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RENCONTRES 2010<br />

1 ères RENCONTRES D’ARCHÉOLOGIE DE L’<strong>IFEA</strong><br />

ARCHÉOLOGIES ET<br />

ESPACES PARCOURUS<br />

O. HENRY (éd.)<br />

Institut Français d’Études Anatoliennes Georges Dumézil


ARCHÉOLOGIES ET ESPACES PARCOURUS<br />

Actes des<br />

‘Premières Rencontres d’Archéologie de l’<strong>IFEA</strong>’,<br />

Istanbul, 11-13 Novembre 2010


ARCHÉOLOGIES ET ESPACES PARCOURUS<br />

Actes des ‘Premières Rencontres d’Archéologie de l’<strong>IFEA</strong>’,<br />

Istanbul, 11-13 Novembre 2010<br />

édités par<br />

Olivier Henry<br />

Institut Français d’Études Anatoliennes (USR 3131)<br />

Istanbul, 2012


Illustration de couverture : L'épave de Kızılburun transportant huit tambours et un chapiteau destinés à la<br />

colonnade périphérique du temp<strong>le</strong> d'Apollon à Claros (© Don Frey, Institute of Nautical Archaeology)<br />

Ce <strong>volume</strong> a été composé par <strong>le</strong>s soins de l'Institut Français d'Études Anatoliennes Georges Dumézil<br />

©2012, Institut Français d'Études Anatoliennes Georges Dumézil (USR 3131) – Istanbul<br />

ISBN 978-­‐2-­‐36245-­‐006-­‐8<br />

Cette œuvre est sous licence Creative Commons. Vous êtes libre de reproduire, de modifier, de<br />

distribuer et de communiquer cette création au public selon <strong>le</strong>s conditions suivantes :<br />

− paternité (BY) : vous devez citer <strong>le</strong> nom de l'auteur original de la manière indiquée par l'auteur<br />

de l'œuvre ou <strong>le</strong> titulaire des droits qui vous confère cette autorisation (mais pas d'une manière qui<br />

suggérerait qu'ils vous soutiennent ou approuvent votre utilisation de l'œuvre) ;<br />

− pas d'utilisation commercia<strong>le</strong> (NC) : vous n'avez pas <strong>le</strong> droit d'utiliser cette création à des fins<br />

commercia<strong>le</strong>s ;<br />

− partage des conditions initia<strong>le</strong>s à l'identique (SA) : si vous modifiez, transformez ou adaptez cette<br />

création, vous n'avez <strong>le</strong> droit de distribuer la création qui en résulte que sous un contrat identique<br />

à celui-ci.<br />

À chaque réutilisation ou distribution de cette création, vous devez faire apparaitre clairement au<br />

public <strong>le</strong>s conditions contractuel<strong>le</strong>s de sa mise à disposition. Chacune de ces conditions peut être<br />

<strong>le</strong>vée si vous obtenez l'autorisation du titulaire des droits sur cette œuvre. Rien dans ce contrat ne<br />

diminue ou ne restreint <strong>le</strong> droit moral de l'auteur


ARCHÉOLOGIES ET ESPACES PARCOURUS<br />

Actes des ‘Premières Rencontres d’Archéologie de l’<strong>IFEA</strong>’,<br />

Istanbul, 11-13 Novembre 2010<br />

édités par<br />

Olivier Henry<br />

Institut Français d’Études Anatoliennes<br />

Istanbul, 2012


SOMMAIRE<br />

Préface 3<br />

N. Seni<br />

Introduction 7<br />

O. Henry<br />

Obsidatabase : Col<strong>le</strong>cter et organiser <strong>le</strong>s données relatives à<br />

l’obsidienne préhistorique au Proche-­‐Orient et en Transcaucasie 11<br />

B. Varoutsikos / C. Chataigner<br />

De l’usage de l’architecture domestique dans l’approche<br />

des sociétés protohistoriques : l’exemp<strong>le</strong> de l’Anatolie au Bronze Ancien 23<br />

B. Perello<br />

Tilbeshar, au carrefour d’échanges<br />

entre la vallée de l’Euphrate et la côte méditerranéenne à l’âge du Bronze 35<br />

C. Kepinski<br />

Zeyve höyük-­‐Porsuk : Bilan des recherches sur <strong>le</strong>s niveaux du Bronze et du Fer 45<br />

D. Beyer<br />

Du Bronze au Fer : la transition entre deux métallurgies dans<br />

<strong>le</strong>s civilisations antiques d'Anatolie, l’expérimentation comme moyen d’acquisition 58<br />

N. Gailhard<br />

Le théâtre d’Aphrodisias, espace civique et identitaire 73<br />

N. de Chaisemartin<br />

Fouil<strong>le</strong>s et projets de recherche à Sinope 85<br />

D. Kassab Tezgör<br />

Sulusaray / Sebastopolis’te ziyaretçi<strong>le</strong>r için<br />

bir gezi güzergahi oluşturulmasinda ilk adimlar 101<br />

M. Kohl


Le temp<strong>le</strong> de l'orac<strong>le</strong> d'Apollon à Claros 111<br />

J.-Ch. Moretti<br />

Archéologie et histoire en Asie Mineure Méridiona<strong>le</strong> : <strong>le</strong> cas des rues<br />

à colonnades dans <strong>le</strong>s cités grecques et hellénisées de Pamphylie et de Pisidie 129<br />

A.-­‐S. Rivalland<br />

Epigraphie et histoire de la Cilicie Trachée 161<br />

E. Goussé<br />

8


PREFACE<br />

Allocution inaugura<strong>le</strong> de Nora Şeni<br />

Directrice de l’<strong>IFEA</strong>,<br />

aux Premières Rencontres d’Archéologie de l’<strong>IFEA</strong><br />

11 novembre 2010<br />

Monsieur l’Ambassadeur,<br />

Monsieur <strong>le</strong> Consul Général,<br />

Chers collègues, chers amis,<br />

Je suis extrêmement heureuse de vous accueillir pour ces premières rencontres de<br />

l’archéologie en Turquie.<br />

Pourquoi premières rencontres ? Non pas parce qu’il n’y aurait pas eu de rencontres<br />

archéologiques auparavant entre chercheurs français en Turquie ou entre chercheurs<br />

turcs et français, mais bien parce que j’ai souhaité que ces rencontres soient organisées<br />

annuel<strong>le</strong>ment afin d'offrir une tribune en Turquie à l'archéologie française et à ses<br />

partenaires turcs. Ces rencontres annuel<strong>le</strong>s ont pour ambition de permettre aux uns et<br />

aux autres de suivre la progression des travaux de <strong>le</strong>urs collègues, de donner à vos<br />

activités la visibilité qu’ils méritent, de favoriser <strong>le</strong> vivier de jeunes chercheurs orientant<br />

<strong>le</strong>urs recherches vers <strong>le</strong> territoire turc. Cette initiative s’inscrit au cœur de la<br />

restructuration des activités de l’<strong>IFEA</strong> autour de trois pô<strong>le</strong>s (archéologie, histoire, études<br />

contemporaines) et j’ai voulu que chaque pô<strong>le</strong> organise désormais des rencontres<br />

annuel<strong>le</strong>s avec <strong>le</strong>s mêmes objectifs.<br />

En remettant au centre de ses préoccupations l’archéologie, c’est à dire vos activités, vos<br />

efforts, vos avancées, vos découvertes, l’<strong>IFEA</strong> qui fut fondé en tant qu'institut<br />

d'archéologie voici 80 ans, retrouve une place et un rô<strong>le</strong> centra<strong>le</strong> qui lui sont familiers,<br />

qui lui sont naturels, et je dirai essentiels. Cela consiste certes à animer des recherches<br />

au sein de l’Institut mais aussi à accompagner, à soutenir et à promouvoir vos projets.<br />

Ainsi, je vous demande de ne pas hésiter à prendre contact avec nous (par<br />

l'intermédiaire d'O. Henry) afin que nous puissions voir ensemb<strong>le</strong> comment l’<strong>IFEA</strong> peut<br />

aider, par ses réseaux, son expérience, à faciliter vos travaux actuels et à faire émerger<br />

de nouveaux projets.<br />

Le potentiel, <strong>le</strong>s ressources de l’<strong>IFEA</strong> en archéologie et en histoire de l’art se sont<br />

considérab<strong>le</strong>ment renforcées depuis 2009 : 6 chercheurs travail<strong>le</strong>nt actuel<strong>le</strong>ment à<br />

l’institut dans votre domaine, dont une doctorante et un post-­‐doc de l’Université<br />

d’Istanbul. Un programme ANR domicilié à l’<strong>IFEA</strong> est en cours, mené en collaboration<br />

toujours avec l’Université d’Istanbul. Et je suis particulièrement fière d’annoncer, pour<br />

l’année 2010, en plus du numéro annuel de la revue Anatolia Antiqua, cinq publications


4<br />

PRÉFACE<br />

dans la série Varia anatolica, et un ouvrage coédité avec <strong>le</strong>s éditions Kitapyayinevi qui<br />

réunit <strong>le</strong>s traductions en turc des conférences byzantines organisées il y a quelques<br />

années par l’<strong>IFEA</strong>.<br />

Une autre façon pour l’<strong>IFEA</strong> d’accompagner votre travail, d’en accroître la visibilité, de<br />

l’ouvrir aux débats est de <strong>le</strong>s rendre accessib<strong>le</strong>s en publiant sur des archives ouvertes<br />

(ca<strong>le</strong>nda, revues org etc) et/ou sur <strong>le</strong> site de l’<strong>IFEA</strong> vos résultats d’étape, votre work in<br />

progress. Je vous demanderai pour cela de déposer vos rapports et documents d’étape à<br />

l’<strong>IFEA</strong> qui bénéficie, à partir de décembre 2010, des compétences d’une documentaliste<br />

à p<strong>le</strong>in temps. J’ajouterai que l’<strong>IFEA</strong> organise <strong>le</strong> mois prochain pour ses chercheurs une<br />

formation audiovisuel<strong>le</strong> qui <strong>le</strong>ur permettra de filmer et éventuel<strong>le</strong>ment de réaliser des<br />

documentaires sur <strong>le</strong>urs activités de terrain. Voyez là une compétence supplémentaire<br />

dont vos collègues de l’<strong>IFEA</strong> pourront vous faire bénéficier.<br />

Pour que l'<strong>IFEA</strong> préserve la mémoire de votre travail passé et futur, pour que vous<br />

participiez à la construction matériel<strong>le</strong> de cette mémoire il est aussi important que vous<br />

déposiez à la bibliothèque de l’Institut copies de vos archives passées et à venir<br />

(rapports d'activité, photos de terrain, etc.). Ces archives, qui seront bien entendu<br />

protégées, permettront aux générations futures de prendre connaissance, en détail, des<br />

travaux menés par <strong>le</strong>urs aînés.<br />

Ces générations futures nous devons, nous tous, <strong>le</strong>s aider à voir <strong>le</strong> jour en essayant de<br />

redynamiser <strong>le</strong> vivier des jeunes chercheurs, archéologues, historiens, historiens de l'art,<br />

en Turquie. C'est, je crois, en associant nos forces, nos expériences et nos ressources que<br />

nous arriverons à développer ce vivier qui est absolument vital à la recherche française.<br />

Ces questions nous <strong>le</strong>s aborderons ensemb<strong>le</strong> et je viendrai <strong>le</strong> faire avec vous ce samedi à<br />

partir de 14:30h au cours des rencontres institutionnel<strong>le</strong>s qui se tiendront dans <strong>le</strong>s<br />

locaux de l'<strong>IFEA</strong>.<br />

Je dirai pour conclure, nous <strong>le</strong> savons tous, <strong>le</strong>s conditions de la recherche sont en p<strong>le</strong>ine<br />

mutation, el<strong>le</strong>s n’en finissent pas de se transformer. Nous <strong>le</strong>s percevons à travers <strong>le</strong>s<br />

coupes budgétaires qui nous affligent, <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s méthodes d’évaluation, <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />

rég<strong>le</strong>mentations qui encadrent nos activités. Mais il n’y a pas que ces aspects qui<br />

changent. L’époque est révolue où l’on faisait ses recherches dit de « terrain à<br />

l’étranger » (à l’international) – que ce soit en histoire, en sociologie ou en archéologie –<br />

comme on fait son marché, comme on remplit son panier et s’en revient, en toute<br />

indifférence pour l’environnement local et sans rien lui devoir. Cette époque là est<br />

derrière nous. Cela tient aussi à l’histoire et à la façon qu’a eu l’archéologie de se<br />

développer. Quant à « l’indifférence » dont je parlais je voudrais, pour illustrer mon<br />

propos, vous faire part d’une découverte qui m’a surprise cette année. Je consultais <strong>le</strong>s<br />

notices des membres de l’Académie des Inscriptions et Bel<strong>le</strong>s-Lettres et j’ai remarqué que<br />

cel<strong>le</strong> rédigée pour Louis Robert, grande figure, « icône » comme vous <strong>le</strong> savez de<br />

l’érudition en histoire de l’antiquité, qui a fondé sa gigantesque œuvre sur ses travaux en<br />

Anatolie et directeur de l’<strong>IFEA</strong> pendant huit ans, j’ai remarqué donc que cette notice ne<br />

mentionnait à aucun moment <strong>le</strong>s vocab<strong>le</strong>s Turquie, Istanbul ou Institut français<br />

d’archéologie d’Istanbul (ancêtre de l’<strong>IFEA</strong>). Certes Louis Robert avait fouillé en « Asie


ŞENI<br />

mineure »… Un peu comme si l’on disait que tel archéologue contemporain travail<strong>le</strong> sur<br />

Lutèce et vit non pas à Paris, non pas en France mais en Gau<strong>le</strong>.<br />

Pour revenir à la mutation des conditions de la recherche, autant dans <strong>le</strong>s sciences<br />

humaines qu’en archéologie, il faut bien comprendre que la figure du chercheur qui<br />

vient travail<strong>le</strong>r en Turquie, année après année, pendant des décennies, sans élargir ses<br />

réseaux de partenaires, sans échanges scientifiques avec <strong>le</strong>s universitaires et<br />

conservateurs des musées turcs, sans collaborations éditoria<strong>le</strong>s avec eux, et sans<br />

apprendre un mot de turc cette figure là appartient au passé. J’ai une phrase, une espèce<br />

de motto pour exprimer ma position en ce domaine et je demande pardon à ceux qui<br />

m’ont déjà entendu l’énoncer : Nous ne travaillons pas SUR la Turquie nous travaillons<br />

AVEC la Turquie.<br />

Je vous souhaite de très féconds travaux pour ces Rencontres.<br />

5


6<br />

PRÉFACE


INTRODUCTION<br />

Olivier Henry<br />

Pensionnaire scientifique archéologue<br />

<strong>IFEA</strong> Istanbul<br />

olivierhnry@gmail.com<br />

Les ‘Rencontres d’Archéologie de l’<strong>IFEA</strong>’ ont une doub<strong>le</strong> vocation : remettre<br />

l’archéologie au cœur des préoccupations de l’Institut Français d’Etudes Anatoliennes et<br />

offrir à l’archéologie française en Turquie, dont on verra <strong>le</strong> dynamisme dans <strong>le</strong>s pages<br />

qui suivent, une tribune digne de son statut. Tel est l’état d’esprit qui a présidé à<br />

l’organisation, en 2010, de la première de ces rencontres, qui ont pour ambition de<br />

devenir un rendez-­‐vous annuel 1 .<br />

Mais, avant d’entamer un cyc<strong>le</strong> de colloques internationaux destinés à mettre en va<strong>le</strong>ur<br />

l’archéologie française, il nous a semblé nécessaire de procéder à un état des lieux. C’est<br />

pourquoi nous avons choisi de réunir, dans <strong>le</strong> cadre des premières Rencontres, qui se<br />

tinrent à Istanbul du 11 au 13 novembre 2010, sinon l’ensemb<strong>le</strong>, du moins une grande<br />

partie des acteurs français de cette archéologie ‘turque’ autour du thème :<br />

Archéologies et espaces parcourus. Le pluriel est important, car il témoigne des chemins<br />

empruntés et de l’étendue territoria<strong>le</strong> couverte depuis <strong>le</strong>s premières fouil<strong>le</strong>s françaises<br />

menées sur <strong>le</strong> sol turc. Le programme et <strong>le</strong>s contributions qui suivent révè<strong>le</strong>nt une<br />

archéologie anatolienne qui s’entend dans l’acception la plus large du terme, une<br />

archéologie qui s’étend du monde égéen aux hauts plateaux centraux et orientaux et qui<br />

couvre <strong>le</strong>s périodes de la préhistoire à Byzance. Une archéologie riche, ou plutôt des<br />

archéologies, car ce domaine qui ne cesse de se transformer et d’évoluer est exigeant.<br />

Non seu<strong>le</strong>ment la spécialisation est aujourd’hui un pré-­‐requis pour qui veut intervenir<br />

sur <strong>le</strong> terrain, mais nos chercheurs se montrent, ici encore, à l’avant-­‐garde des derniers<br />

développements techniques, sans pour autant abandonner <strong>le</strong>s matières traditionnel<strong>le</strong>s<br />

que sont l’épigraphie, la numismatique ou encore l’architecture, qui ont fait la réputation<br />

de l’archéologie française.<br />

C’est sans doute cette large pa<strong>le</strong>tte de compétences qui vaut à nos spécialistes d’être<br />

invités à participer à de nombreux projets internationaux. Cet esprit de collaboration est<br />

du reste éga<strong>le</strong>ment une des spécificités de l’archéologie française. Certes, des esprits<br />

chagrins y verront une dilution de nos compétences, au détriment notamment du<br />

développement de grandes fouil<strong>le</strong>s nationa<strong>le</strong>s et d’une certaine visibilité. Mais il est clair<br />

que l’archéologie actuel<strong>le</strong> n’a plus rien à voir avec cel<strong>le</strong> que nos aînés faisaient il y encore<br />

vingt ans. La mondialisation n’épargne pas nos disciplines ; il s’agit aujourd’hui de<br />

travail<strong>le</strong>r dans un esprit d’échanges et d’enrichissements mutuels, qu’ils soient humains<br />

ou scientifiques. Quels que soient <strong>le</strong>s paramètres que l’on invoque, l’archéologie actuel<strong>le</strong><br />

se doit d’être aussi une archéologie de l’intégration, scientifique, économique, politique<br />

et culturel<strong>le</strong>.<br />

Ces notions, la plupart des archéologues français <strong>le</strong>s ont intégrées depuis bien<br />

1 Les ‘Rencontres 2011’ se sont tenues du 14 au 15 novembre 2011 et portaient sur <strong>le</strong>s Pratiques, contextes et<br />

impacts des inhumations intra-muros en Anatolie, du début de l’Age du Bronze à l’époque romaine.


8<br />

INTRODUCTION<br />

longtemps. À preuve, <strong>le</strong> succès de ces premières rencontres, qu’il nous a fallu prolonger<br />

d’une journée pour répondre à l’afflux des propositions qui ont suivi notre appel à<br />

contributions, afflux qui nous a surpris et ravis. De Harvard à Ankara, en passant par<br />

Uppsala, Paris, et Istanbul, nombreux sont <strong>le</strong>s archéologues, français ou associés à des<br />

Français, qui ont répondu présents à ces premières rencontres.<br />

Le nombre des contributions publiées ici peut paraître relativement réduit en regard des<br />

trente-­‐trois communications qui furent présentées lors des ‘Rencontres’. Ce déséquilibre<br />

est dû au principe même de ces dernières, qui visaient à faire connaître des travaux en<br />

cours et n’avaient donc pas forcément vocation à être publiées en l’état. Par gratitude<br />

envers ceux qui y ont participé et afin de faire connaître l’ensemb<strong>le</strong> des intervenants, je<br />

me permets néanmoins de reproduire ci-­‐dessous la liste des communications tel<strong>le</strong><br />

qu’el<strong>le</strong> apparaissait dans <strong>le</strong> programme :<br />

Mehmet Korhan Erturaç (Univ. technique d’Istanbul), Catherine Kuzucuoğlu (CNRS<br />

UMR 8591), Damase Mouralis (Univ. de Rouen)<br />

Le Göllüdağ : Histoire d’un volcan et de ses rapports avec <strong>le</strong>s sociétés préhistoriques<br />

de Cappadoce.<br />

Christine Chataigner (CNRS UMR 5133) et Bastien Varoutsikos (Univ. de Harvard)<br />

Col<strong>le</strong>cting and organizing data on Prehistoric Near Eastern Obsidian.<br />

Elizabeth Hea<strong>le</strong>y (Univ. de Manchester), Laurence Astruc (<strong>IFEA</strong>, CNRS), Roberto<br />

Vargiolu (LTDS, Eco<strong>le</strong> Centra<strong>le</strong> de Lyon), Mohamed Ben Tkaya (LTDS, Eco<strong>le</strong><br />

Centra<strong>le</strong> de Lyon), Athina Bo<strong>le</strong>ti (ArScan, UMR 7041, Nanterre), Stuart Campbell<br />

(Univ. de Manchester)<br />

Shiny, colorful and valuab<strong>le</strong> Obsidian non-utilitarian objects: technical inputs and<br />

social implications.<br />

Marie Le Mière (CNRS UMR 5133)<br />

Circulation des premières céramiques d'Anatolie orienta<strong>le</strong>.<br />

Martin Godon (TÜBITAK, <strong>IFEA</strong>), Erhan Bıçakçı (Univ. d'Istanbul)<br />

Les fouil<strong>le</strong>s de Tepecik-Çiftlik. Vers une redéfinition du Néolithique centro-anatolien.<br />

Rozalia Christidou (American School of Classical Studies at Athens)<br />

Study of manufacturing and use damage on the bone artifacts from Aşıklı/Musular<br />

and Güvercinkayası in Cappadocia.<br />

Catherine Kuzucuoğlu (CNRS UMR 8591)<br />

Phases climatiques, ‘événements brutaux' et transitions culturel<strong>le</strong>s depuis 6000 ans<br />

en Anatolie centra<strong>le</strong>. Apports à haute résolution de la séquence du Lac de Tecer<br />

(Sivas).<br />

Catherine Marro (CNRS UMR 5133)<br />

Recherches archéologiques sur la mine de sel de Duzdağı.<br />

Bérengère Perello (Univ. de Paris 1 Panthéon-­‐Sorbonne)<br />

De l’usage de l’architecture domestique dans l’approche des sociétés<br />

protohistoriques : l’exemp<strong>le</strong> de l’Anatolie au Bronze Ancien.


HENRY<br />

Christine Kepinski (CNRS UMR 7041)<br />

Tilbeshar au carrefour d’échanges entre la vallée de l’Euphrate et la côte<br />

méditerranéenne.<br />

Eric Jean (Univ. de Galatasaray), Isabella Caneva (Univ. de Lecce)<br />

Terre de frontières : Mersin-Yumuktepe du néolithique à l'âge du Bronze récent<br />

Dominique Beyer (Univ. de Strasbourg), Aksel Tibet (<strong>IFEA</strong>)<br />

Zeyve höyük-Porsuk : bilan des recherches sur <strong>le</strong>s niveaux du Bronze et du Fer<br />

Nicolas Gailhard (Univ. de Paris 1 Panthéon-­‐Sorbonne)<br />

Du Bronze au Fer, la transition entre deux métallurgies dans <strong>le</strong>s civilisations antiques<br />

d'Anatolie, l’expérimentation comme moyen d’acquisition.<br />

Stéphane Verger (EPHE UMR 8546)<br />

Les objets métalliques de Klaros issus des fouil<strong>le</strong>s de 1988-1997<br />

Rossella Pace (Université de la Calabre, Histara-­‐EPHE)<br />

À la périphérie des recherches sur la Grèce de l’Est : l’Éolide archaïque et ses<br />

nécropo<strong>le</strong>s.<br />

Olivier Henry (<strong>IFEA</strong>), Lars Karlsson (Univ. Uppsala)<br />

Espace sacré, espace funéraire : une particularité carienne.<br />

Damien Aubriet (Collège de France)<br />

Recherches sur Mylasa et ses sanctuaires extra-urbains à l’époque hellénistique.<br />

Nathalie De Chaisemartin (Univ. de Paris Sorbonne)<br />

Le théâtre d'Aphrodisias, espace civique et identitaire.<br />

Askold Ivantchik (CNRS UMR 5607), A<strong>le</strong>xander von Kienlin (Univ. de Zurich), Latife<br />

Summerer (Univ. de Munich)<br />

Kélainai – Apamée Kibôtos. Trois ans de recherches.<br />

Dominique Kassab Tezgör (Univ. de Bilkent)<br />

Les amphores de Mer Noire : fouil<strong>le</strong> d'un atelier amphorique à Sinope et constitution<br />

d'un corpus.<br />

Claire Barat (Univ. de Va<strong>le</strong>nciennes), Jean-­‐Francois Pichonneau (DRAC Aquitaine)<br />

Le projet Sinope : histoire et archéologie d’une cité des rives de la mer Noire<br />

Markus Kohl (Univ. de Lil<strong>le</strong> 3)<br />

Sulusaray : Premiers éléments d’un parcours de visite.<br />

Jacques des Courtils (Univ. de Bordeaux 3)<br />

La fouil<strong>le</strong> de Xanthos : entre archéologie et patrimoine<br />

Laurence Cavalier (Univ. de Bordeaux 3)<br />

Retour au Létôon<br />

9


10<br />

INTRODUCTION<br />

Laurence Cavalier (Univ. de Bordeaux 3), Serdar Hakan Öztaner (Univ. d’Ankara)<br />

Le monument des Arruntii : nouvel<strong>le</strong>s données<br />

Raymond Descat (Univ. de Bordeaux 3, <strong>IFEA</strong>)<br />

Les parfums de Carie. Interprétation d’une énigme archéologique<br />

Didier Laroche (Univ. de Strasbourg), Jean-­‐Char<strong>le</strong>s Moretti (CNRS USR 3155)<br />

Le temp<strong>le</strong> oraculaire d'Apollon à Claros.<br />

Mehmet Kürkçü (Univ. de Paris Sorbonne)<br />

Les aménagements hydrauliques de Termessos.<br />

Anne-­‐Sophie Rivalland (Univ. de Nantes)<br />

L’Asie Mineure méridiona<strong>le</strong> à l’époque gréco-romaine : approche de l’histoire de la<br />

Pamphylie-Pisidie à travers l’étude urbanistique et architectura<strong>le</strong> des sites.<br />

Isabel<strong>le</strong> Pimouguet-­‐Pédarros (Univ. de Nantes)<br />

Le système défensif de Myra-Andriaké en Lycie (fortifications et défense du<br />

territoire).<br />

Emmanuel<strong>le</strong> Goussé<br />

Epigraphie et histoire de la Cilicie Trachée (4 e sièc<strong>le</strong> aC - 4 e sièc<strong>le</strong> pC).<br />

Hatice Pamir (Univ. de Hatay)<br />

A Central Space of Antioch on the Orontes: the 2010 campaign results in the island.<br />

Catherine Abadie-­‐Reynal (Univ. de Nancy)<br />

Zeugma et l'Italie (1 er s. aC – 3 e s. pC)<br />

Anaïs Lamesa (EPHE, <strong>IFEA</strong>)<br />

Parcourir un espace pour étudier un mode de vie : L’archéologie des techniques,<br />

instrument pour examiner <strong>le</strong> comportement troglodytique en Cappadoce rupestre.<br />

L’organisation du présent <strong>volume</strong>, qui inaugure aussi <strong>le</strong>s publications é<strong>le</strong>ctroniques de<br />

l’<strong>IFEA</strong>, suit <strong>le</strong> dérou<strong>le</strong>ment des communications tel qu’il est donné ci-­‐dessus.<br />

Enfin, je me dois de remercier ici non seu<strong>le</strong>ment l’entreprise TOTAL Turquie et son<br />

directeur général, Olivier Chalvon-­‐Demersay, dont <strong>le</strong> soutien financier a été décisif pour<br />

l’organisation de ces rencontres, mais aussi Isabel<strong>le</strong> Gil<strong>le</strong>s, documentaliste à l’<strong>IFEA</strong>, qui<br />

n’a pas épargné sa peine en travaillant à la mise en page de ce <strong>volume</strong>.


OBSIDATABASE : COLLECTER ET ORGANISER LES DONNEES<br />

RELATIVES A L’OBSIDIENNE PREHISTORIQUE AU PROCHE-­‐<br />

ORIENT ET EN TRANSCAUCASIE<br />

Bastien Varoutsikos<br />

Harvard University<br />

bvarouts@fas.harvard.edu<br />

et<br />

Christine Chataigner<br />

Archéorient, CNRS UMR 5133<br />

christine.chataigner@mom.fr<br />

Résumé : L’étude du « phénomène obsidienne » a depuis longtemps permis d’aborder <strong>le</strong>s interactions<br />

entre groupes géographiquement et culturel<strong>le</strong>ment distants. L’accumulation des données concernant<br />

l’obsidienne préhistorique au Proche-­‐Orient et en Transcaucasie et <strong>le</strong> développement de nouvel<strong>le</strong>s<br />

techniques de caractérisation physico-­‐chimiques ont permis la création d’une quantité considérab<strong>le</strong><br />

d’informations de natures diverses. Obsidatabase est un projet permettant la col<strong>le</strong>cte et consultation de<br />

données géologiques, géochimiques et archéologiques liées à l’obsidienne préhistorique dans cette région,<br />

facilitant l’accès et <strong>le</strong> partage des informations, ainsi que <strong>le</strong>ur exportation vers des Systèmes d’Information<br />

Géographique.<br />

Mots clés : obsidienne ; base de données ; Proche-­‐Orient ; Levant ; Transcaucasie ; SIG<br />

Abstract: The study of the phenomenon "obsidian" has long made possib<strong>le</strong> to address the interactions<br />

between geographically and culturally distant groups. The accumulations of data concerning the<br />

prehistoric obsidian in the Midd<strong>le</strong> East and Transcaucasia, as well as the development of new techniques<br />

for physicochemical characterization have created a considerab<strong>le</strong> and very diverse amount of information.<br />

Obsidatabase is a project for col<strong>le</strong>cting and consulting geological, geochemical and archaeological data<br />

related to prehistoric obsidian in this region, facilitating access and sharing of information, and their<br />

export to Geographic Information Systems.<br />

Keywords: obsidian, database, Midd<strong>le</strong> East, Levant, Transcaucasia, GIS<br />

La participation à cette conférence a été rendue possib<strong>le</strong> par l’obtention de bourses attribuées par <strong>le</strong><br />

Graduate Student Council ainsi que <strong>le</strong> Harvard University Anthropology Department.<br />

11


12<br />

VAROUTSIKOS -­‐ CHATAIGNER


ela fait maintenant plus de 150 ans<br />

que <strong>le</strong>s premiers travaux sur <strong>le</strong>s<br />

sites de la vallée du Mississipi<br />

mirent en va<strong>le</strong>ur <strong>le</strong> potentiel et la<br />

capacité de l’obsidienne à nous informer<br />

sur la provenance des matériaux<br />

archéologiques1 . Dès lors, il ne s’agit<br />

plus que de développer, parallè<strong>le</strong>ment<br />

aux innovations technologiques, des<br />

cadres méthodologiques d’application et<br />

d’étude des résultats. Le succès de<br />

l’obsidienne dans l’étude archéologique<br />

des réseaux de distribution est à<br />

rattacher à plusieurs de ses<br />

caractéristiques, tel<strong>le</strong>s que ses<br />

propriétés visuel<strong>le</strong>s et clastiques, qui en<br />

font un matériau particulièrement<br />

adapté à la production d’outils, et ses<br />

propriétés géologiques qui rendent ce<br />

verre volcanique faci<strong>le</strong>ment identifiab<strong>le</strong><br />

par plusieurs techniques de<br />

caractérisation (INAA, XRF, ICP-­‐MS,<br />

OED), fournissant ainsi aux<br />

archéologues un proxy commode pour<br />

l’étude et la modélisation de réseaux<br />

d’échanges de matière première.<br />

L’étude de la diffusion de l’obsidienne<br />

tel<strong>le</strong> que nous la connaissons<br />

aujourd’hui est <strong>le</strong> fait de la combinaison<br />

d’approches géologiques, géochimiques<br />

et d’une application archéologique.<br />

L’approche géologique permet de définir<br />

l’origine d’une matière première au sein<br />

d’un comp<strong>le</strong>xe géologique. Les analyses<br />

géochimiques permettent par la suite<br />

d’extraire la signature physico-­‐chimique<br />

de chaque source, signature qui permet<br />

d’attribuer une origine aux obsidiennes<br />

trouvées en contexte archéologique. Ces<br />

approches nous paraissent maintenant<br />

indissociab<strong>le</strong>s et parties intégrantes<br />

d’une méthodologie pluridisciplinaire2 C<br />

.<br />

Les recherches actuel<strong>le</strong>s se poursuivent<br />

dans une dynamique similaire. Le travail<br />

effectué par Tykot, Glascock, Poupeau,<br />

1<br />

Voir Squier/Davis 1848 ; Hamilton 1842 ; Cauvin<br />

et al. 1998.<br />

2<br />

Cann/Renfrew 1964 ; Wright 1969 ; Cauvin et al.<br />

1998.<br />

OBSIDATABASE<br />

Gratuze, Blackman, Kel<strong>le</strong>r, Yellin, ou<br />

encore Pernicka 3 , parmi d’autres, est<br />

venu enrichir une col<strong>le</strong>ction de données<br />

géologiques, géo-­‐chimiques et archéo-­‐<br />

logiques. La systématisation de cette<br />

méthodologie a ainsi conduit à la<br />

production d’une quantité considérab<strong>le</strong><br />

de données depuis <strong>le</strong>s 50 dernières<br />

années, une masse d’informations qui<br />

n’a pas encore été organisée en entité<br />

cohérente, col<strong>le</strong>ctive et dynamique, ce<br />

que <strong>le</strong> projet Obsidatabase tente de faire.<br />

Cette présentation vise à introduire<br />

l’organisation de la base de données<br />

Obsidatabase, à en exposer <strong>le</strong>s<br />

fondements, <strong>le</strong> fonctionnement et <strong>le</strong>s<br />

applications directes. Après une courte<br />

introduction sur l’historique de la base<br />

de données en archéologie, nous<br />

présenterons l’origine d’Obsidatabase,<br />

quelques étapes de la réalisation du site,<br />

ainsi que <strong>le</strong>s principes fondamentaux<br />

qui <strong>le</strong> dirigent. Nous présenterons enfin<br />

<strong>le</strong>s différentes fonctions du site ainsi que<br />

<strong>le</strong>s résultats qui peuvent être attendus<br />

d’une tel<strong>le</strong> base de données.<br />

Archéologie et base de données<br />

Base de données archéologiques<br />

La création de Base de Données<br />

In-­‐ternet (IDB) relève d’un phénomène<br />

plus général concernant <strong>le</strong> partage des<br />

données scientifiques en ligne et plus<br />

particulièrement de l’utilisation des ICT<br />

(Information and Communication<br />

Technology) 4 . Parallè<strong>le</strong>ment à la<br />

démocratisation de l’Internet à la fin des<br />

années 1980, <strong>le</strong> monde académique<br />

subit une modification de ses pratiques.<br />

Les créations des IDB et la mise en ligne<br />

des données amènent à une standar-­‐<br />

3 Blackman 1984 ; Yellin 1995 ; Kel<strong>le</strong>r/Seifried<br />

1990 ; Kel<strong>le</strong>r et al. 1996 ; Pernicka et al. 1997 ;<br />

Blackman et al. 1998 ; Gratuze 1998 ; Poupeau et<br />

al.1998 ; Tykot 2004.<br />

4 Schröder 2003.<br />

13


disation nécessaire à l’élaboration d’un<br />

outil informatique performant et à la<br />

systématisation du partage. Si cette<br />

démocratisation comporte des risques,<br />

tant sur <strong>le</strong> plan épistémologique que<br />

pratique, <strong>le</strong> calcul demeure simp<strong>le</strong> :<br />

« the more data are used, the more they<br />

will produce » 5 . Ainsi, à l’heure où<br />

l’évolution des capacités des outils<br />

informatiques est exponentiel<strong>le</strong>, seul <strong>le</strong><br />

chercheur impose une limite à ce<br />

partage 6 .<br />

L’adaptation des IDB au domaine de<br />

l’archéologie est encore en cours de<br />

réalisation. De nombreux projets<br />

importants ont vu <strong>le</strong> jour, dans de<br />

nombreuses disciplines tel<strong>le</strong>s que<br />

l’archéobotanique (Archaeobotanical<br />

Data-base 7 , hébergée par l’Université de<br />

Tübingen), <strong>le</strong>s datations radiocarbones<br />

(OxCal de l’Université Oxford 8 , CaNew<br />

Project 9 , Radiocarbon Context Database<br />

de l’Université de Cologne 10 ), l’archéo-­‐<br />

zoologie (Inventaire Zooarchéologique de<br />

France hébergé par <strong>le</strong> MNHN).<br />

Rassemb<strong>le</strong>ment des données sur<br />

l’obsidienne préhistorique au<br />

Proche-­‐Orient<br />

Si quelques projets ont tenté de<br />

rassemb<strong>le</strong>r dans une dynamique pluri-­‐<br />

disciplinaire des données sur<br />

l’obsidienne préhistorique au Proche-­‐<br />

Orient, il ne s’agit très souvent que<br />

d’informations concernant <strong>le</strong><br />

positionnement approximatif des<br />

sources, ou <strong>le</strong>s résultats d’analyses<br />

physico-­‐chimiques ponctuel<strong>le</strong>s. Un tel<br />

5 Schröder 2003.<br />

6 Sterling/Weinkman 1990 ; Wouters/Reddy 2003.<br />

7 http://www.cuminum.de/archaeobotany/<br />

8<br />

http://c14.arch.ox.ac.uk/embed.php?Fi<strong>le</strong>=oxcal.htm<br />

l<br />

9 http://www.canew.org/<br />

10 http://context-database.uni-koeln.de/<br />

14<br />

VAROUTSIKOS -­‐ CHATAIGNER<br />

projet a été dirigé par Marie-­‐Claire<br />

Cauvin et Christine Chataigner dans <strong>le</strong>s<br />

années 90 et a notamment donné lieu à<br />

une publication 11 .<br />

Le premier impératif était donc<br />

d’organiser et d’enrichir l’ensemb<strong>le</strong> des<br />

données recueillies au cours de ce<br />

projet, combinant archéologie et<br />

géologie afin d’aborder la question de<br />

l’obsidienne préhistorique au Proche-­‐<br />

Orient sous tous ses ang<strong>le</strong>s. Considérant<br />

la nature des données recueillies, la base<br />

est organisée suivant deux axes<br />

principaux : d’une part, <strong>le</strong>s données<br />

géologiques, et d’autres part <strong>le</strong>s données<br />

archéologiques, nous y reviendrons<br />

ultérieurement.<br />

Transformation vers la base de<br />

données Internet (IDB)<br />

L’étape suivante consiste donc en<br />

la création d’une base de données<br />

accessib<strong>le</strong> sur internet. Au-­‐delà du<br />

simp<strong>le</strong> chargement de données en ligne,<br />

la création d’une IDB requiert<br />

l’élaboration d’une organisation et une<br />

structure informatique appropriée et<br />

adaptée aux particularités de la base de<br />

données. Cette étape fut donc élaborée<br />

suivant plusieurs axes :<br />

- Consultation de données archéo-­‐<br />

logiques et géologiques ;<br />

- Développement d’un moteur de<br />

recherche permettant la recherche<br />

de sites archéologiques par aire<br />

géographique, pays, période chro-­‐<br />

nologique, et/ou nature de<br />

l’obsidienne qui y a été mise au<br />

jour ;<br />

- Système d’acquisition et de partage<br />

des données pour une collaboration<br />

entre chercheurs ;<br />

- Consultation de différents types<br />

d’informations (images, cartes,<br />

tab<strong>le</strong>aux).<br />

11 Cauvin et al. 1998.


C’est à partir de ces 4 axes que la<br />

structure de la base de données a été<br />

pensée, afin de permettre la col<strong>le</strong>cte<br />

systématique et <strong>le</strong> partage d’un<br />

maximum de données, ainsi que<br />

l’exploitation de ces informations à<br />

partir du site même.<br />

Création de la base de données<br />

Organisation du site<br />

Obsidatabase organise des<br />

données archéologiques et géologiques<br />

provenant d’un territoire s’étendant de<br />

la Turquie occidenta<strong>le</strong> jusqu’à l’Iran, et<br />

couvrant une période chronologique<br />

comprise entre <strong>le</strong> Paléolithique<br />

Supérieur et <strong>le</strong> Bronze ancien.<br />

Dans un premier temps, <strong>le</strong>s données<br />

col<strong>le</strong>ctées et déjà accessib<strong>le</strong>s ont été<br />

organisées. Dans la partie Geology du<br />

site, des informations concernant <strong>le</strong>s<br />

sources d’obsidienne sont présentées<br />

sous forme de fiches. Trois niveaux sont<br />

accessib<strong>le</strong>s : aires géographiques,<br />

groupes géo-­‐chimiques et aff<strong>le</strong>urement<br />

(outcrops). Pour chaque groupe<br />

géochimique est présentée une carte<br />

géologique ainsi que <strong>le</strong> détail des<br />

caractérisations physico-­‐chimiques qui<br />

ont été réalisées sur <strong>le</strong>s différents<br />

aff<strong>le</strong>urements, l’utilisation en contexte<br />

archéologique, et la bibliographie liée.<br />

Dans la partie Archaeological site de la<br />

base de données, une fiche est créée<br />

pour chaque site archéologique. Cette<br />

fiche est accessib<strong>le</strong> par <strong>le</strong> biais d’un<br />

moteur de recherche permettant de<br />

rechercher soit un site unique, soit une<br />

catégorie de site, catégorie basée sur la<br />

répartition géographique, chronologique<br />

et/ou l’origine de l’obsidienne qui y a été<br />

identifiée. Ce moteur de recherche a été<br />

créé de manière à pouvoir exporter ces<br />

groupes de sites archéologiques sur<br />

logiciel SIG, chaque site étant géo-­‐<br />

OBSIDATABASE<br />

référencé, facilitant ainsi <strong>le</strong>s analyses de<br />

‘cheminements de moindre coût’, ou<br />

‘<strong>le</strong>ast-cost path analysis’ 12 . Ayant<br />

sé<strong>le</strong>ctionné un site archéologique<br />

particulier, une fiche apparaît. Chaque<br />

fiche compi<strong>le</strong> différents types<br />

d’information. Un tab<strong>le</strong>au précise <strong>le</strong>s<br />

différents noms du site, ses coordonnées<br />

géographiques (long., lat., alt.), la<br />

stratigraphie, la chronologie, la<br />

localisation et la quantité des<br />

obsidiennes qui y ont été mises au jour,<br />

ainsi que <strong>le</strong>urs caractérisations physico-­‐<br />

chimiques, lorsqu’el<strong>le</strong>s existent.<br />

Enfin, une liste de références<br />

bibliographiques relatives au site et aux<br />

analyses d’obsidienne est éga<strong>le</strong>ment<br />

détaillée.<br />

Dans un second temps, <strong>le</strong> projet<br />

Obsidatabase vise à créer une<br />

plateforme d’échange pour <strong>le</strong>s<br />

chercheurs impliqués dans la recherche<br />

sur l’obsidienne préhistorique du<br />

Proche-­‐Orient. Une section du site est<br />

ainsi consacrée au partage des données<br />

géologiques et archéologiques, sous<br />

différentes formes (tab<strong>le</strong>urs Excel,<br />

images, fichiers texte, etc.). Des comptes<br />

peuvent être créés, et la totalité des<br />

informations envoyées transiteront<br />

alors par <strong>le</strong>s administrateurs du site qui<br />

<strong>le</strong>s valideront et <strong>le</strong>s inséreront dans la<br />

base. D’autres collaborateurs peuvent,<br />

avec <strong>le</strong> temps, être ajoutés à ce<br />

processus. La pertinence de cette option<br />

ne dépend que de la volonté des<br />

chercheurs à l’utiliser et à diffuser <strong>le</strong>urs<br />

résultats.<br />

Standardisation des données<br />

Afin de présenter un groupe<br />

cohérent de données et d’améliorer <strong>le</strong>s<br />

capacités du moteur de recherche, une<br />

12 Chataigner/Barge 2005.<br />

15


standardisation des données a été<br />

effectuée.<br />

Les attributions chronologiques ont<br />

été ‘normalisées’ et basées sur <strong>le</strong><br />

système utilisé dans la base de données<br />

ASPRO de la Maison de l’Orient et de la<br />

Méditerranée (CNRS) 13 . La périodisation<br />

a été actualisée en fonction de la<br />

chronologie plus récente de Schwartz et<br />

Akkermans 14 . Le résultat basé sur une<br />

numérotation de 1 à 11 permet à<br />

l’utilisateur de cib<strong>le</strong>r plus précisément<br />

certaines périodes étudiées, et facilite<br />

considérab<strong>le</strong>ment l’organisation de la<br />

base de données et <strong>le</strong>s recherches.<br />

Sur <strong>le</strong> même modè<strong>le</strong>, une division<br />

géographique, éga<strong>le</strong>ment adaptée à<br />

partir d’ASPRO, permet de standardiser<br />

<strong>le</strong>s zones que l’utilisateur désire<br />

rechercher. La division de certains<br />

espaces, pourtant culturel<strong>le</strong>ment<br />

homogènes, est un exemp<strong>le</strong> des choix et<br />

partis pris qui ont dû être opérés tout au<br />

long de la réalisation de ce site. Ces<br />

choix trouvent <strong>le</strong>ur justification soit<br />

dans la littérature, soit dans <strong>le</strong>s<br />

impératifs techniques de la<br />

programmation informatique. La<br />

standardisation du système chrono-­‐<br />

logique et des aires géographiques<br />

permet ainsi d’optimiser <strong>le</strong>s capacités<br />

du moteur de recherche.<br />

Applications et caractéristiques<br />

d’Obsidatabase<br />

Application à l’étude de la<br />

distribution de l’obsidienne<br />

La constitution d’une base de<br />

données sur l’obsidienne permet avant<br />

tout à l’utilisateur de disposer d’un<br />

référentiel de comparaison. Ainsi, la<br />

mise à disposition de la quasi-­‐totalité<br />

des résultats publiés sur la<br />

13 http://www.mom.fr/-Bases-de-donnees-.html<br />

14 Akkermans/Schwartz 2003.<br />

16<br />

VAROUTSIKOS -­‐ CHATAIGNER<br />

caractérisation d’échantillons géolo-­‐<br />

giques d’obsidiennes du Proche-­‐Orient<br />

permet à l’utilisateur, par <strong>le</strong> biais de<br />

diagrammes simp<strong>le</strong>s, d’identifier<br />

l’origine de nouveaux échantillons<br />

archéologiques. Avec la participation<br />

des chercheurs eux-­‐mêmes, il sera<br />

possib<strong>le</strong> d’enrichir <strong>le</strong>s données<br />

archéologiques et géologiques de la<br />

base.<br />

Le potentiel de ce site pour <strong>le</strong>s<br />

études de distribution a été abordé<br />

antérieurement dans cet artic<strong>le</strong>. Nous<br />

présentons ici comment <strong>le</strong>s différents<br />

outils permettent de systématiser<br />

l’étude des coûts liés à la distribution de<br />

cette matière première entre sources<br />

géologiques et sites archéologiques. Une<br />

analyse de type ‘moindre coût’ permet<br />

donc de dépasser une étude considérant<br />

simp<strong>le</strong>ment une distance linéaire<br />

directe, et de regarder <strong>le</strong>s cheminements<br />

<strong>le</strong>s plus courts en prenant en compte des<br />

paramètres environnementaux et<br />

culturels. Ce type d’étude permet<br />

notamment de connaître <strong>le</strong>s trajets<br />

possib<strong>le</strong>s entre deux points (source<br />

d’obsidienne et site archéologique),<br />

ainsi que <strong>le</strong>s temps mis pour <strong>le</strong>s<br />

parcourir. Une requête effectuée dans<br />

Obsidatabase fournit une liste de sites<br />

archéologiques, sé<strong>le</strong>ctionnés par région,<br />

attribution chronologique ou origine des<br />

échantillons d’obsidienne, chaque site<br />

étant géo-­‐référencé. Cette liste peut<br />

alors être directement exportée sur un<br />

logiciel tel qu’ArcGIS (ESRI).<br />

Résultats et développements<br />

Obsidatabase est un projet en<br />

cours de réalisation. Une version bêta<br />

est déjà en ligne 15 et la version fina<strong>le</strong><br />

prévue pour l’automne 2012. La version<br />

bêta propose déjà des fonctions<br />

intéressantes. El<strong>le</strong> permet de consulter<br />

15 http://www.mom.fr/obsidienne/index.php


des fiches concernant d’une part <strong>le</strong>s<br />

sources d’obsidienne, et d’autre part <strong>le</strong>s<br />

sites archéologiques où l’obsidienne a<br />

été mise au jour. L’utilisateur y trouvera<br />

<strong>le</strong>s coordonnées des sites archéo-­‐<br />

logiques, la quantité d’artefacts en<br />

obsidienne et <strong>le</strong>ur provenance (lorsque<br />

des analyses ont été réalisées), la<br />

géologie des sources sous forme de<br />

cartes et de descriptions, ainsi que <strong>le</strong><br />

détail des caractérisations physico-­‐<br />

chimiques qui ont été effectuées sur <strong>le</strong>s<br />

échantillons aussi bien géologiques<br />

qu’archéologiques, et enfin, une<br />

bibliographie détaillée. Il est dès<br />

maintenant possib<strong>le</strong> de télécharger ces<br />

fiches rassemblant la majorité des<br />

analyses effectuées pour chaque groupe<br />

géochimique, et nous continuons<br />

d’enrichir une base de données d’images<br />

permettant de présenter la variété des<br />

caractéristiques macroscopiques (cou-­‐<br />

<strong>le</strong>ur, texture, etc.) des obsidiennes<br />

présentes sur chaque gisement.<br />

Fina<strong>le</strong>ment, comme nous l’avons<br />

mentionné précédemment, ce site offre<br />

la possibilité de créer des listes<br />

directement exploitab<strong>le</strong>s par un SIG,<br />

facilitant comme nous l’avons montré<br />

des études de type ‘chemin de moindre<br />

contrainte’.<br />

Alors qu’approchent <strong>le</strong>s dernières<br />

étapes de l’achèvement de ce projet,<br />

d’autres applications et d’autres outils<br />

sont en cours d’élaboration. Nous<br />

prévoyons par exemp<strong>le</strong> l’élargissement<br />

du contexte chrono-­‐culturel, ou encore<br />

la création d’un forum permettant un<br />

échange de données plus dynamique. La<br />

base de données pourrait éga<strong>le</strong>ment<br />

être améliorée par l’intégration<br />

d’informations archéologiques plus<br />

précises sur <strong>le</strong>s échantillons<br />

d’obsidiennes analysés (contexte, etc.).<br />

Enfin, il est prévu d’intégrer un ong<strong>le</strong>t<br />

Distribution, qui rassemb<strong>le</strong>rait des<br />

cartes de distribution de l’obsidienne<br />

pour chaque source aux différentes<br />

périodes. Ces ajouts seront développés<br />

OBSIDATABASE<br />

en fonction des demandes et besoins des<br />

utilisateurs, ce qui justifie la nature<br />

collaborative de ce projet.<br />

Conclusion<br />

Le projet Obsidatabase s’inscrit<br />

dans la continuation du travail de<br />

col<strong>le</strong>cte de données sur l’obsidienne<br />

préhistorique au Proche-­‐Orient et dans<br />

<strong>le</strong> Caucase initié par Marie-­‐Claire Cauvin<br />

et Christine Chataigner. Les différentes<br />

sections du site permettent de recueillir<br />

<strong>le</strong>s données géologiques et<br />

archéologiques, de consulter ces<br />

informations, et de <strong>le</strong>s exporter sous<br />

différents formats en fonction de<br />

l’utilisation qui en sera faite (SIG,<br />

tab<strong>le</strong>aux, diagrammes physico-­‐<br />

chimiques, etc.).<br />

S’il s’agit bien d’un projet et non pas<br />

simp<strong>le</strong>ment d’une base de données en<br />

ligne, c’est parce qu’Obsidatabase est<br />

éga<strong>le</strong>ment tributaire de la collaboration<br />

entre chercheurs et des partages de<br />

données. Notre objectif est de fournir<br />

une plateforme dynamique pour la<br />

recherche sur l’obsidienne dans un<br />

cadre pluridisciplinaire.<br />

C. Chataigner et B. Varoutsiko<br />

17


18<br />

VAROUTSIKOS -­‐ CHATAIGNER


Bibliographie<br />

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OBSIDATABASE<br />

21


22<br />

VAROUTSIKOS -­‐ CHATAIGNER


DE L’USAGE DE L’ARCHITECTURE DOMESTIQUE DANS L’APPROCHE<br />

DES SOCIETES PROTOHISTORIQUES : L’EXEMPLE DE L’ANATOLIE AU<br />

BRONZE ANCIEN<br />

Bérengère Perello<br />

Archéorient, UMR 5133<br />

CNRS, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon<br />

berengere.perello@gmail.com<br />

Résumé : La maison est une « métaphore matériel<strong>le</strong>, socia<strong>le</strong> et menta<strong>le</strong> » 1 des sociétés ; en ce sens, el<strong>le</strong> est un outil<br />

de choix pour appréhender <strong>le</strong>ur identité et pour comprendre <strong>le</strong>ur fonctionnement. Mon objectif dans ce bref<br />

artic<strong>le</strong> est d’établir <strong>le</strong>s éléments qui préva<strong>le</strong>nt à la structuration de l’espace domestique des sociétés anatoliennes<br />

protohistoriques et de distinguer <strong>le</strong>s facteurs déterminants des éléments subsidiaires.<br />

Mots clés : Anatolie, Bronze Ancien, habitat, identité culturel<strong>le</strong>.<br />

Abstract: The house is a « material, social and mental metaphor » of societies; as such, it is a privi<strong>le</strong>ged tool to<br />

grasp their identity and how they operate. My aim in this short artic<strong>le</strong> is to establish e<strong>le</strong>ments that prevail in the<br />

structuring of domestic space and protohistoric Anatolian societies distinguish the determinants of subsidiary<br />

components.<br />

Keywords: Anatolia, Early Bronze Age, housing, cultural identity<br />

1 Coudart 2011, 215.


24<br />

PERELLO


es recherches sur L’architecture<br />

domestique de l’Anatolie au IIIe millénaire2 , m’ont permis de<br />

constater l’existence d’une variabilité des<br />

types d’habitat à l’échel<strong>le</strong> des sites, des ré-­‐<br />

gions et de l’Anatolie dans son ensemb<strong>le</strong>.<br />

Cet artic<strong>le</strong> vise à identifier <strong>le</strong>s variab<strong>le</strong>s qui<br />

préva<strong>le</strong>nt à la structuration de l’espace<br />

domestique. Cette vaste question, qui a déjà<br />

été traitée d’un point de vue anthro-­‐<br />

pologique3 M<br />

, est abordée ici spécifiquement<br />

pour <strong>le</strong> corpus de l’Anatolie au Bronze<br />

Ancien. Il va sans dire que <strong>le</strong> choix d’un type<br />

d’habitat résulte de l’interaction de mul-­‐<br />

tip<strong>le</strong>s éléments dont l’impact est plus ou<br />

moins déterminant. Or, il apparaît que la<br />

préva<strong>le</strong>nce de l’une ou l’autre variab<strong>le</strong> est<br />

relative aux sociétés étudiées et à la période<br />

considérée. Ainsi, l’analyse de ces facteurs<br />

est susceptib<strong>le</strong> de livrer des informations<br />

pertinentes sur <strong>le</strong> fonctionnement de ces<br />

sociétés.<br />

Ces variab<strong>le</strong>s peuvent être classées<br />

en deux grandes catégories : environne-­‐<br />

menta<strong>le</strong>s ou culturel<strong>le</strong>s et socia<strong>le</strong>s.<br />

Le climat est une variab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s<br />

constructeurs doivent prendre en compte<br />

pour élaborer une maison afin que cel<strong>le</strong>-­‐ci<br />

soit à même de protéger <strong>le</strong>s occupants des<br />

variations météorologiques. Cependant, <strong>le</strong><br />

climat ne semb<strong>le</strong> affecter véritab<strong>le</strong>ment<br />

l’habitat que pour <strong>le</strong>s régions où <strong>le</strong> temps<br />

est particulièrement diffici<strong>le</strong>. En Anatolie,<br />

où <strong>le</strong>s conditions climatiques sont clé-­‐<br />

mentes, ces ajustements sont souvent mi-­‐<br />

neurs et ne concernent qu’un aspect de la<br />

construction à savoir <strong>le</strong> type de couvertures<br />

ou la présence de seuils renforcés.<br />

L’absence de corrélation entre <strong>le</strong> type d’ha-­‐<br />

bitat et <strong>le</strong>s conditions climatiques est<br />

illustrée notamment en Anatolie occidenta<strong>le</strong><br />

par <strong>le</strong> fait que cette région aux profils<br />

climatiques variés entre la côte (Baklatepe,<br />

Troie, Beşik-­‐Tepe 4 ) et l’intérieur des terres<br />

2 Perello 2011.<br />

3 Rapoport 1969.<br />

4 Erkanal 1996, res. 2 ; B<strong>le</strong>gen et al. 1951, figs. 264,<br />

269, 281, 304-307 ; Korfmann 1988, abb. 1.<br />

ARCHITECTURE DOMESTIQUE<br />

(Beycesultan, Kaklık Mevkii 5 ) possède un<br />

habitat identique. A contrario, en Anatolie<br />

orienta<strong>le</strong>, la plaine de Malatya-­‐Elazığ, qui<br />

présente un climat homogène, accueil<strong>le</strong> des<br />

modes d’habitat extrêmement diversifiés<br />

(figs. 2-3) 6 . Cinq types de plans y<br />

coexistent, à savoir des plans<br />

monocellulaires de formes quadrangulaires<br />

(Arslantepe, Değirmentepe) 7 , circulaires<br />

(Arslantepe, Norşuntepe) 8 , ou carrées à<br />

ang<strong>le</strong>s arrondis (Arslantepe, Değirmentepe,<br />

Norşuntepe, Taşkun Mevkii) 9 , des plans<br />

quadrangulaires pluri-­‐cellulaires et enfin<br />

des plans oblongs trapézoïdaux (Pulur-­‐<br />

Sakyol) 10 . Le facteur climatique n’est donc<br />

pas déterminant dans l’élaboration du<br />

programme planimétrique et technique.<br />

En ce qui concerne <strong>le</strong>s ressources<br />

matériel<strong>le</strong>s, l’Anatolie jouit éga<strong>le</strong>ment de<br />

conditions favorab<strong>le</strong>s. Les matériaux néces-­‐<br />

saires à la construction, à savoir l’argi<strong>le</strong>, la<br />

pierre et <strong>le</strong> bois, sont répartis de façon assez<br />

homogène sur <strong>le</strong> territoire. Ainsi, l’utili-­‐<br />

sation de l’un ou l’autre de ces matériaux<br />

résulte d’un choix plus que d’une contrainte.<br />

Des sites contiguës et contemporains adop-­‐<br />

tent des plans différents bien qu’ils aient<br />

accès à des ressources identiques (Kara-­‐<br />

gündüz Höyük et Dilkaya Höyüğü, Şem-­‐<br />

siyetepe et Han İbrahim Şah, Pulur-­‐Sakyol<br />

et Taşkun Mevkii) 11 . En somme, <strong>le</strong>s res-­‐<br />

sources disponib<strong>le</strong>s permettent seu<strong>le</strong>ment<br />

la réalisation d’un type d’habitat qui a été<br />

sé<strong>le</strong>ctionné a priori. Cette richesse en<br />

matériaux de construction offre une grande<br />

latitude aux constructeurs. Ainsi, l’analyse<br />

des techniques a révélé qu’un établissement<br />

pouvait, au cours du Bronze Ancien, avoir<br />

recours à des techniques diverses pour<br />

l’élaboration de ses constructions et éga-­‐<br />

<strong>le</strong>ment qu’un type de plan pouvait être<br />

5 Lloyd/Mellaart 1962, figs. 9-10, 13, 17 ; Efe 1995, fig.<br />

4.<br />

6 Perello 2011, figs. 65-66.<br />

7 Conti/Persiani 1993, fig. 2-4 ; Duru 1979, 70.<br />

8 Hauptmann 1982, taf. 33.<br />

9 Frangipane 1995, fig. 2 ; Duru 1979, <strong>le</strong>v. 69.3 ;<br />

Hauptmann 1982, Taf. 29 ; Helms 1973, fig. 3.<br />

10 Koşay 1976.<br />

11 Perello 2011, 70.<br />

25


éalisé à l’aide de techniques différentes<br />

(soubassements en pierres avec super-­‐<br />

structures en briques crues, terre modelée<br />

sur armature de bois, pisé). Le choix d’un<br />

type d’habitat n’est, par conséquent, pas<br />

assujetti à la disponibilité des ressources<br />

matériel<strong>le</strong>s.<br />

Enfin, <strong>le</strong>s périmètres des régions<br />

écologiques (fig. 1) laissent apparaître une<br />

certaine corrélation avec <strong>le</strong>s limites des cinq<br />

aires culturel<strong>le</strong>s qui ont pu être dressées<br />

grâce à l’habitat (Anatolie occidenta<strong>le</strong>,<br />

Anatolie Centra<strong>le</strong>, Région de la mer Noire,<br />

Anatolie orienta<strong>le</strong> et Anatolie du Sud-­‐Est)<br />

(figs. 2-3) 12 . Cependant, <strong>le</strong>s contraintes<br />

topographiques ne doivent pas être consi-­‐<br />

dérées comme des frontières infranchis-­‐<br />

sab<strong>le</strong>s mais comme des ‘ra<strong>le</strong>ntisseurs’ que<br />

<strong>le</strong>s populations, pour des raisons diverses,<br />

s’efforcent ou non de dépasser. Or, <strong>le</strong>s<br />

populations du Bronze Ancien, motivées par<br />

<strong>le</strong> développement des échanges et tout<br />

particulièrement par la recherche de mine-­‐<br />

rais, vont avoir à cœur de franchir ces<br />

obstac<strong>le</strong>s géomorphologiques.<br />

D’ail<strong>le</strong>urs, la délimitation des aires<br />

culturel<strong>le</strong>s définies par l’habitat est fluc-­‐<br />

tuante dans l’espace et dans <strong>le</strong> temps 13 .<br />

12 Perello 2011, fig. 4, 66.<br />

13 Schachner 1999. A. Schachner a mis en évidence<br />

l’évolution de la délimitation des aires de diffusion de<br />

26<br />

PERELLO<br />

Certaines zones ‘tampon’ notamment expé-­‐<br />

rimentent, suivant <strong>le</strong>s périodes, des rappro-­‐<br />

chements avec des espaces culturels<br />

distincts. Il y a deux exemp<strong>le</strong>s sympto-­‐<br />

matiques : la région d’Eskişehir et la Cilicie.<br />

Le secteur d’Eskişehir, qui correspond à une<br />

percée topographique entre l’Anatolie cen-­‐<br />

tra<strong>le</strong> et la côte égéenne, est relié suivant <strong>le</strong>s<br />

Figure 1 : Carte de la Turquie montrant <strong>le</strong>s sept grandes régions géographiques (d’après Sagona/Zimansky 2009, fig. 1.1)<br />

périodes soit à l’Anatolie centra<strong>le</strong>, soit à l’A-­‐<br />

natolie occidenta<strong>le</strong> 14 . Au 3 e millénaire, il est<br />

clairement associé à la région méditerra-­‐<br />

néenne mais tend à se rapprocher de<br />

l’Anatolie centra<strong>le</strong> à la fin du Bronze Ancien.<br />

La Cilicie représente un secteur pivot entre<br />

plusieurs zones géographiques et favorise,<br />

suivant <strong>le</strong>s périodes, des rapprochements<br />

différents avec l’Anatolie occidenta<strong>le</strong>, l’Ana-­‐<br />

tolie centra<strong>le</strong> ou l’Anatolie du Sud-­‐Est.<br />

En résumé, <strong>le</strong>s explications détermi-­‐<br />

nistes doivent être réfutées car l’incidence<br />

des variab<strong>le</strong>s environnementa<strong>le</strong>s est faib<strong>le</strong>.<br />

Les facteurs matériels, climatiques et géo-­‐<br />

morphologiques apparaissent comme des<br />

éléments contraignants mais fina<strong>le</strong>ment se-­‐<br />

condaires face à la prépondérance des cri-­‐<br />

tères socioculturels. Au sein des critères<br />

culturels, il nous semb<strong>le</strong> qu’une sous-­‐division<br />

peut être établie avec, d’une part, des<br />

facteurs que l’on pourrait qualifier de<br />

l’habitat pour l’Anatolie orienta<strong>le</strong> entre <strong>le</strong> 5 e et <strong>le</strong> 2 e<br />

millénaire.<br />

14 Efe 2007.


‘traditionnels’ et qui influencent toujours la<br />

cellu<strong>le</strong> d’habitat en ce qu’el<strong>le</strong> a d’immuab<strong>le</strong><br />

et, d’autre part, certains critères circons-­‐<br />

tanciels qui ne concernent qu’une zone et<br />

une période dites, en l’occurrence l’Anatolie<br />

au Bronze Ancien. Parmi <strong>le</strong>s facteurs<br />

‘traditionnels’, on retient <strong>le</strong> fait que la<br />

maison est la réponse d’un groupe et non<br />

d’un individu ; el<strong>le</strong> résulte d’une trans-­‐<br />

ARCHITECTURE DOMESTIQUE<br />

Figure 2 : Carte de dispersion des types d’habitat de l’Anatolie au 3 e millénaire.<br />

mission intergénérationnel<strong>le</strong> des savoir-­‐<br />

faire et el<strong>le</strong> est un marqueur identitaire.<br />

Les solutions tant techniques que<br />

morphologiques sont adoptées par l’ensemb<strong>le</strong><br />

de la communauté. El<strong>le</strong>s ne répondent donc<br />

pas à la nature idiosyncrasique du com-­‐<br />

portement individuel mais résultent soit de<br />

décisions col<strong>le</strong>ctives, soit de va<strong>le</strong>urs cultu-­‐<br />

rel<strong>le</strong>s communes acceptées tacitement. La<br />

maison est « érigée et utilisée selon des<br />

normes socia<strong>le</strong>s et idéel<strong>le</strong>s qui fondent <strong>le</strong><br />

système de représentations de la col<strong>le</strong>ctivité<br />

qui la fabrique et l’utilise » 15 . Les plans sont<br />

normalisés et l’initiative des occupants ne<br />

se manifeste que de façon extrêmement<br />

limitée, par <strong>le</strong> nombre de pièces ou la<br />

superficie habitab<strong>le</strong>. Or, il ne s’agit pas à<br />

15 Coudart 2011, 216.<br />

proprement par<strong>le</strong>r d’un choix mais d’une<br />

variab<strong>le</strong> d’adaptation à la cellu<strong>le</strong> familia<strong>le</strong>,<br />

qui est el<strong>le</strong>-­‐même largement tributaire<br />

d’une tradition ancrée profondément dans<br />

<strong>le</strong>s esprits et <strong>le</strong>s mœurs. Enfin, il faut garder<br />

à l’esprit que l’on est en présence d’une<br />

architecture sans architecte. Par consé-­‐<br />

quent, <strong>le</strong>s occupants, sans doute aidés au<br />

moins en partie par la col<strong>le</strong>ctivité, sont à<br />

l’origine de la planification et de la cons-­‐<br />

truction de <strong>le</strong>ur maison. Ainsi, l’absence de<br />

personnification et notamment de décor<br />

n’en est que plus surprenante.<br />

L’analyse diachronique a mis en<br />

évidence <strong>le</strong> fait que la majorité des types<br />

d’habitat étaient utilisés de façon pérenne<br />

tout au long du 3 e millénaire. Cette stabilité<br />

du modè<strong>le</strong> planimétrique n’est pas sans<br />

sou<strong>le</strong>ver de questions dans une société qui<br />

subit, par ail<strong>le</strong>urs, de profondes évolutions.<br />

Comment expliquer ce conservatisme ? En<br />

architecture, en particulier domestique, la<br />

tradition prime sur l’innovation et cela pour<br />

plusieurs raisons. En premier lieu, si l’on a<br />

recours à un type utilisé par <strong>le</strong>s anciens, on<br />

en maîtrise <strong>le</strong>s contraintes structurel<strong>le</strong>s, la<br />

résistante et <strong>le</strong> savoir-­‐faire technique.<br />

27


Figure 3 : Types de plan représentés dans <strong>le</strong>s cinq régions<br />

définies par la dispersion des types d’habitat.<br />

Ensuite, il faut prendre en compte <strong>le</strong> poids<br />

de l’habitus, de la volonté d’une population<br />

de conserver son espace quotidien stab<strong>le</strong>,<br />

alors que la société subit par ail<strong>le</strong>urs toutes<br />

sortes de mutations, plus ou moins ‘trauma-­‐<br />

tisantes’. Enfin, <strong>le</strong> recours à un type connu,<br />

hérité des générations précédentes, s’inscrit<br />

comme un acte symbolique d’appartenance<br />

à une communauté, faisant de la maison un<br />

marqueur identitaire.<br />

Au-­‐delà des critères cités plus haut, il<br />

apparaît que l’habitat peut être modelé par<br />

certaines contraintes corrélées aux conditions<br />

socioculturel<strong>le</strong>s spécifiques de la période<br />

considérée. Dans <strong>le</strong> corpus de l’Anatolie au<br />

Bronze Ancien, plusieurs types illustrent<br />

cette remarque.<br />

Tout d’abord, certaines maisons<br />

découvertes en Anatolie au Bronze Ancien<br />

sont façonnéespardes contacts interrégionaux.<br />

La région de Malatya-­‐Elazığ, en Anatolie<br />

orienta<strong>le</strong>, a livré des maisons monocellulaires<br />

carrées à ang<strong>le</strong>s arrondis, construites en<br />

terre modelée sur armature de bois<br />

(Arslantepe, Değirmentepe, Norşuntepe,<br />

28<br />

PERELLO<br />

Taşkun Mevkii) 16 . Ce type d’habitat est<br />

connu en Transcaucasie depuis <strong>le</strong> milieu du<br />

4 e millénaire (Kvatskhe<strong>le</strong>bi, Khizanaant-­‐<br />

Gora) 17 . En revanche, il est inédit en<br />

Anatolie où il apparaît, au début du 3 e<br />

millénaire, associé à de la céramique Red<br />

Black Burnished et à des andirons qui sont<br />

des marqueurs de la culture transcaucasienne<br />

dite Kuro-­‐Araxe 18 . Ces habitations apparaissent<br />

comme un élément importé de Transcaucasie<br />

et non comme l’évolution d’une forme<br />

anatolienne préexistante. Quant à l’Anatolie<br />

du Sud-­‐Est, el<strong>le</strong> a livré entre autres des<br />

maisons de plans comp<strong>le</strong>xes à cour (Kurban<br />

Höyük, Tilbeşar, Titriş Höyük) (fig. 4) 19 . Or,<br />

cette organisation planimétrique est lar-­‐<br />

gement inspirée de l’architecture mésopota-­‐<br />

mienne traditionnel<strong>le</strong> 20 : Tell Me<strong>le</strong>biya, Tell<br />

Asmar IVA 21 . L’habitat, au même titre que<br />

<strong>le</strong>s autres éléments de la culture matériel<strong>le</strong>,<br />

illustre <strong>le</strong> fait qu’à cette période l’Anatolie<br />

du Sud-­‐Est fait partie intégrante de la<br />

sphère syro-­‐mésopotamienne dont el<strong>le</strong><br />

représente une des franges. Malgré son<br />

aspect traditionnaliste, l’habitat peut donc,<br />

dans une certaine mesure, illustrer l’exis-­‐<br />

tence de contacts interrégionaux qu’ils<br />

soient d’ordre économique ou culturel.<br />

Figure 4 : Titriş Höyük, plan du quartier est de la Outer Town,<br />

Bronze Ancien III (d’après Algaze et al. 2001, fig. 2)<br />

16 Frangipane 1995, fig. 2 ; Duru 1979, <strong>le</strong>v. 69.3 ;<br />

Hauptmann 1982, Taf. 29 ; Helms 1973, fig. 3.<br />

17 Sagona 1993, 464-467, fig. 5b, 6a-b.<br />

18 Frangipane/Palumbi 2007.<br />

19 Algaze 1990, 62, 193, 430-431, fig. 123 ;<br />

Kepinski/Ahlan 2001, 201-213, fig. 4 ; Algaze et al.<br />

2001, fig. 2.<br />

20 Val<strong>le</strong>t, in Algaze et al. 2001, 25-30, fig. 4.<br />

21 Lebeau 1996 ; Delougaz et al. 1967, 143-181, pl. 28.


L’analyse des plans d’Anatolie orienta<strong>le</strong><br />

a éga<strong>le</strong>ment révélé que la coexistence de<br />

plusieurs types d’habitat distincts était liée<br />

en partie à des modalités différentes<br />

d’occupation du territoire. Cette zone est<br />

marquée par la cohabitation de stratégies<br />

de subsistance complémentaires à savoir<br />

des occupations nomades, semi-­‐nomades et<br />

sédentaires. À chaque mode d’occupation,<br />

semb<strong>le</strong>nt correspondre un ou plusieurs types<br />

de plans. Les camps nomades (Büyüktepe,<br />

Gelinciktepe) ont livré des traces de tentes,<br />

sous la forme de trous de poteaux 22 .<br />

Certains sites, qualifiés de semi-­‐nomades en<br />

raison de <strong>le</strong>urs séquences d’occupation<br />

discontinues, ont livré des huttes, cons-­‐<br />

tructions légères en bois aménagées de<br />

foyers portatifs (Arslantepe VIB1) 23 . Enfin,<br />

il y a <strong>le</strong>s groupes sédentaires qui se<br />

détachent progressivement des normes de<br />

construction en lien avec <strong>le</strong> pastoralisme<br />

itinérant pour initier un nouveau type<br />

d’habitat en dur, adapté à <strong>le</strong>ur nouvel<br />

environnement (Arslantepe VIB2 et<br />

Norşuntepe VIII) 24 .<br />

Enfin, la seconde moitié du 3 e<br />

millénaire a été, en Anatolie, <strong>le</strong> théâtre de la<br />

naissance des premiers petits centres<br />

urbains. L’existence d’un habitat urbain<br />

spécifique, distinct dans sa forme et dans<br />

ses fonctions, est attestée en Syro-­‐<br />

Mésopotamie 25 . Qu’en est-­‐il en Anatolie ? La<br />

plupart des types identifiés sont utilisés<br />

sans distinction dans <strong>le</strong>s établissements<br />

ruraux et urbains. En Anatolie occidenta<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong> plan oblong pluricellulaire et <strong>le</strong> plan<br />

oblong trapézoïdal sont utilisés<br />

indifféremment dans des établissements<br />

villageois (Karataş niveauVI 26 ) et dans <strong>le</strong>s<br />

établissements à caractère urbain (Küllüoba<br />

BA III, Troie niv II) 27 . Le plan pluricellulaire<br />

comp<strong>le</strong>xe à cour, très bien illustré à Titriş<br />

Höyük (fig. 4) 28 , est <strong>le</strong> seul qui puisse<br />

22<br />

Sagona 1994, 231-232 ; Persiani 2008.<br />

23<br />

Frangipane/Palumbi 2007.<br />

24<br />

Frangipane 2001, fig. 24. ; Hauptmann 1979, pl. 23a.<br />

25<br />

Aurenche 2009 ; Castel 1992 ; Margueron 1997 et<br />

2009 ; Val<strong>le</strong>t 1998.<br />

26<br />

Warner 1979.<br />

27<br />

Efe 2007, fig. 4 ; B<strong>le</strong>gen et al. 1951.<br />

28<br />

Algaze et al. 2001, fig. 2.<br />

ARCHITECTURE DOMESTIQUE<br />

prétendre à une appellation d’habitat<br />

urbain en raison de ses dimensions et de<br />

l’agencement comp<strong>le</strong>xe de son plan. Il est<br />

parfaitement adapté aux conditions<br />

nouvel<strong>le</strong>s imposées par la vil<strong>le</strong>. Cependant,<br />

il convient de rappe<strong>le</strong>r que ce plan est<br />

utilisé à l’extrême fin du BA III, à Kurban<br />

Höyük 29 , lorsque <strong>le</strong> site subit un<br />

rétrécissement significatif et qu’il n’est plus<br />

alors qu’un simp<strong>le</strong> village.<br />

Au terme de cette rapide présen-­‐<br />

tation il apparait, qu’au-­‐delà de la pérennité<br />

des contraintes architectoniques et des<br />

considérations environnementa<strong>le</strong>s, ce sont<br />

<strong>le</strong>s critères culturels qui façonnent l’espace<br />

domestique. L’organisation socia<strong>le</strong> de la<br />

communauté, ses aspirations, ses coutumes,<br />

sa conception d’un environnement idéal,<br />

son respect des traditions, ses contacts<br />

interrégionaux sont autant d’éléments<br />

déterminants dans l’élaboration d’une<br />

maison. La profusion de ces variab<strong>le</strong>s<br />

illustre la richesse de l’habitat qui apparaît<br />

comme un outil de choix dans la traduction<br />

du cadre socioculturel de la période<br />

considérée.<br />

29 Algaze 1990, 62, 193, 430-431, fig. 123.<br />

B. Perello<br />

29


30<br />

PERELLO


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33


34<br />

PERELLO


TILBESHAR, AU CARREFOUR D’ECHANGES ENTRE LA VALLEE DE<br />

L’EUPHRATE ET LA COTE MEDITERRANEENNE A L’AGE DU BRONZE<br />

Christine KEPINSKI<br />

CNRS, ArScAn UMR 7041<br />

Maison René-Ginouvès<br />

christine.kepinski@mae.u-paris10.fr<br />

Résumé : Avec une superficie maximum de 56 hectares, Tilbeshar est une vil<strong>le</strong> majeure du Sud-­‐Est anatolien à l’âge<br />

du Bronze. El<strong>le</strong> est au centre d’un petit territoire et appartient au vaste réseau d’échanges, particulièrement actif<br />

au troisième puis début du second millénaire, qui relie entre el<strong>le</strong>s différentes régions d’Orient.<br />

Mots clés : vil<strong>le</strong>, âge du Bronze, échanges, Euphrate, Méditerranée, Mésopotamie du Nord<br />

Abstract: With a maximum area of 56 hectares, Tilbeshar is a major city of Southeast Anatolia in the Bronze Age. It<br />

is the center of a small territory and belongs to the vast network of exchanges, particularly active in the third and<br />

early second mil<strong>le</strong>nnium, which interconnects different parts of the East<br />

Keywords: city, Bronze Age, exchanges, Euphrates, Mediterranean sea, North Mesopotamia


36<br />

KEPINSKI


Figure 1 : carte de la région (H. David)<br />

Situé aux portes de l’Anatolie de l’est,<br />

Tilbeshar estaussiaucarrefourde voies commercia<strong>le</strong>s importantes.<br />

Au Bronze Ancien comme au Bronze Moyen,<br />

du troisième millénaire à la première moitié<br />

du second, Tilbeshar figure parmi <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />

majeures d’Anatolie. El<strong>le</strong> a des contacts<br />

lointains et entretient des échanges régu-­‐<br />

liers avec la Mésopotamie, différentes vil<strong>le</strong>s<br />

de la vallée de l’Euphrate, <strong>le</strong> Caucase et la<br />

côte méditerranéenne.<br />

Environnement géographique<br />

Tilbeshar se trouve dans la vallée du<br />

Sajour, affluent de rive droite de l’Euphrate<br />

(fig. 1). Il représente avec Gaziantep, à une<br />

vingtaine de km, <strong>le</strong>s deux seuls sites jamais<br />

fouillés de la vallée. Il domine une petite<br />

alvéo<strong>le</strong> entourée par des collines calcaires<br />

recouvertes par endroit de coulées basal-­‐<br />

tiques. Les sources sont très nombreuses<br />

dans <strong>le</strong>s environs et alimentent différents<br />

cours d’eau dont <strong>le</strong> Qoueiq qui mène à A<strong>le</strong>p,<br />

à une centaine de kilomètres au sud. La<br />

région reçoit environ 400 mm de précipi-­‐<br />

TILBESHAR<br />

tations par an. La végétation est de type mé-­‐<br />

diterranéen. Plusieurs voies de commu-­‐<br />

nication, suivant <strong>le</strong> plus souvent <strong>le</strong>s cours<br />

d’eau, traversent la plaine.<br />

Du point de vue géographique, Tilbeshar est<br />

très clairement un site de carrefour entre<br />

<strong>le</strong>s voies Nord-­‐Sud qui longent l’Euphrate,<br />

du Caucase à la Mésopotamie et cel<strong>le</strong>s<br />

Ouest-­‐Est qui la relient d’une part à la Mé-­‐<br />

diterranée et d’autre part à l’Anatolie de<br />

l’Est et au-­‐delà à l’Iran et l’Asie Centra<strong>le</strong>.<br />

De nos jours encore, Gaziantep est une halte<br />

pour <strong>le</strong>s touristes qui souhaitent visiter<br />

l’Anatolie de l’Est de sorte que si Istanbul a<br />

été pendant longtemps la porte d’entrée en<br />

Orient on peut considérer aujourd’hui que<br />

cette frontière se trouve dans la vallée du<br />

haut Euphrate et de ses petits affluents,<br />

dans des vil<strong>le</strong>s comme Gaziantep ou plus au<br />

nord, Malatya.<br />

Description généra<strong>le</strong> du site et des<br />

travaux entrepris<br />

Nos travaux sur ce site ont commencé<br />

en 1994 par deux missions de prospection<br />

et sondages et la première campagne de<br />

37


fouil<strong>le</strong>s remonte à 1996 1 . Depuis 2006, nos<br />

activités de terrain sont suspendues.<br />

Tilbeshar comprend une citadel<strong>le</strong> de<br />

40 m de haut et une vil<strong>le</strong> basse conservée<br />

entre 2 et 6 m au-­‐dessus du sol vierge et<br />

l’ensemb<strong>le</strong> couvre environ 56 hectares (fig.<br />

2).<br />

Figure 2 : Tilbeshar, photo Nazih Bazge<strong>le</strong>n<br />

Occupée dès <strong>le</strong> Néolithique, c’est avant tout<br />

une vil<strong>le</strong> importante de l’âge du Bronze puis<br />

durant la période médiéva<strong>le</strong>. Le programme<br />

portant sur la vil<strong>le</strong> du Moyen-­‐âge est placé<br />

sous la responsabilité de Marie-­‐Odi<strong>le</strong><br />

Rousset.<br />

Durant sept campagnes de fouil<strong>le</strong>s,<br />

plusieurs chantiers ont été ouverts dans la<br />

vil<strong>le</strong> basse, au nord comme au sud, de même<br />

que sur la citadel<strong>le</strong>. En dehors de<br />

l’établissement d’une stratigraphie<br />

correspondant aux différentes occupations<br />

de Tilbeshar, notre programme comprend<br />

plusieurs axes de recherche placés sous la<br />

responsabilité de différents collaborateurs :<br />

l’urbanisme (programme associé à une<br />

prospection géophysique), la céramique,<br />

l’architecture domestique, <strong>le</strong>s pratiques<br />

funéraires, <strong>le</strong>s périodes de transition et<br />

principa<strong>le</strong>ment Chalcolithique / Bronze<br />

Ancien I et Bronze Ancien / Bronze Moyen, <strong>le</strong><br />

paléo-­‐environnement associé à des analyses<br />

des biocénoses. D’autres programmes<br />

étaient aussi envisagés, notamment un<br />

portant sur la métallurgie.<br />

1 Nos travaux se sont toujours déroulés en collaboration<br />

avec <strong>le</strong> musée de Gaziantep et on trouvera divers<br />

rapports préliminaires cosignés dans <strong>le</strong>s revues Anatolia<br />

Antiqua et Kazı Sonuçları Toplantısı auxquels on peut<br />

ajouter Kepinski 2005a et 2007.<br />

38<br />

KEPINSKI<br />

Principa<strong>le</strong>s étapes de l’évolution de la<br />

vil<strong>le</strong> durant l’âge du Bronze<br />

Figure 3 : Plan topographique (P. Lebouteil<strong>le</strong>r) et historique de<br />

l’implantation de la vil<strong>le</strong> à l’âge du Bronze<br />

Il est possib<strong>le</strong> d’esquisser une pre-­‐<br />

mière histoire du site, en particulier pour<br />

<strong>le</strong>s troisième et second millénaires (fig. 3).<br />

Au BAI, l’occupation est limitée à la<br />

citadel<strong>le</strong>. Tilbeshar est dans un premier<br />

temps un établissement fortifié suivi d’une<br />

occupation sommaire sans mur d’enceinte.<br />

Dès 2700-­‐2600 Tilbeshar devient une<br />

grande vil<strong>le</strong> plus ou moins circulaire et<br />

comprend une première vil<strong>le</strong> basse au pied<br />

de la citadel<strong>le</strong>, au nord comme au sud. Les<br />

résultats du programme portant sur<br />

l’urbanisme laissent envisager un espace<br />

urbain planifié.<br />

À partir de 2300 environ, une partie de la<br />

vil<strong>le</strong> basse sud ne sert plus que de cimetière<br />

puis Tilbeshar connaît une contraction ma-­‐<br />

jeure à la transition entre <strong>le</strong> Bronze Ancien<br />

et <strong>le</strong> Bronze Moyen. Ainsi au début du<br />

second millénaire, au Bronze Moyen I, la<br />

vil<strong>le</strong> sud semb<strong>le</strong> être complètement dé-­‐<br />

sertée.<br />

Au Bronze Moyen II, à partir de 1800,<br />

d’énormes travaux d’aménagement de la<br />

voirie notamment sont entrepris et<br />

Tilbeshar retrouve son périmètre maximum<br />

avant d’être abandonnée après 1600<br />

pendant plusieurs sièc<strong>le</strong>s.


Figure 4 : Tesson de céramique à engobe réservé (Bronze<br />

Ancien I)<br />

Quelques témoins des échanges<br />

lointains entretenus par la vil<strong>le</strong><br />

Plusieurs éléments de la culture<br />

matériel<strong>le</strong> importés ou imités, dévoi<strong>le</strong>nt<br />

l’étendue des contacts lointains entretenus<br />

par la vil<strong>le</strong>.<br />

Tilbeshar IIIA (3100-2700)<br />

Au Bronze Ancien I, on trouve à<br />

Tilbeshar des écuel<strong>le</strong>s grossières à bord<br />

biseauté ou de la céramique à engobe réser-­‐<br />

vée (fig. 4) 2 , deux catégories connues dès <strong>le</strong><br />

quatrième millénaire qui symbolisent <strong>le</strong>s<br />

contacts de cette région avec la Mésopo-­‐<br />

tamie dès la période dite de l’expansion<br />

urukéenne. El<strong>le</strong>s sont bien attestées au<br />

nord, sur <strong>le</strong> haut Euphrate turc, jusqu’à<br />

Arslantepe et à l’ouest, jusqu’à l’Amuq 3 .<br />

Tilbeshar IIIB (2700-2500)<br />

La première grande vil<strong>le</strong> de Tilbeshar,<br />

cel<strong>le</strong> qui date de notre niveau IIIB et des<br />

environs de 2700-­‐2600 aC, s’accompagne<br />

de vastes travaux d’aménagement dont la<br />

construction sur la citadel<strong>le</strong> d’une terrasse à<br />

degré recouvrant tous <strong>le</strong>s niveaux anté-­‐<br />

rieurs (fig. 5). Des terrasses de ce type se<br />

retrouvent <strong>le</strong> long de l’Euphrate, notam-­‐<br />

ment à Halawa B 4 ou tell es Sweyhat 5 mais<br />

aussi dans <strong>le</strong> Khabour, par exemp<strong>le</strong> à Tell<br />

2<br />

Dessène 2002.<br />

3<br />

Rothman 2011 ; Braidwood/Braidwood 1960, 235, fig.<br />

175.<br />

4<br />

Orthmann 1981.<br />

5<br />

Zett<strong>le</strong>r 1997, 18.<br />

TILBESHAR<br />

Mozan. Les fouil<strong>le</strong>urs de ce dernier site <strong>le</strong>s<br />

mettent en relation avec <strong>le</strong>s Hurrites 6 . On<br />

peut éga<strong>le</strong>ment citer <strong>le</strong>s terrasses d’Asie<br />

centra<strong>le</strong> dont cel<strong>le</strong> d’Altın tepe (Altyn-­‐<br />

depe) 7 . Toutefois la correspondance<br />

chronologique de tous ces exemp<strong>le</strong>s<br />

demeure incertaine.<br />

On date de cette même période la<br />

construction d’une tombe monumenta<strong>le</strong> US<br />

2676, trouvée en 2006 (fig. 6) 8 .<br />

Figure 6 : Tombe monumenta<strong>le</strong> US 2676, vil<strong>le</strong> basse nord<br />

(2600-2300 av. J.-C.)<br />

Construite en gros blocs mégalithiques<br />

disposés en encorbel<strong>le</strong>ment et recouverts<br />

de dal<strong>le</strong>s plates, el<strong>le</strong> comprenait une<br />

chambre funéraire de 6m de long, 2m de<br />

large, 1,50 à 2m de haut, fermée par deux<br />

dal<strong>le</strong>s en pierre à laquel<strong>le</strong> on accédait fort<br />

probab<strong>le</strong>ment par un puits d’accès. Exemp<strong>le</strong><br />

unique de cette catégorie en Turquie, el<strong>le</strong><br />

trouve des parallè<strong>le</strong>s en Syrie, à Tell<br />

Ahmar 9 , Jerablus Tahtani 10 et Tell Hadidi 11 .<br />

Ce sont en principe des caveaux familiaux<br />

utilisés par plusieurs générations. El<strong>le</strong><br />

semb<strong>le</strong> accompagner l’émergence d’une<br />

élite capab<strong>le</strong> de monopoliser une main-­‐<br />

d’œuvre importante et de construire une<br />

vil<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> illustre aussi la montée en<br />

puissance de certaines famil<strong>le</strong>s dirigeantes<br />

soucieuses de conforter <strong>le</strong>ur légitimité en<br />

fondant cette dernière sur <strong>le</strong> culte des<br />

ancêtres.<br />

6<br />

Buccellatti/Kelly-Buccellatti 1988, 59 et 1999, 12, 13<br />

abb. 4, 14.<br />

7<br />

Masson 1988, 58, fig. 18.<br />

8<br />

Kepinski et al. 2007.<br />

9<br />

Roobaert/Bunnens 1999.<br />

10<br />

Peltenburg 1999.<br />

11<br />

Dornemann 1979 et 1980.<br />

39


Figure 5 : Terrasse haute sur la citadel<strong>le</strong> (2700-2500 av. J.-C.)<br />

Figure 7 : Assemblage<br />

céramique, tombe<br />

monumenta<strong>le</strong> US 2676<br />

40<br />

Figure 8 : Tessons de la tombe<br />

monumenta<strong>le</strong> US 2676<br />

Cette tombe a été découverte la<br />

veil<strong>le</strong> du dernier jour de fouil<strong>le</strong>s de la<br />

campagne 2006, nous avons eu <strong>le</strong> temps<br />

d’en extraire une cinquantaine de pots et<br />

nous estimons qu’el<strong>le</strong> devait en<br />

comprendre près d’un millier (fig. 7).<br />

El<strong>le</strong> a été utilisée plusieurs fois entre 2600<br />

et 2300. Parmi l’assemblage <strong>le</strong> plus ancien,<br />

on note une marmite transcaucasienne<br />

(fig. 8). Cette catégorie céramique avait été<br />

reconnue sous forme de petits tessons de<br />

KEPINSKI<br />

surface mais c’est la première fois que nous<br />

en avons dégagé un exemplaire entier. La<br />

céramique transcaucasienne est bien<br />

attestée plus au nord et à l’ouest de notre<br />

région 12 . Dans l’état actuel de nos connais-­‐<br />

sances, cet exemp<strong>le</strong> demeure unique pour la<br />

vallée du Sajour.<br />

Tilbeshar IIIC (2500-2300)<br />

Les échanges avec <strong>le</strong> Caucase sont éga-­‐<br />

<strong>le</strong>ment perceptib<strong>le</strong>s lors d’une occupation<br />

plus récente, au niveau IIIC (2500-­‐2300).<br />

Un four en forme de fer à cheval qui forme<br />

avec <strong>le</strong> foyer portatif appelé andiron de très<br />

bonnes attestations des contacts avec cette<br />

région, a été mis au jour dans une maison 13 .<br />

Il faut rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong>s habitudes culinaires<br />

correspondent à des marques d’identité<br />

fortes.<br />

Par ail<strong>le</strong>urs un quartier de Tilbeshar ren-­‐<br />

ferme <strong>le</strong> plan oblong d’une maison à deux<br />

pièces en enfilade tel qu’il a été défini par<br />

Bérengère Perello, plan caractéristique de<br />

12 Gopnik/Rothman 2011, 143, fig. 5.4.<br />

13 Kepinski 2001, 212.


l’Anatolie de l’Ouest au troisième millé-­‐<br />

naire 14 .<br />

Il existe à Tilbeshar bien d’autres té-­‐<br />

moignages d’échanges lointains dont la pré-­‐<br />

sence de depas, gobe<strong>le</strong>t couvert d’un engobe<br />

rouge lissé, originaire de Troie (fig. 11). On<br />

en connait des exemp<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s environs,<br />

provenant de Titris Höyük 15 ou de Se<strong>le</strong>n-­‐<br />

kayieh 16 . Les contacts de la région avec<br />

Troie et la côte égéenne sont confirmés par<br />

<strong>le</strong>s bijoux en or retrouvés dans une tombe<br />

monumenta<strong>le</strong> (Tomb 7) de Tell Banat, sur<br />

l’Euphrate syrien, juste au sud de la fron-­‐<br />

tière syro-­‐turque, dont <strong>le</strong>s parallè<strong>le</strong>s avec<br />

Poliochni ont été soulignés 17 .<br />

Figure 9 : Depas, vil<strong>le</strong> basse sud (2300-2100 av. J.-C.)<br />

Tilbeshar IV (2000-1600)<br />

Ainsi un peu plus tard au Bronze<br />

Moyen deux types de pots se répandent<br />

dans la vallée de l’Euphrate depuis Lidar<br />

Hoyük jusqu’en Mésopotamie 18 . Il s’agit<br />

d’une part de grandes jarres de stockage<br />

avec des lèvres moulurées et un décor de<br />

lignes incisées sur <strong>le</strong> haut de la panse et<br />

d’autre part de jarre globulaire avec des<br />

petites anses bifides, toutes fabriquées de la<br />

même façon, tournées en deux parties<br />

jointes (figs. 9-10).<br />

14 Perello 2011.<br />

15 Matney et al. 1997, 81.<br />

16 Aruz 2003, 273.<br />

17 Aruz 2003, 185.<br />

18 Kepinski 2005b.<br />

TILBESHAR<br />

On <strong>le</strong>s a mis en relation avec <strong>le</strong> transport de<br />

denrées alimentaires liquides. De tels<br />

échanges sont très bien documentés dans<br />

<strong>le</strong>s textes de Mari qui attestent l’appro-­‐<br />

visionnement de cette vil<strong>le</strong> en hui<strong>le</strong> d’olive,<br />

vin et miel en provenance de la région de<br />

Carchemish et d’A<strong>le</strong>p 19 . La présence à Tilbeshar,<br />

Figure 10 : Jarre de stockage, Tilbeshar (Bronze Moyen)<br />

dès <strong>le</strong> troisième millénaire, de vigne et<br />

d’oliviers a été confirmée par des analyses<br />

anthracologiques de restes végétaux<br />

carbonisés 20 . Cette donnée est nouvel<strong>le</strong> car<br />

l’on pensait auparavant qu’au troisième<br />

millénaire, ces espèces se trouvaient<br />

uniquement sur <strong>le</strong> pourtour méditerranéen<br />

immédiat. Les textes de Mari signa<strong>le</strong>nt aussi<br />

l’importation de bois en provenance de<br />

cette région. Bois, hui<strong>le</strong> d’olive, vin et miel<br />

ont dû constituer des monnaies d’échanges<br />

à Tilbeshar et sa région.<br />

19 Michel 1996 ; Durand 1997.<br />

20 Herveux 2007.<br />

41


Figure 11 : Jarre globulaire (Bronze Moyen II)<br />

Si l’on ajoute à ces quelques exemp<strong>le</strong>s la<br />

présence de per<strong>le</strong>s en cornaline, puis dans<br />

<strong>le</strong>s environs immédiats, de lapis lazuli, deux<br />

pierres originaires d’Asie Centra<strong>le</strong>, nous<br />

voyons bien que Tilbeshar se trouve au<br />

carrefour de voies commercia<strong>le</strong>s 21 .<br />

Conclusion<br />

Tilbeshar est une vil<strong>le</strong>, lieu où<br />

s’exercent par excel<strong>le</strong>nce la complémen-­‐<br />

tarité des activités et la constitution de<br />

surplus. On y note la circulation de biens<br />

mais aussi la production de denrées<br />

susceptib<strong>le</strong>s d’être échangés.<br />

21 Kepinski-Lecomte/Ergeç 2000, 218, fig. 3 ; Matthiae<br />

1985.<br />

42<br />

KEPINSKI<br />

Situé dans une dépression couverte<br />

d’alluvions, <strong>le</strong> site de Tilbeshar dispose d’un<br />

terroir ferti<strong>le</strong> mais limité et nécessitant une<br />

irrigation intensive. Les contraintes<br />

géographiques dans la région justifient une<br />

économie fondée fort probab<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong>s<br />

ressources de l’arboriculture et <strong>le</strong><br />

commerce à longue distance facilité quant à<br />

lui par la position de la vil<strong>le</strong>, au carrefour de<br />

voies menant principa<strong>le</strong>ment vers la<br />

Mésopotamie, <strong>le</strong> haut Euphrate ou la côte<br />

égéenne.<br />

C. Kepinski


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ZEYVE HÖYÜK-­‐PORSUK : BILAN DES RECHERCHES SUR LES NIVEAUX<br />

DU BRONZE ET DU FER<br />

Dominique Beyer<br />

Université de Strasbourg, UMR 7044<br />

dominique.beyer@misha.fr<br />

Résumé : Ce site de Cappadoce méridiona<strong>le</strong>, au pied de la chaîne du Taurus, a fait l’objet de recherches<br />

archéologiques depuis la fin des années 60. Fondé aux environs de 1600 aC, il est occupé durant toute la période<br />

hittite, cel<strong>le</strong> de l’ancien royaume comme cel<strong>le</strong> de l’empire. L’un des intérêts du site est de présenter éga<strong>le</strong>ment,<br />

sous des niveaux hellénistiques et romains, une occupation de l’Âge du Fer, mais dont <strong>le</strong>s débuts sont encore<br />

diffici<strong>le</strong>s à fixer dans <strong>le</strong> temps de manière précise, après un hiatus consécutif à la destruction vio<strong>le</strong>nte au Bronze<br />

Récent. Les recherches <strong>le</strong>s plus récentes mettent surtout en lumière l’importance inattendue de la période hittite<br />

ancienne.<br />

Mots clés : Cappadoce méridiona<strong>le</strong>, Bas Pays hittite, Période hittite ancienne, Période hittite impéria<strong>le</strong>, Âge du Fer,<br />

Âge du Bronze, Fortifications, Tunna/Dunna, inscription louvite hiéroglyphique<br />

Abstract: This site south of Cappadocia, at the foot of the Taurus, is the subject of archaeological research since the<br />

late 60s. Founded around 1600 BC, it is a sett<strong>le</strong>ment throughout the Hittite period, the ancient kingdom as well as<br />

the empire. One of the site's advantages is the presence, under the Roman and Hel<strong>le</strong>nistic period, of an Iron Age<br />

sett<strong>le</strong>ment, whose origins are still difficult to fix in time precisely, after a hiatus resulting from the vio<strong>le</strong>nt<br />

destruction of the Late Bronze Age. The latest works show the unexpected importance of the ancient Hittite<br />

period.<br />

Keywords: Southern Cappadocia, Hittite low land, Ancient Hittite period, Imperial Hittite period, Iron Age, Bronze<br />

Age, Fortifications, Tunna/Dunna, Luwian hieroglyphic inscription


46<br />

BEYER


Figure 1<br />

C<br />

’est dans une vallée longeant <strong>le</strong> pied<br />

du Taurus, près de la petite vil<strong>le</strong><br />

d’Ulukışla (vilayet de Niğde), en Cap-­‐<br />

padoce méridiona<strong>le</strong>, que se situe Porsuk,<br />

qui est éga<strong>le</strong>ment connu par l’appellation<br />

loca<strong>le</strong> de Zeyve höyük (figs. 1-2). L’un des<br />

intérêts majeurs de ce site réside précisément<br />

dans sa localisation sur l’une des grandes<br />

voies de communication qui assurent la<br />

liaison entre <strong>le</strong> plateau anatolien et <strong>le</strong><br />

monde syro-­‐mésopotamien par l’intermédiaire des<br />

Portes Ciliciennes à travers la chaîne du<br />

Taurus. Cette montagne, sans doute la<br />

‘Montagne d’Argent’ des textes mésopota-­‐<br />

miens, était riche en gisements de plomb et<br />

d’argent, dont <strong>le</strong>s mines étaient encore en<br />

activité dans un passé récent 1 .<br />

Figure 2<br />

C’est Ramsay, visitant <strong>le</strong> site en 1891 et en<br />

1902, qui mentionne ce site de Porsuk pour<br />

1 Cf. Pelon/Kuzucuoğlu 1999.<br />

PORSUK<br />

la première fois. Forrer en 1926 l’examine<br />

en détail, remarquant <strong>le</strong>s vestiges d’une<br />

sorte de poterne avec appareil de pierre<br />

d’allure hittite 2 . Il propose d’y voir la<br />

Tunna/Dunna des textes assyriens et hit-­‐<br />

tites 3 . Vers 1960, c’est un bulldozer, lors de<br />

la réalisation de la petite route qui borde <strong>le</strong><br />

site, qui déplace une dal<strong>le</strong> de pierre à<br />

inscription louvite hiéroglyphique prove-­‐<br />

nant vraisemblab<strong>le</strong>ment de l’extrémité ouest de<br />

cet höyük, largement entamé par ces tra-­‐<br />

vaux : l’inscription mentionne un général<br />

Parahwaras 4 , sujet du roi Masaurhisas, sans<br />

doute vassal du roi de Tuwanuwa (la Tyane<br />

classique) vers la fin du 8 e sièc<strong>le</strong> aC. Cette<br />

découverte est à l’origine des premières<br />

missions de fouil<strong>le</strong>, confiées dès 1968 à Oli-­‐<br />

vier Pelon. Il y mène 15 campagnes jusqu’en<br />

2002. Je lui succède en 2003 5 .<br />

Figure 3<br />

Le site, de 450 sur 200 m environ<br />

(fig. 3), comprend 7 à 8 m environ de<br />

couches archéologiques qui se superposent<br />

sur une tab<strong>le</strong> de conglomérat qui offrait, à la<br />

confluence de deux rivières, une situation<br />

privilégiée pour un habitat fortifié. En<br />

dehors des kerpiç, largement utilisés na-­‐<br />

turel<strong>le</strong>ment dans la construction, <strong>le</strong>s pierres<br />

provenaient de l’impressionnante montagne de<br />

gypse qui domine <strong>le</strong> site, à l’Ouest, et de<br />

gisements voisins fournissant blocs et plaques de<br />

2 Forrer 1937.<br />

3 On pourra consulter un historique des premières<br />

découvertes chez Dupré 1983.<br />

4 Hawkins 1969.<br />

5 On trouvera <strong>le</strong>s résultats des fouil<strong>le</strong>s récentes dans <strong>le</strong>s<br />

différents rapports publiés dans Anatolia Antiqua à<br />

partir de 2004, voir la bibliographie en fin d’artic<strong>le</strong>.<br />

Pour un résumé des acquis de la mission Pelon, cf.<br />

Pelon 2005.<br />

47


grès. Pas de difficulté non plus pour l’appro-­‐<br />

visionnement en bois de cèdre, de pin ou de<br />

genévrier, espèces qui devaient prospérer<br />

sur <strong>le</strong>s pentes du Taurus.<br />

Figure 4<br />

En raison de la présence d’importants<br />

niveaux d’occupation romain et hellénis-­‐<br />

tiques, l’exploration des niveaux <strong>le</strong>s plus<br />

anciens, appartenant à l’Âge du Bronze et à<br />

celui du Fer, s’avère diffici<strong>le</strong>. Jusqu’à pré-­‐<br />

sent, <strong>le</strong>s recherches ont été pour l’essentiel<br />

limitées aux extrémités Est et Ouest du site,<br />

<strong>le</strong>s chantiers IV et II, où d’importants<br />

vestiges des systèmes de fortification ont pu<br />

être mis au jour. En revanche, la zone<br />

interne du höyük reste inconnue.<br />

Le Bronze Récent<br />

Il semb<strong>le</strong> que la plus ancienne<br />

occupation du site corresponde à la fin du<br />

Bronze Moyen et au début du Bronze récent,<br />

soit aux environs de 1600 aC, c’est-­‐à-­‐dire<br />

durant la période de l’Ancien Royaume hit-­‐<br />

tite, comme <strong>le</strong> montrent quelques tessons et<br />

échantillons de céréa<strong>le</strong>s et de bois carbo-­‐<br />

nisés, analysés par C14 ou dendrochronologie 6 . Il<br />

est tentant de lier la fondation de la cité aux<br />

activités des fils du roi Hittite Hattusili Ier<br />

dans la région de Tuwanuwa 7 .<br />

C’est à cette période qu’il faut rattacher<br />

l’édification du système de fortification du<br />

Chantier II, conservé de manière assez<br />

impressionnante, avec un passage condui-­‐<br />

sant vers l’intérieur du site, à travers un<br />

couloir coudé, protégé par deux tours (fig.4).<br />

6<br />

Beyer 2010, 98-99, notes 5 et 6.<br />

7<br />

Mora 2010, 14 et note 3 pour <strong>le</strong>s références à l’édit du<br />

roi Te<strong>le</strong>pinu.<br />

48<br />

BEYER<br />

Figure 5<br />

La tour Est, récemment dégagée, et proté-­‐<br />

gée provisoirement par un toit de tô<strong>le</strong>s, conserve<br />

une élévation remarquab<strong>le</strong> et de nombreuses<br />

poutres de l’aménagementintérieur (fig.5) 8 .<br />

Figure 6<br />

Sur la pente ouest, nous avons pu montrer<br />

que <strong>le</strong>s murs de la porte, conservés à une hauteur<br />

de 6 mètres, ont été profondément insérés<br />

par <strong>le</strong>s bâtisseurs à l’intérieur du flanc du<br />

site, coupant <strong>le</strong>s bancs de conglomérat à la base<br />

(fig. 6). Les murs, de kerpiç sur soubassement<br />

de pierres, renforcés par des chaînages de<br />

bois et un remplissage de moellons de gypse, ont<br />

été ainsi appliqués contre <strong>le</strong>s deux côtés du<br />

passage 9 .<br />

Les murs de part et d’autre n’appartiennent<br />

pourtant pas à la toute première installation(que<br />

nous appelons Porsuk VI): la porte delaphase<br />

la plus ancienne est située plus à l’intérieur,<br />

au sud de l’espace triangulaire, entre <strong>le</strong>s<br />

murs 4 et 5 du plan, fig. 4.<br />

8<br />

Beyer et al. 2008, 338-344 et 2010, 238-242.<br />

9<br />

Voir en particulier <strong>le</strong> re<strong>le</strong>vé de l’élévation chez Beyer<br />

et al. 2005, 316, fig. 35.


Figure 7<br />

Sans doute à l’origine un passage plus étroit,<br />

élargi par la suite, conduisait-­‐il vers cette<br />

porte. Le système a connu plusieurs<br />

modifications : un mur de briques, sans<br />

doute partiel<strong>le</strong>ment détruit par <strong>le</strong> bulldozer,<br />

a semb<strong>le</strong>-­‐t-­‐il fermé <strong>le</strong> passage et transformé<br />

ce secteur en magasin à jarres (fig. 7) 10 .<br />

Après une destruction vio<strong>le</strong>nte par<br />

incendie, encore mal datée, l’ensemb<strong>le</strong> a été<br />

rebâti, avec une sorte de porche voûté de<br />

kerpiç et un passage à nouveau ouvert. Lors<br />

d’une troisième phase, <strong>le</strong> porche a été à<br />

nouveau bouché par des briques, cette<br />

opération condamnant une nouvel<strong>le</strong> fois,<br />

semb<strong>le</strong>-­‐t-­‐il, l’accès au site par l’Ouest.<br />

L’importance des couches de destruction,<br />

particulièrement spectaculaires, ne facilite<br />

pas la compréhension de l’histoire<br />

comp<strong>le</strong>xe de ce secteur. Sans doute faut-­‐il<br />

comprendre que l’accès principal à la vil<strong>le</strong><br />

antique, durant <strong>le</strong>s différentes périodes,<br />

était sur la pente sud du site, près de la<br />

rivière, à l’emplacement d’une dépression<br />

visib<strong>le</strong> dans la topographie (fig. 3) ? Mais en<br />

l’absence de fouil<strong>le</strong> dans ce secteur, pour <strong>le</strong><br />

moment, on ne peut formu<strong>le</strong>r que des<br />

hypothèses.<br />

Dans <strong>le</strong> chantier IV (fig. 8-9), notre<br />

niveau VI est représenté par quelques<br />

restes de murs, mal conservés, construits<br />

directement sur <strong>le</strong> conglomérat, <strong>le</strong>quel a été<br />

souvent aménagé, coupé, taillé selon <strong>le</strong>s<br />

besoins, comme un sondage récent l’a<br />

montré : ainsi en H42, où deux niveaux du<br />

Bronze Récent ont été identifiés.<br />

10<br />

Dans l’état actuel de la réf<strong>le</strong>xion, c’est l’hypothèse la<br />

plus probab<strong>le</strong>.<br />

PORSUK<br />

Figure 8<br />

Figure 9<br />

À la base, <strong>le</strong> banc de conglomérat a été taillé<br />

sur une profondeur de 1 m pour créer une<br />

sorte de remise à jarres en association avec<br />

une cuve de céramique placée sur une sorte<br />

de plate-­‐forme (fig. 10) 11 .<br />

D’une manière généra<strong>le</strong>, <strong>le</strong> matériel<br />

archéologique appartenant à ce niveau VI<br />

est malheureusement rare. Les résultats <strong>le</strong>s<br />

plus importants proviennent du niveau V,<br />

remontant à la période hittite impéria<strong>le</strong>. La<br />

destruction de ce niveau est en général<br />

attribuée aux événements bien connus de la<br />

fin du 13 e sièc<strong>le</strong> aC, avec l’effondrement de<br />

l’empire, mais certains résultats d’analyses<br />

11 Sur cette situation particulière, et de compréhension<br />

comp<strong>le</strong>xe, voir Beyer et al. 2009, 324-330 (Sondage<br />

stratigraphique H42).<br />

49


C14, par exemp<strong>le</strong>, pourraient suggérer une<br />

date plus reculée.<br />

Figure 10<br />

Sur la pente Est, <strong>le</strong>s vestiges apparaissent<br />

parfois directement sur <strong>le</strong> conglomérat<br />

éga<strong>le</strong>ment, ou sur <strong>le</strong>s restes épars du niveau<br />

VI (fig. 11).<br />

Figure 11<br />

La fouil<strong>le</strong> y a révélé un système de forti-­‐<br />

fication compartimenté à caissons, remplis<br />

de sab<strong>le</strong> et de ga<strong>le</strong>ts de la rivière voisine<br />

(fig. 12). Ce principe est bien attesté dans<br />

l’architecture militaire hittite.<br />

50<br />

BEYER<br />

La ‘pièce hittite’, ainsi appelée lors<br />

des premières campagnes, en K42-­‐L42,<br />

espace spacieux de 7 x 6,5 m, est comprise<br />

dans ce secteur (fig. 12). Peut-­‐être avait-­‐<br />

el<strong>le</strong> été protégée initia<strong>le</strong>ment par un cordon<br />

de caissons disparu dans l’érosion ? Dans la<br />

couche de destruction vio<strong>le</strong>nte, avec<br />

matériel de la phase récente du Bronze<br />

Récent, un fragment de kerpiç a montré <strong>le</strong>s<br />

vestiges de quelques signes hiéroglyphiques<br />

louvites estampés, ce qui pourrait indiquer<br />

la présence toute proche d’un édifice<br />

important 12 .<br />

Figure 12<br />

Au sud-­‐ouest, <strong>le</strong> long de la pente sud, nous<br />

avons dégagé il y a quelques années un<br />

magasin à jarres de stockage (env. 20<br />

jarres) de plus de 14 m de longueur, dont<br />

nous ne connaissons pas encore la limite<br />

ouest (figs. 12-13) 13 . L’ensemb<strong>le</strong> a passa-­‐<br />

b<strong>le</strong>ment souffert de la destruction vio<strong>le</strong>nte<br />

par incendie. Des restes de poutres carbonisées<br />

permettent de suggérer que l’espace était<br />

logiquement couvert. En outre, il est vrai-­‐<br />

semblab<strong>le</strong> que <strong>le</strong> rempart <strong>le</strong> protégeait<br />

éga<strong>le</strong>ment, mais celui-­‐ci aurait entièrement<br />

disparu dans la pente.<br />

Récemment 14 , à l’ouest du caisson 2, en<br />

K41, un sondage étroit a révélé un nouveau<br />

locus avec couche de destruction vio<strong>le</strong>nte<br />

12 Beyer et al. 2005, 311, fig. 28. Les hiéroglyphes ont<br />

été examinés par <strong>le</strong> Prof. René Lebrun, mais<br />

l’inscription est trop lacunaire.<br />

13 Cf. Beyer et al. 2005 ; 2006 et 2007.<br />

14 Beyer et al. 2008, 315 et ss.


du Bronze Récent, quelques jarres vio<strong>le</strong>mment<br />

bousculées et une jarre insérée dans un mur<br />

(figs. 12 et 14). À l’intérieur, 25 litres de<br />

graines d’orge carbonisées ont été re-­‐<br />

cueillies. Faut-­‐il interpréter cette situation<br />

inédite comme un phénomène de dépôt de<br />

fondation ? Les analyses C14 des graines<br />

comme de la couche de destruction voisine<br />

indiquent la période hittite ancienne, donc <strong>le</strong><br />

niveau VI.<br />

Quant à la dendrochronologie, el<strong>le</strong> donne ici<br />

des résultats beaucoup trop reculés, qui<br />

nous mèneraient jusqu’en p<strong>le</strong>ine période<br />

des comptoirs assyriens de Cappadoce.<br />

Nous attendons encore bien des résultats<br />

d’analyse pour y voir clair, la céramique<br />

hittite étant connue pour avoir malheureu-­‐<br />

sement assez peu évolué au cours du<br />

Bronze Récent.<br />

Figure 13<br />

L’âge du Fer<br />

L’une des difficultés qui subsistent à<br />

Porsuk, en dépit du développement des<br />

fouil<strong>le</strong>s récentes, réside dans la datation<br />

précise de la réoccupation du site après la<br />

destruction généra<strong>le</strong> du niveau Hittite V, et<br />

dans l’évaluation de l’importance du hiatus<br />

qui existe entre <strong>le</strong>s deux périodes d’oc-­‐<br />

cupation, <strong>le</strong> Bronze et <strong>le</strong> Fer.<br />

Ici aussi, <strong>le</strong>s attestations concernant <strong>le</strong><br />

niveau de réoccupation (Porsuk IV) sont<br />

limitées aux chantiers II et IV, en périphérie.<br />

La plupart des murs de fortification sont<br />

repris, ou reconstruits sur <strong>le</strong> même plan, en<br />

PORSUK<br />

particulier <strong>le</strong> système compartimenté du<br />

chantier IV.<br />

Figure 14<br />

Des creusements très profonds, par endroits<br />

jusqu’au sol hittite du niveau V, voire du<br />

niveau VI, sont à prendre en compte 15 . Peu<br />

de matériel a été retrouvé en place, dans<br />

des conditions stratigraphiques clairement<br />

établies. La question de l’existence, à Porsuk,<br />

d’une céramique du Fer ancien est encore<br />

débattue 16 . Des liens avec la Cilicie ont été<br />

suggérés, mais il existe encore peu de maté-­‐<br />

riel de comparaison pour l’instant dans<br />

notre région de Cappadoce méridiona<strong>le</strong>.<br />

Les travaux de fouil<strong>le</strong> récents, aussi bien à<br />

l’Est qu’à l’Ouest, ont révélé la présence, sur<br />

<strong>le</strong>s vestiges de la couche de destruction du<br />

Bronze Récent, à des niveaux altimétriques<br />

très variab<strong>le</strong>s, d’une sorte de croûte grisâtre.<br />

D’après Ali Gürel, géologue de l’Université<br />

de Niğde 17 , cette couche résulterait du<br />

dépôt de sels de gypse après la destruction<br />

15 Beyer et al. 2004, fig. 9.<br />

16 Voir en particulier Crespin 1999, 69. Auparavant,<br />

Dupré 1983, Pelon 1991 et 1994.<br />

17 Communication personnel<strong>le</strong> (novembre 2008). Beyer<br />

2010, 101 et note 18.<br />

51


des murs du Bronze Récent et <strong>le</strong>ur abandon<br />

pendant une assez longue période.<br />

Figure 15<br />

Figure 16<br />

Le hiatus semb<strong>le</strong> ainsi assez important. La<br />

destruction du niveau IV pourrait pour sa<br />

part correspondre à l’expédition de<br />

Salmanasar III d’Assyrie vers <strong>le</strong> Mont Tunni<br />

en 837 aC 18 , ou éventuel<strong>le</strong>ment à un autre<br />

événement plus tardif.<br />

Le niveau III paraît plus assuré, malgré un<br />

certain nombre de perturbations. D’épais<br />

murs de pierres de gypse ont été utilisés<br />

dans <strong>le</strong> système des fortifications, à l’Est<br />

comme à l’Ouest. Au chantier II, <strong>le</strong> mur 16,<br />

large de plus de 4 m, qui longe la pente nord<br />

du höyük, appartient à cette phase, au<br />

18 Cf. Dupré 1983, 70 et 127, avec références aux<br />

inscriptions assyriennes en note 78.<br />

52<br />

BEYER<br />

moins pour son état <strong>le</strong> plus ancien, pourvu<br />

d’un chaînage de bois, avec <strong>le</strong>s restes d’une<br />

tour rectangulaire (figs. 4 et 15).<br />

Au chantier IV, <strong>le</strong>s vestiges du<br />

rempart, malgré la forte érosion de la pente<br />

Est, sont encore impressionnants. Dans ce<br />

secteur, près de l’entrée d’une tour, a été<br />

retrouvé l’exceptionnel pithos (figs. 16-17)<br />

avec ses 18 anses et son décor de tête de<br />

taureau, réparé dans l’Antiquité par une<br />

cinquantaine d’agrafes de plomb. Le<br />

caractère militaire de ce secteur des<br />

fortifications se vérifie dans <strong>le</strong> matériel<br />

retrouvé, avec en particulier <strong>le</strong>s restes<br />

d’une cotte d’écail<strong>le</strong>s en fer (fig. 18) 19.<br />

Figure 17<br />

Figure 18<br />

19 Beyer et al. 2007, 296-298. Cette trouvail<strong>le</strong> doit faire<br />

l’objet d’une publication de la part de Fabrice De<br />

Backer.


La céramique montre une appartenance du<br />

niveau III à la période du Fer Moyen à<br />

Récent, avec des parallè<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> plateau, à<br />

Alishar, Kültepe et Maşhat höyük en<br />

particulier, suggérant une datation au 8 e et<br />

7 e s. aC.<br />

L’inscription hiéroglyphique évoquée pré-­‐<br />

cédemment doit appartenir à cette phase de<br />

l’histoire du site, mais nous ignorons sa<br />

provenance précise : quelque part aux<br />

environs de la ‘poterne hittite’ ou à<br />

l’extérieur du site ?<br />

PORSUK<br />

Le dérou<strong>le</strong>ment régulier des fouil<strong>le</strong>s<br />

japonaises de Kaman-­‐Ka<strong>le</strong>höyük devrait<br />

nous fournir davantage de parallè<strong>le</strong>s pour<br />

une étude de la céramique des fouil<strong>le</strong>s<br />

récentes de Porsuk, étude qui reste à faire 20 .<br />

On peut aussi espérer davantage de résultats<br />

stratigraphiques plus solides par une<br />

progression de la fouil<strong>le</strong> vers l’intérieur du<br />

site, dans la zone de l’habitat, encore trop<br />

mal connu. Ceci est vrai pour l’Âge du Fer<br />

comme pour celui du Bronze.<br />

D. Beyer<br />

20<br />

Nous cherchons encore pour cela un spécialiste de la<br />

céramique du Fer.<br />

53


54<br />

BEYER


Bibliographie<br />

PORSUK<br />

Beyer 2010<br />

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rapport sommaire sur la campagne de fouil<strong>le</strong>s de 2005”, Anatolia Antiqua XIV, 205-­‐244.<br />

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sommaire sur la campagne de fouil<strong>le</strong>s de 2006”, Anatolia Antiqua XV, 289-­‐314.<br />

Beyer, D. et al. 2008<br />

Beyer, D. / Chalier, I. / Laroche-­‐Traunecker, F. / Patrier, J. / Tibet, A. (2008), “Zeyve höyük (Porsuk) : rapport<br />

sommaire sur la campagne de fouil<strong>le</strong>s de 2007”, Anatolia Antiqua XVI, 313-­‐344.<br />

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Coindoz, M. (1991), “Cappadoce méridiona<strong>le</strong>: <strong>le</strong> site de Porsuk et <strong>le</strong>s voies de communication entre la Tyanitide et<br />

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M.E. Balza / Cl. Mora (éds.), Geo-Archaeological Activities in Southern Cappadocia-Turkey [Studia Mediterranea 22],<br />

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Cappadoce méridiona<strong>le</strong> jusqu’à la fin de l’époque romaine. Etat des recherches. Actes du colloque d’Istanbul (<strong>IFEA</strong>),<br />

13-14 avril 1987, Paris, 15-­‐18.<br />

55


56<br />

BEYER<br />

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/ D.H. French (éds.), Anatolian Iron Ages 3. Proceedings of the Third Anatolian Iron Ages Colloquium, Ankara, 157-­‐<br />

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Pelon 2005<br />

Pelon, O. (2005), “Une fouil<strong>le</strong> hittite au pied du Taurus”, in : Archéologies, vingt ans de recherches françaises dans <strong>le</strong><br />

monde, Paris, 198-­‐201.<br />

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Pelon, O. / Kuzucuoğlu, C. (1999), “Le site de Porsuk et <strong>le</strong>s mines de Bulgarmaden”, in : Mélanges C. Domergue<br />

[Pallas 50], 419-­‐435.


DU BRONZE AU FER : LA TRANSITION ENTRE DEUX<br />

METALLURGIES DANS LES CIVILISATIONS ANTIQUES D'ANATOLIE,<br />

L’EXPERIMENTATION COMME MOYEN D’ACQUISITION 1<br />

Nicolas Gailhard<br />

nicogailhard@hotmail.com<br />

Résumé : Sous l'influence de l’approche cognitive, nous allons présenter nos travaux expérimentaux sur la<br />

transition entre <strong>le</strong>s métallurgies du bronze et du fer en Anatolie antique. Ce travail est replacé dans <strong>le</strong> contexte<br />

archéologie grâce à l'analyse de la production et des fonctions des fours dédiés à la métallurgie. Cet artic<strong>le</strong> tente<br />

d'apporter un regard différent sur la coexistence entres <strong>le</strong>s objets en bronze et ceux en fer apparus à la fin du 3 e<br />

millénaire. Nous essaierons de répondre à certaines questions tel<strong>le</strong>s que : comment comprendre <strong>le</strong>s compétences<br />

des travail<strong>le</strong>urs de la métallurgie en Anatolie ? Quel<strong>le</strong> est la relation entre métallurgistes du bronze et du fer ?<br />

Quel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s compétences développées par ces premiers métallurgistes du fer en Anatolie ?<br />

L'apparition du fer dans <strong>le</strong> contexte anatolien est tout sauf une surprise compte tenu de la parfaite connaissance<br />

de la métallurgie du bronze. En outre, nous allons tenter de démontrer que <strong>le</strong> développement des techniques de<br />

transformation des minerais de fer n’a pu qu’intervenir dans un contexte de spécialisation important, ces<br />

spécialistes entretenant surement un rapport étroit avec la métallurgie du cuivre.<br />

Pour aider à la démonstration, nous avons choisi trois thèmes principaux illustrant notre démarche:<br />

• L'origine du fer et la relation avec <strong>le</strong> bronze et <strong>le</strong> cuivre;<br />

• Four et atelier: évidences archéologiques et <strong>le</strong>ur interprétation grâce à l’archéologie expérimenta<strong>le</strong>;<br />

• Tracéologie et compréhension des températures, éléments clés de la métallurgie.<br />

En conclusion, la transition entre la métallurgie du bronze et cel<strong>le</strong> du fer est clairement attestée durant l'Âge du<br />

Bronze. Plusieurs facteurs peuvent expliquer <strong>le</strong> passÂge progressif d'une technique à l'autre. Nous nous sommes<br />

particulièrement intéressés à la relation entre <strong>le</strong>s minerais de cuivre et de ceux de fer. Nous avons aussi examiné <strong>le</strong><br />

rô<strong>le</strong> qu’ont joué <strong>le</strong>s flux à forte concentration de fer dans la réduction du minerai de cuivre (par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> sab<strong>le</strong><br />

noir de la Mer Noire). Si <strong>le</strong> développement de ces technologies a lieu principa<strong>le</strong>ment durant l’Âge du Bronze, c’est<br />

bien <strong>le</strong> début de l'Âge du Fer Moyen qui doit être considéré comme la période où <strong>le</strong>s objets du quotidien ont été<br />

fabriqués à partir de fer. Notre approche tente une voie différente pour étudier l'histoire de la métallurgie et<br />

permet de démontrer comment ces hommes sont extrêmement compétents et spécialisés. En fait, une technologie<br />

traitant de tel<strong>le</strong>s masses de matières premières ne peut être individuel<strong>le</strong>, mais au contraire <strong>le</strong> fait d'une équipe<br />

dont <strong>le</strong> langage corporel et la communication sont synchronisés par <strong>le</strong> rythme de la structure en cours de<br />

fonctionnement. Et si <strong>le</strong>s différences entre <strong>le</strong>s métallurgies du Bronze et du Fer existent, ces métallurgistes ont la<br />

même sensibilité et la même conception dans <strong>le</strong>ur approche des matériaux.<br />

Mots clés : âge du bronze, âge du fer, métallurgie, fer, archéologie des techniques, archéologie expérimenta<strong>le</strong>,<br />

Anatolie<br />

Abstract: Under the influence of cognitive approaches, an experimental perspective on the transition between<br />

Bronze and Iron Metallurgies in Ancient Anatolia is being replaced in archaeology by the analysis of the<br />

production and function of metal furnaces. This paper tries to provide a different look about the coexistence of<br />

bronze objects after the appearance of iron objects at the end of the 3 rd mil<strong>le</strong>nnium BC. We try to answer to some<br />

questions such as: how to understand the skills of the metalworkers in Anatolia? Can we observe some differences<br />

between Bronze and Iron metalworkers? What are the skills developed by these early iron metalworkers in<br />

Anatolia?<br />

It may be hypothesized that the appearance of iron in the Anatolian context is everything except a surprise in view<br />

of the perfect know<strong>le</strong>dge of bronze metallurgy. In addition, we will attempt to show that the development of<br />

techniques of transformation of iron ores could be done only by specialists.<br />

To demonstrate this, we have chosen three main themes illustrating our approach:<br />

• The origin of the iron and the relation with the bronze and copper;<br />

1 Je tiens ici à souligner l’immense aide de Philipe Andrieux sans qui rien n’aurait été possib<strong>le</strong> et la mémoire d’Alberto<br />

Palmieri qui m’a beaucoup aidé et à qui je dédie ce travail.


58<br />

GAILHARD<br />

• Furnace and workshop: archaeological evidences and experimental interpretation;<br />

• Traceology and understanding of temperatures, key e<strong>le</strong>ments of the metallurgy.<br />

As a result, it appears that this transition between Bronze and Iron metallurgies is established during the Bronze<br />

Age. Several factors may explain the gradual shift from one technique to another. We are particularly interested in<br />

the relationship between copper ores and those of iron. We will see the ro<strong>le</strong> that flows with a high concentration of<br />

iron can have in the reduction of copper ore (as in black sand of the Black Sea). Iron-­‐working technology was<br />

therefore developing during most of the Bronze Age, but the beginning of the Midd<strong>le</strong> Iron age should properly be<br />

drawn at the time when everyday objects were mostly made from iron. In this paper I will try to show how we can<br />

study the history of metalworkers and see how these men are highly specialized. In fact, a technology dealing with<br />

such masses of material cannot be individual, but on the contrary the fact of a team whose body language and<br />

communication are synchronized by the rhythm of the structure during operation. And if differences exist<br />

between Bronze and Iron, metalwork’s have the same sensibility and conception of roots materials.<br />

Keywords: Bronze Age, Iron Age, metallurgy, iron, archaeology of technics, experimental archaeology, Anatolia


Figure 1 : Logo des Journées de l’Archéologie Expérimenta<strong>le</strong><br />

Introduction<br />

et artic<strong>le</strong> concerne l’archéologiedes techniques. Il se concentre sur <strong>le</strong><br />

travail du métal en Anatolie et en<br />

Transcaucasie entre <strong>le</strong> 3e et <strong>le</strong> 2e millénaire<br />

aC. Il se situe à la croisée de plusieurs<br />

disciplines : archéologie, histoire des tech-­‐<br />

niques, expérimentation archéologique, voire<br />

ethnologie. Dans <strong>le</strong> cadre des Premières<br />

Rencontres d’Archéologie organisées par<br />

l’<strong>IFEA</strong>, nous avons abordé <strong>le</strong>s principaux<br />

objectifs d’un projet de recherche déve-­‐<br />

loppé depuis plusieurs mois, <strong>le</strong>s premiers<br />

travaux réalisés durant l’été 2010 à la<br />

Gümüslük Académie ont permis de faire <strong>le</strong><br />

point sur l’origine de la métallurgie du fer<br />

en Anatolie.<br />

Cette série d’expérimentations (Eski<br />

Anadolu’da ‘Ateş Sanatları’, 6 bin yıl önceki<br />

bir an, Ateş, metal, insan...) 2 C<br />

, financées dans<br />

<strong>le</strong> cadre d’un projet Tübitak, a permis la<br />

réalisation de douze fours métallurgiques<br />

(quatre fours de réduction de minerai fer,<br />

quatre de réduction de minerai de cuivreet quatre foyers pour réaliser des coulées de<br />

bronze) (figs. 1-2). Plus de vingt étudiants<br />

2 İlki düzen<strong>le</strong>necek “Eğitim ve Uygulamaya Yönelik<br />

Arkeolojik Eğitim Projesi” TÜBİTAK Doğa Eğitimi ve<br />

Bilim Okulları 2010 kapsamında destek<strong>le</strong>nmektedir.<br />

Eğitim, Nicolas Gailhard (Dr. Sorbonne Panteon1<br />

Üniversitesi) ve Dr. Philippe Andrieux (Sorbonne<br />

Panteon1 Üniversitesi) eşliğinde, Gaziantep<br />

Üniversitesinden Arş. Gör. Çağrı Murat TARHAN<br />

tarafından yürütü<strong>le</strong>cektir. Proje Ege, Dokuz Eylül<br />

Üniversitesite<strong>le</strong>ri ve Gümüşlük Akademisi Vakfı<br />

işbirliğınde gerçek<strong>le</strong>şecektir.<br />

DU BRONZE AU FER<br />

ont été mobilisés : ils ont fabriqué plus de<br />

2000 briques d’argi<strong>le</strong>, manipulé plus de 400<br />

kg de minerai et 3 tonnes de charbon de<br />

bois.<br />

Figure 2 : Affiche du Eski Anadolu’da Ateş Sanatları<br />

L’importance et l’actualité de cette<br />

recherche<br />

Pourquoi est-­‐il intéressant de<br />

commencer une tel<strong>le</strong> recherche dans <strong>le</strong><br />

contexte anatolien ?<br />

Tout d’abord, son intérêt scientifique est<br />

illustré par <strong>le</strong> nombre important des<br />

découvertes d’objets métalliques en bronze<br />

ou en fer, jouant un rô<strong>le</strong> comme biens de<br />

prestige ou outils utilitaires. Depuis<br />

plusieurs années, des publications récentes<br />

présentent ces recherches surtout d’un<br />

point de vue typologique ou contextuel.<br />

Il me semb<strong>le</strong> que l’approche la plus commu-­‐<br />

nément adoptée consiste à se focaliser sur<br />

l’objet fini tandis que <strong>le</strong> phénomène<br />

technique, plus diffici<strong>le</strong> à cerner, est plus ou<br />

moins éludé ou traité par des méthodes<br />

archéométriques modernes (analyses phy-­‐<br />

sico-­‐chimique, nucléaire, isotopique, etc.).<br />

59


Que dire alors de la transition entre la<br />

métallurgie du bronze et cel<strong>le</strong> du fer qui est<br />

encore mal identifiée d’un point de vue<br />

technique ? Cette évidence m’est apparue<br />

suite aux recherches réalisées dans <strong>le</strong> cadre<br />

de mon doctorat sur l’origine de la mé-­‐<br />

tallurgie du cuivre au Moyen-­‐Orient ancien 3 .<br />

Les trois thèmes principaux<br />

De nouvel<strong>le</strong>s interrogations ont été<br />

sou<strong>le</strong>vées sur la fin du 3 e millénaire et la<br />

coexistence d’objets en bronze après l’appa-­‐<br />

rition des objets en fer. Pour <strong>le</strong>s illustrer,<br />

nous avons choisi de traiter trois thèmes<br />

définissant notre démarche:<br />

• L'origine du fer et la relation avec <strong>le</strong><br />

bronze et <strong>le</strong> cuivre ;<br />

• Four et atelier : évidences archéo-­‐<br />

logiques et <strong>le</strong>ur interprétation grâce<br />

à l’archéologie expérimenta<strong>le</strong> ;<br />

• Tracéologie et compréhension des<br />

températures, éléments clés de la<br />

métallurgie.<br />

L'apparition du fer dans <strong>le</strong> contexte<br />

anatolien est tout sauf une surprise compte<br />

tenu de la parfaite connaissance de la<br />

métallurgie du bronze. En outre, nous allons<br />

tenter de démontrer que <strong>le</strong> développement<br />

des techniques de transformation des mine-­‐<br />

rais de fer n’a pu qu’intervenir dans un<br />

contexte de spécialisation important, ces<br />

spécialistes entretenant surement un<br />

rapport étroit avec la métallurgie du cuivre.<br />

Nous avons affaire à des personnes<br />

hautement qualifiées et hautement<br />

organisées qui disposent de multip<strong>le</strong>s<br />

compétences (connaissances des minerais,<br />

du feu, des matériaux comme <strong>le</strong> bois, l'argi<strong>le</strong><br />

et <strong>le</strong> sab<strong>le</strong> ainsi que <strong>le</strong>s propriétés de<br />

certaines plantes...) et ont une parfaite<br />

maîtrise des sensations autour d'eux lors de<br />

la réduction des minerais, de la coulée de<br />

bronze et du martelage du fer. Les cinq<br />

sens sont véritab<strong>le</strong>ment utilisés comme des<br />

outils de maîtrise technique.<br />

3 Gailhard 2009.<br />

60<br />

GAILHARD<br />

Le travail expérimental pour<br />

apprendre <strong>le</strong>s techniques anciennes<br />

Nous allons montrer comment à partir<br />

des témoins archéologiques, nous pouvons<br />

réaliser une série de travaux expérimentaux<br />

pour mieux comprendre <strong>le</strong>s techniques<br />

anciennes. Le but est d'avoir une meil<strong>le</strong>ure<br />

connaissance non seu<strong>le</strong>ment de la métallur-­‐<br />

gie du fer, mais aussi de connaître l'autre :<br />

ce métallurgiste antique.<br />

Les archéologues étudient fréquemment <strong>le</strong>s<br />

systèmes et <strong>le</strong>s produits technologiques des<br />

populations du passé pour comprendre <strong>le</strong>ur<br />

production, <strong>le</strong>s innovations réalisées ou<br />

l'économie de ces groupes. Ils utilisent aussi<br />

<strong>le</strong>s découvertes matériel<strong>le</strong>s comp<strong>le</strong>xes<br />

comme des marqueurs ethniques ou des<br />

indicateurs d'horizons chronologiques<br />

(céramiques, objets en métal). Mais<br />

l'information sur la façon dont ils ont été<br />

produits est souvent absente ou limitée à<br />

des caractéristiques <strong>le</strong>s plus superficiel<strong>le</strong>s<br />

des pièces. C'est pourquoi, l'objet de cet<br />

artic<strong>le</strong> est de décrire quelques-­‐unes des<br />

caractéristiques organisationnel<strong>le</strong>s de<br />

l'ensemb<strong>le</strong> des connaissances utilisées par<br />

<strong>le</strong>s artisans, surtout des métallurgistes et<br />

forgerons, qui travail<strong>le</strong>nt avec <strong>le</strong>s<br />

paramètres non-­‐industriels.<br />

Pourquoi nous sommes nous intéressés<br />

à la relation entre la culture matériel<strong>le</strong> et “la<br />

pensée antique” pour prendre l'expression<br />

de Colin Renfrew 4 ? Cette approche ‘cog-­‐<br />

nitive’ de l'étude du travail du fer peut être<br />

résumée par cette question : “Comment<br />

connaissez-­‐vous ce que vous connaissez ?”,<br />

afin de produire un outil en fer ; ou encore :<br />

“Quel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s exigences que doit pos-­‐<br />

séder une personne pour passer de la ma-­‐<br />

tière première –<strong>le</strong> minerai– à l'objet fini ?”.<br />

Si l'on examine <strong>le</strong>s rapports de fouil<strong>le</strong>s d'un<br />

atelier métallurgique ancien, nous dis-­‐<br />

tinguons parfois des traces de four, des<br />

tuyères et des scories. Nous entendons uti-­‐<br />

liser une méthodologie pour appréhender<br />

cet atelier non pas comme une structure<br />

4 Renfrew/Zubrow 1994.


statique abandonnée à un temps x, mais<br />

plutôt pour l’observer en mouvement et en<br />

fonctionnement afin de <strong>le</strong> comprendre dans<br />

sa globalité. Pour ces raisons, nous avons<br />

décidé d'utiliser l'archéologie expérimen-­‐<br />

ta<strong>le</strong> pour l'étude des techniques anciennes.<br />

La relation entre <strong>le</strong> cuivre, <strong>le</strong> bronze<br />

et <strong>le</strong> fer<br />

Figure 3 : Atelier du bronzier (Photo B. Başaran)<br />

Mais avant d’explorer plus en détail<br />

l’utilisation de ces outils de maîtrise tech-­‐<br />

nique si particuliers, nous devons revenir<br />

sur <strong>le</strong> travail expérimental. Il permet<br />

d’illustrer <strong>le</strong> fonctionnement d'un atelier<br />

métallurgique et de mettre en évidence <strong>le</strong>s<br />

différences et <strong>le</strong>s points communs entre la<br />

fonte du cuivre et du bronze d’une part et la<br />

fonte du fer d’autre part (figs. 3-4).<br />

Figure 4 : Atelier de réduction du fer (Photo B. Başaran)<br />

Sur la figure 3, on découvre une reconsti-­‐<br />

tution d'un atelier pour réduire <strong>le</strong> minerai<br />

de cuivre et cou<strong>le</strong>r des objets en bronze.<br />

Vous pouvez voir en haut, une étuve per-­‐<br />

mettant de préparer des mou<strong>le</strong>s, de cuire<br />

<strong>le</strong>s creusets et <strong>le</strong>s tuyères. Au second plan,<br />

on distingue quatre fours pour réduire <strong>le</strong><br />

DU BRONZE AU FER<br />

minerai de cuivre. Au premier plan, ce sont<br />

quatre foyers permettant la fonte du bronze<br />

en creuset pour réaliser des coulées en<br />

mou<strong>le</strong>s. On observe ici quelques creusets en<br />

face des foyers.<br />

Pour démarrer <strong>le</strong> processus concernant<br />

la fabrication d’objets en bronze, il est<br />

nécessaire de disposer de minerais de<br />

cuivre. Dans <strong>le</strong> cadre des Journées<br />

d’expérimentation archéologiques à Gümüsluk,<br />

nous avons utilisé de la chalcopyrite<br />

provenant de la mine de Çayelin dans <strong>le</strong><br />

Nord de la Turquie (figs. 5-6). Deux autres<br />

objets sont essentiels pour la production<br />

métallurgique du bronze : <strong>le</strong> creuset(fig. 7) et<br />

latuyère(fig.8) 5 .<br />

Figure 5 : Malachite de la<br />

région de Keban (Photos A.<br />

Palmieri)<br />

Figure 6 : Chalcopyrite<br />

de la région de Keban<br />

(Photos A. Palmieri)<br />

Les tuyères sont éga<strong>le</strong>ment utilisées dans la<br />

réduction du fer, mais el<strong>le</strong>s ont alors une<br />

tail<strong>le</strong> différente. Le type de creuset à poi-­‐<br />

gnée p<strong>le</strong>ine a été à cette occasion testé pour<br />

la première fois. Il a parfaitement répondu à<br />

nos attentes. Nous en avons utilisé certains<br />

pour trois ou quatre coulées successives.<br />

Ces creusets datent, suivant <strong>le</strong>s sites, du<br />

début ou de la seconde moitié du 3 e millé-­‐<br />

naire 6 .<br />

Figure 7 : Creusets que l'on trouve à Troy, Khizanaant, Gora et<br />

Norsuntepe (Photo B. Başaran)<br />

5 Respectivement Pizchelauri 2002, 102 ; Mül<strong>le</strong>r-Karpe<br />

1994, 28-29 et Gailhard 2009, 73; Kavtaradze 1999, 75.<br />

6 Gailhard 2009, 93-94, annexe 69 et<br />

Pizchelauri/Pizchelauri 2002, 102.<br />

61


Enfin, <strong>le</strong> mou<strong>le</strong>, objet nécessaire lors de la<br />

dernière phase, cel<strong>le</strong> de la coulée, a pu pren-­‐<br />

dre différentes formes : cel<strong>le</strong> par exemp<strong>le</strong><br />

d’un mou<strong>le</strong> bivalve en pierre ou de mou<strong>le</strong>s à<br />

cire perdue en argi<strong>le</strong> qui sont ensuite<br />

détruits pour extraire l’objet coulé (figs. 9-<br />

10).<br />

Figure 8 : Tuyère réalisée pour l’expérimentation (Photo B.<br />

Başaran)<br />

Une simp<strong>le</strong> constatation pour illustrer <strong>le</strong>s<br />

difficultés que rencontre l’expérimentateur<br />

face à la découverte archéologique: <strong>le</strong><br />

mou<strong>le</strong> en pierre pose réel<strong>le</strong>ment un pro-­‐<br />

blème car nous ne sommes pas sûrs qu’il<br />

serve à la coulée d’un objet comme ici une<br />

tête de hache. En effet, certains éléments<br />

techniques indispensab<strong>le</strong>s ne sont pas<br />

réunis pour que l’objet puisse être fondu.<br />

Un manque d’étanchéité flagrant pour <strong>le</strong>s<br />

modè<strong>le</strong>s bivalves, un mauvais refroi-­‐<br />

dissement et/ou répartition des gaz dans un<br />

mou<strong>le</strong> ouvert, une absence de traces de<br />

coulée <strong>le</strong> plus souvent. C’est pourquoi il<br />

semb<strong>le</strong>rait plus logique de penser à des<br />

mou<strong>le</strong>s pour réaliser des empreintes pour<br />

ensuite réaliser <strong>le</strong> mou<strong>le</strong> en argi<strong>le</strong>.<br />

Figure 9 : Mou<strong>le</strong> bivalve (Photo Ph. Andrieux)<br />

62<br />

GAILHARD<br />

Néanmoins, d’autres expérimentations plus<br />

spécifiques sur ce types de mou<strong>le</strong>s doivent<br />

être conduits. La solution consisterait peut-­‐<br />

être à enterrer <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s bivalves en pierre<br />

pour en assurer l’étanchéité et <strong>le</strong> bon refroi-­‐<br />

dissement.<br />

Figure 10 : Réalisation de mou<strong>le</strong>s à la cire perdue (Photo B.<br />

Başaran)<br />

Une des grandes différences entre la<br />

production d’objets en bronze et en fer<br />

réside dans <strong>le</strong> processus en deux étapes<br />

bien différentes suivant la matière pre-­‐<br />

mière. La première étape est commune aux<br />

deux types de minerais : il s’agit de la réduc-­‐<br />

tion pour extraire <strong>le</strong> maximum d’impureté<br />

du minerai de cuivre ou de fer. Pour cela<br />

nous avons besoin d’une projection d'air<br />

artificiel<strong>le</strong> à l'intérieur du four pour obtenir<br />

<strong>le</strong>s 1200 °C nécessaires afin de réduire <strong>le</strong><br />

minerai de cuivre. Pour nous, el<strong>le</strong> a pris la<br />

forme de deux souff<strong>le</strong>ts en cuir. Pour <strong>le</strong> fer,<br />

<strong>le</strong>s températures encore plus é<strong>le</strong>vées seront<br />

nécessaires.<br />

Figure 11 : Ajout d’étain et de cuivre dans <strong>le</strong> creuset pour<br />

réaliser un bronze (Photo B. Başaran)


La différentiation entre <strong>le</strong>s techniques<br />

intervient une fois cette réduction obtenue :<br />

<strong>le</strong>s processus sont radica<strong>le</strong>ment différents<br />

suivant que l’on a réduit du minerai de<br />

cuivre ou de fer. En effet, <strong>le</strong> cuivre pur ou<br />

associé à l’arsenic ou à l’étain (natu-­‐<br />

rel<strong>le</strong>ment ou intentionnel<strong>le</strong>ment) peut<br />

fondre et donc être moulé (fig. 11). Le fer<br />

réduit ne peut fondre et doit être martelé à<br />

chaud pour former des objets. Nous<br />

approchons ici de l’étape décisive qui a dû<br />

être franchie au moment de la transition<br />

bronze/fer. Dans un cas, la fusion du cuivre<br />

mélangé à l'étain pur ou à de l'arsenic<br />

permet de produire des objets en bronze,<br />

comme on <strong>le</strong> voit dans la figure 11, mon-­‐<br />

trant la charge du creuset en cuivre et étain.<br />

Figure 12 : Deux poignards en bronze réalisés durant des<br />

expérimentations (Photo Ph. Andrieux)<br />

Figure 13 : Poignard<br />

trouvé à Amasya durant<br />

la période hittite<br />

impéria<strong>le</strong> (14e-13e s.<br />

aC) (D’après Bilgi 2004)<br />

7 Bilgi 2004, 75-90.<br />

La figure 12 montre, à<br />

gauche, l'objet juste<br />

après l’ouverture du<br />

mou<strong>le</strong> et à droite, ce petit<br />

poignard propre et prêt à<br />

l'emploi. Il est possib<strong>le</strong> de<br />

comparer cet objet avec<br />

par exemp<strong>le</strong> un poignard<br />

trouvé à Amasya durant<br />

la période hittite<br />

impéria<strong>le</strong> (14 e -­‐13 e s. aC)<br />

(fig. 13) 7 .<br />

Dans un atelier<br />

permettant la réduction<br />

de minerai de fer <strong>le</strong>s<br />

fours sont différents,<br />

beaucoup plus grands<br />

que ceux utilisés pour<br />

DU BRONZE AU FER<br />

réduire <strong>le</strong> minerai de cuivre. Ici, la<br />

température doit être d'environ 1400°C.<br />

C'est pourquoi il est nécessaire de pouvoir<br />

bénéficier d'une longue colonne d'air (fig.<br />

14). Les fours que nous avons construits<br />

mesurent environ 1,50 m, mais comparés<br />

par exemp<strong>le</strong> avec des fours de la région de<br />

Bas-­‐sari au Sénégal (fig. 15), ils sont bien<br />

plus petits 8 .<br />

Figure 14 : Quatre bas-fourneaux expérimentaux réalisés dans<br />

<strong>le</strong> cadre de Eski Anadolu’da Ateş Sanatları pour produire du fer<br />

(Photo B. Başaran)<br />

À la fin du processus de réduction de<br />

minerai de fer, comme de l’hématite, on<br />

obtient une masse solide de fer comprenant<br />

des impuretés. Nous appelons cette masse<br />

un massiot ou bloom en anglais. Le fer n'est<br />

pas fondu, c’est une masse spongieuse de<br />

métal dense qu'il faut alors marte<strong>le</strong>r à<br />

chaud pour forger un objet.<br />

Figure 15 : Fours de la région de Bassari au Sénégal (D’après<br />

Herbert 1994)<br />

Deux métallurgies différentes ?<br />

Il semb<strong>le</strong> donc qu'il existe deux<br />

processus différents pour <strong>le</strong>squels on<br />

remarque que :<br />

8 Herbert 1994.<br />

63


-­‐ Il est beaucoup plus diffici<strong>le</strong> de<br />

fondre <strong>le</strong> fer que <strong>le</strong> cuivre. Et <strong>le</strong>s minerais<br />

de fer sont beaucoup plus faci<strong>le</strong>s à trouver.<br />

-­‐ Le fer est, à la fin du processus,<br />

encore solide alors que <strong>le</strong> cuivre et <strong>le</strong><br />

bronze fondent avant d’être coulés.<br />

-­‐ Néanmoins, de nombreux outils de<br />

l'âge de fer ont été façonnés en fer forgé. Le<br />

fer forgé est moins solide que <strong>le</strong> bronze ;<br />

mais parce qu'il était moins coûteux et plus<br />

faci<strong>le</strong> à réaliser, il a été malgré tout utilisé.<br />

-­‐ Les meil<strong>le</strong>urs outils ont été réalisés<br />

en acier, un alliage composé de fer avec une<br />

teneur en carbone comprise entre 0,02% et<br />

1,7%. Les armes et <strong>le</strong>s outils en acier ont à<br />

peu près <strong>le</strong> même poids que ceux en bronze,<br />

mais sont beaucoup plus résistants.<br />

-­‐ La production de fer nécessite plus<br />

de temps et de combustib<strong>le</strong> que la produc-­‐<br />

tion de bronze.<br />

C'est pourquoi il semb<strong>le</strong> important d’étu-­‐<br />

dier en parallè<strong>le</strong> ces deux techniques métal-­‐<br />

lurgiques.<br />

Hypothèses concernant la découverte<br />

du fer en Anatolie<br />

En considérant <strong>le</strong> développement<br />

possib<strong>le</strong> de la métallurgie du fer en Ana-­‐<br />

tolie, nous pouvons faire quelques obser-­‐<br />

vations. L'origine des premiers objets en fer<br />

peut être recherchée en corrélation à<br />

l’exploitation de plus en plus comp<strong>le</strong>xe des<br />

mines de cuivre. De nombreux minerais de<br />

cuivre ont des compositions variées<br />

contenant souvent du fer sous différentes<br />

formes. Produire du cuivre à partir de ces<br />

types de minerais avec une température<br />

é<strong>le</strong>vée peut, à côté de la production de<br />

cuivre, créer une petite quantité de fer. C'est<br />

pourquoi, certains spécialistes proposent<br />

que <strong>le</strong> fer ait pu apparaître comme une<br />

production accidentel<strong>le</strong> pendant <strong>le</strong> proces-­‐<br />

sus de fonte du cuivre ou du plomb 9 .<br />

9 Wertime 1973 ; Muhly 1988.<br />

64<br />

GAILHARD<br />

Un forgeron habi<strong>le</strong> ou expérimenté aurait<br />

reconnu <strong>le</strong> métal comme étant du fer, mais<br />

l'abondance des scories aurait certainement<br />

freiné son extraction.<br />

Figure 16 : Extraction d’une masse de fer résultant d'une<br />

réduction de chalcopyrite (Photo Ph. Andrieux)<br />

La percée décisive semb<strong>le</strong> intervenir lors-­‐<br />

que fut prise la décision de marte<strong>le</strong>r à chaud<br />

la scorie qui sort juste du four.<br />

La figure 16 montre une masse résultant<br />

d'une réduction de minerai de cuivre avec<br />

un niveau é<strong>le</strong>vé de fer (entre 25 à 45% de<br />

fer). Le four expérimental utilisé dans ce cas<br />

a été réalisé après examen des fouil<strong>le</strong>s de<br />

Değirmentepe, où un atelier métallurgique a<br />

été fouillé dans <strong>le</strong>s années 1980 10 . Pour<br />

notre série d’expérimentations, nous avons<br />

pu nous procurer un minerai de chalco-­‐<br />

pyrite (CuFeS2) provenant d'Ergani-­‐Maden<br />

près de Malatya 11 .<br />

Durant l'âge du bronze, une augmen-­‐<br />

tation de la demande d’objets en bronze<br />

nécessitant des expériences de fusion avec<br />

<strong>le</strong>s minerais impurs a pu se produire. Il<br />

10 Esin 1983.<br />

11 Ce minerai avait été col<strong>le</strong>cté par Alberto Palmieri et<br />

Ufuk Esin dans <strong>le</strong>s années 90. Il m’a été gracieusement<br />

offert pour cette série d’expérimentations réalisées en<br />

2003 dans <strong>le</strong> cadre d’une collaboration entre l’UMR<br />

7041 « ArScAn- Du village à l’Etat au Proche et<br />

Moyen-Orient », <strong>le</strong> «laboratoire d’archéologie du Valde-Marne<br />

» en la personne de son directeur M. Philippe<br />

Andrieux et « l’Istituto per <strong>le</strong> Tecnologie applicate ai<br />

Beni Culturali C.N.R. » de Rome représenté par M.<br />

Alberto Palmieri.


s'ensuivit une utilisation croissante de<br />

minerais contenant un fondant (comme<br />

peut l’être la chalcopyrite) ou l'ajout direct<br />

de fondants dans la charge du four pour<br />

en<strong>le</strong>ver <strong>le</strong>s impuretés. Cela a entraîné une<br />

production accidentel<strong>le</strong> d’un sous-­‐produit :<br />

<strong>le</strong> fer. C’est lorsque <strong>le</strong>s métallurgistes ont<br />

commencé à traiter <strong>le</strong>s sulfures de cuivre à<br />

forte teneur en fer comme la chalcopyrite<br />

d'Ergani-­‐Maden ou à ajouter des fondants<br />

contenant du fer dans <strong>le</strong>urs fours que cette<br />

découverte est intervenue.<br />

Certains de ces minéraux riches en cuivre,<br />

mais aussi en fer, ont été trouvés dans des<br />

contextes de production : à Chypre durant<br />

l'Âge du Bronze 12 ; à Timna, <strong>le</strong>s connexions<br />

entre la métallurgie du cuivre et du fer sont<br />

certifiés 13 ; un creuset du niveau VIb2<br />

d'Arslantepe a été associé à du minerai de<br />

chalco-­‐pyrite 14 ; à Metsamor (Arménie)<br />

vingt fours datant du 8 e ou 7 e sièc<strong>le</strong>s aC ont<br />

été identifiés et associés à la métallurgie du<br />

cuivre et du fer 15 ; <strong>le</strong> site de Gümüslük Eski<br />

Madenlik Mevki montre des traces de<br />

brûlure caractéristique d’une masse de fer<br />

mélan-­‐gée à des scories datées du 2 e sièc<strong>le</strong><br />

aC 16 .<br />

Une autre hypothèse concernant la<br />

réduction des minerais de fer se fonde sur<br />

l'utilisation de sab<strong>le</strong>s noirs riches en oxyde<br />

de fer contenant de la magnétite. On <strong>le</strong>s<br />

trouve tout au long de la côte sud de la mer<br />

Noire et d’autres régions d'Anatolie 17 .<br />

D’abord utilisé comme un fondant facilitant<br />

la fusion du cuivre, ils ont ensuite constitué<br />

la matière première pour produire du fer,<br />

comme Théophraste <strong>le</strong> mentionne vers 300<br />

aC 18 . Son compte-­‐rendu a été écrit plusieurs<br />

12 Mc. Conchie 2004, 48.<br />

13 Rothenberg 1988, 189 ; Ga<strong>le</strong> et al. 1990, 183-189,<br />

Tab<strong>le</strong> 1, Graph 1.<br />

14 Palmieri/Di Nocera 1999, 182.<br />

15 Pigott 1981, 75 ; Mkrtchian et al. 1968, 207.<br />

16 Kaptan 1986, 25.<br />

17 Il est attesté sur <strong>le</strong> site de Tell Atchana/Alalakh<br />

provenant d’une rivière proche. Communication<br />

personnel<strong>le</strong> de Mara Horowitz et K. Aslıhan Yener.<br />

18 Théophraste « On stones », 53-54. Il fut <strong>le</strong> successeur<br />

d'Aristote dans l'éco<strong>le</strong> péripatétique. Nous possédons de<br />

lui un traité sur <strong>le</strong>s pierres, dans laquel<strong>le</strong> Théophraste<br />

classe <strong>le</strong>s pierres en fonction de <strong>le</strong>ur comportement<br />

DU BRONZE AU FER<br />

sièc<strong>le</strong>s après la première introduction du<br />

fer en Anatolie, mais il peut refléter une<br />

tradition beaucoup plus ancienne.<br />

Les analyses réalisées sur ce sab<strong>le</strong> noir<br />

indiquent que <strong>le</strong> contenu d'hématite est<br />

d'environ 15 à 16%. C'est donc une bonne<br />

source de fer, qui nécessite une tempé-­‐<br />

rature comprise entre 1200 et 1300°C pour<br />

que la réduction soit réussie. Ces va<strong>le</strong>urs<br />

sont tout à fait comparab<strong>le</strong>s à la tem-­‐<br />

pérature de fusion du minerai de cuivre 19 .<br />

Plusieurs sites archéologiques de la<br />

région de la Mer Noire, en Turquie ou en<br />

Géorgie occidenta<strong>le</strong>, attestent d’une activité<br />

de réduction de fer. Ils ont pu utiliser ce<br />

sab<strong>le</strong> de la Mer Noire comme matières pre-­‐<br />

mières. La Kolchis par exemp<strong>le</strong>, région à<br />

l’ouest de la Géorgie, dispose d'installations<br />

datant de la fin du 2 e millénaire jusqu'à la<br />

première moitié du 1 e millénaire aC 20 .<br />

La métallurgie du fer en Anatolie et<br />

Transcaucasie<br />

Le point de vue scientifique tradi-­‐<br />

tionnel associe <strong>le</strong> travail du fer aux<br />

Hittites21 . Pourtant cette hypothèse n'a pas<br />

été clairement attestée par <strong>le</strong>s découvertes<br />

archéologiques22 . Les sites hittitesn'ontpas révélé une grande quantité d'objets en fer.<br />

Par conséquent, malgré <strong>le</strong>s premiers succès<br />

technologiques, <strong>le</strong> fer, et plus tard l'acier, ne<br />

sont pas devenus des matériaux très répan-­‐<br />

dus durant <strong>le</strong> 3e millénaire BC.<br />

Mais son apparition remonte bien avant.<br />

Plusieurs objets en fer fondu sont datés<br />

d'avant 2000 aC, dans un contexte qui<br />

suggère qu'ils ont été traités comme des<br />

lorsqu’el<strong>le</strong>s sont chauffées, d'autres minéraux sont quant<br />

à eux groupés par <strong>le</strong>urs propriétés communes, tel<strong>le</strong>s<br />

l'ambre et la magnétite, qui ont toutes deux <strong>le</strong> pouvoir<br />

d'attraction.<br />

Voir aussi Aristote De Mirabilibus Auscultis, dans<br />

l'édition Loeb de 1910, 48.<br />

19 Ty<strong>le</strong>cote 1981, 137-139.<br />

20 Khakhutaishvili 1976.<br />

21 Waldbaum 1978, 21 ; Waldbaum 1980, 81 ; Muhly et<br />

al. 1985, 71.<br />

22 Kosak 1985, 134 ; Waldbaum 1980, 80 ; Muhly et al.<br />

1985, 80.<br />

65


objets décoratifs de grande va<strong>le</strong>ur (fig.<br />

17) 23 .<br />

Figure 17 : Poignard en fer et en or d’Alaça Höyük daté du<br />

Bronze Ancien (Photo N. Gailhard)<br />

Cependant, si nous voulons nous<br />

concentrer sur <strong>le</strong>s processus de production,<br />

il semb<strong>le</strong> nécessaire de regarder des pé-­‐<br />

riodes plus récentes, pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s<br />

vestiges archéologiques sont <strong>le</strong>s mieux<br />

conservés. Bien que <strong>le</strong>s fours et plus géné-­‐<br />

ra<strong>le</strong>ment l'atelier soient peu représentés<br />

dans <strong>le</strong>s données archéologiques, certains<br />

exemp<strong>le</strong>s ont pu être fouillés.<br />

Figure 18 : Four de type Scharmbeck (Dessins Ph. Andrieux)<br />

23 Yalçin 1999, 178.<br />

66<br />

GAILHARD<br />

Figure 19 : Four de type ‘cuve’ ou ‘bol’ (Dessins Ph. Andrieux)<br />

Jusqu’à présent on a distingué deux types de<br />

fours : <strong>le</strong> four de type Scharmbeck (fig.<br />

18) 24 ; <strong>le</strong> four de type‘cuve’ou‘bol’ (fig. 19) 25 .<br />

Le four découvert dans la région de Kolchis<br />

à Chorokhi, par exemp<strong>le</strong>, appartiendrait au<br />

deuxième type (cuve) 26 . Il s'agissait d'une<br />

cavité hémisphérique, tapissée de roches, et<br />

sans aucune disposition (canal ou tranchée)<br />

pour évacuer <strong>le</strong>s scories. Ce dernier point<br />

est problématique dans l’identification de<br />

cette structure à un four (fig. 20). La<br />

reconstruction du système par l’auteur (fig.<br />

21) n’est d’ail<strong>le</strong>urs pas convaincante 27 : il<br />

suffit de noter <strong>le</strong> système de tubes à vent<br />

qui est inapproprié et bien trop comp<strong>le</strong>xe<br />

pour un fonctionnement normal. À la<br />

lumière de cet exemp<strong>le</strong> on comprend<br />

combien il reste encore de chemin à faire<br />

pour la compréhension du fonctionnement<br />

de tel<strong>le</strong>s structures.<br />

Figure 20 : Reconstitution du four découvert à Chorokhi par N.<br />

Khakhutaishvili (D’après Khakhutaishvili 2008)<br />

24 Bie<strong>le</strong>nin 1973 et 1978.<br />

25 Rostoker/Bronson 1990, 29.<br />

26 Khakhutaishvili 1976.<br />

27 Khakhutaishvili 2008.


Fours et ateliers, <strong>le</strong>ur interprétation<br />

grâce à l’archéologie expérimenta<strong>le</strong>.<br />

Le problème principal ne réside pas,<br />

en fait, dans la forme mais plutôt dans <strong>le</strong><br />

type d’approche utilisé en passant notam-­‐<br />

ment de l’analyse théorique à l’expérimen-­‐<br />

tation physique.<br />

Est-­‐il possib<strong>le</strong> d’obtenir des informations<br />

sur <strong>le</strong> fonctionnement des ateliers antiques<br />

autrement que par l'analyse scientifique pu-­‐<br />

rement théorique ? Peut-­‐on reproduire l'art<br />

et <strong>le</strong>s gestes de l'artisan antique ? Peut-­‐on<br />

découvrir <strong>le</strong>s rapports entre la structure et<br />

la personne qui l'utilise ?<br />

DU BRONZE AU FER<br />

Figure 21 : Fours de type ‘cuve’ découvert à Chorokhi (D’après Khakhutaishvili 2008)<br />

Pour obtenir des réponses à ces questions,<br />

nous devons changer notre point de vue sur<br />

la structure, son interprétation et son utili-­‐<br />

sation.<br />

Un four est composé de deux structures<br />

liées : un conteneur pour <strong>le</strong>s composants de<br />

la réaction (murs pour la masse de charbon<br />

et la charge minéra<strong>le</strong>) et un outil moteur de<br />

la réaction (la tuyère) qu’il convient d’ana-­‐<br />

lyser de manière distincte.<br />

Figure 22 : Tuyères et tubes à vent de Pürneşe-Müküs-Van<br />

daté du 1e millénaire aC (D’après Bilgi 2004 ; Belli 1991)<br />

L'outil moteur de la réaction<br />

Les tuyères ou <strong>le</strong>s tubes à vent sont des<br />

éléments essentiels pour atteindre <strong>le</strong>s<br />

températures nécessaires à la réduction du<br />

minerai de fer. Au sud du lac de Van, un<br />

nombre important de zones artisana<strong>le</strong>s et<br />

de scories mises au jour révè<strong>le</strong> la transfor-­‐<br />

mation des minerais à proximité immédiate<br />

des sites d’extractions. À Pürneşe-­‐Müküs-­‐<br />

Van, par exemp<strong>le</strong>, de nombreux tubes à vent<br />

ont été découverts, reflétant des activités de<br />

réduction du fer 28 . Cela atteste de l'utilisa-­‐<br />

tion d'une ventilation artificiel<strong>le</strong> pour at-­‐<br />

teindre <strong>le</strong>s températures é<strong>le</strong>vées durant <strong>le</strong><br />

1 e millénaire aC (figs. 22-23).<br />

28 Bilgi 2004 ; Belli 1991.<br />

67


Figure 23 : Détails des tubes à vent de la région de Pürneşe-<br />

Müküs-Van (D’après Bilgi 2004 ; Belli 1991)<br />

Deuxième point de notre nouvel<strong>le</strong><br />

vision : une autre interprétation.<br />

Les matériaux utilisés dans <strong>le</strong>s murs du<br />

four sont soumis à des températures<br />

é<strong>le</strong>vées : au-­‐dessus de 1200°C dans <strong>le</strong>s par-­‐<br />

ties inférieures ; au-­‐dessus de 450°C sur <strong>le</strong><br />

dessus de la fournaise. De tel<strong>le</strong>s tempéra-­‐<br />

tures impliquent la production de terre<br />

cuite et matériaux céramiques ou vitreux.<br />

De ce processus résulte une tracéologie<br />

avec mutation de l'oxyde de fer et fusion de<br />

l'argi<strong>le</strong> sab<strong>le</strong>use 29 .<br />

Un schéma représentant <strong>le</strong>s transforma-­‐<br />

tions subies par <strong>le</strong>s parois du four sous<br />

l’action de la température permet de<br />

visualiser <strong>le</strong>s différents stades d’évolution<br />

des matériaux (fig. 24) : au stade 1 (450°C)<br />

<strong>le</strong>s transformations ne sont pas encore<br />

marquées, c'est au cours de l'étape 2<br />

(650°C) que des changements au niveau des<br />

parois commencent à être notés.<br />

Après étude de la paroi par tracéologie, il<br />

est possib<strong>le</strong> d'établir une échel<strong>le</strong> de trans-­‐<br />

formation et par conséquent de connaître<br />

<strong>le</strong>s températures subies par un morceau de<br />

paroi. À cet égard, la température de 720°C<br />

signalée par une ligne blanche, est<br />

particulièrement visib<strong>le</strong> et intéressante<br />

pour nous archéologues car en la retrouvant<br />

en fouil<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> permet de savoir <strong>le</strong>s tempé-­‐<br />

ratures atteintes par <strong>le</strong> four. Ce témoin<br />

associé à d’autres traces comme des débuts<br />

de vitrification des parois peuvent<br />

confirmer l’utilisation d’une structure de<br />

combustion pour un usage métallurgique,<br />

29 Andrieux 1991 a et b.<br />

68<br />

GAILHARD<br />

ou <strong>le</strong>s températures doivent monter au<br />

environ de 1200°C (fig. 25).<br />

Figure 24 : Tracéologie des parois de four à différentes<br />

températures (Dessins Ph. Andrieux)<br />

Conclusion<br />

Si <strong>le</strong> développement de la métallurgie<br />

du fer a lieu principa<strong>le</strong>ment durant l’Âge du<br />

Bronze, c’est bien <strong>le</strong> début de l'Âge du Fer<br />

qui doit être considéré comme la période où<br />

<strong>le</strong>s objets du quotidien ont été fabriqués à<br />

partir de fer. Les armes en bronze sont par<br />

exemp<strong>le</strong> restées dominant longtemps, sans<br />

doute parce que <strong>le</strong>s minerais de cuivre<br />

étaient abondants et la maîtrise technique<br />

de la fonte du bronze bien établie. De plus,<br />

<strong>le</strong>s forgerons ne pouvaient pas encore<br />

produire des armes d’aussi bonne qualité<br />

que cel<strong>le</strong>s en bronze. Par ail<strong>le</strong>urs, la<br />

production de fer requiert toujours plus de<br />

travail et plus de charbon que cel<strong>le</strong> de<br />

bronze.<br />

Figure 25 : Etudes des traces sur deux fours expérimentaux<br />

après réduction de minerai de fer (Photo Ph. Andrieux)<br />

Avec l'aide de l'expérimentation, nous<br />

avons essayé de montrer comment nous


pouvons approcher ces anciens métal-­‐<br />

lurgistes afin de mieux comprendre l'ori-­‐<br />

gine de la métallurgie du fer en Anatolie.<br />

DU BRONZE AU FER<br />

En guise de conclusion, une citation<br />

du poète grec Hésiode qui regarde avec<br />

nostalgie l'âge du bronze :<br />

“Plût aux dieux que je ne vécusse pas au milieu de<br />

la cinquième génération ! Que ne suis-je mort<br />

avant ! Que ne puis-je naître après ! C'est l'âge du<br />

fer qui règne maintenant.”<br />

N. Gailhard<br />

69


70<br />

GAILHARD


Bibliographie<br />

DU BRONZE AU FER<br />

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Andrieux, Ph. (1991), “La reconstitution des comportements techniques et thermiques de foyers pour la<br />

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LE THEATRE D’APHRODISIAS, ESPACE CIVIQUE ET IDENTITAIRE<br />

N. de Chaisemartin<br />

Université Paris-Sorbonne<br />

nathalie.de_chaisemartin@paris-sorbonne.fr<br />

Résumé : En tant que cité grecque, Aphrodisias a construit son théâtre au début de la période augustéenne, utilisée<br />

en tant qu'ekk<strong>le</strong>siasterion pour <strong>le</strong>s assemblées publiques de la politeia. Le corpus épigraphique retrouvé dans <strong>le</strong><br />

théâtre, comparé à quelques éléments architecturaux du monument aident à comprendre son rô<strong>le</strong> politique et<br />

civique, particulièrement en tant que mémorial de l'histoire et l'identité de la vil<strong>le</strong>.<br />

Mots clés : théâtre, institutions helléniques, ekk<strong>le</strong>siasterion, Carie, Phrygie, tribune, grands hommes, évergètes,<br />

mémorial, identité civique.<br />

Abstract: As an Hel<strong>le</strong>nic city, Aphrodisias has built in the early Augustan age his theatre, used as ekk<strong>le</strong>siasterion for<br />

the public assemblies of the politeia. The epigraphic corpus found in the theatre compared with some architectural<br />

features of the monument help to understand his political and civic ro<strong>le</strong>, particularly as memorial of the history<br />

and identity of the city.<br />

Keywords: theatre, Hel<strong>le</strong>nic institutions, ekk<strong>le</strong>siasterion, Caria, Phrygia, forum, great men, benefactors, memorial,<br />

civic identity


74<br />

DE CHAISEMARTIN<br />

Figure 1 : Plan du théâtre d'Aphrodisias situant <strong>le</strong>s éléments évoqués dans <strong>le</strong> texte


égagé par <strong>le</strong> professeur Kenan T.<br />

Erim voici une quarantaine<br />

d’années, <strong>le</strong> théâtre d’Aphrodisias<br />

avait, comme dans toutes <strong>le</strong>s cités<br />

helléniques, une doub<strong>le</strong> fonction : cel<strong>le</strong><br />

d’accueillir la communauté pour <strong>le</strong>s<br />

spectac<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s concours inter-­‐cités, mais<br />

surtout, sans doute plus fréquemment, de<br />

réunir <strong>le</strong>s citoyens en assemblée plénière,<br />

l’ekk<strong>le</strong>sia, pour débattre des orientations<br />

politiques de la cité : dans la région, il est<br />

donc souvent désigné comme ekk<strong>le</strong>siasterion,<br />

à l’exemp<strong>le</strong> de Tral<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> De<br />

architectura de Vitruve1 , plutôt que comme<br />

theatron. Au cours des recherches<br />

préparant sa publication, <strong>le</strong>regrettéD. Theodorescu (architecte de l’IRAA du<br />

CNRS) et moi-­‐même avons eu souvent<br />

l’occasion de réfléchir sur cet aspect de son<br />

fonctionnement : je voudrais ici évoquer ce<br />

qui nous a paru significatif à ce propos<br />

d’après la configuration architectura<strong>le</strong>du monument (fig. 1).<br />

Ayant conservé jusque dans l’Antiquité<br />

tardive <strong>le</strong> bâtiment de scène érigé de 30 à<br />

27 aC par son fondateur Zoïlos2 , ce théâtre<br />

présente plusieurs phases d’édification, puis<br />

de transformation des structures scéniques,<br />

et a servi durant près de 8 sièc<strong>le</strong>s.<br />

Les Aphrodisiens avaient conscience de<br />

sa va<strong>le</strong>ur emblématique pour l'histoire de<br />

<strong>le</strong>ur communauté : aussi s’est-­‐il progres-­‐<br />

sivement transformé en lieu de mémoire de<br />

l’identité de la cité, en particulier lorsqu’au<br />

début du 3e s. fut gravée sur <strong>le</strong> marbre du<br />

mur pignon nord du bâtiment de scène une<br />

série chronologique d’inscriptions, publiées<br />

par Joyce Reynolds3 D<br />

, témoignant des rap-­‐<br />

ports privilégiés de la cité avec Rome et <strong>le</strong>s<br />

Césars. Nous nous proposons d’examiner,<br />

en parallè<strong>le</strong> avec ces témoignages épigra-­‐<br />

phiques, quelques traces archéologiques<br />

attestant de ce rô<strong>le</strong> de mémorial.<br />

Dans une cité de tradition hellénique<br />

comme Aphrodisias, on retrouve <strong>le</strong>s édifices<br />

institutionnels habituels comme l’agora, <strong>le</strong><br />

1 Vitruve De arch. VII.5.5.<br />

2 Reynolds 1991, 15-16.<br />

3 Reynolds 1982.<br />

THEATRE D’APHRODISIAS<br />

bou<strong>le</strong>uterion et <strong>le</strong> prytanée qui sont groupés<br />

sur <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> d’agora intégrée instauré au<br />

début de l’empire romain en Asie Mineure<br />

au nord du centre civique, comme l’a mon-­‐<br />

tré si justement P. Gros 4 . Plus au sud, profi-­‐<br />

tant de la pente du tertre de l’agglomération<br />

protohistorique carienne, <strong>le</strong> théâtre occupe<br />

<strong>le</strong> point haut du site : il devait être <strong>le</strong><br />

premier monument urbain aperçu par <strong>le</strong>s<br />

voyageurs de la route suivant <strong>le</strong> cours du<br />

Dandalaz (Morsynos) qui remontaient la<br />

rue principa<strong>le</strong> à partir de la porte sud ou la<br />

rue transversa<strong>le</strong> par la porte est.<br />

Le mot d’ekk<strong>le</strong>siasterion devait être cou-­‐<br />

rant dans la région puisque Vitruve cite à la<br />

même époque celui de Tral<strong>le</strong>s, cité distante<br />

d’une soixantaine de kilomètres d’Aphro-­‐<br />

disias. Le monument lui-­‐même ne semb<strong>le</strong><br />

pas avoir été repéré sur ce site lors des<br />

fouil<strong>le</strong>s d’Edhem Bey au début du 19 e s. et<br />

on attend que <strong>le</strong>s recherches qui y ont<br />

repris sous la direction du Professeur<br />

Abdullah Yaylalı nous en apprennent davan-­‐<br />

tage 5 . Ce théâtre ne saurait être considéré<br />

comme un petit auditorium comparab<strong>le</strong> au<br />

bou<strong>le</strong>uterion d’Aphrodisias puisqu'il est<br />

censé contenir l'ekk<strong>le</strong>sia, assemblée géné-­‐<br />

ra<strong>le</strong> des citoyens, aussi bien pour <strong>le</strong>s réu-­‐<br />

nions périodiques concernant <strong>le</strong>s affaires<br />

courantes de la cité que pour des assem-­‐<br />

blées de crise. Le comitium de Rome et des<br />

cités italiennes y jouait un rô<strong>le</strong> équiva<strong>le</strong>nt.<br />

Comme <strong>le</strong> remarque W. Johannowsky à<br />

propos du théâtre de Iasos 6 , l’emploi du mot<br />

ekk<strong>le</strong>siaterion par Vitruve n’est pas un<br />

hasard : il veut insister sur <strong>le</strong> manque de<br />

sérieux du corps civique de Tral<strong>le</strong>s qui a fait<br />

peindre sur la façade scénique du lieu<br />

d’assemblée un trompe-­‐l’œil à la mode,<br />

mais fantaisiste et peu compatib<strong>le</strong> avec la<br />

dignité du lieu.<br />

Quels sont <strong>le</strong>s éléments repérab<strong>le</strong>s dans<br />

l’auditorium du théâtre d’Aphrodisias, puis<br />

sur <strong>le</strong> bâtiment de scène qui gardent trace<br />

de cette activité politique et civique ? La<br />

construction de la cavea de marbre par<br />

4 Gros 1996b.<br />

5 Edhem Bey 1904.<br />

6 Johannowsky 1972, 455.<br />

75


Aristoclès Molossos vers <strong>le</strong> milieu du 1 e s.<br />

pC est attestée par plusieurs inscriptions<br />

publiées par J.M. Reynolds 7 . Les graffiti sur<br />

<strong>le</strong>s gradins re<strong>le</strong>vés par Charlotte Roueché<br />

montrent que <strong>le</strong>s places assises étaient<br />

réservées suivant la classification socia<strong>le</strong><br />

organisée par Auguste grâce à l’instauration<br />

la <strong>le</strong>x Julia theatralis 8 .<br />

Comme semb<strong>le</strong>nt l’indiquer deux des<br />

dédicaces de Molossos qui en distinguent<br />

deux catégories, <strong>le</strong>s parodoi et <strong>le</strong>s anodoi, on<br />

peut supposer que la disposition des accès<br />

dans la cavea et des circulations se faisait<br />

aussi suivant <strong>le</strong> rang hiérarchique des spec-­‐<br />

tateurs. Les citoyens importants –magistrats<br />

et bienfaiteurs de la cité– occupant la<br />

proédrie et <strong>le</strong>s gradins inférieurs au centre<br />

de la cavea y parvenaient presque de plain-­‐<br />

pied par <strong>le</strong>s parodoi encadrant <strong>le</strong> bâtiment<br />

de scène et <strong>le</strong> plateau. À Aphrodisias, il y<br />

avait de plus un second rang de bancs de<br />

proédrie à dossier sur <strong>le</strong> diazoma médian<br />

couronnant l’ima cavea. Le peup<strong>le</strong> accédait<br />

à ce palier intermédiaire par <strong>le</strong>s escaliers<br />

latéraux, désignés dans l’inscription comme<br />

anodoi, montant de l’agora sud et des ter-­‐<br />

rasses adossées aux murs d’ana<strong>le</strong>mma. Au<br />

Nord, un franchissement interrompant <strong>le</strong><br />

couronnement du mur d’ana<strong>le</strong>mma nord et<br />

relié à la terrasse adossée par quelques<br />

marches, donne accès au tiers supérieur de<br />

l’ima cavea. La cavea supérieure était des-­‐<br />

servie, en plus des escaliers rayonnants<br />

séparant <strong>le</strong>s cunei, par un couloir ou crypta<br />

sous <strong>le</strong>s gradins. On peut supposer que cette<br />

répartition hiérarchique valait aussi pour<br />

<strong>le</strong>s assemblées civiques, bien qu’à<br />

Aphrodisias <strong>le</strong>s places réservées aux<br />

différentes tribus de la cité ne soient pas<br />

indiquées sur <strong>le</strong>s gradins, comme c’est <strong>le</strong> cas<br />

par exemp<strong>le</strong> à Hiérapolis 9 .<br />

Ch. Roueché y relève, sur <strong>le</strong> troisième<br />

gradin en partant du diazoma inférieur,<br />

l’emplacement réservé (marqué T pour<br />

topos) à un héraut (pour mandatoros) 10 . Ce<br />

7<br />

Reynolds 1991, 16-19, 22-25, n° 1 à 6, figs. 1-3. Base<br />

Insaph, corpus Iaph n° 8-108, n° 8-111, 8-112, 8-113.<br />

8<br />

Roueché 1993, 99-117.<br />

9<br />

Ritti 2006, 115-118.<br />

10<br />

Roueché 1993, 100, pl. XIII.<br />

76<br />

DE CHAISEMARTIN<br />

terme latin, à distinguer du mot grec kerux<br />

désignant <strong>le</strong> héraut des assemblées civiques<br />

grecques, était employé pour <strong>le</strong> crieur pu-­‐<br />

blic qui transmettait <strong>le</strong> point de vue ou <strong>le</strong>s<br />

ordres de l’empereur (mandata) à l’assem-­‐<br />

blée des citoyens. Ce héraut pouvait aussi<br />

être <strong>le</strong> porte-­‐paro<strong>le</strong> du gouverneur ou des<br />

magistrats locaux et avait très probab<strong>le</strong>-­‐<br />

ment un rô<strong>le</strong> dans la convocation et <strong>le</strong><br />

dérou<strong>le</strong>ment des assemblées.<br />

Les gradins <strong>le</strong>s plus riches d’inscriptions<br />

sont évidemment au centre de la cavea,<br />

tandis que <strong>le</strong>s inscriptions liées, dans<br />

l’Antiquité tardive, aux factions du cirque se<br />

regroupent sur <strong>le</strong>s ai<strong>le</strong>s : <strong>le</strong>s Verts au nord,<br />

<strong>le</strong>s B<strong>le</strong>us au sud de la cavea selon Ch.<br />

Roueché. Certains gradins sont réservés aux<br />

corporations professionnel<strong>le</strong>s qui devaient<br />

certainement avoir un poids important dans<br />

<strong>le</strong>s décisions de politique économique, par<br />

exemp<strong>le</strong> la place réservée au 8 e rang de<br />

Theodotos <strong>le</strong> protaurarius 11 , chef de la<br />

guilde des orfèvres, ou au 13 e rang, l’empla-­‐<br />

cement de la corporation des bouchers,<br />

comme à l’amphithéâtre de Lyon 12 .<br />

C'est sous A<strong>le</strong>xandre Sévère entre 222<br />

et 235 pC qu'a eu lieu la visite officiel<strong>le</strong> à<br />

Aphrodisias de Sulpicius Priscus, proconsul<br />

d'Asie, que Ch. Roueché propose de mettre<br />

en relation avec l'installation dans l’axe de la<br />

cavea d’un trône de marbre monolithe<br />

imitant sur <strong>le</strong>s côtés <strong>le</strong>s montants croisés<br />

d’une chaise curu<strong>le</strong>, et pourvu d’un dispo-­‐<br />

sitif de dais ou de parasol (fig. 2) 13 .<br />

Figure 2 : Siège d’apparat au centre de la cavea du théâtre<br />

d’Aphrodisias<br />

11<br />

Roueché 1995.<br />

12<br />

A. Audin et J. Guey, BSNAF 1976, 202.<br />

13<br />

Roueché 1991, 99-102 ; Reynolds 1982, doc. 48, 174-<br />

176.


L’estrade à deux niveaux qui <strong>le</strong> supporte<br />

peut avoir été créée pour l'illustre visiteur<br />

et sa suite, mais el<strong>le</strong> pourrait aussi avoir été<br />

placée là antérieurement, comme <strong>le</strong> balda-­‐<br />

quin dorique du théâtre de Mi<strong>le</strong>t 14 , pour des<br />

magistrats romains disposant de chaises<br />

curu<strong>le</strong>s. Au milieu du 3 e s., sous Philippe<br />

l’Arabe ou Trajan Dèce, <strong>le</strong> théâtre va<br />

connaître une importance politique accrue<br />

liée à la promotion d’Aphrodisias comme<br />

capita<strong>le</strong> de la communauté (koinon) de<br />

Carie-­‐Phrygie selon l'hypothèse de Ch.<br />

Rouéché 15 . Il y a lieu de supposer qu’il a<br />

alors servi aux assemblées des délégués<br />

communautaires de la province.<br />

De son côté, <strong>le</strong> bâtiment de scène cons-­‐<br />

truit par Zoïlos a constitué <strong>le</strong> premier mo-­‐<br />

nument civique de la vil<strong>le</strong>, antérieur même<br />

probab<strong>le</strong>ment à l’agora civique dans son<br />

état augustéen. Si <strong>le</strong> théâtre d’Aphrodisias<br />

fonctionne dès cette époque comme un<br />

ekk<strong>le</strong>siasterion, il faut se demander quel<br />

niveau du dispositif scénique servait de<br />

bêma (tribune suré<strong>le</strong>vée des orateurs) :<br />

était-­‐ce <strong>le</strong> plateau scénique ou la terrasse<br />

surmontant la colonnade du proskenion et<br />

réservée dans <strong>le</strong> théâtre grec aux acteurs<br />

principaux ?<br />

Dans <strong>le</strong>s cités grecques, l’accès à la<br />

tribune devait sans doute être so<strong>le</strong>nnisé,<br />

voire théâtralisé : <strong>le</strong>s couloirs voûtés du rez-­‐<br />

de-­‐chaussée et du premier niveau du<br />

bâtiment de scène –celui-­‐ci jouant <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de<br />

valva regia réservée dans la tragédie aux<br />

person-­‐nages royaux–, devaient encadrer<br />

avec majesté l’entrée de l’orateur se<br />

présentant devant l’assemblée. On peut<br />

peut-­‐être se figurer que la terrasse du<br />

proskenion a pu servir de tribune aux<br />

harangues au moins dans la première phase<br />

augustéenne où l’orchestra était<br />

pratiquement de plain-­‐pied avec <strong>le</strong><br />

bâtiment de scène. À partir de la phase<br />

claudienne de construction de la cavea en<br />

marbre accompagnée du premier<br />

creusement de l’orchestra, apparaît au rez-­‐<br />

de-­‐chaussée un plateau scénique suré<strong>le</strong>vé<br />

14 Krauss 1973, 4, 1-2, 63 et 81-82, pls. 9-10.<br />

15 Roueché 1989, 1-4.<br />

THEATRE D’APHRODISIAS<br />

comparab<strong>le</strong> à l’estrade de certains bou<strong>le</strong>uteria<br />

d’époque impéria<strong>le</strong> (Ephèse, Aphrodisias)<br />

et qui a pu être utilisé plus commodément<br />

par <strong>le</strong>s orateurs.<br />

La porte est du passage central du rez-­‐<br />

de-­‐chaussée est encadrée par <strong>le</strong>s traces<br />

d’appui d’escaliers extérieurs donnant accès<br />

à un niveau correspondant à celui de la<br />

voûte du premier étage (fig. 3). Ces<br />

escaliers supposent la présence dans <strong>le</strong><br />

projet d’origine d’une porticus post scaenam<br />

couverte d’une terrasse, et conduisent à<br />

restituer un bâtiment de scène longé à<br />

l’Ouest comme à l’Est de deux terrasses<br />

reliées par <strong>le</strong> passage voûté du premier<br />

niveau de l’ordonnance ionique de la frons<br />

scaenae.<br />

Figure 3 : Traces des escaliers d’accès à la terrasse de la<br />

porticus post scaenam<br />

Ce portique oriental rectiligne était<br />

encadré au nord et au sud par des murs<br />

d’antes en prolongement des murs pignons<br />

du bâtiment de scène, dont <strong>le</strong>s fondations<br />

ont été identifiées dans <strong>le</strong>s sondages<br />

pratiqués aux ang<strong>le</strong>s orientaux du bâtiment.<br />

Sa destruction avec toute la façade orienta<strong>le</strong><br />

du bâtiment de scène lors d’un séisme au<br />

milieu du 4 e s. et la reconstruction au début<br />

du 5 e d’un quadriportique en matériaux de<br />

réemploi à l’est du théâtre en ont<br />

néanmoins laissé quelques témoins 16 : <strong>le</strong>s<br />

chapiteaux des pilastres d’antes, analogues<br />

16 Roueché 1989, 39 et 42.<br />

77


à ceux des antes du portique ouest, des<br />

fragments de fûts monolithes facettés dans<br />

un sty<strong>le</strong> dorique archaïsant, enfin un<br />

chapiteau dorique libre et deux fragments<br />

de la même série à échine lisse.<br />

Les orateurs –au moins lors du premier<br />

sièc<strong>le</strong> de fonctionnement du théâtre–<br />

devaient donc monter par ces escaliers sur<br />

la terrasse de la porticus post scaenam pour<br />

atteindre la terrasse opposée du proskenion<br />

par la voûte médiane du premier étage qui<br />

<strong>le</strong>s reliait au niveau inférieur du podium de<br />

la colonnade ionique de façade. De ce pas-­‐<br />

sage puissamment architecturé il reste <strong>le</strong>s<br />

doub<strong>le</strong>s orthostates et <strong>le</strong>s assises infé-­‐<br />

rieures des murs latéraux ainsi que la<br />

bordure orienta<strong>le</strong> du dallage qui pavait <strong>le</strong><br />

couloir au-­‐dessus de l’extrados de la voûte<br />

du rez-­‐de-­‐chaussée. Un mur en tout venant<br />

et arases de briques a bouché <strong>le</strong> passage<br />

lors de la reconstruction tardo-­‐antique. À<br />

son extrémité ouest, <strong>le</strong>s voussoirs étaient<br />

décorés en intrados de caissons, <strong>le</strong>s<br />

lacunaria, dont <strong>le</strong>s moulures étaient traitées<br />

de manière à annu<strong>le</strong>r pour l’observateur<br />

toute déformation optique. Ils reposaient<br />

sur des impostes à décor de rosettes et de<br />

rinceaux dont une paire faisait partie des<br />

décombres de la frons scaenae, tandis<br />

qu’une autre paire retrouvée lors des<br />

fouil<strong>le</strong>s devait correspondre à l’ouverture<br />

de la voûte du côté est avant la<br />

reconstruction, et avait été conservée sur<br />

place.<br />

Cette structure à deux logeia opposés<br />

reliés par un majestueux passage voûté –dont<br />

on ne connaît pas d'équiva<strong>le</strong>nt parmi <strong>le</strong>s<br />

théâtres hellénistiques ou proto-­‐<br />

impériaux– a pu être aménagé en vue de<br />

l'utilisation du théâtre pour des réunions<br />

politiques où <strong>le</strong>s deux terrasses est et ouest<br />

jouaient un rô<strong>le</strong>.<br />

Le regretté D. Theodorescu avait com-­‐<br />

paré ce dispositif, resté jusqu’ici unique<br />

parmi <strong>le</strong>s théâtres contemporains, à celui de<br />

l’ang<strong>le</strong> nord-­‐est du Forum sous la<br />

République, où la Curie sénatoria<strong>le</strong> était<br />

précédée du Comitium, cerc<strong>le</strong> de gradins où<br />

s’asseyaient <strong>le</strong>s citoyens lors des assem-­‐<br />

blées. Au bord méridional de celui-­‐ci, <strong>le</strong>s<br />

78<br />

DE CHAISEMARTIN<br />

anciens Rostres, tribune des orateurs,<br />

marquaient la limite de l’esplanade centra<strong>le</strong><br />

du Forum Romanum. Un autre exemp<strong>le</strong><br />

mieux conservé est fourni par <strong>le</strong> comp<strong>le</strong>xe<br />

du comitium de Paestum où la curie<br />

s’ouvrait en arrière du cerc<strong>le</strong> de gradins,<br />

permettant aux sénateurs comme aux<br />

citoyens d’assister aux discours des<br />

orateurs 17 . Un moment clé de la naissance de<br />

la démocratie à Rome est évoqué par<br />

plusieurs sources avec l'anecdote de Gaius<br />

Gracchus debout sur <strong>le</strong>s anciens Rostres et<br />

se détournant de la curie et du Comitium au<br />

nord, où se rassemblaient <strong>le</strong>s patriciens,<br />

pour s'adresser à la fou<strong>le</strong> massée dans <strong>le</strong><br />

Forum au sud 18 .<br />

Au théâtre d’Aphrodisias, l’hypothèse de<br />

D. Theodorescu propose de voir dans la<br />

structure particulière du bâtiment de scène<br />

l’application à une cité de tradition hellé-­‐<br />

nique d’un mode de communication<br />

col<strong>le</strong>ctive qui s’adresse à deux catégories<br />

socia<strong>le</strong>s aux droits civiques inégaux. Leur<br />

rassemb<strong>le</strong>ment se fait en deux lieux<br />

distincts, mais proches, et l’orateur<br />

s’adresse alternativement ou successivement<br />

aux deux groupes. Ce mode de<br />

fonctionnement peut-­‐il être <strong>le</strong> signe d’une<br />

influence italique ou faut-­‐il penser qu’il<br />

avait pu exister aussi en secteur hellénisé ?<br />

En effet, <strong>le</strong>s cités grecques n’admettaient en<br />

principe à l’ekk<strong>le</strong>sia que <strong>le</strong>s citoyens de<br />

p<strong>le</strong>in droit, c’est-­‐à-­‐dire de pure souche<br />

hellénique, et non <strong>le</strong>s métèques, <strong>le</strong>s<br />

périèques ou <strong>le</strong>s étrangers vivant dans la<br />

cité.<br />

Un témoignage épigraphique peut peut-­‐<br />

être nous donner une indication dans ce<br />

sens : <strong>le</strong>s évènements intervenus à<br />

Aphrodisias et dans la région au cours de la<br />

première guerre mithridatique en 88 aC<br />

sont évoqués par deux inscriptions secon-­‐<br />

dairement gravées à l’extrémité nord du<br />

proskenion dorique du théâtre. L’une porte<br />

sur <strong>le</strong>s deux blocs terminaux de la frise<br />

architravée couronnant <strong>le</strong> proskenion un<br />

décret de la sympolitie d’Aphrodisias et de<br />

17 Greco/Theodorescu 1987, 27-39, figs. 34-42; Gros<br />

1996, 209, figs. 243, 211, 246.<br />

18 Plutarque, C. Gracchus 5.4.124.


la vil<strong>le</strong> voisine de Plarasa rappelant la<br />

décision du peup<strong>le</strong> d’Aphrodisias de se<br />

porter au secours du contingent romain du<br />

questeur Quintus Oppius, assiégé dans<br />

Laodicée du Lycos par <strong>le</strong>s troupes de<br />

Mithridate (fig. 4) 19 . Le peup<strong>le</strong> honore <strong>le</strong><br />

stéphanéphore Artemidoros, fils de<br />

Pereitas, grand-­‐prêtre d’Aphrodite et<br />

premier magistrat de la cité, qui avait été<br />

choisi comme chef de l’expédition. La<br />

seconde, sur <strong>le</strong> pilastre terminal nord du<br />

proskenion, est une <strong>le</strong>ttre de Q. Oppius<br />

félicitant <strong>le</strong>s Aphrodisiens de l’avoir<br />

secouru efficacement, en fidè<strong>le</strong>s alliés et<br />

amis de Rome, et acceptant de devenir <strong>le</strong>ur<br />

patronus 20 .<br />

Figure 4 : Entab<strong>le</strong>ment de l’extrémité nord du proskenion<br />

portant sur <strong>le</strong> larmier la dédicace de Grypos et sur une métope<br />

comme sur l’architrave <strong>le</strong> décret évoquant l’épisode de la<br />

libération de Quintus Oppius par <strong>le</strong> contingent des Aphrodisiens<br />

en 88 aC<br />

Le premier texte insiste sur <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong><br />

contingent de volontaires comporte non<br />

seu<strong>le</strong>ment des citoyens, mais aussi des<br />

esclaves et des paroikoi : ce mot désignait<br />

probab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s habitants des campagnes<br />

et hameaux du territoire de la cité, popu-­‐<br />

lation que l’on peut supposer autochtone et<br />

de langue carienne. On constate donc à cette<br />

date qu’une tel<strong>le</strong> décision est portée par<br />

deux catégories distinctes d’habitants, qui<br />

ont peut-­‐être pu la sanctionner par un vote<br />

(<strong>le</strong>s esclaves ne votant pas).<br />

Un demi-­‐sièc<strong>le</strong> plus tard, <strong>le</strong> bâtiment de<br />

scène du théâtre est construit par Zoïlos,<br />

affranchi de César et probab<strong>le</strong>ment chargé<br />

par Octavien de développer à Aphrodisias<br />

une cité-­‐modè<strong>le</strong> ‘alliée et amie’ de Rome. Il<br />

19 Reynolds 1982, 11-16, pl. 2 ; IAph théâtre n° 8.3.<br />

20 Reynolds 1982, doc. 3, 16-20 ; IAph théâtre n° 8.2<br />

THEATRE D’APHRODISIAS<br />

n’est pas exclu que son dispositif particulier<br />

ait reflété la hiérarchisation des habitants<br />

en deux catégories distinctes matérialisée<br />

par un lieu de rassemb<strong>le</strong>ment différent : <strong>le</strong>s<br />

citoyens sur <strong>le</strong>s gradins du théâtre et <strong>le</strong><br />

reste des habitants sur la place à l’est du<br />

bâtiment de scène. Ce fait justifierait la pré-­‐<br />

sence de la seconde terrasse, qui aurait pu<br />

servir de tribune dominant la place jusqu’à<br />

la destruction au milieu du 4 e s. de la partie<br />

orienta<strong>le</strong> du bâtiment de scène.<br />

La place publique de ce côté, recons-­‐<br />

truite au 5 e s. après la suppression de la<br />

porticus post scaenam a probab<strong>le</strong>ment servi<br />

d’agora en remplacement de l’agora civique<br />

septentriona<strong>le</strong> sujette aux inondations<br />

hiverna<strong>le</strong>s dans l’Antiquité tardive.<br />

Toutefois <strong>le</strong> dispositif à deux terrasses<br />

reliées par une voûte du bâtiment scénique<br />

d’Aphrodisias reste <strong>le</strong> seul observab<strong>le</strong><br />

parmi <strong>le</strong>s théâtres antiques aujourd’hui<br />

connus. Nous manquons par ail<strong>le</strong>urs de<br />

témoignages issus des sources historiques<br />

ou épigraphiques pour conforter cette<br />

hypothèse.<br />

Plusieurs autres inscriptions honori-­‐<br />

fiques ont été secondairement gravées sur<br />

<strong>le</strong>s blocs de la corniche dorique du<br />

proskenion lorsqu’une série de statues de<br />

notab<strong>le</strong>s et de bienfaiteurs de la cité a été<br />

dressée sur la bordure antérieure du<br />

logeion. Peut-­‐être en raison de <strong>le</strong>ur poids,<br />

<strong>le</strong>s bases inscrites de ces statues n’auraient<br />

sans doute pas été montées sur la terrasse,<br />

d’où la nécessité d’en recopier <strong>le</strong>s<br />

épigraphes sur <strong>le</strong>s blocs de corniche. Les<br />

statues auraient gardé <strong>le</strong>ur simp<strong>le</strong> soc<strong>le</strong><br />

muni à la face inférieure d’une mortaise<br />

cubique s’encastrant dans <strong>le</strong>s blocs de<br />

corniche. Les statues auraient ainsi paru<br />

marcher sur la terrasse comme <strong>le</strong> faisaient<br />

antérieurement <strong>le</strong>s orateurs ou <strong>le</strong>s acteurs.<br />

D’après R.R.R. Smith 21 , cet aménage-­‐<br />

ment daterait des transformations d’époque<br />

antonine du théâtre qui auraient entraîné<br />

l’abandon du logeion pour <strong>le</strong>s représenta-­‐<br />

tions scéniques 22 : peut-­‐être en a-­‐t-­‐il été de<br />

21 Smith 2006, 54-55.<br />

22 Reynolds 1991, 18-19, n°3.<br />

79


même à ce moment pour sa fonction politi-­‐<br />

que de tribune. L’étude de restauration du<br />

proskenion entreprise en 2010-­‐2011 par <strong>le</strong>s<br />

architectes autrichiens de l’équipe<br />

d’Aphrodisias Gerhardt Paul et Thomas<br />

Käfer a permis de replacer dans <strong>le</strong>ur ordre<br />

d’origine ces blocs de corniche inscrits.<br />

Certaines des statues remontées sur ceux-­‐ci<br />

auraient été déjà présentes dans l’état<br />

d’aménagement antérieur du théâtre,<br />

puisque la dédicace honorifique gravée en<br />

quatrième position à partir du nord sur<br />

trois blocs du huitième entraxe est cel<strong>le</strong> de<br />

Tiberius Claudius Diogenes, l'évergète qui<br />

avait restauré ou complété l'œuvre de sa<br />

famil<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> portique sud du Sébasteion<br />

sous Néron, à une époque proche de cel<strong>le</strong> de<br />

la construction de la cavea de marbre par<br />

Molossos.<br />

Figure 5 : Entab<strong>le</strong>ment de la section nord du proskenion<br />

dorique avec <strong>le</strong>s blocs de corniche portant <strong>le</strong>s dédicaces de<br />

statues honorifiques et <strong>le</strong>s mortaises pour l’insertion de <strong>le</strong>ur<br />

soc<strong>le</strong><br />

Un second bienfaiteur du 1 e s., Attalos<br />

Adrastos Hierax, a reçu deux fois <strong>le</strong>s hon-­‐<br />

neurs d’une statue selon deux longs décrets<br />

des autorités civiques reproduits vers <strong>le</strong>s<br />

extrémités de la partie antérieure de la<br />

colonnade. Mais <strong>le</strong>s mortaises d’insertion de<br />

statues, particulièrement nombreuses et de<br />

tail<strong>le</strong>s diverses dans ces secteurs, montrent<br />

que <strong>le</strong>s statues de ces premiers évergètes<br />

avaient été entourées au fil du temps<br />

d’autres figures ou ornements (fig. 5). Les<br />

autres inscriptions de la corniche concer-­‐<br />

nent des notab<strong>le</strong>s du 2 e s. : l’une d’entre<br />

el<strong>le</strong>s honore Tiberius Claudius Zélos, époux<br />

d’une descendante de Zoïlos, probab<strong>le</strong>ment<br />

80<br />

DE CHAISEMARTIN<br />

<strong>le</strong> bienfaiteur qui a réaménagé au milieu du<br />

2 e s. pC <strong>le</strong> plateau scénique. Toutefois il est<br />

diffici<strong>le</strong> de préciser si <strong>le</strong>s trois grandes sta-­‐<br />

tues de notab<strong>le</strong>s et la tête de vieillard voilée<br />

provenant des fouil<strong>le</strong>s du théâtre appar-­‐<br />

tenaient au décor du front de scène ou à ce-­‐<br />

lui de la terrasse du logeion 23 .<br />

De fait, cette terrasse se transforme<br />

ainsi progressivement en ga<strong>le</strong>rie des grands<br />

hommes de la cité, qui donne ainsi à voir <strong>le</strong>s<br />

acteurs de sa notoriété et manifeste ainsi sa<br />

piété et sa reconnaissance envers eux. Mais<br />

nous allons voir qu’antérieurement à cette<br />

occupation secondaire de la terrasse ouest,<br />

certains indices permettent de penser que<br />

la parodos nord, <strong>le</strong> long de laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> mur<br />

du bâtiment de scène verra s’inscrire <strong>le</strong>s<br />

archives de la cité au début du 3 e s. pC, avait<br />

pu antérieurement jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de lieu de<br />

mémoire à la cité carienne, comme c’est <strong>le</strong><br />

cas par exemp<strong>le</strong> pour la terrasse bordée de<br />

statues honorifiques longeant la voie<br />

d’accès au théâtre de l’Amphiaraion<br />

d’Oropos en Béotie 24 .<br />

Cette connotation de mémorial se mar-­‐<br />

que d’abord parce que <strong>le</strong> donateur de la<br />

cavea, Aristoclès Molossos, y avait été<br />

honoré par un heroon sous la terrasse<br />

contrebutant l’ana<strong>le</strong>mma nord. La porte de<br />

ce local voûté ouvrant dans la parodos était<br />

surmontée d’un linteau de marbre portant<br />

l’inscrip-­‐tion : Molosseion 25 . On peut<br />

supposer aussi que <strong>le</strong>s plateformes en<br />

encorbel<strong>le</strong>ment des murs-­‐pignons nord et<br />

sud du bâtiment de scène auraient pu el<strong>le</strong>s<br />

aussi porter des statues dès la première<br />

phase de construction du théâtre.<br />

J.M. Reynolds avait éga<strong>le</strong>ment souligné<br />

que <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s de la parodos nord avaient<br />

rendu au jour un autel datab<strong>le</strong> du 2 e s. aC et<br />

portant <strong>le</strong> texte d’un serment d’alliance<br />

entre la sympolitie d’Aphrodisias et Plarasa<br />

et <strong>le</strong>s cités voisines de Cibyra et Tabae 26 : ce<br />

23 Smith 2006 : tête de vieillard voilé n° 1, 102-104, pls.<br />

4-5 ; togatus julio-claudien n° 2, 104-107, pls. 6-7 ;<br />

prêtre du culte impérial âgé n° 51, 179-180, pls. 46-<br />

47 ; jeune prêtre du culte impérial n° 50, 177-179, pls.<br />

44-45.<br />

24 Roesch 1984, 178-179, fig.3.<br />

25 Reynolds 1991, 24, n° 3.<br />

26 Reynolds 1982, doc. 1, 6-11, pl. I.1.


texte impliquait aussi un pacte de non-­‐<br />

agression envers <strong>le</strong>s Romains. L’autel n’était<br />

peut-­‐être pas dans son site d’origine, mais<br />

<strong>le</strong> fait qu’il ait été replacé et conservé à<br />

proximité du mur où étaient gravés <strong>le</strong>s<br />

documents attestant de la longue tradition<br />

d’amitié entre Rome et <strong>le</strong>s Aphrodisiens<br />

montre bien qu’il revêtait une particulière<br />

importance historique pour la communauté<br />

d’Aphrodisias. On peut en déduire que la<br />

parodos nord du théâtre était chargée de<br />

conserver la mémoire des origines de la<br />

petite cité et de ses choix géopolitiques au<br />

cours de la période troublée qui a suivi<br />

l’installation des Romains dans la province<br />

d’Asie.<br />

Figure 6 : Enclos bordé d’une barrière à l’ang<strong>le</strong> nord-ouest de<br />

la parodos nord<br />

Nous pouvons enfin ajouter à ces<br />

remarques un dernier élément archéo-­‐<br />

logique significatif. Dans l’ang<strong>le</strong> entre<br />

l’ana<strong>le</strong>mma nord et la porte du Molosseion,<br />

un petit enclos trapézoïdal est bordé du<br />

soc<strong>le</strong> en marbre blanc d’une barrière dont <strong>le</strong><br />

profil est incisé sur <strong>le</strong> mur d’ana<strong>le</strong>mma à<br />

l’ouest (fig. 6). Le dallage en a été spolié et<br />

<strong>le</strong> mur de fond nord porte l’empreinte et <strong>le</strong>s<br />

trous de fixation d’une grande plaque qui a<br />

pu porter une épigraphe. Il se trouve qu’une<br />

haute base de statue honorifique dédiée à<br />

Artemidoros, fils de Pereitas, a été réem-­‐<br />

THEATRE D’APHRODISIAS<br />

ployée juste à côté pour réparer l’extrémité<br />

de l’ana<strong>le</strong>mma nord 27 . Dans <strong>le</strong> mur tardif à<br />

l’est de la porte du Molosseion était d’autre<br />

part réemployé un fragment de base<br />

cylindrique inscrite au nom de Zoïlos 28 .<br />

Il y a donc des chances pour que l’enclos<br />

ait été prévu pour iso<strong>le</strong>r et mettre en va<strong>le</strong>ur<br />

<strong>le</strong>s statues honorifiques des deux premiers<br />

‘grands hommes’ de la cité, à la manière<br />

d’un petit temenos sacralisant. Il n’est pas<br />

évident de préciser si son installation date<br />

de la mise en place de la cavea et de l’heroon<br />

de Molossos ou si ces statues étaient déjà<br />

antérieurement dans la parodos. Les fouil<strong>le</strong>s<br />

du secteur ont rendu au jour une barrière<br />

de marbre composée de petits piliers à<br />

chapiteaux corinthiens reliés par des<br />

panneaux de croisillons à jour. Bien qu’el<strong>le</strong><br />

soit incomplète, ses proportions pourraient<br />

correspondre au profil d’anathyrose gravé<br />

sur <strong>le</strong> parement externe du mur d’ana<strong>le</strong>mma.<br />

Le raffinement de son exécution et la qualité<br />

de son marbre paraissent la dater de la<br />

phase de construction proto-­‐augustéenne du<br />

bâtiment de scène, mais el<strong>le</strong> a pu être<br />

réemployée dans l’ang<strong>le</strong> de la parodos après<br />

la construction de la cavea de marbre.<br />

Or une inscription sur <strong>le</strong> front du lar-­‐<br />

mier des premiers blocs nord de la corniche<br />

du proskenion (fig. 4) indique qu'un certain<br />

Grypos a restauré (ou remonté) deux<br />

statues “sur la décision de Junius Maximus,<br />

l'éminent questeur”, cette magistrature<br />

romaine datant de 167-­‐168 pC 29 . Ce Grypos<br />

serait un descendant du celèbre Artémidoros<br />

et <strong>le</strong>s deux statues qu’il aurait réinstallées<br />

sur la terrasse du proskenion, probab<strong>le</strong>ment<br />

grâce à un financement impérial, pourraient<br />

être cel<strong>le</strong>s qui se trouvaient auparavant<br />

dans l’enclos, donc plus bas que d’autres<br />

statues d’évergètes installées depuis <strong>le</strong><br />

milieu du 1 e s. sur la terrasse du proskenion.<br />

Cet acte de piété familia<strong>le</strong> de Grypos,<br />

cautionné et so<strong>le</strong>nnisé par l’approbation du<br />

magistrat romain, visait à améliorer la<br />

visibilité des statues d’Artémidoros et peut-­‐<br />

être de Zoïlos. Leurs bases, devenues<br />

27 Reynolds 1982, doc. 27, 149-150, pl. XXI.5.<br />

28 Reynolds 1982, doc. 38, 163.<br />

29 Reynolds 1982, doc. 53.<br />

81


inuti<strong>le</strong>s puisque <strong>le</strong>s soc<strong>le</strong>s des statues<br />

étaient insérés directement dans <strong>le</strong> lit<br />

d’attente de la corniche du proskenion, ont<br />

été postérieurement réutilisées à proximité<br />

pour des réparations. De plus, <strong>le</strong>s textes<br />

rappelant <strong>le</strong>s hauts-­‐faits d’Artémidoros ont<br />

été gravés à l’extrémité nord du proskenion,<br />

au-­‐dessous de l’emplacement présumé de<br />

sa statue.<br />

Ces textes historiques capitaux pour<br />

l’image de marque de la cité ont donné un<br />

peu plus tard l’idée aux Aphrodisiens de<br />

transcrire sur <strong>le</strong> mur perpendiculaire du<br />

pilier d’antes, <strong>le</strong> long du passage des hôtes<br />

de marque entrant au théâtre, <strong>le</strong>s autres<br />

documents concernant l’histoire de la cité<br />

depuis la période où Antoine gouvernait<br />

l’Asie Mineure jusqu’au 3 e s. pC. L’extrémité<br />

nord du proskenion et la parodos attenante<br />

prennent alors <strong>le</strong>ur p<strong>le</strong>ine dimension de<br />

lieu de mémoire et d’identité de la cité<br />

carienne.<br />

82<br />

DE CHAISEMARTIN<br />

Le théâtre d’Aphrodisias présente donc<br />

des éléments révélateurs de sa fonction<br />

politique et médiatique, tant par l’architec-­‐<br />

ture que par l’épigraphie. Dans <strong>le</strong> contexte<br />

de rivalité (philotimia) entre <strong>le</strong>s cités d’Asie<br />

Mineure, <strong>le</strong>s modifications et ajouts intro-­‐<br />

duits dans <strong>le</strong> second quart du 2 e s. pC et au<br />

début du 3 e s. montrent que la cité cherchait<br />

à prendre la tête du koinon des Cariens en<br />

mettant en avant ses relations privilégiées<br />

avec <strong>le</strong> pouvoir impérial et sa longue fidélité<br />

à Rome. Comme <strong>le</strong> dit à juste titre Ch.<br />

Roueché, on doit supposer que <strong>le</strong> théâtre a<br />

servi, lors des assemblées des délégués “as<br />

a showplace of the importance of the city, to<br />

impress visitors from other cities” 30 .<br />

30 Roueché 1989, 1-4.<br />

N. de Chaisemartin


Bibliographie<br />

Sources :<br />

THEATRE D’APHRODISIAS<br />

Plutarque, Vies Parallè<strong>le</strong>s, éd. Les Bel<strong>le</strong>s Lettres, 1976, Tome XI Agis et Cléomène- Les Gracques, [Texte établi et<br />

traduit par R. Flacelière et E. Chambry], Paris 1976.<br />

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commenté par M.-­‐Th. Cam.].<br />

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Base de données Internet INSAPH : inscriptions d'Aphrodisias


FOUILLES ET PROJETS DE RECHERCHE À SINOPE<br />

Dominique Kassab Tezgör<br />

Professeur, Fine Arts Department,<br />

Faculty of Art, Design and Architecture,<br />

Université de Bilkent, Ankara<br />

tezgor@bilkent.edu.tr<br />

Résumé : Les fouil<strong>le</strong>s de l'atelier amphorique de Demirci, à 15 kilomètres au sud de Sinope, ont permis de<br />

connaître la morphologie des fours romains de cette région et d'établir la typologie des amphores sinopéennes<br />

produites entre <strong>le</strong> 2 e ou 3 e s. et <strong>le</strong> 6 e ou 7 e s. pC Le suivi des exportations de ces amphores dans d'autres sites de<br />

mer Noire, en Méditerranée et même en Italie, a mis en va<strong>le</strong>ur l'important réseau commercial de Sinope. D'autres<br />

recherches et projets se sont greffées à ces travaux en collaboration avec <strong>le</strong> Ministère de la Culture et du Tourisme,<br />

un four à l'identique de ceux fouillés à Demirci a été reconstruit par <strong>le</strong>s étudiants de l'Université de Bilkent. Il est<br />

exposé dans la sal<strong>le</strong> consacrée aux fouil<strong>le</strong>s d'ateliers de la mission franco-­‐turque. En 2009, un Symposium<br />

international a réuni à Sinope même <strong>le</strong>s récents travaux dédiés à cette vil<strong>le</strong>, tandis qu'une série de Tab<strong>le</strong>s Rondes<br />

internationa<strong>le</strong>s PATABS (Production and Trade of the Black Sea Amphorae) a été initiée à Trabzon et Batoumi en<br />

2006. Enfin, s'est greffé un nouveau projet en cours d'élaboration : la constitution d'un Corpus des amphores<br />

produites en mer Noire à l'époque romaine et conservées dans <strong>le</strong>s musées de la côte nord de la Turquie.<br />

Mots clés : Sinope, atelier, amphore, tui<strong>le</strong>, céramique, lampe, four, pressoir, prospection sous-­‐marine, époque<br />

hellénistique, époque romaine.<br />

Abstract: The excavations of the workshop of amphorae at Demirci, 15 kilometers south of Sinope, have clarified<br />

the morphology of Roman kilns in the region and established the typology of Sinopean amphorae produced<br />

between the 2nd or 3rd century and the 6th or 7th century AD. Monitoring the exports of these amphorae in other<br />

sites of the Black Sea, the Mediterranean, and even Italy, has highlighted the important commercial network of<br />

Sinope. This work has helped to develop other projects and research activities. In collaboration with the Ministry<br />

of Culture and Tourism, a kiln identical to those excavated at Demirci was reconstructed by students of Bilkent<br />

University. It is exhibited in the gal<strong>le</strong>ry devoted to the French-­‐Turkish excavations of the workshops. In 2009, an<br />

International Symposium held in Sinope focused on recent research concerning this city, whi<strong>le</strong> a series of<br />

international Round Tab<strong>le</strong>s, PATABS (Production and Trade of the Black Sea Amphorae), was initiated in Trabzon<br />

and Batumi in 2006. Finally, a new project is in preparation: the creation of a Corpus of amphorae produced in the<br />

Black Sea during the Roman period and kept in the museums of the northern coast of Turkey.<br />

Keywords: Sinop, workshop, amphora, ti<strong>le</strong>, ceramic lamp, kiln, wine press, underwater exploration, Hel<strong>le</strong>nistic<br />

period, Roman period.


86<br />

KASSAB TEZGÖR


N<br />

ous voudrions dans cet artic<strong>le</strong> présenter <strong>le</strong>s<br />

travaux qui se sont déroulés à Sinope, <strong>le</strong>ur<br />

impact sur la vil<strong>le</strong> même, ainsi que <strong>le</strong>s<br />

projets qui ont vu <strong>le</strong> jour à partir des<br />

résultats obtenus. Il ne s'agit que d'une<br />

brève synthèse, car <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s des ateliers<br />

amphoriques et <strong>le</strong>s rencontres scientifiques<br />

de 2006 et 2009 ont été publiées 1 .<br />

Les fouil<strong>le</strong>s d'ateliers amphori-­‐<br />

ques<br />

L'existence de milliers de timbres sur des<br />

amphores et des tui<strong>le</strong>s de Sinope prouvait<br />

que des ateliers avaient été implantés dans<br />

cette vil<strong>le</strong> et dans sa région. Leur recherche<br />

a été initiée et menée à bien par Yvon<br />

Garlan. El<strong>le</strong> débuta par une prospection en<br />

1993 <strong>le</strong> long de la péninsu<strong>le</strong> de Sinope et de<br />

la côte sur une vingtaine de kilomètres en<br />

1 Garlan 2004 ; Kassab Tezgör 2010d ; Kassab<br />

Tezgör/Inaishvili 2010 ; Kassab Tezgör 2012.<br />

SİNOPE<br />

Figure 1 : Carte des ateliers prospectés et des ateliers fouillés (M. Sladczyk)<br />

direction de Gerze (fig. 1) 2 .<br />

Des ateliers de l’époque<br />

hellénistique qui prati-­‐<br />

quaient <strong>le</strong> timbrage étaient<br />

installés sur la côte sud de<br />

la péninsu<strong>le</strong>, tandis qu'un<br />

comp<strong>le</strong>xe artisanal en ac-­‐<br />

tivité à l'époque romaine<br />

tardive se situait au bord<br />

de la mer au-­‐dessous du<br />

village de Demirci, à 15<br />

kilomètres au sud de<br />

Sinope. Ces ateliers furent<br />

fouillés entre 1994 et 2000<br />

en collaboration avec <strong>le</strong><br />

musée archéologique de<br />

Sinope. Ceux qui remon-­‐<br />

taient à l’époque hellénis-­‐<br />

tique furent fouillés entre<br />

1994 et 1997 par Yvon<br />

Garlan 3 , tandis que j'assu-­‐<br />

rai la direction scientifique<br />

de la fouil<strong>le</strong> de celui de<br />

Demirci, dont l'étude du<br />

matériel s'est poursuivie<br />

jusqu'en 2004 4 . C'est ce dernier que je<br />

décrirai dans cet artic<strong>le</strong>.<br />

L'atelier de Demirci<br />

Les fouil<strong>le</strong>s ont été financées par <strong>le</strong><br />

Ministère des Affaires Étrangères et Euro-­‐<br />

péennes de la République française, et par-­‐<br />

rainées par <strong>le</strong>s Caves Kavaklıdere à Ankara.<br />

El<strong>le</strong>s ont éga<strong>le</strong>ment reçu <strong>le</strong> support finan-­‐<br />

cier du CNRS en France et de l’Institut Fran-­‐<br />

çais d’Études Anatoliennes à Istanbul<br />

(<strong>IFEA</strong>).<br />

2 Garlan/Kassab Tezgör 1996.<br />

3 Garlan 2004.<br />

4 Tandis que je travaillais sur <strong>le</strong>s amphores, Pasca<strong>le</strong><br />

Bal<strong>le</strong>t et A<strong>le</strong>xandre Alary ont étudié la céramique,<br />

Marie-Françoise Billot et Jean-François Billot <strong>le</strong>s tui<strong>le</strong>s<br />

et des matériaux de construction du four, Nalan Fırat la<br />

céramique sigillée, Öz<strong>le</strong>m Vapur et moi-même <strong>le</strong>s lampes,<br />

Melih Arslan <strong>le</strong>s monnaies, Aline Emery-Barbier <strong>le</strong>s<br />

pol<strong>le</strong>ns, Catherine Kuzucuoğlu la géomorphologie.<br />

87


88<br />

KASSAB TEZGÖR<br />

Figure 3 : Carte magnétique de la zone A (A. Hesse, M. Drahor, A. Kaya) et vestiges dégagés


SİNOPE<br />

Figure 4 : Carte magnétique de la zone B (A. Hesse, M. Drahor, A. Kaya) et vestiges dégagés<br />

89


Figure 2 : Vue de l'atelier de Demirci vers <strong>le</strong> nord<br />

L’atelier de Demirci était implanté <strong>le</strong> long<br />

d’une baie sur près de 500 mètres (fig. 2).<br />

Lors de la prospection en 1993, la grande<br />

quantité de tessons et de surcuits avait<br />

permis de l’identifier en toute sûreté. Le site<br />

par lui-­‐même possédait tous <strong>le</strong>s facteurs<br />

nécessaires à l’établissement d’un atelier :<br />

terrain argi<strong>le</strong>ux, présence de sab<strong>le</strong> noir sur<br />

<strong>le</strong>s plages utilisé comme dégraissant dans la<br />

pâte argi<strong>le</strong>use, présence de sources d’eau<br />

naturel<strong>le</strong>, possibilité de transport par voie<br />

de mer 5 .<br />

À la suite d’une prospection ma-­‐gnétique<br />

dans <strong>le</strong>s zones A et B au nord du site (figs.<br />

3-4), <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s ont mis au jour une dizaine<br />

de fours (fig. 5).<br />

L’activité de l’atelier s’est échelonnée entre<br />

<strong>le</strong>s 2 e -­‐3 e s. et <strong>le</strong> 6 e ou <strong>le</strong> 7 e s. pC.<br />

Les fours ont pu être reconstitués dans <strong>le</strong>ur<br />

ensemb<strong>le</strong> (fig. 6) 6 .<br />

Figure 5 : Vue généra<strong>le</strong> des fouil<strong>le</strong>s de la zone B en<br />

2000. Four au premier plan<br />

5 Kuzucuoğlu 2010, 24-25.<br />

6 Billot et al. 2010.<br />

90<br />

KASSAB TEZGÖR<br />

Figure 6 : Reconstitution axonométrique d'un four (G.<br />

Kipiani)<br />

Leur structure ne diffère pas de cel<strong>le</strong> des<br />

fours hellénistiques ou romains connus<br />

dans d'autres ateliers 7 . La chambre de<br />

chauffe, occupée par <strong>le</strong>s piliers centraux et<br />

<strong>le</strong>s supports de la so<strong>le</strong>, était surmontée de la<br />

chambre de cuisson. Les<br />

deux chambres étaient<br />

construites avec de gros<br />

parpaings d’argi<strong>le</strong> et/ou<br />

des retours de tui<strong>le</strong>s, et<br />

étaient séparées par une<br />

so<strong>le</strong> percée de carneaux.<br />

Aucune so<strong>le</strong> cependant<br />

n'a été retrouvée, car <strong>le</strong>s<br />

fours après usage étaient<br />

démantelés. Cequi semb<strong>le</strong><br />

jusqu’à présent être une<br />

originalité des fours de<br />

Demirci est l'usage d'une<br />

Figure 7 : Tubulures<br />

à col ouvert encas-<br />

trées l'une dans<br />

l'autre<br />

coupo<strong>le</strong> faite de tubu-­‐<br />

lures à col ouvert ou à<br />

col fermé enfilées <strong>le</strong>s<br />

unes dans <strong>le</strong>s autres et<br />

fixées avec de l’argi<strong>le</strong> (figs. 7-9). L'alandier<br />

était construit en pierres et avait une forme<br />

trapézoïda<strong>le</strong>. Grâce à l’étude des pol<strong>le</strong>ns, il a<br />

été possib<strong>le</strong> de reconnaître <strong>le</strong>s bois utilisés<br />

7 Voir par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s fours de Chersonèse datés<br />

d'avant <strong>le</strong> milieu du 3 e s. aC (Borisova 1958) et <strong>le</strong>s fours<br />

romains de Grande Bretagne (Swan 1984, 91-112).


comme combustib<strong>le</strong> (chêne, hêtre, platane,<br />

etc.) et de reconstituer l’apparence que<br />

pouvait alors avoir <strong>le</strong> site de l’atelier,<br />

modérément boisé 8 .<br />

Figure 8 : Tubulures à col fermé<br />

Production de l'atelier<br />

Une typologie des amphores produites dans<br />

l’atelier de Demirci a été établie grâce aux<br />

col<strong>le</strong>ctions d’amphores complètes conser-­‐<br />

vées dans <strong>le</strong> musée de<br />

Sinope et dans <strong>le</strong>s autres<br />

musées de la côte nord<br />

de la Turquie que nous<br />

avons utilisées comme<br />

des catalogues de forme 9 .<br />

On distingue trois types<br />

de pâte argi<strong>le</strong>use qui cor-­‐<br />

respondent à des formes<br />

particulières qui se suc-­‐<br />

cèdent dans <strong>le</strong> temps : la<br />

pâte rosée, la pâte rouge<br />

orangé, dite ‘pâte colo-­‐<br />

rée’, et la pâte blan-­‐<br />

Figure 9 : Tubulures<br />

à col fermé encas-<br />

trées <strong>le</strong>s unes dans<br />

<strong>le</strong>s autres<br />

châtre, dite ‘pâte claire’.<br />

Des analyses ont montré<br />

qu'il s'agissait de la même<br />

argi<strong>le</strong> qui avait subi des<br />

degrés de cuisson différents 10 . Sa texture se<br />

distingue aisément, en particulier par <strong>le</strong><br />

sab<strong>le</strong> noir que <strong>le</strong>s analyses ont révélé être<br />

du pyroxène. Deux formes dominent par la<br />

quantité d’exemplaires produits : <strong>le</strong>s am-­‐<br />

phores effilées au pied pointu dites ‘carottes’<br />

8 Emery-Barbier 2010, 34-39.<br />

9 Kassab Tezgör 2010b.<br />

10 Erten et al. 2004, 108-110.<br />

SİNOPE<br />

à pâte colorée, datées des 4 e -­‐5 e s. pC (fig.<br />

10), et <strong>le</strong>s amphores à fond convexe et à<br />

pâte claire du 6 e et peut-­‐être du début du 7 e<br />

s. (fig. 11). Il s’agit dans<br />

<strong>le</strong>s deux cas d’amphores<br />

de faib<strong>le</strong> capacité.<br />

Figure 10 :<br />

Amphore carotte<br />

(M. de Sinope,<br />

inv. 11.1.86)<br />

en fonction des types<br />

amphoriques, et par<br />

conséquent des pro-­‐duits<br />

transportés et des<br />

relations économiques<br />

que Sinope a entretenues<br />

avec <strong>le</strong> reste du monde<br />

grec selon <strong>le</strong>s périodes.<br />

Nous avons toutefois<br />

encore trop peu d'infor-­‐<br />

mations sur cel<strong>le</strong>s-­‐ci pour<br />

tirer des conclusions 11 .<br />

La position de Sinope au<br />

milieu de la côte sud de la<br />

mer Noire, point proche<br />

Les amphores produites<br />

à Demirci ont été retrou-­‐<br />

vées dans de nombreux<br />

sites de mer Noire, mais<br />

<strong>le</strong>s exportations n'étaient<br />

pas limitées à la région<br />

pontique, et s'étendaient<br />

jusqu'en Méditerranée<br />

orienta<strong>le</strong> et même, dans<br />

des proportions qu'il reste<br />

à déterminer, jusqu'en<br />

Italie. On constate que <strong>le</strong>s<br />

routes commercia<strong>le</strong>s<br />

varient<br />

Figure 11 : Amphore<br />

à fond convexe<br />

(M. de Sinope,<br />

inv. 1.12.89)<br />

de tous <strong>le</strong>s grands centres littoraux, en<br />

particulier de la Crimée, à laquel<strong>le</strong> un<br />

couloir de navigation permettait un accès<br />

direct, explique l’amp<strong>le</strong>ur de son commerce.<br />

L’atelier produisait essentiel<strong>le</strong>ment des<br />

amphores, mais aussi des tui<strong>le</strong>s et des<br />

couvre-­‐joints, de la céramique commune et<br />

à feu 12 , ainsi que des lampes. Les pithoi<br />

étaient une autre production de l'atelier,<br />

11 Les répartitions d'amphores peuvent aussi être la<br />

conséquence d’informations lacunaires. À propos des<br />

exportations d’amphores sinopéennes, voir Kassab<br />

Tezgör 2010c.<br />

12 Alary et al. 2009.<br />

91


mais el<strong>le</strong> se situait sans doute dans un<br />

secteur plus au sud. On observe un système<br />

de tenon et de mortaise pour <strong>le</strong> montage de<br />

la lèvre et des tronçons de la panse pour<br />

<strong>le</strong>quel nous n'avons trouvé aucun parallè<strong>le</strong>.<br />

Parmi la céramique commune, <strong>le</strong>s mortiers<br />

ont été très largement exportés, complétant<br />

certainement <strong>le</strong>s cargaisons d’amphores.<br />

Quant aux lampes, el<strong>le</strong>s semb<strong>le</strong>nt avoir été<br />

plutôt destinées à un usage local, car à ce<br />

jour nous n'avons pu retrouver aucune<br />

exportation.<br />

Les pressoirs<br />

Dans la zone A, lorsque l’atelier n’a plus<br />

fonctionné, des pressoirs à vin, ou plus<br />

vraisemblab<strong>le</strong>ment à hui<strong>le</strong>, ont remplacé <strong>le</strong>s<br />

fours 13 . Les pierres de contrepoids qui té-­‐<br />

moignent de la présence de ces pressoirs<br />

ont une forme parallélépipédique qui est ca-­‐<br />

ractéristique de la mer Noire (fig. 12).<br />

Figure 12 : Pierre de contrepoids<br />

Aucune trace de pressoir n'a été retrouvée<br />

dans la zone B, où des bâtiments ont été<br />

construits lorsque l'atelier cessa de fonc-­‐<br />

tionner.<br />

13 Kassab Tezgör 2010a, 100-101 et n. 26.<br />

92<br />

KASSAB TEZGÖR<br />

Figure 13 : Vue de l'épave de tui<strong>le</strong>s (H. Özdaş)<br />

Prospections sous-­‐marines<br />

En 1997, nous avons entrepris une brève<br />

prospection d'épaves qui nous avaient été<br />

signalées à peu de distance de la pointe de<br />

la péninsu<strong>le</strong> 14 .<br />

Figure 14 : Vue de l'épave<br />

d'amphores (H. Özdaş)<br />

Toutes deux conte-­‐<br />

naient du matériel<br />

produit à Demirci :<br />

l'une était exclusi-­‐<br />

vement chargée de<br />

tui<strong>le</strong>s (fig. 13), et<br />

l'autre d'amphores<br />

à pâte claire (figs.<br />

14-15). Toutefois,<br />

Figure 15 Amphore de<br />

l'épave (H. Özdaş)<br />

cette seconde épave<br />

était moins bien<br />

conservée et il est<br />

possib<strong>le</strong> que sa cargaison ait compris<br />

d'autres types amphoriques qui ont été<br />

accidentel<strong>le</strong>ment ramassés dans des fi<strong>le</strong>ts<br />

de pêche, car el<strong>le</strong> reposait à peu de<br />

14 Kassab Tezgör et al. 1998.


profondeur. Dans <strong>le</strong> cadre du programme<br />

américain, The American Black Sea Trade<br />

Project, qui débuta en 1996, une<br />

prospection sous-­‐marine avec un sonar a<br />

permis de repérer d'autres épaves qui<br />

transportaient éga<strong>le</strong>ment des amphores<br />

produites à Demirci 15 .<br />

Exposition des fouil<strong>le</strong>s au musée<br />

archéologique de Sinope<br />

Reconstruction d’un four<br />

Le terrain argi<strong>le</strong>ux du site de<br />

Demirci, sujet à de nombreux glissements,<br />

empêchait la préservation de l'atelier, qui<br />

part progressivement à la mer depuis de<br />

nombreuses années. Afin d’en conserver la<br />

mémoire, un four identique à ceux fouillés a<br />

été reconstruit dans <strong>le</strong> musée archéologique<br />

de Sinope grâce à la colla-­‐boration des<br />

étudiants de l’Université de Bilkent dans <strong>le</strong><br />

Studio de Céramique (Fine Arts Department,<br />

Faculty of Art, Design and Architecture), sous<br />

la direction de Mr. Ahmet Özsalar, Assistant<br />

Professor 16 .<br />

Ce projet avait pour but d'établir un lien<br />

entre des fouil<strong>le</strong>s archéologiques, la tech-­‐<br />

nique céramique et la muséologie. Il a<br />

ouvert la voie à de nouvel<strong>le</strong>s collaborations<br />

entre <strong>le</strong> Département de Restauration et de<br />

Construction du Ministère de la Culture et<br />

du Tourisme et l'Université de Bilkent.<br />

15 Ballard et al. 2001 ; Ward 2012.<br />

16 Kassab Tezgör/Özsalar 2012. Ce projet a pu voir <strong>le</strong><br />

jour grâce au soutien du doyen de la faculté, <strong>le</strong><br />

Professeur Bü<strong>le</strong>nt Özgüç. La collaboration étroite avec<br />

<strong>le</strong>s spécialistes du bureau d'Étude et de Projet du<br />

Département de Restauration et de Construction a<br />

permis son achèvement, ainsi que celui de la sal<strong>le</strong><br />

d’exposition consacrée aux fouil<strong>le</strong>s d’ateliers (voir cidessous)<br />

: M. Recai Enbatan, directeur, Mme Canan<br />

Dökmeci-Çaştaban, archéologue, Mme Cansın Ünver,<br />

paysagiste, Mme Figen Öztürk-Yavuz, architecte, ainsi<br />

que M. Bü<strong>le</strong>nt Gönültaş, expert pour la Culture et <strong>le</strong><br />

Tourisme (Département des Musées). Nous sommes<br />

éga<strong>le</strong>ment redevab<strong>le</strong>s à MM. Musa Özcan et Fuat<br />

Dereli, directeurs successifs du musée.<br />

SİNOPE<br />

Figure 16 : Four construit dans <strong>le</strong> musée de Sinope par<br />

A. Özsalar<br />

Pour reconstruire <strong>le</strong> four, <strong>le</strong>s étudiants ont<br />

fabriqué environ 1000 tubulures avec des<br />

colombins, 100 tui<strong>le</strong>s et 300 plaques au rou-­‐<br />

<strong>le</strong>au. Trois argi<strong>le</strong>s différentes ont été utili-­‐<br />

sées : une argi<strong>le</strong> rouge, une argi<strong>le</strong> blanche et<br />

de la chamotte, qui ont été mélangées dans<br />

des proportions différentes en fonction des<br />

besoins. Du sab<strong>le</strong> noir a été apporté de<br />

Sinope même afin d’être ajouté comme dé-­‐<br />

graissant.<br />

A. Özsalar a construit <strong>le</strong> four en mars 2006<br />

dans <strong>le</strong> musée (fig. 16). Un prix du Minis-­‐<br />

tère de la Culture et du Tourisme lui a été<br />

décerné en 2008 à l'occasion de la Semaine<br />

des Musées. La technique de construction<br />

diffère en partie de cel<strong>le</strong> des fours de<br />

Demirci, car ce four n'est pas enterré<br />

comme l'étaient ceux-­‐ci. Afin de lui assurer<br />

la solidité requise pour une exposition<br />

permanente, <strong>le</strong>s chambres de chauffe et de<br />

cuisson ont été doublées par un mur<br />

extérieur, et l'espace comblé par de la terre.<br />

Les tubulures pour constituer la coupo<strong>le</strong> ont<br />

été enfilées sur des barres de fer (fig. 17).<br />

Exposition du matériel<br />

La sal<strong>le</strong> dans laquel<strong>le</strong> a été construit <strong>le</strong> four<br />

est consacrée dans son ensemb<strong>le</strong> aux<br />

fouil<strong>le</strong>s des ateliers hellénistique et romain<br />

menées par notre équipe. Le mur face à l'en-­‐<br />

trée, qui est perpendiculaire au four, a été<br />

tapissé d'amphores produites à Sinope,<br />

classées chronologiquement par types (fig.<br />

93


18). Nous avons adopté un système qui a<br />

permis d'accrocher <strong>le</strong>s amphores posées sur<br />

une planchette sans aucun lien visib<strong>le</strong> de<br />

sorte que la forme complète apparaît sans<br />

discontinuité.<br />

Figure 17 : Détail de la coupo<strong>le</strong> du four construit dans<br />

<strong>le</strong> musée de Sinope par A. Özsalar<br />

Figure 18 : Vue de la sal<strong>le</strong> du musée de Sinope<br />

Dans <strong>le</strong>s deux vitrines à ang<strong>le</strong> droit qui sont<br />

à gauche de l'entrée ont été exposés des<br />

timbres amphoriques, de la céramique, des<br />

éléments de construction des fours et des<br />

tui<strong>le</strong>s.<br />

Enfin, des panneaux illustrés, rédigés dans<br />

<strong>le</strong>s trois langues, turc, français et anglais,<br />

résument <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s informations<br />

concernant <strong>le</strong>s ateliers, <strong>le</strong>s objets présentés<br />

et <strong>le</strong> four. Ces commentaires sont repris<br />

dans une vidéo qui est projetée sur un écran<br />

plasma à droite de l'entrée 17 .<br />

17 Cette vidéo a été montée grâce au ta<strong>le</strong>nt de Mariusz<br />

Sladczyk, Assistant Professor, Graphic Design<br />

94<br />

KASSAB TEZGÖR<br />

Symposium international<br />

On observe à partir des années 1990 une<br />

nouvel<strong>le</strong> dynamique dans la recherche<br />

archéologique à Sinope, qui ne s'est plus<br />

interrompue depuis. Outre <strong>le</strong>s travaux de<br />

notre équipe, une équipe anglaise a fouillé<br />

une église du 4 e s. pC, dont <strong>le</strong> sol était orné<br />

d'une riche mosaïque 18 , tandis qu'une<br />

équipe américaine lançait The American<br />

Black Sea Trade Project, qui se subdivisait<br />

en deux projets : <strong>le</strong> Sinop Regional Survey,<br />

dont <strong>le</strong> but était de procéder à une pros-­‐<br />

pection de terrain systématique 19 , et <strong>le</strong> Underwater<br />

Survey que nous avons mentionné<br />

plus haut. En 2010, la fouil<strong>le</strong> de l'église<br />

byzantine Balat a été implantée par une<br />

équipe de l’Université des Beaux-­‐Arts<br />

Mimar Sinan d’Istanbul. Par ail<strong>le</strong>urs,<br />

d'autres prospections de terrain ont<br />

éga<strong>le</strong>ment été menées 20 , <strong>le</strong> musée a procédé<br />

à des fouil<strong>le</strong>s de sauvetage 21 , et de nom-­‐<br />

breuses études ont été dédiées à Sinope. Il<br />

nous a donc paru uti<strong>le</strong> d'organiser un<br />

Symposium international à Sinope même,<br />

qui réunissait <strong>le</strong>s travaux menés, tout en<br />

marquant <strong>le</strong>s 15 ans de la mission française<br />

depuis l’ouverture des fouil<strong>le</strong>s d’ateliers. Le<br />

Symposium Sinope : Un État de la Question<br />

après Quinze Ans de Travaux, fut organisé en<br />

mai 2009 sous <strong>le</strong>s auspices des autorités de<br />

Sinope et de l'Université de Bilkent (Faculty<br />

of Art, Design and Architecture) 22 .<br />

Department, Faculty of Art, Design and Architecture,<br />

Université de Bilkent, Ankara.<br />

18<br />

Hill 1998 et 2000.<br />

19<br />

Doonan 2004.<br />

20<br />

Işın 1998 ; Dönmez 1999 et 2000.<br />

21<br />

La plus marquante est sans doute cel<strong>le</strong> d’une tombe<br />

peinte à six chambres du 4 e -5 e s. pC : Dereli 2001.<br />

22<br />

La compagnie GEOCELL a apporté une importante<br />

contribution financière. Le centre TÜBITAK a<br />

éga<strong>le</strong>ment participé au projet. Les Actes du Symposium<br />

sont publiés dans <strong>le</strong> ACSS 16-1 et 2, 2010 et dans<br />

Kassab Tezgör 2012.


Contribution à la vie culturel<strong>le</strong><br />

de Sinope<br />

Même d'une façon modeste, <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s des<br />

ateliers amphoriques ont contribué au<br />

développement culturel de Sinope. En effet,<br />

l’amphore dite ‘carotte’ est devenue un<br />

nouvel emblème de la vil<strong>le</strong> (à côté du motif<br />

de l'aig<strong>le</strong> agrippant un dauphin et de<br />

Diogène) et un exemplaire géant a été érigé<br />

sur une des places principa<strong>le</strong>s. Cette<br />

amphore a été fabriquée par un potier qui a<br />

installé un atelier dans la batterie ottomane<br />

de Boztepe et donne des cours de céra-­‐<br />

mique pour faire revivre cette tradition du<br />

travail de l’argi<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s ont<br />

ravivée 23 .<br />

Étude des amphores<br />

Corpus des amphores produites<br />

en mer Noire et conservées dans<br />

<strong>le</strong>s musées turcs de la côte nord<br />

de l’Anatolie.<br />

Un Corpus des amphores romaines<br />

produites dans <strong>le</strong>s centres de mer Noire et<br />

conservées dans <strong>le</strong>s musées de la côte<br />

turque est en cours d'élaboration (à Ereğli,<br />

Amasra, Sinope, Samsun, Ordu, Giresun,<br />

Trabzon) 24 . Outre des amphores de Sinope,<br />

en très grand nombre, et des amphores<br />

d’Héraclée du Pont 25 , des amphores origi-­‐<br />

naires de l’ouest, de l’est et du nord de la<br />

mer Noire peuvent être identifiées par <strong>le</strong>ur<br />

pâte argi<strong>le</strong>use, sans que <strong>le</strong>s sites d’ateliers<br />

23<br />

Il y avait une production de tui<strong>le</strong>s jusque dans <strong>le</strong>s<br />

années 1970 dans <strong>le</strong>s environs de Sinope. Curieusement,<br />

el<strong>le</strong> n’a pas laissé de souvenir : aucun four n’est<br />

conservé et <strong>le</strong>s habitants en ont même perdu la<br />

mémoire. Nous remercions infiniment Mr. Yılmaz<br />

Koca, instituteur à la retraite de Sinop, qui a travaillé<br />

dans ces ateliers lorsqu’il était enfant et qui nous a<br />

décrit cette industrie alors très active.<br />

24<br />

Ont collaboré à ce projet Séverine Lemaître pour <strong>le</strong>s<br />

amphores des époques classique et hellénistique (2002-<br />

2006) et Sergey Vnukov (2004).<br />

25<br />

Cette attribution est maintenant remise en question :<br />

Balabanov 2010.<br />

SİNOPE<br />

n’aient encore été retrouvés. Ce travail per-­‐<br />

mettra de réunir <strong>le</strong>s principaux types pro-­‐<br />

duits dans la région de la mer Noire et de<br />

compléter, si nécessaire, <strong>le</strong>ur typologie.<br />

L'étude de ces importations apportera un<br />

nouvel éclairage sur <strong>le</strong>s relations com-­‐<br />

mercia<strong>le</strong>s en mer Noire.<br />

Quelques résultats obtenus peuvent déjà<br />

être donnés : par exemp<strong>le</strong>, la typologie des<br />

amphores produites à Héraclée du Pont à<br />

l'époque romaine tel<strong>le</strong> qu'el<strong>le</strong> a été établie<br />

par S. Vnukov est entièrement représentée<br />

grâce à des exemplaires répartis dans<br />

plusieurs musées 26 . Par ail<strong>le</strong>urs, il a été pos-­‐<br />

sib<strong>le</strong> de compléter la typologie des am-­‐<br />

phores colchidiennes des époques classique<br />

et hellénistique et d'en proposer une pour<br />

l'époque romaine 27 , pour laquel<strong>le</strong> aucune<br />

n'avait encore été constituée 28 .<br />

Malheureusement, <strong>le</strong>s amphores conservées<br />

dans ces musées sont en général des trou-­‐<br />

vail<strong>le</strong>s fortuites faites par des pêcheurs<br />

dans la mer, et par conséquent sont dé-­‐<br />

pourvues d'indices de chronologie.<br />

La Tab<strong>le</strong> Ronde PATABS<br />

L'étude des amphores sinopéennes pro-­‐<br />

duites dans l’atelier de Demirci, ainsi que <strong>le</strong><br />

Corpus des amphores que nous préparons,<br />

nous ont amenée à confronter <strong>le</strong>s nombreux<br />

problèmes associés à la production<br />

amphorique de mer Noire. Parmi <strong>le</strong>s plus<br />

évidents, citons l’ignorance de l'atelier de<br />

production de nombreux types, ou bien en<br />

raison de la présence de sab<strong>le</strong> noir, la<br />

ressemblance de pâtes d’origine différente,<br />

ou encore la similitude de certaines formes<br />

amphoriques à la même époque dans<br />

plusieurs sites, montrant qu'il y a eu<br />

imitations 29 , sans mentionner <strong>le</strong>s difficultés<br />

liées à la datation. Si beaucoup de questions<br />

restent sans réponse, c’est souvent en rai-­‐<br />

26<br />

Vnukov 2003, 28-129 ; Vnukov 2004.<br />

27<br />

Tsetskhladze/Vnukov 1992 et 1993 ; Vnukov 2003,<br />

160-194.<br />

28<br />

Kassab/Akkaya 2000.<br />

29<br />

Opaiţ 2012 ; Kassab Tezgör 2011.<br />

95


son d'un manque de contact entre cher-­‐<br />

cheurs ou d’un accès diffici<strong>le</strong> à des publi-­‐<br />

cations peu diffusées.<br />

Afin de discuter des problèmes que posent<br />

<strong>le</strong>s amphores de mer Noire, nous avons<br />

réuni, en étroite collaboration avec Nino<br />

Inaishvili 30 , des spécialistes dans une Tab<strong>le</strong><br />

Ronde internationa<strong>le</strong> PATABS (Production<br />

And Trade of Amphorae of Black Sea) orga-­‐<br />

nisée à Batoumi et Trabzon en avril 2006.<br />

Tous <strong>le</strong>s pays de mer Noire étaient repré-­‐<br />

sentés, ainsi que la France et d'autres états<br />

d'Europe, et <strong>le</strong>s États-­‐Unis. Les résultats de<br />

cette rencontre ont été publiés dans la col-­‐<br />

<strong>le</strong>ction Varia Anatolica de l’<strong>IFEA</strong> 31 .<br />

Devenue une ‘tab<strong>le</strong> tournante’, PATABS I est<br />

désormais un événement régulier : el<strong>le</strong> a été<br />

suivie par PATABS II près de Bourgas en<br />

Bulgarie en octobre 2007, dont <strong>le</strong>s Actes<br />

sont publiés 32 , et PATABS III à Constanţța en<br />

Roumanie en octobre 2009, dont <strong>le</strong>s Actes<br />

sont en préparation. La Tab<strong>le</strong> Ronde sui-­‐<br />

vante est programmée à Rostov-­‐sur-­‐<strong>le</strong>-­‐Don<br />

en Russie.<br />

30<br />

Directrice du Département d'Archéologie et d'Histoire<br />

de l'Art de l'Institut de Recherche N. Berdzenishvili à<br />

Batoumi (Géorgie).<br />

31<br />

Kassab Tezgör/Inaishvili 2010.<br />

32<br />

Tzochev et al. 2011.<br />

96<br />

KASSAB TEZGÖR<br />

Conclusion<br />

En dépit de l’activité archéologique qui s’est<br />

déployée ces dernières années à Sinope, <strong>le</strong><br />

potentiel archéologique de cette vil<strong>le</strong> est<br />

loin d’avoir été entièrement exploité. S’il est<br />

vrai que la vil<strong>le</strong> moderne recouvre la vil<strong>le</strong><br />

antique, ce qui constitue un obstac<strong>le</strong> quasi<br />

insurmontab<strong>le</strong> pour des fouil<strong>le</strong>s, sinon de<br />

sauvetage, la topographie, par exemp<strong>le</strong>,<br />

reste à être complétée à partir des travaux<br />

d’A. Bryer et D. Winfield, et plus récemment<br />

de Cl. Barat 33 . Dans <strong>le</strong>s environs immédiats<br />

de la vil<strong>le</strong>, des sites nécessiteraient des<br />

sondages, voire des fouil<strong>le</strong>s, comme par<br />

exemp<strong>le</strong> d'autres ateliers amphoriques qui<br />

ont été repérés et apporteraient des<br />

connaissances complémentaires à cel<strong>le</strong>s<br />

déjà acquises. Enfin, <strong>le</strong> matériel abondant<br />

qui est conservé au musée, notamment <strong>le</strong>s<br />

stè<strong>le</strong>s funéraires et <strong>le</strong>s mosaïques, n’a pas<br />

encore été étudié et permettrait de<br />

découvrir d’autres particularismes de cette<br />

vil<strong>le</strong> et de sa région. Nous espérons par<br />

conséquent que de futures vocations<br />

apparaîtront pour contribuer à mieux<br />

connaître toutes <strong>le</strong>s facettes de Sinope qui<br />

garda tout au long de son histoire une place<br />

privilégiée dans l’ensemb<strong>le</strong> de la mer Noire.<br />

33 Bryer/Winfield 1985 ; Barat 2012.<br />

D. Kassab Tezgör


Abréviations<br />

ABSA: The Annual of the British School at Athens<br />

ACSS: Ancient Civilizations from Scythia to Siberia<br />

SA: Sovetskaja Archeologija [Archéologie soviétique)<br />

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97


98<br />

KASSAB TEZGÖR<br />

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Istanbul-­‐Paris.<br />

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198 et 523-­‐524.<br />

99


100<br />

KASSAB TEZGÖR


SULUSARAY / SEBASTOPOLİS’TE ZİYARETÇİLER İÇİN BİR GEZİ<br />

GÜZERGAHI OLUŞTURULMASINDA İLK ADIMLAR 1<br />

Markus Kohl<br />

Université Lil<strong>le</strong> 3 2<br />

markus.kohl@univ-lil<strong>le</strong>3.fr<br />

kohl.sulusaray@laposte.net<br />

Résumé : Dans la vallée de la rivière Çekerek, l’antique Skylax, au croisement d’anciennes et importantes routes<br />

d’ouest en est et du nord au sud s’élève un höyük aujourd’hui occupé par Sulusaray. Investigations historiques et<br />

fouil<strong>le</strong>s archéologiques ont montré que <strong>le</strong> lieu était occupé au moins depuis <strong>le</strong>s temps hittites et correspond à<br />

l’antique Sebastopolis/Héracléopolis. Une occupation probab<strong>le</strong>ment permanente peut être déduite des sources<br />

textuel<strong>le</strong>s et des vestiges archéologiques.<br />

Le patrimoine culturel du site et de ses environs, autant du point de vue géologique et biologique, que du point de<br />

vue archéologique et architectural ainsi que urbanistique nous a inspiré <strong>le</strong> développement de quelques<br />

propositions d’aménagement touristiques. Nous avons commencé la conception de tours de visites de différents<br />

types, selon la disponibilité et <strong>le</strong>s intérêts des voyageurs, et une série de panneaux signalétiques et explicatifs en<br />

adéquation. Le but étant de produire un logo identitaire du lieu, une mise en page alléchante avec des cou<strong>le</strong>urs en<br />

harmonie avec la nature du site, des textes concis et aisément assimilab<strong>le</strong>s, des illustrations complémentaires et<br />

surtout une frise avec une échel<strong>le</strong> chronologique sur chaque panneau afin de pouvoir cerner chaque élément dans<br />

son contexte historique.<br />

Mots clés : Sulusaray/Tokat, patrimoine culturel, patrimoine naturel, patrimoine historique. Höyük, Hittites,<br />

Phrygiens, Grecs, Romains, Auguste, Arabes, Mongols, Seldjoukides, Ottomans, mise en va<strong>le</strong>ur touristique,<br />

valorisation.<br />

Abstract: In the val<strong>le</strong>y of the river Çekerek, the ancient Skylax, at the crossroads of ancient and important east-­‐<br />

west and north-­‐south roads stands a höyük now occupied by Sulusaray. Archaeological and historical<br />

investigations have shown that the place has been inhabited since at <strong>le</strong>ast Hittite times and corresponds to the<br />

ancient city of Sebastopolis / Herac<strong>le</strong>opolis. A probab<strong>le</strong> permanent occupation can be inferred from textual<br />

sources and archaeological remains. The strong cultural heritage of the site and its surroundings, its interest in<br />

terms of geology, biology, archaeology, architecture and urban planning inspired us to design some proposals for<br />

tourism development. We started developing proposals for some tours in adequacy with the availability and<br />

interests of trave<strong>le</strong>rs, and produced a series of boards, providing at the same time signage and explanations. The<br />

goal is to create a logo identity for the place, an attractive layout with colors harmonizing with the nature of the<br />

site, concise and easily assimilab<strong>le</strong> text, additional graphics and especially a frieze with a time sca<strong>le</strong> at the bottom<br />

of each panel in order to identify each item in its historical context.<br />

Keywords: Sulusaray/Tokat, cultural heritage, natural heritage, historical heritage. höyük, Hittites, Phrygians,<br />

Greeks, Romans, August, Arabs, Mongols, Seljuks, Ottomans, touristic enhancing, valorization.<br />

1<br />

Türkiye Cumhuriyeti Kültür ve Turizm Bakanlığı’na, Kültür Varlıkları ve Müze<strong>le</strong>r Genel Müdürlüğü’ne,<br />

Paris’teki Türk Büyükelçiliğine, Tokat Müzesi müdürü Sayın Güven Yetişkin’e ve arkeolog Sayın Mesude Matoğlu’na,<br />

Tokat Il kültür Turizm Müdürü Sayın Abdurrahman Akyüz’e, Sivas Kültür ve Tabiat Varlıklarını Koruma Bölge<br />

Kurulu’dan arkeolog Sayın Ali Alkan’a, Sulusaray Kaymakam Sayın İbrahim Cive<strong>le</strong>k’e, Be<strong>le</strong>diye Başkanı Sayın Şahin<br />

Hasgül’e ve arkadaşım Aksel Tibet’e bu konuşmanın konusunu oluşturan kazılara katılmam için gerekli izni sağladıkları<br />

ve bu çalışmalar sırasında bana verdik<strong>le</strong>ri sınırsız destek için tekrar çok teşekkür etmek istiyorum.<br />

2<br />

UFR des Sciences Historiques, Artistiques et Politiques, Domaine universitaire du "Pont de Bois", Rue du Barreau - BP<br />

60149, 59653 Vil<strong>le</strong>neuve d'Ascq Cedex.


Figure 3<br />

KOHL


Figure 1<br />

Sulusaray İstanbul’un yaklaşık900km doğusunda ve Samsun’un 150km<br />

güneyinde, Orta Karadeniz bölge-­‐<br />

sinde yer alan, 1990 4400 nüfuslu, 2010<br />

3300 nüfuslu, Tokat iline bağlı bir ilçedir.<br />

Doğusunda Yeşilyurt, güneyinde Sivas, batısında<br />

Yozgat, kuzeyinde Zi<strong>le</strong> ve Artova ilçe<strong>le</strong>ri i<strong>le</strong><br />

çevrilidir. Yer<strong>le</strong>şim ideal biçimde yaklaşık<br />

1000 m rakımlı, antik dönemde batıdan<br />

doğuya yüz kilometre, güneyden kuzeye de<br />

yirmi kilometre kadar uzanan geniş bir<br />

alüvyon ovasının merkezinde konumlan-­‐<br />

mıştır. Ovayı kuzeyde 2000m yüksekliğin-­‐<br />

deki Deveci Dağları, güneyde ise güney-­‐<br />

batıdan doğuya doğru 2000m’yi geçerek yük-­‐<br />

se<strong>le</strong>n Akdağlar silsi<strong>le</strong>si, doğuda da Çamlıbel<br />

Dağları natürel sınırlar. Bölgenin su dağılım<br />

sınırlarını oluşturan bu dağlar Çekerek<br />

Irmağı (Antikçağ’daki Skylax) ve kollarının<br />

sistemini de belir<strong>le</strong>r.<br />

Figure 2<br />

SULUSARAY -­‐ SEBASTOPOLIS<br />

Batı-­‐güneybatıya doğru Sulusaray ovası Bo-­‐<br />

zok Yaylasına açılır. Sulusaray topraklarının<br />

kuzey, doğu ve güney sınırları bu topografı<br />

yapı tarafından oldukça kesin bir biçimde<br />

belir<strong>le</strong>nmişken, batı sınırının saptanması<br />

için daha ayrıntılı bir araştırma gerekmek-­‐<br />

tedir. Sulusaray bu ovada iki yolun bir<strong>le</strong>ştiği<br />

noktada yer alır. Bunlardan biri batı-­‐doğu<br />

yönünde Yozgat ili sınırları içerisindeki<br />

Büyüknefes/Tavium’dan Sivas / Sebasteia’ya ve<br />

ötesine, diğeri ise kuzey-­‐güney yönünde<br />

Karadeniz kıyısındaki Samsun / Amisos’tan<br />

Orta Anadolu’ya doğru uzanır. (Resim1ve2)<br />

Kentin merkezi kuzey-­‐güney doğrul-­‐<br />

tusunda yaklaşık 500m uzunluğunda, batı-­‐<br />

doğu doğrultusunda400m genişliğinde olan ve<br />

günümüzde ova düzeyinin on metre kadar<br />

üzerine çıkan bir yükseltinin üzerinde yer<br />

alır (Resim 3). Yükselti bugünkü durumuyla,<br />

1987-­‐1990 arasında gerçek<strong>le</strong>ştiri<strong>le</strong>n arkeo-­‐<br />

lojik kazılar ve sondajların da gösterdiği gibi<br />

tümüy<strong>le</strong> doğal değildir. Başlangıçtaki doğal<br />

tepe, yıkılan yapıların biriken molozları i<strong>le</strong><br />

zamanla yavaş yavaş yükselmiştir. Yapılan<br />

arkeolojik çalışmalar yer<strong>le</strong>şimdeki kültür<br />

katları ve kronoloji üzerine bir fikir vermiştir.<br />

E<strong>le</strong> geçen malzeme ve açığa çıkarılan kalın-­‐<br />

tılar, eski metin<strong>le</strong>rden elde edi<strong>le</strong>n bilgi<strong>le</strong>r<strong>le</strong><br />

tamamlandığında burasının en az neolitik<br />

dönemden itibaren günümüze kadar bin-­‐<br />

103


yıllar boyunca yer<strong>le</strong>şim gördüğünü söy<strong>le</strong>ye-­‐<br />

biliriz. 3<br />

Tunç Çağı buluntuları Hitit, Demir Çağı<br />

buluntuları ise Frig uygarlığına aittir. Antik<br />

Yunan dönemi çok az temsil edilir. He<strong>le</strong>-­‐<br />

nistik döneme ait çok az sayıda buluntu e<strong>le</strong><br />

geçmiştir. Ama M.Ö. 3/2 yıllarında yeni<br />

takvim kullanma ayrıcalığı ve kent<strong>le</strong>rine<br />

imparator Augustus’un adını verme hakkı<br />

tanınmış olan burada yaşayanlar Yunanca<br />

konuşmaktaydı. Sebastopolis sonra ikinci<br />

adı olarak eski Yunanlı kahraman Hera-­‐<br />

k<strong>le</strong>s’ten dolayı Herak<strong>le</strong>iopolis adını aldı.<br />

Sebastopolis-­‐Herak<strong>le</strong>opolis o dönemde<br />

tümüy<strong>le</strong> he<strong>le</strong>n<strong>le</strong>şmiş olmalıydı ve tarih<strong>le</strong>ri<br />

Bizans dönemine kadar uzanan pek çok<br />

yazıtın da gösterdiği gibi halkı Yunanca<br />

konuşmaya devam etmişti. Hıristiyan ya da<br />

Yahudi<strong>le</strong>re ait mezar stel<strong>le</strong>ri burada çeşitli<br />

inançlardan insanların bir arada yaşamış<br />

olduğunu göstermektedir. Antik kentte<br />

4. yüzyıldan itibaren bir başpiskopos bulu-­‐<br />

nuyordu. Eski yazılı kaynaklarda Sulu-­‐<br />

saray’ın Arap, Moğol, Selçuklu ve Osmanlı<br />

dönem<strong>le</strong>rindeki tarihi hakkında veri<strong>le</strong>r bu-­‐<br />

lunmaktadır. 4<br />

Sulusaray’daki kültür varlıklarının saptan-­‐<br />

masını ve değer<strong>le</strong>ndirilmesini amaçlayan<br />

tarih ve arkeoloji araştırmaları, Tokat Müze<br />

müdürlüğü başkanlığında ve bizim bilimsel<br />

sorumluluğumuzda 2010 yeniden başlatıl-­‐<br />

mıştır. 5<br />

Sulusaray kültürel zenginlik<strong>le</strong>riy<strong>le</strong><br />

müstesna bir yerdir. Buradaki kültür varlık-­‐<br />

ları yalnızca Tarihöncesi’nden Osmanlı dö-­‐<br />

nemine kadar uzanmakla kalmaz, modern<br />

tarihe ve günümüzdeki hayata da tanıklık<br />

eder. Ayrıca bölge, hem jeolojik hem de<br />

biyolojik açıdan çok ilginç bir doğal mirasa<br />

da sahiptir. Sulusaray, Anadolu’nun bir özeti<br />

ya da küçük bir modeli niteliğini taşımak-­‐<br />

tadır. Bu neden<strong>le</strong>, Sulusaray için hazırlan-­‐<br />

3<br />

Bkz. Özsait 2000, 73-74.<br />

4<br />

Le Quien 1740, 425-426 ve 437-438; Cuinet 1890-<br />

1895; Munro 1901; Anderson 1903; Cumont/Cumont<br />

1906; French 1988; Le Guen-Pol<strong>le</strong>t 1989; Le Guen-<br />

Pol<strong>le</strong>t/Rémy 1990, 45-46; Rémy et al. 1990; Mitford<br />

1991; Rémy 1991; Bazin 1994; Amandry/Rémy 1998.<br />

5<br />

Kohl 2010; Le Guen/Rémy 2010; Kohl 2012; Kohl et<br />

al. 2012.<br />

104<br />

KOHL<br />

acak olan bir turistik düzen<strong>le</strong>me projesinde<br />

yalnızca antik kalıntıların dikkate alınması<br />

yeterli olmayacaktır. Aksine, böy<strong>le</strong> bir<br />

projede bu mirasın tümünü e<strong>le</strong> almak ve<br />

birlikte değer<strong>le</strong>ndirmek gerekir.<br />

Figure 4<br />

Sulusaray’ın çevresindeki peyzaj çok<br />

eski dönem<strong>le</strong>rden beri insanoğlu tarafından<br />

biçim<strong>le</strong>ndirilmiştir ve hala daha bugün de<br />

biçim<strong>le</strong>ndirilmeye devam etmektedir. Ha-­‐<br />

zırlamakta olduğumuz çevre düzen<strong>le</strong>mesi<br />

bu olguyu dikkate almaktadır. Araştırma<br />

projemiz yön<strong>le</strong>ndirme ve turistik düzen-­‐<br />

<strong>le</strong>me alanlarını da kapsamaktadır.<br />

Böy<strong>le</strong>ce Sulusaray’a ge<strong>le</strong>cek ziyaretçi<strong>le</strong>re<br />

kentin tarih ve çevre zenginlik<strong>le</strong>rini tanı-­‐<br />

tacak bir gezi güzergahının hazırlıklarına<br />

başladık. Levhaların görsel özdeşliğine büyük<br />

önem verilmiştir. Bu özdeşlik renk<strong>le</strong>r ve<br />

mizanpaj aracılığıyla sağlanacaktır: değişik<br />

<strong>le</strong>vha tür<strong>le</strong>rinde yine<strong>le</strong>nen benzer öğe<strong>le</strong>r<br />

yer almaktadır.<br />

Ayrıca örenyerini simge<strong>le</strong>yen bir logo hazır-­‐<br />

lanmıştır (Resim 4): Tarihi kent, doğal çevre,<br />

Sulusaray’da suyun taşıdığı önem bu logoda<br />

yansıtılmıştır. Logoda iki yerel motif<strong>le</strong>r kul-­‐<br />

lanılmıştır. Roma hamamından mimari bir<br />

detay, antik eser, su katılma, ılıca, sıcak ve<br />

soğuk sulu havuzlar, iyi olma, sağlık, din<strong>le</strong>n-­‐<br />

me gibi kavramları yansıtmakta; geç antik<br />

dönem villasından ge<strong>le</strong>n mozaikten alınma<br />

bitkisel bir öge de tarihi eser, doğa, hayat,<br />

doğal çevre, eko turizm, ge<strong>le</strong>cek gibi


kavramları simge<strong>le</strong>mektedir. Dört değişik<br />

türde <strong>le</strong>vha tasarlamayı düşündük. 6<br />

Figure 5<br />

Ilk olarak değişik yön <strong>le</strong>vhaları hazır-­‐<br />

lanacaktır. Bunlar üç farklı gezinti biçimi<br />

için tasarlanmıştır: Kısa süreli ziyaretçi<strong>le</strong>r<br />

için kent içinde küçük bir tur; uzun süreli<br />

ziyaretçi<strong>le</strong>r için: kent içinde ve çevresinde<br />

gezinti<strong>le</strong>r. Gezi güzergahının niteliği yön<br />

<strong>le</strong>vhasında kullanılan renk<strong>le</strong> belirtilmiştir:<br />

Kent içinde ve müzede bordo rengi; çevre-­‐<br />

de, doğa ve sağlık turları için yeşil; taş ocağı,<br />

tümülüs<strong>le</strong>r gibi çevrede yer alan tarihi var-­‐<br />

lıklar için bej rengi kullanılmıştır. (Resim 5)<br />

Bu renk<strong>le</strong>r çevredeki taş tür<strong>le</strong>rinden, yeşil<br />

örtüden esin<strong>le</strong>nebi<strong>le</strong>ceği gibi müzedeki ser-­‐<br />

gi<strong>le</strong>nen mozaikten ya da Sulusaray ev<strong>le</strong>r-­‐<br />

inde ağırlıkla kullanılan renk<strong>le</strong>rden alınmış<br />

olabilir.<br />

İkinci olarak, şehir merkezinde ve müze<br />

önünde genel bilgi <strong>le</strong>vhaları konulacaktır.<br />

Büyük boy bu <strong>le</strong>vhalarda (160 x 120 cm) bir<br />

giriş yazısı ve kısa bir tarihçe yer almak-­‐<br />

tadır. (Resim 6) Ayrıca orta boy (80x120cm)<br />

bir harita üzerinde doğa ve kültür zengin-­‐<br />

lik<strong>le</strong>rinin yeri gösteri<strong>le</strong>cektir. (Resim 7)<br />

6 Levhalarin design ve misanpaj müze ve kültür<br />

varliklari design yüksek lisans staj yaparken Myriam<br />

Lesko i<strong>le</strong> hazirliorduk. Belge ve canlandırıcı tartışma<br />

için Sayin Şennur Şentürk Istanbul Yapi Kredi Kültür<br />

Merkesi Sergi Koordinatörü ve Sayin Mercedes Urteaga<br />

Artiges, Museo Romano Oiasso’nun Müdürü, Irun,<br />

İspanya yardım için çok teşekkür ederiz.<br />

SULUSARAY -­‐ SEBASTOPOLIS<br />

Üçüncü olarak, kent içindeki ve çevre-­‐<br />

sindeki mimari birim<strong>le</strong>r, ilgi çekici doğal ve<br />

tarihi varlıklar için orta boy (80 x 120 cm)<br />

tanıtım <strong>le</strong>vhaları tasarlanmıştır. (Resim 8)<br />

Dördüncü olarak müzede ve kent içindeki<br />

ya da çevredeki yazıtlar, mimari parçalar,<br />

etnografik obje<strong>le</strong>r, doğal ve biyolojik ilginç<br />

öğ<strong>le</strong>ri açıklayan kücük boy (40 x 47 cm)<br />

<strong>le</strong>vhalar öngörülmüştür. (Resim 9)<br />

Levhaların iç düzen<strong>le</strong>mesi (mizanpaj) de<br />

büyük önem verilmiştir. Amaç, göze çarp-­‐<br />

mak ve çok kolay ve hızlı okunaklılıktır.<br />

Üstte, logo ve <strong>le</strong>vhada anlatılan yapı ya da<br />

objenin adı; merkezde ise, metin ve resim<strong>le</strong>r<br />

yer alacaktır. Levhalarda Türkçe ve İngilizce<br />

metin<strong>le</strong>r bulunacaktır. Türkçe için mavi,<br />

İngilizce için siyah renk kullanılacaktır. Baş-­‐<br />

lıkta genel içerik kısaca veri<strong>le</strong>cek, esas me-­‐<br />

tinde ise daha ayrıntılı olarak e<strong>le</strong> alın-­‐<br />

acaktır. Konuyla ilgili anekdotlar, yazılı kay-­‐<br />

naklar, yazıtlar çerçeve içinde veri<strong>le</strong>cektir.<br />

Levhalarda görsel olarak planlar, eski ve<br />

yeni fotoğraflar, çizim<strong>le</strong>r, kroki<strong>le</strong>r, taslaklar<br />

kullanılacaktır.<br />

Son olarak, her bir <strong>le</strong>vhanın alt bölümüne<br />

zaman ölçeğini gösteren kronolojik bir friz<br />

yer<strong>le</strong>ştirilmiştir. Bu frizde genel dönem<strong>le</strong>r,<br />

çağlar, yapı ya da eser<strong>le</strong> ilişkili tarihsel olay-­‐<br />

lar belirti<strong>le</strong>cektir. Bu tür friz<strong>le</strong>r, ziyaret-­‐<br />

çinin dönem<strong>le</strong>ri algılayabilmesi için büyük<br />

önem taşımalarına karşın örenyer<strong>le</strong>rine di-­‐<br />

ki<strong>le</strong>n <strong>le</strong>vhalarda çok ender olarak görülür<br />

Levhadan <strong>le</strong>vhaya yine<strong>le</strong>me<strong>le</strong>r ve gönder-­‐<br />

me<strong>le</strong>r de olabi<strong>le</strong>cektir.<br />

Ge<strong>le</strong>cek yıllarda bu kazı çalışmalarını<br />

geniş<strong>le</strong>tmeyi, <strong>le</strong>vhaların sayısını aıttırmayı<br />

ve çevre düzen<strong>le</strong>mesini sürdürmeyi umut<br />

ediyoruz. Hepinizi Sulusaray’ı ziyaret et-­‐<br />

meye davet ediyorum.<br />

M. Kohl<br />

105


Figure 6<br />

106<br />

KOHL


SULUSARAY -­‐ SEBASTOPOLIS<br />

Figure 7 Figure 8<br />

Figure 9<br />

107


108<br />

KOHL


Bibliographie<br />

SULUSARAY -­‐ SEBASTOPOLIS<br />

Amandry/Rémy 1998<br />

Amandry M. / Rémy, B. (1998), Les monnaies de l’atelier de Sebastopolis du Pont. Pontica II, Istanbul.<br />

Anderson 1903<br />

Anderson, J.G.C. (1903), “A Journey of Exploration in Pontus”, Studia Pontica I, Bruxel<strong>le</strong>s.<br />

Bazin 1994<br />

Bazin, M. (1994), “L’urbanisation des campagnes en Turquie: l’exemp<strong>le</strong> de Sulusaray (département de Tokat)”,<br />

Anna<strong>le</strong>s de Géographie 103, 41-­‐56.<br />

Cuinet 1890/1895<br />

Cuinet, V. (1890-­‐1895), La Turquie d’Asie : géographie administrative, statistique, descriptive et raisonnée de chaque<br />

province de l'Asie-Mineure, 4 vols., Paris.<br />

Cumont/Cumont 1906<br />

Cumont, F. / Cumont, E. (1906), “Voyage d’Exploration Archéologique dans <strong>le</strong> Pont et la Petite Arménie”, Studia<br />

Pontica II, Bruxel<strong>le</strong>s.<br />

French 1988<br />

French, D.H. (1988), Roman Roads and Mi<strong>le</strong>stones of Asia Minor, fasc. 2: An Interim Catalogue of Mi<strong>le</strong>stones, part 1<br />

[BAR International Series, 392/1], Oxford.<br />

Kohl 2010<br />

M. Kohl (2010), “Sulusaray/Sebastopolis-­‐Herac<strong>le</strong>iopolis: pour une reprise des recherches”, Anatolia Antiqua XVIII,<br />

89-­‐96.<br />

Kohl 2012<br />

Kohl, M. (2012), “Sulusaray (Tokat)/ Sebastopolis-­‐Herac<strong>le</strong>opolis. Mapping life and relationship of men with its<br />

environment. Studies of a site and its territory from prehistory to present. Society, economy, history”, in :<br />

L’Anatolie des peup<strong>le</strong>s, cités et cultures (IIe millénaire av. J.-C. – Ve sièc<strong>le</strong> ap. J.-C.), Besançon (sous presse).<br />

Kohl et al. 2012<br />

Kohl, M. / Matoğlu, M. / Alkan, A. (2012), “Tokat-­‐Sulusaray/Sebastopolis : Temizlik Çalışmaları ve Ziyaretçi<strong>le</strong>r İçin<br />

Bir Gezi Güzergahı Oluşturulmasında İlk Adımlar”, 33. Kazı Sonuçları Toplantısı, 559-­‐568.<br />

Le Guen-­‐Pol<strong>le</strong>t 1989<br />

Le Guen-­‐Pol<strong>le</strong>t, B. (1989), “Sebastopolis du Pont (Sulusaray). Documents littéraires et inscriptions déjà publiées<br />

de la cité”, Epigraphica Anatolica 13, 51-­‐86.<br />

Le Guen/Rémy 2010<br />

Le Guen B. / Rémy, B. (2010), “La cité de Sebastopolis du Pont”, Anatolia Antiqua XVIII, 97-­‐107.<br />

Le Guen-­‐Pol<strong>le</strong>t/Rémy 1990<br />

Le Guen-­‐Pol<strong>le</strong>t, B. / Rémy, B. (1990), “Prospections épigraphiques franco-­‐turque dans la cité de Sébastopolis du<br />

Pont”, in : Anatolie antique. Fouil<strong>le</strong>s françaises en Turquie, Catalogue de l’exposition, Istanbul, 41-­‐46.<br />

Le Quien 1740<br />

Le Quien, M. (1740), Oriens Christianus, In Quatuor Patriarchatus Digestus I, Paris.<br />

Mitford 1991<br />

Mitford, T.B. (1991), “Inscriptiones Ponticae-­‐Sebastopolis”, ZPE 87, 181-­‐243.<br />

Munro 1901<br />

Munro, J.A.R. (1901), “Roads in Pontus, Royal and Roman”, JHS 21, 1901, 52-­‐66.<br />

109


110<br />

KOHL<br />

Özsaït 2000<br />

Özsait, M. (2000), “1997 ve 1998 Yılı Tokat-­‐Zi<strong>le</strong> ve Çevresi Yüzey Araştırmaları”, Araştırma Sonuçları Toplantısı<br />

XVII.2, 73-­‐74.<br />

Rémy et al. 1990<br />

Rémy, B. / Le Guen-­‐Pol<strong>le</strong>t, B. / Özcan, B. / Amandry, M. (1990), “Rapport des travaux épigraphiques et<br />

numismatiques au Musée de Tokat en Juil<strong>le</strong>t 1988“, VII. Arastirma Sonuçlari Toplantisi, 515-­‐531.<br />

Rémy 1991<br />

Rémy, B. (1991), “Recherches sur l’histoire du Pont dans l’Antiquité”, Pontica I, 3-­‐6.


LE TEMPLE DE L'ORACLE D'APOLLON A CLAROS<br />

Jean-­‐Char<strong>le</strong>s Moretti<br />

Directeur de la mission archéologique française de Claros (MAEE)<br />

Institut de recherche sur l'architecture antique (IRAA), CNRS, MOM<br />

Université Lumière Lyon 2<br />

jean-char<strong>le</strong>s.moretti@mom.fr<br />

Résumé : Le temp<strong>le</strong> d'Apollon mis en chantier dans <strong>le</strong> sanctuaire de Claros à la fin du 4 e sièc<strong>le</strong> aC était un temp<strong>le</strong><br />

dorique périptère à cinq degrés de crépis destinés à porter six colonnes sur <strong>le</strong>s petits côtés et onze sur <strong>le</strong>s longs.<br />

Son sékos comportait un vestibu<strong>le</strong> et une cour hypèthre, où se trouvait un puits, dont l'eau était la source<br />

d'inspiration de l'orac<strong>le</strong>. Des travaux en cours au 2 e sièc<strong>le</strong> aC conduisirent à l'installation d'une crypte à deux sal<strong>le</strong>s<br />

à l'emplacement de la cour. Un couloir construit sous <strong>le</strong> pronaos y conduisait. Au-­‐dessus de la crypte fut aménagé<br />

un naos au fond duquel fut érigé un groupe statuaire représentant la triade apollinienne. Mise en chantier à la fin<br />

de l'époque hellénistique, la colonnade de la peristasis, ne fut jamais achevée. Hadrien finança l'entab<strong>le</strong>ment des<br />

six colonnes de la façade et de cinq autres sur chacun des longs côtés.<br />

Mots clés : temp<strong>le</strong>, sanctuaire, orac<strong>le</strong>, architecture grecque, ordre dorique, époque hellénistique, époque impéria<strong>le</strong>,<br />

Ionie, Apollon.<br />

Abstract: The temp<strong>le</strong> of Apollo whose construction began in the sanctuary of Claros in the late 4 th century BC was a<br />

a peripteral Doric temp<strong>le</strong> with a five degrees krepis , five columns on the short sides and e<strong>le</strong>ven on the long ones.<br />

His sékos included a vestibu<strong>le</strong> and a hypaethros courtyard, where stood a well, whose water was the inspiration<br />

for the orac<strong>le</strong>. Ongoing work in the 2 nd century BC <strong>le</strong>d to the installation of a two-­‐room crypt at the location of the<br />

court. A corridor built under the pronaos <strong>le</strong>d to it. Above the crypt a naos was created, at the back of which a group<br />

of statues representing the Apollonian triad was erected. The colonnade of peristasis, whose construction began at<br />

the end of the Hel<strong>le</strong>nistic period, was never comp<strong>le</strong>ted. Hadrian financed the entablature of the facade of six<br />

columns and five on each long side.<br />

Keywords: temp<strong>le</strong>, shrine, orac<strong>le</strong>, Greek architecture, Doric, Hel<strong>le</strong>nistic, Imperial Age, Ionia, Apollo


Figure 1 : Le temp<strong>le</strong> d'Apollon, de l'est (cliché N. Şahin)<br />

Figure 2 : La fondation et la crépis à l'ang<strong>le</strong> nord-est de la façade, de l'est (cliché J.-Ch. Moretti)<br />

112<br />

MORETTI


e sanctuaire d'Apollon Clarios est<br />

situé dans la vallée de l'Alès, à 13<br />

km au nord-­‐ouest d'Éphèse1 . Dans<br />

la partie haute de ce vallon se trouve la cité<br />

de Colophon, dont dépendait <strong>le</strong> sanctuaire,<br />

et à son débouché Notion, <strong>le</strong> lieu du Sud, <strong>le</strong><br />

port de Colophon. Depuis l'Antiquité <strong>le</strong><br />

paysage s'est sensib<strong>le</strong>ment modifié. La mer,<br />

qui était toute proche du sanctuaire, s'en est<br />

éloignée de 2 km. Les alluvions ont repoussé<br />

<strong>le</strong> trait de côte et exhaussé de plusieurs<br />

mètres <strong>le</strong> niveau du sol, faisant presque<br />

tota<strong>le</strong>ment disparaître <strong>le</strong>s vestiges du<br />

sanctuaire, qui ne furent repérés qu'en<br />

1826 par A.V. Arundell. Dans ce qui était un<br />

bois de frênes en bord de mer, un lieu de<br />

culte s'est développé dès l'époque<br />

protogéométrique sur un site dont <strong>le</strong>s<br />

premières traces d'occupation remontent à<br />

l'époque mycénienne. Au 6e s. Apollon et<br />

Artémis y possédaient chacun un temp<strong>le</strong> et<br />

un autel et y recevaient des offrandes parmi<br />

<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s on compte plusieurs statues de<br />

kouroi etdekorai. Le temp<strong>le</strong> archaïque<br />

d'Apollon est mal connu car il a été arasé et<br />

recouvert par un temp<strong>le</strong> hellénistique.<br />

Seu<strong>le</strong>s quelques sections de la fondation, de<br />

l'euthyntéria et de la première assise de<br />

marbre de l'élévation de son mur de fond<br />

ont pu être observées.<br />

Un nouveau temp<strong>le</strong> consacré à Apollon fut<br />

mis en chantier à la fin du 4e L<br />

sièc<strong>le</strong>aC pour<br />

recevoir un orac<strong>le</strong>. Il a été découvert et<br />

fouillé dans <strong>le</strong>s années 1950 par une équipe<br />

dirigée par Louis Robert. Roland Martin, qui<br />

a participé aux travaux, en a alors com-­‐<br />

mencé l'étude. Durantlapériodependant laquel<strong>le</strong> Mme J. de la Genière dirigeait la<br />

fouil<strong>le</strong> de Claros (1988-­‐1997), il m'a chargé<br />

d'en mener à bien la publication. Je m'y<br />

consacre actuel<strong>le</strong>ment avec Didier Laroche,<br />

Isabel Bonora, Nicolas Bresch et Olivier<br />

Riss, grâce à un financement du Ministère<br />

des affaires étrangères et européennes dans<br />

<strong>le</strong> cadre d'une mission dirigée par Mme<br />

1 Cet artic<strong>le</strong> synthétise <strong>le</strong>s résultats que nous avons<br />

obtenus ces dernières années et que nous avons fait<br />

connaître dans <strong>le</strong>s artic<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s chroniques suivantes :<br />

Moretti/Laroche 2008 et 2010 ; Moretti 2008, 2009a,<br />

2009b, 2010 et 2011.<br />

TEMPLE D’APOLLON A CLAROS<br />

Nuran Şahin, professeur à l'Université de<br />

l'Égée à Izmir, qui nous a toujours réservé<br />

un accueil très cha<strong>le</strong>ureux et qui ne cesse de<br />

favoriser nos travaux.<br />

Les vestiges<br />

Du temp<strong>le</strong> hellénistique, il demeure<br />

en place presque uniquement des éléments<br />

qui se trouvaient sous <strong>le</strong> niveau du<br />

stylobate (fig. 1). Aucun tambour de<br />

colonne, ni aucun bloc des murs n'est à son<br />

emplacement d'origine, mais <strong>le</strong>s couloirs et<br />

<strong>le</strong>s deux sal<strong>le</strong>s qui se trouvent dans <strong>le</strong>s<br />

substructures et qui servaient à la con-­‐<br />

sultation oraculaire sont dans un état de<br />

conservation remarquab<strong>le</strong>. À ces vestiges<br />

conservés en place sont associées quelques<br />

centaines de blocs errants dont <strong>le</strong>s plus<br />

spectaculaires, et aussi <strong>le</strong>s plus simp<strong>le</strong>s à<br />

identifier, sont ceux qui proviennent des<br />

colonnades. Les pièces pouvant être<br />

restituées à l'élévation des murs sont<br />

relativement peu nombreuses.<br />

La fondation est faite de deux assises de<br />

marbre à parement à bossages reposant sur<br />

un remblai argi<strong>le</strong>ux (fig. 2). El<strong>le</strong> porte une<br />

assise de réglage de marbre blanc qui était<br />

surmontée de cinq degrés de crépis de<br />

même matière. La longueur des blocs des<br />

six assises est parfaitement régulière. Les<br />

joints montants sont alignés une assise sur<br />

deux. À l'assise de réglage et aux assises<br />

paires de la crépis, ils correspondent<br />

alternativement aux axes et aux entraxes<br />

des colonnes. Il est ainsi possib<strong>le</strong> de<br />

restituer non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> nombre de<br />

colonnes, mais de connaître très exac-­‐<br />

tement <strong>le</strong>urs entraxes qui étaient un peu<br />

plus faib<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s ang<strong>le</strong>s. À la base des<br />

joints montants des cinq degrés étaient<br />

scellés des astraga<strong>le</strong>s de bronze (fig. 3).<br />

Tout autour du temp<strong>le</strong> brillaient donc des<br />

centaines d'astraga<strong>le</strong>s dont <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> dans la<br />

klèromantie est bien connu 2 . Cette<br />

ornementation exceptionnel<strong>le</strong> désignait<br />

l'édifice comme <strong>le</strong> siège d'un orac<strong>le</strong>. À sa<br />

face postérieure, <strong>le</strong> quatrième degré de la<br />

2 Voir récemment Nollé 2007.<br />

113


f<br />

e<br />

d<br />

Fondations prévues pour une colonnade<br />

doublant la colonnade de façade<br />

c<br />

b<br />

Puits<br />

Fondations du stylobate<br />

et de la péristasis<br />

a<br />

Fondations du dallage<br />

Fondations des murs périphériques<br />

du sékos<br />

Figure 4 : Vue axonométrique du temp<strong>le</strong> avec indication de ses différentes composantes (P. Bonnard, G. Charpentier, V. Picard)<br />

114<br />

MORETTI<br />

Figure 3 : Astraga<strong>le</strong> de bronze scellé à la base d'un joint montant de la crépis<br />

(cliché J.-Ch. Moretti)<br />

3 m<br />

0<br />

3 m<br />

3 m


crépis est en contact avec une série de<br />

grands blocs de fondation (fig. 4).<br />

Ces pièces, scellées entre el<strong>le</strong>s par des<br />

agrafes en fer, portaient <strong>le</strong> cinquième degré<br />

de la crépis, qui servait de stylobate avec un<br />

système dilithique. Les quelques fragments<br />

qui en demeurent et la régularité de la<br />

construction permettent d'en proposer une<br />

restitution assurée avec, sur <strong>le</strong>s petits côtés,<br />

11 dal<strong>le</strong>s destinées à porter 6 colonnes et,<br />

sur <strong>le</strong>s longs côtés, 21 dal<strong>le</strong>s destinées à en<br />

porter 11. À ce niveau, <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> mesurait<br />

23,492 sur 43,748 m. L'entraxe courant<br />

était de 4,232 m et <strong>le</strong>s entraxes angulaires<br />

réduits à 4,040 m.<br />

La colonnade était d'ordre dorique.<br />

Les fûts avaient 20 cannelures séparées par<br />

des méplats. L'étude des 154 tambours<br />

conservés a été achevée cette année. El<strong>le</strong><br />

conduit à restituer des fûts à 12 tambours,<br />

dont certains conservent des <strong>le</strong>ttres sur <strong>le</strong>ur<br />

lit de pose. Ils ont été numérotés de bas en<br />

haut avec <strong>le</strong> système de numération<br />

milésienne, de Α à ΙΒ. La hauteur complète<br />

de la colonne, chapiteau compris, atteignait<br />

11,34 m.<br />

L'étude des tambours nous a appris que <strong>le</strong>s<br />

systèmes de <strong>le</strong>vage utilisés n'avaient pas été<br />

<strong>le</strong>s mêmes pour toutes <strong>le</strong>s colonnes et que<br />

l'on avait construit <strong>le</strong>s quatre colonnes<br />

centra<strong>le</strong>s de la façade avant d'entreprendre<br />

l'érection des colonnades latéra<strong>le</strong>s. Nous y<br />

reviendrons en évoquant l'histoire du<br />

chantier.<br />

Les fûts étaient couronnés de chapiteaux<br />

qui portaient un entab<strong>le</strong>ment dont <strong>le</strong> travail<br />

laisse supposer une réalisation à l'époque<br />

impéria<strong>le</strong>. Plusieurs des blocs d'architrave<br />

conservés sont inscrits (fig. 5). Ils provien-­‐<br />

nent de la façade qui portait une dédicace<br />

faite par Hadrien avec la titulature qu'il a<br />

portée entre 135 et sa mort, <strong>le</strong> 10 juil<strong>le</strong>t<br />

138 3 . La frise comportait un seul triglyphe<br />

par entrecolonnement et des métopes<br />

lisses. La corniche horizonta<strong>le</strong> est ornée à sa<br />

face inférieure de longs mutu<strong>le</strong>s sans<br />

gouttes séparés par des espaces étroits.<br />

Un bloc (n° 138) présente entre deux<br />

mutu<strong>le</strong>s un espace orné d'un foudre, ce qui<br />

3 Ferrary 2000, 370-376.<br />

TEMPLE D’APOLLON A CLAROS<br />

répond très précisément au précepte de<br />

Vitruve IV 3, 6: “Les espaces résiduels, dont<br />

l'existence est due au fait que <strong>le</strong>s métopes<br />

sont plus larges que <strong>le</strong>s triglyphes doivent<br />

rester non décorés, à moins qu'on n'y sculpte<br />

des foudres…” (fig. 6) 4 . C'est à ma<br />

connaissance <strong>le</strong> seul bloc qui répond à ce<br />

que l'architecte latin édicte comme une<br />

règ<strong>le</strong>. Comme souvent, il a dû ériger un cas<br />

particulier en parangon. Quelques pièces de<br />

chéneau en sima ont été identifiées : l'une<br />

d'el<strong>le</strong>s (n° 129) comporte une gargouil<strong>le</strong> en<br />

tête de lion (fig. 7).<br />

Derrière cette colonnade, vers<br />

l'intérieur du temp<strong>le</strong> se trouvait un dallage.<br />

Il portait sur une fondation, en léger<br />

décaissé par rapport au niveau de cel<strong>le</strong> de la<br />

colonnade et de cel<strong>le</strong> des murs. Les diffé-­‐<br />

rentes surfaces apparaissent clairement sur<br />

la fig. 8 de l'arrière du temp<strong>le</strong>. On y<br />

distingue, de gauche à droite : la surface qui<br />

portait <strong>le</strong> stylobate de la colonnade ; cel<strong>le</strong><br />

qui portait <strong>le</strong> dallage ; et la fondation du<br />

mur du fond du temp<strong>le</strong>, en léger ressaut par<br />

rapport à la fondation du dallage. Sur la fig.<br />

4 <strong>le</strong>s fondations de la colonnade et cel<strong>le</strong>s du<br />

mur périphérique du temp<strong>le</strong> apparaissent<br />

en grisé. Du côté de la façade, <strong>le</strong>s têtes des<br />

murs latéraux étaient plus ou moins<br />

précisément alignées sur <strong>le</strong>s troisièmes<br />

colonnes des flancs, comptées à partir de<br />

l'est.<br />

Entre la colonnade est et la façade du<br />

pronaos, la péristasis était donc deux fois<br />

plus profonde que sur <strong>le</strong>s longs côtés et sur<br />

la face postérieure. Avait-­‐on prévu à cet<br />

endroit une plus grande surface dallée ou<br />

une doub<strong>le</strong> colonnade ? La seconde<br />

hypothèse est assez probab<strong>le</strong> car à<br />

l'emplacement attendu de cette éventuel<strong>le</strong><br />

colonnade, la fondation marque un léger<br />

ressaut et est faite de blocs plus grands et<br />

plus réguliers qu'en bordure du stylobate<br />

de la péristasis.<br />

L'intérieur du temp<strong>le</strong> était divisé en<br />

deux sal<strong>le</strong>s, un pronaos et un naos. Le mur<br />

qui <strong>le</strong>s séparait était aligné sur la cinquième<br />

4 Reliqua spatia, quod latiores sunt metopae quam<br />

triglyphi, pura relinquantur aut fulmina scalpantur…<br />

115


116<br />

MORETTI<br />

Figure 5 : Chapiteaux, architrave inscrite et triglyphe d'ang<strong>le</strong> de la façade du temp<strong>le</strong><br />

(cliché J.-Ch. Moretti)<br />

Figure 6 : Bloc de corniche horizonta<strong>le</strong> (n° 138) : vue du lit de pose<br />

(cliché J.-Ch. Moretti)<br />

Figure 7 : Bloc de sima horizonta<strong>le</strong> (n° 129) : vue de la face antérieure (cliché J.-Ch. Moretti)


TEMPLE D’APOLLON A CLAROS<br />

Figure 8 : L'arrière du temp<strong>le</strong>, du sud (cliché J.-Ch. Moretti)<br />

Figure 9 : L'architrave inscrite du pronaos (cliché J.-Ch. Moretti)<br />

Figure 10 : Bloc de triglyphe de l'ang<strong>le</strong> sud-est du pronaos<br />

(cliché J.-Ch. Moretti)<br />

117


colonne des longs côtés. Les murs étaient en<br />

marbre blanc avec un appareil rectangulaire<br />

décoré de panneaux finement piquetés. Le<br />

pronaos avait en façade deux colonnes<br />

doriques in antis dont il demeure 6 tam-­‐<br />

bours et <strong>le</strong>s deux chapiteaux. Un tambour<br />

porte dans une cannelure la dédicace de<br />

l'une des deux colonnes (τὸν κίονα) à<br />

Apollon Clarios par un certain Sé<strong>le</strong>ukos fils<br />

de Sé<strong>le</strong>ukos, ancien prytane, dans <strong>le</strong>quel on<br />

reconnaîtra un citoyen de Colophon plutôt<br />

qu'un dynaste. Le sty<strong>le</strong> de l'écriture du texte<br />

convient à la première moitié du 2 e s. aC ou<br />

au milieu de ce sièc<strong>le</strong>. Trois fragments de<br />

l’architrave qui reposait en façade sur l'ante<br />

nord et sur la colonne qui la jouxtait (fig. 9)<br />

portent une inscription avec la titulature de<br />

Tibère au génitif, attestant la consécration<br />

d'une partie du temp<strong>le</strong> à l'empereur 5 .<br />

La frise, qui comportait un triglyphe par<br />

entrecolonnement, est d'un type assez<br />

différent de celui de la péristasis. El<strong>le</strong> ne se<br />

prolongeait pas sur <strong>le</strong>s longs côtés. Il n'y<br />

avait qu'un seul triglyphe sur <strong>le</strong> retour (fig.<br />

10).<br />

Le mur qui séparait <strong>le</strong> pronaos du<br />

naos est entièrement ruiné, mais on a<br />

conservé plusieurs éléments des montants<br />

de sa porte. Le fond du naos, qui était dallé<br />

de marbre noir, était occupé sur toute sa<br />

longueur par la base du groupe statuaire<br />

représentant Apollon entre Artémis et Létô<br />

(fig. 11).<br />

Ce groupe est connu par des vestiges des<br />

statues, par des représentations sur des<br />

monnaies de Colophon et, pour la figure<br />

d'Apollon, par une copie récemment décou-­‐<br />

verte dans un nymphée de Sagalassos qui<br />

n'est pas antérieur à 128/9 pC 6 . Des mou-­‐<br />

lages ont permis à M. Jean Marcadé<br />

d'étudier et de restituer sur <strong>le</strong> site <strong>le</strong>s<br />

éléments de ce groupe sculpté, qui mesurait<br />

7 à 8 m de haut. L'ensemb<strong>le</strong> de la triade<br />

paraît avoir été sculptée vers 200 ou dans la<br />

première moitié du 2 e s. aC.<br />

Une crypte composée de deux sal<strong>le</strong>s<br />

était aménagée sous <strong>le</strong> naos. On y accédait<br />

5 Ferrary 2000, 368-370.<br />

6 Mäge<strong>le</strong> 2009, 129-142.<br />

118<br />

MORETTI<br />

par des couloirs de marbre noir dont <strong>le</strong>s<br />

premières branches étaient situées sous <strong>le</strong><br />

pronaos. Il fallait changer sept fois de<br />

direction avant d'accéder à la première<br />

sal<strong>le</strong>. Les consultants devaient être passa-­‐<br />

b<strong>le</strong>ment désorientés par ce cheminement et<br />

sans doute, pour certains, un peu effrayés,<br />

d'autant plus que <strong>le</strong>s textes littéraires nous<br />

apprennent que <strong>le</strong>s consultations avaient<br />

lieu la nuit. Deux escaliers symétriques qui<br />

ouvraient dans <strong>le</strong> dallage au pied des murs<br />

latéraux du vestibu<strong>le</strong> conduisaient à ces<br />

couloirs (fig. 12).<br />

L'un d'eux était probab<strong>le</strong>ment utilisé à<br />

l'al<strong>le</strong>r et l'autre au retour. La première sal<strong>le</strong><br />

à laquel<strong>le</strong> on accédait est une pièce de plan<br />

presque carré (6,44 m est-­‐ouest sur 6,77 m<br />

nord-­‐sud). El<strong>le</strong> avait deux portes latéra<strong>le</strong>s,<br />

dont l'une, là encore, devait servir à l'al<strong>le</strong>r et<br />

l'autre au retour. Son couvrement, qui<br />

n'était autre que <strong>le</strong> dallage du naos, était<br />

porté par quatre arcs de marbre blanc entre<br />

<strong>le</strong>squels fut installé, dans une seconde<br />

phase, un couvrement de bandes de tissu<br />

probab<strong>le</strong>ment, montées sur des tasseaux de<br />

bois (fig. 13).<br />

Entre <strong>le</strong>s retombées des arcs contre <strong>le</strong> mur<br />

est, il y avait des bancs de pierre destinés<br />

aux consultants (fig. 14).<br />

Dans cette pièce a été retrouvé un omphalos<br />

de marbre, comparab<strong>le</strong> à celui qui repré-­‐<br />

sentait <strong>le</strong> nombril du monde dans <strong>le</strong> temp<strong>le</strong><br />

de Delphes. Il était surmonté d'un serpent<br />

et peut-­‐être fixé sur un cadre métallique<br />

triangulaire (fig. 15). Un large mur séparait<br />

la sal<strong>le</strong> des consultants de cel<strong>le</strong> où se tenait<br />

<strong>le</strong> thespiode qui rendait <strong>le</strong>s orac<strong>le</strong>s. Dans<br />

l'étroit couloir qui traverse ce mur, il y a, au<br />

pied de la paroi de droite, un bloc en saillie<br />

dont la configuration convient à cel<strong>le</strong> d'un<br />

siège. C'était là, selon L. Robert, que<br />

s'asseyait <strong>le</strong> prophète qui transcrivait <strong>le</strong>s<br />

orac<strong>le</strong>s rendus par <strong>le</strong> thespiode.<br />

La sal<strong>le</strong> de l'orac<strong>le</strong> a la même longueur que<br />

<strong>le</strong> naos (10,52 m), mais el<strong>le</strong> est relativement<br />

étroite (3,745 m) (fig. 16). Son sol, dallé de<br />

blocs en remploi, est interrompu au sud du<br />

débouché du couloir par l'ouverture d'un<br />

puits rectangulaire. Le thespiode buvait de<br />

son eau avant de rendre ses orac<strong>le</strong>s. Huit<br />

arcs soutenaient <strong>le</strong> couvrement de la sal<strong>le</strong>.


TEMPLE D’APOLLON A CLAROS<br />

Figure 11 : Moulage des vestiges du groupe représentant Apollon entre Artémis et Létô<br />

(cliché J.-Ch. Moretti)<br />

Figure 12 : L'escalier nord conduisant à la crypte, du sud-ouest (cliché J.-Ch. Moretti)<br />

Figure 13 : Le couvrement de toi<strong>le</strong> restitué dans la sal<strong>le</strong> des consultants. Vue de l'intérieur, du sud-est<br />

(cliché J.-Ch. Moretti)<br />

119


120<br />

Figure 14 : Le siège n° 1511 conservé en place dans la sal<strong>le</strong> des consultants<br />

(cliché J.-Ch. Moretti)<br />

71 cons.<br />

52,9<br />

2<br />

2<br />

3 4<br />

7,8<br />

8<br />

4<br />

9<br />

6<br />

1<br />

1<br />

6<br />

8<br />

0 10 60 cm<br />

Figure 15 : Re<strong>le</strong>vé de l’omphalos, au 1/20. Restitution d'un serpent<br />

au lit supérieur et d'un cadre triangulaire au lit de pose<br />

(re<strong>le</strong>vé et restitution N. Bresch)<br />

Figure 16 : La sal<strong>le</strong> de l'orac<strong>le</strong>, du sud (cliché J.-Ch. Moretti)<br />

5<br />

5<br />

MORETTI<br />

54°<br />

72°<br />

54°


La crypte ne disposait d'aucun mode<br />

d'éclairage naturel. Les nuits de consul-­‐<br />

tation, el<strong>le</strong> devait être éclairée à la torche ou<br />

à la lampe. Il faut supposer qu'il existait au<br />

moins pour <strong>le</strong>s deux sal<strong>le</strong>s un système<br />

d'aération et donc probab<strong>le</strong>ment des ouver-­‐<br />

tures dans <strong>le</strong> couvrement. On n'en a pas<br />

reconnu de trace.<br />

Tous ces vestiges ne sont pas<br />

contemporains. L'histoire architectura<strong>le</strong> du<br />

temp<strong>le</strong> n'a pas consisté en la réalisation<br />

dans un temps limité d'un projet retenu une<br />

fois pour toute. L'absence de liaison entre<br />

ses différentes composantes, des traces de<br />

retail<strong>le</strong>, des écarts stylistiques entre des<br />

éléments qui auraient été identiques dans<br />

un édifice rapidement réalisé conduisent à<br />

restituer au monument plusieurs configu-­‐<br />

rations qui se sont succédées dans <strong>le</strong> temps<br />

et dont on peut préciser la chronologie<br />

absolue grâce aux datations apportées par<br />

la fouil<strong>le</strong>, par l'analyse stylistique et par des<br />

inscriptions.<br />

Il existe une preuve irréfutab<strong>le</strong> de la<br />

modification du projet initia<strong>le</strong>ment retenu :<br />

<strong>le</strong>s constructions qui se trouvent sous <strong>le</strong><br />

naos n'ont aucun lien structurel avec <strong>le</strong>s<br />

fondations des murs du temp<strong>le</strong>. Toutes<br />

viennent buter contre un mur à bossage<br />

dont l'emprise correspond à cel<strong>le</strong> du naos.<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s éléments constitutifs de la<br />

crypte ne sont pas liés structurel<strong>le</strong>ment<br />

entre eux. On en distingue principa<strong>le</strong>ment<br />

cinq (fig. 4) :<br />

-­‐ la grande fondation sur laquel<strong>le</strong><br />

reposait la base des statues dans <strong>le</strong><br />

naos (a) ;<br />

-­‐ <strong>le</strong> massif de refend entre <strong>le</strong>s deux<br />

sal<strong>le</strong>s (c) ;<br />

-­‐ <strong>le</strong>s arcs de la sal<strong>le</strong> de l'orac<strong>le</strong> (b) ;<br />

-­‐ <strong>le</strong>s arcs, <strong>le</strong>s murs latéraux et <strong>le</strong><br />

parement ouest du mur oriental de la<br />

sal<strong>le</strong> des consultants (d) ;<br />

-­‐ <strong>le</strong> flanc est, enfin, du mur oriental de<br />

cette sal<strong>le</strong>, qui a été l’objet d’une<br />

réfection (e).<br />

On a de plus noté que <strong>le</strong>s couloirs d'accès à<br />

la crypte (f) qui se trouvent sous <strong>le</strong> pronaos<br />

n'appartiennent pas à la première phase du<br />

TEMPLE D’APOLLON A CLAROS<br />

temp<strong>le</strong>. Ces couloirs, tous <strong>le</strong>s éléments<br />

constitutifs de la crypte et la base des<br />

statues ont donc été ajoutés en reprise.<br />

Ainsi est-­‐on conduit à restituer une<br />

première phase du temp<strong>le</strong> avec, à l'empla-­‐<br />

cement du futur naos, une cour à l'air libre<br />

délimitée par un mur à bossage.<br />

L'histoire du temp<strong>le</strong><br />

Ce projet initial date de la fin du 4 e<br />

sièc<strong>le</strong>. Il est plus ou moins contemporain<br />

d'un grand programme de développement<br />

urbain qui fut décidé par <strong>le</strong>s Colophoniens<br />

vers 310 aC et de la mise en chantier de<br />

nouveaux temp<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> sanctuaire ora-­‐<br />

culaire d'Apollon à Didymes et dans celui<br />

d'Artémis à Éphèse. Le temp<strong>le</strong> projeté à<br />

Claros était un édifice dorique à cinq degrés<br />

de crépis avec, peut-­‐être, deux rangées de<br />

six colonnes en façade et onze sur <strong>le</strong>s longs<br />

côtés. L'emplacement du naos était occupé<br />

par une cour où se trouvait <strong>le</strong> puits dont<br />

l'eau était source d'inspiration et proba-­‐<br />

b<strong>le</strong>ment un petit temp<strong>le</strong> pour la statue de<br />

culte. La présence de centaines d'astraga<strong>le</strong>s<br />

ornementaux dans la crépis ne laisse pas<br />

douter que dès cette époque, au moins, <strong>le</strong><br />

temp<strong>le</strong> était <strong>le</strong> siège d'un orac<strong>le</strong>. Son<br />

aménagement intérieur était assez proche<br />

de celui de l'édifice de Didymes. Il y a donc<br />

tout lieu de penser que <strong>le</strong> mode d'inter-­‐<br />

rogation de l'orac<strong>le</strong> était comparab<strong>le</strong> dans<br />

<strong>le</strong>s deux sanctuaires apolliniens. Les consul-­‐<br />

tants n'avaient pas accès à la cour. Seul <strong>le</strong><br />

personnel attaché à l'orac<strong>le</strong> s'y rendait pour<br />

interroger <strong>le</strong> dieu dont il faisait ensuite<br />

connaître <strong>le</strong>s réponses.<br />

Par ses dimensions (23,49 sur 43,75 m<br />

au stylobate), <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> d'Apollon clarien<br />

est comparab<strong>le</strong> aux grands temp<strong>le</strong>s<br />

doriques construits en Grèce au 4 e sièc<strong>le</strong> et,<br />

en particulier, à celui de Zeus à Némée 7<br />

(20,09 x 42,55 m). Son plan, qui est unique,<br />

se trouve à la croisée de deux famil<strong>le</strong>s : cel<strong>le</strong><br />

des temp<strong>le</strong>s doriques à six colonnes sur<br />

onze, avec la façade du pronaos alignée sur<br />

la troisième colonne des longs côtés et cel<strong>le</strong>,<br />

7 Hill 1966.<br />

121


éduite à deux proches voisins, des temp<strong>le</strong>s<br />

ioniques à haute crépis et cour intérieure<br />

(fig. 17). Ces deux édifices, dont <strong>le</strong>s<br />

dimensions colossa<strong>le</strong>s sont sans commune<br />

mesure avec cel<strong>le</strong>s du temp<strong>le</strong> de Claros,<br />

sont l'Artémision d'Éphèse et <strong>le</strong> Didymesion<br />

de Mi<strong>le</strong>t. Ils étaient prévus pour comporter<br />

deux rangs de colonnes à la périphérie et<br />

même trois pour la façade de l'Artémision.<br />

La colonnade se développait aussi dans <strong>le</strong><br />

vestibu<strong>le</strong>. Il se pourrait qu'il en ait été ainsi<br />

à Claros.<br />

La progression de l'étude permettra peut-­‐<br />

être de préciser jusqu'à quel stade fut<br />

réalisé l'édifice mis en chantier dans <strong>le</strong>s<br />

dernières décennies du 4 e sièc<strong>le</strong>. La prise de<br />

Colophon par Lysimaque et la transplan-­‐<br />

tation de ses habitants dans la Nouvel<strong>le</strong><br />

Éphèse en 294 8 provoquèrent sans doute<br />

une suspension des travaux. Ils avaient<br />

repris au 2 e sièc<strong>le</strong>, qui fut une période pros-­‐<br />

père pour <strong>le</strong> sanctuaire d'Apollon Clarios 9 .<br />

Tout en conservant <strong>le</strong>s grandes lignes de la<br />

construction projetée à la fin du 4 e s., on<br />

avait alors modifié <strong>le</strong> projet initial (fig. 18).<br />

La doub<strong>le</strong> colonnade de façade avait été<br />

abandonnée. Le vestibu<strong>le</strong> associé à une cour<br />

avait été remplacé par une construction à<br />

deux niveaux. Sous une combinaison très<br />

canonique d'un pronaos à deux colonnes<br />

entre <strong>le</strong>s antes et d'un naos contenant un<br />

groupe statuaire était aménagée une crypte<br />

à deux sal<strong>le</strong>s accessib<strong>le</strong>s par des couloirs<br />

ouvrant devant la façade du pronaos. Une<br />

tel<strong>le</strong> transformation du projet initial sup-­‐<br />

pose une modification du rituel oraculaire 10 .<br />

La construction de la crypte permit à<br />

certains consultants d'al<strong>le</strong>r entendre direc-­‐<br />

tement <strong>le</strong> thespiode qui officiait dans la<br />

sal<strong>le</strong> du puits.<br />

Les travaux traînèrent en longueur et ne<br />

furent fina<strong>le</strong>ment jamais terminés. Les<br />

contraintes imposées par la construction<br />

préexistante et par la volonté de ne pas<br />

suspendre l'activité oraculaire n'expliquent<br />

qu'en partie la durée du chantier. L'argent<br />

manqua au sanctuaire et à la cité de<br />

8 Robert/Robert 1989, 77-85.<br />

9 Ferrary 2010, 94-95.<br />

10 Ferrary 2010, 113-114.<br />

122<br />

MORETTI<br />

Colophon et <strong>le</strong>s dons évergétiques ne<br />

suffirent pas pour tout financer. Sans<br />

pouvoir préciser toutes <strong>le</strong>s phases d'activité<br />

et de suspension du chantier, on peut situer<br />

dans <strong>le</strong> temps la réalisation de quelques<br />

parties de l'édifice.<br />

Le groupe statuaire, qui fut érigé<br />

après la construction de la crypte, a été<br />

daté, nous l'avons dit, dans la première<br />

moitié du 2 e s. aC. L'une des deux colonnes<br />

de la façade du pronaos, qui reposaient sur<br />

des éléments du couloir de la crypte, paraît<br />

avoir été offerte par un citoyen de Colophon<br />

dans la première moitié ou au milieu du 2 e<br />

sièc<strong>le</strong> aC, époque qui conviendrait aussi au<br />

sty<strong>le</strong> des chapiteaux et de la frise du<br />

pronaos. Les cadres de ses portes, qui<br />

permettaient de fermer l'accès au vestibu<strong>le</strong>,<br />

ont été payés peu après par un autre<br />

citoyen de Colophon, Ménippos, dont <strong>le</strong>s<br />

bienfaits sont commémorés dans un décret<br />

du troisième tiers du 2 e sièc<strong>le</strong> qui a été<br />

publié par J. et L. Robert 11 . Après <strong>le</strong>s travaux<br />

réalisés durant <strong>le</strong>s deux premiers tiers du 2 e<br />

sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s degrés de la crépis, la crypte, <strong>le</strong><br />

pronaos, <strong>le</strong> naos et <strong>le</strong> groupe statuaire<br />

devaient être achevés, mais la colonnade<br />

périphérique ne l'était pas.<br />

L'étude des vestiges nous avait montré que<br />

l'on avait construit <strong>le</strong>s quatre colonnes de<br />

façade avant d'entreprendre l'édification<br />

des colonnades latéra<strong>le</strong>s et que <strong>le</strong>s tech-­‐<br />

niques de tail<strong>le</strong>, de scel<strong>le</strong>ment et de <strong>le</strong>vage<br />

qui furent employées pour réaliser <strong>le</strong>s<br />

colonnes convenaient à l'époque hellénis-­‐<br />

tique tardive. Une découverte récente nous<br />

permet d'être plus précis. El<strong>le</strong> n'a pas été<br />

faite à Claros mais en mer, par cinquante<br />

mètres de fond, au large de Kızılburun, au<br />

sud de la presqu'î<strong>le</strong> de Çeşme. Il y a cinq<br />

ans, Mme Deborah Carlson, dans <strong>le</strong> cadre<br />

des travaux de l'Institute of Nautical<br />

Archaeology, a engagé sur ce site la fouil<strong>le</strong><br />

d'une épave qui transportait huit tambours<br />

et un chapiteau dorique inachevés en<br />

marbre de Proconnèse 12 (fig. 19). Les<br />

dimensions conviennent parfaitement pour<br />

11<br />

Robert/Robert 1989, décret pour Ménippos, col. II, l.<br />

25-26 (comm. p. 93).<br />

12<br />

Carlson/Aylward 2010, 145-159.


TEMPLE D’APOLLON A CLAROS<br />

Figure 17 : Plans des temp<strong>le</strong>s mis en chantier au 4e sièc<strong>le</strong> aC à Delphes,<br />

au sanctuaire d'Apollon de Didymes, à l'Artémision d'Éphèse et à Claros, à la même échel<strong>le</strong><br />

(mise en page D. Laroche)<br />

Figure 18 : Plan restitué du projet retenu au 2e sièc<strong>le</strong> aC.<br />

En haut, niveau supérieur. En bas, niveau de la crypte (D. Laroche) 123


<strong>le</strong>s huit tambours sommitaux d'une colonne<br />

du temp<strong>le</strong> de Claros et il y a d'autant moins<br />

de doute à avoir sur la destination du navire<br />

qu'il a été trouvé entre <strong>le</strong>s carrières de la<br />

mer de Marmara et <strong>le</strong> sanctuaire et qu'au-­‐<br />

cun autre édifice dorique dont <strong>le</strong>s colonnes<br />

auraient eu <strong>le</strong>s dimensions de cel<strong>le</strong>s du<br />

temp<strong>le</strong> n'est connu pour avoir été en<br />

chantier à la fin de l'époque hellénistique en<br />

Asie Mineure. Le naufrage a été daté dans <strong>le</strong><br />

courant du 1 er s. aC, entre 100 et 30 aC<br />

probab<strong>le</strong>ment.<br />

Pour la connaissance du temp<strong>le</strong> d'Apollon<br />

Clarios l'intérêt de la découverte est trip<strong>le</strong>.<br />

1. L'épave permet de connaître l'ori-­‐<br />

gine du marbre d'une partie de l'élévation<br />

du temp<strong>le</strong>.<br />

2. El<strong>le</strong> atteste l'existence de travaux<br />

sur la colonnade du temp<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> courant<br />

du 1 er s. aC.<br />

3. El<strong>le</strong> confirme, enfin, que l'on a<br />

procédé par édifications successives de<br />

colonnes et non par la mise en place pro-­‐<br />

gressive des différents tambours de toutes<br />

<strong>le</strong>s colonnes.<br />

Tout laisse donc penser que la<br />

construction durant <strong>le</strong> 2 e s. de la crypte<br />

oraculaire et des sal<strong>le</strong>s qui la couvrait, fut<br />

suivie de l'érection progressive de quinze<br />

colonnes, quatre en façade puis cinq sur<br />

chacun des longs côtés. Ces travaux se<br />

déroulèrent au moins partiel<strong>le</strong>ment durant<br />

ce 1 er s. aC qui fut une grande période de<br />

travaux dans <strong>le</strong> sanctuaire. On construisit<br />

alors de nouveaux propylées doriques et, en<br />

bordure de la voie qui séparait ces<br />

propylées du parvis des temp<strong>le</strong>s, de nom-­‐<br />

breuses statues honorifiques furent érigées<br />

pour des Romains, certaines sur des bases<br />

construites à cet effet, d'autres sur des<br />

monuments remployés. On compte parmi<br />

el<strong>le</strong>s une statue du proconsul Sextus<br />

Appu<strong>le</strong>ius, <strong>le</strong> neveu d'Auguste 13 . Ce dernier<br />

fut honoré par <strong>le</strong>s Colophoniens, en 22 ou<br />

24 aC, d'une statue de bronze placée sur<br />

une colonne corinthienne qui avait été<br />

érigée vers la fin du 2 e s. aC pour un<br />

personnage qui nous est inconnu. Il se<br />

13 Voir pour la dédicace : Ferrary 2000, 360-364 et pour<br />

la colonne : Étienne/Varène 2004, 117-123.<br />

124<br />

MORETTI<br />

pourrait que ce Sextus Appu<strong>le</strong>ius ait joué un<br />

certain rô<strong>le</strong> dans la construction du temp<strong>le</strong>.<br />

Ainsi s'expliquerait <strong>le</strong> titre de fondateur<br />

(κτίστης), dont il est qualifié dans la<br />

dédicace de sa statue et qui est resté<br />

jusqu'ici inexpliqué.<br />

Au tout début de l'époque impéria<strong>le</strong>,<br />

après <strong>le</strong>s travaux conduits très progres-­‐<br />

sivement dans <strong>le</strong> courant du 2 e et du 1 er s.<br />

aC, <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> devait donc avoir plus ou<br />

moins l'aspect de la fig. 20 avec une<br />

colonnade périphérique inachevée et sans<br />

entab<strong>le</strong>ment. Apollon n'était pas <strong>le</strong> seul<br />

honoré dans <strong>le</strong> temp<strong>le</strong>. Entre 31 et 28 aC la<br />

cité de Colophon avait consacré dans <strong>le</strong> naos<br />

une statue d'Octavien, <strong>le</strong> futur Auguste 14 .<br />

Les travaux ne semb<strong>le</strong>nt pas avoir<br />

progressé dans <strong>le</strong> courant du 1 er s. aC, ce qui<br />

n'empêchait pas l'orac<strong>le</strong> de fonctionner.<br />

Nous savons par Tacite (Anna<strong>le</strong>s II, 54)<br />

qu'en 18, il fut consulté par Germanicus<br />

auquel il annonça sa mort qui survint<br />

l'année suivante.<br />

Sur la façade du pronaos, qui<br />

constituait alors la façade même du temp<strong>le</strong>,<br />

fut gravée l'inscription de son père adoptif,<br />

Tibère. El<strong>le</strong> fut inscrite sur <strong>le</strong> tiers droit de<br />

l'architrave, comme si un autre texte était<br />

gravé sur l'entrecolonnement médian.<br />

Tibère, après Auguste, fut donc honoré dans<br />

<strong>le</strong> temp<strong>le</strong> d'Apollon, comme il l'était dans<br />

celui de Dionysos, à Téos, non loin de<br />

Colophon.<br />

Hadrien finança la reprise des<br />

travaux, mais non <strong>le</strong>ur achèvement. On lui<br />

doit l'entab<strong>le</strong>ment et <strong>le</strong> fronton de la façade.<br />

Le temp<strong>le</strong> ne fut cependant pas terminé.<br />

Trente ou quarante ans après la mort de<br />

l'empereur, Pausanias (VII.5.4) mentionne<br />

<strong>le</strong> sanctuaire d'Apollon à Claros, avec celui<br />

de Didymes, comme des constructions ina-­‐<br />

chevées. On sait qu'à Didymes, une bonne<br />

partie des colonnes ne fut pas réalisée. À<br />

Claros aussi, ce sont probab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s<br />

colonnes périphériques qui demeurèrent<br />

inachevées. Lors des fouil<strong>le</strong>s on a découvert<br />

14 Ferrary 2000, 357-359.


TEMPLE D’APOLLON A CLAROS<br />

Figure 19 : L'épave de Kızılburun transportant huit tambours et un chapiteau destinés à la colonnade périphérique<br />

du temp<strong>le</strong> d'Apollon à Claros (© Don Frey, Institute of Nautical Archaeology)<br />

Figure 20 : Restitution du temp<strong>le</strong> au début de l'époque impéria<strong>le</strong> (D. Laroche)<br />

125


presque tous <strong>le</strong>s tambours de quatorze<br />

colonnes volontairement abattues : <strong>le</strong>s six<br />

colonnes de la façade et quatre colonnes<br />

faisant retour sur <strong>le</strong>s longs côtés. Au-­‐delà,<br />

vers l'ouest, on n'a mis au jour que quelques<br />

tambours, au sud du temp<strong>le</strong>. Sauf à sup-­‐<br />

poser que l'on ait soigneusement démonté<br />

<strong>le</strong>s seize colonnes de l'arrière du temp<strong>le</strong><br />

complétant <strong>le</strong>s quatorze qui ont été retrou-­‐<br />

vées, il y a tout lieu de penser qu'el<strong>le</strong>s n'ont<br />

jamais été construites.<br />

Après l'époque d'Hadrien, <strong>le</strong> temp<strong>le</strong><br />

avait une colonnade de façade avec son<br />

entab<strong>le</strong>ment comp<strong>le</strong>t et son fronton et ce<br />

qu'il fallait de colonnes pour rejoindre <strong>le</strong><br />

niveau du mur de refend entre <strong>le</strong> pronaos et<br />

<strong>le</strong> naos. Dégagé de ses échafaudages, il<br />

servit alors de support à ce que Louis<br />

Robert a appelé des mémoriaux de<br />

délégation, autrement dit, à des listes<br />

donnant la composition de délégations<br />

envoyées par des vil<strong>le</strong>s pour consulter<br />

l'orac<strong>le</strong> 15 . Leur gravure commence dans <strong>le</strong><br />

sanctuaire au début du 2 e sièc<strong>le</strong>, vers 105, et<br />

devient fréquente dans <strong>le</strong> deuxième quart<br />

du sièc<strong>le</strong>, soit à l'époque de la dédicace<br />

d'Hadrien. Les troisième et quatrième<br />

degrés de la crépis de la façade du temp<strong>le</strong><br />

furent couverts de mémoriaux entre 141 et<br />

147. Le deuxième <strong>le</strong> fut par la suite et<br />

quatre tambours – un du pronaos et quatre<br />

de la péristasis – furent inscrits entre la fin<br />

du 2 e sièc<strong>le</strong> et la première moitié du 3 e<br />

sièc<strong>le</strong>.<br />

Après six sièc<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> n'était<br />

toujours pas achevé et <strong>le</strong> sanctuaire n'était<br />

pas dans un état très brillant. Plusieurs sta-­‐<br />

tues n'étaient plus sur <strong>le</strong>urs bases. Presque<br />

tous <strong>le</strong>s monuments avaient été couverts<br />

d'inscriptions qu'ils n'étaient pas destinés à<br />

recevoir. La montée du niveau des eaux<br />

obligeait <strong>le</strong>s pè<strong>le</strong>rins à marcher sur<br />

d'étroites chaussées suré<strong>le</strong>vées. L'orac<strong>le</strong><br />

fonctionnait tout de même et l'on venait<br />

parfois de très loin pour l'interroger. Son<br />

autorité était reconnue des bords de la Mer<br />

noire jusqu'aux confins occidentaux de<br />

15<br />

Voir dorénavant Ferrary 2005, 719-765 et 2010, 91-<br />

114.<br />

126<br />

MORETTI<br />

l'Empire. Claros figurait alors parmi <strong>le</strong>s<br />

grands sanctuaires oraculaires d'Apollon<br />

avec un temp<strong>le</strong> qui présentait des<br />

dispositifs architecturaux qui ne sont pas<br />

attestés ail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong> monde grec. Dans <strong>le</strong><br />

projet mis en chantier dans <strong>le</strong> dernier tiers<br />

du 4 e sièc<strong>le</strong>, ainsi que dans <strong>le</strong> plan de<br />

réaménagement adopté dans <strong>le</strong> courant de<br />

l'époque hellénistique, l'image assez bana<strong>le</strong><br />

du temp<strong>le</strong> vu de l'extérieur se combinait à<br />

des aménagements imprévisib<strong>le</strong>s auxquels<br />

seuls avaient accès <strong>le</strong> personnel sacerdotal<br />

et certains consultants. On est tenté de <strong>le</strong>s<br />

comparer à ceux de deux autres grands<br />

sanctuaires où Apollon rendait des orac<strong>le</strong>s,<br />

celui de Didymes et celui de Delphes dont<br />

<strong>le</strong>s liens avec Claros sont attestés dès <strong>le</strong> 6 e<br />

s. 16 . Le projet initial d'un temp<strong>le</strong> à cour avec<br />

une haute crépis reprend certains traits du<br />

Didymesion tout en <strong>le</strong>s adaptant à une<br />

construction de dimensions plus modestes<br />

et d'ordre dorique. Le choix du dorique<br />

pour un temp<strong>le</strong> en Ionie au début de<br />

l'époque hellénistique étonne. Relève-­‐t-­‐il de<br />

la volonté de conserver <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> du temp<strong>le</strong><br />

archaïque ? C'est possib<strong>le</strong>, mais comme<br />

aucun vestige de cet ordre antérieur à<br />

l'époque hellénistique n'a été découvert<br />

dans <strong>le</strong> sanctuaire, il faudrait alors admettre<br />

que cette première colonnade était en bois.<br />

Une référence au temp<strong>le</strong> d'Apollon pythien<br />

en chantier au 4 e s. a aussi pu jouer dans ce<br />

choix un rô<strong>le</strong> déterminant. L'influence des<br />

pratiques oraculaires delphiques paraît en<br />

tout cas très probab<strong>le</strong> dans la modification<br />

du temp<strong>le</strong> à cour en un temp<strong>le</strong> à crypte.<br />

Après ces transformations de la fin de<br />

l'époque hellénistique, certains consultants<br />

pouvaient, comme à Delphes, entendre la<br />

paro<strong>le</strong> prophétique ; comme à Delphes, un<br />

omphalos se trouvaient dans <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> ;<br />

comme à Delphes, Dionysos était présent<br />

aux côtés d'Apollon. À Delphes la tombe de<br />

Dionysos était installée dans <strong>le</strong> temp<strong>le</strong>. À<br />

Claros, Apollon partageait son autel avec<br />

Dionysos.<br />

J.-­‐Ch. Moretti<br />

16 Şahin/Debord 2011.


Abréviations<br />

AJA : American Journal of Archaeology<br />

BCH : Bul<strong>le</strong>tin de Correspondance Hellénique<br />

CRAI : Compte Rendu de l’Académie des Inscriptions<br />

RA : Revue Archéologique<br />

Bibliographie<br />

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Carlson, D.N. / Aylward, W. (2010), “The Kızılburun Shiwreck and the Temp<strong>le</strong> of Apollo at Claros”, AJA 114, 145-­‐<br />

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Étienne, Rol. / Varène, P. (2004), Sanctuaire de Claros, L'architecture, Les propylées et <strong>le</strong>s monuments de la voie<br />

sacrée, Fouil<strong>le</strong>s de Louis et Jeanne Robert et Roland Martin, 1950-1961, Paris.<br />

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Ferrary, J.-­‐L. (2000), “Les inscriptions du sanctuaire de Claros en l’honneur de Romains”, BCH 124, 331-­‐376.<br />

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719-­‐765.<br />

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/ J. Leclant (éds), Les sanctuaires et <strong>le</strong>ur rayonnement dans <strong>le</strong> monde méditerranéen de l'Antiquité à l'époque<br />

moderne [Cahiers de la villa « Kérylos » 21], 91-­‐114.<br />

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Hill, B.H. (1996), The Temp<strong>le</strong> of Zeus at Nemea, Princeton.<br />

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Statue des Apollon Kitharodos in Sagalassos”, 1. Uluslararası Antik Dönemde Kehanet ve Apollon'un Anadolu Kült<strong>le</strong>ri<br />

Sempozyum Bildiri<strong>le</strong>ri 17-20 Ağustos 2005, Ege Üniversitesi, İzmir, [Arkeoloji Dergisi 12 (2008/2)] [2009], 129-­‐142.<br />

Moretti 2008<br />

Moretti, J.-­‐Ch. (2008), “Le temp<strong>le</strong> oraculaire d'Apollon à Claros”, 1. Uluslararası Antik Dönemde Kehanet ve<br />

Apollon'un Anadolu Kült<strong>le</strong>ri Sempozyum Bildiri<strong>le</strong>ri 17-20 Ağustos 2005, Ege Üniversitesi, İzmir, [Arkeoloji Dergisi 12<br />

(2008/2)] [2009], 153-­‐162.<br />

Moretti 2009a<br />

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Moretti 2009b<br />

Moretti, J.-­‐Ch. (2009), “Le temp<strong>le</strong> d'Apollon à Claros : état des recherches en 2007”, RA, 162-­‐175.<br />

Moretti 2010<br />

Moretti, J.-­‐Ch. (2010), “Claros, <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> d'Apollon : travaux réalisés en 2009”, Anatolia Antiqua XVIII, 301-­‐304.<br />

Moretti 2011<br />

Moretti, J.-­‐Ch. (2011), “Claros, <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> d'Apollon : travaux réalisés en 2010”, Anatolia Antiqua XIX, 289-­‐301.<br />

Moretti/Laroche 2008<br />

Moretti, J.-­‐Ch. / Laroche, D. (2008), “Claros, <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> d'Apollon : travaux réalisés en 2006 et 2007”, Anatolia<br />

Antiqua XVI, 355-­‐364.<br />

127


128<br />

MORETTI<br />

Moretti/Laroche 2010<br />

Moretti, J.-­‐Cl. / Laroche, D. (2010), “Le temp<strong>le</strong> de l'orac<strong>le</strong> d'Apollon à Claros”, Architecture grecque, Les dossiers<br />

d'archéologie 342 (nov.-­‐déc.), 16-­‐23.<br />

Nollé 2007<br />

Nollé J. (2007), K<strong>le</strong>inasiatische Losorakel. Astragal- und Alphabetchresmologien der hochkaiserzeitlichen<br />

Orakelrenaissance [Vestigia 57], Munich.<br />

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Robert, L. / Robert, J. (1989), Claros I Décrets hellénistiques 1, Paris.<br />

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Şahin, N. / Debord, P. (2011), “Découvertes récentes et installations du culte d’Apollon pythien à Claros”, in : J.-­‐M.<br />

Luce (éd.), Delphes, sa cité, sa région, ses relations internationa<strong>le</strong>s [Pallas 87], 169-­‐204.


ARCHEOLOGIE ET HISTOIRE EN ASIE MINEURE MERIDIONALE :<br />

LE CAS DES RUES A COLONNADES DANS LES CITES GRECQUES ET<br />

HELLENISEES DE PAMPHYLIE ET DE PISIDIE 1<br />

Anne-­‐Sophie Rivalland<br />

Centre de recherches en histoire internationa<strong>le</strong> et atlantique (CRHIA)<br />

Université de Nantes<br />

ansoriv@yahoo.fr<br />

Résumé : Malgré <strong>le</strong> nombre et l’assez bon état de conservation des vestiges des anciennes cités de Pamphylie et de<br />

Pisidie, <strong>le</strong>s historiens s’y sont pendant longtemps assez peu intéressés. Si la situation a beaucoup évolué ces<br />

dernières années grâce au dynamisme des recherches archéologiques et épigraphiques, la documentation reste<br />

malheureusement encore très inéga<strong>le</strong> et dispersée. C'est pourquoi nous avons entrepris un travail de synthèse sur<br />

l’histoire des cités grecques et hellénisées de Pamphylie et de Pisidie. Fondée essentiel<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong> regroupement<br />

et l’analyse des données archéologiques, notre étude s’articu<strong>le</strong> plus particulièrement autour de la problématique<br />

des relations entre architecture urbaine et pouvoir(s) politique(s), pour la période allant du 4 e s. aC à la fin du 3 e s.<br />

pC. Dans ce cadre, nous avons choisi de traiter ici d’un des éléments architecturaux <strong>le</strong>s plus remarquab<strong>le</strong>s du<br />

paysage urbain de plusieurs cités pamphylo-­‐pisidiennes : <strong>le</strong>s rues à colonnades (plateiai). Attestées à Sagalassos,<br />

Termessos, Pergè, Sidè et Selgè, <strong>le</strong>ur présence témoigne du développement de ces cités aux trois premiers sièc<strong>le</strong>s<br />

de notre ère. Leur tracé, par ail<strong>le</strong>urs, est révélateur de l’histoire pré-­‐romaine –essentiel<strong>le</strong>ment hellénistique– des<br />

cités. Ainsi, tout en traduisant une certaine tendance à l’uniformisation des paysages urbains à l’époque impéria<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong>s vestiges des plateiai des anciennes cités pamphylo-­‐pisidiennes rendent compte de la singularité de chacune<br />

d’entre el<strong>le</strong>s.<br />

Mots clés : Asie Mineure méridiona<strong>le</strong>, Pamphylie, Pisidie, hellénistique, Haut-­‐Empire, cités grecques, Pergè, Sidè,<br />

Selgè, Termessos, Sagalassos, Atta<strong>le</strong>ia, urbanisme, architecture, rues à colonnades, plateia.<br />

Abstract: Despite the number and fairly good state of the remains of ancient cities in Pamphylia and Pisidia,<br />

historians did not show a lot of interest in them for a long time. If the situation has changed significantly in recent<br />

years thanks to the dynamism of archaeological and epigraphic research, the documentation still is unfortunately<br />

very uneven and scattered. That is why we undertook a synthesis of the history of the Greek and Hel<strong>le</strong>nized<br />

Pamphylia and Pisidia. Essentially based on the collation and analysis of archaeological data, this study focuses<br />

specifically on the relationship between urban architecture and political power(s) spanning from 4 th century BC to<br />

the end of the 3 rd century AD. Within this framework, we chose to deal here with one of the most remarkab<strong>le</strong><br />

architectural e<strong>le</strong>ments of the urban landscape of many pamphylo-­‐pisidian cities: the colonnaded streets (plateiai).<br />

Attested to Sagalassos, Termessos, Perga, Side and Selge, their presence ref<strong>le</strong>cts the development of these cities in<br />

the first three centuries AD. Their route, also reveals the pre-­‐Roman history -­‐mainly Hel<strong>le</strong>nistic– of the cities. Thus,<br />

whi<strong>le</strong> ref<strong>le</strong>cting a tendency towards uniformity in urban landscapes in imperial times, the remains of the plateiai<br />

in ancient pamphylo-­‐pisidian cities ref<strong>le</strong>ct their uniqueness.<br />

Keywords: Southern Asia Minor, Pamphylia, Pisidia, Hel<strong>le</strong>nistic, Early Roman Empire, Greek cities, Perga, Side,<br />

Selge, Termessos, Sagalassos, Atta<strong>le</strong>ia, urbanism, architecture, colonnaded streets, plateia.<br />

1 Je souhaite remercier ici <strong>le</strong>s organisateurs des Rencontres d’Archéologie de l’IFÉA, et particulièrement Olivier Henry,<br />

de m’avoir aimab<strong>le</strong>ment invitée à présenter cette communication. Cel<strong>le</strong>-ci s’inscrit à la fois dans <strong>le</strong> thème retenu pour ces<br />

premières Rencontres d’Archéologie : Archéologies et espaces parcourus, et dans <strong>le</strong>s problématiques auxquel<strong>le</strong>s je<br />

m’intéresse dans <strong>le</strong> cadre de ma thèse de doctorat, préparée à l’Université de Nantes au sein du Centre de recherches en<br />

histoire internationa<strong>le</strong> et atlantique (CRHIA). Ce travail porte sur <strong>le</strong>s relations entre urbanisme, architecture et pouvoir<br />

politique dans <strong>le</strong>s cités grecques et hellénisées de Pamphylie et de Pisidie entre <strong>le</strong>s 5 e -4 e s. aC et <strong>le</strong> Haut-Empire romain.<br />

Il est dirigé conjointement par Mme I. Pimouguet-Pédarros, HDR en Histoire grecque, et M.F. Hur<strong>le</strong>t, Professeur en<br />

Histoire romaine.


130<br />

RİVALLAND


C<br />

Figure 1 : carte topographique de la Pamphylie et de la Pisidie<br />

méridiona<strong>le</strong> (Machatschek/Schwarz 1981, Taf.1)<br />

ouvrant un territoire s’étendant de la côte<br />

méridiona<strong>le</strong> de l’Anatolie autour du golfe de<br />

l’actuel<strong>le</strong> Antalya, jusqu’aux lacs intérieurs<br />

de Burdur, Eğirdir et Beyşehir, <strong>le</strong>s régions<br />

antiques de Pam-­‐phylie et de Pisidie<br />

formaient un paysage de plaines et de<br />

montagnes traversées dans <strong>le</strong> sens nord-­‐<br />

sud par trois grands f<strong>le</strong>uves navigab<strong>le</strong>s<br />

pendant l’Antiquité : d’ouest en est <strong>le</strong><br />

Cestros (auj. Aksu Çayı), l’Eurymédon (auj.<br />

Köprü Çayı) et <strong>le</strong> Mélas (auj. Manavgat<br />

Çayı). Étroite bande littora<strong>le</strong> en forme de<br />

croissant et au relief relativement plat,<br />

RUES A COLONNADES<br />

s’étirant sur environ 80<br />

km d’ouest en est (d’An-­‐<br />

talya à l’ancienne Sidè) et<br />

sur 25 km du sud au nord,<br />

la plaine pamphylienne<br />

est entourée de tous côtés<br />

par <strong>le</strong>s imposants reliefs<br />

du Taurus, vers <strong>le</strong>squels<br />

el<strong>le</strong> s’élève encore sous<br />

forme de terrasses suc-­‐<br />

cessives (fig. 1) 2 .<br />

Bordée dans l’antiquité<br />

par la Lycie à l’ouest et la<br />

Cilicie Trachée à l’est, el<strong>le</strong><br />

ouvrait au nord sur <strong>le</strong>s<br />

hautes terres de Pisidie,<br />

vaste région montagneuse en<br />

forme d’arc de cerc<strong>le</strong> d’accès<br />

souvent diffici<strong>le</strong> malgré<br />

l’existence de voies ter-­‐<br />

restres entre <strong>le</strong>s reliefs<br />

escarpés 3 .<br />

Mal documentées<br />

pour la période qui pré-­‐<br />

cède <strong>le</strong> passage d’A<strong>le</strong>xan-­‐<br />

dre dans la région, <strong>le</strong>s<br />

formes et modalités d’oc-­‐<br />

cupation du territoire<br />

pamphylo-­‐pisidien sont<br />

en revanche mieux con-­‐<br />

nues pour l’époque hel-­‐<br />

lénistique et <strong>le</strong> Haut-­‐<br />

Empire romain. L’éten-­‐<br />

due, <strong>le</strong> nombre et l’état de conservation<br />

(parfois très bon) des vestiges des an-­‐<br />

ciennes cités de Pamphylie et de Pisidie<br />

attestent en effet de l’accélération et du<br />

développement de l’urbanisation dans ces<br />

provinces méridiona<strong>le</strong>s d’Asie Mineure<br />

après 333 aC. Remarquab<strong>le</strong>ment mise en<br />

évidence par <strong>le</strong> travail de Karl Lanckoronski<br />

2 Pour une description géographique plus précise de la<br />

région, voir De Planhol 1958. Ce dernier écrivait (p. 27)<br />

que la Pamphylie était « beaucoup moins une plaine<br />

qu’une zone de piedmont ». Voir aussi Brandt 1992.<br />

3 De Planhol 1958, 28-29 ; Mitchell 1998, 240-241 ;<br />

Grainger 2009, XIII. Sur <strong>le</strong>s routes antiques d’Anatolie<br />

voir <strong>le</strong>s travaux de D. French, notamment French 1990<br />

et 1994.<br />

131


et de son équipe dès la fin du 19 e s. 4 , la<br />

richesse archéologique et épigraphique du<br />

terrain n’amena cependant pas immé-­‐<br />

diatement <strong>le</strong>s historiens à s’intéresser à la<br />

région, de sorte qu’aujourd’hui encore <strong>le</strong>s<br />

cités de Pamphylie et de Pisidie restent<br />

dans l’ensemb<strong>le</strong> moins bien connues que<br />

cel<strong>le</strong>s d’autres régions micrasiatiques, à<br />

commencer par <strong>le</strong>s cités de la côte égéenne.<br />

Cette situation tient à la conjugaison de<br />

plusieurs facteurs, parmi <strong>le</strong>squels trois sont<br />

sans doute essentiels, à savoir : <strong>le</strong> relatif<br />

iso<strong>le</strong>ment géographique –ou au moins la<br />

difficulté d’accès, réel<strong>le</strong> ou supposée– de<br />

cette zone de l’Anatolie 5 ; <strong>le</strong> nombre limité<br />

de sources littéraires concernant <strong>le</strong>s cités de<br />

Pamphylie et de Pisidie 6 ; l’apparente ab-­‐<br />

sence d’implication des cités de la région<br />

dans <strong>le</strong>s principaux évènements historiques<br />

qui marquèrent <strong>le</strong> bassin oriental de la<br />

Méditerranée dans l’antiquité 7 . Si l’on ajoute<br />

à cela <strong>le</strong> fait que certains auteurs anciens<br />

présentent <strong>le</strong>s populations des montagnes<br />

pisidiennes comme des bandes de brigands<br />

barbares hosti<strong>le</strong>s à toute forme de contrô<strong>le</strong>,<br />

et <strong>le</strong>s habitants de Sidè, sur la côte<br />

pamphylienne, comme acquis aux pirates,<br />

4<br />

Lanckoronski 1890/1893.<br />

5<br />

Grainger 2009 : XIII-XIV à propos de la Pamphylie.<br />

Sur la configuration physique de la région et notamment<br />

la présence des montagnes du Taurus qui enserrent la<br />

plaine côtière, voir principa<strong>le</strong>ment De Planhol 1958, 23-<br />

29. Aussi Brandt 1992, 8-10 ; Brandt/Kolb 2005, 12-19.<br />

Notons cependant que <strong>le</strong>s travaux de French 1992 ainsi<br />

que ceux menés sur la Cilicie par exemp<strong>le</strong> ont amené à<br />

réévaluer l’idée selon laquel<strong>le</strong> Pamphylie et Pisidie<br />

auraient été des régions isolées : malgré son<br />

éloignement des grandes voies de communication<br />

ciliciennes, la Pamphylie fut une zone de contacts entre<br />

populations orienta<strong>le</strong>s et populations grecques. D’autre<br />

part, si <strong>le</strong>s difficultés d’accès aux régions intérieures du<br />

plateau anatolien ont peut-être pu pendant un temps<br />

limiter l’établissement de tels contacts dans <strong>le</strong>s hautes<br />

terres de Pisidie, <strong>le</strong>s importants vestiges de cités<br />

anciennes encore bien conservés sur <strong>le</strong> terrain suffisent<br />

à témoigner de la profondeur de la pénétration de<br />

l’influence grecque dans ces régions montagneuses au<br />

peup<strong>le</strong>ment initia<strong>le</strong>ment asianique (voir entre autres<br />

Mitchell 1991, Waelkens 2004).<br />

6<br />

Pour une liste récente assez exhaustive, cf. Arena<br />

2005.<br />

7<br />

Voir par exemp<strong>le</strong> pour la Pisidie hellénistique <strong>le</strong><br />

résumé des quelques épisodes où apparaissent <strong>le</strong>s cités :<br />

Mitchell 1991 ; voir aussi Kosmetatou 1997. Pour <strong>le</strong>s<br />

cités de Pamphylie, cf. Grainger 2009.<br />

132<br />

RİVALLAND<br />

on comprend sans doute encore un peu<br />

mieux pourquoi <strong>le</strong>s historiens se sont<br />

pendant longtemps largement désintéressés<br />

des anciennes cités de Pamphylie et de<br />

Pisidie 8 .<br />

Aujourd’hui, la situation est tout<br />

autre, et un rapide parcours des publi-­‐<br />

cations spécialisées met en évidence l’im-­‐<br />

portante augmentation du nombre d’études<br />

consacrées à ces régions d’Asie Mineure au<br />

cours des dernières décennies. Initiée dans<br />

<strong>le</strong>s années 1950-­‐60, cette dynamique,<br />

conséquence des progrès de l’archéologie et<br />

de l’épigraphie, s’est particulièrement accé-­‐<br />

lérée depuis <strong>le</strong>s années 1980.<br />

Compte tenu de ces développements, et<br />

constatant l’absence de synthèse raisonnée<br />

et actualisée sur l’histoire des cités de<br />

Pamphylie et de Pisidie prenant en compte<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des données matériel<strong>le</strong>s nou-­‐<br />

vel<strong>le</strong>ment disponib<strong>le</strong>s 9 , il nous a semblé<br />

qu’il y avait là non seu<strong>le</strong>ment un paradoxe<br />

mais aussi et surtout un travail particu-­‐<br />

lièrement riche à mener. Nous avons donc<br />

commencé, à l’occasion d’un Master II<br />

Recherches en Histoire ancienne, à réunir <strong>le</strong><br />

maximum de sources (littéraires, et surtout<br />

archéologiques et épigraphiques) sur <strong>le</strong>s<br />

8 La Pisidie étant une région montagneuse, el<strong>le</strong> apparaît<br />

souvent chez <strong>le</strong>s Anciens comme un espace sauvage et<br />

hosti<strong>le</strong>. Peu accueillante donc, el<strong>le</strong> serait peuplée de<br />

populations à son image, à savoir des combattants voire<br />

des brigands, en tout cas des barbares non civilisés. Sur<br />

l’association entre conditions naturel<strong>le</strong>s et caractères de<br />

la population qui a abouti à la construction d’une image<br />

archétypa<strong>le</strong> des Pisidiens dans la littérature ancienne, cf.<br />

Porcher 2002.Voir notamment sur ce point <strong>le</strong>s<br />

descriptions qu’en font Arrien, Anab., I.24.5-6 ;<br />

Diodore, XVIII.45-47 ; Schol. Vet. in Pindari Carm.,<br />

Olymp. XIII, 128b ; Strabon, XII.6.4 (C 569) ; XII.7.2<br />

(C 569-570) ; XIV.3.2 (C 664) ; Xénophon, Anab.,<br />

I.1.11; I.2.1 ; I.2.4; I.9.14 ; II.5.13 ; III.1.9-10; Hell.,<br />

III.1.13 ; Mém., III.5.26. Précisons cependant que<br />

d’autres passages littéraires, même s’ils sont plus rares,<br />

rendent compte d’un certain degré de civilisation atteint<br />

par <strong>le</strong>s Pisidiens dès avant <strong>le</strong> passage d’A<strong>le</strong>xandre : cf.<br />

Xénophon, Anab., III.2.23 ; Strab., XII.7.2 (C 569-<br />

570) ; Arr., Anab., I.28.2 ; Polybe, V.72.10. Sur <strong>le</strong>s<br />

habitants de Sidè et la piraterie, cf. Strab. XII.7.2 (C<br />

569-570) et XIV.3.2 (C 664).<br />

9 Des synthèses récentes existent, mais el<strong>le</strong>s ne sont pas<br />

fondées sur l’étude des vestiges archéologiques des<br />

sites : cf. Brandt 1992 ; Arena 2005 ; Kolb/Brandt<br />

2005 ; Grainger 2009.


cités grecques et hellénisées de Pamphylie<br />

et de Pisidie, à la suite de quoi, au vu de<br />

l’abondance de la documentation et des<br />

perspectives envisageab<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> sujet,<br />

nous avons poursuivi notre travail dans <strong>le</strong><br />

cadre d’une thèse de doctorat 10 . En at-­‐<br />

tendant que cel<strong>le</strong>-­‐ci soit achevée, nous nous<br />

proposons de présenter ici <strong>le</strong> contexte sci-­‐<br />

entifique particulier dans <strong>le</strong>quel s’inscrit<br />

notre étude, après quoi nous envisagerons<br />

plus précisément <strong>le</strong> cas des rues à colon-­‐<br />

nades, qui permet d’illustrer l’intérêt et la<br />

pertinence de notre démarche.<br />

Étudier l’histoire des cités de Pam-­‐<br />

phylie et de Pisidie à travers <strong>le</strong>s<br />

sources archéologiques<br />

Les progrès de la recherche de terrain :<br />

apports et limites<br />

Parmi <strong>le</strong>s expéditions menées en<br />

Anatolie dans <strong>le</strong> contexte de développement<br />

des explorations scientifiques au 19 e s.,<br />

plusieurs participèrent à préciser la géo-­‐<br />

graphie historique de l’Anatolie méridiona<strong>le</strong><br />

antique. C’est <strong>le</strong> cas par exemp<strong>le</strong> des tra-­‐<br />

vaux que menèrent W.M. Ramsay ou encore<br />

J.R.S. Sterrett, qui mirent en évidence, avec<br />

d’autres, la richesse archéologique et<br />

épigraphique de la région, localisant ainsi<br />

plusieurs sites antiques 11 . Dans <strong>le</strong> domaine<br />

de l’architecture monumenta<strong>le</strong>, la première<br />

étude consacrée aux vestiges architecturaux<br />

des cités de Pamphylie et de Pisidie fut<br />

publiée entre 1890 et 1893 par l’Autrichien<br />

Karl Lanckoronski. Réunissant une masse<br />

importante de documentation épigraphique<br />

et archéologique, son ouvrage, d’une grande<br />

qualité scientifique, devint vite une<br />

référence et constitua pendant plusieurs<br />

décennies la principa<strong>le</strong> source d’informa-­‐<br />

tions concernant l’architecture et l’urba-­‐<br />

nisme de la plupart des sites classiques de<br />

Pamphylie et de Pisidie (quand el<strong>le</strong> n’en<br />

constitua pas l’unique).<br />

10 Voir note 1.<br />

11 Ramsay 1890 ; Sterrett, 1888a et 1888b.<br />

RUES A COLONNADES<br />

Après un ra<strong>le</strong>ntissement des travaux<br />

archéologiques lié au contexte international<br />

agité de la première moitié du 20 e s., <strong>le</strong>s<br />

activités reprirent progressivement dans la<br />

région à partir de la fin des années 1940.<br />

Ainsi, en 1946-­‐1947, <strong>le</strong> Prof. Dr. A.M. Mansel<br />

entreprit <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s des sites pamphyliens<br />

de Pergè et Sidè, tandis que dès la fin des<br />

années 1950, <strong>le</strong> Prof. G.E. Bean publia un<br />

grand nombre d’inscriptions, faisant encore<br />

progresser <strong>le</strong>s connaissances sur la géo-­‐<br />

graphie antique de la Pamphylie et de la<br />

Pisidie 12 . Après quelques années d’inter-­‐<br />

ruption, <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s de Pergè et de Sidè se<br />

poursuivirent dans <strong>le</strong>s années 1960-­‐1970,<br />

amenant rapidement ces deux sites à être<br />

<strong>le</strong>s mieux connus de la région. Les années<br />

1970 furent aussi marquées par <strong>le</strong> déve-­‐<br />

loppement des études épigraphiques 13 et<br />

par l’exploration du site pisidien de Selgè<br />

par une équipe d’archéologues autrichiens 14 .<br />

Malgré ces premières avancées, c’est<br />

surtout depuis <strong>le</strong>s années 1980-­‐90 que<br />

notre connaissance des cités pamphylo-­‐<br />

pisidiennes s’est véritab<strong>le</strong>ment accrue,<br />

grâce à la multiplication des prospections et<br />

chantiers de fouil<strong>le</strong>s archéologiques, ainsi<br />

qu’à la poursuite des travaux dans <strong>le</strong> do-­‐<br />

maine épigraphique, avec notamment la<br />

publication des Inschriften Griechischer<br />

Städte aus K<strong>le</strong>inasien (IGSK). Les ins-­‐<br />

criptions découvertes en Pamphylie et en<br />

Pisidie ont ainsi donné naissance à six<br />

<strong>volume</strong>s des IGSK depuis 1991, ce qui<br />

témoigne non seu<strong>le</strong>ment de la richesse du<br />

terrain mais aussi de la vivacité de la re-­‐<br />

cherche sur <strong>le</strong>s inscriptions. Les trois<br />

dernières décennies ont en effet été mar-­‐<br />

quées par <strong>le</strong>s travaux de plusieurs équipes<br />

très actives en matière d’épigraphie,<br />

12 Bean 1959 et 1960.<br />

13 En plus de G.E. Bean, qui poursuivit ses travaux dans<br />

la région, de nouvel<strong>le</strong>s recherches furent menées par<br />

A.S. Hall (sur la Pisidie orienta<strong>le</strong>), S. Mitchell ou<br />

encore C. Foss pour <strong>le</strong>s anglophones, Cl. Brixhe et<br />

Jeanne et Louis Robert pour <strong>le</strong>s francophones. Cf. Hall<br />

1968 ; Mitchell 1974 et 1976 ; Foss 1977a et 1977b ;<br />

Brixhe 1976 ; pour J. et L. Robert, voir notamment <strong>le</strong>urs<br />

« Bul<strong>le</strong>tins épigraphiques » dans la Revue des études<br />

grecques.<br />

14 Cette prospection permit <strong>le</strong> re<strong>le</strong>vé systématique des<br />

vestiges de surface : Machatschek/Schwarz 1981.<br />

133


équipes composées de chercheurs essen-­‐<br />

tiel<strong>le</strong>ment turcs et/ou européens. Parmi ces<br />

chercheurs, citons par exemp<strong>le</strong> J. Nollé et<br />

F.S. Schind<strong>le</strong>r sur Sidè et Selgè 15 , S. Mitchell,<br />

G.H.R. Hors<strong>le</strong>y, R. Behrwald ou encore H.<br />

Devijver pour plusieurs cités de Pisidie<br />

centra<strong>le</strong> et méridiona<strong>le</strong> 16 , G. Labarre avec M.<br />

et N. Özsait en Pisidie septentriona<strong>le</strong> 17 , M.<br />

Adak et S. Şahin sur <strong>le</strong> golfe pamphylien 18 ,<br />

Bu<strong>le</strong>nt İplikçioglu, avec G. et A.V. Çelgin, sur<br />

<strong>le</strong> territoire de Termessos, ainsi que M.<br />

Zimmerman 19 , et enfin W. Eck, M. Christol et<br />

Th. Drew-­‐Bear sur l’administration des<br />

provinces à l’époque romaine 20 .<br />

Dans <strong>le</strong> domaine de l’archéologie, <strong>le</strong>s<br />

fouil<strong>le</strong>s entreprises à Pergè et Sidè en 1946-­‐<br />

1947 se sont poursuivies jusqu’à aujour-­‐<br />

d’hui de manière quasiment ininterrompue.<br />

El<strong>le</strong>s continuent actuel<strong>le</strong>ment sous l’égide<br />

d’H. Abbasoğlu pour Pergè et d’Ü. İzmirligil<br />

à Sidè. Par ail<strong>le</strong>urs, depuis 1989, <strong>le</strong> site de<br />

l’ancienne cité pisidienne de Sagalassos est<br />

devenu l’un des principaux chantiers de<br />

fouil<strong>le</strong>s archéologiques de Turquie, sous la<br />

direction de M. Waelkens, de la Katholieke<br />

Universiteit Leuven. La redécouverte de ce<br />

site et son exploration archéologique sont<br />

directement liées à la mise en place au<br />

début des années 1980 d’un programme<br />

initié et financé par <strong>le</strong> British Institute at<br />

Ankara, <strong>le</strong> Pisidian Survey, dont la direction<br />

fut alors confiée à S. Mitchell. Dans <strong>le</strong> cadre<br />

de ce projet scientifique –<strong>le</strong> premier à se<br />

concentrer à grande échel<strong>le</strong> sur cette région<br />

15<br />

Sur Sidè : Nollé 1993 et 2001 ; Selgè :<br />

Nollé/Schind<strong>le</strong>r, 1991.<br />

16<br />

Voir entre autres, sur <strong>le</strong>s cités de Pisidie centra<strong>le</strong> :<br />

Hors<strong>le</strong>y/Mitchell 2000 ; sur Pednelissos : Behrwald<br />

2003 ; sur Sagalassos : Devijver 1993 et 1996 ;<br />

Devijver/Waelkens 1995 et 1997.<br />

17<br />

Özsait et al. 2004 et 2007 ; Labarre/Özsait 2006a et<br />

2006b.<br />

18<br />

Entre autres, voir par exemp<strong>le</strong> sur Pergè : Şahin<br />

1995a, 1995c, 1996a, 1996b, 1999, 2000 et 2004. Sur<br />

Magydos : Adak/Atvur 1999. Sur Olbia : Şahin 2001a ;<br />

Adak 2006. Sur Atta<strong>le</strong>ia : Şahin 1995b et 1997. Sur la<br />

région en général : Şahin 1984, 1988, 1991, 1992 et<br />

2001b ; Adak 2001 ; Şahin/Adak 2007.<br />

19<br />

Voir notamment : İplikçioğlu et al. 1991, 1992, 1994<br />

et 2007. Aussi Çelgin 1994, 1997, 2001/2002, 2003a et<br />

2003b ; Zimmermann 1996.<br />

20<br />

Entre autres : Eck 1970, 2000a et 200b ; Christol<br />

1978 ; Christol/Drew-Bear 1991, 1992 et 1998.<br />

134<br />

RİVALLAND<br />

montagneuse du sud de l'Asie Mineure<br />

depuis <strong>le</strong>s activités pionnières de K. Lancko-­‐<br />

ronski–, outre Sagalassos, des explorations<br />

furent menées entre 1982 et 1996 sur <strong>le</strong>s<br />

sites d’Antioche de Pisidie, Cremna, Arias-­‐<br />

sos, Panemoteichos et Ören Tepe, ou encore<br />

Sia et Kaynar Ka<strong>le</strong> (qui est peut-­‐être l’an-­‐<br />

cienne Kodrula) 21 . Repris à la fin des années<br />

1990 par L. Vandeput, <strong>le</strong> Pisidian Survey a<br />

depuis amené <strong>le</strong>s chercheurs à s’intéresser<br />

aux sites de « Melli » et de Pednelissos 22 ,<br />

tandis que dans <strong>le</strong> même temps, <strong>le</strong>s sites de<br />

Lyrbe/Se<strong>le</strong>ukeia(?), en Pamphylie, et d’Ada-­‐<br />

da en Pisidie ont éga<strong>le</strong>ment fait l’objet de<br />

(nouvel<strong>le</strong>s) prospections, en dehors du<br />

cadre du survey pisidien cette fois 23 . Enfin,<br />

très récemment, des projets se sont mis en<br />

place autour des sites de Sillyon et d’As-­‐<br />

pendos 24 .<br />

Comme pour l’épigraphie, <strong>le</strong> dyna-­‐<br />

misme dans <strong>le</strong> domaine de l’archéologie<br />

s’est naturel<strong>le</strong>ment traduit par une augmen-­‐<br />

tation significative du nombre de publi-­‐<br />

cations depuis <strong>le</strong> début des années 1990. Or,<br />

si certains sites ont fait l’objet de mono-­‐<br />

graphies (outre <strong>le</strong>s importants sites de Sidè,<br />

Pergè et Sagalassos, c’est <strong>le</strong> cas de Cremna<br />

ou de Lyrbe par exemp<strong>le</strong>) 25 , l’essentiel des<br />

21 Pour un résumé du Pisidian Survey, un bilan et afin de<br />

<strong>le</strong> replacer dans <strong>le</strong> contexte général de développement<br />

des recherches archéologiques en Turquie, voir<br />

principa<strong>le</strong>ment : Mitchell 1998 et 2003, avec<br />

bibliographie.<br />

22 Sur Melli, cf. Vandeput et al. 1999 et 2000 ;<br />

Vandeput/Köse 2001. Sur Pednelissos : Vandeput/Köse<br />

2002, 2003a, 2003b, 2004, 2005, 2008a, 2008b et 2009 ;<br />

Vandeput et al. 2004 et 2009.<br />

23 Pour Adada : Büyükkolancı 1998. Pour<br />

Lyrbe/Se<strong>le</strong>ukeia(?), cf. İnan 1998 (publication des<br />

résultats des fouil<strong>le</strong>s de sauvetage menées entre 1972 et<br />

1979, avec mises à jour).<br />

24 Pour Sillyon, outre Küpper 1995, voir Küpper 1996a,<br />

1996b, 1998a et 1998b , cf. Varkıvanç 2004 et 2007 ;<br />

Özer/Taşkıran 2010 et enfin <strong>le</strong> site internet<br />

http://pau.edu.tr/sillyon/sayfa7494.aspx ;<br />

pour <strong>le</strong> projet d’Aspendos, sous la direction de V. Köse,<br />

voir <strong>le</strong> site internet de présentation :<br />

http://www.aspendosproject.com/index.html.<br />

25 Pour Sidè, Mansel 1963. Pour Pergè, Pekman 1989.<br />

Pour Sagalassos, voir <strong>le</strong>s <strong>volume</strong>s Sagalassos I-V<br />

publiés par M. Waelkens en collaboration avec son<br />

équipe, chez Acta Archaeologica Lovaniensia<br />

Monographiae, Leuven University Press, Leuven. Pour<br />

Lyrbe : İnan 1998. Pour Cremna : Mitchell 1995.<br />

D’autres sites ont fait l’objet d’une ou plusieurs


ésultats des enquêtes de terrain (et aussi<br />

un certain nombre d’essais d’analyse<br />

régiona<strong>le</strong> ou micro-­‐régiona<strong>le</strong> fondés sur <strong>le</strong><br />

matériel archéologique) a cependant été<br />

publié sous forme d’artic<strong>le</strong>s, dans des<br />

revues scientifiques et/ou dans <strong>le</strong>s Kazı<br />

sonuçları toplantısı 26 . Il en résulte que<br />

malgré <strong>le</strong>s progrès significatifs de la re-­‐<br />

cherche actuel<strong>le</strong> en Pamphylie et en Pisidie,<br />

<strong>le</strong> matériel aujourd’hui disponib<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s<br />

cités de la région est non seu<strong>le</strong>ment<br />

beaucoup plus vaste qu’auparavant, mais<br />

aussi toujours très inégal et surtout par-­‐<br />

ticulièrement dispersé.<br />

Cette inégalité concerne aussi bien l’état de<br />

conservation des vestiges que l’état de la<br />

recherche. Ainsi, à côté des trois grands<br />

sites particulièrement bien étudiés que sont<br />

Pergè, Sidè et Sagalassos, qui se distinguent<br />

par la régularité des fouil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s nom-­‐<br />

breuses publications et communications<br />

ora<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s projets de restauration par<br />

anastylose dont ils font l’objet, <strong>le</strong>s autres<br />

vil<strong>le</strong>s (dont certaines ont pourtant pu jouer<br />

un rô<strong>le</strong> régional important si l’on en croit<br />

<strong>le</strong>s sources littéraires, épigraphiques et<br />

numismatiques mais aussi <strong>le</strong>s vestiges<br />

visib<strong>le</strong>s en surface) restent encore assez<br />

mal connues du point de vue de<br />

l’architecture. Le cas d’Atta<strong>le</strong>ia mis à part 27 ,<br />

il s’agit principa<strong>le</strong>ment des sites de Ter-­‐<br />

messos, Sillyon et Aspendos et dans une<br />

moindre mesure celui de Selgè, qui n’ont<br />

jusqu’à présent fait l’objet d’aucun véritab<strong>le</strong><br />

programme de fouil<strong>le</strong>s, malgré la présence<br />

en surface de plusieurs édifices monu-­‐<br />

mentaux parfois assez bien conservés 28 .<br />

monographies, parfois dès avant <strong>le</strong>s années 1990,<br />

comme Sidè (Mansel 1963) ou encore Selgè<br />

(Machatschek/Schwarz 1981).<br />

26 Mitchell 1991 ; Waelkens 2004. Les Actes des<br />

congrès annuels d’archéologie anatolienne paraissent<br />

systématiquement depuis 1979, prolongeant et<br />

complétant <strong>le</strong>s chroniques longtemps publiées<br />

uniquement dans l’American Journal of Archaeology,<br />

<strong>le</strong>s Archaeological Reports ou encore <strong>le</strong>s Anatolian<br />

Studies.<br />

27 La vil<strong>le</strong> a été occupée continuel<strong>le</strong>ment depuis sa<br />

fondation, laissant peu de traces visib<strong>le</strong>s des premiers<br />

temps de son existence.<br />

28 Cette situation pourrait peut-être bientôt changer pour<br />

<strong>le</strong>s sites de Sillyon et d’Aspendos, si jamais <strong>le</strong>s projets<br />

récemment initiés par <strong>le</strong>s Universités de Pammuka<strong>le</strong><br />

RUES A COLONNADES<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, nos connaissances restent<br />

aujourd’hui très inéga<strong>le</strong>s selon <strong>le</strong>s périodes.<br />

Dans <strong>le</strong>ur très grande majorité en effet, <strong>le</strong>s<br />

vestiges mis à jour sur <strong>le</strong>s sites des<br />

anciennes cités de Pamphylie et de Pisidie –<br />

dont l’existence est pourtant avérée, dans la<br />

plupart des cas, avant l’époque hellénis-­‐<br />

tique 29 – datent des trois-­‐quatre premiers<br />

sièc<strong>le</strong>s de notre ère. Pour autant, cette si-­‐<br />

tuation ne signifie pas que l’archéologie ne<br />

nous ait rien appris sur l’histoire pré-­‐<br />

romaine des cités pamphylo-­‐pisidiennes,<br />

car rareté n’est pas absence, et <strong>le</strong>s re-­‐<br />

cherches menées ces dernières années par<br />

W. Martini sur l’acropo<strong>le</strong> de Pergè par<br />

exemp<strong>le</strong> ont fourni des informations parti-­‐<br />

culièrement intéressantes sur <strong>le</strong> dévelop-­‐<br />

pement de la cité depuis au moins l’Âge du<br />

Bronze 30 . De fait, bien qu’el<strong>le</strong>s constituent<br />

pour <strong>le</strong> moment un cas particulier à l’échel<strong>le</strong><br />

de la Pamphylie 31 , ces découvertes ouvrent<br />

d’immenses perspectives quant à l’éven-­‐<br />

tuel<strong>le</strong> richesse archéologique du sous-­‐sol<br />

des autres cités de la région. En outre, el<strong>le</strong>s<br />

illustrent, avec l’ensemb<strong>le</strong> des découvertes<br />

liées à la multiplication des recherches<br />

archéologiques en Anatolie méridiona<strong>le</strong> ces<br />

dernières années, <strong>le</strong>s progrès continuels de<br />

l’archéologie dans la région pamphylo-­‐<br />

pisidienne.<br />

Archéologie et histoire : nouvel<strong>le</strong>s<br />

perspectives<br />

Nombreuses et précieuses, <strong>le</strong>s<br />

informations issues des travaux de terrain<br />

sont encore aujourd’hui largement disper-­‐<br />

sées. Sans doute est-­‐ce en partie cette<br />

dispersion qui explique <strong>le</strong> fait que l’histoire<br />

des anciennes cités de Pamphylie et de<br />

Pisidie soit relativement mal connue dans<br />

pour Sillyon (sous la direction du Doc. Dç. Elif Özer) et<br />

d’Hacettepe (Ankara) pour Aspendos (sous la direction<br />

du Prof. Associé V. Köse) se transforment un jour en<br />

chantiers de fouil<strong>le</strong>s.<br />

29<br />

Cf. Arena 2005, et notamment ses tab<strong>le</strong>aux<br />

récapitulatifs, p. 273 et suiv.<br />

30<br />

Voir principa<strong>le</strong>ment Martini 2010, avec bibliographie.<br />

Pour Sagalassos à l’Âge du Bronze, cf. Waelkens 2000.<br />

31<br />

En Pisidie, noter <strong>le</strong> cas de Sagalassos : cf. Waelkens<br />

2000.<br />

135


<strong>le</strong>s détails. D’où la nécessité selon nous<br />

d’entreprendre un travail de synthèse, sous<br />

la forme d’une étude historique fondée<br />

essentiel<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong> regroupement, l’ana-­‐<br />

lyse et l’interprétation des données archi-­‐<br />

tectura<strong>le</strong>s mises en relation avec <strong>le</strong>s sources<br />

épigraphiques et littéraires.<br />

Du point de vue géographique, notre<br />

choix d’étudier conjointement <strong>le</strong>s cités<br />

pamphyliennes et pisidiennes fut influencé<br />

par <strong>le</strong>s travaux du géographe Xavier de<br />

Planhol, qui soulignait dans <strong>le</strong>s années 1950<br />

l’‘association’ entre Pamphylie et Pisidie.<br />

Dans la mesure où, selon Stephen Mitchell,<br />

cette ‘association est « fondamenta<strong>le</strong> [sur <strong>le</strong><br />

plan historique] pour bien comprendre la<br />

région, quel<strong>le</strong>s que soient <strong>le</strong>s époques » 32 , il<br />

nous a paru intéressant de réunir dans une<br />

même étude <strong>le</strong>s cités de Pamphylie et de<br />

Pisidie, en dépit du fait que <strong>le</strong> détail des<br />

anciennes délimitations géographiques<br />

nous échappe largement et qu’adminis-­‐<br />

trativement –c’est-­‐à-­‐dire principa<strong>le</strong>ment au<br />

niveau des limites provincia<strong>le</strong>s romaines–<br />

cette ‘association’ n’ait pas toujours existé 33 .<br />

Nous retiendrons donc simp<strong>le</strong>ment ici que<br />

l’espace pris en compte pour notre étude<br />

correspond à la zone d’Asie mineure méri-­‐<br />

diona<strong>le</strong> qui se situait entre la Méditerranée<br />

au sud, la Phrygie et la Lycaonie au nord, la<br />

Lycie à l’ouest, et l’Isaurie et la Cilicie<br />

Trachée à l’est. Cette zone ayant vu se<br />

développer un nombre significatif d’établis-­‐<br />

sements à caractère urbain pendant l’anti-­‐<br />

quité, el<strong>le</strong> constitue un terrain privilégié<br />

pour étudier <strong>le</strong>s formes et modalités de<br />

l’urbanisation et de l’architecture en Asie<br />

Mineure méridiona<strong>le</strong> 34 . Dans ce cadre, nous<br />

32 Mitchell 1991, 121.<br />

33 Les Anciens, qui sont rarement unanimes sur <strong>le</strong>s<br />

frontières géographiques des régions antiques en<br />

général, ne <strong>le</strong> sont pas sur cel<strong>le</strong>s de la Pamphylie-<br />

Pisidie: Strabon, XIV.3-4 écrit qu’Olbia constitue<br />

l’extrémité occidenta<strong>le</strong> de la Pamphylie, alors que Tite-<br />

Live, Hist. rom., XXXVII.23 et Pline l’Ancien,<br />

Hist.Nat., V.96 indiquent que c’est Phasélis qui marque<br />

la fin du territoire pamphylien à l’ouest. Cf Kosmetatou<br />

1997, 5-6 sur ce point ; Porcher 2003. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s<br />

frontières administratives (limites de provinces)<br />

varièrent plusieurs fois au cours de la période impéria<strong>le</strong>.<br />

Cf Rémy 1986 ; Brandt/Kolb 2005.<br />

34 Levick 1967 ; Mitchell 1998 ; Grainger 2009.<br />

136<br />

RİVALLAND<br />

avons choisi de concentrer notre attention<br />

sur <strong>le</strong>s cités dont l’origine remonte à la<br />

période pré-­‐hellénistique (voire hellénis-­‐<br />

tique, dans <strong>le</strong> cas d’Atta<strong>le</strong>ia), excluant donc<br />

<strong>le</strong>s colonies romaines fondées par Auguste<br />

en Pisidie, sauf lorsque cel<strong>le</strong>s-­‐ci fournissent<br />

des éléments de comparaison intéressants.<br />

Enfin, essentiel<strong>le</strong>ment fondée sur <strong>le</strong>s<br />

sources matériel<strong>le</strong>s et l'idée selon laquel<strong>le</strong><br />

l’activité de construction est étroitement<br />

liée à la société qui la génère, notre étude<br />

s’articu<strong>le</strong> plus particulièrement autour de la<br />

problématique des relations entre archi-­‐<br />

tecture urbaine et pouvoir(s) politique(s)<br />

sur une période allant de la fin de l’époque<br />

classique à la fin du Haut-­‐Empire romain.<br />

Partant de l’idée que <strong>le</strong> paysage des<br />

vil<strong>le</strong>s antiques est indissociab<strong>le</strong> du contexte<br />

dans <strong>le</strong>quel il a été produit et des évolutions<br />

qui l’ont transformé –et qu’à ce titre il<br />

constitue un axe intéressant pour l’étude<br />

historique– notre méthodologie consiste à<br />

dresser pour chaque cité concernée un bilan<br />

détaillé, aussi exhaustif que possib<strong>le</strong>, des<br />

vestiges architecturaux urbains connus 35 ,<br />

pour ensuite <strong>le</strong>s interpréter par la com-­‐<br />

paraison architectura<strong>le</strong> et la confrontation<br />

avec <strong>le</strong>s sources littéraires et épigraphiques.<br />

Cette démarche devrait aboutir à préciser<br />

pour chaque cité quel<strong>le</strong>s furent <strong>le</strong>s étapes et<br />

<strong>le</strong>s modalités de son développement urbain,<br />

à la suite de quoi la comparaison, l’analyse<br />

et la mise en perspective systématiques des<br />

données devraient permettre d’envisager<br />

l’évolution du processus à l’échel<strong>le</strong> micro-­‐<br />

régiona<strong>le</strong>, <strong>le</strong> tout contribuant, en définitive,<br />

à améliorer notre compréhension de l’his-­‐<br />

toire antique de la Pamphylie et de la<br />

Pisidie. S’il est bien évident que l’histoire<br />

d’une région ne se résume pas à cel<strong>le</strong> des<br />

cités qui s’y développèrent, et bien que <strong>le</strong>s<br />

cités el<strong>le</strong>s-­‐mêmes ne se réduisent pas à <strong>le</strong>ur<br />

seu<strong>le</strong> composante urbaine (ce que Mogens<br />

H. Hansen appel<strong>le</strong> « la polis en tant que<br />

vil<strong>le</strong> » 36 ), il n’en reste pas moins que<br />

l’espace urbain, en tant que ref<strong>le</strong>t, cadre et<br />

enjeu privilégié du pouvoir, n’a cessé de<br />

35 Cette étape de notre travail prend la forme d’un<br />

catalogue de sources, organisé par site, qui constitue à<br />

lui seul une part importante de notre étude.<br />

36 Hansen 2008.


constituer et reste encore largement<br />

aujourd’hui <strong>le</strong> lieu essentiel de mani-­‐<br />

festation de la puissance politique 37 . Dès lors,<br />

il ne fait pas de doute que <strong>le</strong>s évolutions de cette<br />

puissance politique marquent <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s, non<br />

seu<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong>urs aspects socioculturels,<br />

mais aussi matériel<strong>le</strong>ment, du point de vue<br />

des infrastructures et de l’architecture 38 .<br />

L’intérêt d’une tel<strong>le</strong> démarche, déjà an-­‐<br />

cienne, a depuis longtemps été démontrée,<br />

par <strong>le</strong>s travaux fondateurs d'A. von Gerkan<br />

ou de R. Martin. El<strong>le</strong> trouve aujourd’hui un<br />

second souff<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> contexte scientifique<br />

particulièrement dynamique de ces dernières<br />

années 39 . L’accroissement des connaissances sur<br />

l’urbanismedesvil<strong>le</strong>s grecques et hellénisées de<br />

l’Orient gréco-­‐romain a naturel<strong>le</strong>ment con-­‐<br />

duit à la tenue de plusieurs colloques et/ou<br />

à la publication d’ouvrages particulièrement<br />

riches, qui participent au renouvel<strong>le</strong>ment de<br />

la dia<strong>le</strong>ctique pouvoir politique / urbanisme /<br />

architecture. Parmi eux, notons l’ouvrage é-­‐<br />

dité par S. Macready et F.H. Thompson sur<br />

l’architecture romaine dans <strong>le</strong> monde grec<br />

en 1987, celui publié plus récemment sous<br />

la direction de D. Parrish en 2001 sur<br />

l’urbanisme en Asie Mineure occidenta<strong>le</strong> ou<br />

encore <strong>le</strong> colloque réuni à Cologne autour<br />

des questions d’identités politique et cultu-­‐<br />

rel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s cités des provinces romaines<br />

d’Asie Mineure au début de l’époque impé-­‐<br />

ria<strong>le</strong> 40 .<br />

Ce cadre scientifique constitue donc<br />

l’arrière-­‐plan de notre travail. Conscient des<br />

limites qu’un tel dynamisme impose, à savoir<br />

essentiel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> risque de voir toute hypothèse<br />

37 Voir par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s travaux de H. Lefebvre, La<br />

production de l’espace, Paris, 1974. Aussi<br />

Souza/Rodriguez 2007.<br />

38 Rappelons d’ail<strong>le</strong>urs ici qu’un séminaire intitulé<br />

Pouvoir et Espaces Urbains s’est tenu à l’IFÉA en<br />

2010/2011.<br />

39 Cf. Von Gerkan 1924 ; Martin 1956. Plus récemment,<br />

Étienne 2004 ; ainsi que Hellmann 2006 et 2010 ; Gros<br />

1996, respectivement sur l’architecture grecque et sur<br />

l’architecture romaine. Voir aussi Kostof 1995 ; ainsi<br />

que <strong>le</strong> col<strong>le</strong>ctif Méthodes en histoire de l’architecture<br />

(Cahiers de la recherche architectura<strong>le</strong> et urbaine, 9-10,<br />

janvier 2002).<br />

40 Macready/Thompson 1987 ; Parrish 2001 ; Berns et<br />

al. 2002. On peut aussi citer aussi : Barresi 2003 ; Gros<br />

1994. Cette liste bien sûr n’est pas exhaustive.<br />

RUES A COLONNADES<br />

contredite par une nouvel<strong>le</strong> découverte –mais<br />

n’est-­‐ce pas là <strong>le</strong> propre même de la recher-­‐<br />

che historique en particulier lorsqu'el<strong>le</strong> se<br />

fonde sur <strong>le</strong>s recherches archéologiques ?–,<br />

cette effervescence, enthousiasmante, nous<br />

paraît éga<strong>le</strong>ment propice à mener ce travail<br />

de synthèse.<br />

C’est dans cette perspective et en lien<br />

avec la thématique Archéologie et Espaces<br />

parcourus de ces Premières Rencontres<br />

d’Archéologie de l’IFÉA que nous proposons<br />

ici une étude d’un des éléments archi-­‐<br />

tecturaux <strong>le</strong>s plus remarquab<strong>le</strong>s du paysage<br />

urbain de plusieurs cités pamphyliennes et<br />

pisidiennes, à savoir ces espaces parcourus<br />

qu’étaient <strong>le</strong>s rues à colonnades.<br />

Archéologie et espaces parcourus à<br />

l’échel<strong>le</strong> des cités : <strong>le</strong> cas des rues à<br />

colonnades<br />

Comme en témoignent la richesse et<br />

la diversité des Actes du colloque tenu à<br />

Poitiers en 2006 sur la rue dans l’antiquité,<br />

l’étude des réseaux viaires constitue un axe<br />

particulièrement stimulant pour qui s’inté-­‐<br />

resse au paysage urbain des cités antiques<br />

en général et à celui des vil<strong>le</strong>s gréco-­‐<br />

romaines de l’Orient méditerranéen en par-­‐<br />

ticulier 41 . Au-­‐delà de <strong>le</strong>ur fonction pratique<br />

d’axe de circulation, certaines rues appa-­‐<br />

raissent en effet comme « un élément<br />

essentiel de la définition et de l’organisation<br />

de l’espace urbain [dont l’étude permet<br />

souvent d’éclairer quel<strong>le</strong>s furent] <strong>le</strong>s moda-­‐<br />

lités de (…) transformation [de celui-­‐ci] à<br />

travers l’histoire » 42 . C’est <strong>le</strong> cas des plateiai<br />

43 , ces grandes avenues dallées bordées<br />

de colonnades surmontées d’un entab<strong>le</strong>-­‐<br />

ment et formant de longues ga<strong>le</strong>ries laté-­‐<br />

ra<strong>le</strong>s ouvertes sur la rue, qui furent<br />

construites dans de nombreuses cités de<br />

41 Actes du colloque de Poitiers : Bal<strong>le</strong>t et al. 2008. Pour<br />

un aperçu des études sur la voierie dans <strong>le</strong> monde grec,<br />

cf. Hellmann 2010, 214 et suiv. (avec notes renvoyant à<br />

de nombreuses études loca<strong>le</strong>s) ; pour ce qui est plus<br />

précisément des voies à portiques : Bejor 1999.<br />

42 Bal<strong>le</strong>t et al. 2008, 7.<br />

43 Sur <strong>le</strong> vocabulaire grec de la voierie, Ginouvès 1998,<br />

178 et suiv. ; Du Bouchet 2008 (avec biblio.) ;<br />

Hellmann 2010, 214.<br />

137


l’Orientromain,notammentenAsieMineure,pendant<br />

<strong>le</strong> Haut-­‐Empire. Constructions monumenta<strong>le</strong>s,<br />

espaces communs à usage col<strong>le</strong>ctif, élé-­‐<br />

ments marquants et structurants du<br />

paysage urbain, <strong>le</strong>ur plan, <strong>le</strong>ur tracé, <strong>le</strong>urs<br />

dimensions, <strong>le</strong>ur aménagement et <strong>le</strong>urs<br />

équipements, lorsqu’ils sont suffisamment<br />

bien conservés pour être étudiés, nous<br />

renseignent non seu<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong> fonc-­‐<br />

tionnement et l’usage des vil<strong>le</strong>s à l’époque<br />

romaine impéria<strong>le</strong>, mais aussi plus large-­‐<br />

ment sur l’histoire des cités, histoire qui<br />

remonte souvent bien avant la domination<br />

romaine.<br />

Si l’origine de ces structures est<br />

grecque –avec la progressive utilisation des<br />

portiques (στοά) <strong>le</strong> long de certaines rues<br />

importantes de cités grecques 44 , et l’exis-­‐<br />

tence dès l’époque hellénistique à A<strong>le</strong>xan-­‐<br />

drie d’une véritab<strong>le</strong> avenue monumenta<strong>le</strong> :<br />

la Voie Canopique 45 –, ces grandes rues à<br />

colonnades sont cependant une des carac-­‐<br />

téristiques majeures de l’urbanisme de<br />

l’Orient méditerranéen d’époque romaine 46.<br />

En Asie Mineure, la plateia tint ainsi « une<br />

place importante dans <strong>le</strong>s paysages ur-­‐<br />

bains » 47 des cités durant tout <strong>le</strong> Haut-­‐<br />

Empire, comme en témoignent l’archéo-­‐<br />

logie 48 , mais aussi dans certains cas <strong>le</strong>s<br />

sources littéraires, à travers <strong>le</strong>s éloges de<br />

cités 49 .<br />

Si <strong>le</strong>s rues à colonnades des cités de<br />

Pamphylie et de Pisidie n’ont pas suscité<br />

d’éloges de la part de <strong>le</strong>urs contemporains,<br />

el<strong>le</strong>s sont en revanche parmi <strong>le</strong>s vestiges <strong>le</strong>s<br />

mieux conservés de Sidè, Pergè et Saga-­‐<br />

44 Sur l’évolution du portique et la continuité des formes<br />

monumenta<strong>le</strong>s : Coulton 1976 ; Ginouvès 1998, 180<br />

n.34 ; Hellmann 2006, 212 et 2010, 216 ; Pont 2010,<br />

186.<br />

45 La Voie Canopique, à A<strong>le</strong>xandrie, fut peut-être la<br />

première véritab<strong>le</strong> plateia. Cf. Gros 1996, 104 ; Bal<strong>le</strong>t<br />

2008, spé. conclusion p. 158.<br />

46 L’exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> plus ancien attesté pour l’époque<br />

impéria<strong>le</strong> est celui d’Antioche, en Syrie, dont la<br />

construction remonte à l’époque d’Auguste. Cf.<br />

Amadasi/Equini Schneider ; Stierlin 1987, 243.<br />

47 Gros 1996, 106.<br />

48 Voir notamment <strong>le</strong>s travaux réunis dans Parrish 2001.<br />

Sur Éphèse et Pergame par exemp<strong>le</strong>, voir aussi<br />

Halfmann 2004. Plus généra<strong>le</strong>ment, voir Gros 1996.<br />

49 Pont 2010, 177-180.<br />

138<br />

RİVALLAND<br />

lassos. Cependant, seu<strong>le</strong> la grande rue nord-­‐<br />

sud de Pergè (et dans une moindre mesure<br />

la voie est-­‐ouest) a fait l’objet d’études spé-­‐<br />

cifiques et d’analyses approfondies ces<br />

dernières années 50 , avec cel<strong>le</strong> découverte<br />

plus récemment à Sagalassos, qui se situait<br />

au sud de l’agora inférieure 51 . Ainsi <strong>le</strong>s<br />

données détaillées et récentes sur <strong>le</strong>s ave-­‐<br />

nues à portiques dans <strong>le</strong>s cités pam-­‐<br />

phyliennes et pisidiennes sont, dans l’en-­‐<br />

semb<strong>le</strong>, assez peu nombreuses et con-­‐<br />

cernent essentiel<strong>le</strong>ment deux sites : Pergè<br />

et Sagalassos 52 . Pour <strong>le</strong>s autres sites, ces<br />

données sont en général datées et/ou<br />

superficiel<strong>le</strong>s 53 .<br />

Les sources : présentation généra<strong>le</strong><br />

des sites et problèmes de datation 54<br />

Parmi <strong>le</strong>s textes anciens, aucun n’é-­‐<br />

voque à notre connaissance <strong>le</strong>s rues des<br />

cités pamphylo-­‐pisidiennes. Les monnaies<br />

ne fournissant pas non plus d’indice sur <strong>le</strong><br />

sujet, il faut donc ici s’en remettre aux infor-­‐<br />

mations fournies par l’archéologie. Cel<strong>le</strong>s-­‐ci<br />

dépendent non seu<strong>le</strong>ment de l’état, aléa-­‐<br />

toire et inégal, de conservation des vestiges,<br />

50<br />

Heinzelmann 2003 ; Özdizbay 2008, 137-170 (+ Lev.<br />

43-69).<br />

51<br />

Lavan 2008 ; Martens 2008 ; Richard 2008.<br />

52<br />

La seu<strong>le</strong> étude qui réunit <strong>le</strong>s informations sur <strong>le</strong>s<br />

plateiai des cités de Pamphylie et de Pisidie est cel<strong>le</strong> de<br />

Bejor 1999, qui <strong>le</strong>ur consacre un chapitre spécifique (p.<br />

32-42). Cependant, el<strong>le</strong> est aujourd’hui datée dans la<br />

mesure où el<strong>le</strong> est antérieure aux récents travaux menés<br />

à Pergè et Sagalassos.<br />

53<br />

Le site de Sidè ayant été fouillé, on dispose d’un<br />

certain nombre de données sur <strong>le</strong>s rues à colonnades,<br />

mais ces données sont anciennes (Mansel 1963, 17-25)<br />

et <strong>le</strong>s voies à colonnades n’ont fait l’objet d’aucune<br />

étude spécifique récente, à la différence de Pergè et<br />

Sagalassos. Pour Selgè et Termessos, nos informations<br />

reposent uniquement sur des observations de surface,<br />

principa<strong>le</strong>ment cel<strong>le</strong>s faites par K. Lanckoronski au 19 e<br />

s. pour Termessos, et cel<strong>le</strong>s d’A. Machatschek et de M.<br />

Schwarz pour Selgè, qui remontent à 1981.<br />

54<br />

À la différence du travail que nous menons pour notre<br />

thèse afin de constituer un catalogue aussi précis que<br />

possib<strong>le</strong>, notre propos ne vise ici qu’à une brève<br />

présentation des données, en essayant d’éviter une<br />

description trop détaillée qui pourrait paraître<br />

fastidieuse. Pour des précisions, nous renverrons donc<br />

aux études existantes sur chacune des cités, qui<br />

présentent éga<strong>le</strong>ment des plans faisant apparaître <strong>le</strong>s<br />

rues à colonnades.


mais aussi du niveau d’intérêt qu’y ont<br />

porté <strong>le</strong>s archéologues.<br />

À l’instar de la grande majorité des vestiges<br />

observab<strong>le</strong>s in situ, <strong>le</strong>s traces <strong>le</strong>s mieux<br />

conservées en matière de réseaux viaires à<br />

l’intérieur des anciennes cités pamphylo-­‐<br />

pisidiennes sont cel<strong>le</strong>s qui remontent à<br />

l’époque romaine impéria<strong>le</strong>, et plus préci-­‐<br />

sément cel<strong>le</strong>s de ces grandes rues monu-­‐<br />

menta<strong>le</strong>s, larges et longues, pavées, plus ou<br />

moins rectilignes et bordées de portiques<br />

ouvrant sur des boutiques et/ou ateliers.<br />

Les sites de Pergè et Sidè pour la Pamphylie,<br />

et de Sagalassos pour la Pisidie, fournissent<br />

<strong>le</strong> plus d’informations au vu de l’état de<br />

conservation du matériel archéologique et<br />

de l’avancée des recherches.<br />

À Pergè, la grande voie centra<strong>le</strong><br />

dallée de plaques de calcaire jaunâtres,<br />

longue de 480 m et large d’une vingtaine de<br />

mètres, constitue avec son canal d’eau<br />

central à ciel ouvert (large d’env. 2,50 m)<br />

l’une des principa<strong>le</strong>s attractions touris-­‐<br />

tiques du site (figs. 2 et 3) 55 .<br />

Figure 2 : Pergè, rue à colonnade nord-sud vue depuis<br />

l’acropo<strong>le</strong> (cliché de l’auteur, 2010)<br />

Bordée de part et d’autre de portiques d’une<br />

largeur allant de 5,50 m du côté est à 6,50 m<br />

à l’ouest et dont la façade était constituée de<br />

colonnes de marbre ou de granit à<br />

chapiteaux ioniques et corinthiens, el<strong>le</strong><br />

traversait la cité basse en suivant l’axe sud-­‐<br />

nord, reliant la porte sud hellénistique<br />

(réaménagée au 2 e s. pC) au nymphée<br />

55 Description détaillée dans Heinzelmann 2003 ;<br />

Özdizbay 2008, 137-167 ; Martini 2010, 75 et suiv.<br />

RUES A COLONNADES<br />

d’époque hadrianique (F3) situé au pied de<br />

l’acropo<strong>le</strong> (fig. 4).<br />

Fouillée régulièrement depuis 1949 et<br />

toujours en cours de restauration 56 , el<strong>le</strong> a<br />

fait l’objet de multip<strong>le</strong>s rapports archéo-­‐<br />

logiques préliminaires, jusqu’à ce que M.<br />

Heinzelmann lui consacre récemment une<br />

étude de synthèse 57 . Sous forme d’un artic<strong>le</strong><br />

approfondi, celui-­‐ci offre un bilan détaillé<br />

des connaissances accumulées depuis<br />

maintenant plusieurs décennies par <strong>le</strong>s<br />

archéologues et en propose une analyse 58 .<br />

Figure 3 : Pergè, voie à colonnades nord-sud (cliché de<br />

l’auteur, 2010)<br />

56 Voir <strong>le</strong>s nombreux rapports de fouil<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s Kazı<br />

sonuçları toplantısı depuis 1979 et avant cette date dans<br />

l’American Journal of Archaeology et <strong>le</strong>s Anatolian<br />

Studies.<br />

57 Heinzelmann 2003. À noter aussi <strong>le</strong>s travaux menés<br />

sur la grande rue est-ouest qui la croise à environ 100 m<br />

au sud du nymphée F3 et qui reliait <strong>le</strong> port fluvial de la<br />

cité (à l’extérieur de la vil<strong>le</strong>, du côté est) à la nécropo<strong>le</strong><br />

ouest. Détails sur cette voie est-ouest dans Özdizbay<br />

2008, 167-170.<br />

58 L’étude d’Heinzelmann a été publiée en 2003 et <strong>le</strong>s<br />

fouil<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> terrain se sont depuis poursuivies. Les<br />

derniers rapports sur la question n’apportent cependant<br />

pas d’élément nouveau qui amènerait à considérer la<br />

synthèse d’Heinzelmann comme obsolète. Voir par<br />

exemp<strong>le</strong> plus récemment Özdizbay 2008 ; Martini 2010,<br />

75 et suiv.<br />

139


Reprenant séparément chaque élément architectural<br />

lié à la grande avenue nord-­‐sud 59 , il sou-­‐<br />

ligne la cohérence du dispositif d’ensemb<strong>le</strong><br />

et propose de façon assez convaincante, et<br />

en l’absence de toute autre preuve formel<strong>le</strong><br />

de datation, de situer la totalité des travaux<br />

de monumentalisation de la plateia per-­‐<br />

géenne dans <strong>le</strong>s années 120 pC, c’est-­‐à-­‐dire,<br />

à l’époque d’Hadrien, remettant en cause<br />

l’ancienne hypothèse de S. Şahin d’une<br />

construction progressive et fractionnée qui<br />

aurait commencé sous <strong>le</strong> règne de Tibère<br />

pour s’achever sous celui d’Hadrien 60 .<br />

À Sidè, <strong>le</strong>s vestiges témoignent de l’exis-­‐<br />

tence de deux grandes rues à colonnades<br />

(fig. 6 : B et C). Dégagées de longue date par<br />

<strong>le</strong>s archéologues et partiel<strong>le</strong>ment restau-­‐<br />

rées, el<strong>le</strong>s sont moins bien conservées que<br />

la grande avenue nord-­‐sud de Pergè et ne<br />

sont pas actuel<strong>le</strong>ment parmi <strong>le</strong>s secteurs<br />

privilégiés par <strong>le</strong>s archéologues.<br />

El<strong>le</strong>s n’ont par conséquent fait l’objet<br />

d’aucune étude de synthèse détaillée ré-­‐<br />

cente 61 . Proches du point de vue stylistique<br />

du théâtre et de l’agora de la cité, el<strong>le</strong>s sont<br />

certainement postérieures à cel<strong>le</strong>s de Pergè<br />

et sont généra<strong>le</strong>ment datées du milieu du 2 e<br />

s. pC, sous <strong>le</strong> règne d’Antonin <strong>le</strong> Pieux 62 .<br />

Pavées, bordées de portiques de marbre à<br />

colonnades corinthiennes ouvrant sur des<br />

boutiques, <strong>le</strong>s deux rues partaient, comme<br />

la voie nord-­‐sud de Pergè, de la porte prin-­‐<br />

cipa<strong>le</strong> de la cité 63 .<br />

59 À savoir : nymphée nord (F3), arc de Démétrios et<br />

d’Apollonios, rue pavée et canal central, portiques et<br />

boutiques, transformations de l’arrière-cour de la porte<br />

hellénistique et construction de l’arc trip<strong>le</strong>, agora.<br />

60 Heinzelmann 2003, 202, n.9, suivi par Özdizbay<br />

2008, 163-166. Şahin 1995b, 27 et 1999, 25-35 n°21,<br />

suivi par Abbasoğlu 2001a, 179 et 2001b, 214 : à partir<br />

d’une dédicace, S. Şahin envisageait la possibilité que la<br />

partie nord de la grande rue à colonnade nord-sud ait été<br />

construite alors que T. Helvius Basila était gouverneur<br />

de Galatie (vers 35-39), province dont faisait alors<br />

partie la Pamphylie.<br />

61 Voir donc principa<strong>le</strong>ment Mansel 1963, 17-25.<br />

62 Heinzelmann 2003, 217 Tab.1 et n.53.<br />

63 La porte date de la période hellénistique. El<strong>le</strong> fut,<br />

comme cel<strong>le</strong> de Pergè, largement remaniée à l’époque<br />

impéria<strong>le</strong>, par l’ornementation de la cour située à<br />

l’arrière de la porte. Ce remaniement est daté de la fin<br />

du 2 e voire du début du 3 e s. pC, donc bien après celui<br />

de Pergè.<br />

140<br />

RİVALLAND<br />

Figure 4 : plan de Pergè (d’après Martini et al. 2008, 165<br />

Abb.1)<br />

Figure 5 : Sidè, rue à colonnade se dirigeant vers <strong>le</strong> sud (cliché<br />

de l’auteur, 2010)<br />

L’une des voies (fig. 6 : B), dégagée sur<br />

environ 150 m mais dont la longueur tota<strong>le</strong><br />

d’origine nous échappe du fait de l’ensab<strong>le</strong>-­‐<br />

ment partiel de la partie orienta<strong>le</strong> du site et<br />

de la construction de bâtiments byzantins<br />

sur son parcours, disposait en avant du<br />

stylobate du portique est d’un canal d’eau à


ciel ouvert (fig. 5). Cette voie se dirigeait<br />

vers <strong>le</strong> sud, tandis que l’autre, aujourd’hui<br />

largement asphaltée et mal conservée, dont<br />

la largeur atteignait par endroit plus de 20<br />

de mètres et la longueur environ 1 km 64 ,<br />

menait vers <strong>le</strong> centre de la vil<strong>le</strong>, à savoir<br />

l’agora et <strong>le</strong> théâtre (fig. 6).<br />

Après un virage à ang<strong>le</strong> droit, el<strong>le</strong> se<br />

poursuivait ensuite pour aboutir sur une<br />

place où s’é<strong>le</strong>vaient, sans doute depuis<br />

l’époque d’Hadrien au moins, <strong>le</strong>s deux<br />

principaux temp<strong>le</strong>s de la cité, dédiés à<br />

Apollon et à Athéna, au bout de la péninsu<strong>le</strong>,<br />

face à la mer (fig. 6 : N1-N2) 65 .<br />

Figure 7 : plan de Sidè (d’après Atvur 2008, Side, Antalya)<br />

Figure 6 : Sidè, rue à colonnade se dirigeant vers <strong>le</strong> sud (cliché<br />

de l’auteur, 2010)<br />

64<br />

Brandt/Kolb 2005, 69 : « Die zwischen 8,50 und 23<br />

breiten Hauptstraßen der Stadt ».<br />

65<br />

Mansel 1963 ; Bean 1989, 61-74 ; Brandt/Kolb 2005,<br />

69-70.<br />

RUES A COLONNADES<br />

À Sagalassos, dans <strong>le</strong> cadre des<br />

fouil<strong>le</strong>s menées depuis 1998 sur l’orga-­‐<br />

nisation généra<strong>le</strong> du réseau viaire et du<br />

plan de la vil<strong>le</strong> 66 , <strong>le</strong>s archéologues se sont<br />

récemment intéressés (entre 2005 et 2009,<br />

d’abord sous la supervision de F. Martens,<br />

puis sous cel<strong>le</strong> d’I. Jacobs) à la grande voie à<br />

colonnade découverte au sud de la vil<strong>le</strong>.<br />

Orientée nord-­‐sud, el<strong>le</strong> reliait sans doute<br />

entre el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s deux agorai installées l’une<br />

au-­‐dessus de l’autre sur deux terrasses mo-­‐<br />

numenta<strong>le</strong>s et qui constituaient ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

centre de la cité (fig. 7 : 3 et 9).<br />

Cependant, seu<strong>le</strong> une partie de la<br />

section sud de cette voie, qui reliait <strong>le</strong> sud<br />

de l’agora inférieure à l'une des portes de la<br />

66 Résumé dans Martens 2008 ; voir aussi <strong>le</strong>s<br />

informations et illustrations sur <strong>le</strong> site internet officiel<br />

du chantier archéologique : http://www.sagalassos.be<br />

141


cité (sans doute une porte importante voire<br />

la porte principa<strong>le</strong> d’accès à la vil<strong>le</strong> à<br />

l’époque du Haut-­‐Empire), est aujourd’hui<br />

relativement bien connue (fig. 7 : 2). Pavée<br />

de dal<strong>le</strong>s de calcaire blanc et large de<br />

presque 10 m (fig. 8), el<strong>le</strong> était bordée, au<br />

moins du côté ouest, de boutiques ins-­‐<br />

tallées à l’arrière d’un portique à colon-­‐<br />

nades d’une largeur d’environ 3,50 m 67 .<br />

Les recherches sur <strong>le</strong> terrain ont prouvé<br />

qu’el<strong>le</strong> existait sous cette forme, pavée et<br />

monumentalisée, dès <strong>le</strong> deuxième quart du<br />

Figure 8 : plan de Sagalassos (d’après www.sagalassos.be)<br />

Figure 7 : plan de Sagalassos (d’après www.sagalassos.be)<br />

67 Pour une description détaillée, voir Martens 2008. Sur<br />

<strong>le</strong> site officiel du site de Sagalassos :<br />

http://www.sagalassos.be/en/monuments_sites/monume<br />

ntal_centre_south/colonnaded_street<br />

142<br />

RİVALLAND<br />

1 e s. pC, au moins depuis l’époque du règne<br />

de Tibère, comme l’atteste au sud-­‐ouest de<br />

l’agora inférieure, à la jonction entre la voie<br />

à colonnade et la place el<strong>le</strong>-­‐même, l’arc qui<br />

marquait l’entrée dans <strong>le</strong> centre urbain au<br />

sud-­‐ouest de l’agora inférieure 68 . Si el<strong>le</strong><br />

n’était pas la plateia la plus monumenta<strong>le</strong><br />

d’Anatolie, cette datation en fait en re-­‐<br />

vanche l’une des plus anciennes et la<br />

première dans la région pamphylo-­‐<br />

pisidienne 69 .<br />

68 Mitchell et al. 1989, 68 et suiv. ; Waelkens 1997, 277-<br />

280 ; Vandeput 1997, 58-63, Taf. 22-24 ; Martens 2008,<br />

193.<br />

69 La première plateia attestée pour l’époque impéria<strong>le</strong><br />

est cel<strong>le</strong> d’Antioche, en Syrie, dont la construction<br />

remonte à l’époque d’Auguste (cf. Amadasi/Equini<br />

Schneider 1997, 124 ; Stierlin, 243). En Asie Mineure,<br />

la plateia de Sardes est datée de 17 aC : Gros 1996,<br />

106 ; Bejor 1999, 21.


Figure 8 : Sagalassos, la rue à colonnade vue depuis <strong>le</strong> sud<br />

(cliché de l’auteur, 2010)<br />

En effet, comme nous l’avons vu à Pergè et<br />

Sidè, <strong>le</strong>s caractères stylistiques des vestiges<br />

–qui sont aujourd’hui <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur moyen<br />

pour envisager une datation en l’absence<br />

d’inscription ou de toute autre de preuve<br />

formel<strong>le</strong>– indiquent que la construction des<br />

grandes rues à colonnades remonte sans<br />

doute dans ces cités au 2 e s. pC, précisément<br />

aux règnes d’Hadrien et d’Antonin <strong>le</strong> Pieux.<br />

Cette datation ne surprend guère si l’on<br />

considère que cette époque correspond<br />

pour la plupart des cités d’Asie Mineure à<br />

une période de stabilité politique et de<br />

prospérité économique, à la faveur de la pax<br />

Romana 70 . C’est aussi probab<strong>le</strong>ment la<br />

raison pour laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s rues à colonnades<br />

visib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong>s sites de Termessos et de<br />

Selgè, bien qu’assez mal conservées et mal<br />

connues, ont el<strong>le</strong>s aussi été généra<strong>le</strong>ment<br />

datées de cette époque d’après <strong>le</strong>ur sty<strong>le</strong> et<br />

<strong>le</strong>ur situation.<br />

La grande voie de Selgè a princi-­‐<br />

pa<strong>le</strong>ment été étudiée par A. Machatschek et<br />

M. Schwarz 71 . El<strong>le</strong> se présentait sous la<br />

forme d’une rue pavée de 230 m de long,<br />

bordée de colonnes de calcaire blanc à<br />

chapiteaux ioniques derrière <strong>le</strong>squels, là<br />

70 Sur ce point, voir Mitchell 1993 et Sartre 1995.<br />

71 Machatschek/Schwarz 1981, 62-66.<br />

RUES A COLONNADES<br />

encore, se trouvaient des boutiques. El<strong>le</strong><br />

reliait à travers un terrain accidenté l’agora<br />

supérieure de la cité, au sud, à une grande<br />

place au nord sur laquel<strong>le</strong> avait été érigé un<br />

temp<strong>le</strong> à podium dédié à Lucius Aelius<br />

Verus (fig. 9). Ici comme dans <strong>le</strong>s autres<br />

cités, <strong>le</strong>s colonnades abritaient des statues<br />

honorifiques, dont il ne reste aujourd’hui<br />

que quelques bases inscrites 72 . Côté ouest,<br />

el<strong>le</strong> était <strong>le</strong> point d’aboutissement d’au<br />

moins deux rues secondaires importantes.<br />

Côté est, la forte déclivité du terrain avait<br />

nécessité l’aménagement de voûtes de<br />

substruction pour que puisse être construit<br />

au-­‐dessus <strong>le</strong> portique oriental.<br />

À Termessos <strong>le</strong>s ruines de la rue à<br />

colonnade romaine n’ont pas été étudiées.<br />

L’essentiel des informations provient donc<br />

des observations faites par l’équipe de K.<br />

Lanckoronski, revues cependant récem-­‐<br />

ment par M. Heinzelmann 73 . Cette voie (5<br />

sur <strong>le</strong> plan : fig. 10) 74 , avait une forme<br />

rectiligne et mesurait environ 120 m de<br />

long et 8,50 m de large. Orientée nord-­‐sud,<br />

el<strong>le</strong> était bordée de deux portiques<br />

ioniques, dont seul celui du côté ouest<br />

ouvrait sur des magasins 75 . Construite dans<br />

l’ouest de la cité, avec laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> semb<strong>le</strong><br />

avoir été peu connectée (seu<strong>le</strong>s deux rues<br />

secondaires paraissent l’avoir traversée),<br />

el<strong>le</strong> était apparemment plutôt en marge du<br />

centre urbain 76 .<br />

Cependant, <strong>le</strong> nombre important de<br />

statues honorifiques qui y furent érigées (au<br />

moins 47 de chaque côté) témoigne de<br />

l’importance que lui accordaient <strong>le</strong>s habi-­‐<br />

tants 77 .<br />

72<br />

Machatschek/Schwarz 1981, 63. Pour <strong>le</strong>s inscriptions,<br />

cf. Nollé/Schind<strong>le</strong>r 1991.<br />

73<br />

Lanckoronski 1893, 57-59 ; Bejor 1999, 37 ;<br />

Heinzelmann 2003, 218-220, Abb.14-15.<br />

74<br />

Lanckoronski 1893 ; Bean 1989, 100 fig.25, la<br />

désigne par la <strong>le</strong>ttre ‘R’ (Street of shops).<br />

75<br />

Sur <strong>le</strong>s dimensions des portiques et <strong>le</strong>s boutiques, cf.<br />

Heinzelmann 2003, 219 n.70, ainsi que sur l’utilisation<br />

de l’ordre ionique (rectifications par rapport à<br />

Lanckoronski 1893).<br />

76<br />

Heinzelmann 2003, 218.<br />

77<br />

Lanckoronski 1893, 58-59 ; Bean 1989, 105 ;<br />

Heinzelmann 2003, 220, Abb.15.<br />

143


Les sites de Sillyon et d’Aspendos,<br />

qui n’ont fait l’objet que de prospections de<br />

surface, comme ceux de Pednelissos, « Mel-­‐<br />

li », Adada ou encore Lyrbe/Se<strong>le</strong>ukeia(?), ne<br />

présentent pas de trace visib<strong>le</strong> de cons-­‐<br />

truction de type plateia.<br />

Le même constat s’impose concer-­‐<br />

nant Atta<strong>le</strong>ia, pour laquel<strong>le</strong> nous disposons<br />

par contre d’une inscription attestant que<br />

dès 50 pC, la cité refaisait ses ‘routes’<br />

(vias/ὁδοὺς) « grâce aux générosités de<br />

Claude » 78 . À cela s’ajoute une inscription,<br />

Figure 9 plan de Selgè (d’après Nollé/Schind<strong>le</strong>r 1991, 137)<br />

78 Première publication par Ramsay 1883, 258. La<br />

citation est de Martin 1956, 161. Voir aussi Mansel<br />

1963, 20.<br />

144<br />

Figure 9 : plan de Selgè (d’après Nollé/Schind<strong>le</strong>r 1991, 137)<br />

RİVALLAND<br />

très fragmentaire cependant, dont S. Şahin a<br />

suggéré qu’el<strong>le</strong> pourrait peut-­‐être faire ré-­‐<br />

férence à la construction d’une rue à<br />

colonnade dans la cité sous <strong>le</strong>s règnes de<br />

Tibère et de Caligula, soit dès avant <strong>le</strong> mi-­‐<br />

lieu du 1 e s. pC 79 . Mais si <strong>le</strong> fait qu’une cité<br />

aussi importante qu’Atta<strong>le</strong>ia fût dotée très<br />

tôt d’une (voire de plusieurs) rue(s) à<br />

colonnades est loin d’être inenvisageab<strong>le</strong>,<br />

l’absence d’attestation formel<strong>le</strong> (l’ins-­‐<br />

cription datée de 50 pC n’emploie pas <strong>le</strong><br />

terme de plateia) interdit néanmoins<br />

aujourd’hui de l’affirmer avec certitude.<br />

79 Şahin 1995b.


Figure 10 : plan de Termessos (d’après Elsner 1991, 223 et<br />

Bean 1989)<br />

Les plateiai dans l’histoire des cités :<br />

rues à colonnades et développement<br />

urbain<br />

D’après ce que l’on peut observer du<br />

soin visib<strong>le</strong>ment apporté à <strong>le</strong>ur conception,<br />

à <strong>le</strong>ur réalisation et, plus tard, à <strong>le</strong>ur<br />

réparation 80 , du coût sans doute souvent<br />

é<strong>le</strong>vé des travaux 81 , et de l’amp<strong>le</strong>ur des<br />

chantiers que durent impliquer de tels<br />

aménagements urbains, il est raisonnab<strong>le</strong><br />

de penser que l’installation d’une grande<br />

rue à colonnades re<strong>le</strong>vait dans <strong>le</strong>s cités<br />

d’une décision col<strong>le</strong>ctive, émanant sans<br />

doute des autorités dirigeantes, en accord<br />

avec la population concernée. Projets ur-­‐<br />

bains engageant l’agglomération, rien<br />

80 Sur <strong>le</strong>s réparations et l’entretien des avenues, voir par<br />

exemp<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> cas de Sagalassos : Lavan 2008 ; pour<br />

Pergè : Özdizbay 2008, 166-167.<br />

81 L’utilisation du marbre non seu<strong>le</strong>ment à Pergè et à<br />

Sidè mais aussi à Termessos (Heinzelmann 2003, 219<br />

n.70), implique un surcoût par rapport à l’utilisation du<br />

calcaire local. Voir Barresi 2003.<br />

RUES A COLONNADES<br />

n’indique en effet qu’ils furent à l’origine <strong>le</strong><br />

fait de décisions impéria<strong>le</strong>s 82 ou de groupes<br />

restreints, même si l’intervention à titre<br />

privé de notab<strong>le</strong>s locaux au sein de ces<br />

espaces est loin d’être négligeab<strong>le</strong> et qu’il<br />

est possib<strong>le</strong> que <strong>le</strong> financement de tels<br />

aménagements se soit en partie appuyé sur<br />

la contribution de citoyens aisés des cités,<br />

comme cela semb<strong>le</strong> par exemp<strong>le</strong> avoir été <strong>le</strong><br />

cas pour la construction de la ‘Rue roya<strong>le</strong>’, à<br />

Termessos 83 .<br />

Quoi qu’il en ait été, <strong>le</strong>ur présence dans la<br />

plupart des grandes cités de Pamphylie et<br />

de Pisidie au 2 e s. pC atteste l’importance<br />

qui était alors accordée à ce type de<br />

structure, comme l’ont mis en évidence dès<br />

<strong>le</strong>s années 1920 <strong>le</strong>s travaux sur l’urbanisme<br />

des cités gréco-­‐romaines d’A. Von Gerkan,<br />

suivis par ceux de R. Martin, P. Gros et G.<br />

Bejor. Cette importance peut être mise en<br />

relation avec <strong>le</strong>s diverses fonctions<br />

qu’occupaient ces voies monumenta<strong>le</strong>s, à<br />

savoir non seu<strong>le</strong>ment une fonction pratique<br />

d’axe de circulation mais aussi une fonction<br />

commercia<strong>le</strong> et surtout une fonction<br />

essentiel<strong>le</strong> de prestige et de représentation.<br />

Hormis <strong>le</strong> cas un peu à part de<br />

Termessos, <strong>le</strong>s grandes rues à portiques des<br />

cités de Pamphylie et de Pisidie appa-­‐<br />

raissent comme des axes de passage<br />

majeurs au cœur des cités, reliant souvent<br />

entre eux des secteurs-­‐clés du centre<br />

urbain. À Sagalassos et Selgè, du fait des<br />

contraintes imposées par la topographie,<br />

ces axes n’étaient accessib<strong>le</strong>s qu’aux<br />

82 En revanche, comme <strong>le</strong> montre l’exemp<strong>le</strong> d’Atta<strong>le</strong>ia,<br />

l’empereur pouvait intervenir pour faire réparer ou<br />

restaurer <strong>le</strong>s rues. Cf. n.78. Sur <strong>le</strong>s relations de<br />

l’empereur avec l’ornement des cités, voir l’étude pour<br />

l’Asie de Pont 2010, 459 et suiv.<br />

83 Pour cette ‘Rue roya<strong>le</strong>’ de Termessos («βασιλικῆς<br />

ὁδοῦ»), une inscription fournit la liste de souscripteurs<br />

cf. Lanckoronski 1893, 214 n°58 (=ΤΑΜ, ΙΙΙ, 1, 14).<br />

Voir sur ce point Martin 1956, 220 ; Heinzelmann 2003,<br />

n.69 p. 219. S’agissant de la prise de décision, qui<br />

re<strong>le</strong>vait certainement plus souvent d’initiatives loca<strong>le</strong>s<br />

que de l’empereur, voir notamment pour la province<br />

d’Asie : Pont 2010, 181 et suiv., 186. Cette dernière<br />

indique aussi que <strong>le</strong> financement lui-même, s’il pouvait<br />

être assuré par la population, pouvait éga<strong>le</strong>ment être pris<br />

en charge par « un notab<strong>le</strong> évergète ou d’un groupe de<br />

notab<strong>le</strong>s » (Pont 2010, 186). Dans <strong>le</strong> même sens, à<br />

propos de Pergè : Heinzelmann 2003, 215.<br />

145


piétons 84 , tandis qu’à Pergè et Sidè, ils<br />

constituaient aussi <strong>le</strong>s voies principa<strong>le</strong>s du<br />

trafic routier à l’intérieur de la vil<strong>le</strong>, comme<br />

en témoignent <strong>le</strong>s traces d’usure sur <strong>le</strong><br />

pavement (fig. 11).<br />

Figure 11 : Pergè, voie à colonnades nord-sud – traces d’usure<br />

au sol (cliché de l’auteur, 2010)<br />

Dans <strong>le</strong>s quatre cités, <strong>le</strong>s rues à colonnades,<br />

qui définissaient parfois <strong>le</strong>s différents<br />

quartiers 85 , établissaient toujours un trajet<br />

bien particulier au cœur de la vil<strong>le</strong>.<br />

Structurant l'espace en <strong>le</strong> limitant, el<strong>le</strong>s<br />

constituaient ainsi l’épine dorsa<strong>le</strong> de la cité,<br />

jouant même temps un rô<strong>le</strong> unificateur<br />

entre <strong>le</strong>s différents secteurs de la vil<strong>le</strong>.<br />

D’après ce que l’on sait aujourd’hui, on voit<br />

en effet que la rue principa<strong>le</strong> passait par<br />

l’agora (ou au moins par l’une des agorai)<br />

de la cité, qui se trouvait alors connectée à<br />

une des portes de la vil<strong>le</strong>, ainsi qu’à une ou<br />

plusieurs structures marquantes du pay-­‐<br />

sage urbain, qui pouvai(en)t être, au 2 e s.<br />

pC, un temp<strong>le</strong> (à Selgè, Sagalassos, Sidè et<br />

Pergè), une autre agora (à Sidè et à<br />

84 Pour Selgè : Machatschek/Schwarz 1981, 65. Pour<br />

Sagalassos : Martens 2008, 196.<br />

85 Pour Sidè par exemp<strong>le</strong>, cf. Mansel 1963, 24-25 ;<br />

Brandt/Kolb 2005, 70, Abb. 90.<br />

146<br />

RİVALLAND<br />

Sagalassos) ou encore un nymphée (à Pergè,<br />

Selgè et Sagalassos).<br />

Le lien privilégié des rues à colon-­‐<br />

nades avec l’agora –ainsi qu’avec <strong>le</strong> port<br />

dans <strong>le</strong>s cas de Sidè et Pergè (s’agissant ici<br />

de la rue est-­‐ouest, moins bien connue que<br />

la rue nord-­‐sud pour l’instant) 86 – mais aussi<br />

bien sûr <strong>le</strong> fait qu’el<strong>le</strong>s fussent bordées de<br />

portiques ouvrant sur des boutiques et des<br />

ateliers attestent éga<strong>le</strong>ment de l’importance<br />

de la fonction commercia<strong>le</strong> de ces grandes<br />

avenues dans toutes <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s, Termessos y<br />

compris. Répondant à de nouveaux besoins<br />

liés au développement économique des<br />

cités, <strong>le</strong>s grandes voies à portiques s’ajou-­‐<br />

taient ainsi aux places de marché existantes<br />

(anciennes ou plus récentes) 87 , permettant<br />

une multiplication des échanges dans des<br />

espaces toujours situés, rappelons-­‐<strong>le</strong>, à<br />

l’abri du so<strong>le</strong>il et de la pluie 88 . Lieux<br />

d’échanges donc, el<strong>le</strong>s constituèrent natu-­‐<br />

rel<strong>le</strong>ment de nouveaux espaces de ren-­‐<br />

contres, et jouèrent certainement un rô<strong>le</strong><br />

important dans la sociabilité des vil<strong>le</strong>s à<br />

l’époque impéria<strong>le</strong>, comme <strong>le</strong> suggèrent<br />

l’aménagement ponctuel de places ainsi que<br />

la présence de points d’eau accessib<strong>le</strong>s à<br />

tous, non seu<strong>le</strong>ment aux extrémités des<br />

voies mais aussi <strong>le</strong> long du parcours 89 (cf.<br />

figs. 4, 6-­‐9). Or, il faut rappe<strong>le</strong>r à ce sujet<br />

que si <strong>le</strong>s fontaines et bassins sont carac-­‐<br />

téristiques du mobilier urbain des vil<strong>le</strong>s<br />

86 Sur <strong>le</strong> port de Pergè : Martini et al. 2008.<br />

87 À Sagalassos, l’installation de l’agora inférieure est<br />

datée de la fin du 1 e s. aC (Martens 2008, 194), alors<br />

que, rappelons-<strong>le</strong>, la voie à colonnades sud date du<br />

premier quart du 1 e s. pC. Les agorai de Pergè et de<br />

Sidè en <strong>le</strong>ur état actuel datent de l’époque impéria<strong>le</strong><br />

sans qu’il ait été possib<strong>le</strong> de déterminer avec certitude si<br />

el<strong>le</strong>s occupaient déjà la même place à l’époque<br />

hellénistique.<br />

88 Cf. Hellmann 2006, 214-215 : « la première fonction<br />

de tous ces portiques n’était pas tant de marquer une<br />

limite que de proposer un toit aux visiteurs. (…)<br />

Jusqu’au bout, jusqu’au passage de la Grèce dans<br />

l’orbite romaine, c’est avant tout pour cette raison que<br />

furent construits <strong>le</strong>s portiques (…) ». Cette fonction, si<br />

el<strong>le</strong> n’était plus à l’origine de <strong>le</strong>ur construction à<br />

l’époque impéria<strong>le</strong>, restait néanmoins toujours valab<strong>le</strong>.<br />

89 Pour Pergè, cf. Heinzelmann 2003, 202 et suiv. et voir<br />

sur Abb. 6, p. 207, <strong>le</strong>s sections 5 et 6, plus larges, qui<br />

forment une sorte de place. Pour <strong>le</strong>s nymphées par<br />

rapport aux rues à Sagalassos : Richard 2008. Pour<br />

Sidè : Mansel 1963, 17 et suiv.


omaines, en tant qu’aménagements uti<strong>le</strong>s<br />

et lieux de rencontre, ils constituaient aussi<br />

souvent des éléments décoratifs de premier<br />

ordre, notamment en Asie Mineure. Cette<br />

situation se vérifie dans <strong>le</strong>s cités de Pam-­‐<br />

phylie et de Pisidie, avec la présence <strong>le</strong> long<br />

des rues de fontaines, de canaux à ciel<br />

ouvert (à Pergè notamment), mais aussi et<br />

surtout de nymphées monumentaux qui, à<br />

Pergè, et plus encore à Sagalassos, et dans<br />

une moindre mesure à Sidè et Selgè, consti-­‐<br />

tuaient l’aboutissement visuel des rues.<br />

Partie intégrante de la scénographie du<br />

paysage urbain des cités à l’époque im-­‐<br />

péria<strong>le</strong>, non seu<strong>le</strong>ment ils participaient de la<br />

monumentalité et de l’unité des grandes<br />

voies à colonnade mais ils en renforçaient<br />

surtout la va<strong>le</strong>ur ostentatoire 90 .<br />

Car en plus de fournir un cadre<br />

régulier et uniforme 91 à une voie de passage<br />

centra<strong>le</strong> ouvrant sur de nombreux commerces, une<br />

des caractéristiques des grandes voies à<br />

portiques romaines est sans conteste <strong>le</strong>ur<br />

rô<strong>le</strong> dans la course au prestige que se<br />

livrèrent <strong>le</strong>s cités au sein de l’Empire.<br />

Ostensib<strong>le</strong>ment prestigieux, ce type d’amé-­‐<br />

nagement participait en effet de la concur-­‐<br />

rence que se livraient entre el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s<br />

depuis au moins l’époque hellénistique si<br />

l’on en croit <strong>le</strong>s sources littéraires 92 . À<br />

l’époque impéria<strong>le</strong>, la grande rue à<br />

colonnade semb<strong>le</strong> avoir été considérée par<br />

<strong>le</strong>s cités comme une composante signifi-­‐<br />

cative de la parure urbaine pour valoriser<br />

<strong>le</strong>ur image et c’est dans ce cadre que <strong>le</strong>s<br />

plateiai participèrent sans aucun doute de<br />

90 Pour une étude détaillée et récente sur <strong>le</strong>s nymphées,<br />

<strong>le</strong>urs fonctions et <strong>le</strong>ur situation dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s d’Asie<br />

Mineure, et particulièrement cel<strong>le</strong>s de Pamphylie et de<br />

Pisidie : Dorl-Klingenschmid, 2001. Sur Sagalassos,<br />

plus récemment : Richard 2008. Sur Pergè, voir aussi<br />

plus récemment : Özdizbay 2008, 107-111 notamment,<br />

à propos du nymphée F3 au pied de l’acropo<strong>le</strong>. Aussi<br />

Martini 2010, 75 et suiv. Pour Sidè, Abbasoğlu 2001c,<br />

208 et suiv.<br />

91 Sur l’importance de l’aspect régulier et harmonieux<br />

du paysage urbain pour <strong>le</strong>s populations des vil<strong>le</strong>s de<br />

l’Orient romain, cf. Pont 2010, 177 et suiv.<br />

92 Les auteurs anciens évoquent des conflits armés entre<br />

<strong>le</strong>s cités, par exemp<strong>le</strong> : Arrien, Anab., I.27.4<br />

(Aspendos/voisins) ; I.28.1 (Selgè/Termessos) ; Polybe,<br />

V.72.1 (Pednelissos/Selgè) ; V.73.4 (Etenna et<br />

Aspendos/Pednelissos ; Sidè/Aspendos) ; XXI.35-36 ;<br />

Tite-Live, XXXVIII.15.8 (Isinda/Termessos).<br />

RUES A COLONNADES<br />

la rivalité entre <strong>le</strong>s cités. Cette concurrence<br />

visait pour partie à s’attirer la bienveillance<br />

du pouvoir impérial d’après ce que l’on sait<br />

de la compétition que se livrèrent par<br />

exemp<strong>le</strong> Pergè et Sidè pour l’obtention de<br />

néocories 93 . Mais selon A.-­‐V. Pont, la parure<br />

monumenta<strong>le</strong> des rues était aussi « <strong>le</strong> signe<br />

<strong>le</strong> plus directement visib<strong>le</strong>, pour <strong>le</strong>s<br />

habitants de la cité comme pour <strong>le</strong>s gens de<br />

passage, de son ‘ornement’, et [donc] <strong>le</strong><br />

premier indice de la participation de la<br />

communauté civique, du simp<strong>le</strong> citoyen au<br />

notab<strong>le</strong>, à cet idéal commun » 94 . À l’échel<strong>le</strong><br />

même de chaque cité, cette fonction de<br />

représentation existait aussi puisque <strong>le</strong>s<br />

voies à colonnades furent l’un des lieux<br />

privilégiés par <strong>le</strong>s élites urbaines pour<br />

pratiquer l’évergétisme, à travers l’érection<br />

de statues honorifiques (comme à Ter-­‐<br />

messos par exemp<strong>le</strong>) 95 et d’autres grandes<br />

constructions édilitaires, notamment des<br />

arcs 96 . Un bon exemp<strong>le</strong> ici est celui de<br />

Pergè, où une riche citoyenne, Plancia<br />

Magna, fit de l’arrière-­‐cour de l’ancienne<br />

porte hellénistique une cour d’honneur lar-­‐<br />

gement vouée à la célébration familia<strong>le</strong>, au<br />

nord de laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> fit construire un arc de<br />

triomphe dédié à la cité mais dont <strong>le</strong><br />

programme décoratif honorait l’empereur<br />

Hadrien et sa famil<strong>le</strong>. Fermant la cour<br />

arrière de la porte, cet arc ouvrait de façon<br />

monumenta<strong>le</strong> sur la longue rue à colonnade,<br />

au terme de laquel<strong>le</strong> un nymphée à doub<strong>le</strong><br />

étage, d’où partait <strong>le</strong> canal central, marquait<br />

l’accès à l’acropo<strong>le</strong> 97 .<br />

Pourtant, si la diffusion du modè<strong>le</strong><br />

des grandes rues à colonnades implique<br />

d’importantes ressemblances entre <strong>le</strong>s<br />

93 Sur ce point, cf. Burrel 2004, 181-190 ; voir aussi<br />

pour la Pisidie <strong>le</strong> chapitre 37 sur Sagalassos, p. 266 et<br />

suiv. ; aussi Guerber 2010.<br />

94 Pont 2010, 186.<br />

95 Pour Termessos par exemp<strong>le</strong>, cf. Lanckoronski 1893,<br />

58-59 et Van Nijf 2011 (artic<strong>le</strong> mis en ligne en mars<br />

2009, disponib<strong>le</strong> sur<br />

http://www.scribd.com/doc/13732508/Onno-Van-Nijf-<br />

Political-Culture-Termessos).<br />

96 Pour un résumé sur <strong>le</strong>s arcs érigés à Sagalassos à<br />

l’époque impéria<strong>le</strong> par exemp<strong>le</strong>, Martens 2004, 591-<br />

595. Sur Pergè, cf. Özdizbay 2008, 47-51, 90-106.<br />

97 Voir entre autres : Şahin 1996b ; Abbasoğlu 2001a et<br />

2001b ; Özdizbay 2008, 90-106, 202 et suiv.<br />

147


paysages urbains des cités pamphylo-­‐<br />

pisidiennes (et avec <strong>le</strong>s autres cités d’Ana-­‐<br />

tolie et du reste de l’Orient romain) à partir<br />

du 2 e s. de notre ère, el<strong>le</strong> n’aboutit pas à la<br />

standardisation des paysages urbains. Plus<br />

encore, comme <strong>le</strong> font apparaître <strong>le</strong>s plans<br />

établis par <strong>le</strong>s archéologues, la singularité<br />

de chaque cité se révè<strong>le</strong> nettement à travers<br />

<strong>le</strong> tracé des voies, <strong>le</strong>quel ne reflète pas tant<br />

<strong>le</strong>s contraintes topographiques que l’his-­‐<br />

toire des cités. En effet, alors que Sagalassos<br />

est une cité montagneuse située sur un<br />

terrain en pente, <strong>le</strong> tracé de la voie à colon-­‐<br />

nade sud s’avère parfaitement rectiligne,<br />

comme celui de la rue à portique de<br />

Termessos d’ail<strong>le</strong>urs, tandis que <strong>le</strong>s tra-­‐<br />

jectoires des grandes artères de Pergè et<br />

Sidè, pourtant installées en terrains rela-­‐<br />

tivement plats, sont, comme cel<strong>le</strong> de Selgè,<br />

marquées par plusieurs courbes. Cela<br />

s’explique par <strong>le</strong> fait qu’à Termessos, mais<br />

sans doute aussi à Sagalassos (et partiel-­‐<br />

<strong>le</strong>ment à Sidè), <strong>le</strong>s rues à colonnades furent<br />

largement construites ex-nihilo, tandis que<br />

cel<strong>le</strong>s de Selgè et de Pergè ainsi que cel<strong>le</strong> de<br />

Sidè menant au port résultent vraisem-­‐<br />

blab<strong>le</strong>ment de la monumentalisation de<br />

voies importantes déjà existantes prenant<br />

en compte, dans la définition du tracé,<br />

certains édifices préexistants. L’ancienneté<br />

des deux axes principaux de Pergè est<br />

confirmée par la présence au carrefour<br />

principal de la cité dès <strong>le</strong> 1 e s. pC d’un arc<br />

monumental dédié à Domitien (arc de<br />

Démétrios et Apollonios) (fig. 4). Par<br />

ail<strong>le</strong>urs, au nord de l’axe est-­‐ouest avait été<br />

construite à l’époque de Néron une pa-­‐<br />

<strong>le</strong>stre 98 . Partant de là, <strong>le</strong>s irrégularités de<br />

cette voie est-­‐ouest, mais aussi <strong>le</strong>s virages<br />

que forme la voie à colonnade nord-­‐sud,<br />

ainsi que ceux de la grande artère de Selgè<br />

ou encore ceux de la longue rue qui mène de<br />

la porte principa<strong>le</strong> aux temp<strong>le</strong>s d’Apollon et<br />

d’Athéna à Sidè s’expliquent sans doute par<br />

la nécessité, au 2 e s. pC, de tenir compte de<br />

constructions préexistantes, constructions<br />

remontant certainement pour partie au 1 e s.<br />

de notre ère, mais sans doute aussi pour<br />

98<br />

Voir principa<strong>le</strong>ment Heinzelmann 2003 et Özdizbay<br />

2008, 163 et suiv.<br />

148<br />

RİVALLAND<br />

certaines à l’époque hellénistique 99 . Les<br />

rues à portiques témoignent ainsi de<br />

plusieurs phases dans l’évolution urbaine<br />

des grandes cités de la région, et<br />

notamment, donc, du développement que<br />

cel<strong>le</strong>s-­‐ci connurent bien avant <strong>le</strong> 2 e s. pC,<br />

certainement au moins dès la fin de<br />

l’époque hellénistique. Et si tel est bien <strong>le</strong><br />

cas, cela confirmerait l’idée selon laquel<strong>le</strong><br />

cette période fut non seu<strong>le</strong>ment marquée<br />

par la volonté de se protéger des attaques<br />

extérieures (dans <strong>le</strong> cadre des conflits qui<br />

opposèrent entre eux <strong>le</strong>s successeurs<br />

d’A<strong>le</strong>xandre entre la mort de ce dernier en<br />

323 aC et la paix d’Apamée en 188 aC),<br />

comme en témoigne la construction des<br />

circuits fortifiés, mais aussi, à Sidè et<br />

surtout à Pergè, par un réel dynamisme et la<br />

volonté d’organiser <strong>le</strong> nouvel espace urbain,<br />

agrandi et désormais délimité par des<br />

remparts. Dès lors, l’aménagement des<br />

grandes voies à colonnades à Sidè, Pergè et<br />

Selgè au 2 e s. de notre ère, apparaît<br />

largement comme une phase supplé-­‐<br />

mentaire et ultime, directement liée au<br />

nouveau contexte politique, économique et<br />

socioculturel, d’un mouvement amorcé<br />

antérieurement visant à organiser l’espace<br />

urbain. En outre, la présence sur l’acropo<strong>le</strong><br />

de Pergè de plusieurs comp<strong>le</strong>xes sacrés<br />

(fig. 4), dont peut-­‐être <strong>le</strong> fameux sanctuaire<br />

d’Artémis Pergaia 100 , avant même l’époque<br />

hellénistique, explique largement l’impor-­‐<br />

tance prise à l’époque préromaine par la<br />

voie nord-­‐sud menant de l’entrée de la vil<strong>le</strong><br />

basse à ce lieu sacré. Voie processionnel<strong>le</strong>,<br />

el<strong>le</strong> devait en effet déjà marquer <strong>le</strong> paysage<br />

urbain avant l’intégration de la cité dans la<br />

sphère d’influence romaine, ce qui explique<br />

peut-­‐être en partie pourquoi la cité ne<br />

s’empressa pas spécia<strong>le</strong>ment d’agrandir et<br />

d’embellir cette longue avenue 101 . Or, dans<br />

la mesure où <strong>le</strong>s cultes d’Apollon et<br />

d’Athéna sont attestés à Sidè dès avant<br />

99 Rappelons en effet que <strong>le</strong>s tracés des grandes rues ont<br />

pour point de départ, à Pergè et à Sidè, <strong>le</strong>s portes<br />

hellénistiques datées autour de la fin du 3 e s. - 2 e s. aC<br />

et, à Selgè l’agora, qui est el<strong>le</strong> aussi généra<strong>le</strong>ment datée<br />

de la fin de l’époque hellénistique.<br />

100 Martini 2010.<br />

101 Heinzelmann 2003 ; Martini 2010.


l’époque impéria<strong>le</strong> 102 , peut-­‐être doit-­‐on<br />

penser que la rue de la vil<strong>le</strong> qui menait<br />

jusqu’aux temp<strong>le</strong>s situés sur <strong>le</strong> port au 2 e s.<br />

était el<strong>le</strong> aussi une forme monumentalisée<br />

d’une ancienne voie processionnel<strong>le</strong>.<br />

La situation est différente en re-­‐<br />

vanche pour Termessos et Sagalassos. Au vu<br />

de son emplacement dans <strong>le</strong> plan urbain, de<br />

son tracé et de sa conception, la voie à<br />

colonnade de Termessos est clairement un<br />

cas à part. Tout indique en effet que cette<br />

dernière fut construite ex-nihilo à l’époque<br />

impéria<strong>le</strong>, sans doute dans <strong>le</strong> but de doter la<br />

vil<strong>le</strong> d’un aménagement considéré comme<br />

important pour son image, dans <strong>le</strong> cadre de<br />

la romanisation du mode de vie. S’agissant<br />

de Sagalassos, la construction de la rue à<br />

portique nord-­‐sud semb<strong>le</strong> directement liée<br />

à cel<strong>le</strong> de l’agora inférieure, datée de la fin<br />

du 1 e s. aC. Son tracé rectiligne, malgré la<br />

forte déclivité du terrain, suggère qu’aucune<br />

construction importante ne préexistait (ou<br />

en tout cas n’était considérée comme un<br />

obstac<strong>le</strong>) sur <strong>le</strong> parcours prédéfini. Il<br />

nécessita néanmoins d’importants travaux<br />

de nivel<strong>le</strong>ment ainsi que la construction<br />

d’escaliers 103 . Vraisemblab<strong>le</strong>ment conçue<br />

d’emblée comme un axe essentiel du plan<br />

urbain de la vil<strong>le</strong> en devenir, el<strong>le</strong> devait<br />

servir de voie principa<strong>le</strong> d’accès au centre<br />

civique et d’axe structurant pour la vil<strong>le</strong><br />

basse, dont <strong>le</strong> développement rend compte<br />

de la prospérité économique de la cité en<br />

cette période charnière du 1 e s. aC – 1 e s. pC.<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, rappelons que Sagalassos se<br />

trouvait non loin des colonies qu’Auguste<br />

avait fondées en Pisidie 104 . L’influence<br />

romaine s’y fit donc peut-­‐être ressentir plus<br />

rapidement que dans <strong>le</strong>s cités de la plaine,<br />

d’autant que ces dernières étaient plus<br />

profondément hellénisées du fait de<br />

l’ancienneté de <strong>le</strong>urs contacts avec <strong>le</strong>s<br />

Grecs 105 . Pour autant, si la précocité de la<br />

plateia de Sagalassos, sous cette forme<br />

pavée et bordée d’un portique, est<br />

102<br />

RE : s.v. ‘Side’ ; Nollé 1993, 107-108, 262.4<br />

103<br />

Martens 2008, 194.<br />

104<br />

Sur <strong>le</strong>s colonies augustéennes en Pisidie : Levick<br />

1967.<br />

105<br />

Sur l’influence romaine à Sagalassos: voir<br />

notamment Waelkens 2002.<br />

RUES A COLONNADES<br />

indéniab<strong>le</strong>, notons qu’ici comme dans <strong>le</strong>s<br />

autres cités de Pamphylie-­‐Pisidie, <strong>le</strong>s amé-­‐<br />

nagements ornementaux faisant de cette<br />

rue un élément clé de la parure et de la<br />

scénographie urbaines datent pour l’essen-­‐<br />

tiel du 2 e s. de notre ère et de l’époque des<br />

Sévères, c’est-­‐à-­‐dire d’une période qui vit<br />

prospérer l’ensemb<strong>le</strong> de la région. C’est <strong>le</strong><br />

cas des trois nymphées sur <strong>le</strong>squels se<br />

posait <strong>le</strong> regard des visiteurs accédant au<br />

centre civique par cette grande avenue 106 ,<br />

du temp<strong>le</strong> du culte impérial dédié à Hadrien<br />

et Antonin <strong>le</strong> Pieux situé au sud-­‐est de la<br />

rue 107 , ainsi que des statues d’empereurs<br />

qui se trouvaient <strong>le</strong> long de la voie 108 .<br />

Conclusion<br />

Les rues à colonnades n’étant qu’un<br />

élément du paysage urbain parmi d’autres,<br />

el<strong>le</strong>s ne sauraient évidemment suffire à<br />

el<strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s à rendre compte de l’histoire<br />

des cités de Pamphylie et de Pisidie à<br />

l’époque gréco-­‐romaine.<br />

Néanmoins, nous l’avons vu, tout en<br />

attestant de la monumentalisation des<br />

paysages urbains dans <strong>le</strong> cadre de l’Empire<br />

(confirmant ainsi la prospérité de la région<br />

à cette époque et <strong>le</strong> développement de<br />

l’influence romaine au niveau culturel), el<strong>le</strong>s<br />

fournissent des indices intéressants sur<br />

l’organisation des cités avant la domination<br />

romaine.<br />

On retiendra ainsi d’abord que<br />

malgré l’accélération de l’hellénisation de la<br />

région à partir des 3 e -­‐2 e s. aC, seu<strong>le</strong> la vil<strong>le</strong><br />

basse de Pergè, en l’état actuel de nos<br />

connaissances, présente <strong>le</strong>s traces d’un plan<br />

régulier remontant peut-­‐être à l’époque<br />

hellénistique 109 . Or, à Pergè comme à Sidè et<br />

106<br />

Le premier nymphée, construit au nord de l’agora<br />

inférieure, date de l’époque de Trajan (puis il fut<br />

reconstruit vers 200). Le nymphée situé au-dessus, au<br />

nord, date de l’époque d’Hadrien (entre 128/129 et 134).<br />

Enfin, <strong>le</strong> troisième nymphée, situé au nord de l’agora<br />

supérieure, date du règne d’Antonin <strong>le</strong> Pieux (vers 160-<br />

180). Cf. Richard 2008.<br />

107<br />

Vandeput 1997, 64-77.<br />

108<br />

Martens 2008.<br />

109<br />

Cf. Abbasoğlu 2001a et 2001b ; à propos de Sidè,<br />

dépourvue de plan géométrique, id. 2001c.<br />

149


Selgè, il semb<strong>le</strong> bien qu’avant <strong>le</strong> 2 e s. pC, et<br />

peut-­‐être dès la fin du 3 e s. aC, <strong>le</strong>s centres<br />

urbains s’organisaient <strong>le</strong> long d’une avenue<br />

principa<strong>le</strong> nettement distincte des autres<br />

rues, laquel<strong>le</strong> reliait probab<strong>le</strong>ment dès<br />

l’origine un espace sacré à une porte, en<br />

passant par l’agora.<br />

On sait par ail<strong>le</strong>urs que la cité hellé-­‐<br />

nistique de Sagalassos s’organisait quant à<br />

el<strong>le</strong> autour de l’agora supérieure, si bien<br />

que l’aménagement de la section sud de la<br />

rue à colonnade nord-­‐sud est sans doute<br />

150<br />

RİVALLAND<br />

plutôt ici à mettre en relation avec <strong>le</strong><br />

développement de l’influence romaine dans<br />

la région et la volonté des élites loca<strong>le</strong>s de<br />

favoriser <strong>le</strong> développement économique de<br />

la cité au cours des 1 e s. aC -­‐ 1 e s. pC, tandis<br />

que la rue à colonnade de Termessos, el<strong>le</strong>,<br />

paraît davantage s’inscrire dans la course<br />

au prestige à laquel<strong>le</strong> s’adonnèrent <strong>le</strong>s cités<br />

pendant <strong>le</strong> Haut-­‐Empire romain.<br />

A.-S. Rivalland


Abréviations<br />

RUES A COLONNADES<br />

AA : Archäologischer Anzeiger<br />

Anat. Ant. : Anatolia Antiqua/Eski Anadolu<br />

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ANMED : Anadolu Akdenizi Arkeoloji Haber<strong>le</strong>ri. News of Archaeology from Anatolia's Mediterranean Areas. Suna<br />

& İnan Kıraç Research Institute on Mediterranean Civilisations -­‐ AKMED, Antalya<br />

AncSoc : Ancient society. Leuven<br />

AS : Anatolian Studies : journal of the British Institute of Archaeology at Ankara<br />

AST : Araştırma Sonuçları Toplantısı<br />

BABesch : bul<strong>le</strong>tin antieke beschaving (= annual papers on classical archaeology)<br />

BCH : Bul<strong>le</strong>tin de correspondance hellénique<br />

BSAF : Bul<strong>le</strong>tin de la Société nationa<strong>le</strong> des antiquaires de France<br />

CCG : Cahiers du Centre Gustave-­‐Glotz<br />

EA : Epigraphica Anatolica : Zeitschrift für Epigraphik und historische Geographie Anatoliens<br />

GRBS : Greek, Roman and Byzantine studies<br />

JRA : Journal of Roman archaeology : an international journal<br />

JRS : The Journal of Roman studies<br />

KST : Kazı sonuçları toplantısı. Proceedings of Annual Congress organized by the General Direction of Antiquities<br />

in Turkey<br />

MDAI(I) : Istanbu<strong>le</strong>r Mitteilungen / Deutsches Archäologisches Institut, Abteilung Istanbul<br />

MedArch : Mediterranean archaeology : Australian and New Zealand journal for the archaeology of the<br />

Mediterranean world<br />

RdA : Rivista di archeologia<br />

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Vandeput/Köse 2004<br />

Vandeput, L. / Köse, V. (2004), “The Pisidian Survey Project: Surveys in Pednelissos 2003”, ANMED 2, 95-­‐100.<br />

Vandeput/Köse 2005<br />

Vandeput, L. / Köse, V. (2005), “Pisidien Survey Projekt : Pednelissos 2004”, 23. AST (2), 351-­‐358.<br />

Vandeput/Köse 2008a<br />

Vandeput, L. / Köse, V. (2008), “Pisidia survey project 2007: Remains in the territory of Pednelissos”, 26. AST, 45-­‐<br />

58.<br />

Vandeput/Köse 2008b<br />

Vandeput, L. / Köse, V. (2008), “Pisidia survey project 2008: research in the territory of Pednelissos”, AnatArch 14,<br />

32-­‐33.<br />

Vandeput/Köse 2009<br />

Vandeput, L. / Köse, V. (2009), “Pisidia Survey project: Survey in the Territory of Pednelissos”, 27. AST (2), 179-­‐<br />

194.<br />

Vandeput et al. 2004<br />

Vandeput, L. / Köse, V. / Zel<strong>le</strong>, M. / Laufer, E. (2004), “Pisidien Survey Projekt : Survey-­‐Kampagne 2003 in<br />

Pednelissos”, 22. AST (2), 235-­‐44.<br />

Vandeput et al. 2009<br />

Vandeput, L. / Köse, V. / Jackson, M. (2009), “Pisidia survey project 2009: pottery and more in the territory of<br />

Pednelissos”, AnatArch 15, 31-­‐32.<br />

Varkıvanç 2004<br />

Varkıvanç, B. (2004), “Zum Fragment einer Bekrönung aus dem Museum von Side”, Adalya 7, 185-­‐192.<br />

Varkıvanç 2007<br />

Varkıvanç, B. (2007), “Zum Fenster des sog. hel<strong>le</strong>nistischen Baues in Sillyon”, Adalya 10, 49-­‐61.<br />

159


Von Gerkan 1924<br />

Von Gerkan, A. (1924), Griechische Stadtanlagen, Berlin.<br />

160<br />

RİVALLAND<br />

Waelkens 1997<br />

Waelkens, M. (1997), “The 1996 Excavations at Sagalassos”, 19. KST (2), 249-­‐300.<br />

Waelkens 2000<br />

Waelkens, M. (2000“Sagalassos and Pisidia during the Late Bronze Age”, in : M. Waelkens / L. Loots (éds.),<br />

Sagalassos V. Report on the survey and excavation campaigns of 1996 and 1997, 2 vol., Louvain, 473-­‐485.<br />

Waelkens 2002<br />

Waelkens, M. (2002), “Romanization in the East: a case study : Sagalassos and Pisidia (SW Turkey)”, MDAI(I) 52,<br />

311-­‐368.<br />

Waelkens 2004<br />

Waelkens, M. (2004), “Ein Blick von der Ferne, Se<strong>le</strong>ukiden und Attaliden in Pisidien”, MDAI(I) 54, 435-­‐471.<br />

Zimmermann 1996<br />

Zimmermann, M. (1996), “Probus, Carus und die Räuber im Gebiet des pisidischen Termessos”, ZPE 110, 265-­‐277.


EPIGRAPHIE ET HISTOIRE DE LA CILICIE TRACHEE<br />

Emmanuel<strong>le</strong> Goussé<br />

Centre de Recherche et d’Etudes Histoire et Sociétés- EA 4027<br />

Résumé : Cet artic<strong>le</strong> présente de façon succincte <strong>le</strong>s recherches effectuées lors de mon doctorat. Mon attention se<br />

porte plus particulièrement sur <strong>le</strong>s noms de métier mentionnés dans <strong>le</strong>s épitaphes. Il s’agit de montrer<br />

l’importance que revêt l’épigraphie pour la connaissance de cette région méconnue à travers un exemp<strong>le</strong> précis.<br />

Mots clés : épigraphie, Cilicie Trachée, métiers, épitaphes.<br />

Abstract: This paper summarizes the research conducted during my PhD. My attention is mainly focused on the<br />

craftmanship names mentioned in epitaphs. The aim is to highlight the contributions of epigraphy in furthering<br />

the know<strong>le</strong>dge of this unknown region through a specific examp<strong>le</strong>.<br />

Keywords: Epigraphy, Cilicia Trachaea, craftsmanship, epitaph.


162<br />

GOUSSÉ


a Cilicie Trachée demeure, en dépit<br />

de la multiplication des travaux<br />

récents1 , une région méconnue. El<strong>le</strong><br />

conserve l’image que lui ont bien souvent<br />

donnée <strong>le</strong>s auteurs anciens2 : cel<strong>le</strong> d’une<br />

contrée peuplée de brigands et de pirates.<br />

Pourtant l’étude d’autres types de sources,<br />

notamment l’épigraphie, permet une<br />

connaissance plus intime de sa population.<br />

En effet, <strong>le</strong>s inscriptions sont nombreuses<br />

(plus de 2000) et ont fait l’objet de<br />

publications, dont la majorité est ancienne3 .<br />

L’étude des épitaphes, associée parfois àcel<strong>le</strong><br />

de <strong>le</strong>ur support, m’a notamment permis,<br />

dans <strong>le</strong> cadre de recherches doctora<strong>le</strong>s4 L<br />

, de<br />

présenter certaines caractéristiques de la<br />

société cilicienne. Ces résultats, dépendant<br />

directement de la documentation<br />

disponib<strong>le</strong>, portent essentiel<strong>le</strong>ment sur<br />

l’époque romaine et surtout sur <strong>le</strong> début de<br />

la période byzantine. La documentation<br />

funéraire très riche, un peu plus de 1200<br />

inscriptions, m’a permis d’aborder plusieurs<br />

thèmes. Dans cet artic<strong>le</strong> j’évoquerai<br />

brièvement la richesse et la variété des<br />

thématiques exploitab<strong>le</strong>s, puis développerai<br />

un point précis : <strong>le</strong>s noms de métier dans <strong>le</strong>s<br />

épitaphes.<br />

1 On peut notamment re<strong>le</strong>ver la réalisation de cinq<br />

colloques internationaux depuis 1998 : trois furent<br />

organisés à Mersin en 1998, 2002 et 2007, un à Istanbul<br />

en 1999 et un autre à Lincoln en 2007. Ceux de Mersin<br />

furent publiés dans la revue Olba respectivement dans<br />

<strong>le</strong>s <strong>volume</strong>s 2, 7 et 16, pour la tab<strong>le</strong> ronde d’Istanbul<br />

voir Jean et al. 2001 et pour <strong>le</strong> colloque de Lincoln voir<br />

Hoff/Townsend 2012.<br />

2 Par exemp<strong>le</strong> : Appien, Guerre mithridatique, 91 et<br />

suivants ; Dion Cassius, Histoire romaine, XXXVI.20-<br />

23 ; Strabon, Géographie, XIV.3.2 c. 664-665 ;<br />

Plutarque, Vie de Pompée, XXIV.1 et suivantes.<br />

3 Les principaux recueils d’inscriptions pour la Cilicie<br />

Trachée sont : Heberdey/Wilhelm 1896 ; Keil/Wilhelm<br />

1931 ; Bean/Mitford 1965 et 1970 ; Dagron/Feissel<br />

1987. Hagel et Tomaschitz ont réuni la quasi-totalité des<br />

inscriptions ciliciennes connues en 1998 dans<br />

Hagel/Tomaschitz 1998.<br />

4 Goussé 2009.<br />

EPIGRAPHIE ET HISTOIRE<br />

Principaux axes de recherche<br />

Le premier axe de recherche sur<br />

<strong>le</strong>quel j’ai travaillé dans <strong>le</strong> cadre de mes<br />

recherches doctora<strong>le</strong>s concerne <strong>le</strong> voca-­‐<br />

bulaire de la tombe. L’étude menée montre<br />

que <strong>le</strong> <strong>le</strong>xique employé en Cilicie Trachée<br />

pour désigner <strong>le</strong>s monuments funéraires est<br />

beaucoup plus banal que ce que nous<br />

présente globa<strong>le</strong>ment J. Kubinska dans son<br />

étude sur l’ensemb<strong>le</strong> de l’Asie Mineure 5 . Les<br />

termes employés sont essentiel<strong>le</strong>ment<br />

généraux. Les éléments de la tombe sont,<br />

quant à eux, rarement décrits 6 . Quelques<br />

termes spécifiques à la région apparaissent :<br />

παραστατικόν, λούτρα et ὀμφαλός. Le<br />

premier est caractéristique de Sé<strong>le</strong>ucie du<br />

Kalykadnos et semb<strong>le</strong> désigner <strong>le</strong> ‘lieu’ ou<br />

l’ ‘emplacement’. Λούτρα est issu du<br />

vocabulaire du bain 7 . En effet, son sens<br />

originel est ‘baignoire’. Il sera par la suite<br />

employé pour la cuve funéraire et donc <strong>le</strong><br />

sarcophage. La signification du terme<br />

ὀμφαλός demeure, quant à el<strong>le</strong>, obscure<br />

dans <strong>le</strong> cadre funéraire 8 .<br />

5 Kubinska 1968.<br />

6 Seuls quatre termes employés chacun à une reprise<br />

désignent uniquement une partie de la tombe. Il s’agit<br />

de κλισία (Heberdey/Wilhelm 1896, 69 n° 150),<br />

ὑποσόριον (Bean/Mitford 1970, 192 n° 213, la<br />

restitution de ce terme est cependant incertaine),<br />

βάθρον (Paribeni/Romanelli 1914, 155-164) et κρηπίς<br />

(Paribeni/Romanelli 1914, 85-87). En outre, on peut<br />

peut-être y adjoindre <strong>le</strong> terme de ἡμικύκλιον qui peut<br />

désigner soit l’ensemb<strong>le</strong> du monument soit une seu<strong>le</strong><br />

partie.<br />

7 Un autre terme, μάκρα, lui aussi issu du vocabulaire<br />

du bain, est employé en Cilicie Trachée.<br />

8 Ce terme est utilisé uniquement dans deux inscriptions<br />

gravées sur des tombes rupestres de Korykos :<br />

Keil/Wilhelm 1931, 159 n° 402 et 202 n° 712. Le<br />

Liddell/Scott <strong>le</strong> traduit dans un contexte architectural<br />

par ‘vault, tomb’. D’autre part, G. Karo<br />

(Daremberg/Saglio IV.1, 197), écrit : “Varron et<br />

Hésychius rappel<strong>le</strong>nt que l’omphalos était la tombe de<br />

Python”. Sans al<strong>le</strong>r jusqu’à voir une résonance de cette<br />

littérature dans <strong>le</strong>s épitaphes, nous possédons donc des<br />

attestations de ce terme au sens de tombe. Cependant<br />

163


Mon second axe de travail a été<br />

l’onomastique. La moitié environ des<br />

quelques 2000 noms connus par <strong>le</strong>s<br />

épitaphes de la région est d’origine grecque.<br />

Ils prédominent sur l’ensemb<strong>le</strong> de la<br />

période étudiée. Les noms latins ne se<br />

manifestent qu’assez tardivement. L’essen-­‐<br />

tiel des tria et duo nomina n’apparaissent<br />

pas avant <strong>le</strong> 2 e s. pC et même plus<br />

probab<strong>le</strong>ment au 3 e s. pC, suite à l’édit de<br />

Caracalla 9 . Après <strong>le</strong> 4 e s. pC on observe une<br />

relative uniformisation des noms. Les noms<br />

anatoliens, quant à eux, sont présents sur<br />

toute la période étudiée et on remarque<br />

<strong>le</strong>ur survivance à l’époque byzantine. Ceci<br />

démontre un attachement à un patrimoine<br />

onomastique local. Il convient de souligner<br />

que la documentation est très inéga<strong>le</strong> en<br />

termes de représentativité dans <strong>le</strong> temps et<br />

l’espace et qu’el<strong>le</strong> ne permet pas de voir une<br />

évolution au sein d’une cité. Ainsi, par<br />

exemp<strong>le</strong>, si la cité de Korykos fournit<br />

presque la moitié de la documentation<br />

épigraphique funéraire de Cilicie Trachée,<br />

cel<strong>le</strong>-­‐ci est essentiel<strong>le</strong>ment postérieure au<br />

4 e s. pC.<br />

Le troisième axe de recherche s’est<br />

attaché à la propriété et à la jouissance de la<br />

tombe. Pour ne mentionner que quelques<br />

résultats, on peut noter qu’avant l’époque<br />

chrétienne <strong>le</strong> fait d’ériger une tombe et d’en<br />

faire profiter sa famil<strong>le</strong> plus ou moins<br />

élargie est mis en va<strong>le</strong>ur. Ensuite, c’est<br />

plutôt la propriété qui est privilégiée. Les<br />

bénéficiaires sont ainsi rarement indiqués 10 .<br />

En outre, <strong>le</strong>s femmes apparaissent plus<br />

fréquemment avant <strong>le</strong> 4 e s. ap. alors qu’el<strong>le</strong>s<br />

sont presque absentes de la documentation<br />

postérieure 11 .<br />

l’architecture décrite par <strong>le</strong>s auteurs anciens pour <strong>le</strong><br />

tombeau de Python n’a rien à voir avec cel<strong>le</strong> des tombes<br />

rupestres sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s se trouvent <strong>le</strong>s mentions de ce<br />

terme.<br />

9 Cet édit qui accorde en 212 <strong>le</strong> droit de cité romaine à<br />

l’ensemb<strong>le</strong> des hommes libres de l’Empire eut pour<br />

conséquence l’adoption massive du gentilice Aurélius.<br />

10 Les propriétaires des tombes devaient généra<strong>le</strong>ment<br />

être éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s bénéficiaires, mais nous ne<br />

connaissons pas <strong>le</strong>s autres ayants droit.<br />

11 En effet, la part des femmes dans <strong>le</strong>s inscriptions de<br />

cette période est très faib<strong>le</strong>, même lorsqu’el<strong>le</strong>s sont<br />

164<br />

GOUSSÉ<br />

Enfin l’apport de l’épigraphie funéraire à la<br />

connaissance des défunts mais aussi de <strong>le</strong>ur<br />

croyance a fait l’objet d’un dernier axe<br />

d’étude qui permet de dévoi<strong>le</strong>r des pans<br />

entiers de l’histoire économique (à travers<br />

l’étude des métiers) mais aussi religieuse et<br />

culturel<strong>le</strong> de la région.<br />

Un exemp<strong>le</strong> : <strong>le</strong>s noms de métier dans<br />

<strong>le</strong>s épitaphes<br />

J’ai choisi, pour illustrer mon propos,<br />

de revenir brièvement sur certains résultats<br />

concernant <strong>le</strong>s noms de métiers dans <strong>le</strong>s<br />

épitaphes de la région. Il s’agit au total<br />

d’attestations de 487 personnes exerçant un<br />

métier 12 , auxquel<strong>le</strong>s s’ajoutent deux<br />

corporations et trente et un militaires ou<br />

vétérans 13 , que nous fournissent <strong>le</strong>s épitaphes<br />

de Cilicie Trachée. En outre vingt-­‐six ins-­‐<br />

criptions donnent des indications sur<br />

l’artisan de la tombe 14 . L’essentiel de ces<br />

mentions est postérieur au 4 e s. pC. Pour la<br />

période antérieure, même si <strong>le</strong>s inscrip-­‐<br />

tions sont peu nombreuses, on remarque<br />

une particularité qui disparaîtra dans <strong>le</strong>s<br />

périodes ultérieures. Il s’agit de la mention<br />

des artisans de la tombe et des vétérans.<br />

Sans doute faut-­‐il voir dans la disparition<br />

ultérieure des artisans au sein des ins-­‐<br />

criptions un lien avec la baisse de qualité<br />

des monuments funéraires construits ou<br />

creusés, probab<strong>le</strong>ment en rapport avec la<br />

généralisation, ou l’augmentation, de<br />

l’usage de tel<strong>le</strong>s structures.<br />

Peu de mentions de métiers ap-­‐<br />

paraissent comme datées avec certitude de<br />

l’époque antérieure au 4 e s. pC et appar-­‐<br />

associées à un homme. On peut supposer que <strong>le</strong>s tombes<br />

n’étaient pas individuel<strong>le</strong>s mais avaient une vocation<br />

familia<strong>le</strong> implicite. C’est en outre ce que laisse supposer<br />

la présence de formu<strong>le</strong>s indiquant une propriété sans<br />

mention des bénéficiaires sur des tombes rupestres avec<br />

plusieurs emplacements funéraires.<br />

12 Ne sont comptabilisées ici que <strong>le</strong>s mentions assurées.<br />

13 A ce sujet voir Goussé 2009 (<strong>volume</strong> 1), 327-330.<br />

14 Au sujet de ces inscriptions et des informations<br />

fournies voir Goussé 2009 (<strong>volume</strong> 1), 321-324.


tenant à des locaux. Lorsque c’est <strong>le</strong> cas, on<br />

voit que cel<strong>le</strong>s-­‐ci sont relatives à des<br />

professions demandant souvent un bagage<br />

intel<strong>le</strong>ctuel et/ou technique comme pour <strong>le</strong>s<br />

médecins 15 , intendants 16 , rhéteurs 17 . Par<br />

contraste, la variété des métiers mentionnés<br />

dans <strong>le</strong>s épitaphes à partir du 4 e s. pC<br />

montre la vitalité économique de la région<br />

ou, tout du moins, des localités où ces pro-­‐<br />

fessions sont évoquées. Il est diffici<strong>le</strong> de<br />

savoir quel<strong>le</strong>(s) raison(s) poussa<br />

(poussèrent) <strong>le</strong>s défunts à faire allusion à<br />

<strong>le</strong>ur métier alors qu’il ne s’agit pas d’une<br />

tradition ancrée dans la région. On peut<br />

cependant émettre des hypothèses, souvent<br />

en rapport avec l’essor économique et<br />

commercial que semb<strong>le</strong> connaître la région.<br />

En effet, cet essor a pu permettre l’émer-­‐<br />

gence de ‘nouveaux riches’ dont <strong>le</strong>s revenus<br />

provenaient de l’artisanat et du commerce.<br />

Ceux-­‐ci avaient donc désormais <strong>le</strong>s moyens<br />

de se faire ériger des monuments<br />

funéraires ; la mention de <strong>le</strong>ur profession<br />

permettait ainsi de <strong>le</strong> montrer. La présence<br />

de personnes exerçant des métiers moins<br />

prestigieux que ceux d’orfèvres, par<br />

exemp<strong>le</strong>, voire d’hommes cumulant deux<br />

professions 18 , peut alors s’expliquer par une<br />

appropriation des pratiques des riches par<br />

<strong>le</strong>s moins aisés. D’autre part, il est<br />

éga<strong>le</strong>ment possib<strong>le</strong> que l’érection de<br />

monuments funéraires construits et portant<br />

inscription se soit ‘démocratisée’, ce qui<br />

pourrait aussi expliquer la baisse généra<strong>le</strong><br />

de la qualité des monuments auxquels<br />

15<br />

Le terme de ἰατήρ est alors employé, à une époque<br />

plus tardive c’est celui de ἰατρός qui est privilégié.<br />

Deux exemp<strong>le</strong>s de cet emploi sont attestés dans des<br />

inscriptions des 2 e -3 e s. pC : Bean/Mitford 1965, 43 n°<br />

47 et Heberdey/Wilhelm 1896, 96 n° 179. Une sagefemme<br />

est éga<strong>le</strong>ment attestée à cette époque :<br />

Bean/Mitford 1965, 43 n° 47.<br />

16<br />

Οἰκονόμος. Voir l’inscription : Bean/Mitford 1970,<br />

105 n° 91.<br />

17<br />

Bean/Mitford 1965, 34 n° 36.<br />

18<br />

Dix-sept épitaphes présentent des personnes qui<br />

cumulaient deux activités. On trouve ainsi un cabaretier<br />

qui est éga<strong>le</strong>ment pêcheur à la nasse (Keil/Wilhelm<br />

1931, 143 n° 279), un potier qui fabrique des sacs<br />

(Keil/Wilhelm 1931, 169 n°470), un marbrier qui est<br />

aussi boulanger (Keil/Wilhelm 1931, 143 n° 273) ou<br />

encore un orfèvre qui est aussi maraîcher/jardinier<br />

(Keil/Wilhelm 1931, 152 n° 348).<br />

EPIGRAPHIE ET HISTOIRE<br />

seraient alors consacrés des budgets moins<br />

importants que de coutume. Cette<br />

population ne pouvant pas nécessairement<br />

faire l’éloge de qualités militaires ou<br />

politiques aurait alors choisi de faire<br />

apparaître ce qui la caractérisait, c'est-­‐à-­‐<br />

dire sa profession. Il est aussi envisageab<strong>le</strong><br />

que cette pratique soit importée d’une autre<br />

région sous l’effet du commerce. D’autres<br />

lieux, tel que Tyr, fournissent éga<strong>le</strong>ment de<br />

nombreuses attestations de métiers pour<br />

cette période 19 . Le développement du<br />

christianisme peut aussi être une des causes<br />

du changement de formulaire des épitaphes<br />

et de la mise en avant d’autres va<strong>le</strong>urs,<br />

tel<strong>le</strong>s que cel<strong>le</strong>s du travail ou de la croyance<br />

en Dieu. Aucune de ces différentes<br />

hypothèses n’est exclusive, et il est fort<br />

probab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s multip<strong>le</strong>s causes qu’el<strong>le</strong>s<br />

présentent aient agi de manière<br />

concomitante.<br />

Certaines professions, réservées aux<br />

femmes, ne sont qu’exceptionnel<strong>le</strong>ment<br />

mentionnées. Ainsi apparaissent deux<br />

nourrices et cinq sages-­‐femmes 20 .<br />

En ce qui concerne <strong>le</strong>s militaires, <strong>le</strong>s<br />

vétérans sont présents dans des endroits<br />

très variés 21 , soit qu’ils en étaient origi-­‐<br />

naires, soit qu’ils avaient obtenu des terres<br />

en ces lieux au moment de <strong>le</strong>ur décharge.<br />

Les militaires semblant être mort avant la<br />

fin de <strong>le</strong>ur service sont assez nombreux à<br />

Sé<strong>le</strong>ucie du Kalykadnos, où nous trouvons<br />

aussi <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s mentions d’archers de la<br />

région 22 . Cel<strong>le</strong>s-­‐ci indiquent probab<strong>le</strong>ment<br />

19 A ce sujet voir Rey-Coquais 1977, 152-161 et 1979,<br />

281-292. On a pu éga<strong>le</strong>ment observer, dans <strong>le</strong>s sièc<strong>le</strong>s<br />

précédents, la mention de métiers, et notamment de<br />

corporations, dans <strong>le</strong>s inscriptions funéraires de cités<br />

d’Asie Mineure comme Ephèse ou Hiérapolis (voir par<br />

exemp<strong>le</strong> Merkelbach/Nollé 1980 et Pennacchietti 1967).<br />

20 Respectivement : Keil/Wilhelm 1931, 133 n° 212 et<br />

Heberdey/Wilhelm 1896, 58 n° 133 et 134 pour <strong>le</strong>s<br />

nourrices ; pour <strong>le</strong>s sages-femmes : σώτειρα dans<br />

Bean/Mitford 1965, 43 n° 47 ; ἰατρίνη dans CIG IV,<br />

447-448 n° 9164 et CIG IV, 354 n° 9209 ; ἰατρόμαια<br />

dans Keil/Wilhelm 1931, 144 n° 292 ; μαῖα dans<br />

Keil/Wilhelm 1931, 187 n° 605.<br />

21 Dalisandos, Ezvendi, Gevinde, Kanytelis, Korykos,<br />

Mağara, Olba-Diocésarée et Sélinus.<br />

22 Quatre archers sont cités dans <strong>le</strong>s inscriptions de<br />

Sé<strong>le</strong>ucie du Kalykadnos, l’un est simp<strong>le</strong>ment qualifié<br />

165


la présence d’une garnison dans cette vil<strong>le</strong>.<br />

On note par ail<strong>le</strong>urs que <strong>le</strong>s légions II et III<br />

d’Isaurie devaient d’ail<strong>le</strong>urs s’y trouver 23 .<br />

Si Korykos est <strong>le</strong> lieu qui fournit <strong>le</strong><br />

plus d’attestations de métiers après <strong>le</strong> 4 e<br />

sièc<strong>le</strong>, quatre autres cités ou villages en<br />

montrent un nombre relativement impor-­‐<br />

tant au regard de la quantité d’épitaphes qui<br />

y ont été trouvées 24 . Les professions attes-­‐<br />

tées sont cel<strong>le</strong>s qui relèvent de l’activité<br />

urbaine, ce qui n’est pas étonnant puisque<br />

<strong>le</strong>s épitaphes indiquant des noms de<br />

métiers ont été retrouvées dans des<br />

nécropo<strong>le</strong>s de vil<strong>le</strong>s ou de villages<br />

importants.<br />

Ainsi Hagia Thékla avec ses trente et un<br />

monuments inscrits présente onze professions.<br />

Le sanctuaire de Sainte Thèc<strong>le</strong> devait attirer<br />

de nombreux fidè<strong>le</strong>s. Dès lors la présence<br />

d’un cabaretier est logique 25 ; on se serait<br />

ainsi (Hagel/Tomaschitz 1998, 357 Sel 53), un autre de<br />

‘soldat des archers’ (CIG IV, 454 n° 9216), un troisième<br />

de ‘soldat des archers impériaux’ (CIG IV, 453 n° 9207)<br />

et un quatrième de ‘chef des archers impériaux’ (CIG<br />

IV, 457 n° 9230). Les archers à cheval sont <strong>le</strong> type <strong>le</strong><br />

plus répandu, était-ce ici <strong>le</strong> cas ? Il semb<strong>le</strong> cependant<br />

que dans l’armée romaine, y compris tardive, ce type<br />

d’arme soit secondaire (Richardot 1998, 237). Les<br />

nombreuses mentions, par rapport au total des<br />

militaires, pourrait laisser penser qu’un corps d’archers<br />

stationnait à Sé<strong>le</strong>ucie du Kalykadnos. Il est probab<strong>le</strong><br />

qu’il appartenait à la prima Isaura sagittaria mentionné<br />

au 5 e s. pC dans la Notitia Dignitatum (VII). Il s’agit<br />

« de troupes pré<strong>le</strong>vées à la fin du IV e sièc<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s<br />

troupes limitanei pour venir renforcer cel<strong>le</strong>s du<br />

commitatus » (Rougé 1966, 310). Nos inscriptions<br />

évoquant des archers dateraient alors du 4 e s. pC.<br />

23 En effet, la Notitia Dignitatum ne mentionne qu’une<br />

seu<strong>le</strong> place forte pour ces deux légions ; cel<strong>le</strong>-ci est près<br />

de la mer et anonyme. Certains manuscrits la désignent<br />

sous <strong>le</strong> nom de Tarsus or cette cité est en Cilicie I,<br />

d’autres donnent ce nom à la mer. J. Rougé pense que<br />

cette cité est Sé<strong>le</strong>ucie « puisqu’el<strong>le</strong> est à peu de distance<br />

de l’embouchure du Calycadnos et que <strong>le</strong> siège de la<br />

vil<strong>le</strong> en 354 nous l’a montrée puissamment fortifiée »<br />

(Rougé 1966, 310). Cependant <strong>le</strong>s trois, puis <strong>le</strong>s deux<br />

légions d’Isaurie devaient être réparties dans plusieurs<br />

petits lieux fortifiés (voir Rougé 1966, 311).<br />

24 Je ne compte ici que <strong>le</strong>s lieux où un nombre<br />

relativement important de noms de métiers apparaissent.<br />

Klaudiopolis, par exemp<strong>le</strong>, ne fournit qu’une seu<strong>le</strong><br />

attestation de métier : un marchand de pains<br />

(ἀρτοπρατίσας), d’ail<strong>le</strong>urs la seu<strong>le</strong> fois où cette<br />

profession est attestée (Duchesne 1880, 205 n° 27).<br />

25 Κάπηλος dans Hagel/Tomaschitz 1998, 317 Mer 4.<br />

166<br />

GOUSSÉ<br />

d’ail<strong>le</strong>urs attendu à trouver plus de métiers<br />

relatifs à la restauration et à l’hôtel<strong>le</strong>rie.<br />

Chaque métier mentionné est attesté à une<br />

seu<strong>le</strong> occasion. Ils sont représentatifs de<br />

petites vil<strong>le</strong>s. En effet, il s’agit uniquement<br />

de professions uti<strong>le</strong>s à tous, non presti-­‐<br />

gieuses à l’exception de cel<strong>le</strong> de médecin 26 :<br />

artisans de la laine et du lin 27 , tisserand 28 ,<br />

tail<strong>le</strong>ur de pierre 29 , rémou<strong>le</strong>ur 30 , marchand<br />

de légumes 31 , maraîcher/jardinier 32 , fosso-­‐<br />

yeur 33 , vannier 34 .<br />

Olba-­‐Diocésarée avec ses quarante-­‐neuf<br />

inscriptions offre quatorze attestations de<br />

métiers. Cette fois <strong>le</strong>s métiers de l’ali-­‐<br />

mentation sont absents. Les métiers de la<br />

construction sont par contre plus présents<br />

puisque l’on en a six attestations (un<br />

architecte ou artisan 35 , trois charpentiers-­‐<br />

menuisiers 36 , un marbrier 37 , un peintre 38 ).<br />

Cela peut sans doute s’expliquer par la<br />

situation de ce lieu : dans <strong>le</strong>s contreforts du<br />

Taurus et entouré de forêts de pins. Les<br />

matières premières de plusieurs de ces<br />

métiers sont donc sur place. Les autres mé-­‐<br />

tiers sont relatifs à l’habil<strong>le</strong>ment (confec-­‐<br />

tionneurs de sagum et de sacs 39 ), à la<br />

gestion de domaine (deux intendants 40 ), à la<br />

cuisine (cuisinier du palais épiscopal 41 ), à la<br />

26 Dans Hagel/Tomaschitz 1998, 319 Mer 19 (lorsque je<br />

n’indique pas <strong>le</strong> terme en grec c’est qu’il est déjà apparu<br />

auparavant).<br />

27 Dans Keil/Wilhelm 1931, 20 n° 38 (λανάριος) et 22<br />

n° 40 (λινοξός).<br />

28 Σαγανάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 22 n° 46.<br />

29 Λιθοξός dans Keil/Wilhelm 1931, 22 n° 48.<br />

30 Dans Hagel/Tomaschitz 1998, 317 Mer 8.<br />

31 Il peut aussi s’agir d’un marchand d’herbes :<br />

λαχανοπώλης dans Hagel/Tomaschitz 1998, 317 Mer<br />

6.<br />

32 Κηπουρός dans Keil/Wilhelm 1931, 22 n° 41.<br />

33 Κοπιάτης dans Hagel/Tomaschitz 1998, 317 Mer 4.<br />

34 Σαργανάριος dans Hagel/Tomaschitz 1998, 318 Mer<br />

11.<br />

35 Ἀρχιτέκτων dans Keil/Wilhelm 1931, 77 n° 99.<br />

36 Ξυλικάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 74 n° 84, 77 n°<br />

95 et Hicks 1891, 267 n° 60.<br />

37 Μαρμαράριος dans Keil/Wilhelm 1931, 76 n° 91.<br />

38 Ζωγράφος dans Keil/Wilhelm 1931, 74 n° 83.<br />

39 Σαγγάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 76 n° 89 et<br />

σακκᾶς dans Hicks 1891, 269 n° 67. Ce dernier terme<br />

pourrait aussi désigner <strong>le</strong> portefaix.<br />

40 Keil/Wilhelm 1931, 77 n° 97 et n° 98.<br />

41 Keil/Wilhelm 1931, 74 n° 82.


vente de mu<strong>le</strong>s 42 , à la chasse (un fauconnier 43 )<br />

et peut-­‐être à la garde d’une prison 44 .<br />

Sé<strong>le</strong>ucie du Kalykadnos, riche de cent<br />

huit épitaphes, nous fournit trente et une<br />

attestations de métiers. Nombreux sont <strong>le</strong>s<br />

métiers dont <strong>le</strong> travail facilite la vie<br />

quotidienne des habitants de cette cité :<br />

travail texti<strong>le</strong> (un cardeur/foulon 45 , au<br />

moins deux fabricants de tissus grossiers 46 ,<br />

un tail<strong>le</strong>ur 47 ), du cuir (un fabricant de<br />

chaussures 48 , un tanneur 49 ), de la<br />

construction (deux marbriers 50 ), du métal<br />

(deux métallurgistes 51 ), de l’alimentation<br />

(deux bouchers 52 , un boulanger 53 , trois<br />

maraîchers dont un de cumin 54 ), mais aussi<br />

fabrication d’objets quotidiens (deux<br />

vanniers 55 , un verrier 56 ). Les services sont<br />

beaucoup plus présents dans cette cité :<br />

métiers relatifs à l’exercice de la médecine<br />

(trois médecins dont un public et une sage-­‐<br />

femme 57 ), un surveillant de bains privés 58 ,<br />

ou encore un joueur de pandore 59 . On y<br />

trouve éga<strong>le</strong>ment d’autres métiers peu ou<br />

pas attestés dans la région : un fabricant de<br />

chars 60 , un vendeur d’ânes 61 , un<br />

42<br />

Μουλαγόρας dans Keil/Wilhelm 1931, 76 n° 86.<br />

43<br />

Ἱερακάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 74 n° 79.<br />

44<br />

Keil/Wilhelm 1931, 74 n° 80.<br />

45<br />

Γναφεύς dans Langlois 1854, 51 n° 157.<br />

46<br />

Ἀγναφάριος dans Keil/Wilhelm, 1931, 17 n° 27.<br />

47<br />

Ῥάπτης dans Keil/Wilhelm, 1931, 14 n° 11.<br />

48<br />

Καλιγάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 18 n° 30.<br />

49<br />

Βυρ(σεύς) ou Βυρ(σοποιός) dans CIG IV, 455 n°<br />

9222.<br />

50<br />

Duchesne 1880, 199 n° 8 et n° 9.<br />

51<br />

Χαλκεύς dans CIG IV, 455 n° 9219 et 9220.<br />

52<br />

Μακελλάριος dans Hagel/Tomaschitz 1998, 357 Sel<br />

56 et 358 Sel 59.<br />

53<br />

Μάγκιψ dans CIG IV, 455 n° 9223.<br />

54<br />

Κηπουρός dans Paribeni/Romanelli 1914, 103 n°<br />

79 ; Langlois 1854, 51 n° 157 et 52 n° 168.<br />

55<br />

Σαργανάριος dans Hagel/Tomaschitz 1998, 363 Sel<br />

76 et σαργάριος dans CIG IV, 455 n° 9222.<br />

56<br />

Ὑελιάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 14 n° 10.<br />

57<br />

Keil/Wilhelm 1931, 16 n° 22 ; Duchesne 1880, 199 n°<br />

10 ; Hagel/Tomaschitz 1998, 362 Sel 74 pour <strong>le</strong>s<br />

médecins ; Hagel/Tomaschitz 1998, 353 Sel 30 pour la<br />

sage-femme.<br />

58<br />

Πριβατάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 17 n° 26.<br />

59<br />

Πανδοῦρος dans Duchesne 1880, 201 n° 19.<br />

60<br />

Probab<strong>le</strong>ment ἁρματοπηγός dans Langlois 1854, 51<br />

n° 161.<br />

EPIGRAPHIE ET HISTOIRE<br />

fauconnier 62 et un monétaire 63 , ce dernier<br />

venant sans doute d’Antioche, ainsi qu’un<br />

vérificateur de monnaies 64 . En comparaison<br />

avec Korykos, la métropo<strong>le</strong> de la province<br />

d’Isaurie semb<strong>le</strong> moins riche et com-­‐<br />

merçante. Il convient cependant de noter<br />

que Korykos a fourni un nombre beaucoup<br />

plus important d’inscriptions et que <strong>le</strong><br />

déséquilibre constaté entre Korykos et<br />

Sé<strong>le</strong>ucie puisse n’être que <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t de<br />

recherches archéologiques inéga<strong>le</strong>s.<br />

Le cas de Korasion est intéressant dans <strong>le</strong><br />

sens où il ne s’agit que d’un village qui<br />

semb<strong>le</strong> avoir eu une activité économique<br />

assez importante. En effet, vingt-­‐deux noms<br />

de métiers apparaissent. On y trouve encore<br />

des métiers relatifs à la vie de tous <strong>le</strong>s jours<br />

(un confectionneur de chaussures 65 , un<br />

boulanger 66 , un potier 67 , un barbier 68 , un<br />

médecin 69 ), ainsi que des métiers de<br />

services : un conseil<strong>le</strong>r juridique 70 , un<br />

gardien 71 , un teneur de comptes 72 . Le grand<br />

nombre de marchands d’hui<strong>le</strong> 73 , plus<br />

important qu’à Korykos, mais aussi la<br />

présence de trois cabaretiers 74 , d’un<br />

marchand de boissons ou de nourriture<br />

chaude 75 , ou encore cel<strong>le</strong> d’un graveur sur<br />

gemmes 76 , laisse supposer une activité<br />

commerçante accrue sans doute liée à la<br />

présence d’un port naturel et à la proximité<br />

de Korykos. En effet, ce village profite sans<br />

61<br />

Probab<strong>le</strong>ment ὀννάριος dans Hagel/Tomaschitz<br />

1998, 358 Sel 58.<br />

62<br />

Keil/Wilhelm 1931, 15 n° 17.<br />

63<br />

Μονιτάριος dans Aström 1990, 57 n° 1.<br />

64<br />

Ζυγοστάτης dans Hagel/Tomaschitz 1998, 363 Sel<br />

79.<br />

65<br />

Keil/Wilhelm 1931, 110 n° 131.<br />

66<br />

Ἀρτοκόπος dans Keil/Wilhelm 1931, 114 n° 170.<br />

67<br />

Κεραμεύς dans CIG IV, 452-453 n° 9201.<br />

68<br />

Κουρεύς dans Keil/Wilhelm 1931, 115 n° 177.<br />

69<br />

Keil/Wilhelm 1931, 114 n° 167.<br />

70<br />

Νομικός dans Keil/Wilhelm 1931, 111 n° 136.<br />

71<br />

Φύλαξ dans Keil/Wilhelm 1931, 110 n° 126.<br />

72<br />

Ταβουλάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 112 n° 161.<br />

73<br />

Ἐλαιοπώλης dans Keil/Wilhelm, 1931, 108 n° 114,<br />

111 n° 139 et 140, 112 n° 162, 114 n° 164a et n° 172.<br />

74<br />

Κάπηλος dans Keil/Wilhelm 1931, 115 n° 184 et116<br />

n° 192. Ποπινάριος (?) dans Keil/Wilhelm 1931, 114<br />

n° 168.<br />

75<br />

Θερμοπώλης dans Keil/Wilhelm 1931, 114 n° 165.<br />

76<br />

Καβιδάριος dans Keil/Wilhelm 1931, 108 n° 118.<br />

167


doute de l’arrivée des navires à Korykos<br />

dont certains amarraient peut-­‐être à<br />

Korasion. Plusieurs courriers, attestés à<br />

Korykos, étaient spécialisés dans <strong>le</strong> trajet<br />

entre cette cité et <strong>le</strong> village. Il faut<br />

cependant être conscient que certaines<br />

personnes inhumées à Korasion, car<br />

originaires de ce lieu, pouvaient travail<strong>le</strong>r à<br />

Korykos, située non loin. En outre, il semb<strong>le</strong><br />

que Korasion soit <strong>le</strong> port fortifié, édifié peu<br />

avant 375 pC, pour faciliter <strong>le</strong> rapport entre<br />

Sé<strong>le</strong>ucie du Kalykadnos et la mer que <strong>le</strong>s<br />

incursions isauriennes menaçaient 77 . Des<br />

artisans ont pu s’y instal<strong>le</strong>r pour des raisons<br />

économiques.<br />

Korykos est <strong>le</strong> lieu où sont majo-­‐<br />

ritairement attestées <strong>le</strong>s activités profes-­‐<br />

sionnel<strong>le</strong>s. Il convient de garder à l’esprit<br />

que la nécropo<strong>le</strong> de cette cité a été<br />

particulièrement bien conservée, bien<br />

mieux que cel<strong>le</strong> des autres sites étudiés,<br />

puisque 648 épitaphes sont parvenues<br />

jusqu’à nous. Presque toutes <strong>le</strong>s catégories<br />

de métiers sont représentées, allant de ceux<br />

qui ne nécessitent aucune qualité<br />

particulière (gardien par exemp<strong>le</strong> 78 ) à ceux<br />

demandant un savoir-­‐faire précis (orfèvre 79 ,<br />

brodeur 80 ) ou une connaissance intel-­‐<br />

<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> (médecin 81 , notaire 82 ). Si <strong>le</strong>s<br />

métiers dont <strong>le</strong>s produits ou <strong>le</strong>s services<br />

servant à la vie quotidienne sont bien<br />

représentés, il est intéressant de noter<br />

l’importance de ceux liés au commerce, à la<br />

restauration et à l’hôtel<strong>le</strong>rie, à l’argent, mais<br />

surtout la présence de nombreux métiers<br />

77<br />

A ce sujet voir Rougé 1966, 296.<br />

78<br />

Παραφύλαξ dans Keil/Wilhelm 1931, 199 n° 683.<br />

79<br />

Αὐράριος : Duchesne 1883, 242 n° 36 ;<br />

Keil/Wilhelm 1931, 152 n° 348 et 161 n° 413.<br />

Πρωταυράριος : Keil/Wilhelm 1931, 150 n° 335, 152<br />

n° 351, 162 n° 428 et 188 n° 607. Χρυσοχόος :<br />

Duchesne 1883, 235 n° 10, 246 n° 54 et n° 55 ;<br />

Keil/Wilhelm 1931, 160-161 n° 411, 162 n° 423 et 175<br />

n° 517.<br />

80<br />

Πλουμάριος : Keil/Wilhelm 1931, 144 n° 285, 154<br />

n° 364 (?), 156 n° 378 (?), 159 n° 404, 162 n° 429, 165<br />

n° 441, 172 n° 496, 176 n° 523 (?), 195 n° 665, 199 n°<br />

685 et peut-être βαρ(βαρικάριος) : Keil/Wilhelm<br />

1931, 142 n° 266.<br />

81<br />

Keil/Wilhelm 1931, 160 n° 409, 176 n° 528 et 190 n°<br />

617.<br />

82<br />

Νοτάριος : Duchesne 1883, 244 n° 45.<br />

168<br />

GOUSSÉ<br />

relatifs à des denrées de luxe : brodeurs,<br />

dont peut-­‐être un de fils d’or 83 , fabricants<br />

ou marchands de linon 84 , confectionneurs<br />

de chaussures de luxe 85 , nombreux<br />

marbriers 86 , marchands de blé de qualité<br />

supérieure 87 , pâtissiers spécialisés 88 , pêcheurs<br />

de pourpres 89 , orfèvres 90 , graveurs sur<br />

gemmes 91 , parfumeurs 92 , ou encore<br />

fabricants de papyrus 93 . Il semb<strong>le</strong> bien que<br />

Korykos soit un centre de commerce<br />

important, notamment maritime, avec<br />

l’exportation de produits de la région : vin,<br />

hui<strong>le</strong>… qui nécessite la présence de lieux de<br />

restauration et d’hôtel<strong>le</strong>rie pour <strong>le</strong>s<br />

marchands de passage tout comme la<br />

présence de banquiers. L’importance des<br />

potiers 94 , presque exclusivement attestés à<br />

Korykos, peut s’expliquer par la nécessité<br />

de contenants pour <strong>le</strong>s denrées exportées.<br />

Les services sont particulièrement bien<br />

représentés, ce qui n’étonne pas dans une<br />

vil<strong>le</strong> portuaire dont l’activité économique ne<br />

83 Keil/Wilhelm 1931, 142 n° 266.<br />

84 Ὀθονιακός : Keil/Wilhelm 1931, 182 n° 558 et 562 ;<br />

Langlois 1854, 42 n° 116 ; Duchesne 1883, 244 n° 42 et<br />

n° 43.<br />

85 Καλιγάριος βαβυλωναρίου : Duchesne 1883, 243<br />

n° 40.<br />

86 Keil/Wilhelm 1931, 143 n° 273, 180 n° 554, 199 n°<br />

683 et 204 n° 721.<br />

87 Σιλιγνάριος : Keil/Wilhelm 1931, 201 n° 700 et 205<br />

n° 727.<br />

88<br />

Βασυμνιάτης : Keil/Wilhelm 1931, 192 n° 645.<br />

Ἰτράριος : Duchesne 1883, 242 n° 35 ; Keil/Wilhelm<br />

1931, 180 n° 549. Παστιλλάριος : Keil/Wilhelm 1931,<br />

172 n° 495, 191 n° 636 et 209 n° 754. Pour des<br />

précisions sur ces termes voir Goussé 2009 (<strong>volume</strong> 1),<br />

346.<br />

89<br />

Κογνυλεύς : Langlois 1854, 43 n° 126 ;<br />

Keil/Wilhelm 1931, 147 n° 309 et 187 n° 601.<br />

ἀσπαραγυλιωκογξυλεύς (pêcheur à casier de murex) :<br />

Keil/Wilhelm 1931, 198-199 n° 681.<br />

90<br />

Voir note 79.<br />

91<br />

Keil/Wilhelm 1931, 136 n° 226 et 144 n° 289.<br />

92<br />

Μυρεψός : Keil/Wilhelm 1931, 144 n° 289, 151 n°<br />

344, 166 n° 448, 200 n° 699 et 202 n° 712.<br />

93<br />

Χαρτυφάντης : Keil/Wilhelm 1931, 147 n° 310 et<br />

154 n° 361.<br />

94<br />

Κεραμεύς : Langlois 1854, 41 n° 115 ; Duchesne<br />

1883, 235 n° 11, 240 n° 26-28 ; Keil/Wilhelm 1931, 134<br />

n° 220, 138 n° 251, 143 n° 276, 144 n° 283, 150 n° 326,<br />

151 n° 337 et n° 346, 161 n° 411 et n° 412, 172 n° 491<br />

et n°492, 175 n° 512, 176 n° 519, 191 n° 627 et n° 635,<br />

192 n° 640, 201 n° 702 et n° 708, 204 n° 726 et 206 n°<br />

737. Ὀστρακάριος : Keil/Wilhelm 1931, 202 n° 718.


fait aucun doute. L’importance de<br />

l’exportation explique éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s<br />

nombreux métiers relatifs à l’activité<br />

portuaire. L’activité texti<strong>le</strong> est très présente<br />

et devait à la fois alimenter <strong>le</strong> marché local<br />

et celui extérieur. Cel<strong>le</strong>-­‐ci montre d’ail<strong>le</strong>urs<br />

une forte division des tâches 95 . Enfin, il<br />

convient de souligner <strong>le</strong> cumul d’activités,<br />

bien souvent par des personnes exerçant<br />

des professions dont <strong>le</strong>s revenus devaient<br />

être faib<strong>le</strong>s, et l’exercice de professions par<br />

des c<strong>le</strong>rcs majeurs 96 . Quelques épitaphes<br />

nous fournissent <strong>le</strong>s professions de<br />

plusieurs membres d’une même famil<strong>le</strong> 97 .<br />

Des professions semb<strong>le</strong>nt être perpétuées<br />

par plusieurs membres de la famil<strong>le</strong> pour<br />

des raisons probab<strong>le</strong>ment économiques ou<br />

de transmission du savoir. D’autres<br />

épitaphes en revanche nous indiquent<br />

l’exercice de divers métiers dans une même<br />

famil<strong>le</strong>, mais ceux-­‐ci restent bien souvent<br />

d’un niveau social comparab<strong>le</strong>. Seul fait<br />

notab<strong>le</strong>, l’absence d’enseignants ou de<br />

domestiques dans <strong>le</strong>s épitaphes postérieures au<br />

4 e s. pC 98 , ainsi que <strong>le</strong> très faib<strong>le</strong> nombre de<br />

personnes travaillant dans <strong>le</strong>s arts 99 .<br />

95<br />

On trouve des artisans de la laine, du lin, des<br />

blanchisseurs ou fabricants de mante<strong>le</strong>ts, des brodeurs,<br />

des cardeurs, des confectionneurs de braies, des<br />

fabricants d’habits, des fabricants ou vendeurs de<br />

linons, des fabricants de sacs, de tissus grossiers non<br />

foulés, des peigniers (ou fabricants de trieuses à laine),<br />

des tail<strong>le</strong>urs, des vendeurs de lin, un vendeur de<br />

manteaux, un autre de clannis, des tisserands dont un<br />

spécialisé dans <strong>le</strong> lin, un tail<strong>le</strong>ur ou encore un<br />

dégraisseur. Sur ces métiers voir Goussé 2009 (<strong>volume</strong><br />

1), 331-334.<br />

96<br />

Par exemp<strong>le</strong> un archidiacre est éga<strong>le</strong>ment médecin<br />

(Duchesne 1883, 245 n° 50). Pour l’ensemb<strong>le</strong> des<br />

résultats voir Goussé 2009 (<strong>volume</strong> 1), 362-364.<br />

97<br />

Pour <strong>le</strong>s résultats voir Goussé 2009, 355-357.<br />

98<br />

S’explique par la pauvreté et <strong>le</strong>ur statut pouvant être<br />

servi<strong>le</strong>.<br />

99<br />

On note la présence d’un joueur de pandore<br />

(Duchesne 1880, 201 n° 19) et peut-être d’un aulète<br />

(Keil/Wilhelm 1931, 180 n° 554).<br />

EPIGRAPHIE ET HISTOIRE<br />

Si la contribution des épitaphes à la<br />

connaissance des métiers et des activités de<br />

la région est importante, tout au moins pour<br />

la période postérieure au 4 e s. pC, <strong>le</strong>s<br />

inscriptions funéraires n’apportent presque<br />

rien dans d’autres domaines tels que <strong>le</strong>s<br />

institutions. En effet, el<strong>le</strong>s ne mentionnent<br />

que des magistratures et ce dans de rares<br />

cas. Une étude des autres types d’inscriptions<br />

sera nécessaire pour dresser un tab<strong>le</strong>au<br />

plus réaliste des institutions de la région. Je<br />

commence désormais à approfondir l’étude<br />

de la société cilicienne à travers la<br />

documentation épigraphique autre que<br />

funéraire, qu’il s’agisse d’inscriptions hono-­‐<br />

rifiques, de construction ou encore de<br />

décrets.<br />

E. Goussé<br />

169


Bibliographie<br />

170<br />

GOUSSÉ<br />

Aström 1990<br />

Aström, P. (1990), “Greek inscriptions from Se<strong>le</strong>ukeia in Cilicia”, in : S.T. Theodorsson (éd.), Greek and latin studies<br />

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Akademie der Wissenschaft Wien 85], Vienne.<br />

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171


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