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N° 41. Mars 2008. - Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie

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Journal trimestriel édité par le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

n.41 / <strong>Mars</strong> 2008<br />

livre / échange<br />

Vie littéraire et actualité du livre en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

Belinda Cannone<br />

« Danser<br />

la pensée »<br />

Supplément / Paroles d’éditeurs<br />

Dossier / L’Année Barbey d’Aurevilly<br />

Lecture / L’homme et le loup


éditorial<br />

Vie littéraire et actualité du livre en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

Arnaud Fontaine<br />

Prési<strong>de</strong>nt du <strong>Centre</strong><br />

régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

Livre/échange<br />

Sale temps pour la culture en ce début d'année...<br />

Malgré tout vous l’aurez remarqué votre Livre/échange<br />

compte quelques pages <strong>de</strong> plus ce trimestre-ci. Et<br />

ce, afin <strong>de</strong> mieux coller à l’actualité littéraire <strong>de</strong> ce<br />

début d’année, manifestations et nouvelles parutions<br />

confondues, mais aussi au souhait du CRL <strong>de</strong><br />

toujours mieux soutenir et défendre les éditeurs<br />

installés en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>. Nous avons dans un<br />

supplément <strong>de</strong> huit pages donné la parole à douze<br />

d’entre eux, plus précisément à ceux que nous aurons<br />

le plaisir d’accueillir sur notre emplacement au<br />

prochain Salon du livre <strong>de</strong> Paris. Tous très différents,<br />

que ce soit dans leurs domaines ou leurs fonctionnements,<br />

ils reflètent très bien la vivacité et la pluralité<br />

<strong>de</strong> ce secteur en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>. Le CRL qui<br />

vient <strong>de</strong> réactualiser son répertoire <strong><strong>de</strong>s</strong> éditeurs dénombre<br />

72 structures en région.<br />

Ce nouveau trimestre sera aussi pour le CRL l’occasion<br />

<strong>de</strong> lancer une gran<strong>de</strong> campagne en faveur <strong>de</strong> la<br />

librairie indépendante en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>. Secteur<br />

pour lequel notre structure entend se mobiliser. C’est<br />

l’autre priorité du secteur Economie du livre au CRL.<br />

Fidèle à son esprit d'ouverture sur le mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

lettres et <strong><strong>de</strong>s</strong> idées, le CRL fait sienne la <strong>de</strong>vise <strong>de</strong><br />

Gandhi : « Je ne veux pas que ma maison soit murée<br />

<strong>de</strong> toutes parts, ni mes fenêtres bouchées, mais qu'y<br />

circule librement la brise que m'apportent les cultures<br />

<strong>de</strong> tous les pays. »<br />

En action, cela commence dès le 17 mars par la journée<br />

d’information et <strong>de</strong> sensibilisation à la culture<br />

islandaise organisée comme toujours en partenariat<br />

avec la bibliothèque centrale <strong>de</strong> Caen. L’occasion<br />

d’accompagner professionnels, bibliothécaires et enseignants<br />

qui accueilleront un auteur nordique en<br />

novembre prochain. A ce propos, prenez date : les<br />

prochaines Boréales se dérouleront du 17 au 30 novembre<br />

2008 à Caen et en région et nous aurons le<br />

plaisir d’accueillir l’Islan<strong>de</strong> comme invitée d’honneur.<br />

2008 sera aussi la gran<strong>de</strong> année du bicentenaire <strong>de</strong><br />

la naissance <strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly. L’auteur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Diaboliques, né à Saint-Sauveur-le-Vicomte, sera au<br />

cœur <strong>de</strong> nombreuses manifestations (lectures, colloques,<br />

expositions, rencontres). Nous lui consacrons<br />

un dossier spécial <strong>de</strong> quatre pages qui vous permettra<br />

<strong>de</strong> vous tenir informés durant toute l’année.<br />

J’espère vous voir nombreux, professionnels et amoureux<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> livres, à ces prochains ren<strong>de</strong>z-vous. A toutes<br />

et tous, je souhaite une nouvelle année riche <strong>de</strong><br />

découvertes littéraires.<br />

#41<br />

Livre/échange <strong>Mars</strong> 2008<br />

Journal trimestriel publié par le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

10, rue du Château d’eau - 14000 Caen. Tél. 02. 31. 15. 36. 36. Fax 02. 31. 15. 36. 37.<br />

Le CRL est une association loi 1901, soutenue par la Région <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> et<br />

le ministère <strong>de</strong> la culture - Direction <strong>Régional</strong>e <strong><strong>de</strong>s</strong> Affaires Culturelles<br />

<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> - avec le concours <strong><strong>de</strong>s</strong> Conseils généraux du Calvados,<br />

<strong>de</strong> la Manche et <strong>de</strong> l’Orne.<br />

Directeur <strong>de</strong> la publication : Arnaud FONTAINE<br />

Textes et reportages : Nathalie COLLEVILLE<br />

Conception graphique et réalisation : www.aprim-caen.fr.<br />

Impression : Imprimerie Presse Calvados<br />

Ont participé à ce numéro :<br />

Bruno Fran, Ingrid Guibey, Sophie Houtteville, Nathalie Mangin, Adina Margan, Sylvie<br />

Marivingt, Guillaume Patard-Legendre, Gérard Poulouin, Jérôme Rémy, Valérie Schmitt.<br />

ISSN : 1274-3712 Dépôt légal à parution.<br />

Abonnement<br />

Pour recevoir gratuitement Livre / échange chez vous tous les trimestres,<br />

écrivez au <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong>, en indiquant votre nom, votre adresse.<br />

www.crl.basse-normandie.com<br />

Belinda<br />

Cannone<br />

Belle rencontre que cet entretien avec Belinda Cannone,<br />

auteure <strong>de</strong> plusieurs essais remarqués dont le <strong>de</strong>rnier<br />

La Bêtise s’améliore (Calmann-Lévy, 2007). Méfiante vis-à-vis<br />

du conformisme et du consensus qui déforment nos propos<br />

et malmènent notre faculté à penser <strong>de</strong> façon autonome,<br />

Belinda Cannone élabore dans une belle langue flui<strong>de</strong>,<br />

une pensée joyeuse, à l’image <strong>de</strong> ce que le mon<strong>de</strong> et l’homme<br />

sont aussi parfois. Le Désir d’écriture, Le Sentiment d’imposture<br />

et La Bêtise s’améliore portent la signature d’une auteure<br />

soucieuse <strong>de</strong> ses pairs et attentive au mon<strong>de</strong>.<br />

Il en est <strong>de</strong> même pour ses romans qui explorent ce désir <strong>de</strong> vivre<br />

qui nous tient et nous fait nous lever chaque matin. S’y ajoutent<br />

pour Belinda Cannone, le désir d’écrire, la joie <strong>de</strong> penser.<br />

Livre/échange : Vous affectionnez romans et essais.<br />

Qu’est-ce qui vous séduit dans ces <strong>de</strong>ux formes littéraires<br />

?<br />

Belinda Cannone : J’avoue que c’est le roman qui<br />

m’intéresse et me tient le plus à cœur. Le roman est<br />

un objet esthétique très complexe, et pour cela très<br />

attirant. Pour moi, c’est un peu comme courir un marathon<br />

ou escala<strong>de</strong>r l’Annapurna ! C’est une sorte <strong>de</strong><br />

défi. Néanmoins, il se trouve que j’aime comprendre,<br />

penser et argumenter <strong>de</strong> manière plus rationnelle –<br />

plus délibérément rationnelle, disons, que dans le<br />

roman. D’où les essais. Jusqu’en 1999, outre les romans,<br />

j’avais écrit <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages <strong>de</strong> réflexion universitaire.<br />

Quand Anne Dufourmantelle m’a commandé<br />

un essai, j’ai été tentée par la liberté <strong>de</strong> cette forme<br />

littéraire. Cela a donné L’Ecriture du désir. Je l’ai vraiment<br />

écrit dans un élan joyeux. À cette époque, j’avais<br />

l’impression <strong>de</strong> n’entendre que <strong><strong>de</strong>s</strong> discours qui soulignaient<br />

la difficulté et le malheur <strong>de</strong> l’existence, et<br />

qui interprétaient le désir comme un manque. Moi je<br />

voulais montrer un autre aspect du désir, sa force <strong>de</strong><br />

propulsion, d’élan, sa joie. Et je dirais qu’au fond,<br />

mon sujet <strong>de</strong> prédilection, que ce soit dans les<br />

romans ou dans les essais, c’est toujours cette énigme<br />

merveilleuse : comment se fait-il que chaque<br />

matin, même <strong>de</strong>vant la perspective d’une journée<br />

médiocre, banale ou difficile, on a pourtant envie <strong>de</strong><br />

se lever, envie <strong>de</strong> vivre ! C’est là vraiment le grand et<br />

délicieux mystère <strong>de</strong> l’existence.<br />

L/é : Le désir <strong>de</strong> vivre est aussi, par effet <strong>de</strong> miroir,<br />

au cœur <strong>de</strong> vos <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers romans : Lent <strong>de</strong>lta et<br />

L’Homme qui jeûne. C’est l’amoindrissement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

forces vitales que vous explorez dans ces <strong>de</strong>ux textes,<br />

qu’il soit dû à la vieillesse ou au jeûne.<br />

B. C. : Lorsque j’ai écrit Lent <strong>de</strong>lta, mon quatrième<br />

roman, je venais <strong>de</strong> terminer Trois nuits d’un personnage,<br />

qui explorait le désir dans sa forme vitale<br />

et érotique. Un personnage <strong>de</strong> roman accédait à l’exis-<br />

mars 2008 - livre / échange 2


Belinda Cannone<br />

enseigne la littérature<br />

comparée à l’Université<br />

<strong>de</strong> Caen et partage<br />

son temps entre<br />

le Cotentin et Paris.<br />

« Danser<br />

la pensée »<br />

tence durant trois nuits, mû par la force <strong>de</strong> son désir<br />

– <strong>de</strong> vivre, d’aimer. Je me suis donc <strong>de</strong>mandé comment<br />

on pouvait se résigner et accepter <strong>de</strong> mourir<br />

alors qu’on avait eu cet immense désir <strong>de</strong> vivre. J’ai<br />

imaginé la vieillesse comme un fleuve arrivant au<br />

<strong>de</strong>lta, comme une lente dilution du désir dans l’océan<br />

du mon<strong>de</strong>. En revanche, la question qui domine dans<br />

L’Homme qui jeûne serait plutôt « Qu’en est-il lorsqu’on<br />

ne veut plus se lever le matin, plus manger,<br />

lorsqu’on dit non à tout ? » C’est ce qu’expérimente<br />

mon personnage.<br />

L/é : Dans les <strong>de</strong>ux romans, cette très vieille femme<br />

et l’homme qui jeûne convoquent les morts et les<br />

vivants ; ils s’adressent à eux.<br />

B. C. : Oui, dans Lent <strong>de</strong>lta elle parle aux morts, aux<br />

vivants mais aussi à <strong><strong>de</strong>s</strong> personnages imaginaires,<br />

notamment à son alter ego. Dans L’Homme qui jeûne<br />

interviennent tout un bestiaire qui incarne l’imaginaire<br />

du corps, ainsi que <strong>de</strong> multiples personnages,<br />

en chair et en os ou rêvés. C’est que je crois <strong>de</strong>puis<br />

toujours que nous ne sommes pas une seule voix.<br />

Nous sommes tissés <strong>de</strong> la multiplicité <strong><strong>de</strong>s</strong> voix que<br />

nous entendons, lisons, imaginons, avec lesquelles<br />

nous dialoguons sans cesse. Nous ne sommes pas<br />

seuls, renfermés en nous-mêmes. Je crois profondément<br />

qu’une <strong><strong>de</strong>s</strong> vocations <strong>de</strong> la littérature est <strong>de</strong><br />

faire surgir ces voix.<br />

L/é : La polyphonie est d’ailleurs présente aussi dans<br />

vos essais où la pensée avance toujours dans le dialogue.<br />

C’est le cas notamment <strong><strong>de</strong>s</strong> trois personnages<br />

<strong>de</strong> La Bêtise s’améliore, clin d’œil au Bouvard et<br />

Pécuchet <strong>de</strong> Flaubert d’ailleurs.<br />

B. C. : C’est une pensée en chemin, oui. Car la pensée<br />

n’est jamais définitive, arrêtée. Elle est provisoire,<br />

polyphonique, contradictoire. Faire advenir les voix<br />

qui nous traversent, c’est leur rendre justice. Et c’est<br />

surtout faire surgir l’altérité, seule manière d’appro-<br />

cher la vérité. Il n’y a pas qu’une seule façon d’envisager<br />

les questions et les problèmes, et les solutions<br />

sont toujours temporaires. Je dirais que ma pensée<br />

est une pensée mo<strong><strong>de</strong>s</strong>te : le mon<strong>de</strong> est un tel chaos !<br />

Nous ne pouvons donc cesser d’essayer d’y appliquer<br />

notre réflexion et nos solutions sont souvent<br />

provisoires.<br />

L/é : Votre <strong>de</strong>rnier essai porte sur la bêtise. Pourquoi<br />

ce sujet ?<br />

B. C. : La bêtise me fait souffrir. Je veux parler <strong>de</strong> la<br />

bêtise <strong><strong>de</strong>s</strong> gens dignes d’être écoutés et non pas celle<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> gens limités. Je voulais comprendre ces personnes<br />

cultivées, intelligentes, raisonnables, informées…<br />

et qui pourtant tombent dans le panneau !<br />

Essentiellement à cause du conformisme. Cela me<br />

chagrine vraiment. De tous mes essais, c’est d’ailleurs<br />

celui qui a été le plus écrit sous la poussée <strong>de</strong> la nécessité.<br />

Selon moi, nous sommes chacun absolument<br />

responsables à l’endroit où nous nous trouvons. Nous<br />

ne pouvons être <strong><strong>de</strong>s</strong> figures christiques portant l’ensemble<br />

du mon<strong>de</strong> sur nos épaules, mais nous sommes<br />

absolument responsables <strong>de</strong> ce que nous disons, <strong>de</strong><br />

ce que nous faisons à l’endroit où nous nous trouvons.<br />

Débusquer les préjugés, les idées toutes faites<br />

et les réflexes intellectuels qui entravent la liberté <strong>de</strong><br />

penser est une <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches <strong>de</strong> l’écrivain. D’où cet<br />

essai sur la bêtise du conformisme. Au fond je dirais<br />

que ce sont là les <strong>de</strong>ux pôles <strong>de</strong> ma position d’écrivain<br />

: d’un côté, une position critique, réflexive et engagée,<br />

et <strong>de</strong> l’autre, une position <strong>de</strong> célébration,<br />

célébration du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’homme, qui peuvent<br />

être si beaux, et <strong>de</strong> la pensée. Ce sont les <strong>de</strong>ux<br />

extrémités <strong>de</strong> mon spectre d’intervention littéraire.<br />

L/é : Vous employez cette expression : « Réenchanter<br />

la pensée ». Qu’enten<strong>de</strong>z-vous par là ?<br />

B. C. : Vouloir réenchanter le mon<strong>de</strong> serait vraiment<br />

une formulation utopique car dans sa plus gran<strong>de</strong><br />

mars 2008 - livre / échange 3<br />

© Ulf An<strong>de</strong>rsen<br />

/<br />

portrait<br />

partie, le mon<strong>de</strong> est donné et ne dépend pas <strong>de</strong> nous.<br />

Mais ce donné ne constitue que partiellement la réalité.<br />

Je crois que la réalité est à mi-chemin entre le regard,<br />

c’est-à-dire l’interprétation que nous proposons<br />

du mon<strong>de</strong>, et le donné. Donc, réenchantons le regard<br />

que nous portons sur le mon<strong>de</strong>, c’est-à-dire la pensée.<br />

Même si cela n’empêche pas d’avoir connaissance<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> désastres. Des désastres et <strong>de</strong> la beauté.<br />

J’ai envie <strong>de</strong> danser la pensée, d’en faire ce feu follet<br />

joyeux, plein d’élan, qui part à la rencontre du mon<strong>de</strong><br />

et ainsi, peut-être, le transforme un peu.<br />

L/é : Il y a cette célébration joyeuse <strong>de</strong> la pensée<br />

dans votre essai L’Ecriture du désir. Peut-on parler<br />

d’hédonisme ?<br />

B. C. : L’hédoniste jouit <strong>de</strong> l’instant et <strong><strong>de</strong>s</strong> plaisirs uniquement.<br />

Je préférerais parler <strong>de</strong> recherche du bonheur.<br />

Vous savez, j’ai un très vieux rêve humaniste :<br />

que l’être humain développe toutes ses potentialités,<br />

la sensibilité, le corps et l’intelligence. Ce sont<br />

tous ces aspects que j’essaie <strong>de</strong> déployer dans<br />

mes romans. Car c’est ça pour moi, un être humain<br />

complet.<br />

L/é : Vous êtes sévère envers le conformisme, thème<br />

récurrent dans vos essais.<br />

B. C. : Sans doute à cause <strong>de</strong> –ou grâce à– mon père<br />

qui était un homme spontanément anticonformiste.<br />

Il avait horreur <strong>de</strong> la pensée formatée, c’est ce qu’il<br />

m’a transmis, si je puis dire, au biberon, en même<br />

temps que le goût <strong>de</strong> la liberté. Il avait aussi le sens<br />

du collectif : je me suis toujours vue comme simple<br />

élément <strong>de</strong> l’univers. C’est pourquoi nous étions par<br />

exemple écologistes bien avant que ça n’existe ! En<br />

fait, j’ai été formée à combattre le conformisme ! Et<br />

surtout, je suis une maniaque <strong>de</strong> la liberté. C’est<br />

même une passion. Se rendre libre est un désir capital,<br />

et un effort constant, pour chacun.<br />

L/é : Vous racontez dans L’Ecriture du désir que c’est<br />

votre père aussi qui vous a implicitement incitée à<br />

écrire.<br />

B. C. : J’avais neuf ans. Mon père m’avait offert un<br />

grand cahier pour y tenir un journal et sur le haut <strong>de</strong><br />

l’étiquette il avait écrit mon nom. Je lui ai fait remarquer<br />

que le reste <strong>de</strong> l’étiquette était vi<strong>de</strong>. Alors il a<br />

noté, et c’était une indication pour toute ma vie : « À<br />

présent il n’y a plus <strong>de</strong> vi<strong>de</strong> ». En écrivant, on combat<br />

le vi<strong>de</strong> et l’absur<strong>de</strong>.<br />

L/é : Sur quoi portera votre prochain livre ?<br />

B. C. : En ce moment je travaille à un roman. Puis j’ai<br />

l’intention d’écrire un essai sur les femmes. Je suis<br />

<strong>de</strong>puis toujours une féministe convaincue, mais je ne<br />

me retrouve pas dans le discours féministe actuel,<br />

plaintif et victimiste. Je pense qu’il faut rendre au féminisme<br />

l’aspect joyeux et positif qu’il avait dans les<br />

années 60. J’aime les hommes et je veux simplement<br />

qu’eux et nous-mêmes admettions que nous avons<br />

les mêmes capacités intellectuelles – c’est la condition<br />

pour bien vivre ensemble. Mon roman… je ne<br />

peux pas vraiment en parler. J’essaie d’écrire quelque<br />

chose sur l’écho <strong>de</strong> la rumeur du mon<strong>de</strong> en nous…<br />

Dans un essai, je maîtrise à peu près ce que je fais,<br />

je sais où je veux aller. Mais écrire un roman, c’est<br />

avancer à l’aveugle.<br />

Propos recueillis<br />

par Nathalie Colleville<br />

B I BLIOGRAPHI E NON EXHAUSTIVE :<br />

Trois nuits d’un personnage,<br />

roman, (Stock, 1994)<br />

Lent <strong>de</strong>lta, roman, (Verticales, 1998)<br />

L’Écriture du désir, (Calmann-Lévy, 2000).<br />

Prix <strong>de</strong> l’essai <strong>de</strong> l’Académie française 2001.<br />

Le Sentiment d’imposture, (Calmann-Lévy,<br />

2005). Grand prix <strong>de</strong> l’essai <strong>de</strong> la Société <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Gens <strong>de</strong> <strong>Lettres</strong> 2005.<br />

L’Homme qui jeûne, roman, (L’Olivier, 2006)<br />

La Bêtise s’améliore, essai (Stock, 2007)


Dossier<br />

D.R<br />

Barbey<br />

L’année<br />

Barbey d’Aurevilly,<br />

« Normand trente-six carats » !<br />

2008 sera incontestablement l’année Barbey d’Aurevilly. De nombreuses manifestations, publications salueront<br />

le bicentenaire <strong>de</strong> sa naissance en 1808 à Saint-Sauveur-le-Vicomte dans la Manche. Dominique Bussillet auteure<br />

d’un essai à paraître nous invite aussi à rencontrer l’homme <strong>de</strong>rrière les écrits <strong>de</strong> l’auteur.<br />

Né à Saint-Sauveur-le-Vicomte, Jules-<br />

Amédée Barbey d’Aurevilly fut un auteur fécond : critique,<br />

diariste, épistolier, romancier, nouvelliste…<br />

L’écriture était pour lui une nécessité intellectuelle et<br />

économique. Critiqué et caricaturé à son époque,<br />

Barbey d’Aurevilly dans ses écrits personnels laisse<br />

<strong>de</strong>viner un homme attachant… malgré les clichés et les<br />

raccourcis un peu hâtifs qui l’ont réduit à un personnage<br />

d’écrivain dandy, catholique et moralisateur.<br />

Gageons que cette année, commémoration du bicentenaire<br />

<strong>de</strong> sa naissance oblige, ren<strong>de</strong> justice à cet écrivain<br />

bas-normand exceptionnellement fécond. C’est ce que<br />

Dominique Bussillet, essayiste et romancière attachée<br />

au XIX e siècle, espère.<br />

Livre/échange : Votre essai consacré à Barbey<br />

d’Aurevilly s’intitule Une nature ar<strong>de</strong>nte. Quelle<br />

est la signification <strong>de</strong> ce titre ?<br />

Dominique Bussillet : Mon ambition était d’abord <strong>de</strong><br />

rendre l’univers particulier <strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly : le<br />

XIX e siècle, le Cotentin. Et le Cotentin est une nature,<br />

non pas sauvage, mais ar<strong>de</strong>nte et civilisée puisque<br />

paysanne. Une nature, non pas domestiquée, mais<br />

humanisée. Parler <strong>de</strong> nature sauvage par rapport à un<br />

homme qui écrit <strong>de</strong> façon raffinée aurait été injuste. J’ai<br />

aussi choisi ce terme « ar<strong>de</strong>nt » parce que le feu est<br />

l’élément qui revient le plus souvent dans les livres <strong>de</strong><br />

Barbey d’Aurevilly. La nature est également en feu ; en<br />

rébellion, elle se met à l’unisson <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments passionnés.<br />

La flamme amoureuse, c’est tout le langage<br />

classique <strong>de</strong> la passion. Une nature ar<strong>de</strong>nte, c’est à la<br />

fois Barbey d’Aurevilly, ses personnages et le Cotentin.<br />

L/é : En quoi Barbey d’Aurevilly était-il une nature<br />

ar<strong>de</strong>nte ?<br />

D. B. : Barbey d’Aurevilly n’était nullement un être<br />

diabolique et provocateur ! C’était au contraire un<br />

être raffiné et sensible. Mais il avait gardé aussi <strong>de</strong><br />

ses origines espagnoles ce personnage d’hidalgo. Le<br />

feu et le sang, le rouge et le noir, Eros et Thanatos<br />

finalement, traversent son œuvre. Barbey d’Aurevilly<br />

a aussi créé <strong><strong>de</strong>s</strong> personnages exceptionnels : Barbe<br />

Pétronille par exemple dans Le Chevalier Destouches.<br />

C’est véritablement une amazone !<br />

L/é : Barbey d’Aurevilly était <strong>de</strong>meuré très attaché<br />

à son pays natal.<br />

D. B. : Oui. Il se revendiquait « Normand buvant<br />

sec » et se disait « Normand trente-six carats » ! Il<br />

aimait aussi les repas flamboyants avec ses amis et<br />

s’enorgueillissait <strong>de</strong> tenir l’alcool.<br />

L/é : Les écrits <strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly ont traversé<br />

les siècles. Certains ont été adaptés au cinéma.<br />

Comment expliquer cette longévité ?<br />

D. B. : Oui il y a un élément qui fait que certains <strong>de</strong> ses<br />

écrits ont perduré. Barbey d’Aurevilly a été considéré<br />

comme un écrivain catholique. Ses livres n’étaient<br />

pas interdits. Il avait une force d’écriture impressionnante.<br />

Mais il était mal connu à son époque.<br />

L/é : On disait <strong>de</strong> lui qu’il était un écrivain moralisateur.<br />

D. B. : Barbey d’Aurevilly a écrit Les Diaboliques car<br />

se sont <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires dont il voulait connaître le <strong><strong>de</strong>s</strong>sous.<br />

Il donne à l’ensemble une valeur moraliste<br />

mais c’était pour montrer jusqu’où l’être humain<br />

peut aller. Son oncle mé<strong>de</strong>cin lui racontait <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

histoires. Des histoires sordi<strong><strong>de</strong>s</strong> qui l’intéressent<br />

au même titre que les légen<strong><strong>de</strong>s</strong>, les écrits anciens<br />

qu’il collationne. Barbey d’Aurevilly s’inspirait d’histoires<br />

vraies, <strong>de</strong> faits divers entendus alors qu’il<br />

était encore enfant. Devenu adulte, il a cherché à<br />

comprendre.<br />

L/é : Barbey d’Aurevilly ne se cache-t-il pas <strong>de</strong>rrière<br />

ses personnages comme <strong>de</strong>rrière cette apparence<br />

vestimentaire sophistiquée ?<br />

D. B. : Barbey d’Aurevilly est un homme distingué,<br />

intelligent et cultivé mais pauvre. Il se croyait laid. Il<br />

est persuadé que si sa mère ne l’aime pas, que s’il<br />

ne trouve pas l’amour, c’est à cause <strong>de</strong> sa lai<strong>de</strong>ur.<br />

Alors pour se rendre « aimable », il soigne son apparence.<br />

Il avance masqué. Mais ce masque <strong>de</strong> beauté<br />

a été forgé par la douleur, l’amertume et la déception.<br />

C’est un masque double, il le porte au propre<br />

comme au figuré. Barbey d’Aurevilly ne veut pas<br />

qu’on le démasque. Il entend rester impénétrable et<br />

joue les indifférents. Cette carapace, il se l’est probablement<br />

forgée très tôt. Toute son œuvre tourne<br />

autour du secret. Ce que Proust cernera très bien<br />

quelques décennies plus tard.<br />

Oui, Barbey d’Aurevilly est comme Hitchcock, il s’introduit<br />

dans ses livres. Mais il n’est pas toujours là<br />

où on le croit, <strong>de</strong>rrière le beau héros.<br />

L/é : Donc Barbey d’Aurevilly est un être plus<br />

complexe qu’il n’y paraît. Il n’est pas seulement<br />

mars 2008 - livre / échange 4<br />

ce dandy moqué par ses pairs et figé par la<br />

postérité ?<br />

D. B. : Dire que Barbey d’Aurevilly est un dandy est<br />

un contresens. Certes, il a écrit cet ouvrage Du dandysme<br />

et <strong>de</strong> Georges Brummell. Mais il écrit dès le<br />

début qu’aucun homme autre qu’Anglais ne saurait<br />

être dandy. Barbey d’Aurevilly admire le dandysme,<br />

le personnage <strong>de</strong> Georges Brummell. Mais c’est ce<br />

qu’il ne peut pas être : son éducation l’en empêche.<br />

L/é : Quelle était votre ambition en écrivant Une<br />

nature ar<strong>de</strong>nte ?<br />

D. B. : Je souhaite rendre sa véritable personnalité à<br />

Barbey d’Aurevilly. Il est adulé mais pas pour les<br />

bonnes raisons. Je ne veux pas que les gens l’aiment<br />

pour autre chose que ce qu’il était. « Si on veut<br />

savoir quelque chose <strong>de</strong> moi, on me lit ! » avait-il<br />

l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> dire. Je veux inviter le lecteur à être<br />

curieux, je lui donne <strong><strong>de</strong>s</strong> pistes pour l’œuvre <strong>de</strong><br />

Barbey d’Aurevilly car l’œuvre décrit l’homme. Elle<br />

dit un amour impossible. Elle parle d’un enfant triste<br />

qui cherche une justification à la vie. Ce que<br />

Proust aimait chez Barbey d’Aurevilly, c’était qu’il<br />

écrivait pour se faire plaisir. Devenu écrivain, je crois<br />

que Barbey d’Aurevilly a pris sa revanche sur cette<br />

pério<strong>de</strong> où on l’a maintenu dans l’infantilisme.<br />

L/é : Comment avez-vous « rencontré » Barbey<br />

d’Aurevilly ?<br />

D. B. : Je l’ai peut-être rencontré grâce à Proust.<br />

C’est véritablement une écriture flamboyante et<br />

ar<strong>de</strong>nte. Et Barbey d’Aurevilly a le sens du dialogue.<br />

Ses personnages ne parlent pas tous <strong>de</strong> la même<br />

manière et c’est un don très rare ! Lire Barbey<br />

d’Aurevilly est un plaisir âpre qui se mérite et s’apprivoise.<br />

Car on ne rentre pas aisément dans son<br />

œuvre. C’est une langue riche, extrêmement flui<strong>de</strong><br />

et contournée. Cela peut paraître compliqué mais<br />

une fois <strong>de</strong>dans, on ne peut plus s’arrêter !<br />

<br />

Propos recueillis<br />

par Nathalie Colleville<br />

Barbey d’Aurevilly, une nature ar<strong>de</strong>nte, essai<br />

<strong>de</strong> Dominique Bussillet et gravures <strong>de</strong> Gilbert Bazard<br />

(Cahiers du temps, 2008)


d’Aurevilly<br />

« Un écrivain en dialogue avec son époque »<br />

Professeure <strong>de</strong> littérature française, spécialiste <strong>de</strong> la littérature du XIX e siècle, au département <strong>de</strong> littérature<br />

à l’Université <strong>de</strong> Caen, Brigitte Diaz organise le colloque « Barbey en tous genres »<br />

qui se tiendra les 16, 17, 18 octobre à Caen et Saint-Sauveur-le-Vicomte.<br />

Livre/échange : Le colloque s’attar<strong>de</strong>ra sur la polyvalence<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly, la multiplicité <strong>de</strong> ses<br />

centres d’intérêt. Quels étaient-ils ?<br />

Brigitte Diaz : Cette polyvalence, qu’on abor<strong>de</strong>ra<br />

dans le colloque d’un point <strong>de</strong> vue littéraire, il faut<br />

d’abord la nuancer et la contextualiser. Barbey<br />

d’Aurevilly, il est vrai, a arpenté l’espace littéraire <strong>de</strong><br />

son temps en y occupant <strong><strong>de</strong>s</strong> postures très diverses<br />

– d’abord fugacement poète, puis romancier, journaliste,<br />

critique, feuilletoniste, et longtemps diariste…<br />

Mais il n’est pas le seul dans ce siècle <strong><strong>de</strong>s</strong> révolutions<br />

littéraires à avoir longtemps cherché la formule<br />

poétique <strong>de</strong> son moi, car s’il est un domaine où<br />

Barbey restera fondamentalement un « vieux romantique<br />

», comme disait Bau<strong>de</strong>laire <strong>de</strong> lui-même, c’est<br />

dans la conception d’une littérature fortement enracinée<br />

dans la subjectivité <strong>de</strong> l’auteur. Barbey entre<br />

en littérature dans cette première partie du siècle où<br />

la littérature, elle, entre en crise : crise <strong><strong>de</strong>s</strong> normes,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> représentations, <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeux esthétiques et<br />

sociaux, <strong><strong>de</strong>s</strong> horizons d’attente, bref <strong>de</strong> tout ce qui<br />

cadrait et structurait naguère le champ <strong><strong>de</strong>s</strong> Belles-<br />

<strong>Lettres</strong>. Plus que <strong>de</strong> polyvalence, peut-être faudrait-il<br />

parler <strong>de</strong> mobilité, ce qui peut d’ailleurs paraître surprenant<br />

à propos d’un écrivain qui a si fort clamé la<br />

fixité <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité catholique. Mais il y a incontestablement<br />

chez lui, au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> positions idéologiques,<br />

une mobilité intellectuelle, littéraire, politique,<br />

qui façonne son écriture et qui fait qu’on le<br />

retrouve souvent où on ne l’attendait pas, c’est ainsi<br />

par exemple que lui, critique <strong>de</strong> l’ordre moral, prendra<br />

la défense <strong><strong>de</strong>s</strong> Fleurs du mal <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>laire.<br />

L/é : Barbey d’Aurevilly fut diariste, épistolier,<br />

critique, romancier, nouvelliste, et dans tous ces<br />

genres, exceptionnellement fécond. Que nous<br />

dit cette polyvalence du rapport <strong>de</strong> Barbey à<br />

l’écriture ?<br />

B. D. : Verlaine, qui avait quelque raison d’égratigner<br />

Barbey d’Aurevilly, l’a traité <strong>de</strong> polygraphe <strong>de</strong> génie.<br />

Il y a quelque chose <strong>de</strong> juste dans cette vision<br />

contrastée. Polygraphe, sans doute : Barbey a pratiqué<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> genres très différents, <strong>de</strong> l’article <strong>de</strong> mo<strong>de</strong><br />

au pamphlet politique, du roman historique à la nouvelle<br />

fantastique, du journal intime au feuilleton<br />

polémique. Dans cette production foisonnante trois<br />

ensembles se dégagent : la sphère <strong>de</strong> l’intime avec<br />

les Memoranda et la correspondance ; la presse, à<br />

laquelle il a collaboré pendant plus <strong>de</strong> cinquante<br />

ans ; l’œuvre littéraire. S’il y déploie une même énergie,<br />

Barbey instaure une hiérarchie entre ces trois<br />

domaines d’expression : tout en bas <strong>de</strong> l’échelle le<br />

journal, « esclavage et boulet », mal nécessaire pour<br />

qui veut vivre <strong>de</strong> sa plume ; au sommet l’œuvre ; et,<br />

dans un domaine périphérique, l’écriture privée,<br />

lettres et journal. Cependant, les frontières ne sont<br />

pas si étanches, et <strong>de</strong> la lettre intime à l’article journalistique,<br />

tout pour Barbey est « livre » en puissance,<br />

littérature potentielle. Quand il rassemble ses<br />

articles dans le grand ensemble, Les Œuvres et les<br />

Hommes, c’est pour composer un livre qui « a son<br />

architecture et non pas <strong><strong>de</strong>s</strong> feuilletons enfilés<br />

comme <strong><strong>de</strong>s</strong> perles ». Quant à ses lettres, ils les voient<br />

comme « la plus belle plume <strong>de</strong> son aile ». C’est la<br />

preuve que pour Barbey, quel que soit le genre où il<br />

s’exerce, son rapport à l’écriture est foncièrement le<br />

même, aussi exigeant, aussi absolu, et que la valeur<br />

littéraire n’est pas pour lui une question <strong>de</strong> forme<br />

mais d’essence.<br />

L/é : Praticien, Barbey fut aussi un théoricien <strong>de</strong> la<br />

littérature. Quel regard portait-il sur la production<br />

littéraire <strong>de</strong> son époque ?<br />

B. D. : Sur ce terrain comme sur d’autres Barbey est<br />

paradoxal. Le titre qu’il a donné à l’ensemble <strong>de</strong> ses<br />

écrits critiques Le XIX e siècle. Les œuvres et les<br />

Hommes, le signale : c’est à son siècle qu’il s’intéresse<br />

au premier chef. Cette attention au présent est<br />

une première retouche à apporter au portrait d’un<br />

Barbey anti-mo<strong>de</strong>rne, passéiste et nostalgique d’un<br />

âge d’or <strong>de</strong> la littérature. Certes, il a éreinté avec<br />

constance les plus grands novateurs <strong>de</strong> son temps :<br />

Hugo, Flaubert, Verlaine, Zola… Mais il a su aussi<br />

percevoir les génies méconnus, Stendhal et<br />

Bau<strong>de</strong>laire par exemple. De par son rôle <strong>de</strong> critique,<br />

qu’il définissait comme un « Stator suprême »,<br />

grand analyseur, disséqueur à la loupe, mais aussi<br />

juge et censeur, Barbey d’Aurevilly ne pouvait qu’entretenir<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> rapports conflictuels avec la littérature<br />

<strong>de</strong> son temps à laquelle il reproche sa frilosité, son<br />

goût <strong>de</strong> la doctrine et du dogme, sa propension à<br />

s’organiser en « écoles » où les écrivains s’enrégimentent<br />

docilement. C’est précisément parce que ce<br />

sont <strong><strong>de</strong>s</strong> écoles que Barbey pourfendra le réalisme,<br />

le naturalisme, le Parnasse, mais c’est aussi parce<br />

que les présupposés esthétiques <strong>de</strong> ces mouvements,<br />

que ce soit le positivisme réaliste ou l’impersonnalité<br />

parnassienne, heurtaient profondément<br />

sa conception <strong>de</strong> la littérature. Irrémédiablement<br />

romantique en ce sens, Barbey ne conçoit la création<br />

littéraire que personnelle, originale dans sa<br />

forme, inaliénable et absolue dans sa force d’expression.<br />

L/é : Existe-t-il <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions entre les différentes<br />

formes d’écriture <strong>de</strong> Barbey ? S’influencentelles<br />

réciproquement ?<br />

B. D. : Il y a effectivement <strong><strong>de</strong>s</strong> échos d’un domaine<br />

d’expression à l’autre, qui forgent une écriture dont<br />

les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> harmoniques sont toujours reconnaissables.<br />

Souvenons-nous du titre initial que Barbey<br />

voulait donner aux Diaboliques : Ricochets <strong>de</strong><br />

conversation, il est emblématique <strong>de</strong> sa manière.<br />

Ricochets, en effet, pour autant que d’un support à<br />

l’autre – lettre, nouvelle, article… – c’est une même<br />

pensée qui rebondit en se cristallisant dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

formes diverses. Quant au mot conversation, il<br />

illustre bien un trait saillant <strong>de</strong> l’écriture aurévillienne<br />

: son caractère dialogique. Dans ses lettres, ses<br />

romans, sa critique, Barbey s’adresse toujours à un<br />

mars 2008 - livre / échange 5<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire, l’interpelle, l’invective, parfois le malmène.<br />

Il est probable que sa longue pratique du dialogue<br />

épistolaire, notamment avec Trebutien, ait<br />

infléchi en ce sens son écriture romanesque. On<br />

peut dire aussi que dans la pratique guerrière <strong>de</strong><br />

l’exercice critique Barbey a aiguisé sa plume, « qui<br />

ressemble à une épée » disait Saint-Beuve, tant elle<br />

est acérée par une ironie que l’on retrouve à l’œuvre<br />

dans ses fictions. Avec Stendhal, qu’il aime autant<br />

qu’il le condamne, Barbey partage un même goût<br />

pour une poétique <strong>de</strong> l’énergie. Il faut chez lui que le<br />

mot frappe juste et fort, ce qui n’exclut pas paradoxalement<br />

une complication parfois baroque <strong>de</strong> sa<br />

phrase que Vallès disait « chamarrée, bordée <strong>de</strong><br />

rouge, galonnée d’or ». Economie d’une part, poétique<br />

<strong>de</strong> l’excès <strong>de</strong> l’autre, large est la palette du<br />

style <strong>de</strong> Barbey.<br />

L/é : Pouvez-nous en dire un peu plus sur ce colloque<br />

? Son déroulement, les interventions déjà<br />

programmées ?<br />

B. D. : Si le programme n’est pas encore définitivement<br />

réglé, les gran<strong><strong>de</strong>s</strong> lignes en sont fixées.<br />

Subventionné par l’Université <strong>de</strong> Caen et l’équipe <strong>de</strong><br />

Recherche du département <strong>de</strong> littérature française<br />

(LASLAR) le colloque se tiendra pour les <strong>de</strong>ux premières<br />

journées (16 et 17 octobre 2008) dans les<br />

locaux <strong>de</strong> la Maison <strong>de</strong> la Recherche et <strong><strong>de</strong>s</strong> Sciences<br />

Humaines (MRSH). La <strong>de</strong>rnière journée <strong>de</strong> la rencontre<br />

(18 octobre 2008) se déroulera à Saint-<br />

Sauveur-le-Vicomte. Après une visite dans les hauts<br />

lieux <strong>de</strong> la création aurévillienne, le colloque s’achèvera<br />

par une cérémonie commémorative au Musée<br />

Barbey d’Aurevilly. Destinée au public étudiant mais<br />

ouverte à tous, cette rencontre accueillera <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes<br />

français et internationaux <strong>de</strong> Barbey<br />

d’Aurevilly. L’idée est <strong>de</strong> faire un panorama <strong>de</strong> la<br />

production littéraire <strong>de</strong> Barbey, d’en signaler la pluralité<br />

mais aussi les constantes et <strong>de</strong> la situer dans<br />

son siècle. On croisera les questions d’esthétique et<br />

les considérations historiques. On s’intéressera à la<br />

poétique romanesque <strong>de</strong> Barbey qu’il forme sous<br />

l’influence <strong>de</strong> Balzac, dont il a fait sa « religion intellectuelle<br />

» ; à sa conception <strong>de</strong> la critique littéraire<br />

qu’il pratique dans un registre bien différent que son<br />

contemporain Sainte-Beuve. La pensée politique <strong>de</strong><br />

l’écrivain normand fera l’objet d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, notamment<br />

dans ses rapports avec les chantres <strong>de</strong> la contrerévolution<br />

que sont Bonald et Joseph <strong>de</strong> Maistre.<br />

C’est à un écrivain en constant dialogue avec son<br />

temps que ce colloque veut redonner la parole.<br />

<br />

Entretien proposé<br />

par Nathalie Colleville<br />

www://unicaen.fr/mrsh/thl/axes.php<br />

Brigitte Diaz a publié <strong>de</strong>ux ouvrages :<br />

L’Epistolaire ou la pensée noma<strong>de</strong> (PUF, 2002)<br />

et Stendhal en sa correspondance, ou « histoire d’un esprit »<br />

(H. Champion, 2003)


Dossier<br />

Barbey d’Aur<br />

L’année<br />

Barbey d’Aurevilly publie L’Ensorcelée en 1852.<br />

Dans ce roman il affirme à nouveau son attachement<br />

à son Cotentin natal. Les premières pages proposées<br />

ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous, en témoignent.<br />

L<br />

a lan<strong>de</strong> <strong>de</strong> Lessay est<br />

une <strong><strong>de</strong>s</strong> plus considérables<br />

<strong>de</strong> cette portion <strong>de</strong><br />

la <strong>Normandie</strong> qu’on<br />

appelle la presqu’île du<br />

Cotentin. Pays <strong>de</strong> culture,<br />

<strong>de</strong> vallées fertiles, d’herbages<br />

verdoyants, <strong>de</strong><br />

rivières poissonneuses,<br />

le Cotentin, cette Tempé<br />

<strong>de</strong> la France, cette terre<br />

grasse et remuée, a pourtant, comme la Bretagne,<br />

sa voisine, la Pauvresse-aux-Genêts, <strong>de</strong> ces parties<br />

stériles et nues où l’homme passe et où rien ne<br />

vient, sinon une herbe rare et quelques bruyères<br />

bientôt <strong><strong>de</strong>s</strong>séchées. Ces lacunes <strong>de</strong> culture, ces<br />

places vi<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> végétation, ces têtes chauves pour<br />

ainsi dire, forment d’ordinaire un frappant contraste<br />

avec les terrains qui les environnent. Elles sont à<br />

ces pays cultivés <strong><strong>de</strong>s</strong> oasis ari<strong><strong>de</strong>s</strong>, comme il y a<br />

dans <strong><strong>de</strong>s</strong> sables du désert <strong><strong>de</strong>s</strong> oasis <strong>de</strong> verdure.<br />

Elles jettent dans ces paysages frais, riants et<br />

féconds, <strong>de</strong> soudaines interruptions <strong>de</strong> mélancolie,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> airs soucieux, <strong><strong>de</strong>s</strong> aspects sévères. Elles les<br />

ombrent d’une estompe plus noire… Généralement<br />

ces lan<strong><strong>de</strong>s</strong> ont un horizon assez borné. Le voyageur,<br />

en y entrant, les parcourt d’un regard et en aperçoit<br />

la limite. De partout, les haies <strong><strong>de</strong>s</strong> champs labourés<br />

les circonscrivent. Mais, si, par exception, on en<br />

trouve d’une vaste largeur <strong>de</strong> circuit, on ne saurait<br />

dire l’effet qu’elles produisent sur l’imagination <strong>de</strong><br />

ceux qui les traversent, <strong>de</strong> quel charme bizarre et<br />

profond, elles saisissent les yeux et le cœur. Qui ne<br />

sait le charme <strong><strong>de</strong>s</strong> lan<strong><strong>de</strong>s</strong> ?... Il n’y a peut-être que<br />

les paysages maritimes, la mer et ses grèves, qui<br />

aient un caractère aussi expressif et qui vous émeuvent<br />

davantage. Elles sont comme les lambeaux,<br />

laissés sur le sol, d’une poésie primitive et sauvage<br />

que la main et la herse <strong>de</strong> l’homme ont déchirée.<br />

Haillons sacrés qui disparaîtront au premier jour<br />

sous le souffle <strong>de</strong> l’industrialisme mo<strong>de</strong>rne ; car<br />

notre époque, grossièrement matérialiste et utilitaire,<br />

a pour prétention <strong>de</strong> faire disparaître toute espèce<br />

<strong>de</strong> friche et <strong>de</strong> broussailles aussi bien du globe<br />

que <strong>de</strong> l’âme humaine. Asservie aux idées <strong>de</strong> rapport,<br />

la société, cette vieille ménagère qui n’a plus<br />

<strong>de</strong> jeune que ses besoins et qui radote <strong>de</strong> ses<br />

lumières, ne comprend pas plus les divines ignorances<br />

<strong>de</strong> l’esprit, cette poésie <strong>de</strong> l’âme qu’elle veut<br />

échanger contre <strong>de</strong> malheureuses naissances toujours<br />

incomplètes, qu’elle n’admet la poésie <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

yeux, cachée et visible sous l’apparente inutilité <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

choses. Pour peu que cet effroyable mouvement <strong>de</strong><br />

la pensée mo<strong>de</strong>rne continue, nous n’aurons plus<br />

dans quelques années, un pauvre bout <strong>de</strong> lan<strong>de</strong> où<br />

l’imagination puisse poser son pied pour le rêver,<br />

comme le héron sur une <strong>de</strong> ses pattes. Alors, sous<br />

ce règne <strong>de</strong> l’épais génie <strong><strong>de</strong>s</strong> aises physiques qu’on<br />

prend pour <strong>de</strong> la civilisation et du progrès, il n’y<br />

aura ni ruines, ni mendiants, ni terres vagues, ni<br />

superstitions comme celles qui vont faire le sujet <strong>de</strong><br />

cette histoire, si la sagesse <strong>de</strong> notre temps veut<br />

bien nous permettre <strong>de</strong> la raconter.<br />

C’était cette double poésie <strong>de</strong> l’inculture du sol et<br />

<strong>de</strong> l’ignorance <strong>de</strong> ceux qui la hantaient qu’on retrouvait<br />

encore, il y a quelques années, dans la sauvage<br />

et fameuse lan<strong>de</strong> <strong>de</strong> Lessay. Ceux qui y sont passés<br />

alors pourraient l’attester. Placé entre la Haie-du-<br />

Puits et Coutances, ce désert normand, où l’on ne<br />

rencontrait ni arbres, ni maisons, ni haies, ni traces<br />

d’homme ou <strong>de</strong> bêtes que celles du passant ou du<br />

troupeau du matin dans la poussière, s’il faisait sec,<br />

ou dans l’argile détrempée du sentier, s’il avait plu,<br />

déployait une gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> tristesse<br />

désolée qu’il n’était pas facile d’oublier. La lan<strong>de</strong>,<br />

disait-on, avait sept lieues <strong>de</strong> tour. Ce qui est certain,<br />

c’est que, pour la traverser en droite ligne, il<br />

fallait à un homme à cheval et bien monté plus<br />

d’une couple d’heures. Dans l’opinion <strong>de</strong> tout le<br />

pays, c’était un passage redoutable. Quand <strong>de</strong><br />

Saint-Sauveur-le-Vicomte, cette bourga<strong>de</strong> jolie<br />

comme un village d’Ecosse et qui a vu Du Guesclin<br />

défendre son donjon contre les Anglais, ou du littoral<br />

<strong>de</strong> la presqu’île, on avait affaire à Coutances et<br />

que, pour arriver plus vite, on voulait prendre la traverse,<br />

car la route départementale et les voitures<br />

publiques n’étaient pas <strong>de</strong> ce côté, on s’associait<br />

plusieurs pour passer la terrible lan<strong>de</strong> ; et c’était si<br />

bien en usage qu’on citait longtemps comme <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

téméraires, dans les paroisses, les hommes, en très<br />

petit nombre, il est vrai, qui avaient passé seuls à<br />

Lessay <strong>de</strong> nuit ou <strong>de</strong> jour.<br />

On parlait vaguement d’assassinats qui s’y étaient<br />

commis à d’autres époques. Et vraiment un tel lieu<br />

prêtait à <strong>de</strong> telles traditions. Il aurait été difficile <strong>de</strong><br />

choisir une place plus commo<strong>de</strong> pour détrousser un<br />

voyageur ou pour dépêcher un ennemi. L’étendue,<br />

<strong>de</strong>vant et autour <strong>de</strong> soi, était si considérable et si<br />

claire qu’on pouvait découvrir <strong>de</strong> très loin, pour les<br />

éviter ou les fuir, les personnes qui auraient pu<br />

venir au secours <strong><strong>de</strong>s</strong> gens attaqués par les bandits<br />

<strong>de</strong> ces parages, et dans la nuit, un si vaste silence<br />

aurait dévoré tous les cris qu’on aurait poussés<br />

dans son sein. Mais ce n’était pas tout.<br />

Si l’on en croyait les récits <strong><strong>de</strong>s</strong> charretiers qui s’y<br />

attardaient, la lan<strong>de</strong> <strong>de</strong> Lessay était le théâtre <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

plus singulières apparitions. Dans le langage du<br />

mars 2008 - livre / échange 6<br />

L’Ensorcelée <strong>de</strong> Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly<br />

pays, il y revenait. Pour ces populations musculaires,<br />

braves et pru<strong>de</strong>ntes, qui s’arment <strong>de</strong> précautions<br />

et <strong>de</strong> courage contre un danger tangible et certain,<br />

c’était là le côté véritablement sinistre et<br />

menaçant <strong>de</strong> la lan<strong>de</strong>, car l’imagination continuera<br />

d’être, d’ici longtemps, la plus puissante réalité<br />

qu’il y ait dans la vie <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes. Aussi cela seul,<br />

bien plus que l’idée d’une attaque nocturne, faisait<br />

trembler le pied <strong>de</strong> frêne dans la main du plus<br />

vigoureux gaillard qui se hasardait à passer Lessay<br />

à la tombée. Pour peu surtout qu’il se fût amusé<br />

autour d’une chopine ou d’un pot, au Taureau<br />

rouge, un cabaret d’assez mauvaise mine qui se<br />

dressait, sans voisinage, sur le nu <strong>de</strong> l’horizon, du<br />

côté <strong>de</strong> Coutances, il n’était pas douteux que le<br />

compère ne vît dans le bouillard <strong>de</strong> son cerveau et<br />

les tremblantes lignes <strong>de</strong> ces espaces solitaires,<br />

nués <strong><strong>de</strong>s</strong> vapeurs du soir ou blancs <strong>de</strong> rosée, <strong>de</strong> ces<br />

choses qui, le len<strong>de</strong>main, dans ses récits, <strong>de</strong>vaient<br />

ajouter à l’effrayante renommée <strong>de</strong> ces lieux<br />

déserts. L’une <strong><strong>de</strong>s</strong> sources, du reste, les plus intarissables<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> mauvais bruits, comme on disait, qui<br />

couraient sur Lessay et les environs, c’était une<br />

ancienne abbaye que la Révolution <strong>de</strong> 1789 avait<br />

détruite et qui, riche et célèbre, était connue à trente<br />

lieues à la ron<strong>de</strong> sous le nom <strong>de</strong> l’abbaye <strong>de</strong><br />

Blanchelan<strong>de</strong>. Fondée au douzième siècle par le<br />

favori d’Henri II, roi d’Angleterre, le Normand<br />

Richard <strong>de</strong> la Haye, et par sa femme, Mathil<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

Vernon, cette abbaye, voisine <strong>de</strong> Lessay et dont on<br />

voyait encore les ruines il y a quelques années,<br />

s’élevait autrefois dans une vallée spacieuse, peu<br />

profon<strong>de</strong>, close <strong>de</strong> bois, entre les paroisses <strong>de</strong><br />

Varenguebec, <strong>de</strong> Lithaire et <strong>de</strong> Neufmesnil. Les<br />

moines qui l’avaient toujours habitée étaient <strong>de</strong> ces<br />

puissants chanoines <strong>de</strong> Saint-Norbert qu’on appelait<br />

plus communément Prémontrés. Quant au nom<br />

si pittoresque, si poétique et presque virginal <strong>de</strong><br />

l’abbaye <strong>de</strong> Blanchelanche, - le nom, ce <strong>de</strong>rnier soupir<br />

qui reste <strong><strong>de</strong>s</strong> choses !- les antiquaires ne lui donnent,<br />

hélas ! que les plus incertaines étymologies.<br />

Venait-il <strong>de</strong> ce que les terres qui entouraient l’abbaye<br />

avaient pour fond une pâle glaise, ou <strong><strong>de</strong>s</strong> vêtements<br />

blancs <strong><strong>de</strong>s</strong> chanoines, ou <strong><strong>de</strong>s</strong> toiles qui<br />

<strong>de</strong>vaient <strong>de</strong>venir le linge <strong>de</strong> la communauté et<br />

qu’on étendait autour <strong>de</strong> l’abbaye, sur les terrains<br />

qui en étaient les dépendances, pour les blanchir à<br />

la rosée <strong><strong>de</strong>s</strong> nuits ? Quoi qu’il en fût à cet égard, si<br />

on en croyait les irrévérencieuses chroniques <strong>de</strong> la<br />

contrée, le monastère <strong>de</strong> Blanchelan<strong>de</strong> n’avait<br />

jamais eu <strong>de</strong> virginal que son nom. On racontait tout<br />

bas qu’il s’y était passé d’effroyables scènes<br />

quelques années avant que la Révolution éclatât.<br />

Quelle créances pouvait-on donner à <strong>de</strong> tels récits ?


evilly<br />

Les ren<strong>de</strong>z-vous<br />

MARS<br />

Du 18 au 20 mars<br />

• Colloque à la MSH <strong>de</strong> l’Université<br />

<strong>de</strong> Clermont-Ferrand :<br />

« Barbey d’Aurevilly et l’esthétique ».<br />

Du 26 au 28 mars<br />

• Colloque à l’Université<br />

<strong>de</strong> Toulouse le Mirail :<br />

« Barbey d’Aurevilly polémiste ».<br />

AVRIL<br />

Mercredi 30 avril<br />

• Inauguration <strong>de</strong> l’exposition<br />

« Dior Dandy / 1808-2008 : <strong>de</strong> Barbey<br />

d’Aurevilly à Christian Dior »<br />

au musée Christian-Dior à Granville<br />

(exposition ouverte au public jusqu’au<br />

21 septembre).<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée, à Granville.<br />

MAI<br />

Vendredi 16 mai<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée, à Valognes.<br />

Samedi 17 mai<br />

•Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée, à Brécey.<br />

JUIN<br />

Mardi 17 juin<br />

• Inauguration <strong>de</strong> l’exposition sur les<br />

illustrateurs <strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly à<br />

la bibliothèque municipale <strong>de</strong><br />

Valognes (exposition ouverte au<br />

public jusqu’au 30 septembre).<br />

Vendredi 20 juin<br />

• Inauguration <strong>de</strong> l’exposition<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> Archives départementales<br />

au Musée Barbey d’Aurevilly<br />

à Saint-Sauveur-le-Vicomte<br />

D.R<br />

(exposition ouverte au public<br />

jusqu’au 30 novembre).<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée, au cinéma<br />

<strong>de</strong> Saint-Sauveur-le-Vicomte.<br />

JUILLET<br />

Vendredi 11 et samedi 12 juillet<br />

• Circuit spectacle<br />

« Sur les traces <strong>de</strong> Barbey<br />

d’Aurevilly » à Saint-Sauveur-le-<br />

Vicomte.<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée,<br />

à Saint-Vaast-la-Hougue.<br />

À partir du 15 juillet<br />

• Balla<strong><strong>de</strong>s</strong> littéraires, cinéma en<br />

plein air et expositions organisées<br />

par le Conseil général <strong>de</strong> la Manche.<br />

Vendredi 18 juillet<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée, à Carteret.<br />

AOÛT<br />

Vendredi 8 août<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée, à Coutances.<br />

Samedi 9 août<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée, à l’Hôtel-Dieu<br />

à Valognes.<br />

Vendredi 22 août ou samedi 23 août<br />

• Projection du documentaire<br />

<strong>de</strong> Frank Sanson<br />

« Barbey le Diabolique » au cinéma<br />

<strong>de</strong> Saint-Sauveur-le-Vicomte.<br />

SEPTEMBRE<br />

Du 2 au 22 septembre<br />

• Exposition sur les illustrateurs <strong>de</strong><br />

Barbey dans Les Diaboliques<br />

à la bibliothèque municipale<br />

Jacques-Prévert<br />

<strong>de</strong> Cherbourg-Octeville.<br />

Vendredi 19 septembre<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

par Anouk Aimée,<br />

à Cherbourg-Octeville.<br />

Samedi 20 septembre<br />

• Soirée lecture <strong>de</strong> textes<br />

D.R<br />

D.R<br />

<strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly par<br />

Anouk Aimée, au cinéma <strong>de</strong><br />

Saint-Sauveur-le-Vicomte.<br />

OCTOBRE<br />

mars 2008 - livre / échange 7<br />

Du 16 au 18 octobre<br />

• Colloque organisé par l’Université<br />

<strong>de</strong> Caen : « Barbey en tous genres ».<br />

Vendredi 17 octobre<br />

• Concert <strong>de</strong> L’Ensemble<br />

<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

à l’église Saint-Malo <strong>de</strong> Valognes.<br />

Samedi 18 octobre<br />

• Inauguration du buste<br />

et du socle <strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

à Saint-Sauveur-le-Vicomte.<br />

• Salon du livre « Barbey en Cotentin »<br />

à Saint-Sauveur-le-Vicomte.<br />

Du 23 au 25 octobre<br />

• Colloque organisé<br />

par l’Université d’Amiens :<br />

« Jules Barbey d’Aurevilly, romancier,<br />

lecteur et critique <strong>de</strong> romans ».<br />

NOVEMBRE<br />

Du 13 au 26 novembre<br />

• Salon du livre<br />

« Le XIX e siècle autour <strong>de</strong> Barbey »<br />

à Valognes avec les <strong>de</strong>ux premières<br />

journées réservées aux scolaires.<br />

DECEMBRE<br />

Les 1 er et 2 décembre<br />

• Colloque organisé<br />

à la Sorbonne-Paris III.<br />

• Exposition aux archives<br />

départementales <strong>de</strong> la Manche<br />

à Saint-Lô.<br />

<br />

Calendrier non exhaustif et sous réserve <strong>de</strong><br />

modifications. Informations communiquées<br />

par le Comité du bicentenaire <strong>de</strong> la<br />

naissance <strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly.<br />

Renseignements au 02 33 41 65 18<br />

museebarbey@orange.fr<br />

PARUTIONS<br />

Jules Barbey d’Aurevilly,<br />

Paysages envoûtants et <strong>de</strong>meures<br />

romantiques, Pierre Leberruyer<br />

(OREP, 2008)<br />

L’angle choisi, intéressant et riche tant il y<br />

a à explorer, par Pierre Leberruyer évitera<br />

les redites ! En cette année <strong>de</strong> commémoration,<br />

ce n’est pas un mal ! Pierre<br />

Leberruyer revisite donc les lieux chers à<br />

Barbey, <strong>de</strong>meures familiales ou lieux <strong>de</strong><br />

villégiature choisis, ceux évoqués dans ses<br />

écrits intimes ou bien ceux attachés à ses<br />

nouvelles et romans. Saint-Sauveur-le-<br />

Vicomte bien sûr, Valognes, la lan<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

Lessay, les marais du Cotentin, la côte…<br />

Pierre Leberruyer met ses pas dans ceux<br />

<strong>de</strong> l’écrivain et indirectement nous parle<br />

<strong>de</strong> l’homme… S’attardant sur la maison où<br />

grandit Barbey, rue Bottin-Desylles à<br />

Saint-Sauveur, Pierre Leberruyer rappelle<br />

que la mère « ne sut pas montrer à son fils<br />

aîné assez <strong>de</strong> tendresse ». Il s’attar<strong>de</strong> sur<br />

la château <strong>de</strong> Marcelet où habitait sa cousine<br />

par alliance et premier grand amour,<br />

Louise. L’ouvrage <strong>de</strong> Pierre Leberruyer<br />

nous démontre combien la région natale<br />

<strong>de</strong> Barbey, son enfance, ont nourri son<br />

œuvre. Sans tomber dans l’écueil facile :<br />

faire <strong>de</strong> Barbey un écrivain régionaliste.<br />

Ce qu’il était loin d’être ! Une iconographie<br />

foisonnante (gravures, pages manuscrites,<br />

photographies) accompagne son propos.<br />

Au final un ouvrage extrêmement attrayant<br />

qui invite à lire ou relire Barbey. Et pourquoi<br />

pas ? A se bala<strong>de</strong>r dans ce Cotentin<br />

cher à son cœur et à on œuvre !<br />

Barbey d’Aurevilly, le scandaleux,<br />

Michel Pinel (« Inédits et introuvables<br />

du patrimoine normand », 2008)<br />

Michel Pinel, vice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Société<br />

Barbey d’Aurevilly, signe un ouvrage<br />

« pour tenter <strong>de</strong> percer la carapace <strong>de</strong><br />

ce personnage complexe et singulier et,<br />

peut-être, atteindre une petite part <strong>de</strong> son<br />

âme ». L’ouvrage, illustré <strong>de</strong> nombreuses<br />

photographies (portraits, caricatures,<br />

manuscrits, objets ayant appartenu à<br />

l’écrivain) et illustrations inédites, revient<br />

sur le personnage <strong>de</strong> Barbey d’Aurevilly<br />

que « le grand public connaît peu » :<br />

romancier, « critique littéraire, féroce<br />

et redoutable, qui connut la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

écrivains et <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes <strong>de</strong> son siècle ».<br />

Michel Pinel retrace les temps forts <strong>de</strong> la<br />

vie <strong>de</strong> l’auteur avant <strong>de</strong> laisser la parole<br />

à ses pairs puis d’explorer les relations<br />

<strong>de</strong> Barbey avec les femmes jusqu’à la<br />

rencontre avec Louise Read qui hérita <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

droits sur son œuvre littéraire. Le chapitre<br />

suivant est sans doute le plus fascinant :<br />

il réunit <strong><strong>de</strong>s</strong> reproductions <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sins et<br />

encres contemporains ou actuels, réalisés<br />

pour les récits <strong>de</strong> Barbey.<br />

Une amitié singulière,<br />

Barbey et les Guérin,<br />

Clau<strong>de</strong> Le Roy (H&D, 2007). Livre et CD.<br />

« Une "amitié singulière" unit <strong>de</strong>ux<br />

Languedociens, le frère et la soeur,<br />

Maurice et Eugénie <strong>de</strong> Guérin, à un<br />

Normand, Jules Barbey qui renonce alors<br />

à s'appeler d'Aurevilly. Tous trois<br />

appartiennent à la même génération,<br />

celle du romantisme flamboyant <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

années 1830. Jules et Maurice, anciens<br />

condisciples à Stanislas, se retrouvent<br />

vers 1835 dans le Paris agité <strong>de</strong> Louis-<br />

Philippe. Barbey tente <strong>de</strong> se faire connaître<br />

et Guérin revient, plutôt désemparé, d'un<br />

séjour en Bretagne… » Le lecteur pourra<br />

aussi écouter les échanges épistolaires<br />

entre ces amis sur le CD offert avec le livre.<br />

SITES INTERNET<br />

http://w3.lla.univ-tlse2.fr/barbey/<br />

http://gallica.bnf.fr/<br />

http://www.terres<strong>de</strong>crivains.com/<br />

LIEUX<br />

Musée Barbey d’Aurevilly<br />

66, Rue Bottin-Desylles<br />

50390 Saint-Sauveur-le-Vicomte<br />

02 33 41 65 18<br />

museebarbey@orange.fr


Actualité littéraire<br />

Paregirardot<br />

Hubert Haddad vient <strong>de</strong> signer <strong>de</strong>ux remarquables ouvrages chez Zulma :<br />

Palestine et Le Nouveau Nouveau Magasin d’écriture. Ainsi que <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes<br />

chez Dumerchez : Oxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> réduction.<br />

« Ainsi ce sont à la fois <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs humanistes,<br />

l’idée que les arts peuvent quelque chose<br />

pour le mon<strong>de</strong>, et une sincère curiosité pour un continent<br />

dont les cultures mettent la musique et la parole<br />

au cœur, qui intéressent le salon Livres & Musiques<br />

» annonce le projet <strong>de</strong> la troisième édition du<br />

salon du livre organisé par la ville <strong>de</strong> Deauville. Plusieurs<br />

auteurs ont déjà confirmé leur venue, et non<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> moindres : Alain Mabanckou, auteur <strong>de</strong> l’inoubliable<br />

Verre cassé (Seuil), Eugène Ebodé, le poète<br />

Tahar Bekri, François Bon, Lyonel Trouillot, Gaston<br />

Paul-Effa…<br />

Le salon renouvelle sa formule habituelle, soucieuse<br />

toujours <strong>de</strong> s’adresser à tous : professionnels ou non,<br />

adultes et enfants… Une journée scolaire sera orga-<br />

Jacques Dupin est incontestablement l’un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

plus grands poètes français contemporains. Né en<br />

1927, il rencontre René Char en 1947 et, grâce à son<br />

soutien, il publie <strong><strong>de</strong>s</strong> poèmes et <strong><strong>de</strong>s</strong> textes sur l’art,<br />

ce qui lui permet d’entrer en relation avec <strong>de</strong> nombreux<br />

artistes (Brancusi, Picasso, Braque, De Staël,<br />

Giacometti, Miro, etc.). En 1956, il <strong>de</strong>vient directeur<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> éditions <strong>de</strong> la galerie Maeght, continuée par la<br />

galerie Lelong en 1981. Au fil du temps, il se lie également<br />

avec <strong>de</strong> très nombreux écrivains parmi lesquels<br />

figurent André du Bouchet, Francis Ponge, Pierre<br />

Reverdy, Philippe Jaccottet, Henri Michaux, André<br />

Frénaud, Paul Auster, Yves Bonnefoy, Gaëtan Picon,<br />

Louis-René <strong><strong>de</strong>s</strong> Forêts, Michel Leiris et Paul Celan. En<br />

1988, il a obtenu le Prix national <strong>de</strong> poésie. Il est l’au-<br />

nisée à l’attention <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers le 2 mai : 28 classes<br />

<strong>de</strong> Deauville et Trouville-sur-mer seront accueillies,<br />

<strong>de</strong> la crèche jusqu’à la Première dans les lycées !<br />

Le salon qui se déroulera au <strong>Centre</strong> international <strong>de</strong><br />

Deauville sera divisé en plusieurs espaces : régional,<br />

librairie adulte, jeunesse, exposants, ateliers pour enfants<br />

et adolescents et bien entendu le café littéraire<br />

pour les rencontres. Parmi les ateliers envisagés :<br />

illustration d’une chanson, Contes d’Afrique en musique,<br />

création <strong>de</strong> ban<strong><strong>de</strong>s</strong>-<strong><strong>de</strong>s</strong>sinées… Côté tables<br />

ron<strong><strong>de</strong>s</strong>, l’une sera consacrée à la littérature orale africaine<br />

et son influence sur la littérature jeunesse. Des<br />

lectures complèteront cette re(découverte) <strong>de</strong> la littérature<br />

africaine. De nombreux éditeurs, développant<br />

un catalogue en direction <strong>de</strong> la musique et <strong>de</strong><br />

teur d’une trentaine d’ouvrages (théâtre, écrits sur<br />

l’art, poésie) dont le <strong>de</strong>rnier s’intitule M’introduire<br />

dans ton histoire (P.O.L, 2007).<br />

Dès ses débuts où dominent les éclats d’un paysage<br />

minéral, l’écriture <strong>de</strong> Jacques Dupin, le plus souvent<br />

fragmentaire, renvoie l’écho intériorisé <strong>de</strong> ce qu’il<br />

nomme le « <strong>de</strong>hors », sans cé<strong>de</strong>r pour autant aux complaisances<br />

d’un certain lyrisme – ainsi, il se démarquera<br />

vite du surréalisme. Il ne s’agit pas pour lui d’affirmer<br />

ou <strong>de</strong> faire l’éloge mais plutôt <strong>de</strong> questionner<br />

à travers une poésie « qui ne comble pas mais au<br />

contraire approfondit toujours davantage le manque<br />

et le tourment qui la suscitent » (L’Embrasure, 1969).<br />

Par ailleurs, les nombreux textes critiques <strong>de</strong> Jacques<br />

Dupin quant aux arts plastiques (il est notamment re-<br />

mars 2008 - livre / échange 8<br />

Calvados > Rencontres littéraires<br />

Carte blanche<br />

à Hubert Haddad<br />

Romancier, poète, essayiste, auteur pour le théâtre,<br />

Hubert Haddad est un auteur multiple.<br />

La B. D. P. lui donne carte blanche en 2008<br />

pour inviter les auteurs <strong>de</strong> son choix.<br />

« N’est-ce pas un autre bonheur <strong>de</strong> lecture que<br />

la parole échangée librement au gré <strong>de</strong> ce que nous<br />

avons lu ou pas ? Rencontrer <strong><strong>de</strong>s</strong> écrivains, c’est ouvrir<br />

leurs livres sur une page future, encore à l’état <strong>de</strong> souffle<br />

et <strong>de</strong> rêve. George-Olivier Châteaureynaud, en passeur<br />

drôlement empenné <strong>de</strong> l’Autre rive, Hervé Le Tellier, humoriste,<br />

à la fois minutieux et aérien, Annie Cohen, la<br />

musicienne <strong><strong>de</strong>s</strong> gouffres dérobés, Frédérick Tristan, jongleur<br />

d’illusions et maître <strong><strong>de</strong>s</strong> égarements, viendront<br />

tour à tour partager leur passion avec l’altérité investigatrice<br />

et amicale <strong><strong>de</strong>s</strong> lecteurs. » Hubert Haddad sait<br />

faire partager ses envies d’écriture et <strong>de</strong> lecture. Il n’y<br />

a qu’à ouvrir les <strong>de</strong>ux merveilleux ouvrages qu’il a signés<br />

chez Zulma : Le Nouveau Magasin d’écriture et Le<br />

Nouveau Nouveau Magasin d’écriture. La Bibliothèque<br />

départementale <strong>de</strong> Prêt du Calvados ne s’est donc pas<br />

trompée en lui laissant carte blanche pour cette nouvelle<br />

année <strong>de</strong> rencontres littéraires.<br />

Deauville > Salon du livre<br />

Livres & Musiques, couleur africaine<br />

Le prochain Salon du livre <strong>de</strong> Deauville aura lieu les 1 er , 2 et 3 mai. Un ren<strong>de</strong>z-vous autour <strong><strong>de</strong>s</strong> Afriques<br />

et non pas d’une seule Afrique. L’an <strong>de</strong>rnier, Livres & Musiques avait accueilli 4 500 visiteurs.<br />

l’Afrique, seront présents également.<br />

Doté <strong>de</strong> 4 500 euros et présidé par Jérôme Garcin, le<br />

Prix littéraire <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Deauville viendra récompenser<br />

un auteur. Nouveauté : cette année, les libraires<br />

<strong>de</strong> Deauville s’associent au projet en remettant un<br />

Prix <strong><strong>de</strong>s</strong> lecteurs à l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs. Enfin, <strong><strong>de</strong>s</strong> critiques<br />

musicaux composeront le jury qui remettra le<br />

Prix Sacem/Deauville <strong>de</strong> la biographie musicale. Ces<br />

prix seront remis lors <strong>de</strong> l’inauguration, le 1 er mai. Au<br />

programme <strong>de</strong> cette première soirée, un spectacle <strong>de</strong><br />

danse et <strong>de</strong> musique du Rwanda.<br />

Caen > Ici Poésie<br />

Jacques Dupin à l’Artothèque<br />

<br />

Renseignements au 02 31 14 02 14.<br />

http://www.<strong>de</strong>auville.fr<br />

Entrée libre mais réservations conseillées.<br />

Rencontres animées par Hubert Haddad.<br />

Jeudi 27 mars à 20h30 à la médiathèque<br />

<strong>de</strong> Vassy. Rencontre avec Georges-Olivier<br />

Châteaureynaud.<br />

Renseignements au 02 31 09 09 18.<br />

Vendredi 13 juin à 20h30 à la salle<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> fêtes <strong>de</strong> Bretteville-sur-Laize.<br />

Rencontre avec Hervé Le Tellier.<br />

Renseignements au 02 31 23 91 36.<br />

Vendredi 17 octobre à la salle <strong><strong>de</strong>s</strong> fêtes<br />

<strong>de</strong> Courtonne-la-Meurdrac.<br />

Renseignements au 02 31 78 78 87.<br />

Vendredi 12 décembre à la salle <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

fêtes du Molay-Littry. Rencontre avec<br />

Frédérick Tristan.<br />

Renseignements au 02 31 22 61 98.<br />

connu comme le meilleur expert <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Miro)<br />

ont peut-être contribué à ce qu’une présence existentielle,<br />

prosaïquement incarnée, soit davantage sensible<br />

dans ses poèmes mais cette <strong>de</strong>rnière, loin <strong>de</strong><br />

circonscrire ce qui est écrit à une sphère privée, sait<br />

rester ouverte et luci<strong>de</strong> envers l’écriture elle-même :<br />

« les cailloux <strong>de</strong> la course / en fin <strong>de</strong> vie / ponctuent<br />

la transcription / herbe et brebis dans le mouvant /<br />

algues par les remous // on écrit ce qu’on ignore / on<br />

renaît nus dans le savon noir » (Coudrier, P.O.L., 2006).<br />

Bruno Fran<br />

Rencontre à l’Artothèque <strong>de</strong> Caen le 12 mars à 18 h 30.<br />

Entrée libre.


Journal trimestriel édité par le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

n.41 bis / <strong>Mars</strong> 2008<br />

D.R<br />

livre / échange<br />

Vie littéraire et actualité du livre en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

Sommaire<br />

Paroles d’éditeurs<br />

Le CRL <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> accueillera douze éditeurs <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> sur son emplacement<br />

« Livres en <strong>Normandie</strong> » lors du prochain Salon du livre <strong>de</strong> Paris, du 14 au 19 mars.<br />

P. II / Les Cahiers du temps<br />

P. III / Les éditions du Chameau<br />

/ Zulma<br />

P. IV / La Lieutenance<br />

/ Inédits et introuvables du patrimoine normand<br />

P. V / Les éditions du Frisson esthétique<br />

/ Les éditions <strong>de</strong> l’Institut Mémoires<br />

<strong>de</strong> l’édition contemporaine<br />

P. VI / Nous<br />

/ Les Presses universitaires <strong>de</strong> Caen<br />

/ MJW Féditions<br />

P. VII / Møtus<br />

P. VIII / Le Point du jour<br />

Directeur <strong>de</strong> la publication : Arnaud FONTAINE<br />

Textes et reportages : Nathalie COLLEVILLE<br />

Conception graphique et réalisation : www.aprim-caen.fr.<br />

Impression : Imprimerie Presse Calvados<br />

<strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong><br />

10, Rue du Château d’eau, 14000 Caen.<br />

Tél. 02. 31. 15. 36. 36. Fax 02. 31. 15. 36. 37.<br />

www.crl.basse-normandie.com<br />

Paroles d’éditeurs. Le pluriel<br />

s’imposait. Leurs visages sont multiples<br />

et les structures implantées en région<br />

n’échappent pas à la règle, tant leurs thématiques,<br />

leurs tailles et leurs fonctionnements<br />

sont différents. Aujourd’hui, la<br />

<strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> compte 72 maisons<br />

d’édition créées sous forme d’association,<br />

Société Anonyme, entreprise individuelle…<br />

Mais qui dit « région » ne dit pas forcément<br />

« régionaliste ». Si le « petit éditeur »<br />

vit et s’inscrit dans un territoire, il n’en est<br />

pas pour autant le chantre <strong>de</strong> son terroir<br />

et il ne publie pas que <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs locaux.<br />

Les douze éditeurs présentés dans les<br />

pages à suivre sont tous très différents :<br />

Nous publie Jouet, Wacjman et Badiou ;<br />

Le Frisson esthétique réédite Hugo,<br />

Voltaire et Gourmont ; Les Cahiers du<br />

temps construisent leur catalogue autour<br />

du patrimoine historique industriel <strong>de</strong> la<br />

région ; le Chameau édite <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages à<br />

tirage limité et exemplaires numérotés ;<br />

les éditions Møtus se sont fait un nom en<br />

littérature jeunesse et poésie, qui dépasse<br />

<strong>de</strong>puis longtemps les frontières régionales<br />

et… nationales ; La Lieutenance, elle,<br />

s’attache à Honfleur tandis que MJW<br />

Féditions se spécialise dans les étu<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

psychologiques…<br />

(supplément)<br />

Pour Pierre Jour<strong>de</strong>, (auteur notamment <strong>de</strong><br />

La Littérature sans estomac et professeur<br />

à l’Université Stendhal <strong>de</strong> Grenoble III),<br />

« le véritable petit éditeur est indépendant.<br />

Il est diffusé en général par un distributeur<br />

spécialisé dans les maisons <strong>de</strong><br />

taille restreinte, ou bien pratique l’autodiffusion.<br />

Il fonctionne avec une ou <strong>de</strong>ux<br />

personnes, souvent sur la base du bénévolat.<br />

Pour certains, l’édition est un violon<br />

d’Ingres coûteux, et dévoreur <strong>de</strong><br />

temps. Quant à vivre <strong>de</strong> cette activité, ce<br />

n’est jamais facile. » (in Le Mon<strong>de</strong> diplomatique,<br />

janvier 2007) Souvent isolé, le<br />

petit éditeur est aussi physiquement sur<br />

tous les fronts : édition, distribution, diffusion,<br />

promotion… en plus <strong>de</strong> sa propre<br />

activité professionnelle ! C’est lui qui bien<br />

souvent pousse les portes <strong><strong>de</strong>s</strong> librairies<br />

et assure les livraisons. Quand il n’est pas<br />

en plus l’artisan qui va confectionner ses<br />

exemplaires un à un.<br />

C’est cette diversité que le <strong>Centre</strong> régional<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> souhaite<br />

soutenir et défendre. L’accueil <strong>de</strong><br />

douze d’entre eux au Salon du livre <strong>de</strong><br />

Paris en est la démonstration.<br />

Supplément conçu et rédigé<br />

par Nathalie Colleville<br />

<br />

Stand : B32 D31 - Paris Expo, Hall 1, Porte <strong>de</strong> Versailles.


Éditeurs en basse-normandie<br />

L’auteur. « D’abord c’est une rencontre<br />

avec l’auteur, souvent, quelqu’un<br />

que l’on connaît déjà. Nous travaillons<br />

notamment avec <strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong>de</strong> l’association<br />

Histoire et Patrimoine Industriel<br />

: Marc Pottier, Alain Leménorel… C’est<br />

ce <strong>de</strong>rnier d’ailleurs qui avait fait cette<br />

proposition d’un livre sur la SMN (Une<br />

forteresse ouvrière, 1910-1993, 2006).<br />

Mais dès le départ, il doit se passer<br />

quelque chose <strong>de</strong> fort avec l’auteur. Je<br />

crois que la seule chose qui pourrait me<br />

faire décrocher du métier, ce serait un<br />

conflit avec un auteur… Il faut savoir aussi<br />

adapter le texte au lecteur pour que le<br />

livre puisse porter ses fruits. La plus gran<strong>de</strong><br />

difficulté reste <strong>de</strong> savoir si un livre se<br />

vendra bien. Même avec l’expérience,<br />

c’est à chaque fois la gran<strong>de</strong> inconnue. »<br />

La relecture. « Les textes sont toujours<br />

soumis à un comité <strong>de</strong> lecture. Celui<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> Cahiers du temps est constitué <strong>de</strong><br />

quatre personnes. Une fois que nous<br />

avons pris la décision d’éditer, que le processus<br />

est enclenché, nous débutons la<br />

phase <strong>de</strong> relecture et <strong>de</strong> correction. Parallèlement,<br />

nous entamons la conception<br />

du livre, le choix du titre, du visuel <strong>de</strong> couverture.<br />

Généralement, nous recevons le<br />

texte et les documents iconographiques<br />

en même temps. Nos auteurs sont souvent<br />

eux-mêmes historiens et ont fait le<br />

travail <strong>de</strong> collecte <strong><strong>de</strong>s</strong> visuels. »<br />

Anne Sablery,<br />

ici à gauche,<br />

avec son équipe.<br />

Cabourg > Les Cahiers du temps<br />

Livres d’Histoire, histoire d’un livre…<br />

Anne Sablery, directrice <strong><strong>de</strong>s</strong> Cahiers du temps, revient sur les différentes étapes <strong>de</strong> la conception<br />

d’un livre au sein <strong>de</strong> sa maison d’édition.<br />

La mise en page. « Nous assurons<br />

la maquette et la photogravure<br />

en interne. J’ai d’ailleurs investi dans du<br />

matériel et embauché Emilie pour la<br />

photogravure. Une fois les documents<br />

numérisés, nous débutons la mise en<br />

page. Mon objectif, c’est <strong>de</strong> faire passer<br />

un message <strong>de</strong> la plus belle manière<br />

qui soit. La maquette est ensuite proposée<br />

à l’auteur. Nous faisons ainsi trois<br />

à quatre allers-retours avec lui. Cette<br />

pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> relecture est selon moi la<br />

plus importante. Elle ne doit en aucun<br />

cas être raccourcie. Même si l’auteur<br />

nous dit que le texte est parfait ! On ne<br />

peut pas faire un livre en moins <strong>de</strong> trois<br />

mois. A partir <strong>de</strong> cette étape, nous commençons<br />

à communiquer sur le livre via<br />

notre site web mais aussi en direction<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> représentants nationaux. »<br />

L’impression. « Ensuite, intervient<br />

l’imprimeur. Nous avons la volonté<br />

aux Cahiers du temps <strong>de</strong> faire travailler<br />

les entreprises <strong>de</strong> la région. La proximité<br />

<strong>de</strong> l’imprimerie est importante car<br />

je tiens à être présente sur les machines<br />

lors <strong>de</strong> l’impression. Chaque imprimeur<br />

a sa spécialité en fonction <strong>de</strong> son parc<br />

machines. Je travaille toujours avec le<br />

même imprimeur pour la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

noirs et avec un autre pour les quadris<br />

ou les quantités importantes. C’est le<br />

poste financier le plus lourd. C’est donc<br />

une étape clé pour le coût final du livre.<br />

Si un livre est trop cher à la fabrication,<br />

nous ne pourrons pas le vendre. »<br />

mars 2008 - livre / échange I I<br />

La diffusion. « Après le façonnage,<br />

les livres reviennent ensuite dans<br />

nos locaux où ils sont stockés et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

exemplaires sont immédiatement envoyés<br />

à notre diffuseur national, le<br />

G-DIL, au comptoir parisien et à nos libraires<br />

régionaux inscrits à l’Office.<br />

Nous assurons nous-mêmes la diffusion<br />

régionale. »<br />

La distribution. « Nous assurons<br />

nous-mêmes toute la distribution.<br />

Chaque jour, nous recevons <strong><strong>de</strong>s</strong> comman<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

par courrier, fax ou internet,<br />

nous facturons et expédions les livres,<br />

essentiellement dans la région mais également<br />

dans toute la France et même à<br />

l’étranger. Passer par Calibre m’intéresserait<br />

s’il y avait une plateforme à Caen.<br />

Mais, en région parisienne, je crains le<br />

coût <strong><strong>de</strong>s</strong> retours intempestifs qui sont<br />

un danger réel pour une petite maison<br />

d’édition spécialisée sur la <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

Etre installée en région pour<br />

moi n’est pas un handicap. Ce serait<br />

même un avantage. Mais <strong><strong>de</strong>s</strong> ai<strong><strong>de</strong>s</strong> comme<br />

celles du CRL sont incontournables.<br />

Un livre ne saurait être remboursé par<br />

ses seules ventes en librairie.<br />

Nous publions environ dix livres par an.<br />

Aujourd’hui, je suis une éditrice comblée.<br />

J’ai créé <strong>de</strong>ux emplois (à mitemps),<br />

j’ai une bonne équipe où nous<br />

sommes tous polyvalents. J’ai l’impression<br />

que le soin que nous apportons<br />

aux livres <strong><strong>de</strong>s</strong> Cahiers du temps<br />

est reconnu. »<br />

« ÉDITER, C’EST FAIRE PASSER<br />

UN MESSAGE TOUT EN DONNANT<br />

DU PLAISIR AU LECTEUR AVEC<br />

UN BEAU LIVRE : UNE VISION<br />

CLAIRE, UN TOUCHER<br />

PARTICULIER, UNE ODEUR<br />

D’ENCRE, LE BRUIT D’UNE<br />

RELIURE NEUVE QUI CRAQUE...<br />

ET LE GOÛT DES MOTS. »<br />

ANNE SABLERY<br />

<br />

Domaines : Histoire sociale, patrimoine<br />

artistique et architectural régional, ouvrages<br />

documentaires et beaux livres<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 80<br />

Année <strong>de</strong> création : 1995<br />

Adresse : 29, rue du Caporal-Chassignol,<br />

14390 CABOURG<br />

Téléphone : 02 31 91 83 80<br />

Site : www.cahiersdutemps.com<br />

D.R


Fonds CRL<br />

Après-midi studieuse à la<br />

galerie du Chameau, ce mercredi. Il faut<br />

terminer la confection <strong><strong>de</strong>s</strong> boîtiers du<br />

prochain ouvrage à paraître : un portfolio,<br />

catalogue <strong>de</strong> l’exposition du photographe<br />

caennais Tristan Jeanne-Valès,<br />

Le Feu, les mains. Le livre sera tiré à 200<br />

exemplaires numérotés et présentés<br />

dans <strong><strong>de</strong>s</strong> coffrets sérigraphiés par Bernard<br />

Louvel. Tout est là, tout est dit : le<br />

plaisir <strong>de</strong> créer, fabriquer un format, une<br />

mise en page pour chaque parution ; et<br />

aussi le lien avec une activité artistique.<br />

Tels sont les marques <strong>de</strong> fabrique <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

éditions du Chameau, couplées au lieu<br />

d’exposition éponyme, inauguré en 1988<br />

à Dozulé. « Chaque livre doit être unique,<br />

chaque exemplaire numéroté », précise<br />

François Bourdon co-responsable <strong>de</strong> l’association<br />

avec Fabienne Lachèvre-Frongia.<br />

« Et nous voulons qu’il soit accessible<br />

au plus grand nombre. On a plus<br />

d’imagination que <strong>de</strong> moyens d’où nos<br />

faibles tirages et un important travail bénévole.<br />

Nous ne gagnons pas d’argent !<br />

Mais nous ne sommes pas dans cette logique<br />

<strong>de</strong> toute façon », poursuit François<br />

Bourdon. La conception artistique<br />

<strong>de</strong> l’ouvrage, la proximité entre les artistes<br />

et les écrivants, voilà ce qui intéresse<br />

cet éditeur, bénévole lui aussi.<br />

Créées en 1993, les éditions du Chameau<br />

s’inscrivent dans la continuité <strong>de</strong><br />

l’activité <strong>de</strong> la galerie 175. Les 80 exemplaires<br />

du premier livre (consacré aux<br />

expositions <strong><strong>de</strong>s</strong> cinq premières années)<br />

furent fabriqués manuellement ! Aujourd’hui,<br />

le catalogue compte 22 titres<br />

Dozulé > Les éditions du Chameau<br />

et le nombre <strong>de</strong> projets par an a doublé<br />

: calligraphie, sérigraphie, poésie,<br />

etc. « On essaie toujours <strong>de</strong> ne pas<br />

écouler tous les exemplaires <strong>de</strong> manière<br />

à ce que chaque livre continue à<br />

vivre… »<br />

2008 <strong>de</strong>vrait voir la parution <strong>de</strong> nouveaux<br />

titres : <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvelles <strong>de</strong> Clara<br />

Baume, La Casse Karl Marx ; Phébus<br />

et moi, carnet <strong>de</strong> route <strong>de</strong> Thomas Jonckeau,<br />

un recueil d’aphorismes avec<br />

illustrations, conçu à quatre mains par<br />

Frank Lanot et Maryvonne Le Quellec…<br />

Pour chaque nouveau projet, François<br />

Bourdon réalise un prototype. Un exemplaire<br />

zéro qu’il teste auprès <strong>de</strong> son entourage,<br />

<strong>de</strong> celui <strong>de</strong> l’auteur… Puis ensuite<br />

les éditions du Chameau lancent<br />

la souscription, organisent éventuellement<br />

une rencontre, une exposition autour<br />

du projet, toujours pour le faire<br />

connaître, sensibiliser les éventuels lecteurs.<br />

« Cela nous permet <strong>de</strong> tester le<br />

public en quelque sorte, c’est un filtre<br />

naturel, une sérénité. On ne lancera jamais<br />

un livre s’il n’y a pas <strong>de</strong> public. »<br />

De rencontres en coups <strong>de</strong> cœur, <strong>de</strong><br />

coups <strong>de</strong> cœur en hasard, les éditions<br />

du Chameau construisent leur catalogue<br />

tout en restant fidèles à leur<br />

conception <strong>de</strong> l’édition : « Editer <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

livres en un nombre d’exemplaires volontairement<br />

restreint, sans se préoccuper<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes liés à la diffusion<br />

en gran<strong>de</strong> série. Nous avons le souci<br />

<strong>de</strong> réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> « petits » livres à <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

prix accessibles, aussi bien pour la fabrication<br />

que pour les éventuels ac-<br />

mars 2008 - livre / échange I I I<br />

quéreurs, tout en étant le plus près possible<br />

<strong>de</strong> la qualité offerte par <strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels.<br />

Cette activité, autour <strong>de</strong> la<br />

Galerie 175 (Dozulé), est pour nous une<br />

nouvelle façon <strong>de</strong> diffuser et <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r<br />

la trace <strong>de</strong> réalisations artistiques, mais<br />

aussi d’associer dans cette aventure<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> personnes qui écrivent, favorisant<br />

la proximité artistique et les rencontres. »<br />

/ Éditeurs en basse-normandie<br />

Petites mains et gran<strong>de</strong> imagination<br />

Les éditions du Chameau font <strong>de</strong> plus en plus parler d’elles.<br />

leur soif <strong>de</strong> rencontres en fait l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> catalogues d’éditeur les plus originaux <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

L’un <strong><strong>de</strong>s</strong> plus grands succès <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière<br />

maison d’édition installée en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>,<br />

Zulma, fut Le Nouveau Magasin d’écriture d’Hubert<br />

Haddad. Un an après, l’éditeur publie Le Nouveau<br />

Nouveau Magasin d’écriture, texte hautement littéraire,<br />

pour la littérature et sur la littérature, un cabinet<br />

<strong>de</strong> curiosités au service <strong>de</strong> l’art d’écrire.<br />

Le Nouveau Nouveau Magasin d’écriture, tout comme<br />

son prédécesseur, rend un hommage passionné<br />

à l’art d’écrire. « Ecrire, apprendre à consigner en langage<br />

humain le secret abrasif qui vous distingue <strong>de</strong><br />

tous et vous rapproche <strong>de</strong> chacun, c’est avant tout<br />

commencer d’être libre. » Poursuivant ainsi la réflexion<br />

entreprise dans le premier tome où Hubert Haddad<br />

affirmait : « L’art d’écrire ne s’enseigne pas ». « Mais<br />

le goût d’écrire, lui, se conforte et se déploie dans le<br />

travail. » Magicien prodigieux <strong><strong>de</strong>s</strong> mots, Hubert<br />

Fonds CRL<br />

Haddad fait advenir tous les livres et toutes les histoires<br />

dans ce volume <strong>de</strong> 634 pages.<br />

Découpé en dix-sept albums aux titres oniriques<br />

(« L’Ange <strong>de</strong> la <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée allait pieds nus… », « Avec<br />

un mouchoir rouge, je t’apprivoiserai »), Le Nouveau<br />

Nouveau Magasin d’écriture propose réflexions sur<br />

la littérature et ses genres aujourd’hui, citations et<br />

extraits <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>laire à Tzara, illustrations (Rembrandt,<br />

Rops, Toulouse-Lautrec…) et idées pour<br />

consignes d’écriture en atelier… Le tout servi par une<br />

élégante mise en page et un excellent travail typographique,<br />

la signature remarquée et remarquable<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> éditions Zulma désormais.<br />

Bibliothèque portative, tiroirs à rêves d’écriture, « musée<br />

<strong>de</strong> l’insolite », Le Nouveau Nouveau Magasin<br />

d’écriture est tout cela à la fois. Généreux et foisonnant,<br />

singulier et pluriel, polysémique et polyglotte,<br />

Laurent Pleintel, François Bourdon et Fabienne Lachèvre-Frongia.<br />

« ETRE ÉDITEUR, C’EST<br />

ACCOMPAGNER ET PARTICIPER<br />

À LA CRÉATION D’UN PROJET,<br />

DU TEXTE SEUL JUSQU’À<br />

L’ÉLABORATION DU LIVRE. »<br />

FRANÇOIS BOURDON<br />

Domaines : Sculpture, peinture,<br />

arts graphiques, photographie, littérature<br />

en lien avec l’art, poésie<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 21<br />

Année <strong>de</strong> création : 1993<br />

Adresse : 154, Gran<strong>de</strong> Rue 14430 DOZULÉ<br />

Téléphone : 02 31 39 01 12<br />

Site : www.perso.wanadoo.fr/galerie175<br />

Honfleur > Zulma<br />

Tiroirs à rêves d’écriture…<br />

Exercice amoureux <strong><strong>de</strong>s</strong> mots, colossal et minutieux, Le Nouveau Nouveau Magasin d’écriture d’Hubert Haddad<br />

séduit, réveille, stimule, envole. Nous sommes tous <strong><strong>de</strong>s</strong> écrivains, nous dit son auteur.<br />

<br />

l’ouvrage met l’écriture à la portée <strong>de</strong> tous. Écrit dans<br />

une langue luxuriante, il est multiple, riche, vagabond.<br />

Et pourtant il ne clôt rien car tout reste à venir, à<br />

écrire donc…<br />

Le Nouveau Nouveau Magasin d’écriture, Hubert Haddad (Zulma, 2007)<br />

Le Nouveau Magasin d’écriture, Hubert Haddad (Zulma, 2006)<br />

<br />

Un entretien avec Laure Leroy, directrice <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions Zulma<br />

à lire dans le Livre/échange n°40 (Octobre 2007)<br />

Domaines : littéraure française et étrangère<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 350<br />

Année <strong>de</strong> création : 1990<br />

Adresse : 14600 Honfleur<br />

Téléphone : 01 58 22 19 90<br />

Site : www.zulma.fr


Éditeurs en basse-normandie<br />

Honfleur > Les éditions <strong>de</strong> La Lieutenance<br />

L’éditeur amoureux <strong>de</strong> sa ville<br />

Séduit par Honfleur découverte alors qu’il était adolescent, Christian <strong>de</strong> Vaublanc y installe<br />

sa maison d’édition en 1996. La cité du Calvados est <strong>de</strong>puis au cœur <strong>de</strong> son catalogue.<br />

Christian <strong>de</strong> Vaublanc a seize<br />

ans lorsqu’il découvre Honfleur au<br />

détour d’une balla<strong>de</strong> estivale. Le coup<br />

<strong>de</strong> foudre perdure puisqu’il s’y installera<br />

plus tard en famille. « Je suis véritablement<br />

tombé amoureux <strong>de</strong> cette<br />

ville. J’ai aimé cette impression <strong>de</strong> sérénité<br />

qu’elle dégageait. » Si Honfleur<br />

a su charmer Christian <strong>de</strong> Vaublanc,<br />

celui-ci lui rend bien puisqu’il a choisi<br />

<strong>de</strong> lui consacrer l’essentiel du catalogue<br />

<strong>de</strong> sa maison d’éditions, La Lieutenance.<br />

Sa connaissance et son admiration <strong>de</strong><br />

la ville l’ont conduit à éditer son premier<br />

ouvrage, Vivre Honfleur, en 1997.<br />

Producteur <strong>de</strong> films puis éditeur <strong>de</strong> revues,<br />

Christian <strong>de</strong> Vaublanc ajoute donc<br />

une nouvelle cor<strong>de</strong> à son arc et donne<br />

aussi à la ville sa première maison<br />

d’édition. Pendant la conception <strong>de</strong> ce<br />

premier ouvrage beaucoup plus<br />

copieux que prévu au final, contacts,<br />

idées et propositions fleurissent <strong>de</strong> tous<br />

côtés. Les éditions <strong>de</strong> La Lieutenance<br />

sont lancées ! Depuis, dix-sept autres<br />

titres sont parus dont plusieurs dans la<br />

sympathique petite collection « Les<br />

Carnets d’Honfleur », au rythme <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux à quatre parutions par an. « Puis<br />

il y a eu la rencontre majeure avec Lucie<br />

Delarue-Mardrus, native <strong>de</strong> Honfleur.<br />

Même si elle a écrit <strong><strong>de</strong>s</strong> romans, c’était<br />

avant tout une poète, une gran<strong>de</strong> poète,<br />

une femme exceptionnelle. » Christian<br />

<strong>de</strong> Vaublanc rééditera l’un <strong>de</strong> ses<br />

romans L’Ex-Voto, <strong>de</strong>venu introuvable<br />

Livre / échange : Comment êtes vous<br />

<strong>de</strong>venu éditeur ?<br />

R. G. : En 1994, Eurocibles, la société<br />

<strong>de</strong> communication que je dirige, réalisait<br />

le journal <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Coutances.<br />

Pour le cinquantième anniversaire du<br />

Débarquement, nous avons, exceptionnellement,<br />

réalisé un livre : la réédition<br />

d’un vieil ouvrage sur la libération<br />

<strong>de</strong> Coutances. Puis, nous avons<br />

réitéré l’expérience avec le livre du Chanoine<br />

Toussaint sur la commune <strong>de</strong> La<br />

Chapelle-en-Juger. Les 1500 exemplaires<br />

sont très vite partis. Ces premiers succès<br />

d’édition sont à l’origine <strong>de</strong> notre<br />

activité. Nous avons lancé notre collection<br />

intitulée « Inédits et introuvables<br />

du patrimoine normand ». Six ans après<br />

sa création, le catalogue compte aujourd’hui<br />

60 titres chacun tiré entre<br />

1000 et 3000 exemplaires. Sept à huit<br />

livres paraissent par an.<br />

L/é : Les éditions Eurocibles ont pour<br />

habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> recourir au système <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

souscriptions. Pourquoi ce choix ?<br />

R. G. : Cela nous tient à cœur en effet.<br />

Fonds CRL<br />

et aussi ses Poèmes mignons. « Ce que<br />

je voulais clairement, c’était que les lecteurs<br />

la redécouvrent. » L’aventure n’est<br />

pas terminée puisque La Lieutenance<br />

a racheté l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> droits sur Lucie<br />

Delarue-Mardrus. « Notre catalogue est<br />

très régional. On s’est vraiment appliqué<br />

à parler <strong>de</strong> Honfleur mais ce n’est<br />

pas une obligation non plus ! Ceci dit<br />

la richesse du sujet fut tellement<br />

imprévue... »<br />

« Je me flatte <strong>de</strong> dire que sur les dixhuit<br />

titres, une dizaine a dépassé le millier<br />

d’exemplaires vendus. Si les livres<br />

On n’est pas Gallimard ! En terme <strong>de</strong><br />

capital, nous ne pouvons pas prendre<br />

tous les risques. La souscription est<br />

donc un bon moyen <strong>de</strong> disposer d’un<br />

peu <strong>de</strong> capital, d’avoir un matelas <strong>de</strong><br />

sécurité en quelque sorte et <strong>de</strong> tester<br />

le livre. Lorsque nous dépassons le cap<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> 300 souscriptions, nous lançons le<br />

livre. Ce sont à la fois <strong><strong>de</strong>s</strong> particuliers<br />

et <strong><strong>de</strong>s</strong> collectivités qui souscrivent. Puis,<br />

nous organisons une présentation officielle<br />

du livre. Nous y tenons beaucoup.<br />

C’est l’occasion <strong>de</strong> présenter l’auteur<br />

à ses lecteurs, ses souscripteurs.<br />

Ensuite, le travail avec les libraires locaux<br />

et le bouche-à-oreille font le reste.<br />

L/é : Le catalogue <strong><strong>de</strong>s</strong> « Inédits et<br />

introuvables du patrimoine normand »<br />

s’appuie avant tout sur l’Histoire<br />

locale.<br />

R. G. : Oui, le patrimoine ici est très<br />

riche. Quant au thème <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong><br />

guerre mondiale, il est inestimable.<br />

Nous publions essentiellement <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets<br />

historiques donc mais aussi <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

monographies <strong>de</strong> ville.<br />

mars 2008 - livre / échange IV<br />

sont essentiellement distribués en<br />

<strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>, ils commencent<br />

aujourd’hui à passer les frontières <strong>de</strong><br />

la région ! Via internet notamment où<br />

ils rencontrent un joli succès. Honfleur<br />

est un mot magique ! » Des pourparlers<br />

seraient même en court pour la traduction<br />

d’un titre au Japon ! Etre éditeur,<br />

pour Christian <strong>de</strong> Vaublanc, c’est<br />

aussi prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> risques. Ce que lui<br />

permet son entreprise parisienne<br />

(Méditions est spécialisée dans la publication<br />

<strong>de</strong> revues médicales notamment)<br />

à laquelle s’adosse l’activité <strong>de</strong><br />

Christian <strong>de</strong> Vaublanc ici au côté <strong>de</strong> sa sœur, Marie-France Gibert en charge <strong>de</strong> la promotion <strong><strong>de</strong>s</strong> titres<br />

<strong>de</strong> la maison d’édition. La Lieutenance est aussi une histoire <strong>de</strong> famille !<br />

L/é : Quel bilan dressez-vous après<br />

sept années d’existence ?<br />

R. G. : Nous sommes contents, la preuve,<br />

nous continuons ! Le plus important<br />

pour nous est que chaque livre s’autofinance.<br />

Le plus difficile pour nous,<br />

« petit éditeur », est sans doute <strong>de</strong> gérer<br />

plusieurs projets d’ouvrages en<br />

même temps. Quant à la distribution<br />

je ne pense pas me tromper en disant<br />

que c’est le souci commun <strong>de</strong> tous les<br />

éditeurs ! Aujourd’hui, nous assurons<br />

nous-mêmes diffusion et distribution.<br />

Mais à vrai dire, cela m’intéresse aussi<br />

d’être présent sur cette étape. Le contact<br />

avec les libraires est très important.<br />

la maison d’édition. Mais <strong><strong>de</strong>s</strong> risques<br />

mesurés. « Nous petits éditeurs, nous<br />

n’intéressons pas un diffuseur national.<br />

La diffusion reste le drame <strong><strong>de</strong>s</strong> petits<br />

éditeurs ! » Comme beaucoup <strong>de</strong><br />

ses confrères, Christian <strong>de</strong> Vaublanc a<br />

choisi <strong>de</strong> gérer diffusion et distribution<br />

en interne. « Le livre est un peu hermaphrodite<br />

vous savez. C’est à la fois<br />

un produit noble et respecté, une œuvre<br />

<strong>de</strong> l’esprit mais aussi un produit commercial<br />

qui a un coût, qui s’abîme. »<br />

« ETRE EDITEUR, C’EST ÊTRE<br />

L’INTERPRÈTE ENTRE L’ESPRIT<br />

DES AUTEURS ET L’INDUSTRIE<br />

DES IMPRIMEURS. »<br />

CHRISTIAN DE VAUBLANC<br />

Domaines : Honfleur et sa région<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 18<br />

Année <strong>de</strong> création : 1996<br />

Adresse : 57, rue <strong>de</strong> L’Homme <strong>de</strong> bois,<br />

14600 HONFLEUR<br />

Téléphone : 02 31 98 80 88<br />

Site : www.editions<strong>de</strong>lalieutenance.com<br />

Marigny > Inédits et introuvables du patrimoine normand<br />

Une histoire et un territoire à transmettre<br />

Journaliste <strong>de</strong> formation, René Gautier sait l’importance du travail <strong>de</strong> proximité.<br />

C’est d’ailleurs l’une <strong><strong>de</strong>s</strong> clés <strong>de</strong> la réussite <strong>de</strong> sa jeune maison d’édition<br />

« Inédits et introuvables du patrimoine normand », installée à Marigny dans la Manche.<br />

<br />

<br />

Domaines : <strong>Régional</strong>isme, histoire,<br />

patrimoine<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 60<br />

Année <strong>de</strong> création : 2000<br />

Adresse : 1, <strong>Centre</strong> du Clos L’Evêque,<br />

BP 3, 50570 MARIGNY<br />

Téléphone : 02 33 55 00 00<br />

Site : www.normandiffusion.fr<br />

« EDITER, C’EST TRANSMETTRE. JOURNALISTE OU ÉDITEUR,<br />

J’AI TOUJOURS EU CETTE MÊME AMBITION. »<br />

RENÉ GAUTIER


Le catalogue <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions<br />

créées par Esther Flon est à l’image <strong>de</strong><br />

la bibliothèque <strong>de</strong> son enfance, entre<br />

un père lettré et une mère ingénieuse,<br />

pragmatique et pleine <strong>de</strong> fantaisie.<br />

« Des années enchantées. J’ai été mo<strong>de</strong>lée<br />

par cette enfance merveilleuse…<br />

Je lisais la comtesse <strong>de</strong> Ségur, je lisais<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> contes <strong>de</strong> fée, Hugo, Zola… J’ai eu<br />

cette chance somptueuse d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

parents qui m’ont donné accès à la lecture<br />

sans censure. Ma mère bricolait,<br />

jardinait, cuisinait admirablement. J’ai<br />

gardé ça d’elle et <strong>de</strong> mon enfance,<br />

l’image d’une fée abeille. Moi aussi,<br />

j’aime beaucoup fabricoter ! » Ce que<br />

l’on retrouve dans ses livres aux typographies<br />

soigneusement choisies, aux<br />

tracés toujours élégants et fins, aux<br />

vignettes délicates… Et la fée appliquée,<br />

concentrée sur sa tâche est <strong>de</strong>venue<br />

l’emblème <strong><strong>de</strong>s</strong> Editions du Frisson esthétique.<br />

D’ailleurs, Esther Flon reçoit<br />

dans son bureau-cuisine : vivre et faire<br />

vivre Le Frisson esthétique vont <strong>de</strong> pair !<br />

Chaque livre n’est-il pas « comme une<br />

gourmandise ? Voyez Un cœur virginal<br />

<strong>de</strong> Rémy <strong>de</strong> Gourmont ! C’est croquant,<br />

délicieux, cette décortication <strong>de</strong> la<br />

physique <strong>de</strong> l’amour ! »<br />

Mais Esther Flon n’est pas <strong>de</strong>venue éditrice<br />

tout <strong>de</strong> suite. Elle sera d’abord<br />

journaliste puis montera sa première<br />

entreprise <strong>de</strong> communication. Ensuite ?<br />

Un hasard heureux et bien intentionné<br />

placera sur son chemin les bonnes personnes,<br />

« toujours <strong><strong>de</strong>s</strong> rencontres merveilleuses<br />

». Ce fut d’abord Irène Le<br />

Cornec, une amie <strong>de</strong> Colette. « J’avais<br />

26 ans, elle 80. Elle m’a raconté Colette,<br />

Jouhan<strong>de</strong>au… A travers elle, je les ai<br />

connus humainement. » D’ailleurs le<br />

prochain numéro <strong>de</strong> la revue du Frisson<br />

esthétique (l’autre aventure éditoriale<br />

<strong>de</strong> la maison) rendra hommage à cette<br />

femme en publiant notamment <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

manuscrits inédits <strong>de</strong> Colette à Roger<br />

Ferdinand, homme <strong>de</strong> théâtre saint-lois.<br />

Deuxième rencontre : Régine Deforges.<br />

« Nous étions en 1991, j’avais rencontré<br />

une jeune journaliste, Soria, elle écrivait<br />

aussi <strong>de</strong> la poésie. Personne ne<br />

voulait l’éditer alors. J’ai pris contact<br />

avec Régine Deforges qui avait rencontré<br />

elle aussi beaucoup <strong>de</strong> soucis<br />

dans son activité d’éditrice. Elle m’a<br />

dit " Oui, nous allons le faire Esther. Car<br />

vous êtes éditeur ! "». Ce fut le premier<br />

livre publié par Esther Flon. Elle renouvela<br />

l’expérience quelques années<br />

après et avec succès grâce à Pierre-Jean<br />

Penault, alors prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association<br />

du Pays d’Auge. « Mon agence réalisait<br />

la revue <strong>de</strong> l’association. C’est là<br />

que j’ai rencontré Mag<strong>de</strong>leine Gaston-<br />

Duprez dont j’ai publié les trois tomes<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> Histoires <strong>de</strong> villas. »<br />

Guidée par l’affect, l’intuition et la<br />

conviction, Esther Flon poursuit son<br />

activité d’éditrice : La Biche au bois <strong>de</strong><br />

la Comtesse d’Aulnois, L’Archipel <strong>de</strong> la<br />

Manche <strong>de</strong> Victor Hugo, La <strong>Normandie</strong><br />

illustrée <strong>de</strong> Jules Verne, La Princesse<br />

<strong>de</strong> Babylone <strong>de</strong> Voltaire, Sixtine <strong>de</strong><br />

Rémy <strong>de</strong> Gourmont … Gourmont, une<br />

rencontre à part entière ! D’ailleurs<br />

c’est à cet auteur bas-normand<br />

méconnu qu’Esther Flon emprunte<br />

l’expression « Frisson esthétique ».<br />

« Sixtine, c’était le livre que j’attendais.<br />

Il y a toute la littérature en un livre :<br />

poésie, récit, notes <strong>de</strong> voyage, conte…<br />

J’étais heureuse <strong>de</strong> lire enfin, ce que je<br />

ressentais. » Depuis, Esther Flon a<br />

publié Un cœur virginal et ambitionne<br />

<strong>de</strong> rééditer quelques autres titres du<br />

même auteur. « Je reste très attachée<br />

à ce dix-neuvième siècle qui pour moi<br />

<strong>de</strong>meure celui <strong><strong>de</strong>s</strong> grands auteurs. »<br />

Ce mois-ci, Esther Flon publie les souvenirs<br />

inédits <strong>de</strong> Brigitte Emile-Zola,<br />

l’arrière petite-fille <strong>de</strong> l’écrivain. « Quoi<br />

qu’il arrive, ce qui m’intéresse c’est l’humain.<br />

Lorsque je publie L’Archipel <strong>de</strong> la<br />

Manche, c’est <strong>de</strong> l’exil d’Hugo qu’il<br />

s’agit. Lorsque je publie Mes étés à<br />

Brienne, c’est la lour<strong>de</strong>ur du secret qui<br />

pèse sur la famille Zola… » Elle continue<br />

ainsi à nous parler d’elle et <strong>de</strong> son enfance<br />

dans les livres <strong><strong>de</strong>s</strong> autres. En attendant<br />

peut-être qu’elle confie à son<br />

tour à la page ses souvenirs et ses mots…<br />

/ Éditeurs en basse-normandie<br />

Agneaux > Les éditions du Frisson esthétique<br />

Le beau lire selon Esther Flon<br />

Intuition, conviction, émotion prési<strong>de</strong>nt aux <strong><strong>de</strong>s</strong>tinées <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions du Frisson esthétique.<br />

Leur créatrice, Esther Flon, nous conte son itinéraire d’éditrice qui commence… dès l’enfance.<br />

Saint-Germain-la-Blanche-Herbe > IMEC<br />

Editer la mémoire <strong>de</strong> l’édition contemporaine<br />

L’Institut Mémoires <strong>de</strong> l’édition contemporaine propose également <strong>de</strong> nombreuses publications<br />

en lien avec ses fonds. Muriel Van<strong>de</strong>venter, responsable d’édition, présente ce catalogue érudit,<br />

extrêmement soigné et accessible à tous.<br />

Livre / échange : Les éditions <strong>de</strong><br />

l’IMEC sont principalement adossées<br />

à la vie <strong>de</strong> la structure. Comment ces<br />

<strong>de</strong>ux axes s’articulent-ils ?<br />

Muriel Van<strong>de</strong>venter : La mission principale<br />

<strong>de</strong> l’Institut Mémoires <strong>de</strong> l’édition<br />

contemporaine repose sur la<br />

conservation et la mise à disposition<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> archives qui lui sont confiées. À<br />

ceci, s’ajoutent <strong><strong>de</strong>s</strong> axes <strong>de</strong> valorisation<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> documents pour témoigner<br />

auprès d’un large public <strong>de</strong> la richesse<br />

patrimoniale <strong><strong>de</strong>s</strong> milieux intellectuels<br />

français. Cette mise en avant <strong>de</strong> certains<br />

ensembles d’archives se fait<br />

essentiellement par <strong>de</strong>ux biais : expositions<br />

et éditions. Les publications peuvent<br />

être le fruit direct <strong>de</strong> colloques organisés<br />

autour <strong><strong>de</strong>s</strong> collections <strong>de</strong><br />

l’IMEC, être proposées par les chercheurs<br />

qui viennent travailler à l’Institut<br />

ou répondre à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, dans<br />

le cadre <strong><strong>de</strong>s</strong> collections.<br />

L/é : Pouvez-vous nous présenter les<br />

différentes collections du catalogue ?<br />

M. V. : « L’édition contemporaine » est<br />

consacrée aux gran<strong><strong>de</strong>s</strong> aventures éditoriales<br />

du XX e siècle, cette collection<br />

constitue une contribution <strong>de</strong> référence<br />

à l’histoire culturelle contemporaine.<br />

« Pièces d’archives » apporte <strong>de</strong><br />

nouveaux éclairages sur <strong><strong>de</strong>s</strong> événements<br />

marquants <strong>de</strong> la vie littéraire et<br />

intellectuelle contemporaine à partir<br />

<strong>de</strong> documents rares et d’archives<br />

inédites. « Inventaires » publie les<br />

principales recherches menées à l’IMEC<br />

et interroge la notion d’archive à partir<br />

du lieu même <strong>de</strong> son dépôt, en rassemblant<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> arguments critiques et<br />

en proposant <strong><strong>de</strong>s</strong> instruments <strong>de</strong> travail.<br />

« Empreintes » présente <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages,<br />

très documentés et riches en<br />

iconographie souvent inédite, qui<br />

accompagnent les expositions conçues<br />

par l’IMEC. « L’Originale » veut une<br />

nouvelle proposition pour mettre en<br />

valeur <strong>de</strong> petits ensembles inédits<br />

d’auteurs, d’artistes, <strong>de</strong> photographes,<br />

etc.<br />

L/é : Combien <strong>de</strong> titres compte le<br />

catalogue <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions <strong>de</strong> l’IMEC au-<br />

<br />

mars 2008 - livre / échange V<br />

Domaines : Littérature symboliste, histoire,<br />

géographie<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 11<br />

Année <strong>de</strong> création : 2004<br />

Adresse : 74, route <strong>de</strong> Coutances,<br />

50180 AGNEAUX<br />

Téléphone : 08 75 93 05 24<br />

Site : www.frissonesthétique.com<br />

jourd’hui ? À qui s’adressent vos ouvrages<br />

?<br />

M. V. : Le catalogue <strong>de</strong> publications <strong>de</strong><br />

l’IMEC compte aujourd’hui une soixantaine<br />

<strong>de</strong> titres. Si certains livres s’adressent<br />

à un public averti, <strong>de</strong> chercheurs<br />

ou <strong>de</strong> spécialistes dans les domaines<br />

<strong>de</strong> compétences <strong>de</strong> l’Institut, on peut<br />

estimer cependant qu’il s’agit d’abord<br />

d’ouvrages <strong>de</strong> référence, accessibles<br />

à tous ceux dont la curiosité serait<br />

éveillée par la richesse <strong>de</strong> nos fonds.<br />

Les albums <strong>de</strong> la collection « Empreintes<br />

», notamment, satisfont ces<br />

<strong>de</strong>ux catégories <strong>de</strong> public, par leur<br />

exigence intellectuelle et leur richesse<br />

iconographique.<br />

Esther Flon a installé le siège <strong>de</strong> sa maison<br />

d’édition à Agneaux. 11 titres sont parus<br />

<strong>de</strong>puis sa création.<br />

« ETRE ÉDITEUR, C’EST ÊTRE<br />

DANS UN FRISSON ESTHÉTIQUE<br />

PERMANENT, ÊTRE DANS LA<br />

DÉCOUVERTE, DANS L’ÉMOTION,<br />

LA SATISFACTION ET<br />

L’INTELLIGENCE. »<br />

ESTHER FLON<br />

<br />

Domaines : Conservation et valorisation<br />

d’archives contemporaines<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 55<br />

Année <strong>de</strong> création : 1989<br />

Adresse : Abbaye d’Ar<strong>de</strong>nne,<br />

14280 SAINT-GERMAIN-LA-BLANCHE-HERBE<br />

Téléphone : 02 31 29 37 37<br />

Site : www.imec-archives.com<br />

« COMME LE DIT SON NOM, L’IMEC VEUT GARDER LA MÉMOIRE DE<br />

L’ÉDITION CONTEMPORAINE. PAR SES PUBLICATIONS, L’IMEC DOIT<br />

CONTINUER À MONTRER LE CHEMIN DE CETTE QUALITÉ. »<br />

MURIEL VANDEVENTER


Éditeurs en basse-normandie<br />

Caen > Editions Nous<br />

Lecteur, auteur et éditeur<br />

Les éditions Nous créées par Benoît Casas<br />

lancent une nouvelle collection dite « Antiphilosophique collection ».<br />

Livre/échange : Une collection antiphilosophique chez<br />

un éditeur <strong>de</strong> philosophie ! Quelle est l’ambition <strong>de</strong><br />

cette nouvelle collection ?<br />

Benoît Casas : « Antiphilosophie » ne s’oppose pas frontalement<br />

à « philosophie ». Le nom même suppose une<br />

distance à la philosophie, mais cette distance n’est pas<br />

une donnée, c’est une conquête. L’antiphilosophie, au<br />

moins <strong>de</strong>puis Lacan, se fon<strong>de</strong> d’une traversée d’un certain<br />

corpus philosophique. Il n’est sans doute pas pour<br />

rien que le philosophe majeur <strong>de</strong> notre temps, Alain<br />

Badiou, ait eu pour maître Lacan et soit un grand lecteur<br />

<strong>de</strong> poésie. Alors pourquoi le « anti » ? : parce que le philosophe<br />

d’académie passe son temps à cé<strong>de</strong>r sur le désir<br />

et le langage. Il n’est jamais ce qu’il écrit et il écrit dans<br />

une langue morte. L’ambition <strong>de</strong> l’ « Antiphilosophique<br />

Collection » : <strong><strong>de</strong>s</strong> textes où l’enjeu théorique est indissociable<br />

<strong>de</strong> la singularité <strong>de</strong> la langue (& vice-versa).<br />

L/é : Tour <strong>de</strong> force que ces trois premiers titres puisque<br />

chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> trois auteurs y poursuit un projet très personnel.<br />

En quoi ont-ils chacun leur place dans une même<br />

collection ? Qu’est-ce qui les rapproche ?<br />

B. C. : Le rapport entre Mehdi, Jacques Jouet and myself ?<br />

La volonté affirmative. La rupture avec la posture dépressive.<br />

Le souci inventif (qu’il soit conceptuel, langagier,<br />

formel) et exploratoire.<br />

L/é : Diagonale que vous signez dans cette nouvelle<br />

collection s’inscrit dans un projet plus vaste : le traitement<br />

en écriture d’une année <strong>de</strong> lecture. Pouvez-vous<br />

nous en dire un peu plus ?<br />

B. C. : Je suis engagé dans un très vaste projet d’écriture<br />

qu’on pourrait finalement décrire comme une « autobiographie<br />

en poésie ». J’écris un livre par an. Chacune<br />

<strong>de</strong> ces « séquences-livres » est écrite à partir d’un corpus<br />

défini <strong>de</strong> lectures. Des milliers <strong>de</strong> phrases prélevées<br />

et associées constituent une sorte <strong>de</strong> tissu langagier<br />

dans lequel je travaille par soustraction (blanchiment)<br />

Livre/échange : Les Presses universitaires <strong>de</strong> Caen fonctionnent<br />

étroitement avec les composantes, les services<br />

<strong>de</strong> l’Université. Comment construisez-vous le catalogue<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> PUC ?<br />

C. J. : Les Presses universitaires <strong>de</strong> Caen (PUC) ont pour<br />

mission d’éditer et <strong>de</strong> diffuser <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages directement<br />

liés aux missions d’enseignement, <strong>de</strong> recherche et <strong>de</strong><br />

partage <strong><strong>de</strong>s</strong> savoirs <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Caen dont elles<br />

sont un service commun. Elles peuvent donc publier aussi<br />

bien <strong><strong>de</strong>s</strong> actes <strong>de</strong> colloques, souvent très spécialisés,<br />

que <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages <strong>de</strong> vulgarisation ou <strong><strong>de</strong>s</strong> instruments<br />

<strong>de</strong> travail. Selon la nature <strong>de</strong> la publication, ses lecteurs<br />

appartiendront à une communauté relativement étroite<br />

– même si elle est internationale ! – <strong>de</strong> chercheurs ou à<br />

un public beaucoup plus large, mais nécessairement<br />

curieux ou aimant apprendre… La mission <strong>de</strong> service<br />

public <strong><strong>de</strong>s</strong> PUC leur impose aussi <strong>de</strong> se situer sur un<br />

terrain complémentaire, et non concurrentiel, à l’édition<br />

privée et, donc, <strong>de</strong> prendre en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> publications<br />

à plus hauts risques en termes <strong>de</strong> rentabilité économique,<br />

mais dont la parution est cependant indispensable<br />

à l’actualité <strong>de</strong> la recherche.<br />

L/é : À quels lecteurs s’adressent les ouvrages <strong><strong>de</strong>s</strong> PUC ?<br />

C. J. : Les publications <strong><strong>de</strong>s</strong> PUC, en très gran<strong>de</strong> majorité,<br />

résultent <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong>de</strong> recherche conduites à l’Université<br />

<strong>de</strong> Caen. Le catalogue est donc directement tri-<br />

et conjonction. J’écris avec les yeux. Avec excitation.<br />

L’époque <strong>de</strong>man<strong>de</strong> (ou plutôt -marchan<strong>de</strong> et abrutie- ne se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas assez) : Comment écrire un livre en plus ?<br />

Ma réponse : par compression, incorporation et subtilisation<br />

<strong>de</strong> la bibliothèque. La procédure impersonnelle est au<br />

service <strong>de</strong> l’expression d’une subjectivité et d’une pensée.<br />

« FAIRE EXISTER DES LIVRES,<br />

SE BATTRE POUR QUE CERTAINS LIVRES<br />

PUISSENT ENCORE EXISTER.<br />

FAIRE EN SORTE QUE DES TEXTES<br />

DEVIENNENT DES OBJETS<br />

PARTAGEABLES : S’OFFRENT À DES YEUX,<br />

DES MAINS, DÉLIENT DES<br />

LANGUES, SUSCITENT DES DÉSIRS,<br />

FOMENTENT DES INSOUMISSIONS.<br />

AIDENT À VIVRE EN VÉRITÉ. »<br />

BENOÎT CASAS<br />

Caen > Presses universitaires <strong>de</strong> Caen<br />

Un éditeur sur les bancs <strong>de</strong> la fac<br />

Catherine Jacquemard, directrice <strong><strong>de</strong>s</strong> PUC, nous présente leur catalogue.<br />

<br />

Domaines : Philosophie et poésie<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 16<br />

Année <strong>de</strong> création : 1999<br />

Adresse : Chemin <strong>de</strong> Fleury, 14000 CAEN<br />

Téléphone : 02 31 98 80 88<br />

Site : www.editions-nous.com<br />

butaire <strong><strong>de</strong>s</strong> programmes contractuels, qui sont passés<br />

entre l’Université et l’Etat et qui définissent, tous les<br />

quatre ans, les thématiques <strong>de</strong> recherche à retenir. Ces<br />

choix stratégiques sont adoptés après un bilan <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

résultats antérieurs, une évaluation <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources humaines<br />

et matérielles à disposition et une analyse prospective.<br />

Dans ces conditions – et le système <strong>de</strong>vient <strong>de</strong><br />

plus en plus contraignant ! – les PUC ont choisi <strong>de</strong><br />

construire <strong><strong>de</strong>s</strong> collections « typologiques » qui ren<strong>de</strong>nt<br />

compte <strong>de</strong> la nature du travail universitaire en amont <strong>de</strong><br />

chaque ouvrage : actes <strong>de</strong> colloque, ouvrages issus <strong>de</strong><br />

thèses… et du niveau d’expertise scientifique qui a<br />

autorisé la publication. À l’intérieur <strong>de</strong> ce cadre, nous<br />

insérons <strong><strong>de</strong>s</strong> séries qui sont, elles, thématiques et plus<br />

parlantes au public : étu<strong><strong>de</strong>s</strong> norman<strong><strong>de</strong>s</strong>, série nordique,<br />

série irlandaise, philosophie, lettres…<br />

Domaines : Sciences humaines et sociales,<br />

biologie-mé<strong>de</strong>cine, botanique<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 610<br />

Domaines : psychologies<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 10<br />

Année <strong>de</strong> création : 1984<br />

Année <strong>de</strong> création : 2005<br />

Adresse : Université <strong>de</strong> Caen / MRSH<br />

Adresse : La Gouberdière<br />

14032 CAEN<br />

14710 SAINT-MARTIN-DE-BLAGNY<br />

Téléphone : 02 31 56 62 20<br />

Téléphone : 01 42 22 42 87<br />

Site : www.unicaen.fr/puc<br />

Site : www.mjw-fedition.com<br />

mars 2008 - livre / échange VI<br />

Caen > MJW Fédition<br />

Premières<br />

impressions<br />

Mareike Wolf-Fedida responsable<br />

<strong>de</strong> MJW Fédition revient sur ses<br />

premiers pas en tant qu’éditrice.<br />

Livre/échange : Vous êtes l’une <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rnières maisons<br />

d’édition nées en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>. Qu’estce<br />

qui vous a donné envie <strong>de</strong> franchir le pas ?<br />

Mareike Wolf-Fedida. : Je suis une « Norman<strong>de</strong><br />

d’adoption », il fait bon vivre en <strong>Normandie</strong>. C’est<br />

paisible, les Normands ne sont pas nerveux – idéal<br />

pour un travail méditatif. L’existence du Château<br />

<strong>de</strong> Cerisy-la-Salle a déjà donné la réputation à la<br />

<strong>Normandie</strong> <strong>de</strong> haut lieu intellectuel à l’échelle internationale.<br />

J’ai été en poste à l’Université <strong>de</strong> Caen<br />

et je connais ainsi cette ville dynamique. – J’ai franchi<br />

le pas pour l’indépendance d’écrire et <strong>de</strong> publier<br />

sans dépendre d’un éditeur. Je connaissais<br />

déjà bien le secteur <strong>de</strong> l’édition en ayant travaillé<br />

comme secrétaire <strong>de</strong> rédaction pendant douze ans.<br />

Puis, comme on dit : « On n’est jamais aussi bien<br />

servi que par soi-même ». Enfin, en <strong>Normandie</strong>, il<br />

y a la place, donc pas <strong>de</strong> souci <strong>de</strong> stockage.<br />

L/é : Votre catalogue est très spécialisé : psychologie,<br />

psychanalyse, sociologie… Mais vous<br />

publiez également <strong><strong>de</strong>s</strong> romans. À qui s’adressent<br />

vos ouvrages ?<br />

M. W.-F. : Nos ouvrages s’adressent à <strong><strong>de</strong>s</strong> publics<br />

différents, lecteurs grand public, spécialistes et<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> lecteurs curieux <strong>de</strong> découvrir la psychologie.<br />

Mais ils ont tous en commun <strong>de</strong> s’intéresser à la<br />

psychologie pour une raison ou une autre (personnelle<br />

ou en formation). Nous cherchons également<br />

à rompre avec le préjugé que la psychologie<br />

est incompréhensible. Les romans illustrent la théorie<br />

<strong>de</strong> manière agréable à travers la vie en commun.<br />

On peut les lire à <strong><strong>de</strong>s</strong> niveaux différents et<br />

apprendre sur la relation à <strong>de</strong>ux. Il ne faudra pas<br />

oublier que la psychologie a pour l’objet l’homme<br />

et sa capacité <strong>de</strong> relation avec les autres et avec<br />

soi-même. C’est un sujet qui peut prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> tournures<br />

drolatique ou dramatique.<br />

L/é : Après ces premiers mois d’existence, quel<br />

bilan dressez-vous ?<br />

M. W.-F. : Cela fait <strong>de</strong>ux ans que nous existons et<br />

nous ne le regrettons pas. On dit qu’il faut trois ans<br />

pour savoir si l’entreprise est viable. Je peux confirmer<br />

ce dicton. C’est à la troisième année que nous<br />

nous développons vraiment. C’est un secteur où la<br />

réputation et l’image <strong>de</strong> la marque jouent un rôle important.<br />

Désormais, c’est un pari gagné. Des spécialistes<br />

réputés commencent à nous confier l’édition<br />

<strong>de</strong> leur livre, celui auquel ils tiennent<br />

particulièrement. Ils ont été convaincus par l’ouverture<br />

sur un public plus large à travers une maison<br />

d’édition qui se voue spécialement à ce domaine.<br />

« “ÊTRE ÉDITEUR” » SIGNIFIE BEAUCOUP<br />

DE CHOSES POUR MOI. C’EST AUSSI UNE<br />

PRISE DE POSITION À LA FOIS POLITIQUE<br />

ET ÉTHIQUE, CAR IL FAUT TOUT LE TEMPS<br />

RÉFLÉCHIR SUR L’UTILITÉ ET LES<br />

CONSÉQUENCES D’UNE PUBLICATION. »<br />

MAREIKE WOLF-FEDIDA


1996. « Carnet <strong>de</strong> voyages ». L’aventure<br />

commence en 1994 avec l’idée <strong>de</strong><br />

lancer cette collection. Il s’agit d’associer<br />

dans un format peu cher, le travail d’un<br />

photographe et un texte d’écrivain <strong>de</strong> fiction<br />

inédits. À l’époque, aucun éditeur ne<br />

souhaite s’emparer du projet. David Barriet,<br />

David Benassayag et Béatrice Didier<br />

choisissent <strong>de</strong> l’éditer eux-mêmes. À la<br />

fois conseillés et mis en gar<strong>de</strong> par plusieurs<br />

professionnels (Eric Hazan, Denis<br />

Roche, Benoît Rivero), les trois responsables<br />

du projet choisissent <strong>de</strong> créer leur<br />

propre maison d’édition et d’installer celle-ci<br />

en province. Le premier carnet paru<br />

durant l’hiver 1996 réunit l’écrivain François<br />

Bon et le photographe Jérôme Schlomoff.<br />

Le Point du jour est né. 11 titres suivront.<br />

Co-auteur du second carnet,<br />

Christophe Bourguedieu est aujourd’hui<br />

un <strong><strong>de</strong>s</strong> photographes phare du catalogue<br />

du Point du jour.<br />

2000. Bushwick <strong>de</strong> Danny Lyon. Ce<br />

livre bilingue en noir et blanc associant<br />

textes et photos marque un premier<br />

tournant pour Le Point du jour. Il s’agit<br />

d’un document sur Bushwick, un quartier<br />

déshérité <strong>de</strong> Brooklyn. Cinéaste et<br />

photographe, Danny Lyon vivait à New-<br />

York lorsque la maison d’édition cherbourgeoise<br />

le contacte « au culot ! »<br />

« Nous étions le premier éditeur français<br />

à le publier. Ce livre nous a valu l’ouverture<br />

aux médias nationaux et à l’international<br />

également. » Bushwick précise<br />

un peu plus les ambitions <strong><strong>de</strong>s</strong> trois éditeurs<br />

: donner une valeur narrative, du<br />

sens à l’ordonnancement <strong><strong>de</strong>s</strong> photographies,<br />

rééquilibrer leur rapport avec<br />

le texte, éviter les effets inutiles dans la<br />

mise en page au profit <strong>de</strong> la sobriété.<br />

2002. Titanic’s wake d’Allan Sekula.<br />

« Ce livre nous a permis <strong>de</strong> nous inscrire<br />

dans une autre catégorie, celle <strong><strong>de</strong>s</strong> livres<br />

d’art » se souvient David Benassayag.<br />

« Nous publiions jusqu’alors <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes<br />

photographes. Sekula était un photographe<br />

plus âgé, plus reconnu. » Le livre<br />

fera en outre l’objet <strong>de</strong> plusieurs coéditions<br />

internationales : anglaise, alleman<strong>de</strong>,<br />

portugaise. Avec ce livre, Le Point du<br />

jour trouve aussi sa marque <strong>de</strong> fabrique :<br />

le soin accordé au choix <strong><strong>de</strong>s</strong> matériaux,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> papiers, le traitement <strong>de</strong> la trame <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

photographies, le choix <strong><strong>de</strong>s</strong> typographies,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> formats, le séquençage <strong><strong>de</strong>s</strong> photos.<br />

Dès lors, chaque livre publié associera le<br />

travail <strong>de</strong> l’artiste au projet d’un graphiste<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>igner. « Il est vrai que nous publions<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> livres <strong>de</strong> plus en plus chers. Mais nous<br />

avons réalisé aussi que quelle que soit la<br />

fabrication choisie, ces livres sont aussi<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> objets d’art. »<br />

2004. Les catalogues. Autre expérience<br />

mais éphémère. Le Point du jour<br />

édite <strong>de</strong>ux catalogues <strong>de</strong>venus aujourd’hui<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> livres <strong>de</strong> référence : L’Utopie<br />

photographique et La Photographie pictorialiste<br />

en Europe. « Nous sommes<br />

trop perfectionnistes pour les faire à la<br />

chaîne. Nous avons vite vu les limites »,<br />

explique Béatrice Didier. La marge <strong>de</strong><br />

manœuvre, la liberté <strong>de</strong> choix étaient<br />

trop restreintes. Le Point du jour éditeur<br />

ne renouvellera pas l’expérience. Les<br />

partenariats, les ai<strong><strong>de</strong>s</strong> publiques lui permettent<br />

aujourd’hui une certaine indépendance.<br />

La maison publie quatre titres<br />

par an. Une bonne moyenne qui permet<br />

<strong>de</strong> soigner chaque parution, <strong>de</strong> l’accompagner<br />

correctement auprès du public<br />

et <strong><strong>de</strong>s</strong> médias tout en satisfaisant<br />

aux contraintes d’une diffusion professionnalisée.<br />

L’édition <strong>de</strong> livres <strong>de</strong> photographies<br />

d’art est un petit milieu (seulement<br />

6 structures en France).<br />

2006. Studio Shakhari Bazar <strong>de</strong><br />

Gilles Saussier. Magnifique, envoûtant,<br />

le livre relate le quotidien dans la rue<br />

d’une enclave hindoue, Shakhari Bazar<br />

au Bengla<strong><strong>de</strong>s</strong>h, un quotidien qu’il<br />

connaît bien pour s’y être rendu à plusieurs<br />

reprises. Une expérience unique<br />

car lors <strong>de</strong> chaque retour, Gilles Saussier<br />

y redistribuait les clichés pris lors<br />

<strong>de</strong> son séjour précé<strong>de</strong>nt. « Gilles est arrivé<br />

avec dix ans <strong>de</strong> travail ! Il a fallu<br />

choisir et extraire <strong><strong>de</strong>s</strong> photos, construire<br />

le livre. Il décrit la rue et son travail à<br />

la fois. » Les clichés sont publiés au côté<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> textes <strong>de</strong> Gilles Saussier. « Les photographes<br />

que nous publions sont tous<br />

<strong>de</strong> la même famille. Ils sont dans l’empathique,<br />

le vécu. Les photographes que<br />

nous éditons sont rarement <strong><strong>de</strong>s</strong> photographes<br />

<strong>de</strong> la dénonciation. Ce n’est pas<br />

la vie <strong><strong>de</strong>s</strong> autres qu’ils photographient,<br />

mais la leur », poursuit David Benassayag.<br />

2007. Les Passagers <strong>de</strong> Christophe<br />

Bourguedieu. « On a grandi avec les artistes<br />

en fait », constate David Barriet.<br />

Aujourd’hui beaucoup d’entre eux publiés<br />

alors qu’ils n’étaient pas encore très<br />

connus occupent le <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la scène<br />

photographique internationale. À l’image<br />

d’Antoine D’Agata par exemple. Ou<br />

mars 2008 - livre / échange VII<br />

encore Christophe Bourguedieu qui, présent<br />

dans le <strong>de</strong>uxième carnet <strong>de</strong> la collection<br />

initiale, vient <strong>de</strong> publier son <strong>de</strong>rnier<br />

ouvrage au Point du Jour, Les<br />

Passagers. Un très grand format qui joue<br />

les contrastes entre matières et couleurs,<br />

mat et brillant, unis et images… « Il a fallu<br />

convaincre Christophe Bourguedieu<br />

d’opter pour ce format », explique David<br />

Barriet. « Mais il faut aussi savoir réinventer<br />

une forme lorsqu’on suit un photographe<br />

qui lui, creuse le même sillon.<br />

Le choix <strong><strong>de</strong>s</strong> mises en pages se fait toujours<br />

en concertation avec l’artiste. Nos<br />

livres, c’est du temps, <strong><strong>de</strong>s</strong> discussions.<br />

On ne fait pas du packaging ! » Au final,<br />

51 livres tous différents. Aucun esprit <strong>de</strong><br />

collection hormis celle consacrée aux<br />

écrits théoriques. Les livres d’artistes<br />

sont forcément uniques.<br />

2007. Le Photographique chez Polke<br />

<strong>de</strong> Xavier Domino. Après L’Image au<br />

service <strong>de</strong> la Révolution <strong>de</strong> Michel Poivert<br />

(premier livre <strong>de</strong> textes édité) ce<br />

titre inaugure la seule collection du Point<br />

du jour « Le champ photographique »,<br />

vouée à la critique appliquée. La quatrième<br />

<strong>de</strong> couverture en exprime l’objectif<br />

: « Prolonger un travail universitaire,<br />

dans la dimension <strong>de</strong> l’essai, telle<br />

est la proposition que cette collection<br />

fait à <strong>de</strong> jeunes auteurs. Plutôt que la<br />

photographie elle-même, ils y abor<strong>de</strong>nt<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres, <strong><strong>de</strong>s</strong> questions politiques<br />

et culturelles, qui s’inscrivent <strong>de</strong> manière<br />

singulière dans le champ, plus large,<br />

du photographique. » Là encore la<br />

mise en page est soignée, attrayante,<br />

les photographies sont reproduites en<br />

couleur à contrecourant <strong><strong>de</strong>s</strong> clichés qui<br />

collent à l’adjectif « théorique ». « Peu<br />

d’auteurs ont écrit sur la photographie.<br />

C’est avant tout générationnel. L’his-<br />

/ Éditeurs en basse-normandie<br />

Cherbourg-Octeville > Le Point du jour éditeur<br />

Editer dans le sens (<strong>de</strong>) la photographie<br />

Retour en quelques livres clés parmi les 51 publiés, sur les douze ans <strong>de</strong> cette maison d’édition spécialisée<br />

dans la photographie d’art avant la prochaine étape :<br />

la création du Point du jour <strong>Centre</strong> d’art Éditeur.<br />

Béatrice Didier, David Barriet et David Benassayag s’occupaient à la fois du Point du jour éditeur et du <strong>Centre</strong> régional <strong>de</strong> la photographie <strong>de</strong> Cherbourg-<br />

Octeville. Les <strong>de</strong>ux structures fusionneront à la rentrée prochaine pour <strong>de</strong>venir le Point du jour <strong>Centre</strong> d’art Editeur.<br />

toire <strong>de</strong> la photographie est en train <strong>de</strong><br />

se faire, c’est normal », défend David<br />

Benassayag. C’est dans cette continuité<br />

qu’a été créé le Prix Roland-Barthes<br />

pour la recherche photographique en<br />

lien avec l’IMEC, prix qui sera remis à<br />

l’auteur d’un mémoire universitaire<br />

consacré à la photographie. Mais il est<br />

ouvert à toutes les filières : « La photographie<br />

traverse tous les champs, suscite<br />

toutes sortes <strong>de</strong> questions. »<br />

<strong>2008.</strong> Le Point du jour <strong>Centre</strong> d’art<br />

Editeur. Gabriele Basilico, Christophe<br />

Bourguedieu, Lynne Cohen, Patrick Faigenbaum,<br />

Mathieu Pernot, Gilles Saussier…<br />

Leur point commun ? Ils ont tous<br />

été publiés par Le Point du jour et très<br />

logiquement, leurs travaux seront présentés<br />

lors <strong>de</strong> la première exposition du<br />

<strong>Centre</strong> d’art qui sera inauguré à l’automne<br />

2008 dans un bâtiment neuf près<br />

<strong>de</strong> l’Ecole <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-arts <strong>de</strong> Cherbourg-<br />

Octeville. Ce nouveau lieu naîtra <strong>de</strong> la fusion<br />

entre Le Point du jour et le <strong>Centre</strong><br />

régional <strong>de</strong> la photographie <strong>de</strong> Cherbourg-Octeville<br />

qui organise <strong>de</strong>puis 1999,<br />

ateliers, expositions et rési<strong>de</strong>nces. Lieu<br />

d’exposition, <strong>de</strong> production, maison<br />

d’édition, atelier numérique, bibliothèque<br />

<strong>de</strong> livres <strong>de</strong> photographies, ce nouvel espace<br />

se veut « à la fois ambitieux et mo<strong><strong>de</strong>s</strong>te,<br />

exigeant et ouvert ».<br />

<br />

Domaines : Photographie d’art<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 51<br />

Année <strong>de</strong> création : 1996<br />

Adresse : 109, avenue <strong>de</strong> Paris, 50100<br />

CHERBOURG-OCTEVILLE<br />

Téléphone : 02 33 22 99 23<br />

Site : http://lpjour.free.fr<br />

D.R


Éditeurs en basse-normandie<br />

Urville-Nacqueville > Møtus<br />

Vingt ans hors <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiers battus <strong>de</strong> l’édition<br />

La maison d’édition créée par François David s’apprête à fêter ses vingt ans.<br />

Sa renommée dans les domaines <strong>de</strong> la littérature jeunesse<br />

et <strong>de</strong> la poésie dépasse <strong>de</strong> loin la région.<br />

Livre/échange : Les éditions Møtus ont<br />

vingt ans cette année. Quel bilan dressez-vous<br />

aujourd’hui ?<br />

François David : Etonnamment pour<br />

Møtus, les choses ont toujours avancé<br />

progressivement : l’intérêt croissant et<br />

régulier <strong><strong>de</strong>s</strong> lecteurs est pour nous à la<br />

fois encourageant et rassurant. Bien sûr,<br />

nous avons avancé par étapes mais en<br />

gardant notre préoccupation artistique.<br />

Mais Møtus fonctionne <strong>de</strong> façon atypique,<br />

tout ici est inattendu. Les lecteurs<br />

nous ont suivi. Les professionnels aussi.<br />

Plus d’un livre sur <strong>de</strong>ux a été réimprimé.<br />

Et certains l’ont été à plusieurs reprises.<br />

L/é : Votre façon <strong>de</strong> pratiquer ce<br />

métier a-t-elle changé ?<br />

F. D. : Nous travaillons avec une plus<br />

gran<strong>de</strong> souplesse. Nous avons plus<br />

d’expérience mais nous sommes aussi<br />

davantage exigeants. Nos tirages sont<br />

plus importants aujourd’hui. Aujourd’hui,<br />

le marketing, la pression commerciale<br />

sont très présents dans l’édition.<br />

À Møtus, nous ne fonctionnons<br />

pas comme ça. Mais pour la première<br />

fois <strong>de</strong>puis vingt, nous venons <strong>de</strong><br />

prendre un distributeur.<br />

L/é : Comment a évolué le catalogue<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> éditions Møtus ?<br />

F. D. : Les premières années, nous éditions<br />

<strong>de</strong> la poésie adulte. Au bout <strong>de</strong><br />

quatre ans, nous avons pris le virage <strong>de</strong><br />

la littérature jeunesse. Mais la poésie<br />

reste pour nous une priorité. Møtus est<br />

hors-circuit. Nous avons toujours privilégié<br />

le côté littéraire et artistique et non<br />

l’aspect commercial. Cela nous permet<br />

<strong>de</strong> laisser une certaine liberté à l’auteur<br />

ou <strong>de</strong> publier un coup <strong>de</strong> cœur. Seule la<br />

qualité d’un texte, sa recherche nous importent.<br />

Je dirais même que ce ne sont<br />

pas les qualités humaines d’un auteur<br />

qui priment mais celles <strong>de</strong> son texte. Par<br />

exemple, nous travaillons avec l’illustrateur<br />

Henri Galeron. Et lui semble nous<br />

dire qu’il trouve à Møtus un espace <strong>de</strong><br />

liberté où créer <strong><strong>de</strong>s</strong> choses différentes.<br />

Nous essayons aussi d’échapper à la<br />

philosophie <strong>de</strong> la collection qui, selon<br />

moi, limite la créativité, que ce soit à<br />

propos <strong>de</strong> la présentation ou du<br />

nombre <strong>de</strong> signes. Entrer dans une collection,<br />

c’est entrer dans un cadre,<br />

même éthiquement. Or un auteur ne<br />

doit pas entrer dans un cadre, il <strong>de</strong>vrait<br />

au contraire sortir <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Si un texte<br />

nécessite tant <strong>de</strong> signes pour sa réalisation,<br />

c’est que c’est important. L’éditeur<br />

doit chercher à servir au mieux ce<br />

texte.<br />

L/é : Møtus rayonne largement au<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> la <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>. Expositions,<br />

rencontres, salons : votre maison<br />

d’édition est très souvent sollicitée.<br />

Comment expliquez-vous ce succès ?<br />

F. D. : À vrai dire, je n’ai pas <strong>de</strong> recettes !<br />

Emettons une hypothèse. Aujourd’hui,<br />

la production éditoriale tend à être <strong>de</strong><br />

plus en plus conforme, i<strong>de</strong>ntique, répétée.<br />

À Møtus, nous faisons <strong><strong>de</strong>s</strong> livres<br />

différents, <strong><strong>de</strong>s</strong> livres hors collection.<br />

L/é : Quelle opportunité représente le<br />

Salon du livre <strong>de</strong> Paris pour vous ?<br />

F. D. : C’est l’occasion pour les lecteurs,<br />

les professionnels <strong>de</strong> venir nous voir<br />

directement. Les salons sont toujours<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> lieux, <strong><strong>de</strong>s</strong> temps importants pour<br />

nous : non seulement en termes <strong>de</strong> vente,<br />

mais aussi pour nous faire connaître.<br />

Nous avons <strong><strong>de</strong>s</strong> retombées impalpables<br />

et visibles à la fois en fait.<br />

L/é : Editeur en région, est-ce un<br />

handicap ?<br />

F. D. : On pourrait penser que c’est un<br />

handicap irrémédiable, mais pas du<br />

tout ! Face à un certain parisianisme,<br />

c’est seulement parfois contraignant<br />

en termes <strong>de</strong> logistique, <strong>de</strong> déplacements<br />

! Etre un petit éditeur, c’est une<br />

très gran<strong>de</strong> difficulté. Etre un éditeur<br />

jeunesse, c’est multiplier les difficultés<br />

! Un livre jeunesse coûte bien plus<br />

cher. Nous utilisons la quadrichromie,<br />

du beau papier. Et pourtant, il coûte<br />

souvent moins cher pour le lecteur.<br />

Je pense que si l’on voit tant <strong>de</strong> petits<br />

éditeurs disparaître, c’est notamment à<br />

cause <strong><strong>de</strong>s</strong> retours. Aujourd’hui, nous prenons<br />

un distributeur, c’est nouveau pour<br />

nous et nous sommes dans l’inquiétu<strong>de</strong>.<br />

Jusqu’à présent, nous avions 1 % <strong>de</strong><br />

retour. On espère que les libraires n’en<br />

feront pas plus… Toutefois, nous continuons<br />

à assurer la diffusion nous-mêmes.<br />

Les lecteurs peuvent comman<strong>de</strong>r nos<br />

livres chez n’importe quel libraire.<br />

L/é : Vous êtes vous-même auteur.<br />

Est-ce que cela modifie votre façon<br />

d’éditer ?<br />

F. D. : La démarche n’est pas si différente.<br />

J’espère écrire <strong><strong>de</strong>s</strong> livres sans concessions.<br />

Parfois, je modifie, je jette.<br />

Constamment dans le travail d’écriture,<br />

je suis dans l’exigence, le doute. Finalement,<br />

c’est la même chose pour l’édition.<br />

<br />

Domaines : Littérature jeunesse et poésie<br />

Nombre <strong>de</strong> titres au catalogue : 100<br />

Année <strong>de</strong> création : 1988<br />

Adresse : Lan<strong>de</strong>mer, 50460 Urville-Nacqueville<br />

Téléphone : 02 33 03 55 38<br />

Site : www.editions-motus.com<br />

Des mots à suçoter…<br />

L’édition <strong>de</strong> livres-objets est l’autre savoir-faire <strong>de</strong> Møtus.<br />

Les Bonbons-Mots d’Aline Pires sont l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rniers parus.<br />

Présentés telles <strong><strong>de</strong>s</strong> friandises dans un sachet, ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> « petits<br />

poèmes à suçoter pour déguster le titre caché », avec 0 % <strong>de</strong> matière<br />

grasse contre 100 % <strong>de</strong> matière grise ! Dix douceurs emballées<br />

comme <strong><strong>de</strong>s</strong> sucres d’orge qui sont en réalité <strong><strong>de</strong>s</strong> énigmes aux<br />

définitions alléchantes ! « Au matin, brune vagabon<strong>de</strong>, tu t’en vas,<br />

fuyant mes bras ouverts, promener tout autour du mon<strong>de</strong> tes boucles<br />

<strong>de</strong> réglisse et les reflets <strong>de</strong> ta robe prune. » Qui est-ce ? La nuit bien<br />

sûr ! Des sucreries à partager entre petits et grands et un ca<strong>de</strong>au<br />

gourmand et poétique à offrir.<br />

<br />

mars 2008 - livre / échange VII I<br />

Les Bonbons-Mots, Aline Pires (Møtus, 2007)<br />

« ÉDITER, C’EST CHOISIR<br />

ENTRE TOUS LES CHAMPS DES<br />

POSSIBLES. FRAYER DES VOIES,<br />

PRENDRE DES RISQUES.<br />

C’EST ÊTRE CURIEUX,<br />

ALLER CHERCHER. »<br />

FRANÇOIS DAVID


Professeur d’Histoire mo<strong>de</strong>rne<br />

à l’Université <strong>de</strong> Caen et directeur<br />

<strong>de</strong> la Maison <strong>de</strong> la Recherche en<br />

Sciences humaines, Jean-Marc Moriceau<br />

vient <strong>de</strong> publier une remarquable<br />

étu<strong>de</strong> chez Fayard après cinq années<br />

<strong>de</strong> recherches : Histoire du méchant<br />

loup. 3000 attaques sur l’homme en<br />

France, XV e XX e . Animal nuisible hier,<br />

animal protégé aujourd’hui, le loup,<br />

canis lupus, est au cœur <strong>de</strong> toutes les<br />

disciplines, <strong>de</strong> tous les genres : littérature<br />

journalistique, fantastique, religieuse,<br />

Histoire, éthologie, mé<strong>de</strong>cine…<br />

Objet d’un débat passionnel, il est pour-<br />

Jean-Marc Moriceau un sujet d’étu<strong>de</strong><br />

passionnant. Un état <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux rendu<br />

nécessaire tant les méconnaissances<br />

sur le loup et ses attaques contre l’homme<br />

sont nombreuses. Grâce à une analyse<br />

extrêmement détaillée <strong><strong>de</strong>s</strong> données<br />

récoltées, Jean-Marc Moriceau<br />

propose au lecteur un autre regard sur<br />

l’évolution du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes.<br />

Car si l’homme aime à raconter <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires<br />

<strong>de</strong> loup, le loup lui aussi nous<br />

parle <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes.<br />

L/é : Votre propos s’appuie sur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

sources narratives abondantes, une<br />

iconographie tout aussi copieuse. Les<br />

attaques <strong><strong>de</strong>s</strong> loups contre les hommes<br />

ont toujours suscité <strong>de</strong> nombreux commentaires,<br />

une manne pour l’historien.<br />

Explique-t-on cette profusion ?<br />

Jean-Marc Moriceau : La vulnérabilité<br />

<strong>de</strong> l’homme dans son environnement a<br />

fait considérer longtemps le loup comme<br />

le pire <strong><strong>de</strong>s</strong> animaux nuisibles, « ennemi<br />

commun <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes et du bétail »<br />

comme le rappelait La Fontaine. La chasse<br />

au loup a fait intervenir <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs<br />

spécifiques et <strong><strong>de</strong>s</strong> administrations souvent<br />

concurrentes. Les primes accordées<br />

à son éradication ont stimulé bien<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> énergies. Les attaques du prédateur<br />

sur les animaux domestiques et sur<br />

l’homme lui-même ont suscité une importante<br />

masse d’archives. Chroniques,<br />

comptabilités, traités <strong>de</strong> chasse et actes<br />

réglementaires en font mention dès le<br />

Moyen Âge mais c’est à partir du XVI e<br />

mars 2008 - livre / échange 9<br />

/ Actualité littéraire<br />

IMEC > Le Versant animal<br />

Ce que le loup nous dit <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes<br />

L’Institut Mémoires <strong>de</strong> l’édition contemporaine explore les relations entre le l’homme et l’animal dans un cycle<br />

<strong>de</strong> rencontres, « Le versant animal ». Jean-Marc Moriceau qui a étudié la figure du loup fut le premier invité.<br />

siècle que la documentation s’élargit :<br />

actes <strong>de</strong> sépulture circonstanciés, expertises<br />

médicales, correspondance administrative,<br />

registres hospitaliers puis<br />

articles <strong>de</strong> presse…<br />

L/é : La figure du loup est exceptionnelle<br />

parce qu’elle traverse les siècles<br />

et aussi plusieurs champs : littéraire,<br />

fantastique, médical et scientifique,<br />

religieux… Toutes les disciplines s’en<br />

emparent. D’où vient cette fascination<br />

exercée par le loup ?<br />

J.-M. M. : Nulle part en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la France,<br />

le loup et l’homme n’ont trouvé <strong>de</strong><br />

terrain aussi durablement conflictuel.<br />

Jusqu’au 19 e siècle les <strong>de</strong>nsités rurales<br />

y étaient parmi les plus fortes du mon<strong>de</strong><br />

tout comme celles <strong><strong>de</strong>s</strong> loups euxmêmes.<br />

La mobilisation économique <strong>de</strong><br />

l’espace rural jusqu’à l’extrême, l’imbrication<br />

générale <strong><strong>de</strong>s</strong> activités d’élevage<br />

et <strong><strong>de</strong>s</strong> cultures, la forte dispersion <strong>de</strong><br />

l’habitat, les étonnantes capacités<br />

d’adaptation <strong>de</strong> Canis lupus à un environnement<br />

qui lui a été longtemps favorable<br />

ont fait <strong>de</strong> lui un personnage à<br />

la fois familier et redoutable. Sa dangerosité<br />

a mobilisé tout autant le discours<br />

littéraire et scientifique, mais aussi les<br />

interprétations religieuses et l’expérimentation<br />

médicale.<br />

L/é : L’un <strong>de</strong> vos objectifs en écrivant<br />

ce livre était <strong>de</strong> « crever l’abcès qui<br />

obère toute réflexion sereine sur les<br />

rapports entre le loup et l’homme »,<br />

« contribuer à informer et dédramatiser<br />

le débat », débat très passionné et<br />

obscurci par <strong>de</strong> profon<strong><strong>de</strong>s</strong> méconnaissances<br />

du sujet. Comment expliquer<br />

ce flou malgré la richesse du matériau<br />

archivistique et historique ?<br />

J.-M. M. : Aucune synthèse générale<br />

n’avait été réalisée étant donné la dispersion<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> archives, mais aussi leur<br />

volume et parfois leur difficulté d’accès.<br />

Par ailleurs, parmi les travaux publiés,<br />

les mêmes extraits étaient souvent<br />

mis à contribution sans s’interroger<br />

sur l’impact réel <strong><strong>de</strong>s</strong> attaques, sur le<br />

plan social, géographique et chronolo-<br />

La <strong><strong>de</strong>s</strong>truction <strong>de</strong> la « Bête » du Gévaudan ou la mise en scène officielle <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> l’affaire.<br />

La représentation <strong>de</strong> la « Bête » du Gévaudan à la famille royale à Versailles.<br />

gique. On manquait d’un travail statistique<br />

à l’échelle <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> la<br />

France. Dans ce contexte, les attaques<br />

<strong>de</strong> loups prédateurs étaient souvent<br />

confondues avec celles <strong><strong>de</strong>s</strong> loups enragés.<br />

Cette situation a facilité, chez<br />

certains défenseurs du loup aujourd’hui,<br />

la remise en cause <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports<br />

qui avaient pu exister entre l’homme et<br />

Canis lupus dans le passé. Un état <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

lieux s’imposait pour y voir plus clair.<br />

L/é : C’est un travail extrêmement minutieux<br />

que vous avez entrepris : détailler<br />

les pério<strong><strong>de</strong>s</strong>, les moments et les<br />

lieux <strong><strong>de</strong>s</strong> attaques ; établir le profil <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

victimes selon leur sexe, leur âge, leur<br />

corpulence et leur position sociale… En<br />

résulte une base <strong>de</strong> données sans précé<strong>de</strong>nt.<br />

Comment avez-vous travaillé ?<br />

J.-M. M. : J’ai commencé par rassembler<br />

les publications qui font référence<br />

au loup : <strong><strong>de</strong>s</strong> centaines, dispersées notamment<br />

dans <strong><strong>de</strong>s</strong> revues spécialisées<br />

ou locales. Pour ne pas manquer <strong>de</strong><br />

titre important, j’ai contacté les directeurs<br />

d’archives départementales et<br />

plus <strong>de</strong> 80 m’ont répondu, en me fournissant<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> indications bibliographiques<br />

et archivistiques précieuses.<br />

J’ai retrouvé ainsi plusieurs centaines<br />

<strong>de</strong> cas d’attaques <strong>de</strong> loups sur l’homme.<br />

Ensuite j’ai voulu accroître cette<br />

base <strong>de</strong> données : j’ai fait appel aux généalogistes<br />

et notamment à leurs associations.<br />

Cela m’a valu <strong><strong>de</strong>s</strong> centaines<br />

<strong>de</strong> courriers m’apportant <strong><strong>de</strong>s</strong> informations<br />

que j’ai dû vérifier. Enfin, à partir<br />

<strong>de</strong> toutes ces données, j’ai élargi « en<br />

tache d’huile » ma documentation en<br />

allant voir par moi-même dans les zones<br />

et pour les pério<strong><strong>de</strong>s</strong> « sensibles » les<br />

actes <strong>de</strong> sépulture dans certains dépôts<br />

d’archives ou sur internet.<br />

L/é : « Le prédateur renseigne beaucoup<br />

plus sur l’homme que sur luimême<br />

» écrivez-vous. Qu’est-ce que le<br />

loup nous apprend sur les évolutions<br />

sociétales ?<br />

J.-M. M. : Les attaques <strong>de</strong> loups révè-<br />

lent généralement les points faibles <strong>de</strong><br />

l’organisation sociale et <strong>de</strong> l’emprise<br />

<strong>de</strong> l’homme sur l’espace rural. Elles <strong><strong>de</strong>s</strong>sinent<br />

en creux la carte <strong>de</strong> l’habitat dispersé<br />

autour duquel le gardiennage <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

troupeaux était assuré par <strong>de</strong> jeunes<br />

enfants. L’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants <strong>de</strong> 5<br />

à 15 ans comme ai<strong><strong>de</strong>s</strong> familiaux, dans<br />

différents secteurs <strong>de</strong> l’économie, transparaît<br />

dans l’éventail <strong><strong>de</strong>s</strong> victimes tout<br />

comme la sociologie <strong><strong>de</strong>s</strong> déshérités<br />

puisque les catégories les plus pauvres,<br />

et notamment les enfants <strong>de</strong> l’assistance<br />

publique semblent sur-représentées.<br />

À examiner les circonstances<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> acci<strong>de</strong>nts causés par <strong><strong>de</strong>s</strong> loups<br />

–sains ou enragés– on voit s’activer toute<br />

la population rurale selon le calendrier<br />

agro-pastoral dominant et les spécificités<br />

géographiques régionales.<br />

L’exploitation <strong><strong>de</strong>s</strong> forêts, les pratiques<br />

d’élevage, la mobilité pendulaire liée<br />

aux conditions <strong>de</strong> travail, l’opposition<br />

entre la longue saison d’été – propice<br />

aux agressions, contrairement à un cliché<br />

– et la saison d’hiver, plus sûre,<br />

voilà <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments, parmi bien d’autres,<br />

qui en apprennent davantage sur le<br />

fonctionnement <strong><strong>de</strong>s</strong> sociétés du passé<br />

que sur le loup lui-même. En fait, Canis<br />

lupus est un bio indicateur <strong>de</strong> l’évolution<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> rapports entre l’homme et son<br />

espace.<br />

<br />

Entretien proposé<br />

par Nathalie Colleville<br />

Histoire du méchant loup. 3000 attaques<br />

sur l’homme en France, XVe XXe ,<br />

Jean-Marc Moriceau (Fayard, 2007)<br />

La prochaine rencontre du cycle consacré<br />

au « Versant animal » à l’IMEC aura lieu le 23 avril<br />

avec Michel Pastoureau,<br />

auteur <strong>de</strong> L’Ours, histoire d’un roi déchu.<br />

Renseignements au 02 31 29 37 37.<br />

www.imec-archives.com<br />

D.R


Actualité du C.R.L.<br />

L’Islan<strong>de</strong><br />

sera l’invitée<br />

d’honneur <strong>de</strong><br />

la prochaine<br />

édition du<br />

festival du<br />

17 au 30<br />

novembre.<br />

Première<br />

approche le<br />

17 mars<br />

prochain à la<br />

bibliothèque<br />

<strong>de</strong> Caen.<br />

Le 21 janvier <strong>de</strong>rnier, Arnaud Fontaine,<br />

prési<strong>de</strong>nt du CRL et Ingrid Guibey, sa directrice,<br />

conviaient partenaires et acteurs du livre à venir découvrir<br />

leurs nouveaux bureaux, sis dans le quartier <strong>de</strong><br />

la Guérinière. Plus spacieux, plus fonctionnels, ils<br />

accueillent désormais les quinze employés du CRL. En<br />

effet, le nombre a augmenté <strong>de</strong>puis l’accueil, au sein<br />

<strong>de</strong> l’association , du CERIS (qui siégeait jusqu’à présent<br />

à l’Abbaye d’Ar<strong>de</strong>nne) et <strong>de</strong> ses cinq permanents.<br />

La réunion du CERIS et du service <strong>de</strong> prêt <strong>de</strong> livres<br />

sonores du CRL a donné naissance à la banque multimédia<br />

du CRL (cf encadré). En juin prochain, ils fusionneront<br />

pour donner naissance à l’ARCIS (Association<br />

<strong>Régional</strong>e <strong>de</strong> Conservation <strong>de</strong> l’image et du son).<br />

Le CRL poursuivra, quant à lui, les missions déjà en-<br />

Islan<strong>de</strong><br />

Ouverte à tous, la journée <strong>de</strong> sensibi-<br />

lisation à la culture islandaise<br />

accueillera enseignants, bibliothécaires<br />

et grand public. Une série <strong>de</strong><br />

conférences et rencontres leur permettra<br />

d’acquérir quelques clés et<br />

connaissances sur ce pays et <strong>de</strong><br />

mieux connaître sa littérature.<br />

Cette journée est organisée en partenariat<br />

avec la bibliothèque <strong>de</strong> Caen.<br />

10h / Présentation du festival<br />

Les Boréales par Jérôme Rémy, son<br />

directeur artistique.<br />

10h15 / L’islan<strong>de</strong> en quelques<br />

chiffres par Steinunn Lebreton.<br />

<br />

Steinunn Lebreton est Consul<br />

d’Islan<strong>de</strong> à Caen.<br />

11h / La littérature islandaise<br />

par Denis Ballu, fondateur et directeur<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> éditions <strong>de</strong> L’Elan, spécialisées<br />

dans la littérature nordique.<br />

14h / Le miracle islandais par Régis<br />

Boyer, professeur <strong>de</strong> langues, littératures<br />

et civilisation scandinaves<br />

à l’Université Paris IV-Sorbonne.<br />

Régis Boyer est l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> meilleurs<br />

connaisseurs <strong>de</strong> la littérature <strong>de</strong><br />

l’Europe du Nord, ancienne et mo<strong>de</strong>rne,<br />

dont il a traduit <strong>de</strong> nombreuses<br />

œuvres.<br />

gagées : soutien à la vie littéraire en <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>,<br />

à l’économie du livre et valorisation du patrimoine,<br />

organisation du festival Les Boréales. Un service communication<br />

et information a été créé au 1 er janvier<br />

2008 avec pour missions principales la publication<br />

<strong>de</strong> la revue trimestrielle Livre/échange, le développement<br />

du site internet et <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> communication<br />

portant sur l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> actions <strong>de</strong> la<br />

structure.<br />

<br />

Les Boréales > XVIIe édition<br />

CRL<br />

10, Rue du Château d’eau 14000 CAEN<br />

02 31 15 36 36<br />

Banque multimédia du CRL : 02 31 34 46 39.<br />

www.crl.basse-normandie.com<br />

Premiers pas en<br />

mars 2008 - livre / échange 10<br />

Fonds CRL<br />

15h15 / Entretien avec Steinunn<br />

Sigurdardóttir. Après avoir été journaliste,<br />

cette Islandaise fait <strong>de</strong> l'écriture<br />

son activité principale à partir <strong>de</strong><br />

1980 : poèmes, livres pour enfants et<br />

nouvelles. Elle a collaboré à plusieurs<br />

radios et télévisions et séjourné dans<br />

une dizaine <strong>de</strong> pays à travers le<br />

mon<strong>de</strong>. Elle a notamment publié Le<br />

Voleur <strong>de</strong> vie (Flammarion, 1995),<br />

adapté au cinéma par Yves Angelo.<br />

Dans La Place du cœur (Denoël,<br />

2000), elle relate la relation entre une<br />

mère et sa fille qui passent l’hiver à<br />

l’Est <strong>de</strong> l’Islan<strong>de</strong> et se heurtent aux<br />

rigueurs <strong>de</strong> la nature.<br />

Entrée gratuite mais réservations indispensables au 02 31 15 36 40. Le 17 mars à la bibliothèque Centrale <strong>de</strong> Caen, Place Louis-Guillouard.<br />

De nouveaux locaux pour le CRL<br />

L’association a emménagé en décembre <strong>de</strong>rnier dans <strong><strong>de</strong>s</strong> locaux neufs, rue du Château d’eau à Caen.<br />

Philippe Duron, Prési<strong>de</strong>nt la Région, Gérald Grunberg, Directeur régional <strong><strong>de</strong>s</strong> affaires culturelles <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong> au côté du prési<strong>de</strong>nt<br />

du CRL,Arnaud Fontaine.<br />

Le littoral basnormand<br />

en<br />

photographies<br />

La banque multimédia du CRL a conçu<br />

et réalisé une exposition associant<br />

photographies anciennes et récentes<br />

et citations d’auteurs attachés à la<br />

<strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>. Ses clichés en noir<br />

et blanc s’arrêtent sur <strong><strong>de</strong>s</strong> scènes <strong>de</strong><br />

pêche en famille au début du siècle,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> paysages maritimes, plages<br />

abandonnées ou ports industriels…<br />

Lieu <strong>de</strong> villégiature, d’exploits sportifs<br />

ou <strong>de</strong> labeur, la mer est « au cœur<br />

<strong>de</strong> nos vies » nous dit cette exposition<br />

qui aura vocation à tourner dans les<br />

villes <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>, dans les<br />

mois à venir.<br />

<br />

Banque multimédia du CRL : 02 31 34 46 39.


Les Boréales > Rencontres scolaires<br />

De la lecture à la reliure<br />

mars 2008 - livre / échange 11<br />

/ Compte-rendu<br />

Une classe du lycée Victor-Lépine à Caen a longuement travaillé à partir du roman <strong>de</strong> Bodil Bredsdorff,<br />

auteure danoise invitée lors <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rnières Boréales.<br />

À partir d’un livre, en inventer un autre :<br />

les 26 élèves <strong>de</strong> la première bac professionnel « Artisanat<br />

métiers d’art » du lycée Victor-Lépine à Caen<br />

ont relevé le défi et travaillé un trimestre durant sur<br />

le roman <strong>de</strong> Bodil Bredsdorff, La Fille Corneille, emmenés<br />

par leur professeur <strong>de</strong> français, Arnaud Roquier<br />

et la documentaliste du lycée, Catherine Lemoine.<br />

Ce livre paru aux éditions Thierry Magnier relate<br />

le parcours initiatique <strong>de</strong> l’attachante Fille Corneille.<br />

Après le décès <strong>de</strong> sa grand-mère, la jeune orpheline<br />

part sur les routes pour trouver <strong>de</strong> quoi vivre et se<br />

nourrir. Choisissant <strong>de</strong> se fier à son intuition plus<br />

qu’aux paroles <strong><strong>de</strong>s</strong> autres, elle fait son chemin et croise<br />

différents personnages, plus ou moins bien intentionnés.<br />

Se remémorant les paroles <strong>de</strong> sa grand-mère<br />

(« La porte qui donne sur le cœur d’un être humain<br />

doit s’ouvrir <strong>de</strong> l’intérieur. »), elle saura à qui se fier<br />

et parviendra à construire sa propre famille.<br />

La lecture et l’étu<strong>de</strong> du roman ont précédé la rencontre<br />

avec l’auteure pour une partie <strong>de</strong> la classe. Celle-ci a<br />

eu lieu en novembre <strong>de</strong>rnier dans le cadre du festival<br />

Les Boréales proposé par le CRL. Un second groupe<br />

a travaillé sur les costumes ruraux –le roman se déroule<br />

dans <strong><strong>de</strong>s</strong> fermes, les hameaux d’une région isolée,<br />

en bord <strong>de</strong> mer– à la fin du XIX e siècle, travail couplé<br />

avec une visite au Musée <strong>de</strong> <strong>Normandie</strong> à Caen.<br />

L’une <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rnières étapes du projet se déroulait en<br />

janvier <strong>de</strong>rnier au lycée-même. Guidés par Céline Vauvarin,<br />

intervenante au Musée <strong>de</strong> <strong>Normandie</strong>, les élèves<br />

ont pu fabriquer chacun leur propre ouvrage. Apprenant<br />

à cette occasion, la technique <strong>de</strong> la reliure japonaise.<br />

Chaque livret contient ainsi le résumé <strong>de</strong><br />

l’ouvrage rédigé en classe, <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sins réalisés par<br />

les élèves, leur sentiment sur l’ouvrage, sa lecture,<br />

leur rencontre avec l’auteure, leur vision (écrite et<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>sinée) <strong>de</strong> l’héroïne, le compte-rendu <strong>de</strong> leur visite<br />

au musée… À chacun ensuite d’apposer sa touche<br />

personnelle : morceaux <strong>de</strong> bois flotté pour certaines<br />

(puisque la fille Corneille sait où en trouver pour se<br />

chauffer), tapisserie pour d’autres (c’est d’ailleurs<br />

l’une <strong><strong>de</strong>s</strong> options possibles dans cette section)… Inventifs,<br />

les élèves ont su s’approprier avec beaucoup<br />

<strong>de</strong> sensibilité l’univers du roman <strong>de</strong> Bodil Bredsdorff.<br />

Au final un travail au long cours, collectif et personnalisé<br />

à la fois, qui a permis <strong>de</strong> croiser les disciplines<br />

en ouvrant à d’autres pratiques et d’autres espaces.<br />

Guignol - Le Cherche-Midi<br />

Noël, Acte II<br />

Pour tous les amoureux <strong>de</strong> l’œuvre fécon<strong>de</strong> et multiple <strong>de</strong> Jacques Prévert aujourd’hui inhumé à la Hague,<br />

voici un album qui n’a pas été réédité <strong>de</strong>puis cinquante ans, le second <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux livres pour enfants<br />

que le poète et son illustratrice Elsa Henriquez ont confectionné ensemble.<br />

Prévert revient à l’origine souvent subversive<br />

<strong>de</strong> Guignol, ce théâtre populaire qui fut le porte-parole<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> ouvriers soyeux <strong>de</strong> Lyon qui réclamaient<br />

tout simplement leur part <strong>de</strong> bonheur. Il se souvient<br />

qu’il a été un homme du peuple qui a vécu dans les<br />

rues <strong>de</strong> Paris, son école. Il y a rencontré <strong><strong>de</strong>s</strong> clochards,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> alcooliques, <strong><strong>de</strong>s</strong> gamins qui jouaient dans les caniveaux,<br />

il y a vu la pauvreté. Souvenez-vous <strong>de</strong> ce<br />

poème « Le désespoir est assis sur un banc » et <strong>de</strong><br />

ces vers : « il y a un homme qui vous appelle quand<br />

on passe ».<br />

Dans Guignol, il s’agit simplement d’un « individu »<br />

qui interpelle un « Monsieur ». La majuscule fait toute<br />

la différence ! C’est la veille <strong>de</strong> Noël, il neige à gros<br />

flocons. « Un beau temps <strong>de</strong> saison où il ne fait pas<br />

bon mettre un chien <strong>de</strong>hors » comme dit le « Monsieur<br />

» et L’individu <strong>de</strong> lui répondre : « un chien, passe<br />

encore … Mais toute une famille … »<br />

Voilà, le ton est donné. Prévert présente son fort engagement<br />

contre l’exclusion, la misère <strong><strong>de</strong>s</strong> sans-abri<br />

D.R<br />

Une journée durant, les élèves en bac pro « Artisanat métiers d’art » se sont essayés à la technique <strong>de</strong> la reliure japonaise.<br />

encore plus criante au moment <strong><strong>de</strong>s</strong> fêtes <strong>de</strong> fin d’année<br />

où les nantis dans une débauche <strong>de</strong> consommation<br />

outrancière oublient <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r ceux qui crèvent<br />

à leur porte.<br />

Alors le « Monsieur » dont la bienséance explose dans<br />

un langage conventionnel aux formules banales se<br />

trouve encombré <strong>de</strong> « L’individu », <strong>de</strong> son chien, <strong>de</strong><br />

son chat, <strong>de</strong> son canari, <strong>de</strong> sa femme, <strong>de</strong> son fils,<br />

dans un jeu <strong>de</strong> cortège qui ridiculise à souhaits le<br />

mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> privilégiés. Privilégiés incarnés par cet<br />

hôte dont L’individu dit « c’est fou ce que vous pouvez<br />

ressembler à une foule <strong>de</strong> gens que je n’ai jamais<br />

vus » Formule amusante où le goût <strong>de</strong> Prévert pour<br />

l’absur<strong>de</strong> transparaît.<br />

Cette fable peut sembler cruelle et malheureusement<br />

terriblement actuelle mais elle est adoucie par la tendresse<br />

que Prévert éprouve pour ses personnages.<br />

Le « Monsieur » si guindé, si peu généreux est un<br />

être « ab-so-lu-ment seul ! » En cette veille <strong>de</strong> Noël<br />

personne ne l’attend et il n’attend personne.<br />

<br />

La Fille Corneille <strong>de</strong> Bodil Bredsdorff est paru aux éditions<br />

Thierry Magnier.<br />

Un projet porté par le lycée Victor-Lépine, avec le soutien<br />

du Musée <strong>de</strong> <strong>Normandie</strong>. Bodil Bredsdorff était invitée<br />

par le <strong>Centre</strong> régional <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>,<br />

dans le cadre du festival Les Boréales proposé<br />

en novembre 2007.<br />

/<br />

Livres<br />

Pitoyablement attaché à son enfance, il va être bousculé<br />

par la fantaisie d’un homme qui ne possè<strong>de</strong> rien<br />

d’autre que son humour, sa malice, sa poésie. N’invite-t-il<br />

pas « le marchand <strong>de</strong> sable » en ce soir <strong>de</strong><br />

fête ? Son chien rêve qu’il folâtre « dans les jardins<br />

suspendus » et son petit garçon « que nous sommes<br />

très heureux ».<br />

Des illustrations désuètes, colorées et naïves<br />

accompagnent ce texte dont le sens profond échappera<br />

sans doute aux plus jeunes mais où chacun trouvera<br />

un vrai plaisir <strong>de</strong> lecture.<br />

Nathalie Mangin<br />

Guignol Jacques Prévert avec <strong><strong>de</strong>s</strong> illustrations d’Elsa Henriquez<br />

(Le Cherche-Midi, 2007)


Livres<br />

Le Soleil meurt dans un brin d’herbe - Møtus<br />

Le temps dans les rets du poète<br />

Jean Rivet publie un nouveau recueil dédié et consacré à ses petites-filles. Des poésies accessibles aux enfants<br />

mais fortement recommandées aux grands !<br />

Jean Rivet n’a pas oublié que lui aussi<br />

fut un enfant. Ce souvenir traverse ce nouveau recueil<br />

<strong>de</strong> poèmes offert à ses petites-filles. Son titre évocateur<br />

Le Soleil meurt dans un brin d’herbe dit joliment<br />

l’évanescence, la précarité <strong>de</strong> ces années d’enfance :<br />

la cruauté du temps qui passe consolée par la poésie,<br />

riche <strong>de</strong> son pouvoir <strong>de</strong> le retenir. « Quand tu seras<br />

mort/ Tu me donneras un souvenir ? » Il n’est pas<br />

vain le proverbe qui dit que la vérité sort <strong>de</strong> la bouche<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> enfants. Cette petite fille qui n’a connu qu’un chat<br />

tandis que son grand-père, lui en a déjà connu neuf…<br />

Pour le poète, le temps qui passe se mesure en chats…<br />

carte blanche<br />

Ses petites-filles ne resteront pas <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants éternellement.<br />

Elles <strong>de</strong>viendront <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes. Les verrat-il<br />

? Dans le poème, elles seront encore et pour toujours<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> petites-filles. Comme si la balançoire<br />

(balancier ?) qui les emporte parfois dans leurs jeux<br />

s’immobilisait pour l’éternité. En écrivant, le poète les<br />

gar<strong>de</strong> encore un peu contre lui. « Ne rien écrire/Ou<br />

juste pour toi / Parce que tu grandis / M’échappes ».<br />

Le livre a la politesse <strong>de</strong> ne pas s’étioler comme les<br />

souvenirs.<br />

Jean Rivet <strong>de</strong>meure incontestablement le poète <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

petits riens, le poète <strong><strong>de</strong>s</strong> instants, <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants pas en-<br />

mars 2008 - livre / échange 12<br />

core <strong>de</strong>venus grands ou bien peut-être <strong><strong>de</strong>s</strong> grands<br />

restés encore <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants. Les riens qui font tout, les<br />

riens du tout : la jeune illustratrice <strong>de</strong> ce recueil en a<br />

tout compris. Ses montages délicats mettent en<br />

images ce que le poète met en mots. C’est vrai, la<br />

poésie est partout.<br />

Nathalie Colleville<br />

Les consignes sont faites pour être détournées ! Livre/échange avait commandé à Jean Rivet la chronique<br />

d’un ouvrage aimé. Mais ce qu’aime Jean Rivet avant tout, c’est écrire…<br />

« Je m’enfonce dans la nuit doucement. Sans espoir <strong>de</strong> possible retour.<br />

Mais qu’est-ce que l’espoir ?<br />

Je m’enfonce dans la nuit, et c’est bien ainsi. C’est bien ainsi qu’on le veuille ou<br />

pas.<br />

Quand j’écris <strong><strong>de</strong>s</strong> mots que je ne comprends pas toujours dans ce grand cahier<br />

à petits carreaux, j’ai en moi un espoir passager qui me submerge, <strong><strong>de</strong>s</strong> chemins<br />

parcourus, <strong><strong>de</strong>s</strong> soirs d’été, <strong><strong>de</strong>s</strong> soirs <strong>de</strong> jeunesse que j’ignorais. Que j’ignorais<br />

parce qu’il faut être vieux pour les goûter.<br />

Petit garçon, les petites filles venaient vers moi, me donnaient la main dans <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

nuits étoilées, éternelles.<br />

Et ce jardin ouvrier <strong>de</strong> mon père, qui était beaucoup plus qu’un jardin ouvrier :<br />

une allée droite qui conduisait à l’infini. Une allée droite avec à sa droite <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

gueules <strong>de</strong> loup, <strong><strong>de</strong>s</strong> gaillar<strong><strong>de</strong>s</strong> aux pétales jaunes, au centre presque rouge.<br />

Une petite allée bien nette –comme mon père– qui conduisait au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

l’horizon (parce qu’il n’existe pas), qui n’allait pas plus loin que l’enfance.<br />

La nuit.<br />

Il faudrait que je fasse quelques petits travaux : réparer la grille du jardin,<br />

nettoyer la véranda, retourner un peu <strong>de</strong> terre, changer une ampoule grillée.<br />

Mais à quoi bon ?<br />

Laissons les araignées dans leurs toiles, et les étoiles à leur place.<br />

Il faudrait que je l’embrasse dans le cou, juste à la naissance <strong><strong>de</strong>s</strong> ri<strong><strong>de</strong>s</strong> et que je<br />

lui dise encore « je t’aime ».<br />

Mais je ne fais plus rien.<br />

Plus rien sauf continuer à écrire.<br />

À écrire.<br />

À écrire jusqu’au bout, jusqu’à la fin.<br />

La vie défait tout. La mémoire refait le passé à sa manière. Cet après-midi j’étais<br />

avec ma chienne et ma chatte. J’ai eu le bourdon, alors je lui ai téléphoné. Elle<br />

m’a dit que je l’avais fait courir. Difficile d’être au diapason après plus <strong>de</strong> cinquante<br />

ans <strong>de</strong> mariage, difficile d’accepter ces corps blessés, <strong>de</strong> voir encore une petite<br />

musique dans nos yeux, d’accepter que la flamme se fasse rare puis s’éteigne.<br />

À vingt ans, mes modèles étaient les aventuriers <strong>de</strong> René Caillié, Alain Gerbault,<br />

Henri Lhôte… J’avais décidé <strong>de</strong> m’éloigner, <strong>de</strong> traverser le désert. Et pour me<br />

préparer je ne mangeais que du riz au lait, ne buvais pas une goutte <strong>de</strong> vin et<br />

même me rationnais en eau. J’allais traverser le désert, comme ça, pour rien et<br />

peut-être pour mourir en pleine jeunesse pour un appel que je ressentais infini.<br />

Mais voilà, elle avait, un beau matin, soudain traversé mon regard et j’avais été<br />

ébloui. Dix-huit ans, une silhouette parfaite, une taille fine, une poitrine qui<br />

appelait irrésistiblement la caresse, <strong><strong>de</strong>s</strong> yeux bleus qui valaient certainement<br />

une mort dans un vent <strong>de</strong> sable. J’étais <strong>de</strong>venu, en une secon<strong>de</strong> –le nez sur les<br />

bor<strong>de</strong>reaux <strong>de</strong> réescompte à la banque <strong>de</strong> France, un amoureux transi.<br />

Chaque trimestre, Livre/échange invite un lecteur à partager son coup <strong>de</strong> cœur<br />

« Plus rien sauf continuer à écrire »<br />

<br />

Le Soleil qui se meurt dans un brin d’herbe <strong>de</strong> Jean Rivet.<br />

Illustrations d’Au<strong>de</strong> Léonard (Møtus, 2007).<br />

Avec le concours du CRL et le soutien financier <strong>de</strong> la Région<br />

<strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

Un jeune homme qui n’avait plus qu’une idée : la voir. Même pas la toucher, la<br />

voir, seulement la voir. Les longues attentes dans les couloirs du métro pour<br />

l’entrevoir. Le cinéma, parfois, le dimanche après-midi. L’argent qui me<br />

manquait pour lui faire <strong><strong>de</strong>s</strong> ca<strong>de</strong>aux. Alors je vendais mes livres, ceux d’Alain<br />

Gerbault, <strong>de</strong> René Caillié ou d’Henri Lhôte, tous mes livres d’aventure.<br />

Seulement pour qu’elle soit à côté <strong>de</strong> moi.<br />

L’amour se défait peut-être avec le temps, ce temps dont je sais qu’il n’existe<br />

que parce que nous sommes mortels.<br />

(Dis papy, c’est quoi l’amour ? Je ne sais pas ma chérie !)<br />

Vais-je aujourd’hui , n’écrire qu’un mot, pas une phrase, seulement un mot :<br />

verbe, adjectif, préposition (pourquoi pas ?), interjection, onomatopée ? Et bien<br />

d’autres, probablement. L’eau est verte, la fenêtre est fermée. Un mot, une<br />

phrase ? Du bleu ou du noir ? Juste ce qu’il faut pour continuer à avancer, pour<br />

accompagner les fruits mûrs, pour chercher à essayer <strong>de</strong> rejoindre, enfin, les<br />

vingt ans <strong>de</strong> la femme qu’on aime, ces jardins maintenant ensevelis qui furent<br />

chargés <strong>de</strong> roses, <strong>de</strong> lèvres entrouvertes.<br />

Et ne plus bouger. Juste la main. Juste la main, non pour le début <strong>de</strong> l’amour,<br />

mais pour écrire.<br />

Pour écrire comme si cela était naturel. Comme si le ciel ni l’horizon n’étaient<br />

jamais changeants.<br />

Toujours la neige fond. La balustra<strong>de</strong> noire ne m’a jamais quitté. Au-<strong>de</strong>là était<br />

l’aventure vers <strong><strong>de</strong>s</strong> continents inexplorés. Sur le rebord <strong>de</strong> la fenêtre, dans un<br />

reste <strong>de</strong> neige, <strong><strong>de</strong>s</strong> piafs attendaient quelque vaine nourriture. Je rêvais d’être<br />

avec eux, d’attendre la fonte <strong><strong>de</strong>s</strong> neiges et <strong>de</strong> survoler bientôt les rives <strong>de</strong> la<br />

Marne.<br />

Et je lisais. Je lisais Nils Holgersson, l’histoire <strong>de</strong> ce petit garçon, transformé en<br />

tomte, qui allait traverser la Suè<strong>de</strong> sur le dos d’une oie.<br />

Ce serait trop facile <strong>de</strong> disparaître comme ça, <strong>de</strong> tout oublier <strong><strong>de</strong>s</strong> bouquinistes<br />

près <strong>de</strong> la Seine dans un après-midi <strong>de</strong> dimanche, <strong>de</strong> toi avec moi après l’amour,<br />

<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> flocons silencieux qui nous faisaient penser à Utrillo, <strong>de</strong> ces séances <strong>de</strong><br />

cinéma dans les petites salles qui ont disparu.<br />

Oui, ce serait trop facile d’oublier son enfance, ce merle sur la balustra<strong>de</strong> noire<br />

quand tombait la neige, cette neige qu’on n’oublie pas parce qu’elle nous<br />

conduit à <strong><strong>de</strong>s</strong> territoires que nous chercherons toujours en vain.<br />

Jean Rivet<br />

<br />

Poète, Jean Rivet vit dans le Calavados. Il est le prési<strong>de</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> Rencontres pour Lire, lectures d’ouvrages<br />

par <strong><strong>de</strong>s</strong> comédiens, mise sen scène par François <strong>de</strong> Cornière, à Caen et en région.


Femmes <strong>de</strong> plaisir - Le Cherche-Midi<br />

Les charmeuses <strong>de</strong> vie<br />

Dans son <strong>de</strong>rnier livre, François Bott invente une famille <strong>de</strong> cœur exclusivement féminine :<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> épicuriennes, <strong><strong>de</strong>s</strong> sensibles, <strong><strong>de</strong>s</strong> amoureuses <strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong> mots. Ce sont ses Femmes <strong>de</strong> plaisirs.<br />

Qu’ont en commun Colette, Arletty, Madame <strong>de</strong> Sévigné, Madame <strong>de</strong> Récamier,<br />

Françoise Sagan, Louise <strong>de</strong> Vilmorin et Madame <strong>de</strong> Tencin ? Si ce n’est d’être au<br />

cœur du <strong>de</strong>rnier livre du Trouvillais François Bott ? Eh bien l’amour <strong>de</strong> la vie ! Toutes <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

épicuriennes, <strong><strong>de</strong>s</strong> amoureuses <strong><strong>de</strong>s</strong> belles idées, <strong><strong>de</strong>s</strong> amoureuses <strong>de</strong> l’amour. Ce furent<br />

aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> vies comme <strong><strong>de</strong>s</strong> légen<strong><strong>de</strong>s</strong> qui n’atten<strong>de</strong>nt pas la postérité pour s’inventer.<br />

Pour François Bott, ce sont toutes <strong><strong>de</strong>s</strong> « gourman<strong><strong>de</strong>s</strong>, [<strong><strong>de</strong>s</strong>] femmes <strong>de</strong> plaisir, [<strong><strong>de</strong>s</strong>]<br />

dames <strong>de</strong> cœur », « <strong><strong>de</strong>s</strong> héroïnes <strong>de</strong> la vie, <strong><strong>de</strong>s</strong> charmeuses <strong>de</strong> l’existence, et celle-ci<br />

leur rendait la politesse ». Les conviant tour à tour d’une écriture comme toujours élégante<br />

et posée, François Bott traverse les siècles : quittant Colette pour rejoindre Arletty,<br />

laissant Louise <strong>de</strong> Vilmorin pour s’attar<strong>de</strong>r sur le parcours <strong>de</strong> Françoise Sagan ou<br />

encore réunissant Katherine Mansfield et Virginia Woolf le temps d’un après-midi londonien.<br />

C’est parfois dans le regard d’un amant éconduit et désappointé qu’il les rencontre.<br />

Et <strong>de</strong> citer la plume rageuse et triste <strong>de</strong> Constant repoussé par Madame <strong>de</strong> Récamier,<br />

bien plus sensible aux charmes <strong>de</strong> Chateaubriand. Cocteau aussi ! L’ami fidèle,<br />

il a su si bien parler <strong>de</strong> Colette et <strong>de</strong> Louise <strong>de</strong> Vilmorin…<br />

Il y a du panache chez ces femmes qui ne se sont jamais départies <strong>de</strong> leur sourire. Même sur<br />

leur lit <strong>de</strong> mort aime à croire François Bott. Ne dit-on pas d’ailleurs que le sourire est la politesse<br />

du désespoir ? Toutes furent polies envers la vie, faisant montre d’une élégance certaine<br />

<strong>de</strong>vant les épreuves <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière. Ainsi <strong>de</strong> Sagan, François Bott écrit-il : « Elle s’est<br />

détruite avec une souveraine et magnifique insouciance. Légère jusqu’à la tragédie. » Il y a<br />

aussi ce très beau passage consacré à Louise <strong>de</strong> Vilmorin : « Diplomate <strong>de</strong> la vie intérieure<br />

et sentimentale, Louise savait négocier avec ses désillusions, ses déceptions, ses chagrins,<br />

ses mélancolies excessives. Les tromper ou les apprivoiser. Tempérer les hivers du cœur… »<br />

Quant à Madame <strong>de</strong> Récamier, elle « séduisait la vie. Même dans ses heures les plus sombres,<br />

elle avait une sorte <strong>de</strong> sérénité et ce sourire qui protégeait son mystère ».<br />

François Bott se fait plaisir, respect et admiration entremêlés : « elles ont cultivé, conjugué<br />

l’art et l’appétit (féroce) <strong>de</strong> vivre, la curiosité pour les gens et les choses, l’art d’aimer,<br />

l’art d’écrire (pour la plupart), l’art <strong>de</strong> voyager (pour certaines) et même l’art <strong>de</strong> vieillir ».<br />

De sa plume légère et délicate, il les convie à sa table d’écriture, les appelant par leur prénom,<br />

telles <strong><strong>de</strong>s</strong> amies. Faisant <strong>de</strong> ce nouvel ouvrage, un salon exclusivement féminin, hors<br />

du temps et plein <strong>de</strong> vie que Madame <strong>de</strong> Récamier ou Madame <strong>de</strong> Sévigné n’auraient pas<br />

renié. François Bott tisse <strong>de</strong> nouvelles parentés : Colette, la petite cousine <strong>de</strong> la marquise<br />

<strong>de</strong> Sévigné ; Madame <strong>de</strong> Récamier, « une Brigitte Bardot sans niaiserie ».<br />

De livre en livre, François Bott entretient ainsi ses amitiés avec les élégants et les élégantes.<br />

Des passionnés toujours qui se sont accommodés <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas <strong>de</strong> l’existence, la brûlant, l’aimant,<br />

allant même jusqu’à faire croire que le <strong><strong>de</strong>s</strong>tin était leur allié, le hasard leur complice…<br />

Alors que, la vie, finalement, « on ne sait jamais vraiment ce qu’elle veut. »<br />

Nathalie Colleville<br />

Femmes <strong>de</strong> plaisir, François Bott (Le Cherche Midi, 2007)<br />

D.R<br />

Le Lac d’or - Albin Michel<br />

Là où se niche l’humanité…<br />

mars 2008 - livre / échange 13<br />

/ Livres<br />

Jacques-Pierre Amette revient avec un nouveau policier ancré dans Paris et invente un personnage attachant,<br />

un flic pris entre son enquête et les souvenirs doux-amers que celle-ci remue.<br />

En donnant le nom d’un écrivain, à son<br />

principal personnage, Barbey, Jacques-Pierre Amette<br />

a-t-il voulu signifier sa sensibilité aux mon<strong><strong>de</strong>s</strong>, aux<br />

êtres ? Aux événements tristes qui souvent les unissent<br />

? Qualité qui fait <strong>de</strong> ce Barbey un être singulier,<br />

hors tout : hors ses collègues manipulateurs, indifférents,<br />

davantage attirés par les statistiques que l’humain<br />

; hors temps, les mœurs et le fonctionnement<br />

<strong>de</strong> la police ont changé ; hors sa vie : la seule femme<br />

qu’il a aimée (même imparfaitement) vient <strong>de</strong> mourir.<br />

Et c’est sur le meurtre <strong>de</strong> celle-ci que s’ouvre ce<br />

nouveau roman policier <strong>de</strong> Jacques-Pierre Amette.<br />

Barbey a eu une liaison avec cette femme il y a<br />

quelques années. Et <strong>de</strong>puis, beaucoup <strong>de</strong> regrets.<br />

Aux étapes <strong>de</strong> l’enquête se mêlent les souvenirs heureux<br />

<strong>de</strong> ce bref été amoureux partagé avec Chloé,<br />

« une histoire qui ne brill[e] » que pour lui. Autour, la<br />

police ressemble plus à un feuilleton américain, obsédée<br />

par « le « sarkomètre », en gros, la récompense<br />

au mérite. On félicite les bons, on blâme les mauvais.<br />

Relégué au sous-sol, dans un bureau parmi<br />

d’autres, Barbey n’a plus sa place dans ce fonctionnement.<br />

« Je me disais ça, que tout était foutu, que le<br />

mon<strong>de</strong> tournait hors <strong>de</strong> son axe, que j’étais désormais<br />

voué à la brocante <strong>de</strong> vieux flics et que, n’étant<br />

plus dans le coup, je <strong>de</strong>vais remercier Dieu à genoux<br />

si simplement on ne me virait pas du service. » Illusions<br />

en berne, il n’en continue pas moins son enquête<br />

: l’envie <strong>de</strong> savoir, un certain fatalisme…<br />

Son intérêt pour la principale suspecte en dit long.<br />

Dans ce mon<strong>de</strong> crépusculaire, fantomatique, elle est<br />

davantage humaine à ses yeux que les bureaucrates<br />

Ancien rédacteur en chef du Mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Livres,<br />

François Bott partage son temps entre Trouville-sur-mer et Paris.<br />

et les sans âme qui lui servent <strong>de</strong> collègues et <strong>de</strong> supérieurs…<br />

Même son complice <strong>de</strong> toujours le trahit :<br />

« Je suis moi-même jeté dans la chaux vive <strong>de</strong> l’indifférence<br />

bureaucratique… Quand je pense qu’en entrant<br />

dans la police, j’avais cru trouver une belle gran<strong>de</strong><br />

famille… »<br />

En bon flic, tenace et minutieux, Barbey résoudra son<br />

enquête. Tandis que « le temps infus[e] », l’humanité<br />

se niche aussi bien dans les actes d’amour que <strong>de</strong><br />

haine. À côté, non, tout près, les mafieux et les bureaucrates<br />

continuent à œuvrer.<br />

Nathalie Colleville<br />

Le Lac d’or, Jacques-Pierre Amette (Albin Michel, 2007).


Livres<br />

PUBLICATIONS<br />

La Critique littéraire du XX e siècle<br />

en France et en Italie - Collectif<br />

Les Presses universitaires <strong>de</strong> Caen publient les<br />

actes d’un colloque qui s’est tenu à Caen en 2006<br />

sur la critique littéraire du XX e siècle en France et en<br />

Italie. Un apport théorique remarquable et d’une<br />

gran<strong>de</strong> clarté pour les férus <strong>de</strong> littérature.<br />

L’approche comparatiste associant sources<br />

italienne et française ajoute à l’intérêt <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

questions soulevées. Sont évoquées notamment<br />

les métho<strong><strong>de</strong>s</strong> d’interprétation du texte (stylistique,<br />

psychanalytique, formaliste, sémiotique,<br />

anthropologique, thématique, historique,<br />

sociologique). Certains intervenants ont étayé leur<br />

propos sur <strong><strong>de</strong>s</strong> exemples ou <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs bien<br />

précis : Umberto Eco, Tzvetan Todorov ou encore<br />

Italo Calvino, la littérature jeunesse italienne<br />

(Mariella Colin) ou l’écriture féminine italienne<br />

(Clau<strong>de</strong> Cazalé Bérard), la question <strong>de</strong> la traduction<br />

(Viviana Agostini-Ouafi)… Trois ambitions ont<br />

présidé à ce colloque : « revenir sur l’histoire <strong>de</strong> la<br />

critique littéraire au XX e siècle […] ; réfléchir à la<br />

situation présente – à la crise actuelle et aux<br />

perspectives nouvelles ; envisager les rapports<br />

franco-italiens <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue particulier qu’est<br />

le nôtre ». Certes adressés à un lectorat<br />

universitaire, ces actes <strong>de</strong> colloque n’en restent pas<br />

moins une parution accessible à tous. Un seul<br />

regret toutefois : les interventions <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

universitaires italiens n’ont pas été traduites en<br />

français dans la publication.<br />

<br />

Presses universitaires <strong>de</strong> Caen, 2007.<br />

Colloque <strong>de</strong> Cerisy. Science-fiction<br />

et imaginaires contemporains - Collectif<br />

Les actes du colloque qui s’est déroulé en 2006 au<br />

<strong>Centre</strong> culturel international <strong>de</strong> Cerisy-la-Salle avec<br />

le soutien du CRL viennent <strong>de</strong> paraître aux éditions<br />

Bragelonne. « Les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> réunies ici veulent<br />

poursuivre la saisie <strong><strong>de</strong>s</strong> changements ou <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

évolutions dont la science-fiction, à la fois genre<br />

littéraire et registre esthétique, est le théâtre <strong>de</strong>puis<br />

les années 1980. Sur le plan interne, malgré<br />

certaines constantes, les thématiques propres <strong>de</strong> la<br />

science-fiction ont évolué, son langage s’est<br />

diversifié, <strong>de</strong> nouveaux sous-genres sont apparus.<br />

Sur le plan externe, tandis que l’imaginaire<br />

scientifique se modifiait, la science-fiction a multiplié<br />

les échanges avec les autre genres littéraires, et<br />

s’est affirmée davantage dans différentes formes<br />

d’art –notamment les arts visuels. » Des<br />

interventions d’écrivains parmi lesquels Georges-<br />

Olivier Châteaureynaud, François Coupry ou encore<br />

Elisabeth Vonarburg permettent <strong>de</strong> compléter les<br />

différentes approches <strong><strong>de</strong>s</strong> chercheurs.<br />

<br />

Editions Bragelonne, 2007.<br />

La <strong>Normandie</strong><br />

vue du ciel -<br />

Frank Mulliez et<br />

Corinne Targat<br />

Les ouvrages photographiques sur la <strong>Normandie</strong><br />

sont légion. Celui-ci publié aux éditions De Borée a<br />

le mérite <strong>de</strong> proposer une nouvelle approche : la<br />

<strong>Normandie</strong> (<strong>Basse</strong> et Haute) vue du ciel ! Celle<br />

nature, celle historique et celle <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes. Les<br />

photographies <strong>de</strong> Frank Mulliez, collaborateur<br />

régulier du magazine Géo, renouvellent<br />

véritablement notre perception <strong><strong>de</strong>s</strong> paysages<br />

normands pourtant archi-connus : l’alignement<br />

géométrique parfait <strong><strong>de</strong>s</strong> tombes dans les<br />

cimetières militaires, les courbes généreuses <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

côtes, les merveilles architecturales (abbayes,<br />

cathédrales, châteaux), la rigueur linéaire <strong><strong>de</strong>s</strong> ports<br />

et l’agencement <strong><strong>de</strong>s</strong> villes, les fonds marins… Un<br />

très bel ouvrage servi par les textes <strong><strong>de</strong>s</strong>criptifs et<br />

explicatifs <strong>de</strong> Corinne Targat.<br />

<br />

Editions <strong>de</strong> Borée, 2007.<br />

Un jeune homme triste - Fayard<br />

Les renoncements nécessaires<br />

Deauville. Entre le casino et les plages norman<strong><strong>de</strong>s</strong>, un jeune couple se délite,<br />

dans l’été finissant. Thibault <strong>de</strong> Montaigu dit bien les tergiversations<br />

<strong>de</strong> celui qui ne veut pas grandir…<br />

Un week-end amoureux à Deauville.<br />

Presque un cliché. Emmanuel et Camille assistent, passifs,<br />

à l’usure <strong>de</strong> leur couple. La ville sonne faux, aussi<br />

faux que leur amour. Démissionnaire <strong>de</strong> sa propre vie,<br />

Emmanuel se laisse porter. Camille voudrait tout contrôler.<br />

On ne dit pas « Défaire l’amour ». Et pourtant… Même<br />

dans leurs <strong>de</strong>rnières étreintes, Camille et Emmanuel ne<br />

se rejoignent plus. Tous les moments heureux portent<br />

déjà en eux l’amertume <strong>de</strong> leurs fins. Ce week-end est<br />

une illusion, le temps d’arrêter le temps. Mais nul n’en<br />

a le pouvoir. « Le temps est bien fainéant. On le donne,<br />

on le perd, on le cherche sans cesse. » Ne pas le voir,<br />

c’est refuser <strong>de</strong> grandir. Emmanuel est encore un grand<br />

enfant, jouant <strong><strong>de</strong>s</strong> blagues puériles à <strong><strong>de</strong>s</strong> inconnus ;<br />

perdant et gagnant <strong><strong>de</strong>s</strong> sommes folles au black-jack…<br />

« L’alcool, le jeu, la gaudriole. Ces éternels allers-retours<br />

vers l’enfance. » Il faudrait plutôt terminer ce livre,<br />

prendre ren<strong>de</strong>z-vous avec cet éditeur, trouver un job…<br />

Tous ces « faudrait »….<br />

Une soirée au casino tient la place centrale dans ce roman<br />

habilement écrit. Aimer l’autre comme on joue aux<br />

jeux <strong>de</strong> hasard. On avance un premier jeton hésitant.<br />

Confiant, on mise plus gros. On perd, on recommence.<br />

On calcule, on suppute, on se rassure… Gagnant ou bredouille,<br />

c’est selon. Il faut être <strong>de</strong>ux pour avancer, gagner.<br />

Lorsque Hailey, une amie anglaise <strong>de</strong> Camille rencontrée<br />

à Deauville, le rejoint à la table <strong>de</strong> jeu, Emmanuel<br />

l’emporte…<br />

Peur <strong>de</strong> perdre, peur <strong>de</strong> gagner. D’avancer. Entre l’enfance<br />

trop dure à quitter et l’avenir fantasmé, impos-<br />

Le Musée Malraux au Havre, a accueilli jusqu’à<br />

la fin janvier <strong>de</strong> cette année une exposition consacrée<br />

à Othon Friesz (1879-1949), peintre souvent négligé.<br />

Son titre Othon Friesz, le<br />

fauve baroque nous rappelle<br />

que ce peintre, originaire du<br />

Havre, est surtout connu comme<br />

acteur <strong>de</strong> ce mouvement, le<br />

fauvisme.<br />

Un ouvrage (Gallimard, 2007)<br />

accompagnait l’exposition, il reproduit<br />

les divers moments <strong>de</strong><br />

la rétrospective proposée par<br />

le Musée Malraux. D’abord<br />

proche <strong><strong>de</strong>s</strong> continuateurs <strong>de</strong><br />

l’impressionnisme, ce peintre<br />

saute le pas et <strong>de</strong>vient une figure<br />

majeure du fauvisme. Son<br />

œuvre est alors flamboyante,<br />

dramatiquement colorée, nourrie<br />

par <strong><strong>de</strong>s</strong> séjours méditerranéens.<br />

Méditant l’œuvre <strong>de</strong> Cézanne,<br />

il revient à un souci <strong>de</strong><br />

la composition. Un séjour au<br />

Portugal le conforte dans cette<br />

voie. Après le premier conflit mondial, comme d’autres<br />

fauves, tels Derain et Vlaminck, il participe à une certaine<br />

restauration <strong>de</strong> l’académisme, dans le cadre <strong>de</strong> ce<br />

que l’on a appelé le retour à l’ordre.<br />

Les Bas-Normands découvriront dans cet ouvrage<br />

mars 2008 - livre / échange 14<br />

sible <strong>de</strong> saisir l’instant présent. « Décidément tous ces<br />

conditionnels m’allaient bien. Ils désamorçaient le présent,<br />

éludaient l’avenir. Un temps idéal pour l’enfance,<br />

la paresse, les longs étés immobiles, toutes ces choses<br />

que je me refusais encore à perdre. Ou plutôt, <strong>de</strong> ne plus<br />

jamais pouvoir perdre. » Une frontière que l’on confond<br />

avec une fêlure. Se tenant sur le bord <strong>de</strong> sa vie d’adulte,<br />

Emmanuel éprouve une sensation <strong>de</strong> vertige. Alors<br />

il négocie, marchan<strong>de</strong>, tente <strong><strong>de</strong>s</strong> compromis. Il faudrait<br />

prendre sa vie en main. Faire <strong><strong>de</strong>s</strong> choix. Prendre, renoncer.<br />

Grandir. Grand-Dire. « Les mots m’effraient. […]<br />

Et malgré tout, il faut en user, puisque c’est le seul moyen<br />

dont on dispose pour prendre possession <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>.<br />

Dire aux autres qu’ils comptent, qu’on les aime, et<br />

déjà ce mot ne veut pas dire assez ou en dit trop, ce mot<br />

nous corrompt, alors l’on choisit <strong>de</strong> se taire. » L’enfance<br />

a quelque chose <strong>de</strong> si confortable que l’on préfère<br />

ne pas voir le malheur dans lequel on <strong>de</strong>meure englué.<br />

La lucidité viendra d’Hailey, amie anglaise. « Mais quand<br />

on songe à se séparer d’une chose, c’est qu’il faut déjà<br />

en finir. »<br />

Accepter <strong>de</strong> laisser s’en aller l’été et l’adolescence, quitter<br />

la plage <strong><strong>de</strong>s</strong> vacances et les dorures qui masquent<br />

pour laisser surgir ce qui s’impose : le temps qui passe,<br />

la vie qui va.<br />

Nathalie Colleville<br />

Un jeune homme triste, Thibault <strong>de</strong> Montaigu (Fayard, 2007)<br />

Othon Friesz le fauve baroque - Gallimard<br />

Othon Friesz, peintre méconnu<br />

qu’Othon Friesz s’est plu à peindre Falaise et Honfleur.<br />

Il séjourne à Falaise dans les années 1903-1904. Il peint<br />

le château, l’étagement <strong><strong>de</strong>s</strong> toits <strong>de</strong> cette petite ville,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> scènes <strong>de</strong> marché, il noircit<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> carnets <strong>de</strong> croquis avec<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> figures <strong>de</strong> paysans, dans<br />

une certaine proximité avec Armand<br />

Guillaumin et Camille Pissarro,<br />

<strong>de</strong> grands aînés qui perpétuent<br />

une façon <strong>de</strong> peindre.<br />

Durant l’été 1906, Friesz est à<br />

Anvers avec Braque. Il renonce<br />

à l’impressionnisme tardif. De<br />

retour dans sa famille havraise,<br />

il peint Honfleur et la côte<br />

<strong>de</strong> Grâce. Ses toiles sont portées<br />

par une énergie vibrante,<br />

une célébration du don du<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

Honfleur en 1951 (au musée),<br />

en 1971 (au Grenier à sel) avait<br />

présenté <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres <strong>de</strong> Friesz<br />

qui retrouvait ainsi son « Doux<br />

Honfleur ». Le Havre a proposé<br />

une rétrospective dont l’ouvrage<br />

cité gar<strong>de</strong> la mémoire, nous révélant un peintre attentif<br />

aux formes et aux coloris.<br />

Gérard Poulouin<br />

Othon Friesz le fauve baroque, David Butcher (Gallimard, 2007)


Quel qualificatif décrirait votre bibliothèque ?<br />

Abondante ! Elle contient cinq mille volumes. Il y en a un<br />

peu partout, mais très bien classés ! Chaque secteur (littérature<br />

anglaise, littérature américaine, poésie, histoire,<br />

etc) est classé par ordre alphabétique. Je sais retrouver<br />

un bouquin en peu <strong>de</strong> temps ! Parmi les contemporains<br />

français, j’apprécie énormément Pierre Michon que je lis<br />

et relis, c’est magnifique ! Pierre Bergougnioux, Patrick<br />

Modiano et Pascal Quignard également.<br />

Quel est votre premier souvenir <strong>de</strong> lecture ?<br />

Cela remonte à très, très loin ! Lorsque nous étions enfants,<br />

pour Noël, nos parents nous offraient <strong><strong>de</strong>s</strong> livres <strong>de</strong> la bibliothèque<br />

verte. Je me souviens d’avoir eu, parmi les premiers,<br />

Le Filleul <strong>de</strong> la Pérouse <strong>de</strong> Jean d’Agraives. Nous n’arrêtions<br />

pas <strong>de</strong> le relire, car nous n’en avions pas beaucoup.<br />

Votre plus beau souvenir <strong>de</strong> lecture ?<br />

Le premier bouquin à propos duquel je me suis dit : « ça,<br />

c’est autre chose ! ». Je <strong>de</strong>vais être en troisième à Cherbourg.<br />

À la bibliothèque du lycée, j’avais pris Le Père Goriot <strong>de</strong> Balzac.<br />

Je me souviens, c’était une reliure en cuir gris. Ça m’avait<br />

complètement épaté. Quand j’ai eu fini, j’ai recommencé<br />

immédiatement. Et j’ai lu tous les autres…<br />

Que lisez-vous en ce moment ?<br />

Le tome V <strong>de</strong> la correspondance <strong>de</strong> Flaubert qui vient<br />

<strong>de</strong> paraître dans « La Pléia<strong>de</strong> ». Et aussi, Sang impur<br />

d’Hugo Hamilton.<br />

Quel est le <strong>de</strong>rnier livre qu’on vous a offert ?<br />

Il y en a eu beaucoup ! Le Roman d’Oxford et L’Homme<br />

sentimental <strong>de</strong> Javier Marias ; un livre d’Elisabeth Bowen,<br />

Le Dernier Automne. Et aussi, le tome V <strong>de</strong> la correspondance<br />

<strong>de</strong> Flaubert, un autre titre d’Hugo Hamilton,<br />

Déjanté et Histoire du Débarquement en <strong>Normandie</strong> d’Olivier<br />

Wieviorka.<br />

Le <strong>de</strong>rnier livre que vous avez offert ?<br />

Là aussi, il y en a plusieurs ! La Foire aux vanités <strong>de</strong><br />

William Thackeray, Tom Jones <strong>de</strong> Henry Fielding, Une<br />

exécution ordinaire <strong>de</strong> Marc Dugain qui s’inspire <strong>de</strong> l’histoire<br />

du sous-marin russe, le Koursk.<br />

Question(s) <strong>de</strong> lecture<br />

Chaque trimestre, Livre/échange invite un auteur<br />

à nous dévoiler sa bibliothèque.<br />

Né à Cherbourg, Henri Droguet vit aujourd’hui à Saint-Malo.<br />

Fin 2007, il a publié un nouvel ouvrage <strong>de</strong> poésie chez Gallimard, Off.<br />

Et vous Henri Droguet…<br />

Celui que vous ne vous lassez pas <strong>de</strong> relire ?<br />

Madame Bovary et Les Trois Contes <strong>de</strong> Flaubert, sans<br />

aucun doute ! Les Fleurs du mal <strong>de</strong> Bau<strong>de</strong>laire bien sûr<br />

car j’y retrouve toujours quelque chose. Une saison en<br />

enfer <strong>de</strong> Rimbaud. Et aussi, La Prose du Transsibérien<br />

et Panama ou l’histoire <strong>de</strong> mes sept oncles <strong>de</strong> Blaise<br />

Cendrars. Quand je vois l’oubli dans lequel tombe Cendrars,<br />

c’est inadmissible !<br />

Celui que vous n’avez jamais terminé ?<br />

L’Etre et le néant <strong>de</strong> Sartre, trop compliqué ! En me forçant,<br />

peut-être aurais-je pu le lire en entier… Mais ça ne m’intéresse<br />

pas trop. Ah et aussi Les Cent jours <strong>de</strong> Sodome <strong>de</strong><br />

Sa<strong>de</strong> ! Ça me tombe <strong><strong>de</strong>s</strong> mains ! C’est chiant, catastrophique<br />

! Complètement, irrémédiablement impensable !<br />

Et on voudrait me faire croire que c’est <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> littérature<br />

! Mais non, je ne lirai pas Les Cent jours <strong>de</strong> Sodome.<br />

Celui que vous auriez aimé écrire ?<br />

La Recherche du temps perdu, indéniablement ! Mais<br />

aussi Absalon ! Absalon ! <strong>de</strong> Faulkner et là encore, Une<br />

saison en enfer <strong>de</strong> Rimbaud.<br />

Propos recueillis par Nathalie Colleville<br />

Le Père Goriot d’Honoré <strong>de</strong><br />

Balzac (Livre <strong>de</strong> poche)<br />

Le tome V <strong>de</strong> la correspondance<br />

<strong>de</strong> Gustave Flaubert dans<br />

« La Pleia<strong>de</strong> », Gallimard<br />

Sang impur d’Hugo Hamilton<br />

(Phébus, 2004)<br />

Déjanté d’Hugo Hamilton<br />

(Phébus, 2006)<br />

Roman d’Oxford <strong>de</strong> Javier<br />

Marias (Rivages, 1994)<br />

L’Homme sentimental <strong>de</strong> Javier<br />

Marias (Rivages, 1990)<br />

Le Dernier Automne d’Elisabeth<br />

Bowen (Rivages, 1999)<br />

Histoire du Débarquement en<br />

<strong>Normandie</strong> d’Olivier Wieviorka<br />

(Seuil, 2007)<br />

La Foire aux vanités <strong>de</strong> William<br />

Thackeray (Folio)<br />

Tom Jones <strong>de</strong> Henry Fielding et<br />

Une exécution ordinaire <strong>de</strong><br />

Marc Dugain (Gallimard, 2007)<br />

mars 2008 - livre / échange 15<br />

Jacques Sassier/Gallimard<br />

Madame Bovary et Les Trois<br />

Contes <strong>de</strong> Gustave Flaubert<br />

(Folioplus)<br />

Les Fleurs du mal <strong>de</strong> Charles<br />

Bau<strong>de</strong>laire (Folioplus)<br />

Une saison en enfer d’Arthur<br />

Rimbaud (Livre <strong>de</strong> poche)<br />

La Prose du Transsibérien <strong>de</strong><br />

Blaise Cendrars (Denoël)<br />

Panama ou l’histoire <strong>de</strong> mes<br />

sept oncles <strong>de</strong> Blaise Cendrars<br />

(Denoël)<br />

L’Etre et le néant <strong>de</strong> Jean-Paul<br />

Sartre (Gallimard)<br />

Les Cent jours <strong>de</strong> Sodome du<br />

Marquis <strong>de</strong> Sa<strong>de</strong> (Pauvert)<br />

La Recherche du temps perdu<br />

<strong>de</strong> Marcel Proust (« Quarto »,<br />

Gallimard)<br />

Absalon ! Absalon ! <strong>de</strong> William<br />

Faulkner (Gallimard)<br />

PUBLICATIONS<br />

/ / Livres livres<br />

L’Orient d’un prêtre voyageur<br />

Yves Lebrec<br />

Les Archives départementales <strong>de</strong> la Manche ont<br />

publié l’album <strong>de</strong> l’exposition qu’elles avaient<br />

accueillie en 2006 : « Jules Touzard, l’Orient d’un<br />

prêtre voyageur ». Ce prêtre né à Meautis près <strong>de</strong><br />

Carentan dans la Manche en 1867 a rapporté 1595<br />

plaques <strong>de</strong> verres stéréoscopiques d’un voyage au<br />

Proche-Orient effectué en 1911 et 1912. Le père<br />

Touzard a parcouru tout l’empire Ottoman : Italie,<br />

Grèce, Egypte, Palestine, Liban, Jordanie, Syrie.<br />

Aujourd’hui cette collection exceptionnelle<br />

apparient à l’Institut catholique <strong>de</strong> Paris où elle a<br />

été reconstituée par son conservateur, Yves Lebrec.<br />

Architecture, vie au quotidien, visages et<br />

paysages : le témoignage que constituent ces<br />

photographies est unique. Il est accompagné <strong>de</strong><br />

notes prises par le Père Touzard. Notes dont il<br />

s’inspirera à son retour pour la rédaction d’une<br />

série d’articles. L’album <strong>de</strong> l’exposition est<br />

superbe, servi par une mise en page sobre alliant<br />

l’argenté au noir et blanc.<br />

<br />

Archives départementales <strong>de</strong> la Manche, 2006.<br />

Couleurs sensibles<br />

Marie-Isabelle Merle <strong><strong>de</strong>s</strong> Isles<br />

Le catalogue <strong>de</strong> l’exposition accueillie en ce<br />

moment aux Archives départementales <strong>de</strong> la<br />

Manche « Couleurs sensibles » rassemble les<br />

autochromes du Manchois Gustave Gain<br />

(1876-1945). Inventé par les frères Lumière en<br />

1903, commercialisé en 1907, l’autochrome<br />

permit <strong>de</strong> prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> photographies en<br />

couleurs. 80 autochromes sont présentés au<br />

public en ce moment aux Archives qui les ont<br />

également numérisées. « Exposer les<br />

autochromes <strong>de</strong> Gustave Gain, c’est raconter sa<br />

vie, livrer son intimité, révéler l’amour porté à sa<br />

femme, à ses parents, à ses sœurs, à ses fils :<br />

c’est raconter l’histoire d’une famille aujourd’hui<br />

éteinte dont aucun enfant, aucun ami ne peuvent<br />

plus raconter les souvenirs, évoquer la mémoire,<br />

puisqu’il ne reste d’elle que <strong><strong>de</strong>s</strong> images sans<br />

paroles », écrit Marie-Isabelle Merle <strong><strong>de</strong>s</strong> Isles,<br />

héritière <strong>de</strong> la collection par le hasard <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

successions. Issu d’une famille d’explorateurs<br />

(il fut l’oncle du cinéaste Jean Rouch), Gustave<br />

Gain fut un observateur attentif et curieux.<br />

« La technique, on le sait, ne suffit pas. La magie<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> images <strong>de</strong> Gustave Gain vient <strong>de</strong> ce qu’elles<br />

sont composées sans être rigi<strong><strong>de</strong>s</strong> ou figées.<br />

On dirait <strong><strong>de</strong>s</strong> instantanés, oubliant les longs<br />

temps <strong>de</strong> pose nécessaires, ce qui révèle, non<br />

seulement sa patience mais aussi sa capacité à<br />

réagir avec rapidité. L’autre intérêt <strong>de</strong> ses<br />

mo<strong>de</strong>rnités, c’est la mo<strong>de</strong>rnité <strong>de</strong> ses cadrages<br />

qui nous font oublier que ces images ont près <strong>de</strong><br />

cent ans. » Les clichés reproduits dans ce<br />

catalogue le sont <strong>de</strong> manière tout à fait<br />

exceptionnelle grâce au procédé d’impression<br />

employé. Les photos se détachent <strong>de</strong> la page<br />

grâce au vernis qui les recouvre.<br />

<br />

Archives départementales <strong>de</strong> la Manche, 2007.


MARS<br />

Le 8 mars<br />

William S. comme il nous plaira<br />

« William S. comme il nous plaira se veut avant tout<br />

un clin d’œil à l’intégrale <strong><strong>de</strong>s</strong> souvenirs que nous<br />

partageons <strong>de</strong> l’œuvre dramatique d’un certain<br />

William Shakespeare. Rémanence <strong><strong>de</strong>s</strong> images laissées,<br />

plaisir <strong><strong>de</strong>s</strong> mots que la mémoire mêle, c’est une<br />

gageure que <strong>de</strong> vouloir, le temps d’un spectacle, en<br />

résumer tant d’effets. La musique réveille sans révéler,<br />

elle accompagne plus qu’elle ne dicte, elle sera notre<br />

gui<strong>de</strong> pour ce rêve éveillé », explique François Epiard<br />

qui signe la mise en scène <strong>de</strong> cet étonnant ren<strong>de</strong>z-vous :<br />

un spectacle bilingue pour <strong>de</strong>ux comédiens accom<br />

pagné et proposé par L’Ensemble <strong>de</strong> <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

A 20h30 au Théâtre <strong>de</strong> Saint-Sauveur-le-Vicomte.<br />

Renseignements au 02 31 06 98 86.<br />

Le 10 mars<br />

Les bibliothèques<br />

pour la jeunesse :<br />

évolution ou révolution ?<br />

La bibliothèque <strong>de</strong> Caen propose, au cours d’une<br />

journée d’étu<strong>de</strong> animée par <strong><strong>de</strong>s</strong> chercheurs et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

professionnels du livre, <strong>de</strong> revenir sur l’histoire <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

bibliothèques pour enfants. Celles-ci se sont<br />

développées il y a plus d’un <strong>de</strong>mi-siècle et n’ont cessé<br />

<strong>de</strong> se multiplier. Mais les mutations sociales et<br />

professionnelles obligent aujourd’hui à repenser le<br />

concept même <strong>de</strong> bibliothèque pour la jeunesse.<br />

Cette journée d’étu<strong>de</strong> s’inscrit en fait dans un<br />

événement plus large : l’anniversaire <strong><strong>de</strong>s</strong> cinquante ans<br />

du secteur jeunesse <strong>de</strong> la bibliothèque <strong>de</strong> Caen.<br />

La section enfantine <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière fut l’une <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

premières créées en France. Pionnière en la matière,<br />

elle proposait à ses jeunes usagers, dans un espace<br />

qui leur était totalement dédié, non seulement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

collections diversifiées mais aussi <strong>de</strong> nombreuses<br />

animations. A travers les collections du fonds<br />

historique jeunesse <strong>de</strong> la bibliothèque <strong>de</strong> Caen,<br />

une exposition proposera également du 27 mars au<br />

29 avril, un panorama <strong>de</strong> l’édition pour la jeunesse,<br />

<strong>de</strong> ses origines jusqu’à aujourd’hui.<br />

Inscription gratuite et obligatoire au 02 31 30 47 00<br />

ou par courriel : bibliothèque.caen@agglo-caen.fr<br />

Conférence : « Histoires du livre pour enfants,<br />

XVII-XX e siècles », vendredi 28 mars à 18h.<br />

Bibliothèque centrale, Place-Louis-Guillouard à Caen.<br />

A partir du 11 mars<br />

Rencontres pour lire Michel Ots<br />

C’est un drôle <strong>de</strong> petit livre que François <strong>de</strong> Cornière<br />

a choisi pour les <strong>de</strong>rnières lectures <strong>de</strong> la saison.<br />

Un « petit livre vert [qui] dit tout ce que vous désirez<br />

savoir au sujet <strong><strong>de</strong>s</strong> vaches, leurs goûts, leurs mœurs<br />

et jusqu’à la façon <strong>de</strong> s’y prendre soi-même avec elles.<br />

L’auteur y parle <strong><strong>de</strong>s</strong> vaches avec respect mais non sans<br />

humour. »<br />

L’auteur c’est Michel Ots, le livre : Plaire aux vaches<br />

paru à l’Atelier du gué en 1994. Jean-Marc Dupré et<br />

Marc Frémond donneront ce texte à entendre.<br />

Du 11 au 14 mars à l’Espace Puzzle, rue <strong>de</strong> Bretagne à Caen.<br />

A 20h30 et le samedi à 17h. Ensuite en région.<br />

Renseignements au 02 31 30 48 20.<br />

Du 11 au 14 mars<br />

Carte blanche<br />

à Jean-Clau<strong>de</strong> Touzeil<br />

Pour ces animations, la Bibliothèque départementale<br />

<strong>de</strong> Prêt <strong>de</strong> l’Orne déclinera le thème <strong>de</strong> l’environnement<br />

tout au long <strong>de</strong> l’année <strong>2008.</strong> Ainsi du 11 au 14 mars,<br />

carte blanche a été donnée au poète Jean-Clau<strong>de</strong> Touzeil<br />

qui habite dans l’Orne. Ce <strong>de</strong>rnier a choisi d’inviter :<br />

Yves Barré, peintre, poète et photographe ; Paul Contais,<br />

conteur et diseur ; Alain Bou<strong>de</strong>t, poète et éditeur ;<br />

Eric Sénécal, poète et éditeur, responsable également<br />

<strong>de</strong> la Maison <strong>de</strong> la poésie <strong>de</strong> Haute-<strong>Normandie</strong>.<br />

Le 11 mars à 20h30 à la salle polyvalente <strong>de</strong> Durcet.<br />

Le 12 mars à 20h30 à la médiathèque <strong>de</strong> Neuilly-sur-Eure.<br />

Le 13 mars à 20h30 à la bibliothèque <strong>de</strong> Nocé.<br />

Le 14 mars à 20h30 à la bibliothèque <strong>de</strong> Larré.<br />

Renseignements auprès <strong>de</strong> la BDP <strong>de</strong> l’Orne<br />

au 02 33 29 15 06.<br />

AVRIL<br />

1 er avril<br />

J’ai gravé le nom <strong>de</strong> ma grenouille<br />

dans ton foie<br />

« Cette performance d’un genre particulier est un<br />

foutoir magnifique, dépoussiérant avec humour, cruauté<br />

et non sens les histoires <strong>de</strong> bons rois et <strong>de</strong> princes<br />

charmants. La princesse est déprimée, angoissée et<br />

envieuse <strong>de</strong> ce frère qui possè<strong>de</strong> cet attribut supplémentaire<br />

qui lui assure trône et couronne. La parité n’est<br />

pas toujours <strong>de</strong> rigueur au royaume et ça agace notre<br />

princesse. Son prince peu charmant en est resté au<br />

sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> la grenouille quéman<strong>de</strong>use <strong>de</strong> bisous.<br />

Assassin à ses heures, un brin psychopathe, il<br />

collectionne les poupées Barbie démembrées et n’est<br />

pas contre un peu d’exercices <strong>de</strong> guitares saturées.<br />

Tous <strong>de</strong>ux forment un couple que l’on n’a pas toujours<br />

envie d’inviter à sa table mais que finalement on adore,<br />

pour leurs délires et leur étrangeté. Si ce spectacle est<br />

exceptionnel, ce n’est pas tant par l’originalité <strong>de</strong> ses<br />

personnages ou par la qualité du jeu <strong><strong>de</strong>s</strong> ses<br />

comédiens, que par son concept novateur et délirant.<br />

Avec eux, la dissection <strong><strong>de</strong>s</strong> relations humaines prend<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> allures d’expérience scientifique. » Un ren<strong>de</strong>z-vous<br />

étonnant proposé par la Compagnie belge Clinic<br />

Orgasm Society invitée à l’Espace Jean-Vilar à Ifs.<br />

Espace Jean-Vilar, Square Jean-Nie<strong>de</strong>rwern à Ifs.<br />

A 20h30. Tarifs : <strong>de</strong> 5 à 13 euros.<br />

Renseignements et billetterie 02 31 82 69 69.<br />

Jusqu’au 6 avril<br />

« L’un pour l’autre,<br />

les écrivains <strong><strong>de</strong>s</strong>sinent »<br />

Pour la première fois, grâce à la rencontre <strong>de</strong> trois<br />

collections privées d’archives, les <strong><strong>de</strong>s</strong>sins <strong>de</strong> plus <strong>de</strong><br />

cent écrivains et poètes contemporains sont présentés<br />

au public. Victor Hugo, Charles Bau<strong>de</strong>laire, Charles<br />

Cros, Guillaume Apollinaire, Paul Valéry, Max Jacob,<br />

Antonin Artaud, Jean Follain, Jacques Audiberti, Henri<br />

Michaux, William Burroughs, Roland Barthes, Michel<br />

Butor, Jean Tardieu, Christian Dotremont et tant<br />

d’autres se sont illustrés, ou s’illustrent aujourd’hui<br />

sans autre finalité que celle du mixage créateur.<br />

L’exposition « L’un pour l’autre, les écrivains<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>sinent » rendra compte, pour la première fois, <strong>de</strong> ce<br />

mouvement d’hybridation à travers les très nombreuses<br />

pièces d’archives provenant <strong><strong>de</strong>s</strong> collections <strong>de</strong> l’Institut<br />

Mémoires <strong>de</strong> l’édition contemporaine, mais aussi<br />

d’importantes collections privées, dont celle <strong>de</strong> l’éditeur<br />

Pierre Belfond. Conçue par le plasticien Jean-Jacques<br />

Lebel et l’IMEC, elle montrera quelque <strong>de</strong>ux cents pièces<br />

et sera présentée pour la première fois à l’abbaye<br />

d’Ar<strong>de</strong>nne, aux portes <strong>de</strong> Caen, en <strong>Normandie</strong>, avant le<br />

Musée Berardo <strong>de</strong> Lisbonne et le Musée Communal<br />

d’Ixelles à Bruxelles. Cette exposition a été conçue avec<br />

le concours <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Caen <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

A l’IMEC, Grange aux dîmes, du mardi au dimanche,<br />

<strong>de</strong> 14h à 18h. Entrée : 4 euros, 3 euros (tarif réduit),<br />

gratuit pour les chômeurs et les moins <strong>de</strong> 12 ans.<br />

Les 14, 15 et 16 avril<br />

Ecrivez avec C’est quoi ce baz’art ?<br />

Il reste quelques places pour l’atelier d’écriture proposé<br />

par la Boutique d’écriture C’est quoi ce baz…art ? à<br />

Caen, sur le thème « Avril au marché ». Cette session<br />

<strong>de</strong> trois jours s’adressera au 7-12 ans. L’occasion pour<br />

eux <strong>de</strong> réfléchir sur le développement durable, le<br />

respect du rythme <strong><strong>de</strong>s</strong> saisons et <strong><strong>de</strong>s</strong> cycles <strong>de</strong> la nature.<br />

Autre ren<strong>de</strong>z-vous : le concours d’écriture annuel <strong>de</strong> la<br />

boutique ouvert à tous à partir <strong>de</strong> 16 ans. Vous avez<br />

jusqu’au 20 septembre pour rendre votre copie.<br />

Cette année, le thème est « Animal, objet sensible ».<br />

Renseignements, inscriptions au 02 31 26 02 06.<br />

www.baz-art.com<br />

mars 2008 - livre / échange 16<br />

Les 17 et 18 avril<br />

Pas revoir : le spectacle,<br />

la lecture, l’exposition<br />

/ agenda<br />

Cendres Delort donne voix à Pas revoir, ce très beau<br />

texte que Valérie Rouzeau a écrit sur son père<br />

(éditions Le Dé bleu). Elle le jouera à <strong>de</strong>ux reprises<br />

les 17 et 18 avril prochain au Théâtre <strong><strong>de</strong>s</strong> Cor<strong><strong>de</strong>s</strong>.<br />

Ces <strong>de</strong>ux journées se dérouleront en présence <strong>de</strong><br />

l'auteure qui viendra notamment donner une lecture<br />

<strong>de</strong> Apothicaria paru aux éditions Wigwam.<br />

La Compagnie Voyelles porteuse <strong>de</strong> l'ensemble du<br />

projet présentera également dans une exposition<br />

intitulée « Libra » : un parcours plastique/physique<br />

présentant le travail réalisé en milieu pénitentiaire à<br />

l'automne 2007.<br />

Les 17 et 18 avril à Caen, Théâtre <strong><strong>de</strong>s</strong> Cor<strong><strong>de</strong>s</strong>.<br />

Renseignements au 06 78 70 12 25.<br />

Le 26 avril<br />

Insolite Roumanie :<br />

rencontre avec Françoise Legendre<br />

Née à Caen, Françoise Legendre dirige aujourd’hui<br />

les bibliothèques du Havre. Elle écrit aussi pour la<br />

jeunesse. Le Seuil réédite cette année Le Petit Bol<br />

<strong>de</strong> porcelaine bleue, paru en 1996. L’histoire d’Andreï,<br />

jeune Roumain resté auprès <strong>de</strong> sa grand-mère car ses<br />

parents ont fui le régime communiste pour la France.<br />

Cette rencontre s’inscrit dans le cadre d’Insolite<br />

Roumanie, proposé par la Bibliothèque<br />

départementale <strong>de</strong> Prêt <strong>de</strong> la Manche, Balkans-Transit<br />

et la DRAC <strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

Le 26 avril à 11h à la médiathèque <strong>de</strong> Sour<strong>de</strong>val.<br />

Réservations au 02 33 69 27 20.<br />

MAI<br />

Samedi 3 mai<br />

Serge Martin aux Dominicaines<br />

Serge Martin est l’auteur, sous le pseudonyme<br />

<strong>de</strong> Ritman, <strong>de</strong> nombreux recueils <strong>de</strong> poésie dont<br />

De l’air aux éditions L’Epi <strong>de</strong> seigle, installées dans<br />

le Calvados à Beaumont-en-Auge. Invité par<br />

l’association L’Epi <strong>de</strong> seigle, il viendra évoquer<br />

son parcours d’auteur.<br />

A 17h, à l’Espace culturel Les Dominicaines à Pont-L’Evêque.<br />

6 e festival du livre normand<br />

<strong>de</strong> Trévières<br />

Créé dans le but <strong>de</strong> promouvoir <strong><strong>de</strong>s</strong> auteurs essentiellement<br />

normands, le festival prépare sa sixième<br />

édition, ouverte à tous. Marais Page, l’association<br />

organisatrice, a retenu le thème « aventure et nature »<br />

pour cette année et invité écrivains et photographes à<br />

le décliner. En outre, <strong>de</strong> nombreux auteurs et éditeurs<br />

seront présents pour <strong><strong>de</strong>s</strong> dédicaces, conférences,<br />

expositions. Parmi eux : Michel Bussi, Gilles Letournel,<br />

Jacques Viquesnel, Emmanuel Cerisier, Pascal Bresson,<br />

les éditions Le Pré-du-Plain… Enfin, c’est le Parc<br />

naturel régional <strong><strong>de</strong>s</strong> Marais du Cotentin et du Bessin<br />

qui a été choisi pour invité d’honneur.<br />

De 10h à 19h, place du Marché à Trévières. Entrée libre.<br />

www.maraispage.com<br />

Le 14 mai<br />

Insolite Roumanie :<br />

rencontre avec<br />

Gabriela Adamesteanu<br />

La romancière Gabriela Adamesteanu vit à Bucarest.<br />

En 1975, elle fut saluée par ses pairs dès la parution<br />

<strong>de</strong> son premier roman : La Monotonie <strong>de</strong> chaque jour.<br />

En 1985, elle reçoit le prix <strong>de</strong> l’Union <strong><strong>de</strong>s</strong> écrivains<br />

pour Une matinée perdue. Journaliste politique, elle<br />

est également la traductrice <strong>de</strong> Maupassant.<br />

Cette rencontre s’inscrit dans le cadre d’Insolite<br />

Roumanie, proposé par la Bibliothèque départementale<br />

<strong>de</strong> Prêt <strong>de</strong> la Manche, Balkans-Transit et la DRAC<br />

<strong>Basse</strong>-<strong>Normandie</strong>.<br />

Rencontre animée par Pascale Navet, responsable <strong>de</strong><br />

la bibliothèque <strong>de</strong> Saint-Lô.Mercredi 14 mai à 20h30<br />

à la bibliothèque d’Isigny-le-Buat. Entrée gratuite.<br />

Renseignements et réservations au 02 33 48 58 51.

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