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Actualité littéraire<br />
© Fonds CRL<br />
Lisieux > Tanit-Théâtre<br />
Qu’est devenu <strong>le</strong> Pays d’Auge ?<br />
Le Tanit Théâtre invite quatre <strong>au</strong>teurs en résidence dans <strong>le</strong> Pays d’Auge pour une commande d’écriture<br />
sur <strong>le</strong>s mutations de ce territoire. Comédien, musicien, <strong>au</strong>teur dramatique, Christophe Tostain,<br />
qui habite dans <strong>le</strong> Calvados a répondu présent.<br />
Christophe Tostain dirige sa<br />
propre compagnie, Phoenix,<br />
installée à Cormel<strong>le</strong>s-<strong>le</strong>-royal.<br />
Livre/échange : Qu’estce<br />
qui vous a séduit dans<br />
<strong>le</strong> projet du Tanit Théâtre,<br />
« Itinérances » ?<br />
Christophe Tostain : Je<br />
travail<strong>le</strong> depuis longtemps<br />
avec Eric Louviot,<br />
<strong>le</strong> directeur du Tanit. Eric<br />
Louviot porte toujours un<br />
œil attentif sur <strong>le</strong>s activités<br />
<strong>des</strong> êtres qui l’entourent.<br />
Ainsi, je lui ai toujours<br />
donné mes textes<br />
à lire. Je dois dire que je<br />
suis étonné : à chaque fois, ça lui plaisait be<strong>au</strong>coup,<br />
be<strong>au</strong>coup ! Il est éga<strong>le</strong>ment très axé sur <strong>le</strong>s <strong>au</strong>teurs<br />
contemporains. Ce projet, « Itinérances », Éric <strong>le</strong> portait<br />
depuis longtemps.<br />
L/é : Vous avez choisi de travail<strong>le</strong>r sur l’effacement<br />
<strong>des</strong> petites industries et de la vie ouvrière du littoral<br />
<strong>au</strong> profit d’une fréquentation peop<strong>le</strong> et éphémère de<br />
la côte ? Pourquoi ce choix ?<br />
C. T. : En réalité, je n’ai pas choisi ! Les thèmes nous<br />
ont été imposés. En fait, c’est mon texte, Lamineurs * ,<br />
qui a été <strong>le</strong> déc<strong>le</strong>ncheur pour Eric Louviot et lui a<br />
donné l’idée de me réserver ces territoires. Ma commande<br />
d’écriture porte sur Tréfimét<strong>au</strong>x qui fut une<br />
grosse industrie à Dives-sur-mer et qui a fermé fin<br />
1986. L’idée, c’est d’al<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong> territoire, puiser dans<br />
la mémoire ouvrière. Ce qu’il f<strong>au</strong>t savoir, c’est que<br />
depuis, Eurocel, une usine créée pour réintégrer <strong>des</strong><br />
personnes licenciées de Tréfimét<strong>au</strong>x, a <strong>au</strong>ssi fermé ses<br />
portes. Une cité balnéaire a été reconstruite. J’y suis<br />
allé, j’ai trouvé ça très neuf, très vide, très mort.<br />
L/é : Comment al<strong>le</strong>z-vous procéder ?<br />
C. T. : La difficulté est de ne pas réécrire ce qu’on a<br />
déjà écrit, de rebondir différemment. Je me suis rendu<br />
à Dives-sur-mer pour la première fois en octobre der-<br />
nier. C’était la première journée de manifestation du<br />
personnel, pour obtenir <strong>des</strong> indemnités, suite à la fermeture<br />
d’Eurocel. Ce fut très intense. J’ai parlé avec<br />
quelques personnes. Mais lorsque je dis que je suis<br />
<strong>au</strong>teur dramatique, cela devient plus diffici<strong>le</strong>. Je souhaiterai<br />
<strong>au</strong>ssi planter une caméra lors <strong>des</strong> entretiens.<br />
L/é : D’où vient votre intérêt pour la disparition du<br />
monde ouvrier ?<br />
C. T. : C’est vrai que j’avais écrit Lamineurs dans ce<br />
sens-là. Je l’ai écrit suite à la lutte <strong>des</strong> intermittents<br />
et à l’annulation du festival d’Avignon <strong>au</strong>quel j’étais<br />
sensé participer d’ail<strong>le</strong>urs. Je me suis donc retrouvé<br />
<strong>au</strong> cœur de la manifestation, de ce qui polarisait ce<br />
combat cet été-là. J’avais cette révolte en moi, mais il<br />
fallait que je trouve un biais pour l’exprimer. Jusqu’<strong>au</strong><br />
jour où je suis tombé sur un échange entre Ernest-<br />
Antoine Seillière, alors président du MEDEF, et son<br />
vice-président, Denis Kess<strong>le</strong>r. À Kess<strong>le</strong>r qui lui disait<br />
qu’il était un fondeur suite à la réforme de l’industrie<br />
en France, Seillière avait répondu qu’il était en réalité,<br />
un lamineur. Je suis parti de ce mot qui avait pour<br />
moi un trip<strong>le</strong> sens : <strong>le</strong> métier [laminer, c’est réduire<br />
une masse métallique, en feuil<strong>le</strong>s, en lames ou en<br />
barres minces, en comprimant fortement] ; la note de<br />
musique ; la jeune fil<strong>le</strong>. À la mise en scène, je voulais<br />
intégrer de la vidéo. En filmant notamment <strong>des</strong><br />
images d’usine. À l’époque, Moulinex à Cormel<strong>le</strong>s<strong>le</strong>-Royal<br />
était déjà fermé. J’ai rencontré <strong>des</strong> anciens<br />
employés qui s’y réunissaient régulièrement. Et j’ai<br />
vu à quel point combien être victime d’un plan social<br />
pouvait être <strong>des</strong>tructeur. Sur <strong>le</strong> plan familial, mais<br />
<strong>au</strong>ssi individuel et psychologique. Il y a une inhumanité<br />
fondamenta<strong>le</strong>, inacceptab<strong>le</strong>. Et de mon côté, je<br />
ne peux écrire que s’il y a révolte, <strong>au</strong> départ. El<strong>le</strong> est<br />
mon moteur.<br />
Propos recueillis par Nathalie Col<strong>le</strong>vil<strong>le</strong><br />
* Lamineurs est paru <strong>au</strong>x éditions 34.<br />
http://christophe.tostain.free.fr<br />
mars 2009 - livre / échange 4<br />
« Itinérances »,<br />
résidences d’<strong>au</strong>teurs<br />
et comman<strong>des</strong> d’écriture<br />
Ce nouve<strong>au</strong> projet, conçu par Eric Louviot<br />
et coordonné par la dramaturge Véronique<br />
Piantino, est lié « à la mutation <strong>des</strong> territoires,<br />
à <strong>le</strong>ur nouvel<strong>le</strong> logique, à la perte <strong>des</strong><br />
traditions ouvrières et agrico<strong>le</strong>s, <strong>au</strong>x abandons<br />
<strong>des</strong> ressources historiques pour répondre à un<br />
besoin d’image et de représentation, comme la<br />
vitrine d’un pays mis sous verre, vite regardé et<br />
traversé par la horde <strong>des</strong> touristes saisonniers.<br />
Mais dans cet arrière pays d’Auge, maintenant<br />
presque pays inférieur, comme on disait jadis,<br />
que deviennent <strong>le</strong>s laissés pour compte, comment<br />
vivent ceux dont <strong>le</strong>s professions deviennent<br />
obsolètes dans cette société ? Où vont-ils ,<br />
que vivent-ils ? C’est pour essayer de rencontrer<br />
« ceux-là » que <strong>le</strong> Tanit Théâtre a demandé<br />
à quatre <strong>au</strong>teurs de s’imprégner de <strong>le</strong>ur<br />
quotidien pour piocher, récolter, faire ressurgir<br />
ces témoins du déjà presque passé. »<br />
Les trois <strong>au</strong>tres <strong>au</strong>teurs invités à écrire par <strong>le</strong><br />
Tanit Théâtre sont Bruno Allain, Serge Val<strong>le</strong>tti<br />
et Eugène Durif. Il est possib<strong>le</strong> de suivre<br />
l’évolution du projet sur <strong>le</strong> blog dédié :<br />
http://tanit-itinerances.blogspot.com/<br />
Les <strong>au</strong>teurs seront en résidence d’écriture<br />
jusqu’en juin 2009. Et devront remettre <strong>le</strong>urs<br />
textes en octobre 2009. Les créations se feront<br />
sur la deuxième saison entre novembre 2009<br />
et mars 2010.<br />
En attendant, rendez-vous <strong>le</strong> 21 mars sur<br />
<strong>le</strong> marché et dans la médiathèque de Lisieux,<br />
de 10h à 13h et de 15h à 16h, pour écouter<br />
notamment <strong>des</strong> <strong>le</strong>ctures théâtralisées <strong>au</strong>tour<br />
du monde rural à partir d’extraits <strong>des</strong> œuvres<br />
<strong>des</strong> quatre écrivains associés <strong>au</strong> projet.<br />
Renseignements <strong>au</strong> Tanit Théâtre <strong>au</strong> 02 31 62 66 08.<br />
ùwww.tanit-theatre.com<br />
Caen > Événement<br />
Le Ren<strong>au</strong>dot attribué à Tierno Monénembo<br />
L’écrivain qui réside à Caen depuis plusieurs années s’est vu remettre <strong>le</strong> Prix Ren<strong>au</strong>dot<br />
pour son dernier roman Le Roi de Kahel, paru <strong>au</strong> Seuil.<br />
Né en Guinée, pays qu’il a fui à l’âge de 22 ans,<br />
Tierno Monénembo a posé ses valises à Caen après<br />
avoir vécu <strong>au</strong> Sénégal puis en Côté d’Ivoire. Il rejoint<br />
la France en 1973 et obtient un doctorat en biochimie<br />
à Lyon. « L’Envie d’écrire vient avec <strong>le</strong> goût de <strong>le</strong>cture ;<br />
ceux qui lisent finissent par écrire. On ne peut pas<br />
écrire sans lire. Mon père écrivait. Il n’a publié que<br />
<strong>des</strong> nouvel<strong>le</strong>s dans une revue suisse dans <strong>le</strong>s années<br />
cinquante ; <strong>le</strong> reste, il a tout brûlé, c’était l’époque de<br />
Sékou Touré. Peut-être que <strong>le</strong> goût de l’écriture vient<br />
<strong>au</strong>ssi de mon père… » confiait-il à Livre/échange, en<br />
février 2003.<br />
L’Afrique est en grande partie <strong>au</strong> cœur de l’œuvre<br />
romanesque de Tierno Monénembo : L’Aîné <strong>des</strong><br />
orphelins s’intéressait <strong>au</strong> génocide rwandais, Peuls<br />
retrace l’histoire de ce peup<strong>le</strong>… Le Roi de Kahel est<br />
la biographie romancée d’un <strong>des</strong> pionniers de la<br />
ù<br />
colonisation de l’Afrique noire, Olivier de Sanderval.<br />
Mais outre un territoire, son histoire, c’est une écriture<br />
dense, rythmée, foisonnante qui caractérise l’œuvre<br />
de cet écrivain. Le Roi de Kahel, son neuvième<br />
roman publié <strong>au</strong> Seuil, <strong>le</strong> confirme : c’est un véritab<strong>le</strong><br />
roman d’aventures qui tient son <strong>le</strong>cteur en ha<strong>le</strong>ine.<br />
Biographie romancée, Le Roi de Kahel s’intéresse à<br />
Olivier de Sanderval, bourgeois et industriel français,<br />
qui nourrissait <strong>le</strong> rêve fou de coloniser <strong>le</strong> Fouta Djalon,<br />
<strong>au</strong> centre de la Guinée actuel<strong>le</strong>. Bien qu’il ait choisi<br />
la forme romanesque, Tierno Monénembo a puisé<br />
dans <strong>le</strong>s archives, compulsé <strong>le</strong>s carnets de voyage<br />
de Sanderval. Une posture nouvel<strong>le</strong> dans l’exploration<br />
africaine de la colonisation.<br />
ù<br />
Le Roi de Kahel, Tierno Monénembo (Seuil, 2008)<br />
Tierno Monénémbo <strong>au</strong>près de L<strong>au</strong>rent Be<strong>au</strong>vais, président de la<br />
Région Basse-Normandie qui l’a reçu en décembre dernier.<br />
© E.Biernacki