> nouveaux acteurs faisant office <strong>de</strong> publique. L’espace intime <strong>de</strong> Bartholo, sa maison a été conquise<br />
par Figaro et Almaviva. Lui qui ne voulait <strong>perso</strong>nne dans sa <strong>de</strong>meure au début se retrouve avec <strong>de</strong><br />
nombreuses <strong>perso</strong>nnes, même inconnues chez lui.<br />
– La phrase exclamative <strong>de</strong>s Bartholo « Rosine avec ces fripons ! » est nominale. Il est surpris et cette<br />
réplique courte donne l’impression que sa parole théâtrale est aussi limitée que lui. Il est victime <strong>de</strong><br />
la situation. Tout est fixé et on approche <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> la pièce.<br />
– Bartholo croit en la théorie du complot « Ils étaient tous contre moi ». C’est la chute <strong>de</strong> Bartholo, le<br />
rapport <strong>de</strong> force hiérarchique et social est inversé. Mais son pouvoir avait déjà été usurpé pendant la<br />
pièce et il s’en rend compte, il sait qu’il n’a jamais eu aucune chance d’arriver à ses fins.<br />
– Rosine fait une affirmation courte et catégorique « Rosine : il dit vrai... » Le dialogue est très vif,<br />
agrémenté <strong>de</strong> questions rhétoriques. Rosine prend le pouvoir et lui tient tête en renvoyant Bartholo à<br />
ses propres propos.<br />
– Les anadiploses telles que « heures indues », « notaire » et l’enchaînement <strong>de</strong> questions/réponses avec<br />
un enchaînement <strong>de</strong> répliques courtes annonce une chute rapi<strong>de</strong>, et illustre le rythme du dénouement.<br />
– Les termes « Fautes <strong>de</strong> soin » et « faute <strong>de</strong> sens » font une anadiplose et une paronomase. La parole<br />
est flui<strong>de</strong> et continue, image <strong>de</strong> la vivacité caractéristique à cette pièce.<br />
11.2 Vali<strong>de</strong>r le caractère <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages<br />
Bartholo : Il tente toujours d’être autoritaire mais perd <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> son pouvoir. La ponctuation très<br />
forte et marquée d’interjections telles que « Ah Don Bazile !... » et « Eh », montre son emportement<br />
et sa surprise. Le traquenard est confirmé, il prend conscience qu’il a été piégé <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong> la<br />
pièce.<br />
Bazile : Il apparaît <strong>de</strong> nouveau superficiel et ne connaît pas le vrai amour. Il est faible et se montre cupi<strong>de</strong>,<br />
comme avec cette réplique « calculez docteur que l’argent vous reste ». La tournure injonctive utilisant<br />
l’impératif à comme fonction <strong>de</strong> conseiller Bartholo, <strong>de</strong> prendre l’argent comme une consolation<br />
puisqu’il a perdu Rosine. Il tente même <strong>de</strong> rendre les autres <strong>perso</strong>nnages aussi cupi<strong>de</strong>s que lui.<br />
Figaro : Il est le maître <strong>de</strong> l’intrigue et son importance est soulignée puisqu’il donne la <strong>de</strong>rnière réplique et<br />
à le <strong>de</strong>rnier mot dans cette histoire. Il souligne la force <strong>de</strong> la jeunesse et <strong>de</strong> l’amour en le <strong>perso</strong>nnifiant<br />
sur la vieillesse <strong>de</strong> Bartholo par opposition. Il donne la morale, l’enseignement au spectateur/lecteur.<br />
Bartholo a beau être un bourgeois, il ne peut pas obtenir tout ce qu’il désire malgré son statut social.<br />
Le Comte Almaviva : Dans sa réplique « Oui, le rang... » il reprend les paroles <strong>de</strong> Bartholo mais souligne<br />
la supériorité <strong>de</strong> l’amour sur la hiérarchie sociale. Il incarne <strong>de</strong>s valeurs nobles, <strong>de</strong> héros chevaleresque,<br />
ne réclame que la reconnaissance par l’amour. Il est l’opposé <strong>de</strong> Bartholo et Don Bazile.<br />
Il accor<strong>de</strong> foi en une justice que les <strong>perso</strong>nnages présents n’incarnent pas par l’aphorisme « Les vrais<br />
magistrats sont les soutiens... » faisant office <strong>de</strong> morale et sentence avec on présent <strong>de</strong> vérité générale.<br />
Rosine : Elle est discrète mais pertinente. Elle ne fait qu’une seule intervention posée. La jeune fille est<br />
<strong>de</strong>venue une femme au cours <strong>de</strong> la pièce, elle a évolué et accomplit sa <strong>de</strong>stinée. En effet, Le comte<br />
le souligne en Commençant une <strong>de</strong> ses phrases par « Ma<strong>de</strong>moiselle » mais en la terminant par « Ma<br />
femme », illustrant le chemin et l’accomplissement du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> Rosine.<br />
31
11.3 Corriger les mœurs par le rire<br />
– Dans cette scène sont présents les registres comique et satyrique. Figaro « Riant », à un rire moqueur<br />
pour Bartholo et Don Bazile. Il dénonce l’hypocrisie <strong>de</strong>s nobles, <strong>de</strong>s clercs et <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> pouvoir<br />
pouvant facilement changer <strong>de</strong> point <strong>de</strong> vue pour l’argent. Leur vénalité est soulignée.<br />
– Le futur dans la réplique <strong>de</strong> Bartholo « je me moque <strong>de</strong> ses arguments, j’userai <strong>de</strong> mon autorité » est<br />
à valeur hypothétique, pas prophétique. Il ne pourra en effet pas user <strong>de</strong> son autorité. Il se croit plus<br />
fort que les autres grâce à son statut mais le public doit en réalité se rendre compte que c’est faux.<br />
– La didascalie « Figaro embrasse grotesquement Don Bazile » souligne le comique <strong>de</strong> geste. L’adverbe<br />
circonstanciel <strong>de</strong> manière illustre le caractère comique du <strong>perso</strong>nnage. Il incarne la VIS COMICA, la<br />
force comique. Nous sommes presque dans une scène <strong>de</strong> farce, où un homme d’église se fait embrasser.<br />
Beaumarchais se permet dangereusement <strong>de</strong> se moquer <strong>de</strong> tout dans sa pièce.<br />
– Les interventions ridicules du notaire « ne sont-elles pas <strong>de</strong>ux ? » ou « je n’y comprends plus rien »<br />
font partie du comique <strong>de</strong> situation. Beaumarchais règle ses comptes avec les hommes <strong>de</strong> loi dans une<br />
satire, inversant les valeurs : un homme sensé être clairvoyant et objectif apparait en fait comme naïf,<br />
idiot et crédule.<br />
– La tournure restrictive <strong>de</strong> « Que la quittance <strong>de</strong>... » donne un aspect comique, en décalage avec les<br />
répliques précé<strong>de</strong>ntes. On peut penser au dénouement <strong>de</strong> Don juan où le valet crie « mes gages » pour<br />
réclamer ses droits et son argent alors que son maître est en train <strong>de</strong> mourir, paraissant totalement<br />
déplacé.<br />
Conclusion<br />
Cette scène est le dénouement <strong>de</strong> la pièce où tous les <strong>perso</strong>nnages sont présents et leurs caractères sont<br />
confirmés. Beaumarchais corrige les mœurs par le rire grâce à la critique sociale. Le dénouement est heureux,<br />
typiquement à la comédie. La pièce finit sur le mariage du comte, et dans le <strong>de</strong>uxième volet Le mariage <strong>de</strong><br />
Figaro, une nouvelle intrigue amoureuse est attendue.<br />
Le texte<br />
Scène 8 et <strong>de</strong>rnière<br />
BARTHOLO, UN ALCADE, DES ALGUAZILS,<br />
c○Anne Le Duigou<br />
DES VALETS avec <strong>de</strong>s flambeaux, et LES ACTEURS PRÉCÉDENTS<br />
BARTHOLO voit le comte baiser la main <strong>de</strong> Rosine, et Figaro qui embrasse grotesquement don Bazile ;<br />
il crie en prenant le notaire à la gorge. Rosine avec ces fripons ! Arrêtez tout le mon<strong>de</strong>. J’en tiens un au<br />
collet.<br />
LE NOTAIRE. C’est Votre notaire.<br />
BAZILE. C’est Votre notaire. Vous moquez-Vous ?<br />
BARTHOLO. Ah ! don Bazile, et comment êtes-Vous ici ?<br />
BAZILE. Mais plutôt Vous, comment n’y êtes-Vous pas ?<br />
L’ALCADE, montrant Figaro. Un moment ! je connais celui-ci.<br />
Que viens-tu faire en cette maison, à <strong>de</strong>s heures indues ?<br />
FIGARO. Heure indue ? Monsieur voit bien qu’il est aussi près du matin que du soir. D’ailleurs, je suis<br />
<strong>de</strong> la compagnie <strong>de</strong> Son Excellence monseigneur le comte Almaviva.<br />
BARTHOLO. Almaviva !<br />
L’ALCADE. Ce ne sont donc pas <strong>de</strong>s Voleurs ?<br />
BARTHOLO. Laissons cela. - Partout ailleurs, monsieur le comte, je suis le serviteur <strong>de</strong> Votre Excellence ;<br />
mais vous sentez que la supériorité du rang est ici sans force. Ayez, s’il vous plaît, la bonté <strong>de</strong> vous retirer.<br />
LE COMTE. Oui, le rang doit être ici sans force ; mais ce qui en a beaucoup est la préférence que<br />
Ma<strong>de</strong>moiselle vient <strong>de</strong> m’accor<strong>de</strong>r sur vous en se donnant à moi volontairement.<br />
BARTHOLO. Que dit-il, Rosine ?<br />
32
ROSINE. il dit vrai. D’où naît votre étonnement ? Ne <strong>de</strong>vais-je pas, cette nuit même, être vengée d’un<br />
trompeur ? Je le suis.<br />
BAZILE. Quand je vous disais que c’était le comte lui-même, docteur ?<br />
BARTHOLO. Que m’importe à moi ? Plaisant mariage ! Où sont les témoins ?<br />
LE NOTAIRE. il n’y manque rien. Je suis assisté <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux messieurs.<br />
BARTHOLO. Comment, Bazile ! vous avez signé ?<br />
BAZILE. Que voulez-vous ? ce diable d’homme a toujours ses poches pleines d’arguments irrésistibles.<br />
BARTHOLO. Je me moque <strong>de</strong> ses arguments. J’userai <strong>de</strong> mon autorité.<br />
LE COMTE. Vous l’avez perdue en en abusant.<br />
BARTHOLO. La <strong>de</strong>moiselle est mineure.<br />
FIGARO. Elle vient <strong>de</strong> s’émanciper.<br />
BARTHOLO. Qui te parle à toi, maître fripon ?<br />
LE COMTE. Ma<strong>de</strong>moiselle est noble et belle ; je suis homme <strong>de</strong> qualité, jeune et riche ; elle est ma<br />
femme : à ce titre, qui nous honore également, prétend-on me la disputer ?<br />
BARTHOLO. Jamais on ne l’ôtera <strong>de</strong> mes mains.<br />
LE COMTE. Elle n’est plus en votre pouvoir. Je la mets sous l’autorité <strong>de</strong>s lois ; et Monsieur, que vous<br />
avez amené vous même, la protégera contre la violence que vous voulez lui faire. Les vrais magistrats sont<br />
les soutiens <strong>de</strong> tous ceux qu’on opprime.<br />
L’ALCADE. Certainement. Et cette inutile résistance au plus honorable mariage indique assez sa frayeur<br />
sur la mauvaise administration <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong> sa pupille, dont il faudra qu’il ren<strong>de</strong> compte.<br />
LE COMTE. Ah ! qu’il consente à tout, et je ne lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> rien.<br />
FIGARO. . .que la quittance <strong>de</strong> mes cent écus ; ne perdons pas la tête.<br />
BARTHOLO, irrité. ils étaient tous contre moi ; je me suis fourré la tête dans un guêpier.<br />
BAZILE. Quel guêpier ? Ne pouvant avoir la femme, calculez, docteur, que l’argent vous reste ; eh oui,<br />
vous reste !<br />
BARTHOLO. Ah ! laissez-moi donc en repos, Bazile ! Vous ne songez qu’à l’argent. Je me soucie bien <strong>de</strong><br />
l’argent, moi ! A la bonne heure, je le gar<strong>de</strong> ; mais croyez-vous que ce soit le motif qui me détermine ?<br />
Il signe.<br />
FIGARO, riant. Ah, ah, ah, Monseigneur ! ils sont <strong>de</strong> la même famille.<br />
LE NOTAIRE. Mais, Messieurs, je n’y comprends plus rien. Est-ce qu’elles ne sont pas <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>moiselles<br />
qui portent le même nom ?<br />
FIGARO. Non, Monsieur, elles ne sont qu’une.<br />
BARTHOLO, se désolant. Et moi qui leur ai enlevé l’échelle, pour que le mariage fût plus sûr ! Ah ! je<br />
me suis perdu faute <strong>de</strong>, soins.<br />
FIGARO. Faute <strong>de</strong> sens. Mais soyons vrais, docteur : quand la jeunesse et l’amour sont d’accord pour<br />
tromper un vieillard, tout ce qu’il fait pour l’empêcher peut bien s’appeler à bon droit La Précaution inutile.<br />
33
12 Lecture Analytique n o 12 : Dénouement <strong>de</strong> Rhinocéros, Eugène Ionesco<br />
(1958)<br />
Intoduction<br />
Eugène Ionesco est né en 1909 et mort en 1994. Il est l’un <strong>de</strong>s dramaturges les plus importants du XXe<br />
siècle. Il est d’origine roumaine. Il est le chef spirituel du mouvement <strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong>. Pour cela, il crée un<br />
théâtre contestataire, qui surprend les habitu<strong>de</strong>s du lecteur/spectateur. Cette remise en question crée-t-il<br />
un anti-théâtre ? Eugène Ionesco écrivit quatre pièces importantes : Rhinocéros, La Cantatrice Chauve, La<br />
Leçon et Le Roi se meurt.<br />
Contexte : Rhinocéros, écrit en 1958, raconte l’histoire d’une ville touchée par la Rhinocérite, une maladie<br />
qui atteint tous les habitants et les transforme en rhinocéros. Dans la scène <strong>de</strong> dénouement, Bérenger, le<br />
<strong>perso</strong>nnage principal, résiste à la transformation.<br />
En quoi cette scène est-elle représentative du tragique <strong>de</strong> la condition humaine ?<br />
12.1 Un monologue révélateur <strong>de</strong> la tragédie <strong>de</strong> la condition humaine par le dilemme<br />
<strong>de</strong> Bérenger.<br />
– Le dilemme <strong>de</strong> Béranger consiste à être tiraillé entre la métamorphose et la résistance.<br />
– Symbole <strong>de</strong> la glace = Objet scénique qui permet l’examen <strong>de</strong> son âme. Le <strong>perso</strong>nnage se <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
qui il est : réflexion ontologique<br />
– « J’ai eu tort ! Oh ! Comme j’aurai voulu être comme eux ! » –> retour sur la posture adoptée <strong>de</strong>puis<br />
le début <strong>de</strong> la pièce (rejet, incompréhension, hostilité) => Les sentiments l’emportent sur la raison :<br />
« Oh ! » –> Interjection / « Je voudrais » –> l’expression du souhait –> au conditionnel<br />
– « Hélas ! » –> Expression du désarroi => Frustration physique.<br />
– « Ma carabine » –> Phrase nominale répétée => Rappel la chasse, ici c’est la chasse aux rhinocéros<br />
=> Symbole du combattant / sursaut <strong>de</strong> courage<br />
– Le <strong>perso</strong>nnage a conscience <strong>de</strong> sa marginalité –> <strong>de</strong>venu un handicap => Bienheureux sont ceux qui<br />
sont les plus nombreux // Malheureux les originaux –> Présent <strong>de</strong> vérité général => presque un<br />
aphorisme<br />
– Ionesco invite le lecteur à réfléchir face aux dangers <strong>de</strong> l’uniformisation et du totalitarisme <strong>de</strong> la pensée.<br />
Risque d’aliénation <strong>de</strong> soi (alien = étranger => être étranger à soi est peu recommandé pour la santé)<br />
Inversion <strong>de</strong>s valeurs : bestial = normal ?<br />
– Monologue à dimension emphatique => désarroi du <strong>perso</strong>nnage<br />
– Homme libre disparait <strong>de</strong> la scène => cri final pour la liberté => Renforcement du tragique <strong>de</strong> sa<br />
situation<br />
– Tentation <strong>de</strong> la métamorphose : invitation du cri du rhinocéros –> « Ah brrr ! » Barrissements =><br />
Absur<strong>de</strong>/grotesque => Échec <strong>de</strong> l’animalisation du <strong>perso</strong>nnage => Un homme en rhinocéros = perte<br />
d’humanité = perte du langage = perte <strong>de</strong> la liberté<br />
– « Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je en peux pas » –> gradation coupé par la conjonction<br />
<strong>de</strong> coordination « mais » => Métamorphose impossible à cause du doute<br />
– Le dénouement se termine par la résolution du dilemme => Le <strong>perso</strong>nnage a délibéré (<strong>de</strong> manière<br />
certes confuse) => il choisit la résistance.<br />
12.2 Révélateur <strong>de</strong> cette tragédie aussi par l’isolement très fort et très inquiétant du<br />
<strong>perso</strong>nnage.<br />
– « Je ne suis pas beau » –> La beauté est <strong>de</strong>venue synonyme d’uniformité => Pour être beau, il faut<br />
être rhinocéros. (référence à Hitler et à ses fantasmes envers la race aryenne)<br />
– Bérenger incarne une marginalité physique<br />
– Sentiment <strong>de</strong> bestialité/<strong>de</strong> fureur –> retranscrite par la didascalie « les jette par terre avec fureur »<br />
=> Mise sous tension du <strong>perso</strong>nnage => Gestuelle frénétique et incontrôlée<br />
– « Ce sont eux qui sont beau » => Tournure emphatique<br />
– La corne <strong>de</strong>s rhinocéros est un symbole du totalitarisme (rhinocéros = obtus)<br />
– Ponctuation importante et très marquée => Elle souligne l’emportement/le trouble/la désolation du<br />
<strong>perso</strong>nnage (nombreuses phrases exclamatives)<br />
34
– « Contre tout le mon<strong>de</strong> . . .capitule pas » –> Action future => Valeur qui oscille entre l’hypothétique<br />
(d’après le point <strong>de</strong> vue du spectateur) et le prophétique (d’après la détermination du <strong>perso</strong>nnage)<br />
– « Je suis le <strong>de</strong>rnier... » –> Perte <strong>de</strong> l’espoir/un <strong>de</strong>stin scellé. Mais maintien <strong>de</strong> la fugue du combattant<br />
– Présence d’anaphores // phrases courtes => Le langage perd <strong>de</strong> son importance<br />
– « Comme j’ai mauvaise conscience » => Bérenger considère qu’il n’a pas su choisir à temps la Rhinocérite<br />
– Importance <strong>de</strong> la théâtralité –> Au travers <strong>de</strong> l’isolement + refus <strong>de</strong> ce qu’il est (rejet tableaux/miroir)<br />
+ noya<strong>de</strong> parmi les rhinocéros qui l’entourent.<br />
Le texte<br />
Eugène Ionesco : Dénouement <strong>de</strong> Rhinocéros<br />
BÉRENGER<br />
C’est moi, c’est moi. (Lorsqu’il accroche les tableaux, on s’aperçoit que ceux-ci représentent un vieillard, une<br />
grosse femme, un autre homme. La lai<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ces portraits contraste avec les têtes <strong>de</strong>s rhinocéros qui sont<br />
<strong>de</strong>venues très belles. Bérenger s’écarte pour contempler les tableaux.) Je ne suis pas beau, je ne suis pas beau.<br />
(Il décroche les tableaux, les jette par terre avec fureur, il va vers la glace.) Ce sont eux qui sont beaux.<br />
J’ai eu tort ! Oh ! comme je voudrais être comme eux. Je n’ai pas <strong>de</strong> corne, hélas ! Que c’est laid, un front<br />
plat. Il m’en faudrait une ou <strong>de</strong>ux, pour rehausser mes traits tombants. Ça viendra peut-être, et je n’aurai<br />
plus honte, je pourrai aller tous les retrouver. Mais ça ne pousse pas ! (Il regar<strong>de</strong> les paumes <strong>de</strong> ses mains.)<br />
Mes mains sont moites. Deviendront-elles rugueuses ? (Il enlève son veston, défait sa chemise, contemple sa<br />
poitrine dans la glace.) J’ai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc, et poilu ! Comme je voudrais avoir une<br />
peau dure et cette magnifique couleur d’un vert sombre, d’une nudité décente , sans poils, comme la leur ! (Il<br />
écoute les barrissements.) Leurs chants ont du charme, un peu âpre, mais un charme certain ! Si je pouvais<br />
faire comme eux. (Il essaye <strong>de</strong> les imiter.) Ahh, ahh, brr ! Non, ça n’est pas ça ! Essayons encore, plus fort !<br />
Ahh, ahh, brr ! Non, non, ce n’est pas ça, que c’est faible, comme cela manque <strong>de</strong> vigueur ! Je n’arrive pas<br />
à barrir. Je hurle seulement. Ahh, ahh, brr ! Les hurlements ne sont pas <strong>de</strong>s barrissements ! Comme j’ai<br />
mauvaise conscience, j’aurais dû les suivre à temps. Trop tard maintenant ! Hélas, je suis un monstre, je<br />
suis un monstre. Hélas, jamais je ne <strong>de</strong>viendrai un rhinocéros, jamais, jamais ! Je ne peux plus changer,<br />
je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas. Je ne peux plus me voir. J’ai trop honte ! (Il<br />
tourne le dos à la glace.) Comme je suis laid ! Malheur à celui qui veut conserver son originalité !(Il a un<br />
brusque sursaut.) Eh bien, tant pis ! Je me défendrai contre tout le mon<strong>de</strong> ! Ma carabine, ma carabine ! (Il se<br />
retourne face au mur du fond où sont fixées les têtes <strong>de</strong>s rhinocéros, tout en criant :) Contre tout le mon<strong>de</strong>,<br />
je me défendrai ! Je suis le <strong>de</strong>rnier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas !<br />
RIDEAU<br />
35
13 Lecture Analytique n o 13 : Eugène Ionesco, La Cantatrice Chauve<br />
Introduction<br />
Eugène Ionesco cherchait à apprendre l’anglais (via la métho<strong>de</strong> « assimil »). Il a été frappé par l’enchaînement<br />
décousu <strong>de</strong>s phrases à apprendre.<br />
La Cantatrice Chauve, Anti-pièce, consiste en une démarche <strong>de</strong> critique du langage et <strong>de</strong> ses conventions.<br />
Montrer en quoi ce texte représente le tragique <strong>de</strong> la condition humaine<br />
13.1 Une critique <strong>de</strong> la bourgeoisie<br />
– Didascalie : « Toujours dans son journal » –> adverbe temporel qui insiste sur <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s bourgeoises.<br />
=> La communication semble être stérile et prend surtout appui sur les faits divers du journal.<br />
–> Communication se limitant à l’anecdotique.<br />
– « Pourquoi prends-tu cet air étonné ? » –> Question rhétorique et artificielle sans portée ou enjeux.<br />
=> Détournement du langage.<br />
– « Conservé » –> participe passé polysémique => humour noir en faisant référence à Bobby et à la<br />
conservation <strong>de</strong>s cadavres.<br />
– Mme Smith : superficielle => se focalisant sur l’apparence.<br />
– Critique <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> l’apparence. "Le plus joli cadavre <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong>-Bretagne."<br />
– « Est-ce qu’elle est belle ? » –> Interrogation formulée sans effets <strong>de</strong> style = Vacuité <strong>de</strong> l’échange<br />
bourgeois => Dans cette société, seule l’apparence compte. Or c’est celui d’un mort. => Beauté<br />
paradoxale <strong>de</strong> la mort<br />
– Analyse onomastique : « M. et Mme Smith » –> Patronymes très stéréotypés => référence à la<br />
métho<strong>de</strong> « assimil » avec <strong>de</strong>s noms galvaudés / habituels => Les <strong>perso</strong>nnages sont <strong>de</strong>s anti-héros<br />
– « Bobby Watson » Nom galvaudé également.<br />
– Prolifération <strong>de</strong>s Bobby Watson => Des <strong>perso</strong>nnages qui ont le même patronyme, pour souligner<br />
l’uniformité d’une société composée <strong>de</strong> pions/pantins.<br />
– « Elle s’appelait comme lui, Bobby, Bobby Watson » –> répétitions, insistance sur l’aspect absur<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> Mme Smith (un langage du bégaiement)<br />
– Elle lui présente <strong>de</strong>s condoléances => Perte <strong>de</strong>s conventions sociales => Défunt reçoit <strong>de</strong>s condoléances.<br />
– Conséquence d’une temporalité absur<strong>de</strong> : les temps scénique et didascalique (en plus du temps virtuel)<br />
sont incohérents.<br />
13.2 Une critique du langage et <strong>de</strong> son absurdité<br />
– Didascalie « La pendule ne sonne aucune fois » –> Indication scénique à priori anodine et inutile =><br />
Paradoxal, c’est un non-événement. (Absence <strong>de</strong> référent : la fonction phatique) Le rôle <strong>de</strong> la didascalie<br />
est détournée (il n’y a plus <strong>de</strong> vrai information transmise) => Révélateur <strong>de</strong> l’esthétique du théâtre<br />
<strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong>. En plus <strong>de</strong> rendre les didascalies plus importantes dans la pièce (comparés aux répliques)<br />
– « Véritable cadavre vivant » –> Modalisateur véritable/oxymore cadavre vivant => Registre à la fois<br />
comique et tragique (farce tragique) => Insistance sur l’absurdité/improbable.<br />
– Le théâtre d’Eugène Ionesco est oxymorique (fusion ou opposition <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux concepts opposés). Le<br />
théâtre <strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong> est un mouvement d’avant-gar<strong>de</strong>.<br />
– « Elle s’appelait comme lui, Bobby, Bobby Watson » –> Répétition/Assimilation du langage. Une<br />
parole théâtrale cyclique qui repose sur une cacophonie du langage. => La parole n’est plus référentiel :<br />
le référent « Bobby » est mort, remplacé par un son, son signifiant. => Langage dépourvu <strong>de</strong> sens,<br />
mise à mort du langage (référence à la secon<strong>de</strong> guerre mondiale.)<br />
– Parole théâtrale contradictoire : accumulation <strong>de</strong> paradoxes et d’antonymes –> Cela est souligné par<br />
l’absence <strong>de</strong> mots <strong>de</strong> liaison (ou parataxe).<br />
– « Joli cadavre » « Comme il était gai » –> 2 champs lexicaux antagoniques : la mort et la vie. Brouillage<br />
sémantique<br />
– l.20 : Les êtres peuvent être interchangeables –> humour noir : crée un comique <strong>de</strong> situation mais<br />
apporte un thème tragique.<br />
– Critique du langage théâtral reposant sur la mise à mort <strong>de</strong> la fable. L’intrigue est dépourvue <strong>de</strong><br />
linéarité/finalité => Absence <strong>de</strong> structure dans l’échange.<br />
36
Conclusion<br />
Nous sommes face à un échange comique, dû au burlesque <strong>de</strong> la situation et au décalage entre les<br />
effets comiques et le thème grave en jeu. Thème <strong>de</strong> la mort, mort <strong>de</strong> Bobby Watson, mort <strong>de</strong> la<br />
société ou mort du langage pour communiquer ? En opposition à la métho<strong>de</strong> « assimil », Griece un<br />
linguiste américain dit dans un essai, Maximes conversationnels, les principes pour qu’un échange<br />
puisse aboutir : pertinence, coopération et exhaustivité. Cette scène nous renvoie l’impression inverse,<br />
dans une conversation qui n’a pas <strong>de</strong> sens, où la fable et les <strong>perso</strong>nnages per<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur sens également.<br />
37
Le texte<br />
38
14 Lecture Analytique n o 14 : Le Roi se meurt, Eugène Ionesco<br />
Introduction<br />
Bérenger Ier : Un roi dont le royaume s’écroule et à qui on annonce qu’il va mourir « à la fin du spectacle ».<br />
C’est la chronique d’une mort annoncée l’annonce d’une tragédie qui exhibe ses propres topoï : la mort<br />
du <strong>perso</strong>nnage principal.<br />
En quoi cette scène représente-elle le tragique <strong>de</strong> la condition humaine ?<br />
14.1 Une scène <strong>de</strong> déni : corrélation avec le tragique<br />
– 2 questions ouvrent cet extrait ; phrases interrogatives ; Le <strong>perso</strong>nnage est mis sous tension est fait<br />
appel aux autres <strong>perso</strong>nnages.<br />
– « Je veux que tout le mon<strong>de</strong> . . . mourir » => Futur proche à valeur prophétique => Tragédie =><br />
Fatalité d’une mort inévitable. La répétition du verbe <strong>de</strong> volonté « Je veux » montre la supériorité<br />
du <strong>perso</strong>nnage du roi. Pourtant sa mort est bel et bien inévitable => Humour noir (même le plus<br />
puissant ne peut rien face au <strong>de</strong>stin).<br />
– Didascalies : « Fenêtre » => Symbole d’ouverture/d’échappatoire -> l’adjectif « ouverte » renvoie à<br />
une forme d’espoir. Mais on revient à la solitu<strong>de</strong> du roi (Le secours extérieur n’existe pas). « Il crie »<br />
(ici la didascalie remplace la parole théâtrale).<br />
– « Il boîte » => une déchéance physique. Ici, le microcosme (le roi) = macrocosme (le royaume). Plus<br />
rien ne tient <strong>de</strong>bout...<br />
– « Braves gens » (approche féodal) –> Apostrophe au peuple => parodique à cause <strong>de</strong> la référence au<br />
Moyen-Âge. (Paradoxalement la présence du radiateur rappelle la mo<strong>de</strong>rnité => absur<strong>de</strong>)<br />
– « Ne touchez pas au Roi » –> Injonction (opposé à Marguerite) / Entité à distance <strong>de</strong> lui-même (la<br />
fonction différent du soi). / « au Roi » « au Royaume » –> métonymie / Ordre sans effet, la<br />
mort ne reçoit pas d’ordre.<br />
– « Peuple, je dois mourir » –> Épiphore, répétition en fin <strong>de</strong> phrase => Leitmotiv <strong>de</strong> la scène =><br />
Terme obsédant dans la bouche du <strong>perso</strong>nnage<br />
– « On répond . . . me sauver » –> Parataxe, absence <strong>de</strong> mots <strong>de</strong> liaison –> Lien <strong>de</strong> cause/conséquence<br />
ou hypothèse => Le Roi réclame une assistance mais seul répond l’écho => Solitu<strong>de</strong>. Attention,<br />
absur<strong>de</strong> : considérer que sa propre voix constitue une réponse aux angoisses associées à la mort.<br />
– « J’ai peur » => Perte <strong>de</strong> sa dignité<br />
14.2 Une mort acceptée (en partie) par les autres <strong>perso</strong>nnages<br />
Opposants<br />
– Marguerite est sa première femme et elle est cynique => veut la mort du roi. Exemple : les injonctions<br />
prescriptives comme : « Empêchez le <strong>de</strong> crier » ou « Il ne faut pas qu’on l’enten<strong>de</strong> » => Très dogmatique<br />
et lapidaire. Mais alors, ne serait-ce qu’une usurpatrice ? Un complot aurait-il lieu contre le roi ? « Le<br />
peuple ne sache pas » => Trouble / malhonnêteté<br />
– Le mé<strong>de</strong>cin : « C’est un scandale ! » => Insistance sur la mort intellectuelle // Opposition => Inversion<br />
du rôle du mé<strong>de</strong>cin (en accentuant la déchéance).<br />
– Marguerite « C’est n’est plus un roi, c’est un porc qu’on égorge » –> Cri fort à la mort // Le porc,<br />
le moins noble <strong>de</strong>s animaux (référence à l’aspect féodal <strong>de</strong> la pièce). De plus c’est l’avatar du diable.<br />
=> Marguerite pose un regard critique sur le Roi (Rôle <strong>de</strong> bourreau ?)<br />
– Mé<strong>de</strong>cin : « Ce n’est que l’écho qui répond » –> pléonasme (Paradoxal, l’écho ne répond pas, il répète)<br />
– Marguerite : « Tout fonctionne si mal » –> Cynisme –> Présent <strong>de</strong> vérité général => Association<br />
d’idées / <strong>de</strong>s déductions faciles et hasar<strong>de</strong>uses. => Insistance sur la mort du Roi<br />
– Marguerite : « Il s’imagine qu’il est le premier à mourir » => Cynisme / référence à la naiveté <strong>de</strong><br />
l’enfant et à l’attitu<strong>de</strong> pitoyable du Roi. => Ici Béranger Ier n’est plus le <strong>perso</strong>nnage principal. Le<br />
spectacle <strong>de</strong>vient une parabole où le déni <strong>de</strong> sa propre mort est pitoyable.<br />
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Adjuvants<br />
– Marie : « Ce n’est qu’un roi // Ce n’est qu’un homme » –> Tentative <strong>de</strong> dédramatisation/désanimalisation<br />
(après le porc) / Mais cela reste pathétique. Marie = Figure biblique protectrice<br />
– Juliette : Femme <strong>de</strong> ménage, 2 réplique courtes dans cet extrait : Syntaxe dépouillé => Fatalité<br />
tragique. Prise <strong>de</strong> conscience d’une solitu<strong>de</strong> / mort inéluctable. La parole théâtrale <strong>de</strong>vient inutile (la<br />
parole « tout court »). « Il n’y a <strong>perso</strong>nne » « Ça ne sert à rien <strong>de</strong> crier ».<br />
– Marie : Phrase nominale : « Mon pauvre Roi » => Adjuvant démuni et spectatrice / Pronom possessif<br />
d’appartenance –> Relation affective. Marie est la seule <strong>perso</strong>nnage sur scène a être capable d’éprouver<br />
<strong>de</strong> la pitié ou <strong>de</strong> l’empathie pour Bérenger Ier.<br />
– Marie : « Tout le mon<strong>de</strong> est le premier à mourir » => Généralisation : Chaque <strong>perso</strong>nnage est l’avatar<br />
<strong>de</strong> la (tragique) condition humaine.<br />
Conclusion<br />
Le Roi est dans une situation sans issue : il hésite entre clamer la mort et son déni. Quant aux autres<br />
<strong>perso</strong>nnages, ils sont groupés en <strong>de</strong>ux catégories : le mal (cynisme exacerbée) et le bien (empathie/neutralité).<br />
C’est ce qu’on appelle une opposition manichéenne. Au final nous sommes face au spectacle <strong>de</strong> la déchéance<br />
du Roi et <strong>de</strong> sa condition, réduits à l’état d’infans (enfant), un <strong>perso</strong>nnage qui n’a plus la parole.<br />
40
Le texte<br />
41
15 Lecture Analytique n o 15 : Extrait <strong>de</strong> Mme Bovary, Gustave Flaubert<br />
Introduction<br />
Flaubert est un romancier réaliste du XIXe siècle. Observateur <strong>de</strong> la société, il critiqua le phénomène<br />
<strong>de</strong>s classes et le Romantisme. Il écrivit plusieurs romans dont Mme Bovary en 1857 (qui lui value un procès<br />
pour atteinte aux bonnes mœurs), mais aussi L’éducation sentimentale ou Trois Contes. Il laissa <strong>de</strong>rrière lui<br />
un roman inachevé : Bouvard et Pécuchet. Contexte : Le passage est le portrait d’un <strong>perso</strong>nnage secondaire<br />
qui n’apparait que dans la scène <strong>de</strong>s comices agricoles : Catherine Leroux.<br />
De quelles valeurs le portrait <strong>de</strong> Catherine Leroux est-il porteur ?<br />
15.1 Le portrait <strong>de</strong> Catherine Leroux est porteur <strong>de</strong> valeurs <strong>de</strong> sacrifice et <strong>de</strong> travail<br />
– Registre pathétique dès la première phrase –> adjectifs dépréciatifs « petite » et « vieille » –> Portrait<br />
physique <strong>de</strong> <strong>perso</strong>nne âgé. Poids <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> travail qui l’ont accablée. C’est la vision d’une victime<br />
d’une condition sociale.<br />
– Attention portée à la tenue vestimentaire révélatrice <strong>de</strong> la condition sociale. –> expansions du nom<br />
nombreuses –> <strong>de</strong>scription réaliste => Tenue mo<strong>de</strong>ste, sans ornement : "grosses", "gran<strong>de</strong>s" –> corps<br />
masqué par les vêtements.<br />
– Comparaison triviale à un fruit en train <strong>de</strong> se décomposer.<br />
– « Mains » –> symbole <strong>de</strong> toute son activité laborieuse –> longues –> monstrueuses => Représentation<br />
métonymique du <strong>perso</strong>nnage.<br />
– « Articulation noueuses » –> Jeu phonétique => cacophonie => caractère monstrueux (latin monstrum,<br />
qui signifie celui que l’on désigne.<br />
– L12 Animalisation du <strong>perso</strong>nnage, mutisme + placidité = bovins => parallélisme/mimétisme entre<br />
animaux et Leroux.<br />
– Description <strong>de</strong>s mains : énumération <strong>de</strong> tâches agricoles, ingrates, salissantes et répétitive.<br />
– Allitération en [r] –> sonorités dures = mains caleuses. => portrait physique marqué à vie par le<br />
fastidieux <strong>de</strong> ses activités.<br />
– « Tant <strong>de</strong> douleurs subies » –> hyperbole + pluriel => Une douleur indicible<br />
15.2 Ce portrait est par ailleurs porteur d’une critique social implicite<br />
– « On vit » => Une perception lointaine : peu d’implication du lecteur/bourgeoisie Description visuelle :<br />
cadre réaliste –> <strong>perso</strong>nnage offert aux yeux <strong>de</strong> tous tel une bête curieuse. => Hypotypose =><br />
technique narrative donnant à voir<br />
– « Son visage maigre » => Pauvreté par opposition à l’opulence bourgeoise.<br />
– « Humble témoignage » –> Flaubert souligne le caractère simple, mo<strong>de</strong>ste, profondément humain du<br />
<strong>perso</strong>nnage –> La caractérisation révèle l’interne (portrait physique –> moral)<br />
– Portrait symbolique monacal : don d’une dimension christique au <strong>perso</strong>nnage –> symbole du martyr :<br />
« relevait » = élever = montée au paradis et tout ce qui s’ensuit.<br />
– Le <strong>perso</strong>nnage ne s’apitoie pas sur sa condition : une dignité humaine exemplaire.<br />
– « regard pâle » vision ternie du mon<strong>de</strong>.<br />
– L.13 –> Coupure avec la collectivité/ la vie sociale => Vie sauvage : ermitage (« mœurs <strong>de</strong> provinces<br />
»)<br />
– « si nombreuses » –> adverbe d’intensité = scène exceptionnelle => Influence du milieu => Critique<br />
<strong>de</strong> la prédisposition sociale<br />
– L.15 –> Énumération <strong>de</strong>s symboles <strong>de</strong> la France/la république.<br />
– « Consécration <strong>de</strong> « l’humain ». » => Référence en prolepse à la croix d’honneur reçue à la fin du<br />
roman.<br />
– Bourgeois « épanouis » => Détachement complet à la réalité.<br />
Finalement, la représentation <strong>de</strong> Catherine Leroux n’est qu’un spectacle dédié à divertir la bourgeoisie.<br />
=> Exemple flagrant <strong>de</strong> ce qu’on appelle l’ironie flaubertienne.<br />
42
Le texte<br />
43
16 Lecture Analytique n o 16 : Extrait <strong>de</strong> l’Assommoir, Émile Zola<br />
Introduction<br />
Émile Zola est un romancier naturaliste du XIXe siècle. Il écrivit la série <strong>de</strong>s Rougon-Macquart : histoire<br />
d’une famille sous le IIe Empire. Dans l’Assommoir, Zola étudie le cas <strong>de</strong> Gervaise, ouvrière blanchisseuse.<br />
De quelle valeurs sont ici porteurs les <strong>perso</strong>nnages ?<br />
16.1 La générosité <strong>de</strong> Gervaise : un peuple qui partage<br />
– « Elle restait si gentille » –> imparfait à valeur d’habitu<strong>de</strong> + « si » –> adverbe d’intérêt + discours<br />
indirect libre => C’est la vision par Goujet <strong>de</strong> Gervaise.<br />
– L.8 Elle est disponible et dévoué pour le père Bru –> insistance sur la figure christique <strong>de</strong> Gervaise<br />
=> La générosité du pauvre vers le pauvre (Rappel <strong>de</strong> l’orgie). Cet extrait présente plusieurs strates<br />
sociales.<br />
– Parodie <strong>de</strong> la Cène (« mes enfants ») => Preuve supplémentaire que c’est une scène christique.<br />
16.2 La grossièreté et les excès : un peuple profiteur<br />
– « Goujet s’emplissait trop » –> Hyperbole => Traduction <strong>de</strong>s excès et <strong>de</strong> la démesure.<br />
– Gervaise aussi se monter excessive (« ne parlait pas [. . .] bouchée. » => On <strong>de</strong>vine son passée dans la<br />
pauvreté. Les actes révélateur <strong>de</strong>s consciences = topos naturaliste.<br />
– La gourmandise => un péché capital selon les livres religieux => Le peuple <strong>de</strong>vient parodique.<br />
– L.13 Gradation => Les <strong>perso</strong>nnages n’ont plus <strong>de</strong> limites => Jalousie + envie/Luxure<br />
– L.26/27 Dévoration/harmonie imitative => Érotisme<br />
– Avarice/Colère => Le texte met en scène les péchés capitaux (En fait c’est une orgie = lieu où l’on<br />
pratique toute sorte d’excès).<br />
– « Menton barbouillé <strong>de</strong> graisse » => Vision péjorative <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages.<br />
16.3 Valeurs révélatrice d’un critique sociale virulente<br />
– Onomastique explicite et très satirique : l.15/16 « Cerat » ou « Putois » –> Animalisation en rongeurs<br />
+ symbolique dépréciative via un jeu <strong>de</strong> mots.<br />
– Dans le même ordre d’idées : « Coneau » –> Con –> Allitération/quasiment une métaphore.<br />
– « Ils pétaient dans leur peau » –> Vocabulaire familier et argotique/Harmonie imitative => L’écrivain<br />
naturaliste donne à entendre la voix du peuple. ++ Clin d’œil littéraire à Rabelais (Gargantua)<br />
– les <strong>perso</strong>nnages n’ont pas les co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la politesse –> Critique sociale : le peuple ne sait pas se tenir.<br />
44
Le texte<br />
45
17 Lecture Analytique n o 17 : L’incipit <strong>de</strong> L’Étranger, d’Albert Camus<br />
Introduction<br />
Voir la Biographie d’Albert Camus et le résumé <strong>de</strong> l’œuvre.<br />
De quelle manière Camus parvient-il à remettre en cause le statut du <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> roman ?<br />
17.1 Remise en question qui repose sur le caractère énigmatique d’un <strong>perso</strong>nnage<br />
indifférent.<br />
– L’écriture du roman est dépouillée, fondé sur le constat. La construction grammaticale est minimaliste/simple,<br />
avec une absence d’adjectifs qualificatifs ou d’expansions du nom.<br />
– « Aujourd’hui, maman est morte. » –> phrase culte ! Qui parle ? Le locuteur/1er <strong>perso</strong>nne. Le terme<br />
<strong>de</strong> « maman » possè<strong>de</strong> un style enfantin. L’indifférence du <strong>perso</strong>nnage est ici percée par la présence<br />
<strong>de</strong> ce terme, plutôt affectif.<br />
– « J’ai reçu un télégramme <strong>de</strong> l’asile. » –> Passé composé –> Temps <strong>de</strong> l’achevé –> Mais absence<br />
d’indication temporelle => La situation d’énonciation est flou.<br />
– Le lecteur se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> donc à quel moment est décédée la mère du locuteur. Hier, avant-hier, plus<br />
tôt ?<br />
– Deuxième paragraphe : Le locuteur fait référence à un toponyme (lieu) –> « Marengo », « Alger ».<br />
Ce sont <strong>de</strong>s lieux où l’auteur a vécu. L’Étranger est-il une autobiographie ?<br />
– « Une excuse pareille » –> Mort <strong>de</strong> la mère assimilé à une excuse (alors que c’est une raison) =><br />
Détachement du <strong>perso</strong>nnage. Meursault est réduit à l’état <strong>de</strong> voix.<br />
– « Affaire classée » => Les événements = tâches administratives.<br />
« L’homme est un automate dans le trois-quarts <strong>de</strong> ces mouvements. »<br />
Leibniz<br />
– Ils avaient beaucoup <strong>de</strong> peine pour moi. » => Société s’échange avec l’Étranger => La société prend<br />
en charge la peine <strong>de</strong> l’Étranger / Cas <strong>de</strong> tristesse par substitution.<br />
– « On n’a qu’une mère » => Cliché montrant la banalité du langage.<br />
– « J’étais un peu étourdi. . .» –> Personnage associable et en marge <strong>de</strong> la société. Il est obligé <strong>de</strong> mettre<br />
les habits <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> quelqu’un d’autre. => Il ne possè<strong>de</strong> que l’apparence du <strong>de</strong>uil et non le fond.<br />
– Le <strong>perso</strong>nnage se refuse <strong>de</strong> dialoguer avec autrui, confirmé par l’anecdote du militaire. –> Une représentation<br />
<strong>de</strong> l’ordre => Référence en prolepse à la secon<strong>de</strong> partie.<br />
17.2 Une remise en question du <strong>perso</strong>nnage qui transite par la naissance <strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong>.<br />
– Dans la première phrase, la parole est romanesque : écriture qui tue la mère –> allitération en [m].<br />
Rapprochement possible entre la mère et la mort. => Psychanalytiquement, la perte <strong>de</strong> la mère, c’est<br />
la perte d’une présence rassurante.<br />
– « Ou peut-être hier, je ne sais pas » –> épanorthose (rétraction du locuteur sur quelque chose dit<br />
auparavant).<br />
– Camus insère le télégramme en citation : 3 phrases nominales aux rythmes binaires. –> La société<br />
se montre cruelle dans ses annonces. « Sentiments distingués » –> Convention <strong>de</strong> politesse inappropriée<br />
à la situation. => Absur<strong>de</strong> : où Meursault est aussi absur<strong>de</strong> que la société (Relation microcosme/macrocosme).<br />
– « Cela ne veut rien dire » –> Prise <strong>de</strong> conscience du caractère absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> la société => Pourquoi<br />
vivre ? Pourquoi mourir ? Pourquoi parler ? (référence à l’existentialisme ?) => Meursault est étranger<br />
à cette société = malaise du lecteur.<br />
– « Je prendrai l’autobus à <strong>de</strong>ux heures » –> Prolepse : les événements sont programmés –> Robotisme.<br />
Le roman L’Étranger se transforme en agenda/carnet <strong>de</strong> bord/chronique, où tout y est recensé et<br />
détaillé, y compris ce qu’il y a <strong>de</strong> plus anodin.<br />
– « Ce n’est pas ma faute » –> discours direct –> Vocabulaire puéril => Insensibilité du <strong>perso</strong>nnage<br />
=> Prolepse à la secon<strong>de</strong> partie.<br />
46
– « Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. » –> Forme <strong>de</strong> négation <strong>de</strong> la<br />
mort <strong>de</strong> la mère (épanorthose, le retour). => Psychanalytiquement : phase <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil = phase <strong>de</strong> déni,<br />
Meursault est conscient.<br />
– « Comme d’habitu<strong>de</strong>. . .» –> Complément circonstanciel <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> moyen => traduit la routine <strong>de</strong><br />
Meursault, que même la mort <strong>de</strong> sa mère ne perturbe. Rappel : Sisyphe est le <strong>perso</strong>nnage mythologique<br />
condamné au supplice suivant : pousser un rocher qui retombe <strong>de</strong> manière perpétuelle. => Routine<br />
absur<strong>de</strong>.<br />
– Un <strong>perso</strong>nnage qui refuse l’action : « Je me suis assoupi » => Anti-héros. => Étranger aux <strong>perso</strong>nnages<br />
<strong>de</strong> roman stéréotypés.<br />
– Absence <strong>de</strong> suspense ou <strong>de</strong> dimension apéritive dans cet incipit –> Frustration du lecteur : « Mais, je<br />
suis en train <strong>de</strong> lire quoi, là ? »<br />
– « Cette hâte. . .» –> Anacoluthe (beaucoup <strong>de</strong> coupures) –> Déconstruction grammaticale. En outre,<br />
les sens sont ici représentés => Un vertige ses sens proleptique <strong>de</strong> la scène du meurtre => Meurtre<br />
= déconstruction, ce qui va bien avec l’anacoluthe.<br />
Le texte<br />
<strong>Première</strong> partie : chapitre 1<br />
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme <strong>de</strong><br />
l’asile : « Mère décédée. Enterrement <strong>de</strong>main. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était<br />
peut-être hier.<br />
L’asile <strong>de</strong> vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à<br />
<strong>de</strong>ux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai <strong>de</strong>main soir. J’ai<br />
<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong>ux jours <strong>de</strong> congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille.<br />
Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas <strong>de</strong> ma faute. » Il n’a pas répondu.<br />
J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était<br />
plutôt à lui <strong>de</strong> me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-<strong>de</strong>main, quand il me<br />
verra en <strong>de</strong>uil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement,<br />
au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.<br />
J’ai pris l’autobus à <strong>de</strong>ux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste,<br />
comme d’habitu<strong>de</strong>. Ils avaient tous beaucoup <strong>de</strong> peine pour moi et Céleste m’a dit : « On n’a qu’une<br />
mère. » Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a<br />
fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu<br />
son oncle, il y a quelques mois.<br />
J’ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c’est à cause <strong>de</strong> tout cela sans<br />
doute, ajouté aux cahots, à l’o<strong>de</strong>ur d’essence, à la réverbération <strong>de</strong> la route et du ciel, que je me suis<br />
assoupi. J’ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j’étais tassé contre<br />
un militaire qui m’a souri et qui m’a <strong>de</strong>mandé si je venais <strong>de</strong> loin. J’ai dit « oui » pour n’avoir plus<br />
à parler.<br />
L’Étranger, Albert Camus c○Éditions Gallimard, Tous droits réservés<br />
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18 Lecture Analytique n o 18 : Scène du meurtre dans L’Étranger (I,6)<br />
Mise en situation<br />
Meursault tout au long <strong>de</strong> la première partie noue <strong>de</strong>s amitiés éphémères (parfois malsaines)<br />
avec <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages secondaires (Salamano, Raymond Sintés). Raymond est associé à <strong>de</strong>s actions<br />
douteuses (prostitution, petite criminalité, règlement <strong>de</strong> comptes. . .). Dans ce <strong>de</strong>rnier chapitre <strong>de</strong><br />
cette première partie, l’intensité dramatique est en hausse, rappelant l’univers du roman policier.<br />
Dans l’extrait que nous allons étudier, Meursault se retrouve sur la plage face à l’un <strong>de</strong>s « ennemis »<br />
<strong>de</strong> Raymond Sintés. Le roman/le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> Meursault va basculer. . .<br />
En quoi cette scène est-elle déterminante pour le <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> Meursault et l’action<br />
romanesque ?<br />
18.1 Une scène déterminante car elle donne le « motif » du crime : le vertige <strong>de</strong>s sens.<br />
– Meursault apparait ici comme une victime du soleil (surtout <strong>de</strong> sa réverbération).<br />
– Les cinq sens sont ici représentés :<br />
La vue : « rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux » ou « Mes yeux étaient douloureux<br />
».<br />
Tactile : « Une longue lame étincelante qui m’atteignait au front. ».<br />
« La mer a charrié un souffle épais et ar<strong>de</strong>nt »<br />
Ouïe : « Le bruit à la fois sec et assourdissant » ; On peut noter la forte présence d’adjectifs<br />
qualificatifs et d’expansions du nom.<br />
Goût : « De larmes et <strong>de</strong> sel ».<br />
Toucher : « J’ai touché le ventre poli <strong>de</strong> la crosse ». Psychanalytiquement, « le ventre poli »<br />
= la mère (= mort <strong>de</strong>puis le premier chapitre) ou le réconfort.<br />
– Les 5 sens sont ici agressés : ils se font écho => Vertige/trouble et manifestation du malaise.<br />
– Le vertige <strong>de</strong>s sens est ici poétique (beaucoup moins ari<strong>de</strong> que ce qu’on pouvait lire jusqu’ici).<br />
Les effets stylistiques sont plus nombreux : par exemple on peut constater la présence d’une<br />
allitération en [s] (cils, sueur, soleil. . .). Cela crée une musicalité, qui <strong>de</strong>vient vite entêtante.<br />
– « J’ai secoué les sens et le soleil » –> Zeugme : association <strong>de</strong> mots reliés syntaxiquement dans<br />
un énoncé irréalisable.<br />
– « Toute une plage se prônait <strong>de</strong>rrière moi. » –> Personnification <strong>de</strong> la plage => Ce sont les<br />
éléments qui pousse Meursault au crime (que l’on peut associer à l’allitération en [s]).<br />
– Les quatre éléments sont la cause du crime :<br />
Le feu : « brûlure ».<br />
La terre : « plage vibrante <strong>de</strong> soleil ».<br />
L’eau : « Gouttes <strong>de</strong> sueur ».<br />
L’air : « Souffle ar<strong>de</strong>nt [<strong>de</strong> la mer] »<br />
– La présence <strong>de</strong> ces quatre éléments est la plupart du temps associé à <strong>de</strong>s hyperboles. Mais le<br />
plus intéressant est la conjugaison/l’écho entre ces différents éléments.<br />
18.2 La scène est déterminante aussi car le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> Meursault est chamboulé.<br />
– « Et c’était comme quatre coups bref que je frappais sur la porte du malheur. » –> Dernière<br />
phrase <strong>de</strong> la première partie, privilégié pour sa position finale. => Prolepse <strong>de</strong> la suite du<br />
roman. Elle se grave dans l’esprit du lecteur. C’est une comparaison (comme), accompagnée<br />
d’une tournure emphatique (Et c’était). => Portée symbolique apporté par un discours<br />
imagé. Bonus : harmonie imitative Allitération en [k]. => Registre tragique<br />
– « C’est alors que tout a vacillé » : tournure emphatique + « tout » : déterminant indéfini +<br />
passé composé –> Temps <strong>de</strong> l’accompli, <strong>de</strong> l’irrévocable. C’est le chaos, le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> Meursault<br />
bascule.<br />
48
– « Je sais que c’était stupi<strong>de</strong> » (pensée absur<strong>de</strong>) => il est conscient <strong>de</strong> ce qui se passe : il est<br />
victime d’un soleil omniprésent et omnipotent. Le <strong>perso</strong>nnage se sent enfermé (pourtant il est<br />
dans un lieu ouvert). Cela s’oppose à « J’avais été heureux » –> Analepse, associé à un passé<br />
composé irrévocable => Pulsion <strong>de</strong> mort (comme Freud le disait).<br />
– Vision apocalyptique –> « Laisser pleuvoir du feu » associé au « rire » démoniaque <strong>de</strong> l’arabe<br />
qui est à la fois adjuvant vers la mort <strong>de</strong> Meursault (en prolepse) et symbole du <strong>de</strong>stin qui<br />
l’accable.<br />
– « J’ai pensé que j’avais un <strong>de</strong>mi-tour à faire et ce serait fini. » –> Tournure restrictive =><br />
Question cruciale, existentiel : fuir pour vivre ou avancer et mourir (« Meurs, sot ! »).<br />
– « Tout à commencé. » –> Paradoxe, puisque cela signifierais le renouveau ou la renaissance <strong>de</strong><br />
Meursault. Ou peut-être cela veut-il dire que enfermé jusqu’à alors dans l’inaction, il déci<strong>de</strong><br />
maintenant d’agir. => Cela laisse apparaitre son i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> meurtrier, <strong>de</strong> nihiliste, puisqu’il<br />
nie tous les concepts <strong>de</strong> la société.<br />
– « Duel au soleil » –> glaive/couteau –> fausse arme contre une arme à feu => Parodie du<br />
combat, puisqu’il n’a qu’une issue.<br />
Le texte<br />
<strong>Première</strong> partie : chapitre 6<br />
J’ai pensé que je n’avais qu’un <strong>de</strong>mi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante<br />
<strong>de</strong> soleil se pressait <strong>de</strong>rrière moi. J’ai fait quelques pas vers la source. L’Arabe n’a pas bougé. Malgré<br />
tout, il était encore assez loin. peut-être à cause <strong>de</strong>s ombres sur son visage, il avait l’air <strong>de</strong> rire. J’ai<br />
attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j’ai senti <strong>de</strong>s gouttes <strong>de</strong> sueur s’amasser dans mes<br />
sourcils. C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman et, comme alors, le front surtout<br />
me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau.<br />
A cause <strong>de</strong> cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j’ai fait un mouvement en avant. Je<br />
savais que c’était stupi<strong>de</strong>, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d’un pas. Mais<br />
j’ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans se soulever, l’Arabe a tiré son couteau qu’il<br />
m’a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame étincelante<br />
qui m’atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d’un coup sur<br />
les paupières et les a recouvertes d’un voile tiè<strong>de</strong> et épais. Mes yeux étaient aveuglés <strong>de</strong>rrière ce ri<strong>de</strong>au<br />
<strong>de</strong> larmes et <strong>de</strong> sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement,<br />
le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face <strong>de</strong> moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils<br />
et fouillait mes yeux douloureux. C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un soufre épais<br />
et ar<strong>de</strong>nt. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu.<br />
Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j’ai touché le<br />
ventre poli <strong>de</strong> la crosse et c’est dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J’ai<br />
secoué la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel<br />
d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles<br />
s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du<br />
malheur.<br />
L’Étranger, Albert Camus c○Éditions Gallimard, Tous droits réservés<br />
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19 Lecture Analytique n o 19 : « À part ces ennuis . . . tchécoslovaque. »<br />
L’Étranger (II, 2)<br />
Mise en situation<br />
Après son arrestation, Meursault découvre le quotidien carcéral. . .<br />
19.1 Le rapport entretenu entre Meursault et son passé (la nostalgie)<br />
– Dans le passage que nous étudions ici, l’action romanesque est inexistante. « L’intrigue » repose<br />
sur l’introspection <strong>de</strong> Meursault –> il évoque ici l’un <strong>de</strong>s moments qu’il a trouvé pour tuer le<br />
temps. Pour lutter contre l’ennui, Meusault utilise le souvenir.<br />
Figure 1 – Enfermement <strong>de</strong> Meursault dans une boucle temporelle<br />
– « Encore une fois » –> idée d’une temporalité qui se répète. Meursault évoque les mêmes<br />
schémas pour lutter contre l’ennui. Il fuit et rejette le temps présent (opposition avec la notion<br />
« d’existence »)<br />
– « Tuer le temps » –> métaphore => langage courant, signe d’une prise <strong>de</strong> parole orale => Le<br />
temps aboutit forcement à la mort, donc tuer le temps, c’est chercher une para<strong>de</strong> à la mort.<br />
– « Je partais. . .chemin » => les gestes se Sisyphe –> il pense à la chambre, c’est à dire un endroit<br />
clos => paradoxal. L’ailleurs virtuel a aussi peu d’issue que le lieu <strong>de</strong> l’action : répétition <strong>de</strong><br />
« ma » chambre => Rapport entre la cellule et la chambre ? Enferment dans la chambre, c’est<br />
pour les enfants, l’enferment dans une cellule <strong>de</strong> prison, c’est pour les adultes => Le même lieu<br />
d’enfermement.<br />
– Répétition <strong>de</strong> la conjonction <strong>de</strong> coordination « et » dans une énumération –> polysyndète<br />
=> surcharge syntaxique => Représente l’attention apportée à chaque détail => L’objectif <strong>de</strong><br />
Meursault est <strong>de</strong> créer une contenance à la vie (Sisyphe ?).<br />
– « Si bien qu’au bout <strong>de</strong> quelques semaines, [j’y passais] <strong>de</strong>s heures » –> hyperbole => chercher<br />
une contenance en luttant contre l’ennui.<br />
19.2 Le rapport entretenu avec la sommeil<br />
– « Il y a » –> présentatif –> information sans effets <strong>de</strong> style => esthétique du dépouillement<br />
– « Mal la nuit et pas du tout le jour » –> parallélisme => Sommeil pas réparateur (opposition<br />
dans les connecteurs logiques « au début » -> « peu à peu » -> « De plus en plus » -> « tout<br />
le temps ».) => Évolution dans l’amélioration. Mais on reste dans une spirale absur<strong>de</strong>, dans<br />
le fait que le sommeil revient à tuer le temps => Le rapport est similaire qu’avec le passé,<br />
puisqu’il est paliatif à l’action, à la vie.<br />
– Le refus d’action = lent suici<strong>de</strong> du <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> roman => C’est l’absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> Camus : c’est<br />
l’enfermement dans un roman sans issue, sans intrigue, sans espoir.<br />
– L’extrait est une chronique listant les événements : il dort entre 16 heures et 18 heures par jours<br />
=> excès du <strong>perso</strong>nnage.<br />
– Énumération : repas, besoins naturels, souvenirs, Tchécoslovaque Cause, conséquence,<br />
passé, autrui/société. Toutes ces actions sont considérées comme <strong>de</strong>s corvées par Meursault.<br />
50
19.3 Le <strong>perso</strong>nnage incarne un forme d’absur<strong>de</strong><br />
Meursault renvoie au <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> Sisyphe. Dans le mythe <strong>de</strong> Sisyphe, Camus écrit « Il faut<br />
imaginer Sisyphe heureux. »<br />
– <strong>Première</strong> phrase –> procédé qui atténue le malheur : le modalisateur « pas trop ». Parallèle<br />
avec Sisyphe.<br />
– « Mais chaque fois que je recommençais c’était un peu plus long. » –> imparfait à valeur<br />
d’habitu<strong>de</strong> (la valeur itérative) + CCT qui marque la routine, la structuration du quotidien<br />
du <strong>perso</strong>nnage => Meursault trouve une (son ?) « i<strong>de</strong>ntité » dans cette acte <strong>de</strong> recomposition<br />
du passé.<br />
– « En imagination. . .pour y revenir » –> expression du but (stérile) => Processus <strong>de</strong> projection<br />
mentale => souligne le va et vient, dans une absence totale <strong>de</strong> finalité.<br />
– « Plus. . .ma mémoire. » –> parallélisme => Rigueur, soin dans la démarche <strong>de</strong> Meursault<br />
– « cent ans » –> hyperbole => adynaton => énoncé <strong>de</strong> quelque chose d’irréalisable<br />
Tout comme Sisyphe Meursault a pour but <strong>de</strong> trouver/donner un but à sa vie absur<strong>de</strong>. Meursault<br />
est heureux grâce aux souvenirs.<br />
Le texte<br />
Secon<strong>de</strong> partie : chapitre 2<br />
À part ces ennuis, je n’étais pas trop malheureux. Toute la question, encore une fois, était <strong>de</strong> tuer<br />
le temps. J’ai fini par ne plus m’ennuyer du tout à partir <strong>de</strong> l’instant j’ai appris à me souvenir. Je<br />
mettais quelquefois à penser à ma chambre et, en imagination, je partais d’un coin pour y revenir en<br />
dénombrant mentalement tout ce qui se trouvait sur mon chemin. Au début, c’était vite fait. Mais<br />
chaque fois que je recommençais c’était un peu plus long . Car je me souvenais <strong>de</strong> chaque meuble, et,<br />
pour chacun d’entre eux, <strong>de</strong> chaque objet qui s’y trouvait et, pour chaque objet, <strong>de</strong> tous les détails<br />
et pour tous les détails eux-mêmes, une incrustation, une fêlure ou un bord ébréché, <strong>de</strong> leur couleur<br />
ou <strong>de</strong> leur grain. En même temps, j’essayais <strong>de</strong> ne pas perdre le fil <strong>de</strong> mon inventaire, <strong>de</strong> faire une<br />
énumération complète. Si bien qu’au bout <strong>de</strong> quelques semaines, je pouvais passer <strong>de</strong>s heures, rien<br />
qu(à dénombrer ce qui se trouvait dans ma chambre. Ainsi, plus je réfléchissais et plus <strong>de</strong> choses<br />
méconnues et oubliées je sortais <strong>de</strong> ma mémoire. J’ai compris alors qu’un homme qui n’aurait vécu<br />
qu’un seul jour pourrait sans peine vivre cent ans dans une prison. Il aurait assez <strong>de</strong> souvenirs pour<br />
ne pas s’ennuyer. Dans un sens, c’était un avantage.<br />
Il y avait aussi le sommeil. Au début, je dormais mal la nuit et pas du tout le jour. Peu à peu,<br />
mes nuits ont été meilleures et j’ai pu dormir aussi le jour. Je peux dire que, dans les <strong>de</strong>rniers mois,<br />
je dormais <strong>de</strong> seize a dix-huit heures par jour. Il me restait alors six heures à tuer avec les repas, les<br />
besoins naturels, mes souvenirs et l’histoire du Tchécoslovaque.<br />
L’Étranger, Albert Camus c○Éditions Gallimard, Tous droits réservés<br />
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20 Lecture Analytique n o 20 : Explicit <strong>de</strong> L’Étranger (II, 5)<br />
Mise en situation<br />
Meursault vient <strong>de</strong> pousser un cri <strong>de</strong> révolte contre l’aumônier. La sentence est prononcée :<br />
l’exécution capitale.<br />
Quelle atmosphère est créé par le romancier dans cet explicit ?<br />
20.1 Une atmosphère sereine et apaisée<br />
– « Lui parti. . .le calme » –> Pronom <strong>perso</strong>nnel « lui » opposé à « j’ai » => Deux <strong>perso</strong>nnages<br />
qui s’opposent via ce parallélisme.<br />
– « Étoiles sur le visage » –> Adynaton => Expression <strong>de</strong> l’irréalisable. C’est une ellipse d’une<br />
évasion : en effet, les étoiles sont les symboles du rêve, lorsque la nuit est tombée et éclairent les<br />
ténèbres. On peut faire le rapprochement avec l’étoile du berger, le gui<strong>de</strong> et donc faire l’analogie<br />
avec une sorte d’acceptation <strong>de</strong> la mort ou <strong>de</strong> dieu. Le texte bascule par cette métonymie : c’est<br />
une révélation.<br />
– « Des o<strong>de</strong>urs. . .tempes » –> énumération d’impressions sensorielles <strong>de</strong> manière imagée =><br />
tendance lyrique ou poétique. => Libération du « pour-soi » <strong>de</strong> Meursault, sa voix se colore.<br />
– « La merveilleuse paix » –> Dimension poétique confirmé par la comparaison « comme une<br />
marée ».<br />
– Acceptation du <strong>de</strong>stin : « merveilleux » –> laudatif (exprimer une louange).<br />
– Souffle <strong>de</strong> la mer (référence au meurtre)<br />
– Marée, référence à la mer ou la mère.<br />
– La mère qui donne la vie revient à la mort (elle est indirectement, en partie responsable)<br />
– Paronomase marée => Marie (rapport à la Vierge Marie)<br />
– « Pour la première fois. . .maman » –> allusion à la première page avec « Aujourd’hui je vais<br />
mourir ». la boucle qu’est le roman se referme.<br />
– « Depuis bien longtemps » –> Complément circonstanciel <strong>de</strong> temps => Pendant très longtemps,<br />
Meursault évacué l’idée <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> sa mère, qui est en fait l’équivalent <strong>de</strong> la mort. Meursault<br />
a aussi évacué l’idée <strong>de</strong> la mort, qui ici revient via la peine capitale. –> Analepse : prise <strong>de</strong><br />
conscience <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> l’amour => C’est un cycle : la mère a fait semblant <strong>de</strong> vivre (avec<br />
Pérez) pour éviter la mort => dénonciation ironique <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnes qui cherche à masquer<br />
la peur <strong>de</strong> la mort avec l’amour. Meursault est du côté <strong>de</strong> l’être qui s’oppose aux autres (la<br />
société), qui eux représentent le paraitre => Une vision cynique <strong>de</strong>s choses. (situation analogue<br />
à celle <strong>de</strong> la mère sans la société)<br />
– « Comme une trêve mélancolique » –> Comparaison –> parallélisme asile/prison => apaisement<br />
avant la mort.<br />
– Le cri <strong>de</strong> révolte <strong>de</strong>vant l’aumônier => Fonction cathartique => Purgation du passé « [cela]<br />
m’avait purgé du mal » => une forme <strong>de</strong> connotation religieuse via la confession => Permet<br />
la quiétu<strong>de</strong> et la sérénité du <strong>perso</strong>nnage<br />
20.2 Une atmosphère qui repose sur une tension vers l’ailleurs/la mort<br />
– « J’étais épuisé. . . », le <strong>perso</strong>nnage a subi une pression –> Épuisement => Retour <strong>de</strong> la thématique<br />
du sommeil via sa position allongée : « Je me suis jeté. . . » –> une certaine violence<br />
envers soi-même => prolepse <strong>de</strong> la mort ?<br />
– « Des bruits <strong>de</strong> campagne. . .moi » –> implosion sensorielle auditive => une rumeur monte <strong>de</strong><br />
la campagne en crescendo : <strong>de</strong>s sirènes, on arrive aux cris <strong>de</strong> haine => annonce <strong>de</strong> la mort.<br />
– Camus compare Meursault au Christ par une atmosphère mystique => tension vers la mort.<br />
– L’analogie mère/mort renforce un sentiment d’inquiétu<strong>de</strong> chez le lecteur et chez le <strong>perso</strong>nnage<br />
en rappelant la mort.<br />
– « Ces sirènes annonçaient. . .indifférence. » => La mort est intégrée.<br />
– « Départ pour un mon<strong>de</strong> » –> euphémisme pour la mort.<br />
52
– Le <strong>perso</strong>nnage qui s’approche <strong>de</strong> la mort. Urgence <strong>de</strong> vivre qui se transforme en simulacre <strong>de</strong><br />
la vie, qui ne <strong>de</strong>vient qu’un jeu. Le <strong>perso</strong>nnage est sous tension.<br />
– « Personne, <strong>perso</strong>nne n’avait le droit <strong>de</strong> pleurer sur elle. » –> répétition => Personne ne <strong>de</strong>vra<br />
pleurer sur Meursault (par analogie) => Ultime alibi, une tentative pour légitimer sa conduite.<br />
– « Est-moi aussi, je suis prêt à tout revivre » –> Sisyphe => Une forme <strong>de</strong> tension vers. . . la<br />
vie.<br />
– Métaphore du christ « . . . <strong>de</strong>s cris <strong>de</strong> haine. »<br />
– Lorsque la voix va s’éteindre, en fait elle ne fait que commencer à parler = absurdité <strong>de</strong> ce<br />
roman.<br />
Le texte<br />
Secon<strong>de</strong> partie : chapitre 5<br />
Lui parti, j’ai retrouvé le calme. J’étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j’ai<br />
dormi parce que je me suis réveillé avec <strong>de</strong>s étoiles sur le visage. Des bruits <strong>de</strong> campagne montaient<br />
jusqu’à moi. Des o<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> nuit, <strong>de</strong> terre et <strong>de</strong> sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix<br />
<strong>de</strong> cet été endormi entrait en moi comme une marée. À ce moment, et à la limite <strong>de</strong> la nuit, <strong>de</strong>s sirènes<br />
ont hurlé. Elles annonçient <strong>de</strong>s départs pour un mon<strong>de</strong> qui maintenant m’était à jamais indifférent.<br />
Pour la première fois <strong>de</strong>puis bien longtemps, j’ai pensé à maman. Il m’a semblé que je comprenais<br />
pourquoi à la fin d’une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer.<br />
Là-bas, là-bas aussi, autour <strong>de</strong> cet asile où <strong>de</strong>s vies s’éteignaient, le soir était comme une trêve<br />
mélancolique. Si près <strong>de</strong> la mort, maman <strong>de</strong>vait s’y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne,<br />
<strong>perso</strong>nne n’avait le droit <strong>de</strong> pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme<br />
si cette gran<strong>de</strong> colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, <strong>de</strong>vant cette nuit chargée <strong>de</strong> signes et<br />
d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du mon<strong>de</strong>. De l’éprouver si pareil<br />
à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais été heureux, et que je l’étais encore. Pour que tout<br />
soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup <strong>de</strong><br />
spectateurs le jour <strong>de</strong> mon exécution et qu’ils m’accueillent avec <strong>de</strong>s cris <strong>de</strong> haine.<br />
L’Étranger, Albert Camus c○Éditions Gallimard, Tous droits réservés<br />
53
21 Lecture Analytique n o 21 : « De l’éducation <strong>de</strong>s enfants », Les Essais<br />
(I,26), Michel <strong>de</strong> Montaigne<br />
Introduction<br />
L’auteur Michel <strong>de</strong> Montaigne (XVI e siècle) est né en 1533 : il est issu d’une famille <strong>de</strong> riches<br />
négociants bor<strong>de</strong>lais. Il siégera cinq ans au parlement <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. En 1580, il publia ses Essais,<br />
son seul et unique succès littéraire. En 1581, il <strong>de</strong>vint maire <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Durant ce laps <strong>de</strong> temps,<br />
il continua à écrire dans ses Essais et à amplifier son contenu.<br />
On peut le qualifier d’écrivain humaniste, influencé par la pensée antique.<br />
– A l’origine, les gran<strong>de</strong>s découvertes <strong>de</strong> la Renaissance vont inviter l’homme à se repositionner<br />
par rapport au mon<strong>de</strong>.<br />
– Rejet <strong>de</strong> l’anthropocentrisme<br />
– Une réflexion sur l’éducation<br />
Quel est le modèle d’éducation proposé par l’auteur ?<br />
Montaigne s’adresse ici au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’éducation.<br />
21.1 Une éducation rejeté –> Ce qu’un précepteur ne doit pas faire<br />
– L.10 « Je ne veux point » –> phrase négative accompagné d’un verbe <strong>de</strong> volonté => Un ton<br />
dogmatique => Le texte est ici un essai => Expression d’une subjectivité, d’un point <strong>de</strong> vue<br />
<strong>perso</strong>nnel ou d’un regard sur le mon<strong>de</strong>. => Ici Montaigne rejette une approche magistrale <strong>de</strong><br />
l’éducation (magister : le maître)<br />
– L.5-6 –> Une comparaison triviale –> « criailler » –> un verbe rendu ici péjoratif par le suffixe.<br />
=> Pour persua<strong>de</strong>r, Montaigne se met ici à la place <strong>de</strong> l’apprenant (« nos oreilles »).<br />
– L.22-24 –> Rejet d’une éducation <strong>de</strong> masse => Rejet <strong>de</strong> l’individu noyé dans le collectif, peu<br />
propice à une bonne formation individuelle. => Accentué aux lignes 24 et 25 par l’hyperbole<br />
« dans tout un peuple d’enfants ».<br />
– « D’esprits <strong>de</strong> taille et <strong>de</strong> formes si différents » –> métonymie, accentué par l’adverbe d’intensité<br />
« si » => L’élève est transformé en matière première à façonner.<br />
– L.26-29 –> Les enseignements ne doivent pas être restitués <strong>de</strong> manière mécanique sans réflexion<br />
<strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’élève.<br />
– « Non seulement. . .mais » (non solum. . .sed etiam) –> Latinisme => Rejet <strong>de</strong> l’éducation « mal<br />
digérée ». Au contraire, ici, le latinisme traduit la vivacité d’esprit <strong>de</strong> Montaigne.<br />
– Référence à l’estomac –> Une dissection => Rappelle la science, en plein essor lors <strong>de</strong> la<br />
Renaissance (contexte).<br />
– Dernière ligne –> Une métaphore rabelaisienne –> Le pronom « on » renvoie à un précepteur<br />
effacé. L’utilisation du plus-que-parfait permet la transition entre l’élève avant et après<br />
l’indigestion. => Dans les Essais, on trouve beaucoup <strong>de</strong> métaphores sur le corps humain.<br />
21.2 L’éducation proposé –> Ce à quoi le précepteur doit tendre<br />
– L.11 –> Opposition entre un argument rebuté et un argument proposé –> Le conflit entre la<br />
thèse et l’antithèse => Pour une éducation participative, dialogué => L’élève doit être acteur<br />
<strong>de</strong> son enseignement, tandis que le précepteur doit être dans l’échange et l’écoute.<br />
– L.11 –> Référence à Socrate (référence à l’antiquité, un <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> l’humanisme) =><br />
Interrogation <strong>de</strong>s citoyens athéniens, en faisant usage <strong>de</strong> la maïeutique, qui permet <strong>de</strong> faire<br />
accrocher une idée => Pour faire émerger un débat l’élève doit être capable <strong>de</strong> montrer son<br />
propre point <strong>de</strong> vue, c’est à dire d’argumenter (mise en abyme avec le principe <strong>de</strong>s Essais)<br />
– L.25 « Il est bon que l’élève. . . » –> Métaphore filée (dont le but est ici d’imager le propos<br />
afin que le public comprenne mieux la thèse, et donc être plus persuasif). « trotter » –> Le<br />
précepteur observe, fasse parler l’élève => L’élève <strong>de</strong>vrait analyser les problèmes <strong>de</strong> manière<br />
intuitive et plus expérimentale.<br />
54
– L.9-10 –> Chiasme –> « En courant . . . quelques fois // quelques fois . . . ouvrir » –> Métaphore<br />
du berger, c’est à dire du gui<strong>de</strong> spirituel, qui accompagnerait l’élève sur le chemin <strong>de</strong> la science<br />
et <strong>de</strong> la connaissance => Un élève explorateur.<br />
– L.8 « Selon la portée <strong>de</strong> l’âme qu’il a en main » –> Métonymie + métaphore => Le précepteur<br />
doit s’adapter à son public (par rapport aux prédispositions <strong>de</strong> chaque élève).<br />
– L.30 –> hyperbole « en cent formes » –> L’acquisition est faite par l’entrainement et l’expérimentation<br />
=> Principes <strong>de</strong> l’empirisme.<br />
– L.16 « L’une <strong>de</strong>s tâches les plus ardues » –> Superlatif => Montaigne a conscience <strong>de</strong> la<br />
difficulté <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> éducative qu’il propose.<br />
– « Nous gâtons tous » –> Le « nous » est inclusif <strong>de</strong> Montaigne => Rend le texte d’actualité<br />
malgré son ancienneté.<br />
55
Le texte<br />
56
22 Lecture Analytique n o 22 : « Des cannibales », Les Essais (I,31),<br />
Michel <strong>de</strong> Montaigne<br />
Introduction<br />
L’auteur Voir la lecture analytique précé<strong>de</strong>nte<br />
Contexte Ici, Montaigne apporte une réflexion sur l’altérité, associé à la découverte du Nouveau<br />
Mon<strong>de</strong> en 1492. Il se positionne sur le statut <strong>de</strong> ceux que l’on appelle « les cannibales ».<br />
Quelle est la démarche argumentative adoptée ici par Montaigne ?<br />
22.1 Une démarche argumentative qui invite par le biais <strong>de</strong>s Essais à relativiser certaines<br />
valeurs<br />
– « Or je trouve, pour revenir à mon propos » –> Conjonction <strong>de</strong> coordination –> Opposition =><br />
Montaigne est dans une démarche d’écriture critique. Pour cela, il use du registre polémique<br />
qui incite le lecteur à entrer dans le débat d’idée.<br />
– L’utilisation <strong>de</strong> la première <strong>perso</strong>nne du singulier avec le pronom <strong>perso</strong>nnel « je » rend<br />
l’écriture <strong>de</strong>s Essais subjective : le locuteur donne son avis.<br />
– « Il n’y a rien . . . rapportée » –> Présent <strong>de</strong> vérité général => Un ton dogmatique, catégorique<br />
=> C’est l’énoncé <strong>de</strong> la thèse, qui repose, ici, en partie sur <strong>de</strong>s témoignages => Il se fait l’écho<br />
<strong>de</strong>s discours et <strong>de</strong>s témoignages d’autrui.<br />
– « Il semble que nous. . . » –> Passage du je au nous, un nous inclusif, celui qui renvoie à la Doxa<br />
(l’opinion du peuple, même racine que doctrine) => C’est un appel à la prise <strong>de</strong> conscience.<br />
– « Ils sont sauvages. . . » –> Connotation péjorative + comparaison => Les indigènes sont restés<br />
à l’état <strong>de</strong> nature (le mythe du bon sauvage, repris au XVIII e siècle). Les occi<strong>de</strong>ntaux se considèrent<br />
comme supérieur et plus évolués que les cannibales. Pourtant, seul le progrès technique<br />
peut expliquer cette prétendu supériorité. L’homme a dénaturé les fruits <strong>de</strong> la nature => Il les<br />
a rendus sauvages.<br />
– L.12 « en ceux-là » en opposition (avec un parallélisme) à « en ceux-cy » –> Ce sont <strong>de</strong>s pronoms<br />
démonstratifs qui opposent les fruits à l’état naturel (les vrais caractéristiques <strong>de</strong> l’homme) à<br />
ceux altérés par les occi<strong>de</strong>ntaux.<br />
– Allitération en [v] + accumulation <strong>de</strong> termes mélioratifs en faveurs <strong>de</strong> ces « fruits naturels » ;<br />
– « Lesquelles ont été abâtardies » (rendu bâtard) –> Connotation très péjorative => La société<br />
occi<strong>de</strong>ntale ne respecte pas l’essence <strong>de</strong> la nature.<br />
Présence d’un débat philosophique : Nature et Culture ?<br />
– L.17-18 => La nature doit l’emporter sur l’art(ificiel) => Tout ce qui est naturel est plus<br />
authentique. « Puissante mère Nature » –> Une allégorie.<br />
– Avant-<strong>de</strong>rnière phrase, l.18-20 => Condamnation <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong> l’homme (via le nous inclusif)<br />
=> L’évolution a annihilé la beauté et les vertus <strong>de</strong> la nature.<br />
– Dernière phrase « Merveilleuse honte » –> Oxymore final => Insistance sur la vanité <strong>de</strong>s<br />
hommes.<br />
22.2 Une démarche argumentative qui critique l’ethnocentrisme, quand ethnie = peuple<br />
– « Chacun . . . usage » –> Aphorisme => Le texte a ici pour but <strong>de</strong> convaincre via une formule<br />
intemporelle et universelle (présent à valeur gnomique)<br />
– Ethnocentrisme évoqué aux lignes 4 à 6 : l’individu fon<strong>de</strong> ses jugements et ses valeurs à partir<br />
<strong>de</strong> ce qu’il connait –> Tournure restrictive « nous n’avons . . . que » => Montaigne invite le<br />
lecteur à élargir ses critères <strong>de</strong> jugements (un <strong>de</strong>s principes humanistes). En effet l’homme se<br />
construit dans ses rapports avec autrui (opposition entre l’humanisme et le narcissisme).<br />
57
– « Là . . . choses » l.6 –> Rythme ternaire : répétition <strong>de</strong> l’adjectif « parfait » –> Crée un effet<br />
d’insistance –> Ton ironique : la phrase <strong>de</strong>vint une antiphrase => Critique <strong>de</strong> l’aveuglement<br />
d’un peuple qui considère que son organisation politique, culturelle et sociale est la meilleur<br />
=> Une sorte d’auto-persuasion, un patriotisme ou nationalisme déplacé.<br />
– L.15 –> Nuance <strong>de</strong> l’ethnocentrisme : ces fruits sont délicieux « dans ces contrés sans culture »<br />
=> Possibilité <strong>de</strong> concurrencer les fruits <strong>de</strong>s occi<strong>de</strong>ntaux. « À l’ennui <strong>de</strong>s nôtres » => L’adjectif<br />
possessif « nôtres » s’oppose à l’expression « en divers fruits ».<br />
Le texte<br />
58
23 Lecture Analytique n o 23 : « Des Coches », Les Essais (I,31), Michel<br />
<strong>de</strong> Montaigne<br />
Introduction<br />
L’auteur Voir la lecture analytique précé<strong>de</strong>nte<br />
Contexte La découverte du Nouveau Mon<strong>de</strong> en 1492 par Christophe Colomb va avoir <strong>de</strong> nombreuses<br />
conséquences sur la pensée occi<strong>de</strong>ntale : les écrivains s’interrogent sur le statut <strong>de</strong> « l’autre ». Cela<br />
ouvre un débat sur la légitimité <strong>de</strong> la conquête <strong>de</strong> ce nouveau mon<strong>de</strong>.<br />
Ici Montaigne met en place une rencontre entre les indigènes et les colons conquérants.<br />
En quoi la stratégie argumentative est-elle efficace ?<br />
Dans un discours argumentatif comme Les Essais, il est possible d’analyser<br />
:<br />
– La situation d’énonciation<br />
– Ponctuation et type <strong>de</strong> phrase<br />
– les procédés d’opposition<br />
– Les registres<br />
– La structure du texte<br />
– Les champs lexicaux<br />
– Les arguments et les exemples<br />
23.1 Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s colons<br />
Dans cette première partie du texte les colons parlent quantitativement moins que les indiens.<br />
– Lignes 4-5 –> « Le plus grand prince » –> tournure superlative => Un point <strong>de</strong> vue très<br />
subjectif, un prise <strong>de</strong> position ethnique (l’ethnocentrisme mis en évi<strong>de</strong>nce).<br />
– Lignes 5-6 –> gradation, « Le Pape, représentant <strong>de</strong> Dieu sur la terre » –> Périphrase qui met<br />
en valeur, glorification <strong>de</strong> l’homme d’église (exemple illustratif) => Solennité du ton (presque<br />
parodique).<br />
– Lignes 6-7 –> Expression <strong>de</strong> la condition via le conditionnel => Les colons semblent poser un<br />
ultimatum, ils imposent une pensée unique, un gouvernement unique, une religion unique. . .<br />
– Dernière phrase –> Le profit est, selon Montaigne, un vice. => C’est le mal <strong>de</strong> la société<br />
occi<strong>de</strong>ntale, les colons sont dans une quête effrénée <strong>de</strong> l’enrichissement. Ils ne s’arrêtent pas<br />
dans les endroits <strong>de</strong> l’Amérique dans lesquels il n’y en a pas. => Leur démarche <strong>de</strong> découverte<br />
<strong>de</strong> l’autre s’arrête dès lors qu’il n’y a plus d’intérêt privé.<br />
– Ligne 3 –> Le terme « paisible » est un terme que Montaigne utilise avec ironie => C’est un<br />
leurre. L’adjectif laudatif (+ fort que mélioratif) laisse penser que les colons portent en eux la<br />
paix (ce qui s’oppose à la « menace » à la fin du discours).<br />
23.2 Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s indiens<br />
Dans cette secon<strong>de</strong> partie du texte, les indiens ont le <strong>de</strong>rnier mot : le discours rapporté est plus<br />
conséquent.<br />
– Lignes 13-16 « Celui qui avait cette distribution. . . » –> le pronom démonstratif celui apporte<br />
une connotation péjorative, dépréciative. Ce qui s’oppose au discours <strong>de</strong>s colons : le roi est un<br />
« indigent », un « nécessiteux » –> Adjectifs dépréciatifs => Critique <strong>de</strong>s valeurs européennes<br />
par le regard d’un autre.<br />
– Lignes 24-25 « ils avaient l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne prendre conseil que <strong>de</strong> leurs amis et connaissances. »<br />
–> Tournure restrictive => Les indiens ont un esprit communautaire et un scepticisme à l’égard<br />
<strong>de</strong>s colons. Il refuse <strong>de</strong> se voir imposer une religion unique.<br />
59
– Le texte repose dur un effet <strong>de</strong> miroir puisque tous les arguments avancés dans la première partie<br />
sont contrecarrés dans la secon<strong>de</strong>. C’est une structure binaire, où la secon<strong>de</strong> partie reporte sur<br />
la première. Il est à la fois question <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong> leur attitu<strong>de</strong> belliqueuse, <strong>de</strong> la question<br />
du pouvoir, du territoire, <strong>de</strong>s richesses et <strong>de</strong> la religion. La question <strong>de</strong> la richesse est contestés<br />
par leurs propres rapports avec l’or. Les <strong>de</strong>ux systèmes <strong>de</strong> valeurs s’opposent => C’est une<br />
invitation à relativiser les valeurs.<br />
– « aimait la dissension » => Les gens <strong>de</strong> pouvoir et d’église souhaitent contrôler les territoires<br />
du mon<strong>de</strong> entier. Ils sont présentés comme les gens qui entretiennent les tensions, les conflits<br />
et les guerres.<br />
– Ligne 25 –> Critique <strong>de</strong> la prétendue supériorité physique <strong>de</strong>s occi<strong>de</strong>ntaux. « dirent-ils, » –><br />
Incise => moyen <strong>de</strong> contourner les attaques en convaincant le lecteur que le discours rapporté<br />
est vrai.<br />
23.3 Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> Montaigne (une forme d’ironie)<br />
Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> Montaigne encadre le discours rapporté.<br />
– <strong>Première</strong> phrase –> La quête <strong>de</strong> l’or, la cupidité <strong>de</strong>s espagnols est affichée dès la première ligne<br />
(gérondif + pronoms possessif « leurs mines » => Appropriation). « Leurs déclarations habituelles<br />
» –> Pluriel + adjectif => Le discours <strong>de</strong>s espagnols est rodé, préparé. On <strong>de</strong>vine l’ironie<br />
<strong>de</strong> Montaigne qui critique implicitement ce qui est <strong>de</strong>venu un rite <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s colonisateurs.<br />
– Ligne 11 « ajoutant quelques menaces à ces conseils » –> Opposition entre « menaces » et<br />
« conseil » –> Deux termes antinomiques, opposé aussi par leur nombre (le pluriel s’opposant<br />
au singulier) => Montre la violence contenue <strong>de</strong>s Espagnols, dans une forme d’hypocrisie.<br />
– Montaigne laisse transparaître à travers le discours rapporté <strong>de</strong>s indiens –> adverbe modalisateur<br />
« promptement » => À travers le discours <strong>de</strong>s colonisés, Montaigne lance un appel<br />
postérieur aux colons pour qu’il quitte cette contrée.<br />
– Montaigne se présente comme un témoin, un spécialiste <strong>de</strong>s civilisations (il a fait plusieurs<br />
rencontres et a tenu <strong>de</strong>s récits <strong>de</strong> voyages). Il a donc conscience du caractère violent <strong>de</strong> cette<br />
civilisation, <strong>de</strong> certains rites (défensifs), mais il nous fait indirectement comprendre qu’ils s’opposent<br />
tout <strong>de</strong> même à la violence <strong>de</strong>s colons (offensive). « Les balbutiements <strong>de</strong> ces prétendus<br />
enfants » –> adjectif « prétendus » qui apporte un regard critique par rapport à un préjugé <strong>de</strong>s<br />
occi<strong>de</strong>ntaux à l’égard « infans » que l’on pensait muet. => Montaigne s’inclut dans la communauté<br />
indienne en <strong>de</strong>venant leur porte-parole, le discours rapporté étant inventé. Le regard <strong>de</strong><br />
l’autre <strong>de</strong>vient un filtre permettant la rhétorique indirecte<br />
Conclusion<br />
La stratégie argumentative <strong>de</strong> Montaigne est efficace grâce à la confrontation <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue<br />
mais via un dialogue déguisé : Montaigne prend parti pour l’autre, jugé comme barbare, en soulignant<br />
la mauvaise foi et l’avidité <strong>de</strong>s occi<strong>de</strong>ntaux. Malheureusement, quelle que soit la civilisation, c’est<br />
bel et bien la violence qui l’emporte.<br />
60
Le texte<br />
61
24 Lecture analytique n o 24 : "Quand je danse, je danse... ", Les Essais<br />
Introduction<br />
L’auteur<br />
Michel <strong>de</strong> Montaigne (XVI e siècle) est né en 1533 : il est issu d’une famille <strong>de</strong> riches négociants<br />
bor<strong>de</strong>lais. Il siégera cinq ans au parlement <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. En 1580, il publia ses Essais, son seul et<br />
unique succès littéraire. En 1581, il <strong>de</strong>vint maire <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Durant ce laps <strong>de</strong> temps, il continua à<br />
écrire dans ses Essais et à amplifier son contenu. On peut le qualifier d’écrivain humaniste, influencé<br />
par la pensée antique.<br />
– A l’origine, les gran<strong>de</strong>s découvertes <strong>de</strong> la Renaissance vont inviter l’homme à se repositionner<br />
par rapport au mon<strong>de</strong>.<br />
– Rejet <strong>de</strong> l’anthropocentrisme<br />
– Une réflexion sur plusieurs thèmes dont l’éducation<br />
24.1 Un essai autobiographique<br />
– Ligne 1 : Parallélisme accompagnée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux tautologies 1 . -> Importance du pronom <strong>perso</strong>nnel<br />
« je », un « je » qui organise les Essais. Une oeuvre ouverte qui permet l’expression <strong>de</strong> la<br />
subjectivité. => C’est une écriture du « moi ».<br />
– « Je me promène » : verbe pronominal. « à moi » : Pronom <strong>perso</strong>nnel tonique, mis en évi<strong>de</strong>nce<br />
en fin <strong>de</strong> phrase. « Mes pensées » : pronom possessif. => Évocation du quotidien <strong>de</strong> l’essayiste.<br />
– Lignes 6-7 : L’autobiographie et son « je » laisse progressivement sa place au « nous ». Le propos<br />
<strong>de</strong> Montaigne <strong>de</strong>vient plus généralisant.<br />
– Second paragraphe « Je ne dis pas que . . .je dis que » : forme d’opposition. => On suit le<br />
cheminement <strong>de</strong> la pensée l’auteur. C’est un discours en mouvement, vivant, qui prend la forme<br />
d’un échange avec le lecteur (la doxa 2 ).<br />
– Quatrième paragraphe : Le <strong>de</strong>rnier paragraphe est le chaînon <strong>de</strong> la pensée didactique. Le « je »,<br />
représentation du maître (magister) laisse la place au « vous », qui représente le disciple, l’élève.<br />
Finalement, le « je » <strong>de</strong> Montaigne n’était qu’un artifice pour laisser arriver la généralité du<br />
discours.<br />
24.2 La définition d’un art <strong>de</strong> vivre humaniste<br />
– Ligne 1 « Terreau du raisonnement » : La démarche argumentative est inductive 3 . => Simplicité<br />
<strong>de</strong>s actions décrites => L’Homme doit ce centrer sur l’action à effectuer.<br />
– Lignes 2-4 : Même si Montaigne se disperse parfois dans l’une <strong>de</strong>s ses activités, il revient toujours<br />
vers l’objet <strong>de</strong> cet activité. => On <strong>de</strong>vine l’importance accordée à la nature par les humanistes<br />
(via la promena<strong>de</strong> bucolique).<br />
– Lignes 4-6 : référence à la Nature via une <strong>perso</strong>nnification et l’adverbe modalisateur « maternellement<br />
». => C’est le mythe <strong>de</strong> mère Nature. Cette nature crée en nous <strong>de</strong>s besoins, qui<br />
doivent apporter une forme <strong>de</strong> satisfaction. => Philosophie <strong>de</strong> l’épicurisme (« carpe diem » ou<br />
savoir vivre au jour le jour).<br />
– Lignes 6-7 « non seulement . . .mais aussi » : latinisme => La raison nous pousse à combler nos<br />
besoins naturels. => Mais une forme <strong>de</strong> désir se crée aussi, liée à la notion <strong>de</strong> plaisir. Retour<br />
vers l’humanisme, où la quête du bonheur est dominante.<br />
– Deuxième paragraphe : Montaigne utilise un exemple argumentatif. Il prend les conquérants<br />
<strong>de</strong> l’antiquité (César et Alexandre). Ce sont <strong>de</strong>s exemples qui font autorité dans la culture<br />
humaniste. Montaigne souligne le fait que ces grands hommes n’ont pas mis entre parenthèses<br />
leurs besoins naturels. Au contraire, ils les ont laissés s’exprimer pour mieux servir leur tâche<br />
et leur stratégie (euphémisme à la ligne 11).<br />
1. l’énonciation d’un énoncé déjà annoncé et évi<strong>de</strong>nt. Des évi<strong>de</strong>nces en quelque sorte.<br />
2. Le nom que l’on donne à l’ensemble <strong>de</strong>s opinions <strong>de</strong> la population<br />
3. Une démarche inductive est une démarche où l’argumentation par <strong>de</strong> l’exemple pour aller jusqu’à l’argument. C’est<br />
l’opposé du déductif.<br />
62
– Troisième paragraphe : vivre est une activité illustre selon Montaigne. « Avez-vous su . . . ? »=><br />
La pensée, la philosophie et le sens <strong>de</strong>s responsabilités constituent <strong>de</strong>s tâches essentielles (La<br />
tournure superlative « la plus gran<strong>de</strong> besogne <strong>de</strong> toute. . . »).<br />
24.3 Les cibles <strong>de</strong> Montaigne<br />
– Ligne 1 : Critique implicite <strong>de</strong> la dispersion.<br />
– Troisième paragraphe : pronom <strong>perso</strong>nnel « nous » en début <strong>de</strong> paragraphe ; basculement du<br />
« je » au « nous » inclusif 4 . Utilisation du présent gnomique. Et du registre polémique ! =><br />
Invitation à la réflexion provocante. => Un jugement <strong>de</strong> valeurs dogmatique.<br />
– Recours au discours direct => Montaigne fait parler la doxa ; une stratégie <strong>de</strong> persuasion qui<br />
passe par <strong>de</strong>s cas concrets.<br />
– Paradoxe : Montaigne combat une idée reçu : l’individu est toujours en action, même s’il ne<br />
fait pas <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s actions. Ces besoins sont comblés au quotidien. Et puis, la réflexion, même<br />
contemplative, est toujours présente.<br />
– « Quoi, m’avez vous . . . » : apostrophe au lecteur via une question rhétorique. « C’est non,<br />
mais. . . » : latinisme accompagnée d’une gradation, du plus fondamental au plus illustre.<br />
– « Si l’on . . .<strong>de</strong> toutes » : Critique <strong>de</strong>s individus qui cherchent une forme <strong>de</strong> glorification par les<br />
actes.<br />
– Lignes 15-16 : une citation illustrative soulignant la mauvaise foi d’une <strong>perso</strong>nne qui n’a pas<br />
voulu montrer ses propres talents, sa propre nature.<br />
– Quatrième paragraphe, ligne 23-24 : énumération d’actions futiles, vaines ou illusoires (« régner<br />
» vise les puissants, « thésauriser » les cupi<strong>de</strong>s, « bâtir » les matérialistes). Montaigne<br />
critique les ambitieux, allant à leur perte en s’oubliant. => Critique en filigrane (métaphore<br />
« appendices/accessoires » et tournure restrictive « n’en sont ») => L’âme <strong>de</strong> l’homme avant<br />
tout.<br />
– Ligne 21 : Paradoxe « composer <strong>de</strong>s livres ». => Allusion à la rédaction <strong>de</strong>s Essais. Même idée<br />
du rejet <strong>de</strong> la gloire ou <strong>de</strong> l’ambition<br />
– Ligne 20 : Énoncé <strong>de</strong> la thèse : « Composer nos mœurs est notre propre <strong>de</strong>voir. » => Forger<br />
ses propres valeurs avant d’agir.<br />
4. Réunion <strong>de</strong> Montaigne et <strong>de</strong>s ses lecteurs<br />
63
Le texte<br />
64
25 Lecture analytique n o 25 : Les Pensées, Blaise Pascal, 1670<br />
Introduction<br />
L’auteur<br />
Blaise Pascal est un philosophe, scientifique et mathématicien du XVIIe siècle (1623-1662).<br />
– Réflexion orientée vers la question religieuse<br />
– Il est un <strong>de</strong>s représentants du jansénisme, une doctrine qui se développe au collège <strong>de</strong> Port-<br />
Royal et qui peut se résumer en une phrase : tout ce que fait l’homme est critiquable si l’homme<br />
se détourne <strong>de</strong> Dieu. => Rappelle le classicisme, très présent à l’époque.<br />
Contexte<br />
Dans Pensées, Blaise Pascal use <strong>de</strong> l’argumentation directe (comme dans Les Essais <strong>de</strong> Montaigne)<br />
pour faire une apologie du christianisme. Il s’interroge ici sur la notion <strong>de</strong> divertissement.<br />
25.1 Une réflexion sur les attitu<strong>de</strong>s humaines<br />
25.1.1 Implication du locuteur<br />
– Utilisation <strong>de</strong> la première <strong>perso</strong>nne du singulier (lignes 1, 10, 11. . .). => Implication <strong>perso</strong>nnelle<br />
proche <strong>de</strong> l’écriture <strong>de</strong> l’essai : au service <strong>de</strong> la subjectivité.<br />
– Lignes 27 à 34 : anaphores <strong>de</strong> « <strong>de</strong> là vient que. . . » et « ce n’est pas. . . ». => Elles créent un<br />
effet d’insistance qui permet <strong>de</strong> souligner la démarche d’invetigation et d’analyse <strong>de</strong> l’auteur<br />
(scientifique ?). C’est la nature même du divertissement qui est analysé et <strong>de</strong> pourquoi <strong>de</strong> cette<br />
attitu<strong>de</strong> humaine illusoire (Influence du Jansénisme).<br />
25.1.2 Énoncé <strong>de</strong> la thèse<br />
– Lignes 4 et 5 : Utilisation du présent <strong>de</strong> vérité générale. => C’est l’énoncé d’un grand principe,<br />
caractérisant l’attitu<strong>de</strong> humaine. Cela passe donc par un aphorisme, qui apporte un ton<br />
dogmatique et annonce que l’homme croit trouver le bonheur en sortant <strong>de</strong> chez lui par le<br />
divertissement. Pour Pascal, ce n’est qu’un leurre.<br />
– Objectif <strong>de</strong> convaincre, plus que <strong>de</strong> persua<strong>de</strong>r, ce qui éloigne ce texte <strong>de</strong>s Essais, plus souple<br />
dans la pensée.<br />
– Lignes 23 à 26 : Prolongement <strong>de</strong> la thèse. Présence d’une oxymore « passion agréable » (rappel :<br />
étymologiquement, la passion vient du latin patior qui veut dire souffrir). => Impression <strong>de</strong><br />
trouver le bonheur dans les occupations ludiques ou sportives. Ce n’est qu’un contournement<br />
<strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> la condition humaine.<br />
25.1.3 Quels arguments et quels exemples ?<br />
– Ligne 15 : Exemple argumentatif <strong>de</strong> la royauté (tournure superlative, insistance sur ce <strong>de</strong>rnier<br />
point). La royauté est un statut social que l’on envie. Pascal s’interroge sur le pourquoi <strong>de</strong><br />
l’existence d’un homme qui a tous les pouvoirs, comme Louis XIV, surnommé le « Roi Soleil ».<br />
=> Interrogation sur le bien fondée <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> monarchie absolue et montre la fragilité,<br />
la faiblesse d’un roi qui a besoin du divertissement pour exister.<br />
– Les domaines évoqués par Pascal dans ce texte sont :<br />
– Ligne 2, 15 et 39 : La cour et la politique => réfléxion sur le rapport au pouvoir. C’est le<br />
thème structurant du texte.<br />
– Ligne 2 : Le domaine militaire => Allusion aux conquêtes territoriales <strong>de</strong>s puissants. Dialectique<br />
entre l’extérieur et l’intérieur. Proposition subordonnée qui insiste sur les maux et un<br />
pluriel qui multiplie les querelles. Ligne 7 : Champ lexical <strong>de</strong> la guerre, allusion à la « charge<br />
à la guerre », c’est à dire l’argent que payait les nobles pour pouvoir sortir <strong>de</strong> chez eux et se<br />
divertir en participant à la guerre.<br />
– Ligne 22 : « grands emplois » « jeux » => Domaine financier et professionnel.<br />
65
– Enfin, le domaine moral, celui <strong>de</strong>s passions, souvent <strong>de</strong>structrices et illusoires.<br />
25.2 Se divertir pour oublier sa condition<br />
25.2.1 Comment Pascal appréhen<strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> divertissement<br />
– Se divertir, c’est sortie <strong>de</strong> chez soi, c’est refuser « le repos d’une chambre » (ligne 4).<br />
– Étymologiquement, se divertir c’est « changer <strong>de</strong> chemin, se détourner <strong>de</strong>. . . ». Pascal considère<br />
donc cette notion comme étant connotée péjorativement.<br />
– Ligne 35 : L’exemple <strong>de</strong> la prison invoqué par l’adverbe d’intensité « si horrible ». => Thème<br />
<strong>de</strong> la clôture, <strong>de</strong> l’enfermement, où la chambre est associée à une prison1). L’homme ne peut se<br />
divertir (utilisation du champ lexical <strong>de</strong> la torture qui accentue le fait que ce besoin soit vital<br />
et essentiel).<br />
25.2.2 Quel critique en fait-il ?<br />
– Critique du nomadisme <strong>de</strong>s hommes qui les détournent d’un lieu privé reposant.<br />
– Dans les trois premières lignes : Présence d’une accumulation <strong>de</strong> tout ce qui détourne l’homme<br />
<strong>de</strong> la quête du bonheur et <strong>de</strong> la sérénité (guerre, quête du pouvoir. . . : toutes les « entreprises<br />
hardies et souvent mauvaises »).<br />
– L’illusion du bonheur serait dans l’ailleurs, la dispersion. Énumération aux lignes 29 et 30. Le<br />
jansénisme apporte austérité, ascétisme et méditation sur soi.<br />
25.2.3 Le tragique <strong>de</strong> la condition humaine<br />
– Même un roi a besoin <strong>de</strong> se divertir pour ne pas penser au tragique <strong>de</strong> sa condition. Les<br />
courtisans l’incitent à se divertir : utilisation <strong>de</strong> la conjonction <strong>de</strong> coordination car qui exprime<br />
la cause du tragique (la valeur causale). Présence aussi d’une tournure restrictive.<br />
– Lignes 12 et 13 : Énumération d’adjectifs péjoratifs soulignant le caractère tragique <strong>de</strong> la condition<br />
humaine. « Rien ne peut nous consoler » => Hyperbole qui résume bien la vision Pascalienne<br />
pessimiste.<br />
Conclusion<br />
Selon Pascal, toutes les actions humaines, si elles ne sont pas motivés par la grâce divine, sont<br />
vaines et inutiles.<br />
66
Le texte<br />
67
26 Lecture analytique n o 26 : Le Loup et le Chien, Fables Livre I, Jean<br />
<strong>de</strong> la Fontaine, 1668<br />
Introduction<br />
Jean <strong>de</strong> la Fontaine est un fabuliste du XVIIe siècle (1621-1695). Il appartient à la pério<strong>de</strong><br />
classique. Il écrivit alors <strong>de</strong>ux recueils <strong>de</strong> Fables : les livres I à VI publiés en 1668 et VI à XII en<br />
1694.<br />
« Je me sert d’animaux pour instruire les hommes », citation <strong>de</strong> la préface <strong>de</strong>s Fables résume bien<br />
l’objectif <strong>de</strong> La Fontaine en écrivant ses Fables. Pourtant elles ne sont pas toutes <strong>de</strong> son crû : ainsi<br />
il s’inspire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux auteurs <strong>de</strong> l’antiquité : le latin Phèdre et le grec Ésope.<br />
Il cible ainsi les vices <strong>de</strong>s hommes, la monarchie absolu et ses excès. Il entame ici une réflexion<br />
sur la sagesse humaine et sur la quête du bonheur.<br />
26.1 Un texte plaisant, divertissant, accessible et poétique<br />
26.1.1 Structure <strong>de</strong> la fable<br />
– Vers 1 à 12 : Présentation <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> la rencontre (situation initiale). Présente ainsi le<br />
dilemme du Loup.<br />
– Du vers 1 « un loup » on évolue vers le vers 41 : « maître loup ». La fable progresse dans la<br />
dénomination du Loup en commençant seulement à le nommer avec un article indéfini (un Loup<br />
parmi tant d’autres) vers un qualificatif plus élogieux qui rend hommage au choix du Loup <strong>de</strong><br />
manière implicite.<br />
26.1.2 Mise en scène d’une rencontre<br />
– Au vers 1 : caractérisation externe <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages, et ici plus particulièrement du Loup. Une<br />
tournure restrictive et l’utilisation du registre pathétique créent une forme d’empathie chez le<br />
lecteur à l’égard du Loup ; cela ce fait surtout via l’insistance sur la maigreur du loup.<br />
– Au vers 33 : Dimension théâtrale perçue grâce à une stichomythie, qui crée une petite scène <strong>de</strong><br />
comédie au sein même <strong>de</strong> la fable. La Fontaine n’hésite pas à créer un mélange entre les genres<br />
littéraires, pour rendre plus plaisante sa fable.<br />
– Ainsi, si la fable est considérée comme une scène <strong>de</strong> comédie, elle a donc <strong>de</strong>ux buts : plaire<br />
et instruire. Pour plaire, elle use (discrètement) du registre comique et pour instruire, du registre<br />
satirique. Le registre comique est par exemple présent dans les dénominations du Chien<br />
(« mâtin », « dogue ») et dans <strong>de</strong>s périphrases à l’apparence élogieuses (dans le discours du<br />
Chien).<br />
– « Sire Loup » est une expression qui use <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux procédés : l’anthropomorphisme (littéralement,<br />
une forme d’homme) et la physiognomonie, c’est à dire que les traits physiques décrits<br />
représentent (le portrait physique) sont le reflet du portrait moral. La dénomination « Sire » est<br />
plutôt élogieuse, ce qui facilite l’i<strong>de</strong>ntification du lecteur au <strong>perso</strong>nnage du Loup. Ainsi cette<br />
fable peut d’intégrer au genre du merveilleux (plutôt utilisé dans les romans. . .)<br />
26.1.3 Dimension poétique<br />
– Alternance entre rimes embrassés et suivis. La Fontaine a recours à l’hétérométrie (décasyllabes,<br />
octosyllabes et alexandrins). => L’écriture est souple et vivante et apporte un aspect plus<br />
naturel, en se dégageant <strong>de</strong> tous carcans poétiques.<br />
– Rythme <strong>de</strong> la fable alerte et vivant. Exemples avec les enjambements vers 30-31 ou 36-37.<br />
Ces enjambements créent un effet <strong>de</strong> continuité dans la parole poétique. Cela permet une plus<br />
gran<strong>de</strong> dynamique et rend la fable mémorisable.<br />
68
26.2 Une fable proposant un réflexion morale et didactique sur le bonheur et la liberté<br />
26.2.1 Le point <strong>de</strong> vue du Chien<br />
Vers 13 à 21 : Un discours argumentatif dans une argumentation indirecte :<br />
– Flatterie : « beau sire » : antiphrase qui exprime une certaine forme d’hypocrisie<br />
– Tournure impérative et vouvoiement. => Laisse penser que le Chien donne un conseil.<br />
– Mise en perspective et confrontation entre <strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vies, <strong>de</strong>ux systèmes <strong>de</strong> valeurs.<br />
– Caractéristiques du Chien :<br />
– Nourriture facile et abondante<br />
– Prospérité mais renonce à sa nature sauvage<br />
– C’est un loup apprivoisé.<br />
– Vers 17 : énumération <strong>de</strong> termes péjoratifs (« cancres », « haires ». . .)<br />
– Vers 18 : Proposition subordonnée relative => Jugement <strong>de</strong> valeurs péremptoire. Courtisans<br />
qui a une vision schématique et réducteur <strong>de</strong>s loups sauvages. Critique sociale par analogie<br />
entre le Chien et la petite bourgeoisie (mise en abyme <strong>de</strong> la société dans la fable).<br />
26.2.2 Le point <strong>de</strong> vue du Loup<br />
– Caractéristiques du Loup<br />
– Absence <strong>de</strong> nourriture : difficile à trouver<br />
– Liberté, mais misère, solitu<strong>de</strong> et frustration<br />
– Opposition marquée par un échange vif et par un rythme qui est celui d’un dialogue : chaque<br />
<strong>perso</strong>nnage fait entendre sa voix et livre sa vision du mon<strong>de</strong>. => Principe <strong>de</strong> la polyphonie.<br />
26.2.3 Une morale implicite<br />
– Une morale implicite est sous-entendu à la différence d’autre fables <strong>de</strong> La Fontaine où elle<br />
explicitement exprimée. Cela pousse le lecteur à délibérer : on se pose la question où l’ont doit<br />
choisir entre être choyé, mais être sans liberté et être libre, dans la précarité. Ce sont <strong>de</strong>ux<br />
formes <strong>de</strong> bonheur à priori antinomiques. Pourtant, c’est le Loup qui a le <strong>de</strong>rnier mot.<br />
– Un rapport <strong>de</strong> force, type « loi <strong>de</strong> la jungle », où le dominant, le « maître » est le Loup qui a<br />
le pouvoir <strong>de</strong> choisir et « court encore ». Il a la liberté : La Fontaine assimile un état sauvage<br />
au bonheur, c’est à dire un vie sans les contraintes d’une société policée/hiérarchisée. (Débat<br />
Nature vs. Culture qui sert <strong>de</strong> prémices à la pensée <strong>de</strong> Montesquieu pendant le siècle <strong>de</strong>s<br />
Lumières).<br />
– Le Loup est un chien qui n’a pas perdu sa liberté, sans compromis, qui n’a pas été « dompté » et<br />
qui préfère cultiver un libre arbitre et un état sauvage salvateur. Tel Meursault, tel Du Bellay,<br />
tel Gervaise, tel Catherine Leroux, tel Bérenger, tel Figaro, tel Beau<strong>de</strong>laire, le Loup (et La<br />
Fontaine) pose la question : Peut-on être heureux sans la société ?<br />
– Ainsi, on peut créer, « artificiellement » une morale. Quelques exemples :<br />
– La liberté est le seul bonheur pour ceux qui,<br />
appauvris, ne veulent vivre à aucun prix. E.R.<br />
– Là où Nature exile ses lois,<br />
Bonheur s’enfuit et esclave. X.G.<br />
Une morale absente, une fin ouverte : le lecteur poursuit sa réflexion et fait « L’œuvre avec<br />
l’auteur ». Le message transmis est le suivant : La liberté est un <strong>de</strong>s synonyme du bonheur. La<br />
quête du bonheur ne se limite pas à l’aisance ni à la prospérité. L’état <strong>de</strong> Nature évite toute forme<br />
d’asservissement.<br />
69
Le texte<br />
70
Deuxième partie<br />
Lectures cursives<br />
1 Lecture Cursive n o 1 : La satire sociale dans Les Regrets<br />
Satire (registre satirique) : dénonciation <strong>de</strong> certains aspects <strong>de</strong> la société par le rire (humour et<br />
ironie). Condamne la plupart du temps les vices du pouvoir.<br />
Contexte : Du Bellay observe à Rome les courtisans et critique leur hypocrisie dans certains<br />
sonnets <strong>de</strong>s Regrets.<br />
Texte 1 Texte 2 Texte 3 Texte 4<br />
– L’écriture <strong>de</strong>s Regrets<br />
fait office <strong>de</strong><br />
miroir, les vices et<br />
défauts décrits pouvant<br />
être ceux du<br />
lecteur (v.13-14).<br />
– Définition <strong>de</strong> la satire.<br />
Elle est utile à<br />
l’homme sage.<br />
– Présentation implicite<br />
<strong>de</strong>s qualités humaines.<br />
Fait office<br />
d’exemple pour tous.<br />
Cible : les courtisans<br />
qui changent<br />
d’humeur ou d’avis<br />
en fonction <strong>de</strong>s puissants<br />
qui les entourent.<br />
Du Bellay<br />
critique leur hypocrisie<br />
et leur opportunisme.<br />
Il met<br />
en gar<strong>de</strong> contre les<br />
gens <strong>de</strong> cette espèce.<br />
71<br />
Du Bellay revient ici<br />
sur son projet poétique<br />
et montre que<br />
sa satire est toujours<br />
teintée d’amertume<br />
(v.14). Il donne ici<br />
le sens du mot « regret<br />
».<br />
Ici, Du Bellay présente<br />
l’inventaire <strong>de</strong>s<br />
défauts à l’origine<br />
<strong>de</strong> sa désillusion<br />
=> Présence d’une<br />
Anaphore tout au<br />
long du sonnet.
2 Lecture cursive n o 2<br />
La désillusion dans les sonnets XXVI, XXXI et XXXIX<br />
Arguments<br />
– Expérience du voyage : objet du désenchantement, la source <strong>de</strong> la désillusion.<br />
– Projet du poète : Ce à quoi il inspirait et qu’il aurait aimer faire : <strong>de</strong> l’illusion à la désillusion.<br />
– Rejet <strong>de</strong> la vie romaine : Association <strong>de</strong> valeurs négatives.<br />
Exemples<br />
Expérience du voyage Projet du poète La vie romaine<br />
– (XXXII) « Un malheureux<br />
voyage. . . »<br />
– (XXVI) « Trompé du<br />
chant pipeur, »<br />
– (XXXII) « Quand je<br />
changeais la France au<br />
séjour d’Italie, »<br />
– (XXXIX) « J’embrasse<br />
le plaisir et n’éprouve<br />
qu’ennuis, »<br />
72<br />
– (XXXIX) « Je n’aime<br />
point la cour, et me faut<br />
courtiser, »<br />
– (XXXII) « Je viens m’enrichir<br />
d’ennui. . . » (oxymore)
3 Lecture cursive n o 3 : Sonnet XCVII : "Ô combien est heureux qui<br />
n’est contraint <strong>de</strong> feindre. . ." dans les Regrets<br />
Le texte<br />
73
4 La poésie au XVI e siècle : entre imitation et renouveau : Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
la Pléia<strong>de</strong> et lecture cursive <strong>de</strong> Défense et Illustration <strong>de</strong> la langue<br />
française<br />
La Pléia<strong>de</strong> ? ou la Briga<strong>de</strong> ?<br />
Contexte : Tout commença au collège du Coqueret, au XVI e siècle. À cette époque, le collège<br />
était le siège <strong>de</strong> la culture humaniste. L’helléniste (professeur <strong>de</strong> latin) Jean Dorat enseignait la<br />
culture antique aux étudiants parmi lesquels Pierre <strong>de</strong> Ronsard et Joachim Du Bellay.<br />
L’éducation humaniste était alors fondée sur plusieurs préceptes : « Science sans conscience n’est<br />
que ruine <strong>de</strong> l’âme. » disait Rabelais dans Gargantua. Autre référence : « Mens sana in corpore sano<br />
[Un esprit sain dans un corps sain] », Juvénal écrivain et philosophe latin. L’éducation humaniste<br />
proposait donc une éducation construite sur la polyvalence.<br />
Ainsi, dans ce lieu propice à la création et à l’apprentissage, un groupe se forma : La Briga<strong>de</strong>.<br />
Leur but : Renouveler la poésie française en intégrant la culture antique tout en créant une poésie<br />
originale et audacieuse.<br />
Le nom <strong>de</strong> Pléia<strong>de</strong> apparut bien plus tard : en effet ce nom a été donné posthume en l’honneur<br />
à certains poèmes <strong>de</strong> Ronsard. . . Mais ce nom est contestée.<br />
Les participants sont dénombrables en 7 étoiles poétiques :<br />
– Jean Dorat<br />
– Jean-Antoine <strong>de</strong> Baïf (1532-1589)<br />
– Pontus <strong>de</strong> Tyard (1521-1605)<br />
– Rémi Bellau (1528-1577)<br />
– Joachim Du Bellay<br />
– Pierre <strong>de</strong> Ronsard<br />
– Étienne Jo<strong>de</strong>lle (1532-1573)<br />
Pour plus d’informations sur la pléia<strong>de</strong>, vous pouvez regar<strong>de</strong>r l’introduction <strong>de</strong> mon anthologie poétique.<br />
. .<br />
Les principes évoqués dans Défense et Illustration <strong>de</strong> la langue française et par la<br />
Pléia<strong>de</strong><br />
– Refus <strong>de</strong> l’hégémonie du latin –> Préférence pour les poèmes écrits en français.<br />
– Une langue enrichie, d’abord par le patrimoine antique, mais aussi par le patrimoine régional.<br />
– Travail sur la versification.<br />
– Ne pas hésiter à transposer les modèles antiques ou d’origine italienne.<br />
– Un engagement du poète dans les valeurs humanistes en proposant un équilibre entre le travail<br />
intellectuel et le travail physique, puis en mettant l’homme au centre <strong>de</strong> ses préoccupations<br />
philosophiques et enfin en s’inspirant <strong>de</strong> l’antiquité, ce qui est équivalent à un retour aux<br />
sources.<br />
74
5 Lecture Cursive n o 5 : Les poètes symbolistes sont-ils <strong>de</strong>s voyants ?<br />
– Paul Verlaine, Jadis et Naguère, « Art Poétique » (1884)<br />
– Paul Verlaine, Paysages tristes, Poèmes saturniens<br />
– Arthur Rimbaud, La lettre du voyant (1871)<br />
Texte 1 Texte 2 Texte 3<br />
– Exposition du crédo poétique<br />
: énoncé <strong>de</strong> ce que<br />
doit être la poésie : : « <strong>de</strong><br />
la musique avant toute<br />
chose », « Et pour cela<br />
préfère l’Impair ».<br />
– Volonté <strong>de</strong> révolutionner<br />
la poésie en changeant les<br />
co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la versification.<br />
– Une forme nouvelle (refus<br />
<strong>de</strong> l’alexandrin, le « vers<br />
noble »). 4/4/3|4/4/3.<br />
– Vers à hétérométrie, alternance<br />
<strong>de</strong> vers avec <strong>de</strong>s<br />
pieds différents.<br />
– Jeux sur la disposition typographique<br />
(agencement<br />
<strong>de</strong>s paragraphes)<br />
– Une émotion contenue et<br />
suggérée (rupture avec les<br />
émotions romantiques)<br />
– Esthétique épurée<br />
– Symbolisme : traitement<br />
nouveau d’un thème classique,<br />
ici la Nature, en donnant<br />
aussi une approche<br />
musicale <strong>de</strong> la poésie.<br />
75<br />
– Le poète doit aller chercher<br />
son âme (psychanalyse).<br />
– Le poète part <strong>de</strong>s ses<br />
tourments, <strong>de</strong> ses démons<br />
(« ineffable torture ») pour<br />
se connaitre et accé<strong>de</strong>r<br />
à l’inconnu. Exorciser les<br />
maux (mots) par l’écriture<br />
= catharsis.<br />
– Rimbaud brouille ici les<br />
co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la poésie romantique<br />
(pour accé<strong>de</strong>r à l’inconnu).<br />
Cela se fait par<br />
le biais d’images surprenantes/symboles<br />
(cf p.286,<br />
poèmes Rimbaud)<br />
– Recours au symbole : « Je<br />
est un autre », le double,<br />
à la fois l’homme qui écrit,<br />
mais aussi le voyant qui<br />
transcen<strong>de</strong> son statut <strong>de</strong><br />
simple mortel.
6 Lecture Cursive n o 6 : Les Fleurs du Mal, Charles Bau<strong>de</strong>laire<br />
6.1 Contexte <strong>de</strong> rédaction<br />
1857 : Mme Bauvary <strong>de</strong> Flaubert a été accusé d’immoralité par Ernest Pinard. C’est ce même<br />
avocat qui condamnera Les Fleurs du Mal. Bau<strong>de</strong>laire, dandy, marginal, souhaite provoquer avec<br />
un recueil <strong>de</strong> poème qu’il appelle d’abord Les Lesbiennes, puis Les Limbes, avant <strong>de</strong> les appeler Les<br />
Fleurs du Mal. Du scandale que cela a provoqué, six poèmes furent censurés, ceux que Bau<strong>de</strong>laire a<br />
appelé « Les épaves ».<br />
6.2 Esthétique et thématique <strong>de</strong> la subsection « Spleen et Idéal »<br />
– Écriture symboliste qui annonce le futur mouvement éponyme. (« Les Correspondances »)<br />
– Résurgences <strong>de</strong> l’esthétique baroque (XVI e /XVII e ) => Obsession pour la mort, la fuite du<br />
temps, l’éphémère (exp. « L’Horloge », ou « Une charogne »).<br />
– Parnasse : L’art pour l’Art (2 e moitié du XIX e ). « Tout ce qui est utile est laid » –> préférence<br />
<strong>de</strong> la forme sur le fond. Une sorte d’autosuffisance stylistique.<br />
– Romantisme => Spleen = malaise/mal-être, mélancolie. Tout cela contamine l’écriture poétique<br />
=> Un mal qui le ronge et qui l’empêche d’atteindre l’idéal.<br />
Fleurs du Mal<br />
Les poèmes Oxymore homophone <strong>de</strong> mâle<br />
Beauté, pureté Démon et souffrance<br />
Fleurs éphémères<br />
Cliché poétique<br />
Trois fleurs (trois femmes) parsemèrent la vie <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>laire : Apollonie Sabatier, Jeanne Duval<br />
et Marie Daubrun. Chacune d’entre elle est présentée dans Les Fleurs du Mal.<br />
76
7 Lecture cursive n o 7 : Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s actes III et IV du Barbier <strong>de</strong> Séville<br />
7.1 Quel rôle joue Bazile dans les actes III et IV ?<br />
– Bazile = maître à chanter <strong>de</strong> Rosine et appartenant au clergé.<br />
– Il est vénal/cupi<strong>de</strong> –> C’est un <strong>perso</strong>nnage achetable. Et les autres <strong>perso</strong>nnages l’ont bien<br />
compris. Inversion <strong>de</strong>s valeurs entre sa fonction au clergé et son caractère cupi<strong>de</strong>.<br />
– Bazile apparait tel un opposant à l’acte III, scène 11 où il relance la tension dramatique. « Deus<br />
Ex Machina » => Le <strong>perso</strong>nne que <strong>perso</strong>nne n’attendait.<br />
– C’est le double impossible <strong>de</strong> Figaro : il veut profiter et jouir <strong>de</strong> la vie grâce à l’argent.<br />
Don Bazile est un opposant essentiel <strong>de</strong> l’intrigue dans la mesure où il apparait subitement à<br />
la scène 11 <strong>de</strong> l’acte III. Il relance l’action dramatique, les valeurs qu’il incarne sont négatives et<br />
critiqués par le dramaturge.<br />
7.2 Comment le dramaturge parvient-il à donner du rythme à sa comédie ? Qu’en est-il<br />
alors <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages ?<br />
Il faut savoir que Beaumarchais a dû supprimer certaines scènes <strong>de</strong> sa pièce, dû à l’échec <strong>de</strong> la<br />
première version. Il a donc besoin <strong>de</strong> réduire ses scènes.<br />
– Des scènes plus courtes : l’action est con<strong>de</strong>nsé dans un temps scénique plus court. Beaucoup<br />
<strong>de</strong> <strong>perso</strong>nnages sont présents, ce qui augmente le nombre <strong>de</strong> va et vient ou d’entrées/sorties.<br />
– Absence <strong>de</strong> monologues = pas <strong>de</strong> pause dans la fable.<br />
– Enchaînement <strong>de</strong>s répliques à un rythme soutenu, alerte et vif.<br />
– On parle parfois du style « léger » <strong>de</strong> Beaumarchais.<br />
La règle classique <strong>de</strong>s trois unités est respectée : le temps est con<strong>de</strong>nsé en 24 heures, le lieu est<br />
centré autour <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Bartholo et l’action converge sur l’union entre le comte Almaviva et<br />
Rosine.<br />
Les actes III et IV s’inscrivent parfaitement da,s les exigences d’une comédie rythmée. Beaumarchais<br />
conserve un cadre spatio-temporel restreint et les ressorts comiques <strong>de</strong> la pièce ten<strong>de</strong>nt tous<br />
vers un dénouement heureux.<br />
77
8 Lecture Cursive n o 8 : Corpus sur le théâtre <strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong><br />
– Jean Tardieu, Finissez vos phrases => Dramaturge du XX e siècle. Comique fondée sur le<br />
langage (ici sa déstructuration).<br />
– Samuel Beckett, En attendant Godot.<br />
– Eugène Ionesco, Les chaises<br />
Fables incohérentes l.23 « Je vais jusqu’au.<br />
. . »<br />
Des <strong>perso</strong>nnages atypiques<br />
Texte 1 Texte 2 Texte 3<br />
l.3 « Quelconque. Même<br />
genre »<br />
La présence <strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong> l.26 Possibilité <strong>de</strong> terminer<br />
les phrases : le langage<br />
est inutile.<br />
78<br />
Effets stichomitiques :<br />
l.18 « Allons-nous en »,<br />
« On ne peut pas »,<br />
« Pourquoi ? », « On attend<br />
Godot ».<br />
2 clochards. Onomastique<br />
: Estragon =<br />
herbe/épice = symbolique.<br />
Vladimir = Russe<br />
noble = paradoxal<br />
l.11 « Il doit être mort »,<br />
« Finis les pleurs ». l.14-<br />
15 La joute verbale sur la<br />
différence entre les arbres<br />
et les arbrisseaux.<br />
l.4 Absence <strong>de</strong> <strong>perso</strong>nnages<br />
Anti-héros : un vieux et<br />
une vieille.<br />
l.14 Présentation <strong>de</strong> <strong>perso</strong>nnages<br />
invisibles.
9 Lecture Cursive n o 9 : Le projet du romancier<br />
9.1 Furetière, Le Roman bourgeois (1666)<br />
– Refus <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> ses <strong>perso</strong>nnages <strong>de</strong>s héros -> recherche <strong>de</strong> la simplicité<br />
– Projet qui se veut objectif, réaliste (attention à la motion <strong>de</strong> "réalisme" à bien détacher du<br />
mouvement litt.)<br />
– Représenter <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> médiocre condition (au sens "moyen" du terme)<br />
– Présentation <strong>de</strong>s casses moyennes.<br />
– Montrer une diversité populaire, une galerie <strong>de</strong> portraits.<br />
– Opposé à la préciosité.<br />
– Rejet <strong>de</strong>s artifices littéraires (naïveté = naturel)<br />
9.2 Montesquieu, Introduction aux lettres persanes (1721, donc le siècle <strong>de</strong>s lumières)<br />
– Le romancier donne pour réels ses <strong>perso</strong>nnages (fictifs) et utilise <strong>de</strong>s arguments pour prouver<br />
leur authenticité.<br />
– Création d’une attente chez le lecteur -> Captatio Benevolentiae<br />
– Statut <strong>de</strong>s persans : M. fait appel au regard <strong>de</strong> l’autre pour décrire la société occi<strong>de</strong>ntale :<br />
Usbek et Rica, en observant les mœurs français portent un regard qui est celui <strong>de</strong> M.<br />
9.3 Zola, préface <strong>de</strong> L’Assommoir (1877)<br />
– Justifie son projet face à ses détracteurs et post-publication<br />
– Accusé pour le recours à l’argot<br />
– Un roman populaire.<br />
– Projet Naturaliste : authenticité/prise <strong>de</strong> conscience (Zola = un socialiste)<br />
– Le <strong>perso</strong>nnage n’est plus du tout idéalisé -> victime <strong>de</strong> la société (exp. Gervaise)<br />
9.4 Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman (XX e siècle)<br />
– Volonté <strong>de</strong> rompre avec le <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> roman traditionnel<br />
– Texte polémique, attaque le <strong>perso</strong>. <strong>de</strong> roman type Balzac<br />
– Rejet du réalisme/naturalisme<br />
– Faire abstraction <strong>de</strong> ce qui compose traditionnellement le <strong>perso</strong>. (i<strong>de</strong>ntité, caractère, biens)<br />
– "Apogée <strong>de</strong> l’individu" opposé au XXe siècle, remise en question => regar<strong>de</strong>r au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’individu.<br />
79<br />
c○ Laurie Desnouveaux
10 Lecture cursive n˚10 : Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages <strong>de</strong>s Misérables, Victor<br />
Hugo<br />
Jean Valjean, Mme Thavernier, Colette, Javert... Si ces noms vous rappellent <strong>de</strong> lointains souvenirs,<br />
le mieux reste encore <strong>de</strong> relire Les Misérables <strong>de</strong> Victor Hugo. Sinon, sachez que Jean Valjean,<br />
malgré sa pauvreté et ses actes répréhensibles (comme le vol), il porte <strong>de</strong>s valeurs nobles <strong>de</strong> générosité<br />
et défend les opprimés. Mme Thavernier, la "tutrice" <strong>de</strong> Colette, est une vraie tortionnaire, ce qui<br />
rend la jeune Colette d’autant plus chétive et abandonnée. Javert, est le policier à la recherche <strong>de</strong><br />
Jean Valjean et porte au contraire <strong>de</strong>s valeurs antagoniques à celles <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier.<br />
Voilà !<br />
80
11 Séquence IV : Entrée dans l’œuvre : L’Étranger, Albert Camus<br />
(1942)<br />
11.1 Qui était Albert Camus ?<br />
– Né en Algérie en 1913 et mort en 1960 à Paris, il traversa la début du XX e siècle.<br />
– Il fut journaliste, romancier (avec L’Étranger en 1942 et La Peste en 1947), dramaturge<br />
(Les Justes, Caligula) et philosophe (Le mythe <strong>de</strong> Sisyphe, 1942).<br />
– Ce fut un écrivain engagé dans le débat politique. (Dénonciation <strong>de</strong> la misère en Algérie,<br />
résistance en 1943).<br />
– Il tient la revue « Combat » après la 2 e guerre mondiale.<br />
– La consécration arriva en 1957, avec la Prix Nobel <strong>de</strong> Littérature pour toute son œuvre.<br />
11.2 Genèse <strong>de</strong> L’Étranger, entre roman et philosophie<br />
Au départ, entre 1936 et 1937, Albert Camus déci<strong>de</strong> d’écrire un roman : La mort heureuse. En<br />
parallèle, il prend <strong>de</strong>s notes dans ses carnets pour L’Étranger. En 1938, il abandonne la rédaction <strong>de</strong><br />
La mort heureuse.<br />
En 1940, Camus se rend à Paris (il entre dans le journal Paris-Soir). En seulement <strong>de</strong>ux mois,<br />
il rédige L’Étranger. Ainsi, il écrit dans ses carnets en mai 1940 : « L’Étranger est terminé ». Il<br />
paraîtra en juin 1942, chez Gallimard. La réception est plutôt négative, mais certains philosophes<br />
comme Jean-Paul Sartre, s’attachent à en dire du bien.<br />
11.3 Un titre polysémique : L’Étranger<br />
– C’est une référence autobiographique : celui qui vit ailleurs, qui vient d’un autre pays (C’est la<br />
cas <strong>de</strong> Camus en 1940 lorsqu’il arriva à Paris).<br />
– Une approche plutôt critique <strong>de</strong> la colonisation. L’étranger, c’est la <strong>perso</strong>nne qui n’a pas les<br />
mêmes coutumes.<br />
– L’Étranger, c’est un individu particulier, marginal à sa propre condition d’homme. Celui qui<br />
est autre => l’altérité.<br />
11.4 Le patronyme du <strong>perso</strong>nnage principal : Meursault<br />
Meursault :<br />
– Pseudonyme d’Albert Camus pour signer certains articles<br />
– Prénom neutre, en apparence.<br />
– « Meurs = saut » : saut dans la mort ?<br />
– « Meurs, sot ! » : incitation à la mort, jugement <strong>de</strong> valeur. . .<br />
– « Mœurs d’un sot » : chronique ?<br />
– « sault => Soleil » : Dans la scène du meurtre du roman, le soleil est l’un <strong>de</strong>s éléments déclencheur<br />
<strong>de</strong> la mort.<br />
« Il ne fait rien, d’autre part, rentrant chez lui, se couchant et attendant l’heure du dîner en<br />
fumant. Ainsi toute l’année. Il attend <strong>de</strong> mourir. » => L’image d’un homme en sursis sen attente <strong>de</strong><br />
la mort.<br />
81
12 Lecture cursive n o 11 : Lecture tabulaire <strong>de</strong> L’Étranger, Albert Camus,<br />
1942<br />
Action<br />
L’Étranger est caractérisé par une action dramatique réduite : le <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> Meursault, locuteur<br />
tout au long du roman, ne fait qu’évoquer son quotidien, via <strong>de</strong>s anecdotes ou <strong>de</strong>s événementiels<br />
qui servent <strong>de</strong> péripéties, servent l’action romanesque.<br />
Ascension<br />
<strong>Première</strong> partie : Constat <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> la mère –> Quotidien –> Influences –> Crime = mort<br />
Deuxième partie : Prison –> Visite –> Mécanique –> Procès (référence à la première partie) –><br />
Révolte –> Acceptation <strong>de</strong> la mort<br />
Le thème structurant du roman, que l’on appelle la diégèse, est la mort. Les <strong>de</strong>ux parties du<br />
roman sont construites comme <strong>de</strong>s ascensions vers la mort (un éternel recommencement) => Le<br />
Mythe <strong>de</strong> Sisyphe.<br />
Attitu<strong>de</strong><br />
L’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Meursault est caractérisée par un cheminement complexe, qui passe par une inhumanité<br />
affichée et assumée. La fin du roman sera le moment <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> conscience d’une humanité<br />
enfouie.<br />
Meursault est à la fois le symbole <strong>de</strong> l’homme absur<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’homme révolté.<br />
Relations<br />
Meursault a, dans son entourage, un adjuvant et un opposant :<br />
Marie, la déceptive, qui représente son quotidien, une forme d’ennui et d’absurdité, mais aussi les<br />
moments forts <strong>de</strong> la vie comme le mariage, qu’elle lui propose dans la première partie du roman.<br />
Raymond Sintès, qui représente l’action narrative, la réaction à la société, mais aussi le meurtre<br />
qui clôt la première partie, ce qui amène l’accomplissement <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Meursault.<br />
Finalement, la présence <strong>de</strong>s parents est flou, puisqu’ils sont tous les <strong>de</strong>ux absents du roman<br />
physiquement. On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si Meursault a vraiment aimé sa mère, absente. Son père n’est<br />
mentionné que dans le <strong>de</strong>rnier chapitre du roman, dans une anecdote où le père va à une l’exécution<br />
d’un assassin. Coïnci<strong>de</strong>nce avec la fin <strong>de</strong> Meursault ? Le père viendra-t-il à l’exécution ? La boucle<br />
sera-t-elle un jour refermée ?<br />
82
83<br />
I er partie Événements Attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Meursault Personnages Temps Lieux<br />
Chapitre<br />
1<br />
Chapitre<br />
2<br />
Chapitre<br />
3<br />
Chapitre<br />
4<br />
Chapitre<br />
5<br />
Chapitre<br />
6<br />
– Le décès <strong>de</strong> la mère <strong>de</strong> Meursault.<br />
– Enterrement, veillée et cortège.<br />
– Rencontre Marie + Bains +<br />
Cinéma<br />
– Retour chez lui et inaction<br />
– Travail<br />
– Courir avec un camion<br />
– Rentrer à la maison<br />
– Rencontre avec Salamano et<br />
Raymond. Mange et écrit une<br />
lettre avec ce <strong>de</strong>rnier.<br />
– Anecdotes, retour au travail<br />
– Vie avec Marie<br />
– M. témoin <strong>de</strong> l’intervention<br />
chez Raymond.<br />
– Le Chien <strong>de</strong> S. a disparu<br />
– Raymond invite M. par tél.<br />
– Deman<strong>de</strong> <strong>de</strong> mariage <strong>de</strong> Marie<br />
– Le chien <strong>de</strong> S. est décédé<br />
– Plage et repas chez les Masson<br />
– Rencontre avec les arabes<br />
– Tension dramatique croissante<br />
– Meurtre <strong>de</strong> l’arabe<br />
– Indifférence et détachement.<br />
– Neutralité et absence d’émotions<br />
– Meursault semble spectateur<br />
– Observation <strong>de</strong> la ville<br />
– L’événement du ch.1 n’est<br />
plus mentionné<br />
– Reprise d’un quotidien ponctué<br />
<strong>de</strong> loisirs.<br />
– Séquence avec Marie =<br />
Amour ?<br />
– Émotions non retranscrites<br />
– Retranscription <strong>de</strong>s événements<br />
seuls<br />
– Scène enfantine (camion)<br />
Maintien <strong>de</strong> l’indifférence<br />
– Rapports froids<br />
– Acceptation d’une décision<br />
importante dans sa vie avec<br />
indifférence.<br />
Pareil + voir LA n o 2.<br />
– Meursault<br />
– Le directeur <strong>de</strong> l’asile et le<br />
concierge<br />
– Patron<br />
– Céleste<br />
– Pérez (proche <strong>de</strong> la mère)<br />
– Les pensionnaires <strong>de</strong> l’asile<br />
Trois jours.<br />
– Marie Cardona<br />
– Des jeunes gens Week-end<br />
– Emmanuel<br />
– Céleste<br />
– Salamano<br />
– Raymond Sintès<br />
1 jour<br />
– Marengo, l’asile <strong>de</strong> vieillard<br />
– Alger, le restaurant <strong>de</strong> Céle<br />
– Le bus<br />
– Tramway/bus<br />
– Bains<br />
– Cinéma<br />
– Appartement<br />
– Port<br />
– Appartement + appt. <strong>de</strong> R<br />
mond<br />
– Bureau et chez Céleste<br />
– Pareil + agents <strong>de</strong> police +<br />
Marie 2 journées Appartement Meursault et<br />
alentours<br />
– Raymond et Salamano<br />
– Marie<br />
– Les arabes<br />
– Masson et sa femme<br />
– Marie et Meursault<br />
– Raymond et les arabes<br />
Une journée Pareil que pour chapitre 3<br />
Un dimanche<br />
– Chez Meursault<br />
– Chez les Masson<br />
– À la plage
84<br />
II e partie Événements Attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Meursault Personnages Temps Lieux<br />
Chapitre<br />
1<br />
Chapitre<br />
2<br />
Chapitre<br />
3<br />
Chapitre<br />
4<br />
Chapitre<br />
5<br />
– Arrestation<br />
– Interrogatoire<br />
– Entretien avec l’avocat <strong>de</strong><br />
M.<br />
– Narration du quotidien en<br />
prison<br />
– Une seule visite <strong>de</strong> Marie<br />
– Jugement <strong>de</strong> Meursault<br />
– Interrogatoire <strong>de</strong>s témoins<br />
– Le procès prend une tournure<br />
défavorable<br />
– Suite du procès<br />
– Procureur versus défense<br />
– Annonce <strong>de</strong> la requête :<br />
condamnation à mort<br />
– Retour en prison<br />
– Entrevue avec un aumônier<br />
– Refus <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> se laisser<br />
faire<br />
– Attente et doutes avant la<br />
condamnation<br />
– FIN<br />
– Décalage avec ce qui lui<br />
arrive.<br />
– Indifférence<br />
– Nostalgique<br />
– Forme <strong>de</strong> résignation<br />
– Se dit opposé à la parole<br />
= paradoxal car il dit<br />
donc ici l’indicible.<br />
– Observateur : peu réactif<br />
– C’est son avocat qui s’exprime<br />
à sa place<br />
Étourdi par la chaleur :<br />
étonnement. Prise <strong>de</strong><br />
conscience d’une forme <strong>de</strong><br />
culpabilité.<br />
– Doutes (voir LAn o 4)<br />
– Colère et rage contre l’aumônier<br />
– Attente<br />
– Meursault<br />
– Juge d’instruction et<br />
greffier<br />
– Avocat<br />
– Gendarmes<br />
– Meursault<br />
– Marie<br />
– Détenus dont <strong>de</strong>s arabes<br />
– Des familles au parloir<br />
– Gendarmes<br />
– Témoins (tout les <strong>perso</strong>.<br />
second. du roman)<br />
– Procureur et avocat<br />
– Juge et Jury<br />
– Journalistes<br />
Neuf jours. Le commissariat<br />
Flou dans la temporalité :<br />
5 mois ? Un an ?<br />
Une journée en été.<br />
« Chez moi, dans ma<br />
cellule »<br />
– Trajet en voiture<br />
– Palais <strong>de</strong> justice d’Alger<br />
où l’air est étouffant et le<br />
soleil très présent<br />
Pareil que précé<strong>de</strong>mment Pareil que précé<strong>de</strong>mment Pareil que précé<strong>de</strong>mment<br />
– Meursault<br />
– L’aumônier<br />
– Les gardiens <strong>de</strong> la prison<br />
Indéfini : course contre<br />
la mort<br />
Prison, dans sa cellule.
13 Lecture Cursive n o 12 : Le mythe se Sisyphe, Albert Camus (1942)<br />
Le mythe <strong>de</strong> Sisyphe est un texte théorique, un essai philosophique. Il possè<strong>de</strong> une démarche<br />
d’écriture argumentative : Camus propose ici une « relecture » philosophique du mythe. L’Étranger<br />
est une incarnation <strong>de</strong> cette approche.<br />
13.1 La figure <strong>de</strong> Sisyphe<br />
Paragraphes 1 à 3 <strong>de</strong> l’extrait<br />
– Dans le premier paragraphe, Camus exprime le châtiment divin en rappelant le mythe. « Temps<br />
sans profon<strong>de</strong>ur » rappelle l’infinité temporelle du supplice. « <strong>Espace</strong> sans ciel » rappelle lui le<br />
néant où est enfermé Sisyphe.<br />
– Dans le <strong>de</strong>uxième paragraphe, Sisyphe prend conscience <strong>de</strong> son <strong>de</strong>stin, ce qui rend son supplice<br />
« paradoxalement bénéfique ».<br />
– « Cette heure est celle <strong>de</strong> la conscience ». Lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scente Sisyphe a du temps pour penser,<br />
s’exprimer. Ces actes sont alors réfléchis, il peut appréhen<strong>de</strong>r <strong>de</strong> manière luci<strong>de</strong> son être et<br />
son environnement (être conscient = être susceptible <strong>de</strong> mettre <strong>de</strong>s mots sur une<br />
situation vécue.)<br />
– « Il est plus fort que son rocher. » Est-il vraiment « supérieur » ? Est-ce aussi vrai quand il est<br />
dans l’action ?<br />
– Sisyphe est dans une situation <strong>de</strong>s plus tragique, dû à une fatalité divine (absence totale d’évolution<br />
ou d’issue). Il doit faire son tripalum, c’est-à-dire son travail dans la souffrance, ce qui<br />
fait écho à la classe ouvrière du mon<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne.<br />
13.2 La question du suici<strong>de</strong><br />
Paragraphes 4 et 5<br />
– « L’une <strong>de</strong>s seules position philosophique cohérentes, c’est ainsi la révolte. ». Ici, Camus s’engage<br />
contre l’absurdité du mon<strong>de</strong>. Il pense que la révolte peut à la fois se faire par les acte, mais<br />
aussi par la pensée.<br />
– L’homme possè<strong>de</strong> une obscurité, étouffée par la société, qui ne peut sortir que quand celle-ci<br />
est décadrée. C’est ce qu’on appelle la révolte.<br />
– Le suici<strong>de</strong> est opposée à cette notion <strong>de</strong> révolte, bien au contraire, puisque c’est une résignation<br />
à la mort. Le suici<strong>de</strong> signifie plus l’absence <strong>de</strong> révolte. Finalement, seule la prise <strong>de</strong> conscience<br />
permet <strong>de</strong> donner <strong>de</strong> l’espoir à lé révolte.<br />
85
14 Résumé <strong>de</strong> Bel-Ami, Maupassant<br />
<strong>Première</strong> partie<br />
Chapitre 1<br />
Georges Duroy, ancien militaire envoyé en Afrique, et fils d’aubergistes normands est un beau<br />
jeune homme. Revenu à Paris dans le but <strong>de</strong> faire fortune,il dispose cependant <strong>de</strong> peu d’argent étant<br />
donné qu’il travaille aux bureaux du chemin <strong>de</strong> fer du Nord, qui le rémunèrent peu. Un soir où il<br />
errait dans les rues <strong>de</strong> Paris à la recherche d’une femme à séduire, il tombe par hasard un ancien<br />
camara<strong>de</strong> <strong>de</strong> combat : Charles Forestier. Ce <strong>de</strong>rnier, lui raconta alors qu’il était <strong>de</strong>venu journaliste<br />
à " La vie française", et qu’il était mala<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis son retour en France. Il lui proposa <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir<br />
journaliste pour lui et l’invita alors à diner chez lui le len<strong>de</strong>main, avec son patron M. Walter. Ils<br />
continuèrent leur promena<strong>de</strong> jusqu’aux Folies-Bergères puis dans un jardin public où Georges se fit<br />
séduire par <strong>de</strong>ux filles <strong>de</strong> joie. Forestier fit remarquer à Georges qu’il avait du succès, et qu’il <strong>de</strong>vrait<br />
s’en servir pour faire une place. Puis il prit congé et Georges rejoignit une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux femmes (Rachel).<br />
Chapitre 2<br />
Le len<strong>de</strong>main, Georges se rendit au dîner, habillé du mieux qu’il put, si bien qu’il ne se reconnut<br />
pas dans la glace. Quand il arriva chez Forestier, il perdit confiance, tant ce mon<strong>de</strong> lui était inconnu.<br />
Mme Ma<strong>de</strong>leine Forestier l’accueillit chaleureusement, puis arriva Clotil<strong>de</strong> <strong>de</strong> Marelle et sa fille<br />
Laurine ; M. Walter et sa femme, Jacques Rival, Norbert <strong>de</strong> Varenne et enfin Forestier. Intimidé,<br />
Georges resta silencieux durant le repas, tout en appréciant la compagnie <strong>de</strong> Mme <strong>de</strong> Marelle qui lui<br />
paraissait belle, originale et fine d’esprit. Après quelques verres, il se sentit prêt à prendre part aux<br />
discussions journalistiques. Il engagea une discussion sur l’Algérie et montra qu’il savait <strong>de</strong> quoi il<br />
parlait. Encouragé par les convives, Forestier proposa les services <strong>de</strong> Georges à M. Walter. Celui-ci<br />
lui donna ren<strong>de</strong>z-vous le len<strong>de</strong>main et lui <strong>de</strong>manda un article sur l’Algérie au plus vite. Georges sentit<br />
que la roue tournait et qu’il faisait sa place dans le mon<strong>de</strong> du journalisme. Plus assuré, il engagea la<br />
conversation avec Clotil<strong>de</strong> puis se rapprocha <strong>de</strong> Mme Walter, encouragé par Mme Forestier.<br />
Chapitre 3<br />
Lorsqu’il se mit à écrire, son inspiration <strong>de</strong> la journée s’était éclipsée et rien ne sortait. Découragé,<br />
il se mit à réfléchir à sa situation d’infortuné, et au taudis qu’il occupait. Mais rien ne venait. Il se<br />
remémora ses parents, l’Afrique, il rêvassa puis se coucha. Emplit d’espérances, il se leva tôt le<br />
len<strong>de</strong>main mais resta à nouveau sur une page blanche. Il se décida alors à aller <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> à<br />
Forestier. Celui-ci le dirigea vers sa femme. Elle le reçut en peignoir dans son bureau, le fit asseoir,<br />
le questionna sur son sujet puis lui dicta son article. A la fin <strong>de</strong> cette dictée surprenante, elle lui<br />
ordonna <strong>de</strong> la signer. Puis elle engagea la conversation sur Mme <strong>de</strong> Marelle et l’informa qu’elle était<br />
mariée. Il commençait à apprécier la compagnie <strong>de</strong> Mme Forestier. Après avoir apporté son article<br />
au journal, M. Walter l’embaucha et publia son article.<br />
Chapitre 4<br />
Le len<strong>de</strong>main, fier <strong>de</strong> son nouveau statut et heureux <strong>de</strong> la publication <strong>de</strong> son article, Duroy<br />
démissionna <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong> fer du Nord. Il se rendit ensuite à la Vie <strong>Français</strong>e où Charles Forestier<br />
l’envoya avec son collègue Saint Potin glaner <strong>de</strong>s informations pour un article. St Potin lui expliqua<br />
que Ma<strong>de</strong>leine Forestier était la maîtresse <strong>de</strong> Vaudrec. Lorsqu’il rentra écrire son second article, rien<br />
ne vint. Il se décida alors à retourner voir Ma<strong>de</strong>leine, le len<strong>de</strong>main. Mais lorsqu’il se présenta chez les<br />
Forestier, il ne put avoir son ai<strong>de</strong>, dévouée à Charles. Contrarié par cet imprévu et par la réaction<br />
méchante <strong>de</strong> Charles, Georges rentra chez lui et écrivit rapi<strong>de</strong>ment son article. Le soir, il retourna<br />
aux Folies-Bergères où il rencontra Rachel et passa la nuit avec elle. Le len<strong>de</strong>main, il constata que<br />
son article n’avait pas été publié. Celui-ci fut refusé, à mesure que Georges le réécrivait. Il décida <strong>de</strong><br />
laisser cela <strong>de</strong> côté, privilégiant le travail pour Forestier. Dans sa quête d’informations, il rencontrait<br />
<strong>de</strong> plus en plus d’individus hauts placés.<br />
86
Chapitre 5<br />
Septembre - Georges continuant son travail, reggrette la lenteur <strong>de</strong> sa réussite. Il n’attendait<br />
que <strong>de</strong> connaitre <strong>de</strong>s femmes du mon<strong>de</strong> qui lui permettraient <strong>de</strong> s’élever. En outre, Forestier ne se<br />
conduisant plus en ami avec lui, il n’osait plus aller voir Ma<strong>de</strong>leine. Il se rappela <strong>de</strong> Clotil<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Marelle et lui rendit visite plusieurs fois. Laurine sa petite fille était <strong>de</strong> plus en plus conquise par<br />
ce jeune homme et Clotil<strong>de</strong> lui proposa <strong>de</strong> diner avec les Forestier, le samedi suivant. Georges se<br />
réjouissait <strong>de</strong> ce repas et son attirance pour elle, augmentait. A ce dîner, Georges conquis les <strong>de</strong>ux<br />
femmes en introduisant le thème <strong>de</strong> l’amour aux discussions, tandis que Forestier semblait <strong>de</strong> plus<br />
en plus mala<strong>de</strong> Georges raccompagna Clotil<strong>de</strong> et se jeta sur elle pour l’embrasser. Elle se défendit<br />
puis se laissa aller. Le len<strong>de</strong>main, lors du ren<strong>de</strong>z-vous qu’elle lui avait donné, ils s’embrassèrent et<br />
elle mit <strong>de</strong> la distance entre eux, évitant ainsi le scandale. Pour se retrouver seuls, elle viendrait le<br />
len<strong>de</strong>main chez lui. Laurine continuait d’apprécier cet homme qu’elle appela Bel-Ami.<br />
Clotil<strong>de</strong> décida <strong>de</strong> louer un appartement pour leurs rencontres afin d’être plus à l’aise et moins<br />
visibles. Puis le temps passant, ils sortirent plus souvent ensemble dans Paris, si bien qu’à force<br />
d’escapa<strong>de</strong>s, Georges se retrouva sans argent. Presque tous ses amis lui avaient fait crédit. Il fut<br />
obligé <strong>de</strong> refuser une <strong>de</strong> leurs sorties et dut lui faire croire qu’il n’avait plus <strong>de</strong> sous car il en avait<br />
prêté à son père. Elle fut encore plus amoureuse, et usait <strong>de</strong> stratagèmes pour lui mettre <strong>de</strong>s pièces<br />
dans ses poches. Mais un jour où Clotil<strong>de</strong> voulut aller aux Folies-Bergères, tout bascula. Là-bas,<br />
ils rencontrèrent Rachel qui, vexée <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Georges, clama leurs ébats. Humiliée Mme <strong>de</strong><br />
Marelle, ne voulut plus le revoir.<br />
Chapitre 6<br />
Georges se sentit triste d’avoir perdu Clotil<strong>de</strong>, mais son besoin d’argent était plus fort. D’autant<br />
plus fort, qu’au travail, Forestier lui menait la vie dure. Il se décida alors à rendre visite à Ma<strong>de</strong>leine<br />
dans le but <strong>de</strong> la séduire et d’humilier Charles. Cependant, elle lui fit comprendre qu’ils resteraient<br />
bons amis. Dans cette perspective, elle lui conseilla d’aller séduire Mme Walter pour avoir un poste<br />
supérieur à la Vie <strong>Français</strong>e. Après quelques échanges, il se rendit chez Mme Walter, un samedi<br />
après-midi. Silencieux dans un premier temps, il fit remarquer, par la suite, aux femmes présentes,<br />
son esprit affûté.<br />
Elles l’apprécièrent beaucoup et il fut très vite promu au rang <strong>de</strong> chefs <strong>de</strong>s Echos et invité à dîner<br />
chez les Walter. Il était très fier <strong>de</strong> ce changement <strong>de</strong> situation et sentait la fortune venir. Chez les<br />
Walter, il rencontra leurs <strong>de</strong>ux filles. Mais il fut surpris par la venue <strong>de</strong> Clotil<strong>de</strong>. Ce fut elle qui<br />
engagea la conversation et fit disparaitre son malaise. A la fin du dîner, ils se donnèrent ren<strong>de</strong>z-vous<br />
le len<strong>de</strong>main. Georges raccompagna Norbert, qui se mit à discuter <strong>de</strong> la vieillesse et <strong>de</strong> la mort qui le<br />
guettait et lui conseilla <strong>de</strong> profiter <strong>de</strong> la vie. Le len<strong>de</strong>main, Clotil<strong>de</strong> l’informa que son mari rentrait<br />
et que, pour le voir elle lui proposait <strong>de</strong> dîner avec lui et les Forestier, la semaine suivante. Lors<br />
du repas, on s’inquiéta <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong> santé dégradé <strong>de</strong> Charles. Sur ordres du mé<strong>de</strong>cin, les Forestier<br />
partirent dans le Sud pour la guérison <strong>de</strong> Charles.<br />
Chapitre 7<br />
Le départ <strong>de</strong> Forestier pour le Sud amena Georges à avoir plus <strong>de</strong> poids à la Vie <strong>Français</strong>e. Mais<br />
arriva le moment <strong>de</strong> la critique et Georges fut controversé par un journaliste <strong>de</strong> La plume. Si bien<br />
que par ses obligations envers M. Walter et pour la réputation du journal, il dut se défendre dans<br />
un duel en armes contre ce journaliste. Le soir précé<strong>de</strong>nt le combat, Georges fut pris d’angoisses et<br />
ne dormit pas <strong>de</strong> la nuit. Le matin, Rival et ses <strong>de</strong>ux témoins vinrent le chercher pour l’emmener<br />
au duel. Georges tentait <strong>de</strong> se concentrer pour ne pas se laisser envahir par la peur. Mais, les tirs<br />
passés, ni Georges, ni l’autre journaliste ne furent touchés. Duroy, se sentit alors invincible. L’amour<br />
<strong>de</strong> Clo pour Georges s’était endurci avec ce duel. Elle ne voulait plus le quitter, mais la présence<br />
<strong>de</strong> son mari la contraignait à ne plus le voir aussi souvent. Georges décida <strong>de</strong> s’installer dans leur<br />
appartement rue <strong>de</strong> Constantinople, et lui jura <strong>de</strong> n’y emmener aucune autre femme qu’elle. Elle<br />
accepta et l’invita à un diner avec son mari qui voulait le revoir.<br />
87
Chapitre 8<br />
La vie continuait pour Georges, qui évoluait rapi<strong>de</strong>ment dans son métier et voyait Clotil<strong>de</strong> régulièrement.<br />
Mais un jour, il reçut une lettre <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine l’informant que Charles vivait ses <strong>de</strong>rnières<br />
heures et qu’elle avait besoin <strong>de</strong> son soutien au plus vite. Après accord <strong>de</strong> M. Walter, Georges se<br />
résolut à <strong>de</strong>scendre à Cannes, veiller son ami. Quand il arriva, il constata l’état irrémédiable <strong>de</strong><br />
Charles, qui pourtant, en le voyant, reprit du dynamisme. Mais cette énergie fut <strong>de</strong> courte durée<br />
et quelques jours plus tard, Charles décéda. Cette disparition fit prendre conscience à Georges, du<br />
temps qui filait et <strong>de</strong> sa propre mort. Il se rappela <strong>de</strong> la discussion qu’il avait eue avec Ma<strong>de</strong>leine,<br />
qui était désormais veuve. Il réitéra alors son souhait <strong>de</strong> se marier avec elle et ainsi <strong>de</strong> s’associer l’un<br />
et l’autre, à leur réussite réciproque. Elle lui <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> réfléchir à ce choix, l’avertissant <strong>de</strong> son<br />
caractère indépendant. Ils se donnèrent ren<strong>de</strong>z-vous à Paris.<br />
Deuxième partie<br />
Chapitre 1<br />
La vie parisienne <strong>de</strong> Duroy continuait sans heurts, lorsqu’il reçut un télégramme <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine,<br />
l’informant <strong>de</strong> son retour sur Paris. Il la rejoignit et comprit qu’elle avait accepté sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Leurs<br />
rencontres restèrent discrètes jusqu’à ce que le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> Charles soit terminé. Puis Ma<strong>de</strong>leine proposa<br />
à Georges <strong>de</strong> se marier le 10 mai et <strong>de</strong> profiter <strong>de</strong> tout cela pour anoblir son nom : Georges Du Roy<br />
<strong>de</strong> Cantel. Il informa Clotil<strong>de</strong> <strong>de</strong> son mariage en lui expliquant qu’il aurait préféré l’épouser. Mais<br />
celle-ci resta bouleversée. Un mariage simple et civil les unit et ils partirent aussitôt pour Rouen,<br />
rendre visite aux parents <strong>de</strong> Georges. Durant ce long trajet, Georges tenta <strong>de</strong> se rapprocher <strong>de</strong><br />
Ma<strong>de</strong>leine, malgré sa froi<strong>de</strong>ur. Arrivés à Rouen, ils rencontrèrent M. et Mme Duroy, vieux paysans<br />
bourrus. Ma<strong>de</strong>leine fut plus surprise que prévu (c’est elle qui avait forcé Georges à l’emmener chez<br />
ses parents) et se sentit réellement mal à l’aise en leur présence. Sa belle-mère, par son attitu<strong>de</strong>, lui<br />
faisait comprendre qu’elle n’acceptait pas le choix <strong>de</strong> son fils. Elle poussa Georges à mettre fin à leur<br />
séjour.<br />
Chapitre 2<br />
Peu <strong>de</strong> temps après être rentrés à Paris, Ma<strong>de</strong>leine organisa un dîner avec Vaudrec. Georges<br />
s’entendit admirablement bien avec lui. A la suite <strong>de</strong> ce repas, Ma<strong>de</strong>leine et Georges écrivirent<br />
un article politique au sujet <strong>de</strong> la colonisation marocaine. L’article fut publié et Georges reçut les<br />
honneurs et se fit offrir la direction du pôle politique à la Vie <strong>Français</strong>e. Cependant, peu à peu<br />
il se mit à subir les moqueries <strong>de</strong>s autres journalistes qui le comparait à Forestier, à la fois dans<br />
son écriture et dans sa position (mari <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine, directeur du pôle politique). Ces comparaisons<br />
lui étaient détestables et envenimaient sa jalousie envers Charles. Il se raisonna alors et se mit à se<br />
moquer <strong>de</strong> son ami défunt, ce qui lui permettait <strong>de</strong> se défouler <strong>de</strong> toutes ces railleries. Mais lors d’une<br />
bala<strong>de</strong> nocturne, sa jalousie prit le <strong>de</strong>ssus et il <strong>de</strong>manda à Ma<strong>de</strong>leine si elle avait déjà été infidèle.<br />
Son silence mit Georges hors <strong>de</strong> lui, et dans son esprit son amour pour elle était rompu : il ne serait<br />
plus jaloux, ni <strong>de</strong>s rencontres <strong>de</strong> sa femme, ni <strong>de</strong> Charles. Mais la haine avait pris cette place.<br />
Chapitre 3<br />
Georges fit informer ses collègues d’arrêter <strong>de</strong> l’appeler Forestier. Lorsqu’il rentra, Ma<strong>de</strong>leine<br />
était en compagnie <strong>de</strong> Mme Walter, Suzanne et Rose - ses filles - et Mme <strong>de</strong> Marelle. Il se proposa<br />
d’emmener Mme Walter et ses filles à une soirée donnée par Rival. Quand elles furent toutes parties,<br />
Ma<strong>de</strong>leine indiqua à Georges que Mme Walter et ses filles semblaient être très attachées à lui. De son<br />
côté, il appréciait la beauté <strong>de</strong> Suzanne. Plus tard, il se réconcilia avec Clo et lui avoua ses sentiments.<br />
Le jour venu, il accompagna Mme Walter et ses filles à la soirée <strong>de</strong> charité <strong>de</strong> Jacques Rival. Il se fit<br />
un plaisir <strong>de</strong> séduire sa patronne et <strong>de</strong> l’embarrasser. De son côté, Ma<strong>de</strong>leine multipliait les contacts<br />
politiques pour écrire <strong>de</strong>s articles à sensations et se faire une place. Elle recueillait souvent <strong>de</strong>s<br />
informations secrètes sur la situation géopolitique du Maroc. Elle invita à dîner M. et Mme Laroche-<br />
88
Mathieu et d’autres convives, pour conforter ses contacts. Durant ce repas, Georges continua à faire<br />
sa cour à Mme Walter, ce qui l’excitait <strong>de</strong> plus en plus.<br />
Chapitre 4<br />
Georges, qui avait fait en sorte <strong>de</strong> pousser à bout Mme Walter, la rejoignit à l’Eglise <strong>de</strong> la Trinité.<br />
Il s’amusait à lui avouer <strong>de</strong>s sentiments passionnés auxquels il semblait ne pas croire. Mais à force <strong>de</strong><br />
jouer avec ses sentiments, elle lui avoua qu’elle l’aimait <strong>de</strong>puis son mariage. Cet aveu la bouleversa,<br />
elle qui était si fidèle et droite. Elle se confessa, puis informa Georges qu’elle ne le reverrait plus. Il<br />
passa alors à la Vie <strong>Français</strong>e où tout le mon<strong>de</strong> était sur le pied <strong>de</strong> guerre : suite à la volonté <strong>de</strong><br />
coloniser le Maroc, le gouvernement changeait ; Laroche-Mathieu, <strong>de</strong>venait notamment, ministre <strong>de</strong>s<br />
affaires étrangères. Georges proposa alors <strong>de</strong> reprendre sa chronique sur l’Afrique (Chapitre 1 et 2).<br />
Le soir venu, il en informa sa femme et reçut aussi un mot surprenant <strong>de</strong> Mme Walter qui lui donnait<br />
ren<strong>de</strong>z-vous. Lors <strong>de</strong> leur rencontre, elle s’excusa <strong>de</strong> sa conduite <strong>de</strong> la veille et Georges l’amena rue<br />
<strong>de</strong> Constantinople. Malgré la peur qu’elle tentait <strong>de</strong> lui faire comprendre, Georges se jeta sur elle<br />
pour la déshabiller. Elle se défendit puis se laissa aller.<br />
Chapitre 5<br />
A mesure que Ma<strong>de</strong>leine récoltait <strong>de</strong>s informations et <strong>de</strong>s contacts, la Vie <strong>Français</strong>e, prenait <strong>de</strong><br />
l’importance. Ainsi, Georges <strong>de</strong>vint le porte-parole <strong>de</strong> Laroche-Mathieu. Il le voyait avant chaque<br />
discours. Ce matin, le ministre <strong>de</strong>s affaires étrangères donna pour instructions <strong>de</strong> laisser entendre<br />
que la colonisation du Maroc était possible, mais qu’ils ne le feraient pas. Georges enviait la position<br />
<strong>de</strong> cet homme mais détestait son attitu<strong>de</strong> envers Ma<strong>de</strong>. Cependant, il reçut un message <strong>de</strong> la part<br />
<strong>de</strong> Virginie, qu’il tentait d’éloigner <strong>de</strong> lui, ne supportant plus sa compagnie. Elle l’avertissait d’une<br />
information importante et lui donnait ren<strong>de</strong>z-vous. Il s’y rendit et elle lui expliqua que la France<br />
allait coloniser le Maroc et donc payer sa <strong>de</strong>tte, et que Walter et Laroche, en secret, avait racheté les<br />
parts <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte à bas prix.<br />
L’arrivée <strong>de</strong>s troupes françaises au Maroc, sonnait le début <strong>de</strong> leur fortune. Georges fut surpris<br />
et elle lui proposa d’acheter une partie <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte pour lui. Il accepta et plus tard, transmis le<br />
filon au mari <strong>de</strong> Clotil<strong>de</strong>. Son ren<strong>de</strong>z-vous avec celle-ci tourna court, lorsqu’elle trouva un cheveu<br />
<strong>de</strong> Virginie accroché à sa chemise. Il passa chez Vaudrec avant <strong>de</strong> rentrer et on l’informa qu’il était<br />
mourant ; Ma<strong>de</strong>leine s’y rendit. Elle revint, lorsqu’il décéda, attristée et sans aucun héritage. Georges<br />
lui raconta alors le plan financier <strong>de</strong> Laroche et Walter, sans nommer son indicateur.<br />
Chapitre 6<br />
A la sortie <strong>de</strong> l’enterrement <strong>de</strong> Vaudrec, Georges se <strong>de</strong>mandait pourquoi sa femme n’avait pas<br />
reçu d’héritage. Mais en rentrant, un mot du notaire, informant Ma<strong>de</strong>leine d’un héritage à son nom,<br />
les attendait. Cet héritage unique à sa femme, rendit Georges suspect sur les relations <strong>de</strong> sa femme<br />
avec Vaudrec. Il pensait qu’elle était sa maîtresse, mais elle tentait tant bien que mal <strong>de</strong> se défendre<br />
<strong>de</strong> ces accusations. Quoiqu’il en fût, Georges craignait pour sa réputation si l’on apprenait que seule<br />
sa femme, avait hérité. Il donna son accord d’acceptation d’héritage à Ma<strong>de</strong>, à condition d’en avoir la<br />
moitié et <strong>de</strong> pouvoir dire que l’héritage les concernait tout <strong>de</strong>ux. Désormais fortuné, Georges s’offrit<br />
un chronomètre où il fit graver « baron Du Roy <strong>de</strong> Cantel ». Ils fêtèrent cette nouvelle avec M. et<br />
Mme <strong>de</strong> Marelle (malgré la dispute entre Georges et Clotil<strong>de</strong>).<br />
Chapitre 7<br />
Deux mois s’étaient écoulés et le Maroc avait été colonisé. Walter et Laroche avaient donc gagné<br />
<strong>de</strong>s millions <strong>de</strong> francs grâce à leurs petites combines. Avec cet argent, Walter avait acheté un hôtel<br />
particulier et une toile <strong>de</strong> maître dont le tout-Paris s’émerveillait. Il décida donc <strong>de</strong> faire une gran<strong>de</strong><br />
soirée où il présenterait ce tableau, et où il choisirait ses nouveaux amis. Georges était agacé par<br />
cette richesse et par sa femme qui avait été déconseillé par Laroche, d’acheter <strong>de</strong>s fonds du Maroc. Il<br />
89
alla à cette soirée à reculons. Cependant, il rencontra Suzanne Walter, qui se languissait <strong>de</strong> ne plus<br />
le voir et qui l’appréciait beaucoup. Il pensait finalement qu’il aurait dû se marier avec elle.<br />
Dans ses pensées, il constata que Laroche et sa femme s’étaient rapprochés et cela l’horripilait.<br />
Virginie l’interpella et lui expliqua discrètement qu’elle ne pouvait plus se passer <strong>de</strong> lui et lui remis<br />
l’argent qu’elle avait gagné pour lui (Chapitre 5). Georges lui fit promettre qu’il reviendrait la voir<br />
comme avant, s’ils ne restaient que <strong>de</strong>s amis. En rentrant chez eux, Ma<strong>de</strong>leine lui donna la légion<br />
d’honneur que Laroche lui remettait. Ils dinèrent chez les Walter pour fêter cet honneur, qui ne<br />
plaisait guère à Georges. A la fin du repas, ils se promenèrent jusqu’au tableau Jésus marchant sur<br />
les flots, et tout le mon<strong>de</strong> vit une ressemblance entre ce Christ et Georges.<br />
Chapitre 8<br />
Georges eut vent du futur mariage <strong>de</strong> Suzanne, ce qui ne lui plaisait pas, car il la voulait. Au<br />
cours d’une discussion, lors <strong>de</strong> leurs réguliers repas, Georges avoua ses sentiments à Suzanne et elle<br />
lui répondit qu’elle l’épouserait s’il n’était pas marié. Georges qui était déjà agacé <strong>de</strong>s relations entre<br />
Laroche et Ma<strong>de</strong>leine et <strong>de</strong> Laroche lui-même, espionna leurs rencontres. Un jour où il connaissait<br />
par c ?ur leurs entrevues, il convoqua le commissaire <strong>de</strong> police afin <strong>de</strong> les prendre en flagrant délit<br />
d’adultère. Les indices <strong>de</strong> Georges fonctionnèrent et le commissaire constata la faute : il pouvait ainsi<br />
divorcer <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine et <strong>de</strong>stituer Laroche <strong>de</strong> ses fonctions. Il partit à la Vie <strong>Français</strong>e annoncer la<br />
nouvelle à Walter. Ce <strong>de</strong>rnier fut surpris <strong>de</strong> l’audace <strong>de</strong> son jeune journaliste. Georges se sentait libre<br />
et décida <strong>de</strong> faire ce qu’il voulait <strong>de</strong>puis longtemps : se présenter au poste <strong>de</strong> député <strong>de</strong> Normandie.<br />
Chapitre 9<br />
Le problème n’était pas résolu : les Walter voulaient encore marier leur fille au marquis <strong>de</strong> Cazolles.<br />
Georges, divorcé, fut invité à une sortie à la campagne qui précédait le départ <strong>de</strong>s Walter pour<br />
l’été. Durant cette bala<strong>de</strong>, il s’assura <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> Suzanne et lui proposa un plan pour qu’ils<br />
se marient. Suzanne dut avouer à Virginie et à son père qu’elle aimait Georges et qu’elle voulait<br />
l’épouser. Dans la nuit, elle s’échappa <strong>de</strong> chez elle et le rejoignit où il l’attendait pour l’enlever. Ils<br />
partirent à la Roche-Guyon passer quelques jours et attendre l’aval <strong>de</strong>s Walter pour leur mariage.<br />
Virginie était hors d’elle, tant son amour pour Georges était encore fort. Le père Walter, plus pragmatique,<br />
conclut qu’il était préférable d’accepter ce mariage. D’autant plus que Georges était un<br />
homme audacieux et malin. Mme Walter ne savait plus à qui se confier et se rendit auprès du tableau<br />
du Christ, où elle l’implora, malgré sa ressemblance avec Georges. Elle fit un malaise et fut retrouvée<br />
le len<strong>de</strong>main. Walter accepta le mariage et Georges revint avec Suzanne à Paris.<br />
Chapitre 10<br />
Georges rejoignit Clotil<strong>de</strong> et à nouveau ils se disputèrent et mirent fin à leur relation : Clo<br />
n’avait pas été prévenu du mariage <strong>de</strong> Georges avec Suzanne. Le mariage chrétien eut lieu, tout était<br />
splendi<strong>de</strong>, majestueux. Georges se sentit très haut dans la hiérarchie sociale. Cependant, Mme Walter<br />
dépérissait : <strong>de</strong> plus en plus vieillie, jalouse <strong>de</strong> sa fille, elle éclata en sanglots lors <strong>de</strong> la cérémonie. Puis<br />
vint le moment <strong>de</strong>s v ?ux où Georges se rendit compte du nombre exorbitant <strong>de</strong> <strong>perso</strong>nnes présentes<br />
à ce second mariage. Mme <strong>de</strong> Marelle vint lui présenter ses v ?ux et lui montra qu’il était pardonné et<br />
qu’elle l’aimait toujours. Au sortir <strong>de</strong> l’église, il envisagea son avenir en tant que député et toujours<br />
amant <strong>de</strong> Clotil<strong>de</strong>, qui semblait être, finalement, la femme <strong>de</strong> sa vie.<br />
90<br />
c○ Claudia Thivel
15 Lecture cursive <strong>de</strong> Bel-Ami : révisions<br />
Bel-Ami est un roman naturaliste su XIXe siècle. Le mouvement naturaliste se caractérise par :<br />
– Son époque : les <strong>de</strong>rnières décennies du XIX e siècle<br />
– Émile Zola Le roman expérimental<br />
– Le rôle <strong>de</strong> l’hérédité, <strong>de</strong>s tares congénitales<br />
– Une analyse sociologique, comportementale et psychologique d’une classe sociale<br />
Résumé<br />
Georges Duroy : l’histoire d’un cheminot qui <strong>de</strong>vient journaliste grâce au soutien d’un ami.<br />
On suit l’ascension sociale <strong>de</strong> ce <strong>perso</strong>nnage, ponctuée <strong>de</strong> conquêtes féminines (incarnation <strong>de</strong><br />
Don Juan).<br />
Portait moral <strong>de</strong> Georges Duroy :<br />
– Sans scrupules<br />
– Opportuniste<br />
– Ingrat, arriviste<br />
– Séducteur<br />
– Ambitieux<br />
Est-ce vraiment un héros <strong>de</strong> roman ? Les valeurs héroïques sont absentes, les valeurs du <strong>perso</strong>nnages<br />
étant contestables. Il n’y a pas d’accomplissement <strong>perso</strong>nnel sans manipulation <strong>de</strong>s autres.<br />
Commentaire comparé <strong>de</strong> l’incipit et <strong>de</strong> l’explicit du roman<br />
Incipit : éléments d’analyse<br />
– Image du séducteur mesquin<br />
– Microcosme <strong>de</strong> la société féminine : prolepse<br />
– La thématique <strong>de</strong> l’errance. Au fil du roman, Duroy part à la conquête <strong>de</strong> l’espace parisien.<br />
Explicit : éléments d’analyse<br />
Plan<br />
– Duroy est sans scrupule (Don Juan). Mais qui est Don Juan ?<br />
– Don Juan est un <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> libertin : il ne croit en rien<br />
– Il apparaît dans L’abuseur <strong>de</strong> Séville <strong>de</strong> Tirso <strong>de</strong> Molina<br />
– Molière réécrira cette pièce pour en faire une tragi-comédie baroque<br />
– Rôle <strong>de</strong> Sganarelle : volonté <strong>de</strong> persua<strong>de</strong>r qu’il doit rendre son âme à Dieu<br />
– Il sera puni par Dieu<br />
– Bel-Ami est une réécriture mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> Don Juan<br />
– L’explicit est une consécration ironique du <strong>perso</strong>nnage arriviste<br />
– Glissement onomastique (Duroy => Du Roy) ; cela traduit l’ascension sociale<br />
– Dénonciation <strong>de</strong> la vision chevaleresque du statut <strong>de</strong> héros <strong>de</strong> roman<br />
1. L’image romanesque d’un Don Juan<br />
(a) Portrait physique : caractérisation interne<br />
(b) Portrait moral : caractérisation externe<br />
(c) Le rapport aux femmes<br />
2. L’ascension sociale du <strong>perso</strong>nnage<br />
(a) La conquête <strong>de</strong> l’espace parisien<br />
(b) La femme, un tremplin <strong>de</strong> son ascension sociale<br />
(c) Un nouveau statut social ?<br />
3. La remise en cause du <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> roman<br />
91
(a) Héros ou anti-héros ?<br />
(b) Une satire sociale : critique <strong>de</strong> l’arrivisme et <strong>de</strong> la corruption<br />
(c) Une réflexion dur le genre romanesque : parodie du roman d’apprentissage<br />
92
16 Lecture Cursive n o 13 : Le statut <strong>de</strong> l’essayiste (p.326 : Les Essais,<br />
Montaigne)<br />
1. « Au lecteur », préface, 1580<br />
Quel est le statut <strong>de</strong> l’auteur/<strong>de</strong>s Essais ?<br />
2. « De l’affection <strong>de</strong>s pères aux enfants » (II,8)<br />
3. « Du repentir » (III,2)<br />
16.1 À qui sont <strong>de</strong>stinés Les Essais <strong>de</strong> Montaigne ? (texte 1)<br />
« A la commodité particulière <strong>de</strong>s mes parents et amis. . . »<br />
=> Un projet <strong>de</strong>stiné à la sphère privée, une écriture qui se veut intime, l’une <strong>de</strong>s premières autobiographies<br />
mo<strong>de</strong>rne. « Je ne m’y suis proposé aucune fin que domestique et privée »<br />
Mais ne serait-ce qu’un artifice rhétorique pour faire accepter le paradoxe, un projet "faussement"<br />
intime et <strong>perso</strong>nnel ?<br />
Citations à connaître confirmant la portée autobiographique : « C’est moi que je peins », « Ainsi<br />
lecteur, je suis moi même la matière <strong>de</strong> mon livre. ».<br />
=> L’universalité <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong> l’homme ; Montaigne exprime le postulat que en parlant <strong>de</strong><br />
soi on parle aussi d’autrui. On peut toutefois nuancer : l’écriture <strong>de</strong> soi est, dans sa forme, assez<br />
narcissique. Ce qui n’empêche pas <strong>de</strong> parler d’autrui, en créant un exemple <strong>de</strong> la condition humaine<br />
(Montaigne est ce exemple).<br />
16.2 Quelle est la motivation première <strong>de</strong> Montaigne ? Quelle image l’essayiste livret-il<br />
? (texte 2)<br />
L’écriture <strong>de</strong>s Essais fait ici office d’exutoire à un certain mal-être. Le projet <strong>de</strong>s Essais est<br />
montrée comme « folle » : une démarche humble mais qui reste une quête d’exhibition <strong>de</strong>s défauts,<br />
erreurs et vices.<br />
C’est un projet audacieux, « bizarre et extravagant ». C’est un projet où le lecteur doit faire une<br />
lecture active, puisque Montaigne ne pousse pas le lecteur à le lire (cf. texte 1). Cela se confirme avec<br />
une citation d’Umberto Eco « Faire l’œuvre avec l’auteur. » (L’Œuvre ouverte) à propos <strong>de</strong>s Essais.<br />
16.3 Projet <strong>de</strong> Montaigne // Mon<strong>de</strong> est contexte dans lequel il évolue (texte 3)<br />
« Le mon<strong>de</strong> est une balançoire perpétuel » => Sensibilité baroque.<br />
Le Baroque vient du mot portugais barocco qui signifie<br />
« perle brute, mal taillé, aux formes irrégulières. ». C’est<br />
un mouvement littéraire culturel compris entre 1550 et<br />
1680 environ. Pour eux le mon<strong>de</strong> est égal au changement.<br />
Le mon<strong>de</strong> est fondamentalement inconstant.<br />
« Il m’arrive bien souvent <strong>de</strong> me contredire ». Montaigne inspire à une forme <strong>de</strong> vérité, tout en<br />
soulignant le fait que sa pensée est en évolution permanente ; La construction <strong>de</strong> soi est empirique<br />
et l’écriture même <strong>de</strong>s Essais permet d’éprouver la fluctuation <strong>de</strong> la pensée.<br />
93
17 Lecture cursive n o 14 : Extraits <strong>de</strong>s Essais<br />
Cette lecture cursive est fondé sur une question sur corpus rédigée.<br />
Les citations ont été réduites, mais lors <strong>de</strong> l’épreuve il est fortement conseillé <strong>de</strong> les reprendre entièrement.<br />
Question : Comment la question <strong>de</strong> l’homme est-elle abordée dans ces quatre textes ?<br />
Trois parties :<br />
– En quoi ces textes proposent-ils une image <strong>de</strong> l’homme particulière ?<br />
– Quel jugement l’essayiste porte-il sur l’homme ?<br />
– La question <strong>de</strong> l’homme est traitée via la rhétorique <strong>de</strong> Montaigne.<br />
Réponse à la question sur corpus (ou question préalable)<br />
Les quatre textes du corpus sont extraits <strong>de</strong>s Essais <strong>de</strong> Michel <strong>de</strong> Montaigne publiés en 1580. Le<br />
premier évoque l’éloge <strong>de</strong> la fréquentation du mon<strong>de</strong>, le second traite <strong>de</strong> l’amitié. Les textes 3 et 4,<br />
quant à eux, abor<strong>de</strong>nt les thèmes <strong>de</strong> la vanité et <strong>de</strong> la torture. On peut donc se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r comment<br />
la question <strong>de</strong> l’homme est-elle abordée dans ces quatre fragments d’Essais.<br />
De prime abord, la question <strong>de</strong> l’homme permet à l’auteur <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>ux facettes totalement<br />
contrastés <strong>de</strong> la nature humaine. L’individu est trop souvent enfermé dans une forme d’ethnocentrisme,<br />
son incapacité à aller vers l’autre, à le respecter lui sont nuisibles et préjudiciables. C’est<br />
ce qu’on peut remarquer dans le texte 3 où Montaigne écrit "J’ai honte ... village" (lignes 8-9). De<br />
même dans la <strong>de</strong>uxième phrase du texte Éloge <strong>de</strong> la fréquentation du mon<strong>de</strong> : "Nous ... nez" souligne<br />
une <strong>de</strong> forme <strong>de</strong> sclérose <strong>de</strong> l’individu, trop centré sur lui-même et persuadé que seuls comptent ses<br />
propres valeurs. Au contraire l’homme doit être capable <strong>de</strong> s’ouvrir à l’autre et aux autres afin <strong>de</strong><br />
sortir enrichi <strong>de</strong>s ses rencontres, voyages, amitiés. Ainsi le texte De l’Amitiérelate les circonstances<br />
<strong>de</strong> la rencontre entre Montaigne et Étienne <strong>de</strong> la Boesie et évoque une véritable fusion, une osmose<br />
entre <strong>de</strong>ux âmes, célébrés dans ce qui est <strong>de</strong>venu un proverbe : "Parce que c’était lui, parce que<br />
c’était moi.". Enfin dans les texte 3, Montaigne invite à le suivre aux lignes 21 et 22 et à découvrir<br />
<strong>de</strong> nouvelles valeurs. Il définit ainsi un idéal d’honnête homme en déclarant : "On dit bien vrai qu’un<br />
honnête homme, c’est un homme mêlé.".<br />
Par ailleurs, Montaigne est amené à exprimer un jugement <strong>perso</strong>nnel sur l’homme. Il expose <strong>de</strong><br />
manière subjective et impliquée son credo ("Je pense...", "Il me semble..."). L’essayiste est critique,<br />
parfois polémique à l’égard d’une nature humaine trop individualiste. L’hyperbole du premier texte<br />
(ligne 11) "À qui ... orage" met en exergue les réactions excessives <strong>de</strong> certains individus. La torture,<br />
manifestation extrême <strong>de</strong> cruauté humaine est dénoncée avec virulence, comme la confirme l’exclamation<br />
<strong>de</strong> la ligne 18 "Invention bien ... sens !". En revanche dans le texte 2, Montaigne propose<br />
une vision beaucoup plus idéalisé <strong>de</strong>s relations humaines en proposant une amitié entre <strong>de</strong>ux êtres,<br />
confirmé à la ligne 12 "nous, nous ... autre".<br />
Enfin, c’est par une stratégie argumentative bien particulière qu’est abordée la question <strong>de</strong><br />
l’homme. Montaigne s’adresse à la fois à la raison et au cœur. Il a recours aux exemples illustratifs<br />
pour étayer ses propos et créer une connivence culturelle chez le lecteur (texte 1 : Socrate, Texte 4 :<br />
Philotas et Alexandre). IL fait parfois appel à certains exemples argumentatifs, notamment à travers<br />
les anecdotes <strong>perso</strong>nnelles, les cas concrets vécus par l’auteur qui inscrivent l’essai dans la rhétorique<br />
<strong>de</strong> l’exemplum.<br />
94
18 Lecture cursive n o 15 : Les Caractères, La Bruyère<br />
Pages 372-373 du manuel<br />
Préambule<br />
– La Bruyère est un moraliste sur XVIIe siècle (proche <strong>de</strong> La Rochefoucauld et <strong>de</strong> Nicolas Boileau)<br />
– Appartient au mouvement du classicisme<br />
– Il apporte une réflexion sur la nature humaine et sur les défauts <strong>de</strong>s hommes (les péchés capitaux)<br />
– Il appartient au mouvement janséniste qui se développe au Collège <strong>de</strong> Port-Royal avec Jean<br />
Racine.<br />
– Il a été influencé par Théophraste<br />
Comment fonctionne l’argumentation <strong>de</strong> La Bruyère ?<br />
– Fragment 27 : Chrisyppe : Portrait d’un <strong>perso</strong>nnage fictif dont le caractère est décrit en quelques<br />
lignes. => C’est un portrait-charge.<br />
– Rhétorique <strong>de</strong> l’exemplum : un cas concret <strong>de</strong>vient l’objet d’une réflexion plus générale sur<br />
l’homme<br />
– => Une stratégie argumentative indirecte qui confronte le lecteur à certaines valeurs<br />
– Cela lui permet aussi d’éviter la censure et d’observer la société dans la sphère peu perméable<br />
<strong>de</strong> la cour<br />
Quel est l’image <strong>de</strong> l’homme proposée ici ?<br />
– Chrisyppe : Quête <strong>de</strong> la richesse, avare, cupi<strong>de</strong> et vénal. La Bruyère critique la vénalité, l’appât<br />
du gain : la quête du bonheur ne peur se faire, selon ce <strong>perso</strong>nnage, que par l’enrichissement<br />
<strong>perso</strong>nnel.<br />
– Ergaste : Quête du pouvoir : opportuniste en quête <strong>de</strong> l’enrichissement. Ici, le <strong>perso</strong>nnage est<br />
matérialiste (« C’est une faim insatiable d’avoir et <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r »). Pour souligner l ?excès du<br />
<strong>perso</strong>nnage, La Bruyère fait usage d’un adynaton, qui énonce un fait irréalisable.<br />
– Tryphon : Le cas d’un <strong>perso</strong>nnage en apparence vertueux mais tiraillé par la quête <strong>de</strong> l’argent, la<br />
soif <strong>de</strong> fortune (« les passions tyrannisent l’homme », une vision philosophique et étymologique<br />
<strong>de</strong>s choses : passion vient du latin patior qui signifie « souffrir »).<br />
95
19 Lecture cursive sur Candi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Voltaire<br />
À quoi s’attaque Voltaire dans Candi<strong>de</strong> ?<br />
Voltaire s’attaque ici à plusieurs cibles :<br />
– L’inquisition : le fanatisme religieux, la superstition et l’abus <strong>de</strong> pouvoir. . .<br />
– L’optimisme : Critique <strong>de</strong> Leibniz via le <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> Pangloss qui transmet cette philosophie<br />
que Voltaire critique.<br />
– Les puissants : la vision d’une aristocratie ridicule.<br />
– L’intolérance et la discrimination : critique <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong> l’esclavage. . .<br />
Comment le <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> Candi<strong>de</strong> évolue-t-il dans le conte ?<br />
Candidus, en latin veut dire « blanc ». Candi<strong>de</strong> est un <strong>perso</strong>nnage innocent et naïf. Il va suivre<br />
un parcours initiatique et empirique. Dans la situation initiale, il est perméable à la philosophie <strong>de</strong><br />
Pangloss, réceptif et donc influençable.<br />
Il incarne par la suite les vices. De cela se crée une certaine forme <strong>de</strong> détachement, ce qui va le<br />
mener vers une philosophie pragmatique, une philosophie <strong>de</strong> l’action et <strong>de</strong> la réflexion.<br />
Quelle est la stratégie argumentative ? Comment la question <strong>de</strong> l’homme est-elle abordée<br />
?<br />
Voltaire utilise une stratégie argumentative indirecte, via le genre du conte philosophique. Ces<br />
contes sont plaisants et divertissants, mais il possè<strong>de</strong>nt toutefois une portée didactique.<br />
Voltaire use <strong>de</strong> la rhétorique indirecte pour faire passer ses idées. Candi<strong>de</strong> repose sur l’exemplum :<br />
le lecteur s’i<strong>de</strong>ntifie au <strong>perso</strong>nnage et peut prendre position, ce qui est facilité par la fiction.<br />
L’Eldorado est-il le projet <strong>de</strong> Voltaire ? En quoi est-ce une utopie ?<br />
L’utopie est un lieu qui n’existe pas, qui ne peut exister. Eldorado incarne l’âge d’or, un lieu<br />
séduisant et idyllique. On y refuse le gain et donc la cupidité. L’organisation sociale est harmonieuse,<br />
fondée sur le communautarisme : pourtant cela reste qu’une vision idéalisée d’une société impossible.<br />
96
Troisième partie<br />
Étu<strong>de</strong>s d’ensembles<br />
1 Les pouvoirs <strong>de</strong> le poésie<br />
Définition <strong>de</strong> la poésie<br />
Le mot « poésie » vient du mot grec poïeïn, qui signifie créer, fabriquer, produire. La poésie est<br />
maintenant un genre littéraire qui met en avant la liberté d’expression, malgré quelques contraintes<br />
selon les époques. En effet, les poèmes possè<strong>de</strong>nt une structure typographique, c’est à dire une<br />
mise en page particulière.<br />
La poésie véhicule les émotions, celle du locuteur notamment. Elle peut aussi transmettre un<br />
message ou dénoncer/protéger une cause.<br />
La poésie utilise beaucoup l’art <strong>de</strong> la rhétorique, c’est à dire l’art <strong>de</strong> la parole. Elle propose un<br />
vrai travail sur la langue. Quelques exemples :<br />
Les rimes Un jeu sur les sonorités, passant par les allitérations ou les assonances.<br />
Le rythme Elle est rendue possible par la versification (souvent binaire, <strong>de</strong> temps en temps tertiaire).<br />
Les images Pour mieux transmettre le sens, les métaphores, comparaisons, <strong>perso</strong>nnifications ou<br />
allégories ren<strong>de</strong>nt compte d’une idée en lui apposant une image analogue.<br />
Définition : Écriture poétique et quête du sens<br />
– Analyse du langage poétique.<br />
– Rechercher le sens (message(s) cachés que le poète veut transmettre).<br />
– « Lire entre les lignes », lorsque le texte est polysémique.<br />
– L’objectif est <strong>de</strong> déchiffrer les clés <strong>de</strong> lecture au sein même <strong>de</strong>s textes poétiques, cachés <strong>de</strong>rrière<br />
une myria<strong>de</strong> <strong>de</strong> figures stylistiques. . .<br />
À retenir : Les pouvoirs <strong>de</strong> la poésie<br />
– Faire évoluer les mentalités, changer les idées, les valeurs <strong>de</strong>s lecteurs.<br />
– Transmettre un enseignement, et cela via l’engagement du poète envers une cause.<br />
– Véhiculer et susciter <strong>de</strong>s émotions chez le lecteur.<br />
– Exprimer les émotions du poète.<br />
– Le poète peut jouer avec les sons et le rythme.<br />
– Enfin, le poète peut transformer le réel, le sculpter, le dépasser et le transcen<strong>de</strong>r.<br />
97
2 La poésie au XVIe siècle : entre imitation et renouveau<br />
Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong> et lecture cursive <strong>de</strong> Défense et Illustration <strong>de</strong> la langue française.<br />
La Pléia<strong>de</strong> ? ou la Briga<strong>de</strong> ?<br />
Contexte : Tout commença au collège du Coqueret, au XVI e siècle. À cette époque, le collège<br />
était le siège <strong>de</strong> la culture humaniste. L’helléniste (professeur <strong>de</strong> latin) Jean Dorat enseignait la<br />
culture antique aux étudiants parmi lesquels Pierre <strong>de</strong> Ronsard et Joachim Du Bellay.<br />
L’éducation humaniste était alors fondée sur plusieurs préceptes : « Science sans conscience n’est<br />
que ruine <strong>de</strong> l’âme. » disait Rabelais dans Gargantua. Autre référence : « Mens sana in corpore sano<br />
[Un esprit sain dans un corps sain] », Juvénal écrivain et philosophe latin. L’éducation humaniste<br />
proposait donc une éducation construite sur la polyvalence.<br />
Le nom <strong>de</strong> Pléia<strong>de</strong> apparut bien plus tard : en effet ce nom a été donné posthume en l’honneur<br />
à certains poèmes <strong>de</strong> Ronsard... Mais ce nom est contestée.<br />
Les participants sont dénombrables en 7 étoiles poétiques :<br />
– Jean Dorat<br />
– Jean-Antoine <strong>de</strong> Baïf (1532-1589)<br />
– Pontus <strong>de</strong> Tyard (1521-1605)<br />
– Rémi Bellau (1528-1577)<br />
– Pierre <strong>de</strong> Ronsard<br />
– Joachim du Bellay<br />
– Étienne Jo<strong>de</strong>lle (1532-1573)<br />
Les principes évoqués dans Défense et Illustration <strong>de</strong> la langue française et par la Pléia<strong>de</strong><br />
– Refus <strong>de</strong> l’hégémonie du latin : Préférence pour les poèmes écrits en français.<br />
– Une langue enrichie, d’abord par le patrimoine antique, mais aussi par le patrimoine régional.<br />
– Travail sur la versification.<br />
– Ne pas hésiter à transposer les modèles antiques ou d’origine italienne.<br />
– Un engagement du poète dans les valeurs humanistes en proposant un équilibre entre le travail<br />
intellectuel et le travail physique, puis en mettant l’homme au centre <strong>de</strong> ses préoccupations<br />
philosophiques et enfin en s’inspirant <strong>de</strong> l’antiquité, ce qui est équivalent à un retour aux<br />
sources.<br />
98
3 Le Symbolisme<br />
Le Symbolisme est un mouvement littéraire poètique <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du XIX e siècle, où on<br />
considère que le mon<strong>de</strong> est le reflet d’un idéal. Seuls les symboles sont capables <strong>de</strong> nous permettre<br />
<strong>de</strong> déchiffrer les signes <strong>de</strong> cet idéal, cet ailleurs spirituel, coupé du mon<strong>de</strong> mais en symbiose avec lui.<br />
Origine<br />
1857 : Le recueil Les Fleurs du Mal <strong>de</strong> Charles Bau<strong>de</strong>laire est publié, non sans mal à cause <strong>de</strong><br />
la censure. Ce recueil annonce plusieurs mouvements, dans la continuité du Romantisme, mais en<br />
s’y opposant, comme le Parnasse ou la Déca<strong>de</strong>nce, <strong>de</strong>ux mouvements qui donneront naissance au<br />
Symbolisme (cf. p. 34-35 Symbolisme.<br />
1886 : Jean Moréas publie « Un manifeste littéraire : le Symbolisme » dans le Figaro. il y décrit<br />
le rôle et les caractéristiques du Symbolisme, en opposition avec le positivisme matériel et concret.<br />
Principaux poètes symbolistes<br />
Charles Bau<strong>de</strong>laire : Il publia plusieurs recueils dont Les Fleurs du Mal, mais aussi Les Petits<br />
poèmes en prose ou Le Spleen <strong>de</strong> Paris. Il est le fondateur du Symbolisme et il inspirera Stéphane<br />
Mallarmé ou Arthur Rimbaud.<br />
Stéphane Mallarmé (1842-1898) : Il cultive l’art du langage, en l’obligant à refléter une idéologie<br />
pure, sans représentation. Cet hermétisme le marginalise <strong>de</strong> la société, comme Bau<strong>de</strong>laire à un<br />
moindre <strong>de</strong>gré.<br />
Paul Verlaine (1844-1896) : Un travail sur la musique du poème, qui doit suggérer ses symboles et<br />
ses idéaux par la simple impression du lecteur (cf. Art Poétique, 1884).<br />
Arthur Rimbaud (1854-1891) : Pour lui, l’écrivain doit générer <strong>de</strong>s féeries, <strong>de</strong>s lieux oniriques,<br />
comme « Les Ponts » dans ses [ Illuminations] (1886)<br />
Caractéristiques<br />
Importance du symbole et <strong>de</strong> l’Analogie : Suggérer <strong>de</strong>s idées abstraites ou <strong>de</strong>s visions d’une réalité<br />
supérieure via l’analogie et le langage brut. Exp. « L’albatros » <strong>de</strong> Charles Bau<strong>de</strong>laire ou « Le cygne<br />
», prisonnier <strong>de</strong>s glaces, <strong>de</strong> Stéphane Mallarmé => Symbole du poète exilé. Le poète <strong>de</strong>vient capable<br />
<strong>de</strong> transcen<strong>de</strong>r la réalité. Statut du poète bouleversé.<br />
Le poète <strong>de</strong>vient voyant d’un mon<strong>de</strong> inconnu. Pour transcrire ses visions, le poète invente <strong>de</strong><br />
nouvelles formes poétiques.<br />
Le poète est un alchimiste en cherchant <strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> langage et <strong>de</strong> signes. Formes<br />
inédites : le vers impair, le poème en prose => Le vers libre<br />
99
4 Poésie engagée ou jeux poétiques ?<br />
Comme son nom l’indique (pas), c’est un sujet <strong>de</strong> dissertation dont le plan évidant est didactique :<br />
d’abord la poésie peut être engagée lorsque le poète, observateur <strong>de</strong> sa société, souhaite s’exprimer et<br />
la critiquer... Mais la poésie a aussi pour but d’utiliser les jeux du langage pour diversifier ce <strong>de</strong>rnier<br />
et créer (poïen !) tout simplement !<br />
5 Histoire <strong>de</strong>s Arts : <strong>de</strong>s vases et une chanson<br />
Les vases<br />
– Représentation <strong>de</strong>s héros idéalisée : mise en scène <strong>de</strong> la vertu et <strong>de</strong> la fore d’Ulysse.<br />
– Personnage représenté en mouvement, ce qui rend la scène dynamique et vivace.<br />
– Esthétique : Présence <strong>de</strong> frises ornementales et décoratives qui théâtralisent le scènes.<br />
– Fond en céramique noir qui isole les motifs et les met en exergue.<br />
La chanson <strong>de</strong> Ridan : Heureux qui comme Ulysse. . .<br />
– Mo<strong>de</strong>rnisation (et contextualisation) <strong>de</strong> la langue du XVI e siècle.<br />
– Transposition du texte vers la sphère privée du chanteur.<br />
– Mélodie simple, épurée, répétitive voire entêtante. Peut rappeler le martellement.<br />
6 L’Anthologie poétique<br />
Maintenant que vous lisez ces lignes, ayez une pensée pour M.Gallo, professeur <strong>de</strong> <strong>Français</strong> haut<br />
<strong>de</strong> gamme, et ressortez votre Anthologie Poétique <strong>de</strong> vos tiroirs ou <strong>de</strong> votre grenier... Tournez les<br />
pages, et sentez l’o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la nostalgie vous atteindre...<br />
100
7 Le théâtre, un genre littéraire à part ? Définition en dix clés<br />
1. « Théâtre » vient du mot grec Theatron qui signifie regar<strong>de</strong>r. Le théâtre est donc un art visuel,<br />
vivant et double par son caractère à la fois écrit et représenté. Il est composé <strong>de</strong> plusieurs genres<br />
dont la comédie, le drame, la tragédie, la tragi-comédie ou la farce, pour ne citer que les plus<br />
classiques d’entre-eux.<br />
2. Une pièce <strong>de</strong> théâtre transmet <strong>de</strong>s émotions par le biais du jeu et <strong>de</strong> l’interprétation faite par<br />
les acteurs.<br />
3. Chaque texte est mis en scène par différents metteurs en scène. Chaque mise en scène est une<br />
adaptation d’une ?uvre crée par la dramaturge.<br />
4. Un texte est mis en voix : les acteurs doivent avoir une force dans leur oral, un art <strong>de</strong> la présence.<br />
Cela permet l’i<strong>de</strong>ntification du spectateur aux comédiens.<br />
5. Le théâtre est une expérience collective : elle transmet le plaisir du spectacle, via différents rites<br />
<strong>de</strong> passage (exemples : les trois coups, le lever <strong>de</strong> ri<strong>de</strong>au, le découpage en actes, les entractes,<br />
le salut <strong>de</strong>s acteurs, les applaudissements. . .)<br />
6. Le théâtre est un lieu, un lieu qui reproduit les co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la société : c’est un microcosme à<br />
fonction sociale.<br />
7. Le texte lu permet <strong>de</strong> se faire une représentation mentale du texte et laisse place à l’imagination.<br />
8. Il permet aussi <strong>de</strong> mieux revenir sur certains passages (<strong>de</strong> « rembobiner » en quelque sorte) et<br />
donc <strong>de</strong> pouvoir s’approprier le texte.<br />
9. Le théâtre est connoté ancien pour le grand public, comme pour la poésie, ce qui lui apporte<br />
une mauvaise image (même si <strong>de</strong> le théâtre toujours promu aujourd’hui et forme une sorte <strong>de</strong><br />
« concurrence » au cinéma. . .)<br />
10. Enfin, le théâtre, tout comme la poésie, permet la catharsis du dramaturge.<br />
101
8 Les genres théâtraux "classiques"<br />
La comédie Genre théâtral où l’objectif est <strong>de</strong> faire rire le spectateur, en se moquant <strong>de</strong>s m ?urs<br />
<strong>de</strong> la société et <strong>de</strong>s hommes. Elle est basé sur les différents genres comiques, comme la comédie<br />
<strong>de</strong> gestes, <strong>de</strong> situation, <strong>de</strong> caractère et <strong>de</strong> m ?urs. Elle respecte la règle <strong>de</strong>s trois unités. Les<br />
exemples chez Molière sont nombreux, mais on retiendra Le Mé<strong>de</strong>cin malgré lui.<br />
La tragédie Ce genre théâtral s’oppose à la comédie par la fatalité que les <strong>perso</strong>nnages ont : ils<br />
doivent la plupart du temps faire face à la mort, à <strong>de</strong>s choix insolubles, et à un <strong>de</strong>stin souvent<br />
malheureux. Ce genre respecte la règle <strong>de</strong>s trois unités (1 lieu, 1 journée, 1 action). => Phèdre,<br />
<strong>de</strong> Jean Racine.<br />
La farce : Genre théâtral du Moyen-Âge, qui a comme but <strong>de</strong> faire rire, mais <strong>de</strong> manière plutôt<br />
grossière, dit bouffonne (exp. La Farce <strong>de</strong> Maître Pathelin). Molière la remis au goût du jour,<br />
en lui retirant son caractère plébéien et en lui ajoutant les apports <strong>de</strong> la Commedia <strong>de</strong>l ?arte.<br />
Rendu plus drôle et amusante, elle se <strong>de</strong>stine à tous. Elle s’oppose avec la comédie <strong>de</strong>s m ?urs,<br />
crée par Corneille. => Les Fourberies <strong>de</strong> Scapin, <strong>de</strong> Molière.<br />
La tragi-comédie : Possè<strong>de</strong> une structure un peu particulière en ayant un développement plutôt<br />
tragique et une fin heureuse. Apparaissant au XVII e siècle, il ne dura que peu longtemps (apparition<br />
du classicisme et retour à la règle <strong>de</strong>s trois unités), mais donnera <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scendants comme<br />
le drame. L’exemple le plus représentatif est Le Cid, <strong>de</strong> Pierre Corneille.<br />
Le drame : Hybri<strong>de</strong>, il ne se limite pas à l’un <strong>de</strong>s genres théâtraux ci-<strong>de</strong>ssus, est préconise plutôt un<br />
mélange. Drame
9 Fiche synthèse sur la comédie<br />
Pièce dont le but est à la fois <strong>de</strong> plaire et d’instruire.<br />
Les topoï<br />
– Des <strong>perso</strong>nnages stéréotypés : le triangle amoureux composé du jeune premier, du valet fourbe<br />
ou fanfaron, du bourgeois d’un certain âge et <strong>de</strong> la jeune ingénu. Cette notion <strong>de</strong> triangle<br />
amoureux date <strong>de</strong>s comédies <strong>de</strong> l’antiquité.<br />
– Une intrigue ponctué <strong>de</strong> péripéties : beaucoup <strong>de</strong> quiproquos, notamment. La pièce est rendu<br />
alors vivante, en mouvement.<br />
– La déclinaison <strong>de</strong> différentes formes <strong>de</strong> comiques : gestes, mots, caractère, répétition, situation. . .<br />
– Édi ?er le spectateur en portant un regard sur les caractères <strong>de</strong> la société. Cela consiste en un<br />
dénouement heureux, mais toutefois accompagné d’un message sous-jacent.<br />
« Castigat ri<strong>de</strong>ndo mores. » (« La comédie corrige les m ?urs. »)<br />
– Inspiration <strong>de</strong> la Commedia <strong>de</strong>ll’Arte Ce sont <strong>de</strong>s pièces italiennes reprenant ces différents<br />
topoï, en usant <strong>de</strong> farces ou <strong>de</strong> pantomimes (que l’on appelle les lazzis).<br />
Exemples<br />
Les Fourberies <strong>de</strong> Scapin, Molière => Comédie fondé sur la farce (scène du sac qui inverse la<br />
relation maître/valet).<br />
L ?Avare, Molière => Comique <strong>de</strong> répétition (« Ma cassette ! »)<br />
103
10 Le théâtre et son public au XVIII e siècle<br />
Particularités du théâtre au siècle <strong>de</strong>s Lumières<br />
Évolution et mutation <strong>de</strong>s salles <strong>de</strong> spectacles :<br />
1715 Multiplication <strong>de</strong>s salles à Paris<br />
1700 Deux salles permanentes<br />
1744 Dix salles permanentes<br />
1791 Cinquante et une salles permanentes !<br />
C’est un véritable engouement populaire pour le théâtre. Dans la première moitié du XVIII e siècle,<br />
les salles sont en longueur : le spectateur est loin <strong>de</strong> la scène (ce qui entraine une mauvaise visibilité).<br />
Le texte compte avant le jeu <strong>de</strong>s acteurs.<br />
Puis, progressivement, l’af ?ux <strong>de</strong> nouveaux spectateurs va crée une mutation <strong>de</strong>s salles, en multipliant<br />
les salles « à l’italienne », plus courte et permettant une meilleure visibilité : les spectateurs<br />
sont heureux.<br />
Le concept <strong>de</strong> metteur en scène apparait aussi au XVIII e siècle : une importance est désormais<br />
accordée au jeu, à la théâtralité.<br />
« Le théâtre moins le texte. » Roland Barthes<br />
Le théâtre <strong>de</strong>vient un art total : à la fois un art du langage (le texte), un art visuel (jeu et décors)<br />
et un art du son (création d’opéra à partir <strong>de</strong> certaines ?uvres théâtrales, voire insertion <strong>de</strong> chants<br />
dans les pièces).<br />
Les didascalies (indications scéniques) ont une importance accrue : mention <strong>de</strong>s vêtements, costume,<br />
accessoires, mouvement, expression, intonation et lieux ? La diction <strong>de</strong>s acteurs change au<br />
XVIII e siècle : plus naturel et réaliste, les comédiens peuvent exprimer leur sensibilité. Mais comme<br />
Di<strong>de</strong>rot le dit dans Le paradoxe du comédien, il doit gar<strong>de</strong>r le contrôle sur sa diction. Sa sensibilité<br />
doit donc surtout s’exprimer par la nuance.<br />
Qui se rend au théâtre ?<br />
Le théâtre reste un théâtre cher <strong>de</strong>stiné à l’aristocratie et à la gran<strong>de</strong> bourgeoisie. L’objectif est<br />
maintenant <strong>de</strong> conformer les pièces aux goûts du public. Les dramaturges cherchent <strong>de</strong> nouveaux<br />
genres : lassés <strong>de</strong> la comédie et <strong>de</strong> la tragédie classique, Di<strong>de</strong>rot créa le drame bourgeois ; il veut se<br />
détacher <strong>de</strong>s règles classiques.<br />
Rappel <strong>de</strong>s règles classiques :<br />
Règle <strong>de</strong>s trois unités Un seul lieu, une seule journée et une seule intrigue<br />
Règle <strong>de</strong> bienséance Ne pas montrer <strong>de</strong> choses choquantes au public<br />
Règle <strong>de</strong> vraisemblance Pas d’élément surprenant ou loufoque<br />
Ces règles édictés au XVII e siècle n’ont pas toujours été respectés (exemple : Don Juan, Molière où<br />
apparait <strong>de</strong>s spectres et <strong>de</strong>s statues animés). Elles s’inscrivent seulement dans l’esthétique classique.<br />
Malheureusement, l’auteur n’est pas propriétaire <strong>de</strong> sa pièce : la censure contrôle les ?uvres et<br />
peut supprimer celles « inconvenantes ».<br />
104
11 Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mise en scène du Barbier <strong>de</strong> Séville par Gérald Marti<br />
(1997)<br />
Dès l’acte I, une mise en scène très vivante : un rythme dynamique, flui<strong>de</strong> et alerte où le débit <strong>de</strong><br />
parole est élevée. L’échange dans la secon<strong>de</strong> scène <strong>de</strong> l’acte I entre Figaro et le comte Almaviva est<br />
très vif.<br />
Le décor est travaillé reprenant l’atmosphère ibérique, comme préconisé dans les didascalies <strong>de</strong> la<br />
pièce.<br />
Les costumes sont typés par rapport à un décor plutôt dépouillé.<br />
Figaro est ici espiègle, quasi bondissant et chantant. Il joue avec le public, brouillant l’illusion<br />
théâtrale.<br />
Le comique <strong>de</strong> la pièce est souligné par la mise en scène (exemple : le comique <strong>de</strong> répétition dans<br />
la scène <strong>de</strong> la Jeunesse et <strong>de</strong> l’Éveillé).<br />
Dans le <strong>de</strong>rnier acte, le décors et le jeu sonore est le reflet <strong>de</strong> la tension qui se joue sur scène<br />
(orage, tonnerre. . .)<br />
105
12 Inventaire <strong>de</strong>s connaissances sur le Roman<br />
12.1 Le roman exprime une vision du mon<strong>de</strong><br />
Le lecteur découvre le point <strong>de</strong> vue du romancier sur son mon<strong>de</strong>, la société. Le roman nous donne<br />
l’image d’une société, ainsi que le point <strong>de</strong> vue, les idées qui la composent et la forgent. Cette vision<br />
peut être une analyse <strong>de</strong> la psychologie <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnes, autant lors <strong>de</strong> la création que <strong>de</strong> la réception<br />
<strong>de</strong> l’œuvre.<br />
12.2 Le roman propose <strong>de</strong>s modèles humains<br />
L’homme est ainsi représenté dans un roman. On y découvre <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages au caractère bien<br />
défini (caractéristiques morales, physiques, psychologiques, passé recréé, relations sociales, etc.). Des<br />
valeurs, <strong>de</strong>s principes, un co<strong>de</strong> moral est présenté - le lecteur est donc amené à réfléchir à ses propres<br />
valeurs, en regard <strong>de</strong> celles <strong>de</strong>s autres <strong>perso</strong>nnages.<br />
12.3 Le roman est porteur d’une critique<br />
Le jugement <strong>de</strong> l’homme s’y effectue à travers la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages. Jugement <strong>de</strong>s<br />
<strong>perso</strong>nnages en eux-mêmes, regard tantôt bienveillant, tantôt critique du romancier.<br />
12.4 Le roman n’en <strong>de</strong>meure pas moins un univers <strong>de</strong> fiction<br />
Il s’agit d’une histoire inventée par l’auteur, à partir <strong>de</strong> faits réels ou imaginaires. Ce déroulement<br />
fictif est généralement nommé intrigue.<br />
12.5 Le roman est un genre littéraire en perpétuelle évolution<br />
Il évolue en parallèle <strong>de</strong> la société, <strong>de</strong> sa culture, <strong>de</strong>s mentalités, <strong>de</strong>s goûts ; il évolue également<br />
dans sa structure formelle (langue, syntaxe, chapitres ou pas, etc. . .<br />
12.6 Le roman exige une construction <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages<br />
Le vécu <strong>de</strong> l’auteur, du lecteur, les faits historiques participent à la genèse, puis à la vision que<br />
l’on a d’une œuvre. Le <strong>perso</strong>nnage <strong>de</strong> roman peut être présenté comme un héros, et représenter un<br />
idéal à atteindre.<br />
Le Personnage <strong>de</strong> Roman : généralités<br />
1. Il peut être un héros et une idole, ou au contraire, un antihéros.<br />
2. Il s’agit d’un être le plus souvent imaginaire.<br />
3. Il possè<strong>de</strong> un caractère en propre.<br />
4. Il peut être le visage d’une certaine réalité (<strong>perso</strong>nnage, du latin <strong>perso</strong>na, "masque".)<br />
5. Il peut néanmoins être calqué sur un modèle, une référence – ou en constituer un archétype.<br />
6. C’est également un être avec <strong>de</strong>s failles, <strong>de</strong>s faiblesses, tout comme <strong>de</strong>s forces et <strong>de</strong>s capacités<br />
particulières.<br />
7. Il est acteur <strong>de</strong> péripéties.<br />
8. Il est confronté à une quête, <strong>de</strong>s choix, un parcours parfois initiatique.<br />
106
13 Les fonctions du portrait pictural<br />
"Marguerite Van Eyck" par Jan Van Eyck, 1439<br />
– Modèle noble<br />
– Épouse du peintre<br />
– Expression neutre<br />
– Absence <strong>de</strong> décor<br />
– Visage mis en exergue par un éclairage frontal<br />
– Tenue vestimentaire aisée, sobre et sans motifs<br />
– Solennité <strong>de</strong> la pose/pause<br />
– Fixation d’un instant<br />
– Front chauve pour mettre en évi<strong>de</strong>nce le visage<br />
"Portrait <strong>de</strong> jeune femme" par Antonio <strong>de</strong>l Pollaiuolo, 1465<br />
– Modèle plus bourgeois<br />
– Figure anonyme<br />
– Portrait idéalisé<br />
– Arrière-plan sobre et bleutée (couleur symbolique <strong>de</strong> la noblesse et <strong>de</strong>s divinités ? Apporte une<br />
forme d’apaisement.)<br />
– Représentation numismatique<br />
– Motifs floraux et végétaux<br />
– Regard fixe <strong>de</strong> dramatisation<br />
– Cheveux attachés, masqués<br />
– Balustra<strong>de</strong> = scène en extérieur<br />
– Une scène nocturne qui apporte une dimension mystique<br />
"Duc <strong>de</strong> Lerma" par Rubens, 1603<br />
– Idéalisation<br />
– Portrait <strong>de</strong> cour, équestre<br />
– Lumière provenant <strong>de</strong> l’arrière-plan qui souligne la mise en scène, plus précisément l’entrée en<br />
scène<br />
– Une forme <strong>de</strong> dramaturgie dans cette entrée<br />
– Représentation en entier, associé au cheval. ? Appartenance à un classe sociale. ? Souligner la<br />
prestance, le pouvoir.<br />
– Offensive du <strong>perso</strong>nnage. Vertus chevaleresques ? Panache du cheval blanc.<br />
– Scène <strong>de</strong> combat en arrière-plan (un décalage ?)<br />
– Cadre végétal qui entoure la représentation<br />
"Portrait <strong>de</strong> Mlle. Guimard" par Fragonard<br />
– Portrait intime et psychologique Personnalité du modèle mise en avant<br />
– Regard vi<strong>de</strong> et rêveur<br />
– Une <strong>perso</strong>nnalité sensible, une pose apprêté. Fixation dans un instant <strong>de</strong> rêverie, qui souligne<br />
sa naïveté.<br />
– I<strong>de</strong>ntificatoire dans sa présence évanescente<br />
"Mme Matisse à la raie verte" par Matisse, 1903<br />
– Fauvisme<br />
– Couleurs pures qui doivent composer et structurer le tableau. La couleur <strong>de</strong>vient le sujet même<br />
du tableau.<br />
– Séparation par un axe vertical, le rouge s’opposant au vert et au bleu.<br />
– Délimitation verte qui renvoie au titre du tableau<br />
107
Figure 2 – "Marguerite Van Eyck" par Jan Van Eyck, 1439<br />
Figure 3 – "Portrait <strong>de</strong> jeune femme" par Antonio <strong>de</strong>l Pollaiuolo, 1465<br />
Figure 4 – "Duc <strong>de</strong> Lerma" par Rubens, 1603<br />
108
– Une forme <strong>de</strong> tension interne au tableau<br />
– Difficulté du choix. Psychologie ambigüe<br />
– Regard qui scrute. Le peintre tire un trait sur le réalisme.<br />
"David-Henry Kahnweiler" par Picasso, 1910<br />
– Fragmentation <strong>de</strong> la forme (Le cubisme analytique).<br />
– Sujet peu visible<br />
– Refus du réalisme pictural. => Éclatement du sujet<br />
– Ce qui rend l’i<strong>de</strong>ntification impossible (opposition totale avec le figuratif)<br />
– Représentation d’une i<strong>de</strong>ntité éclatée<br />
– Quête du sens. => Invitation à scruter. => Une quête euristique.<br />
– Couleur grise : symbole <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité<br />
Sérigraphie <strong>de</strong> Andy Warhol<br />
– Pop-Art : L’art du sériel<br />
– Objectif : médiatiser, en créant à l’i<strong>de</strong>ntique <strong>de</strong>s portraits <strong>de</strong> stars.<br />
– Perte <strong>de</strong> l’originalité<br />
– Actrice <strong>de</strong>vient un produit : dénonciation du Star-system.<br />
109
Figure 5 – "Portrait <strong>de</strong> Mlle. Guimard" par Fragonard<br />
Figure 6 – "Mme Matisse à la raie verte" par Matisse, 1903<br />
Figure 7 – "David-Henry Kahnweiler" par Picasso, 1910<br />
110
Figure 8 – Sérigraphie <strong>de</strong> Andy Warhol<br />
111
14 Entrée dans l’œuvre L’Étranger, Albert Camus (1942)<br />
Qui était Albert Camus ?<br />
– Né en Algérie en 1913 et mort en 1960 à Paris, il traversa la début du XX e siècle.<br />
– Il fut journaliste, romancier (avec L’Étranger en 1942 et La Peste en 1947), dramaturge (Les<br />
Justes, Caligula) et philosophe (Le mythe <strong>de</strong> Sisyphe, 1942).<br />
– Ce fut un écrivain engagé dans le débat politique. (Dénonciation <strong>de</strong> la misère en Algérie,<br />
résistance en 1943).<br />
– Il tient la revue « Combat » après la 2 e guerre mondiale.<br />
– La consécration arriva en 1957, avec la Prix Nobel <strong>de</strong> Littérature pour toute son œuvre.<br />
Genèse <strong>de</strong> L’Étranger, entre roman et philosophie<br />
Au départ, entre 1936 et 1937, Albert Camus déci<strong>de</strong> d’écrire un roman : La mort heureuse. En<br />
parallèle, il prend <strong>de</strong>s notes dans ses carnets pour L’Étranger. En 1938, il abandonne la rédaction <strong>de</strong><br />
La mort heureuse.<br />
En 1940, Camus se rend à Paris (il entre dans le journal Paris-Soir). En seulement <strong>de</strong>ux mois,<br />
il rédige L’Étranger. Ainsi, il écrit dans ses carnets en mai 1940 : « L’Étranger est terminé ». Il<br />
paraîtra en juin 1942, chez Gallimard. La réception est plutôt négative, mais certains philosophes<br />
comme Jean-Paul Sartre, s’attachent à en dire du bien.<br />
Un titre polysémique : L’Étranger<br />
– C’est une référence autobiographique : celui qui vit ailleurs, qui vient d’un autre pays (C’est la<br />
cas <strong>de</strong> Camus en 1940 lorsqu’il arriva à Paris).<br />
– Une approche plutôt critique <strong>de</strong> la colonisation. L’étranger, c’est la <strong>perso</strong>nne qui n’a pas les<br />
mêmes coutumes.<br />
– L’Étranger, c’est un individu particulier, marginal à sa propre condition d’homme. Celui qui<br />
est autre => l’altérité.<br />
Le patronyme du <strong>perso</strong>nnage principal : Meursault<br />
– Pseudonyme d’Albert Camus pour signer certains articles<br />
– Prénom neutre, en apparence.<br />
– « Meurs => saut » : saut dans la mort ?<br />
– « Meurs, sot ! » : incitation à la mort, jugement <strong>de</strong> valeur. . .<br />
– « M ?urs d’un sot » : chronique ?<br />
– « sault => Soleil » : Dans la scène du meurtre du roman, le soleil est l’un <strong>de</strong>s éléments<br />
déclencheur <strong>de</strong> la mort.<br />
« Il ne fait rien, d’autre part, rentrant chez lui, se couchant et attendant l’heure du dîner en<br />
fumant. Ainsi toute l’année. Il attend <strong>de</strong> mourir. » => L’image d’un homme en sursis sen attente<br />
<strong>de</strong> la mort.<br />
112
15 L’argumentation et les textes littéraires<br />
La question <strong>de</strong> l’Homme dans les genres <strong>de</strong> l’argumentation<br />
Réflexion anthropologique => La science qui étudie l’homme. Réfléchir sur la condition humaine.<br />
But <strong>de</strong> la philosophie et <strong>de</strong> la formation humaniste qui se veut plus complète.<br />
Elle soulève <strong>de</strong>s questions religieuses, politiques, sociales, éthiques et scientifiques.<br />
L’argumentation ?<br />
L’argumentation a <strong>de</strong>ux buts : persua<strong>de</strong>r et convaincre. C’est la défense d’un point <strong>de</strong> vue par<br />
quelqu’un. Cette défense passe par l’approfondissement du sujet. Sujet qui peut porter sur <strong>de</strong>s faits,<br />
m ?urs, paroles <strong>de</strong> la société ou la défense d’un point <strong>de</strong> vue philosophique. Pour cela, le locuteur<br />
utilisé le registre élégiaque qui consiste à soit fait l’éloge ou le blâme.<br />
Pour argumenter il <strong>de</strong>vra aussi :<br />
– Convaincre par la raison en démontrant ce qu’il avance.<br />
– Il énoncera alors la thèse qui n’est autre que le résumé <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong> l’auteur.<br />
– Persua<strong>de</strong>r par les sentiments.<br />
– Utiliser le registre polémique pour attaquer une idée ou provoquer le débat d’idées.<br />
– Il utilisera une rhétorique particulière qui mettra <strong>de</strong> l’art dans son discours.<br />
– Il apportera une réflexion, un questionnement au lecteur.<br />
– Il structurera son texte en thèse > argument qui illustre la thèse > exemple qui concrétise<br />
l’argument. Ce <strong>de</strong>rnier peut être soit illustratif soit argumentatif.<br />
Œuvres qui traitent <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> l’Homme<br />
– J’accuse <strong>de</strong> Émile Zola<br />
– Fables <strong>de</strong> La Fontaine<br />
– Candi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Voltaire<br />
– Supplément au voyage <strong>de</strong> Bougainville <strong>de</strong> Di<strong>de</strong>rot<br />
– Discours à l’assemblée <strong>de</strong> Victor Hugo<br />
– Mouvement <strong>de</strong>s lumières : apporter la raison avec <strong>de</strong>s auteurs comme Montesquieu, Di<strong>de</strong>rot,<br />
Rousseau et Voltaire.<br />
– Rhinocéros, d ?Eugène Ionesco<br />
– Le mythe <strong>de</strong> Sisyphe <strong>de</strong> Albert Camus<br />
– "France, mère <strong>de</strong>s arts. . ." <strong>de</strong> Joachim Du Bellay<br />
– Éducation <strong>de</strong>s filles par Fénelon<br />
– L’œuvre poétique <strong>de</strong> Victor Hugo<br />
113
Quatrième partie<br />
Suppléments<br />
A Biographies<br />
Joachim Du Bellay (1522-1560)<br />
Joachim du Bellay, orphelin originaire d’une famille <strong>de</strong> noblesse ancienne <strong>de</strong> la région d’Anjou,<br />
fut l’origine <strong>de</strong> la Briga<strong>de</strong>, grâce à sa rencontre avec Pierre <strong>de</strong> Ronsard en 1547.<br />
En 1549, Du Bellay publia, en plus <strong>de</strong> la Défense, L’Olive, un recueil <strong>de</strong> sonnets amoureux<br />
s’inspirant du style pétrarquiste. De 1553 à 1557, le poète effectua un voyage à Rome avec son cousin<br />
le Cardinal Jean Du Bellay, où il exécutait <strong>de</strong>s tâches administratives. Ce travail ennuyeux le lassa<br />
vite, <strong>de</strong> même que la ville italienne elle-même le déçu <strong>de</strong> par ses ruines et son faste.<br />
Cet exil <strong>de</strong> quatre ans, durant lesquels il écrivit Les Antiquités <strong>de</strong> Rome et Les Regrets, le marqua<br />
profondément. A son retour à Paris, en 1558, il publia ces <strong>de</strong>ux recueils. Sourd et <strong>de</strong> plus en plus<br />
affaibli par la maladie, il décéda le premier janvier 1560.<br />
— Élise Noël<br />
Henri Michaux - Poète (1899 – 1984)<br />
Après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s chez les jésuites en Belgique, Henri Michaux s’engage dans la marine en tant<br />
que matelot.<br />
À vingt-cinq ans, il s’installe à Paris et s’intéresse à la peinture et au <strong>de</strong>ssin, parallèlement à<br />
l’écriture. Naturalisé français en 1955, il <strong>de</strong>vient poète et peintre.<br />
Il parcourt le mon<strong>de</strong> et écrit <strong>de</strong>s carnets <strong>de</strong> voyages (Un barbare en Asie, 1933), <strong>de</strong>s recueils <strong>de</strong><br />
poèmes en prose ou en vers libres (Plume, 1938), mais aussi <strong>de</strong>s récits <strong>de</strong> ses expériences avec les<br />
drogues (la mescaline, notamment) dans Connaissance par les gouffres (1961).<br />
S’il est proche <strong>de</strong>s surréalistes, on ne peut le classer dans aucun mouvement. Sa poésie s’efforce<br />
d’explorer l’être humain comme le suggère le titre <strong>de</strong> son recueil L’<strong>Espace</strong> du <strong>de</strong>dans (1944).<br />
Œuvres principales<br />
– Qui je fus, 1927<br />
– Un barbare en Asie, 1933<br />
– L’<strong>Espace</strong> du <strong>de</strong>dans, 1944<br />
– Connaissance par les gouffres, 1961<br />
Charles Bau<strong>de</strong>laire - Poète (1821 – 1867)<br />
Les divers écrits <strong>de</strong> Charles Bau<strong>de</strong>laire résonnent <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> dans qu’il mène à Paris, mais aussi<br />
<strong>de</strong>s conflits familiaux et <strong>de</strong>s tiraillements moraux qui jalonnent son histoire.<br />
Influencé par les Romantiques et les Parnassiens, il fait scandale avec son recueil <strong>de</strong> poème Les<br />
Fleurs du Mal, publié en 1857, puis en 1861. Il évoque dans ses poèmes ses souvenirs <strong>de</strong> voyage (il<br />
s’est rendu en 1841 à l’île Maurice puis à l’île <strong>de</strong> la Réunion ? « l’île Bourbon » ? ), les femmes qu’il<br />
a aimées (Jeanne Duval, Marie Daubrun et Apollonie Sabatier), et bien d’autres thèmes qui le font<br />
condamner pour « outrages à la morale publique et aux bonnes m ?urs ».<br />
Son ?uvre poétique prend ensuite la forme originale <strong>de</strong>s Petits Poèmes en prose, publiés en 1869.<br />
Journaliste et critique d’art (Salons <strong>de</strong> 1845, 1846 et 1859 ), Bau<strong>de</strong>laire a aussi traduit <strong>de</strong>s ?uvres<br />
d’Allan Poe (notamment les Histoires extraordinaires en 1847).<br />
Nicolas Boileau (1636 – 1711)<br />
Né dans la famille d’un juriste parisien, Nicolas Boileau <strong>de</strong>vient avocat après avoir étudié le droit<br />
et la théologie. Cependant, il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> se consacrer à l’écriture. Ses premières ?uvres s’orientent vers<br />
l’analyse et la critique <strong>de</strong>s m ?urs ou <strong>de</strong> la littérature.<br />
114
Il rédige <strong>de</strong>s Satires (1660-1701) et <strong>de</strong>s Épîtres (1669-1965). Protégé par le roi, au même titre que<br />
le fut La Fontaine, il est d’abord nommé historiographe <strong>de</strong> Louis XIV en 1677, avant d’être nommé<br />
à l’Académie française en 1684.<br />
Il s’engage dans « La Querelle <strong>de</strong>s Anciens et <strong>de</strong>s Mo<strong>de</strong>rnes » et prend le parti <strong>de</strong>s Anciens. Dans<br />
L’Art poétique (1674), il dé ?nit les grands principes <strong>de</strong> l’esthétique classique.<br />
Paul Verlaine - Poète (1844 – 1896)<br />
Paul Verlaine se veut l’héritier <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>laire et <strong>de</strong>s Parnassiens. Son premier recueil, les Poèmes<br />
saturniens, 1866, re ?ète ces in ?uences. En 1870, il publie La Bonne chanson, comportant <strong>de</strong>s poèmes<br />
dédiés à celle qu’il vient d’épouser, Mathil<strong>de</strong> Mauté. Sa rencontre avec Arthur Rimbaud, en 1871,<br />
marque un tournant <strong>de</strong> sa vie. Il est condamné et emprisonné en 1873 pour avoir blessé par balle cet<br />
ami.<br />
Ses conceptions poétiques originales s’affirment dans « Art poétique », écrit en 1874 et publié<br />
dans Jadis et naguère (1884) ; il y revendique « <strong>de</strong> la musique avant toute chose ».<br />
Il ouvre la voie au Symbolisme et fait connaître ceux que son ouvrage appelle les « Poètes Maudits<br />
» : Corbière, Mallarmé et Rimbaud.<br />
Beaumarchais - Dramaturge, XVIII e siècle<br />
Né en 1739 et mort en 1799. Sort d’étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> droit, sur les affaires économiques et la justice.<br />
Il décida en parallèle à son travail d’écrire du théâtre (dramaturge) avec ses <strong>de</strong>ux premières ?uvres :<br />
Eugénie ou la Vertu du désespoir (1767) et Les <strong>de</strong>ux amis ou le Négociant <strong>de</strong> Lyon (1770). Il est<br />
protégé par un proche <strong>de</strong> Louis XIV<br />
Le Barbier <strong>de</strong> Séville fut censurée en 1774, échec en 1775 lors <strong>de</strong> ses premières représentations,<br />
Beaumarchais revois sa copie, qui lui est un succès.<br />
Le Mariage <strong>de</strong> Figaro, sa suite, fut censurée six fois et ne fut jouée qu’en 1784. Enfin la fin <strong>de</strong><br />
ce triptyque, L’autre Tartuffe ou la mère coupable, est joué en 1792, mais ne <strong>de</strong>vin un succès qu’en<br />
1797.<br />
Autrement, il fon<strong>de</strong> « La société <strong>de</strong>s auteurs dramatiques », première a géré le droit d’auteur.<br />
Publie aussi une édition intégrale <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> Voltaire (1784-1789), Tartare, un livret d’opéra<br />
(1787).<br />
Son œuvre revendique les opprimés (ie. le Tiers-État) : Le mariage <strong>de</strong> Figaro est un exemple <strong>de</strong><br />
la lutte <strong>de</strong>s classes.<br />
Œuvres principales<br />
– Eugénie ou la Vertu du désespoir (1767)<br />
– Les <strong>de</strong>ux amis ou le Négociant <strong>de</strong> Lyon (1770)<br />
– Le Barbier <strong>de</strong> Séville (1775)<br />
– Le Mariage <strong>de</strong> Figaro (1784)<br />
– L’autre Tartuffe ou la mère coupable (1792)<br />
Michel <strong>de</strong> Montaigne<br />
Michel <strong>de</strong> Montaigne (XVI e siècle) est né en 1533 : il est issu d’une famille <strong>de</strong> riches négociants<br />
bor<strong>de</strong>lais. Il siégera cinq ans au parlement <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. En 1580, il publia ses Essais, son seul et<br />
unique succès littéraire. En 1581, il <strong>de</strong>vint maire <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Durant ce laps <strong>de</strong> temps, il continua à<br />
écrire dans ses Essais et à amplifier son contenu. On peut le qualifier d’écrivain humaniste, influencé<br />
par la pensée antique.<br />
115
B Méthodologie<br />
B.1 Plan-type <strong>de</strong> commentaire<br />
Ne pas oublier d’adapter ce plan au sujet et au texte : pas <strong>de</strong> plaquage <strong>de</strong> plan !<br />
Pensez toujours à lier le fond et la forme du texte !<br />
1. Le genre littéraire, son mouvement<br />
(a) Composition du texte<br />
(b) Situation d’énonciation / Thématique via les champs lexicaux<br />
(c) L’intervention et le statut du locuteur (en opposition, selon les cas, à l’auteur)<br />
2. Registres, effets et thèmes abordées<br />
(a) Registre 1<br />
(b) Registre 2<br />
(c) Registre didactique ? Transmettre une idée<br />
3. Portée symbolique du texte, pouvoirs <strong>de</strong> l’écriture, fonctions du langage et messages<br />
(a) Fonction <strong>de</strong> l’écriture (À quoi cela sert-il ? Quel est l’originalité, la dimension atypique du<br />
texte ? En quoi cela interroge-t-il le genre littéraire tout entier ?)<br />
(b) Esthétique du texte ? La question <strong>de</strong> la beauté ?<br />
(c) Le mélange <strong>de</strong>s genres au sein du texte (si possible)<br />
(d) La dimension philosophique du texte (tremplin vers la Terminale)<br />
B.2 Paragraphes-types <strong>de</strong> dissertation<br />
La poésie<br />
– Expression <strong>de</strong>s sentiments => Registre lyrique<br />
– Satire et critique sociale<br />
– Jeu avec le langage<br />
– Transmission d’un enseignement<br />
– Transposer et transcen<strong>de</strong>r le réel<br />
– Émotions du lecteur<br />
– Musicalité et rythme<br />
– Formalités et codifications<br />
– Symboles<br />
– La catharsis ; la purgation <strong>de</strong>s passions<br />
– Un voyage => Accès à une forme d’ailleurs<br />
– Plaisir à la lecture<br />
Le théâtre<br />
– Un art total<br />
– Dénonciation <strong>de</strong> la société<br />
– Catharsis du spectateur <strong>de</strong> tragédie<br />
– Réflexion dur le langage, sur l’échange et la communication entre les individus<br />
– Illusion, rituel magique<br />
– « Plaire et instruire », plaisir du genre théâtral<br />
– Un genre littéraire double : texte et représentation<br />
– Double énonciation dans le théâtre : mise en abyme<br />
– Théâtralité et scénographie (rappeler le nom <strong>de</strong> quelques metteurs en scènes)<br />
– Réflexion sur la condition humaine<br />
– Question du conflit et <strong>de</strong> l’affrontement<br />
116
Le roman<br />
– Héros et antihéros<br />
– Portraits porteurs <strong>de</strong> valeurs<br />
– Critique sociale<br />
– Parcours initiatique d’un <strong>perso</strong>nnage (quête ontologique)<br />
– Évolution <strong>de</strong>s <strong>perso</strong>nnages<br />
– I<strong>de</strong>ntification du lecteur<br />
– Thèse du roman<br />
– Imiter ou dépasser le réel ?<br />
– Fonctions <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription (visualisation cinématographique)<br />
– Découverte d’un point <strong>de</strong> vue sur le mon<strong>de</strong><br />
– Un genre trans-générique et hybri<strong>de</strong><br />
L’argumentation<br />
– Argumentation directe et indirecte<br />
– Convaincre et persua<strong>de</strong>r<br />
– Le regard <strong>de</strong> l’autre sur l’autre, une réflexion dur l’altérité<br />
– Subjectivité et prise <strong>de</strong> position : engagement <strong>de</strong> l’écrivain<br />
– Dimension oratoire et protéiforme<br />
– Quête <strong>de</strong> la sagesse et du bonheur, une réflexion philosophique<br />
– Contextualisation et rapport avec l’Histoire<br />
– Stratégie argumentative (inductive ou déductive ?)<br />
– Rhétorique <strong>de</strong> l’exemple (argumentatif ou illustratif ?)<br />
– Conditions <strong>de</strong> réception par le lecteur et la société<br />
– Utilisation du registre polémique, créateur du débat d’idée, invitant le lecteur à prendre position<br />
C Lexique<br />
Genre littéraire ensemble d’ ?uvres présentant <strong>de</strong>s caractéristiques formelles communes (nouvelle,<br />
théâtre, poésie, roman, autobiographie, genre épistolaire, contes, essais, fables. . .)<br />
Disposition typographique mise en page<br />
Rhétorique art <strong>de</strong> la parole, art d’utiliser les figures <strong>de</strong> style<br />
Allégorie <strong>perso</strong>nnification d’une représentation symbolique<br />
Anaphore répétition d’un même mot ou d’une même phrase en début <strong>de</strong> phrase, vers. . .<br />
Élégie lamentation, expression <strong>de</strong> sentiments tristes ( ? élégie = prière)<br />
Registre littéraire ensemble <strong>de</strong>s procédés d’écriture visant à faire passer une émotion, pensée, idée,<br />
etc. . ., au lecteur.<br />
Topos "lieu commun" en grec, thème récurrent en littérature<br />
Emphatique tournure très pompeuse pour capter l’attention<br />
Anthropomorphisme mot qui se rapporte à l’humain utilisé pour un animal ou un objet<br />
Paronomase rapprochement phonétique entre <strong>de</strong>ux termes<br />
Néologisme mot inventé<br />
Épopée texte long, en prose ou en vers, qui narre les péripéties d’un héros <strong>de</strong>vant accomplir une<br />
quête.<br />
Topoï scènes <strong>de</strong> combat, mouvement <strong>de</strong> foule, scènes visuelles, exploits. . . Thèmes récurrents d’un<br />
genre littéraire (c’est le pluriel <strong>de</strong> topos)<br />
Hétérométrie alternance <strong>de</strong> vers ayant un nombre <strong>de</strong> syllabes différent<br />
Auteur subversif auteur qui va à l’encontre <strong>de</strong>s normes et qui tente d’inculquer <strong>de</strong>s idées à ses<br />
lecteurs sans qu’ils s’en aperçoivent.<br />
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Mouvement littéraire ensemble d’auteurs réunis sur une même pério<strong>de</strong> historique et adoptant <strong>de</strong>s<br />
démarches d’écriture similaires.<br />
Théâtralité "le théâtre moins le texte" (Roland Barthes), tout ce qui touche à autre chose qu’au<br />
texte lui même (mise en scène, sons, lumières, acteurs. . .)<br />
Antiphrase dire le contraire <strong>de</strong> ce que l’on pense dans un but souvent ironique<br />
Anadiplose le <strong>de</strong>rnier mot <strong>de</strong> la phrase <strong>de</strong>vient le premier mot <strong>de</strong> la suivante<br />
Anacoluthe rupture <strong>de</strong> construction syntaxique<br />
Apposition mot apposé à un autre nom : exp. "chef mécanicien" chef est apposé à mécanicien<br />
Deus ex machina « Dieu issu <strong>de</strong> la machine », <strong>perso</strong>nne que nul n’attendait, qui arrive en fin <strong>de</strong><br />
pièce et amène le dénouement avec lui.<br />
Vis comica force comique d’une scène<br />
Apories impasses, difficultés à résoudre un problème.<br />
Parataxe absence <strong>de</strong> connecteurs logiques entre <strong>de</strong>ux phrases.<br />
Onomastique étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s noms propres.<br />
Phatème mot sans référent (ex : "Allô ?")<br />
Épiphore répétition d’un même mot en fin <strong>de</strong> phrase, vers. . .<br />
Épanorthose procédé <strong>de</strong> rétractation qui permet au locuteur <strong>de</strong> revenir sur ses propos<br />
Zeugme association <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mots, reliés syntaxiquement dans un énoncé irréalisable<br />
Adynaton énoncé <strong>de</strong> quelque chose d’irréalisable (ex : quand les poules auront <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts)<br />
Polysyndète accumulation <strong>de</strong> conjonctions <strong>de</strong> coordination<br />
Tautologie répétition d’une même idée en termes différents, redondance.<br />
Anthonomase un nom propre <strong>de</strong>vient un nom commun (ex : tu es un vrai Dom Juan)<br />
Hypotypose <strong>de</strong>scription très précise => tableau littéraire<br />
Physiognomonie fait qu’un <strong>perso</strong>nnage soit décrit <strong>de</strong> manière à faire correspondre ses traits physiques<br />
et <strong>de</strong> caractère.<br />
D’après une compilation <strong>de</strong> Claudia Thivel<br />
Figures <strong>de</strong> style usuelles<br />
La comparaison rapprocher <strong>de</strong>ux réalités en mettant en évi<strong>de</strong>nce un point commun. Elle comporte<br />
un outil comparatif, un comparé et un comparant, et fait apparaître <strong>de</strong>s similitu<strong>de</strong>s souvent<br />
inattendues. ?La lune / Comme un point sur un i ? [La métaphore] est une comparaison implicite<br />
(sans outil comparatif). ?L’or <strong>de</strong>s blés ?. Elle est filée si elle continue sur plusieurs lignes.<br />
Plusieurs images apparaissent alors.<br />
Allégorie (féminin) : Figuration d’une abstraction (exemples : l’Amour, la Mort) par une image,<br />
un tableau, souvent par un être vivant.<br />
Allitération (féminin) : C’est la répétition <strong>de</strong> sons i<strong>de</strong>ntiques. À la différence <strong>de</strong> l’assonance, le<br />
terme « allitération » est réservé aux répétitions <strong>de</strong> consonnes. Exemples : « Pour qui sont ces<br />
serpents qui sifflent sur vos têtes ? » (Racine, Andromaque, V, 5) ou encore « La chasseresse<br />
sans chance / <strong>de</strong> son sein choie son sang sur ses chasselas » (Desnos, Corps et biens, « Chanson<br />
<strong>de</strong> chasse »).<br />
Anaphore (féminin) : Une anaphore est un procédé qui consiste à commencer par le même mot les<br />
divers membres d’une phrase. Exemple dans Horace <strong>de</strong> Corneille (acte IV, scène 6) : « Rome,<br />
l’unique objet <strong>de</strong> mon ressentiment ! / Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant ! /<br />
Rome qui t’a vu naître, et que ton c ?ur adore ! / Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !<br />
»<br />
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Antiphrase (féminin) : Procédé qui consiste à exprimer une idée par son contraire. L’ironie repose<br />
souvent sur l’antiphrase. Ainsi, « Tes résultats au bac sont vraiment exceptionnels ! » dans le<br />
sens <strong>de</strong> « Tes résultats au bac sont vraiment catastrophiques. » est une antiphrase.<br />
La périphrase remplace un mot par un groupe nominal. ?Le billet vert ? renvoie au dollar.<br />
Assonance (féminin) : C’est la répétition d’une même voyelle dans une phrase ou un vers. Exemple<br />
dans Poèmes saturniens <strong>de</strong> Verlaine (« Mon rêve familier ») : « Je fais souvent ce rêve étrange<br />
et pénétrant [ ?] ».<br />
L’oxymore associe dans un même groupe nominal <strong>de</strong>ux mots très éloignés.<br />
L’antithèse oppose <strong>de</strong>ux idées dans <strong>de</strong>s tournures plutôt symétriques.<br />
Euphémisme (masculin) : L’euphémisme est une figure très connue qui consiste à remplacer une<br />
expression littérale (idée désagréable, triste) par une forme atténuée, adoucie. Exemple canonique<br />
: « Il a vécu. » pour « Il est mort ».<br />
La litote consiste à dire le moins pour exprimer le plus ?Va, je ne te hais point ?<br />
L’hyperbole est une exagération volontaire qui amplifie une idée.<br />
L’accumulation développe une idée, un thème avec tout un tas <strong>de</strong> qualificatifs. Aussi appelé énumération.<br />
Gradation (féminin) : on fait se suivre dans une même phrase ou un même vers <strong>de</strong>s termes <strong>de</strong> plus<br />
en plus forts (gradation ascendante) ou <strong>de</strong> moins en moins fort (<strong>de</strong>scendante) Ex : Va, cours,<br />
vole et nous venge ! Corneille<br />
Hypallage (féminin) : Une hypallage est une figure qui attribue à certains termes d’un énoncé ce<br />
qui <strong>de</strong>vrait logiquement être rattaché à d’autres termes <strong>de</strong> cet énoncé. Exemple dans Phèdre<br />
<strong>de</strong> Racine (Acte IV, scène 1) : « Phèdre mourait. Seigneur, et sa main meurtrière / Éteignait<br />
<strong>de</strong> ses yeux l’innocente lumière. » (Pour « la lumière <strong>de</strong> ses yeux innocents »).<br />
Harmonie imitative (féminin) : assonance ou allitération dont les sons évoquent ce dont parle le<br />
fond (le fond et la forme se rejoignent).<br />
Métonymie (féminin) : La métonymie consiste à désigner un objet ou une idée par un autre terme<br />
que celui qui lui convient. La compréhension se fait grâce à une relation <strong>de</strong> cause à effet entre<br />
les <strong>de</strong>ux notions (exemple : « boire la mort » pour « boire le poison »), ou <strong>de</strong> contenant à<br />
contenu (exemple : « boire un verre » pour « boire le contenu d’un verre »).<br />
Personnification (féminin) : La <strong>perso</strong>nnification attribue à une chose abstraite les propriétés d’un<br />
être animé (homme, animal). Cf. La Fontaine.<br />
Prosopopée (féminin) : figure par laquelle l’orateur ou l’écrivain fait parler et agir un être inanimé,<br />
un animal, une <strong>perso</strong>nne absente ou morte.<br />
Stichomythie (féminin) : La stichomythie est la partie du dialogue, au théâtre, où les interlocuteurs<br />
se répon<strong>de</strong>nt vers pour vers. C’est en fait la succession <strong>de</strong> répliques <strong>de</strong> même longueur.<br />
Synecdoque (féminin) : c’est une forme particulière <strong>de</strong> métonymie. Elle consiste à désigner un être<br />
ou un objet par un mot désignant une partie <strong>de</strong> cet être ou <strong>de</strong> cet objet. Ex : « Acheter un<br />
vison » pour « Acheter un manteau fait en peau <strong>de</strong> vison ». « C’était une confusion, un fouillis<br />
<strong>de</strong> têtes et <strong>de</strong> bras qui s’agitaient ». Zola (= <strong>de</strong> <strong>perso</strong>nnes)<br />
Zeugma ou attelage (masculin) : Procédé stylistique consistant à rattacher syntaxiquement à un<br />
mot polysémique <strong>de</strong>ux compléments (ou plus) qui ne se construisent pas <strong>de</strong> la même façon ou<br />
qui ne correspon<strong>de</strong>nt pas au même emploi <strong>de</strong> ce mot. « Vêtu <strong>de</strong> probité candi<strong>de</strong> et <strong>de</strong> lin blanc<br />
»<br />
Merci à Mme Chabira, professeur <strong>de</strong> <strong>Français</strong>, pour cette secon<strong>de</strong> liste<br />
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