par Patricia Spinelli - Association Montessori France
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Conférences<br />
Le Le Le développement développement de de l’enfant<br />
l’enfant<br />
Propositions Propositions <strong>Montessori</strong>ennes<br />
<strong>Montessori</strong>ennes<br />
pour pour l’enfant l’enfant de de 0 0 à à 6 6 ans<br />
ans<br />
<strong>par</strong> <strong>Patricia</strong> <strong>Spinelli</strong> - directrice de l’ismm<br />
Nous venons d’écouter Madame ATHANASIOU nous relater au cours d’un exposé précis autant que brillant, le<br />
cheminement qui, tout à la fois, mène et permet à l’enfant d’accéder aux apprentissages d’une manière vivante afin<br />
que celui-ci ait une « tête bien faite » plutôt qu’une « tête bien pleine » : « Apprendre, ceci ouvre sur le champ du<br />
lien profond entre moi et les êtres qui m’entourent au dedans et au dehors de moi-même » C.A.<br />
Ce champ là est vaste, nous avons commencé à l’explorer.<br />
Isabelle et moi dans cette seconde <strong>par</strong>tie de l’après-midi,<br />
avons la dure tâche d’essayer de mettre en perspective ce<br />
qui vient d’être développé et, ce qui constitue notre propre<br />
cadre de référence pour penser l’enfant et son développement<br />
: la pédagogie <strong>Montessori</strong> au regard de l’enfant de<br />
0 à 6 ans.<br />
Pour ce faire et après un temps de réflexion commune,<br />
nous avons décidé d’articuler notre présentation autour de<br />
deux axes fondamentaux et non trois comme généralement<br />
nous les développons dans la pédagogie <strong>Montessori</strong>.<br />
Isabelle traitera de l’observation et de son importance<br />
……..<br />
Quant à moi, je vous propose de faire, refaire le chemin de<br />
l’enfant qui, dans notre perspective montessorienne, me<br />
semble t-il, va de l’activité spontanée au travail, et il je<br />
pense que cela doit orienter notre travail au cours de six<br />
premières années.<br />
Généralement, nous articulons notre travail pédagogique<br />
autour de la prise en compte de trois facteurs essentiels<br />
qui constituent les piliers de notre démarche :<br />
L’environnement pré<strong>par</strong>é, l’éducateur et le matériel.<br />
La découverte fondamentale de Maria <strong>Montessori</strong> à la fin<br />
du dix-neuvième siècle, alors qu’elle était encore toute<br />
jeune psychiatre, est celle d’avoir reconnu et affirmé<br />
l’existence d’une vie psychique chez l’enfant qui se<br />
manifeste à travers des voies que nous ne percevons pas<br />
toujours en tant qu’adulte, et qui lui sont propres.<br />
A travers l’acte éducatif il ap<strong>par</strong>tient à l’éducateur de<br />
découvrir, d’observer, de prendre en compte, tant à travers<br />
son attitude qu’à travers les objets qu’il propose à l’enfant,<br />
Le Lien <strong>Montessori</strong> n°39 – mars 2010 10<br />
ces manifestations de la vie psychique et de les<br />
accompagner.<br />
« L’environnement pré<strong>par</strong>é », l’environnement que nous<br />
pré<strong>par</strong>ons, est <strong>par</strong> conséquent cette construction qui va<br />
permette le développement de cette vie psychique et<br />
favoriser ainsi ses voies de manifestation et cela, quel que<br />
soit l’âge de l’enfant.<br />
La personne même de l’éducateur est centrale, certes il est<br />
<strong>par</strong>tie prenante de l’environnement pré<strong>par</strong>é mais il y a une<br />
action <strong>par</strong>ticulière et primordiale à réaliser, l’observation de<br />
l’enfant. Respecter toutes les activités de l’enfant et<br />
chercher à les comprendre, écrira Maria <strong>Montessori</strong> en<br />
s’adressant aux <strong>par</strong>ents dans son livre, l’enfant dans la<br />
famille. Elle nous invite ainsi à observer et <strong>par</strong> là même, à<br />
entrer dans la compréhension de l’enfant et de son activité,<br />
à y chercher du sens, à lui donner du sens.<br />
Le troisième facteur est celui du matériel <strong>Montessori</strong> qui<br />
constitue de véritables aides au développement car ce<br />
sont des objets qui entrent en résonance avec les besoins<br />
intimes de l’enfant, et l’aideront véritablement à accéder à<br />
la naissance, à la construction et l’élaboration de sa vie<br />
psychique, et à son déploiement de la capacité d’agir puis<br />
de penser de l’enfant.<br />
De l’activité spontanée au travail, voilà me semble t-il le<br />
chemin sur lequel il va nous falloir accompagner l’enfant au<br />
cours de ces six premières années.<br />
Maria <strong>Montessori</strong> fait de la vie psychique et de son<br />
développement un préalable à tout autre développement et
Conférences<br />
<strong>par</strong>ticulièrement aux développements moteur et langagier<br />
qui en deviennent les expressions.<br />
« La <strong>par</strong>tie la plus importante du développement de<br />
l’homme siège dans la vie psychique » 1<br />
Elle est donc le point central autour duquel notre attention<br />
doit se mobiliser et notre action se concentrer.<br />
La première des conditions, nous venons de le voir, est la<br />
possibilité pour l’enfant de nouer un lien à sa mère, c’est de<br />
cette relation là que va dépendre la construction d’un<br />
monde interne faisant naître l’enfant à la vie psychique.<br />
Oui, il faut cet enracinement pour que se construise chez<br />
l’enfant la confiance dans l’environnement, véritable<br />
colonne vertébrale psychique sur laquelle va s’étayer le<br />
développement du mouvement et du langage, tout au long<br />
de la première et la deuxième et encore troisième année<br />
de la vie.<br />
L’enfant dans son développement est guidé <strong>par</strong> des<br />
énergies intérieures qui le poussent à se mettre en rapport<br />
avec l’environnement, ce que Maria <strong>Montessori</strong> a<br />
nommé sensibilités intérieures et qui s’expriment dans des<br />
temps définis et limités.<br />
Déjà, dès après le deuxième mois, et grâce à la confiance<br />
en l’environnement que l’enfant a construit en lui à travers<br />
l’intériorisation des premiers liens à sa mère, il peut se<br />
détourner du giron maternel et alors commence<br />
véritablement, de manière discrète, la grande exploration<br />
du monde : d’abord ses mains puis de petits objets placés<br />
au sol tout près de lui.<br />
Nous devons simplifier l’univers de l’enfant et lui offrir un<br />
monde à sa portée et à ses capacités de développement.<br />
Les signes de la véritable activité enfantine ne sont pas<br />
facile à reconnaître, il nous faut être très vigilants pour<br />
observer puis respecter et soutenir <strong>par</strong> notre attention ces<br />
premières activités spontanées et autonomes oserai-je<br />
dire, de l’enfant.<br />
« Le respect de la liberté de l’enfant consiste à l’aider dans<br />
ses efforts pour grandir » 2<br />
Oui, déjà là, nous pouvons <strong>par</strong>ler de liberté de l'enfant,<br />
celle qui consiste justement à le laisser libre de ses<br />
mouvements, de ses petites actions naissantes sur<br />
l'environnement, soutenu qu'il sera <strong>par</strong> notre attention qui<br />
viendra donner du sens à ce qu'il fait : diriger sa main puis<br />
attraper un objet, agiter un hochet, essayer de se retourner<br />
du dos sur le ventre etc …<br />
Accompagnons-le dans ses efforts, ils sont la marque de la<br />
vie en mouvement, ils sont, sous notre regard, le signe<br />
que le corps et la psyché se lient pour donner naissance à<br />
l’être.<br />
Vers six mois, avec<br />
le début du sevrage,<br />
une nouvelle<br />
sé<strong>par</strong>ation se vit<br />
entre l’enfant et sa<br />
mère. Cela coïncide<br />
généralement, sur<br />
le plan moteur,<br />
avec le fait que<br />
l'enfant se met à<br />
ramper.<br />
Nous assistons à une sé<strong>par</strong>ation des corps dans<br />
l’expérience du sevrage et à un premier décollement du<br />
corps, du sol, dans les déplacements de l'enfant.<br />
1 M.MONTESSORI, l’esprit absorbant Ed. DDB, 1959, 1992, p.60<br />
2 M.MONTESSORI, l’enfant dans la famille Ed. DDB, 2007, p. 116<br />
Le Lien <strong>Montessori</strong> n°39 – mars 2010 11<br />
Il se met à babiller, signe de la présence maternelle qui vit<br />
en lui et dont il témoigne <strong>par</strong> les sons qu’il émet.<br />
Vers huit mois, il marche à<br />
quatre pattes, il s'assoit, le<br />
développement de la préhension<br />
lui permet d’agir sur<br />
les objets d’une manière plus<br />
précise, il va chercher un<br />
jouet qui a soudainement<br />
dis<strong>par</strong>u sous un fauteuil ou<br />
derrière un meuble.<br />
Même absente sa mère commence à demeurer vivante en<br />
lui quelque temps.<br />
Autour de dix mois, il pointe du doigt les objets, l’adulte<br />
présent le nomme, le langage se structure en intériorité,<br />
déjà le mot vient en lieu et place de l’objet.<br />
A un an, la marche, la préhension humaine et le langage à<br />
travers les premiers mots intentionnels sont en place.<br />
L’enfant, laissé libre dans son action, manipule les objets<br />
et acquiert ainsi un pouvoir sur le monde que l'explosion<br />
du langage viendra renforcer vers deux ans.<br />
Il explore son environnement, il apprend à connaître les<br />
objets, à distinguer leurs différences, à évaluer leurs<br />
qualités, à préciser sa représentation du monde.<br />
Au tout début de la vie, l’enfant<br />
explorait le monde avec la<br />
bouche, lieu de l’expérience du<br />
monde dans sa totalité, petit à<br />
petit, si l’environnement est<br />
favorable, on assiste à un déplacement<br />
de la bouche vers la<br />
main et alors les mains deviennent<br />
l’organe de l’exploration<br />
et de la connaissance du<br />
monde, prélude de pensées.<br />
On se rend bien compte que toutes ces activités que<br />
l’enfant se donne à lui-même et que nous appelons<br />
activités spontanées sont centrées, pour l’enfant sur son<br />
propre corps dans un premier temps puis vers des objets<br />
extérieurs et servent son développement. S’il a la liberté et<br />
<strong>par</strong> conséquent la possibilité d’agir de manière spontanée<br />
alors déjà, dès le milieu de la deuxième année, l’enfant<br />
grandira avec confiance.<br />
Cette confiance en soi s’étaye sur le sentiment de se sentir<br />
vivant et ce sentiment, il ne l’aura que s’il a eu la possibilité<br />
d’exercer son mouvement de manière autonome, pris<br />
dans une relation aimante faite d’échanges verbaux<br />
signifiants. La confiance en soi s’étaye sur la possibilité<br />
qu’est donné à l’enfant d’habiter son corps. Et habiter son<br />
corps repose tout à la fois sur des activités motrices qui<br />
impliquent le corps tout entier et sur la manière dont<br />
l’entourage va accompagner l’enfant dans ses activités.<br />
C’est ainsi qu’à travers ces actions, il nous montre que<br />
son esprit est actif, que son corps est « vivant », habité <strong>par</strong><br />
un esprit en éveil qui le porte à explorer le monde.<br />
Habiter son corps et explorer le monde, cela ne se réalise<br />
que si l’enfant a eu très tôt la possibilité d’être actif en<br />
présence d’un autre (un adulte) qui le regarde et qui<br />
assure, à ses côtés, une présence qui soutiendra son<br />
activité.<br />
Quand l’enfant atteint l’âge de dix-huit mois, son<br />
l’environnement doit véritablement se modifier.<br />
De notre point de vue ce qui va maintenant étayer son<br />
développement réside dans ce que nous appelons la
Conférences<br />
collaboration de l’enfant avec l’adulte. Cette fois-ci<br />
l’étayage se distancie un peu, si je puis dire. Le tout<br />
premier était autour de l’attention, du regard qui pense,<br />
maintenant il se structure autour de l’action : nous allons<br />
faire ensemble, Nous allons faire ensemble des tâches<br />
communes.<br />
« Aide-moi à faire <strong>par</strong> moi-même ». Oui l’aide à faire <strong>par</strong><br />
soi-même repose sur la possibilité à un moment donné, de<br />
faire avec quelqu’un qui considère que l’action que nous<br />
réalisons ensemble est importante et a du sens pour soi et<br />
les autres. Voilà que la dimension de l’autre ap<strong>par</strong>aît alors<br />
que l’enfant est encore essentiellement centré sur lui.<br />
A la Communauté enfantine, lieu qui accueille les enfants<br />
de la marche assurée à trois ans, nous nous devons de<br />
n’être jamais seuls dans nos actions si je puis dire, l’enfant<br />
doit nécessairement nous accompagner car il y va de son<br />
autonomie ultérieure.<br />
Nous voyons ainsi le premier déplacement, l’activité est<br />
certes laissée à l’initiative de l’enfant mais elle lui est<br />
suggérée. Nous laissons l’enfant prendre le pas s’il en est<br />
capable, il devient l’initiateur de l’action et cela peut<br />
permettre le réveil des énergies intérieures, ce qui fera dire<br />
à Maria <strong>Montessori</strong> que « l’enfant porte en lui, de manière<br />
indélébile la beauté et la dignité de l’esprit créateur. » 3<br />
Le deuxième axe autour duquel notre activité en direction<br />
des enfants de cet âge se développe est ce que nous<br />
appelons « l’effort maximum ».<br />
L'effort maximum se concrétise pour l’enfant dans des<br />
actions telles que porter des objets lourds, tirer ou pousser<br />
sur quelque chose d’imposant. Il s’agit des actions dans<br />
lesquelles sa force est engagée et son effort soutenu. La<br />
plu<strong>par</strong>t du temps, son entourage juge ces activités trop<br />
importantes, ou pas adaptées à son âge, et se précipite<br />
pour l'aider quand il ne les lui interdit pas.<br />
Nous devons vraiment comprendre que l’expérience que<br />
l’enfant fait et qui engage tout son corps, tout son être dans<br />
l’effort qu’il produit pour réaliser une action qu’il s’est<br />
généralement fixée, est d’une extrême importance pour la<br />
suite de son développement. La manière qu'il aura plus<br />
tard d'affronter la vie, de faire face à l’adversité, en dépend.<br />
En effet, si nous laissons l’enfant accomplir son acte<br />
jusqu’au bout, si nous l’encourageons <strong>par</strong>fois verbalement<br />
si cela est nécessaire, alors se fonde en lui, et pour la vie<br />
entière, la certitude qu’avec un effort, un effort certain<br />
<strong>par</strong>fois, le monde lui ap<strong>par</strong>tient.<br />
Avec un effort mené à son terme, il peut aboutir à ce qu’il<br />
souhaite et se dépasser dans certaines circonstances.<br />
Félicitons ces petits enfants qui,<br />
au terme d’un effort, ont réussi à<br />
mettre seuls leurs chaussures,<br />
ont porté à la cuisine une<br />
bouteille d’eau ou encore soulevé<br />
un panier que l’on pensait bien<br />
trop lourd pour eux ! Oui,<br />
félicitons-les, ils construisent en<br />
eux la persévérance et la<br />
certitude qu’avec un effort, ils<br />
réussiront. Ils deviennent ainsi de<br />
véritables conquérants d’un monde qui désormais peut<br />
leur ap<strong>par</strong>tenir - Prélude de la pensée autonome.<br />
L’activité spontanée du tout petit enfant qui le pousse à se<br />
tourner vers son environnement et à agir, guidé qu’il est<br />
<strong>par</strong> des forces intérieures, va peu à peu se transformer et<br />
3 M.MONTESSORI, ’enfant dans la famille, Ed. DDB, 2007, p. 116<br />
Le Lien <strong>Montessori</strong> n°39 – mars 2010 12<br />
devenir un acte ou des actions plus conscientes reliées au<br />
quotidien de l’enfant, certes encore pour lui très autocentrées,<br />
au service de son développement mais déjà<br />
s’inscrivant dans la vie quotidienne de la famille ou de la<br />
Communauté enfantine.<br />
L’enfant grandit et ce n’est pas le nombre des années qui<br />
passent qui poussent à grandir mais bien la possibilité<br />
qu’aura eue l’enfant de faire des expériences et d’agir dans<br />
un environnement à sa mesure.<br />
L’enfant qui arrive vers deux ans et demi/ trois ans à la<br />
Maison des Enfants, autre environnement pré<strong>par</strong>é, si<br />
l’enfant trouve un champ d’actions et d’activités<br />
correspondant à ses exigences intérieures alors il se<br />
réalisera pleinement, nourri <strong>par</strong> ce qu’il trouve. Nous nous<br />
devons dans une Maison des Enfants de soigner tout à la<br />
fois l’environnement et les aides au développement que<br />
nous proposons aux enfants. La beauté des objets est un<br />
véritable appel à l’activité, elle exerce « son attrait sur<br />
l’enfant et se mêle presque aux dispositions de son âme ».<br />
Elle rend l’enfant indépendant pourrait-on dire…. « La joie<br />
et la gaieté de tout enfant suffisamment autonome, sachant<br />
mettre ses chaussures, s’habiller et se déshabiller seul,<br />
nous renvoie le reflet de la dignité humaine. Car la dignité<br />
humaine vient du sentiment de sa propre indépendance. » 4<br />
Les activités de vie pratique que nous proposons à l’enfant<br />
sont les véritables socles sur lesquels reposent le futur du<br />
développement et surtout celui de la pensée.<br />
Maria <strong>Montessori</strong> faisait de la main l’auxiliaire de la<br />
pensée, elle en <strong>par</strong>lait comme d’un cerveau externe : le<br />
petit enfant pense avec ses mains qu’elle qualifiait de<br />
« fouineuses ».<br />
Elle nous a enseigné qu’il y<br />
avait un lien fondamental et<br />
profond entre le travail de la<br />
main et la concentration de<br />
l’esprit sur une tâche, sorte de<br />
déplacement de la main vers la<br />
pensée.<br />
Je voudrais tenter de vous<br />
démontrer, au sens de faire<br />
une démonstration, quel est le<br />
chemin qui mène de la simple manipulation d’un pichet, et<br />
de verser de l’eau dans des verres au véritable travail de<br />
la pensée chez l’enfant.<br />
Qu’elles en sont les étapes et qu’est-ce qui est mobilisé à<br />
ce moment là chez lui, bref qu’est-ce que nous appelons le<br />
travail dans la pédagogie <strong>Montessori</strong>.<br />
Reprenons : l’enfant qui arrive vers trois ans à la Maison<br />
des Enfants, il lui sera proposé des activités simples et<br />
concrètes, reliées à la vie quotidienne, constituées d’objets<br />
vrais (se ne sont pas des jouets) adaptés à sa taille et à sa<br />
force.<br />
D’une manière générale, chaque activité sera présentée à<br />
l’enfant. Ceci a son importance, l’enfant n’est pas laissé<br />
seul face à l’activité. La présentation est pour nous un<br />
moment fondamental du processus qui conduira l’enfant à<br />
l’auto éducation dont <strong>par</strong>lait Maria <strong>Montessori</strong>.<br />
Une présentation est faite à l’enfant, au-delà de la manière<br />
d’utiliser les objets qui est, à travers la présentation,<br />
communiquer à l’enfant il faut bien insister sur le fait que ce<br />
temps de la présentation est le temps de la transmission<br />
d’un geste culturel. C’est une proposition de <strong>par</strong>tager<br />
quelque chose avec d’autres qui est faite à l’enfant.<br />
4 M.MONTESSORI, l’enfant dans la famille, Ed. DDB, 2007, p. 65
Conférences<br />
Alors oui, nous soignons nos gestes, alors oui il nous faut<br />
être explicite, ce sont nos gestes qui <strong>par</strong>lent et à travers<br />
eux tous les membres de la communauté des hommes.<br />
Laissons ensuite l’initiative à l’enfant : il s’exercera, temps<br />
de tâtonnements, faire, défaire, refaire, temps d’appropriation<br />
de ces gestes, véritable temps de la construction<br />
intérieure : l’expérience que l’on désire est dans le<br />
processus qui la permet, ce n’est pas le résultat qui compte<br />
mais ce que l’enfant a construit en lui au cours de son<br />
activité et de sa répétition.<br />
L’activité laissée à l’initiative de l’enfant éveille les énergies<br />
intérieures, les gestes de l’enfant se précisent, tout son<br />
être se fait créateur : il devient conscient de son corps dans<br />
l’espace, il devient conscient de ses gestes dans la vie : le<br />
véritable travail est à l’œuvre.<br />
L’enfant va ensuite aborder les aides au développement<br />
que nous appelons matériel sensoriel auquel on peut<br />
ajouter celui de mathématique, de musique, de sciences<br />
etc…<br />
Avec ce matériel nous changeons quelque peu de niveau<br />
si je puis dire. L’enfant à ce moment-là est déjà capable<br />
d’avoir une activité soutenue <strong>par</strong> l’intérêt que suscitent le<br />
matériel et sa beauté.<br />
Il ne s’agit plus cette fois-ci<br />
d’activités motrices ou centrées sur<br />
le mouvement mais il s’agit de voir,<br />
toucher, entendre, goûter, sentir. Il<br />
s’agit de distinguer entrer ce qui<br />
lisse et ce qui rugueux, discriminer<br />
de subtiles différences de couleur,<br />
préciser sa perception des dimensions<br />
d’une série de cylindres. Nous<br />
entrons dans le monde de la qualité<br />
même du monde, oui, rouge est<br />
différent de bleu, oui tout n’est pas<br />
rouge ou bleu, il y a différentes façons<br />
d’être rouge ou bleu.<br />
Notre présentation du matériel devient plus délicate plus<br />
subtile, il nous faut faire vivre, sentir, bref transmettre à<br />
l’enfant les qualités du monde à travers un échange autour<br />
d’un objet : c’est le monde tout entier que nous lui offrons<br />
Le Lien <strong>Montessori</strong> n°39 – mars 2010 13<br />
avec la possibilité d’exploration que nous ouvrons alors<br />
pour lui et qu’il lui ap<strong>par</strong>tient de vivre. Il nous faut pourtant<br />
être modeste et ne pas trop en faire. L’enfant doit avoir<br />
ensuite tout son espace d’exploration, de recherche, de<br />
découverte, d’appropriation. C’est non seulement le<br />
monde qu’il explore mais c’est aussi sa propre réalité<br />
interne qu’il expose et qu’il nous dévoile d’une certaine<br />
manière.<br />
Il nous faut être vigilants pour ne pas enfermer l’enfant<br />
dans un manière de faire qui réduirait sa propre activité : le<br />
matériel est un point de dé<strong>par</strong>t à l’activité exploratoire de<br />
l’enfant. Laissons-lui cet espace pour que l’apprentissage<br />
ne se réduise pas à emmagasiner des réponses avant que<br />
les questions n’aient été posées. Comme nous le disait<br />
justement Madame ATHANASIOU<br />
La main est engagée dans la manipulation du matériel,<br />
l’esprit est actif et engagé dans la recherche du cube, ou<br />
de la couleur qu’il convient d’ajouter, de juxtaposer au<br />
précédant ou au suivant, l’intelligence est en éveil, Alors,<br />
petit à petit l’attention de l’enfant se concentre sur son<br />
activité. Point d’orgue. Nous alors pouvons véritablement<br />
<strong>par</strong>ler de travail chez l’enfant. Il a pris conscience de son<br />
corps et de ses gestes dans un premier temps et<br />
maintenant il est dans un « ici et maintenant », dans une<br />
présence au monde dont il fait l’expérience : ajuster des<br />
solides <strong>par</strong> couleur et <strong>par</strong> forme. Son rapport au monde se<br />
construit et sa conscience du d’Être au monde se<br />
construit tout autant car à ce moment-là on pourrait peut-<br />
être dire que l’enfant crée l’objet à travers l’activité qu’il lui<br />
donne. C’est cela que nous appelons, me semble-t-il, le<br />
travail dans la pédagogie <strong>Montessori</strong>.<br />
De l’activité spontanée au travail, un long chemin de<br />
construction qui mènera l’enfant à pouvoir penser <strong>par</strong> luimême<br />
s’il a pu agir <strong>par</strong> lui-même et que ses actes ont pris<br />
sens pour un autre et pour lui. Madame ATHANASSIOU<br />
nous en a montré les dimensions inter et intra psychiques<br />
si je puis dire, Isabelle et moi avons essayé de vous<br />
exposer ce qui nous semblait être la dimension<br />
montessorienne de ce travail et comment nous pouvons<br />
accompagner l’enfant.<br />
L’observation<br />
L’observation L’observation :<br />
Un Un Un acte acte éducatif éducatif primordial<br />
Par Isabelle Séchaud<br />
Bien que se situant sur des plans différents, Mesdames Cléopâtre Athanassiou et <strong>Patricia</strong> <strong>Spinelli</strong> ont toutes deux évoqué la<br />
nécessité du regard de l’adulte pour que l’activité de l’enfant prenne sens : la pensée qu’elle suscite chez l’adulte qui y<br />
recherche du sens, étayera l’émergence du sens et de la pensée chez l’enfant.
Conférences<br />
Dans les propos que nous avons entendus, il me semble<br />
cependant que le regard de l’adulte est loin d’être toujours<br />
le même, dans ce regard s’expriment différents états de<br />
l’attention de l’adulte vis-à-vis de l’enfant, qui mènent à<br />
différents registres d’élaboration et à des actes éducatifs<br />
différents.<br />
Reprenons un extrait des propos de <strong>Patricia</strong> <strong>Spinelli</strong> : « Les<br />
signes de la véritable activité enfantine ne sont pas faciles<br />
à reconnaître, il nous faut être vigilants pour observer puis<br />
respecter et soutenir <strong>par</strong> notre attention les premières<br />
activités spontanées et autonomes… » Il semblerait que<br />
notre regard passe de l’effort pour reconnaître quelque<br />
chose qui à priori ne saute pas aux yeux, en l’occurrence,<br />
« la véritable activité enfantine », à une vigilance qui nous<br />
permet d’observer. De l’observation émerge ensuite une<br />
attitude de respect et de soutien vis-à-vis de cette activité<br />
enfantine, cette attitude est elle-même un acte éducatif très<br />
subtil puisqu’il s’agit du maintien de l’attention plutôt que<br />
d’une intervention directe.<br />
Observer représente donc l’espace et le temps nécessaires<br />
pour que l’éducateur dépasse le moment où il se met à la<br />
recherche d’une réponse à la question « que dois-je faire<br />
pour cet enfant ? », le moment où son esprit va tendre vers<br />
un objectif. Pour y <strong>par</strong>venir, il lui faut, nous dit <strong>Patricia</strong>, être<br />
« vigilant pour observer ». Selon moi, c’est la question du<br />
temps qui se pose ici : l’observation suppose que notre<br />
attention reste mobilisée un certain temps autour d’un<br />
objectif, nous devons prendre garde, être vigilant à ce que<br />
notre attention ne se disperse pas.<br />
L’observation, en tant que <strong>Montessori</strong>ens, c’est à la<br />
fois notre trésor et…. notre tourment !<br />
C’est notre trésor puisque la psychopédagogie de Maria<br />
<strong>Montessori</strong> est fondée sur l’observation. L’observation a<br />
mené à la théorisation et c’est <strong>par</strong> l’observation que<br />
chaque éducateur peut accéder dans un premier temps à<br />
la compréhension pour lui-même de cette théorie puis à la<br />
découverte et à la compréhension des enfants qui lui sont<br />
confiés. Nous avons ainsi tous des moments d’observation<br />
qui sont fondateurs de notre compréhension, qui restent<br />
actifs en nous dans notre rencontre des enfants que nous<br />
accompagnons année après année. Si je repense à<br />
certains de ces moments-là pour moi-même, ils sont liés<br />
pour beaucoup d’entre eux, à un moment où je me trouvais<br />
en formation. Notre besoin de comprendre nous aide alors<br />
certainement à entrer dans cette démarche d’observation.<br />
Malgré cette expérience positive de compréhension grâce<br />
à l’observation de l’activité de l’enfant, il nous est souvent<br />
difficile de donner une place régulière à l’observation au<br />
sein de notre pratique. Voilà notre tourment… Il ne serait<br />
pas juste de dire que nous n’observons pas. Nous<br />
observons mais de façon informelle. Nous faisons<br />
fonctionner les registres de la surveillance, de la vigilance,<br />
de l’attention <strong>par</strong>ce que notre intérêt aura été sollicité. Tous<br />
ces niveaux d’attention sont certainement à l’œuvre chez<br />
nous chaque jour et nourrissent notre observation<br />
informelle. Par observation formelle j’entends ce temps<br />
d’observation où nous nous mettons en retrait de l’évidente<br />
action pour nous placer sur le registre de l’action qui va se<br />
faire sans bruit et sans mouvement, en tout cas sans bruit<br />
et sans mouvement externes…<br />
« Aujourd’hui, de 10 heures à 11 heures je me mets en<br />
observation avec comme objectif d’observer le<br />
développement du langage chez Léa qui a trois ans et<br />
Le Lien <strong>Montessori</strong> n°39 – mars 2010 14<br />
demi. C’est ce que je ferai tous les mardis pendant deux<br />
mois. » Qu’est-ce qui nous conduit pourtant de façon plus<br />
ou moins régulière à reprendre cette position d’observation<br />
bien identifiée ? C’est <strong>par</strong>ce que nous ne comprenons pas<br />
ce qui se passe chez un enfant. Souvent, dans un premier<br />
temps, nous sommes mus <strong>par</strong> la constatation : « je ne sais<br />
plus quoi faire » !!! Une limite est donc atteinte et le « je ne<br />
sais plus quoi faire » se déplace vers je ne comprends pas.<br />
Si effectivement ce déplacement a lieu alors, oui nous<br />
pouvons retrouver le chemin vers notre trésor :<br />
l’observation. Si nous ne cherchons plus à faire mais à<br />
comprendre alors, la petite question « Mais qu’est-ce qu’il<br />
fait ? Qu’est-ce qui se passe pour cet enfant ? » peut<br />
devenir une vraie question et non une simple tentative de<br />
coller une réponse menant uniquement à un faire. Pour<br />
moi, c’est à cet instant que commence la possibilité du<br />
sens. Si au lieu d’agir nous prenons les quelques secondes<br />
qui vont nous permettre de nous dire « tiens, que va-t-il<br />
faire ? », nous reconnaissons de facto que l’activité de<br />
l’enfant a un sens même s’il n’est pas évident.<br />
« Je ne comprends pas » : est-ce là un constat d’échec ou<br />
une promesse ? Une promesse bien sûr. Et nous avons<br />
toute les bonnes raisons de ne pas comprendre <strong>par</strong>ce que<br />
notre ambition est grande, si l’on en croit Maria <strong>Montessori</strong>,<br />
c’est « la vie intérieure de l’homme » 5 que nous cherchons<br />
non seulement à observer mais aussi à comprendre.<br />
La constatation d’incompréhension entraîne un petit<br />
moment de déséquilibre, de risque et là je reprends les<br />
mots de Madame Athanassiou : « il faut que l’adulte soit<br />
capable d’oublier tout ce qu’il sait, un moment, sans avoir<br />
la crainte de perdre à jamais ses acquis ». On doit faire un<br />
petit peu de vide pour laisser la place à l’enfant et à ce qu’il<br />
a à nous montrer. Nous pourrons à terme apporter une<br />
aide utile à l’enfant <strong>par</strong>ce qu’à un moment nous acceptons<br />
de recevoir ce qui est encore chaotique chez lui pour<br />
effectuer le travail de mise en sens. C’est passionnant mais<br />
ce n’est pas toujours facile car nous devons passer <strong>par</strong> ce<br />
moment où nous pouvons nous sentir démuni en tant<br />
qu’éducateur <strong>par</strong>ce que nous ne savons plus, <strong>par</strong>ce que<br />
nous sommes confrontés à « l’incertitude qu’imposent le<br />
vivant et son altérité ». C. Athanassiou<br />
Je crois que l’observation est justement ce qui peut nous<br />
aider à faire face à cette solitude à laquelle chaque<br />
éducateur est confronté. Tout d’abord, le cadre théorique<br />
de la pédagogie nous donne un cadre pour orienter notre<br />
observation, pour étayer notre pensée. L’observation est<br />
aussi un projet d’équipe : si je ressens le besoin<br />
d’observer, mon, ma, mes collègues vont être impliqués<br />
aussi. Donc à <strong>par</strong>tir de la démarche d’une personne une<br />
autre dynamique s’instaure dans l’équipe ; même les<br />
personnes qui ne vont pas effectuer l’observation formelle<br />
vont utiliser une <strong>par</strong>tie de leur attention, de leur disponibilité<br />
psychique pour effectuer de l’observation informelle autour<br />
de la question posée. Chacun va donc observer et mettre<br />
sa réflexion en route. Finalement, l’observation, les notes<br />
que nous prenons ont pour vocation à être <strong>par</strong>tagées avec<br />
d’autres et c’est dans le temps consacré à ce <strong>par</strong>tage et à<br />
l’élaboration que va émerger ce qui va faire sens pour une<br />
équipe et ensuite pour l’enfant à travers les actes éducatifs<br />
qui vont être décidés et posés à la suite de cela. La<br />
personne qui a un moment donné a dit « je » ne<br />
comprends pas, qui a pu <strong>par</strong> là-même induire un travail<br />
5 Pédagogie Scientifique tome 2 p. 124
Conférences<br />
d’équipe, trouve un étayage pour modifier sa perception de<br />
la situation et les moyens qu’elle a d’y répondre.<br />
L’observation finalement, ne peut pas être le projet d’une<br />
seule personne ou plutôt elle peut être le projet d’une<br />
personne travaillant seule dans son ambiance afin de sortir<br />
de sa solitude. Je considère l’observation non seulement<br />
comme un projet d’équipe mais aussi comme un projet<br />
institutionnel. Je crois que si l’on veut que les éducateurs<br />
observent dans leurs ambiances, les personnes qui<br />
encadrent ces éducateurs doivent aussi porter, incarner ce<br />
projet. L’observation étaye certainement l’activité des<br />
enfants, mais celle des adultes aussi.<br />
Il y a quelque temps, alors que je commençais un cycle<br />
d’observation dans une Communauté enfantine <strong>par</strong>ce que<br />
nous nous trouvions face à une situation de morsures que<br />
nous ne comprenions pas, une éducatrice, un soir me fit la<br />
remarque suivante : « Je ne sais pas si c’est <strong>par</strong>ce que<br />
vous observez mais maintenant le comportement d’Eva<br />
m’ap<strong>par</strong>aît différent de celui des autres enfants, il me<br />
questionne. Avant, elle nous attendrissait, et puis, on se<br />
disait qu’elle était petite et on ne voulait pas la stigmatiser<br />
avec les morsures. » Il y a quelques temps, cette même<br />
éducatrice me disait que le regard de cette petit fille avait<br />
changé. Je pense qu’effectivement on peut le dire. Mais le<br />
regard des adultes change aussi. Il est maintenant possible<br />
pour Eva de prendre appui sur le regard des adultes et de<br />
leur offrir son propre regard mais il fallait que le regard des<br />
adultes ne soit pas prisonnier des ap<strong>par</strong>ences et d’un<br />
niveau concret d’interprétation. Notre travail d’observation<br />
autour de cette petite fille est loin d’être terminé ; mais la<br />
vraie question que nous essayons de travailler au travers<br />
de nos observations, c’est de mettre, remettre l’attention au<br />
bon endroit et remettre de la pensée là où il n’y en avait<br />
plus.<br />
L’observation, ce n’est pas magique ; ce n’est un trésor<br />
que si elle alimente une vraie réflexion. L’observation nous<br />
permet de nous améliorer encore et toujours en tant<br />
qu’éducateur ce qui signifie pour moi, ne pas s’arrêter de<br />
chercher à comprendre. Maria <strong>Montessori</strong> <strong>par</strong>le de<br />
l’éducateur en ces termes: « (…) il apprendra de l’enfant,<br />
lui-même, les moyens et le chemin de sa propre<br />
éducation ; c’est-à-dire qu’il apprendra de l’enfant à se<br />
perfectionner comme éducateur. » 6<br />
La position d’observation me fait penser à ce que nous<br />
appelons si joliment « la leçon de silence » et qui, cela peut<br />
<strong>par</strong>aître curieux, fait <strong>par</strong>tie des exercices collectifs de<br />
coordination motrice. Cette leçon de silence, c’est le point<br />
ultime du raffinement du mouvement, le point où l’enfant<br />
arrive à inhiber son activité motrice <strong>par</strong>ce qu’il n’a plus<br />
besoin de bouger pour se sentir exister. L’enfant est<br />
présent à lui-même et aux autres, il est à l’écoute, à<br />
l’écoute du silence qui ne va plus inquiéter mais relier.<br />
C’est bien une expérience individuelle et de groupe<br />
qu’enfants et adultes vivent alors.<br />
Lorsque nous nous asseyons pour observer, nous faisons<br />
l’effort de maîtriser nos mouvements internes et externes et<br />
nous nous taisons afin de nous centrer, de nous mettre à<br />
l’écoute, d’être réellement disponible à ce qui se passe.<br />
Bref, nous devons accepter de lâcher ce qui sûrement<br />
nous rassure toujours beaucoup : l’action, l’action directe et<br />
nous nous efforçons de « saisir », de contenir les enfants<br />
autrement.<br />
L’observation nous aide à faire des liens, à comprendre<br />
pour soi-même et à comprendre avec, grâce à d’autres.<br />
6 Pédagogie Scientifique tome 1 Desclée de Brouwer, p. 14<br />
Le Lien <strong>Montessori</strong> n°39 – mars 2010 15<br />
Je voudrais ajouter encore une dimension à l’observation<br />
qui est liée à la précédente : ne pas être seul avec la<br />
réflexion autour de son travail et donc mettre ensemble nos<br />
observations et réflexions. N’oublions pas que Maria<br />
<strong>Montessori</strong> nous <strong>par</strong>le de pédagogie scientifique.<br />
L’observation est l’un des aspects qui lui donnent cette<br />
dimension scientifique. Quand on passe de l’observation<br />
informelle à l’observation formelle on entre dans une<br />
démarche scientifique <strong>par</strong>ce que l’on entre dans un cadre<br />
de travail compréhensible <strong>par</strong> d’autres et qui peut être<br />
reproduit <strong>par</strong> d’autres. En d’autres termes, la communauté<br />
de travail autour des observations peut être plus large que<br />
celle d’une seule institution. Des crèches, des écoles,<br />
peuvent aussi se rencontrer autour d’un travail sur<br />
l’observation.<br />
Il me semble que ce qui nous réunit aujourd’hui, c’est<br />
l’attention que nous portons à l’enfant et qui est le cœur de<br />
notre métier d’éducateur, que l’on soit montessorien ou<br />
pas.<br />
Ambiance pré<strong>par</strong>ée – Activité/Travail – Observation sont<br />
indissociables.<br />
C’est <strong>par</strong>ce qu’il y a un environnement pré<strong>par</strong>é que l’enfant<br />
va pouvoir déployer l’activité porteuse de son<br />
développement. L’ambiance révèle l’enfant dit-on. Mais<br />
cette révélation n’advient que si l’activité de l’enfant est<br />
vue, reconnue, observée, pensée. L’observation est ce qui<br />
nous guide d’une <strong>par</strong>t dans le maintien de l’environnement<br />
dans toute sa beauté et sa précision ; d’autre <strong>par</strong>t, elle<br />
nous guide pour discerner quelle sera l’aide utile et<br />
nécessaire pour l’enfant.<br />
Si nous <strong>par</strong>venons à rendre vivant ce triptyque :<br />
environnement pré<strong>par</strong>é, activité, observation, nous<br />
réalisons alors la proposition de Maria <strong>Montessori</strong> qui est<br />
de considérer l’éducation comme une aide à la vie.